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CONSULTATION
POUR
L e citoyen J e a n - J o s e p h C H O U S S Y -D U P I N , homme
de loi, habitant de la ville d u P u y , In tim é, et défen
deur en opposition;
CONTRE
Dame C a t h e r i n e -M a r i e - F r a n ç o i s e F A U C H E R
,
,
et B a r t h é l é m y V A C H E R , son m a ri de lui auto
,
risée propriétaires
,
,
habitans de la ville d ’A r l a n t ,
A pp ella n s et demandeurs en opposition.
L e s SOUSSIGNES, qui ont vu et examiné les pièces
et procédures de la contestation pendante entre JeanJoseph C h oussy-D upin, d’ une part, C a therine-Marie
Faucher et Barthélém y V a ch e r, son mari, d’autre part,
sur la demande formée par ledit Choussy, en main
levée et radiation d’une inscription de la somme de
32,000 francs, formée contre lui, au bureau des h yp o
thèques , par ladite Faucher et son mari ;
E s t i m e n t que la dem ande fo rm ée par le citoyen
A
�( 2)
C h o u ssy, est à l ’abri de toute contradiction raison
nable.
L e citoyen Choussy et la D am e Faucher ont été.
unis .-par le mariage, en i y 6 5 , séparés de fait depuis
1780, et par le divorce, depuis 1793.
Après des contestations sans n o m b re , sur lesquelles
nous aurons occasion de revenir dans la suite, les par
ties passèrent un com prom is, le i
5
nivôse an
3,
pour
régler leurs difiérens, et spécialement pour prononcer
sur l’appel d’un jugement d’un tribunal de fam ille,
rendu à Craponne , par défaut , contre la D am e
Faucher, le 4 octobre 1793 , lequel appel était alors
pendant au tribunal de Brioude.
L ’objet de ce procès était la liquidation des reprises
et créances respectives que le citoyen Choussy et la
' D am e Faucher avaient à exercer l’un contre l’autre
' parsuite de leur divorce, provoqué par la D am e Faucher.
^ Les parties ont nommé pour leurs arbitres, le citoyen
’ Bergier et le soussigné : elles ont voulu qu’ils rendissent
leur j u g e m e n t sans appel et en dernier ressort.
Ce jugement a été rendu les 2 7 , 28', 29 et
3o
prai
rial an 3. .
Parmi les nombreuses dispositions de ce jugement
qui a 119 rôles d’expédition, celle qui donne lieu à
la contestation actuelle, est concue en ces termes:
■r.iii 1’
« Déclarons Choussy débiteur, toute compensation
« faite,, de la sommé de 1 7 ,2 2 0 liv. 7 sous 8 den. pour
« excé d en t, et des intérêts depuis le 10 octobre der« î^ier , époque où .ont été arrêtés les calculs d’intérêts
«'par le jugement dont est appel.
�c 3 }
«
«
«
te
«•
•
« Pour opérer le paiement doludito créance, et par
les motifs oxprimés au jugement dont est appel, disons qu’il a été bien jugé par ledit ju g e m e n t, en ce
qu’il déclare la citoyenne Faucher propriétaire j u s
qu’ à concurrence de son du des sommes consignées,
en conséquence des saisies et oppositions par elle faites,
a à la recette des consignations du district d’A m b e r t ,
« tant, par D u m a r e t, acquéreur d’ une maison et do
te maine vendus par Choussy, que par P o m ier, débi« teur dudit Choussy ; en conséquence quelle retirera
« des consignations sur Lesdites sommes consignées , La,
« susdite somme de 17,220 L 7 s. 8 d . , montant de sa
« créancej ainsi quelle avisera; au moyen de ce, déce clare Choussy quitte dès à présent envers Lad. Faucher.
Une disposition postérieure fait main-levée pure et
simple audit C h ou ssy, de toutes saisies et oppositions
sur lui faites de la part de ladite Fau cher, soit au sceau
des lettres de ratification prises sur les aliénations par
lui faites, soit entre les mains de ses débiteurs, ou de
toutes autres saisies ou oppositions fuites ou à faire.
Enfin une dernière disposition de ce jugement porte:
qu’il sera exécuté en dernier ressort et sans appel, con
formément à la loi.
Ce jugement arbitral a été homologué par le tribu
nal de Brioude, le 2 messidor suivant ; il a ensuite été
signifié par le citoyen Choussy à la D am e Faucher
el à son m ari, le i 5 du même mois.
l ’ ar cette signification, le citoyen Choussy a sommé
la D am e Faucher et le citoyen V a c h e r , son m a r i, de
se conformer à ce ju gem en t, et de retirer les papiers,
A 2
�(4 )
.• .
dont il avait été condamné h lui faire la rem ise, des
mains de Lem erle , notaire, chez qui il avait été obligé
d ’en faire le d ép ôt, sur leur refus de les recevoir, et
il ajoute de rech ef, les sommant au ssi de se conformer
et satisfaire en tout à La teneur dudit jugem ent.
L e citoyen Choussy a cru devoir ensuite faire des
réserves et protestations en ces termes :
« Auxquels ledit instant déclare ne pas acquiescer
« ni icelui approuver quant a u x articles qui auront
« été ju g é s à son préjudice et contraires aux lois , c ’est« à-dire , qant a u x chefs qu’il se trouvera lésé , et
« dont les dispositions seront contraires à la l o i , pro« testant et se réservant de se pourvoir en cassation,
« s’il y a lieu , etc. »
Il est assez évident par soi-m êm e, i.° que ces pro
testations étaient insignifiantes, et ne pouvaient porter
atteinte à ce jugement ni en empêcher l’exécution ;
2.0
Q u’elles n’avaient rien de relatif à la somme
de 17,220 livres 17 sous 6 deniers, que la D am e
Faucher devait retirer du bureau des consignations
d’A m b e r t, puisque ces protestations ne frappaient que
sur les articles qui auraient été ju g é s à son p réju d ice,
ccst-à -d ire , a u x chefs q u 'il se trouverait lésé.
Q uoiqu’il en s o it , la Dame Faucher et son mari
ayant voulu attaquer ce jugement arbitral au tribunal
do Brioude , sous prétexte qu’elle avait révoqué le
compro uis, elle a été déclarée non-recevable dans sa
demande par jugement du 27 thermidor suivant , et
il a été ordonné que le jugement arbitral serait exécuté
selon sa forme et teneur.
�I
L ’un et l’autre de ces jugemens ont été depuis for
mellement exécutés par toutes les parties.
L a D am e Faucher et son mari ont retiré les papiers
que le citoyen Choussy avait été obligé de déposer
chez L e m e r le , notaire , en exécutioii du jugem ent
arbitral.
Il a été obligé de les poursuivre depuis pour le paie
ment de la moitié des frais du jugement arbitral et de
ceux du jugement du 27 thermidor ; il a fallu un nou
veau jugement pour les y contraindre ; ils ont exécuté
tous ces difîérens jugemens et en ont payé tous les frais.
Tous ces faits sont consignés et avoués p a rle citoyen
V acher et sa fe m m e , dans un dernier jugem ent du
tribunal d’A m b e rt, du 16 thermidor an 8.
C ’est dans cet état de choses que le citoyen Choussy
ayant appris que la D am e Faucher et son mari
avaient fait une inscription sur ses biens de
32,000
liv.
sous prétexte de cette prétendue créance de 17,220 liv.
7 sous 8 deniers et des intérêts , s’est pourvu contre
eux pour obtenir la radiation de cette inscription.
On a dit en commençant que celte demande du
citoyen Choussy était à l ’abri de toute contradiction
raisonnable.
Et en efTet on voit dans les défenses fournies par la
D am e Faucher et son m a r i, le 19 nivôse d ern ier,
qu’ils opposent deux moyens au citoyen Choussy.
L e p r e m ie r , q u ’;i raison des protestations contenues
dans sa signification du jugem ent arbitral, du mois de
prairial an
3,
ils n ’ont pas dû se présenter ch e z le
receveu r des consignations po u r retirer celte sommet
de 17,220 liv. 7 sous 8 deniers.
�L e second., que cette somme de 17,220 liv. 7 sous
8 deniers provenant de ses biens dotaux , il n’est ni juste
ni honnête que le citoyen Choussy s’en libère en assi
gnats qui étaient déjà dans le plus grand discrédit à
l ’époque du jugement dont il s’agit; que ce paiement
en assignats est d’ailleurs contraire à la loi du 2 5 mes
sidor an 3 , qui a suspendu le remboursement des dots
des femmes.
Quant au premier m oyen , on a déjà vu combien
il était frivole.
L e citoyen Clioussy a observé dans ses réponses aux
défenses qui lui ont été signifiées par ses adversaires,
qu ’il n’a fait ces protestations que parce qu’il avait
éprouvé jusques là des chicanes inouies , qu’il était
menacé d ’en éprouver de nouvelles, et de tout genre^
et qu’il a voulu par là se mettre en mesure contre
toutes les tracasseries qu’on pourrait lui susciter.
Mais quoiqu’il en soit de ces motifs , il n’y a rien
dans ces protestations dont la D am e Faucher et son
mari puissent tirer lo plus léger avantage contre le
citoyen Choussy.
11 est bien essentiel de rem arquer, i.° qu’ils ne sont
pas recevables à critiquer le jugement dont il s’a g it,
en ce que ce jugement a'confirmé le premier jugement
du tribunal de famille , qui portait que les sommes
consignées seraient aux risques de la D am e Faucher
jusqu’à concurrence du montant do sos créances contro
son mari.
C e t t e lin de non-recevoir résulte, soit de ce que ce
j u g e m e n t est e n dernier ressort, soit de ce qu’il a été
pleinement exécuté par eux.
�(
7
)
a.0 Qu’ils ne prétendent même pas que les arbitres
aient mal jugé en laissant cette consignation aux risques
de la D am e Fauclier.
D e soi'te que toute la contestation se réduit sur ce
point à savoir silesprotestationsconsignées dans la signi
fication du i
5 messidor an 3 ,
ont dû arrêter l’exécutiou
de ce ju g e m e n t, et empêcher la D am e Faucher de
retirer les deniers consignés.
Or , il est difficile de trouver quelqu’obstacle au retirement de ces deniers dans cette signification , lors
qu’on y lit ces mots : Les sommant aussi de se conf ormer
et satisfaire en tout à La teneur dudit Jugement.
' On veut abuser des protestations qui suivent, mais
« c’est une maxime certaine , dit Denizart , au mot
« protestations, N.° 3 , que quand l’action est contraire
« à la protestation, elle la détruit. »
D ’ailleurs non-seulement cette protestation n’a rien
de contraire à la sommation qui la précède de retirer
les deniers consignés, mais elle la confirme au contraire
formellement en ce qu’elle ne porte que sur Les articles
qui auraient cté jugés, à son p réju d ice, c’est-à-dire ,
quant a u x chefs qu’il se trouvera Lésé. D ’où il résulte que
cette protestation n’avait rien de commun aux deniers
consignés que la D am e Faucher devait retirer, puisque
cet article n’avait pas été jugé au préjudice du citoyen
Choussy , et qu’il ne s’y trouvait pas lésé.
11 était donc difficile de trouver un prétexte plus
frivole ù l ’inscription que la Dam e Faucher et son
mari ont fait faire sur le citoyen Choussy.
I l ne reste q u ’à exam iner si le prétexte du paiem ent
en assignats est plus imposant.
�( S )
0 u ce moyen est opposé com m e une simple consi
dération 011 comme moyen de droit.
Si c ’est comme moyen de considération, il se retourne
contre la Dam e Faucher: c’est elle qui a nécessité
la consignation des deniers; non-seulement elle a fait
mal-à-propos des opposilionsau bureaudes hypothèques
et des saisies entre les mains de tous ses débiteurs,
quoiqu’elle le supposât millionnaire, comme elle le dit
dans ses défenses du 19 nivôse d ern ier, mais elle n ’a
pas môme eu égard aux cautions les plus satisfaisantes
que le citoyen Choussy a présentées , et q u ’il a fait
recevoir, de sorte que celte consignatiçn et le dépé
rissement des assignats est uniquement de son fait, et
n ’est arrivé que par sa faute.
A u surplus, ce n’est pas seulement ces 17,220 liv.
q u ’elle a fait ainsi dépérir par les chicanes qu’elle a
multipliées à l’infini pour nécessiter cette consignation,
elle a encore fait perdre au citoyen Choussy plus de
24,000 liv. qui formèrent le restant des assignats con
signés qui sont restés pour son com pte; on sent d ’après
cela que si les motifs de considération pouvaient être
de quelque poids aux yeu x de la justice , le citoyen
Choussy serait seul en droit de les invoquer en sa faveur. ‘
Quant au moyen de droit résultant de la loi du 2 5
messidor an
3,
il se retourne encore contre la D am e
Faucher cl son mari.
L e jugement arbitral rendu en dernier ressort était
du mois de prairial, il était rendu contradictoirement
avec la D am e Faucher cl en présence de sôn fondé
de pouvoir qui avait assisté à toutes les séances.
�( 9 )
^
C ’est dès-lors du moment que le Jugement a élé
rendu que le paiement est censé effectué, puisque ce
jugement porte que le jugement du tribunal de lamille
est confirmé, en ce qu’il déclare la Dam e Faucher
propriétaire j u s q u à concurrence de son dit des sommes
consignées.
Voudrait - on compter ce paiement d u . j o u r d e l a
signification du ju gem en t, cette signification est du i 5
messidor, par conséquent bien antérieure à la loi.
E n fin , la loi de suspension qu’on oppose au citoyen
C h o u ssy , porte une exception en sa faveur pour le cas
particulier dans lequel il se trouve.
L ’art. I I I est ainsi conçu: «Sont compris dans cette
« suspension provisoire, les remboursemens deâ capi«■taux q u i, en cas de dissolution du mariage, doivent
« être restitués par le mari ou ses héritiers, à la femine
«■ou aux héritiers de la femme. »
Art. I V « L a suspension prononcée par l’article pré« cèdent n’aura lieu que dans le cas de dissolution du
« mariage, par la mort d’ un des époux ou par l’effet
«■du divorce prononcé sur la demande du m ari, sans
« cause déterminée."
A in s i, toutes les fois que le divorce a élé demandé
pour cause d ’incompatibilité d’humeur et de caractère
par une fe m m e , après avoir quitté son mari depuis
1 5 ans , comme dans l’espèce, il n’y avait plus lieu à la
suspension prononcée par cette loi, et le mari pouvait
se libérer après comme avant la loi du 2 5 messidor.
Ce qui ne laisse pas mêm e le plus léger prétexte h
la D am e Faucher , d’exciper de cette loi qui con-
'Vjf-
'
�( to )
damnerait formellement sa prétention, si elle ne lui
élait pas étrangère par la circonstance que tout était
terminé entre les parties pour cet objet, depuis le 3 o
prairial précédent, époque du jugement.
D élibéré à Clerm ont-Ferrand, le 10 germinal an 9.
D a r t i s - M a r c i l l a t , B o ir o t, P a g è s- M e ijia t.
L E C O N S E IL S O U S S IG N É , qui a vu la présente
Consultation, est entièrement du mêm e avis et par les
mêmes raisons. Outre qu’on a prouvé dans cette con
sultation jusqu’à la démonstration que les protestations
du citoyen Clioussy ne pouvaient apporter aucun obs
tacle à ce que la D am e Faucher retirât les effets con
signés , comme d ’ailleurs ces protestations ne frap
paient pas sur l’objet des sommes consignées, mais sur
les chefs qui pouvaient être sujets à cassation, dès que
la demande en cassation ne fut pas form ée, et que le
délai de la former fut passé, la D am e Faucher aurait
dû dès-lors renier les effets consignés; mais de plus,
1111 jugement en dernier ressort mettait la consigna
tion à ses risques.
D élibéré à H io m , le 12 germinal an 9.
G a s c iio n , P a g e s , A n d r a u d ,
L. F. DELArciiiEii.
L E C O N SE IL SO U SSIG N E , q u i a vu les Consulta
tions ci-dessus, e s t i m e , qu’indépendamment de la dé-
�667
( i i )
faveur complette qui accompagne la personne et la
pr ét en ti on de la D am e Faucher , contre le citoyen
C h o u s s y , il est évident que son inscription S'e peut se
soutenir, parce.qu’à supposer que les protestations du
citoyen Clioussy contre le jugement arbitral, rendu en
j
j
t
dernier ressort par les cil oyensBergier et Boirot, eussent
le degré d’intensité que la D am e Faucher leur donne,
elles 11e seraient toujours pas plus considérables qu’un
appel en cassation; o r, il est certain que l’appel en tri
bunal de cassation ne pouvait arrêter l ’exécution du
jugement arbitral, ni pour le principal, ni pour les in
térêts , ni pour les dépens, et qu’ainsi les protestations
du citoyen Choussy n ’empêchaient point la D am e
Faucher de retirer les effets consignés. En les retirant
de la consignation , la D am e Faucher ne se com
promettait en rien , au lieu qu’en les laissant à la con
signation, il y avait beaucoup de danger. Elle a donc
bien voulu courir la chance de l’é v é n e m e n t, et dèslors elle ne peut en imputer la faute qu’à elle-même.
A u surplus, les consultations détruisent si parfaitement
les objections de la D am e F aucher, qu’on ne conçoit
pas comment elle pouvait persister à faire valoir son
inscription, qui est absolument sans fo n de m en t.
Délibéré à R io n i, ce i 3 germinal an 9.
C. L . R o u s s e a u .
L E S SOUSSIGNES, qui ont pris lecture des avis déli
bérés à R iom , les 9 , 12 et i
• sus-transcrits,
L
3 du mois courant,
qui sont
)
�( 12)
E s t i m e n t que si les faits et les jugemens rappelés et
datés dans le prem ier des susdits a v i s , sont exacts , la
justice ou ses ministres ne sauraient trop-tôt s’ empresser
de rejeter ou d ’ordonner la radiation d ’ une inscription
aussi injustem ent hasardée., e n faisant su p p o rter à ce u x
qui se la sont p e rm is e , les frais et les dépens qu’ils au
ront ainsi tém érairem ent occasionn és, sans prétexte
co m m e sans raison.
Pour avis, au P u y , le 2 5 germinal an 9.
L
obeyrac,
Gallet.
J e suis du m ê m e avis.
< a*X/ou}
U
cl*-s (o/
_
*
M ouredon .
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Q)<a
A
Jr* ~ o - mii" /lopxj**Xîxrv^'*y'*y '
R I O M , de l’I m prim erie du P a la is , chez
J.-C. S a l l e s .
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Godemel
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Description
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Choussy-Dupin, Jean-Joseph. An 9?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Dartis-Marcillat
Boirot
Pagès-Meimat
Gaschon
Pagès
Andraud
Delapchier
Rousseau
Lobeyrac
Gallet
Mouredon
Subject
The topic of the resource
hypothèques
divorces
tribunal de familles
créances
jugement arbitral
biens dotaux
assignats
dot
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation pour le citoyen Jean-Joseph Chousy-Dupin, homme de loi, habitant de la ville du Puy, Intimé, et défendeur en opposition; contre Dame Catherine-Marie-Françoise Faucher, et Barthélemy Vacher, son mari, de lui autorisée, propriétaires, habitans de la ville d'Arlant, Appelans, et demandeurs en opposition.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Protestation : voir Réserve : des protestations générales contre les dispositions qui pourraient lui faire grief, dans une sommation faite par l’une des parties de se conformer et satisfaire en tout à la teneur d’un jugement, ne sont pas un obstacle à ce que la partie qui a reçu la sommation retire une somme consignée.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 9
1765-Circa An 9
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1126
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0105
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53154/BCU_Factums_G1126.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ambert (63003)
Brioude (43040)
Arlanc (63010)
Le Puy-en-Velay (43157)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
biens dotaux
Créances
divorces
dot
hypothèques
jugement arbitral
tribunal de familles
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Text
o
r
MÉMOIRE
POUR
avoué à Ambert, accusé de com
A n t o i n e DUPIC,
plicité de faux;
CONTRE
TRIBUNAL
L e com m issaire du g o u v e r n e m e n t ,
'
et le citoyen
BARRIERE,
poursuivant,
plaintif.
U n avoué, en prison pour une accusation de faux , appelle
nécessairement sur lui l’attention publique. Son état est tout entier
dans le domaine de l’opinion, et elle exige qu’avant de se justi
fier devant ses juges, il donne publiquement le tableau de sa con
duite, quand il ne craint pas d’en rendre compte.
L e cit. Dupic est accusé de complicité d’un fa u x , com m is,
dit-on, par un huissier, en supprimant les copies d’une notifica
tion de transcription à des créanciers inscrits.
L a participation du cit. Dupic consiste dans la rédaction du
projet de cette notification , faite par lui sur papier lib re , et
remise , non pas à l’huissier, mais aux parties, q u i, à ce qu’il
paroit, se sont adressées à plusieurs huissiers pour les corrompre.
L e cit. Dupic ignore si cette corruption a eu son effet , et
cette incertitude lui a fait rechercher le corps de délit dans la
procédure, dont copie vient de lui être remise. M ais, au lieu d’un
original d’exploit sans copies, il y a vu une copie sans original,
Barthélémi Roussel, a-t-il dit, a donc fait usage de cet exploit
contre ses créanciers, et ceux-ci ont été privés de la faculté d’en
chérir. Mais non, Roussel interrogé ignore lui-même s’il y en
A
cr imine l
SPÉCIAL
d
u
puy de Dome
j
1
�un; et tout ce qu’on voit de certain dans la procédure, c’est que
le cit. Barrière a voulu deviner qu’il y avoit un exploit faux ;
qu il n’a pas même cherché à savoir si on le lui opposcroit pour
lui faire perdre ses créances , et qu’il a mieux aimé faire une
dénonciation, soi-disant civique, sous le prétexte ridicule d’un
tort possible et imaginaire.
Quoi qu’il en soit, le cit. Dupic est accusé , et dans les fers:
avec un état et une fam ille, il ne peut, sans doute, supporter que
très-impatiemment d’être compromis dans une querelle étrangère.
D ’autres considérations peut-être l’afiligeroient plus encore; mais
l’expérience du malheur lui a appris qu'il faut toujours s’attendre
au pire, et que dans les événemens majeurs on doit moins compter
sur les hommes que sur la justice, le temps ou le hasard. Il lais
sera donc les réflexions et les plaintes, pour ne s’occuper que des
causes de l’accusation dont il est victime.
F A IT S .
L e cit. Dupic avoit été chargé, comme avoué, de plusieurs
affaires pour le cit. D um aret, de L y o n , qui a des propriétés à
Saint-Germ ain-l’Hcrm.
Il a eu aussi la confiance de Barthélemi Roussel, cultivateur,
passant pour avoir une très-grande aisance, et auquel on ne
donnoit pas une mauvaise réputation.
Dumaret et Roussel eurent un procès pour arrérages de ferme,
pendant le papier monnoie. L e tribunal d’appel ordonna que
D um aret, demandeur, scroit interrogé sur faits et articles pour
des reçus qu’ils n ’avouoit pas; Roussel ne consigna pas les frais
du vo yage; l’interrogatoire n ’eut pas lieu , et il fut condamné.
Quel que fût le sentiment qui l’agitùt après cette condamna
tion , il alla demander au cit. Dupic s’il pouvoit vendre. La
réponse fut affirmative et devoit l’être ; il ne s’agissoit ni de la
quantité de biens à vendre, ni du p rix; tout cela ne pouvoit être
que 1 affaire du consultant.
�C3 )
Roussel conduisit ensuite son acquéreur, simulé ou non, chez le
cit. D upic, croyant qu'il pouvoit recevoir cette vente. Celui-ci les
mena chez le cit. C lavel, notaire, qu’il trouva dans la ru e, et
auquel il dit qu’il s’agissoit de passer un acte : il les quitta sans
autre explication (i).
Vraisemblablement le cit. Clavel ne voulut pas recevoir cet acte;
si c’étoit faute de certificateurs, Roussel n ’en dit rien, car Dupic
le connoissoit assez pour offrir de l'être. Mais il vint lui dire que
Clavel avoit pensé que Roussel ayant été protuteur ne pouvoit
pas vendre solidement, et qu’il le prioit de les mener à un autre
notaire. Alors on alla chez le cit. Ponchon.
L e premier mot de Ponchon fut de demander des certiiicatcurs; pour cette fois, Dupic étoit présent, et offrit de certifier
l’identité de Roussel. Que ceux qui cherchent des raisons à tout
veuillent bien expliquer pourquoi ils refuseraient de certifier la
simple identité de ceux qu’ils connoissent.
Mais le cit. Ponchon rappela au cit. Dupic qu’il fulloit deux
certificateurs : Dupic auroit pu sans doute s ’en adjoindre un autre;
mais c’éloit bien assez de se croire obligé à ne pas refuser lui—
m êm e; il fut bien aise que l’acte s’ajournât.
A u départ de Roussel , le cit. Ponchon donna à quelqu’un la
commission de lui faire venir un nommé Girodon, de Marsac ,
son débiteur. Roussel ayant ouï ce no m , dit au cit. Ponchon
qu’il connoissoit aussi ce Girodon, qui ne refuseroil pas d’être
son certificateur (2). ,
Peu de jours après, on retourna chez le cit. Ponchon: Je cil.
Dupic se croyoit encore obligé d’être un des certificateurs; il 11 y
voyoit aucun motil réel de répugnance; l’acte fut projeté et dicté
par le notaire. D upic, absent pendant ce travail, attendoit qu’oa
vînt le chercher pour signer.
Lorsqu’il revint , la dictée en étoit aux certificateurs ; il on
(1) Déposition du cit. C lav el, 2e. témoin.
(a) Déposition du cit. Ponchon.
A 2
�« ¿t.
( 4 )
entendit nommer deux, et dès-lors il ne vit plus de nécessité ii
être là, en troisième. Pour ne pas fatiguer R oussel, il appela le no
taire en particulier, et lui dit que sa signature devenoit inutile (i).
L e même jou r, Roussel dit au cit. Dupic qu’il vouloit aller
à Lyon payer M . D um aret, qui l’avoit tenu quitte pour 800 fr. ;
tandis que B arrière, son agent d’affaire , qui se disoit cessionnaire de la créance, vouloit G,000 f. L e cit. Dupic écrivit; et
il étoit si peu de moitié dans un projet de iraude, que dans cette
lettre il avertissoit Dumaret que Roussel venoit de prendre des
arrangemens. 11 croyoit si peu que Roussel eût projet de réduire
tous ses créanciers à 5oo f . , que dupe, lui-même, il s’offroit pour
caution de 800 f. et 20 quartons de blé au cit. Dumaret (2).
T ou t sembloit terminé pour le cit. Dupic ; mais quand l’acte
fut enregistré et expédié, l ’acquéreur vint le lui porter, pour le
prier de le retirer cle la transcription, avec les extraits d’inscription.
Malgré la diligence recommandée par cet acquéreur, le cit. Dupic
avoit perdu cette affaire de vu e; mais Convert, plus pressé, vint
lui-même à Àmbert , et le cit. Dupic l’accompagna pour retirer
l ’acte et les extraits du bureau des hypothèques.
11 fut question alors de la notification de ces extraits aux créan
ciers; on chargea Dupic de la faire: il en fit le projet où il tacha
de renfermer tout ce qu’exige la loi pour les formes ; et comme,
par un hasard qui se trouve heureux, il n’avoil pas de scribe pour
en faire transcrire l’original et les copies sur papier tim bré, il se
contenta d’écrire en marge qu’il falloit écrire l’exploit tel qu’il étoit,
sans rien omettre, et il le remit aux parties elles-mêmes ( 5 ), qui
l ’emportèrent pour en consulter, à ce qu’elles dirent, la validité,
à Saint-Germain.
C ’est ici où il faut dire , puisque la position du cil. Dupic l’y
(1) Même déposition.
(2) Lettre écrite le 5 fructidor an 1 0 , au cit. Ribonlet , cote /VZ.
(3) Déclaration de Iloque à tous les avoués , 1 2 '. i 5e. 16 e. 20e. 2 1 e. 29e.
33e. 34 '. tém oin, cote 3çj.
�oblige, que peu après la remise de ce projet d’exp lo it, Roussel
et Couvert ayant sans doute médité leur suppression de copies,
et peut-être ayant déjà tenté de l’exécuter, revinrent chez le cit.
Dupic lui dire, que, pour empêcher Roussel d’être victime de ses
créanciers, un homme Ircs-capable leur avoit conseillé de suppri
m er les copies de la notification dont il avoit fait le projet, et
ils lui proposèrent, s’il vouloit s’en charger, de lui payer ce
qu’il voudroit, offres qu’ils portèrent jusqu’à 1,800 f. ou 2,000 f.
L ’indignation du cit. Dupic à celte proposition étoit contenue
par l’envie qu’il avoit de recouvrer son projet d’exploit : il le
demanda sous un prétexte; mais sans doute la leçon étoit bien
faite ; on répondit que le projet avoit resté à Saint-Germain ; et
alors le cit. D u p ic, par un reste d’égard pour son ancien client,
se contenta de le menacer d’une dénonciation, s’il usoit de ce projet,
ou s'il signifioit l’exploit sans copies.
11 paroit que les Roussel et Convert ne furent pas trts-effrayés
de celte m enace, puisque le même jour, ou peu de jours après,
ils cherchèrent à acheter la probité de trois huissiers.
Il n’est pas question, comme l’a dit Barrière dans sa dénoncia
tion, de Roque, huissier de confiance de D upic; de Roque fils,
clerc de Dupic ; de l ’exploit dicté à ce dernier par Dupic : tout cet
arrangement captieux, pour rattacher Dupic à tout, est démenti
par un fait du pur hasard.
C ’est que les Roussel et Convert, au lieu de s’adresser d’abord
à ce Roque fils, pour écrire sous la dictée , et à ce Roque père, pour
signer de confiance, se sont d’abord adressés à un gendarme (Privât,
qui est en jugement el en prison), pour le prier d’acheter une signa
ture d’huissier, moyennant 48 fr. (1).
Trivat n ’alla pas chez Roque; il alla chez Àchard, lui proposa
ses 48 fr. ; Achard refusa.
Après A chard, Privât alla chez Monleillet : Monteillet refusa
( i 1) Déclaration de M onteillet, A ch ard, la veuve Pom m ier, et de Privât
lui-inèmo.
A 3
�( 6 )
encore; et ce fut après ces deux huissiers qu’on s’adressa à R oque(i).
Roque, à ce qu’il paroît, alla boire avec Roussel et Corwert.
L ’exploit fut fait : la signature fut payée, dit-on, avec une tasse
d’ argent; et l ’huissier alla en personne faii’e enregistrer l’exploit à
St. A nthêm e, bureau étranger aux parties, aux créanciers, et à
l ’huissier lui-même.
L e cit. Dupic ignoroit tout ce tripotage d’huissier, de gendarme
et d’enregistrement, se confiant dans l’idée qu’il avoit dissuadé
Roussel de tout projet frauduleux , lorsque le cit. Barrière est
venu avec fracas, à A m bert, dénoncer à la chambre des avoués
un prétendu exploit dont il avouoit suspecter seulement l’existence.
Si la chambre des avoués eût connu cet exploit supposé si nuisi
b le , elle auroit vu que, pour en détruire l’e ffe t, il n’étoit pas
besoin d’une procédure criminelle ; mais elle ne put le juger que
sur les rapports infidèles du cit. Barrière; elle demanda une dénon
ciation écrite. L e cit. Barrière sortit avec le cit. Crosmarie pour la
rédiger. C ’est après cela qu’on manda le cit. D upic, pour s’expli
quer et répondre (2).
A u premier mot d’un projet d’exploit, il faut le dire, le cit. Dupic
6e confirma dans l ’idée que le6 Roussel avoient eu peur de sa menace.
Il leur en sut intérieurement bon gré; et, regardant dès lors toutes
les clameurs du cit. Barrière comme une terreur panique, il ne
voulut pas révéler leur turpitude, et les exposer à un procès crimi
n el, dès qu'ils s’étoient repentis.
M ais quand, au lieu d’un simple soupçon, il ouït dire qu’un
exploit avoit été fait réellement, et que, pour lui en cacher la
connoissance ii lui-même, on l ’avoit fait enregistrer à St. Anthêm e,
alors son premier mouvement fut de déclarer avec vivacité qu’il
éloit vrai qu’on lui avoit offert 1800 fr. pour supprimer les copies
de cet exploit; et il termina par demander que celle explication 11e
fut pas réduite à une simple conversation entre collègues; mais
(1) Int’ rrog.itoire de Privât et Roussel.
(*) Déclaration des avoués.
�J>$(T )
( 7 )
que la dénonciation fût remise au substitut du tribunal crim inel(i).
C ’est ainsi qu’un prétendu coupable a provoqué lui-m êm e une
instruction judiciaire, au lieu de la redouter; il a voulu être con
fronté avec ceux qu’on disoit n’avoir agi que par ses conseils. Il est
en jugement avec eux ; et certes s’il avoit préparé et fa cilité le
fa u x , ils n’auroient pas manqué de tout rejeter sur son compte,
pour se disculper sous le prétexte de leur ignorance.
T e l est le précis exact des faits confirmés par les dépositions. S ’ils
ont suffi pour rendre le cit. Dupic suspect, il est au moins bien
certain qu’ils ne peuvent le faire considérer comme coupable. Ce
seroit sans doute assez, pour l’établir, de ce qu’il a déjà d it; mais
' il doit suivre sa défense sous toutes les faces, parce qu’on ne peut
traiter légèrement une accusation qui attaque la liberté et l’honneur.
M O Y E N S .
S- IL e cit. D upic est étranger au délit dénoncé.
Si le cit. Dupic jouissoit d’une fortune brillante, on n’eut pas
osé l’accuser d’un faux minutieux, et d’avoir vendu son honneur à
celui qui vouloit le commettre. Mais c’est un malheur inséparable
de la médiocrité qu’elle est en butte aux soupçons enhardis , et
qu’en rougissant de leur injure elle n’en est pas moins obligée de
les combattre.
M a is, quelle que soit la calomnie qui poursuit le cit. D upic,
ouvertement ou dans l’om bre; s’il n’a pas reçu de ses ancêtres
l ’héritage de leur illustration ( 2 ) , il en a reçu celui d’une probité
qu’il n’avoit jamais ouï suspecter dans l'exercice de son état et des
(1) Procès verbal de la cham bre, cote 9 , expliqué par les déclarations dei
avoués.
(») Guillaume D u p ic, l’ un d’eux, étoit grand bailli d’Auvergne en i 35o.
A 4
V
�f
.
(8)
fonctions qu/il exerce depuis 1789 (1 ) ; et cet héritage, quoi qu’on
en dise, il le transmettra intact a ses enfans.
Le cit. Barrière devoit voir le passé avant le présent, n?épouser
la passion de personne; ne pas croire qu’ il lui suffiroit, pour réussir,
d'indiquer trente-neuf témoins avec note de ce'qu’ils dévoient dire;
ne pas mentir à sa conscience, lorsqu’il savoit que le conseil d'un
faux venoit d’un autre que du cit. Dupic ; et enfin méditer un peu
plus, avant de dénoncer, quelle éloit la nécessité et quelle seroit
la suite de sa diffamation.
Il est peut-être sans exemple qu’un défenseur soit en jugement,
parce qu’un huissier n’a pas posé des copies d’exploit; sous prétexte
que ce défenseur a conseille cet exp loit, et en a fait le projet.
Est-ce donc le conseil, 011 le projet, qui ont valu une accusation?
Mais ce seroit une chose bien périlleuse, que de donner des con
seils, s’ils exposoient aux résultats d’un commentaire fort différent
quelquefois du con seil lu i- m ê m e , et si on couroit la chance d’être
incarcéré par provision, pour éclaircir jusqu’à quel point le conseil
a influé sur le mode de l’exécuter.
Si c’est le projet, c’est peut-être pis encore; car il seroit inouï de
trouver dans le projet d’un exploit quelque chose de relatif à la
suppression des copies qui en seront faites ensuite.
Il y a plus : car, dans l'existence de ce projet m êm e, tout autre
qu’un dénonciateur passionné doit voir la preuve que l’auteur du
projet n’a pas entendu se mêler de ce qui seroit fait au delà.
Sans doute Dupic, voulant faire faire celte suppression de copies,
auroit écrit l’original, et même, si on veut, les copies; il auroit
tout fait signer par l ’huissier qu’on suppose lui être si bien dévoué,
et il auroit tout retenu.
( 1 ) Le cit. D u p ic, accusé , a été reçu au serinent d'avocat au parlement
«le P a ris, en 178 9 ; accusateur public au tribunal «lu district d’ Am bert,
procureur national des eaux et forêts, greffier, avoué à Ambert avant l’an a
et «lepnij l’an 8. Depuis sa détention , il a été nommé membre de l’univer*ite de jurisprudence, sur la p résen tation du m aire d'^l/nherc.
�( 9 )
Mais on aime mieux choquer toutes les vraisemblances pour
l’uccuscr. On -veut qu’il ail été assez imbécille pour faire marchander
des probités d’huissiers de rue en rue, avec son projet d’exploit à
la m ain, et que , pour comble de simplicité, après s’êlre mis en
évidence par le refus successif de deux huissiers, il ait donné ainsi
au troisième une pièce de conviction de cette importance.
On ne veut pas voir qu’il y a incompatibilité dans ces deux
suppositions. Mais il y a constitution d’un autre avoué, dit le
dénonciateur. Mais les parlant à ne sont pas en blanc; mais il y
a une noie marginale et une date fixe; mais Dupic a nié devant
ses collègues avoir fait ce projet. Mais tout cela se He à la vente
qui elle-même étoit frauduleuse; et Dupic y a participé, puisqu’il
est allé chez les notaires.
Voilà donc, sans l’affoiblir, tout le faisceau de l’argumentation
qui est résumée contre le cit. Dupic. Eh bien, que ce faisceau soit
divisé ou entier, il est impossible qu’il tienne contre le simple regard
de l’impartialité.
O iii, Dupic a constitué un autre avoué que lui : mais il dtoit
l’avoué ordinaire du cit. D um arel; e t, dans un exploit qui devoit
lui être signifié, il a pu aviser, sans crim e, au moyen de ne pas
perdre cette confiance.
O ui, il a rempli les parlant à. L ’huissier auroit confondu entre
le domicile réel de chaque créancier, et leur domicile élu. L e ré
dacteur a voulu éviter une nullité, et il ne laissoit rien à fin ir,
précisément parce qu’il 11’avoit à se mêler que d’un simple projet.
L a note marginale confirme ce qu’on vient de dire. Il étoit à
croire qu’un huissier de Saint-Germain Iranscriroit cet exploit.
L a date du i 5 fructidor, mise en marge du projet, n’est pas de
la main de D upic, quoi qu’en dise la dénonciation; donc il a passé
par d’aulres mains : d’ailleurs l'enregistrement du 20 suppose un
exploit du 17 (1).
L e cit. Dupic a nié ce projet; il en a donné les raisons : il
(1) Cote 4.
�M
.
C «o )
ne croyoit pas qu’on eut osé faire l’exploit. Sans doute ce n ’étoit
pas par supposition qu’on ignoreroit la part qu’il y avoit, puisque
la dénonciation qu’on venoit de lui lire, et où il est dit que le
projet est de sa m ain, devoit'dicter sa réponse. S ’il a agi par mé
nagement, il n’a plus rien ménagé ensuite, lorsqu’il a vu qu’il y
avoit un abus de sa bonne foi ; et on ne dira pas qu’il ait agi comme
s’il craignoit les éclaircissemens.
Ce n’est donc pas là une objection contre le cit. D upic, et ce
seroit attaquer la chambre des avoués; car le moyen de croire
qu’elle ait voulu tendre un piège à un de ses collègues, en lui de
mandant s’il avoit écrit un projet dont elle étoit déjà saisie, et
qu’elle savoit bien être de son écriture? Aussi quand elle a inséré
dans son procès verbal qu’il avoit déclaré tous les faits calomnieux,
on voit que cette rédaction étoit pour abréger, puisque cette con
cision est démentie par tous les témoignages des avoués eux-mêmes,
et que l’un d'eux rapporte même l’explication que le cit. Dupic
donna à sa réponse (i).
Enfin, qu’y a-t-il de commun entre le transport de Dupic chez
deux notaires, et une suppression de copies d'exploit? S’il eût voulu
ou cru faire une fraude, auroit-il ainsi parcouru les études de
notaires avec Roussel? se seroit-il présenté pour son certificateur?
et après tout cela auroit-il fait courir et laissé son projet d'exploit,
pour consommer sa conviction? Certes, la fraude ne marche pas
ainsi avçc éclat, et ne laisse pas sur sa route des signaux de reconnoissance.
(i) Le douzième témoin dépose que D upic expliqua « qu’avoir suivi les
» parties chez un notaire, avoir retiré l’état des inscriptions, avoir fait un
>* projet de n otification, n’étoit pas repréhensible ; et qu’il n’appeloit faits
» calomnieux que ceux qui tendoisnt à le rendre com plice d ’un faux, h
�( II )
§.
11.
I l n’y a pas de fa u x ; le cit. D upic n’en est pas complice.
L e cit. Dupic n ’a pas cherché à se défendre par des fins de non
recevoir, parce que, n’ayant rien à se reprocher, il lui étoit égal
d’être accusé d’un délit quelconque : mais un crime de faux est un
poids si terrible pour un homme public, qu’il doit, s’il le peut, en
détourner de lui jusqu’à la seule dénomination. C ’est donc déjà un
grand intérêt pour le cit. D u p ic, d’examiner s’il y a eu un fau x, et
s’il a pu y être compris sous prétexte de complicité.
Déjà on peut dire, en général, qu’il n ’y a pas de faux dans
une suppression de titre, parce qu’un faux en écriture n’est pas un
acte d’abstension ou négatif, et qu’il suppose une action tendante
à altérer ce qui est, pour le transformer en ce qui n ’est pas.
Aussi ne voit-on pas qu’en principe on mette sur la même ligne
les suppressions de titre et les faux qu i, dans le droit crim inel,
semblent faire deux délits bien distincts.
Lange, en traitant du fa u x , observe que « l’on ne peut former
» une inscription de faux au sujet de la suppression des actes,
» parce que l'on ne peut déclarer fausse une pièce qui ne paroit
» p as; mais que parmi nous on en fait la poursuite comme d’un
« larcin (i). »
L e tribunal de cassation a été plus loin encore, dans un jugement
du i 5 nivôse an n , comme pn va le voir par l’extrait entier copié
sur l’arrêtiste (2) : « Un créancier, porteur d’une reconnoissance de
» 55 o f r ., reçoit du débiteur un acompte de i 5 o f r . , et en inscrit
» le reçu au dos du billet. Par la suite, le créancier gratte et efface
» cette quittance, et cite le débiteur en payement de 55 o fr. L e
» faux y est attaqué par le débiteur. L e tribunal spécial ( de la
(1) Pratic. f r . , cliap. X IV , du faux , tom. I I , pag. 64, édition de 172g.
(aj Journal du palais, n°. i i , page
«
3
344
�\
( 12 )
»
»
»
»
Manche ) a cru y voir un faux en écriture privée..........mais le
tribunal de cassation n’a considéré ces rature et grattage d'écrilure que comme une suppression d’ acte tendant à libération.
Sur ce m otif, il a cassé et annullé le jugement de compétence. »
L ’application de cette décision se fait sans peine ; car s i, entre
le créancier qui a gratte un écrit, et l’auteur d’un projet d ’exploit
posé ou non, il faut chercher un faussaire, ce n’est certes pas le
premier qui sera jugé l’être moins.
Pourquoi d’ailleurs vouloir trouver un faux où la loi n’en indique
pas? C a r, sans doute, un huissier qui ne pose pas des copies, ne
commet pas un délit d’invention nouvelle ; et dès-lors il faut cher
cher comment la loi punit, pour juger la culpabilité par la peine.
L a première loi qui paroisse s’être occupée de ce délit, est l ’or
donnance de 1 555 . A u tit. V I elle d it, art. X I : « Pour obvier à
» plusieurs inconvéniens qui peuvent advenir de ce que souvente» fo is, quand les huissiers signifient quelques requêtes ou autres
» choses, ils n’ en baillent copie, ce qui vient à gros intérêt des
» parties, nous avons enjoint et enjoignons auxdits huissiers de
» bailler promptement lesdites copies.......... sur peine de Go sols
» d’anietule pour la première fo is, et pour la seconde sur peine
» d’amende arbitraire. »
L ’ordonnance de 1GG7 veut, en l’art. II du lit. II, qu’il soit laissé
copie des exploits, à peine de nullité et 20 fr. d’amende ; et en
l ’art. III, qu’il Soit fait mention, en l’original et copie, de ceux à
qui elles ont été laissées, à peine de nullité et même amende. En
l ’art. V II du tit. X X X I I I , elle veut qu’il soit laissé au saisi copie
de l’exploit. L ’art. X I X est consacré à fixer la peine de l’inobser
vation : « T o u t ce que dessus sera observé par les huissiers , à
» peine de nullité, dom m ages-¿nierais .,. interdiction, cl 100 fr.
» d ’amende. »
Ainsi le pis-aller, dans les cas les plus graves, est l’interdiction
et des doinmages-inlérêts, outre la nullité et une amende.
Pourquoi donc être plus sévère que la loi elle-même; augmenter
les peines, (juand, dans l'incertitude, on doit les restreindre; appeler,
�( *3 )
sous le nom de faux , des peines corporelles, quand la loi en indique
textuellement d’autres?
L e genre de ces peines prouve donc que le délit dénoncé par le
cit. Barrière n’ est pas un faux.
S ’il y avoit un fa u x , il y auroit trois distinctions à faire entre
les accusés : l’auteur du faux, celui qui l’a voulu, et ceux qui l’ont
facilité. L ’huissier tient le premier ran g; Roussel, le deuxième;
D upic, P rivât, Roque fils et Couvert, le troisième. Si les deux
premiers ne sont pas en délit, c’est avoir prouvé que le cit. Dupic
n’est pas complice.
L e faux consisteroit dans ce que l’original eonstateroit le con
traire de ce que l’huissier a fait. Mais pour dire qu’il y a un fau x,
il s’agiroit de v o ir, dans cet original , s’il a certifié avoir porté
sept copies, tandis qu’il ne les a pas portées; car s’il n’y avoit pas
dit expressément les avoir portées, il est clair qu’il n’y auroit pas
même l'ombre d’un faux.
Cependant on veut qu’il y ait un fau x, et cet original ne se voit
pas : on veut qu’il soit constant qu’il certifie autre chose que ce qui
a été fa it, qu’il soit constant que les créanciers n ’ont pas reçu de
copies; et précisément l’un d’eux a été ouï en témoignage, et s’est
présenté avec sa copie. T ou t cela étonne, et fatigue l’imagination.
Aussi la loi ne permet pas, il faut le dire, que des accusations
de faux soient .admises d’après la seule terreur des parties inté
ressées; elle entend vo ir la pièce suspectée, avant de s’enquérir
s ’il y a un délit et des coupables : sans cela, en e ffet, comment
jugeroit-elle qu'il y a un faux?
« Dans t o u t k s les plaintes en faux, dit l’art. D X X V I du code
» des délits et des peines, les pièces arguées de faux sont déposées
» au g re ffe.. . . . elles sont paraphées......... etc.
» Le tout ii peine de nullité'. »
Ici quelle est la pièce iausse ? E s t-c e la copie produite par le
dernier témoin? Non ; puisqu’elle est la preuve contraire de la
dénonciation. Ce n’est d’ailleurs pas elle qui a donné lieu au procès,
puisqu’elle n ’a été connue que quand le cit. Dupic étoit en prison.
�( *4 )
Est-ce le projet? N o n ; car il n’a rien de commun avec les copies
supprimées, et avertit au contraire l’huissier qu’elles doivent être
posées. Est-ce enfin la relation de l’enregistrement? mais on ne
s’est pas même avisé de la dire falsifiée.
Voilà cependant tout ce qui est déposé au greffe; on n ’a donc
pas satisfait â la prem ière formalité que la loi exigeoit à peine de
nullité.
Ce n ’est pas seulement parce que la loi le dit ainsi, qu’on l’ob
serve; mais c’est qu’en effet il est inconcevable de préjuger qu’un
huissier a fait un faux sans connoître la pièce fausse.
Dira-t-on qu’il est intéressé à ne pas la produire? Mais le faux
est un délit m atériel, qui veut une culpabilité de fait. L a lo i, au
reste, ne se commente pas ; elle a voulu un dépôt de pièces avant
l’instruction, comme elle a voulu qu’avant de poursuivre un homi
cide de fait, on sût s’il y avoit un homme mort.
Evidemment un juri ne peut pas déclarer qu’ il est constant qu’il
y a un faux : alors il n’y a plus de questions subséquentes.
Si donc il n’est pas constant que l’huissier Roque soit l’auteur d’un
fa u x , comment concevoir qu’il y ait des complices? Roussel ne peut
être convaincu de l’avoir voulu et p a y é ; et m êm e, par respect
pour les principes, il faut dire qu’il est extraordinaire qu’un créan
cier ait pris l’initiative, avant desavoir s’il y avoit un exploit faux,
et si on le lui opposerait. Il ne peut pas dire qu’il craignoit cet
exploit pour l’avenir, comme on le diroit d’une obligation fabriquée
sans le débiteur. Sa créance étoit exigible; et, au lieu d’en pour
suivre le payement, au lieu de ne voir, même dans l’exploit en
registré ù St. Ànthêm e, s’il existoit, qu’un exploit nul ( i ) , il é*
(i)
« Les huissiers feront enregistrer leurs actes, soit au bureau de leur ré» siden ce, soit au bureau du lieu où ils les auront faits. » L . 22 frim aire
an 7 , art. X X V I .
« Toute violation des formes prescrites, en matière c iv ile , par les lois
» émanées des représentans du peuple, depuis i j S j , donneiont ouverture à
» cassation , quand même elles ne prononceroient pas la peine de nullité.,
l'- \ germinal an 2 , art. II.
�( i5 )
mieux aimé s’en croire empêché, et chercher un faux avec le même
zèle qu’un autre mettroit à en éviter le résultat; en un m ot, se
créer un fantôme pour avoir la jouissance de le combattre.
Mais si Roussel a voulu faire un fa u x , ne vaut-il pas autant
croire qu’il s’en est tenu au désir, et ne l’a pas consommé; ou, si
on veut, qu’ayant son exploit dans sa poche, il a craint les suites
d’un fau x, et l’a déchiré sans en faire usage.
Alors la tentative du crime n ’est pas un délit ; car il fa u t, d’après
la loi ( i ) , qu’il n’ait pas dépendu du coupable que la tentative du
crime n’ait eu son succès.
i
Ce principe nouveau est conforme aux anciennes m axim es, qui
ne regardoient le faussaire comme coupable, que s’il usoit de l’acte
faux. S i talis utebatur illo instrumento fa ls o .... quia s i non produæerit, non potest com pelli producere (2).
'
Les auteurs admettoient m êm ela résipiscence en cette matière,
au delà de la production de la pièce fausse.
« Aujourd'hui, par l’usage, il est permis en France à tous ceux
» qui ont produit des pièces fausses, quoiqu’ils en aient été les
» fabricateurs ou n o n , de s’en départir, sans pouvoir être recher»chés.... Seulement ceux qui les ont produites sont, nonobstant
» cette déclaration, responsables des dommages-intérêts (3). »
Qu’on avoue donc que le cit. Barrière s’est grandement écarté
de ces principes, en faisant incarcérer plusieurs citoyens, pour la
prétendue falsification d’un exploit dont on pouvoit ne pas se
servir, et qu’on ne lui avoit pas opposé, même indirectement.
Si Roussel aussi n’a pas fait un faux, à plus forte raison faut-il
dire que le cit. Dupic n’est pas coupable de l’avoir préparé et faci
lité. Cette vérité est si claire, que le moindre raisonnement seroit
oiseux.
(1) Loi du 22 prairial an 4.
(2) Boerins , d t 'd s . 29t. J11I. c la r ., liv. 5.
(3) Bornier, toui. I I , pag. m . Scoevola, a d leg. 2 4 , d e ja ls i s . P ap on ,
livre 7.
�C 16 )
Toule l’accusalion, on le répète, porte sur. Roque et Roussel.
Us pourvoient être coupables , sans que les autres le fussent : mais
s’il n y a pas de faux pour eu x, il n’y en a pour personne. Il est,
au reste, démontré dans la première partie que le cit. Dupic y est
absolument étranger.
Aucune loi ne peut être invoquée contre ce qu’il a fa it; et sa
position est tellement favorable, qu'il peut défier son dénonciateur
de motiver un jugement qui le condamne.
L e conseiller d’état Portalis, qui a présenté la première loi déjà
décrétée du code civil, a dit : « Il faut que le juge ait le droit d’in» terpreter les lois, et d’y suppléer : il n’y a exception que pour
» les matières criminelles. L e juge, dans ces matières, choisit le
» parti le plus doux si la loi est obscure et insuffisante, et il absout
» l’accusé si la loi se tait sur le crime (i). »
Voilà le dernier état de la législation. Si le cit. Dupic craignoit
une peine, il trouveroit là l’expression positive de son absolution :
mais cet examen n’appartient qu’à ceux des accusés qui auroient
des reproches à se faire; le cit. Dupic ne veut se présenter qu’à
découvert et sans armes, parce qu’il se repose autant sur l’impar
tialité du tribunal dont il attend la décision , que sur le témoignage
de sa propre conscience.
Chacun ici peut être sainement jugé par ce qu’il a fait. Privât,
accuse, avoue avoir cherché des huissiers, sur la réquisition de
H ousse!; Roussel, accusé par Dupic lui-m êm e, ne l’accuse p as,
même en récrimination ; Roque, accusé, se cache : Dupic seul a
prévenu les recherches de la justice.
Mais il est accusé ; il esl en butte aux conjectures. Que ceux qui
sont prompts à juger jettent un regard sur eux-mêmes : les actions
les plus indifférentes peuvent avoir des résultats fâcheux. Personne
ne peut se dire assuré d’être à l’abri d’une accusation.
E n niisujnS, il n’y a pas de fa u x , parce qu’il n’y en a pas sans
la pièce fausse.
(i) Code c i v i l , première livraison
, page 17.
�t y 0)
Cff.
C 17 )
Il n’y a pas de fa u x , parce qu’on ne voit pas si l’original, sup
posé existant, mentionne faussem ent que les copies ont été posées.
Il n’y a pas de fa u x , parce que le contraire de la suppression clés
copies est prouvé par le rapport qu’un créancier a fait d’ une copie.
Il n’y a pas de faux, parce qu’une suppression de copies n'est pas
un faux.
Il n’y a pas de corps de délit, et il y a nullité, parce que la pièce
arguée n’a pas été déposée au greffe, d’après le texte de la loi.
Ainsi le délit n’est pas constant.
S ’il y a fa u x , il est constant qu’il a été machiné entre Roussel
et Roque seulement, et que le citoyen D upic, après avoir remis
un projet d’exploit aux parties, n’a eu aucune part directe ni in
directe à ce qui s’est passé ultérieurement.
Ce qu’il a fa it, lors de la vente et depuis, marque sa franchise
et l’ahsence des précautions que la fraude n’oublie pas. Ce qui a été
fait hors sa présence ne laisse pas douter que, s’il se méditoit un
fa u x ; on le préparoit et on l’a consommé sans lui.
Bien loin donc qu’il soit constant que le cit. Dupic soit complice
d’un faux, il est au contraire très-constant qu’il ne l’est pas.
Ainsi s’évanouit une accusation grave et pénible, dont le résultat
éloit aisé à prévoir, mais dont le caractère médité et haineux a
besoin de toute l’attention d’un tribunal éclairé et intègre. L e cit.
Dupic la demanderoit à titre d’indulgence, s’il n’étoit certain de
l’obtenir à titre de justice. Il ose seulement demander célérité, dans
l’impatience bien juste d’être rendu à son état, à sa femme, à ses
enfans, et de ne plus courber sa tête sous le poids insupportable
d’une odieuse diffamation.
L. F. D E L A P C H I E R , homme de loi.
>
�( 18)
i
L e JU R IS C O N S U L T E S O U S S IG N É , qui ¡1 vu le mémoire justifi
catif pour le cit. D upic , signé du cit. Delapchier son conseil , adhère
entièrement aux principes qui y sont développés ; pense que l ’application
en est juste ; e t , par une suite , il est d’avis que le cit. Dupic doit être
a c q u itté sans difficulté' de toute inculpation , dans une aff.iire où la justice
est à la recherche d’un f a u x qui ne paroit pas e x is te r , et qui d’ailleu rs,
en le supposant réel , seroit absolument étranger à cet accusé.
Il n’y a point de corps d e d é l i t , ni par conséquent de coupables.
On prétend en effet que l’huissier Roque , chargé de notifier un contrat
d’acquisition, le certificat de transcription et les extraits des inscriptions
hypothécaires subsistantes , aux créanciers in scrits, pour satisfaire à l’ar
ticle X X X de la loi du 7 brumaire an 7 , se borna à faire un original
de notification, et supprima les copies, afin de priver les créanciers de
la faculté d’enchérir.
L a représentation d ’une des cop ies, faite par l ’un des créanciers , dément
déjà l’assertion qu’il ne fut fait qu’un simple original ; mais quand la sup
pression des coptes seroit vraie , ce fait matériel ne constitueroit pas lui
seul un faux , il n’en résulteroit qu'une n u llité dans la notification. Pour
constituer le fau x, il faudroit que l’huissier ne se fût pas borné à trahir
son devoir , en ne délivrant pas aux créanciers les copies commandées
par la loi , et qu’il eût attesté dans l ’original de la notification la d é li
vrance de copies qu’il auroit supprimées. Alors , mais alors seulem ent, il
auroit commis un f a u x , par la fa u sseté de la relation qu’il auroit faite,
d ’ un point de fait sur lequel l’acte de son ministère qui la contiendroit ,
étoit destiné à f a ir e f o i .
E n un m o t, le faux consisteroit dans cette relation mensongère , et
ne peut se trouver que là. E h bien , que l ’on produise donc l'original
d’exploit; qu’on le dépose au greffe, au désir de la loi. Q u’on dise au
tribunal : Prenez et lisez ; voyez dans cette pièce la relation mensongère
d ’un bail de copie qui n’a pas été fait : alors l ’accusation aura une base.'
M ais cette relation mensongère , prétendue insérée dans un acte public ,
ne paroit point ; quel est le résultat ? qu’on poursuit une chimère , une
vision. «D ans tout jugement crim in el, la première question tend essen» tielleinent à savoir si le fait qui forme l ’objet de l’accusation, est cous
it tan t on non , » nous dit l’article C C C L X X IY du code des délits et des
peines.
Or , lorsque le tribunal sp écial, dont les membres cumulent les fonc
tions de jurés pour reconnoitre le f a it , ayec colles de juges pour appli-
�19
quer la loi ,î s’inte r r o g e r l u i m êm e et se dem an d era L e fa it dé noncé .
savoir
q ue l’ huissier R o q u e a m entionné . dans l'origin a l d e n otifica
tion. don t il s 'a g i t , qu 'il avoit d é livré copie a chaque c r é a n c i e r i n s c r i t
est-il con stan t : Et p o urra-t-il ,sans voir, ,1a pi è c e r é p o n d r e a f f i r m a t i
v e m e n t Ou i , l e f a i t es t c o n s t a n t N on sans d o u te , et p a r l a croulera
tou t l'éd ific e que l’on a bâti en l’air. L ’huissier sera nécéssairem en t absous
faute de corps de d e l i t c o nstant: O r s i l e p r i n c i p a l a c c u s é e s t a b s o u t
à d é fa u t d e c o r p s d e d é l i t , c o m m e n t p o u r r o i t - i l a v o i r d e s c o m p l i c e s
• M ais, tout décisif q u ’est c e moyen pour faire acquitter le cit le cit. D u p ic
p a r le tribunal , il ne suffiroit peut-être pas pour l e j u s t i f i e r d e t o u t s o u p ç o n
aux yeux du publ ic. L a m a lig n ité d ir o it s 'il a é c h a p p é à la p e in e c'e s t
que la p iè c e a rg n é e d e fa u x a disparu. Eh b ien ! la malignité va se taire
aussi car en supposant qu'il eut été commis un faux par l'huissler Roque
et que le délit fut prouvé , la prévéntion la p lu s a rm ée seroit dans l’im
.
puissance d’élever c ontre D u pic même u n s o u ç o n r a i s o n n a b l e d 'a v o i r
participe à l a prévarication de cet officier ministériel Que produit-on
contre D u p ic ,
M a is
en effet ? un projet de notification écrit d e sa main.
d resser le, projet d ' un acte de procédure voulu p a r la lo i e s t c e
c o mmettre un crim e ? Com m e la passion est aveugle ! Au lieu de l'a ccu ser
la production de
ce projet s u ffit s e u le p o u r p u b lie r s o n in n o c e n c e c a r
e n f i n u n p r o j e t d r e s s é p a r u n a v o u é n 'a u r o i t p a s c o u r u l e m o n d e , i l
auroit resté entre les mains de l'avoué rédacteur , si ce lu i c i a v o it d u
être l'artisan et le m inistre d e la dénonciation ,si la transcription du
projet s'étoit fait chez lui s'il avoit fait signer
l ’original de confiance
p a r l ' h u i ssier R o q u e s ans le charger des c o p i e s
Du fait constant que le projet produit p a r les moteurs de cet te affaire,
étoit sorti des mains de D u p ic , résulte d on c la conséquence qu'il l’avoit
livré à l'acquéreur p ou r qu ’il fit faire sur ce type les notifications voulues par la loi ; que dès-lors rien de ce qui s 'e s t f a i t d e p u i s n ' a é t é f a»i *t
n i p ar lu i, ni sous sa direction. Enfin ,q u e s i l 'h u i s s i e r a v o i r p r é v a r i q u é
dans ses fonctions , en vendant sa signature au bas d ’un exploit par leq uel
il auroit attesté faussement avoir délivré d es c o p ie s q u i n’ont jamais été
rem ises, tout cela seroit com plétement prouvé étranger à D u p ic , par la
seul production de son projet.
'
à Clermont-Ferrand -, l e 15 fl oréa l ,an 1 1
BERGIER
A R I O M , de l’imprimerie de L A N D R I O T , seul im prim eur du Tribunal
d ’appel. — A n X I .
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Dupic, Antoine. An 11]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Bergier
Subject
The topic of the resource
huissiers
faux
fausse identité
corruption
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Antoine Dupic, avoué à Ambert, accusé de complicité de faux ; contre le commissaire du gouvernement, poursuivant, et le citoyen Barrière, plaintif.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : huissier : le défaut de délivrance de copie par l’huissier, ministre de l’acte, ne constitue qu’une nullité dans la notification. pour constituer un faux, il faudrait que l’huissier eut attesté, dans l’original, la délivrance de copie qu’il aurait supprimée (l’original n’était pas représenté).
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 11
An 2-An 11
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
19 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1225
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0227
BCU_Factums_M0312
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53183/BCU_Factums_G1225.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ambert (63003)
Saint-Germain-l'Herm (63353)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
corruption
fausse identité
Faux
huissiers
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53235/BCU_Factums_G1421.pdf
c15c16d429917747a6f586ad14462f86
PDF Text
Text
TRIBUNAL D’APPEL
D E
M
E
M
O
I
R
E
POUR
L
e
C i t o y e n
V E R N I È R E , appelant et in tim é;
CO N T R E
Le
L
Citoyen
B R U N , intimé et appelant.
’ o b j e t de la contestation est. la propriété de deux
fossés , la destruction de deux agages et d ’une b o n d e ,
et le rétablissement d ’ un chem in vicinal.
L e cit. V ern ière est propriétaire d ’ un pré à Planchepaleuille: il l’a acquis en 178 3 , des citoyens Assolent.
C e pré provenait du sieur Blich , et il en porte le nom.
E n touré de fossés à tous les aspects, il était arrosé prin
cipalem ent par une prise d ’eau du ruisseau de Ponturin ,
que les fermiers conduisaient par les fossés environnans,
dans toutes les parties du pré.
L e cito ye n Brun
est propriétaire d ’un pré appelé
clos M e r c ie r, à l ’aspect de jour du pré Blich. L e pré
M ercie r provient du sieur F aidit père.
E n tre ces deux prés était un chem in vicin a l, bordé
de saules, servant à l ’exp loitation, tant d ’un autre pré
du cit. V ern ière , appelé Boudanson, que d ’un pré des
religieuses de N o tr e -D a m e , joui à présent par le cit.
A u b ert. C ette double destination est tellem ent évidente,
que le fossé séparatif de ces deux prés vient se diriger
A
R I O M .
�( 3 )
en ligne perpendiculaire , sur le milieu du chem in vi
cin a l, et lui présente ainsi deu x aboulissans égaux et
parallèles.
D epuis long-tem s ce chem in vicinal était devenu à
peu,près inutile au cito yen Vern ière , q u i, acquéreur
des prés Boudanson , a réuni une suite de proprié
t é s , pour lesquelles il s’est fait deux sorties, et q u ’il
lui est plus com m ode d’exploiter l ’une par l’autre ;
mais il n ’en a pas moins toujours surveillé la m aintenue
de ce' ch em in ; ce q u ’il prouve par des diligences, et
un traité de 1788.
X-orsque le cit.V ern ière acquit le pré B licli, en 178 3,
il trouva dans le fossé qui longe ce chem in v icin a l, 1111
établissement d ’agage en pieux et branchages, et il le
rem plaça par un agage en maçonerie. l . e sieur F a id it,
alors propriétaire du pré M e r c i e r , ne crut avoir ni
droit , ni intérêt de s’y opposer. L es reconnaissances
respectives annonçaient un chem in entre deux , et de
plus la prise d ’eau lui était inutile , car le sol de son pré
est beaucoup plus haut que celui du cit. Vernière. lies
deu x voisins ont donc vécu en très-bonne intelligence,
tant que M .r Faidit a été propriétaire; il n’est m ort
q u ’en 1794.
D e u x de ses fils étaient sur la liste des é m ig r é s , et
le pré M ercier a été ven d u , co m m e bien n a tio n a l, au
cit. B r u n , le 4 thermidor an 2.
C e nouveau possesseur n’a pas eu assez du b énéfice
de-son acquisition , il a voulu l’accroître en s u r fa c e ;
deux rangs de saules marquaient trop l’existence d ’ un
chem in ; il en a fait supprim er u n , et a réuni le ch em in
à son pré.
�(
3
)
S’étant donné alors pour b o rn e le fossé oriental du
pré Blich , il a convoité encore ce fossé , non pas pour
l ’arroseraent de son p r é , car cela est physiquem ent
impossible , mais pour l’ôter au citoyen V e r n iè r e , dont
cependant il avait vu l’agage en m a ç o n e rie , lorsqu’il
était d evenu adjudicataire, en l ’an 2.
I l fit assigner le cit. V e r n iè r e , le 2 5 nivôse an 6 , pour
vo ir dire q u ’il serait m aintenu au droit et possession do
ce fossé.
L e cit. Brun a a c h e t é , en l ’an 6 f un autre pré du
cit. D u b o is, et pour celui-là e n c o r e , il est borné à l’oc
cid e n t, par les prés Boudanson du cit. V e r n iè r e , et au
nord/-par un pré appelé G r e n o u ille t, que le cit. V e r nière avait acquis du cil; iBJelferie, en 1789.
C e pré Grenouillet avait été acquis par le citoyen
Bletterie , du dom aine du R o i , et la propriété du fossé
séparatif du pré D ubois était m arqu ée alors par deux
bornes à quatre fa ces, saillantes, portant une inscrip
tio n , et placées aux deux extrém ités du fossé du côté
du pré Dubois. 11 y avait eu m ô m e , en 1 7 7 5 , une dif
ficulté entre les fermiers du dom aine et les sous-fer
miers, pour le net toiem ent de ces f -s é s ; et par transac
tion du 4 fé v r ie r , 1<J sous-ferm ier du pré Grenouillet
p aya des dom m ages-in térôts, co m m e n ’ayant pas fait
ce n etto iem en t, dont il était chargé par son bail du
27 décem bre 1764.
L e cit. Bletterie étant devenu acquéreur, avait fait
assigner Dubois p è re , en 1 7 8 3 , pour la propriété du
fossé a u j o u r d ’ h u i c o n t e n tie u x , et le rétablissement
d ’ une borne qui venait d’être arrachée ; mais com m e
A 2
�•
; <r-«
.
( 4V ,
on ne lui disputa pas la propriété du fossé, il ne 1int
pas au replacem ent de la b o rn e , et ne fit plus de pour
suites.
~
D ubois fils avait bien te n té, en l ’an 4 , de faire citer
le cit. V e r n iè r e , q u’il crut n ’être pas inform é de l ’an
cien état des choses; niais au bureau de paix il se con
vainquit de la nullité de son droit, et ne donna aucune
assignation.
L e cit. Brun deven u p ro p riéta ire, osa davantage:
il assigna le cit. V ern ière , le 21 frim aire an 8, et conclut
èi la maintenue- du droit et possession de ce fossé.
D e son côté , le cil. Vernière fit assigner le cit. B ru n ,
le 9 nivôse an 8 , pour rétablir le chem in vicinal men
tionné ci-dessus, et q u ’il avait supprimé en coupant l ’un
des rangs de s a u le s , pour s’em parer du local.
V o ilà donc trois chefs de d em a n d es, dans lesquels
le citoyen Brun est dem andeur pour la propriété de
deux fossés, et le cit. V ern ière est dem andeur pour le
rétablissement d ’un chem in.
L e tribunal civil du P u y - d e - D ô m e rendit un juge
m ent interlocutoire, le 9 nivôse an 8 ; il ordonna que
les contestations s é r i e n t soumises à une expertise;
Que les experts diraient, quant aux fossés, s'il existe
quelque indice, agage, 011 au Ire œ uvre de main d 'hom m e,
•tendant à attribuer la propriété desdits fossés à l ’une ou
à l'autre des parties ;
Q u ’ils diraient, quant au ch em in , s’il avait été autre
fois chem in pu b lic, s'il subsiste en c o ie des traces de sou
existence a n cie n n e , et de 1’usurpatiou.
C e lle expertise con ven ait à toutes les parties, et eut
�lieu sans la m oindre réclamai ion. L es experts donnèrenl leur ra p p o r t, le 23 prairial an 8.
I l leur avait été produit des copies de reconnaissances,
qui donnaient au pré Blicli un chem in pour confin
d ’ orient ; ce qui prouvait loul à la fois pour le chem in
et pour le fossé qui était en deçà. Mais quant au fossé,
les experts les trouvèrent m êm e surabondantes.
Ils pensen t, i.° relativem ent au fossé du pré B l i c l i,
que d’après l ’inspection des lie u x , les ponts, l ’agage re
construit par le citoyen V e r n iè re , et qui ne peut servir
q u ’à l’irrigation de son p r é , ledit fossé, indépendam
m ent des reconnaissances, appartient au cit. Vernière.
2,° Quant au ch e m in , q u ’il a existé dans le pré du
cit. Brun , q u ’il avait douze pieds, q u ’à la vérité ils n ’ont
pas trouvé de titres prouvant q u ’il fût destiné à l ’e x
ploitation du premier pré Boudanson, mais que cepen
dant sa direction et l ’ouverture étaient suffisantes pour
c e lle ex p lo ita tio n , d’autant mieux que la reconnais
sance de Colas M o r e l, qui s’y a p p liq u e, réclam e pour
confin de jo u r, un chem in commun.
3 .° Quant au fossé du pré G renouillet, les experts
disent que d’après l ’ usage de donner le fossé aux prés
de m id i, il appartiendrait au citoyen B r u n , mais que
n ’aya n t trouvé ni indices ni titres, et n’étant pas au
torisés a e n q u êter, ils s’en réfèrent au tribunal.
C e tribunal n'était plus celui qui avait rendu le ju g e
m ent in leilo cu to ire; le tribunal d ’arrondissement était '
en activité , et il ne crut pas devoir hom ologuer un
rapport fait en exécution d ’un jugem ent q u ’il n ’avait
pas rendu.
�I
t
•
(6 )
L e cit. B r u n , quoique nouveau possesseur, offrit de
faire les preuves les plus difficiles. L ’agage établi sur le
pré B l i c l i , exigeait celle d ’ une possession de près de
5 o ans; le traité du 4 février 1 7 7 5 , rappelant encore
un bail de 1 7 6 4 , demandait pour le pré Grenouillet un©
p reuve de possession, à peu près im m ém oriale. L e cit.
B run ne fut rebuté par rien : il ofïrit tout ce q u ’on v o u
lut ; et le tribunal d’arrondissement rendit un n ouveau
jugem ent in terlocu toire, le 6 fructidor an 8.
C e jugem ent ordonna que le cit. Brun ferai! p r e u v e ,
i.° que lui ou ses prédécesseurs, propriétaires du pré
F a id it, avaient possédé exclusivem ent le fossé con ten
t i e u x , l'avaient recuré et profité seuls de la jetée p e n
dant 3 o ans utiles avant Cexistence de t a gage.
2,0
Q u ’il prouverait aussi une possession exclusive du
terrain , sur lequel élait le chem in longeant lesdils fos
sés , sans que le citoyen Verniere ij eût ja m a is passe.
3 .° Q u ’il prouverait enfin la jouissance exclusive du
fossé du pré Grenouillet pendant 3 o ans utiles avant Le
'
traité d u 4 février 1 7 7 5 .
E n exécution de ce ju g e m e n t, les parties ont fait
respectivem ent des enquêtes;
11 ne faut pas dissimuler que la m ajeure partie des
tém oins, amenés par le cil. B r u n , oui déposé Irèsfavorablcm enl pour lui.
Presque tous ont fait ou vu faire le nettoiem ent du
iossé du pré Blich pour le cit. F a id it, depuis 17 ans',
2 5 an s, 29 ans, 3 o a n s, 32 ans , 36 a n s, 4 0 ans, et l’un
d ’eux va m êm e jusqu'il 5 o an?. Mais il fallait (ixer l ’é
poque de l’agag e, cl quelques-uns des témoins le disent
�J G ï
( 7 )
fait depuis 12 à i 3 ans. U n autre plus indulgent pour
le cit. Brun , ne le fait pas rem onter au-delà de 7 à 8
ans. Cependant ils conviennent q u’avant cet agage en
m a ç o n e rie , il y avait une digue faile en pieux et en
b ran ch ages, pour faire ¿Hier l’eau dans le pré Blich.
-Ainsi le disent les témoins C arto n , Versepuy et Q u in ty ,
lérnoins du cit. Brun ; les deux derniers ont vu celte
digue de bois exister il y a ¿5 ans.
L e s témoins du cit. V.ernière disent avoir fait aussi le
nettoiem ent du m êm e fossé depuis 8 ans, depuis 12
ans, depuis 14 ou i 5 ans.
Quant à l'existence du ch e m in , les témoins de Brun
l ’ont bien tous vu ; ils l’ont v u m arqué par deux rangs
d ’arb res; les uns en font un se n tie r, et les autres un
chem in à chars. M ais ils prétendent n ’y avo ir vu passer
person n e, et sur-tout le cit. V e r n iè re ; ils disent presque
tous que ce chem in n’était que pour l ’usage des reli
gieuses de N o t ie - D a m e , propriétaires du pré joui ù
présent par le cit. A u b ert ; mais que depuis long-tems,
M . r Faidit s’étant arrangé avec e lle s , ce chem in ne
subsiste plus. U n témoin dit c e p e n d a n t, que ce chem in
était à l’ usage des religieuses et du nom m é Bachot.
L e s témoins du cil. Vernière onl vu ce ch em in pra
tiq u é; l ’un d ’eux l ’a vu il y a 3 o ans, et il lui paraissait
un chem in d ’exploilalion ; un autre y a gardé les cochons
dans le m êm e lem s; un aulre y a conduit des fumier9
po u r les jardiniers v o is in -, il y a 34 ou 35 ans , et il
distingue bien que c ’était un chem in d ’en viron cent
toises, entre les prés Faidit et Assolent.
A l ’égard du ibtsé du pré G re n o u ille t, les témoins
j
�.'/
'
< ( 8 )
du cit. Brun disent q u’il a été n etto yé par D u b o is , son
prédécesseur, depuis 2 4 , 28, 3 2 , 3 4 , 4 0 , et m êm e l’un
d ’e u x , 55 ans. A u c u n d ’eu x n ’y a v u de bornes, mais
seulement des pierres de taille pour arrêter l ’eau. L ’ une
de ces pierres étant à la vérité plus g ran d e, mais ne
paraissant, dit un tém oin , q u ’ une pierre de croisée.
D ans l’enquête du cit. V e rn iè re , les témoins disent,
que ce fossé avait été n e tt o y é , et le jet répandu sur le
pré G ren ouillet, il y a i 5 , 17 , ¿ 5 , 3 o et 40 ans. L ’ un
d ’e u x , ferm ier il y a 42 an s, dit l ’avoir fait ainsi p e n
dant tout Le tems de son bail. L e cit. Jusseraud dit avoir
été ferm ier depuis 1 7 7 2 , et avoir toujours fait faire ce
recurem ent.
L ’ancienne existen ce, au moins d ’ une b o r n e , paraît
assez constatée dans cette enquête. C e u x qui en parlent
expliquent que c ’était une pierre taillée à quatre faces,
sans feliure, en saillie, paraissant bien une b o rn e , et
donnant le fossé au pré Grenouillet. U n tém oin y a
m êm e vu
deux bornes au lieu d ’u n e , un autre y a
rem arq ué com m e de récriture.
Enfin le tribunal d ’arrondissement a prononcé en
défin itif, sur les trois chefs contentieux , le 11 fructidor
a n g.
A tte n d u sur le prem ier c h e f, que le cit. Brun a prouvé
une possession du fossé du pré B lic b , pendant 3 o ans
avant l’existence de l’agage établi p a r le cit. V e r n iè r e ,
et que cette possession lui sert de titre;
A tte n d u sur le second c h e f, que le cit. Brun est en
possession du chem in depuis 3 o ans avant la d em a n d e;
que ce chem in ne servait que pour l ’usage des religieuses
do
�C 9)
de N o t r e - D a m e , représentées par A u b e r t , et q u’il leur
en a été donné un autre en rem p la cem en t; que le cit.
V e rn iè re n’y a plus dé droit de tems im m é m o ria l, et
que les servitudes se prescrivent par 3 o ans ;
A tte n d u sur le troisième c h e f, q u ’aucune des parties
n e rapporte de titres qui lui donnent la propriété du
fossé du pré G r e n o u ille t, q u ’il n ’y a ni bornes ni jets
de part ni d ’au tre , et q u’il résulte des enquêtes que les
d eu x parties ont fait des actes de propriété à diverses
époques.
Sans s’arrêter au rapport d ’experts, le cit. B ru n est
gardé au droit et possession du fossé Blich. I l est o r
don n é la démolition de l ’agage établi sur ce fossé par
le cit. Vernière. Il est ordonné encore la destruction
d ’une bonde placée au bout du m êm e fossé.
L e cit. V ern ière est débouté de sa dem ande en réta
blissement du chem in.
L e fossé du pré G renouillet est déclaré com m un au x
p a rties, et il est dit q u’elles s’en partageront le jet. L a
destruction de l’a ga ge , établi sur çe fossé par le cito y e n
V e r n iè r e , est de m ê m e ordonnée.
L es deux parties ont interjeté appel de ce jugement.
M O Y E N S .
L e but de ce M é m o ir e a été plutôt de rendre com pte
de la cause que de la discuter. M algré la sécheresse de
son o b je t , le d éveloppem ent de plusieurs demandes et
le débat d’ une expertise et d’ une e n q u ê te , com porte
raient un ordre et une étendue de discussion p lu s fa liB
�gan te que nécessaire ; mais ce n ’était ici q u’ une cause
d ’exp ertise, car tout ce qui tient au b o rn a g e, peut-il
bien être fo u rn is à des e n q u êtes? qui ne sait que des
fermiers s’enIre-dispute n t , pied à p ie d , les limites, les
engrais, et les prises d ’e a u ; et sans doute l ’historique
de leurs débals ne doit être q u ’ une voie d ’éclaircissemens très-secondaire.
; :
*
L e tribunal civil l’avait' pensé ainsi; et certes s’il eût
cru q u ’ une enquête fût le seul m ode préparatoire de
sa décision , il n’eût pas fait passer les parties par un
prélim inaire dispendieux, et cependant inutile. Mais il
avait cru , avec raison , que des experis habitués à l’exa
m en des lo c a lité s, distingueraient aisément la vraie
dém arcation des héritages des parties , laquelle fixée
dans le tirs plans, resterait im m uable , et les mettrait pour
toujours à l’abri des procès.
T e l était aussi le vœu des citoyens Brun et V e r n iè r e ,
tous deux présens à l’expertise, el al tendant de ce tra
vail la fin de leurs conleslalions. Elles devaient donc
en effet ne pas être soumises à d ’au 1res épreuves , au
m oins pour les chefs de demandes que les experts ré
glaient positivem ent.
lis avaient re n v o y é au tribunal civil pour le fossé
du pré G renouille!', parce q u ’en effet ils 11’avaienl pas
tro u vé de bornes ni
reconnaissances; mais le tri
bunal avait assez a un exploit de 1 7 8 3 , et d ’un traité
de 1 7 7 5 , qui rappelait nu acte de 1 7 6 4 , et dès-lors la
p reu ve de possession était faite contre un dem andeur
qui de sa part ne rapportait aucuns titres ni docum ens.
L e pis aller au reste p o u va it être d ’o rd o n n er
uno
�( 11 )
p reu ve pour le c h e f se u le m e n t, et déjà*il est difficile
de ne pas trouver le jugem ent dont est ap p el v ic ie u x ,
par cela seul q u’il a refusé d ’hom ologuer le rapport
sage e t lum in eux ordonné par le tribunal civil, contre
leq uel m êm e il est très-rem arquable que le cito ye n
B run n’â proposé aucuns m o y e n s, soit de n u llité, soit
d ’erreu rs, soit d ’am endem ent.
_ L e cito yen V ern ière doit donc croire que le rapport
sera hom ologué sur l ’app el; néam oins et fallût-il entrer
dans lé m érite des enquêtes , et dans le fond de la
cau se, il doit croire encore que leur résultat serait tout
contraire au x inductions q u ’en a tirées le tribunal de
prem ière instance.
■
. C et exam en subsidiaire com porte que les. trois chefs
de dem andeisoient distingués, en com m ençant ce p en
dant par celui du ch em in v ic in a l, dont l’existence
im porte au fossé auquel il est adjacent.
' i .
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'
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I.-■: T
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•
§. I.er
L ’existence et La prescription d u chem in vicinal.
- C e ch em in a-t-il e x is té ? C e lte question n’est plus
contentieuse. L e s e x p e r t s , les témoins , le ju g em en t
dont est a p p e l, le cito ye n B run lui-m êm e en convien
nent. L e ch em in a existé.
o M ais q u ’était ce c h e m in ? et quand a-t-il é lé réu n i
w la propriété. ; d u 'c ito y e n Brun ?
: Ici diversité d ’opinions.
- ¡Les témoins Brun veulent qu’il ne fût destiné qu’à
i
«a. --i; 1 î
iv . -i:'
'
’
B 2
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V
( 12 )
l ’exploitation du pré des religieuses de N o t r e - D a m e ,
joui aujourd'hui par le cito yen A u b e r t , sau f un tém o in
qui le m eltait aussi à l ’ usage du citoyen Bachot. Us
disent q u ’il avait cessé depuis lo n g -te m s d’être un
c h e m in , par un arran gem en t que fit le sieur Faidit.
L e s exp erts, qui en ont vu la trace et la destination,
disent que c ’était un chem in d ’ex p lo ita tio n , et ils rap
porten t à l ’appui de leur opinion d eu x copies de recon n jissan ces, qui bornent le pré B run par un chem in
entre d e u x , de n u it; et une copie d’autre reconnaissance
qui borne le pré V ern ière par un chem in com m un 3
de jour.
L e s tém oins V e rn iè re avaient passé dans ce ch em in
il y avait trente ans : il n’ était donc pas réuni alors
par le sieur Faidit. Si ce chem in co m m u n était pres
criptible , la prescription n ’était donc pas acquise en
l ’an 8.
A insi il y avait pour le cito yen V e r n i è r e , titre s,
lo ca lité, expertise et en q u ête; le citoyen Brun n ’avait
q u ’une p reuve négative à opposer. N e faut-il
pas
s’étonner q u ’il ail eu la p référen ce de voir , sur-tout
dans le jugem ent dont est a p p e l , que ce chem in ne
servant q u ’aux religieuses, a été rem placé ancienne
ment par un a u t r e , et que depuis ce t e m s - là , le cit.*
Brun ou ses auteurs ont possédé exclusivem ent le terrain
dudit chem in pendant tren te ans avant la demande.
P o u r juger a in s i, le tribunal de prem ière instance
s’est fondé sur les e n q u ê te s ; mais il était un tém oin
plus fort et moins suspect que tous le s a u tre s ,q u i n’avait
pas fait rem on ter à 3 o ans la destruction du c h e m in ,
et ce té m o in , c ’est le cito ye n B run lu i-m êm e!
�( i3 )
^
Il a dit p a r é c r it , au p r o c è s , que c ’est lui ( B r u n )
qui a arraché les arbres qui bordaient le c h e m in 'd e
son côlé ; que c ’est lui ( B ru n ) qui a d étru it le c h e m in ,
mais q u ’ il ne devait q u’ un passage au cito yen A u b e r f;
que c ’est lui ( B r u n ) qui a chan gé cette servitude d u
consentement d u citoyen A u b ert , en lui ouvrant un
autre chemin.
Il est donc indubitable que le chem in contentieux
n ’a pas été d étruit, et le terrain possédé exclusivem ent
par les citoyens Faidit et B run pendant trente ans
avant la demande. Il est donc bien certain que ce n ’est
pas le cito ye n Faidit qui changea anciennem ent cette
servitude pour s’em parer du terrain , puisque c ’est le
citoyen Brun lui-m êm e qui l ’a changée d u consentement
du citoyen A u b er t ; et le citoyen B run n ’est acquéreur
que depuis 1794L e chem in n’était donc pas détruit en 1794. Il n ’y
avait pas de changem ent alors, et sa bordure d ’arbres
n ’était pas arrachée. lia question de propriété est donc
toute nue : ce n’est plus une prescription im aginaire qui
en disposera.
Q u e le cito ye n V e rn iè re ait ou non passé sur ce
c h e m in , ce fait est indifférent ; car le genre de ce lle
possession ne laisse aucunes traces.
C ’est d ’ailleurs un droit de pure faculté , et la pres
cription dès-lors n ’a p u
courir suivant les principes
que a die cotitradiclionis. ( V. D en i% a rt, C oquille
Henri/s ).
L e chem in n ’a été d étru it, d ’après le cito yen B r u n ,
q u ’en 1 7 9 4 .1 1 étail libre au cito ye n V ern ière d ’y passer
�. ( r4 )
ou de n ’y pas passer ; car rien ne pro u ve q u ’on l ’en
ail jamais em pêché. Il préférait ¿ ’exploiter 'ses prés l’un
par l ’a u lr e ; mais il avait toujours intérêt à la conservalion du chem in. Il a su que le cito yen B run l ’avait
d é t r u it, et il s’est pou rvu en rétablissement dans les
six années de la destruction.
>
Si la p reu ve négative que le citoyen V e rn iè re n ’a
pas usé du ch em in était une voie de prescription contre
lui > il relèverait cette prescription par un fait consigné
dans les enquêtes m ê m e ; car 011 y voit q u e ce ch em in
est d evenu depuis long-tem s im praticable par une m arre
d ’eau qui en occupe encore une partie.
O r , il est encore de principe q u ’on ne perd pas la
possession d ’ un héritage ou d ’un chem in qui se tro u ve
obstrué, par des eaux , 'demersœ rei, ou autrem ent im
praticable , et que le droit de passer n ’est perdu en ce
cas par aucun laps de lem s, quanw is id tempus prœterier it, ut servit us itineris am ittatur. ( L. i 3 . cod.> deaq. '
poss. L 7. et làf. JJ'. quem ad. servit, a m itt.). L e cito yen V ern ière d ’ailleurs, co m m e propriétaire
riverain d ’un chem in d ég ra d é, se fût dû lu i- m ê m e un
chem in sur son héritage jusqu’à une réparation ; il n ’a
donc dans aucun cas ¿perdu le droit d ’en user à son
loisir.
•
1-
.:
L e cito yen Brun cite son adjudication dé l ?an>2 ,
qui 11e confine pas un chem in. Il faudrait lui dem ander
au contraire s’ il a bien acquis le droit de fa ire détruim
un agnge qui était bâti sous les y e u x du propriétaire
et sans contradiction. .Au reste', la nalion s?cm paran t
des biens d’ém igrés à litre de con q uête ou de déshér1
�rence , .a -t- e lle pu m eltre un grand soin h rechercher
les litres vicin a u x ; elle savait si bien que ses agens agi
raient avec précipitation , q u ’elle ne garantissait pas la
co n te n u e ; mais celte objection du citoyen Brun m èn e
à une découverte de plus. L e cito yen C orn udet, son
voisin , a acquis un pré confinant le pré Blich au m êm e
asp ect, provenant des H o s p ita liè re s.O r, l ’adjudication
qui est du 2 venlôse an 2 , porle pour confin un chem in
de service entre d e u x d u pré verger du citoyen Vernière.
O r , les prés Brun et C ornudet étant sur la m êm e lign er
peut-il y avoir 1111. chem in de service po u r l ’ un sans
q u ’il soit pour l ’autre.
A ce tilre s’en joint un a u lre du 27 janvier 1 7 8 8 ,
par lequel 011 voil que les nom m és Bachot ayant voulu
em piéter ce chem in , le cito yen V ern ière les força à
le laisser libre.
M a is , dit-on , cette servitude n’est pas nécessaire,
et la faveur de l’agriculture ne veut pas q u ’on en laisse
subsister d'inutiles.
Il 11’y a dans ce lte objection à répondre q u ’à un m o t,
c ’est à celui de servitude ; car ce n ’en est pas une que
réclam e le cito yen V e r n iè re , ce 11’esl pas sur le pré du
citoyen B run q u ’il veut passer, c ’est dans un chem in
com m un qui est entre les deux p r é s , et qui ne fait partie
ni de l ’ un , ni de l’autre.
C ’esl ainsi que les experts ont reconnu ce c h e m in ;
c ’est ainsi q u ’il était tracé entre deux rangs de v ie u x
saules jusqu’après 17 9 4 ; c ’est ainsi encore que l ’ont
désigné les témoins en l e ■
disant, un chem in à chars.
Ce 11’est donc pas une simple servitude sur le fonds
�( 16 )
d ’a u tru i; ce n ’est pas non plus un sentier iter\ ce n ’est
pas m êm e actus , c ’est bien distinctement ce que les
lois appellent v ia , un vrai ch em in vicinal destiné a u x
hom m es, aux bêtes et au x voitures. J u s agencli, vehendi
et am bulandi. ( 1. i . er^
de Serv. prœd. rust. )
L e citoyen V ern ière n ’a-l-il pas intérêt d ’ailleurs de
n e pas laisser perdre un ch em in qui lui deviendra trèsutile dans plusieurs hypolhèses. Il peut ven dre le petit
pré Boudanson qui est au m ilieu des autres; ce pré
peut faire partie du lot d ’ un de ses enfans ; il peut
l ’affermer particulièrem ent lu i-m ê m e : il a donc eu
raison de d em ander le rétablissement de ce chem in.
L e cito yen Brun ne l ?a détruit q u ’après 17 9 4 ; il ne
l ’a donc pas acquis par la prescription. S’il n ’est pas
acquis par le cito yen Brun , il n’est pas perdu pour le
c ito y e n V e r n iè re ; ainsi sa dem ande doit être accueillie.
§•2,
'
*
L a propriété d u fo s s é oriental d u pré B h ch .
Si le précédent paragraphe p ro u ve l ’existence d ’ un
chem in entre les deux prés des parties, com m ent sera-t-il
con cevab le que le citoyen Brun puisse le traverser, pour
se trouver propriétaire d ’ un fossé au-delà du chem in.
R em arq uon s d ’abord à cet égard la différence des
motifs qui ont d éterm in é le tribunal dont est appel.
Q u a n d , relativem en t au ch e m in , il a cru plutôt les
tém oins que le cito yen Brun lui-m êm e , il a dit que la
destruction du ch em in était faite auciennêinent p a r l e
c ito ye n
�( 17 ) t
cito ye n Faidit ; mais com m e d ’autres témoins disaient
y avoir passé il a trente a n s 3 il a bien expliqué qu’il
ne trouvait la preuve faite que d ’une possession de trente
ans avant L’exp lo it cle demande.
R ela tivem en t au fossé Blich , il a déclaré q u ’il y
avait preuve de possession dé ce fossé pendant trente
ans avant Cexistence de L’a gage fait par le cito yen
Vernière.
O r , il est constant que l ’agage a été bâti depuis quinze
ans au moins.
,
!
! J,
•>') " ir.
M ainten an t l’inconséquencélest paljpablé.Leitribundl
de prem ière instance a jugé qu’ il y. avait possession du
fossé pendant quarante-cinq ans, et possession du chem in
pend ant tren te ans.
~>i .!).■. ■
■
■
's w«?,
I l a donc jugé q u ’un propriétaire '3 en >nettqyariii un
fossé au-delà d ’ un c h e m in , peut>fairé acte de possession
utile , et prescrire le fossé par celte possession.
L a raison y résiste, et la loi dit que les propriétaires
d ’héritages séparés, par un chem in , n ’ont jaimais do
bornes à régler entre eu x j ,si' via 'p u b lica intervenit,
fin iu m regundorum a g i non polest. ( 1. 4* -iïi.fin. reg. ).
V eut-on dire que le tribunal n ’a pas entendu juger
( üne cliosç aussi extraordinaire
niiais »alors il faudra
4 dire que le sieur ^Faidit n ’a pu faire- des açtds dè p ro
priétaire sur le fossé , qu’après en-avoir fa it sur le ch e
min. Or,,, il est impossible; d’établir que le chem in soit
. détruit et possédé depuis quarante-rcinq ans. Il est donc
tout aussi impossible d ’établir la possession du fossé pour
le citoyen, B ru n ; car elle cloit avoiu.éfé-acquiselors'de la
construction de l ’agage,.sinon il n’^ a -p a s prescription.
C
�C e p en d a n t.vo yo n s encore si la possession du cito yen
B r u n , telle q u ’elle e s t, aurait été , in dépend am m en t
de cet interm édiaire , suffisante pour lui acquérir la
prescription.
N on seulem ent il faut que les trente ans nécessaires
pou r prescrire soient utiles et co n tin u s; mais il faut
en core q u ’ils se soient passés sans le m oindre trouble
et sansle m oindre acte de promiscuité qui portât atteinte
à une possession exclusive,*
'
C a r sur ce point la loi est bien claire. E lle exige
l ’im m obilité la plus p a r fa ite , le silence le plus absolu de
la part de ce u x qui ont.un intérêt contraire. Possessio
lég itim a e s t , cum omnium, adversanorum silentio et
tacU urrutaleJirm atur. (1. 10 de aquir possèss.)
O r , pou vons-n ous trouver cette abstention entière
v o u lu e par'la loi dans ce qui s’est passé , m êm e d ’après
les témoignages.
N e cherchons m ê m e que dans l ’enquête du cito yen
Brun. Gailori , f e r m ie r 'e n : 178 4 , dit que l ’agage du
^citoyen Vernière^fut fait pendant sa fe rm e , et q u 'a u p a r a fa n t'il y avait une digue en mottes pour mener
■/’eau 'au pré B lic h .
. V e r s e p u y o t Q u in ty déposent tous deux de 25 a n s ,
- e t ;disent \qu alors>\üs> fermiers du pré Blicli faisaient
-nhp- digue avec des'm ot les-pour prendre l ’eau.
V o ilà donc tout le contraire de silen tio , taciturnitate.
V o ilà au contraire des actes très-interruptifs de pos
session. !
:j!)
1
A Pons m ê m e jusqu’au témoin du cito ye n Brun , qui
idépose do 5 o an s, et disons que s’il y a eu des inter»-
�ruplions.qui rem ontent à s 5 a n s, il n ’en restera pas 3 o
utiles. 1 :.
L e cito ye n B run s’était cependant chargé de prou ver
u n e possession paisible et e x clu siv e , il ne l ’a pas faite.
I l était donc m al fondé de vouloir priver le cito yen
Vern ière:d u fossé, et sur-tout de conclure incidem m ent
ii- l a destruction de l ’agage.
.
Car cet agage ne lui nuit pas. O utre q u’il n ’est pas*
bâti ch ez l u i , il lui serait physiquem en t impossible de
profiter de l ’e a u , co m m e l ’ont, dit les experts. Sa de
m an d e est donc m é ch a n te , car elle n ’a pas d in térêt réel,
f L e cito ye n B ra n , au m om en t de l ’audience définitive,
a m ê m e 'fo rm é e x abrupto une dem an de en destruction
d ’une bonde q u ’i l a prétendu être sur le fossé du pré
B licli, et il a oblenu ce q u ’il dem andait sansile m oindre
exam en .
... I i
.
i:
.: >
S’il en eût été question lors de l ’e x p e rtis e , le plan
dém ontrerait que celte b o n d e , placée pour form er un
amas d ’eau entre le pré.B lich et le petit pré Boudanson,
est e n tiè r e m e n t , de m êm e que ce ré s e rv o ir, hors la
ligne angulaire du pré du cito yen Brun. Il était donc
encore mal fondé dans cet incident.
!
L e cito yen Y ern ière n’y insiste pas davantage, parce
que son drgit1évident à la propriélé du fossé Blich rendra
cet autre exam en inutile. C ette propriété n ’avait pas
.besoin {Fénquêtes ; car le citoyen Brun avouait n’avoir
•détruit lc.ch em in interm édiaire que depuis 1 7 9 4 } et
<ce chemin' était sans, contredit un\obstacle ins.unuon-r
vtnble pnur q u ’i l p û t Ê tre'allé posséder animQ dom ini
•mnifosséi situai au-delà.1' M
<y<o;."r'r
C a
�( 20 )
Y eû(-il ëu du doute* il .fallait, 'co m m e le dit D o m a t , *
se décider en faveur de celui qui avait le titre le plus
apparent. (/. 3 . de La Possess. )
N ’é lait-ce donc pas le cit. V e r n iè r e , déjà proprié
taire sans contradiction de tous les autres fossés de son
p r é , dont la propriété était entourée d ’eau et d ’ou
vrages de m a ç o n erie, et auquel seul la prise d ’eau po u
va it être utile.
Il a en sa faveur des reconnaissances. A la vérité elles
n e sont pas copiées d ’une m anière auth e n tiq u e; mais la
loi du 17 juillet 179 3 a disposé des originaux! Ces c o
pies anciennes ne p euven t pas être dites faites pour la
cau se, et de telles pièces fugitives sont devenues trop
précieuses au x propriétés, pour q u ’on doive les rebuter
sans de grandes raisons.
x '
'
En fin le cit. V ern ière a en sa faveur Ta vis très-positif
des experts , et certes cela seul devait décider de la con
te sta tio n ; car si on prescrit un ch am p e n t i e r , on n e
prescrit pas un bornage , et il est de principe ¡que toutes
lés questions de cet le nature doivent être soumiseâ.à un©
vérification.
1
Il n’y a lieu à exa m in er la possession, q u e si l’ une de9
parties prétend avoir celle de 1 héritage q u ’il faut borner.
S i super iocis prior detuLcrit q iierim on ia n t.\i.' 3 . c .J i n .
R ég i )
»:
<
•
M ais s’il n’ est question que du bornage en lu i-m ê m e ,
le juge doit re n v o y e r à des experts d e fin ib u s cogriosccndis pcrtinet a d mensores nüttercy e i il ne .doit p a s ,
co m m e le tribunal do prem ière instance y répudier leur
ra p p o rt, sans des causes d ’am endem ent^iniais a iic o n -
�( 21 )
J
traire ju g er par leur avis. E t per eos dirimere ipsam
fin iu m quœstiotiem. (/. 8. eod. tit. )
§. 3 .
L a propriété d u fo s s é d u pré Grenouillet.
C
e
q u ’à jugé à cet égard le tribunal dont est ap p el,
n ’est point du tout ce que les deux parties demandaient.
L e cit. Brun avait form é une dem ande pétitoire , et le
cit. V ern ière avait conclu à ce q u ’il en fût débouté. L e
tribunal n’a ni adjugé la d e m a n d e , ni débouté de la
dem ande.
I l a ordonné une prom iscuité, à laquelle personne
n ’avait conclu , pas m êm e subsidiairement.
E t com m e personne n’est obligé de v iv re dans l ’in
division, c ’est avoir ordonné im plicitem ent un partage
de terrain; mais un partage ne s’ordonne pas d ’office.
A in si, contravention au principe que sententia debet
ésselibel/o con /orm is, contravention à l’ordonnance qui
adm et à req uête civile, quand il a été jugé autre chose
que ce qui était demandé.
Peut-être bien est-il fondé en raison que le juge qui
n e voit pas clairem ent à qui appartient une propriété,
ordonne que les conlendans en feront le partage. C ’est
le jugem ent de Salomon ; mais le jugem ent de Salomon
n e serait pas autorisé par l'ordonnance de 1667.
A u fait q u ’y avait-il a ju g er? la dem ande pétitoire
du cit. B run q u ’il s’ était soumis a a p p u yer d ’une p reuve
de possession exclusive de 3 o ans utiles avant le 4 février
>
�.
( 22 )
i 7 7 5 , kc ’e s tr à -d îr e , de plus de 55 a n s ,.t a n t p a r tifres
que par témoins.
........... , .
L e cit. B run n ’a rien pro u vé par titres, et certes il
n e peut pas dire non plus ayoir rien p ro u vé par témoins.
I l était d em an d eu r, il n’établissait pas sa dem ande ,
il devait donc être débouté.
S i , ne pouvant obtenir le fossé en tier, il cro yait pou
voir prétendre à une m oitié, c ’était à lui à la demander.
Jusques là le cit. V ern ière n ’avait à défendre q u’à ladem ande de la propriété du fossé, et pour établir q u’e l l e .
n ’était pas fo n d é e , il a peu djefforts à faire ; car le jugery
m ent m êm e dont est a p p e l, constate dans ses motifs,}
q u ’il résulte des enquêtes que les deux parties ont f a i t
des actes de propriété à diverses époques.
L e cit. Brun n ’a donc pas fait la p re u v e à laquelle,Ü.
s’était soumis d’une possession exclusive.de 3 o ans utiles
avant 1 7 7 5 , et peu im portait que le cit. V ern ière eût
p ro u vé de sa part une possession e x c lu siv e ; il ne s’y
était pas o b lig é, et il était défendeur.
.
U n autre vice du ju gem en t dont est ap p el, est d ’avoin
Ordonné la destruction de l ’agyge établi sur ce fossé,
qui n’avail été d em an dée aussi q u ’en fin de cause.
;
S ’il en eût été question avant le jugem ent définitif,
Je cit. V ern ière aurait fuit constater qu^ 'cet agage ne
î u À tp a s a u cit. B r u n , q u ’il ne Umcbe pas m ê m e .a u terx u i ii .d e 'sou pré , et que l’eau ne peilt pas rem o n ter
au niveau dé ce pré. Ainsi encore il a été statué sur
une chose inconnue.
Y/r.
1
M ais fallûtril discuter sur le droit à la prom iscu itéd u
iüssé, il est de la plus grande évidèndo/que le cit.; B n in
n’ en a aucun.
�’
( 23 )
Q u e le cÎt.D u b o îs, précédent propriétaire de son pré,
ail fait n etto yer le fossé par échappée, m êm e à plusieurs
rep rises, cela s’exp liq u e; le pré Grenouillet était au
dom aine du R o i , il avait été déguerpi pendant lo n g te m s , co m m e les titres l’in d iq u e n t, et c ’en était assez
p o u r autoriser les voisins à ne pas respecter infiniment
cette propriété.
M ais tout prouve q u e depuis que le cit. Jusseraud
fu t ferm ier du dom aine , et encore plus quand le pré
Grenouille! fut ven d u au citoyen Bletterie, l’ un et l’autre
surveillèrent davantage , el alors le cit. D ubois ne net
toya plus le fossé.
11 est rem arquable q u ’aucun des lém oins du cil.B ru n
n e parle d ’un seul n e llo y em en l pendant les vingt dernièresannées, et encore on sait com bien le tems s’abrège
quand il faut se rappeler du passé. U n seul m ê m e , et
très-suspect, parle de 20 ans. Mais fallût-il se fixer à
cette é p o q u e , qui croira q u e , si le cit. D ubois était pro
p riétaire, il cessa tout d ’un coup sa prétendue posses
sion, quand le pré Grenouillet n ’était plus domanial et
déguerpi. Ou plutôt qui ne croira pas que jusqu’à la
v e n te du pré G re n o u ille t, il usurpait fu rtivem en t, et
n e possédait pas.
L e s conjonctures sont fortes , et cependant les titres
produits les rendent surabond antes, ou au moins les
fortifient.
L o rsq u ’on voit par un traité de 1 7 7 $ , qui est basé sur
un bail de 1 7 6 4 , un sous-lerm ier du pré Grenouillet
p a y e r un dédom m agem ent pour le fossé q u’il n ’a pas
fa it; lorsque le cit. B le tte r ie , assigne le cit. D u b o is, en
�rétablissement d ’ une born e qui lui donnait le fossé 5 ar
rachée depuis quelques jours; q u ’un tém o in explique
que le résultat de cette discussion fut que le cit. Bletterie
n etto ya le fossé, il est aussi clair q u’il puisse l ’être en sem
blable m atière, que la propriété était au cit. Bletterie.
L e tribunal de prem ière instance a adopté le traité
de 1 7 7 5 , co m m e un titre en faveur du cit. V e r n iè re ,
puisqu’il a exigé une p reuve de 3 o
ans a n térieu rs;
cependant ce titre était basé sur un autre de 1764. Alors
par une conséquence nécessaire, il fallait partir de cette
prem ière é p o q u e , et le cito ye n V ern iè re avait 36 ans
en sa faveur.
E u un m ot le cito yen V ern ière a pour lui titres et
possession; mais sur-tout le dernier état bien exclusi
v e m e n t établi. L e citoyen B run 11’a pas le m oindre
titre , et il n ’a établi que quelques anciens actes de
possession é p a r s , q u ’encore rien ne p ro u ve avoir été
anim a dom iai.
L e cilo yen V ern ière a établi de plus une ancienne
existence de bornes qui lui donnaient le fossé en lier :
c e lle preu ve 110 peut êlre détruite p a rle s tém oignages
négalifs q u ’il n’y en avait pas. L ’exploit donné en 1783
par le cito yen B lelterie , a ch ève la dém onstration; car
il parle d ’ une borne arrachée depuis quelques j o u r s .
Si ce n’est pas là une preuve co m p lè te , les déposilions
qui y sont relatives achèvent de la rendre suffisante.
L e cito yen Brun a certainem ent senti la force de ces
preuves ; mais pour faire bonne contenance , il a cru
q u ’il so rendrait plus intéressant en se p la ig n a n t,lu im ê m e de n ’avoir pas assez o b t e n u , et il a aussi inter
jeté appel.
11
�Jg&
( 25 )
I l est lésé d i t - i l , 1 .° pour n ’avoir pas obtenu de
do m m a ges-in térêts relativem ent au fossé Blich . S’il avait
p rou vé que ce fossé est à lu i, on lui rappellerait q u ’il
n ’a détruit le chem in q u’après 1 7 9 4 , et q u’ainsi jusques
là , si le citoyen V ern ière a eu droit d’après les experts
et les tit r e s , il a été en bonne foi depuis cette époque ;
2.0 P o u r n ’en avoir pas obtenu pour le fossé G renouillet ; mais il serait singulier de lui en avoir a c c o rd é ,
lorsqu’il n ’était pas établi propriétaire;
. 3 .° Parce que ce fossé a été déclaré com m un. L e cit.
V ern ière ne s’occupera pas de ce ch ef d’appel, les m oyens
précédens y rép o n d en t;
4 .0 Enfin parce q u ’ un tiers des dépens a été com pensé;
mais c ’était une conséquence du jugem ent q u i, sur trois
ch efs en faisait gagner deux au cito yen Brun.
Si
le citoyen V ernière avait besoin de m oyen s de
considération, c ’en serait un bien grand sans doute que
l ’exagération ridicule des prétentions toujours croissantes
du cito yen Brun. A v e c son voisinage sont arrivés l ’agi
tat ion et les procès; mais le cito ye n V ern ière se félicite
de ce que le jugem ent qui va se rendre en sera le t e r m e ,
et réprim era l ’avidité usurpatrice d ’un voisin aussi tracassier.
/ «
/V ~ A * :
P ar conseil, DE L A P C H IE R.
VERNIÈRE,
av o u é
A RIO M DE L ’IMPRIMERIE DU PALAIS, CHEZ J.-C. SALLES.
\
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Vernière. An 10?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Vernière
Subject
The topic of the resource
chemins vicinaux
jouissance des eaux
biens nationaux
émigrés
agage
bornage
experts
irrigation
témoins
prescription acquisitive
vie monastique
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le Citoyen Vernière, appelant et intimé ; contre le Citoyen Brun, intimé et appelant.
Notation manuscrite : « 18 thermidor an 10, 1ére section. Jugement : annule les enquêtes respectives faites en 1ére instance et sans s'arrêter au jugement du 1er juge, homologue le rapport d'experts et fixe les droits de chaque partie ».
Table Godemel : Litige sur la propriété et possession de deux fossés et d 'un chemin qui sont intermédiaires aux héritages respectifs des deux parties
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa An 10
1783-Circa An 10
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
25 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1421
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1422
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53235/BCU_Factums_G1421.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
agage
biens nationaux
bornage
chemins vicinaux
émigrés
experts
irrigation
Jouissance des eaux
prescription acquisitive
témoins
vie monastique
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53239/BCU_Factums_G1425.pdf
a6568fdfd2182ed1d8ab47c5ca412276
PDF Text
Text
M
E
M
O
I
R
E
POUR
L e sieur R O C H E F O R T -D ’A IL L Y , intimé;
CONTRE
Le
sieur C A V Y , appelant
CC
E n’est pas pour expliquer sa cause, que le sieur
Cavy a imprimé ses moyens ; elle étoit en effet si peu
importante : il le déclare lu i-m êm e ; mais il a voulu
apprendre au public, sous la garantie de sa signature,
qu’il étoit, l ui Cavy, un agriculteur intelligent, un fer
mier bien au-dessus du maître, un propriétaire considéré,
faisant de grandes spéculations»
Il pouvoit, sans inconvénient, se donner la jouissance
de publier ainsi ses vertus par la voie de l’impression ,
sans y ajouter l’affectation d’accabler le sieur d A illy de
personnalités et d’injures.
L e sieur d’A illy ne se juge pas lui-meme , et ne se dit
au-dessus de personne. Il réclame franchement ses droits,
A
�et les tribunaux n*ont pas encore jugé qu’il fît de mau
vais procès. Il est possible qu’un jeune homme qui n’a
pas les goûts de son âge , ne plaise pas aux faiseurs de
grandes spéculations, du moins dans le sens qu’ils l’en
tendent ; mais les devoirs de la société n’exigent pas
qu’on soit dupe ; et si le sieur Cavy ne l’entend pas de
la même manière, si ses grandes spéculations sont déran
gées par des jeunes gens n’ayant pas les goûts de leur
Age, il en résultera seulement que tous les dix ans il ne
doublera pas sa fortune, et qu’il se désabusera à la longue
de. la bonne opinion qu’il a de lui-même..
F A I T S .
La terre d e là Font, appartenante au sieur Maréchal,,
aïeul du sieur d’A illy , fut affermée au sieur C avy, le 27
brumaire an 6, pour neuf ans.
L e bail porte la clause suivante : « Les étangs seront
« empoissonnés aux frais du preneur, et le produit, à
a chaque pêche, sera partagé par moitié entre le bailleur
« et le preneur »
Ces étangs, étoient jadis au nombre de cinq; les étangs
de V A rch e, Chapot et la P ip e , ont toujours resté en
rapport ; mais ceux connus sous le nom de G iîo u x et
Tiroisau , ont été mis à sec il y a environ cinquante
ans ; depuis cette époque il y est né des arbres que le
sieur Cavy a exploités.
Quand la loi du 14 frimaire an 2 ordonna le dessè
chement des étangs, le sieur M aréchal s’étoit contçnté
de faire ôter U bonde de l’étang Chapot, et les eaux;
�<7
.
( 3 )
s'écoulèrent. Il n’y avoit même pas lieu d’exécuter la loi
autrement; car un grand chemin a été pratiqué sur la
chaussée, et il eût été intercepté, si la chaussée avoit été
détruite.
U neJoi du n thermidor an 3 ayant rapporté celle
du 14 frimaire , tous les propriétaires d’étangs non dé
truits n’avoient eu qu’une bonde à replacer, pour que
l’ancien volume d’eau y fût retenu. T out prouve que
c’est ainsi que le sieur Maréchal avoit rétabli l’ancien
état des choses, lorsqu’il donna sa terre à ferme au sieur
C avy, et stipula que les étangs seroient empoissonnés
par le p r e n e u r , à ses frais.
Il seroit indifférent, d’après cette clause, que ces étangs
fussent déjà empoissonnés en l’an 6 , puisque s’ils ne
l’étoient pas, le sieur Cavy ctoit chargé de cet empois
sonnement. Mais c’est un fait constant que les étangs de
YA rch e et de la Pipe furent péchés peu de mois après
le bail de l’an 6 , et que l’étang Chapoi fut péché en
l’an 7.
L e sieur Cavy ne nie pas*la pêche des deux premiers
étangs ; il 11’ose pas même la nier pour l’étang Chapot\
mais comme cet aveu le condamne, le sieur Cavy fait
des'efforts surnaturels pour prouver que celte pêche n est
pas une pêche, et que l’étang n’est pas un étang.
A le croire, des métayers y ramassèrent un peu d eau
avec des mottes, après une sécheresse, en l’an 6 . Cette
eau , destinée à abreuver les bestiaux et a faire rouir le
chanvre, produisit bientôt le prodige de féconder un
ancien frai qui avoit demeure dans la vase depuis 1 an 2 ,
et de procréer des carpes tellement disposées à réparer
A 2
I
�C4)
le temps perdu, qu’elles se trouvèrent, au bout de quelques mois, peser une livre et dem ie, et furent en état
d’être pêcliées et partagées en l’an 7. (M ém oire C avy,
pages 3 et 4. )
>
Nous examinerons bientôt le degré de probabilité de
ce système du sieur C a vy, mais pour continuer le récit
des faits, les étangs de l'A rch e et de la Pipe , péchés
en l’an 6 , le furent de nouveau en l’an 9, suivant l’ordre
périodique des pêches; et l’étang Chapot péché en l’an
7 , devoit l’être en l’an 10.
X/C sie u r M a r é c h a l m o u r u t le x 1 theiunidoi* an 9 . Le
sieur d’A illy , son petit —iils et son h éritier, eut des
comptes à apurez?- avec le- sieui* Cavy. 11 alloua des sommes
considérables sans quittances, et le sieur Cavy dût alors
lui trouver les goûts de son âge. Bientôt le sieur d’A illy
trouva dans les papiers de son aïeul d’anciens comptes
et états du sieuz- Cavy. Il y vit la nécessité d’examiner
sa gestion de plus près , et se convainquit bientôt que
son système dominant, comme il le dit lu i-m ê m e, est
de fa ire de grandes spéculations, sans s’arrêter aux
détails m inutieux.
Les conditions du bail n’étoient exécutées en effet que
pour les grands articles de production. M ais, i°. le sieuii
C iv y s’étoit obligé de planter soixan te-d ix œuvres de
vigne. Cela eût produit fort-peu et dépensé beaucoup :
il l’avoit oublié. 20. L e sieur Cavy zie devoit pas faire
de défriehemens; mais cela produit beaucoup, et le sieuz’
Cavy avoit défriché. 30. Il ne devoit employer les en
grais qu’aux terres et vignes des domaines*, il les avoit
détournés pour sou compte. 40. L e sieur Cavy 11e devoit
�y
t 5 )
exploiter les bois que suivant les périodes ordinaires; ïl
les avoit devancées, etc., etc.
Peut-être bien eût-il été plus louable à un jeune homme
de fermer les yeux sur les opérations du spéculateur.
Malheureusement pour le sieur C avy, le jeune homme
fut assez mal avisé pour voir clair, et pour faire dresser
en effet plusieurs procès verbaux de mésus, les uns pour
poursuivre sur le champ, et les autres pour conserver
une action en fin de bail.
T el fut le conseil de gens sages et prudens. L e sieur
Cavy sentit qu’il étoit alors plus urgent de se tirer
d’affaire que d’exhaler son courroux ; il vint prier le sieur
d’A illy de se relâcher de ses d r o it s ; e t celui-ci fut plus
généx-eux qu’il ne devoit l’être. Il se départit de tous
dommages - intérêts pour les défricliemens, les bois, la
non plantation de vigne, etc., et, par une amnistie gé
nérale pour ce qui étoit en litig e, il consentit de ne plus
r e c h e r c h e r le sieur Cavy pour les faits antérieurs de la
jouissance, sous réserve de tout ce qu’il pourroit faire
dans la suite de contraire aux clauses de son bail. Telles
furent en précis les conventions du traité du i<*. ven
démiaire an 10.
Il ne pouvoit pas être question dans ce traité, ni dans
les débats qui le précédèrent, de la pcclie de l’étang
Cliapot, puisqu’elle ne devoit avoir lieu que dans le
courant de l’an 10 : le sieur d’A illy n’avoit même pris
à cet égard aucunes informations positives. D ’ailleurs, il
y a moyen de pêcher un étang quand on veut, en y jetant
du poisson assez gros; et le sieur Cavy sait par experience
comment cola se pratique. Le sieur d’A illy l’invita à tenir
-A 3
�.*
Â-.
( 6: ).
scs engagemens sur ce point, et l’objet en valoitla peine-*
puisque l’étang Chapot a cinq mille deux cent soixante-'
quatre toises de superficie.
Sur son refus, il l’a assigné le 9. thermidor an 11 „
i° . pour lui payer une somme de 1200 fr. en indemnité
de la pêche dudit étang Chapot pour l’an 10; 20. pour êtrecondamné à rempoissonner afin de le mettre en état
d’être péché en l’an 13.
L e sieur Cavy a d’abord dit au bureau de paix que
cet étang n’est plus, en produit depuis la loi sur le des
sèchement des étangs; qu’il n’avoit pas de poisson quand
il l’a pi’is , et n ’a pas fait p a r tie d es o b je ts affermés.
Dans ses défenses ensuite ,. craignant les résultats de
la-.pêche de l’an 7 , et obligé d’en convenir, il a imaginé
d’expliquer la cause de cette p ê ch e , comme il a été cidevant rapporté.
L e Tribunal de Gannata fait justice de ces moyens, et*
par son jugement du 19 prairial an 12, il a adjugé la de
m ande, si mieux 11’aimoit le sieur Cavy payer à dire
d’experts.
L e sieur Cavy s’est figuré de trouver devant la cour
un plus grand degré de crédulité, pour faire adopter le
système par lequel il veut avouer et nier tout à la fois
que l'étang Chapot ait cessé d’être à sec depuis l’an 2 ;
il s’agit de le détromper,, et de justifier le jugement qu’il,
attaque..
M O Y E N S .
Les griefs du sieur Cavy se bornent ¡\ deux , non com
pris 1« chapitre des injures, qui n’est pas le moindre ;
�I '1 )
_
ï° . le traité de l’an ïo est, d it-il, une fin de non-re'cè*
voir contre la demande ; 2°. l’étang étoit à sec lors du
bail de l’an 6 : ainsi, la cliarge d’empoissonner ne s’y
appliquoit pas.
R é p o n s e
a u
p r e m i e r
m o y e n
-.
L e traité du premier vendémiaire an io , dit le sieur
Cavy pour la première fois sur l’appel, est une transac
tion sur procès , ayant pour but d’éteindre id de qiio
cogitatiun^fuit.
Adoptons la définition, elle le condamne.
S o u v e n o n s -n o u s q u e le sieur Cavy , d an s le début die
ses injures, a dit que le sieur d’A illy ne marchoit qu’avec
des notaires et huissiers ; il donne une plus ample expli
cation de ce qui a précédé le traité, h la page 4 de son
m ém oire, alinéa 3.
L e sieur M aréchal est décédé ; son -petit-fils s’est
présenté avec des vues hostiles ; tous les jours nouvelles
querelles ; cest un baliveau moderne que Cavy a coupé procès verba l, expertises---- ce sont des vignes mal
plantées ; procès verbal, expertise , etc. . . . . . E njin ,
dix-sept procès verbaux dressés par des notaires, signiJiés par des Zudssiers , sont entre les mains du sieuT
Cavy.........On parvient à rapprocher les parties, et le
premier vendémiaire an 10 il fu t passe un traite, etc.
Nous devons donc trouver inévitablement, dans ces
dix-sept procès verbaux, quelles étoient les difficultés
sur lesquelles les parties voulurent traiter \ cest-à-dire,
id de quo cogitaturn est. '
A 4
�*r
; 8 )
L e sieur Cavy dit avoir entre les mains ces dîx-sept
procès verbaux; qu’il les exhibe, et il aura raison de dire
que le traité comprend le défaut d’empoissonnement de
l’étang Chapot, s’il y a eu un procès verbal relatif à cet
étang, si de eo cogilatum est.
L ’étang Q iapot a cinq mille deux cent soixante-quatretoises de superficie ; son empoissonnement valoit sans*
doute la peine d’un procès ve rb a l, pour un homme qui
ne marche qu’avec des notaires, et qui fait des procès
verbaux pour les moindres volailles de la cour. L e sieur
Cavy sera-t-il donc réduit à dire que le sieur d’A illy a
regardé cemésus comme une c h o s e tr o p m in u tie u s e ; m ais,
ce seroit une inconséquence ?•
Mais il n’y avoit pas lieu à procès verbal pour l’étang
Chapot. L e sieur d’A illy n’avoit rien à voir dans l'em
poissonnement; il n’avoit intérêt qu’à la pèche ; et certes
s’il eût fait des procès, verbaux avant l’an 1 0 , le sieur
Cavy u’auroit pas manqué de dire, avec plus de raison ,
que cette précaution prématurée étoit une pure tracas
serie*
Déjà le sieur Cavy ayant négligé d’empoissonner un
antre étan g, a fait ce qu’il auroit pu faire pour l’étang
Chapot : il est allé acheter du poisson assez gros pourêtre bientôt p êch e, e t, par là , il a prévenu toute diffi
culté. Si donc le sieur d’A illy n’a pas dû faire de procès
verbal avant Tan 10 ; si, dans le fait surtout ^ il n’y en
a pas, on n’a pu traiter le premier vendémiaire an iq ,.
sur la privation de la pêche, sur une chose ¿1 v en ir, sans
vjne stipulation positive, et qui s’y rapportât expressément..
Puisque la transaction n’étoit pas faite de lite in otâ „
�(9 )
dès qu’il n ’y avoit pas de litige^antérieur, i l res.trscnsible
q u e , pour induire de l’acte que les,parties voulurent tran
siger de lite m o çen d â , il falloit une^ explication claire
et précise de l’objet de ce litige.
Jf)/) j; _; >4ji# j ...
. Mais quand il seroit prouvé qu’il y a eu,des. sujets de
contestation pour l’étang. G hapot, ne seroit-ce pas çxtorquer un départem ent d’action, que de l’induire d’une
expression générale qui n ’y avoit pas un rapport im
m édiat et nécessaire.
O n a parlé dans ce traité de bois coupés., de défrichemens faits, de vignes non plantées , jet on n’y voit
pas un m ot de l’étang G h ap o t, plus im portant que la
p lu p art des choses exprimées.
Si donc après avoir spécialement traité des d iv e r s objets
en litig e , il est ajouté une clause générale qui absout le
sieur Cavy de tous faits de jouissance antérieurs, le m otif
en est sensible ; c’est que toutes les coupes de b o is, tous
les défrichcmens pouvoient n’etre pas constatés. L e sieur
d’A illy auroit pu opposer ensuite qu’il n’avoit traité que
sur ce qui étoit constant ù cet égard ; et il y eut sur ce
point quittance finale. Mais il seroit bizarre de lui donner
plus d’extension que les parties elles-m eines ne l’ont
voulu.
Les lo is, en favorisant les transactions, n'en font pas
un piège ou une chose/îléatoire ; elles ne disent pas que
la transaction com prendra tout ce qui sera p ré su m é , majs
ce qui sera PROUVÉ avoir été le sujet de l’accord. T a n
tu m in )lis interpositum p a d uni n o c e b it, de quibus
in te r eos ac.ium esse p r o b a t u r . Ij. 9 •>A*
transact.
La même loi ajoute qu’il seroit injuste d ’éteindre une
A 5
�action par uii traité', si 'celui1‘qui en excipe nép ro u v e
pas qu’il y en a été question. Injustùm est perim i pacto
id de quo cogitatwn non d o c e t u r . L . 9 , ibid.
L e Code civil est plus positif encore. « A rt. 20 4 8 ,Les
« transactions sè renferment dans leur objet : la renon« d a tio n q u i y est f a it e ¿1 tous d ro its, actions et prê
te tentions , ne s’entend que de ce qui est relatif au dif« férent q u i y a donné lieu. »
Il faudrait donc que le sieur C avy, on le répète, prou
vât clairement qu’il y a eu différent sur la pêche de l’étang
Cavy. Ses dix-sept procès "verbaux , ses dix-liuit procès
ne le prouvent pas.
M a is, fallût-il même abonder dans son sens, rien encore
he seroit réglé pour la contestation actuelle, quand l’étang
Cliapot seroit compris dans l’art. 12 du traité qu’il invoque.
L e sieur Cavy s’est abstenu de le rechercher pour aucun
fait antérieur de sa jouissa n ce, sous toutes réserves pour
î avenir.
Mais que peut-on entendre par la jouissance d’un do
maine ou d’un étang?ce n’est autre chose,sans doute, que
la perception des fru its qui en proviennent. On ne jouit
pas en semant, on jouit p a rla récolte.
Q u’un propriétaire donne quittance à son métayer de
toute sa jouissance jusqu’au jou r, en résultera-t-il que la
' quittance ôte au propriétaire le droit de se plaindre lors
de la récolte suivante, si, par la faute du m étayer, il
11’y a rien h cueillir? Personne, sans doute, ne s’avisera
de le prétendre.
O r , la pêehe d’un étang en est la récolte; et il n’y a
pas moins de singularité í\ vouloir que le sieur d’A illy ,
�( 11 )
par un abandon de la jouissance passée, ait aussi aban
donné la jouissance à venir.
E n fin , le sieur Cavy s’est jugé lui-même relativement
à l’étang la P ip e, pour lequel il y a eu un procès dont
il sera parlé ci-après, (pag. 18 ) ; il a été assigné après le'
temps de la pêche passé , en l’an 12 , il n’a pas même eu
idée de prétendre que le traité de l’an 10 l’eût dispensé
d’empoissonner. Il a reconnu sa négligence, il a été con
damné. Sa défense explique donc le traité de l’an 10.
La plus sûre interprétation est celle qu’il en a faite luimême.
♦
RÉPONSE
AU
D EU X IÈM E
MOYEN.
L e dessèchement de l’étang Chapot, en l’an 2, ne signifie
rien à la cause, puisqu’il nefalloit, pour le remettre en pro
duit, pas plus d’embarras que pour les étangs de l’Arche
et de la P ip e , toujours péchés depuis l’an 3; c’est-à-dire,
qu’il n’étoit question que d’y replacer son ancienne bonde.
Remarquons encore que dans le bail de l’an 6 , le sieur
Cavy s’est soumis à une clause qu’il ne veut pas enten
dre. Il n’est pas dit qu’il profitera d’une pêche déjà prête
à prendre; il est dit qu’il empoissonnera les étangs, pour
en partager la pêche ; c’est-à-dii'e, il semera pour par
tager la récolte.
Ainsi il importeroit fort peu qu’il y eut du poisson
dans l’étang Chapot en l’an 6 ; s’il n’y en avoit pas , il
devoit y en mettre : voilà son obligation positive.
Mais il y avoit du poisson en lan 6 , puisqu il y a eu
mie pèche en l’an 7. Dans la vérité elle fut abondante et
�( 12 )
réelle ; au reste , ce n’est pas de son abondance qu’il ré
sulte rien. A d opton s, si l’on v e u t, qu’il [n’y eût que des
carpes d’une livré et demie , il est toujours avoué qu’il
fut péché du poisson en l’an 7 , et c’est tout ce qu’il s’agit
de savoir.
L e sieur Cavy ne s’est pas dissimulé toute la’ puissance
de ce fait, et toute la conséquence de ses résultats. Aussi
a-t-il tourné de ce côté tous ses efforts, et nous avons rap
p elé, dans le récit des faits, l’explication étrange qu’il a
donnée de cette pêche de l’an 7.
Son moyen se réduit à un système nouveau qui bat
en ruine toutes les notions élémentaires sur la génération
des poissons.
Fut-il jamais concevable que de l’eau ramassée en l’an 6,
après une sécheresse , et retenue par quelques mottes pour
l’abreuvement des bestiaux, ou le rouissage du chanvre,
ait pu créer du poisson sans empoissonnement, et hâter
sa croissance au point de faire, pour l’an 7 , des carpes
d’une livre et demie ?
Cependant le sieur Cavy 11e se contente pas d’alléguer,
il certifie que son système est fondé sur l'expérience. O11
a v u , d it- il, naître du poisson dans un étang desséché
depuis vingt ans, parce que la vase a conservé le Ira i, et
que l’eau y étant revenue eu a développé les germes.
Si les choses se passent de celte manière , la physique
jusqu’à présent s’est étrangement abusée, en enseignant
que la chaleur est le premier agent de la reproduction
des êtres; et l’histoire naturelle ne nous auroit pas
moins induits en erreur , en nous apprenant que c’est la
chaleur.dc la vase qui lait éclore le frai du poisson.
�C 13 )
Quand un étang est mis à sec , le frai , qui sous son
enveloppe visqueuse étoit roulé dans les ondes, a dû se
reposer sur la vase après leur écoulement ; et dans cette
position naturelle , trouvant bientôt une plus grande
chaleur , la vase a dû en mûrir les germes , par cette
espèce de dissolution qui prépare le développement et la
génération (1).
Mais quand le poisson est ainsi prêt à naître, la nature
qui a favorisé sa création se trouve privée d’un autre
agent élémentaire ; la chaleur n’a fait que^dissoudre ; l’eau
étoit nécessaire pour conserver. Ainsi le frai n’a pu passer
de la corruption à la vie ; la seconde opération de la
cuature lui a manqué; il a resté dans le néant (2).
Le sieur Cavy a donc présenté le système que quelque
■chose pût être créée de rien. E x hoc luio ncucantur,
a-t-il dit j mais ce commandement n’étoit pas en sa
puissance ; et nul ne sera persuadé, par sa prétendue
expérience, que des poissons soient nés sans empoisson
nement , après dix et vingt ans , dans un étang desséché.
Mais à ce premier miracle-, le sieur Cavy en a ajouté
(1) k L e s femelles se portent en foule vers les Lords de l'étang,.
» traînent leur ventre sur la, terre........ ,L e bul de la nature, dans
» cette opération, est d ’obliger le poisson à déposer ses œufs dans:
» un endroit où il y ait peu d 'e a u , afin que la chaleur des rayons-
» du soleil la pénètre, r é c h a u ffe , ainsi que la terre qu’elle re» co uvre. C e tte chaleur suffit pour faire éclore les œufs douze ou
» quinze fours après. » ( Cours d’agriculture, par l'abbé Rozier,.
lom e 4 > page 34#. )
(2) « Si l’eau ne recouvre pas toujours le fr a i, il est perdu,, ae
i> putréfie sur le bord,, et se corrompt.
�<1
un second ; ses germes développés dans de la vase, après
une sécheresse de l’an 6 , ont produit des carpes d’une
livre et demie en l’an y ; ce qui n’est pas moins impos
sible. La marche de la nature est plus lente. On sait que
le poisson d’étang a besoin de plusieurs années pour
arriver au temps où il doit être péché , ce qui est fondé
sur une constante expérience (i).
L e sieur Cavy ne veut pas s’en tenir à ces invraisem
blances ; obligé de convenir qu’il a été fait une pêche
en l’an 7 , il ne peut nier dès-lors qu’il y avoit de l’eau
en l’an 6 , et il cherche encore à en changer la desti
nation. Ce n’est p lu s p o u r nue peclie q u e cette eau est
retenue dans l’étang; c ’est pour abreuver les bestiaux,
c’est pour rouir du chanvre.
O r , on sait que les bestiaux allant boire dans une
marre ou dans tont autre lieu, y pénètrent autant qu’ils
peuvent s’y avancer, et foulent tout aux pieds; ce qui
11’est pas très-propre à conserver le poisson (2).
(1 ) « L a première et la deuxième année ce polit poisson n o t a n t
» grand que com m e une feuille de sa u le , est no m m é feuille.
» Q u elqu efo is, lorsque le fonds de l’étang est hou , ayant passé
» deux clés, il a quatre pouces, et pour lo r s , quoique feuille, 011
» com m ence à lui donner le nom d ’alevin ; mais il 11c le mérite
» pas encore. » ( M aison rustique, lotne ■>., page 5 8 -j: )
» On appelle alevin le petit poisson qui a cinq pouces; il 11’est
» ordinairem ent de cette grandeur
qu’après trois êtes: c ’est.l’alevin
» dont'Ou se sert pour empoissonnement. On pèche les étangs de
» trois en trois a n s, après q u ’on les a alevines. » ( JJunuire,
tonie
page 5<)4 , édition i n _)
(u) « 11 ne faut pas se nie lire en peine si ce petit poisson trouvera
�C
>
On sait encore que rien ne corrompt plus les?eaux
stagnantes qu’un routoir ; rien par conséquent de plu3
incompatible avec le poisson qui ne peut y vivre.
. Il reste donc une chose pour bien' constante , et que
rien n’affoiblit ni ne dément;, c’est qu’il y avoit de l’eau
dans l’étang Chapot en l’an 6 ; c’est que cette eau a été
donnée au sieur Cavy en état de produire une pêche en
l ’an 7 ; c’est que cette pêche a étôpartagéc entre le sieur
Cavy et le sieur Maréchal»
Voilà dès-lors l’exécution pleine et entière du bail
voilà surtout l’explication parlante de ce- que le sieur Cavy
veut esquiver.
:
Si l ’étang Chapot n’dtoit pas de la comprise du bail ,.
et si le sieur Maréchal n’avoit pas entendu que le sieur
Cavy fût tenu de l’empoissonner, comment se faisoit-il!
qu’il partageât une pêche où le sieur Cavy n’avoit rien à
voir?'
Si au contraire l’étang desséché étoit affermé sans charge
de l’empoissonner, et si tout le produit de la terre devoit
appartenir au sieur Cavy , à compter de son bail, pourquoi
lui-même se croyoit-il interdit en l’an 7 , de s’emparer
seul de ce poisson qu’il dit fortuitement né ? pourquoi
s’est-il cru obligé de le partager avec le sieur Maréchal,1
si le sieur Maréchal n’y avoit rien à prétendre ?
)
Qui ne voit, dans cette conduite’, 1 éclaircissement positif
de toute la cause ! et certes les tribunaux, dans 1 obscurité
» de quoi vivre; il n ’y a qu'à avoir soin q u ’il n ’y manque pas d'eau,!
» q u ’il n ’y ait aucun brochet qui entre clans la carpière,
»
bétail qui y fréquente* » ( 3 Juison rustique, iliid.
ni aucun:
�c
1 6
\
des discussions , n’ont pas toujurs un guide aussi sur ;
car il n’y a plus à chercher line simple intention vague
et isolée de toutes cix-constances. Ici le fait est venu au
secours de la présomption : la clause est donc expliquée
par son exécution ; et personne n’ig n o re, en point de
d ro it, que de toutes les interprétations c’est la meilleure.
Mais on le répète au sieur Cavy qui s’obstine à offrir
une preuve inutile ; il est absolument indifférent qu’il
y ait eu du poisson ou même de l’eau en l’an 6 dans
l’étang Cliapot. Son bail l’obligeoit à empoissonner pour
fournir moitié de la pêche : voilà au moins une obliga
tion qui n’est pas a m b ig u ë .
L ’étang-Cliapot étoit sans doute un étang tant que la
chaussée n’en étoit pas détruite ; un grand chemin l’avoit
conservée : ainsi, toute la peine i prendre étoit de replacer
la bonde qui avoit dû rester dans les bâti mens d’exploi
tation pendant le court espace du dessèchement. Quant
à la grille, il n’y en avoit jamais eu.
Supposons donc que cette bonde ne fût pas à sa place
en l’an 6 ; le siwur Cavy , en s’obligeant à empoissonner,
devoit faire stipuler qu’elle y seroit remise. Eu vain ditil que c’étoit au sieur M aréchal à y pourvoir , parce
que ce n’étoit pas une réparation locative ; c’étoit au
contraire à lui Cavy à le mettre en demeure.
L e sieur C avy, en prenant les étangs à ferm e, et s’obli
geant de les empoissonner, étoit censé , suivant les prin
cipes , les avoir reçus en bon é ta t, faute d’avoir fait cons
tater qu’ils ne l’étoient pas, comme l’ont justement dit les
premiers juges.
Quand le sieur Cavy met sur la même ligne l’étang
�( T7 )
Chapot ét les étangs de G iroux et de Tiroisait , p o u r
faire croire que ce sont trois étangs abandonnés par le
propriétaire depuis l’an 2 ( page 11 du mémoire ) ; il
y a im pudeur et mauvaise foi dans cette allégation; car
les étangs de G iroux et Tirais au sont détruits depuis
5o ans , une route passe au travers, des bois y croissent ,
et'le sieur Cavy pouvoit d’autant moins l'ignorer qu’il en
a fait lui-méme l’exploitation.
Voilà donc le degré de confiance q u ’il m érite ; et c’est
avec un tel mensonge qu’il viendra crier à l’injustice, et blâ
m er le tribunal qui a jugé suivant les titres et les principes.
R
é
p
o
n
s
e
s
a
u
x
u
î j
u
h
e
î
.
.
Il ne falloit pas compter pour rien ce point essen
tiel des moyens du sieur Cavy , puisqu’il en a fait la
batterie principale de son agression. Suivons-le donc dans
scs reproches , pour savoir s’il y aura été plus exact qu’à
l ’égard de l’étang de Tiroisau.
1
10. L e sieur Cavy a accusé le sieur d’A illy de procès
verbaux faits pour un fou r, une huche, un chenil, des
arbres morts. Le sieur d’ Ailly ignore absolument, sur tous,
ces objets, ce que le sieur Cavy a voulu dire.
2°. Il accuse le sieur d’A illy de lui avoir fait dixhuit procès. Il y a dans cette seule- calomnie quatorze
mensonges; c a r , outre le procès termine en lan iq
par 1111 traité, le sieur d’A illy a plaidé, 1 . pour des
vignes ; ce procès est pendant ; 2°. pour le défaut depêche de l’étang de la F ip c , et il a gagné son proT
�( i 8 )
c è s (i); 30. il us reste que la cause actuelle , où le sieur
d’A illy a encore obtenu justice.
3°. Il est tout aussi faux que le sieur d’A illy ait eu
des procès avec scs métayers , quoiqu’il eût eu occasion
d’en avoir. Il a préféré des sacrifices.
V oilà donc encore la véracité du sieur Cavv. On jugera
maintenant de quel côté est la passion et la tracasserie.
L ’homme passionné est celui qui parle et agit contre sa
conscience ; l’homme tracassier est celui q u i , ayant perdu
des procès où il de voit se rendre justice, s’obstine encore
à p la id e r c o n tr e ses conventions.
4°. Le sieur d’A illy est accusé d’avoir fait faire dixsept procès verbaux. A supposer qu’ il y ait dans ce
deuxième fait plus d’exactitude, le sieur d’A illy en ignore
la plupart. Mais il a un garde forestier dont l’état est
( i ) C e procès de l'étang la Pipe prouve beaucoup en faveur de
la cause actuelle du sieur d ’A illy .
L e sieur d ’A i l ly a assigné, en l ’an n , le sieur C a v y , i°. en
d om m ages-intérèts, parce que l’étang nV to it pas pèclié; 2°. pour
être tenu de l’empoissonner, afin d\jtre pêolié en l’an i 5 .
y avoit des réparations à faire;
niais q n e , faute par lui d ’avoir fait constater l'etat des lie u x , il
L e sieur C a v y a répondu q u ’ il
avouoit sa négligence. 11 a éle condam né en iqG IV. de dommagesintérèls par des experts. Le sieur C a v y a été moins récalcitrant
pour l’étang la Pipi», parce q u ’il n ’a (pie cinq cents toises : l’étang
Cliapot »‘il a cinq mille.
L e jugement dont est appel ne condamne le sieur C a v y qu'à
1200 fr. de dommages-intérèts. A dire d ’experts, e t , dans la pro
portion ci-dessus, il eût été condam né à
mj6 o
fr.
�6*
( i9 )
cle parcourir scs propriétés pour y constater les vols et
les dévastations. Si ce garde a été exact dans ses fonc
tions, le sieur d’A illy ne peut pas l’en blâmer; tant pis
pour ceux qui se seroient trouvés dix-sept fois en con
travention visible.
5 °. Après s’qtre peint comme victime , le sieur Cavy
veut encore se donner comme généreux. Il a fai t, d it-il,
des voyages pour le sieur d’A illy ; il s'est sacrifié et n’a
pu être payé qu’après un procès, et avec un jugement
arbitral. (Pages 2 et 9. )
Autre allégation pleine de fausseté et de mauvaise foi*
L e sieur Cavy est expressément défié de produire aucune
procédure, aucun com prom is, aucun jugement arbitral*
I l a fa it u n v o y a g e à L y o n p o u r le sieu r M a r é c h a l,
cela est v ra i ¿ m a is il n ’é-t'ô?^
■"une o b o le ;
------- - - • / -v
' ^ Quoique déTra^é d jblW t, le sfe^ v^ aw Réclama ôôçîr'*’ ^
pour scs journées, (¿ejte sc^mxr,e19 1^ ^ h o rb i ta11te, mais .
», ,elle lui a ¿t.é ,payé£ ¿an^.la nwuid^diipinuj^ioii.
/
.♦ .*JVoihu.VncQie
IiAujwiu«Jfl ¿V^ütcité du sieur
**' Cavy. Ï 1 -ment ,*• il 4 njm:i»^ csiki*
tic mQÜleujje^
raistnïsV Il’Vgna+C' srcftr *T~Aiily .co^mcu*frG{x>ssi& oi-iL.
U S ,
*'
*'*
J 1 1 ÎII3
-"pas imi 1er ce**qtnI blanîe',’fr'ne*récmiîiiifcia
^ ~J *■
’
**En se renfermanî^dôîV,J?T/uîs ^ ^ iil^ objet dC'ÿa c'ïfust^''
'’îe sieur d^VVllÿ’ r’êpète ‘ flVeM TVr itifi&it'tfe :pf-ctfu èŸ •
instance, i° . que le sieur Cavy s’est obligé d’empoisjsounvr et au’il a . dû le faire sans alléguer le ^ p r é l^ e
.*■».*/.■ ,K
'»
»y*u «A*-**
�d’un défaut de réparation démenti par toutes les circons
tances , et d’ailleurs non constaté ; 2°. que l’aveu d’une
pêche partagée en l ’an 7 interprète la cause que le sieur
Cavy dit obscure , et dispense de tout autre examen ; 30. il
répond à l’objection nouvelle du sieur C a v y , que le traité
de l’an 10 n’a pas plus éteint, pour un étang que pour
l’autre , l’action en partage de la p êch e, que d’ailleurs
rien n’établit que cet objet fût alors en litige ; et que,
s’agissant d’une chose à ven ir, tout prouve au contraire
que les parties ne s’en occupèrent pas.
M e. D E L A P C H I E R , avocat.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Rochefort d'Ailly. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
ferme
pêche
bail à ferme
étangs
asséchements
contestations de l'attitude procédurière de la noblesse
contestation de l'autorité seigneuriale
experts
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le sieur Rochefort d'Ailly, intimé ; contre le sieur Cavy, appelant.
Annotation manuscrite: « 24 frimaire an 13, 2éme section. Jugement. Déboute la partie de Delapchier de la demande ».
Table Godemel : Demande de dommages et intérêts pour défaut d'empoissonnement d'un étang à Calvy, son fermier, qui lui oppose comme fin de non recevoir une transaction faite entre eux, et prétend en outre, n'avoir point été tenu de faire les réparations nécessaires et préalables à l'étang qui avait été abandonné.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa An 13
1797-Circa An 12
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1425
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0626
BCU_Factums_G1424
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53239/BCU_Factums_G1425.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Rémy-en-Rollat (03258)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
asséchements
bail
bail à ferme
contestation de l'autorité seigneuriale
contestations de l'attitude procédurière de la noblesse
étangs
experts
ferme
pêche
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53242/BCU_Factums_G1502.pdf
909b27e6f454feb8207dae025e0f2c10
PDF Text
Text
ai
COUR
D ’A P P E L
SÉANT
%»' » iu<«k iir
A RI OM.
J a c q u e s C H A V E , appelant ;
C O N T R E
Jeanne
L
A
VALLA, et E l i s a b e t h FERRIER,
sa fille , majeure intimées.
,
recherche de la paternité est interdite , et c’est
dans nos mœurs un scandale de moins. D ans ce secret de
la nature , le législateur ne p o u v o it que s’en rapporter à
la crédulité de l’ h o m m e , ou se jeter dans le vagu e des
conjectures : le prem ier parti seul étoit juste; la loi l’adopte;
et aucun enfant naturel n’a le droit de nom m er son p è re
que celui qui a vo ulu se déclarer tel.
N ul acte ne doit donc être plus lé g a l, plus lib r e , que
cette déclaration. L e soupçon seul de contrainte est incomA
�1
( o
patible avec elle ; car si elle n’est pas clairement l ’eiTet
^
spontané de la réflexion , le bu t m oral de la loi n’existe
plus.
* - *'* -uXLî^ g\
L ’appelant réclam e contre l ’oubli de ces p rin c ip e s, et se
place sous la protection de la c o u r , p o u r faire annuller un
***'
acte in fo r m e , auquel on l’a fait participer par la violence ;
4
il demande à n’être par foi’pè île rçcpnnqître un enfant. ' ',
•
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■
U fX«rilÉi)
qui ne fut jamais le sien.
-y*
^
^
L es premiers juges n ’ont pas vo u lu admettre là jîreuve*«'^ >*u
q u ’il étoit à m êm e d ’o ff r ir ; et si cette o p in io p ,'p o y v o it ^ .*
p ré v a lo ir , il en résulteroit que , contx;e ,le-*vœu'de i« l a i f
un h o m m e donneroit son nom m algré lui à u n 'e n fa n t
**••?
n a tu r e l, seroit contraint de prendre soin d’un étrtfng^r,-' *- >
et de lui laisser sa succession.
. ;
*" '
F A I T S .
Jeanne Valla^ et Elisabeth F e rrie r, sa fille, habitent le
lieu de M a z e t , m airie de Cham bon. L eu rs habitudes et
leurs mœurs étoient à peine connues de Jacques C h a v e ,
qui demeure à la distance d ’environ une lieue de leur
domicile.
Son â g e , plus avancé m ôm e que celui de la m ère, ne lui
eût donné aucun prétexte de se rapprocher de la fille. U n
séducteur à ch e v e u x blancs est ra re ; au village il ne connoît pas l’oisiveté qui nourrit les illusions, et la m onotonie
de ses travaux rustiques avance l’amortissement de ses
sensations, en occupant toute son existence.
Ces femmes étoient donc absolument étrangères à Clia ver
lorsque tout d’ uu coup il s’est trouvé m êlé à leur destinée
**
�(3)
SU
p ar une de ces sourdes m anœuvres que l ’enfer seul peut
faire concevoir.
U n matin à huit heures ( le 21 germ inal an 9 ) , Jacques
C have , m a la d e , est brusquem ent arraché de son lit par
deux frères de la fille F errier , suivis de trois autres jeunes
gens armés de bâtons ou de fourches. Il se disent envoyés
par le sieur de B an n es, m aire de C h a m b o n , et comman
dent i'i C have de les suivre dans la maison de ce sieur de
Bannes. Il s’habille et les suit.
L à il trouve Jeanne V a lla qui paroit en grande ç o l e r e ,
l ’accueille par des injures grossières , lui dit que sa fille est
a c c o u c h é e , depuis quinze j o u r s , d’un garçon dont il est
le p è r e , suivant le récit de sa fille et de M . le m aire de
C ham bon , et q u ’il faut signer sur le cham p l’acte de
naissance.
C h a ve , étourdi d ’une vespérie aussi in a tten d u e, pressé
entre les cris de la m ère , les coups de poings des f r è r e s ,
et les menaces de leurs trois hom m es d’esco rte, veut éle ver
la v o i x , et in v o q u er la notoriété p u b liq u e; des bâtons sont
levés contre lui p o u r toute réponse : il sollicite la justice
du m aire , mais le m aire le pren d à part p o u r lui dire
q u ’ il falloit céder à la circonstance, et que sa v i e .n etoit
pas en sûreté. L ’avenir a appris à C h a v e quel interet pres
sant le m aire lu i- m ê in e avoit a ce que la calom nie eut
une direction certaine.
O n com prend alors que cette derniere insinuation a
ébranlé le courage de Chave. L e sieur de Bannes prend
aussitôt le registre des actes, y efFace quelques mots, en subs
titue d’a u tre s , et remet une plum e à C h ave : une seconde
résistance am ène de nouvelles violences. I l fait enfin ce
q u ’ on exige ; il signe.
�(4)
E n sortant de chez le m a ire , les satellites le mènent au
cabaret, se font donner ù b o ire , le forcent à p a y e r, mettent
l ’enfant dans ses bras , lui font les pins horribles menaces
s’il dit un m ot ; et se retirent.
Sans doute il m an gu e à ces faits beaucoup de circons
tances
importantes ; mais C h a v e , glacé d’épouvante ,
étoit-il libre de r é flé c h ir ? L a plupart de ces détails ont
échappé à sa m é m o ire , ou plutôt à son attention».
Enfin C h a y e , revenu de son étourdissem ent, p ut réflé
ch ir sur les conséquences de l ’acte qu ’on venoit de lui
e x t o r q u e r , et sur le parti q u ’il avoit à prendre.
L a dém arche la plus pressée et la plus indispensable,
étoit de se débarrasser de l ’innocente créature q u ’une
m ère dénaturée avoit rejetée de ses bras p o u r l'aban
don ner aux. soins d ’un étranger. C h a v e hésita s’il la
r d p p o r te r o it, dans la n u i t , à la porte des F e rrie r : cepen
dant la l’e l i g i o n , l’hum anité , peut-être la terreur pourlu i-m è m e , l’em p ortèren t sur son d é g o û t , et il fit porter
l’enfant à une nourrice.
M a is aussitôt, et en signe de sa protestation, il rendit
plainte au juge de p a ix de T e n c e ; le juge de p a ix le
ren voya au magistrat de sûreté : mais com m e la plainteéloit dirigée aussi contre le m a ir e , les autorités délibé r è r e n t , et ne résolurent rien.
C h a v e in q u ie t , et ne voulant pas que son silence p ût
d éroger a son d r o i t , se décida à citer, le floréal an 9 ,
5
tant Jeanne V a lla et sa fille , que le m aire lui - même-,
p o u r v o ir dire q u ’il seroit restitué contre la reeonnoissince de paternité qui lui avoit élé extorquée p:ir la
v io lé iit e , et que le m aire seroit tenu de rayer du registre
�3ï
XO>
( 5 >
ce qui concernôit ladite reconnoissance •, et la m ere et
la iille p our être condamnées à reprendre l’e n f a n t , payer
ses alimens chez la n ourrice , avec dommages-intérets.
O n pense bien qu’au bureau de p aix la fille F e rrie r
ne manqua pas de faire la réponse d’ u sag e, qu ’elle avoit
été séduite et abusée sous promesse de m ariage , et q u ’elle
seroit en état de p ro u v e r les familiarités de C h ave avec
elle ; celui-ci l ’en d é fia , et ajouta m êm e q u ’il offroit de
p ro u v e r c e u x avec qu i elle avoit eu fréquentation.
T o u t cela étoit de trop de part et d ’a u t r e , puisqu’il
n’èst permis de rien p ro u v e r
et la fille F e rrie r ne
risquoit rien à faire b onn e contenance. Q u o i qu'il
en
s o it, un p rem ier ju g e m e n t, du 28 p luviôse an 1 0 , m it
le m aire hors de p ro cès, com m e ne p o u v a n t être juge
sans au torisation , et a p p o in ta les autres parties en droit.
Cet appointement ne fournit pas plus d’éclaircisse
ment. C h a ve persista toujours à offrir la p reu ve de la
violence exercée contre lui -, et les femmes F e r r i e r , q u i ,
au bureau de p a i x , n’a voien t paru a vo ir aucune crainte,
firent leurs efforts p o u r soutenir cette p reu v e inadmis
sible. L e u r système p r é v a lu t ; et le 14 fructidor an 1 0 ,
le tribunal d ’-Yssengeaux rendit le jugem ent qui suit.
.1
« Considérant que l'article 2 du titre 20 de l'ordonnance de 1GG7
défend de recevoir la preuve par témoins contre et outre le contenu
aux actes publics; qu'à la vérité la force, la violence, sont un
moyen pour les faire rescinder, mais qu’en ce cas il faut articuler
de menaces graves, qui feroient craindre pour la vie nietus rnortis,
ou que la partie obligée auroit souffert ‘cliarte privée, ainsi que*
Renseignent Domat en ses Lois civiles, et Potlûtr en son T ra ité
des obligations;
�7
( 6 )
» Considérant que Jacques Chave n ’a articulé qu’il lui ait été
fait aucune menace, ni qu’il ait été commis aucun excès sur sa
personne, ni dans son domicile, ni dans celui du maire où il s’étoit
rendu pour reconnoilre pour lui appartenir reniant d o n t s’éloit
accouchée Jsabeau Ferrier; et qu’étant dans ce dernier domicile,
il pouvoit articuler sans crainte les excès ou menaces qu’il auroit
éprouvés, contre ceux qui s’cn seroient rendus coupables envers
sa personne. »
Jacques Chave est débouté de toutes ses demandes tant princi
pales que subsidiaires, et il est condamné aux dépens.
Cependant C h ave avoit offert expressément de faire
p reu v e de menaces et violences : ses écritures en font foi.
Il étoit p riv é alors d ’un m oyen important. L ’expédition
de l’acte de naissance produite aloi*s au procès, ne mentionnoit ni les surcharges ni les ratures ; elle étoit délivrée
par le sieur de B a n n es, m a ire , qui avoit trop d ’intérêt
à en cacher l’irrégularité p o u r la faire soupçonner. A u
reste, C have s’est p o u rv u en la cour contre le jugem ent,
et il sera question d’exam iner de quelle influence la form e
de cet acte doit être p o u r la décision du procès.
M O Y E N S .
L ’ancienne législation française étoit extrêm em ent dure
contre les enfans naturels; et cependant, par une étrange
inconséquence., elle admettoit les preuves de paternité
sans distinction. A u jo u r d ’hui la loi a fait p o u r eu x
davantage : mais sans v o u lo ir percer le mystère qu i
cou vre leur naissance, elle rejette désormais les proba
bilités et les fausses conséquences; .elle ne vo it dans
l ’enfant né hors le mariage q u ’ une innocente créature
�^ / 7
/
digne de la pitié de tout le m o n d e , mais ne tenant à la
société que par celle qu i lui a donné le jour. Si cepen
dant un hom m e , gu id é par des apparences q u ’il a ie droit
djapprécier lui - m êm e , et cédant à l’impulsion de sa
conscience,
veut se don ner le titre de p è r e , la loi le
lui p erm et, s’ il n’est engagé dans les liens du mai’iage :
mais com ptant p o u r rien aujourd’hui toutes les démons
trations exté rie u re s, elle exige une déclaration authenti
que et non éq u iv o q u e ; elle prescrit à l’acte une solen
nité plus grande que p o u r la naissance m êm e de l ’enfant
légitim e.
L ’intention du législateur étoit si claire, q u ’elle a ôté
tout prétexte à l ’astuce, et n’a laissé de voies q u ’au faux
ou à la violence. M ais à q u i peut être réservée l ’une ou
l ’autre de ces vo ie s criminelles ? Ce n’est pas à la fille tim ide
q u i , rougissant encore d ’ une prem ière foiblesse, et par
tagée entre l’am ou r de son enfant et la honte de sa nais
sance, n’en ose no m m er le père que dans le secret de son
c œ u r, et se fait l ’illusion de penser que le mystère dont
elle s’en velop p e la p rotégera contre l ’o pin ion qui fait
son supplice.
M ais que feront ces femmes d é b o u t é e s , qui ne voient
dans la prostitution qu ’ une h a b itu d e , dans leur avilisse
ment q u ’ un éta t, et dans leur fécondité qu’ un acciden t?
Incertaines elles-mêmes d’ une paternité q u ’elles déféroient
naguères suivant leurs convenances, elles n’en arrachoient
pas moins des sacriiices pécuniaires aux homm es qui leur
étoient souvent les plus étrangers , mais q u ’ép ouvanloit
la perspective d’ une honteuse et p ublique discussion. Si
on leur laisse en trevo ir aujourd’hu i une tolérance queU
�(; » )
c o n q u e, que leu r coûtera-t-il de tenter d’autres voies p ou r
en ven ir aux mêmes lins? E t s’ il est près de leur demeure
un citoyen paisible, q u i, p ar ses mœurs douces et réglées,
puisse passer p o u r pusillanim e, quelle difficulté y aura-fc-il
de répandre adroitement que c’est là le c o u p a b le , d’ip téresser contre lui qu elqu e personne c r é d u le , de l’effrayer
lu i-m êm e sur les dangers de sa résistance, d’ameuter s’il
le faut ceu x qui ont un intérêt réel <iu succès de la n é g o
ciation ! Jadis il falloit des témoins,«aujourd'hui il ne faut
q u ’une simple signature; tout cela p eu t s’exécuter avec
rapidité : ce n’est q u ’un changem ent de com plot.
Heureusem ent cette rapidité m êm e ne laisse pas au
crim inel le calm e de la réflexion : souvent scs fautes le
trahissent, e t , quelques légères qu ’ elles soient, il faut les
com pter avec scrupule; car on est bien assuré qu’ ellesne
sont pas un simple résultat de sa n égligen ce, mais q u ’elles
ont é c h a p p é à l’excès de sa précipitation.
C e u x qu i ont gu id é la fille F e rrié r dans ses démarches
n ’ont pas visé à l’exactitude ; la co u r en sera convaincue
bientôt par la form e de l’acte de naissance qui fait son titre.
U n e seconde décou verte la convaincra encore q u ’il ne
s’agit point ici de ré p a r e r , envers une fille s é d u ite , des
torts que la m alignité suppose toujours. L a fille F errier
a , le 20 prairial an n , donné une n ouvelle p reu v e de
sa con tinence, en faisant baptiser un fils sous les auspices
de son frère et de sa m è r e , que l’acte apprend m êm e avoir
été sage-femme en cette circonstance.
Il ne paroît pas que p our cette fois la m ère et la fille
Fen-ier aient jugé à propos de réunir un conseil p o u r
disposer du nouveau n é , et lui élire un père ù la p lu
ralité
�(?)
ralité des suffrages; il est vraisem blable que la précédente
tentative les avoit intimidées.
• Q u o i q u ’il en soit, et soumettant cette découverte p ré
cieuse aux réflexions de la cou r , l’appelant ne s’en occu
pera pas plus lo n g -te m p s , et se contentera d’observer
q u ’ il n’y a rien de légal dans la prétendue déclaration de
paternité q u ’on lui a fait sig n er, et au surplus que les faits
-de violences articulés suffiront p ou r la détruire. C ’est à
l ’examen de ces deux propositions que l’appelant réduit
sa défense.
i ° . L a d éclaration de "paternité n e s t pa s légale.
Ija lo i du 12 bru m aire an 2. s’occupoit de trois espèces
d ’enfans naturels, après a vo ir décrété en principe qu ’ils
^toient successibles.
i° . C e u x dont le p è r e é t o it d é céd é , et il leu r suffisoit
de p ro u v e r une possession d’ é t a t , par des soins donnés
à titre de p a te rn ité , et sans in terru p tion ; 2°. xles enfans
d ont le père et la m ère seroient encore vivans lors du
C o d e c i v i l , et leur état civ il y étoit re n v o y é ; 3 0. de ceu x
dont la m ère seule seroit décédée lors de la publication
d u C o d e , et alors la reconnoissance du p è r e , faite devant
l ’oilicier p u b l i c , rendoit l’enfant successible.
Il s’agit ici d’ un enfant de la seconde espèce ; et le p ré
tendu p ère , quel qu ’il s o i t , de m êm e que la m è r e , sont
dits vivans.
O r , quelle nécessité, quelle
urgence y a v o i t - i l de
p réve n ir la publication du Code civ il , en faisant faire
une déclaration que la loi ne demandoit p a s , et q u ’ello
B
�ajournent au contraire ? N ’a percevroit - on pas déjà le
do l dans cette extraordinaire p révoyance ?
D ira -t-o n que le Gode civ il prescrit aussi une décla
ration au th en tiqu e, et q u ’ on n’a pas v io lé la loi en la
devançant ? M ais qui blâm era les législateurs de l’an 2 ^
d ’a vo ir vo u lu p r é v o ir q u e leur système ne seroit peutêtre pns celui du C o d e civ il ? qu i leur reprochera d’a v o ir
supposé que les dispositions de ce code seroient déli
bérées avec plus de maturité , et de s’être défiés de le u r
p rem ie r système sur une innovation aussi im p o rtan te?
Ils vo u lu ren t rég le r le passé seulement ; et les débats
qui ont eu lieu sur la lo i transitoire du 14 floréal an 11 ,
nous apprennent assez q u ’il n’y a eu , dans l ’intervalle d e
l ’an 2 à l ’an 1 1 , aucune législation touchant les enfans
naturels. L es bulletins de la c o u r de cassation sont aussi
rem plis d’arrêts qu i ont cassé tous les jugeinens dans lestjuels les tribunaux avoient vo u lu r é g l e r , m êm e p r o v i
soirem ent , le sort de quelques enfans n a tu re ls, pendant
cette lacune d e n e u f ans.
Il ne p o u v o it donc être question d e fixer l ’état d e
l’enfant d ’Elisabeth F e rrie r q u ’après le Code c i v i l , dont
l ’art. 334 p orte que la recounoissauce sera faite par un acte
a uthentiqu e, si elle ne l’a pas été par l ’acte de naissance.
M ais fût-il indifférent q u e la rcconnoissance contestée’ „
•ait été faite avant ou après le Code c iv il, m algré la sus
pension totale e x ig é e par la cou r d e cassation , et rappelée
par la loi transitoire; cette reconnoissance n ’en est pas
moins ir r é g u liè r e , car elle n ’est faite ni par l’acte d e
naissance lu i-m êm e, ni par un acte séparé authentique*
V oici com m ent cet acte est littéralement écrit au registre*
�c » î
A c T I
D I
N à Î S S A S C I i
rt D u huitième jour du mois de germinal, l’an 9 de la répu« blique française. A cte de naissance de Jacques^ f i l l e ( Ce mot
» est effacé, et on y a substitué au-dessus, dans Vinterligne,
» F e r r i e u , que l’ on a encore effacé, et l ’on a écrit à côté G11 a v e . ),
» né hors de mariage, né le septième jour du mois de germinal,
» à sept heures du soir, fils d ’isabeiu Ferrier, non mariée, domi» ciliée du lieu de la Marette, susdite commune, et Isabeau Ferrier,
» non mariée; le sexe de l’enfant a été reconnu u n e ( On a couvert
» d’encre la lettre e . ) f i l s , né hors de mariage : premier témoin,
» Jean-Pierre Ferrier, demeurant à C iiam bon , département de
» la H a u te - L o ir e , profession de cultivateur, âgé de irente-neuf
» ans; second témoin, Pierre Rue], demeurant à C h a m b o n , dé-*
u partement de la H a u t e - L o ir e , profession de tailleur d ’habits,
» âgé de cinquante-quatre ans. Sur la réquisition à nous faite par
» Marie R u e l, sage-fem m e de ladite accouchée, avons inscrit le
» sus-nommé Jacques Feuuieu ( C e mot est raturé, et l’ on a mis
y> au-dessus, dans l’ interligne, C iia v e. ), portant l e n o m d e sa
» m è r e ( Ces mots ont été rayés, et l ’on y a substitué ces mots :
» l e n o m d u p è r e . ); et ont la déclarante ne savoir signer, et les
» témoins signé. Ferrier, R u e l, signé à l'original. »
« Ledit Jacques Chave père reconnolt ledit Jacques son fils, de
» ladite déclaration de la présente, acte; le reconnoit pour son
»> véritable fils, avoir droit à tous ses biens, en présence de Jean» Louis Riou. ( -f* Ici est un renvoi. ) Constaté suivant la loi, par
» moi Annet de Bannes, maire de la commune de Cham bon, fai» sant les fonctions d ’officier public de l’état civil. Ledit maire
» approuve toutes les ratures ci-dessus. D e Bannes, maire, signé.
“
Et de Pierre C allon , et de Jean-Pierre Fresclict, et de Jeanw Pierre Ferrier ; et dit Jacques Ghavd a signé avec les tcmoin$.
13 2
�_»
t
(
)
» Ont signé, ledit Pierre Callon a déclaré ne savoir signer , C liave,
» R io u , Freschet, Fcrrier. D e Bannes, m aire, signé. »
( Nota. L ed it renvoi est en marge, en travers. )
■
Pour copie figurée :
L e secrétaire général de la préfecture
de la Haute-Loire ,
BARRÉS.
Il est aussi ¿vident q u ’il puisse l ’ê t r e , que cet acte se
compose de deux parties Lien distinctes , qui në sont pas
d ’un m êm e c o n t e x t e , ne sont pas l’ouvrage du m ê m e
m o m e n t , et cependant ne sont pas deux actes absolu
m ent séparés.
i° . A c t e de naissance bien parfait et très en r è g le , d’un
enfant né dyls a b e a u F e r r ie r , s a n s m en tion d u p ère.
O n lu i donne le nom de sa mère. Il y a deu x témoins
de cct a c te , Josep h F e rrie r et M a rie R u el. L ’acte est
donc com plet : le v œ u de la lo i d u 20 septembre 1792
est rem pli.
,
2°. V ie n t ensuite une déclaration de C h a v e , qui est à
la suite du p rem ie r a c t e , et qui a exigé des surcharges.
M a is p e u t - o n , de bonne f o i , y v o ir un acte authen
t i q u e , une reeonnoissance de paternité telle q u e la loi
la com m ande et que la raison la c o n ç o it ?
Cet acte n’a aucune date , parce q u ’en effet il a eu
lie u
le 21 g e r m i n a l, et a été ajouté a un acte terminé depuis
le 8. Com m ent supposer en effet q u e celte déclaration
finale fait partie de l’acte du 8 ? Les témoins dénommés au
.prem ier u c signent pas la déclaration.
�/
37
( 13 )
O n a raturé et interligné le prem ier acte de naissance,
sans faire i*ien ap p ro u ver aux prem iers témoins. L e maire
se u l ap p ro u ve t o u t , m êm e ce q u ’il lui plaira de raturer
e n c o re ; les autres t é m o in s , C h a v e l u i - m ê m e , ne font
aucune approbation. O r , il est de p rin cipe que les ratures
et interlignes sont inutiles dans les actes, s’il n ’y a appro
bation des parties et témoins.
Il est un autre p rin cipe élémentaire en rédaction d’actes,
quelque peu d’ importance q u ’ils aient; c’est que les tém oins
dénommés en l’acte signent à la fin : ici la sage-femme et
le f r è r e , qui ont déclaré la naissance le 8 , n ’ont pas signé
à la fin. Si c’est un seul et m êm e acte, les uns l’ont signé
au m ilie u , et d’autres à la fin : chose bizarre et rid ic u le ,
qui ne peut s’a llie r avec la g r a v ite de l ’acte qu’on prétend
maintenir.
Q u e p e u t - i l résulter d’un acte de cette e s p è c e , si ce
n ’est de la pitié p o u r ses ré d a c te u r s , et une conviction
intime que ce n’est pas C h a v e qu i est allé déclarer la n a is
san ce d’un enfant com m e s’en disant le père ?
L e but de la lo i n’est donc pas rem pli ; car dans qu elqu e
form e que dût être une reconnoissance de p a te r n ité , il la
falloit dans l’acte m êm e portant la déclaration de naissance,
ou bien il falloit un acte p a rtic u lie r, daté lu i- m ê m e , et
qui 11e fût pas réd igé dans une form e ayant p o u r but de le
rattacher à un autre acte, auquel il ne peut appartenir.
Car rappelons-nous q u e l ’article 334 du Code civ il dilt
que la reconnoissance sera faite p a r l’acte de naissance,
«u p a r un acte ath en tiqu e; à qu oi l’article 62 ajoute que
la c té de reconnoissance sera inscrit sur les registres n sa
date y et q u ’il en sera lait m ention en m arge de l’acle de
naissance.
f-V
�7
C «*
B.appelons-nous encore que le but bien positif de la loi
est de ne com pter p o u r rien les reconnoissauces antérieures
au c o d e , quand l ’auteur est vivant. Il en est de cela com m e
des testamens antérieurs à l’an 2, q u ’ il falloit refaire p o u r
les circonscrire dans les termes du droit nouveau. L a loi
a eu ici un but plus m oral : les changernens apportés au
système passé justifient sa mesure dilatoire.
E t ne nous abusons pas sur l ’im portance des formes
dans une matière aussi délicate : on est si scrupuleux
p o u r tant d’autres actes! U n seul m o t é q u iv o q u e en un
testam ent, détruit toute la volon té d’ un père de fam ille;
u n e donation exige encore des formes plus m ultipliées.
Ces actes sont-ils donc aussi importans qu e celui où il s’agit
de transmettre sou nom et sa fortune ; où il s’agit de plus
e n c o r e , de vaincre l ’opinion et de surm onter sa p ro p re
répugnance ? D ’ailleurs , p o u rq u o i 11e p ourrion s - nous
pas dire p o u r un tel acte ce que R ica rd dit des tcstam ens,
« q u e toute leur force consiste dans leur solennité, et toute
« leu r solennité consiste dans les formes ? »
A u jo u r d ’hui il faut y ajouter une v é rité bien c e r t a in e ,
c'est que la seule supposition q u ’un h o m m e est tenu et
obligé de se charger d ’ un enfant naturel sans sa libre
v o l o n t é , est incom patible avec le système indubitablem ent
reçu sur la législation des enfans naturels.
20. Cette d écla ra tion de p a tern ité est n ulle , s 'il y
a
violen ce. L e s f a i t s a rticu lés suffisent. L a preuve en
est a d m issible.
On est extrêmement sévère dans le monde pour ju ger
�5
( i
)
des eiTets de la p eu r d’autrui ; e t , quand on en com
mente les p articu larités, on détaille très-ponctuellement
la conduite qu ’ on auroit tenue en pareille occurrence.
Cependant rien n’est plus difficile à rég ler p o u r soi-m êm e;
c a r , en d e u x cas semblables , le m êm e in d ividu se c o n dui roit rarem ent deux fois de la m êm e manière. M ais
celui q u i raisonne ainsi est de sang-froid , par cela seul
qu’il ra is o n n e , tandis que le p rem ier elfet de la terreur
est d ’absorber toutes les réflexions / p o u r ne laisser place
q u ’à une seule id éed om in an te, la conservation de soi-même.
Q uelques auteurs , partageant sur ce point les idées du
v u lg a ir e , sem bleraient aussi se m on trer difficiles à ad
m ettre la p lup art des excuses fondées sur la crainte. 11
faut d is t in g u e r , d is e n t - ils , la cra in te gra ve et la crainte
l é g è r e , et on ne peut tro u v e r de m oyen rescisoire q u e
dans celle qui su ffiro itp o ur ébranler la ferm eté de l’h o m m e
le plus in tré p id e , m etus n o n v a n i h o m in is , sed q u i in
1
h om in etn co n sta n iissim u m c a d a i, . 6 , fF. Q u o d m etus
causa.
Ces a u te u rs, s’en tenant à une lo i isolée démentie p a r
beaucoup d’autres, n’ ont pas v o u lu ap ercev o ir, dans cette
rigueur étrange, un m on u m ent de la iierté romaine plutôt
qu’une règ le générale. Ce p e u p le , qu i avoit détruit le
tem ple é le v é p ar T u llu s à la C ra in te , n’ éto it, en la pros
crivant p ar ses lois, que conséquent avec lu i-m êm e . Sous;
un système de conquêtes sans b o rn e s, et avec une consti
tution toute m ilitaire, quel rom ain p ou vo it allégu er u n e
crainte lé g è re ! E le v é dans les carpps, son excuse m êm e
eut consacré sa houle , et la loi étoit rigoureusement juste
en exigeant de lui l’intrépidité d ’uu soldat.
�L a France militaire ne réprouvera pas cette législation
sévère ; elle l ?c*ût créée e lle -m ê m e , s’il falloit un code au
courage. M ais les actes civils des simples particuliers ne
se règlent pas par des m axim es nationales; la théorie
principale des lois consiste à les a p pro p rier au x mœurs
de ceux q u ’elles doivent régir.
G ardons-nous donc de l’exaltation , quand elle est hors
de m esure; ne nous obstinons pas à tro uver un Scévola
dans un laboureur tim id e , qui ne connut depuis sa nais
sance que sa charrue et le hameau de ses pères.
L es auteurs les plus judicieux du droit n’ont eu garde
aussi d’appliquer sans distinction la sévérité des principes
romains. D o rn a t surtout, à qui les premiers juges ont fait
Finjure de prêter une opinion si contraire à son discer
n e m e n t, D om at , dont l’ouvrage im m ortel n ’est que le
précis des lois rom aines, bien loin de se fonder sur la
loi 6 , ne la signale que p o u r en blâm er la rudesse.
« N ous avons v o u l u , d it-il, rétablir les principes na« tu rels, et rendre raison de ce que nous n’avons pas mis
« cette règle du droit rom ain parmi celles de cette sec« t i o n ......... T o u tes les voies de fait, toutes les violen ces,
■
v toutes les m enaces, sont illicites; et les lois condam« lient non-seulement celles qu i mettent en p éril de la
k vie ou de quelque tourm ent , mais toutes sortes de
« voies défait et mauvais traitemens. E t il faut rem arquer
« que com m e toutes les personnes n ’ont pas la m êm e
« fermeté p o u r résister à des violences et â des menaces,
ce et que plusieurs sont si foibles et si tim ides, q u ’ils 11e
« peuvent se soutenir contre les moindres impressions,
« un n e d oit pas b o rn er la p rotection des lo is con tre les
« m en a ces
�/-«
4 ^
( ij )
« m enaces et les v io le n c e s , à ne réprim er que celles
« q u i so n t capables d ’abattre les personnes les plus
« intrépides ; mais il est juste de p rotéger aussi les plus
« tim id es............
« 11 est t r è s - j u s t e , et c ’est -nôtre u sa g e , que toute
« violence étant illic ite , on réprim e celles m êm e qui
« ne v o n t pas à de tels ex c è s, et qu’ on répare tout le
« préjudice que peu ven t causer des violences qui enga« gent les plus foibles à qu elqu e chose d’injuste et de con« traire à leur intérêt : ce qu i se tro u ve m êm e fondé sur
« quelques règles du droit r o m a i n ............et ces règles
« sont tellement du d ro it n a t u r e l, q u ’zV ne p o u rro it y
« a v o ir d ’ordre dans la so ciété des h o m m e s , s i les
« m oin dres violen ces
étaien t réprim ées. » ( Sect. 2 ,
des vices des c o n v e n t i o n s , p ré a m b u le .)
•’
Il est peut-être inu tile, après a vo ir cité D o m a t , de faire
d’autres recherches ; mais les prem iers juges ont encore
fait l’ injure à P o th ie r de lui prêter des principes qui ne '
sont pas lës siens.
•
Cet auteur cite les lois ro m a in e s , et par conséquent
les rappelle
lelles q u ’elles sont. M ais il termine son
article de la crainte par dire que « le p rincipe qui ne
« connoît d’autre crainte sufTisante p o u r faire pécher un
« contrat par défaut de lib erté, que celle qui est capable
« de faire impression sur l’hom m e le plus c o u r a g e u x , est
« trop r ig id e , et ne doit pas être suivi parmi nous à la
« lettre ; on d o it, en cette m a tiè r e , a v o ir égard à l'â g e,
« an se x e et à la con d itio n des personnes ( i) ; et telle
( «) Expressions copiées mot pour mot en l'art. 111 a du Code civil.
c
�C 18 )
« crainte q u i ne seroit pas jugée suffisante p o u r a vo ir
« intim idé l ’esprit d’un hom m e d ’un âge m û r ou d’un
« m ilita ire , et p o u r faire rescinder le contrat qu ’ il aura
« f a i t , peut être jugée suffisante à l’égard d ’ une fem m e .
« ou d ’ un v ie illa r d , etc. » ( T ra ité des
page i re. , cliap. I er. , n°. 2 5 , in fin .)
obligations,
Si l’opinion respectable de ces auteurs avoit besoin d’être
fortifiée par d ’autres citations, on les puiseroit dans les lois
romaines elles-m êm es, q u ’il ne faut pas juger par un
fragm ent u n iq u e , et q u i, au c o n traire, nous enseignent
ce que D om a t et P o th ie r vien nen t de nous apprendre.
T o u t consentement doit être l i b r e , disent plusieurs
lo is; e t, p o u r être restitué, il n’est p is besoin d’une v i o
lence c o r p o re lle , mais seulement d’ une crainte inspirée
à celui qui contracte; q u p a d ju sta m restitu tio n is ca u
sa/n n ih il refert u tràm y i an inetu q u is c o g a tu r . . , .
et q u o a d effecturn ju r is u tro b i deest c o n s e n s u s , a c
libéra volu n tas p a tie n tis , ut velle Ji,on videatur. L . 1 , 3 ,
7 e t ü , ff. q u o d m et. C. L . 1 1 6 , de r e g .ju r. ( in C o rv in o .)
Ces lois étoient bien- inoin§ dures, que nç l ’pnt sup
posé les premiers juges; car elles ordonnoient de recevoir
la preuve de la c ra in te , quand m êm e C h a ve auroit été
hors d’état de désigner aucun de ceux qui la lui avoit
inspirée;, n on tatne/i ne cesse est des ig n a r e, perso n am
q u œ m etum in t a lit, sed s u jjic it p r o u a r e in c tiu n , q u ia
7/ietus habet in se ignorantiar//. f , . 14. ff. eod.
En lin , ce qui achève de convaincre que ces lois savole,nt
aussi se mettre à la portée de la foi blesse des h o m m es,
cYst q u ’elles expliquent q u ’ il 11’étoit pas nécessaire de
p ro u v e r l'existence d’un danger- r é e l , mais seulement
�4 $
*
(* 9 )
'.
.
,
.
.
la crainte de ce d a n g e r , qui en elTet devoit detruire le
i)
consentement. S i ca u sa f u is s e t , c ü r p ericu lu m tim eret\
q u am vis p ericu lu m uerb n on f u i s s e t . . . . non con sid é-.
ra tu r e v e n tu s, sed ju s ta opin io.
e0l^‘
1
L e tribunal d’Yssengeaux avoit donc un guide bien sûr:1
A u lieu d’adopter l’antique rig u e u r d ’une lo i oubliée par*
les Rom ains e u x -m ê m e s , il a 4jugé que la crainte inspirée
à C h a ve n’avoit pas été un m o tif suffisant p o u r le con
traindre ; e t cependant il ig n o ro it jusqu’à q u e l'p o in tC h ave avoit été contraint ou menacé ; il l’ ignoroit ët ai
v o u lu l ’ignorer to u jo u r s , en refusant de s’ éclairer par uné'
p reu ve : cependant les faits articulés étoient graves. C h a v e
ofl’r oit et o iïïe encore de p ro u v e r ces f a i t s articulés", etnotam m ent,, i° . que le 21 g e rm in a l îcs frères F e r r ie r ’et*
d ’autres h o m m e s arm és de bâtons SOLlt'Venus c h e z 'l u i
2°. q u ’ils l ’ont forcé de se lev er et de les s u iv r e ,'e n le
m en açan t;
3 0.
que chez de Bannes ils se sont opposés
toute e x p lica tio n , l ’ont in ju rié, menacé et frappé*,
4°.
à*
que1
de Bannes l’a pris à part pour: l ’exhorter à céder à la fo r c e 1
et éviter un plus grand m a l; °. qu’on l’a fd rc é'd e Vëriir'
5
dans un cabaret, où on lui a remis un e n fa n t, avec de
nouvelles menaces.
M a is , a dit le tribunal d’Yssengeaux/, C lia v e 5, soiti dé'
sa m aison.et conduit chez le m aire, p o ù vü it récltfifrér.
■
C e seroit une réflexion b ieiyn atu rèlle, si les faits même'de la caiise n’ étoient déjà venus la détruire ; car ce m aire
lu i-m êm e étoit si peu disposé à user de son a u t o r ité ,'
qu’ il est difficile de ne pas le juger au contraire intéressé1
à l’événem ent.
’
I
1'
il
Muis à quelle protection , il faut' le d ire , auroit pu
�( ' 2 °- )
s’attendre un m alheureux à la m erci de c in q :individus ,
dans le domicile isolé d ’un m aire de v illa g e ? Battu à ses
y e u x , Chave p o u vo it-il se croire dans un asile in viola
b l e ? L e maire lu i-m êm e, l ’e x h o rta n t'à céder à la fo r c e ,
m.ettoit le com ble à sa terreu r, et déclaroit, ou sa p ro p re
c o m p lic ité , ou au moins son impuissance.
L ’acte le m oins im portant d e là v ie seroit vicié par une
semblable v i o l e n c e , à plus forte raison celui de tous les
actes le plus incom patible avec la m oindre contrainte. U n
p ère de famille a contracté un engagement sacré envers
m*s enfans par son m a ria g e; mais c e l u i- l à m êm e qu i
auroit p rocréé des enfans naturels, ne tient à eux par
aucun lien c iv il :.so n h o n neur et les sentimens de la
nature deviennent leu r unique titre , si la paternité lui
a semblé certaine. L es enfans naturels n ’ont point de
fam ille; tel est le langage d e là lo i : elle ne veut pas qu ’ils
en aient une. Q u an d leur père se nom m eroit hautem ent
dans le m o n d e , il ne seroit tenu à rien; la loi lui perm et
seulement de se. déclarer tel par un écrit libre et authen
tique : forcer sa volon té seroit donc se croire plus sage
qu ’elle.
M ais si la loi n’exige rien d’ un père , si elle consi
dère com m e un vice m oral de lui don ner un iils que
sa prop re vo lo n té cependant n’a pas désavoué , peut-on
soutenir l’ idée révoltante q u ’ un h o m m e sera contraint
m algré lui^d’adopter un enfant dont il n’est pas le p è r e ?
Q u i lui donnera la force de supporter , dans sa de
m e u r e , la vue habituelle d ’une créaLure si étra n g è re,
placée là p ou r sa honte im m u a b le, sans aucune com pensatioU'SatisiaisantQ ? et qui oseroit répondre que dans
�4 > '
( 21 )
^
cette situation de d é sesp o ir, aigri p a r u n sentiment d’in
justice , il p û t assez maîtriser une fu re u r c o n v u ls iv e ,
q u i seroit tout à la fois le tourm ent de l’innocence
et
son p ro p re Supplice ?
E loign on s plutôt de vagues suppositions fondées sur une
p u re chim ère. L a p révo ya n ce des magistrats distinguera
la v é rité et les convenances , et éloignera d’aussi sinis
tres présages. O n ne donne p o in t à u n h o m m e l ’enfant
q u ’il repousse avec m épris , qu and la lo i n’en fait pas
un devoir. L a c o u r doit p ron o n cer ici sur les consé
quences d ’un acte l i b r e , et tout p r o u v e q u ’il n’y a pas
eu de liberté dans celui qu i donne lieu au procès. C h a v e ,
con d uit p a r la f o r c e , m enacé dans sa r o u t e , a signé
sous le bâton ; et, p o u r se s e r v ir des expressions de D o m a t,
si un consentement de cette espèce étoit jugé validç , ce
■seroit un a tten ta t a u d ro it n a tu re l ; i l n y a u r o it p lu s
d ’ ordre dans la so cié té des hom m es.
L a conduite d’Isabeau F e rrie r , l ’ép oque de ses co u -ches, c’est-à-dire, de celles qu i donnent lieu au procès,,
le c h o ix de ses croupiers , le lieu de la scèn e , la cir
constance q u ’ un acte de naissance a été c h a n g é , e t c . , tout
cela donneroit lieu à des réflexions beaucoup plus éten
dues , m a is.q u i sei’oient oiseuses, tant que la p reu ve
de la violen ce ne sera pas ordonnée.
Cette p r e u v e , sans con tred it, est adm issible; aucune
ordonnance ne la p r o h i b e ; et ce qui é to n n e , c’est que
les prem iers juges n ’aient pas v o u lu p ronon cer en connoissance de cause.
Il est possible que la m alignité toujours nvide de calom
nie , et toujours difficile ù d é t r o m p e r , prétende que C h a v e
�%
,
. .
( 22 )
n ’a pas été tout à fait innocent envers Elisabeth F errier
de ce dont on l ’accuse : mais il en prend le ciel à tém o in ,
cette fem m e lui fut toujours étrangère.
C h a v e , maître de ses actions , célibataire , feroit sa
jouissance principale de se v o ir re v iv r e dans un fils qu ’il
croiroit le sien ; à son âge, et avec ses principes re lig ie u x ,
il s’en feroit un devoir. Ces deux puissans m obiles ne
peuven t donc être vaincus 'q u e par quelque chose de
plus puissant e n c o r e , une conviction in tim e , une insur
m ontable répugnance.
Il ne demande pas à être cru sur p arole ; et si son
p rem ie r m oyen ne suffit p a s , il offre la p reu ve des v i o
lences qu i l ’ont forcé à donn er sa signature : et certes,
quand la cou r se sera assurée que C h a ve a été forcé de
sortir de son d o m ic ile , mené chez le m aire par cinq
h o m m e s , menacé et battu , elle a p p réc ie ra alors toute
la valeu r d’ une signature donnée dans de telles circons
tances ; et lorsque la vertueuse Elisabeth F e rrie r sera
convaincue q u ’il ne lui est plus libre de faire de sa p ro
géniture une charge p u b liq u e , peut-être s’e fforcera-t-elle
d e mettre un terme a sa féco ndité et au scandale de sa
conduite.
M . G I R O T , rapporteur.
M e. D E L A P C H I E R , avocat,
M e . M A R I E , lic e n c ié avoué.
~
A R IO M , de l'imprimerie de L andriot , seul imprimeur de la
Cour d ’appel. — Therm idor an 15.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chave, Jacques. An 13]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Girot
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
enfants naturels
faux
menaces de mort
reconnaissance de paternité
code civil
actes de naissance
violences sur autrui
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Jacques Chave, appelant ; contre Jeanne Valla, et Elisabeth Ferrier, sa fille, majeure, intimées.
Table Godemel : Paternité : 1. la déclaration de paternité d’un enfant naturel est nulle, si elle a été arrachée par la violence. quels caractères doivent avoir les faits de violence ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 13
1801-An 13
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1502
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0705
BCU_Factums_M0307
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53242/BCU_Factums_G1502.jpg
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Le Chambon-sur-Lignon (43051)
Rights
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actes de naissance
Code civil
enfants naturels
Faux
menaces de mort
reconnaissance de paternité
violences sur autrui
-
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bbdb16b80d8877ae69743f114aa845cb
PDF Text
Text
M
E
M
O
I
R
E
D ’A P P E L
EN
R É P O N S E ,
POUR
C a th erin e
LAFONT,
et L o u i s - A u g u s t e
P E T A U T O N , son mari, habitant à Néris-lesBains, intimés;
C O N TR E
LA FO N T, J e a n -B a p tis te B O U R N E T , J e a n F O R I C H O N , M a r i e et autre
G ilb e r t
L A F O N T leursfemmes habitant aussi
à Néris, appelans.
M a r ie
Ce n' etoit pas une assez grande douleur pour une m ère
d avoir perd u, en quelques mois d’intervalle , son époux
et son enfant; il a fallu q u e pour satisfaire l’avidité de
A
deriom.
�• ■\
* >'
'
( o
quelques collatéraux, elle fût contrainte d’entendre encore
les plus m inutieux détails de ce douloureux sacrifice, et
d’en peser scrupuleusement toutes les circonstances.
Il étoit consolant pou r elle de penser que sa fille avoit
eu rang parmi les enfans des hom m es, et que des mains
de la religion elle étoit descendue heureuse dans le tom
beau : mais l’intérêt ne com pte pour rien les opinions
et les mouvemens de la nature; il ne respecte pas plus la
cendre des morts que le repos des vivans.
Cependant si les tribunaux sont obligés de tolérer d’in
discrètes recherches, ce ne peut être q u’avec un sentiment
d’indignation qui force à désirer qu’elles soient infruc
tueuses; et sans doute toute la rigueur de l’examen est
réservée à ceux q u i, attaquant les actes les plus sacrés,
s’ imposent la tâche de les anéantir.
Cette vérité a servi de base à la décision des premiers
juges. P o u r arguer de faux un acte de naissance , les
appelans s’étoient soumis à p rou ver que l’enfant de Ca
therine L afon t étoit né m o rt; mais ils n’ont présenté que
des doutes au lieu des faits positifs qu’ils avoient annoncés.
D e sa p art, au con traire, l’intimée/a établi clairem ent la
vérité de l’acte de naissance qui faisoit son titr e , et q u i,
pour faire pleine C-i entière fo i, n’auroit eu nul besoin de
preuve auxiliaire.
Néanm oins les appelans ne se sont pas jugés vaincus;
et le secours qu’ils n’ont pu trouver dans leurs enquêtes,
ils l’ont cherché dans des consultations de médecins dont
l ’opinion auroit été sans doute bien puissante s’ils avoient
vu , mais qui ont été réduits à ne présenter que des
hypothèses et des incertitudes, et, sur la foi de quelques
�¡¿y
(3)
faits insignifians, à 'présumer que l’enfant pouvoit elre
venu au m onde sans vie.
A u reste, la cour ne se rendra qu’à sa propre con
viction dans une cause entièrem ent réglée par les lois
civ ile s, et encore plus claire par les faits dont on va lui
rendre compte.
F A I T S .
Catherine Lafont ép o u sa,le 14 brum aire an 10, GilbertM arie L a fo n t, son cousin.
Seule h éritière de son p è re, qui lui abandonnoit dèslors tous ses b ie n s, elle fut assez heureuse pour offrir à
son époux un sort avantageux. Quant à lu i, il avoit vendu
tous ses droits successifs à G ilbert L a fo n t, son frère ,
partie adverse, pour une somme m odique de 10000 fr.
Les ép oux stipulèrent un gain m utuel d’ usufruit, en
cas qu’il n’y eût pas d’enfans survivans.
Ce mariage n’a duré que dix mois et dem i; et le 27 fruc
tidor de la même an née, la f o n t est m ort à vingt-trois
a n s, laissant sa jeune veu ve enceinte de six mois.
A u terme de ses couches elle app ela, outre une sagefem m e, des pareutes ou des amies; m ais, loin de sup
poser qu’elle pouvoit survivre à son enfant , plus loin
encore d’avoir réfléchi que cette survie lui donneroit
une succession , le hasard a voulu qu’elle 11e s’entou
rât que de la fam ille de son mari : c a r , depuis sa dou
loureuse perte , c’étoit là sa société habituelle , pour
chercher des consolations dans ses entretiens et dans ses
souvenirs.
A
2
�( 4 )
Ses couches furent extrêm em ent 'laborieuses ; mais
n’ayant éprouvé aucune incom m odité pendant sa gros
sesse, la vigueur de son âge seconda la nature, et elle
m it au monde une fille.
Il n’est que trop vrai que cette malheureuse enfant
a voit cruellem ent souffert de ces efforts. Ses m ouvem ens,
prolongés jusqu’à sa délivrance , indiquoient le besoin
du repos; car la m ême fatigue qui accabloit la mèi*e dût
à plus forte raison agir sur une foible créature, qui avoit
besoin du plus grand x*epos pour échapper à la mort.
M ais la raison ne cède que trop souvent aux procédés
de l’habitude. O n tourm ente les enfans sous prétexte de
les soulager, et le souffle de vie qui les anime est quel
quefois incapable de résister à ces ¡prétendus soulagemens.
O n suivit donc pour l’enfant de Catherine L afont la
•m éthode ordinaire. L e cordon om bilical co u p é, on cher
cha du vin pour lui frotter le visage et réparer ses forces;
on ne trouva que de l’e a u - d e - v ie , et on ne l’em ploya
pas moins au m êm e usage. L e résultat du remède ne fut
pas aussi heureux qu’on l’a voit pensé : les muscles du
visage se contractèrent, la respiration repoussée se dilata
par des soupirs, l’enfant remua les b ras; mais ce n’étoit
là qu’ un dernier effort de la nature, bientôt la vie acheva
de s’éteindre.
Pendant que l’enfant luttoit encore contre la m ort, le
curé fut m andé; et quoiqu’ il n’arrivât que lon g-tem p s
après l'accouchement , il ne trouva pas moins à cette
enfant des signes de v ie , car il lui administra le baptêm e,
quoique la sage-femme lui eût rapporté l’avoir déjà 011doyée par précaution.
«
�(
5 )
A p rès le baptêm e, le curé se retira pour aller faire
l’acte de naissance ; car il étoit aussi adjoint et officier
public : il ch o isit, avant de p a r tir , ses deux témoins.
Ces témoins, en effet allèrent à la m airie , et on les
renvoya au lendemain. Comm e alors l’enfant étoit m ort,
les deux actes furent faits l’un à la suite de l’a u tre , le
>21 frim aire an n .
Catherine L afont étoit h éritière de son enfant par la
loi du 17 n iv ô se , ce qui avoit dû p eu t-être exciter la
jalousie des adversaires.
11 est naturel qu’ils fussent plus occupés de cette suc
cession qu’elle-même;. et tout ce qui s’étoit passé devoit
leu r être con n u , puisque Catherine L afon t, comme elle
vient de le d ire, avoit été entourée de la fam ille de son
m a ri, c’est-à-dire, de la fam ille des adversaires : la sngefemme elle-m êm e étoit leur tante. N éanm oins, et dans
cet instant m alheureux où le sacrifice de sa fortune lui eût
été totalement in d iiféren t, aucun des adversaires n’ima
gina d’élever le m oindre doute sur un acte de naissance
q u i, dans une petite com m une, et d’après ce qui s’étoit
passé, n’avoit été un secret pour personne.
T ro is mois se passèrent, et les adversaires laissèrent
prendre à la veuve la récolte de quelques vignes dépen
dantes de la succession : après ce tem ps, ils jugèrent con
venable de com m encer sourdement les hostilités.
Comm e G ilb ert L afon t avoit acheté les droits de son
déiunt frè re , dont la succession étoit créancière du prix
de ces droits céd és, il se fit faire une saisie-arrêt par ses
beaux-lrères Bournet et F o ric h o n , dans la vue d’embar-
�(6 )
rassct* Catherine L a fo n t, et n’osant pas lui-m êm e com
m encer le procès.
G ilbert L a fo n t, fit encore en ses propres mains une
saisie-arrêt, sans titre ni autorisation; et on en fit une
troisième ès-mains du sieur S o u lie r, n o ta ire , débiteur
de la succession.
L e prem ier sentiment de la veuve L afon t fut d’être in
dignée d’une conduite qui paroissoit fondée sur un soup
çon injurieux pour elle; dès-lors elle ne voulut plus rien
m én a ger, et poursuivit ses adversaires en payement et
m ain-levée de saisie, le 12 ventôse an 11.
A lo rs G ilb ert L afon t fut forcé de s’ex p liq u er, et il crut
l’intim ider davantage en s’inscrivant en faux contre les
deux actes de naissance et de décès ci-dessus rappelés :
mais Catherine L afont lui fit signifier sur le cham p la dé
claration expresse qu’elle entendoit se servir de ces deux
actes, et G ilb ert L afont fut obligé de donner suite à sa
procédure. G ilbert L afont présenta les faits par lui arti
culés, et offrit de prouver que l’enfant étoit m o r t- n é ,
ayant la pâleur sur son visage, les yeux ferm és, et que
tous les assistans s’écrièrent : V o ilà un enfant m o rt;
que l’adjoint n’avoit pas vu l’en fa n t, et n’avoit rédigé
les actes que sur la déclaration de deux témoins.
E n vertu de jugement du 3 floréal an 1 1 , G ilbert
L afon t fit entendre cinq témoins.
est essentiel de re
m arquer qu’il alfecta de ne pas appeler celui qui devoit
donner plus de lum ières, la sage-femme. Quant à ceux
11
entendus à sa req u ête, voici ce qu’ils ont déclaré.
L e prem ier témoin est le c u ré -a d jo in t, qui a adinU
�tér
(?)
nistre le baptêm e et fait l’acte civil; A v an t le bapteme
il a touché l’enfant et lui a, senti de la chaleur.
L e second tém oin , F ra n ço is C o r r e , ne sait pas si
l’enfant étoit vivan t ou m ort.
L e troisièm e, M a rie L a fo n t , fe m m e P ig7tot, la plus
proche parente des adversaires, sait tou t, et a connu que
l ’enfant étoit m ort à l’éjection de ses excrém ens. L a sagefemme lui fit signe qu’il étoit m o rt; elle lui dit aussi de
toucher le coeur de l’enfant pour sentir qu’il b a ttoit, mais
le tém oin répondit qu’il ne s’y com ioissoit pas. L a sagefemme lava l ’enfant, et lui m it les doigts dans la bouche;
il ne donna aucun signe de vie. Puis la femme C orre le
p rit sur ses genoux , et ses genoux trem blèrent par la
crainte qu’elle avoit de la m ort de l’en fan t, et ce trem
blem ent se com m uniquoit à l’enfant. L e curé v i n t , le
toucha h divers en d ro its, et le baptisa
puis la femme
Corre dit à son m ari d’aller faire faire l’acte de naissance,
et de ne pas m anquer de dire au curé ( q u i venoit de
sortir) que l’enfant étoit né vivant. A p rès cela elle avoue
qu’elle a dit e lle -m ê m e à la m ère que son enfant étoit
vivant, mais que c’étoit pou r la tranquilliser; et que lors
qu’elle a vo u lu dire autrem ent, L ou is L afont lui a fait
beaucoup de menaces.
L e quatrièm e tém o in , M a rie B o u r n e t, ne sait rien
par elle-m êm e ; elle confirm e la proposition faite par la
sage-femme à la P ign o t de toucher les battemens du cœur,
et la réponse de celle-ci qu’elle ne s’y connoissoit pas.
Enfin elle a ouï dire dans la maison que l’enfant étoit
vivant.
L e cinquièm e tém oin , M arguerite L a f o n t , veuve
�*iU
v " - 1
(8)
I
H o n n e fo i, a vu la sage-femme in q uiète, lorsqu’elle de
manda de l ’eau bénite pour ondoyer l’enfant; cependant
elle a dit plusieurs fois qu’il étoit vivant. Quand on a
frotté le visage de l’enfant avec de l’eau-de-vie, elle a
rem arqué qu’il a fait tin léger so u p ir , ce qu'elle a re
gardé comme un signe de v ie ,• elle n’en a pas remar
q u é d’autres.
Cette enquête, comme le disent très-bien les adversaires,
étoit parfaitement in u tile; et en effet il n’y avoit rien de
moins p rou vé que le faux m atériel de la naissance de
l ’enfant. Q uatre témoins attestoient plutôt la vie que la
m ort ; un seul attestoit la m ort par ses p aroles, et ce
qu’il a indiqué pou r la prouver donne plutôt à présum er
!
pour la vie. Les faits du baptêm e et de la naissance restoient donc dans toute leur force.
N éanm oins, et par surabondance, Catherine L afon t
vo u lu t aussi faire une enquête; et il ne faut que la parcourir pou r être convaincu de la vie de l’enfant,
j
L e prem ier témoin est la sage-fem m e ; elle sentit les
'
mouvem ens de l ’enfant dans ses mains : elle sentit les
pulsations du cœ u r, et proposa à la femme P ign o t d’y
toucher. Quand l ’enfant fut sorti elle ne sentit plus de
m ouvem ent, c’est pourquoi elle demanda du vin. O n lui
porta de l’e a u - d e - v i e , et quand elle en passa sur le
visage de l’enfant, il lit un soupir. A lo rs ayant à s’occu
per de la m è re , elle a remis l’enfant à la femme C orre
(quatrièm e témoin ci-après). E lle avoit ondoyé l’en faut;
Je curé est venu et l’a baptisé.
L e second tém oin, F ra n çois D u r i n , a soupe avec lo
!
curé le soir des couchas. L e curé dit avoir vu l’enfant,
avoir
f
i
�avoir touclié son estom ac, senti de la ch a leu r, cru re
marquer de la v ie, et baptisé l’enfant.
L e troisième témoin est M a rie B o u r n e t, déjà entendue.
L e quatrièm e tém oin, la fem m e C o rre , a gardé l’en
fant sur ses genoux après que la sage-femme eut fait les
frictions d’eau-de-vie au visage ; elle a elle-m êm e lavé
l ’enfant avec du v in , lu i a v u rem uer les bras trois ou
quatre fo is, lu i a senti battre le cœ u r , a distingué des
rnouvemens au visage quand on y passoit du vin , a re
m arqué que l’enfant soupiroit ; mais il est m ort sur ses
g e n o u x , sans q u’elle ait pu distinguer l’instant où il a
cessé entièrem ent de vivre.
L e cinquièm e tém oin, Q u illem in , a soupé avec le curé
quelque temps après les couches. Il dit qu’il avoit exercé
ses fonctions en baptisant l’enfant, ce qiüïl n 'a u roit pas
f a i t , s ilii eût cru s être assuré de son existence. La sagefemme a dit encore au tém oin que l’enfant étoit venu
au monde v iv a n t, et qu’elle l ’a voit ainsi déclaré à son
confesseur.
L e sixièm e té m o in , Georges F o riclio n , a ouï dire au
curé qu’il avoit senti de la chaleur à l’en fan t, et admi
nistré le b ap têm e, sans p o u voir assurer qu’ il fût vivant.
Il a ouï dire à plusieurs femmes que la Pignot (c e lle
qui a dit l’enfant m ort ) avoit dit qu’ il étoit né vivant ;
et qu’elle-m êm e, femme P ig n o t, lui avoit vu plusieurs
fois porter les bras à la tête , et avoit rem arqué plu
sieurs autres signes de vie.
L e 14 niyôse an 13 les parties en sont venues à l’au
dience où il ne s’agissoit que d’opposer l’acte de naissance
u 1 enqucle d irecte, et m ême les enquêtes entr’elles. 11
B
�est vrai que le procureur im périal vouloit renvoyer la
décision à deux docteurs en médecine et en ch iru rgie,
mais le tribunal de M ontluçon ne pouvoit se rendre à
cette opinion qui n’en étoit pas u n e; en conséquence,
après avoir pesé toutes les dépositions et la force des prin
cipes, il a fait droit aux parties par le jugement qui suit.
« Considérant que tous les actes de l ’état civil font
« foi jusqu’à inscription de faux ; qu’il est établi par un
« acte extrait des registres de la commune de N éris, que
« l’enfant de Catherine L afont est né à trois lieures et
« dem ie, le 21 frim aire de l’an 11 ; qu’ il est établi par
« un autre acte que le même jour le même enfant est
« décédé à quatre heures après m id i, c’est-à-dire, demi«
«
a
«
«
heure après sa naissance; qu’ainsi il est prouvé par actes
authentiques que l’enfant est né vivan t; que pour détruire ces deux actes, G ilbert L afon t a pris la voie
de l’inscription en faux incident; que par conséquent
il s’est imposé la tâche de prouver que cet enfant étoit
« m ort avant que de n aître; et il s’agit d’exam iner s’il
« l’a rem plie ; que le prem ier tém oin par lui produit
«
se
«
«
«
«
«
a senti un reste de chaleur à l’en fan t, et lui a admi
nistré le baptême à telles fins que de raison, a ensuite
in terro g é, comme oilicier p u b lic, l ’accoucheuse qui
lui a attesté que l’enfant étoit né v iv a n t; que le secon d , quoique témoin dans les deux actes, a déclaré
ne s’être pas assuré par lu i-m ê m e de l'existence de
l’enfant; que le troisième a toujours regardé l’enfant
« comme m ort avant que de naître; qu’il l’a jugé ainsi"
« aux exçréinens qu’il a vu tom ber, aux signes que la
« sage-femme lui a faits ; que cependant la même sage-
�tu
( II )
« femme lu i a dit que le cœur de l ’enfant battoit encore,
(< lui a proposé d’y porter la m ain , ce qu’il n’a voulu
« fa ire; qu’après qu’il fut entièrem ent sorti du ventre
« de la m ère, il ne lu i a rem arqué aucun signe de v ie ,
« quoique la sage-femme l’ait frotté avec de l’eau-de-vie,
« lu i ait mis les doigts dans la b ou clie, et y ait soufflé;
« que le quatrièm e ne s’est pas assuré par lui-m êm e si
« l ’enfant avoit vie après sa naissance, mais qu’il a en« tendu dire dans la maison qu’il étoit encore v iv a n t;
« que le cinquièm e lui a v u faire un léger soupir qu’il
« a regardé comme un signe de v ie ;
« Q ue de ces cinq témoins , le troisième est le seul
« qui soutienne que cet enfant étoit m o r t, parce qu’il
« le pensoit ainsi d’après la chute des excrémens et les
« signes de l’accoucheuse ; cependant cette m ême acçou« clieuse a dit ensuite que le cœur de l ’enfant battoit,
« a proposé au tém oin d’y porter la m a in , ce qu’il n’a
« vo u lu fa ire , disant qu’il n’y connoissoit pas.
« Considérant. que le prem ier tém oin a senti de la
<c chaleur à l’enfant, a interrogé l’accoucheuse, qui lui a
« attesté que l ’enfant étoit né viva n t; que cette m êm e
« accoucheuse l’a ainsi déclaré lorsqu’elle a été appelée
« en tém oignage par Catherine Lafont; que le quatrièm e
« témoin a ouï dire dans la m aison, après la naissance
v de l’enfant, qu’il avoit encore de la vie ; que le cinct
“
«
«
«
quième lui a vu faire un soupir qu’il a pris pour un
signe de v ie ; que de l’ensemble de ces déclarations il
résulte plutôt que l’enfant a vécu après sa naissance,
qu il n’étoit mort avant que de naître; qu’ainsi G ilbert
L afon t n’a pas détruit les deux actes de naissance et
B 2
�111.
,y
k
«
«
«
«
( 12 )
de d écès, ainsi qu’il se l ’étoit ptoposé ; qu’on en est
d’autant plus convaincu quand on considère que le
quatrième tém oin ouï à la requête de Catherine L a fé h t,
à qui l’accoucheuse rem it l’en fan t, pour donner des
soins à la m ère, a confirmé la déclaration de cette sage-
« fem m e, lui a v u battre le cœ u r, lui a distingué des
« mouvem ens dans le visage, et a rem arqué qu’il sou«
«
«
«
p iro it; que d’ailleurs il paroît constant que cet enfant
étoit parvenu au terme prescrit par la nature; q u ’il
n’a apporté au monde aucun vice de conform ation ,
ni aucun signe de putréfaction; que ces dernières cir-
« constances, jointes aux actes de l’état c iv il, aux décla« rations des tém oins, doivent suffire pou r constater là
« vie de l ’enfant, ou au moins le faire présum er vivan t;
« de m anière que Catherine L a fo n t, qui a été m è r e ,
« qui en a couru les dangers, qui a perdu son enfant,
« doit obtenir la consolation que la loi lui accorde.
« L e tribunal déboute G ilbert L afont de sa demande
« en inscription de fa u x , le condamne en l’amende de
« 60 francs, consignée conform ém ent à l’ordonnance de
« 173 ?) et aux dépens. Fait et jugé à M on tlu çon , le 14
« nivôse an 1 3 , etc. »
A p rès ce jugem ent, Catherine Lafont en a obtenu un
second le 23 ventôse su ivan t, lequel prononce la m ain
levée des saisies-arrêts, et condamne G ilbert L afont à
payer ce qu’ il doit au défunt.
Quant aux Forichon et B ournet, autres parties, il avoit
déjà été rendu contre eux un jugement le 19 ventôse
an 1 1 , prononçant aussi contre eux la main - levée de
leur saisie-arrêt \ niais ils avoient gardé le silence en
�/■ *»
3
( i )
attendant l ’événement de l ’inscription de faux que G ilbert
L a fo n t, débiteur, avoit seul osé hasarder. G ilbert L afont
a interjeté appel du jugem ent du 13 nivôse an 1 3 ; les
autres parties ont interjeté appel de celui du 19 ventôse^
an 11 : et quoiqu’ils ne se soient pas réunis en prem ière
instance, ils ont fait joindre leurs appels.
M O Y E N S .
L a jonction demandée par les Bournet et Forichon
est aussi singulière que le but de leu r appel. O n con cevroit cette jonction, si G ilbert L afon t avoit interjete
appel du jugement du 23 ventôse an 1 3 , pai'ce que ce
jugem ent et celui du 19 ventôse an 1 1 , frappent égale
m ent sur des saisies-arrêts. M ais le jugem ent du 14 ni
vôse an 13 prononce sur une inscription de faux à la
quelle les Boufnet et Forichon n’ont voulu prendre aucune
part. Comm ent se fait-il donc qu’aujourd’hui ils veuillent
se rendre commun le jugem ent qui y fait droit ?
Dans leur appel les Forichon ont demandé que les con
clusions par eux prises en prem ière instance leur fussent
adjugées ; et ils n’en avoient pris aucune. L e u r appel
au fait n’a aucune base , car ils n’ont pu fonder leur
saisie-arrêt que sur le faux de l’acte de naissance', et ce
pendant ce faux n’a jamais été articulé par eux.
Ces réflexions suffisent donc pour répondre à l’appel
de Forichon et Bournet. Il ne reste plus qu’à exam iner
les moyens proposés sur l’appel de G ilbert Lafont.
Ils se réduisent à dire i° . que les enquêtes prouvent
le faux de l’acte de naissance ; 20.' que les signes de vio
�( H )
rem arqués par les'tém oins ne sont pas suffisans, d’après
les lois et les notions de la médecine.
,
. -»-r'
'Ce sont ces deux prétentions qu’il faut exam iner, pour
en dém ontrer l ’erreur. ’
P
r e m i è r e
q u e s t i o n
.
L e s enquêtes prouvent-elles le f a u x de Tacte de n ais
sance ?
- A u cu n acte ne m érite une foi plus grande que les
actes de l’état civil ; les ordonnances nous l’enseignent,
et la raison nous dit qu’il im porte au bon ordre de ne
les détruire qu’avec la preuve claire et évidente d’un faux
m atériel.
- C a r , comme le dit M . C o ch in , les registres de nais
sance sont des monumens publics a u x q u els la lo i veut
q u ’on donne une foi entière, comme dépositaires de l’état
des hommes.
Il ne faut pas être plus exigeant que la lo i; elle se con
tente, pour la déclaration des naissances, du tém oignage
du père s’il est viva n t, et de celui de la sage-femme ou
l’accoucheur, si le père est m ort ou absent ; car l’accou
cheur a lui-mêm e un caractère p u b lic, et seul il fait foi
de la naissance. ( L o i du 20 septembre 179 2 , tit. 3 , art 2.
Code c iv il, art.
.) Il faut en outre deux tém oins, mais
56
ce n’est pas pour attester la naissance, c’est seulement
pour attester la déclaration.
Enfin il faut que l’enfunt soit porté à l'officier public,
ou qu’il vienne s’assurer de sa naissance. ( L o i du 20 sep-
�fis
tem bre, tit. 3 , art.
( ' 15 )
) V o ilà tout ce que la loi a exigé.
Quand elle a dit qu’ un acte’ de l’état civ il feroit fo i, eL
que la preuve ne seroit pas reçue contre ce qu’il énonce,
c’est une chose assez bizarre qu’on pense l’anéantir, sous,
prétexte d’une inscription de fa u x , par la même voie de
la preuve testimoniale. Ce ne seroit qu’un pur changement
de fo rm e, si les trib u n au x, en expliquant la loi par le
sens qu’elle présente, ne pensoient que celui qui s’inscrit
en faux s’engage à quelque chose de bien plus positif qu’au
résultat d’une simple enquête, puisqu’un acte public ne
peut être anéanti par une preuve testimoniale.
Sans doute si 011 présentoit un extrait de naissance faux,
la justice ne dcvroit y ajouter foi que jusqu’à la preuve
du faux ; et c’est là le but de l’art. 45 du Code civil : mais
quand il s’agit de dém entir la déclaration dont la loi s’est
contentée, sans contredit aucune preuve testimoniale ne
doit suffire pour faire tom ber l’acte ; ou bien il falloit
dire franchement que les actes de naissance ne faisoient
foi que jusqu’à la preuve contraire.
Ces réflexions, présentées à la prudence de la co u r, n e'
tendent point à éluder l’examen des enquêtes; et pour
cela il n’y auroit qu’ un seul mot à d ire , c’est qu’au lieu
d'y vo ir la preuve de m ort annoncée, on a peine à trouver
qu’un seul tém oin ait certifié ce fait sans en douter luimême.
Que devoit prouver G ilbert L afon t? et qu’a-t-il p ro u vé?
Ses faits de faux étoient clairs et précis. 11 se soumetloit
à établir, io. q ue plusieurs personnes étoient présentes
lo is des couches, et que toutes ces personnes s'écrièrent :
V o ilà un enfant m ort j
�(i6)
2°. Q ue la sage-fem m e ayant frotté l’enfant avec de
Teau-de-vie, elle ou vrit sa bouche avec un de ses doigts,
mais que sa bouche se referma de suite; qu’il étoit pâle,
et avoit les yeux fermés ;
3°. Q ue François C orre n’arriva dans l’appartement
que dans l ’instant où la sage-femme plioit l’enfant pour
le faire enterrer;
4°. Q ue la femme Corre dit à son époux d’aller avec
L ouis L afon t faire faire les actes de naissance et de décès,
qui furent rédigés dans le même instant;
°. Q u’il n’a été fait aucune réquisition à l ’adjoint de
se transporter dans la maison où étoit l’enfant; qu’il n’a
5
par conséquent rem arqué aucuns signes de v i e , et qu’il
n’a rédigé les deux actes que. sur la déclaration de deux
tém oins, dont l’un étoit l’aïeu l, partie ipféressée, et l’autre
avoit seulement vu ensevelir l’enfant.
L e prem ier fait n’est attesté en partie que par un tém oin
qui est démenti par tous les autres. Ce ne sont pas toutes
les personnes présentes qui s’écrièrent : V o ilà un enfant
m ort; c’est la femme P ign ot qui prétend seule l’avoir dit à
M arie B ou rn et, parce qu’elle a vu tom ber des excrém ens;
mais M arie Bournet ne le confirme pas,
Cette P ign ot qui a voulu tout dire est tombée dans le
piège ordinaire des m enteurs; elle se contredit elle-m ême
sur tous les points. L ’accoucheuse lui fit signe que l’enfant
etoit m o rt, et cependant l’accoucheuse l’engagea à sentir
battre son cœ ur; elle refusa de s’assure?: si l’enfant étoit
v iv a n t, parce quV/fe ne s y con noissoit pas : cependant
d ie avoit déjà dit que l’enfant étoit mort.
1
Ces contradictions s’accordent parfaitement avec « dé
position
�( 17 )
position du tém oin F o riclio n , qui a ouï dire à plusieurs
femmes que cette m ême P ign o t leur avait attesté que
l’enfant étoit v iv a n t, et qu’elle lu i avoit rem arqué p lu
sieurs signes de vie. Cette malheureuse a ensuite changé
absolument de langage -, et ceux qui la connoissent ne s’en
étonnent pas.
Toutes les personnes présentes n’avoient pas dit : V o ilà
un enfant m o rt; puisque tous les autres témoins présens
ont rem arqué des signes de vie plus ou moins prononcés.
L e deuxièm e fait n’est p rou vé par aucune déposition,
si on en excepte la circonstance attestée par la m êm e
P ig n o t, que la sage-femme ou vrit la bouche de l’enfant :
fait is o lé , faux et inutile. M ais personne n’a dit que la
bouche se refermât de suite, et que l ’enfant eût, en nais
sant, ni de la p â le u r, ni les yeu x fermés.
L e troisièm e fait n’est encore déclaré par aucun té
m oin. C orre n’a pas dit être venu seulement quand on
ensevelissoit l’enfant, mais l’avoir v u sur les genoux de
sa femme. L a loi n’exigeoit pas m êm e de l u i , com m e
tém oin , qu’il attestât la naissance, elle ne l’exigeoit que
de la sage-fem m e; et il étoit tém oin de l’attestation seule
ment. S’il avoit déclaré la naissance, com m e tém oin instrumentaire il feroit encore f o i , et ne seroit $as admis
à se rétracter.
Jg
L e quatrièm e fait étoit aussi insignifiant que le précé
d en t, et n’est pas déclaré de la m ême m anière par ld
V ig n o t, quoique ce soit elle qui ait dicté évidem m ent
les faits articulés par l’adversaire.
Il y a même quelque chose d’essentiel à rem arquer dans
ce que disent Corre et la Pignot. Celle-ci assure avoir tout
vu depuis les couches jusqu’à riulium ation , et cependant
C
�(i8)
Corre dît que c’est elle qui vint le chercher à sa vign e;
elle s’est donc absentée quelque temps.
L e cinquièm e fait est dém ontré faux par tous les té
m oin s; car bien loin que le sieur R e yn au d , adjoint, ait
rédigé ses actes sans se transporter dans la maison où étoit
l’enfant, et sans le v o i r , il dit lui-m êm e y être venu et
•l’avoir vu. T o u s les témoins parlent de ce fait, et la P ignot
elle-m ême déclare que le sieur Reynaud toucha l’enfant
à plusieurs endroits, et le baptisa.
A in si rien de ce que G ilbert JLafont avoit offert de
p ro u ver ne l ’a été. L ’acte de naissance demeure donc dans
toute sa force.
Q uand on ôteroit de son enquête tous les signes de vie
articulés par ses propres tém oins, il ne resteroit que des
doutes sur la m ort de l’enfant; et des doutes ne détruisent
pas un acte.
Ces doutes encoi’e ne sont com m uniqués que par un
seul témoin qui a refusé de toucher l’enfant, et qui n’ayant
pas voulu s’éclaircir veut cependant com m uniquer tous
les éclaircissemens.
Il faut se méfier d’elle, puisqu’elle s’en est m éfiée ellem êm e; d’ailleurs ses contradictions appellent aussi la mé
fiance, quand elle ne seroit pas personnellement suspecte,
comme la plus proche parente des adversaires. D ’ailleurs
c’est une chute d’excrém ens qu’elle a regardée comme
signe de mort. Sur ce fait m êm e, qu’ il est étonnant qu’elle
ait pu vérifier avant la fin des couches, de quel poids
peut être 1111 semblable tém oignage? C ’est là cependant
la seule preuve de la m ort qu’elle d on n e, ou plutôt la
seule preuve qu e fournit l ’enquête.
�( 19 )
I-e curé auroit été un tém oin im portant s’il avoit as
sisté au commencement des couches ; mais il a fallu l’en
voyer chercher et l’attendre : et q u o iq u e , dans ce délai
assez lo n g , la vie de l’enfant n’ait pu que d im in u er,
cependant à son arrivée il a encore senti de la chaleur;
et si l’enfant avoit été m ort - n é , cette chaleur n’auroit
pas duré jusqu’alors , surtout à la fin de décembre. Ce
qu’il y a de certain c’est que le curé n’atteste pas que
l ’enfant fût m o rt, c’est qu’au contraire il l’a baptisé comme
v iv a n t, et après un prem ier baptême. O r , suivant les
règles, ce prem ier baptême suffisoit, n’y eût-il eu que du
danger, Canonistœ d icun t sufficere quod aliquod mernbrum b a p tizetu r, ut sit infans christianus.
A in si ce second baptême fait par un prêtre est une
présom ption authentique de la v ie , d’après les auteurs :
à celte présom ption se joint la preuve légale de la vie
par l’acte de naissance fait par le m êm e témoin. A in s i,
quand il m arquerait les conjectures de m ort les plus
fortes, jamais il n’y auroit lieu d’annuller son propre acte
p u b lic , qui parleroit plus haut que sa déposition.
O n vo it d’ailleurs dans cette déposition du curé une
retenue qui abrège trop les détails, et qui s’explique assez
par l’inquiétude que devoit lui donner m algré lui une
inscription de faux contre son propre acte.
Mais cette circonspection est corrigée par les témoinsD u rin et G u ille m in , à qui le curé a dit à différons inter
valles qu’ avant de baptiser l’enfant il s’étoit assuré de
son existence.
vSi à cela on ajoute les dépositions de la sage-fem m e,
de la veuve Bonnefoi et de la femme C o r r e , il n’y aura
plus à douter; çar les mouvernens de l’enfant dans la main
C 2
�Vt o
(( 20 y
de la sage-fem m e, les batteme?is du Cœur, leâ soup irs,
les bras remués trois à quatre fo is , la contraction desmuscles du visa g e, sont sans contredit des signes évidens
d’existence.
Cent tém oins, qui diroient avoir vu un individu m ort,
ne détruiroient pas le tém oignage de ceux qui l’ont vu
vivant. L es apparences de la vie et de la m ort sont sou
vent difficiles à reconnoître, et peuvent d’ailleurs avoir
lieu quelquefois alternativement.
S
e c o n d e
q u e s t i o n
.
L e s sigjies de vie rem arqués p a r les tém oins s o n t- ils
sitjjisans ?
Les lois françaises sont muettes sur cette question, etla jurisprudence s’est toujours basée sur les lois rom aines,
qui ne laissent presque rien indécis.
A peine l’enfant étoit conçu qu’ il étoit com pté parmi
les créatures, et réputé vivant toutes les fois qu’il s’agissoit de son intérêt.
Si cependant il m ouroit avant de naître, il n’étoit pas
réputé avoir v é c u , parce qu’alors en effet son intérêt
'é to it n u l, et il étoit inutile qu’il eût vécu pour l’intérêt
d’autrui.
M ais dès l’instant qu’ il étoit n é , il devenoit capable de
succéder et de transm ettre, quelle que foible et courte
qu’ait pu être sa v ie , licet
illico
decesserit. L . 2 , cod..
l ) e post. hœr.
Cependant les écoles ne s’accordoient pas sur les preuves
de la v i e , ’ lorsqu’il s’agissoit de savoir quand un testa
ment étoit auuuüé par la naissance d’un posthume. Les
�»
( 2*. ) ^
proculeïens, qui étoient les rigoristes du droit, vouloient
que l’enfant, pour être réputé avoir v é c u , eût c r ié , ciamorem ew iserit. M ais les sabiniens n’étoient pas de cet
avis, et répondoient que la foiblesse ou un défaut d’or
ganes peuvent em pêcher les cris de-l’enfant, quoique visi
blem ent il existe. Justinien termina ce débat par la loi
Ç u o d diù certa tu m , et d it, en approuvant l’opinion des
sabiniens, que le testament étoit rom pu si l’enfant étoit
né v iv a n t , quand m êm e il seroit m ort im m édiatem ent
après sa naissance, et m êm e dans les m ains de la sagefemme.
S a b in ia n i existim a ba nt s i viçus natus esset e t s j
v o c e m n o n j e m i s i t rum pi testamentuin : eoruni etiam
nos laudarnus sen ten iia m , et sa n cim u s, si pei'fectè na
tus e s t , licet i l l i c o postquarn in terrain cecidit veî
s o b s t e t r i c i s d ecessit, rum pi testam entum. L o i Ç u o d d m , code D e posth. lib.
in
m a n ib u
Cette supposition d’une m ort aussi prom pte, pour ainsi
d ire , que la naissance, marque assez que la loi n’a pas
exigé des signes de vie bien prononcés , puisque le son
de la vo ix ne lui a pas même semblé nécessaire.
11
y a p lu s, car la loi encore a p révu le cas où un
accouchement auroit été tellem ent forcé et difficile que
l’enfant n’auroit pu être extrait qu’en partie. Si la p or
tion qui a v u le m onde est celle en qui consiste princi
palement l’existence, l’enfant n’en est pas moins réputé
avoir vécu , quoiqu’incapable de conserver la v ie ; et la
loi en ce cas se contente du m oindre souille.
S i non integrum a n im a l cditurn s i t , cum s p i r i t u
tarnen, adeo testam entuin rum pit. L . 1 2 , il’. D e lib e n s
et post/l.
�m
( 1 2 )f
Ces principes ont toujours été adoptés par la jurispru
dence; et les auteurs du droit les enseignent comme des
maximes certaines.
L ebrun se plaint avec éloquence de ceux qui veulent
pour signe de vie avoir entendu la v o ix de l’enfant ;
« comme si, d it-il, la nature attentive à d’autres choses,
« ne pou voit pas, dans un petit espace de temps, v iv re
« et m ourir sans se plaindre : au contraire l’on peut d ire,
« ajoute-t-il, que l’enfant qui se tait ainsi en naissant,
« subsiste en partie par ce silence, parce que la nature
« m énage ses forces pour prolonger sa v i e , et évite do
« la dissiper en accens superflus. » ( L iv r e i , chap. 4 ,
sect. 1.)
M . D o m a t, cité par les adversaires, s’occupe des cas
où l’enfant est né avant le terme ordinaire ; et quoique
dans l ’usage on n’ait jamais regardé com m e viable un
enfant né avant le septième m ois, M . D om at distingue
le cas où il s’agit de son état personnel, de celui où il
est question de savoir s’il a succédé et transmis la succes
sion. Dans la prem ière espèce, c’est-à-dire, curn agitur
de statu e t j i t quœ stio sta tû s, M . D om at pense que l’en
fan t, avant sept m ois, n’est pas réputé avoir vécu : mais
quand il ne s?agit que de transmettre la succession à ses
h éritiers, cîtm agitur de transrnissione hœ redita tis, les
raisons 11c sont plus les m êm es, et il n’im porlc plus que
l’enfant ait pu v iv re , il suilit qu’il ait vécu; et M . Dom at
cite des arrêts qui ont réputé successibles des enfans do
quatre et cinq m ois, nés même par l’opération césarienne.
( L i v . 1 , sect. 1 , n°. 5 , p. 2 .)
Rem arquons qu’ici il s’agit d ’un enfant venu à tonne
après neuf m o is, et dès-lors légalement viable,•
�- 23 ^
H enrys, cité encore par les adversaires, 11e leur est pas
plus favorable que D om nt; il parle d’une cause où il s’agissoit d’ un enfant q u i, loin d’êlre regardé comme mort
pour avoir i*ejeté des excrém en s, 11’avoit au contraire
donné d’autres signes de vie constans. V o ic i littéralement
le fait rapporté par M . H enrys lui-m êm e, ce U ne m ère
« n’ayant pu rendre son enfant qu’avec peine et violence,
« et cet enfant n’ayant donné d’autre signe de vie que
« par les excrémens qu’il avoit ren d u s, cela fit douter
« s’il avoit survécu la m ère ou non. C eux qui avoient
« intérêt qu’il fût plutôt né vivan t que m o rt, ne man« quèrènt pas d’user de précaution , et de faire ouir par
ce devant le juge la sage-femme et un médecin. I,e p ré« texte qu’ils en prirent fut au sujet de l ’en terrem en t,
« et sur le refus que le curé p ou voit faire de le mettre
« en terre sainte. Y ayant eu procès en ce siè g e , nous
« fûmes ouïs pour le procureur du r o i.. . . La sage-femme
«
«
«
et
«
ne s’étant arrêtée qu’à l ’éjection des excrém ens, et en
cela n’ayant pu parler que par l’organe du m éd ecin ...
le rapport nous paroissoit précipité et affecté ; nous
crûmes qu’il y avoit plus d’apparence d’ en ordonner
un second__ que puisqu’on n’avoit établi la vie de
cc l’enfant que sur ce signe se u l, les médecins en p o u « voient aussi-bien juger que s’ils avoient été présens à
« l’enfantement. Nos conclusions furent su iv ies, et un
K nouveau rapport fut ordonné. Y ayant eu appel au pai*“ ^emen t, la cour a cru que le prem ier rapport devoit
c< suffi1'e ; en un m o t, que su r le d o u te, et dans les cir« constances du f a i t , il,fa llo it plutôt ju g er que f enfant
« avoit eu vie , que d'être m ort-né. » ( Quest. 2 1 , liv. 6. )
Enfin A caranza, cité aussi par les adversaires, d it, au
�( H )
rapport de B reton n ier, dans son traité D e p à rtu , ch. 16 ,
n°. 3 2 , que le m oindre signe de vie suffit s’il est certain, *
Dans une cause qui dépend toute entière d’un fait pii'blic et légalem ent attesté, que de simples indices ne peu
vent d étru ire, les réflexions des docteurs consultés p a i
les adversaires ne conduiront pas la cour à tout l’éclair
cissement qu’elle avoit lieu d’attendre de leurs lum ières;
car ces docteurs n’ont pu se déterm iner que par le vague
des enquêtes : aussi leur opinion se réduit-elle à un système;
M ais quelque brillant que puisse être un système, jamais
l ’incertitude n’amena la conviction.
'
.
L e raisonnement des docteurs consultés se réduit à cecn
L a c h a le u r, les m ouvem ens de l ’en fan t, ses soupirs et le
battement de son cœ ur, peuvent avoir trom pé les tém oins,
parce que les genoux trem bloient à celle qui tenoit l’en
fant sur ses g e n o u x , et ce trem blem ent, com m uniqué A
l’enfant, a pu en im poser pou r un m ouvem ent qui lui fût
personnel. L e seu l soupir entendu étant un dernier sorjpir,
n’a été q u’un m ouvem ent exp iratoire, sans inspiration,
parce que les poumons n’ont pas eu la force de supporter
le volum e d’air nécessaire à la respiration. Les sigues de
vitalité rem arqués ne sont qu’ un reste de contractilité et
d’irritabilité tels qu’on les observe sur les têtes nouvel
lem ent coupées, sur le larynx des oies, et nu galvanisme;
T o u t cela n’étoit qu’un indice de la cessation encore
récente de la vie animale.
>
L a base de ce système est une simple possibilité : le fait
principal qui le inotive n’est pas exact, cl par conséquent
lu système s’évanouit tout cutier.
Le
�I
25
(
)
L e tremblement des gen o u x, im puté à la.fem m e C orre,
n’est pas attesté par elle; et sans doute sa déposition devoit
être la plus notable à l’égard d’un fait qui lui étoit per
sonnel.
L e soupir appelé un dernier soupir est encore une
erreu r; car puisque les docteurs ont choisi les témoins
q u i parloient de v is u , ils ont dû rem arquer que la sagefem m e, après avoir lavé l’enfant avec de l’e a u - d e - v ie ,
entendit un gros soupir j puis elle le rem it à la fem m e
C orre pour s’occuper de la m ère. O r , à son tou r, la fem me
C orre lava l’enfant avec du v i n , et alors remarqua que
l ’enfant so u p ir o it, qu’il avoit des mouvemens dans le
visage, qu’il remua les bras trois ou quatre fois, et que
Je coeur lui battoit.
Ces soupirs ne sont pas les mêmes que ceux entendus
par la sage-fem m e quelque temps auparavant. Il n’y a
donc pas, comme l’ont cru les docteurs, un seu l et der
n ier soupir.
A lo r s , et sans exam iner s’il est possible qu’un enfant
sortant du sein de sa m ère rende de l’air par expiration,
sans en avoir jamais asp iré, il est au moins certain que le
prem ier de ces soupirs, à supposer qu’il n’y en ait eu que
•deux, n’est pas un dernier m ouvem ent expiratoire passif.
A p rès cette exanim ation, il seroit impossible de conce
vo ir qu’un second soupir eût pu succéder au prem ier. C ’est
bien assez d’admettre un prem ier soupir dans un nou
veau n,é, si scs poumons n’ont pas eu la force de sup
porter le volum e d’air nécessaire à la respiration.
Les signes de vitalité rem arqués aux têtes fraîchement
poupées ne semblent devoir rien prouver h l’égard d’un
pjifunt qui ne s’éteint que par foiblesse, Dans une tête
D
�r.
" '
. . .
r
, •
coupée, la vie surprise, p o u r ainsi d ire, pendant sa fo rce ,
s’arrête encore dans une partie'restée saine. Les muscles,
irrités ordinairem ent par la m oindre blessure , le sont
bien davantage par leur section entière; et leur contrac
tion com m unique à tout ce qui en dépend un jeu m é
canique qui n’est pas la v i e , mais qui en est l ’apparence.
A u contraire quand un corps entier s’éteint par débi^"lité ou dissolution ', ce m ouvem ent des muscles rie peut
ii
pas survivre à l’atonie de l’organisation ; à plus forte
raison dans un enfant nouveau, qui n’auroit pas eu la fo ire
de supporter une seule aspiration, toute contractilité et
irritabilité, semble une chose entièrem ent impossible.
*
L e larynx des oies ne répète leur cri que pendant la
durée du souffle qu’on y com m unique; ainsi il n’y a pas
de vitalité dans ce qui exige une fonction étrangère.
L e galvanisme peut bien, par une combinaison de m é
ta u x , produire sur des chairs inanimées une com m otion
dont nos sens imparfaits ne peuvent pas apercevoir lu
cause : m ais, quelle qu’elle so it, elle est le produit d’un
appareil q u elco n q u e; et jamais un corps n’a répété les
inouvemens galvaniques hors la présence de cet appareil.
Rem arquons une vérité frappante. Dans leur propre
opinion les docteurs ont supposé que la vitalité môme
qu’ ils présum oient dans l ’enfant, étoit l’indice de la ces
sation en cart récente de la vie animale.
V o ilà donc une présomption de m ort attachée A la con
viction que l’enfant vivo it encore un instant auparavant.
O r , cet instant, où est-il? qui peut le saisir aujourd’h u i,
quand les assistans ne Font pu recon n oître? Com m ent,
dans une m atière aussi conjecturale que les signes de la
�H1
( 2?' V
m o rt, les docteurs assureront-ils que l’enfant de Cathe
rine L a fo n t, venu à terme en l’an n , soit m ort avant,
ou pendant l’extractio n , ou une minute après sa nais
sance, avan t, ou pendant son b ap têm e, ou in rnanibus
o bslciricis, suivant le langage de la loi.
L a sage-femme l ’a gardé quelque tem ps; après elle, la
femme, C orre l’a gardé-; puis le c u r é , mandé pour le
baptiser, est v e n u ; et c’est après tout cela qu’on a été
certain de sa m ort.
, ,■ r .
.
- ,
t
'
Quand il n’y auroit pas de signes de vie l’econnus, rien
ne seroit plus conjectural que les signes de la m o rt, et
en ce cas même il faudroit seulement douter.
C a r , comme le dit M» W in s lo w , « si la chaleur du
« corps et la mollesse des* parties flexibles sont des signes
« incertains d’une vie encore subsistante, la pâleur du vi« sage, le froid du corps, la roideur des extrém ités, la
« cessation des m ouvemens et l’abolition des sens externes,
« sont des signes très-équivoques d’une m ort certaine....
c< 11 est incontestable que le corps est quelquefois telle« ment privé de toute fonction v ita le , et que le souille
« de la vie y est tellement cach é, qu’il ne paroît aucune
« différence, de la vie et de la mort. » ( Dissertation.sur
l’incertitude des. signes de la m o r t, page 84. )
E t c’est parce que les signes de la m ort sont plus dou
teux que ceux de la v ie , que les auteurs de médecine
h’ gale se contentent des moindres indices pour présum er
la vie de reniant.
S i sp ira v en t, dit Zuchias ,• s i mem hra d isten d en t, s i
se m o v en t, .si sternutaverit, s i urinant red^at. •( Quest,
xuédico-leg. liv .
tit. , n°, 123.) Cependant la plupart
5
D 2
�WV
\>\
• . ... (
3
de ces cas pourroient se prendre encore plus pour de
simples m ouvem ens de vitalité musculaire.
Foderé m arque une notable différence entre le cas où
l’enfant seroit m ort dans le ventre de sa m è re , et celui'
où il ne m eurt que pendant sa naissance. A u prem ier
cas, l’état qu’il décrit des souffrances de la m ère ne laisse
pas de doute; au deuxièm e cas, il indique comme signe
de m ort le défaut de pulsation et de chaleur des artères
ombilicales : néanmoins il cite encore des exemples où
ccs signes mêmes ont trom pé les praticiens. ( M édeciue
c iv ile , tom. i , n ° . 288.)
M ahon ne pense nullem ent que la pulsation des artères
soit un sim ple indice de vitalité et de contractilité. « L a
«
cc
«
«
«
continuation du battement du cœur et de la circulation
du sang en gén éral, dit-il, est un indice bien plus sûr dé
la vie de l’enfant après sa naissance. Cette fonction est,
de toutes celles qui tom bent sous les sens, la plus im portante de la vie animale. » ( M édecine lé g a le , tom. 2 ,
pag- 393- 3
Si donc nous ignorons quand est m ort l ’enfant de Ca
therine L afon t, au moins ne l’étoit-il pas quand son cœur
battoit encore; et si les mouvemens des bras et du visage
sont, comme les soupirs, des signes douteux de la v ie , au
m oins tous les raisonnemens de l’univers ne prouveroient
pas qu’ils sont des signes de mort.
C ar il faut pour les adversaires des signes évidens de
m o rt, puisqu’ils attaquent un acte de naissance.
E h ! où en serions-nous, si h chaque m ort il falloit élever
autant de doutes et d’incertitudcs?
Les hommes sont convenus de regarder comme i’ins-
�( 29 ) ^
#
tant fixe de la m ort celui de la cessation totale de la cir
culation du san g, suivie de la roideur des membres; et
les intérêts de toutes les familles se règlent chaque jour
sur la foi de cette croyance.
On: sait bien qu’il est de loin en loin des exceptions
à cette rè g le , et que des personnes ont v é c u , après avoir
eu tous les signes ordinaires de la mort,
c M ais on ne vo it pas pou r cela que ces phénom ènes
changent les notions de l’habitude; et certes nul ne certifieroit vivant un homm e sans pouls et sans fle x ib ilité de
m em bres, parce qu’il en auroit v u v iv re d’autres ayant
les mêmes symptômes de m ort.
Com m ent donc est-il possible de décider qu’ un enfant,
qui conservoit du m ouvem ent , etoit cependant m o r t,
par cela seul qu’il est des exemples que des individus
morts ont quelquefois donné des signes de vie.
Cependant il ne s’agit ici que de fixer l’époque précise*
d’ une m ort reconnue récente ,* et au lieu de la rechercher
dans des possibilités et dans des h ypoth èses, pourquoi
ne pas supposer aussi une cause plus im m édiate et plus
naturelle?
'
.
• .,
L es couches de; Catherine L afon t ont été laborieuses;
I
7
voilà un fait connu.
, ‘
L ’enfant a dû être très-acçablé, et avoir besoin du plu9
grand calm e; si on l ’a tourm enté on n’a pu que lui nuire :
Voilà la prem ière présom ption certaine.
Mais au lieu de lu i laisser du x*epos on lui a coupé le
cordon om bilical, on l’a frotté avec de l’eau-de-vie, puis
avec du vin.
P ou rqu oi donc ne pas croire que ces opérations ont
�$ e *
('3 0 '
achevé d’éteindre une vie encore ré cen te, plutôt que
d é s ig n e r une époque antérieure, sans aucune certitude, ;
mais pnr sim ple soupçon.
^ ' *ni >{
Ici au moins nous présentons :un système qiii "anime *
hase, et cette base est assise^sur une grande autorité.)
« Lorsque l’enfant, dit H ipp ocrate, est »sorti du>!gein:'
« de sa m ère avec effort, com m e il est fo ib le , il ne fautj
« p a s lui c o u p e r 'l’om bilic q u’il n’ait crié et'uriné/*»
( 'H ippocr, de sùperf. ch,
)
yb
'i
' - I ■
r-i
E t qu’ori n’objecte pas que ce sont là des principes d’an-<
cîenne th éorie; A lphonse L e r o i, qui les rap pelle, ajoute ;
5.’
-*I
ru
« Nous développerons ailleurs ce précepte excellent, que
cc nous tâchons chaque jour de rétabjir. » ( A lp h . L e r o i,
pratique des accouclicm ens. )
: 1
)
L a section du cordon om bilical a donc pu nuire à un
enfant déjà fo ib le ; des frictionâ d’e a u -d e -y ie sur’ son
visage ont dû m ême lui causer une l’évolution qu’il étoit
hors d’état de supporter : c’est en ce m om ent q u eu es
soupirs ont annoncé le dernier effortfde la n ature; e t’
quand le spasme a arrêté le battemenÉidé son; cœ u r, il
a résulté de cette siïsperl^ion rtiêmé^que Jc’est alors seu
lement qu’il a cessé de vivre.
* f
Si ce n’est là qu’une présdm ption ,>-'cl1é> a p o u r elle les
dépositions des témoins qui ont vu des m ouvem eus ’jus-r
q u’aptès la friction d’eau-cte-vite : mnis,d,aÎllle ui‘s, daiisî lo
dctotb m êm e, la réligion , laph ysiq u e ét les lois-puésument
que l’enfant a vécu.
1 ' '•
„1
,
>
i ih) 'i i-. ii»!
1
r ‘ 'ReniarqiiorÀ’ co nVbîeri'eii^oVé^ ti
jiorï do dn. <vio
est ici plus favorable que dans l’espèce des lois voiiiainrs. J ,;ï
il sVigissoit'(ilLM‘6tTrprLJ'ni1i
4
efrPj <
*.•¿tpuru; pei' Iu
�1p o u r,Ie :^ s th u m £ ,':sMr^^
, in m anïbus ohs~
tetricîs; ic i, au contraire, iï s’agit < e présum er la vie en
faveur d’une m ère, et de supposer que la nature a suivi
son cours oi’din aire, en faisant naître vivan t un enfant
q u i,'v e n u -à term e, étoit légalem ent viable.
’
^
'A Cj
\
3
O n a articulé contre l’acte de. naissance des vices de
form e, mais ils sont im aginaires, et n’em porteroient au
cune peine de nullité. L e seul vice conséquent serait de
‘ n’avoir pas porté l’enfant à là maison com m une ; mais
la loi dit seulement qu’il sera présenté à l ’officier p u b lic,
Jet l’officier public l’a vu.
u. ' ‘r
O n se fait un moyen de ce que Catherine L afon t a
contracté récem ment un second mariage. M ais qui peut
lui reprocher ce que la loi et les bienséances autorisent:
' depuis trois ans elle n’a plus le bonheur d ’être épouse
ni m ère, et l’obéissance qu’elle doit à son père ne lui a
pas permis de mettre un plus long term e-au désir qu’ il
manifestoit chaque jour de se donner un nouveau sou
tien. M ais au reste, quelle influence cet événem ent peut-il
avoir pour la cause, et surtout pôur infirm er un juge
ment antérieur ?
•
■
Ce n’est pas moins une m ère qui réclame la succès«
*
»
.
sion de son enfant, luctuosam hœ reditcitem , suivant le
langage de la lo i. O n a blâmé les premiers juges d’avoir
dit que celle qui avoit co u ru 'les dangers de la maternité
méritait la préférence dans le doute ; mais ce m otif, bien
loin d être aussi absurde qu’on le p réten d , est entière
ment puise dans la nature et dans la m orille, comme il
1 est dans l’opinion des plus sa vans auteur^, et notamment
�C 32 )
-de D o m at, qui parle de la faveur de la cause du père ou
de la m ère qui survivent à leur enfant.
Cujas d it, com m e les prem iers juges, que la plus favo
rable interprétation devoit être pour la m ère en sem
blable circonstance, B e nignius est credere ordinem nar
turœ servasse f o rtu n a m , ut in dubio m a tr i fa v e a m u s ,
-quœ in luctu est magno , propter am issum f ilium et
m a r itu m , q uam agnatis. ( C uja c, ad leg. 26, D e pact.
dot. )
A quels titres en effet seroîent plus recommandables
d es collatérau x, qui ne voyant dans les dangers d’une
m ère q u’une exp ectative, et dans ses m alheurs qu’ une
succession, veulent tout renverser pour en faire leur
p r o ie , e t , irrités de trouver une barrière dans un acte
authentique, osent ro u vrir les tom beaux de leur fam ille,
p o u r chercher une heure in certain e, et recueillir pour
ainsi d ire la vérité dans le néant ? L a cour ne verra en
eux q ue des profanateurs av ides, qui d’ailleurs, dans leurs
m oyens im puissant, sont encore bien loin d’avoir satis
fait à ce qu’ils s’étoient imposés à eux-mêmes pour par
v enir à renverser un acte d’ordre p u b lic , par le m otif
u nique de leur intérêt particulier.
»
M e. D E L A P C H I E R , avocat,
M° . T A R D I F , licen cié a v o u é x
A RI
O M , de l'imprimerie de L a n d rio t , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Nivôse an 1 4
�
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lafont, Catherine. An 14]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
viabilité nouveau-né
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
experts
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour Catherine Lafont, et Louis-Auguste Petauton, son mari, habitant à Néris-les-Bains, intimés ; contre Gilbert Lafont, Jean-Baptiste Bournet, Jean Forichon, Marie et autre Marie Lafont, leurs femmes, habitant aussi à Néris, appelans.
Table Godemel : Viabilité : à quels signes peut-on reconnaître qu’un enfant est né vivant ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 14
1801-An 14
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1508
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0722
BCU_Factums_M0723
BCU_Factums_M0323
BCU_Factums_G1506
BCU_Factums_G1507
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53248/BCU_Factums_G1508.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Néris-les-Bains (03195)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
actes de naissance
baptême
doctrine
experts
Faux
médecine légale
Posthume
sage-femme
Successions
témoins
viabilité nouveau-né
vices de forme
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53250/BCU_Factums_G1510.pdf
0e03ee9468ccd7d5c986df0c7b112fbe
PDF Text
Text
M
É
M
O
I
R
E
P O U R
M
ar g u er ite
C O U G U E T - F L O R A T , v e u v e du sieur
de
R
eyrolles,
i nt i mé e;
COUR
C O N T R E
D ’A P P E L
D E RIOM .
C a th erin e
M A I G N E , se disant aussi veuve dudit
____
sieur d e R e y r o l l e s , appelante.__________ 1er s e c t i o n
i-M
L a demoiselle Maigne n’est pas satisfaite d'avoir usurpé une
grande fortune, et empoisonné la vie d'une malheureuse épouse;
elle ose lui disputer encore un titre respectable reçu aux pieds des
autels, et opposer une formule révolutionnaire et illégale au plus
sacré des engagemens. L e désir de tout contester à son adversaire
l’a aveuglée et jetée dans cette inconséquence. Pour exposer sa haine
devant les tribunaux, il lui a semblé doux d ’y être en scène ellemême; et elle n ’a pas crain t, dans son propre pays, de livrer sa
vie toute entière à de pénibles souvenirs.
U ne première tentative devoit la convaincre que la passion n ’est
pas le plus sur des guides. Condamnée par les juges qui la connoissoient le mieux, elle avoit lieu de croire qu’un système de calomnie
ne prévaudroit pas contre les principes, et qu’une cour supérieure,
gardien naturel des lois de l’empire, ne porteroit pas légèrement une
atteinte dangereuse au lien sacré du mariage, le premier fondement
des sociétés civiles.
L a dame de R eyrolles avoit été justement indignée du genre de
défense d abord adopté par la demoiselle M a ig n e, et son premier
A
�( 2 3
mouvement avoit été d’user d'une représaille Lien légitime. Plus en
état que personne , dans sa triste position , de rendre compte
des iaits et gestes de sa rivale, elle n ’avoit rien tu de ce qui la tourmentoit depuis tant d’années, et il lui paroissoit consolant de la
poursuivre encore, comme un remords vengeur, de la forcer à
sentir le poids de son opulence, et de mériter enfin une haine
qu’elle ne provoquoit pas.
Cependant la dame de Reyrolles a réfléchi que cette jouissance
décevante n ’étoit pas digne de la majesté de la cour ; en consé
quence elle s’est fait un devoir scrupuleux d ’écarter de son récit
touj*#- les épisodes étrangères à ses moyens. L a réclamation d’un
état civil présente d ’ailleurs trop d ’intérêt par elle-même, pour que
cet intérêt soit sacrifié à des personnalités et à une stérile vengeance.
L e mariage est-il un contrat d ’ordre public ; c’est-à-dire , une
femme sous la puissance maritale a-t-elle p u , après un divorce
nu l, traiter irrévocablement avec son mari? et si le mariage n ’étoit
pas légalement dissous, a-t-elle pu consommer cette dissolution
par un acte privé?
T elle est la principale question de cette cause; et il faut avouer
que sans cette espèce de vandalisme philosophique, qui a brouillé
long-temps toutes les idées morales, on rougiroit de la trouver dif- .
ficultueuse. Mais avec la gloire du nom français renaissent de jour
en jour ces antiques maximes, dont nous n ’avons éprouvé l'ébran
lement que pour sentir les funestes conséquences de nos vicissitudes.
Aujourd’hui le mariage, placé sous l’égide de la religion et sous la
sauve-garde de la magistrature, a reconquis sa dignité primitive;
et tout ce qui tend h la maintenir retrouve dans les tribunaux une
protection salutaire, indépendante des personnes et des circons
tances.
F A I T S .
L a dam e C o u g u e t - F lo r a t contracta mariage avec le sieur de
R e y r o lle s , médecin , le 7 novem bre 177/1, et se constitua en dot
scs biens échus et ù é ch o ir, c ’est-à-dire, q u ’elle donna plein pou-
�X»
( 3 )
.......................................
voir à son époux de rechercher et régir une fortune inconnue à
elle-même. L e contrat mentionne la stipulation d ’un douaire, et
autres avantages matrimoniaux.
Les premières années de ce mariage furent heureuses. Devenue
m ère, et possédant toute l’affection de son époux , la dame de
Reyrolles étoit loin de prévoir que cette félicité seroit détruite par
une femme qui alors ne lui sembloit nullement à craindre, et que
le sieur de Reyrolles paroissoit juger avec rigueur.
L a destinée de la dame de Reyrolles en disposa autrem ent, et
bientôt elle se convainquit que les goûts des hommes ne se règlent
pas toujours par leur estime. D ans sa fierté , elle abandonna un
époux parjure, à sa nouvelle conquête, et se retira chez la daine
de F lo r a t, sa grand’mère.
C et éclat, imprudent peut-être , tourna tout entier au profil de
sa rivale; la dame de Reyrolles lut privée de tout secours , de ses
bijoux; et poussée d’infortunes en infortunes, pour obtenir six
louis de son époux , il exigea qu’elle les reçût de la demoiselle
Maigne. T e l étoit, après dix ans de mariage, l'humiliation à laquelle
étoit condamnée une épouse : tels étoient les premiers chagrins
qu’elle fut obligée de dévorer.
Une réconciliation apparente succéda à ce premier orage. Dupe
de son cœur et de sa franchise , la dame de Reyrolles se trouvoit
encore heureuse des égards de son époux; mais l’illusion qu’elle
s’efforça long-temps de se fa ire , céda !i l’évidence : l’ indignation
étouffa tous les calculs d’intérêt personnel, et l’épouse outragée ne
connut plus les ménagemens de la dépendance.
Les sieur et dame Caklaguès, parens de la dame de Reyrolles ,
aüoient s’établir à Limoges. Affliges de sa position, ils lui propo
sèrent un asile ; et celle qui dominoit le sieur de Reyrolles ne sen
tant que le plaisir d ’être délivrée d’une surveillaute incom m ode,
pressa de consentir à cette séparation.
Combien étoit déjà changé le sort de la dame de Reyrolles! elle
avoit un époux ; une étrangère lui faisoit oublier ses sermons et
scs t evoirs : elle avoit eu un enfant; la m ort, moins cruelle, le lui
A 2
�........................................................ ( 4 )
aYoit ravi à l ’âge ôù il étoît incapable de tendresse. C ’est ainsi
qu’épouse sans époux, mère de famille sans enfans , la dame de
Reyrolles a vécu plusieurs années à Limoges , abandonnée aux
consolations de l’amitié et aux fantômes de l’espérance.
Elle avoit touché assez régulièrement à Limoges une pension de
bienséance que lui faisoit le sieur de R e yro lles, par égard pour la
maison de Caldaguès; mais au commencement de la révolution
elle ne reçut plus r i e n , et revint à Brioude.
Cette espèce de résurrection d ’une femme oubliée parut lui re
donner le charme de la nouveauté, et réveiller dans le cœur du
sieur de Reyrolles des feux mal éteints. Il est certain qu’il eut fait
son bonheur de rompre ses chaînes, et de mériter l'affection de
son épouse, si la prévoyance allarmée de la demoiselle Maigne
n ’eût cherché à la hâte à détruire ce premier mouvement par toutes "
sortes de moyens.
Mais tel est le sort d ’un homme subjugué; le sieur de Reyrolles
-voyoit, et il n ’osoit voir; il v o u l o i t , et ne pouvoit s’enhardir à vouloir:
l'homme le plus impérieux n’est donc qu’un foible enfant devant
la passion qui le domine. L e premier acte de foiblesse qu’il s’est
laissé surprendre, est l’abandon qu’un vaincu fait de ses armes;
il reste désormais sans défense, et se dévoue à l’esclavage.
L a demoiselle Maigne triompha , et le premier usage de sa
victoire fut de dicter les conditions et de profiter de la faveur des
circonstances.
Alors existoit une loi récente , que quelques femmes regardèrent
comme un présent du ciel et une faveur de la Providence. Après
la dissolution de la monarchie, de la féodalité et de la puissance
paternelle, en quelques jours d ’intervalle, et avant d ’attaquer la
religion dans ses solennités, il n ’y avoit plus qu’une destruction in
termédiaire à prononcer; et le lien du mariage, malgré son antique
i n v i o l a b i l i t é , fut dissoluble indistinctement par le divorce.
Cette innovation étoit trop précieuse à la demoiselle Maigne
pour qu’elle ne s’empressât pas de la saisir. En conséquence , le
a/| mai 1797,
¡1 fut signifié ù la dame de Reyrolles, de la part de sou
�313
5
(
)
m a r i, un acle par lequel il déclaroit qu’il entendoit divorcer pour
cause d’absence, et pour incompatibilité d ’humeur et de caractère;
en conséquence de quoi il nomrnoit trois amis , et lui faisoit som
mation de nommer de sa .part trois parens ou amis.
Dans cette conjoncture que pouvoit faire une épouse? plaider?
les tribunaux n ’étoient pas compétens ; résister? la loi ne le lui permettoit pas : souvent le demandeur se faisoit lui-même signifier
une réponse, et le divorce n ’en alloit pas moins à sa fin.
Quoi qu’il en s o i t , le 27 mai il fut d é claré , à la requête de
la dame de Reyrolles, que pour satisfaire à la sommation du 34
elle nommoit trois parens, ajoutant que le sieur de R eyrolles, en
provoquant son divorce , n’avoit fait que prévenir ses intentions.
L e 27 juin il fut tenu une première assemblée de famille, tou
jours motivée pour absence et incompatibilité; et après les dires du
demandeur et la tentative de conciliation des parens, on lit la ré
ponse suivante : Sur quoi ladite Couguet-biorat leur a répondu
q u elle étoit disposée à suivre en tout point la volonté de son
mari ; mais que si son dit mari persiste à requérir le divorce ,
elle y donne les mains.
.
Cette réponse si naïve , où l’obéissance seule se laisse apercevoir,
étoit en elle-meme insignifiante : mais on voulut lui donner un sens.
Les longs délais de rincompatibilité s’accordoient mal avec l’im
patience de la demoiselle Maigne. On crut donc découvrir dans
les dires de la dame de Reyrolles des matériaux suffisans pour para
chever un divorce par consentement m utuel, pour lequel il 11’y
avoit plus qu’un mois à attendre.
En conséquence, à la date du 28 juillet 1785, un mois après la seule
assemblée de famille, on fit rédiger un acte de divorce , dans lequel
on suppose qu'il a été requis par les deux époux, d’après la procé
dure voulue pour le consentement mutuel.
Cet acte fut porté à la dame de Reyrolles par un valet du comité
révolutionnaire, long-temps, quoiqu’on en dise , après la date qui
U1 u cl'; donnée : elle signa , il 11’y avoit pas à hésiter ; d ’aillçurs
son r e lu s, en l’exposant, 11’eùt fait que rendre cette pièce inu
�(6)
tile , et forccr à reprendre la suite du premier mode de divorce.
Ainsi s’accomplit cette œuvre d ’iniquité, et la demoiselle Maigne
eut enfin levé le plus grand des obstacles : mais comme si le ciel
5e fut joué de ses plus chères espérances , l’époque de son ma
riage qu’elle avoit tant hâtée s’éloignoit de jour en jour ; et pendant
quelque temps il y eut lieu de croire que le sieur de Reyrolles,
pénétré de la perte volontaire qu’il avoit sollicitée, oublioit la pro
cédure monstrueuse qu’il avoit ébauchée, et revenoit à scs pre
miers engagemens.
L a dame de Reyrolles se livra de bonne foi à une si douce rési
piscence ; elle feignit même ne pas remarquer qu’il ne venoit chez
elle qu’à la dérobée et avec la timidité d’un esclave. Enfin , une
grossesse lui parut le comble du bonheur, et le gage assuré d’une
réconciliation après laquelle elle soupiroit depuis si long-temps.
Mais les assiduités du sieur de Reyrolles n ’avoient pas échappé
aux ennemis de son épouse. T r o p adroits pour faire un éclat, ils
frappèrent des coups plus certains, et le poison de la calomnie vint
ébranler l’imagination foible d ’un homme que le premier mouve
ment fa ¡soi t agir, et q u i, dans ce qui concernoit ses passions , ne
savoit jamais penser par lui-même. C ’est ainsi que, dans sa confiance
aveugle, la dame de Reyrolles se croyoit encore épouse quand ses
ennemis ourdissoient sa perte : Inquirebant mala sib i, et dolos
totd die meditabantur.
L a grossesse de la dame de Reyrolles fournit une vaste champ
à leur malignité; l’époux lui-mènie fut entraîné à douter contre sa
conviction intime; cl ce que la dame de Reyrolles avoit cru être le
sceau de la paix devint en un instant le signal de la discorde et de
la haine.
T o u t d ’un coup la scène change : on profite diligemment de la
disposition d’esprit où on a mis le sieur de Reyrolles , et son ma
riage avec la demoiselle Maigne est consommé le 11 messidor
an a , douze jours avant que la dame de Reyrolles, sur son lit
de douleur, donnât le jour à une malheureuse créature sous d’aussi
sinistres auspices.
�7
(
)
N o n , le ciel ne l ’a point béni, ce fatal mariage ! 11 a entendu l ’anathème prononcé par une épouse dans sa désolation ; et elle n a
pas eu la douleur de savoir plus heureuse qu’elle celle qui l’avoit
chassée du lit conjugal. En portant un nom usurpé , la demoi
selle Maigne né trouva plus dans le sieur de Reyrolles cet être
soumis sur lequel elle a voit exercé tant de fois une capricieuse
puissance.
L a demoiselle Maigne avoit calculé cet effet habituel du mariage ;
et pour se prémunir contre son résultat , elle profita d’une époque
où le sieur de Reyrolles venoit d’être destitué de sa place de rece
veur du district, pour proposer un testament mutuel qui fut respec
tivement signé en l’an . Quelque temps après, une séparation
5
volontaire les a éloignés jusqu’à la mort.
Cependant la dame de Reyrolles, abandonnée à sa situation péni
ble , dévoroit ses chagrins et se devouoit à sa destinée. Occupée
des soins maternels que demandoit le premier ûge de sa fille , elle
attendoit avec résignation que le sieur de Reyrolles, rendu de nou
veau à ses premiers liens , s’occupât de deux êtres qu’ il avoit si
cruellement traités. M a is, au lieu d’un retour à la nature, il ne fit
plus apercevoir son autorité maritale que par des hostilités et par
l’abus de son administration.
Il avoit recueilli la succession considérable de l’aïeule de son
épouse, avoit traité de gré à gré avec un cohéritier pour le partage
des immeubles, et s’éloit emparé des effets mobiliers, sans compte
ni mesure.
Néanmoins, demeurant libre d ’en fixer la consistance, et pour
consommer la ruine de son épouse , le sieur de Reyrolles lui fit
faire , le 7 messidor an 4 > un acte d ’offres de 7000 francs en man
dats territoriaux, pour le m o n ta n t, d it-il, d e c e q u ’il avoit touché
sur sa dot , attendu que ladite Couguet avoit toujours éludé de
déclarer ce qui pouvoit lui être dû ; qu’ elle ne cherchoit qu’ il re
tarder la libération dudit Iieyrolles , qu’il étoit de son intérêt
d’ opérer le plutôt possible.
L a dame de Reyrolles répondit qu’elle ctoit surprise et lassée
�(,‘ ï
C8 )
des procèdes iniques de son m ari, et refusa les offres. Il y eut
procès verbal de non conciliation , après lequel elle fut assignée
le 21 messidor su iv a n t, devant le tribunal d u P u y , en réalisation
et validité desdites offres.
Ces diligences avoient lieu à la dernière heure du papier-monnoie;
le numéraire reparut au commencement de l’an ; et, dans ce pre
mier instant où l’opinion en augmentoit la valeur, le sieur d e R e y-,
5
rolles se hâta de faire proposer à sa femme une modique somme de
6000 francs pour tout terminer ; ajoutant, pour l’intimider, que
si elle 11e l’acceploit p a s , les offres de l'an 4 seroient jugées vala
bles , parce qu'elles avoient eu lieu avant la suppression du papier.
En vain la dame de Revrolles
demanda-t-elle à être éclairée sur
%/
la valeur réelle de sa propre fortune ; il fallut obéir à la puissance
maritale , et céder à la crainte de n ’avoir que les mandats offerts
au lieu du numéraire promis, si elle s’exposoit à aller plaider dans
un tribunal presque inconnu , à douze lieues de son domicile.
L a dame de Ileyrolles signa donc un traité le 16 frimaire an
5,
par lequel on lui fit dire qu’elle étoit venue à compte avec son
m ari, et qu’après communication prise de l’inventaire de son aïeule
et d ’un partage de 1785, il lui revenoit 126 liv. 10 sous ; à quoi
ajoutant d ’aulres articles touchés par son m a r i, quoique non com
5
pris dans l’inventaire, en valeur de S jô liv. 10 sous, le sieur de
Reyrolles se trouva tout juste débiteur des Gooo fr. qu’il vouloit
p a ye r, et dont Pacte porte quittance.
A compter de cette époque les époux furent séparés , et la dame
de Reyrolles n ’eut plus qu’à s’étourdir sur le passé et à supporter
6on sort avec courage : elle se consuloit avec sa fille, et celle con
solation même lui lut enviée. Après le 18 fructidor , ou lui donna
l'alarme sur le sort de celte enlant , qui 11’avoit pas encore d’état
civil. On lui persuada que les peines de la loi pourroimt l’alti ind i e , et elle se décida à faire une déclaration à l'officier public, fin
n ’eut garde de transcrire la qualité qu’elle vouloit se donner, par
la raison q u ’il eut été incivique de mépriser un divorce, et que
le sieur de Ile}fo lles, redevenu puissant, n ’auruit pas trouvé bon
q u ’il
�V/
9
;
(
)
qu’il fût fait mention de lui sans sa participation. L a dame de
Reyrolles déclara donc seulement qu’il lui étoit né une fille le 21
messidor qui suivit son divorce. Com m e ce divorce étoit daté de
l’an 2 de la liberté, on supposa la naissance de l’enfant au 21 m es
sidor an . Cette erreur a été reconnue par la demoiselle Maigne,
et seroit aisée à rétablir à l’égard d’un fait aussi notoire.
Dans ces entrefaites le sieur de R eyro lles, nommé receveur du
département de la Ila u te -L o ire , alla s’établir au P u y. L à , ayant
vécu près de six années séparé absolument de la demoiselle Maigne,
qui liabitoit Brioude, il fut atteint de la maladie qui l’a conduit
au tombeau.
5
A cette époque terrible, où l’homme, ne trouvant plus d’asile
dans les illusions du monde, voudroit réparer dans un instant les
fautes de sa vie toute entière, l’opinion générale a rendu au sieur de
Reyrolles la justice d ’attester qu’il n’avoit rien plus à cœur que de
se réconcilier avec sa fem m e, et de lui en donner, par un testament
honorable, la seule preuve qui fût désormais en son pouvoir.
Én e f f e t , il est de notoriété au P u y que le sieur de Reyrolles
avoit fait un testament par le q u e l, cassant celui qu’il regardoit
comme un monument de foiblesse et de honte, il léguoit 40000 f.
à la dame de Reyrolles personnellement, et faisoit en faveur du
sieur Vauzelles , ex-législateur, une disposition considérable.
Aussitôt que la demoiselle Maigne apprit la maladie du sieur
de Reyrolles, elle voulut se mettre à portée de déranger des projets
dont elle ne pouvoit douter. Craignant de ne pas se hâter assez,
elle envoya au Puy le sieur Granchier le m ercred i, et arriva ellemême le vendredi suivant. Sa vue fit une révolution singulière au
sieur de Reyrolles , q u i, à ce q u ’on assure, se tourna brusquement
du côté opposé, et se couvrit la tête avec un mouvement con'vtilsit. Quoi qu’il en soit, il expira le même jour 18 floréal an 12.
Cette mort soudaine servoit mieux la demoiselle Maigne que!
tous les plans qu’elle avoit pu concevoir. Seule dans la maison du
Sft.ur de Reyrolles, et en attendant les scellés qui 11e dévoient être
poses que le lendemain , au lieu do verser des lurmes stériles qu’ilt
li
�valoit mieux réserver pour la pantomime des audiences, la de
moiselle Maigne étoit libre de tout parcourir. U n certain porte
feuille vert avoit paru donner de l’inquiétude au défunt : il n ’a
plus paru ; et le public qui se trompe rarement en conjectures dé
sintéressées, paroit avoir été imbu de l’idée que dans ce porte-feuille
gissoient les papiers les plus précieux, et surtout le dernier tes
tament. E t qu’on ne dise pas que c ’est là une fable de pure ima
gination ; ce bruit avoit pris une telle consistance, que le sieur
Vauzelles, légataire, a rendu sur ce m o tif une plainte en suppres
sion de ce testament.
L a dame de Reyrolles ne donnera pas d’autres détails d’un fait
qu’elle n ’a appris que par la notoriété publique. C e n’est point la
fortune du sieur de Reyrolles qu’elle ambitionne; elle ne demande
rien qui ne soit à elle-même; elle veut son état civil, sa d o t, et ne
dispute point à la demoiselle Maigne une opulence chèrement
achetée, et dont la source équivoque n ’est de nature à donner du
crédit que vis-à-vis quelques collatéraux.
Après la mort du sieur de Reyrolles, ce n ’étoit plus que des
tribunaux que son épouse pouvoit attendre justice; en conséquence,
le 19 thermidor an 12, elle fit citer Catherine Maigne en payement
de ses dot, trousseau et gains matrimoniaux, e t, en tant que de
besoin, en nullité du divorce et actes postérieurs.
L a demoiselle Maigne ne savoit pas encore à fond le rôle con
venable à la circonstance. Cette tendresse soi-disant conjugale qu’il
falloit supposer à un homme dont les dernières volontés avoient
été d’enrichir sa fidèle moitié, ne s’allioit guere avec un domicile
constamment séparé, et à douze lieues de distance. Cependant la
demoiselle Maigne, qui avoit toujours habité Iirioude, et qui ignoroit les moindres affaires du sieur de Reyrolles, proposa un déclinatoire, soit qu’elle crût qu’il n’avoit pas transféré au Puy son do
micile de droit, soit qu’elle fut entraînée par la vérité à convenir
qu’elle n ’avoit pas le même domicile de fait que celui q u ’elle disoit
son époux; elle ignoroit que le sieur de Reyrolles avoit acquis une
maisou au I’ u y , s’en dcclaroit habitant dans les actes publics, et
�~
C n )
avoit même fait rayer sa cote mobilière à Brioude. En conséquence,
et par ces motifs , elle fut déboutée de son déclinatoire par juge
25
3
ment du
frimaire an i .
A u fond la demoiselle Maigne répondit que la dame de Reyrolles
n ’étoit pas recevable dans sa demande, soit à cause de la loi du
26 germinal an 1 1 , soit parce que la demande n ’avoit été formée
qu’après la mort du sieur de Reyrolles, soit parce que la dame de
Reyrolles étoit divorcée par un acte requis et signé par elle-même;
qu’elle avoit traité avec son mari en qualité de femme divorcée,
et avoit pris la même qualité dans plusieurs autres actes , no
tamment dans la déclaration de naissance d’un enfant né un an
après le divorce; qu’à l’égard d’elle-même Catherine M aigne, elle
n ’avoit point à craindre le sort de ce d ivo rce, parce qu’elle étoit
mariée légitimement, héritière universelle , et que le sieur de
Reyrolles avoit tellement persisté dans cette volonté pendant sept
ans, qu’à sa mort on avoit trouvé le testament de la demoiselle
Maigne parmi ses papiers les plus précieux.
Il est inutile de rappeler les moyens opposés par la dame de
Reyrolles à cette défense de la demoiselle M a ig n e , les faits cidevant narrés les indiquent; et il suffit de dire qu’en déclarant le
divorce nul, les premiers juges ne virent plus dans la dame de
Reyrolles qu’une épouse restée sous la puissance maritale, n'ayant
pu dès - lors traiter valablement avec son époux , ni prendre
une qualité qu’elle n’ avoit pas. En conséquence, par jugement du
24 floréal an i , le tribunal du P u y, sans s’arrêter aux fins de
3
non-recevoir proposées par Catherine M aigne, déclara nul l’acte
de divorce du 28 juillet 1793, et tout ce qui l’a précédé, de même
que le traité du
5 frimaire
an
5;
remit la dame de Reyrolles au
nieme état où elle étoit avant lesdits actes ; condamna Catherine
g u ig n e , en qualité d ’héritière du sieur de Reyrolles, à lui payer,
1 • oo ir. pour le montant de son trousseau stipulé en son contrat
de mariage du 7 novembre 1774 ; 20. 1200 fr. pour scs bagues et
joyaux; 3 . /(00
pOUr sa pCns*lon viduelle; 4*. à lui fournir un
3
logement garni et meublé, suivant son état et sa fortune, dans le
B 2
r
�dernier domicile du défunt, à la charge par ladite dame de Reyrollea
de constater l ’état dudit mobilier qui lui sera remis, pour être renduà qui et dans le temps de droit; °. à payer à ladite dame d e R e y -
5
5
rolles i oo fr. pour son deuil et celui de sa domestique; et à l’égard
du payement de la dot, le tribunal ordonna que les parties contesteroient plus amplement, et’ à cet effet fourniroient leurs états res
pectifs, sa u f débats. Les inscriptions de la dame de Reyrolles furent
maintenues jusqu’à parfait payement, et il fut ordonné que ledit
jugement seroit exécuté en la forme de l’ordonnance nonobstant
l’appel.
Celte dernière disposition donna lieu à la demoiselle Maigne de
hâter singulièrement son appel et ses poursuites. Impatiente de
jouir sans entraves, elle remontra à la cour que la douairière d ’un
receveur général ne pouvoit vivre avec des saisies qui arrêtoient des
comptes extrêmement pressans, et que la trésorerie nationale la
pressoit pour les rendre. L a c o u r , par son arrêt provisoire du
3
24 floréal an i , a fait défense d ’exécuter le jugement jusqu’à son
arrêt définitif.
L e s parties sont aujourd’hui sur le point de faire juger le fond
de la contestation, et la dame de Reyrolles attend sans inquiétude
une décision qui ne peut être que conforme à la morale et à la
justice.
M O Y E N S.
T o u te la défense de la demoiselle Maigne est fondée sur ce
paradoxe : L e mariage est une simple convention privée; il peut
être détruit de gré à gré par un simple acte, qui supplée les formes
de la l o i , ou qui en dispense.
L a défense de la dame de Reyrolles est de d ire, au contraire,
que le mariage est un lien destiné à l’union de deux fam illes,
intéressant la société entière, et ne pouvant êlrc dissous que dans
la rigueur des formes légales.
Sans doute la solution de ces deux systèmes est écrite dans le
�( 13 )
. . . .
cœur de tous ceux qui n’auront pas oublié ces principes immuables
qui résistent au fracas des révolutions et à l’éblouissement des
systèmes.
Ici il est constant qu’en 1774 la dame de Reyrolles a été mariée
avec toutes les solennités civiles et religieuses, et que son époux
n'est mort qu’en l'an 12. 11 s’agit donc d’examiner si le mariage
a été légalement dissous par un divorce. Mais la dame de R e y rolles oppose des fins de non-recevoir, qu’il faut examiner; et ses
prétentions donnent lieu aux questions suivantes : i°. L a dame
de Reyrolles est-elle recevable à demander la nullité de son divorce
après la mort de son m a ri, et malgré la loi du 26 germinal an
onze ? 2’ . A u fond , le divorce opposé est-il valable ? *. Si ce
divorce n’ a pas été valable , a-t-il pu néanmoins être validé par
la' convention particulière de la dame de Reyrolles?
3
P
r e m i è r e
Q
u e s t i o n
.
L a dame de Reyrolles est-elle recevable à demander la nullité
de son divorce après la mort de son m ari, et malgré la loi
du 26 germinal an w ?
Sur quoi donc seroit fondée la première fin de non-recevoir?
sur une loi romaine ? mais elle ne s’applique pas : ne de statu
defunctorum post quinquennium queratur. Ici le sieur de Reyrolles
est mort en l’an 12, et il ne s’est pas même écoulé six mois de son
décès à la demande.
C ’est encore moins le Code civil qui favoriseroit la demoiselle
Maigne. L ’article 188 porte que « l’époux au préjudice duquel a
» «té contracté un second mariage, peut en demander la nullité,
» du vivant même de l’époux qui étoit engagé avec lui. »
L a loi ne permet donc de se pourvoir avant la mort de l’époux,
qu a titre de grâce; et il semble, par scs expressions, que c'cst à
regret qu elle y a consenti : elle laisse entrevoir le conseil de ne pas
user de ce consentement ; et ce mot m<fme, qui semble pour ainsi
�*4
(
)
dire échappe à la plume du législateur, est cependant de la plus
grande moralité.
Q u ’est-ce en eifet qu’une demande de ce genre, formée par l'é
poux abandonné contre l’époux coupable, si ce n ’est une espèce de
dénonciation ouvrant le champ le plus vaste à la discorde, et ren
dant désormais toute réconciliation impossible?
Est-ce une foible épouse qui, du vivant de son mari, osera l ’ap
peler devant les tribunaux pour lui dire : Je veux qu’on vous oblige
à me rester fidele i Mais si une seule fois peut-être, dans l’anti
quité, la sensible Ilypparette a reconquis par un appel en justice,
la tendresse du plus infidèle des époux, combien d’autres s'indigneroient d ’être ainsi troublés dans leurs affections, et vengeroient
leur amour propre par un abandon plus éternel! Car les hommes,
qui font les institutions, n ’ont créé que la puissance maritale; et
quels que soient les dons que le sexe ait reçus de la nature en dé
dommagement de sa foiblesse, ce pouvoir d’équilibre n ’est plus
qu’une divinité imaginaire, quand les premières affections ont perdu
leur prestige. Malheur donc à l’épouse inconsidérée qui tenleroit de
proclamer son abandon et de chercher son époux jusque dans les
bras d’une rivale I
Il est bien plus dans l’ordre qu’une femme prudente ferme les
yeux sur les torts de son époux, et qu’elle tolère son infidélité pour
espérer son inconstance : le même caprice qui l’a éloigné du lit
conjugal peut l’y ramener repentant et fidèle. L e lien sacré du
mariage est comme l ’amour de la patrie. Cunctos ducit, et im-
rnemores non sinit esse sut.
,
T o u t devoit faire penser à la dame de Reyrolles que son goût
pour la demoiselle Maigne ne devoit être qu’éphémère : leur ha
bitation séparée , une haine qu’ils ne dissimuloient plus , annoncoient une rupture prochaine; cl sans les difficultés que le Code
civil a ajoutées au divorce, il est notoire que le sieur de Reyrolles
auroiL vaincu la répugnance de divorcer une seconde fois, car il
ne cachoit à personne qu’il n ’étoit retenu que par cette considéra
tion. Quoi qu’il en soit, la dame de Reyrolles a fait ce qu’elle
�%Z2>
5
( i
)
clevoit faire; tant qu’elle a eu de l’espoir, elle a gardé le silence;
et quand la mort ne lui a plus présenté qu’une étrangère à pour
suivre, elle a réclamé scs droits.
L a demoiselle Maigne n ’est pas le premier héritier qui ait op
posé que la nullité d’un divorce ne pouvoil pas être demandée contre
lui. Mais la cour de cassation a décidé le contraire par arrêt du
14 vendémiaire an 10.
L a deuxième fin de non-recevoir n ’a pas même le mérite de
fonder un raisonnement sur le bon sens.
Parce que la loi transitoire du 26 germinal a dit : Tous divorces
prononces, etc., auront leurs effets, on en a conclu qu’à compter
de cette loi il n’étoit plus possible d’attaquer les précédons divorces.
C ’est-à-dire que si la veille de la loi nouvelle un divorce avoit
été prononcé sans aucunes épreuves, les époux n ’en seroient pas
moins séparés à jamais; et c ’cst ainsi qu'on fait l'injure au légis
lateur de lui prêter des pensées irréfléchies et monstrueuses.
Mais la d e m o i s e ll e Maigne n’a réussi à se faire un moyen de la
loi du 2G germinal qu’en tronquant entièrement l’article invoqué.
« T o u s divorces prononcés par des officiers de l’état civil, ou
» autorisés par jugement, avant la publication du titre du Code
» civil relatif au divorce, auront leurs effets conformément aux
» lois qui existoient avant cette publication. »
Ainsi le législateur n’a pas commis la faute de valider ce qui étoit
nul, il a au contraire déclaré ne valider que ce que la loi existante
lors du divorce approuvoit expressément. Incivile erat, nisi totd
legeperspectd, judicare. Maintenant que l’article entier est rétabli,
l ’objection de la demoiselle Maigne se rétorque contre elle.
D
e u x i è m e
Q
u e s t i o n
.
L e divorce du 28 ju ille t 1793 est-il valable ?
Comment le seroit-il? il y en a trois dans un seul.
Ces trois espèces de divorces exigeoient trois sortes d’épreuves et
�6
( i
)
de procédures. L e sieur de Reyrolles, plus pressé qu’il ne devoit
l ’être, a m a l g a m a t o u t , et interrompit au milieu de son cours une
première procédure, pour lui en substituer une seconde qui ne s’y
allioit pas.
L a nature de toute procédure se fixe irrévocablement par la
demande introductive. L e sieur de Reyrolles, par son exploit ori
ginaire du 24 niai 1793, avoit formé demande en divorce, soit
pour absence depuis neuf ans, soit pour incompatibilité d’ humeur
et de caractère. Cependant le divorce est prononcé sous prétexte
de consentement mutuel.
L e divorce pouvoit être dem andé, comme cause déterminée pour
absence pendant cinq ans sans nouvelles , ou pour abandon pen
dant deux ans. ( 2". loi du 20 septembre 1792,
1 , art. 4. )
Si le sieur de Reyrolles eût voulu un divorce pour absence pen
dant cinq ans sans nouvelles, il lui falloit pour première pièce
un acte de notoriété constatant celte longue absence ( §. 2 , art. 17 ) :
mais sa femme étoit près de lui le 24 niai i j g S .
S’il eût voulu un divorce pour abandon pendant deux ans , il'
falloit assigner sa femme devant un tribunal de famille ( art. 18 ) ,
parce que le fait d’abandon comportoit une défense justificative.
O r , il étoit constant que la dbme de Reyrolles n ’étoit allée à
Limoges qu’avec l’agrément de son mari , qu’elle y recevoit ses
lettres et une pension annuelle. Mais ce n ’est pas pour abandon que
le sieur de Reyrolles demanda le divorce : Pexploit n ’en dit rien.
Pour incompatibilité d’h um eur, le sieur de Reyrolles avoit sa
marche tracée d’une manière positive.
« Il convoquera une première assemblée de parons, ou d ’amis à
» défaut de parens , laquelle ne pourra avoir lieu qu’un mois après
« la convocation. ( § . 2 , art. 8. )
» L a convocation sera faite par l’un des officiers municipaux...,
« L ’acte en s e r a signifié à, l’époux défendeur. ( A r t . 9, )
» Si la conciliation n’a pas lieu , l ’assemblée se prorogera à deux
« mois , et les époux y seront ajournés. A l’expiration des deux
« m ois..... si les. représentations ue peuvent encore concilier les
époux,
�(
17
)
» époux , l ’assemblcc sé prorogera 5 trois mois. ( A rt. 10 et n . )
» Si à la troisième séance le provoquant persiste, acle en sera
» dressé. 11 lui en sera délivré expédition , qu’il fera signifier à
» l’époux défendeur. » ( A rt. 12. )
L e sieur de Reyrolles provoqua un divorce le 24 m ai, sans acle
de convocation d ’un officier municipal.
Il 11e nomma point de parens; il indiqua seulement des am is,
sans même exprimer que ce fût à défaut de parens.
L a première assemblée eut lieu le 27 juin 1793
en fut dressé
acte; mais aucune signification n ’ a été faite à la dame de R cy ro lle s, parce que les moteurs craignoient que dans l’intervalle les
choses fussent pacifiées.
.11
Il 11’y a ainsi pas eu de divorce pour incompatibilité d’humeur,
pas plus que pour absence.
C e seroit donc un divorce par consentement mutuel qu’il faudroit valider.
Mais l’acte primitif y est un obstacle perpétuel; on veut cepen
dant que les actes qui suivent aient corrigé cette première procédure.
L a loi en exigeoit une absolument différente. •
« L e mari et la femme qui demanderont conjointement le di» vorce, seront tenus de convoquer une assemblée de six au moins
» des plus proches parens, ou d’amis à défaut de parens. ( §. 2 ,
art. 1". )
» L ’assemblée sera convoquée à jour fixe et lieu convenu avec
» les parens ou a m is .. . . L ’acte de convocation sera signifié par
» un huissier aux parens ou amis convoqués. ( A rt. 2. )
» Les deux époux se présenteront en personne à l’assemblée; ils
>> y exposeront qu’ils demandent le divorce. » ( Art. « )
L e but de la loi se remarque assez par la différence des actes
préliminaires.
L ’incompatibilité pouvoit n’avoir lieu que de la part d’un époux:
la procédure devoit donc avoir des formes hostiles ; c ’est pourquoi
la convocation devoit être réglée par un officier m unicipal, et un
C
4
�V ( 18 )
huissier devoit sommer l’époux défendeur de concourir à la forma
tion de l’assemblée , et d’y comparoître.
Mais le divorce par consentement mutuel supposoit de la part
des époux un accord préalable né d’une égale satiété de -vivre
ensemble. L a loi vouloit donc la preuve évidente qu’ils avoient
un désir unanime de mettre fin à une cohabitation insupportable ;
et de là vient que, pour éprouver l’uniformité de cette vocation,
la loi exigeoit une simultanéité dans les démarches.
A i n s i , bien loin de se signifier par huissier une nomination de
parons , et par actes séparés , ce qui marquerait une provocation ,
la loi a voulu que le mari et la femme indiquassent ensemble les
parens, en les choisissant par moitié; ellea voulu qu’ils demandassent
le divorce conjointement : ce qui exprime avec clarté que la loi ne
veut ni demandeur ni défendeur.
L a demoiselle Maigne objectera-t-elle que le but est également
rempli quand l’un des époux a requis le divorce et q u e l’a u trey a
consenti ? Mais voilà une provocation , voilà un défendeur en
divorce : ce n’est plus une demande conjointe , et l’intention de la
loi est manquee.
Souvent l’incompatibilité d’humeur pouvoit être égale; mais la
moralité de l ’un des époux peut répugner à un remède désiré
par l’autre. T e l époux ne se résoudroit jamais à vouloir le di
vorce , q u i , provoqué par une demande, trouve dans sa fierté une
adhésion qui n ’éloit pas dans son cœur; sa répugnance est vaincue
par l’idée que la loi ne lui a offert aucun moyen de résister à l’at
taque, et, dans son accord même, son opinion est soulagée en se
disant qu’il n’a point été le provocateur.
Mais pourquoi chercher l’intention de la loi quand elle est claire?
Non omnium quœ a majoribus constituta sunt ratio reddi potest.
II est encore un principe bien constant en fait de lois rigoureuses
c ’est que toutes les formalités doivent être suivies à la lettre sous
peine de nullité ; et la loi du /, germinal an 2 a étendu cette peine
à l'inobservation des formes prescrites par toutes les lois rendues
depuis 178g.
�227
( !9 5
Ce seroit donc s’abuser étrangement que de voir dans la procé
dure qui a p ré c éd é e divorce prononcé le 28 juillet 1793, les actes
préliminaires d’un divorce par consentement mutuel.
Non-seulement cette procédure n ’est pas conforme à la lo i,
mais le sieur de Reyrolles a donné un autre nom au divorce par
lui demandé. Il a requis seul le divorce ; et si sa femme a répondu
par un second acte qu’il n’avoit fait que prévenir ses intentions,
elle n ’a pas pour cela changé la nature d’une demande, tellement
indélébile qu’elle ne comportoit ni opposition, ni débats, ni ju
gement.
Lors de l’assemblée, la dame de Reyrolles ne paroit encore que
pour répondre ; elle ne requiert pas le divorce, elle veut seulement
suivre la volonté de son mari. A u lieu de demander conjointement
le divorce, elle donne les mains à la demande, .y/son mari y persiste.
Alors le mari persiste ; donc c’est lui seul qui veut le divorce,
c’est lui seul qui le provoque et qui le consomme.
Voilà cependant ce que l’officier public , dans l’oubli de scs
devoirs , a reçu comme les épreuves suffisantes d ’un divorce.
U n divorce commencé pour incompatibilité d ’humeur exigeoit
une foule d’actes et de longs délais ; cet officier public s’est contenté
d ’un seul acte et de trente-trois jours de délai.
C ’est donc ainsi que la sainteté du mariage auroit été mise à la
merci de l’arbitraire ou du caprice, pour ne rien dire de plus.
Mais il seroit insensé de justifier cette procédure dans ses délais
etdanssa forme; elle a péché encore par une irrégularité non moins
grande. L e sieur de Reyrolles semble avoir voulu esquiver les repré
sentations de sa famille, car il n ’a appelé aucun de ses parens à
son divorce.
Ici encore la loi a marqué entre les deux procédures une dif
férence notable. Pour l’incompatibilité d ’h u m eu r, il suffisoit de
parens ou amis ; mais pour le consentement m u tu e l, la loi a voulu
la convocation des plus proches parens.
S i , comme veut le dire la demoiselle Maigne , il eût clé égal
d ’avoir des amis, c ’étoit inutilement que la loi étoit plus exigeanto
C 2
0J
�pour le consentement mutuel. Mais , sans raisonner plus long-temps
sur un point déjà trop évident , il suffit de remarquer que la loi
ne vouloit des amis qu 'à défaut de parens.
Oseroit-on supposer qu’à Brioude le sieur de Reyrolles n’avoit
pas de parens? cela est aisé à démentir : mais si cela eût été
vrai, il falloit au moins l'exprimer. T o u t acte de formalité doit por
ter avec lui-même la preuve que cette formalité a été remplie. Déjà
la cour d’appel, dans une cause sem blable, a annullé un divorce
entre dep habitans d eR iom , par arrêt du 26 pluviôse an 10 , sur le
m o tif que les actes n ’exprimoicnt pas que des amis n ’eussent été
appelés qu’à défaut de parens.
Que signifie même cet acte si précipité, qu’on dénomme si impro
prement un acte de divorce? L ’officier public, de sa pleine puissance,
y dissout un contrat de mariage passé devant Couguet et Ilêra u d ,
notaires, le 7 novembre 1774* Mais jamais on n ’a ouï dire que ce
fût le contrat notarié qui donnât l’état civil aux époux, et consti
tuât le mariage. Avant 1792, l’église donnoit tout à la fois l’état
civil et le sacrement; le mariage rie tenoit son essence que de la
célébration. O r , ce n’est pas l’acte de célébration du 8 n o v e m b r e
qui a,été dissous, mais un simple contrat privé, réglant des affaires
d ’intérêt, et totalement incapable d’opérer un mariage.
Enfin , la loi du 20 septembre a exigé que « tous actes de divorce
» fussent sujets aux mêmes formalités d’enregistrement et de publi» cation que l'étoient les jugemens de séparation » ( §. , art. 11. )
O r , le divorce opposé ne parolt pas même avoir été enregistré.
On avoit objecté à la dame de R e y r o l l e s qu’elle-même avoit assigné
pour la prononciation du divorce. Elle ignore si aucun exploit
existe, car elle n’en a jamais donné l’ordre ; mais, quand on sup
poserait le contraire, prétendroit-on sérieusement qu’une défende
resse en divorce a pu provoquer à son tour un divorce par con
sentement mutuel ?
Un exploit après le changement de formalités auroit rétabli la
procédure pour incompatibilité d ’humeur , et cet exploit même
seroit une nullité de plus.
5
�C 21 )
T
b o i s i è m i
Q
u e s t i o n
.
S i le divorce n’a pas été 'valable, a-t-il pu néanmoins être validé
par une convention particulière de la dame de Iiejrrolles ?
Un contrat qui n ’intéresse que les deux parties peut snns doute
ne dépendre que d ’elles seules, et alors il est rompu aussitôt qu’elles
en ont exprimé la volonté.
Mais un contrat qui intéresse la société entière ne peut se dis
soudre que par des actes publics et authentiques, et dans les formes
rigoureusement exigées. Cette différence est sensible, et tient à la
nature du contrat de mariage.
Oser dire qu’il est un simple contrai privé n’est qu’une héresip
insoutenable; elle e$t condamnée par toutes nos lois; et les R o
mains eux-mêmes, qui cependant admettoient la répudiation et le
divorce, nous ont transmis les idées grandes et nobles qu ils avoient
sur l’importance du mariage.
« Parmi toutes les institutions humaines, a dit Juslinien , rien
)> n ’est si sacré et si important que le mariage, car c’cst par lui que
» se forme la suite des générations; c’est par lui que se peuplent
« les régions et que les cités fleurissent : il est le conservateur de
» la république et la source de sa prospérité. »
N ih il in rebus morlalibus périndè venerandum est alque matrimoniurn : quippeex quo liberi, omnisque deinceps sobolis sériés
ex istâ t, quod regiones atque civitates frequenter reddat, undè
dénique reipuhlicœ coaugmentatiofiat. ( Novell . 140. )
T o u t ce qui lenoit au mariage participoit chez les Romains de
cette considération. Les dots étoient aussi considérées comme objet
d’intérêt public : Reipublicœ interest dotes mulierum salvas esse.
L e divorce avoit aussi mérité l’attention du législateur ; il en
détcrrrnnoit les formes, et exigeoit l’avis de la famille et la présence
de sept témoins, afin que leur nombre, leur influence et leurs re
présentations fussent un frein à la rupture du mariage, (ffi- D ç
divortiits et répudias. )
�v
>/
s
(
22
)
Et si les formes n ’étoient pas exactement suivies, le divorce étoit
radicalement nul : Nullum divortiutn ratum est. ( L . g. eod. )
Quand cette nullité n’auroit pas été textuelle, elle eût cté pro
noncée par la loi qui por toit que toutes les conventions faites contre
le droit civil, contra juris civilis regulas, étoient nulles de plein
droit, et ne produisoient aucune action, (/ ,. 28, f f . D e pactis.)
O r, il iv étoit pas douteux que la forme de dissolution du mariage
ne fut réglée par le droit civil : Jure civili dissolvere solet matrimonium. ( L . 1 1 , f f . D e divort. et rep. )
D ’autres lois disent expressément que tout ce qui tient à l’état
des hommes n ’est pas en leur pouvoir, parce qu’on ne peut changer
la condition des personnes : Status hominis v e l conditio personarum mutari non potest. ( L . liberos, c. D e lib. c .)
Sans doute ces principes suffiroient pour établir qu’un divorce
n’est pas susceptible d’être validé par des conventions particulières;
et il résisteroit d’ailleurs au bon sens que la loi eût exigé des formes
rigoureuses, et que cependant elle eût permis aux époux de s’en
dispenser indirectement.
Mais la loi, après avoir exprimé scrupuleusement les formes à suivre
pour le divorce, avolt aussi prévu que des é p o u x trop p e u attachés
à son observation pourraient se permettre des traités pour valider ce
qu’elle ne valide pas; et, par une prévoyance très-conséquente, elle
repousse ces conventions illégales, et les déclare radicalement nulles.
Pactiones sane s i quœ adversus preesentia scita nostree majes-
tatis fuerint attentatee, tanquam legibus contrarias nullam habere volumus firmitatem. ( L . 8 , code D e repudus.)
Ainsi la question est diserlement jugée par la loi elle-même.
Si un divorce n’a pas été légalement f a i t , les époux ne peuvent
ensuite le valider par aucune convention.
Sans doute la demoiselle Maigne ne prétendra pas que ces prin
cipes soient combattus par aucune loi française. On demande,
dit Vinnius, s’il est permis de transiger sur la validité des mariages:
oui,* répond-il, s’il s’agit de valider le mariage : Ut sponsa maneal sponsa, placet transactionern valere ; mais la transaction est
�2
z>\
( 23 )
absolument n u lle , s’il s’agit de relâcher le lien du mariage. ( Vinn.
D e trcins. )
L a demoiselle Maigne opposera-t-elle, la loi du 20 septembre
1792. Mais quelle que fût l’opinion du temps, elle n ’y trouvera
rien de favorable à son système. « L a dissolubilite spontanée du
» mariage , disoit le rapporteur de cette loi , la liberté d’en con» tracter un second , après un premier qui ne seroit pas légalement
»> rom pu, seroit une liberté immorale et impolitique. »
Aussi la loi du 20 septembre s’exprime-t-elle d’une manière trèsconforme aux principes enseignés par les lois romaines.
« L e mariage est dissous par le divorce légalement prononcé.
» Les époux ne peuvent contracter un second mariage qu’après
» que le premier aura été dissous conformément aux lots. »
Que la demoiselle Maigne ne se dissimule pas toute la force de
l’expression ne peuvent. Toutes les fois, dit Dumoulin , qu’elle se
trouve dans les lois de rigueur, elle marque la plus forte des prohi
bitions ; elle ôte la puissance de di’oit et de fait , et a le même
résultat que l’impossibilité absolue.
Il en résulte donc que la demoiselle Maigne n’a jamais pu être
l ’épouse du sieur de Reyrolles
fait conformément aux lois.
7
dès que son divorce n’a pas été
L e Code civil répète ces dispositions de la loi du 20 septembre.
Rien n’est plus cla ir, et il est difficile d ’y voir que si le divorce
n ’est pas légalement prononcé, on pourra dissoudre le mariage par
des conventions particulières.
D ’ailleurs, suivant le Code c iv il, il faut pour la validité d’une
convention, i°. la capacité de contracter, 2U. une cause licite dans
l ’obligation. ( A r t . 1108. ) O r, suivant l’art. 1124, la femme mariée
est incapable de contracter clle-mêine ; e t , d ’après l’art. n 5 3 , la
cause est illicite quand elle est prohibée par la l o i , ou contraire à
l’ordre public.
Se départir de son état civil est sans doute la plus grande dis
position qu’une femme mariée puisse faire; et cependant elle n’a
pas la capacité de iaire des dispositions 'bien moindres. Comment
at
�( h
)
traileroit-clle librement avec son mari , à qui elle doit obéissance,
et qu’elle est obligée de suivre partout où il juge à propos de ré
sider? ( A rt. i et 214. )
L e mari lui-même , chef de la puissance maritale , ne peut y
déroger et s’en départir par une convention. ( A rt. i
. ) Com
ment donc concevoir que le mariage soit dépendant d ’une transac
tion , quand la puissance maritale n’en seroit pas susceptible, elle
qui n ’est cependant qu’un effet ou une émanation du mariage?
Jusqu’ici la dame de Reyrolles a supposé un traité sur la vali
dité de son divorce ; et , dans ce cas m êm e, il est évident qu’un
traité seroit nul : mais il n’en existe d’aucune espèce ; et ce que la
demoiselle Maigne appelle à son secours , est seulement une appro
bation du divorce , résultante du traité de l’an
et de quelques
25
388
5
exploits.
L a dame de Reyrolles, objecte la demoiselle Maigne, s’est donnée
plusieurs fois la qualité de femme divorcée: donc elle a approuvé,
elle a ratifié, elle a validé son acte de divorce.
Ce qu’on n ’oseroit pas dire pour l’acte du plus mince intérêt, la
demoiselle Maigne le propose avec assurance pour une dissolution
de mariage. ■
Mais peut-on s’imprimer une qualité qu’on n’a p a s , et perdre
par un eul mot son état civil ? U n mineur cesse-t-il de l ’être en
s e disant majeur? et un époux, en se disant veuf, cesseroit-il d’être
engagé dans les liens du mariage ?
6
L ’exécution d’un acte n u l , dit M . Cochin dans son 37'. plai
doyer , n ’en a jamais opéré la ratification ; c a r , dans les cas où
la loi donne dix ans pour réclamer, si chaque acte d’exécution
opère une ratification , il faudroit dire que la loi n ’a accordé aucun
délai ; et au contraire tout le monde sait qu’il ne laut considérer que
l ’acle n u l , et compter pour rien son exécution.
D e même , la dame de Reyrolles ayant coopéré par sa signature
premier acte n u l, c’est-à-dire , à son divorce, tout ce qu’cllo
a fait ensuite n’en a été que l’exécution.
à
u n
J1 falluit qu’elle réclamât ou exécutât. Mais,' étant en puissance
maritale ,
�( 25)
maritale, elle avoit au moins dix ans pour réclamera compter du
décès de son mari : jusque-là elle éloit donc forcée d’exécuter un
divorce nul , car son intérêt n’étoit pas de réclam er, de peur que
son mari ne divorçât une seconde fois plus régulièrement.
Sans doute la restitution de sa dot étoit la première exécution
du divorce ; et on a vu comment elle fut forcée par des offres à
traiter pour ce que voulut le sieur de Reyrolles. L e compte d’ins
truction qu’il lui devoit comme mandataire, pour avoir touché des
droits successifs inconnus, exigeoitd’après les lois un détail qu’il n’a
pas donné; et quand celle partie de la cause , pendante encore de
vant les premiers juges , sera remise en discussion , la dame de
Reyrolles prouvera l’abus évident de la puissance maritale, et le
tort considérable qui lui a été fait.
L a dame de Reyrolles n ’a point traité sur son divorce : elle n ’a
fait que Pexécuter par c o n t r a i n t e . P o u r exister, elle fut obligée de
former quelques demandes ; et sans doute pour la régularité dès
exploits, ne pouvant sc dire autorisée du sieur de R eyrolles, elle
étoit forcée de se dire divorcée pour recevoir ce qu’elle demandoit.
Mais toutes les fois que cette qualité n'étoit pas de forme néces
saire, la dame de Reyrolles s’abstenoit de la prendre ; elle peut
représenter plus de soixante actes où elle ne se l’est pas donnée ;
elle a même prouvé, par les registres de son m a r i, qu’il n ’a pas
cessé de lui donner par écrit le nom de Florat-Rejrolles après le
prétendu divorce.
L ’exécution d’un acte n u l, on le répète , n ’a jamais produit une
ratification ; et le Code civil a fait aujourd’hui une loi du célèbre
passage de Dumoulin sur cette matière. « L a ratification d ’une
» obligation contre laquelle la loi admet Faction en nullité ou en
» rescision , n ’est valable que lorsqu’on y trouve la substance de
>> cette obligation , la mention du m otif de l’action en rescision,
» et l’intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée. »
( Art. 1
.)
Une donation nulle île peut même être ratifiée : il faut la refaire
eu forme légale. ( A rt. i c). ) U n divorce auroil-il moins intéresse
D
558
53
L
�*
( a 6 )
le législateur? et pensera-t-on qu’il fut plutôt susceptible d’une
simple ratification ?
L a jurisprudence ne s’est jamais écartée de ces principes. Un
jugement a été cassé le a messidor an 4> parce que des quittances
données en viduité avoient été réputées ratification d’une vente de
3
bien dotal en coutume d’Auvergne, « attendu que les formalités
» n’ ont pas été remplies, et que Vexécution pendant plusieurs
» annees du traite du ...... n’ a pu 'valider un acte nul dans son
» principe. »
Cependant la demoiselle Maigne insiste, et il lui semble que tous
les principes qu’on vient de lui rappeler ont été renversés par un
arrêt récent de la cour de cassation, qui a jugé en thèse, dit-elle,
que le mariage et le divorce ne sont plus des contrats d ’ordre public,
et qu’on est non recevable à demander la nullité d’un divorce quand
on l ’a approuvé par des actes subséquens.
Mais ce n ’est là qu’une calomnie de la demoiselle Maigne contre
la cour de cassation , qui ne peut être sérieusement accusée d’un
tel paradoxe. Il n’étoit question devant elle que d’un divorce 'va
lable, d ès-lors la cause n’est plus la même.
Cependant un arrêt de cassation est une a r m e trop puissante
pour qu’ il suffise de ne se défendre contr’elle qu’avec cette seule in
dication. L a dame de Reyrolles va en rappeler l’espèce précise, et
il sera aisé de voir que la demoiselle Maigne a voulu seulement
abuser de quelques expressions fugitives et ambiguës d ’un arrêt de
circonstance.
« L e sieur Boehler, après avoir reconnu dans plusieurs contrats
» la validité du divorce obtenu par sa fem m e, avoit cependant
» tenté de le faire annuller par justice.
» Celle-ci, en repoussant les nullités, opposoit d’ailleurs et pé»
j> remptoirement que son ci-d eva n t mari étoit; non recevable,
» attendu qu’il avoit reconnu la validité du divorce.
» A rrêt de la cour d’appel séante à T rêv es, qui admet la fin de
» non-recevoir ; attendu que les moyens de nullité étoient sans
» fo n d e m e n t ; et encore, attendu que le mari a pu et voulu renoncer
�( 27 )
h au droit qu’il avoit de contester les effets civils du divorce de son
» épouse.
» Pourvoi en cassation, pour contravention à l’article 6 du Code
» civil.
» Le demandeur soutenoit qu’une convention tendante à faire
» valoir un acte de divorce n u l, seroit contraire à l’ordre public
» et aux bonnes mœurs ; qu’ainsi, en supposant le fait de recon>i noissance ou consentement par le m ari, la cour d’appel n’auroit
)) pu conclure, en point de d r o it, que par la force de cette con» vention le divorce fut devenu inattaquable.
» A r r ê t . — Attendu qu’en ajoutant à la considération de la non
» application des lois invoquées par le demandeur aux actes par
» lui attaqués, celle de l’approbation par lui donnée à la régularité
». de ces actes, et même celle de la reconnoissance par lui faite dans
» d ’autres actes publics de sa qualité de femme divorcee, à celle
»•qui a fiiit prononcer le divorce d ’avec lui, la cour d’appel n ’a
» pas violé l ’art. 6 du Code civil, q u i , défendant de déroger par
» des conventions particulières à l ’ordre public et aux bonnes
» mœurs, et bornant sa défense à ce qui concerne ces objets d ’in» térôt public, a voulu permettre l’effet des reconnoissances et celui
» des transactions sur l’ intérêt civil et privé; ce qu’il a formelle» ment exprimé dans l'art. 2046, et ce que la loi transitoire de
» floréal an 11 a spécialement appliqué au divorce.
» La cour rejette.
» D u 24 pluviôse an i . — Section des requêtes. »
( S irey , an
pag. 2a3. )
Combien de différences notables entre cet arrêt et la cause!
Après un divorce demandé et obtenu par une fe m m e , c’est le
mari qui, n’étant sous la puissance de personne, fait des conven
tions sur ce divorce.
11 traite librement; il n ’est pas incapable.
il traite sur les intérêts civils du divorce.
II ne traite pas seulement sur la suite du divorce, mais il reconnoit par plusieurs actes la validité du divorce.
D 2
5
�\
( ?8 }
En plaidant, il ne peut pas même prouver que le divorce ait été
nul d ’aucune nullité.
L a cour d’appel en effet ne se décide que par ce motif.
En cassation, l’époux n ’essaye pas même encore de prétendre que
son divorce est n u l, et il se borne à une dissertation polémique
sur l’effet de la ratification qu’il a donnée.
Ainsi la position de la question n ’étoit pas de savoir s’il avoit
pu transiger sur un divorce n u l, mais s’il pouvoit faire rescinder
un traité relatif aux intérêts civils, par cela seul qu’il avoit aussi
transigé sur la validité du divorce.
C ’est donc encore le fait qui a décidé la cour de cassation • et
si ses motifs donnent à méditer sur leur sens, il n ’en résulte qu’une
plus grande conviction qu’elle a clairement distingué ce qui tenoit
à l’ ordre public et à l’ intérêt civil et privé, et qu’elle ne s’est dé
cidée à juger aussi le sieur Boehler non recevable, qu’en ce que, le
divorce étant valable, ses traités étoient étrangers à l’ordre public.
11
L e m otif pris de l’art. 2046 du Code le prouve.
porte qu’on
peut traiter sur l’intérêt privé résultant d’un délit. On n ’est donc
pas libre de traiter aussi pour l'intérêt de la société.
E t comme une femme ne peut pas être épouse respectivement
au corps social, et divorcée pour sa famille et pour elle-même,
il en résulte qu’elle peut bien traiter pour son intérêt privé, mais
seulement après que l’ ordre social n’ a plus d’ intérêt; c’est-à-dire,
quand son divorce a été consommé conformément aux lois.
L ’arrêt de cassation est donc bien loin d’être favorable à la de
moiselle M aigne, qui ne peut pas exciper d ’un divorce légal, après
lequel sans doute la dame de Reyrolles eût pu traiter sur les intérêts
civils résultans de son mariage.
L a demoiselle Maigne , en citant cet a rrê t, a prétendu, avec
le rédacteur, que l’article 6 du litre préliminaire du Code ne porte
qu’une prohibition obscure et incertaine, qui ne peut s’appliquer
à la cause, parce que les traités sur les divorces ne sont pas d’ordre
public.
Il est vrai que ce rédacteur propose cette obscurité, seulement
�C 2g )
comme un doute; mais il termine de manière à prouver qu’il ne
s’est pas décidé comme la demoiselle Maigne l’entend.
Cependant sa première application semble fautive; car en rédui
sant la définition d’ordre public à ce qui concerne l’état de la
république, quodadstatum reipublicce pertinet, il n’a pas remar
qué que l’expression fus publicum éloit alternativement employée
par les lois romaines pour le droit public et pour l’ ordre public;
ce qui comporte encore une nuance nécessaire à distinguer, comme
on peut le prouver par des exemples.
Lorsqu’avant les novelles , la défense de distraire la falcidie
n’étoit pas permise, si un testateur avoit voulu en prescrire la dis
traction, à peine par son héritier de payer une somme aux léga
taires, celte disposition étoit déclarée nulle, comme contraire au
droit public , et toute action étoit déniée aux légataires ( i ) . . .
Cependant une telle nullité n’intéressoit aucunement l état de la
république.
Si en donnant la dot au mari on avoit stipulé qu’il ne contribueroit pas aux frais d’inhumation que la loi meltoit à la charge
de la dot, celui qui avoit payé ces frais n ’en avoit pas moins une
action en répétition contre le mari, et il ne pouvoit pas opposer sa
stipulation, parce que la loi la déclaroit nulle et attentatoire au
droit public (2)... Cependant encore Vétat de la république étoit
fort étranger à cette convention.
_______________ ____________IL__________________ _
( 1 ) F rater cum heeredem sororem scriberet, et alinm ab e n , cui dona tum v o le b a t , stipulari en ravie ne fa lc id iâ uteretur , et ut certam pecuniarn , si contrà fe c isse t , prœstare , privntornm cautione legibus non esse
fefragandum constitit : et ideo sororem j u r e l ' U h l i c o retentionem habituram , et actionem ex stipidatu denegandam. ( L. i 5 ,ff. A d leg. fa le. )
(2)
N eratiu s queerit s i is q u i dotem d ed era t pro m uliere , stipulants
est.... ]ye yni el m aritus in fu n u s co n ferrâ t, an fu n eraria m ari tus teneatur?
e t a it...
Si aliu s fu n e ra v it, posse
eum m aritum convenire, quia p a c lo hoc
j u s p u b l i c u m in frin gi non possit. ( L . 20 , J f. D e relig. et sum pt.)
�( 30 )
Ces dispositions n ’étoient donc que d’ordre public, et la loi ne
vouloit pas qu’elles pussent être éludées par des conventions par
ticulières. Comment donc seroit-il proposable de supposer à la
prohibition de dissoudre le mariage, un moindre intérêt d ’ordre
public ? et au lieu de se jeter dans l ’application vague de la loi 6 ,
cod . D e pa ctis, et de l’art. 6 du C o d e , comment ne pas trouver
une nullité radicale aux divorces faits sans toutes les formalités,
quand la loi a dit : ISullam ratum est divorlium, n isi, etc.? com
ment ne pas trouver une nullité radicale dans les conventions sur
les divorces, quand la loi a dit : Pachones nullam habere volumus
firmitcitem, tanquam legibus contrarias? enfin, comment ne pas
voir une disposition prohibitive et irritante dans la loi du 20 sep
tembre, quand elle dit qu’un second mariage ne p eu tè Ire contracté
qu’après un divorce légal ?
Ouand les lois sont si claires, comment seroit-il possible de
penser qu’une femme, à qui un divorce illégal n ’a pas ôté la qua
lité île femme mariée, ait pu s’en priver elle-mêm e en se disant
divorcée, et en ne transigeant pas même sur la validité du divorce
q u ’on, lui oppose?
Que reste-t-il donc à la demoiselle M aigne, si ce n ’est de faire
diversion à la cause par la naissance d’un enfant, survenue, dit-elle,
long-temps après le divorce? Mais d’abord elle est convenue que la
date donnée à cette naissance étoit une erreur. Que n’avouoit-elle
avec la même franchise les circonstances explicatives dont elle étoit
mieux informée encore. On verroit qu’un époux chancelant entre
une épouse et sa rivale , déterminé à fixer son irrésolution par un
retour à ses devoirs , en est tout à coup détourné par une séduc
tion toujours active ; habilare fa cit sterilem in donio , et la mère
fie ses en fans, repoussée comme une vile esclave, est obligée de céder
ù une étrangère les honneurs du lit conjugal.
Eh ! qu’importe à la demoiselle Maigne cette naissance; est-ce
bien à elle à scruter la conduite d’une épouse? Si cette conduite
éloil blâm able, cet adultère qu'elle proclame ue seroit-il pas
�(3 0
son propre ouvrage? n ’en porterait - elle pas le poids éternel?
Mais il ne s’agit point ici de la naissance d ’un enfant ; il suffit
à la dame de Reyrolles de déclarer qu’elle n’ a point à en rougir,
et qu’elle est à même de présenter des témoignages non équivoques
pour sa justification. L e fait de celte naissance n ’est ici employé
que comme moyen de la cause, et parce que la qualité de femme
divorcée y est donnée à la dame de Reyrolles. Mais ne seroit-il
pas bizarre que, dans la commune où un divorce a été prononcé,
l ’officier public eût lui-même rendu à la femme la qualité d’épouse?
L ’objection est donc absolument nulle , et rentre d ’ailleurs dans la
discussion précédente, où elle trouve sa réponse.
Ainsi s’évanouissent tous les moyens de la demoiselle Maigne,
et se justifie la décision des premiers juges.
L e nom de veuve du sieur de Reyrolles lui e6t ô t é , mais il lui
en reste la fortune. L a dame de Reyrolles se borne à vouloir ce
qui lqi appartient, d’après son contrat de mariage. ]N est-ce pas
assez qu’elle soit réduite à le demander à la demoiselle Maigne ;
qu’après vingt-neuf ans de mariage elle ait quelque chose à lui
e n vier, et que le sort de l’une et de l’autre soit aujourd'hui si
différent?
U ne règle de droit a prévu ces caprices de la fo rtu n e ,et le vœu
du législateur n ’a pas balancé : M elius estfavere repetitioni quant
adventitio lucro. L e sort des parties seroit écrit dans cette loi
seule , s’il n ’étoit déjà réglé par des principes d’une plus haute
importance.
A u x yeux de la morale et de l’opinion, l’intimée ne cessera pas
d ’être la veuve de Reyrolles; elle le sera de même aux yeux de la
co u r, puisque les lois ne réputent pas son mariage dissous. L a
demoiselle Maigne ne laissant pas de postérité, il ne s’agit point
ici du danger d’ôter un état civil à des enfans nés dans la bonne
foi. A in si, les principes demeurent dans toute leur lorce , et ne
sont vaincus par aucune considération. L a demoiselle Maigne est
réduite à des fins de non-recevoir. Mais que signifient de misérables
�( 33 )
s u b t e r f u g e s dans une cause de cette nature ? Les magistrats n’y
verront q u ’ u n mariage ou un divorce, c ’e s t - à - d i r e , un objet
m a j e u r et d ’ordre public. Alors disparoitront les personnes, l’in
térêt seul de la société sera mis en balance, et l’arrêt de la cour
sera tout à la fois une leçon de morale et un monument de juris
prudence.
Signé F L O R A T , veuve D E R E Y R O L L E S ,
Me
'
D E L A P C H I E R , avocat.
M e C R O I Z I E R , licencié avoué.
A. R I O M , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
C o u r d ’appel. — F rim aire an 1 4
�
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Factums Godemel
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A name given to the resource
[Factum. Couguet-Florat, Marguerite. An 14]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Croizier
Subject
The topic of the resource
divorces
assignats
substitution de testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire Pour Marguerite Couguet-Florat, veuve du sieur de Reyrolles, intimée; Contre Catherine Maigne, se disant aussi veuve dudit sieur de Reyrolles , appelante.
Table Godemel : Divorce : la loi transitoire du 26 germinal an onze rend-elle inattaquables les divorces faits en éxécution de la loi du 20 septembre 1792, fussent-ils irréguliers et contraires aux formes voulues par cette loi ? La nullité du divorce a-t-elle été couverte par la qualité de femme divorcée prise par la femme dans différens actes, par cette possession d’état, et par le décès du mari divorcé ? en cas de nullité du divorce le traité fait entre les époux divorcés, relativement à leurs intérêts privés, seraient-ils infecté du même vice ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 14
1774-An 14
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1510
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0706
BCU_Factums_M0708
BCU_Factums_M0615
BCU_Factums_M0524
BCU_Factums_M0707
BCU_Factums_M0309
BCU_Factums_G1509
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divorces
substitution de testaments
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MEMOIRE
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SOBRIER, veuve
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Présence
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D ' A n t . D E S P R A T S , et d ' E l é a z a r d R O S T A N G D A U D I N , appelans et intimés,
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i
dame D audin vouloit oublier tout ce qui tient à une ven te.
qu'e lle a signée en 1782. L e sieur C apelle, qui l’a trom pée, veut
obtenir contr’elle une garantie
en est dû aucune,
il faut lui démontrer qu’il ne lui
r.
L e sieur Descaffres ,p a r son testament d u 7 avril 1 7 7 3 , institua
Eléazard D audin , son petit-neveu , pour son héritier ; il légua à
M arguerite Sobrier, sa m ère, le mobilier et l’usufruit de ses biens
et la désigna exécutrice testamentaire, avec pouvoir de vendre pour
le payem ent de ses dettes. t. • :
•
E lle avoit vendu quelques objets avant 1782 , et ne voyoit pas de
nécessité d ’en aliéner encore, lorsque le sieur Capelle concerta avec
Daudin fils m in eu r , le projet de se fa ire vendre le domaine du
V e rn e t, dépendant de la succession D escaffres.
Daudin fils , épris d' une passion violente, avoit résolu d ’aller se
marier à Avignon ou en Italie ; e t pour c e la , il cherchoit de l'ar
gent : un négociateur du sieur Capelle lui proposa la vente de ce
domaine.
�i >r '
( a )
-
M in e u r, et n ’ayant pas le pouvoir de ven d re , Daudin fils y
décida sa m è re , qui fixa le prix à 21600 francs. En eut-elle voulu
demander le double, il n ’y avoit pas d ’obstacles, puisque le sieur
Capelle avoit déjà son plan.
Il feignit d’adopter le prix de 21600 francs , exigea que le contrat
portât quittance, au moyen des billets qu’il devoit faire ou céder.
En effet, par acte notarié du 1". mars 1782, la veuve Daudin lui
vendit avec garantie , moyennant 21600 francs , le domaine du
V e rn e t, tous les bestiaux et outils d ’agriculture, ensemble cin
quante seliers de blé à prendre s u r la récolte pendante, et le quart
du surplus de ladite récolte.
‘
1
Mais ce prix , bien sérieux pour la dame Daudin , n ’étoit que
fictif pour le sieur Capelle ; déjà il avoit arrêté, avec Daudin fils,
que le prix du domaine ne seroit que de i 38oo francs , sur lequel il
devoit compter à peu près 4000 francs pour le voyage d ’Italie, et
le surplus étoit délégué sur une maison dé commerce d’Aurillac.
L a prévoyance fut portée plus loin; D a u d in , mineur, pouvoit
réclamer un jo u r, el l(f siéur Capelle se munit d ’une ratification
générale, dont la date fut laissée en blanc. 11 paroit même qu ’elle
étoit fabriquée avant la vente; c a r , dans l’incertitude du mode de
mutation, le sieur Capelle y fit ratifier tous les actes passés à son
profit ( et il n'y en a qu’un seul ). Daudin fils écrivit tout cet
acte » excepté la date : le sieur Capelle avoue qu’elle est d ’une autre
main.
On comprend d ’avance que les articles secrets de cette capi
tulation éloient subordonnés à la reprise des billets signés le jour
de la vente. Daudin fils les enleva, et disparut.
L a dame D audin, justement irritée-, rendit plainte en soustrac
tion des billets de 21600 francs, et en o u tr e , de divers blancs
seings. Sur le vu îles informations, le bailliage de Vie rendit une
sentence, le 18 juillet 1782, qui condamna Daudin fils à restituer
à sa mère 21600 im u c s , permit de faire des saisies-arrêts , et
a n n u l l a les blancs seings q u i,
en e lie t, n'ont plus reparu. Ces
informa lions sont perdues, et 011 ignore qui a eu le crédit de les
�<?<
(
3
)
supprimer: la sentence seule existe, et le sieur Capelle d it , dans»
son m ém oire, qu’il en est porteur.
Il est à croire que ces informations secrètes , suivant l’usage ,
contenoient des révélations qui seroient aujourd’hui bien utiles;
car le lieutenant général de Vie ( le sieur Sistrières ) , qui se trouvoit seigneur féodal d’une partie du domaine du V e r n e t , exerçale retrait contre le sieur Capelle, et soutint que le prix réel n’éloit
pas de 21G00 francs.
- .
Alors Daudin fils étoit de retour ; le sieur Sistrières l’interrogea
ou le fit interroger; mais Daudin fils peu rassuré encore , et,
pudori suo parcens, fut fidèle à son m entor, et répondit de ma-,,
nière à mériter ses éloges : il se hâta de s’en glorifier par une
lettre du 10 août 1783 , que le sieur Capelle a la bonté de produire.
« J’ai subi interrogatoire pour savoir ce^quc j ’ai reçu de vous.
» Sistrières croit que vous n ’avez fait de billets que pour quatorze
v mille francs j j’ai dit que vous en aviez fait pour tout le con» tenu au contrat, ce qui l’interloqua fort. Quoi qu’il en s o it,y e
» ne vous nuirai jamais , parce que vous m’ avez payé ce que
» vous m’aviez promis. »
L e procès Sistrières dura quelques années encore , et fut terminé
par un traité du 5 mai 1789 , dans lequel les parties se contentent
de dire que, parfaitement instruites de leurs droits , elles se sont
respectivement départies de leurs prétentions.
T o u s ces résultats mystérieux étoient ignorés de la dame Daudin,
qui se consoloit de ses chagrins précédens par le retour de son fils.
L a révolution a amené pour elle d’autres terreurs et d ’autres sacri
fices : elle a été enfin obligée de faire plusieurs ventes ; et le sieur
Capelle, qui ne conçoit pas que les fortunes puissent diminuer, lui
en fait un crime. Elle a réglé ses affaires avec son fils pour la suc
cession Descaffres ; et n’ayant plus que le souvenir de son ancienne
aisance, elle étoit loin de s’attendre, sur la fin d e'sa carrière, à
¿tre accusée de collusion et de complots de la part de l ’homme à
qui elle pouvoit en reprocher si justement.
Daudin fils a
ses j roits ^ D e s p ra ls, qui a cité le sieur
A 2
�xc>*
(
4
)
Capelle en désistement du domaine du Verneten l’an 8. L e sieur
Capelle a produit la ratification, qu’il a datée de 1788; et alors
Daudin , mis en cause par D esprats, a commencé line procédure
en inscription de faux contré la date de cette ratification.
L e tribunal d’Aurillac en a ordonnéle dépôt au greffe; le procès
verbal mentionne que là date est d’une autre main, et d ’une encre
pins noire, qu’on a repassée sur plusieurs lettres du même acte. L e
sieur Capelle se défendoit d ’abord par des nullités contre cette
procédure; mais il a fini par la rendré sans objet, en déclarant
qu’il reconnoissoit la date de la ratification pour être d'une autre
main.
L e sieur C apelle, qui sentoit bien toute la difficulté.qu’il avoit
de faire usage désormais de cette ratification, a cherché à élaguer
tout à fait Daudin fils, s’il le pouvoit; d ’abord il lé reconnoissoit
pour héritier Descaffres ; ensuite il a attaqué le testament de nul
lité , et a prétendu que la mère étoit héritière
. -
Sa défense s’est basée principalement sur ce moyen ; il a , de.
p lu s , crié à la collusion, et s’est tourmenté, par un appareil d’in-t
terrogatoires, pour se donner l’apparenccd’une \ictime de la mau
vaise foi. En concluant à la garantie contre la dame Daudin , il
a affecté de dire qu'il n ’auroit pas cependant de ressources contre
elle, s’il perdoit son>procès. L e sieur Capelle, par jugement du i 5
germinal an 11 , a été débouté de sademande.en nullité du testa
ment de 1773. La vente du 1 " . mars 1782, et là ratification de
*788, ont été déclarées nulles. L e sieur Capelle.¿a, été condamné
à se désister du domaine du V ern et. L a dame Daudin a été con
damnée h le garantir et indemniser, et à lui payer non-seulement
31600 francs, mais encore ses dommages-intérêts. Daudin fils est
condamné à rembourser i 58oo fra n cs, et lés améliorations. Il
est ordonné q u e , sur une demande en garantie solidaire formée
par Capelle contre les sieur et dame Daudin , îles parties contca( * ) A u jo u r d ’h u i il se ju g e lu i-m e m e ; c a r , pendant l ’im pression de co m é m o ir e , il v ie n t do
con clu re c c n tre D esp rats A la su b rogation 1é g a lé . Est-ce un p ropriétaire q ui a ch è te sa p ro p rié té î
•s t-c e un a c q u é r e u r , p rêt à ê tre évin cé» q u i » chete le fo n d du procès i rem aïbi n ectsiariam .
�4
( 5 )
teront plus amplement. L a dame Daudin est condamnée aux dépens.
Toutes les parties ont interjeté appel de ce jugement.
M O Y E N S .
^
L a vente de 1782 est annullée; et cependant la dame Daudin
est condamnée à garantir le sieur C a p e lle , et même en des dommages-inlérêts considérables : n’y a-t-il pas. à cela de l’inconséquence?
Une telle décision se conçoit, si le sieur Capelle a acquis loya
le m e n t et de bonne foi ; car alors la garantie qu'il a fait stipuler
ne peut pas être illusoire.
]\lais s’il a voulu tromper celle qui lui vendoit, il répugneroit
à toute justice qu’elle seule fû t grevée, et qu’il profitât au con
traire de sa propre fraude.
• O r, il est indubitable que le sieur C apelle a trompé la dameDauin ,
et il doit en résulter non-seulement qu’il n ’y a pas lieu ¿1 garantie,
mais même qu’il n ’y a pas de vente.
i°. Il n’y a pas de vente ; car le consentement en fait le prin
cipal caractère , et il faut qu’il intervienne sur la chose et sur
le prix , sans cela il n ’y a pas de vente.
C e ne seroit qu’une subtilité de dire qu’il a dans la vente de
1782 un prix quelconque, parce que si ce prix n ’est pas réellement
celui dont les parties sont tombées d’accord , il n ’y a plus véritable
consentement, surtout quand c ’est l’acheteur qui veut donner une
somme moindre : tels sont les principes.
» L e consentement, dit Pothier, doit aussi intervenir sur le
» prix. C e consentement ne se trouve p o in t, si l’un compte vendre
» pour unesommeplusgrande quecellc pourlaquellel’autré compte
» acheter. Il n’ y a donc pas de contrat de vente, faute
4e consen-
ii tentent.» ( T r a i t é du contrat de v e n te , pag. 1” . , n?. 56. )
E t ce n'est là que la copie de la loi elle-même : S i in pretio vel
tn ne errent, v el dissenliant, contractus erit imperjectus. L . 9
f f ' D e conlr. empt.
A quoi la glose ajoute : Qubd si minus emptor } majhs venditor
putavit, impeditur contractus.
. L a loi a donc voulu pourvoir aux surprises, et il n ’importe que,
�\
( 6 }
clans l’espèce , la vente ait été exécutée, parce qu’il est évident
que la même erreur , qui présidoit au contrat, devoit en protéger
l’exécution.'
L e principe est général ; et si l’acheteur a le secret de persuader
au vendeur qu’il est d’accord sur le prix , il est certain q u ’iÎ y
aura le simulacre d ’une vente, jusqu’à ce que le vendeur soit certain
qu’il a été trompé ; alors , si par les circonstances on peut juger
qu'il s’est opéré une nouvelle convention , celle-là seule aura quel
que considération, plutôt que la première qui étoit vicieuse.
Si donc on pouvoit reprocher à la dame Daudin qu’elle n ’a pas
réclamé plu tôt, elle répondroit avec raison' que la collusion de son
fils et du sieur Capelle contre elle-même a entretenu son erreur ;
qu’elle a si bien cru le sieur Capelle innocent, quelle n'a accusé
que son fils, comme il l’observe lui-même : elle a si bien cru avoir
stipulé pour prix de vente 21G00 francs , qu’elle a fait condamner
son fils à i u i payer 21600 francs.
Quel intérêt auroit-elle eu d ’ailleurs à faire un procès pour ce
domaine ? il ne lui appartenoit pas. Le principal intéressé étoit
son fils; mais il colludoit, et il étoit condamné à son égard.
Les éclaircissemens d’ailleurs ne sont nés que du procès actuel,
des variations du sieur Capelle, et de la lettre de 1783 qu’il a
produite.
Ses variations étoient frappantes: i #. il disoit, quant au testament
Descafl’res, qu’il avoit été rassuré, en achetant, par le pouvoir que ce
testament, dont il avoit connoissance, donnoit ù la dame Daudin
de vendre. Ensuite, il a dit qu’on lui en avoit caché 1existence ;
il en a demandé la nullité , et il répète encore aujourd’hui qu’il l’a
méconnu.
2°. Quant au prix de la vente, le sieur Capelle disoit d’abord
que l’enlèvement des billets étoit un conte; que la vente faisoit foi;
que les 31600 francs avoient été payés comptant, ce qui exclu t
toute idée de soustraction d ’effets : et, aujourd’hui, il est obligéde
changer de langage, et de dire qu’il n’a payé que 6000 francs
com ptant, et fait des billets pour le surplus.
L a lettre de 1785 a rendu nécessaire çette esnèr.e de confe«*-
�r>
%
;
'
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sion forcée ; car , comment répéter qu’il n ’y avoit pas eti d’effets ,
lorsque Daudin fils écrivoit: 7 ’ai dit que vous en avez fa it pour tout
le contenu au contrat ; et le sieur Capelle avoit excipé de cette lettre* '
Mais , c ’est delà que naissoit la révélation essentielle pour la
dame Daudin : elle étoit forcée d ’y lire tout à la fois la surprise
qui lui avoit été faite, et la sujétion de son fils pour la tromper
encore après s o n retour. Vous m ’ a v e z payé ce que 'vous m’ avez
promis ; je ne 'vous nuirai jamais : donc il résultoit de ces deux
phrases qu’ il y avoit un prix autre que les 21600 francs : donc le
sieur Capelle a voit pzy è directement à Dsudin fils; vous m ’ a v e z payé.
E t dès-lors quelle poignante réflexion pour la dame Daudin !
Jusque-là elle avoit pu croire que son fils, ayant enlevé des billets,
avoit couru chez les banquiers pour a’irn faire payer avant sa fuite;
et il a fallu voir dans cette lettre que le sieur Capelle avoit payé à
un fils de famille rebelle, à un mineur, des billets enlevés, et après
une information d’un genre aussi peu ordinaire.
L a dame Daudin avoit bien aisément été trompée. Son erreur a
duré jusqu’à ce que son fils, détrompé lui-même sur le compte du
6ieur Capelle, a fait la cession qui a donné lieu au procès. Alors ,
attaquée elle-même, elle a eu intérêt d ’examiner ce qu’elle eût mieux
aimé ignorer toujours.
Il
n ’y a pas de vente, disons-nous , puisqu’il n’y a pas de consen
tement sur le prix , dès que le.sieur Capelle avoit machiné le projet
de n ’acheter que i 38oo fr. un domainequ’il feignoit payer 21600 fr.
Mais encore moins , y a-t-il lieu à garantie , et cette proposition
est fondée sur les principes les plus constans.
On peut vendre la chose d’a u tru i, dit le sieur C apelle, et par
conséquent on peut garantir une telle vente : cela est vrai ; mais
alors il y a au moins dans l’acheteur bonne foi dans la garantie qu’il
fait stipuler.
Dans 1 espèce, le sieur Capelle n ’étoit pas plus de bonne foi dans
cette garantie que dans la vente; caria g a r a n t i e é t o i t une condition
du prix de 21G00 francs; si donc il savoit qu’à sou égard le prix
étoit moindre , il y avoit dol dans la garantie qu’il exigeoit.
�m
v L e d o l , dit le Code civil , est une cause de nullité de la con» vcntion , lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties
>) sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre
w partie n’auroit pas contracté. » ( A r t . 1116. )
O r , personne ne doute que la dame Daudin n ’auroit pas vendu
€t encore moins garanti au sieur Capelle, s’il l’avoit prévenue qu’il
machinoitavec Daudin fils le projet de n ’acheter que pour i 58oo f r . ,
et même de fournir ce prix à un jeune homme qui fuyoit sa famille,
perituro.
, En général, l’acheteur qui sait le vice de la chose vendue sciens
reigravamen , ne peut pas demander de garantie; et à plus forte
jraison celui qui a coopéré à ce vice, et qui plutôt l’a créé lui m ê m e ,
en sous-entendant un prix que le vendeur ignoroit et n ’qdoptoit pas.
E t , à cet égard, il faut remarquer un double principe ; c’est que,
,i°. la garantie même de tout troubles et évictions ne peut s’entendre
que d’une cause d’évictîon qui existât avant la vente, et que le
vendeur pouvoit ou devoit savoir; 20. que si la cause d ’éviclion
résulte de la vente elle-même, quant à sa forme ou sa substance,
il faut que l’acheteur sefasse garantir expressément de ce vice connu,
, » L e débiteur, dit l’article u 5o du Code civil, n ’est tenu que
» desdommages-interêtsqui ont été prévus, ou q u ’on a pu prévoir
*) lors du contrat ; » et cet article s’applique à la garantie d ’évic
tion , d ’après l’article iG5c).
.. C ’est en vertu de ce principe que la cour d ’appel de Paris , par
arrêt du 27 messidor au j o , déchargeoit de la garantie un ven
deur qui s’y étoit soumis solidairement; mais à 1 égard de l’im
meuble d ’un interdit, qui ne pouvoit être vendu sans formes ;
» Considérant qu’on n’entend par garantie d’évictions et troubles,
» que ceux étrangers au contrat, et dont il y a une cause e x isj) lanle au temps du contrat....... Q u’on n ’entend point par cette
)) garantie l ’éviction dont les vices du contrat même sont la
« cause. » (J- palais, n°. 17 1.)
Dans l’espèce, la vente de 1782 a deux vices: l ’u n, que la chose
veudue ctoil à autrui : le sieur Capelle n’ignoroit paç le testament;
�/ f f £ •>
C 9 )
il l’a avoué, et sa précaution anticipée de prendre une ratifies lion
en blanc , le prouve d ’avantage.
L e second vice, radical en ce qu’il attaque la substance de l’acte,
étoit connu de l’acheteur seul, et cette circonstance est bien plus
décisive que celle de l’arrét de Paris. L e sieur Capelle savoit seul
que le prix exigé par la dame Daudin n ’étoit pas le prix qu'il vouloit payer, et la dame Daudin qui gnranlissoit ne le savoit pas.
A-t-elle donc donné un consentement valable à la garantie? N o n ,
car non 'videntur qui errant consentire.
» L e troisième c a s , d itP o th ie r, auquel il n ’y a pas lieu à la
» la garantie, est celui d’un acheteur qui, ayant connoissancede,
» la cause qui donne lieu à l’éviction , l ’a cachée au vendeur qui
» l’ignoroit, et de qui il a stipulé la garantie : comme en ce cas
w c’est l’acheteur qui a induit en erreur le ven d eu r, en stipulant
» de lui une garantie qu’ il n’auroit pas promise ....« le vendeur
n paroit fondé à l’exclure, de son action de garantie par l’excep» tion.du d o l, en lui offrant seulement de lui rendre le prix
» qu’il a reçu. » Contr. de vente, pag. i ,-n*. i g i .
O r, la dame Daudin n’a rien re ç u , et le sieur Capelle le sait
mieux que personne. Daudin fils avoue avoir reçu les 1 58oo francs ;
il en a offert le remboursement, et dès-lors la veuve Daudin doit "
rester aussi neutre dans cette malheureuse affaire, qu’elle l’eût
toujours été sans les manœuvres du sieur Capelle.
Répétera-t-il que tout est controuvé dans ce qu’il appelle une
perfide calomnie? la dame D audin, qui n ’a eu intérêt de s’informer
de la vérité que depuis qu’on l’ attaque, offre de prouver à la cour
que, par le dol du sieur Capelle, le prix exigé par elle fut fixé à une
somme beaucoup m o in d re, entre lui et Daudin , alors âgé de
dix-neuf ans; qu’il n ’y eut pas, comme il le dit, pour i 56oo fr.
d’efiets tirés sur la maison Lespinat et D om ergue, et que celte
•
maison n ’en a acquitté que pour 10000 francs aü plus.
Mais qu’est-il besoin d ’une preuve testimoniale , quand tout est
clair par des écrits, et qu’il y a plus de matériaux qu’il n’en est
nécessaire pour asseoir les présomptions que la loi cxi^e scules en
matière de fraude.
/ i#
�\ <s » i
( IO )
Que le sieur Capclle explique, s’il le peut, comment le prix réel
de sa vente étoit de 21600 francs, lorsque la lettre qu’il produit
porte : Vous m'avez payé ce que vous m’ avez promis, je ne vous
nuirai pas.
Q u ’il explique comment il a payé 6000 francs en argent, et le
surplus en effets, lorsque la lettre porte : Vous en avez fa it pour
tout le contenu au contrat ; lorsqu’après une plainte en soustrac
tion des billets, Daudin fils est condamné à payer à sa mère
vingt-un mille s ix cents livres.
Q u’il explique dans quel temps il a payé ces billets, faits à divers
termes; e st-ce au banquier? il avoit une saisie-arrêt; est-ce à
Daudin fils? Mais un magistrat pouvoit-il acquitter des billets
volés , à l'auteur du v o l, mineur, après l’éclat d ’une information?
Que sont devenus ces billets qu'aujourd’hui il avoue? Acquittés
par l u i , il doit les avoir.
N o n , ce ne sont pas là les signes de cette loyale franchise
qu’il faut toujours retrouver dans les transactions sociales.
L e sieur Capelle a obligé la dame Daudin à s’instruire de ce
qu’elle s’efforçoit d’ignorer, et à voir ses derniers momens em
poisonnés par la conviction d'une trame qu’elle eût été plus heu
reuse de ne pas aussi pleinement acquérir.
Cette conviction même ne l’eût engagée à aucune démarche ;
car leur éclat même eût rappelé des chagrins que le cœur d’une
mère sait dissimuler. Mais le sieur Capelle lui envie cette paix
et sa neutralité ; il ose demander à la dame Daudin une garantie
surprise par des manœuvres sans lesquelles il est evident qu'elle
n'auroit pas contractée. U ne telle demande n est donc que le pro
d uit de la turpitude; elle est proscrite par les principes : car nemini
fraus sua patrocinari debet.
Me
D E L A P CHIER,
M .
avocat.
F A Y E , avoué.
A R I O M , de l’imprimerie de L a n ddrio t , seul imprimeur de la
Cour d ’appel. — Therm idor an 13.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Sobrier, Marguerite. An 13]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Faye
Subject
The topic of the resource
ventes
abus de confiance
abus de faiblesse
prescription
éviction
minorité
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Marguerite Sobrier, veuve Daudin, appelante ; contre Sieur François Capelle, intimé et appelant ; en présence d'Ant. Desprats, et d'Eléazard Rostang-Daudin, appelans et intimés.
Table Godemel : Dol : 1. Vente du 1er mars 1782 critiquée de nullité comme ayant été surprise, à une femme, par des manœuvres concertées entre l’acquéreur et le fils mineur de la venderesse. Eviction : 2. si la vente d’un immeuble et la ratification qui en a été faite par son héritier, devenu majeur, sont nulles, le vendeur qui a contracté en son propre et privé nom et reçu le prix, peut-il être dispensé de garantir l’éviction sur le fondement que le vice du contrat même en est la cause, et que l’acquéreur connaissait l’incapacité du vendeur ? Exécuteur testamentaire : autorisé à vendre pour payer des dettes, peut-il vendre sans aucune formalité pendant la minorité de l’héritier ?... L’acquéreur doit-il surveiller l’emploi des deniers ? Prescription : l’acquéreur, dont le titre est vicieux, peut-il se prévaloir de sa possession, et opposer, en pays de droit écrit, de l’action en nullité et en désistement, la prescription de dix ans entre présents et de vingt ans entre absents ? Ratification : 1. l’acte par lequel l’héritier devenu majeur ratifie les actes passés par l’exécuteur testamentaire, soit-il, pour être valable, énoncer expressément les actes ratifiés ? cet acte, s’il est sous signature privée, doit-il être fait double ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 13
1782-An 13
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1514
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0404
BCU_Factums_G1512
BCU_Factums_G1513
BCU_Factums_M0715
BCU_Factums_G1515
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53254/BCU_Factums_G1514.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vic-sur-Cère (15258)
Vernet (domaine du)
Rights
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Domaine public
Abus de confiance
abus de faiblesse
éviction
minorité
prescription
testaments
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53279/BCU_Factums_G1605.pdf
e4d56e6d23cac17b422750a75801fe59
PDF Text
Text
4M
U
M
E
M
O
I
R
7
E
POUR
M AIGNOL
fils, habitant à Bon/
lieu, canton d’E vaux, appelant;
G uillaume
CONTRE
A n to in e
G U I L L A U M E , maréchal
taumur, intimé ;
E T
a
P on -
C O N T R E
G i l b e r t e M A I G N O L , P i e r r e L E G A Y , son
mari , A n t o i n e M A I G N O L , G i l b e r t e
M A I G N O L , veuve Paneveyre , et autres, héri
tiers de Pierre M a i g n o l , de Landogne, intimés;
EN
PRÉSENCE
M A I G N O L père , habitant au
lieu du Cheval-Blanc , commune de Condat , a p
peléen assistance de cause.
G
D eu
illa u m e
U
n acte sous seing p r i v é , synalla g m a tiq u e , est-il nul
s’il n’a pas été fait d o u b le ? P eut-il être opposé à un dona
taire contractuel s’ il n’a de date certaine que postérieure
m ent à sa d o n a tio n ? E nfin quels caractères d’exécution
A
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XlS
N
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(2)_
faut-il à cet acte p o u r q u ’il soit obligatoire m algré les
.
nullités qui le vicient ?
i jj.
T elles sont les questions que présente celte cause, en
supposant q u ’ un acte sous seing p r i v é , p roduit par les h é -
‘ '
ritiers M a i g n o l , soit une vente. C a r , en point de fait,
' !
l ’appelant dém ontrera que cet acte n ’est q u ’ un titre de
■f
possession.
'
F A I T S .
:
'■
:1
P a r acte du 16 mai 1 7 5 5 , M ic h e l L en o L le donna à bail
em p ylitéotiqu e à des nom m és C h e fd e v ille , un p ré situé
*
près de L a n d o g n e , m oyennant 90 francs de rente annuelle.
C ’est ce p ré qu i fait l ’objet de la contestation.
L e m êm e j o u r , L e n o b le ven dit ladite rente de 90 fr.
à G u illa u m e M a ig n o l, du C h e v a l-B la n c , p o u r le p ayer
de 1800 francs q u ’il lui devoit.
L e 16 juin 1 7 7 7 , C h e fd eville subrogea ledit G u illa u m e
M a i g n o l , du C h e v a l- B la n c , audit bail e m p y lité o tiq u e ;
1
de sorte q u ’il lui céda la p ro p riété du pré.
Ce p ré étant situé près de L a n d o g n e , étoit désiré beau
cou p par le sieur P ie rre M a ig n o l, notaire audit lieu ; et il
paroît q u ’il chercha les m oyens d ’en devenir propriétaire.
1
II étoit créancier dessieurs L a rfe u il d ’une rente de
.1
56 f . ,
au principal de 2800 fra n c s , créée en 1 7 2 0 , due p o u r
m oitié par les héritiers de Jean-Franoois L a rfeu il.
L e s L arfeu il ayant vendu en rente un petit dom aine à
Jean G astier, P ierre M a i g n o l , de L a n d o g n e , avoit obtenu
i
contre lui une sentence h yp o th écaire en 1 7 6 6 , portant
permission de se mettre en possession ou faire vendre.
s
.
?
f
D e son c ô t é ,' G u illa u m e M a ig n o l , du C h e v a l- B la n c ,
�m
seigneur féodal dudit d o m a in e , et ayant acheté de l ’un des
L a rfe u il la m oitié de la rente due par Jean G a s t ie r , le
p ou rsu ivoit p o u r être payé des cens , lods et arrérages de
ren te, et se trou vo it em pêché par ladite sentence de 1 7 6 6 ,
en ce que sou ven d eu r l ’a vo it chargé de payer à P ie r r e
M a ig n o l la p ortion de la rente de 1720.
Cette p rocédu re fournit à ce dernier l ’occasion de faire
des propositions à G u illa u m e M a ig n o l , du C h e v a lB lanc , et de profiter de son ascendan t, en lui faisant
entendre que rien n’étoit plus aisé p o u r lui que de d e
v e n ir p ropriétaire de ce petit dom aine ven d u à G a s tie r,
lequ el étoit parfaitem ent à sa bienséance, puisqu’il jo i—
gn oit ses p ropriétés du C h eval-B lan c.
Il paroît que P ie rre M a ig n o l proposa à G u illa u m e de
faire par ce m oyen un échange de ses droits à ce d o
m aine , avec le p ré ven u de L e n o b le , assurant sans doute
q u ’ il n’y a vo it plus qu’à se mettre en possession dudit d o
m aine , au m oyen de sa sentence de 1766.
Cependant le sieur M a ig n o l, du
C h e v a l - B l a n c , ne
donna pas pleinem ent dans le piège. Il fut passé un acte
entre les parties, le 2 octobre 1779. M ais cet acte ne
contient pas de vente ; sa contexture m êm e p ro u v e que
le sieur M a ig n o l, du C h e v a l - B l a n c , entendoit stipuler
toute autre chose q u ’une vente , et
ne v o u lo it que
laisser le sieur M a i g n o l , de L a n d o g n e , jo u ir du p ré
L e n o b l e , jusqu’à ce q u ’il y eut qu elqu e chose de certain
p o u r lu i-m êm e au sujet du dom aine Gastier.
E n e f f e t , on lit dans cet a c t e , du 2 octobre 1779 , que
P ierre M a i g n o l , de L a n d o g n e , cède à G u illa u m e M a i
g n o l la rente de 28 fra n cs, au principal de 1400 francs,
A
2
�( 4 }
faisant m oitié (le celle de 1 7 2 0 , due par les héritiers de
Jean - François L a r f e u i l , ensemble les arrérages échus
depuis 1 7 5 8 ; p lu s , il cède audit G uillaum e M a i g n o l ,
du C h e v a l- B la n c , l ’effet d e l à sentence de i 7 6 6 , p a r l u i
obtenue contre Gastier.
Le
p r ix dudit transport est fixé entre
les parties
h 2000 fran cs, p o u r l'acquit de laquelle somme M a ig n o l,
du C h e v a l - B l a n c ( p rop riétaire cependant du p ré L e n o b l e ) , cède seulement à M a ig n o l, de L a n d o g n e , le co n
tr a t de rente de 90 francs à lui du p ar les héritiers de
P ie rre L e n o b le , suivant l ’acte du 16 m ai 1 7 5 5 ; la q uelle
ren te est p a y a b le , est-il d i t , p a r les jo u is s o n s du p ré
appelé P r é - G r a n d , s u r le q u e l elle e st sp écia lem en t
affectée.
E n c o n s é q u e n c e , au m oyen de la remise que fera
G u illa u m e M a ig n o l des titres c o n stitu tifs de ladite rente
de 90 fra n cs , ensemble des titres de créances y énoncés ,
il demeurera quitte de la somme de 1800 francs: et quant
à la somme de 200 fra n c s, P ierre M a ig n o l rcconnoît
l ’avoir reçue en délivrance de promesse de ladite somm e.
D e sa p a r t , P ierre M a ig n o l remet à G uillau m e la sen
tence de 1 7 6 6 , obtenue contre G astier; et néanmoins il
se réserve le contrat de rente de 1 7 2 0 , p o u r p ou rsu ivre
le payement de la m oitié qui lui reste, et m ê m e , d it - il,
les arrérages de la m oitié v e n d u e , antérieurs à J
;
758
enfin les parties se cèdent respectivement les droits rescindans et rescisoires qui p eu ven t résulter des contrats cidessus énoncés.
Il paroît aujourd’hui un acte sous seing p r i v é , de la
m êm e date que le transport ci - dessus, assez difficile à
�|2i
( 5 )
accorder avec les clauses dont on vient de rendre com p te,
du moins dans le sens que les adversaires lui d o n n e n t ,
mais qui p ro u ve ro it assez, s’ il étoit réellem ent de cette
date, que le sieur M a ig n o l ,d e L a n d o gn e, n’avoit cherché
à extorqu er un écrit quelconque du sieur M a i g n o l , du
C h e v a l-B la n c , que p o u r tirer parti un jo u r de son obscu
rité. Il est néanmoins évident q u ’il ne s’agissoit alors que
de lui laisser les jouissances du p ré I g n o b l e p o u r 90 fr.
p ar a n , afin de le payer de l ’intérêt des 1800 francs cidessus stipulés, jusqu’à ce que l’occupation réelle du d o
maine Gastier perm ît de faire un échange définitif.
Q u o i q u ’ il en soit, et en attendant que cet écrit jus
q u ’à présent inconnu soit mis sous les ye u x d e là c o u r , et
d is c u té , il s’agit de continuer l ’ordre des faits. L e sieur
M a ig n o l, du C h e v a l-B la n c , eut bientôt à s’applaudir de
n ’avoir pas entièrement cédé aux assurances du sieur
M a ig n o l, de L a n d o g n e ; car huit jours après l ’acte du 2
octobre 1779 , ayant pris possession notariée du dom aine
G astier, en vertu de la sentence de 1 7 6 6 , qui venoit de
lui être c é d é e , ledit Gastier loin de se rendre à une
expropriation v o lo n ta ire , com m e l’avoit prom is le sieur
M a ig n o l, de L a n d o g n e , alla au contraii'e t r ai t e r avec l’un
des L a r f e u i l , ses ve n d eu rs, qui offrit de payer le sieur
M a i g n o l , et conclut à ce qu ’il fût déchu de scs demandes.
E n e f f e t , par une sentence de la sénéchaussée d’ A u
vergne , au rapport de M . F a y d it , G u illa u m e M a ig n o l
fut d é b o u t é , à la ch arge d’être payé des cens à lui dûs per
so n n ellem en t, et seulement de la m oitié des arrérages
de rente par lui acquise de L a u re n t L a r f e u il.
Cette sentence ne dit rien de la moitié de rente cédée
par Pierre M a ig n o l à G uillau m e 7 qu oiqu ’elle fût de
�(
6
)
m a n d ée, et que la sentence de 1766 en portât condam
nation; de sorte que par le fa it, G uillaum e M a ig n o l, du
C h eva l-B la n c, n’a pas t o u c h é ,à ce qu’il p a ro ît, un denier
de ce qui lui a été vendu par M a ig n o l , d e L a n d o g n e ,
le 2 octobre 177 9 ; tandis q u ’on élève la prétention de
s’a p p r o p r ie r , sans bourse d élier, un p ré q u ’il n’a pas
vendu.
Cependant P ierre M a ig n o l, de L a n d o g n e , s’ éto itm is en
possession dudit p r é , et les fruits devoient lui en rester
p o u r la rente de 90 fra n cs, suivant la clause du traité, tant
que le sieur M a ig n o l , du C h e v a l-B la n c , ne p référeroit pas
jo u ir lui-m êm e en payant ladite rente.
O n pense bien que le sieur M a ig n o l , de L a n d o g n e ,
s’arrangea p o u r faire d u rer cet état de choses encore lo n g
temps , et q u ’il 11e manqua pas de réveiller de loin en
lo in l ’espoir de son cousin de devenir p ropriétaire du
petit dom aine G a s tie r , qui étoit si fort à sa bienséance.
Le
sieur M a ig n o l, du C h e va l - B la n c , éloigné du p ré
L e n o b le , ne mettoit pas un grand p r ix à en jouir lu im êm e , et peut-être lui eu exagéroit-on les in convénien s;
peu t-être aussi le sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e , savoit-il
tirer parti d ’ une espèce de dépendance dans laquelle il
a v o it su tenir son parent.
L e s choses restèrent en cet état jusqu’en l ’an 7 , que
le sieur M a i g n o l , fils de G u illa u m e , donataire universel
de son p ère par son contrat de m ariage, se m it en pos
session de ses biens en celte q u a li t é , et demanda à son
p ère des rcnseigneinens sur le résultat de l’acte de 1 7 7 9 ,
et d e là prise de possession du dom aine G a stier, que son
p ère lui rem eltoit avec d’autres titres. C ’est alors que le
sieur M a ig n o l p ère expliqua à son fils que si, à la y é r ilé ,
�lö s
(7
)
il ne jouissoit pas du dom aine G a s t ie r , il resloit maître
du p ré L e n o b l e , q u ’il rep rendrait quand il v o u d r a it, et
que lu i , M a i g n o l p è r e , n’a vo itp a s encore récla m é, parce
q u ’on l’avoit toujours bercé d ’ un vain e s p o i r , et parce
q u ’il devoit au sieur M aign o l, de L a n d o g n e ,p o u r un procès
de fam ille; ce qu i l’avoit em pêché de le contrarier.
M a ig n o l fils vo u lu t a vo ir une e x p lic a tio n avec le sieur
M a i g n o l , de L a n d o g n e , qui lui refusa toute com m unica
tion sur ce p oint, et n e lui répondit qu ’en pressant le paye
m ent d ’une cré a n ce étrangère au procès actuel. M a ig n o l
iils paya le z
5 nivôse
an 9 , et se crut dès-lors autorisé à
rec o u v re r ses droits.
L ’acte de 1779 qui lu i nvoit été remis n’énonçoit que
l ’acte de 1 7 5 5 , lequel ne donnoit la p rop riété du pré qu ’à
C h efd eville : il s’agissoit donc de rechercher la vente que
C h efd eville a vo it dû faire au sieur M a ig n o l, du C h e v a lBlanc. M ais l ’acte en avoit été reçu par le sieur M a ig n o l,
de L a n d o g n e , et il étoit difficile de se le p rocu rer -, il l’a vo it
refusé plusieui-s fois. E nfin M a ig n o l fils , étant parven u
à tro u ver la date de l’enregistrem ent, étoit p rêt à p o u r
suivre le sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e , lorsqu’il décéda.
A lo r s il demanda une exp éd ition au notaire , son suc
cesseur , q u i , en cherchant avec l u i , ne trouva pas la
m inute de l’acte dans la liasse de 1 7 7 7 , ni au répertoire.
A l o r s , p o u r éviter toutes difficultés, M a ig n o l fils p rit le
parti d’acheter du m eine C h e fd eville , lé 14 fructidor an 1 r ,
une ratification de la vente q u ’ il avoit consentie en 1777*
M u n i de celle p ièce, M a ig n o l fils inform é que le pos
sesseur du p ré L en o b le élo it A n to in e G u illa u m e , de P o n ta u m u r, le fit citer en désistem ent, par cédule du 3 v e n
dém iaire an 12.
�( 8 )
G uillau m e ne vo u lu t pas plus donner d ’explications que
le sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e , et ne com parut au bureau
de p aix que p o u r o b éir à la loi. Ensuite il se défendit
p ar des réquisitoires de qualités et de titres; et après c e la ,
il demanda la nullité de l’e x p lo it , sous prétexte que les
confins du p ré n’y étoient pas énoncés , qu oiqu ’ ils le fus
sent dans la cédule.
11 succomba justement sur cette c h ic a n e , par jugement
du 4 pluviôse an 12 , lequel néanmoins réserva les dépens
p o u r y être fait d r o it, en statuant au fond.
E n fin il plut à G uillau m e de rév éler q u ’ il étoit acqué
reu r du sieur M a i g u o l , de L a n d o g n e , par acte du 29 ven
tôse an 6 , et il assigna son vendeu r en garantie.
L e sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e , étoit décédé dans l ’in
tervalle ; ses enfans in te rv in re n t, et en rendant compte
des faits, ils se contentaient d ’abord de dire que leur père
étoit p ropriétaire en vertu d ’ un acte , sans l ’indiquer. C e
pendant il falloit ne pas s’en tenir à des mots ; et les h é r i
tiers M a ig n o l produisirent enfin un acte sous seing p r iv é ,
sous la date du 2 octobre 1 7 7 9 , enregistré seulement depuis
le p r o c è s , et ainsi conçu :
« J e so u ssig n é, subroge M e. P ierre M a i g n o l , bailli
« de L a n d o g n e , à l’effet de la vente du bail em phytéo« tique , appelé P r é - G r a n d , que M e. A n n o t C h cfd ev ille
« m ’a co n sen tie d e v a n t M a ig n o l, n o ta ire, le six juin mil
« sept cent so ixa n te-d ix-sep t, p o u r p a r lu i jo u ir dudit
« p ré ainsi q u ’il avisera bon être , m oyennant la somme
« de deu x cent quatre-vingts liv r e s , dont deux cents livres
« dem eurent compensées avec pareille somme de d e u x
« cents livrescoinprise en la cession que ledit sieur M a ig n o l
« m ’a faite devant A lle y r a t cejourd’h u i , d ’ un contrat de
« rente
�9
(
)
« rente sur les sieurs de L a r f e u i l , et les quatre-vingts livres
« restantes me seront déduites sur les arrérages réservés
« par l’acte ci-dessus daté. Fait ce deux octobre m il sept
« cent soixante-dix-neuf; et sig n é M a ig n a l.
« Enregistré à R i o m , le 24 nivôse an 13 : reçu
5
fr.
« 60 cent. , etc. »
L es héritiers M a ig n o l com priren t bien q u ’ils ne p o u voien t pas opposer cet acte à M a ig n o l fils , com m e ayant
une date certaine antérieure au procès. E n conséquence,
p o u r a v o ir plus de droits vis-à-vis M a ig n o l p è r e , ils de
m andèrent sa misé en cause , qu i fut ordon née par juge
m ent du 6 therm idor an 12.
L e sieur M a ig n o l, du C h e v a l-B la n c , ainsi assigné en
garantie par les adversaires, dit en défenses q u ’il reconnoissoit sa signature , mais que l ’ écrit qu ’on lui représentoit ne contenoit de sa part aucune con vention synallagm atique qui l’eût p riv é de la p ro p riété de son pré.
L a cause en cet état portée à l ’audience du tribunal
d ’arrondissement de R i o m , le 23 ventôse an 1 3 , les h éri
tiers M a ig n o l s’efforcèrent de jeter de la d éfa veu r sur
G uillau m e M a ig n o l p è r e ; et le sieur L e g a y , l ’un d ’e u x ,
q u i avoit écrit com m e scribe la m inute de l’acte du 2 oc
tobre 177 9 > u^ a jusqu’à d ire , en désespoir de cause, q u ’il
avoit écrit aussi un double du sous-seing p riv é p o u r être
remis au sieur M a i g n o l , du C heval-B lanc.
Q u e lq u e défiance que dût inspirer au tribunal une mise
en fait de cette im p o rtan ce , venant d’ une partie intéressée
a la fin d’ une seconde p la id o ir ie , elle r é u s s it, et le tr i
bunal ordonna la comparoissance des parties en personne
p o u r être questionnées sur ce fait.
B
�*
t i '
( 10 )
A l ’audicnce du 6 floréal an 1 3 , tout le m onde com
parut ; le tribunal fit p lu sie u rs questions à M aign o l père
et à M a ig n o l fils. L e sieur I.egay lui-même fut admis à
rép o n d re sur le fait par lui a llégu é , et le tout fut consigné
dans le jugem ent en form e d’interrogatoires.
M . le p rocu reu r im périal fut pleinem ent d ’avis que
l ’acte sous seing p r iv é n’avoit pas eu p ou r objet une vente
q u ’ il n’énonçoit p as, et q u ’il étoit d’ailleurs nul com m e
n ’étant pas double. Cependant le tribunal y vit une ven te,
et qui plus e s t , une vente valable ; en c o n s é q u e n c e, ii
d é b o u ta ‘ M a ig n o l fils de ses demandes (1).
( 1 )
J
u g e m e n t
d o n t
e s t
a p p e l
.
Entre Guillaume Maignol fils..........Antoine Guillaume............
Marie-Gilberte M aignol, et sieur Pierre L e g a y , son mari ; A n
toine M aignol, Gilberte M aignol, veuve Paneveyre, et autres.. . .
et Guillaume Maignol père.
Interrogatoire de Guillaum e M aign ol père.
A lui demandé si à l’époque de l’acte notarié, du 2 octobre
j 7 79 , il a été fait le même jo u r, entre les mêmes parties , un
acte sous signature privée. — Répond qu’il y a eu en effet un acte
sous seing privé. — Dem . Par qui les doubles ont été é c rits , et
s’il reconnolt le double sous seing privé qui lui est représenté
et rapporté par les parties de M°. Mayet. — Rép. que ledit acte
avoit été écrit de sa main. — Dem. Qui est-ce q u ia dicté les con
ventions. — Rép. que c ’étoit le sieur Pierre Maignol. — Dem . Si
ledit sieur Pierre Maignol avoit écrit quelque chose. — Rép. que
non , et qu’il est très-mémoratif qu’il n'y a pas eu d’autre double
écrit du sous-seing privé, que celui qui lui est représenté —
Dem . Quel a été le but de cet acte sous seing privé? — Rép.
�( 11 )
L e sieur M a ig n o l fils à interjeté appel de ce ju gem ent,
et ses m o y e n s , p o u r le faire accueillir , sont fondés sur
les principes les plus constans et sur la plus exacte justice.
que c’étoit pour céder au sieur Pierre Maignol la jouissance du
pré dont est question , jusqii à d&ïfômêauæ arrangemens entre
eux. — Dem. Le sieur Pierre Maignol ne devoit donc pas avoir
cette jouissance par l’acte notarié ? — Rép. que non ; qu il n’y
a que l’acte sous seing privé qui la lui délaisse. — A lui demandé
s’il ne fut pas question entr’eux de chercher à éviter les droits
de lods. — Rép. qu’il ne sait pas ce que le sieur Pierre Maignol
pensoit ; que pour lui ce m otif n’est entré pour rien dans cet
acte. — Dem . S’il a été question de la propriété du pré. — Rép.
que n o n , que ce n’étoit pas son intention, et que ce ne pouvoit
être non plus celle du sieur Maignol. — Dem. Pourquoi, n’ayant
été question que de la jouissance, l’acte sous seing privé ne fait
aucune mention de cette jouissance. — Rép. qu’il a écrit sous
la dictée de M. Maignol. — Dem . Si son fils étoit présent à cet
acte, — Rép. que non ; mais qu’en ayant eu connoissance peu
de temps après , il lui en avoit témoigné son mécontentement.
— Dem . Quel Age avoit alors votre fils ? — Rép. environ seize
ans. — A lui demandé si le sieur M aignol, ayant intention de
se soustraire aux droits de lods , n’avoit pas aussi l’intention de
devenir propriétaire au lieu de simple jouissant du pré. — A
répondu que M. Maignol a bien pu avoir cette intention ; mais
qu’il n’a pas été question de la propriété entre les parties. _
Dem . Lorsque vous avez fait donation de tous vos biens à votre
fils , aviez-vous alors la jouissance du pré? — Rép. que M. Mai
gnol en jouissoit alors. — Dem . Avez-vous donné le pré dont il
s agit? — Rép. qu’il a donné en général tous les biens qu’il avoit.
— Dem . Avez-vous eu connoissance de la vente du p r é , faite
le
ventôse an 6 par M. Maignol à Guillaum e? — Rép. que
ce t. objet pouvant se rendru ? il ne s’est pas mis en peine do
2
13
�-,
t
(
>2
)
/
M O Y E N S .
L e s premiers juges se sont occupés de l ’acte sous seing
s’informer de ce que le sieur Maignol feroit relativement à cette
affaire. — D em . S’il a su la vente. — Rep. qu’il en a eu connoissance quelque temps après ; et ensuite a ajouté affirmati
vem ent qu’il l’avoit sue quatre à cinq mois après. — Dem . S’il
avoit d’autres éclaircissemens à donner. — Rép. qu’ayant appris
la vente du pré par Pierre Maignol à Antoine Guillaum e, il a
voulu se procurer l’acte de vente de 1777, dont la minute étoit
chez ledit sieur Pierre Maignol ; il n’avoit pu se le procurer
d’abord. — Dem . Si le sieur L eg a y, notaire, a écrit un autre
double de l’acte sous seing privé. — Fiép. que non.
Interrogatoire du sieur M aig n ol f ils .
Dem . S ’il avoit eu connoissance des affaires faites par son père
avec le sieur Pierre Maignol, en 1779* — Rép. qu’il n’en a eu con
noissance que depuis qu’il a été à la téte de la maison ; qu’a
vant , son père lui avoit parlé des arrangemens faits avec le sieur
Pierre M aignol, en lui disant qu’il espéroit rentrer dans le pré.
— Dem . Rappelez-vous ce que vous a dit M. votre père à l’égard
de l’acte notarié et du sous-seing privé. —* Rép. qu’il lui a dit
avoir consulté MM. P a g è s, Andraud et Grenier sur l’acte sous
seing privé, et qu’on lui avoit dit qu’il étoit nul , pour n avoir
pas été fait double. — Dem . M. votre père avoit donc cet acte
alors? _ Rép. qu’il ne l’avoit pas, mais qu’il se rappeloit de son
contenu ; que son père lui a toujours dit qu’il n’y avoit pas eu
de double de cet acte. — M. Maignol père interpelé s’il est
vrai qu’il a consulté les trois jurisconsultes sus-nommés. — Rép.
qu’ou i, qu’il n’avoit pas l’a cte; mais que sur ce qu’il en a voie
rapporté, M. Andraud lui avoit assuré que l’acte étoit nuU —
�C 13 )
p riv é dont les adversaires font leur titre , comme si cet
acte ctoit souscrit par le dem andeur lui-môme ; ils ont
Dem. à M. Maignol fils, s’il a vu entre les mains de son pere
un écrit sous seing privé. — Rép. n’en avoir pas v u , et que
son père lui a toujours assuré qu’il n’avoit pas été fait de double.
— Dem. Si lors de la donation à lui faite par son p ère, celuici lui avoit aussi donné le pré. — Rép. que son père disoit tou
jours qu’il avoit droit de se remettre en possession dudit pré,
mais qu’il lui donnoit pour prétexte qu’il n’avoit pas le titre
qui établissoit la propriété de ce p ré , la minute de ce titre étant
entre les mains de Pierre Maignol. — D em . Avez-vous eu con
noissance que M. L e g a y , notaire, eût fait un des doubles du
sous-seing privé de 1779? — Hép. qu’il a ouï dire par son père
que le sieur Legay avoit été le scribe de l’acte notarié, et non
du sous seing privé.
Interrogatoire de M e. A n toin e Bouyon.
Dem . A vez-vou s eu connoissance qu’il eut été fait un acte
double sous seing privé ? — Rép. n’avoir eu connoissance et
11’avoir entendu parler de cet acte que depuis l’affaire dont
s’agit.
Interrogatoire de M e. P ierre Legay.
Dem . A vez-vou s eu connoissance qu’il eût été fait un acte
double sous seing privé? — Rép. que se trouvant à L andogne,
M. M aignol, de Landogne, qui étoit dans son cabinet avec
M. M aignol, du Cheval-Blanc , l’appela, et l’invita à écrire un
double sous seing p riv é , contenant subrogation de r e n te , et
notamment contenant aussi cession tl’un-pré de la part du sieur
M aignol, du Cheval-Blanc, au profit du sieur Pierre Maignol,
de Landogne. — Dem . Etes-vous mémoratif si l ’acte que vous
écrivîtes étoit sur papier timbré ou sur papier libre? — Rép.
�C H )
confondules moyens de M a ig n o l fils avec ceux de M a ig n o l
p è r e , sans donner de motifs de cette résolution p rin ci-
qu’il ne se rappelle pas sur quel papier il écrivit. — Dem. Q uel
qu’un écrivoit il avec v o u s? — Rép. qu’il ne s’en rappelle pas
t r è s - positivement ; que néanmoins, sans pouvoir Lien le cer
tifier, il croit que M. M aignol, du Cheval-Blanc , écrivoit avec
lu i , et que M. M aignol, de Landogne, leur dictoit. — jD< m. Lors
que vous eûtes fini d’écrire , qui est ce qui signa? — Rép. qu’il
ne s’en rappelle pas. — Dem . S’il n’écrivit qu’un acte , et s’il
n’en écrivit pas deux. — Rép. qu’il est mémoratif d’en avoir
écrit un seulement. — D em . M. M aignol, de Landogne, écri
vit il en même temps que yous? Rép. que non; que c ’est lui
qui dictoit.
Après ces différens interrogatoires, M. le procureur impérial
a porté la parole ; et après un résumé de l’affaire , il a été d’avis
de déclarer nul l ’acte sous seing p rivé, du 2 octobre 1779 ,
parce qu’il n’avoit pas été fait double ; a conclu à ce qu’Antoine Guillaume fût condamné à se désister du pré dont il s’a g it,
en faveur du sieur Guillaume Maignol père , ou quoi que ce soit
Guillaume M aignol, son fils et donataire, avec restitution de
jouissances, et aux dépens. Il a pareillement conclu à ce que
les parties de M ayet fussent tenues de garantir ledit Antoine
Guillaume des condamnations contre lui prononcées.
Les débats terminés , le tribunal a ordonné que les pièces
seroient mises sur le bureau, pour en être délibéré en la chambre
du conseil.
La cause de nouveau appelée en cette au d ien ce, il en est
résulté les questions suivantes à résoudre.
Q uestions.
Quels effets doivent avoir les actes des 16 mai 1755, 6 juin
1777 > l ’acte notarié, du 2 octobre 1779, et l’acte sous seing
�«
( i
5
I
)
p a le ; et cependant ce n’étoit pas une m édiocre difficulté
que celle de savoir jusqu’à quel point un fils, donataire
p rivé, du même jour deux octobre 1779» intervenus dans la
i'amille des Maignol?
L ’acte sous seing privé, du 2 octobre 1779, n’énonçant pas
qu’il a été lait double , cette irrégularité doit-elle le faire dé
clarer n u l, lorsque cet acte a reçu , du consentement de celui
qui veut l’attaquer, uns exécution complète pendant plus de
vingt-cinq ans?
E n ce qui touche la demande en désistement, formée contre
le nommé Antoine G u illaum e, du pré dont il s’agit ;
Attendu que cette demande est subordonnée à l’effet que
doivent avoir différens actes qui ont été consentis entre les
M aign ol, relativement au pré en question.
En ce qui touche la validité de ces actes ;
Attendu qu’il est établi que par le contrat du 16 mai iy 5 5 ,
Guillaume Maignol père a acquis la propriété de la rente fon
cière de go francs , assise sur le pré dont il s’agit;
• Attendu que par contrat du 6 juin 1777, le même Guillaume
Maignol père étant devenu propriétaire de ce pré , a réuni par con
séquent dans sa main la rente , et le pré qui étoit asservi à cette
rente ; que dès-lors il y a eu en sa personne confusion des qua
lités de créancier et de débiteur, ce qui a opéré nécessairement
l’extinction de ladite rente ;
Attendu que le contrat du 2 octobre 1779, consenti par G uil
laume Maignol père à Pierre M aignol, son parent, n’a pu avoir
réellement pour objet la cession de la rente qui n’existoit plus,
et ne peut se référer qu’à la cession de la propriété du pré;
Attendu que l’acte sous seing privé du môme jour 2 octobre
» intervenu entre les mêmes Guillaume Maignol p è r e ,
et Pierre M aignol, a subrogé ledit Pierre Maignol à la cession
co n sen tie à Guillaume Maignol p a r le contrat du G juin 1777;
J779
�( 16 )
par acte authentique , p o u v o it être tenu de l ’effet d ’ un
acte sous seing p r i v é , n ’ayant de date certaine q u ’après sa
donation.
,
que cette subrogation générale des effets de l’acte de 1 7 7 7
ne peut s’entendre que de la propriété du pré dont il s’a g it,
puisque cet acte de 1777 étoit uniquement translatif de la pro
priété du même pré ;
Attendu que quoique cet acte sous seing privé , du 2 octobre
177g, ne fasse aucune mention qu’il a été fait double entre les
parties, Guillaume Maignol p è r e , ni Guillaume M aign o lfils,
ne peuvent, dans les circonstances où se trouvent les parties-,
exciper de cette omission , parce qu’il résulte des réponses
faites par lesdits Maignol père et fds, lors de leur comparution
à l’audience, qu’ils ont connu la possession publique de Pierre
Maignol, et après lu i, du mommé Antoine Guillaume , tiers dé
tenteur ; qu’ils ne se sont pas mis en devoir de réclam er cofitre
cette possession ; qu’ils ne se sont pas mis en devoir non plus
de réclamer contre l’acte du 2 octobre 1779, quoique cet acte
fût présent à leur e sp rit, et du fait personnel de Guillaume
Maignol père ;
Attendu que cette exécution donnée à cet acte sous seing
p rivé, du 2 octobre 1779, forme une fin de non-recevoir contre
Guillaum e M aignol, d’après l’article 1Z2Ü du Code civil ;
Par ces m otifs,
L e trib u n a l, par jugem ent en premier ressort, ayant au
cunement égard à ce <jui résulte des réponses faites par lesdits Maignol père et fils, lors de leur comparution à l’audience
dudit jour G du présent mois de floréal, déclare Guillaume et
autre Guillaume Maignol , père et fils , non recevables dans
leur demande en désistement du pré dont il s’agit. Sur le sur
plus de toutes les demandes en recours et contre recou rs, et
autres dem andes, met les parties hors de cause ; compense les
Une
�( 17 )
U n e donation contractuelle ne peut subir aucune dim i
nution ; car c’est sous la foi de cette promesse que deux
familles se sont unies. Q uand la donation contient tous les
biens p rése n s, elle doit se composer de toutes les actions
qui résultent des titres remis par le donateur au donataix*e; caries actions sont aussi des meubles ou des im m eu
b le s, suivant l’objet q u ’elles tendent à recouvrer. ,
Com m ent donc admettre que les droits assurés à des
futurs et à leurs d escen d an s , par leur co n tra t de m ariage,
puissent être d im in u és sous aucun prétexte par des sousseing privés , d’ une date à la v é rité a n térieu re, mais non
constatée par l’enregistrem ent? Il en résulteroit souvent
que deu x fam illes, après avp ir com pté sur une fortune
conséquen te et p ro p o rtio n n é e , sur le v u de plusieurs titres,
n ’auroient cependant fait q u ’ un calcul in u t ile , et que l ’ un
des ép o u x se t r o u v e r a it , après ses n o c e s , n ’avoir que la
moitié de la fortune qu ’il avoit établie et justifiée en se
mariant.
C ’est p ou r p rév e n ir de tels m écom ptes que les lois pros
crivent les contre-lettres aux contrats de m a ria ge, et q u e ,
dépens entre ledit Antoine G uillaum e, ledit Antoine Maignol
et consorts ; et condamne lesdits Guillaume et autre Guillaume
M aignol, père et fils , en tous les dépens faits tant à l’égard
dudit Antoine Maignol et consorts ès-dits noms , q u en ceux
qui ont été compensés entre lesdits Antoine G uillaum e, A n
toine Maignol et consorts; et aux co û t, expédition et significa
tion du présent jugement.
Fait et prononcé publiquem ent, à l’audiencc du tribunal civil
de première instance , séant à R io n i, par MM. P a r a d e s , prési
dent; D a n i e l , A s t ie h et M a n d o s s e , juges , le 18 flo réa l
i 3,
C
�I^K
M
( i 8 )
dans les donations de biens présens et à v e n i r , il est permis
aux ép o u x de s’en tenir aux biens présens, p o u r que leur
contrat ne souffre aucune dim inution dans la fortune alors
p rom ise, et qu ’ils demeurent entièrement hors de la dé
pendance du donateur.
Certes le sieur M a ig n o l fils n’entend en cette cause élever
aucune sorte de soupçon contre la sincérité de l ’écrit de
son p è r e ; mais il n ’est ici que le ch ef de sa fam ille, et
il plaide p o u r le maintien d’ une donation qui a saisi aussi
ses descendans. Son contrat de mariage a été compté p o u r
r ie n , et c’étoit l’acte qui devoit l ’em porter sur toutes les
autres considérations. D e vagues recherches sur l ’inten
tion des parties, et sur la connoissance que M a ig n o l fils
avoit pu avoir à seize ans de l ’existence d’ un sous-seing
p riv é , ne pou vo ien t conduire les premiers juges que des
hypothèses à l’abstraction , et de l ’abstraction à l ’erreur.
A quoi p ou vo ien t tendre en effet les questions faites au
sieur M a ig n o l fils, s’il avoit eu connoissance de l’écrit sous
seing p r iv é en 1779 > ^ un “ ge ° ù 011 n,° °lue ^a^re de s’oc
cuper des petits détails d’une fortune dont on ne jouit pas ?
I-e sieur M a ig n o l père avoit dit à son fils qu ’il avoit signé
un acte nul et n on d o u b le, p o u r céder au sieur M a ig n o l,
de L a n d o g n e , les jo u issa n ce s d ’ un pré. U n e consultation
d’avocats en porta le môme ju gem en t; et dès-lors on pense
bien que cette d écision q u i sans d ou te tran q u illisa le p e re ,
n ’occupa bientôt plus le fils. 11 a fallu ensuite l’im por
tance et les débats d ’un procès p our lui rappeler uu fait
presque effacé de son souvenir.
T o u tes les précautions qu ’ont prises les premiers juges
�ki5
( 19 )
p o u r chercher la pensée des sieurs M a ig n o l père et fils dans
leurs réponses , et les mettre en défaut par des questions
inattendues, ne pou vo ien t donc changer l ’état de la cause.
Il y avoit un point de vu e c e rta in , qu i conduisoit à une
simple question de d ro it, et dispensoit de se perdre dans
le vague des conjectures.
P o u v o it-o n opposer à M a ig n o l fils , donataire contrac
tuel en l ’an 7, demandeur en désistement en l ’an 1 1 , un acte
sous seing p r iv é , en registré en l ’an 1 3 ? Ce_spus-seing p riv é
étoit-il une vente et une vente valable du p ré conten
tie u x ? L a jouissance dudit p r é , qu ’a vo it eue le sieur M a i
g n o l , de L a n d o g n e , s u p p o so it-e lle nécessairement une
vente , com m e l ’ont décidé les premiers juges ?
Q uand m êm e il auroit été possible de dim inuer par
une vente sous seing p riv é l ’efFet d’ une donation con
tractuelle , au moins au roit-il fallu que cette vente fût
p a rfa ite , et que l’acte duquel on v e u t la faire résulter en
eût tous les caractères et toutes les formes.
A u con traire, on ne vo it dans le sous-seing p r iv é , du 2
octobre 1 7 7 9 , et en
supposant à. celte d a te , q u ’ un
acte obscur et é q u iv o q u e , dont l’intention n ’a pas m êm e
p u etre bien exp liqu ée par ceu x qui s’en font un titre.
Si l’on se reporte aux circonstances qui ont p récéd é et
accom pagné cet a c t e , on est bientôt convaincu que le
sieur M a ig n o l, du Cheval-B lanc, n’entendoit céder son pré
L en o b le , que dans l ’expectative du dom aine Gastier ; et
q u e , jusqu’à ce q u ’ il pût etre p ropriétaire lui-meme ,
il n’entendoit pas vendre.
Sans cela , com m ent exp liq u e r cet am algam e d'aclcs
C 2
>|}»j
�Vai
( 2° )
inu tiles, et"en quelque sorte inintelligibles et incom pa
tibles ?
M a ig n o l père étoit prop riéta ire du p ré L e n o b le , di
sent les adversaires , puisqu’il a vo it acquis la rente en
55 , et l’effet du bail em phytéotique en 17 7 7 , par acte
passé devant M a ig n o l, de L a n d o g n e , lui-même.
Cela est certain ; et c’est précisément parce que M a ig n o l,
i j
de L a n d o g n e , étoit le rédacteur de l’acte de 17 7 7 , q u ’il
ne pou vo it pas ignorer que le sieur M a i g n o l , du ChevalBlanc , propriétaire du domaine utile et direct du pré
L e n o b le , 11’avoit q u ’un mot à dire p o u r le vendre , sans
user d ’autant de détours et de circonlocutions.
Si son intention eût été de vendre , p ou rq u oi donc
auroit-il vendu une î-ente de 1 7 5 5 , qui n’existoit plus ,
et q u ’il créoit sur lui-m êm e en d’autres te rm e s, en do n
nant une plus ancienne h yp othèqu e ?
P o u rq u o i auroit-il fait deux actes au lieu d’ un seul ?
p o u rq u o i a u r o it-il pris des précautions p o u r valider un
acte absolument inutile, et n’en auroit-il pris aucune p o u r
la rédaction du seul acte qui eût un sens et un résultat ?
A qu i persuadera-t-on que le sieur M a ig n o l, de L a n
dogne , bailli de sa justice , et notaire in telligen t, se fût
contenté de tels a ctes, s’il eût voulu devenir réellem ent
et solidement p rop riéta ire? ou p lu tô t, qui ne sera pas per
suadé , à la le ctu re de ces d e u x actes d u m êm e jour ,
que le sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e , a vo ulu enlacer le
sieur M a ig n o l , du C h e v a l-B la n c , par des clauses entor
tillées et peu intelligibles , qui présentassent au besoin
un sens favorable à l’intention de ce d e r n ie r , lequel dût
en effet s y laisser prendre.
�147
( 21 )
Car ne perdons pas de v u e que le sieur M a i g n o l , de
L a n d o g n e , a d icté ( on l’avoue ) l’acte sous seing p r iv é ,
du 2 octobre 1779. Il ctoit donc bien le maître de d icter
une ven te, si telle étoit l ’intention de M aign o l père. D èslors s’il n ’en a pas dicté une claire et non é q u iv o q u e , il
est clair que l’acte doit être interprété contra eum in
ci/jus potestata e ra t legem apertiiis dicere.
O r , le sieur M a i g n o l , de L a n d o g n e, s’est fait subroger
à l’effet d’ une vente de bail em phytéotique d’ un p r é , p o u r
p a r lu i jo u ir d u d it p ré ainsi qu’ il avisera bon ê tr e ,
moyennant 280 francs \ et cela ne ressemble nullem ent
à la vente franche et simple dudit pré.
Il
est bien plus clair q u ’il ne s’agissoit que de jouis
sances , et l’acte notarié le p ro u v e ; car la rente de 90 fr.
créée ou renouvelée par M a i g n o l , du C h e v a l - Blanc ,
étoit payable par les jo u is s a n s du pré. O r , peut-on à.
présent se m épren dre à l’intention des parties ? L ’acte
notarié étoit un prem ier pas vers une convention plus
importante. L es parties p révo yo ien t que M a ig n o l , du
C h e v a l-B la n c , auroit le domaine Gastier , et alors tout
auroit été consommé. Jusque-là il devo it une rente ; et
cependant il stipuloit q u ’elle seroit payée par ceux qu i
jouiroient du pré.
S’il eût jo u i, il devoit payer lui-m em e ; mais le sieur
M a ig n o l, de L a n d o g n e , devoit jo u ir , et alors il se payoit
par ses m ains, d’après la clause, com m e jo u is s a n t ; il lui
ialloit donc un nouveau titre p o u r jo u ir du p ré : voilA
donc le m o tif exact et visible du sous-seing p rivé.
Cette interprétation si facile 11’a point échappé aux
4SI
�(
22
)
héritiers M a ig n o l, à qui il auroit peut-être été nécessaire
de demander aussi à quoi avoit pu être utile de faire deux
actes p o u r un. Il est vrai q u ’ils avoient p ré v u l ’objec
tio n , et y avoient rép on du d ’avance; c’é to it, dirent-ils
d ’abord , p o u r év iter les droits d’cnregisti'ement.
M ais , d’après le tarif de 1722 , qui étoit suivi en 1 7 7 7 ,
une vente d ’immeubles payoit un droit de 1 fr. p o u r
les premiers 100 f r . , et 10 sous p ou r chaque 100 francs
suivans. A in s i , c’étoit 35 sous p ou r 280 francs ; et à
supposer , com m e l’entendent les adversaires , que le p r ix
eût été de 2000 fran cs, c’eût été 10 liv. 10 sous ; tandis
que l ’acte notarié , du 2 octobre 1 7 7 9 , a payé un droit
de contrôle de 14 liv, 12 sous; ce qui encore ne dispensoit pas du contrôle du sous-seing p r i v é , quand il y au
roit lieu de le produire.
A ussi n ’est-ce plus là la cause q u ’ont donnée depuis
les adversaires; c’é to it, ont-ils d i t , p o u r éviter le paye
ment des droits de lods.
Singulière raison p o u r le bailli de la justice, qui ne
pou vo it pas être traité bien rigoureusem ent en fiscalité*.
A u reste, le droit le plus ordinaire étoit de 2 sous 6 de
niers p ou r livre. Ce q u ’ il appelle son contrat de vente
portait un p rix de 280 fr. ; c’étoit donc 35 fr.
q u ’ il
s’ agissoit d’éviter.
D ira -t-o n cn c o rc q u e celte som m e n’ étoit pas le p r ix
réel ? Mais , si le sieur M a i g n o l , de L a n d o g n e , ne faisoit
un sous-seing p riv é que p o u r 11e pas payer des lods , ce
n ’étoit donc pas la crainte de ce droit qui lui faisoit dis
sim uler le p rix : convenons plutôt que si au lieu du p rix
im aginaire q u ’il a fait écrire dans ce sous-seing p riv é , il
�avoit inséré un p rix ap pro xim atif de la valeur de l ’ im
m e u b le , il auroit excité la défiance du sieur M a ig n o l, du
C h eval-B lan c ; et c’est ce qu ’il vo u lo it éviter. R e m a r
quons encore q u ’avec cette version, les adversaires sont
forcés de donner p our prétexte de l’illégalité d’un a c t e ,
line fraude que leu r père vo uloit c o m m e ttre , et dont
cependant ils veulent s’adjuger le profit.
C om m ent donc v o ir une vente de p r o p rié té dans ce
sous-seing p riv é ? C o m m e n t c o n c e v o ir q u ’il ait une exis
tence com patible avec l’acte notarié du m em e jour ? A u
contraire , en ne vo ya n t dans le sous-seing p riv é q u ’un
p o u v o ir de jo u ir du p ré p ou r la rente de 90 fra n c s, et le
lé g e r supplément c o n v e n u , on entend alors parfaitement
l ’existence simultanée des deux actes: et on concoit c o m m ent le sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e , créancier d’une
rente payable par les jo u is s a n s du pré , eut besoin d’un
second titre qui le rendît jo u is s a n t lu i-m e m e ?
D e cette m a n ière, il n’ étoit plus nécessaire que l ’acte
sous seing p riv é fût double ; car si le sieur M a ig n o l, du
C h eva l-B la n c , avoit v o u lu demander les jouissances du
p r é , le sieur M aign o l, de L a n d o g n e, lui auroit exh ibé son
é c rit, portant q u ’il avoit eu le droit d’en jouir. Si à son
tour ce dernier avoit demandé les arrérages de rente ,
l ’autre auroit répondu q u e , com m e jo u is s a n t du p r é , il
se les devoit à lui-m em e.
L a cause est donc claire dans ce sens ; mais si on ve u t
v o ir une vente dans ce sous-seing p r i v é , alors non-seu
lement tout est in e xp lica b le, com m e on vient de l ’o b
server , mais encore les principes s’opposent a bsolu m en t
a ce que cet acte puisse contenir une vente vala b le.
�( 24 ?,
Les actes translatifs de p rop riété sont des notes trop im-
portans à la société, p o u r q u ’on puisse les dispenser avec
trop de légèreté de la rigu eu r des formes légales. Ce que
la loi a v o u l u , a dû être la règle com m une ; et si quelques
exceptions tolèrent par fois l’arbitraire, dont il faut tou
jours se tenir en défiance, ce 11e peut être que p o u r venir
au secours de l ’ ignorance qui a traité avec bonne fo i, et
qu i ne doit pas en demeurer victime.
M ais un notaire éclairé com m e le sieur M a i g n o l , de
L a n d o g n e , p o u v o it-il ignorer que tous les actes synallagmatiques doivent porter m in u te , s’ ils sont notariés, et
doivent être faits doubles, s’ils sont faits sous seing p r iv é ?
L a raison le d i r o i t , si les premiers élémens du droit ne
l ’enseignoient com m e un principe.
C ’est m êm e la plus usuelle des maximes ; car tous les
jours on fait de pareils actes, et les moins expérim entés
n’oublient pas de v o u lo ir en retenir une copie. Cela arrive
p o u r les actes les plus simples ; et com m ent un notaire
qui eût dicté une vente Pauroit-il oublié p o u r lui-m êm e ?
L a nécessité de réd iger en double écrit les actes synallngmatiques d é riv e évidem m ent de la nature m êm e de
ces actes ; car si p ou r la validité d’ un acte de ce genre
il est requis que chacune des parties soit obligée envers
l'autre; si p ou r la validité d’ une vente il est nécessaire que
l’un consente à ven d re, et que l’autre consente à acheter,
il faut dès-lors, par une conséquence fo rc é e , que chacun
puisse avo ir dans ses mains la p reu ve que l’autre a co n
s e n ti j sans cela , il seroit au p o u v o ir de l’ une des parties
de détruire l’a c t e , ou de contester son existence.
T o u s les auteurs enseignent ces principes, et prou ven t
par
�WiSl
*5
(
)
par une foule d’arrêts, qu’ils ont été consacrés p a rla juris
prudence la plus constante.
U n arrêt du 6 août 1740 déclara nul un acte par lequel
l'archevêque de Reim s s’étoit soumis à acheter l’hôtel de
Conti m oyennant 460000 fr. L ’acte n’étoit pas fait do u b le;
mais les héritiers du prince de Conti opposoient que l’acte
11’avoit pas dû être d o u b le , parce q u ’il n’étoit obligatoire
que p ou r l’archevêque qui l ’a v o i t signé. L a m êm e chose
fut jugée par a r r ê t du 2 9 no vem bre 178 1 , entre le sieur
F o rg et et le duc de G ram m o n t : il y avoit mêm e eu m en
tion de l’acte et réparations commencées ; néanmoins le
sieur F orget obtint que les lie u x seroient remis en leur
prem ier é t a t , ou des dom m ages-intérêts en cas qu’ils ne
pussent se rétablir.
U n autre arrêt du 23 juin 176 7 a jugé la rigueur du
principe dans des termes plus forts encore. D e u x co h éri
tiers a voien t fait un partage sous seing p r iv é , et l’ un d ’e u x
devoit payer p ou r retour de lot à l’autre 240 fr. L ’acte
fut déposé chez le curé du lie u ; chacun jouit de son lo t;
et dans un contrat de mariage postérieur, un des copartageans se constitua, en présence des autres, le lot à lui échu.
L ’ un des coh éritiers, après plusieurs an nées, demanda
un partage , et soutint que l’acte q u ’on lui présentoit étoit
nul p ou r n’a vo ir pas été fait double. O n lui opposoit le
dépôt en main tierce , sa p rop re exécution pendant six
an s, et des coupes d’arbres dans son l o t , sa présence m êm e
au contrat de mariage ci-dessus, et l’adhésion de tous les
autres héritiers.
Ces moyens avoient réussi en première instance en 1764;
mais sur l’appel à A m ien s , la force des principes p ré-
D
�(
2°
)
Valut. U n e sentence de 1766 pronoflça la nullité de l’acte,
et ordonna un nouveau partage. Su r appel au parle
m en t, cette sentence fut con firm ée, après une plaidoirie
très-d éb a ttu e, dit l’arrêtiste, et l’appel fut mis au néant.
Enfin on connoît l ’arrêt cité par I,ép ine de G rain ville.
U n e vente avoit été faite en deux doubles; mais il n ’étoit
pas fait m ention dans les deux écrits qu’ils eussent été faits
doubles : ils étoient représentés tous deux , et cependant
l ’acte fut déclaré nul.
C e u x qu i ne veu len t v o ir dans les procès que des cir
constances toujours variables, et ces apparences fugitives
de bon ou mauvais d r o it, qui s’évanouiroient souvent le
le n d e m a in , si on les exam inoit sous un autre point de
v u e , ceux-là , disons-nous , pou rroien t s’étonner d ’ une
telle jurisprudence, sans songer que si le su m m u m ju s a
p a rfo is ses inconvénien s, l’arbitraire en a m ille fois davan
tage. Ils p eu ven t lire dans L é p in e de G ra in ville les motifs
qu i engagèrent le parlement à se décider p o u r la nullité
dans l ’espèce ci-dessus, et peut-être cesseront-ils de penser
que le juge doit rester le maître de son o p in io n ,q u a n d il
en voit le d a n g e r , et quand il peut se gu ider par les
principes.
L ’article 1325 du Code civil les rappelle , et devoit
em pêcher les prem iers juges de faire autant d ’efforts p ou r
rechercher s’ il avoit été lait un double du sous-seing p rive
du 2 octobre 1 7 7 9 , q u i , par son slyle et son c o n te x te ,
p ro u v o it cependant assez par lui-m êm e q u ’il n ’avoit pas
du être fait double.
a L es actes sous seing p riv é , dit le C o d e , qui contien« nent des conventions syuallagnialiques, ne su n i valables
�7
(*
)
« q u ’autant q u ’ils ont été faits en autant d’originaux q u ’il
« y a de parties ayant un intérêt distinct.
« C h a q u e o rig in a là o it contenir la m en tion du nom bre
« des originaux qu i en ont été faits.
« N éanm oins le défaut de m en tion que les o rigin aux
« ont été faits doubles, ne peut être opposé par celui qu i
« a exécuté de sa part la convention portée en l ’acte. »
A i n s i , quand il eût été vrai que le sieur L e g a y eut
écrit un double sous la dictée du sieur M a i g n o l , de L a n dogne \ q u a n d il seroit aise de concevoir que celui-ci eut
de sa part signé un écrit par lequel il auroit dit : J e
sig n é
so u s
, subroge M e. P ie r r e M a ig n o l ( c’est-à-dire, lui-
m êm e ) , (i Veffet, etc.; quand celte rédaction insensée
seroit vraisem blable, un tel acte n’en vau dro it pas m ie u x ,
parce que ch a q u e o rig in a l ne contieudroit pas la m en
tion qu ’il a été fait double.
■ M a is , s’écrient les héritiers M a ig n o l , au moins êtesvous dans l’exception du Code que vous citez vous-m êm e;
Car vous avez la issé jo u ir le sieur M a ig n o l, de L a n d o gn e :
donc vous avez e x é c u té la vente.
O n pourvoit d ’abord rép on dre que le Code civ il peut
etre in v o q u é p o u r le passé , quand il est conform e aux
anciens p rin c ip e s , s i neiupè declaret ju s a n tiq u u n i n ova
co n stitu tio , mais qu ’il ne faut pas le suivre lorsqu’il s’en
écarte ; que d ’après cela il y avoit lieu de le citer poul
ie défaut de mention du m ot f a i t double , parce que les
arrêts y étoient conformes ; mais que les arrêts n’attaelioient aucune im portance à l ’exécution d ’ un acte nul
dans son p rin c ip e , com m e on le v o it notamment par l'arrêt
D
2
�•
«
C i
I
i . ( *8 )
de 1767 ; car ce seroit donner un effet rétroactif à la lo i,
ce qui n’est pas dans l ’intention du Gode.
M ais passons encore légèrem ent sur ce m oyen, et voyons
s’ il y a réellem ent une e x é cu tio n de l’acte sous seing p riv é
dans le sens de l’art. 1 3 2 6 , c’est-à-dire, si le sieur M a ig n o l,
du C h eva l-B la n c , en la issa n t jo u ir le sieur M a ig n o l, de
L a n d o g n c , a nécessairement entendu ex é cu te r un acte
de vente.
Sans doute , si j’acliète un p ré et que je paye le p r ix
co n v e n u , j’exécute la c o n v en tio n ; de m ê m e , si je vends
un p ré dont j’étois en possession h i e r , et q u ’après en
a vo ir touché le p rix je le liv re dem ain, sans autre cause
de tradition , et sans éq u iv oq u e , j’exécute encore le
m arché. V o ilà bien ce qu ’a vo u lu dire le Code : pas de
difficulté sur ce point.
M a i s , si l ’acheteur s’empare de l ’objet vendu , ou s’ il
a un autre titre de possession que la v e n t e , alors l’équ i
v o q u e du m ode de possession p rod uit l ’éq u iv oq u e du titre,
et le vice du titre renaît dès l’instant q u ’il n’est plus pos
sible d’être convaincu que l’occupation de la chose vendue
soit l’effet n écessa ire de l’acte de v e n te , com m e la p reu ve
certaine de son exécution.
O r , revenons à la position des parties en 1779. Sans
doute , s’ il n’existoit d ’autre acte que le sous-seing p r i v é ,
et si le sieur M a ig n o l, de L a n d o g n c , n ’é to it en posses
sion q u e « vertu de cet acte , il sero it difficile de p ré
tendre qu ’ il n’a eu aucune exécution.
M a i s , i° . q u ’on supprime tout à fait le sous-seing p r i v é ,
et on concevra encore d ’après l’acte notarié du 2 octobre
1 7 7 9 , que le sieur M a i g n o l , de L a n d o g n c , a eu qualité
p o u r jouir.
�^
»
9
( 2 )
E u effet, com m e le disent les adversaires, il fit créer
en sa faveur une rente qui n ’existoit plus. L e sieur M a i
g n o l , du C h e v a l-B la n c , ne stipuloit pas qu ’il la payeroit,
mais il disoit q u ’elle seroit payée p a r les jou issa /is du
pré. D o n c le sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e , clierchoit un
titre de jouissance, p o u r em pêcher de transporter cette
jouissance à d’autres : donc s’il a joui ensuite, c’est d’après
sa prop re convention p o u r le payem ent de sa rente. Sa
\ jo u is s a n c e n’est donc pas la p reu ve certaine de V ex écu tio n
d ’ un contrat de vente.
t
2°. Cette prétendue vente est encore si obscure, que ce
. n’est en vérité pas la peine de v io le r une loi p o u r elle.
U n notaire qui veut acheter p o u r être p r o p r ié ta ire , ne
se fait pas subroger à un bail em phytéotique p o u r jo u ir .
U n notaire qui dicte une vente p o u r lu i-m êm e, la dicte
com m e celles q u ’il rédige p o u r les a u tr e s , et ne fait pas
écrire un ba rb o u illa g e, ou astucieux, ou vide de sens.
M ais enfin les adversaires qui ne veulent v o ir que l’e x
ception du Code c i v i l , parce qu ’elle leur est fav o ra b le,
et que rien n’a plus de latitude au g ré des plaideurs que
les exceptions des l o is ; les adversaires, disons-nous, ne
rem arquent pas qu ’il faut cependant entendre la loi dans
un sens raisonnable ; car c’est bien là au moins l’inten
tion du législateur.
L a nullité ne peut pas être opposée par celui qui a
e x é c u té de sa pa rt la convention : voilà l’exception du
Code.
P o u r appliquer cette e x c e p tio n , fa u t - il une exécution
a c t iv e ? laut-il une exécution e n tiè re ?
J e vends aujourd’hu i un im m euble par acte non clou-
m
�33
(
)
b lc , et je le livre. Si au terme on ne me paye p a s , je
ne puis m e servir de ma vente , car je n’en ai pas. J ’aurai
bien une action eu désistement qui forcera l ’acheteur à
s’exp liq u e r : mais si la vente lui est onéreuse , il se
désistera ; s’il la tro u ve avantageuse, il la produira ; et
je ne pourrai l’em pêcher d’être maître de sa cause , parce
qu e j’aurai e x é c u té de m a p a rt la convention. A in si
une convention synallagm at/que m ’aura obligé s e u l:
voilà l’abus des interprétations forcées d’une loi qui n’a
rien vo ulu de pareil.
L es différentes parties de l ’article 1 3 2 5 , doivent s’ex
p liq u er l’une par l’autre , de m anière à être entendues
en s e m b le , et sans s’entredétruire. L e Code a vo u lu que
V exécu tion fût un m oyen contre le défaut de m en tion
que l’acte ait été fait double : mais si chacune des parties
est obligée envers l ’a u t r e , il est bien toujours néces
saire que celle qui a encore un in térêt distinct à l ’e x é
cu tio n de l ’a c t e , ait pardevers elle le double qui force
l ’autre à l'e x é c u te r de sa part.
Sans d o u te , quand le Code civil ôte toute action à
celui qui a e x é c u té de sa p a r t , c’est lorsque par cette
pleine exécution il n’a plus un in térêt à l’exécution qui
reste à faire de la part des autres : voilà sans contredit
l ’ unique sens que la loi puisse présenter, en l’expliquant
par ses propres expressions.
A cela les adversaires répondent que le sieur M a i g n o l ,
du C h e v a l-B la n c , étoit p a y é , et 11’avoit plus d’intérêt à
a vo ir un double.
D ’abord c’est une erreur de fait. L e sous-seing p riv é
�15/
( 31 )
p ro u v e lui-m em e le contraire; car si le p rix supposé à la
vcnteest de 280fra n cs, ile n resteroit dû plus du tiers, dès
que 80 francs demeuroient à im puter sur des arrérages de
rente , dont le prétendu vendeur ne p o u vo it pas de
m ander la compensation sans un double.
20. Les adversaires supposent que le vra i p r ix de la
cession étoit les 2000 francs cédés par la rente des Iiarfeuil ; mais le sieur M aig u ol père , q u i a remis les titres
de cette rente à son d on ataire , lui a atteste n’en a vo ir
jamais touché un denier ; celui-ci n’en a x’ien reçu non
plus : il fa llo it donc un double p o u r réclam er en rem
placement un p r ix de v e n t e , ou p o u r en demander la
résolution.
3°. Une circonstance non moins sensible p ro u v e encore
la nécessité d’a vo ir un double de vente, si c’en étoit une.
L e sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e , p o u v o it être é v i n c é , ou
perdre son pré par force m ajeu re; alors en supprimant
son double il retrouvoit l’acte notarié du m êm e jo u r , et
demaudoit au sieur M aigrîo l, du C h e v a l-B la n c , le paye
ment d’une rente de 90 francs.
V o i là quelle étoit la position du prétendu v e n d e u r;
et voilà précisément les motifs de cette jurisprudence sé
vère q u i , en sacrifiant quelques intérêts particuliers , faisoit la leçon au x citoyens, et les préservoit de l’abus de
ces actes privés q u i , à l’économ ie près , sont le plus sou
ven t une occasion de surprises et une source de procès.
L a cou r doit juger ici la valeu r d ’un acte équ ivoqu e et
suspect. Si donc la rigueur de la loi fut jamais appli
cable , c’est sans doute dans une circonstance où il s’agit
�32
(
)
d ’ une prétendue v e n te , q u i , qu oique dictée par un no
taire, ne contient aucune des clauses d’ usage, aucune des
formes extrinsèques les plus com m u n es, et à l ’égard de
laquelle on n e donne aucune de ces excuses que la bonne
foi fait a d m ettre, ou que l’ignorance fait tolérer.
M e. D E L A P C H I E R , avocat.
M e. V E R N I È R E , avoué.
A R IO M ,
de
l'imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Juin 1806.
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Maignol, Guillaume. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Vernière
Subject
The topic of the resource
actes sous seing privé
bail emphytéotique
créances
cens
rentes foncières
interrogatoires
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Guillaume Maignol fils, habitant à Bonlieu, canton d'Évaux, appelant ; contre Antoine Guillaume, maréchal à Pontaumur, intimé ; et contre Gilberte Maignol, Pierre Legay, son mari, Antoine Maignol, Gilberte Maignol, veuve Paneveyre, et autres héritiers de Pierre Maignol, de Landogne, intimés ; en présence de Guillaume Maignol père, habitant au lieu du Cheval-Blanc, commune de Condat, appelé, en assistance de cause.
Table Godemel : Acte sous seing privé : 1. un acte sous seing privé synallagmatique, contenant vente et subrogation, est-il nul s’il n’a pas été fait double ? peut-il être opposé à un donataire contractuel, s’il n’a de date certaine que postérieurement à sa donation ? enfin quels caractères d’exécution faut-il à cet acte pour qu’il soit obligatoire, malgré les nullités qui le vicient ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1755-1806
1716-1774: Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1605
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0328
BCU_Factums_G1606
BCU_Factums_M0710
BCU_Factums_M0527
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53279/BCU_Factums_G1605.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Landogne (63186)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
actes sous seing privé
bail
Bail emphytéotique
cens
Créances
interrogatoires
rentes foncières
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53285/BCU_Factums_G1611.pdf
1bd132b9f0abfe7d69085439c1166eb3
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Text
( s v i i l iw
w k t i .»J8J J m 1.» M a a « « .i K m i E m m m a j ç j g u M f c M m i w a
M E M O I R E EN R É P O N S E ,
POUR
C
a th er in e
MOLIN, et les S.r et dame VENDRIEZ
et BORNE, intimés;
c o n t r e
J e a n et autre J e a n
CHOUVENC,
appelans.
Q U E S T I O N S .
1 L a procédure des appelans a-t-elle été périmée de plein,
droit dans le ressort du parlement de Toulouse ?
2. 0 S i elle n'est pas périm ée, p euve n t-ils, comme tiers acqué
reurs, repousser l'action des intim és par la prescription de
d ix a n s , dans le même parlement ?
.° S 'il n'y a pas prescription , les appelons sont-ils rece-
3
vables en ladite qua lité d'acquéreurs d'un cohéritier, à form er
tierce opposition à des jugem ens en dernier resso rt, rendus
sur appointements entre leur vendeur et ses autres cohéritiers
pour le règlement de leurs droits respectifs à la succession
com m une ?
4. 0 Thérèse M olin a-t-elle eu 10 ou
3o ans pour se pourvoir
contre une renonciation surprise en m inorité par des protuteurs,
dans l'ignorance de ses droits et sans être inform ée que les testamens de ses père et mère étaient nuls ?
C elte question doit-elle être décidée par une jurisprudence
autre que celle du parlement de Toulouse ?
.° Catherine M olin a-t-elle perdu , p a r la prescription de
A
5
30
�ans, le droit de demander le partage, pendant sa cohabitation
dans la maison paternelle ?
6.° L e testament de Catherine F er r a p ie, sans signature ,
ou déclaration négative de la testatrice, et sans lecture à ladite
testatrice , est-il valable? Que résulte-t-il pour ou contre sa
validité de ce qu’il est antérieur à la publication de Vordon
nance de 1735 ?
7.° L a première substitution qu'il co n tie n t, est-elle Jidéicom missaire ou fid u cia ire? L a seconde est-elle une substitution
pupillaire ? Est elle valable? ¿4 -t-elle transmis la succession à
M arie Mo Un , dernière appelée ?
8.° L e testament de Pierre Mo lin , qui a simplement légué
une légitim e à ses enfa n s puînés , est-il n u l pour vice de prér
térition ?
EL L E S sont les questions importantes et nombreuses qui
divisent les pallies el qui ont occupé \a Cour pendant plusieurs
audiences. Une expédition infidelle du testament de Catheriue
Ferrapie, rapportée par les Chouvenc , contenait deux expres
sions, dont ils abusaient en faveur de leur cause. La Cour s’est
vue forcée d’ordonner une collation vidimée d elà minute de cet
acte; aujourd’hui la nouvelle expédition est lapporlée, et les
intimés se verront enfin en possession de leurs droits successifs,
après avoir plaidé 22 ans, el subi, pour faire juger un simple
p a ita g e, quatre degrés de juridiction.
F A I T S .
Pierre Molin fivnit, dit-on, pour frères Marcelin, Biaise et
Ignace Molin. Tous , excepté le dernier , s«nt inutiles à la
cause; et pour ne pas l'embrouiller, les intimés se contentent
d’en rappeler les noms , pour passer à la descendance de Pierre,
marié à Catherine Ferrapie. Ils ont eu six eufans.
�*3(è?
3
(
)
Pierre Molin , mort eri 1743.
Catherine Ferrapie, morie en 1735.
2.
JL
____ !____
Marie Molin.
Marguerite ,
Pierre ,
1 e r m ari,
N .. Clxambarliac.
morte s. p.
né le 2 mai
en 1741.
1731 ;
,
2.e m a r i
N .. . Dejoux.
3 .e mari ,
C la u d e -L a m b e rt
Lacroisière.
L e 20 mars i y
.
6
5.
3.
Catherine , J e a n n e ,
intimée.
m. s. p.
en 1770-
Thérèse.
Louis Borne.
I
.
,------- '------- «.
m ort s. p.
Jeanne Bo rn e,
le 3 novemb.
Louis Vendriez ,
174S.
35 , Catherine F en ap ie
intimés.
fit son testament. Elle
légua à ses six enfans leur légitime de droit, à titre d’institution.
.Voici les dispositions et la forme de ce testament:
Catherine Ferrapie institue pour ses héritiers universels Ign ace
M olin , curé de Chambon, son beau-frère, et Pierre Boyer, son
oncle, « à la charge de remettre, quand bon leur semblera, ladite
« hérédité à P ierre, fils de la testatrice, et au cas que ledit Pierre
« Molin vînt à mourir sans pouvoir disposer, ou sans avoir
« recueilli ladite hérédité, elle lui substitue Marie. Ladite testa
it trice fait ladite institution sans distaction de quarte et sans
« qu’ils soient obligés de rendre aucun com pte des f ruits de
« ladite hérédité, et à la charge de faire entretenir et élever ses
« e n fa n s .... Fait et récité audit T e n c e , dans la maison d’autre
« sieur Pierre Molin, en présence d e ............. témoins soussignés.
« Ladite testatrice ille de ce enquise et requise.............»
L e 20 mai 1743 , Pierre Molin père, lit son testament : « il
«
«
«
«
«.
institue pour son héritier Pierre Molin son lils. . . . Il donne
et lègue ¿1 ses cinq autres enfans leur légitime de droit;
et attendu le bas ¿ïge de son héritier, il j^rie Ign ace M olin ,
curé de Chambon , son frère, et M a rie, sa iille , de régir et
administrer ses biens , jusqu’à ce que son héritier soit en état
A a
�,
*
«•*
'
,( 4 )
« de le faire......... Fait et récité à Tence , maison du testateur».
Pierre Molin. mourut le 21 du même mois de mai 1743. Alors
Marie Molin , majeure, et mariée dans la maison paternelle ,
s’empara des deux successions. Ignace Molin était curé de ChamL o n , Pierre Boyer était mort en 1740; et Pierre Molin , appelé
aux deux suc cessions > s’engagea aussitôt qu’il eu eut l’âge. Il
mourut à Lille le novembre 1748, et on fut long-tems dans la
famille à douter de sa mort.
3
Quelques années après, on trouva l'occasion de marier la plus •
jeune sœur, Thérèse Molin, avec le sieur Borne , d’ une province
étrangère, moins capable par conséquent d’avoir l’œil aux a Ha ires
5
de la maison, et par le contrat de mariage du
juin 1705 , le
sieur Chambarliac lui constitua 1,900 fr. de dot, en bien expri
mant que c’était pour les successions du p è r e , de la m ère, de
la sœur décédée , et même on ajouta celle du frère , quoiqu’on
n eut pas de nouvelles de la mort. Thérèse Molin, m ineure, re
nonça à toutes successions , et s’obligea de la confirmer et ratiJ îer à sa majorité. On ne s’ est jaimis avisé de lui demander cette
ratification. Mais , indépendamment de cela , malgré son éloi
gnement, elle aurait cherché à se pourvoir, sans l’apathie du sieur
Borne son mari, et si encore sa famille, flattée de l’alliance du
sieur Chambarliac, n’eût toujours persuadé que Marie Molin
était l’héritière de ses père et ri ère. Quand le sieur Chambar
liac décéda, elle passa en de secondes noces avec le sieur Dejoux,
puis en de troisièmes, avec le sieur Lambert-Lacroisière, qu’elle
institua héritier universel , et qui acheva , à peu de chose près,
de dissiper la succession.
Thérèse M o lin , veuve, revint habiter près de sa famille, et
ne connut qu’alors l ’étendue du sac rifice qu’on .avait extorqué
de son inexpérience. L e 2.2 janvier 1783, elle assigna Marie Molin
et Lacroisière, son troisième mari, en partage des successions
de ses père, mère, frère et sœurs, pour lui être délaissé sa por
tion all’éranle.
Après cette demande, elle Ht donation de ses biens à la dame
�Vendriez, sa fille, qui intervint. L e procès fut appointé à T e n c e ,
et le 2 novembre 1784, il intervint sentence qui ordonna le par
tage du ch ef de Jeanne seulement ; et avant faire droit sur le surplus , ordonna une estimation préalable des biens des père et
■mère communs.
L es deux parties interjetèrent appel de celle sentence ; les pro
cédures se continuèrent en procès par écrit jusqu’a la révolution.
L e tribunal du district du J?uy fut choisi pour connaître de cet
nppe1.
Ce tribunal rendit son jugement le 26 janvier 179^ 5 sur pro
ductions respectives, et jugea dans ses motifs :
1.° Que le te.-ta ment du père était nul par prétention; 2.0 que
la substitution, portée dans celui de la u ère, avait saisi Pierre
Molin de la success’on , et que ledit M o l¡11 'étant mort après
quatorze ans, les substitutions s’étaient alors éteintes ; 3.° que
la renonciation de Thérèse Molin était nulle , comme n’étant
dirigée au profit de personne , comme faite par une mineure ,
avec convention de ratification non effectuée, et comme dirigée
âu profil d’une protutiice , et que l’action avait dure trente ans.
En conséquence, ce tribunal ordonna le partage desdites suc
cessions, pour être délaissé à la dame Vendriez sa portion, expli
quée et calc ulcc audit jugement.
De son côté, Catherine M olin, sortie de la maison paternelle
à la mort de sa sœur, en 1788 , avait assigné Lam bert'Lacroisière, son héritier, le 27 novembre de la même année pour venir
à partage, et lui expédier un cinquième du chef de son père, et
seulement un douzième, du chef de sa mère, parce qu’elle avait
aussi vécu dans la croyance, que Marie Molin était héritière
par des testamens qu’elle 11’avail jamais vus ; elle demanda éga
lement les successions collatérales.
Une sentence du 17 août 1790 ordonna ce partage , pour êlre
expedie un douzième des biens de la m ère, un dixième des biens
du père , et dans les mêmes proportions pour les successions col
latérales.
�'
‘
( 6 )
^ e s ueux parties interjetèrent encore appel ; Catherine Molfu
alors ayant eu connaissance du testament de sa mère, rectifia
ses conclusions, et demanda un seizième du chef maternel.
L e Puy était aussi saisi de cet appel qui s’instruisit en
procès par écrit par plusieurs écritures, et il était sur le point
de recevoir sa décision, lorsque lut rendu le jugement ci dessus,
du 26 janvier 1793.
Ou présume sans peine que Lacroisière, succombant vis-à-vis
Marie - Thérèse Molin , en dernier ressort, n’avait garde de
plaider plus, long-tems contre Catherine, devant le même tri
bunal. Il demanda accommodement ; les parties traitèrent , le
19 février 17 9 3, et comme on le voit , en grande connaissance
de cause,
Lacroisière, par cet acte , dit qu’il adhère au jugement , en
dernier ressort, du 26 janvier , et consent que des experts fassent
le partage des portions revenant à Thérèze Molin.
Il y consent aussi vis-à-vis Catherine Molin , mais avec con
vention qu’elle ne réclamera les jouissances que depuis 1788.
II est convenu que les experts expédieront d’abord la maison
q u ’ il occupe , un domaine et un jard in, et déduiront les créances
q u ’il a acquittées en vers Jean-Antoine Molin, à la décharge de tous.
Et comme évidemment ces biens 11e suffisaient pas, il apprend
qu’il a vendu aux nommés Chouvenc , V raisse, C u o q , I io y c r ,
D e lc a g e , et laisse à Catherine et Thérèse M olin, à se pourvoir
contre eux , ainsi qu’elles aviseront.
Enfin , celles-ci font le sacrifice de tous leurs dépens, tant des
causes principales que d’appel.
L e 26 février 1793 , les intimés signifient à ces tiers acquéreurs,
uon-seulement ce traité, mais encore le jugement du 26 janvier,
pour qu’ils l’attaquent s’ils s’y croient fondés.
L e 11 a v ril, ils les assignent tous en désistement et jugement
commun; la plupart acquiescent à la demande. L e moyen des
Chouvenc n’était pas alors d’attaquer le jugement du 26 janvier
1790 , amis de dire qu’ils avaient des lettres de ratification.
�7
C )
L e 19 prairial an 2 , un jugement ordonne le désistement en
expliquant que les intimés épuiseront, x.° les biens libres, 2 ° ceux
abandonnés par les acquéreurs , qui ont acquiesces avant d ’en
venir aux Chouvenc. Ils sont condamnés à rapporter les jouis
sances , seulement depuis la demande comme acquéreurs de
bonne foi.
Depuis celte époque le tems d elà péremption s’accomplit: ce
n’ esf que le 9 vendémiaire an 8, que \e* Chouvenc signifient l’ex
ploit de l’an 4 à Catherine Molin se u le , pour assister en la cause.
L e 16 g e r m i n a l a u 9 , les i nti mé* ont a ss i gné les C l i o u v e n c e n
la c o u r , p o u r se v o i r d ém e t t r e de l e u r a p p e l .
C ’est en la cour , seulement pour la première fois , que les
Chouvencont imaginé d ’attaquer le jugement du 26 janvier 179,3,
par tierce opposition. Leur résistance soutenue est fondée sur
leur prétendue bonne foi : cependant ils ont acquis d’ une cohé
ritière qui avait une sœur dans la maison; ils ont fait plus, ils lui
ont paye le prix de la vente, quand elle était séparée de biens.
M O Y E N S .
Si, quand les intimés ont plaidé avec le sieur Lacroisière, ils
avaient eu le m o i n d r e soupçon de la vente faite aux Chouvenc,
le même procès aurait tout terminé: et certes, en voyant toute
la résistance du sieur Lacroisière , et combien le tribunal du Pu y
a approfondi les questions de ce procès , il est aisé de voir que les
moyens des Chouvenc n’auraient rien c hangé à sa déc ision. Quand
ils ont été appelés devant les tribunaux de la Haute-Loire et de
L ’Arilêche, l’idée 11e leur est pas même venue d’attaquer le; ju
gement du 26 janvier 17 9 3 , et de faite rejuger 1111 procès qui
leur était étranger , et dont l’issue eut indubitablement été la
même; mais à R io m , une diversité, ou plutôt une innovation
de jurisprudence a changé leur plan. Les Chouvenc veulent au
jourd’hui ftiire tout remettre en question; mais avant d’aborder
le ionds , ils sont arrêtés par des questions préalables qu’il
s’agit d’examiner.
�C 80
PR E
il 1 È R E
Q U E S T I O N .
L a procédure des appelons est-elle périmée ?
L a loi Properatiduni et l’ordonnance de Roussillon veulent
que tous les procès soient promptement jugés ou entretenus par
des procédures, sinon l’instance est déclarée périe.
L e parlement de Paris avait modifié ces lois par un arrêt de
règlement de 1692 , qui voulait que la péremption n’eût lieu
qu’après une demande ; mais cet arrjt n’a eu d’eiï'et que dans son
ressort. A u parlement de Toulouse, au contraire, l’ordonnance
de Roussillon'était suivie à la rigueur; la question de savoir si la
procédure avait été entretenue sans discontinuation , était même
devenue un formulaire dans le dispositif des sentences; la pé
remption y a toujours eu lieu de plein droit, et le juge la suppléait
si on ne la demandait pas.
Cette jurisprudence a dû se maintenir, et s’est maintenue en
effet en la Cour. Quand des questions de péremption se sont pré
sentées pour l'ancien ressort de Toulouse, lu Cour a jugé, notam
ment les 18 pluviôse an 11 et 12 nivose an 12 , que la péremption
avait eu lieu de plein droit, même ^pendant la révolution , et la
suppression des avoués.
On objecte que les intimés ont couvert la péremption en anti
cipant le 16 germinal an 9.
Mais i.° cet exploit assigne les Chouvenc pour se voir démettre
de leur appel, et cette expression générale et indéterminée com
prenait toutes les voies légales qui pouvaient conduire à celto
démission d’appel; il serait donc bizarre de dire q u e celui-là ap
prouve un appel , qui assigne l’appelant aux. fuis de s’en voir
démettre. Il faut bien q u e lu péremption même soit prononcée
en justice, et personne n’osera exiger que celui qui la prétend
acquise, soit oblige' de s’en tenir à ce moyen seul ; car en Cour
d’appel il n’y a pas d’exceptions sur lesquelles il faut statuer préa
lablem ent, comme l’exige, en première instance, l’ordonnance
de
�de 1667.. On sait assez qu’il faut, en Cour souveraine, proposer
tons ses moyens à la fois.
2.0
Cette question a été discutée par M .r le procureur géné
ral M erlin , en ses nouvelles questions de droit , v.° a p p e l, §. 9,
avec sa profondeur prdinaire, et il décide que d’après le système
de l’ancienne et de la nouvelle législation, la péremption est un
moyen de droit public tendant à l’abréviation des parties , et
qui ne se couvre pas. Les ordonnances , dit-il, le veulent ainsi,
les anciens arrêts y sont conformes, et la loi du 14 octobre 1790»
qui s’est occupée de la procédure des justices de paix, dit qu’a
près quatre m ois, Vinstance sera périmée de droit et Vaction
éteinte ; donc , a jou te-t-il, le juge doit déclarer la péremption
acquise, lors même que la partie intéressée n’y conclurait pas.
M .r Merlin , en sa discussion, ne s’occupe p a s , comme on
pourrait le croire , des péremptions de quatre m ois, qu’il ne cite
que pour comparaison. L ’ordonnance de Roussillon lui semble
aussi claire, toutes instances discontinuées pendant trois ans
sont éteintes et péries. Avant son arrêt de 1692 , le parlement
de Paris le jugeait ainsi. On trouve deux arrêts précis des 27
juillet 1604, et 27 août 1610. Menelet et Bouchel enseignent les
mêmes principes.
« L a péremption, dit B o u c h e l, une fois acquise, ne se couvre
« point par une procédure volontaire , depuis faite en l’instance
«
«
a
«
périe, ensorte que nonobstant qiüon ail repris cette instance\
on peut faire juger la péremption............... L ’ordonnance de
Roussillon porte que toutes instances sont éteintes et péries.
C ’est un droit public auquel on ne peut déroger».
Par une fatalité attachée aux lois humaines , les auteurs con
temporains les trouvent ordinairement très-décisives et sur-tout
très - respectables ; mais à la longue ce respect s'affaiblit singu
lièrement. De là vient que les auteurs du 16.c siècle voyaient, dans
1 ordonnance de 1493 , ce que nous 11e voulons pas y voir; tandis
que par une inconséquence bizarre, nous trouvons la loi du 14
octobre très-impérative, quoique ces deux lois disent positive
ment la même chose.
B
�£70
u
,
C i° )
A u reste, il s’agit ici de suivre la jurisprudence du parlement
de Toulouse; la péremption y était jugée de plein d roit, et c’est
dire assez qu’elle y était un moyen de droit public.
Les Chouvenc ont cru trouver une interruption dans le chan
gement de personnes; mais c’est un rêve de dire que Jeanne
Borne n’ait pas été en cause avant l’an 8; elle était en qualité dans
le jugement de 1793. Quant à Chouvenc fils, il lui a plu d’inter
venir comme donataire, sur l’appel, mais son père est toujours
en cause, et s’il a laissé accomplir la péremption, elle n’en est
pas moins bien acquise contre le légitime contradicteur.
DEUXIÈME
QUESTION.
L e s appel an s , tiers acquéreurs , peuvent-ils invoquer, à T ou
lo u se, la prescription de d ix ans ?
Les Chouvenc font des efforts incroyables pour l’établir, et
pour lorcer à être de leur avis les auteurs même du parlement
de Toulouse qui, sans exception, sont d’un avis contraire.
Cependant les Chouvenc débutent par convenir (pag. 9 de leur
m ém oire), que Marie M olin ne pouvait pas vendre la portion
de ses cohéritiers, qu’ il est CERTAIN que ces cohéritiers avaient
t r e n t e ans UTILES pour réclamer contre ¿o h /é v e n te J a itc par
l'u n d'eux.
Mais y continuent-ils, la question concerne t acquéreur ; on
leur demandera d’abord comment il est possible d’avoir trente
ans pour se pourvoir contre les ven tes, et de ne pas les avoir
contre l'acquéreur ; comme ce serait inexplicable , il vaut mieux
dire que les Chouvenc ont élé forcés de r e c o n n a î t r e l ’évidence
du princ ipe.
A u reste, en examinant la question en elle-m êm e, ce n’est
pas dans le Code civil qu’il faut la chercher, cardans une grande
partie de ses articles, et notamment sur les prescriptions, il a
adopté tantôt le pur droit romain , et tantôt la Coutume de Paris.
Mais pour ne pas faire de confusion à l’avenir, et respecter le
�passé, l ’art. 2281 termine le Code par dire que les prescriptions
commencées seront réglées conformément aux lois anciennes.
Il faut donc chercher ailleurs que dans le Code, s’il y a lieu
à la prescription d e d ix ans; et même si nous trouvions de l’obs
curité dans les lois romaines qui régissaient les parties , il fau
drait dire avec la Cour de cassation que '‘ usage est l'interprète
le plus sûr des l o i s , et s’en référer à ce qui a été jugé de tout
tems sur ce point par le parlement de Toulouse.
Mais la loi n’est nullement obscure, et si on trouve au
Code une loi qui établit la prescription de dix ans en laveur
du tiers possesseur, on voit aussitôt après 1 authentique malœ
Jidei qui l’explique et la commente, en déclarant que les dix
ans n’ont lieu que quand le vendeur a été de bonne foi. Malœ
Jid ei possessore a lién a n te, cessât longi temporis prescriptio ,
1
si verus dominus ignoret ju s suum et alienationem faectam.
Si ce commentaire de la loi elle-même ne paraît pas assez clair,
si comme les Chouvenc le disent, il y avait moyen d’en torturer
le sens en présumant que les intimés ont connu la vente, nous
trouverons la suite de l’authentique dans la novelle d’où elle est
tirée, et il sera très-clair alors que ce 11’est que la bonne foi du
vendeur qu’il faut considérer. S i autem ignorât verus alienalarum rerum dom inus, non aliter hune exclu d i n isi per triennalem prescriptionern : non valente dicere eo qui res hoc modo
possidet quia ipse bond fide possidet, quandb ipse à ma/dJide
possidente hoc accepit. Novell. 119 , ch. 7.
Puisque la loi est si claire et si positive, il faudrait donc s’é
tonner que le parlement de Paris jugeât pour la prescription de
dix ans, en faveur de l ’acquéreur, si nous ne savions que la Cou
tume de Paris en a une disposition expresse, et que dans les moin
dres doutes, elle était la règle pour ce parlement.
Quant au parlement de Toulouse, tous les auteurs de son res
sort a tt e s te nt, sans exception , que la prescription de dix ans n’y
est admise que p o u r l’hypothèque, et que le tiers p o s s es s eu r 11e
prescrit que par trente ans.
B a
�Boutaric, page 182, a , sur ce sujet, une discussion très-ap
profondie. Serres, page 167 annonce la seule prescription de
trente ans comme un principe non contesté. Graverai et Larocheilavin, p. io; Catelan, p. ÎS07, disent « que le parlement
« de Toulouse n ’a pas reçu cette usueapion de dix ans, que
« Justinien même avait transformée en prescription de trente
« ans; qu’ainsi le tiers acquéreur purge l ’action hypothécaire
« par dix ans , et non le droit de propriété pour lequel il faut
« trente ans ».
5
Furgole , en son traité des testamens, tom.
3 , pag. 4 17, s’ex
plique ainsi : « A u parlement de Toulouse , on ne connaît d’autre
« prescription pour l ’acquisition ou la perte des droits person« nels ou réels que celle de trente ans. Ainsi un héritier pourra
« demander pendant trente ans, même à celui qui possède avec
« vin titre, lequel n ’est pas capable de lui attribuer la propriété,
« comme ayant été consenti à non domino.
Ces principes sont élémentaires dans les parlemens de T o u
louse, A ix , Bordeaux et Grenoble. On peut consulter là dessus
encore Catelan, livre 7 , chap. a i ; Lapeyrère , lettre P , n.°
;
5
83
58g ; Bretonier ,
hypothèque, §. i 3 , et la
Montvalon , page i o ; Decormis , tom. 2 , col.
v.° prescription ; M .r M erlin, v.°
maxime est tellement devenue triviale dans les parlemens du*
droit écrit, que suivant Dupérier , » la prescription de dix a n s ,
« en ce cas, n’est plus maintenant que pour les écoles».
Cela peut paraître étrange dans 1111 parlement qui ne s’y con
formait pas ; le docte Doinat y avait réfléchi lui-m êm e, et ne
s’en étonnait pas : « Les lois, disait-il, qui marquent le tems des
« prescriptions ne sont que des lois arbitraires, car la nature ne
« fixe pas quel tems il faut pour prescrire. . . . Il se règle difïé« remment en diverses provinces , et il y a même de celles qui
« sc régissent par le droit écrit où l’on n’observe pas les divers
« tems de prescription du droit romain. Il y en a où elles ont été
« réduites à une seule prescription de trente ans. »
Nous verrons sur la 4.e question, que la Cour de cassation a
�3*2
'3
(
)
consacré, par trois arrêts, la nécessité de suivre la jurisprudence
du parlement de T o u lo u se , et expressément sur la matière des
prescriptions.
Concluons donc que les Chouvenc ne peuvent invoquer la pres
cription de dix a n s , dans un ressort où on ne citerait pas un seul
arrêt ou jugement q u i , en semblable cas , l ’ait jamais admise.
Dans leur propre système , il faudrait les supposer de bonne fo i,
et il est impossible qu’ils le fussent.
L a lo i, au reste, n’est nullement en leur faveur, et ce n’est
que surabondamment qu’il y a lieu d’invoquer l’invariabilité
de la jurisprudence.
T R O I S I È M E
Q U E S T I O N .
f
L a tierce opposition des appelons est-elle recevable ?
« Pour être reçu tiers opposant, disent les auteurs, il ne suffît
« pas d’avoir intérêt de l’attaquer, il faut avoir été partie néces« saire dans le procès jugé. »
y
Les Chouvenc étaient - ils donc parties nécessaires dans le
procès d ’entre les intimés et le sieur Lacroisière, de quoi s’a
gissait-il ? d’un partage.
Mais un partage de succession ne pouvait être fait qu’entre
cohéritiers. A c t io fam iliœ erciscundœ solis liœredibus com
patit.
Les questions d’un partage sont tellement étrangères à tous
autres, que qnand un tiers achète la portion d’un cohéritier ,
les autres peuvent l’expulser en le remboursant , pour l’empê
cher de pénétrer les secrets de la famille. Aussi en droit, l’ac
tion en ’partage est-elle , par sa seule définition , exclusive de
toule admission étrangère : A c t io fam iliœ erciscundœ est actio
a v ilis qiuî cohccredes i il T E R s e agunt de com m uai hœreditate
dii>idundd.
Jusque-la un acquéreur n’est pas partie nécessaire dans un
partage ; il a suivi la foi de son vendeur, et quand la novelle
119 le répute acquéreur de mauvaise
�( h )
cepit à ma/cz Jide possidente, il est bien plus difficile encore de
supposer que deux cohéritiers ont nullement et inutilement
procédé pour avoir omis d’appeler un tiers possesseur, quand
toutes les affaires de la maison leur étaient inconnues.
Les Chouvenc n’ont pas dû être assignés nécessairement•
L ’ordonnance de 1667 d’ailleurs ne donne pas la faculté de
tierce opposition à ceux qui ont été condamnés par eux-mêmes,
011 leurs ayant-cause.
O r comment expliquer l’étendue de ce mot ayant c a u s e , ce
sont, disent les auteurs, ceux qui représentent le condamné à
titre universel ou à titre singulier, pour la chose litigieuse. A insi,
dit Rodier, un créancier, un acquéreur sont des ayant cause.
Nons allons voir encore que le Droit romain les place sur la
même ligne.
A u ff. des appels et au code des évictions , les lois entendent
si bien que le créancier et l’acquéreur soient des ayant cause du
propriétaire ou vendeur, et qu’il a pu être condamné hors leur
présence, qu’elles lui acccordent le droit d’interjeter appel, comme
condamnés eux-mêmes en sa personne
S i emptor de proprietale victus e s t , eo cessa n te, auctor ejus
appellare poterit y item si auctor egerit et rictus s i t , non est
deneganda emptori appellandi fa cilita s. . . . I d que ità con stitulum est in personâ créditons. L . 4. ff. de appellat.
L ’acquéreur et le créancier sont donc identifiés avec le procès
du vendeur; et quand celui-ci a lui- même interjeté a p p e l, la loi,
toujouis juste , permet encore à l’acquéreur d’intervenir au
procès , si le vendeur paraissait suspect dans les moyens qu’il
propose. Qui/i etiam si auctor appellauerit , deindà in causai
dejénsionc suspectas visus e st, pennde defensio causa; emptori
committenda est, atquc si ipse appellassel. I j . ead.
L e Code civil s’est conformé ¿1 ces principes, sur-tout en ma
tière de partage, et bien loin de vouloir que des cohéritiers soient
passibles d’aucune résistance étrangère, après le partage con
sommé', il n’admet les créanc iers qu’à inlcrvcnirà leurs fr a is ,
�y > j(
)
sans pouvoir ensuite attaquer le partage autrement que s’il y avait
été statué au préjudice d’une opposition par eux formée (art. 882).
II y a plus ; car si , par l’efl’et du partage , un seul cohéritier
avait obtenu tout l’immeuble commun , à titre de licitation ,
envahi tous acquéreurs ou créanciers des autres cosuccesibles
tenteraient de l’évincer, l ’art.
lui répondrait « que chaque
'5
883
« cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement a tous
ce les effets compris en son lut, ou à lui échus par licitation. »
Ainsi Thérèse et Catherine Molin ont, dans la portion qui
leur est attribuée par un jugement en dernier ressort, une pro
priété qui leur est transmise ex causa antiquâ, et qui est réputée
leur appartenir depuis l'ouverture des successions. Ainsi les
Chouvenc, qui n’étaient pas parties ne'cessaires au procès relatif
au partage, mais qui pouvaient seulement y intervenir, trouvent
aujourd’hui un mur d’airain dans la chose ju gée, et 11e peuvent
plus faire juger avec eux seuls une demande en p artage, de
successions qui leur sont étrangères.
Si, après s’être pénétré de toute la puissance de ces principes,
il fallait en venir à la jurisprudence, les arrêts abondent en faveur
des intimées, et 011 n’eu citerait pas un seul qui fût favorable
aux Chouvenc.
Parmi le grand nombre d ’arrêts qui se trouvent dans tons les
livres, nous 11e puiserons que dans des sources indubitables,
pour qu’on ne puisse pas même présumer que l’espèce de ladécicision n’a pas bien é*é s:iisie.
i.° M .r Cochin , en ses notes alphabétiques, tom.
dit ; « jugé par arrêt du
5, pag, 627,
3 i mai 1726, en faveur des sieur et dame
« Massol contre M .r le président Amelot et le comte de Tavanes,
« que le tiers détenteur, assigné en déclaration d’hypothèque
« par ceux qui ont obtenu des arrêts contradictoires contre son
« vendeur , ne peut y former tierce opposition, quoique son
« acquisition y soit antérieure. »
2.0
M .r Merlin , au répertoire, v.° tierce opposition , cite
deux arrêts. Par le premier, « la dame de Gonflans était en procès
�\\*
«
«
«
«
«
«
«
avec un seigneur voisin pour mouvance de
. . tuie venait
sa terre. . . . on continua de plaider avec elle. . . . elle perdit
son procès par arrêt de 1728 . . . son acquéreur ayant réclamé
des droits seigneuriaux, l ’autre seigneur lui opposa cet arrêt. . .
l’acquéreur y forma tierce opposition , on lui répondit qu’il
devait s’imputer de n’être pas intervenu : par arrêt du 3 i
mai j 742, il fut déclaré non recevable dans sa tierce opposition. »
Par le z .e arrêt, « le marquis de Lusignan vendit, en 1720,
« des terres au sieur Dauriac. . . . Les héritiers de la dame de
« Monriquet firent, en 1727, confirmer , sur appel, une sentence
« de 1718 , contre le marquis de Lusignan seul. M .r Dauriac
« soutint qu’on aurait dû l’appeler, et forma tierce opposition....
« On lui répondit qu’il devait intervenir. . . . qu’il était censé
« avoir été partie dans l ’arrêt par son vendeur , qu’en cette
« partie il était l ’ayant cause du marquis de Lusignan. Par arrêt
« du 6 septembre 1760 , il fut déclaré non recevable. »
.° L e B u lletin officiel de cassation rapporte un a rr êt du 12
fructidor an g , dans lequel , pendant un bail à ferme , de
forges, moyennant 122,400 f . , le s.r Forestier se fit envoyer en
3
possession de ces forges, par jugement en dernier ressort et par
3
défaut du janvier 1792. . . Godet, créancier, forma tierce oppo
sition, et dit que cette dépossession était le fruit d’une collusion.
Néanmoins l’arrêt, « vu les art.
5 et
11 du titre 27 de l ’ordon-
35
« nance de 1667, ct
1>er
•*tre
. . . . Attendu que la
« reserve du droit des tierces personnes, ne concerne que celles
« qui n’ont pas été parties appelées ni représentées.. .. que le
« sieur G o d e t, comme créancier de L essa rt, était à cet égird
« son ayant cause. . . . que Lessart a été appelé. . . . q u e Godet,
« en qualité de son ayant cause , n ' a ur a it p û être recevable à
« attaquer ce j u g e m e n t , q u ’a ut a n t qu’il eût élé juslilié que Les
te sart aurait été lui-même admissible à se pourvoir. . . . q u e les
« juges de C an, ei \ admettant la tierce opposiliondu cit. Godet,
« ont violé l ’art.
5 de
l ’ordonnance concernant l'autorité de la
« Chose ju g é e , et ont contrevenu formellement à l ’art. i . cr du
titre
�2>7Y
C *7 )
a titre 35, quï ne permet de rétracter, autrement que par requête
« civile , les jugemens rendus en dernier ressort , avec ceux
a qui y ont été parties, ou leurs ayant cause.................. Casse
« et annulle etc. »
V oilà donc la pleine confirmation de la loi 4 ff. de appellationibus et du code civil. L ’acquéreur ou le créancier peuvent
intervenir s’ils suspectent ; ils peuvent même attaquer la chose
jugée, par la voie de l’appel,.aux risques et périls du vendeur ,
si le jugement est en premier l'essortj par la requete civile , s îl
est en dernier ressort.
Tout cela encore ne serait pas accordé contre un partage , s’il
n’y avait eu fraude évidente. Aucuns de ces arrêts ne sont dans
l’espèce d’un procès de succession. Solis hœredibus cornpelit.
D eux autres moyens résistent à l’admission de la tierce oppo
sition des appelans. i°. Les tierces personnes ne sont admises in
définiment à s’opposer, d’après l ’ordonnance, que par la raison
bien naturelle qu’ils ne connaissent pas le jugement. Mais il a
été signifié aux Chouvenc en 1793 ; et ils n’ont formé tierce op
position qu’après dix ans. 2°. Dans les circonstances d elà cause,
c’était de leur part une action principale, et ils devaient épuiser
les voies de conciliation.
Les Chouvenc objectent qu’ils ignoraient le procès. Cepen
dant ils veulent que les intimés aient connu leur vente, bien plus
occulte sans doute qu’un procès , qui a duré depuis 1783 à 1793,
dans une petite commune. Quand ils voyaient Catherine Molin
dans la maison paternelle, pouvaient-ils bien acheter de bonne
foi sans sa participation ? quand ils l’en ont vu sortir ; quand
Thérèse est revenue de l’Ardèche dans son pays natal, 11’ont-ils
pas dû présumer qu’elles allaient intenter un procès, ont-ils pu
se défendre de l’inquiétude naturelle à celui qui a acquis une
chose indivise, et qui sur-tout en a payé le prix capital à une
femme séparée de biens.
A u reste , s’il y a de l’inconvénient pour un acquéreur d etre
condamné sans être en cause, n’y en aurait-il pas un plus grand
C
�A "
!
C 18)
encore, d’exiger en règle générale, que tout'cohéritier d6Î sa
voir s’il y a des acquéreurs, avant derecheicher ses droits , cVstà-dirè fût leiiü de connaître les forces de la succession , lors
qu’au contraire il a le droit de les puiser dans un inventaire, ou
dans une preuve de commune renommée.
Si les acquéreurs étaient parties nécessaires dans une action de
partage , serait-ce donc pour en discuter toutes les questions èt
tous les actes de la famille? Une telle prétention résiste à toutes
les notions reçues?
•■
Q U A T R I È M E
QUESTION.
Thérèse M olin avait-elle d ix ans ou trente ans pour se pour?
voir contre sa renonciation ?
Cette question doit-elle être décidée par une jurisprudençe
autre que celle du parlement de Toulouse ?
L a nécessité de discuter ces deux points ne marque que plus
fortement tout le danger qu’il y aurait d’admettre les Chouveric
à pénétrer, par une voie d’intrusion , dans une famille étrangère,
pour dire à des cohéritiers : vous avez péniblement obtenu un
règlement de vos droits, on a annuité deux testamens : J e rn'y
op p o se; je veux faire rejuger tout cela; je veux scruter vos»
testainens, vos conttats de mariage, tout ce qui s’est pa^sé dans
votre maison depuis 1735 jusqu’en 1793. Vos cohéritiers n’y
seront pas même appelés, car il y a chose jugée avec eux , et
c’est moi seul qui veux faire r é g le r, avec vous tous , vos droits
successifs, je suis à présent} dans la succession de vos ancêtres,
la seule partie légitime.
Si ce système des Chouvcnc, qui cependant est toute la base
du procès a c tu e l, 11e révolte pas au premier aperçu ; s’il faut
trouver en eux le seul légitim e contradicteur, voyons donc par
quelle jurisprudence la chose ju g ée et remise en litige doit êtro
rejugée.
Théièse Molin s’e'tait pourvue en 1783, contre une renoncià-
�75
C *9 )
tîon de i o i Elle y a été recevable, parce que dans tout le par
lement de Toulouse , et pendant plusieurs siècles, on n’a pas un
seul exemple que les actions en nullité aient été prescriptibles par
moins de o ans. Nous avons vu sur la 2.e question que toutes les
actions y étaient réglées à cette durée, à la seule exception de.
3
L’action hypothécaire.
- L e s Chouvenc ayant leur procès en cette C o u r, ont été séduits,
par une innovation de jurisprudence , qui n’a même pris quelque
consistance que depuis le Code civil et par induction de l un de
$es articles; jusques là , la Cour d’appel ne s’était pas prononcéef
eton trouverait même dans l’un deses arrêts que les anciens prin
cipes en celte matière n’étaient pas oublies.
Mais quand cela serait autrement, n’est-ce pas une folie des
Chouvenc de penser que la Cour d’appel, par un nivellement
désastreux, ramènera à sa jurisprudence , même la chose ju g é e ,
même des questions nées en 1783 , dans un parlement étranger f
et à une époque où la Cour d’appel aurait indubitablement jugé
comme lui.
Qui donc ne verrait pas le danger incalculable qui en serait I4
suite, et non-seulement dans le cas de la chose déjà ju gée, mai^
encore quand elle serait pleinement en litige? Soumettre brusr
quement un vaste pays à une jurisprudence qui jusqu’alors lui
était inconnue, serait sans doute porter le trouble dans de§
familles, dérouter tous les gens d’affaires qui n’auraient plus désor
mais que des conseils vagues à donner aux autres, et une marchq
incertaine à tenir pour eux mêmes.
Les lois ne sont pas un ordre donné au peuple ; elles sont
réputées être émanées de/lui, par le pouvoir que lege rcgid
il en a donné au prince. En les exécutant, il les explique, et la
manière d’expliquer les lois par l’usage , dit V in n iu s ,
d'après un auteur latin , vaut mieux que cc qu’on lit dans la loi
elle-même. P lu s valere loges quee moribus comprobalœ surit,
(¡nam quœ scripto co n sta n t, v ér i té bien plus m a r q u é e encore
par la maxime si connue, que la jurisdrudence est le meilleur
C a
�\
,
(
20
)
interprète des lois. Consuetudo est legum optima interpres.
L a jurisprudence en effet qui n’est p is seulement un mode de
juger, mais d’après la définition de Vinnius , Justitice habitus
practicus , n’a pas cessé d’être une espèce de législation impérative, depuis que les anciens ressorts des Cours sont confondus.
Quand Rome n’avait pour règle que la loi des 12 tables. les dé
cisions des jurisconsultes responsa prudentum fixaient la ma
nière de les interpréter, et cette jurisprudence devint une législa
tion additionnelle; et lorsque des Proconsuls et des Préfets furent
envoyés dans les provinces, il leur était prescrit de soumettre les lois
-à la jurisprudence et de respecter les usages. Præses provinciæ ,
probatis his quæ in oppido, frequenter in eodem controversice
g eh ere, servata surit, causa cognilâ statuit. L . 1. cod. quæ s.
long. cons.
L a Cour d’appel donne tous les jours cet exemple, en décla
rant dans ses arrêts qu’elle est déterminée par la jurisprudence
du parlement de Toulouse.
L a Cour de cassation que l’on pourrait croire, par le but de
son institution , plus attachée à la lettre de la loi qu’aux diverses
jurisprudences, s’est souvent prononcée de la manière la plus for
melle sur la question qui nous occupe.
« Considérant (porte un i . er arrêt du 2 messidor an 11 ), que
« les dispositions du droit romain ne font loi dans les pays même
« qu’elles régissent, que dans les points et selon le sens qui ont
« été adoptés par la jurisprudence ; qu’il est constant que, par
« une longue suite d’arrêts sem blables, le parlement de Tou« louse a ju g é y etc.» (Sirey , page 809).
2.0
Dans une autre cause, du floréal nn 12, la Cour de cas
sation n dit:« Considérant que quoique en général on puisse par
« le droit romain acquérir les servitudes par 10 ans entre prê
te sens, et 20 ans entre absens ; cependant, d'après la furispru-
5
« dence du parlement de Toulouse constatée par divers arrêts ,
« les servitudes discontinues ne pouvaient s’acquérir que par la
« possession immémoriale, et que c'est ainsi q u 'il a entendu la,
« lo i , etc. casse et aimulie, etc. * (Bulletin, n.° 52).
�M
( \
( 21 ) ' 7
3.° Un arrêt du
du même mois a jugé de m êm e, « que la
« jurisprudence des arrêts rendus par une Cour souveraine, non
« étrangère au pouvoir législatif, pouvait être considérée comme
« fixant le sens des dispositions législatives. » ( S ir e y , p. 267).
■Si donc la Cour admet les Chouvenc à discuter les questions
qui ont été agitées au Puy avec Lacroisière, elle ne les jugera
évidemment que par la jurisprudence du parlement de Toulouse.
Thérèse Molin a renoncé en 1755, cela est vrai; mais, 1.0 elle
était mineure , et la convention porte qu’elle sera tenue de con
firm er et ratifier à sa majorité. Elle n’en à rien fait.
n’y a donc
11
pas de partage final là où il y a lieu de le confirmer en majorité j
ce n’est jamais qu’ une mesure provisionnelle.
2.0 On fit renoncer Thérèse Molin à tous droits et supplément.
I l est évident qu’on lui fit entendre en minorité qu’elle n’avait
qu’une légitime de rigueur. Donc on la trompait. Sa renoncia
tion d’ailleurs n’est dirigée au profit de personne.
3
- .° Si on suppose qu’elle a approuvé les testamens, une appro
bation tacite ne suffisait pas; car il fallait les connaître. Celui-là
seul prescrit le droit de réclamer contre une destination de légi
time , qui agnovit ju d iciu m de/uncti. Tels sont les principes
invariables comme la Cour l’a souvent ju gé, et notamment les
a i thermidor an 8 , et 4 pluviôse an 10.
4.0 L e testament de 1735 a été expédié par le notaire, avec
des expressions qui en changeaient le sens. C était donc induire en
erreur les parties intéressées. Thérèse Molin pouvait croire Marie
Molin substituée, puisque la condition du décès de Pierre, sans
avoir rem is, était remplie , tandis que celle de son décès, sans
avoir r ecu eilli, 11e l’était pas. O r, non videntur qui errant consentire , et la prescription 11e court que du jour de la découverte
de la vérité.
5
.° Thérèse M olin, née en 1733, avait d e u x a n s nu décès de sa
mere , et dix ans au décès de son père en 1743. Marie Molin
alors avait vingt-cinq ans j car elle était née au mois de février
�*
-
(«)f
1.718. L e père levait chargée de r^zV <r/ administrer conjointetementavec Ignace Molin, curé de Chambon; et les Chouvenc.
qui connaissent plus d’actes de la famille que les intimés n’en ont,
jamais connus, nous apprennent que ledit Ignace Molin parle,
dans son testament de ses droits légitimaires sur les biens de ses
père et inère, dont jo u issa it Marie M olin,
,
L a voilà donc évidemment protutrice , ou au moins compta->
ble depuis 174.3, envers une sœur de dix ans, qui naturellement
ne pouvait se mêler des affaires de la maison, Le frère n’avait
que douze a n s, et s’absenta quand il put s’enrôler. L a chance
était donc bien inégale, lorsqu’il fat traité en 17^5 , entre Marie
Molin qui, pendant douze ans, avait connu toutes les forces de
la succession et le vice des testamens, et Thérèse Molin qui
ignorait tout.;
•
,
Q r, le parlement de-Toulouse n’a jamais hésité d’admettrea i
pareil cas le. renonçant non visis tiibnlis, à se pourvoir pen-j
dant trente ans. Q u ’on consulte May nard , liv. 2 j chap, 99 et
100^ DoJive , liv. 4 , chap. 16; Catelan, liv...<8 ; Bretonnier, v.°
restitution ; ou plutôt qu’on parcoure tous les auteurs de c i
parlement , ou ceux qui mentionnent sa jurisprudence , on ne
trouvera nulle part q u e .l’art. i
de l ’ordonnance de i539 ait
34
qté jamais appliqué à cette espèce.
L e parlement de Pari^, après l ’ordonnance de i539 , jugea
long-teins, comme le parlement de Toulouse a toujours jugé
Les auteurs du tems même de cette ordonnance , notamment
M .r D u v a l, de reùus dubiis , enseignaient qu’il ju’y a contre les
qctions^en nullité que l ’action trentenaire. Quarante ans après
le parlement de Paris changea sa jurisprudence?, mais enfin ilia
changea de nouveau après l’ordonuance de 1667 ; et il a inva«
riablement jugé depuis que l’art. 1ÎJ4 de l’qvdonnanee de 1089
ne s ’ap p l i quai t q u’aux actions rescisoires.
Cette jurisprudence constante s’est maintenue jusqu’au Code
civil. On a vu encore, dans les discussions sur ce Code, les ellbrts
des sections réunies de la Coi^r d ’appel de Paris, pom luire muin-
�-b it
■'
• .... . • : .
tenir l ’action de trente a n s , et on n ’y voit d’opposition que dans
les deux Cours d’Orléans et de Liège.
L e tribunal civil du Puy-de-Dôme commença par suivre les
anciens principes. Il jugea le 28 pluviôse an 4 , entré les
Champoinier et Sezel, que l ’action en nullité avait duré trente
ans, en floréal an 5 , à la vérité il changea de .jurisprudence.
Cependant la Cour de cassation ne lui donnait pas cet exemple;
elle avait jugé en thèse le 3 messidor an 4 , que Gilberte Laporte
avait'élé recevable pendant trente ans a se pourvoir contre sa
renonciation faite par son contrat de mariage, en faveur de son
beau-frère, et voici les motifs bien précis de son arrêt.
« Attendu que l ’art. i i de l ’ordonnance de i g , de'clare
« nulles toutes dispositions en faveur des tuteurs ou administra
it teurs. etc. directement ou indirectement, avant le compte
3
53
•« rendu, et qu’une vente , faite par une mineure en faveur d’une
.« personne qui administrait ses biens, présente un avantage
« indirect :7
«
« Attendu qu’en pareil cas l ’action subsiste pendant trente ans,
« parce que suivant l’art. i . er, tit. 29 de l’ordonnance de 1667,
« le comptable ne cessant de l ’être que par la reddition de son
•« compte, c’est le compte seul qui peut éclairer le mineur sur
« ses intérêts ;
34
« Attendu que l ’art. i
de l ’ordonnance de 1ÎS39 qui restreint
« le.délai à dix ans , n’est relatif qu’aux actions rescisoires,
« qui n’ont rien de commun avec celles en nullité qui durent
« trente a n s , et pour lesquelles il n’était pas besoin de lettres t
« casse et annulle , etc. »
Il est même remarquable que le Bulletin officiel ju sq u 'à ce
jo u r 11e mentionne aucun arrêt qui contrarie le précédent.
L a Cour d ’appel de Riom ne s’est prononcée, pour les dix
ans , pour la première fois, que le 18 prairial an 11 , c ’est-àdire, depuis le Code c iv il, et par induction de l ’article 47λ. On
verrait même , dans un arrêt du 25 nivôse an 10 , que la pre
mière section avait admis une femme pendant trente ans, et jug^
�( H >
encore que l ’action n’avait couru qu’après le décès du père, qui
avait constitué la dot maternelle par le contrat attaqué. Mais si
cet arrêt ne juge pas la question isolément et en thèse , il paraît
au moins certain que la Cour n’a jamais jugé en faveur de dix
a n s , avant le Code civil.
Comment donc concevoir que la Cour pût infirmer le juge
ment du Puy qui a admis Thérèse M olin, après dix ans , lors
que ce tribunal a jugé comme son parlement , comme le par
lement de P a r is , comme la Cour de casation elle-même.
C I N Q U I È M E
Q U E S T I O N .
L ’action de Catherine M olin est-elle ’p rescrite par trente ans ,
quoiqu’elle ait cohabité la maison paternelle ?
"
Les Chouvenc se sont attachés singulièrement à établir cette
prescription par des citations qui n’ont pas la moindre analogie.
i.° Dargentré qu’ils invoquent sur l’art. 276 de Bretagne , ne
s’occupe pas de la question. D o m a t, au tit. 7 du liv.
ne s’en
occupe pas davantage. L e Code c iv il, art. 2243 se contente de
3
dire qu’il y a interruption naturelle, quand ce possesseur est
privé pendant un an de la jouissance de la chose. E n fin , L apeyrère , bien loin de vouloir la presci’iption, dit expressément
ce qui suit : « Tant que les enfa'ns sont nourris sur les biens de
« l ’hérédité, la prescription de la légitime ne court point contre
« eux ». Son annotateur ajoute « idem , en matière départage»;
25
tet il se fonde sur Coquille , en la question
9.
M ais, outre Lapeyrère, on ne voit pas d’auteurs qui aient
traité la question , s’être expliqués autrement, et si on en cite
plusieurs antres, c’est seulement pour convaincre les Chouvenc
q u ’ils n’ont pas voulu chercher la question où ils l ’auraient
trouvée.
•
r
Dolive en fait une question expresse au chap. i du liv.
3
5,
et décide que « si les enfans vivent en commun sur les biens de
a l’hérédité, cette prescription ne court pas contre e u x , en cette
« rencontre,
�3
5
% $
( ï )
« rencontre, depuis la mort de leur père , mais depuis seule« ment qu’ils ont cessé d’être nourris sur ses biens , parce que
« recevant journellement leur nourriture sur le patrimoine du
« d éfu n t, ils sont censés être en possession. »
Dolive cite deux arrêts des 10 janvier i o et 26 août i
.
Cette opinion est encore enseignée par V e d e l, liv. 2 , cliap.
;Serres, pag. 294; Dunod , p. ¡101; Despeisses, tom. 2, p. i ;
et L ebru n, liv. , des successions. C ’est aujourd’hui un principe
incontestable, dont la raison et la justice presci’iraient 1 observa
63
3
636
36
33
tion, si les auteurs ne l’enseignaient pas.
,
L a Cour d’appel vient très-récemment de prononcer, dans
3
un arrêt du i3 ventôse an i , le motif suivant :
« Attendu que l’habitation d’Antoine et Pierre Veschambe ,
a dans la maison paternelle , a constamment réclamé la con« servation de leurs droits. »
Ainsi Catherine Molin qui a habité la maison paternelle jus
qu’en 1788; qui n’en est sortie que pour former la demande,
n’a pas un instant de prescription à redouter. Ce fait a été éclairci
dans le procès contre Lacroisière, qui soutenait alors, comme les
Chouvenc le font aujourd’h u i , que la cohabitation n’avait pas
empêché de prescrire.
Les Chouvenc veulent que cette prescription ait couru à
leur égard , quand elle n’aurait pas couru contre Lacroisière ,
il est difficile de concevoir sous quel prétexte, à moins que ce ne
soit pour en revenir à la prescription de dix ans , qui a déjà été
démontrée être sans application dans la cause.
Il est plus difficile de concevoir encore sur quoi serait fondée
la différence q u ’ils veulent établir entre les portions de Catherine
et J ea n n e , et celles de Marguerite et de Pierre Molin ; car l’ac
tion d’un cohéritier se compose de tous les droits partiels , qui
ad hœreditatem veniunt ; et comme les portions advenues à
Calherlne Molin par le décès de scs sœurs , se sont accrues à
la-sienne, aussitôt leurs décès, en vertu de la règle, le. mort
jd is it le v if y Catherine Molin a été, dès cette époque, proD
�T
.
-
C 26)
.
priétaire d’une quotité plus con sid érable, et n’en a pas plu*
perdu une fraction que la totalité.
S
i x i è m e
Q
u e s t i o n
.
l e testameut de Catherine Ferrapie est-il valable?
« U n testament, dit R ic a r d , est un acte dont tonte la valeur
k
est dans sa solennité, et dont toute la solennité est dans ses
« fermes. »
E n e l l e t , dans cet acte si im p o r ta n t, il faut que toutes les
formalités aient été ostensiblement remplies : elles sont toutes
de rigueur d ’après les ordonnances.
L e testament de 1735 est vicié par deux nullités textuelles : 1.®
il est dit fa it et récité en la maison de Pierre M alin ; maià rien
ne constate que la lecture ait élé faite à la testatrice.Cependant
la loi l’exige impérieusement; et il est bien indispensable q u ’ un
testament soit lu à celui qui l’a dicté , pour q u ’il soit certaia
que ce sont là ses véritables intentions;
2.° Il n ’e6t fait aucune mention de la signature de la testa
trice ou de sa déclaration de n’avoir su ou pu signer , car on y
lit seulement : « L adite testatrice
ille
de ce enquise. »
O r , l’ordonnance de 173 5 dit que « les notaires écriront les
« dernières volontés du testateur, et lu i en feront ensuite lec« t u r e , de laquelle il sera fait une mention expresse.... Après
« quoi le testament sera signé par le testateur , le notaire et les
« témoins ; et en cas que le testateur déclare q u ’ il ne sait ou ne
« peut sig n e r, il en sera fait mention ( a r t . 2 3 ) à peine de
« nullité ( art. 47 ). »
M i i s , disent les C h ouvenc , le
testament de Catherine
Ferrapie est antérieur à l’ordoninnee de 1735 : cela est vrai.
Mais cette ordonnance ne fait que répéter en cette partie les
dispositions des ordonnances d’Orléans et de Blois.
« E t en cas que les parties ou témoins ne sauront point
« s i g n e r , les notaires fe r o n t mention de la réquisition par eux
�b i> 1 '
7
( 2 ) _
a faite aux parties ou témoins de sig n e r, et de leur réponse
« qu’ils ne savent signer. » Ordonnance d’Orléans , art. 84 ;
65
ordonnance de Blois , art. i .
Ces ordonnances exigent donc du testament une réponse
d ’une manière plus expresse encore que celle de i y .
E t les auteurs qui ont écrit avant l’ordonnance de 1735 ,
enseignent que cette réponse ne peut être suppléée par ce que
dit le notaire en son nom. ( L e Maitre , sur Paris , article 14 ,
chapitre i . e r ; R a v io t, question 164; Maillart , sur A rto is ,
35
art. 74 ).
On cile souvent R i c a r d , comme ayant rapporté un arrêt de i a
validant un testament où i l était dit : « Lequel n’a pu signer ,
65
« interpellé de le faire. » Mais on pourrait voir que Ricard le
désapprouve, en disant que cela est un peu subtil , et qu’il y a
grande apparence^que la faveur des dispositions dont il s’agissait
contribua à faire rendre cet arrêt.
5
Aussi Ricard , n.° i 26 , citant un arrêt qui validait un testa
ment où le testateur a déclaré ne savoir signer , sans que le
notaire eût dit l’avoir interpellé, ajoute : « Il en serait toute« fois autrement , si le notaire déclarait de son nom que le
« testateur n’a pu signer , parce qu’encore le testament ne fait
« foi , ni de l’interpellation du notaire , ni de la réponse du
« testateur.... Car le notaii’e , dit Ricard , au n.° i
, ne doit
« contribuer d’autre chose que de son oreille et de sa main ,
« dans la rédaction du testament. »
568
L a jurisprudence s’est conformée à cette rigueur; et on trouve
dans Denizart. un arrêt du 3 septembre 1768, qui a annullé uu
testament du Bourbonnais , dans lequel il était dit que le tes
tateur n'avait pu signer à cause de sa faiblesse, de ce eticjuis.
L e tribunal civil du Puy-de-Dôme a jugé deux fois de la
même manière , le 17 ventôse an 6 , sur appel du Cantal , et
le a pluviôse an 7 , entre les héritiers V a c h i e r , d’Arlanc.
L a question ne paraît pas s’être encore présentée en la Cour»
mais l’art. 973 du Code civil veut aussi que si le testateur déD 2
3
�î
( 28 )
clare ne savoir signer, il soit fait mention expresse de sa décla
ration ; ainsi la loi n’a pas change', et la cause actuelle fixera
sur ce point la jurisprudence.
Les Chouvenc se sont imaginé que les ordonnances d’Orléans
et de Blois n’avaient pas été enregistrées au parlement de T o u
louse ; mais on leur demanderait comment il se fait que tous
les auteurs de ce parlement s’y réfèrent et les citent comme lois,
sans dire nulle part que leur parlement ne les adopte pas.
A la vérité Dolive dit que de son tems on n’était pas rigou
reux sur les signatures de testamens , et que môme on n’exan iuait pas si le testateur avait signé ; mais Serres, Boutaric
et Furgole ne disent rien de pareil. Furgole dit au contraire
que les form alités que les lois prescrivent, pour la validité des
testamens , sont de droit p u b lic , et qu’un testament doit porter
la preuve avec lui-même; que toutes les formalités de la loi ont
été religieusement observées.
Dans le testament de Catherine Ferrapie , il n’y a pas même
la preuve que le notaire ait parlé des causes de la non signature
de la testatrice ; car le mot ille ne signifie rien. Les Chouvenc
se sont efforcés de persuader qu'ille veut dire illitéré , puis
illitéré veut dire ne sait écrire, puis enfin que les mots ne
sait écrire équivalent à la réponse ou déclaration voulue par
les ordonnances.
Mais d’abord quand cette pénible graduation pourrait mener
à quelque chose , il y aurait toujours ime autre irrégularité ,
en ce qu’une formalité rigoureuse aurait été substituée par une
simple abréviation.
Un arrêt de règlement de i
défend aux notaires d user
d’aucune abréviation ou interligne dans toute espèce d’actes. Si
elles ne touchent pus à l’essence de l’acte , elles sont seulement
elles-mêmes considérées comme nulles.
685
Yinnius et la loi nous apprennent que dans les testamens sur
to u t, qui sont testatio m en tis, il faut écrire en toutes lettres
et d’une manière intelligible sans user de simples notes ou abré-
�9
.
( a )
viations. Cœlerum litteris iisque usilatis et legîbilibus scribendum esse p la c u it, non sig n is, obscurisve n o tis, I. 6 , g. ult.
de bon. poss.
L e mot illité r é , au reste , ne se trouve , ni dans le diction
naire de l’Académie, ni dans le dictionnaire de pratique de Ferrière, ni dans le glossaire de Delaurière ; on trouve au diction
naire de Trévoux le mot M étré, signifiant celui qui ne connaît
pas les belles lettres. A u reste quand ce mot signifierait quelque
chose , il n’y a pas dans le testament illité r é , il y a M e , et par
conséquent ce serait mépriser évidemment la loi que de trouver ,
dans ce mot bizarre, une déclaration de la testatrice, qu’elle n’a
pu ou su signer. Allons plus loin même , le mot illitéré ne la
remplacerait pas.
S E P T I È M E
Q U E S T I ON .
Q u elle est la nature de la substitution,du testament de iy35 ?
a-t-elle transmis la succession à Marie M olin ?
Quand ce testament serait valable en la forme , il ne produi
rait pas encore l’eíFet de réduire Thérèse et Catherine Molin à
une légitime de rigueur.
Car le système des Chouvenc à cet égard , est fondé unique
ment sur une erreur de principes, qu’ils accréditaient encore plus
par une expression inlidelle de l ’expédition, qu’ils a vaient d’abord
produite, de ce testament.
Les héritiers institués, disaient ils, étaient Ignace Molin et
pierre Boyer. Ils étaient chargés de rendre la succession à Pierre
Molin quand bon leur semblerait. Pierre Molin est mort en 1748,
et Marie Molin était appelée à la substitution , dans le cas où
ledit Pierre Molin décéderait sans avoir remis la succession ; or
il est décédé sans l’avoir remise , donc , en vertu de la maxime
sub stitu tu s su b stituto est substitutus in stitu to , Marie M o l i n a
recueilli l’hérédité directement des doux héritiers institués.
D ’abord il est prouvé par l ’extrait vidimé du testament de
�3
( o )
Ï735 , fait en exécution de l’arrêt de la C o u r , qu’au lieu du
mot remis il y a recueilli. Cela p osé, voyons maintenant quel
est le sens de la substitution ?
. L e testament d’une mère qui , ayant des enfans , instituerait
des étrangers , serait évidemment inofficieux et susceptible de
contradiction ; mais les principes y ont pourvu en faisant une dif
férence entre la substitution fidéicommissaire et la substitution
fiduciaire.
L a première fait passer réellement la succession sur la tête du
grevé : l’autre ne lui transmet qu’un dépôt à titre de confiance,
et le grevé d’un fiduce ne compte pour rien dans les degrés de
la substitution.
Pérégrinus, qui a fait un traité sur les fîdéicornmis, le définit
ainsi. Fiduciarius est hœres q u i, non sut contem platione sed
aherius gratid institutus , eidem restituere hereditatem ,p o st
diem certain vel incertain , rogatus proponitur.
c< Ces substitutions, disent Henrys et Brelonier, sont corn
et munes dans les pays de droit é c rit, sur-tout en faveur du sur
et vivant des époux , pour maintenir les enfans dans le respect
« et l ’obéissance hoc consilio ut parenti obsequerentur.........
« Quoique le tems de la restitution, continuent-ils , ne soit pas
« marqué dans le testament, néanmoins on doit présumer que
« son intention a été que le survivant ferait bon usage de cette
« liberté, et n’attendrait pas jusqu’à sa mort pour en faire la res« titulion. . . .
« O11 doit penser, dit ailleurs le même auteur, qu’un père
« chérit plus ses enfans que leur mère ; qu’il vise plutôt à leur
« utilité, et ne l’avantage qu’à leur considération ; qu’ainsi il ne
a l’a instituée que par In nécessité de leur bas Age, non ut filiis
jninoribus obesset , sed poilus ut eis consuleret. » ( henr. t.
X.er } p.
, t. , p. 69 ).
736 3
Tous les auteurs ont adopté cette distinction , et donnent
d’autres signes du liduce, qu’on retrouve tous dans le testament
de 1735.
�& (h \
( 8 0
1.° Catherine Ferrapie avait tin fils et des filles; cependant
elle paraissait instituer deux oncles ;
2.° Ferrapie chargeait ces oncles de remettre l ’hérédilé ù son
fils, sans distraction de quarte. Ces prétendus héritiers n’avaient
donc l’espoir d’aucun droit , de leur c h e f , à la succession ; car
tout héritier grévé de fidéicommis a le droit de retenir la quarte
§.5
trébellianique ( 1. i . er
, ad treb. ) ;
°. En remettant l’hérédité à Pierre , ils étaient dispensés par
la testatrice de rendre aucun compte des fruits. Si donc ils eussent
été de véritables héritiers , jouissant pro suo , les fruits leur
eussent appartenu de plein droit , sur leur propre chose , sans
3
aucune stipulation ;
4.0 Enfin ils étaient institués à la charge d’élever les enfans :
le but de la testatrice était donc de maintenir seulement ses
enfans dans l’obéissance envers deux oncles , ut pa\entibus
obsequerentur. A cela p rès, elle exigeait les mêmes soins pour
eux, que si elle eut été vivante , sed potius ut eis consuleret.
A insi disparaissent Pierre Boyer et Ignace Molin , simples
dépositaires, pour faire place à Pierre Molin , impubère , véri
table héritier en premier degré de la succession de Catherine
Ferrapie.
Pierre Molin , propriétaire de la succession, l’ayant recueillie
dès 1735, était à la vérité grévé lui-mèine de substitution envers
Marie Molin , mais seulement au cas q u 'il vînt à mourir sans
pouvoir disposer, ou sans avoir recu eilli ladite hérédité.
On voit dans cette clause tous les caractères de la substitution
pupillaire , qui consistent comme on sait à faire soi-même le
testament de l’enfant impubère , s i non exliterit hceres J iliu s ,
aut si impubes decesserit ( instit. ).
Pierre Molin n’est pis mort sans pouvoir disposer ; car
en pays de dro't écrit le mineur avait testamenti fa ctio n cm
aussilot qu’il avait atteint sa puberté. Or , Pierre Molin , ne
cil 1731 , eta;t pu ère en *74^ > et il n ’est décédé qu’en * ®Si ce moyeu n’était pas péremptoire , on opposerait aux
74
/
�52
C
)
Chonvcnc que la mère ne pouvait pas faire une substitution
pupillaire ; car il faut pour cela avoir la puissance paternelle ,
comme l’enseignent les institutes , is subslituere potest liberis
impuberibus q u o s i n p o t e s t a t e h a b e t , cùm ejus cetatis sint
in quâ ip si testam entum facere non possunt.
Il ne reste donc que l ’institution de Pierre Molin , sans charge
de substitution envers Marie. A u surplus elle serait éloignée
encore par le principe enseigné par Cujas sur cette matière ;
c’est que la règle substilulus substituto n’a pas lieu en la subs
titution pupillaire , et le substitué au pupille n’est pas censé
l ’héritier du testateur. (C u ja s, ad 1. 41. de vul. et pup. sub.)
Ainsi le testament de 1735 , valable ou non , a transmis la
succession maternelle toute entière à Pierre Molin. Il est mort
pubère ; il est mort ab intestat-, donc ses soeurs lui ont succédé
par égalité , et ont de son chef recueilli cette succession.
H U I T I È M E
Q U E S T I O N .
L e teslament de 1743 e st-il n u l ?
s
Il
est évidemment-nul, mais cette nullité ne change rien à
l’ordre de succéder dans les biens paternels ; el on ne s’en occupe
que parce qu’elle a été agitée lors du jugement de 1793.
Pierre Molin père a institué son fils héritier , et a seulement
légué une légitime à ses filles ; or les institutes nous disent que le
père de famille doit instituer tous ses eufans héritiers, ou les
exhe'réder nominativement, aut hceredem in stitu â t, aut exhœ. redem nominatim fa c ia t , alioquin inutiliter testabitur.
Cette disposition a été répétée dans l’art. o de l’ordonnance
de 1735 , qui dit que, dans les pays de droit écrit, ceux qui ont
droit de légitime , seront institués héritiers, au moins eu ce que
le leslateur leur donnera.
5
Mais l’héritier, institué par le testament de 1743 , étant décédé
ab in testa t, il importe peu que ses sœurs viennent de son chef
ou
�33
C
)
^
ou ju r e s u o , à la succession de leur père, il n’est pas moins vrai
de dire qu’elle doit être partagée entr’elles par égalité.
Les Chouvenc terminent l e u r mémoire par demander, i.o
q u ’on estime les biens de la succession M olin; 2.0 qu’on accorde
à Marie Molin leur venderesse , les pi*élèvemens qurelle aurait a
faire, notamment trois qu’ils indiquent ; B.° qu’ils leur soit ac
cordé un compulsoire pour chercher des quittances, s il en existe.
A l’égard des deux premiers articles, le jugement dont est
appel, y a fait droit , en ordonnant que tous les bienS seraient
épuisés pour former le lot des intimés, avant d’en venir aux
Chouvenc.
Ainsi les Chouvenc assisteront à la formation des lots pour
veiller à leurs intérêts; c’était tout ce que les premiers juges
devaient et pouvaient faire, pour conserver l ’intérêt de toutes
les parties ; ce que demandent les Chouvenc appartient donc à
à l ’exécution du jugement dont est appel.
A lo r s , seulement ils pourront s’occuper des prélèvemens et de
l ’estimation des biens, sans laquelle le partage serait impossible.
Quant au compulsoire , c’est encore a cette époque qu’ils au„ ront droit et intérêt d’en requérir, s’il y a lie u , et il ne leur
sera pas refusé ; mais leur réclamation actuelle n’est qu’une
inquiétude tracassière , fondée sur une simple possibilité de
fraude qu’ils n’ont pas le droit de soupçonner sans motif; car
la fraude ne se présume pas.
Tout prouve dans celte cause que c’est Lacroisière qui souille
encore un troisième procès, après en avoir perdu deux , et les
exclamations des Chouvenc, pour crier à la collusion , ne sont
q u ’une finesse de plus ; ils sont venus à l ’audience avec une
Joule de papiers de la famille Molin , qu’ ils ne^pouvaient tenir
que*de lui. Tout ce qu’ils ont expliqué sur celle famille avec
ta ni de détails, 11e peut être de leur science personnelle, et il
st remarquable qu’ils n’ont jamais demandé en cornmunicat ion
E
�34
(
)
les pièces du procès par écrit jugé en 1793 , quoiqu’il soit le
siége principal des difficultés qu’ils élèvent.
Mais tel est le résultat fréquent des tierces oppositions for
mées par les ayant cause; elles ne sont qu’un piège tendu aux
tribunaux et une voie tortueuse de la chicane pour éprouver la
variation- des jurisprudences. A u reste , si la Cour veut statuer
sur les questions d’un partage, avec l’acquéreur d’un cohéritier;
si elle veut examiner le bien jugé du jugement en dernier res
sort de 1793 , elle reconnaîtra que les dispositions de ce juge
ment étaient sages et légales, et n’y trouvera rien qui mérite
censure et reformation.
M .e D E L A P C H I E R , avocat.
M .e D A U D E ? avoué .
)WA^V'^VW 1 V W V \,W W \W \A ^ ,V W V \'W W ^
A RIOM,
De l ’imprimerie du Palais, chez J . C . S A L L E S . ( A n X I I I ) .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Molin, Catherine. An 13]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Daude
Subject
The topic of the resource
tutelle
successions
testaments
jurisprudence
prétérition
prescription
coutume de Paris
Parlement de Toulouse
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour Catherine Molin, et les Sieur et dame Vendriez et Borne, intimés ; contre Jean et autre Jean Chouvenc, appelans.
Arbre généalogique.
Table Godemel : Renonciation : 8. la fille a-t-elle dix ans ou trente ans pour se pourvoir contre une renonciation surprise en minorité par des protuteurs, dans l’ignorance de ses droits et sans être informée que les testaments de ses père et mère étaient nuls ? Substitution : 3. substitution fidéicommissaire ou fiduciaire. substitution pupillaire. - validité. - transmission. Testament : 6. un testament sans signature ou déclaration négative du testateur est-il valable ? que résulte-t-il, pour ou contre sa validité, de ce qu’il est antérieur à l’ordonnance de 1735 ? Tierce-opposition : 3. des tiers, en qualité d’acquéreurs d’un cohéritier, sont-ils recevables à former tierce-opposition à des jugements en dernier ressort, rendus sur appointement, entre leur vendeur et ses cohéritiers, pour le règlement de leurs droits respectifs à la succession commune ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 13
1778-An 13
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1611
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0624
BCU_Factums_M0729
BCU_Factums_M0326
BCU_Factums_G1610
BCU_Factums_G1612
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53285/BCU_Factums_G1611.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Chambon-sur-Lignon (43051)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
coutume de Paris
jurisprudence
Parlement de Toulouse
prescription
prétérition
Successions
testaments
tutelle
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53290/BCU_Factums_G1616.pdf
9b65a4938b7ca05028ed3105773ab519
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3
PRECIS
COUR
D ’APPEL
P O U R
DE RIOM.
La dame D E M A R I O L , e t les sieurs D E
V É N Y et D E R I B E Y R E , enfans et
héritiers de la d am e
de
V
illem o n t,
appelans
í%o6f (y (í-
C O N T R E
d/csuV
L e sieur R I X A I N } intimé.
L e sieur R ixain , fermier de la dame de V illem on t, lui avoit
fait souscrire, en l’an 2 , une obligation de 26000 fr. Légitime
ou n o n , cet engagement auroit été respecté par les appelans,
si le sieur Rixain se fut borné à suivre le sort de son propre
titre : mais l’obligation étant en assignats, le sieur Rixain a prétcndu qu' elle avoit une cause antérieure à leur é mission; e t,
pour le p rouver, il a fallu q u’il reproduisit tous ses payemens
�r 2 )
et objets de répétition. Ce nouveau compte établit c^airrmrnt
aujourd’hui que le sieur Rixain n’a payé que quatre années de
ferme au lieu de six ; et les héritiers de Villem ont réclament les
deux années qu’il doit. Voilà ce qui semble au sieur Rixain extrémement injuste. Il ne prouve pas cependant qu’il ait payé; mais
il se retranche sur l ’acte de l’an 2 , qui n’expliquoit rien , et qui r
expliqué et dénaturé par son fait, n’est plus un titre pour lui-méine.
F A IT S .
L e 26 mai 1787, la dame de Villem ont donna à ferme ait
sieur R ixain , pour n eu f ans
^ m p ter du 1e1'. mars 1788,.
les trois terres de Villem or
T eix et M ontrodés, moyennant
17600 francs.
L e même jour il fut d it , par une contre-lettre , que la dame
de Villem ont résilieroit le Sail de la terre de Villemont si ses
enfans lui payoient ses reprises, et que l’indemnité seroit de
1 200 fr. par chaque année à courir.
Le i 5 avril 1789, le bail fut résilié pour la terre de T e ix , et
*4 -. il. fu tx litq u e Villem ont resterait afferm é 8000 fr. et Montrodés
• -« pour 4000 francs.
Le 2G février 179 3 , la dame de V illem on t, remboursée par
ses en fan s, signifia un congé au sieur Rixain , et lui offrit
4800 fr. pour l’indemnité de quatre ans.
Les parties compromirent; et par jugement du 7 juin 1790,
les arbitres , jugeant le congé venu à ta rd , déclarèrent le hait
résilié au 1^. mars 1794» et condamnèrent la dame de Ville
mont à payer 56oo fr. pour trois années de non-jouissance ; ils
ordonnèrent une plus ample contestation sur des demandes contre
le sieur Rixain , pour dîmes , dégradations , etc. , dues il la dame
de Mariol et au sieur de Teix.
Ce jugement fut signifié au sieur Rixain , avec commande
ment de payer à la dame de Mariol et au sieur de Theix.
Le
ventùse an
2,
le sieur Jlixain iit u la dunie
ycuyo
de
�3^
Villem ont sommation de payer la somme de 36oo fr. , et ré
clama de plus a8632 liv. 2 sous 5 den. par lui surpayés, dit-il,
après avoir payé les six années de sa ferme ; to ta l, 32262 liv.
2 sous 5 deniers.
Le 4 messidor an 2 , il fut fait arrêté de compte dans lequel
on fait dire à la dame de Villem ont qu’après avoir examiné le
dit compte , et discuté tant à raison du dédommagement par
elle dû des objets supprimés par les décrets quautrem ent, elle
a trouvé un. excédant de 6262 liv. 2 sous 5 deniers.
F.n conséquence de quoi la dame de Villem ont se reconnut
débitrice de 26000 fr. pour solde de tout compte.
Il fut ajouté qu’elle avoit fait compte à Rixain de la nonjouissance de Montrodès pour trois ans , et q u e , comme ses
sous-fermiers refusoient, dit-il, de payer, à cause des suppres
sions féodales, il étoit autorisé à faire avec eux des ventilations,
après quoi il se payeroit par ses mains de sa cré a n ce , en rece
vant de ces sous-fermiers ce qu’ils devroient.
Cette dernière clause annoncoit
assez combien la dame de
»
Villem ont se mêloit peu elle-même des comptes du sieur R ixain ,
et le laissoit maître de tout régler lui-méme. Quoi qu il en soit,
le sieur Rixain dit avoir traité avec ces sous-ferm iers, et reçu
4972 francs.
La dame de Villem ont étant décédée en l’an 4 , le sieur Rixain
assigna, en l’an 6, ses héritiers en payem ent des 26000 francs,
montant de l’obligation , et des arbitres furent nommés. Ils ren
dirent un jugement arbitral le 21 pluviôse an 6. Comme il esc
la base du procès actuel , il est important d’en connoltro les
détails et les dispositions.
Les héritiers de Villem ont, voyant un règlement fait par leur
m ère, contenant obligation, à la date de l’an 2 , en demandoient
la réduction.
Le sieur Rixain répondit que tout ce qu’il avoit p a y é étolt
anterieur aux assignats, et qu’il étoit prêt à l’éiablii Fal
anciens comptes et pièces qui étoient en son p o u v o i r .
A 2
�Ç 4 3.
En conséquence , et d’npvés sa réclam ation , les arbitres re
viennent à un com pte général sur le vu de trois comptes de»
i er. ju illet, 20 décembre 1790, et 2 janvier 1791; et le nouveau
compte donna le résultat suivant :
i°. Le sieur Rixain a payé, d’apriès ces trois états, 622G 3f.46c.
Sur quoi il devoit, pour quatre ans de ferm e
alors échus. . . . ......................................................... 48000
35
D onc il étoit alors créancier de.........................14263
46
20. li a payé, depuis ladite époque de janvier 1791
jusques au mois de mai 1793, 804$ fr.
Ces 8045 fr. sont réductibles, et valent................5982
»
5 °. Il reste, pour atteindre l’obligation , 3691 fr.
Cette somme est réd u ctib le, et v a u t . ..................
1110
T o t a l de ce qui est dû. au sieur R ix a in ...............21555
55
81
■ H M A M U tO I
1t ?
Sur quoi il a reçu des fermiers 4972 fr. , et il a payé 268 fr.
au notaire, pour frais de l’obligation de l’an 2.
Et d'après ce compte n ouveau, les arbitres, n’ayant à juger
que l’obligation , condamnent les héritiers Villemont à payer
cette somme de 2i555 fr. 81 c e n t ., et néanmoins à déduire
«
4972 lr. imputables sur les intérêts et sur les 268 fr. payés au
notaire.
Le sieur Rixain interjeta appel de ce jugem ent ; mais , sur
l’a p p e l, le jugement arbitral fut confirmé le i5 pluviôse an 8.
L e 29 ventôse suivant , les héritiers de Villem ont firent si
gnifier ces jugemens , et , en se reconnoissant débiteurs do
21555 f r . , ils dirent que cette somme étoit compensée et au
delà, i°. avec les 497^ fr. reçus par R ixain; a", avec «4000 lr*
par lui dûs pour deux années de sa ferme , non comprises au
com pte; et lui firent sommation de payer l’excédant.
Néanmoins le sieur Rixain jugea h propos, le 6 nivôse an 10,
de faire aux héritiers Villem ont un commandement d'expro
priation. Ils en demandèrent la n u llité , de même que la main-
.9
�levée d u n e inscription par lui laite ea-l’nn 7 , ¿le 04200 franc?.Par jugement du tribunal de R iom , du 6 floréal au 12, con
tradictoire seulement avec d e u x d’entr’e u x , ils lurent déboutés
de leur demande. '
M O Y E N
S.
Le sieur Rixain n’en a qu’un s e u l, et il le reproduit sous
toutes les faces possibles : c ’e^t aussi sa réponse a foutes les
objections.
J’a i, d it-il, une quittance finale du 4 messidor an 2.
' Cela est v ra i, ou plutôt cela étoit vrai. Mais il l’a lui-m êm e
nnnullée en exigeant un nouveau compte.
Sans doute il pouvoit s’en prévaloir ; et quoique ce fût un
acte d’aveuglem ent, né de l’aspérité des tem ps, il auroit eu
le droit de se prévaloir de son obscurité même , et de réclam er
2G000 fr. , s’il se fût borné à les vouloir à l’échelle.
Mais le désir d avoir davantage l!a forcé à représenter toutes
ses pièces comptables pour vérifier les époques de tous ses payemens et objets de répétition quelconques : et alors les arbitres,
mentionnant ce qu’ils ont vu , transcrivant le résultat de ses
propres com ptes, ont écrit qu’il n’avoit payé en total que 622GJ fr.
dans tout le temps de sa ferme.
D ’après cela il est aisé de savoir si les six années de cette ferme
ont été payées. Les arbitres ont très-clairement porté en compte
quatre années , et s’ils en avoient porté deux au tres, on les trouveroit également,
11
faudroit sans difficulté que ces deux années fussent com
prises dans les 804^ francs ou dans les 3691 francs; mais cela
est impossible. Dans la première somme sont les 36 oo francs
portés par le jugement arbitral du 7 janvier 1793 : le sieur Rixain
1 avoue ; il dit avoir payé le surplus.
Quand il l’auroit p a y é , ce ne pouvoit être qu’à c o m p t e des
deux années de sa ferme. C a r } t^uoi qu’il puisse d ire , il faut
�/ 6}
bien , dans un compte où il porte tout ce qu’il a p a y é , tout
ce qu’il a à répéter , à quelque titre que ce soit, qu’on trouve
tout ce qu’il devoit.
O r, on voit que la masse de ses payemens et autres objets,
est composée de trois articles ; et on ne voit sur le total qu’une
seule déduction de 48000 francs pour quatre années de ferme *
donc deux années sont oubliées.
M ais, dit le sieur R ixa in , si les arbitres n'ont pas dit que ces
deux ans sont p a y é s , ils n’ont pas dit non plus qu?ils ne sont
pas payés.
Ce n’est là qu’ un jeu de mots ; car un ferm ier qui devoit six
ans de ferme , et qui porte en compte tout ce qu’il a payé en
six ans, tout ce qu’il prétendoit réclam er d’ailleurs, devoit dé
duire les six ans de sa ferme avant de se dire créancier. S’il
n’en a déduit que quatre, il n’en a payé que quatre ; et par con
séquent c ’est avoir dit suffisamment qu?il en doit deux.
A cette démonstration le sieur Rixain objecte que les arbitres,
en déduisant les 48000 fra n c s , n’ont parlé que des quatre ans
¿chus en 1791.
Biais qu’importe l’échéance, lorsque les deux années suivantes
ne se trouvent pas mentionnées. C a r , encore une fo is , si elles
ne sont pas comprises au com pte, le sieur Rixain les doit.
Le sieur Rixain , qui ne s’est pas dissimulé la nécessité de
retrouver ces deux années, veut les laisser apercevoir dans une
prétendue indemnité dont le compte des arbitres ne parle pas,
et avec raison.
J’a i, dit-il, acquité ces deux années par compensation avec
les indemnités qui m ’étoient dues pour 1791, 1792 et 1793. E t,
pour établir quelques données sur ce moyen , le sieur Rixain
calcule quelques produits des terres de Villem ont et Montrodès.
En un seul mot l’obscurité qu’il a voulu jeter sur cette partie
se dissipe • il devoit 12000 fr. par an ; qu’il suive son propre
ca lcu l, et il verra qu’il est encore lo in 'd ’avoir payó d cilx «us
par com pensation.
�r , ,
.
é?
' An fait, cette indemnité n étoit presque rien. Villem ont dcvovt
beaucoup de cens , et le sieur Rixain les a gagnés. En l'jgx il
n’a perdu que les banalités s’il y en a v o it, car les autres droits
féodaux n’ont été supprimés qu’en 1792. Il avoit même été
formé contre lu i, en 1795, une demande en indemnité de la
dim e, fondée sur la loi du 14 avril 1791En l’an 2 il a déclaré avoir été payé de l’indemnité pour
ÎVlontrodés ; et il est de principe que les déclarations contenues
en un acte annullé subsistent.
A u lieu de prendre tant de peine pour persuader que les
deux années omises sont dans le compte arbitral, sans qu’on
les y ap erçoive, le sieur Rixain n’a voit qu’une chose à fa ire,
c ’étoit de reproduire ses acquits de 1791 à 1795. Car il a tout
exhibé aux arbitres , et il est encore nanti de ce qui peut
prouver qu’il a payé. Un galant homme doit toujours être prêt
à revenir à compte.
Forcé d’avouer que le jugement arbitral de l’an 6 est au
jourd’hui le seul titre de la c a u s e , le sieur Rixain y cherche (
encore une objection; il dit aux héritiers de Villem ont : Si vous
étiez créan ciers, pourquoi vous borniez-vous à demander une
réduction à l’échelle?
Mais ce n’est-là qu’un cercle vicieu x pour remonter à l ’acte
de l’an 2. O r, on le répète an sieur Rixain , c ’étoit à lui h
adopter cette restriction ; et s’il a couru le hasard de vouloir
un nouveau compte , il ne peut s’emparer de deux chances ,
et revenir à ce qu’il a détruit.
Quand les arbitres ont lu ses pièces et refait un compte ,
les sieurs de Villem ont ne pouvoient qu’en attendre le résultat,
et n’avoient pas le droit de se m êler à la délibération des ar
bitres, pour prendre des conclusions sur le résultat même de
leur jugement.
Mais aussitôt qu’ils ont vu , par ce jugem ent, q u e le compte
nouveau ne portoit en compte que quatre ans de ferm e, ils
�■
m
ont réclamé les deux ans restans, par la signification même du
jugement confirmatif.
R ien n’est donc m ieux établi que leur droit de s’opposer à
une expropriation commencée pro non debito. Il est de prin
cipe qu’après un compte les omissions donnent droit à une ré
clamation postérieure, sans qu’il soit besoin d’attaquer le pre
mier compte qui contient l’omission. ( V . la loi 1‘e. ff. quai
sent, sine appell, , et l’article 21 du titre 29 de l'ordonnance
de 1667. )
La compensation s’est opérée de plein droit avec la créance
du sieur Rixain. Son bail est exécutoire contre lu i, et il n’a pas
fallu former une demande judiciaire.
Quant au com m andem ent, il est nul en la forme contre la
dame de M ariol, qui n’avoit de domicile de droit que celui de
son mari, à M ariol, et q u i, assignée à C lerm o n t, ne l ’a été
à personne ou domicile.
L ’arrêt de cassation in voqu é pour éluder cette nullité , ne s’y
applique pas. Un cohéritier, poursuivi seul, ne pouvoit exciper
du droit d’autrui ; et c' est pour cela que l’expropriation faite
contre lui fut jugée valable. Mais ici on a mis en cause la
dame de Mariol ; et dès-lors elle a droit de se prévaloir des
nullités qui la concernent.
M e. D E L A P C H I E R ,
M e. G O U R B E Y R E ,
avocat.
avoué.
A R 10M, de l ’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Janvier 1806.
�
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Mariol. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Gourbeyre
Subject
The topic of the resource
assignats
ferme
bail
arbitrages
jugement arbitral
cens
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour la dame de Mariol, et les sieurs de Vény et de Ribeyre, enfans et héritiers de la dame de Villemont, appelans ; contre le sieur Rixain, intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1787-1806
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1616
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0742
BCU_Factums_M0327
BCU_Factums_G1617
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Villemont (terre de)
Teix (terre de)
Montrodeix (terre de)
Clermont-Ferrand (63113)
Saint-Genès-Champanelle (63345)
Orcines (63263)
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arbitrages
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bail
cens
ferme
jugement arbitral
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POUR
G a s p a r d - R o c h M O M E T , propriétaire à P a ris,
intimé
CONTRE
^
J e a n - J o s e p h C R O Z E , sous-préfet de Brioude,
appelant ;
EN
d
’I g n a c e
P R É S E N C E
B E A U F O R T -M O N T B O IS S IE R
D E C A N I L L A C , appelant.
1
A c h e t e r un bien et le payer, s’obliger et remplir
ses engagemens, sont des opérations tellement vulgaires
qu’il n’y a nul mérite à les concevoir ; mais garder en
ses mains pendant dix ans la moitié du p rix de son ac
quisition , susciter à son vendeur procès sur procès, le
forcer à payer 65 ooo francs le domaine qu’on a acheté
de lui 36000 francs, et cependant lui soutenir qu’il a
vendu un second domaine sans l’avoir su , et sans en avoir
jamais été propriétaire; enfin répondre à u n e somma
tion de payement par dix chefs de demandes incidentes
�voilà une conception grande et instructive, un coup de
maître qui décèle le génie et les grandes inspirations.
Il en coûte singulièrement au sieur Momet de désigner
le sieur Croze comme coupable d’une telle conduite ;
mais réduit lui-même par le sieur Croze à se justifier de
n’avoir pas vendu le bien d’autrui, le sieur M omet est
dans"la dure nécessité de dire la vérité à la cou r, pour
sa propre défense.
F A I T S .
Par acte passé devant D eloch e, notaire à Paris, le 30
vendémiaire an 4 , le sieur de Canillac vendit au sieur
M omet le domaine dit de Chassaigne,
« C o n s is ta n t e n maison de ch ef, c o u r, jardin et dépen« dances, ensemble le s b â tim e n s nécessaires à l’exploitact tio n , le tout contenant c in q se p te ré e s deux quarte—
« ro n n é e ;
« Plus soixante septerées trois quarteronnées de terres
« labourables ;
« Plus vingt-une septerées de prés ;
« Plus cent vingt septerées de bois;
« Plus deux septerées deux quarteronnées de vigne ;
« Plus cinq septerées une coupée de terres incultes;
ce C e qui forme au total deux cent dix septerées une
« quarteronnée de terrain, ainsi que le tout se poursuit
« et c o m p o r t e , sans r é s e r v e , môme le mobilier v if et
« mort qui se trouvera d a n s ledit domaine appartenant
« a u d it vendeur, qui entend vendre audit acquéreur tout
« ce qu’il possède, et les droits (ju’il a et peut avoir dans
�(
3)
« ledit domaine et dépendances, à dix arpens près, en
« dehors ou en dedans. »
L a vente est faite moyennant 600000 francs de prix
apparent} dont l’acte porte quittance.
11 est dit que le domaine vendu appartient audit sieur
de Canillac, comme lui étant échu par le partage des
biens du sieur Pierre de Canillac, son oncle, et que le
vendeur s’oblige de remettre à l’acquéreur un extrait
dudit partage, de l’inventaire fait après son décès, du
contrat de mariage de lui Canillac, et du contrat de vente
de la terre de Beaumont.
Il est dit enfin que l’acquéreur se réserve les fermages et
produits de l’année 1794, et que l’acquéreur sera tenu
d’entretenir le bail ou traité fait avec le fermier dudit
dom aine, pour l ’année courante seulement (1 7 9 6 ).
L e sieur Croze, domicilié à B rioude, habitant a lo r s Paris
comme membre du conseil des cinq cents, ayant eu connoissance de cette a c q u is it io n , proposa au sieur M omet
de lu i v e n d i’c c e même dom aine, dit de Chassaigne,
a v a n t que ce dernier sût même en quoi il consistoit. L ’ac
cord eut lieu moyennant 36000 francs. Mais le sieur Croze
n’ayant pas la moitié du prix qu’il étoit convenu de payer
comptant lors de la signature de l’acte de vente, demanda
six semaines pour se le procurer, ainsi qu’une vente sous
signature p riv é e , laquelle lui fut consentie pour le se«/
domaine de Chassaigne. L e sieur Croze ne désavouera
cextainement pas ce fait.
L e sieur Croze alla à Brioude chercher ses fonds, et bien
probablement visiter l’objet qu’il avoit a c q u i s ; dès-lors il
A s
�(4 )
conçut le projet Refaire englober dans sa vente devant
notaire le petit domaine de la V éd rin e, qui étoit voisin de
celui de Chassaigne. D e retour, il convint de passer la
vente devant notaire, le 27 prairial an 4; mais il pria le
sieur Momet de lui donner en même temps une procura
tion générale pour gérer, administrer, même vendre ce
domaine de Chassaigne, sous prétexte qu’il ne vouloit pas
encore faire connoître sur les lieux son acquisition; ce que
le sieur Momet ne crut pas devoir lui refuser.
En conséquence le sieur M omet remit à M e. D eloche,
notaire du sieur C roze, le double du sous-seing privé, et
une expédition du contratàlui passé parle sieur de Ganillac,
pour qu’il rédigeât la vente et la procurationconformément
aux actes qu’il remettait. Ils le furent en effet; et le 27 prai
rial, jo u r p r is avec le sieur Croze, M e. Deloche vint chez
le sieur M om et, m u n i d e ces deux actes rédigés, et littéra
lement conformes au contrat d e v e n te que lui avoit passé
M . de Canillac. L e sieur Croze fit dire q u ’ i l n e p o u v o i t
venir ce jo u r-là , mais qu’il viendroit le 29. Néanmoins
comme il n’étoit nullement nécessaire de la présence du
sieur Croze pour signer la procuration convenue, le sieur
M om et en signa ce môme jour, 27 prairial, la m inute,
qui ne faisoit mention queduseul domaine de Chassaigne,
ne contenoit aucun ren voi, et l’approbation ne constatoit
que trois mots rayés.
L e 29 , M<\ Deloche et le sieur Croze se ren d iren t en
semble chez le sieur M omet pour la signature du con
trat de vente. Du 27 nu 29 , la minute n’avoit éprouvé
aucun changement , 11e contenoit aucun ren v o i, et ne
faisoit toujours mention que du seul domaine de Chas-
�( 5 )
5
saigne. Ce fut à la lecture de cet acte, que le sieur
Croze parvint à faire mutiler la première l'édaction , et
à faire ajouter quatorze renvois, tous plus insidieux les
uns que les autres. Bientôt la cour en reconnoîtra par
elle-même toute l’astuce et la perfidie.
D ’abord ce ne furent que de simples corrections de
quelques m ots, puis quelques changement de sens ;
enfin , des phrases entières vl rectifier. Il étoit d it,. par
exemple, que les fruits lui appartiendraient depuis les
dernières échéances : il prétendit que cela étoit vagu e,
quoique c o r r e s p o n d a n t à la première vente , et s’expli
quant par elle ; il voulut faire substituer 179^ et 1796.
IL n’avoit par sa vente qu’une quittance sans numération,,
et il voulut faire ajouter la, numération d’espèces. L e no»
taire eut la complaisance d’ajouter cette numération ; et il
est constant aujourd’hui qu’il ne paya alors effectivement
que moitié de soo prix.
Il prétendit n’être pas assez sûr de la propriété de
M . de Canillac ; il v o u lu t une rem ise de titres : que ne
vouloit-il pas ? E nfin , le sieur Croze aborda une clause
plus épineuse. Il prétendit que le domaine de Chassaigne,
quoique ne portant que ce nom , comprenoit un petit
domaine ou locaterie, appelé de la V é d rin e , qui en
étoit une dépendance; qu’autrefois ces domaines étoient
distincts et séparés; mais que depuis long-temps ils n’en
faisoient plus qu’u n , parce que dans l’un des deux do
maines les Mtimens d’exploitation étoient écroulés. (L e
domaine de la V éd rin e, dit-on, contient seul cent trente
septerées de. terre. )
C^e lait pouvoit être exact. L e sieur Momct n’en avoit
&
�(6 >.
aucune connoissance, et disoit seulement : « Je ne puis
« vous vendre que ce que j’ai acheté : puisqu’il n’est
« pas question de ce domaine dans mon contrat, je ne
cc puis en parler dans le mien ; s’il fait partie de mon
« acquisition, il fera partie de la vôtre. » Alors le sieur
Croze se retrancha à demander que , pour éviter
toute difficulté, et ne pas compromettre le sieur M om et,
il fut fait mention du domaine de la V édrine , comme
désigné seulement dans le contrat fait par le sieur de
Canillac au sieur M om et, sous le seul nom du domaine
de C/iassaigne. L e notaire fut d’avis de cette rédaction de
clause; parcë que, disoit-il, vous référant en tout à votre
contrat, si l’assertion du sieur Croze est vraie, vous ne
vous engagez à rien ; si elle est fausse, vous ne vous
engagez pas davantage. Vaincu par ce raisonnement
v r a i, le sieur M omet voulant en finir et toucher l’àcompte que le sieur Croze lui don n oit, consentit à cette
rédaction.
Il en fut de même de la clause par laquelle, après
celle de la garantie formelle qui est la même que celle
portée au contrat du 30 vendém iaire, le sieur Croze
exigea que le sieur Momet renonçât à tout excédant de
mesure, à quelque quantité qu'il puisse monter. L e sieur
Croze et son notaire dirent au sieur Momet : N ’entendezvous pas vendre tout ce que vous avez acquis ? Il en
convint : don c, dirent-ils, cette clause ne vous engage
ù x'ien.
Ainsi successivement furent vaincues les répugnances
du sieur M om et, q u i, habitant de Paris , ne connoissoit
pas ce qu’il ven doit, traitoit a^ec le sieur C ro ze, do-
�(7 )
J jfy
micilié de Brioude, qui connoissoit parfaitement ce qu’il
achetait, et toute l’étendue du cpntrat de veutè faite au
sieur M om et, dont il avoit sous lesyeux une expédition,
et depuis long-temps une copiée, 1 ^
La prévoyance du sieur Croze fut telle , qu’en deman
dant successivement les corrections ci-dessus , il étonnoit
d’autant moins le sieur ¡ M om et ,'q u e, s’il lui eût pré
senté à la fois, quatorze renvois à ajouter ; ce qui lui
' ôtoit toute idée d’exiger1,■comme alors il l’auroit fa itjhic>
sans doute, une refonte entière de l’acte , pour dévelop
per les additions faites , et expliquer des clauses- équivo
ques qui n’étoient ainsi écrites que pour s’identifier ù la
première rédaction.
Il fut inséré dans ce contrat quittance des 36000 fr.
et le sieur M om et, qui n’a rien dissimulé dans cette cause,
s’est empresse de convenir qu’il n’avoitreçu q u ’ une partie
de ce p r ix ; et qu’après le con trat, il fut fait un billet
de dépôt de 19650 f r . , souscrit par le sieur Croze au profit
du sieur M o m e t, dattî du i 5 praii'ial an 4* ( G etoit alors
le seul mode valable pour stipuler en numéraire. )
Quoi qu’il en s o it, pour que la cour ait sous les
yeux le résultat de ce qui vient de lui être d it , et voie
par quel art on peut surprendre un citoyen sans défiance,
voici l’image de la minute de la vente du 29 prairial
an 4 , d’après le vidimé oi’donné :
N o ta . T o u t ce qui se trouve entre deux crochets dans l’acte ciaprès, ainsi que dans la procuration, a été rayé dans les minutes.
orx
�N 1
(8)
t j Prairial 4.
PAh-D EvAN T i,es n o t Atres publics au déparlem ent
'Ct à la résidence de P aris, soussignés,
F ut présent Gaspard-Roch M om et, citoyen fran
çais, demeurant à P aris, place des Y ictoires-N ationa]es, section de la H alle au b lé , n . 5 ,
Lequel a par ces présentes, vend u, cédé, quitté
et délaissé, dès maintenant et à toujours, et a promis
de garantir de tous troubles, dons, douaires, dettes,
x et autres
f domaines de C h a s s a i
gne et de la V éd rin e, dé
signés seulem ent, dans le
contrat q u i sera ci-a p rès
hypothèques, évictions, substitutions, aliénations, x
empêchemens généralement quelconques,
A u citoyen Jean-Joseph C ro ze, homme de lo i,
demeurant à P a ris, rue des Saussayes, rr*. 1245,
section d e j [R ou] Cham ps-Elysées , à ce présent et
acceptant, acquéreur pour lu i, ses héritiers et ayans
ca u se,
L es -{■ domaine dit de Chassaigne, district de
B rio u d e , d é p a r te m e n t de H au te-L o ire, consistant
en une m aiso n de c h e f , b â tie à la m oderne, co u r,
jardin et dépendances, e n sem b le les b iitim ens néces
saires à l’exploitation, le tout contenant cinq septerées
énoncé, sous le seu l nom
du
trois quarteronnées [de terre labourable] ;
Plus soixante septerées trois quarteronnées de terre
labourable ;
Plus vingt-une septerées de prés;
Plus cent vingt septerées de b o is, tant taillis que
haute futaie, situées dans la commune de Chassaigne
et dans celle de Sansac ;
Plus deux septerées deux quarteronnées de vigne ;
et enfin cinq septerées une coupe de terrain inculte:
ce qui forme au total deux cent dix septerées une
quarteronnée de terrain, ainsi que le tout se poursuit
et comporte, sans aucune exception ni réserve, même
le mobilier v if et m c r l, de quelque nature qu’il so it,
qui se trouvera dans ledit domaine et'dépendances :
g« lu 11 lissa lit
�'» 3
k
garantissant en outre audit acquéreur les deux cent
+[ parleditvendeurrépeter ^*x septerées une quarteronnée, à dix arpons près,
contre Vacquéreur V é x cé- t cn dehors ou en dedans,] sans pouvoir +1 [répéter
dant desdites terres, h quel- 1 excédant.]
que quantité qu’ il puisse
Pour Par ledit C roze, ses héritiers et ayans cause,
monter.
jo u ir, faire et disposer dudit domaine en pleine pro
jet«
à®»
x notaires h P a ris
*^7$*
p rié té , et comme de chose leur appartenante , à
compter de ce jour, et en commencer la jouissance-4[ à compter des dernières échéances, de manière que
la totalité de la récolte des fermages et autres produits
dudit domaine appartiendra audit acquéreur;] ledit
-4- par les revenus et fe r - vendeur se réservant seulement les fermages de l ’année
mages des années m il sept mil sept cent quatre-vingt-quatorze ( vieux style ).
cent quatre-vingt-quinze e t
L e domaine présentement vendu appartient audit
m il sept cent quatre-vingt- cit. M o m et, comme Vayant acquis du cit. Ignace
se iz e , v ie u x s ty le ;
Beaufort-Canillac, par contrat passé devant D eloche,
iIu‘ en a ^a m inute, et son confrère, x le trente ven
démiaire dernier, enregistré à Paris le même jour.
A à la charge
L a présente vente est faite A par ledit acquéreur,
(IU* s’oblige, i°. de payer et acquitter les droits d’enMr'
registrement et frais de contrat auxquels la présente
y en te p ourra donner lieu; 2°. la contribution foncière
l’ an trois et l’ an quatre, à laquelle ledit domaine peut être imposé pour / [la
gs®’?
présente année] et les années suivantes; 3°. d’entre
tenir le bail ou traité fait [pour la présente année seu
lem ent] avec le citoyen ferm ier dudit dom aine, si
aucun il y a.
£$§3
E t en outre cette vente est faite m oyennant la somme
de tre n te -six m ille livres de prix principal, francs
deniers audit vendeur; laquelle somme ledit acquéreur
T nombrées et réellem ent a Prés™ lcm ent PaJ<* audit citoyen M o m e t, qui le
délivrées à la v u e des no- reconn oit> cn esPëces sonnantes 0 et monno.e ayant
taires soussignés,
cours ' comPtées + * dont
csl content, en quitte et
fi d’ or e t d’ argent,
�(
)
décharge ledit citoyen Croze , et de toutes choses re
latives au prix de ladite vente.
A u moyen de quoi ledit citoyen M om et a présente
m ent cédé et transporté, sous la garantie ci-d evant
exprim ée, tous droits de propriété qu’il a et peut avoir
sur ledit dom aine, de quelque nature qu’ils soient,
m ême tous droits rescindans et rescisoires, mais sans
aucune garantie à l’égard de ces derniers, voulant qu’il
en soit saisi et mis en possession par qui et ainsi qu’il
appartiendra, constituant à cet e ffe t, pour son pro-+- d ’opposition à Ventrée cureur, le porteur donnant pouvoir.
en possession dudit doIl sera loisible audit acquéreur d obtenir à ses frais,
m aine, +|
sur
P o sen t contrat, dans le délai de quatre m ois,
eSF-a
toutes lettres de ratification nécessaires; et si, au
sceau desdites lettres, il y a ou se trouve des oppo+1 ou de trouble fondé dans sitîons procédant du lait dudit vendeur ou de ses
la possession et jouissance auteurs, ledit citoyen M om et s’oblige de les faire
dudit domaine présente- lcvcr et cesser, et d’en rapporter audit acquéreur
m ent vendu, le cit. Mo??iet^QS ™ainie^ cs e<- radiations nécessaires, quinzaine
prom et et s ’ oblig e d’ en in- aPriiS la denonciatlon qui lui en aura été faite h son
demniser ledit cit. Croze, dom icile’ le lout auX ÎraiS dudit vcndei,r>de m a" ière
a i lu i fo u rn issa n t, dans <lue ledit »«juéreur ne soit tenu que du coût des
/’arrondissement des dé- simPles lettres de ratlf]cat|0n'
partemens de la H auteEn ca3 d’éviction, h - [dudit domaine présentement
L oire et du P uy-de-D ôm e, ventlu > lc cit* M om et promet de rendre audit cit.
des terresform ant corps de C roze, dans les départemens circonvoisins, des terres
fe r m e , et c e , à dire d’ e x - Pour la ™£-mc valeur, et ce, à dire d’experts, et non
perts, sans pouvoir par led it 'vendeur o ffrir, pour
l’ indem nité, le remboursem e n t du p r ix de lad. vente,
e t contraindre le cit. Croze
Ia somme (Iu’iI ™ nt dc recevoir.]
Reconnolt ledit cit. Croze que ledit e t . M om et lui
a présentement remis une expédition en papier du
contrat de vente susdaté et énoncé, fait audit cit.
M om cl i Plus l’expédition en papier de la transac-
ü Vaccepter.
11 “
^
tl0n Cn forn,e de PartaSe > faite entre ledit citoyen
Canillac et [la dame] sa sœur, passée devant M ony,
®
qui en a gardé m inute, et son confrère, notaires ù
•HH*
�fï(
( IT )
x incessamment
tfSfca
-ïüV4| et Varrêt d’ enregistrenient, qui ont été obtenus
sur la transaction dudit
jo u r sept juin m il sept cent
quatre-vingt-quatre.
Paris, le sept juin mil sept cent quatre-vingt-quatre,
dont décharge.
A l'égard d’un extrait de l’inventaire fait après le
décès du père du cit. Pierre B eau fo rt-C an illac, de
celui du contrat de mariage dudit vendeur Canillac
avec la citoyenne son épouse, en ce qui concerne le
douaire; de celui du contrat de vente de la terre de
Beaum ont, en ce qui concerne ce même d ouaire,
je cjtf ]\jom et s’oblige de les remettre x audit cit.
C roze, avec toutes autres pièces au soutien de ladite
propriété, que pourroit lui remettre ledit cit. C an illac,
aussitôt que ce dernier les lui aura rem ises, et notamment les lettres patentes +| [les lettres.]
Enfin le citoyen M om et s’oblige, au beso in , d’aider
l’acquéreur, 5 sa première réquisition , des diverses
quittances des payemens par lui faits pour le citoyen
- i- e t de lu i justifier des su- Canillac à différons de ses créanciers privilégiés ou
brogationsportées ès-dites hypothécaires sur les biens présentement vendus, -+quittances , jusq u’ à due le tout à peine de tous dépens, dommages-intérêts. A
concurrence de la somme
Pour l’exécution des présentes , les parties élisent
de quatre cent m ille livres domicile en leurs demeures à P aris, ci-devant déa ssi"n a ts;
signées, auxquels lie u x , nonobstant, prom ettant,
A E n f i 11 le citoyen M om et obligeant, renonçant.
s’ oblige de remettre aussi
Fait et passé à P a ris, en la demeure du vendeur,
incessam m entaud.acqué- l>an quatre de la republique française, une et indireur toutes les p ièces qui "visible, le vingt-neuf prairial , après m id i, et ont
lu i seront nécessaires pour signé ces présentes, où quatre-vingt-quatre mots sont
se faire mettre en p osses- rayés comme nuls, ( i) Ainsi signé M om et, Croze,
sion réelle dudit domaine, F leury et D eloche, ces deux derniers notaires, avec
d’ ici au p r e m i e r fructidor paraphes. Au-dessous est écrit : Enregistré à P a r is ,
prochain, et obtenir celles bureau du Contrat-Social, le 6 messidor an 4 »F0* TI 7>
qui pourroient lu i man- v°l. io ; R . quatorze cent quarante livres, valeur fixe
quer.
en m andats, sur 5 6 ooo liv. Signé G ro u .
’MN'
G
uulaum e.
^
(i) Ce sont les mots rayés à la plume dans le cours de l’acte.
D » o o n ,#
�V, %
( 12 )
A près cet a cte, il restoit encore à retoucher à la pro
curation à laquelle on n’avoit pas pensé ; mais pour cela
on n’eut pas besoin du sieur Momet : et au lieu de porter
le renvoi ( et de la Védrine ) , en marge , on en fut
quitte pour le placer au has de la première page, en le
faisant aboutir au paraphe du sieur M omet ; ce qui est
prohibé par la loi du n ventôse sur le notariat, et par
les lois précédentes ( i ) . Il paroît nécessaire de mettre
aussi cette procuration sous les yeux de la cour.
27 Prairial 4.
P a u - d e v a n t l e s n o t a i r e s p u b l i c s au département de la Seine
et à la résidence de P a ris, soussignés,
F ut présent G aspard-R ocli M o m et, citoyen français, demeu
rant à l ’ a n s, p la ce des Victoires-Nationales, n°. 3 , section de la
H alle au blé ;
Lequel a fait et constitue p o u r son p r o cu r e u r général et spécial
le citoyen Jean-Josepli C roze, homme de lo i, d e m e u r a n t à P a r i s ,
rue des Saussayes, n*. 1243, section des Cham ps-Elysées, auque l
il donne pouvoir d e , pour lui et en son n o m , régir, gouverner et
(j) Le notaire a dit, au procès verbal du vidimé, que le renvoi avoit ¿té
approuvé dans cette procuration par Jes paraphes du sieur M om et, du notaire
en second, et de l’enregistreur. Le sieur Momet désavoue ce fait, et il vient
de se pourvoir extraordinairement à Paris, contre le sieur Deloche.
Mais ce qui prouve que le renvoi n’a été mis qu’après l’enregistrement,
et liors la présence du sieur M om et, c’est que la copie 1/gale de l’enregistre
ment de cette procuration, levée par le sieur M om et, ne porte mention que .
de la gestion du seu l dom aine d e Chassaignp. , et ne constate aucun renvoi,
quoique la formule des registres l’exige, s’il y en a; et au contraire on vo it,
dans l’extrait de l’enregistrement de la vente, que la minute y est dite avoir
quatorze renvois-, enfin la cour verra par des j ajoutés, par les ratures non
approuvées des mots cl<i Chassaigne, qu il n ¿toit question que d’un domain©
seulement.
�( 13 )
administrer les domaines de Chassaigne -4 - , situés dans le ci-devant
district de Brioude, département d e là H au te-L oire, consistant en
terres, m aison, bâtim ens et vignes; recevoir de tous locataires,
fermiers et autres personnes qu’il appartiendra, soit en nature ou
autrem ent, les loyers échus et à échoir; compter avec tous débi
teurs , débattre, clore et arrêter lesdits comptes, en fixer et recevoir
le reliquat; de tous reçus donner bonnes et valables quittances et
décharges ; accepter tous transports et délégations pour le payem ent
de toutes sommes dues par quelques débiteurs; louer ou vendre, soit
en totalité ou en partie, le domaine dont il s’a g it, à quelques per
sonnes que procureur constitué jugera à propos; faire lesdits baux
ou ventes aux p rix , charges, clauses et conditions qui lui paroltront le plus convenables; faire faire même toutes dém olitions,
[reconstructions] et augmentations qu’il jugera nécessaires ; nom
mer et convenir de tous architectes, entrepreneurs el autres gens
de bâtim ens; com pter avec tous fournisseurs, les payer, s’en faire
rem ettre quittances; toucher m êm e, en totalité ou autrem ent, le
prix des ventes qu il pourroit faire dans ledit domaine ; de tous
reçus donner bonnes et valables quittances et décharges; faire régir
m ême lc jd itr domaines [de Chassaigne] par qui bon lui sem blera;
lui d o n n e r p o u r c e l a , à celui q ui acceptera ladite charge, tous
p o u v o irs nécessaires. Dans le cas où quelques débiteurs se refuseroient à payer au constituant les sommes qu’ils lui doivent, et qu’il
surviendroit quelques difficultés avec qui que ce so it, faire contre
qui il appartiendra toutes poursuites, contraintes [et diligences] et
diligences nécessaires; comparoitre devant tous juges de paix , soit
en demandant ou défendant, s’y concilier, si faire se peut; à défaut
d ’arrangem ens, comparoitre devant tous tribunaux com pétens, y
plaider, ou bien nommer et convenir de tou6 défenseurs officieux
en causes; les révoquer, en substituer d’autres; obtenir tous jugem ens, les faire mettre à exécution ou bien en appeler; faire toutes
-+- et de la Védrine
�C
*4 )
exclusions de tribunaux, form er toutes oppositions, donner toutes
m ainlevées, consentir radiation , tra ittr, transiger, com poser,
substituer ès-dits pouvoirs, et généralement faire tout ce qui sera
nécessaire, promettant l’avoir pour agréable.
F ait et passé à P aris, en la demeure dudil citoyen M om et, Pan
quatre de la république française, une et indivisible, le vingtrsept
prairial; et a signé.
R a yé trois mots nuls.
Signé M o m et, avec Fleury et D eloclie, ces deux d e rn ie rs no
taires, avec paraphes. A u bas est écrit : Enregistré à P aris, bu
reau C on trat-Social, le 5 messidor an 4 ; R* vingt sous assignats,
Signé Grou.
G
ui l l aume .
D
i loci i e.
^
Cependant le sieur M omet se croyoit tranquille, et
assure s u r to u t d e t o u c h e r au temps convenu les 19660 fr.
qui lui étoient dûs ; m a is il en étoit encore bien loin.
Quand il fut question de p a y e r, le s ie u r Croze parla
des créanciers du sieur de Canillac, et voulut des lettres
de ratification. Quoiqu’il eût été convenu que ce seroit
son contrat qu’il feroit pu rger, et non celui du sieur
M o m et, il pria ce dernier de souffrir que ce fût la pre
mière ven te, par la raison qu’elle présentoit un prix
inférieur, et qu’il lui en coûteroit moins, s’en chargeant
pour son propre compte , et promettant d’indemniser
de tout le sieur M omet qui , cette fois e n c o r e , s’en
rapporta an sieur Croze, dont le caractère de député étoit
fait pour m é r ite r sa c o n fia n c e ,
L e contrat du 30 vendémiaire an 4 fut donc mis ,
par lés soins du sieur Croze , au bureau des hypothè
ques du Puy. P ar les soins encore du sieur C ro ze, il y
�(15)
eut des enchères qui portèrent ce domaine de Chassaigne
à 65ooo francs numéraire.
Il n’y ayoit pas à balancer; le sieur M omet s’étoit obligé à
faire jo u ir, il fut obligé de retenir le domaine en parfournissant les enchères; et la mère du sieur Croze fu t,
à l’insçu du sieur M om et, caution du parfournissement.
Les lettres de ratification furent scellées, à la diligence
du sieur Croze , pour 65oôo francs au profit du sieur
M omet , le 14 brumaire an 7.
A insi , voilà déjà le sieur Momet obligé de payer un
domaine 65ooo francs en num éraire, outre les frais mon
tant à 3600 francs, après l’avoir vendu 36000 francs, et
n’en avoir touché que 18000 francs.
Par l’inspection de ces lettres de ratification , si sa
correspondance ne le prouvoit pas , 011 reconnoîtroit
que tout est l’ouvrage du sieur Croze ; on veri'oit q u ’il
s’est torturé pour arriver à y fa ir e c o m p r e n d r e indirec
tement , il est vrai, t o u t c e q u i se t r o u v o i t à Chassaigne,
en y fa isa n t q u a lifie r ce d o m a in e de terre—domaine quoi
q u ’il se f ît expédier des lettres sur le contrat du 30 ven
démiaire, qui ne porte que le nom de domaine.
Ces lettres furent frappées des oppositions de quatre
créanciers de M . de C anillac, quoique le sieur M omet
n’eût cessé de prier le sieur Croze de les désintéresser avant
les lettres ; mais cela eût évité les sur-enchères , et le
sieur Croze n’auroit pas eu un prétexte pour ne pas payer.
Enfin , quatre ans se passèrent : le sieur M omet réclama
de nouveau son payement.
A lors il lui fut signifié, le 11 floréal an 1 1 , une de
mande en ouverture d’ordre, à la requête du sieur Labas-
S
�^
( 16 )
tide , de Brioude , l’un des créanciers Canillac. L e sieur
Croze signifia cette demande au sieur Momet.
Pour lever cet obstacle, le sieur Momet chargea le
sieur Fabre de payer au sieur Labastide .2700 francs,
montant de sa réclam ation, ce qu’il lit ; et le sieur
Labastide donna quittance le 12 messidor an 11. Cepen
dant le sieur C roze, débiteur déplus de 18000 francs,
avoit mis le sieur Momet dans le cas de payer le triple de
son acquisition , et laissé faire pour plus de 3600 francs de
frais, nonobstant toutes les remontrances des créanciers,
notamment du sieur Labastide, l’un d’eu x , poursuivant,
q u i, indigné, en écrivit au sieur Momet.
Il ne devoit donc plus y avoir de prétexte pour le
sieur Croze -, mais bientôt 1111 autre incident le mit plus
à son aise.
Par exploit du 13 fructidor an 1 1 , il paroît que le
sieur de Canillac ht assigner le sieur C roze en désistement
du domaine de la V éd rin e, comme ayant été p ar lu i
usurpé.
Aussitôt le' sieur Croze saisit et arrêta en ses propres
mains, sans aucune permission de justice, ce qu’il devoit
au sieur M om et, et lui dénonça cette saisie arbitraire.
L e sieur Momet fut forcé alors de prendre les voies ju
diciaires, et il fit citer, le 13 nivôse an 12 , le sieur Croze,
en payement en deniers ou quittances du billet de i g 65o f.
et en mainlevée des inscriptions qu’avoit faites ledit sieur
Croze pour sa garantie; il le somma de faire transcrire sa
vente.
A u bureau de paix on rem arque, de la part du sieur
M om çt, une longue explication de tous ses moyens. Quant
�C 17 )
au sieur C roze, il reconnut son écriture du b illet, offrit
de payer sans intérêts, à la charge des demandes ci-après.
Sur le surplus, il refusa toute explication, et dit que sans
se nuire ni se préjudicier sur ce qu’il peut avoir d ît , il
pense qu’au m o in s, quant à présent, il n’j a heu a con
ciliation.
Assigné le 30 pluviôse en payement, il forma à son
tour dix chefs de demande contre le sieur M ornet, par
exploit du 8 floréal an 12.
io. A ce que le sieur Momet fût tenu de faire cesser la
demande du sieur Labastidc.
20. A ce qu’il fût tenu de faire cesser aussi la demande
formée p a rle sieur de Canillac, en désistement.
30. A ce que la saisie-arrêt faite par lui-même en ses
mains fût confirmée.
40. A ce que le sieur M om ct fût condamné à lui payer
les fermages de la terre de la Chassaigne, échus depuis 1795
jusqu’au jour de la d e m a n d e .
5o. A c e q u e le s ie u r M om et fût condamné à rapporter
m ainlevée de toutes oppositions et inscriptions existantes
sur les biens vendus.
60. A ce qu’il fût tenu de lui remettre tous les titres de
propriété des biens vendus.
70. A ce qu’il fût tenu de pi’ouver avoir payé pour
400000 francs de dettes à la décharge du sieur de Canillac,
suivant les contrats de vente, et justifier des quittances.
8°. A ce que le sieur Momet fût condamné à payeraudit
sieur Croze 2873 francs pour voyages et dépenses qu’il a
faits pour ledit sieur M om et, en vertu de sa procura
tion du 27 prairial an 4.
G
�9°. A ce qu’il fut tenu de lui représenter et remettre
les titres de créance qu’il dit avoir contre ledit sieur Groze.
io °. A ce q u e, faute de justifier de quittance avec su
brogation pour 45oooo francs, le sieur Momet fût con
damné à lui fournir, à dire d’experts, des terres de même
nature et valeur que celle de la Chassaigne, et à lui rem
bourser ce qu’il a touché du prix.
L e sieur Croze n’oublia pas ensuite de demander la
jonction de ses conclusions à celles du sieur M om et, et la
jonction fut ordonnée par jugement du 23 prairial an 13.
En réponse aux demandes du sieur C ro ze , le sieur
Momet ne dissimula pas que le billet de 19660 francs par
lui réclamé comprenoit i 65o francs d’intérêts; aussi se
borna-t-il à r é c la m e r seulement les intérêtsde 18000 francs;
il offrit de remettre, a u d ie n c e tenante, tous les titres de
propriété du sieur de Ganillac, c o m m e il s’y étoit obligé par
la dixième clause de la vente ; il justifia d ’u n c e rtific a t de
non-inscription sur lui et son vendeur; et d’abondant, offrit
encore de rapporter la mainlevée de toutes inscriptions,
aussitôt que le sieur Croze auroit fait transcrire et les lui
auroit notifiées ; et il soutint que le surplus des demandes
du sieur Ci'oze n’étoient pas fondées, et que notamment,
à l’égard de sa garantie, il étoit évident que le sieur Momet
n’avoit pas vendu ni entendu vendre plus qu’il n ’a v o it
acquis lui-même.
L e sieur Groze répondit à la demande du sieur de
Canillac, en le sommant de justifier s’il étoit réintégré dans
son état c iv il, attendu qu’il avoit été émigré ; puis il lui
opposa qu’il étoit insolvable, et demanda caution judicatuni sofyi. A l’égard du sieur M om et, il lui objecta que
�C \9 )
si le sieur de Canillac faisoit juger que la Védrine étoit un
domaine séparé de la Chassaigne, le sieur M omet devoit
lui remplacer cette éviction en un autre corps de dom aine,
d’après leur convention, parce que le sieur M om etlui avoit
vendu et garanti distinctement les domaines de la Chas
saigne et de la Védrine.
Sur ces moyens respectifs, le tribunal deBrioude rendit,
le 21 messidor an 13 , entre toutes les parties, un juge
ment dont il importe de faire connoître littéralement les
motifs et les dispositions.
Jugement dont est appel.
Entre le sieur de C a n illa c ................le sieur M o m e t...................
et le sieur C r o z e ..............
E n ce qui touche la demande récursoire dirigée contre le sieur
M om et par le sieur Croze , au sujet de la d e m a n d e du sieur L a bastide ;
A ttend u qu’il est prouvé par acte reçu Grenier , notaire, le i 5
messidor an 11 , cjuece dernier a ete desinteresse; qu il avoit cte
justifié de cet acte audit sieur Croze , lors du procès verbal de nonconciliation , du 29 nivôse an 12; que ce ch ef de demande devenoit
dès - lors in u tile, et que d’ailleurs il a été justifié de cet acte à
l ’avoué dudit sieur C roze, par acte du 22 prairial dernier; qu’ainsi
ce chef de demande ne présente plus de difficulté.
E n ce qu i touche la demande principale formée de la part du
sieur Canillac, au désistement du domaine de la V éd rin e;
Attendu que les terres de Chassaigne, Cusse et Lacougeat sont
échues au sieur Canillac par le partage, et qu’il n ’y est nullement
fait mention du domaine de la V éd rin e, dont il a cependant tou
jours jo u i, ou par lu i, ou par ses représentans, comme étant an
n exé, et form ant une dépendance du domaine de Chassaigne ,
dont 1 exploitation étoit au lieu de la V éd rin e, et non à Chassaigne;
*
C 2
�■. V
C 20 )
Attendu que lors de la -vente du 3o vendémiaire an 4 , les do
maines de Cliassaigne et de la Védrine étoient affermés à un seul
ferm ier, et sans distinction du prix; que par ladite ven te, ledit
sieur Canillac autorisa son acquéreur à toucher en totalité le prix
du ferm age, ce qu’il n’auroit pas fa it, s’il avoit entendu ne vendre
que le domaine de Cliassaigne seulement;
A ttendu que lors de la procuration du sieur C a n illa c, dudit
jour îg germinal an 6 , il n’est nullement fait mention de faire
aucune réclamation au sujet du domaine de la V é d rin e , et s’il
n ’eût pas été dans son intention de vendre la V éd rin e, comme
une dépendance de Cliassaigne, il n ’auroit pas négligé de s’en occu
per lors de cette procuration.
E n ce qu i touche la demande récursoire formée contre le sieur
M o m et, au sujet de cette même demande en désistement;
A t t e n d u que, dès que d’après les motifs précédens la demande du
sieur C a n illa c doit être rejetée, il devient dès-lors inutile d ’exa
miner si cette d e m a n d e récu soirc est bien ou mal fondée.
E n ce qu i touche la saisie-arrêt faite par le sieur Croze entre
ses m ains, c o m m e des biens du sieur M om et;
Attendu que le sieur Croze est lui-même débiteur du sieur
M om et; qu’il n’a pas pu faire saisir en ses mains sans un titre
contre celui-ci ; que le prétendu péril d ’éviction résultant de la
demande en désistement formée contre lui n ’étoit pas un m o tif
suffisant pour autoriser cette saisie; que d ’ailleurs le sieur M om et
a offert de donner caution pour sûreté du payement qu’il réclam e,
conformément aux dispositions de l’article 1623 du Code c iv il, et
que dès-lors cette saisie ne sauroit être confirmée.
E n ce qui Louche la demande en payement des fermages de 1795,
formée par ledit sieur Croze contre ledit sieur MonieL ;
Attendu que ce dernier, en autorisant le sieur C ro ze , par la sus
dite vente, à percevoir lesdits ferrn âgés, ne s'est pas lui-même chargé
de faire des poursuites pour le recouvrement d’iceux; qu'il n’a fait
que mettre à cet égard le sieur Croze à son lieu, droit et place,
et que c ’est au sieur Croze à les réclamer contre ceux qui les doivent
�J« l
( 21 )
ou qui les ont perçus ; qu’il est de fait que le sieur M om et n’a rien
touché , et qu’il ne sauroit être garant de ce que lesdits fermages
sont retenus par le fait d’une force majeure; que d’ailleurs le sieur
Croze ne fait apparoir d ’aucunes diligences faites de sa part pour
la répétition de ces mêmes fermages.
E n ce qui concerne la demande en mainlevée des inscriptions
subsistantes sur les b i e n s vendus au sieur Crozepar le sieur M om et ;
Attendu que celui-ci a obtenu des lettres de ratification sur
son contrat de vente, le 14 brumaire an 7 , scellées, à la charge
des oppositions ;
Attendu c/u’il a établi par le rapport des actes énoncés au procès
■verbal de n on -con ciliation , du 29 nivôse an 1 1 , que le sieur
M om et a désintéressé la dame Censat, le sieur Labastide, et les
autres créanciers opposans au sceau desdites lettres; qu’il a justifié
à l’audience qu’il n’existoitque deux inscriptions contre lu i, à l’épo
que du 27 pluviôse an ia ; qu’il n’en est point survenu d’autre jus
qu’au 27 du présent, et que ces inscriptions ont été radiées par
le conservateur des hypothèques de cejourd’hui ; ce qui est prouvé
par trois certificats de ce dernier, des dates sus-énoncées ;
Attendu d ’ailleurs que le sieur C r o z e n ’a p oint lui-meme obtenu
des lettres de r a t ific a tio n , ni fait transcrire son contrat, et qu’aux
term es de la vente sus-énoncée, il ne peut forcer le sieur M om et
à lui justifier d ’aucune mainlevée, avant d ’avoir fait transcrire
son titre et d ’avoir dénoncé les inscriptions qui peuvent subsister
contre lui ; qu’ainsi ce chef de demande doit être rejeté.
E n ce qui touche la remise des titres réclamés par le sieur
C ro ze, en vertu de la neuvième clause dudit contrat de vente;
Attendu qu’il n’a pas désavoué avoir reçu les lettres patentes et
l’arrêt du 7 juin 1784, et que le sieur Momet lui a o ffe rt, audience
tenante, la remise des autres actes énoncés en ladite clause;
qu’ainsi ce chef de demande devient dès-lors sans objet.
E n ce qui touche la demande en remise de titres et quittances,
avec subrogation constatant que le sieur Momet a payé en dé
charge du sieur de C anillac, pour 400000 francs de créances hy
pothécaires ;
�(
2
2
)
Attendu que cette clause du contrat n ’est point impérative ;
que le sieur Momet ne s’est obligé que d’aider au besoin ledit
sieur Croze des titres et quittances; que ce besoin n'est point
constaté; qu’il ne pourroit l’être qu’autant que le sieur Croze feroit
transcrire son titre , et qu’il existeroit des inscriptions procédantes
du fait dudit Momet ou de ses auteurs; et que dès que le sieur
M om et se soumet de rapporter la mainlevée de toutes les ins
criptions qui pourroient exister, le sieur Croze n ’est point fondé
sur ce chef de demande , puisqu’il y est dès-lors sans intérêt.
E n ce qu i touche le payement de la somme de 2893 francs
réclamé par le sieur C ro ze, pour voyages, dépenses par lui faits
en vertu de la procuration du 27 prairial an 4 ;
Attendu qu’il a été soutenu par le sieur M om et que cette procu
ration n ’avoit été donnée que le jour même de la vente, quoique
datée de deux jours a van t, et pour servir de titre apparent au
sieur C ro z e ;
Attendu que cette p r o c u r a t io n , relative à la gestion et à l’admi
nistration , au louage et à la vente d u bien y énoncé, a d’ailleurs
été révoquée par la vente qui est s urvenue d eu x jours a p rè s ; que le
sieur C roze, à l’époque de cette vente, ne pouvoit avoir rien fait
en vertu de cette procuration, et que s’il a agi postérieurement,
ce n’a pu être que pour son compte et son intérêt personnel; qu’il
n ’établit pas d’ailleurs ce qu’il a fait pour le compte du sieur M om et,
en vertu de cette procuration, et que dès-lors ce chef de demande
doit être rejeté.
E n ce qui touche la demande en rapport du prix de ladite vente,
touché par le sieur M om et, et le remplacement en i m m e u b l e s ,
faute de justification desdits titres de créances et quittances ;
Attendu que le sieur Croze est en possession el jouit paisible
m ent desjjiens à lui vendus; qu’il n'a point éprouvé d’obstacles à
son entrée en possession ; <[u’il n’est point troublé dans sa jouissance,
et que ce n ’auroit été que dans ces cas qu’il auroit pu réclamer
l ’exécution de la clause du contrat de vente; qu’ainsi il est encore
mal fondé dans ce ch ef de demande,
�^ 5 0
( 23' )
E n ce qui touche la demande en payement de la somm ede ig 65o f.
montant du billet daté du i 5 prairial an 4> quoique fait réellement
le 39 dudit mois, etdes intérêts du montant delà sommede 18000 f . ,
depuis ledit jour 29 prairial an 4> sous la déduction de tous payem ens, et sous la déduction sur les intérêts, depuis ladite époque,
de la somme de 1620 fra n cs, compris pour intérêts dans ledit
billet ;
Attendu que quoique lors du procès verbal de non-concilia
tion le sieur Croze n ’eût pas voulu s’expliquer sur la vraie cause
dudit b ille t, il est cependant convenu, lors du jugement contra
dictoire du 23 prairial dernier, qu’il avoit eu pour cause réelle
le restant du prix de la vente dudit jour 29 prairial an 4 ;
Attendu que quoique fait sous la forme d ’un dépôt, ce billet
11e dérive pas moins du restant du prix d’une vente d’im m eubles,
pour la som m ede 18000 fran cs, et que sous ce rapport les inté
rêts de cette somme sont dûs de droit, depuis la date de la ve n te ,
d’après les dispositions de l ’article i 652 du Code c iv il, qui ne
sont que confirmatives du droit ancien, fondé sur les dispositions
de la loi au code D e aclione empti e t v en d iti;
A ttendu que quoiqu’il ait été soute nu par le sieur M om et que
dans ledit billet de i q 65o fra n c s il avoit été compris les intérêts
de ladite somme de 18000 fra n c s, jusqu’à une époque fixée entre
les parties, ce fait n’a point été formellement désavoué par le sieur
Croze ;
Attendu qu'il est prouvé par une lettre du sieur C ro ze, du 7
fructidor an 6 , en réponse à une autre que le sieur M om et lui
avoit écrite peu de jours avan t, dans laquelle celui-ci se plaignoit
du retard que le sieur Croze mettoit à se lib érer, que celui-ci
convint qu’il n’est en arrière de payer que depuis d eu x m ois huit
jo u r s , et qu’ il ne souffrira pas que ledit sieur M om et soit en
perte ; d ’où il suit la preuve non équivoque qu’il y avoit réelle
m ent un terme convenu entre les parties pour le payement dudit
billet, et que le sieur Croze a promis de ne pas s o u ffrir que le
sieur M om et fût en perle j qu’ainsi, sous tous lès ra p p o r ts , les in-
�( 24)
térêts de la somme de 18000 francs sont dûs depuis l'époque de
leur vente.
E n ce qu i touche la demande en ratification d’inscriptions faites
par le sieur Croze contre le sieur M om et;
A ttendu que le sieur Croze a la faculté, par son titre d’acqui
sition , de purger les privilèges et hypothèques dont les biens à lui
vendus peuvent être grevés ; que le mode de purger lesdites hypo
thèques et privilèges, est établi par l'article 2181 et suivant du Code
civ il, et q u ’il ne dépend que du sieur Croze d’en user ;
Attendu qu’aux termes de son contrat d’acquisition les frais de
la transcription d’icelui sont à sa charge, et que s’il ne veut pas
faire transcrire son titre , il ne peut pas le dispenser d ’accorder
la mainlevée des inscriptions subsistantes de sa part contre ledit
sieur M om et ;
Attendu qu’aux termes de l’article 2160 du C o d e , la radia
tion d’inscription doit être ordonnée, lorsque les droits de privi
lèges et hypothéqués sont effacés par les voies légales, et que si le
sieur Croze ne veut pas profiter du bénéfice de la loi dans un délai
fixe, le sieur M om et doit obtenir la radiation des inscriptions
que ce dernier a faite? contre lu i, ne pouvant pas être, p arle fait
du sieur C roze, privé du droit d’exercer ses actions contre les ac
quéreurs de ses biens.
Par tous ces m o tifs, le tribunal, jugeant en premier ressort,
Déclare le sieur de Canillac non recevable dans sa demande en
désistement de la partie de domaine dit de la V éd rin e, garde et
maintient ledit sieur Croze dans la possession et jouissance de ladite
partie de dom aine, comme annexée et form ant dépendance du do
maine dit de la Chassaigne ; et faisant droit sur tous les autres
chefs de demande formés réciproquement de la part desdits sieurs
M om et et C r o z e , le trib u n a l donne acte a ud it sieur Momet de
ce que ce d ernier rcconnoit a voir reçu l ’arrêt d’enregistrement
et les lettres patentes sus - énon cés , et de ce que ledit sieur
M om et lui a o ffe r t, audience tenante, et a mis sur le bureau de
l’audience les autres titres réclames par ledit sieur Croze, en vertu
de
�( *5 )
de la dixième clause dudit contrat de vente; lui donne pareillement
acte de ce qu’il offre de rapporter la mainlevée de toutes les
inscriptions procédantes de son fait ou de celui de ses auteurs, sur
les biens ven d u s, dès que ledit sieur Croze aura fait transcrire
6on titre de propriété, et dénoncé audit sieur Momet lesdites inscrip
tions ; et ayant égard auxdites o ffre s , faisant droit sur les con
clusions prises par ledit sieur M o m et, condamne le sieur Croze à
payer audit sieur M om et, en deniers ou quittances valables, la
somme de i q 65 o francs, montant dudit b ille t, avec les interets
de la somme de 18000 francs , depuis la date de ladite vente
jusqu’au payem ent, sous la déduction néanmoins de la somme
de i 65o francs comprise dans ledit b ille t, pour intérêt de ladite
so m m e, lesquels payemens qui ont pu être faits seront imputés
d ’abord sur les intérêts, et subsidiairement sur le principal ; et
ordonne que ledit sieur Croze sera tenu, dans le délai de deux
m ois, à compter de ce jo u r, de faire transcrire son litre d’acquisi
tion ; faute de ce faire, et icelui passé, sans qu’il soit besoin d’autre
jugem ent, le tribunal fait pleine et entière m ain le vé e en faveur
dudit sieur M o m e t, des inscriptions faites contre lui de la part dudit
sieur C ro ze, et n o ta m m e n t de celles faites au bureau de P aris,
vol. 18, n". 6 7 4 ; en celu i de Corbeil, vol. 3 , n°. 3o3 ; en celui
de D i e p p e , vol. 1 1 , n°. 583 j ordonne que sur la remise qui sera
faite par ledit sieur M om et, à chacun des conservateurs desdits bu
reaux des hypothèques, de l’expédition par extrait du présent juge
ment , ils seront tenus de radier lesdites inscriptions ; quoi faisant
ils en demeureront bien et valablement déchargés; fa it pareille
ment mainlevée audit sieur M om et de toutes autres inscriptions
faites contre lui de la part dudit sieur C ro z e , et ordonne qu’elles
seront radiées par tous conservateurs qui pourroient les avoir faites,
ainsi qu’il est dit ci-dessus; et enfin fait mainlevée de toutes
saisies et oppositions faites par ledit sieur C roze, contre ledit sieur
M o m e t, et ordonne qu’à la remise ou payement de tous les ob
jets ou sommes saisis, tous gardiens seront c o n tra in ts, sur la re
présentation du présent jugem ent, par les voies de droit ; quoi
D
�( 26 )
faisant ils demeureront bien et valablement déchargés envers ledit
sieur Crose ; sur le surplus des autres fins et conclusions prises
respectivement par les parties, le tribunal les met hors de cour et
de procès ; condamne ledit sieur Croze en tous les dépens faits par
ledit sieur M om et sur ladite demande en payement du susdit billet,
lesquels ont été taxés et liquidés, d’apres l’avis du commissaire
taxateur d e là chambre des avoués, à la somme de 56 a fr. 5 5 cent.;
le condamne pareillement en tous les autres dépens faits par ledit
sieur M o m e t, tant en défendant que dem andant, sur les autres de
m andes, lesquels ont été taxes et liquidés comme dessus, à la
somme de 299 francs 11 centimes, et condamne ledit sieur Canillac
aux deux tiers des dépens faits par ledit sieur Croze, suivantla taxe qui
en sera faite, et même aux deux tiers des derniers dépens adjugés
ci-dessus audit sieur M o m e t, le tout non compris l’expédition et
signification du présent jugem ent, qui seront supportées par ledit
sieur C r o z e , s a u f à lui à en répéter les deux tiers contre ledit sieur
de C anillac, auxquels d e u x tiers celui-ci est pareillement condamné ;
et quant à la condamnation prononcée co n tre ledit sieur Croze en
payement dudit b ille t, le tribunal ordonne q u e cette p artie du pré
sent jugement sera exécutee nonobstant tout appel, et audit cas
à la charge de donner caution, attendu que ledit sieur M om et est
fondé en titre à cet égard.
F ait et ju g é , le 21 messidor an i 3 *
L e sieur Croze ayant interjeté appel de ce jugem ent,
le sieur Momet voulut , d’après ses dernières dispositions■
,
le faire payer, en donnant caution ; mais le s ie u r Croze
demanda des défenses à la cour, et insista pour en obtenir,
malgré l’article 5652, du Code civil. Cependant, par arrêt
¿u
il fut débouté de sa demande, mais à l'a
charge par le sieur Momet de donner caution jusqu’à
concurrence de 3 6 °°° francs»
�( *7 )
C’est en cet état qu’il s’agit de répondre aux moyens que
le sieur Croze propose sur l’appel.
M O Y E N S .
L ’objet principal de la cause est de savoir si le sieur
Croze peut être fondé à retenir ce qui reste à payer du
prix de la vente du 29 prairial an 4 , soit à cause du trou
ble qu’il éprouve par une demande en désistement, soit
sur le fondement de ses propres inscriptions, soit enfin
sous prétexte que le sieur Momet n’a pas achevé de rem
pli r les conditions auxquelles il s’étoit soumis.
Pour abréger beaucoup la discussion de tous les chefs
de conclusions respectives, le sieur M omet passera rapi
dement sur ceux qui présentent peu d’intérêt, afin de ne
demander l’attention de la cour que sur les points les plus
importans de la contestation.
L e I e r . chef des c o n c l u s i o n s du sieur Croze formoit
double e m p l o i et n’a plus aujourd’hui d’intérêt ; il demandoit que le sieur Momet fît cesser les-poursuites du sieur
de Labastide; mais personne ne savoit mieux que le
sieur Croze que ces poursuites étoient éteintes par un
acte antérieur au procès. L e sieur Momet avoit payé la
créance du sieur Labastide.
L e 3e. chef des mêmes conclusions est décidé par les
premiers juges, conformément aux principes. L e sieur
Croze n’ayant pas de titre , ne pouvoit faire une saisiearrêt sans autorité de justice. A u reste le p a y e m e n t du
billet du sieur Croze est l’objet d’ une demande, et ses
moyens sur ce point seront examines ci-après.
D 3
�(28)
L e 4e. chef a pour objet les fermages de 179^ et années
suivantes. A cet égard c’est la clause du contrat qu’il faut
consulter. « P o u r r a , le sieur Croze, disposer du domaine
« comme de sa chose propre, à compter de ce jou r, à
« commencer la jouissance et fermages parles années 179$
« et 1796, le vendeur se réservant seulement les fer« mages de 1794? qu’il n’a pas môme touchés. »
A in si, faculté pour le sieur Croze, réserve pour le sieur
Momet.
Il faudroit donc que le sieur Croze offrît de prouver
que le sieur Momet a reçu au delà de sa réserve ; et il
ne l’articule pas même. C’est donc à lui à se pourvoir
p o u r ce t objet; car le sieur M omet lui a seulement dit à
cet é g a r d q u ’ i l se départoit des fermages passés, et renoncoit à les r e c e v o ir .
L e 6e. chef est sans objet. L e sieur M^omet auroit
pu objecter au sieur Croze qu’il devoit seulement lui
fournir les titres de p ro p riété, aussitôt que le sieur de
Canillac les lui auroit remis ; néanmoins il a déjà donné
les titres les plus importans au sieur C roze, qui les a
dans son dossier ; il a offert le surplus à Brioude , en
jugement.
Les 5e. et 7e. chefs n’ont de même plus d’intérêt. L e
sieur Momet s’étoit obligé à justifier des quittances des
créanciers de Canillac pour 400000 francs ( assignats ) ;
mais il potirroit dire encore que cette clause étoit liée à
la faculté qu’avoit le sieur Croze de purger son contrat, et
de demander mainlevée des oppositions du fait du sieur
Momet ou de ses auteurs. Mais le sieur Momet rapporte
des quittances excédant de beaucoup la somme promise;
�( 29 ) '
il rapporte aussi la mainlevée de toutes les inscriptions.
L e 9e. chef des conclusions du sieur Croze est encore sans
objet; c’est même une demande extraordinaire. Il veut que
le sieur Momet soit tenu de lui représenter et remettre
les titres de créance qu’il peut avoir contre lui. Mais
ces titres de créances sont le billet de dépôt. L e sieur
Croze n’en désavoue pas l’existence ; il en a même saisi le
montant en ses mains. Ainsi le titre de créance du sieur
M omet lui sera remis sans difficulté aussitôt qu’il l’aura
payé.
Maintenant il est aisé de réduire le surplus delà cause.
L e sieur Momet a formé deux chefs de demande, qui sont
le payement du billet de ig 65 o francs avec intérêts, et la
mainlevée des inscriptions du sieur Croze. L e sieur Croze
répond à cette demande : Je vous payerai quand vous
aurez fait cesser la demande du sieur C anillac, ou que
vous m’aurez fourni des immeubles d’égale valeur au do
maine de la Védrine (2°. et 10°. chefs de demandes. ) ;
quand vous m ’aurez payé 2873 francs pour le temps que
j’ai employé au sujet de votre procuration (8 e. chef. );
enfin je ne puis vous donner mainlevée de mes propres
inscriptions , parce que vous me devez une garantie.
Ainsi ce qui reste à discuter présente les questions sui
vantes : i°. Que doit le sieur Croze au sieur M om et?
2°. L e sieur Croze est-il fondé à retenir ce qu’il doit,
comme prétendant à une garantie de la demande formée
par le sieur de Canillac? 30. Est-il dû au sieur Croze 2873 f.
pour dépenses faites comme fondé de pouvoir? 40. A -t-il
droit de maintenir les inscriptions par lui faites sur le
sieur Momet ?
�( 30 )
§• Ier.
Que doit le sieur Croze au sieur M om et?
Il lui doit le montant du billet de 19650 francs, causé
pour dépôt, sous la date du i 5 prairial an 4 ; il le doit
en deniers ou quittances. A in si, au cas qu’il représente,
comme il le d it , des preuves de payemens faits pour près
de moitié de la somme, il n’y aura pas de difficulté à cet
égard, sauf que les imputations se feront d’abord sur les
intérêts.
Mais , dit le sieur Croze, je ne dois pas d’intérêt, parce
qu’un dépôt n’en produit pas ; le billet d’ailleurs n’est que
de 18000 francs en principal et i 65 o francs pour intérêts
de deux ans. Si vous vo u lez que ce soit un simple billet,
alors, comme c étoit un temps d’assignats ou mandats,
votre capital sera réduit à l’échelle de dépréciation, et je
vous payerai des intérêts.
A l’éclielle de dépréciation ! L e sieur Croze a-t-il osé
sérieusement le proposer, quand les lois de l’an 6 sont
form elles, et quand déjà il a acheté à si vil prix ?
Il prétend que 600000 francs, de vendémiaire an 4 , ne
valoient que 8000 francs numéraire. Que vaudroient donc
19650 francs en prairial suivant ?
Il veut persuader que le sieur Momet a gagné beaucoup
sur lu i, tandis que le domaine acquis en apparence en assi
gnats , a coûté au sieur Momet 68600 francs, malgré lu i,
quoiqu’il ne l’eût vendu au sieur Croze que 36000 francs.
L e sieur Croze confond ses propres idées, quand il dit
que le billet du 1 5 prairial est un dépôt, pour en refuser
�C 31 )
l’intérêt; car précisément il en a fait une saisie-arrêt,
comme d’un prix de vente. A u reste le fait est aujourd’hui
reconnu.
L e billet cependant n’a en capital que 18000 francs;
le sieur M omet se fait un devoir d’en convenir : mais
l’intérêt de cette somme sera dû après le terme fixé entre
les parties; et les principes à cet égard sont assez certains
pour ne pas exiger de discussion.
On sait que tout prix de vente porte intérêt de sa
nature, s’il n’y a stipulation contraire; car le capital
représente un fonds qui produit des fruits annuels. L ’ar
ticle i 6Ô2 du Gode civil n’a rien changé sur ce point aux
lois précédentes.
§. I I .
Z/e sieur
Croze est-il fondé à retenir ce qu’il doit, comme
'prétendant à une garantie de la demande form ée
par le sieur de Canîllac? e s t - ü Jbndê a demander un
r e m p la c e m e n t 7 en immeubles , du domaine de la
T^édrine ?
Sur cette question , le sieur M omet ne disputera pas
contre les principes ; car , si réellement il est garant du
désistement, il n’auroit pas d’action jusqu’à ce qu’il l’eût
fait cesser, ou fourni une caution.
Ce n’est pas que le sieur Croze ne lui ait contesté,
même en ce cas, le droit de réclamer son p a y e m e n t ,
moyennant caution. Cependant l’article 1653 du Code
civil en a la disposition expresse , et les lois romaines y
étoient conformes. DominUquœstione inotâ ernptorpre-
/
�iv .ï\
( 32 )
tiurn soïçere non cogitur, nisijîdejussores idonei prœstentur.
Mais le sieur Croze a-t-il prouvé que le sieur Momet fût son garant ?
Souvenons-nous que le sieur de Canillac demande le
désistement d’un domaine appelé de la Védrine, qu’il pré
tend distinct et séparé de celui de la Chassaigne , d’après
des baux et d’autres actes. L e sieur de Canillac a arti
culé que le domaine seul de la Chassaigne contient en
terres, prés et bois , les mêmes surfaces qu’il a vendues
pour deux cent dix septerées.
Si le sieur de Canillac le prouve , et s’il obtient le dé
sistement qu’il demande, comment le sieur Croze pourr o it - il assurer avec pudeur que le sieur Momet lui a
Vendu un second domaine?
A van t de repetei cette coupable prétention, que le sieur
Croze jette donc lesyeux sur la forme de l ’ acte q u ’ il a si fort
dépecé et dénaturé, mais dont la vérité sort malgré lui.
S’il a eu le projet d’enlacer un citoyen sans défiance,
en méditant de si loin les moyens qu’il emploie aujour
d’hui , il n’en est pas encore à Veçentus fraudis ; car il
est singulièrement resserré dans les clauses qui restent,
et qu’il ne peut effacer.
Dans une v e n te , il ne faut pas chercher l’intention
dans des équivoques, surtout pour ce qui regarde la
chose vendue ; car c’est là la substance principale de l’acte;
et dès-lors les mots ne sont plus rien pour désigner l’objet
vendu , quand il est matériellement exprimé.
En effet, que je vende un terrain d’une surface donnée
ou avec des confins constaus, sans difficulté l’erreur sur
la
�( 33 )
la dénomination ne prévaudra pas > parce que la cliose
vendue sera constante.
O r , ici est-il possible de se méprendre ? et par quelles
équivoques le sieur Croze voudroit-il persuader que le
sieur Momet lui a vendu deux domaines, quand môme
il n’en auroit acheté qu’un?
L e sieur de Canillac vend à Momet des bâtimens et
jardins ayant cinq septerées cinq quarteronnées ; et le sieur
M omet vend à son tour au sieur Croze des bâtimens et
jardins de la môme surface , avec les mêmes expressions
copiées mot pour mot.
En terres, en p rés, en bois , en vignes, en terrains in
cultes , on voit encore dans les deux ventes les mêmes
détails de contenue, sans la plus légère différence.
L e sieur de Canillac termine par énoncer que le tout
se porte à deux cent dix septerées une quarterounée ; et
le sieur M omet ne manque pas de recopier aussi la même
redondance, comme s’il eût voulu mieux avertir qu’il
avoit le projet marqué de s’asservir à transcrire en toutes
lettres tout ce qui concernoit l’étendue et les surfaces de la
chose vendue.
Enfin , le sieur de Canillac garantit les deux cent dix
septerées une quarteronnée, à dix arpens près; le sieur
M omet encore garantit la même étendue, et ne garantit
pas un pouce au delà.
Il avoit le droit de limiter sa garantie : il en a
sagement usé. O r , tant que le sieur Croze ne sera pas
fondé à dire au sieur Momet : Je n’ai pas les deux
cents septerées que vous m’avez garanties , il n’a à cet
égard aucune demande à former contre lui ; car ce ne
E
�C 34 )
peut etre qu’après avoir prouvé ce déficit, et si dans le.
seul domaine de Cliassaigne il ne trouve pas les deux cents
septerées, mesure du lie u , qu’il pourra former une de
mande en supplément contre le sieur Momet. Mais le
sieur Croze qui a fait arpenter Cliassaigne, sait bien que
les deux cent dix septerées s’y trouvent.
Quel seroit donc l’interprète astucieux q u i, trouvant
ainsi la chose vendue désignée avec tant de détails ,
s’obstineroit à la chercher plutôt dans des mots et dans
des circonlocutions ?
En elfet, sortons de cette partie claire et précise du
con trat, nous ne trouvons plus que de l’obscurité ou des
pièges.
Ces ra tu re s nombreuses , ces quatorze renvois , ces
laborieuses cow eeu ons fo n t naître tant d’idées pénibles,
qti il vaut mieux ne pas se je te r d an s le détail des obser
vations qu’il y auroit lieu de faire ¿\ c h a q u e ligne.
Une seule réflexion juge cette vente. Si le sieur Croze
n’a pas prévu et préparé sa défense du procès actu el,
alors le deuxième renvoi n’est de sa part qu’une précau
tion contre le sieur de Canillac , et il n’a pas d’action
contre le sieur Momet.
Si au contraire il veut trouver dans le deuxième renvoi
une action et une précaution contre le sieur M o m e t ,
alors il sera clair pour tout le monde que le troisième
renvoi est une précaution en faveur du sieur Croze; et
nul homme de bonne foi ne se défendra d’y voir le
consilium fr a u d is le plus é v id e n t , et le motif radical
de toutes les autres corrections.
Que cependant le sieur Croze ne suppose pas que cette
�( 35)
option lui soit laissée ; car il ne s’agit pas d’interpréter
ce qu’il a voulu fa ire, mais ce qui a été fait. Les règles
d’interprétation des actes, sont, d’après les lo is, toutes
favorables à la bonne f o i, sans jamais se prêter à pré
férer même le sens littéral à l’intention connue. Conirohentium voluntatem potiùs quàm verba spectari
plocuit : principe rappelé par l’article 1 1 56 du Code civil.
Que le sieur Croze cesse donc de placer sa confiance
dans son troisième ren vo i, où il a cru insérer un do
maine ; car des paroles vagues ne créent pas une vente;
et il verra encore dans l’article 1163 du Code que les
termes généraux doivent toujours sc restreindre à l’objet
positif de la convention.
Si ces principes ne jugent pas toute la question , si
déjà l’intention de la vente n’est pas assez claire par le
détail minutieux de la cliose ven d u e, on peut suivre
encore le sieur M omet dans la tradition qu’il effectue.
Q u’abandonn e-t-i 1 au sicui' C roze ? tout droit de pro
priété qu 'il ci et peut avoir sur ledit domaine. Comment
déclare-t-il en être propriétaire ? comme îa y a n t acquis
du sieur C anillac, par acte du 30 vendémiaire an 4.
Quels actes lui demande le sieur .Croze pour ses titres
de propriété ? les titres de la fam ille de Canillac.
A in s i, le sieur M omet ne vend évidemment que ce
qu’il a acheté par Vacte du 30 vendémiaire an 4; il en
fournit une expédition notariée au sieur Croze : conséquemment il n’emploie le mot vente au lieu de subro
gation , que pour ajouter sa garantie à celle du sieur de
Canillac.
Enfin , les articles 1617 et 1618 du Code civil fourE 2
�( 36 )
nissent au sieur M o met un moyen de droit qui le fait
s’applaudir d’avoir été assez soigneux pour détailler toutes
les mesures de la chose vendue.
Car le m axim um de l’excédant seroit d’un vingtième
en sus ( ce qui se rapporte aux dix arpens en plus ou en
moins ). Mais cent trente septerées à englober de plus,
ne sont pas le vingtième de deux cent dix (i).
(i) Pendant l’impression de ce mémoire, deux actes ont été déposés au greffe
«le la cour, à la diligence du sieur de Canillac, et leur existence est très-im*
portante pour la cause.
Il paroit que le sieur Croze avoit des craintes sur sa propriété, à cause de
l’émigration du sieur de Canillac; et sous prétexte de lui être utile dans les
diligences à faire pour les séquestres, ou même peut-être de lui demander une
ratification de la vente du 3o vendémiaire an 4 , il conçut le projet d’arranger
les choses de manière à é v it e r le s difficultés. En conséquence, au lieu de de
mander directement une ratification a u s ie u r de Canillac, le sieur Croze ne
voulut qu’une procuration : le plus a d r o it étoit d e ao l a faire adresser par le
Sieur M omet, pour pouvoir dire, à tout événement, que c ’ «Stoit son ouvrage;
et il en vint à bout, soit par ses instigations, soit par le canal d’un des commis
du sieur M omet, avec lesquels il étoit en rapport, ainsi qu’il ri'sulte des lettres
du sieur Croze, des 8 brumaire an 5 , 27 prairial et 11 messidor an 6, fort
curieuses, et qui montrent avec quel art le sieur Croze enlaçoit le sieur
M om et, tantôt par des prières, tantôt par des menaces.
P a r - d e v a n t ...........a é té présen t le c it. Ig n a ce B e a u fo r t - C a n illa e , le q u el donne p o u v o ir
à ......... de ré c la m e r le m o b ilie r saisi sur lu i p a r ............e t le p r ix de ce lu i ven d u par l ’adm i
nistration ......... de lé c la m e r les ferm ag es éch u s depuis 178 9 , e t q u ’il n ’a pas céd és au sieu r
M o m e t, dont en tant que de besoin il ratifie la vente -f-; d onner q u itta n c e , e tc. F a it lo 19 g e r
m inal an 6.
+ portée en c e lle de C h a s s a ig n e , q u ’il donne p o u v o ir de r a tifie r , si besoin est.
Le sieur Croze, muni de cette procuration qui n’expliquoit rien , voulut
la faire expliquer plus clairement; en conséquence, après l’avoir remplit» du
nom du sieur Cailhe, il se fit donner par lui l’acte suivant :
P a r - d e v a n t ......... a é té p résen t le c it. J e a n - R e n é C a i l h e ........... fondé de p o u v o ir du sieur
de C a n illa c , par acte du 19 germ in al an 6 ......... le q u e l, en lad ite q u a lit é , ra tifie , confirm e
et approuve, et m êm e renouvelle, si besoin e s t , la vente fai\e par le c it. d e C a n illa c .........
�)3
(
37
)
§. I I L
E s t-il dû au sieur Croze 2873 fra n cs pour dépenses
¿faites en vertu de la procuration du sieur M om et ?
Il est étrange que le sieur Croze ait osé former une
demande de cette nature, sous prétexte qu’il y a eu un
intervalle du 27 prairial au 29 , et qu’il a été fondé de
pouvoir avant d’être acquéreur.
Mais s’il est clair que le sieur Croze n’a jamais pu
des domaines de Chassaigne et dépendances, SOUS l e XOM d e
dénomination........par contrat reçu D e lo ch e , du
cation acceptée
pou r
3o vendémiaire
1*4 V iiD R iX F ,
ou toute autre
an 4 ......... L a présente ratifi
le cit. Momet P^tR le cit. Jean Croze , hom m e de l o i , demeurant à
B riou d o, présent ot accep tan t, tant pour ledit cit. M om et, et comm e fondé de procuration
gé n érale , que personnellement pour lui-même, comm e acquéreur des m êm es b ien s, suivant
le contrat du 29 prairial an 4 . etc. F a it le 16 prairial an 6.
Ainsi peut-on être surpris que le sieur Croze ait abusé de la confiance du
jieur Momet avec qui il traitoit, lorsqu’il abuse de la bonté d’un honnête
homme qui n’a aucune raison d’être en ¿¿fiance contre lu i, au point de lui
faire exprimer des clauses q u i sont Iiors de sa procuration ?
C e r t a in e m e n t le fondé de pouvoir n’a pas deviné si le domaine de la Védrine
étoit compris dans la vente du 3o vendémiaire an 4; il falloit que l’auteur de
cette divination y eût plus d’intérêt que le fondé de pouvoir : I s f e c i t , cu i
p rodes t.
Le sieur Croze a encore très-justement calculé qu’il falloit faire trouver la
vente de la V édrin e dans la vente du 3o vendémiaire an 4 , pour la faire
résulter de la vente du 29 prairial ; et voilà pourquoi la ratification ou vente
renouvelée de la Chassaigne et la V éd rin e est acceptée par lui pour le sieur
Momet; voilà pourquoi encore, dans les lettres de ratification prises l’année
suivante sur la vente du 3o vendémiaire, qui comprenoit le dom aine de la
Chassaigne, le sieur Croze ne put s’empêcher de faire mettre la terre-domainc. C e nim ia precautio juge tout à la fois ses intentions ou ses c a lc u ls ;
et personne ne se défendra de dire qu’en achetant loyalement et f r a n c h e m e n t
une propriété qu’on connoît, o n la f û t désigner sans équivoque, au lieu d em
ployer autant de détours.
i
�( 33 )
user de cette procuration avant la ven te, il en résultera
qu’alors la ¡procuration donnée par le propriétaire du
domaine de la Chassaigne, pour le régir , gouverner ,
administrer et vendre, sera annullée de plein droit par
la vente. Car alors le sieur Croze n’a pUis eu à régir,
administrer ni vendre pour le compte du sieur M om et,
ce qui lui appartenoit à lui-même.
O r , la procuration n’a été enregistrée à Paris que le 5
messidor an 4 , par conséquent après la vente du 29 prai
rial. Il n’a donc pas été au pouvoir du sieur Croze de faire
usage de cette procuration avant d’être acquéreur.
Dira-t-il que la procuration portoit aussi autorisation
d e r é g le r les loyers échus et à échoir, débattre et arrêter
les c o m p te s ? M a is par sa vente du 29 prairial, il a eu soin
de faite d é la isse r au sie u r Momet son droit aux fermages
antérieurs : consequemment, si le s ie u r Croze a fait des
poursuites, c’est pour lui ; s’il a r é g lé des c o m p t e s , c’est
pour lui. Il seroit donc bien commode qu’il eût une ré
pétition de 2873 francs contre un autre, pour avoir fait
sps propres affaires.
§. IV .
L e sieur Croze a -t-il droit de maintenir les inscriptions
qiCil a fa ites sur le sieur M om et ?
X'C sieur Croze avec des inscriptions aura des procès;
avec une transcription il n’en aura pas. Cependant depuis
dix ans il ne veut pas transcrire.
Mais si le sieur Croze aime mieux des procès que sa
tranquillité, le sieur Momet aime mieux sa tranquillité que
�( 39 )
des procès ; et il ne doit pas etre victime de ce goût par
ticulier au sieur Croze. On ne vend pas pour être gêné
perpétuellement dans ses affaires, et pour être toute sa
vie esclave de son acquéreur. Cette gêne a été, et est te lle ,
qu’elle a opéré successivement la ruine du sieur M o m et,
qui ayant fait, depuis l’an 7, nombre de ventes, n’en peut
toucher la totalité du prix; et d’après des reventes faites
par plusieurs de ses acquéreurs, il a été exposé aux pour
suites les plus ruineuses pour le rapport de la seule main
levée du sieur Croze, ou des sommes qui lui avoient été
payées. Les plus honnêtes se sont contentés, ne pouvant
toucher eux-mêmes leur prix déposé, de toucher du sieur
M omet les intérêts de ces sommes ; intérêts qui depuis
long-temps montent à 7496 francs par au. L e sieur Momet
peut donc avec raison dire qu’il eût été bien heureux
pour lui de n’avoir jamais connu le sieur Croze.
A la vérité un acquéreur a une hypothèque sur les
Liens de son vendeur p o u r la sû re té d e sa garantie ; mais
il a en m ê m e te m p s une voie ouverte pour éviter les re
c h e r c h e s des créanciers qui ont aussi hypothèque sur l’im
meuble ; c’est de faire transcrire.
Aussi les lois sur les hypothèques parlent des oppositions
ou inscriptions faites en vertu de créances, et ne disent
rien de celles qui n’ont pour but qu’une garantie; ce qui
prouve que le législateur a entendu que la voie de la trans
cription y suppléeroit; car l’acquéreur n’est pas un créan
cier. La loi a voulu une inscription d’office pour le ven
deur , s’il lui restoit dû quelque chose; mais elle n’a pas eu
la même précaution pour l’acquéreur, quoique la garantie
soit une clause tellement d’usage, que la loi la supplée
�C 4° )
si elle n’est pas exprimée, et s’il n’y a clause contraire.
Les acquéreurs qui s’obstinent à vouloir faire des ins
criptions disent ordinairement que s’ils ne craignent pas
les créances, au moins ils peuvent craindre les demandes
en éviction, qui souvent peuvent survenir au bout d’un
très-long-temps, à cause des minorités qui se succèdent.
Mais , sous ce prétexte, on seroit forcé de maintenir des
inscriptions pendant des siècles; et avec cette terreur pa
nique , celui qui vendroit une seule propriété auroit le
reste de ses biens en séquestre, sans pouvoir en disposer.
Aussi la jurisprudence a-t-elle restreint sur ce point les
prétentions des acquéreurs, en les obligeant à purger leur
vente , pour forcer leur vendeur à faire radier les inscrip
tions , sans qu’ils pussent eux - mêmes en conserver une
apiès la m a in le v é e d e toutes les autres.
C est ce qu enseigne M . Grenier, tribun, en son Com
mentaire de l’édit de 1 7 7 1 , page
de la seconde édi
tion. Il cite à cet égard un arrêt conforme, rendu au parle
ment de Paris, entre le sieur de Mâcon et la dame Gironde,
le 3 mai 1785. Le parlement de Rouen avoit jugé de même
le 18 mars 1779 , et le parlement de Toulouse le 31 août
1784.
‘ C ’est encore ce qu’ a jugé la seconde section de la
cour , le 25 prairial an 11 , -entre les sieurs Choussy et
Gardelle. Ce dernier vouloit maintenir une opposition
laite par lui pour sa garantie , et prétendoit que le sieur
Choussy n’ayant plus d’hnmeubles, il avoit intérêt de con
server ses droits sur celui qu’il avoit vendu le dernier.
Mais le sieur Choussy vint à l’audience avec la mainlevée
des oppositions qui a voient frappé les lettres obtenues sur
�éo\
( 4 0
•sa vente, et la cour lui accorda la mainlevée de l’oppo
sition de gai-antie formée par le sieur Gardelle.
Ainsi le sieur Momet répète au sieur Crose : Faites
transcrire à vos frais votre contrat, comme vous en avez
la faculté ; notifiez-moi les inscriptions, s’il en existe : tant
que je seraien demeure d’en avoir mainlevée, vous aurez
droit de maintenir vos inscriptions ; sinon vous n’êtes
pas le maître de la faire durer éternellement, en ne faisant
jamais transcrire.
C’est là ce qu’a jugé le tribunal de Brioude, et il est
clair dès-lors qu’il s’est parfaitement conformé à la juris' »^prtidençè : ce -'n'est pas ^seulement eir point de iîroit -qu’il,
""a- bién-jugé
-parle fait, ie-sieui’ Momet-« -établiqu’il,
—■
¿-’existort plus d’inscriptionà sut1 le. bien de GhaSsaigne ;.
!À.insi le sieur1Crofce n’ïivdl; motifs d©précaution qu o dans
son désir de'lie pas payer , et fraris son' prbjet bien con- '
duit de consommer fo* rüine dn siemr-'Momet.
'
v-* \ ^
*v •
j
/*• ''*»%
«,
*-
> ■ t.
Si la justice ci atteint le ;s?bur Crozedaus.^qprcVprQviJle,
^ srtes<?on«toyen^lïi6me» ont été indignés des horribles,
.chicanés. Cy.ril1i'ènouvelle■
s<nas,çe&se depui<; tant ^’apnéps *
pour ^a^pVô^rîer ; îitrphîs vil- -pris.,-.une belle propriété
qu^il voudrôit* accroître encore:, à* Combien plu§ fqrt^
raison doit-il s'attendre k ne pas.se jouer de l’intégiyté <,1q»
la cour. Le sieur Momet pourroit mériter quclqu’inttti^t,
par li\ dure position à laquelle le sieuv Croze, en gênant
toutes ses affaires, est parvenu h le réduire; mais il sê
contente de gémir en lui-même du malheur de l’avoir
connu, et.il n’osera solliciter de la cour que la plus rigou
reuse justice. Il ne plaide ici que de damno ritando ,*
F
�( 42 )
et loin de rien dissimuler, il se présente avec des pièces
originales qui doivent seules éclairer et convaincre -, car
ses intérêts ne seront jamais mieux défendus que lors
que la cour sera à portée de tout v o ir, et de prononcer
en plus grande connoissance de cause.
Signé M O M E T .
M e. D E L A P C H I E R , avocat
C
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R O I Z I E R , avoué.
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de l ’im prim erie d e L a n d r i o t , seul im prim eur de la
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C o u r d'appel. — M a i 1806.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Momet, Gaspard-Roch. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Croizier
Subject
The topic of the resource
fraudes
notaires
abus de confiance
députés
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Gaspard-Roch Momet, propriétaire à Paris, intimé ; contre Jean-Joseph Croze, sous-préfet de Brioude, appelant ; en présence d'Ignace Beaufort-Monboissier de Canillac, appelant.
Extrait de minutes du contrat de vente. Extrait de jugements.
Table Godemel : Paiement : 5. un acquéreur est-il fondé à retenir la partie du prix non payé au vendeur, soit à cause du trouble qu’il éprouve, par une demande en désistement, soit sur l’existence de ses propres inscriptions ? le vendeur est-il garant de la demande en désistement, si cette garantie résulte d’une surprise faite par l’acquéreur ? l’acquéreur peut-il se prévaloir de ses propres inscriptions conservatoires, lorsqu’il refuse de transcrire et de purger ? Acquéreur : 5. un acquéreur est-il fondé à retenir la partie du prix non payée au vendeur, soit à cause du trouble qu’il éprouve par une demande en désistement, soit par l’existence de ses propres inscriptions ? le vendeur est-il garant de la demande en désistement, si cette garantie résulte d’une surprise faite par l’acquéreur ? l’acquéreur peut-il se prévaloir de ses propres inscriptions conservatoires, lorsqu’il refuse de transcrire et de purger ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1791-1806
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
42 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1619
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0411
BCU_Factums_G1620
BCU_Factums_M0523
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53293/BCU_Factums_G1619.jpg
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
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Rights
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députés
fraudes
notaires
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8e3ddf41c2fc46b7b7938bd731370296
PDF Text
Text
MÉMOIRE EN RÉPONSE
POUR
sr
A ntoine
V A R A G N E , «et autres, intimés;
CONTRE
RO LA N D , T oi n e t t e -G A B R IE L L E
R O LA N D 3 et Le sieur GROS son m a ri , appelans.
P lE R R E -ISRA EL
- L e père du sieur Roland avait trompé les mineurs
Varagne et les avait dépouillés de tout leur patrimoine;
le sieur Roland et la dame Gros se plaignent aujourd’hui
de ce qu’ un Varagne les a trompés à son tour pendant
qu’ils étaient mineurs, et a repris ses biens. Si cela était
vra i, il faudrait remonter à la source et ne tromper
personne;mais ce n’est pas ainsi que les adversaires l’en
tendent; ils veulent bien rétrograder jusques avant la 2.®
époque, mais non jusqu’à la première, c’est-à-dire,qu’ils
v eulent retenir ce que leur père avait pris. A la vérité
ils sont obligés de convenir que son usurpation n’était
A
�' *
r
'
( 2 }
.
.
pas la cliose du monde la plus solide; mais au moyen
de quelques prescriptions et péremptions ils espèrent la
légitimer. 11 faut croire au contraire qu’une œuvre d’ini
quité et de ténèbres ne prévaudra pas cônlreuuetransaclion sage et prudente qui en efïaçait la turpitude; et la
publicité même que les héritiers Roland ont voulu
met Ire à cette cause, ne prouvera que mieux h la Cour
qu’ils n’avaient pas mûrement réfléchi, quand ils ont
voulu blâmer ce qu’avait délibéré leur famille, pour cou
vrir le passé et leur rendre justice.
F A I T S ,
L e 18 septembre 1 7 4 7 , le sieur Pierre Roland avait
vendu à Géraud Varagne un domaine appelé de Fleurac, mo}rennant 12,000 francs. Il fut dit que Varagne
.demeurait quitte du prix, au moyen de ce qu’il créait
et constituait au profit du sieur Roland une rente de
5oo fr. par année, payable en deux termes, jusquesau
remboursement des 12,000 fr.
Géraud Varagne mourut en 1762 , laissant trois enfans
mineurs, Antoine, Marianne et Sébastien.
J 1avait payé la rente de 5 oo fr. avec la plus grande
exactitude', et on serait hors d’état d’établir qu’il eût
laissé pour un sou de dettes. Ses enfans devaient donc
CMre'à l’abri de riuquiétude.
Mais Je"sieur Roland icgrettait singulièrement le
domaine de Fleurac qu’il avait vendu, disait-il, à trop
bas prix , et que le bon étal où l'avait mis l’acquéreur
�lui faisait encore envier davantage. L a mort de cet ac
quéreur- lui fournil le prélexte de se remettre en pos
session en expulsant ses enfans. Abandonnés de tout le
monde, ils ne pouvaient l’en empêcher, et d’ailleurs ils
n'ont jamais été informés des diligences"cju’il pouvait
faire; c'est seulement après sa mort et par la remise
qu’on leur a faile de ses procédures, qu’ils ont connu
celles dont ils vont rendre compte.
L e sieur Roland fit nommer un tuteur aux deux
puinés; et comme Antoine Varagne avait déjà 16 ans,
il le fit émanciper, c’est-à-dire, on présenta sous son
nom une requête au juge de Fleurac , le 20 décembre
1 7 0 2 , pour demander son émancipation (1).
Après cela, le 16 février 1 7 5 3 , le sieur Roland as
signa ledit Antoine Varagne et le tuteur de ses frère et
sœur, pour lui payer s 5o fr ., la seule somme à lui due
pour le terme d’une demi-année de sa rente, échue
depuis La mort de Géraud Varagne.
Une sentence par défaut, obtenue le i .er mars 17^3,
adjugea ces conclusions, el condamna les mineurs à dé
clarer de suite s’ils entendaient ou non être héritiers
de leur père.
Celte sentence était sans doute bien inutile pour mo
tiver l’ usurpalion du domaine , et le sieur Roland le
sentit bien. Il chercha à persuader Antoine Varagne
( 1 ) Ainsi il n’était pas marié avant la mort de son père , et
émancipé par le m a ria g e , comme le disent les adversaires à la
iin de la page 1 7 de leur mémoire.
A 2
�( 4 )
qu’il n’avait pas d’intérêt à conserver un bien où il pas
serait sa jeunesse pour partager ensuite son industrie
avec deux enfans en bas âge; un jeune homme de
dix-sepl ans n’est pas bien difficile à séduire. Deux cents
francs que le sieur Holand lui promit, achevèrent de lui
tourner la tête: il promit tout ce qu’on voulut.
En conséquence' le 24 mars 1 7 6 3 , le sieur Roland
assembla cinq cullivateurssous le litre d’une assemblée
de païens, auxquels le jeune Varagne représenta, à ce
qui y esl dit, que le domaine de Fleurac lui serait plus
onéreux que profitable, que sou père l’avait acheté
Irop cher, n’avait pas même pu payer les droits de lods ,
qu’à la vérité il avait acquitté la ren ie, mais que c’élait
en contractant plusieurs dettes passives, et que son père
en avait conçu un v if c h a g ru i , qu’il croyait avoir été
cause de sa mort, que même , en m ou rant , lL Lui avait
conseillé de supplier le sieur R o la n d de reprendre son
dom aine ,\ d’après quoi il voulait suivre ce conseil, et
renoncer à la succession de sondit père.
Après cet acle de piété filiale, dans lequel le souf
fleur se fait assez remarquer, il élait question de pren
dre l’avis de trois païens paternels et trois maternels
qui avaient clé assignés la veille 5 leur délibéralion ne
doit pas êlre passée sous silence.
Les trois pareils maternels volent pour tout ce qui
est demandé, c’est-à-dire, l’abandon et la répudiation,
quoique l'un lût l’opposé de l’autre; mais le sieur
.ilolaud avait voulu loul prévoir.
Des trois parens paternels, l’un ne vint pas, parce
�que, dit-on , il était malade; les autres deux,, indignés
de ce qui se passait, et ne voulant pas participer à
l’expoliation de leur neveu , déclarèrent q u iis n e n
tendaient pas qu’il abandonnât Le dom aine , n i q u il
répudiât. Cette réponse est consignée en l’acte.
Cependant le juge, considérant que les parens ma
ternels étaient en plus grand nombre, homologua la
délibération desdils trois parens maternels, et homo
logua même celle du curateur qui n’avait rien dit.
Comme Antoine Varagne avait bien rempli son
rôle , le sieur Roland lui donna le lendemain , non
pas précisément la somme promise, mais un billet de
200 fiancs, payable dans huit ans seulement, c’està-dire , à sa majorité , aiin que si alors il voulait
se pourvoir, le sieur Roland pût au moins sauver
l ’argent.
Muni de cette homologation, le sieur Roland crut
en avoir assez fait pour mettre son usurpation en évi
dence , et par acte du 27 avril 1 7 5 3 , il donna à ferme
à un é t r a n g e r le domaine de Fleurac ; et, s’il faut en
croire les adversaires, il poussa le nim ia p reca u iio ) usqu’à faire signer comme tém oins , le curateur et le
mineur de dix-sepl ans.
Cependant le sieur Roland ne pouvait se dissimu
ler qu'il avait fait une mauvaise procédure, et que
les pupilles Varagne, n’étant pas même nommés dans
l’avis des trois parens , auraient un jour à réclamer
conlre lui des restitutions de jouissances; il s’agissait
donc de porter remède à ce danger. Depuis plus de
�trois ans il était en possession du domaine, et avait
Irouvé tout en bon état ; mais une vieille grange
lui sembla un prétexte suffisant pour ce qu’il avait à
faire.
L e tuteur étant mort,, le sieur Roland en fit nom
mer un second le 24 mars 1 7 56 , et présenta une re
quête dans laquelle il exposa que les enfans Varagne,
ayant déserté le domaine , avaient laissé le tout en
très-mauvais élat ; qu'il avait été forcé de préposer
des gens pour la culture, afin d’éviter le dépérisse
ment ; que le nouveau tuteur ne prenait non plu s' aucun
soin pour jouir du domaine.
En conséquence il demanda permission d’assigner
Antoine Varagne et le tuteur, savoir au provisoire
pour faire constater Yétat de la g ra n g e, procéder au
bail à rabais des réparations, et au fonds , pour voir
dire que la vente de 1747 serait résiliée, et qu’il serait
autorisé à reprendre la propriété d u d it dom aine , et
aussi pour être condamnés à payer la rente de 5 oo f .
j u s q u à ce. qu’il sera rentré en ladite propriété.
L e 5 mai il obtint une sentence provisoire qui lui
permit de faire c o n s t a t e r les r é p a r a t i o n s • et aussi pro
digue de formalités p o u r cette inutile précaution, qu’il
en avait été avare en s’emparant de tout, on compte
dix-neuf pièces de procédure, ailiclies 011 exploits entre
sa requête, et une sentence du i .cr juin qui adjugea
le rabais à 1,246 fr.
#
Ces réparations, comme on le vo it, n’avaient été
nécessaires que pour un seul des bditimens, et il était
�(?)
8
>
V
singulier qu’après trois ans d’usurpa(ion, le sieur Roland
s’avisât de s’en prendre aux Varagne qui n’avaient joui
que de 17 4 7 à 1752.
Quoiqu’il en soit, après cette sentence provisoire,
le sieur Roland en obtint une seconde le 29 septem
bre 17 5 6 , qui, adjugeant les singulières conclusions
de sa requête, déclara la vente de *747 résolue, lui
permit de rentrer dans la propriété, et condamna les
Varagne au paien^nt des arrérages ju s q u ii six rentrée.
Cependant les collecteurs, plus justes que lu i, s’obs
tinaient à ne pas vouloir changer la cote d’impositions,
malgré son bail à ferme et sa nouvelle procédure ; en
conséquence, avant de laisser terminer le répartement
de 1767 ^ le sieur Boland présenta une requête à l’in
tendance pour se plaindre de cette insubordination ;
et comme il avait une charge à privilèges, il demanda
une cote d’oüice, modérée suivant le produit du bien,
qui à peine s’élevait, disait-il, d'après son b a il, à cinq
cent cinquante francs : aveu , qui, en matière de sur
taux, où on n’exagère pas, fuit assez voir combien
peu Varagne, cultivant par ses mains, avait dû être
grévé en payant 5 co fr.
Sans doute, Antoine Varagne , devenu majeur, no
voulut pas accéder aux propositions qui lui furent
faites ; car le 23 décembre de la môme an n ée, le
sieur Roland le lit assigner, ainsi que le tuteur, pour
voir déclarer les sentences du i . er mars 17 6 3 et 29
septembre 1756 rendues contre eux-m êm es, en con
séquence, est - il dit, se voir condamner à payer,
�( 8 )
1.° 2 5 o fr. portés parla première, et 33 fr. de dixième;
2.° 1,246 fr. pour le montant du bail à rabais. L e 20
février 1768 , il surprit une sentence adjudicative.
Varagne en interjeta appel.
Cet acte imprévu dut déconcerter le sieur Roland,
qui sans doute chercha à renouer l’accommodement,
et à gagner du teins. Ce qui le prouve, c’est que na
turellement le plus pressé, parce qu’il était créancier
et demandeur, il se contenta de se présenter le 19
avril 17 6 8 , et garda le silence pendant trois ans.
Après celle époque, il dressa le 18 juin 1 7 7 1 un
exploit de demande en péremption , et il est démontré
par écrit qu’il n’y eut pas de copie remise, 011 si on
veut que l’huissier ne la donna pas. Aussi ne fut-il
pas difficile au sieur Roland , de surprendre , le 28
août 1 7 7 2 , une sentence par défaut qui déclara l’ap
pel périmé. Mais cette péremption, comme on voit,
était peu importante, puisque la sentence de 1768
ne portait que des condamnations pécuniaires, et
ne disait rien de la résolution, déjà prononcée en
17 5 6 . '
A peine Marguerite Varîigne fut-elle majeure , que
le si eu r Roland , toujours inquiet sur sa procédure,
chercha à obtenir d’elle un acquiescement aux sen
tences, et par acte du 16 février 1 7 7 3 , il paraît qu’il
lui extorqua cet acquiescement, sans prix.
L e sieur Roland mourut le 3 i juillet de la mémo
année, et toute la peine qu'il avait prise pour être
richo
�riclie ne l’empêcha, p a s, à ce que disent les adver
saires, de laisser des dettes. Il avait lait un testament
par lequel il instituait celui de ses en fans qui serait
élu par un conseil de famille.
Antoine Varagne ne redoutant plus le sieur Roland
mort, avait déjà annoncé qu’il allait interjeter appel
de la' sentence de 1756 , s’inscrire en faux contre
l’exploit de 1 7 7 1 , et réclamer les restitutions de jouis
sances de vingt-un ans, tant de son chef que comme
céda taire de Sébastien son frère, et même du chef
de Marianne sa sœur , en se faisant subroger.
Cette réclamation était si peu difficullueuse , que
le conseil de famille, composé des hommes les plus
éclairés, 11e trouva rien plus expédient que de rendre
le domaine , et de tâcher d’obtenir la remise des
jouissances.
En conséquence, Antoine Varagne traita le 3 o oc
tobre 17 7 3 avec le tuteur des enfans Roland, auto
risé du conseil de famille. Après l’exposé de ses pré
tentions , l’acte porte qu’il r e p r e n d r a le domaine
vendu en 17 4 7 , et que le p r ix pr in c ip al delà vente ( 1)
demeure fixé comme alors à 12,000 francs et 72 fr.
d’étrennes, Varagne paya de suite 2,472 fr. , et le
surplus fut dit payable à termes annuels de 1,600 fr.
et de 1,000 fr. sauf l’intérêt jusqu’au paiement. Au
moyen de quoi le tuteur remit à Varagne les pro( 1 ) L e s nppelans avalent dit renie, pag. 8 de leur mémoire:
erreur qui influerait sur les moyens de résolution.
B
�cédures et sentences , et le subrogea à l’acte passé le
16 lévrier précédent avec Marianne Varagne, à ses
risques et périls. Et comme le sieur Roland pouvait
avoir déjà démembré le domaine, le conseil de famille,
toujours prévoyant, fit stipuler, pour éviter les recours,
que s’il y avait des ventes au-dessous de 3 oo francs,
Varagne n’aurait rien à demander; mais que si elles
excédaient cette somme , il répéterait le surplus du
prix seulement.
En vertu de cet acte, Antoine Varagne se mit in
continent en possession de son domaine , et paya ré
gulièrement deux à-comptes au tuteur; dès la pre
mière quittance, on vérifia quelles ventes le sieur
Roland avaient passées, et elles se trouvèrent d’un
pré de trois journaux, et de partie d’un autre pré.
Comme les deux actes ne portaient de prix que 778 f.
Antoine V aragne, suivant sa convention, n’eut qne
478 fr. à déduire.
Bientôt le sieur Pierre-Israël Roland devint ma
jeur, et (ce qu’il ne disait pas jusqu’à ce que les V a
ragne l’aient découvert) le même conseil de famille
s’assembla le 4 décembre 17 7 7 pour l’élire héritier
universel de son père, à la charge de payer les légiiimes portées par son testament.
Ledit sieur Roland prit des arrangemens avec ses
frères et sœurs, en se mettant en possession de toute
la succession ; il s’obligea vraisemblablement à payer
leur légitime qui était assez considérable, et il avouo
aujourd'hui q u ’il les représente tous à l’exception do
la dame Gros.
�33
( n )
En 1 7 7 7 , il était échu un terme de 1,000 fr. sur
le traité de 1 7 7 3 ; et le sieur Roland, aussitôt qu’il fut
héritier, n’avait pas manqué, à ce qu’il paraît, de
prendre connaissance de cel acte. Car non-seulement
il demanda à Varagne le terme échu , mais il l’en
gagea même à avancer le terme suivant, pressé sans
doute d’acquitter les légitimes.
En effet on voit par quittance du 27 juillet 1 7 7 8 ,
que le sieur Pierre-Israël Roland , avocat en parle
ment , reçut d’Antoine Varagne 2,000 francs, savoir
1,000 fr. pour le terme échu à la Toussaint de 1777»
et 1,000 f r . par anticipation pour le terme a échoir
à la Toussaint de 17 8 8 , porté au traité passé devant
Le notaire soussigné, entre son tuteur, les conseillers à
la tutelle et ledit Varagne.
Dira-t-on que c’était Varagne qui s’empressait d’a
voir une ratification d’un majeur; mais elle 11’est pas
la seule ?
Quatre ans après, et lorsque le sieur Roland eut eu
le loisir de méditer l’actif et le passif de la succession
de son père, le surplus des 12,000 fr. était échu et
Varagne paya par quittance du 1 1 juin 17 8 2 , au d it
sieur R o la n d , avocat, la somme de 4,000 fr a n c s pour
tout reste et fin a l paiement du p r ix de la vente et
délaissement du domaine de Fleurac ayant appartenu
a u x auteurs d u d it sieur R o la n d , et délaissé audit
Varagne par traité reçu par le notaire soussigné, de
laquelle dite somme de 4,000 fr. ensemble d u p r ix
entier de ladite vente , ledit sieur R o la n d a promis le
fa ir e tenir quitte envers et contre tous.
�C 12 )
Antoine Varagne mourut, après avoir ainsi liquidé
sa fortune; il laissait sa veuve tutrice; et l’un de ses
fils, ayant clé marié , laissait aussi une veuve tutrice,
le sieur Roland trouvait là une bien belle occasion
pour marcher sur les traces de son père, et repren
dre ce qui ne lui appartenait plus. T.a crainte de trouver
de l'obslacle en son nom seul lui fit emprunter le
nom de ses frères et sœurs pour former sa demande,
et cacher soigneusement la qualité d’héritier universel)
dont il,avait cependant usé en prenant tout.le> prix
de la vente.
En conséquence, par requête du 2 5 février 17 8 8 ,
il fut formé demande devant le juge de Salers, en
nullité du traité de 17 7 3 , et désistement, à la requête
des sieurs Pierre-Israël Roland , avo cat/Jean -M arie
Roland , curé de Salers , Guy Roland , prêtre communalisle, Louis-Isiaël Roland, prêtre, et ToinelteGabrielle Roland , contre Catherine Lapeyre , en
q u a l i t é de tutrice des enfans d’Antoine Varagne père
son mari, Marguerite Chaumeil, aussi tutrice des enfans d’Antoine Varagne fils son mari, et Jean V a
ragne lils.
••
. Les Varagne qui ne voulaient pas plaidera Salers,
se laissèrent condamner par défaut le 10 juin 17 8 8 ,
et interjetèrent appel en la sénéchaussée d’Auvergre.
La cause fut appointée au conseil, et le sieur R o
land comprenant assez que sou système .d’envahisse
ment n’y ferait pas fortune , voulut se rendre un
peu moins défavorable. 11 reconnut qu’il avail mal
�( 13 )
à propos demandé le désistement total , et que Se
bastien Varagne aurait eu droit de rentrer dans le
domaine; en conséquence il se départit de sa demande _
pour un tiers. A l’égard des deux autres, il soutint
que son tuteur avait été trompé, et qu’après le traité
de février 1 7 7 3 , e lle s sentences de 1768 et 1 7 7 2 ,
Marianne et Antoine Varagne avaient perdu toute
p r o p r i é t é , de sorte que le traité de novembre 17 7 3
contenait une aliénation de biens de mineurs contre
laquelle .ces frères et lui pouvaient réclamer pendant
trente ans.
Mais les tutrices Varagne, pourrepousserces moyens,
firent des recherches dans les études de notaires , et
trouvèrent les quittances de 1778 et 178 2 , le testa
ment du sieur Roland père, et l’élection de 1777.
Ces pièces, jointes aux circonstances de l’acte do
1 7 7 3 , étaient si décisives que la sénéchaussée d’A u
vergne, par sentence rendue au rapport d e M .r Bidon,
le 3 septembre 17 9 0 , n’hésita pas à infirmer celle par
défaut de Snlers , et à débouter les sieurs Roland de
leur demande.
A leur tour les sieurs Roland ont interjeté appel
de celle sentence au parlement de Paris; ce n’est
qu’en l’an 10 qu’ils en ont repris les poursuites deVanl la Cour. 11 ne reste plus qu’à rendre compte
des moyens respectifs et à répondre à ceux proposés
pur les appelans dans leurs écritures et leur mémoire.
�( i4 )
MOYENS
.
L e système des appelons est, comme on le prévoit
sans peine , fondé tout entier sur l ’état des choses
subsistant avant la transaction de 17785 alors disentils aux Varagne , votre expropriation était légalement
consommée , vous deviez une rente foncière que vous
ne payez pas, ainsi il y avait lieu à résolution ; vous
avez déguerpi les biens, et vous le pouviez, quoique
mineurs , avec le décret du juge. Ainsi rien n’était
plus légitime que les sentences de 1 7 5 3 , 1756 jet
17 6 8 ; d’ailleurs c'était chose jugée h cause de la pé
remption prononcée en 17 7 2 contre Antoine Varagne,
et quant à Marianne elle avait tout approuvé par un
traité contre lequel il n’y avait pas lieu à retrait, dès
qu’il ne s’agissait que de résolution5 ni à subrogation
légale, puisque ce traité acquérait au sieur Roland
rem sibi necessarîam.
Si donc, disent les adversaires, nous étions proprié
taires incommulables en 1 7 7 3 , notre tuleur n’a pu
aliéner notre propriété sans formes et sans nécessité.
Nous nous sommes pourvus dans le lems, et les quit
tances du prix ne sont pas une approbation.
Quoique cet ordre de moyens soit une inversion de
questions, et que naturellement la première chose à
examiner dût être la fin de non recevoir , cependant
les intimés suivront cette série des moyens présentés
parles adversaires, puisque leur but est d’y répondre.
Ils examineront donc i.° si le sieur Roland avait re-
�2T
( i5 )
couvré la propriété du domaine de Fleurac, lorsqu’il
s’en empara en 17 5 3 ; 2.0 si au cas qu’il ne fut pas alors
propriétaire, il Test devenu par les sentences de 1 7 5 3 ,
1 7 5 6 , 1768 et 17 7 3 , et si elles étaient chose jugée
en 1 7 7 3 , tant contre Antoine que contre Marie V aragne; 3 .° si la transaction du 3 o octobre 17 7 3 était
une aliénation des biens des mineurs Roland; 4.0 si,
en ce c as, les adversaires se sont pourvus en tems utile;
5.° enfin si les quittances de 1778 et 178 2 produisent
une fin de non recevoir.
P r e m i è r e
q u e s t i o n
.
L e sieur R o/and pere avait-il recouvré la propriété
du domaine de Fleurac, lorsqu’il s’en empara en 17 5 3 ?
L e sieur Roland avait vendu ce domaine en 17 4 7 ;
ainsi sans difficulté Geraud Varagne en était proprié
taire à son décès en 1762.
Mais quelle était la nature de cet acte de 1747 ?car
de cet examen préaUible dépend la discussion relative
aux moyens proposés de déguerpissement et de réso
lution.
Souvenons-nous qu’en 1747 le sieur Roland avait
vendu un domaine moyennant 12,000 fr ., pour laquelle
somme l’acquéreur avait constitué une rente de 5oo fr.
Ainsi d’après les principes cet te rente n’était pas pure
ment foncière; c’était une simple rente constituée,
assise sur un immeuble avec privilège spécial.
�( 16 )
Par conséquent le bailleur n’avait pas retenu le do
maine direcl ;dèslors c’était une aliénation pure et simple
de sa part, ce qui changeait totalement le droit qu’il
s’est arrogé de s’emparer du'fonds, comme s’il 11’eût
délaissé que la propriété utile.
Cette différence à faire entre les ventes à charge de
rente constituée, ouïes baux à rente foncière, nous
est enseignée par les auteurs du nouveau Denizart au
mot arrérages: «-Unhéritage, disent-ils,peut être vendu
« moyennant une rente de telle somme, ou bien le prix
« de l’héritage peut être fixé d’abord à telle somme,
« et ensuite les parties convenir par le même acte que
« la somme formera le capital d’une rente constituée
« entre les mains de l’acquéreur. Dans le premier cas
« nuldouteque la rentenesoit foncière ; mais au second,
« la rente renferme une véritable constitution de rente
k à prix d’argent >3.
Sans doute cette opinion ne sera pas taxée d’innovalion; car on la retrouve dans Loyseau en son traité du
f
déguerpissement. «Toutefois,dit-il, en toutes ces renies
«• foncières, il y a une signalée précaution; et une re*• marque de grande importance , c’est quesi le contrat
« est fait en forme de vente , auquel le prix soit parti—
« cularisé et spécifié, pour lequel prix soit constitué
<r rente à lü suite du même contrat, alors, à bien en
te tendre, telle rente ne doit pas être estimée foncière,
« mais simple renteconstituée. (f. i. ch. 5 . n.° 14 e ! 17).
lie même principe est enseigné par Basnage sur l'ar
ticle 5^5 de Normandie, par I^othier au traité du contrat
�( i7 )
irat cîe consliluiion de rente, n.° 1 3 3 , par divers arrêts
de cassa lion de Fan 9 et l’an 1 1 , et par un arrêt de
la Cour de l’an i 3.
Cela posé, on ne voit plus où s’appuient les deux
moyens des adversaires, fondés sui\ ce que les enfans
Varagne avaient pu déguerpir le domaine, pour ne pas
payer la renie, et sur ce que, n e payant pas la rente,
la résolution était de plein droit après trois ans.
L e premier moyen ne semblait pas trop raisonnable,
parce que dans les faits ci-dessus rapportés, on ne voit
rien qui ail beaucoup d’analogie avec un déguerpisse
ment. Mais les adversaires prétendent que le simple
iait d’abandon du domaine équivaut dans l’espèce à
un déguerpissement , par la raison, disent-ils, que d'a
près L o y se a u , les mineurs peuvent aussi déguerpir
pourvu qu’il intervienne décret du juge pour le leur
permettre, après un avis de parens. Or, ajoutent-ils,
celle autorisation judiciaire se trouve dans la délibé
ration des parens qui avaient autorisé les mineurs à
abandonner le domaine et même à r é p u d i e r la suc
cession.
Erreur dans le fait et dans le droit.
Dans le fait ; car celte délibération n’autorisait pas
les m ineurs, mais l’émancipé seul; et loin d’être completle, on voil que les parens paternels eurent l’énergie
de s’ind igner hautement de ce qu’on méditait contre
un enfant, et que les parens maternels accédèrent seuls
à ce qui élait demandé.
Dans le droil ; car ce n’est pas celte délibération
C
�qui aurait produit un déguerpissement, elle y auto
risait seulement Témancipé, et cependant il s’en est
tenu h cette démarche, déjà même le sieur Roland
s’élait emparé du domaine; et quand il sollicitait une
répudiation, il est clair qu’il exigeait deux choses con
tradictoires, parce qu’ un déguerpissement était une
adition d’hérédité.
Un déguerpissement n’est pas un acte tellement sans
conséquence qu’il puisse avoir lieu par accord verbal,
car il est une aliénation, et non n udis pactis do min ici
trans/eruntur.
D ’abord il n’est pas très-cerlain qu’un tel acte soit
permis à des tuteurs, même avec le décret du ju ge;
la loi s’y oppose formellement; prœ dia vendu, v e l
i p s i s ca r b r e perm itti non dcbet , et si pcrm issuni s it ,
nulla est vend ¿tco, nullum que decretum. (L . si æs. fï.
de reb. eor. etc.)
Cependant admettons qu’ un tuteur puisse déguerpir
avec le décret du ju g e ; au moins faut-il, quand le
décret est intervenu , qu’il y ait un déguerpissement
formel.
Loyseau , invoqué par les adversaires, dit que le
déguerpissement doit être fait en ju gem en t, et pour
qu’on ne confonde pas celte expression, il ajoute,
cest-a-dire en L'audience de ju s t ic e , les p la id s tenant ;
a car, continue cet auteur, le respect ,1 a majesté du
« lieu où la justice est exercée, la présence des rna« gislrats, la fréquence des assislans donne à cet acte
« plus d'uutorité, parce que le déguerpissement est
«• un acte d'importance. ( Liv. 5.)
�( T9 )
Si donc il y avait cil lieu à déguerpissement, les
adversaires ne pourraient en invoquer aucun , car il
n’y en a d’aucune espèce. Mais ce n’élait pas le cas
dès que la renie n’élait pas foncière. Car, comme dit
Chopin sur l'art. 109 de la coutume de Paris, « en
« rente raclietable sous un principal exprim é, n’y a
« lieu à déguerpissement, cutn sit poliàs emptor, quàm
« conductor prelil vectigaiis ».
Opposera-t-on qne ces principes sont en faveur du
bailleur et non contre lui : mais dès que le déguer
pissement est une aliénation, il faut que le contrat
soit bilatéral ou synallagmatique, et jamais il ne sera
possible de penser que des mineurs sur-tout aient fait
un déguerpissement valable, sans aucun a c te , même
hors jugement, et par le seul fait de leur dépossession.
Quant à la résolution, faute de paiement par trois
ans, elle n’avait pas lieu en rente constituée; mais
ce serait devancer les adversaires que d’examiner
ici celte question, car ils ont élé forcés de recon
naître qu e, d’après leur propre système, il n’y avait
pas lieu ¡1 résolution quand leur père s’empara du
domaine en i y 5 3 , parce que la sentence du i . ermars
de ladite année ne portait condamnation que d’ uu
demi-terme de la rente de 5 oo francs, échu encore
depuis la mort de Géraud Varagne.
Ainsi, sur celle première question , il est constant
que sous aucun poinl de vue , le sieur Roland n’é
tait propriétaire du domaine de Flenrac lorsqu’il s’en
empara, et le donna à ferme le a 5 avril 1753.
G a
�L e sieur R o la n d est-il devenu propriétaire du do
maine de Fleurac par Les sentences de 1 7 5 3 , 1 7 56 ,
1768 et 17 7 2 ?
' Ces sentences étaient-elles passées en force de chose
jugée en 17 7 3 , tant contre Antoine Varagne que
contre M arianne sa sœur?
L a senlence de 17 5 3 ne signifie rien pour la pro
priété, cela est convenu; elle n’était qu’un achemi
nement aux autres, et eût été elle-même irrégulière,
puisque le sieur Roland a dit Géraud Varagne mort
en novembre 1 7 5 2 , et que depuis celle époque jus
qu’après les trois mois et quarante jours il n’avait pas
d’action, d'après l'ordonnance de 1667 , renouvelée
•par le Code civil.
En 17 5 6 , il y eut deux sentences, mais la première
ne parle que de bail à rabais et non de propriété 5
c’est la seconde seulement, du 29 septembre, qui pro
nonce la résolution de l’acte de 1747On ne peut pas douter que le juge n’ait été sur
pris lors de celle sentence , puisque l’exposé de la
requête, sur laquelle elle est rendue, suppose que le
sieur Roland n’était pas encore en possession du do
maine de Fleurac. Il demandait ju squ es-là les arré
rages de la renie de 5 oo f r . e t certes c’élait abuser
étrangement du silence forcé des mineurs Varagne ;
car s’il eût confessé au juge, que depuis plus de trois
�( 21 )
ans il percevait les fruits du domaine, sur lequel la
dite rente était assise, le juge au lieu de lui adjuger
sa demande, l'aurait éconduit, quoique par défaut.
Cette sentence, il est vrai, quelque mauvaise qu’elle
lût, disposait de la propriété du domaine; mais elle
était susceptible d’appel pendant trente ans d après la
jurisprudence; et dès-lors en 1 7 7 3 , elle pouvait etre
attaquée.
Ce n’est pas ainsi, à la vérité, que les adversaires le
supposent. Ils soutiennent, au contraire, qu’il y avait
chose jugée en 1 7 7 3 , et que tout espoir de retour était
ôté contre la procédure précédente, sauf néanmoins
les droits de Sébastien Varagne qu’ils reconnaissent
entiers. A l’égard des deux autres, ils séparent Antoine
Varagne de Marianne sa sœur.
Antoine Varagne, d iren t-ils, avait bien interjeté
appel de la sentence de 1768,* mais cet appel avait
été déclaré péri, et la péremption emportait le bien
jugé de cette sentence, et dès-lors de celle du 29
septembre 1766.
Mais les sieurs Roland confondent aujourd’hui ces
sentences, qui avaient un objet très-distinct en 1772.
L a sentence de 1768 n’avait pas pour objet de
faire déclarer les précédentes exécutoires contre les
Varagne , puisqu’elles étaient rendues contre eux-mêmes ; si le mot y fut employé ce n’était que par un
vice de style; car le but très-clair de la demande était
d’obtenir le paiement de 1,246 fr. prix apparent du
�.
bail y rabais, dont le S.r Roland n'avait pas encore obtenu
de condamnations. On voit en effet parla lecture de la
sentence de 17 6 8 , qu’elle ne porte que des condamna
tions pécuniaires, et ne dit pas un mot de la résolutiou.
L a sentence de 17 7 2 prononce la péremption de
l’appel de celle de 1768, et est encore plus étrangère que
toutes les autres à la propriété du domaine de Fleurac;
car, quand la péremption serait irrévocable, l’effet de
la sentence de 1768 ne s’étendrait pas au -d elà des
condamnations qu’elle prononce.
Ainsi, quand les sentences de 1768 et 1772 auraient
passé eu force de chose jugée en 1 7 7 3 , au moins la
sentence du 29 septembre 17 5 6 , la seule qui pronon
çât la résolution de la vente de 17 4 7 , était-elle évidem
ment susceptible d’appel en 17 7 3 .
Mais si, par impossible, la Cour pouvait considérer
d a n s la sentence de 1768 , une résolution que cettesentence ne prononce pas , comme alors celle de 17 7 2 au
rait une plus grande influence, c’est alors le eus d’exa
miner la validité de l'exploit de 1 7 7 1 , sur lequel cettô
sentence a été surprise.
, Il est démontré que la copie de cet exploit a été souf
flée. La lecture de l’original le prouve. Et en vain les
adversaires ont-ils ouvert une longue discussion sur des
mots écrits 011 ajoutés , on voit clairement que leur
père , ou le rédacteur de l’exploit a eu deux pensées
lu n e après l’autre, et que la deuxieme a corrigé la
première 5 mais ce n'est là disputer que sur le genre
d’iniidélité; car les adversaires sonl obligés d avouer qu’il
�( 23 )
y en a une. L ’huissier au moins n’a pas porté la copie ;
l ’assigné, qui ne l’a pas reçue, soutient l’exploit nul, et il
l’est sans difficulté. Si donc il n’y avait pas de demande
en péremption, il n’y avait pas de péremption; alors
l’appel était recevable en 17 7 3. Toute la laveur eut été
pour cet appel, et toute la défaveur pour.une péremp
tion extorquée par un faux évident.
Du chef de Marianne Varagne, Antoine eût été, disentils, moins reccvable encore, puisqu’elle avait tout ap
prouvé parle traité du 16 février 17 7 3 , ainsi personne
ne pouvait réclamer pour elle.
! Pourquoi donc ses frères n’auraient-ils pas eu d’action
en subrogation légale , si Marianne avait cédé un droit
litigieux et universel ? Cette prétention paraît choquer
les adversaires; mais c’est qu’ils partent toujours de cet te
idée fausse, que leur père avait conservé la propriété
directe du domaine, et alors ils se croient dans l ’e x ceplion de la loi eœcepUs cessionibus quas is qui, possidet pro tuilioae suâ accipit.
Cela est très-bien quand , avec un titre légitime pour
une partie , on possède tout, et q u e , pour confirmer sa
possession , on achelte rem necessariam.
Mais quand on n’a que la portion d’un cohéritier par
usurpation, il est clair qu’on ne cherche pas ¿1 y rester
pour éviter un procès; mais qu’on1 se prépare à en sou
tenir un contre les cohéritiers.
Suivant le système des adversaires, et en interprétant
judaïquemenl l’exception de la loi, rien ne serait plus
�i 1
( 24 )
facile que de l’éluder. L ’acquéreur d’un droit de copro
priété ou d’ un droit successif se mettrait d’avance en
possession d’ un objet, et ensuite il en serait quitte pour
dire qu’il est dans l’exception de la loi, parce que
p o ssiden s, pro tuitione accepit.
■ Pourquoi encore les frères de Marianne Varagne
n ’auraient-ils pas eu une action en retrait; car s’il est
certain que le domaine de Fleurac a resté dans la famille
V a r a g n e i l est clair que Marianne Varagne était pro
priétaire d’une portion , par la règle le mort saisit le v if%
Mais, disent-ils, un retrait n’a lieu qu’en matière de
vente ou d’acte équipolent à vente.
L ’objection même les condamne; car dès que l’acte
de 1747 était une vente, Marianne Varagne, propriétaire,
n ’a pu s’en départir que par unacteéquipolent à vente.
En vain oppose-t-on qu’elle a cédé son droit par une
transaction. Une transaction n’est qu’ un acte indéfini
qui admet toutes les espèces de conventions, et qui
dèslors retient elle-même le nom le plus analogue à
son objet principal. Ainsi quand , par l’effet d’une
transaction , rimmeuble d’ un contractant passe h un
autre, l’acte est toujours une vente, puisqu’ il en a les
caractères; car la qualité des actes 11e doit pas se juger
par les noms qu’on leur donne, mais parleur substance.
Si Marianne Varagne n’avait eu que J u s a d rem , il
est possible que la transaction ne fût pas considérée
comme une vente, dès qu’elle n’aurait cédé qu’ une
simple prétention litigieuse ; mais il est clair qu’elle
avait j u s in re, et qu’élant propriétaire au décès do
son
�?
4
..
( 25 )
son père, aucun acte ne lui avait ôté celle propriété.
Son abandon était donc une vente pure et simple.
Or, sans se jeter dans un long examen sur les cas
ou le retrait était admissible , les adversaires ne nie
ront pas qu’en vente d’immeubles il ne fût admissible
au profit d’ un frère.
Ils ne n ie r o n t pas encore qu’il n’eût été même ad
missible quand Marianne n’aurait abandonné que j u s
a d rem - car il est de principe enseigné par Potliier
d’après Dumoulin, Duplessis et autres auteurs, que la
vente d ’un, droit réputé pour héritage suffit pour
donner ouverture au retrait.
* L e même auteur dit plus clairement à la page pré
cédente , que la créance qu’on a pour se faire livrer
un héritage, est sujette à retrait si elle est cédée: et
cette doctrine n’ est qu’une conséquence du principe
que actio, quœ tendit a d a liq u id im m obile , est in imobilis.
Dans la circonstance sur-tout, et après la conduite
du sieur Roland père , lorsqu’il venait d’y mettre la
dernière main en ôtant le patrimoine d’une jeune fille
sous prétexte des dangers d’ un procès, il n’est pas
de tribunal qui eût refusé d’admettre un retrait qu’au
rait exercé Antoine ou Sébastien Varagne ; parce que
c’était la voie la plus légitime pour tout rétablir en
son premier état, et qu’il .ne s’agissait que d’arrêter
une usurpation.
Mais, objectent encore les adversaires, qu’aurait pu
faire Antoine Varagne, tant pour lui que pour sa
D
>
�( 26 )
sœur, quand il aurait pu exercer les droits dé l ’un
et de l'autre, et interjeter appel de la sentence de
17 6 6 ? cet appel aurait été non recevable au fonds,
parce qu’une résolution prononcée est inattaquable.
Sans doute, une résolution ¿égale est inattaquable,
et il était inutile de rappeler tout ce que dit sur celte
question M.r Chabrol : car ce n’est pas le principe que
contesteront les Varagne , mais bien l’application, qui
est véritablement choquante sous toutes les faces.
D ’abord M.r Chabrol parle des renies foncières j et
ici il ne s’agit que de rente constituée.
11 aurait fallu cinq ans d’arrérages dans ce dernier
cas; il eût fallu trois ans, si c’eût été une rente fon
cière. Or , ici il n’y avait que six mois d’arrérages.
Pour que la résolution soit légale , il faut que la
sentence, qui condamne au paiement, porte un délai,
sinon la demeure peut toujours être purgée. L a sen
tence de 1756 n’en portait aucun.
Ce n’est qu’après la sentence et le délai que le
bailleur peut se mettre en possession; ici, le vendeur
usurpait depuis trois ans. L e motif de résolution em
ployé par le sieur Roland élaiL même mal-honnele:
loin d’y parler d’un-abandon inutile fait par des pu
pilles chassés du domaine, il prenait pour prétexte le
défaut de paiement des arrérages. Il trompait donc
la justice, car il demandait ces arrérages, et cepen
dant il jouissait : il avait ôté par son propre fait aux
mineurs Varagne toute possibilité de les payer.
�( 27 )'
t r o i s i è m e
q u e s t i o n
L a transaction du 3 o octobre 1 7 7 3
.
é ta it-e lle une
aliénation cles biens des mineurs Iio la rid ?
L
citations des adversaires, pour montrer qu ’on
ne peut vendre sans formalités le bien des mineurs ,
es
11e sont pas plus applicables, que n’est fondé le re
proche fait à la sénéchaussée d’Auvergne de les avoir
méconnues.
I l est très-vrai que le tuteur ne peut de gré à gré
et sans nécessité vendre les immeubles de ses mineurs.
Mais ic i, ce que cédait le tuteur n’était pas un i m
meuble de ses mineurs; et il y avait nécessité.
Ce n’était pas un immeuble des mineurs Roland,
puisque leur père l’avait vendu ; que l’acte de 174 7
n’étant pas un bail à rente, il s’ était départi de la
propriété utile et directe , puisqu’enfin il n’y avait
eu ni pu y avoir de résolution valable.
Il y avait nécessité, puisque les pa rties allaient en
trer en procès, et que ce procès ne pouvait pas etre
d’ une solution difficile.
Car des mineurs dont un seul avait trente-cinq ans,
se plaignant d’un mode d’usurpation qui eût crié ven
geance, n'avaient pas à craindre une résistance bien
sérieuse.
Quand le faux de l’exploit de 1 7 7 1 n’eût pas fait
tomber la péremption, elle ne se fût rapportée qu’à
lu sentence de 17 6 8 , et le pis-aller eût été de payer
D 2
�( 2 8 }
mal à propos 1,246 fr., si les liériliers Roland avaient
établi avoir employé celte somme. Mais de sa part,
Antoine Varagne aurait eu à répéter les jouissances
de vingt-un ans à dire d’experts.
O r , les adversaires ont prétendu que le domaine
valait 3 o,ooo fr. ; et en ne fixant les fruits qu’à 1,000 fr.
par an, ils eussent été débiteurs de 2-1,000 fr.
A . la vérité, il eût; fallu déduire moitié pour la
rente de 5 oo fr. plus les 283 fr. de la sentence do
1 7 5 3 , et si on veut les 1,246 francs; mais, comme
on v o it, les mineurs Roland auraient toujours été re
liquat aires de 9,000 fr.
Ils avaient donc plus d’intérêt à traiter que Varagne,
puisqu’ils obtenaient le sacrifice de cette somme, au
lieu de faire eux-mêmes celui des réparations, comme
ils essayent de le persuader. . . • • j
Leur tuteur avait sans difficulté le droit de transiger,
puisqu’il ne s’agissait que de terminer un procès. En
vain dirait-on que ce procès n’était pas commencé;
car il est de principe que trcuisactio f i t de Lite m otâ,
aut niovendâ.
I/exposé de la transaction prouve les difficultés qui
allaient naître : au lieu d’assigner et de plaider, 011
transigea.
Si quelque chose devait ajouter à la faveur due à
un acte aussi respectable qu’ une transaction, ce serait
de connaître les personnes qui composaient le conseil
de famille et qui en ont été les auteurs. Car que
Maigue, tuteur, fût ou non un chapelier et unhoinmo
�J*
( 29 )
peu intelligent,¡’acte n’était pas purement de son fait,
il était le résullat des réflexions d’une famille distin
guée, à laquelle les adversaires devaient plutôt d elà
reconnaissance que des reproches ; reproches d’ailleurs
d’autant plus aisés à multiplier, que les intimés n’ont
aucun intérêt d’en vérifier la sincérité.
QUATRIEME QUESTION.
5
L e s appelans se sont-ils pourvus en tems utile contre
la transaction de 1 7 7 3 ?
O ui, disent-ils, par deux motifs ; le premier c’est
qu’elle n’a été passée que par notre tuteur; le second
c’est que vous avez retenu les pièces, et que le délai
pour nous pourvoir ne court que de leur remise.
L a réponse à ce premier motif pourrait être ren
voyée à la queslion suivante, parce qu’au moins les
quittances de 1778 et 178 2 ne sont pas du fait du
tuteur; mais pour suivre exactement les moyens des
adversaires, il suffit quant à présent de leur rappeler
ces quittances.
,
Il est aisé de voir le but de la distinction à faire entre
les actes des mineurs, et ceux de leur tuteur.
Souvent il serait injuste de les déclarer non recevables
après 10 ans, à l’égard de ces derniers actes, parce que
peut-être ils en auraient ignoré l’existence; et la pres
cription n’est qu’une peine imposée par la loi à celui
qui néglige d’agir.
Mais toutes les lois qu’il est certain que le mineur a
�H,
( ,3 ° }
connu Facle , toutes les ibis sur-ion ( qu’il l’a adopté,
c ’est alors que le fait du tuteur étant le sien, le mi
neur a à s’imputer de ne pas se pourvoir.
Or, par cela seul que le sieur Israël Roland, héri
tier de son père, a connu et adopié en 1778 l’acte de
1 7 7 8 , et sans examiner l’eflet de son approbation, il
a dû se pourvoir.
Comme, dès 17 7 8 , il connaissait la date de ce traité
de 1 7 7 3 , il devait savoir qu'à supposer qu’il eût droit
de l’al laquer, il ne le pouvait que jusqu’en 17 8 3 , parce
qu’il se l’était approprié; cependant il n’a formé de
mande qu'en 1788.
Alors non-seulement il y avait plus de dix ans de
puis le traité de 1 7 7 3 , mais le sieur Israël Roland avait
plus de trente-cinq ans.
L e deuxième moyen des adversaires sur celte ques
tio n annonce l’embarras d’en proposer de meilleurs.
C a r, contre quel acte devaient-ils se pourvoir?
Est-ce contre la transaction? Est-ce contre les pièces
y visées ?
Sans doule ce n’est pasconlre les sentences y énon
cées, puisqu'ils en excipent. C ’est doncconlre la transac
tion; mais ils n'articulent pas sans doule que Varagno
lait retenue.
Avec un système comme celui qu’ils hasardent , il
faudrait dire que tout traité d’après lequel 011 aura
remis des pièces à une parlie (ce qui arrive tous les
jours) sera allaquable à perpétuité; et, comme dit Du
moulin pour les choses précaires, elia n ip er m illeannos.
�( 3i )
*
D ’abord les adversaires pouvaient très-bien voir dans
la transaction , que leur père avait vendu un domaine,
et l’avait ôté ensuite à des mineurs par abus de leur
faiblesse, mais que ces mineurs l’avaient repris ; c’était
là tout le secret des pièces remises à Varagne.
Or, comme la transaction n’était pas retenue, si
les adversaires voulaient se pourvoir, rien ne les en
e m p ê c h a i t ; et alors, comme aujourd’hui, ils auraient
redemandé toutes ces pièces, qu’on ne leur cache pas.
Outre la faiblesse de ce m oyen, il n’a de prétexte
que la mauvaise foi; car les adversaires ont prétendu
que les sentences de novembre 17 56 et de 17 7 2 11’élaient pas énoncées dans le traité de 1 7 7 3 , de même
que le traité du 16 février, pour leur en cacher l’exis
tence. Cette allégation leur a même paru si impor
tante qu’ils y ont employé les pages 7 , 8 , 49, 5 o, 53
et 54 de leur mémoire.
Xi’omii-'sion supposée de la sentence de novembre
1 7 5 6 n est qu’ une misérable équivoque. L a sentence
de novembre 1766 était au moins visée et énoncée
dans celle de 1 7 6 8 , puisque les adversaires préten
dent que cette dernière renouvelait en entier celle
de 1756.
En second lieu , on voit à la fin des dires de V a
ragne ou traité, que parmi ses moyens contre la pro
cédure il disait qu’il était recevable à tenir les engagemens de son père dans La, circonstance su r-to u t
que LA S E N T E N C E QUI ORDONNE LA RÉSOLUTION D E
�LA v e n t e ri enlève celte faculté qu’après 3 o ans, etc.
O r , où est donc celle sentence, si ce n’est celle
du 2 9 novembre 17 5 6 ?
O11 n’a donc pas caché aux mineurs qu’il existait
une sentence prononçant une résolution.
Quant à la sentence de 1 7 7 2 , l’équivoque est en
core plus sensible ; on nous a caché , disent les adver
saires, qu’il y eût une senlence prononçant la péremp
tion (pag. 8 et 9).
M ais, en parlant de la sentence de 17 6 8 , on ajoute
que Varagne s’était rendu appelant, mais que la sen
tence avait passé en force de chose ju g ée comme n ayan t
pas fa it diligence sur son appel pendant trois ans con
sécutifs.
N ’est-ce donc pas se faire des moyens de tout que
de ne pas voir là le synonime d’une péremption 5 et
que les expressions ci-dessus expliquaient même mieux
le droit des mineurs: dès-lors on ne voulait pas écarter
ce qui leur aurait donné trop de lumières.
Enfin à l’égard du trailé avec Marianne Varagne,
comment les adversaires ont-ils encore osé dire qu’on
le leur avait caché.
•
La transaction porte que le sieur R o la n d , par acte
reçu Valette y notaire, le 16 février dernier, contrôlé
le 2 5 , a réglé avec M arianne V a ra gn e, sœur dudit
Antoine.
Plus loin , Antoine dit qu’à l’égard de l’ucle passé
avec
�Marianne Varagne, il était dans le cas de demander
La subrogation.
■ L ’acte est donc énoncé, visé et daté. L e règlement
avec la sœur ne peut supposer qu’ une cession de sa
part, puisque le frère veut s’y faire subroger.
Ainsi les adversaires sont obligés d en imposer à la
Cour pour se rendre favorables, et il est de la plus
grande évidence que -rien ne s’opposait à ce qu'ils ré
clamassent dans les dix ans contre le traité de 1 7 7 3 ,
s’ils croyaient y être recevables, ce qui va être enfin,
examiné.
CINQUIÈME
QUESTION.
L es quittances de 1778 et 1782 produisent-elles une,
¿fin de non recevoir contre la dem ande?
venait d’être élu héritier
universel de son père en 1 7 7 7 , lorsqu’il reçut le prix de
la venle de 17 4 7 , en vertu de la transaction de 1778.
Si l’ouverlure de la succession n ’ était pas en droit
écrit, au moins le domaine d e E le u ra c y était-il situé;
Israël Roland était donc seul maître du procès y re
latif. D ’ailleurs, en coutume comme en droit écrit,
les légataires sont les maîtres d’accepter le legs porté
parle testament; or, le sieur Roland ne s’est pas mis
en peine d’établir que ses frères et sœurs aient répudié
leur legs pour réclamer leur légitime, quoiqu’on lui
ait fait souvent celte interpellation.
P ie r r e -Isr a e l R o land
Antoine Varagne ne pouvait donc s’adresser qu’à
E
�"(<■
( 34 )
lui seul pour pa}7er, et la Cour a bien remarqué que
le sieur Israël Roland agissait aussi comme seul héritier
puisqu’il reçut la première fois tout le terme échu, et
la seconde fois la totalité aussi des quatre termes reslans.
M ais, dit le sieur Roland, forcé parla conséquence
de son propre fait , l’approbation d’un acte nul ne le
valide pas, parce que q u i confirm ât n ih il dat d’après
I) umoulin , en second lieu je serais relevé comme
mineur initio inspeclo , puisque, l’acle étant commencé
pendant ma minorité, ce que j ’ai fait en majorité n'en
est qu’ une suite.
La première objection n’est fondée que sur des prin
cipes absolument inapplicables. L e passage de Dumou
lin ne s’applique qu’aux actes radicalement nuls, et
lion à ceux simplement sujets à restitution.
Or, ce serait pour la première fois qu’on soutien
drait que la transaction faite par un tuteur, même avec
aliénation, fûl nulle d’une nullité rad icale , et ne fût
pas susceptible d’une simple ratification de la part du
mineur devenu majeur.
- Au lieu de citer la loi si sine décréta qui ne peut
s’appliquer que par argument à contrario , les adver
saires eussent dû voir la loi 10 au ff. de rebus eorum
qui sub tutela sunt sine decreto non alienandis , dont
la disposition expresse décide la difficulté dans les plus
forts termes. Car après avoir prohibé les ventes'du bien
des pupilles, failes sans décret du juge, celte loi dit
que si néanmoins le tuteur en a employé le prix dans
�jr
( 35 )
son compte, et que le mineur l’ait reçu en majorité, il
ne peut plus revendiquer l'héritage vendu. Prœ dio pup ili illicite venundato , œstimatione solutâ , vindicatio
prœ dii ex œquitate inhibetur. A quoi la glose ajoute non
tanïasperb tractandum est ju s prohibitce alienationis
prœdioruni pupilanorum , ut et solutâ œstimatione à
tutore in eniptorem pupilus sutnmo ju re experiatur.
A plus forte raison quand le mineur reçoit directe
ment le prix du débiteur lui-même , e t , comme le dit
le profond Voétius sur la même loi, le paiement, même
la demande, même encore la simple approbation du
prix après la majorité empêchent la réclamation. S i
sine decreto aliéna ta ponerentur m inoris botia , tune
cnim subsecuta post majorennitateni impletam solutio,
vcl ex a ctio , vel petitio , vcl acceptatio œ stim alionis ,
necessariatn tacitæ ratihabitionis inducit conjecturant.
Userait difficile de rien ajouter à des autorités aussi
claires, et cJest d’ailleurs un principe universellement
reconnu que l’on approuve une vente quand on eu
reçoit le prix.
D ’après cela il est inutile de peser les expressions
employées dans les quittances de 1778 et 17 8 2 , puis
qu’il ne s’agissait pas de confirmer un acte radicale
ment nul. D ’ailleurs, en lisant les quittances, on ne
peut pas douter que le sieur Roland ne connût la
transaction aussi bien que Varagne, puisqu'il savait le
montant de chaque lerrne, leur échéance, et ce qui
restait à payer. Il savait que c’était pour le domaine
de Fleurac, et il savait encore que ce domaine prove-
�(
3
6
}
naît de ses auteurs. Son consentement à recevoir le
prix d’un domaine transmis par ses auteurs à Varagne
aurait donc valu seul une vente nouvelle, car 011 y
trouve res, consensus et pretium. Ajoutons que c’était
un avocat qui traitait avec un cultivateur.
Le second moyen des adversaires est tiré du para
graphe scio q u i, comme le dit L eb ru n , a fait errer
plus de jurisconsultes que la mer n’a égaré de pilotes.
Mais cette loi a aujourd’hui un sens bien déterminé,
et n’égare que ceux qui veulent lutter contre la ju
risprudence.
L e mineur, qui a imprudemment accepté une suc
cession à la veille de sa majorité, ne renonce pas tou
jours aussitôt qu’il est majeur; et comme chaque jour en
ce cas il continue de faire acte d’héritier , la loi examine
si ces actes ne sont qu’une suite de .ce qu’il a com
mencé en minorité, et alors elle l ’en relève.
L a difficulté de distinguer la nature de ces actes
donne lieu à tous les majeurs, qui se trouvent dans
ce cas , de prétendre que ce qu’ils ont fait est une
suite de la première immixtion. Mais 011 examine tou
jours si le mineur était obligé de faire l’acte nouveau,
o u s ’ i l pouvait s’en empêcher.
' « Car, si le mineur, dit Lebrun, pouvait s'exempter
* de mettre la dernière main ¿1 l’aflaire ; en ce cas,
« après l’avoir achevée en majorité, il 11e pourra pas
« être relevé. »
- Les adversaires s’emparent d’une partie de ce pas
�sage, et disent aussitôt que la transaction était com
plète pendant leur minorité, et que Lebrun a été mal
appliqué.
Mais un peu plus loin ils eussent trouvé que L e
brun lui môme enseigne que le cas seul où le nouvel
acle ne produit pas une fin de non recevoir, est seu
lement quand ce nouvel acte a une conséquence n é
cessaire avec ce qui s’est fait en minorité , et préci
sément Lebrun prend pour exemple q u a n d ¿’a ffa ir e
a ya n t été a c c o m p l i e en m in o rité se con firm e en m a
j o r i t é p a r quelque nouvel acte.
Remarquons que pour employer ce moyen , les
adversaires s’approprient la transaction de 17 7 3 , comme
étant de leur fait par le moyen de leur tuteur, et c’est
de leur part une inconséquence qui marque assez leur
embarras.
D ’ailleurs, en quelque position qu’ils se placent, ils
ne peuvent invoquer Y in itio in sp ecto , puisque les quit
tances ne sont certes pas une suite nécessaire d’un acte
qu ils disent nul, et sur-tout d’un acle qui n’était pas
de leur propre fait.
ISec s Lient io p rœ terni itten d ci n i , dit encore Voetius sur
le même litre du digesle, alienationes illa s ,q u æ i n i t i o
in s p e c t o
nulles e ra n t, ta n q u a m contra senatuscon~
su ltu m fa c t œ , su b in d è est post ja c t o c o n firm a ri p o sse ,
prœ sertïtn s i m itior j a m
m a jo r f a c t u s a lien atio nem
ra ta m h a b u e n t , sive expresse s i v e t a c i t è .
.
. L a question cle Yinitio inspecto s’est présentée de-
�vanl la Cour dans une espèce bien plus favorable pour
lé réclamant. Un mineur ayant fait acte d'héritier
était poursuivi pour une rente ; à peine majeur (de
2 1 ans seulement) le créancier lui fit faire une rati
fication. Il se pourvut presqu’aussitôt après, et fit va^
loir son ignorance absolue des forces de la succession,ayant eu un tuteur encore comptable, et il exposa que
l’adilion d’hérédité emportait nécessairement le devoir
de payer les rentes; mais par arrêt du 4 floréal an 10 ,
la Cour proscrivit sa prétention, attendu que sa rati
fication n’était pas une suite nécessaire de l’adition
d’hérédité.
Les adversaires ne se dissimulent pas la faiblesse de
leurs moyens contre la fin de non recevoir, et en
désespoir de cause ils observent que la dame Gros ne
peut en être victime, n’ayant pas donné ces quiltances,
Déjà les Varagne ont répondu à ce moyen par le
défi d’établir qu’aucun des puînés Roland ait répudié
le legs du testament de leur père pour demander leur
légitime. Une autre réponse va se trouver dans un
arrêt de la Cour dé cassation.
En 17 9 1 , Marie Bordenave fille aînée, avait été
instituée héritière par le testament de sa mère.
Elle vendit un domaine en minorité en 1 7 9 3 , en
vertu d’autorisation; et après des oilres réelles, elle
reçut partie du prix en majorité.
Elle demanda la nullité en l’an 4 , et ses sœurs se
�( 39 )
joignirent à elle. L e tribunal de Pau avait adjugé la
demande; mais, sur l’appel, celui des Hautes-Pyrénées
avait déclaré Marie Bordenave non recevable à cause
de sa quittance, et ses sœurs aussi non recevables parce
qu’elles pouvaient réclamer leurs droits sur les autres
biens.
Sur le pourvoi des trois sœurs, la Cour de cassation
a rejeté la demande par arrêt du 4 thermidor an 9,
par ce seul motif qui embrasse tout : « Attendu que
« Marie Bordenave, héritier e universelle, a ratifié la« dite vente par la quittance qu’elle a donnée en ma« jouté, de la portion qui reslait à payer à l’époque à
« laquelle elle est devenue majeure.-»
Il semble que ce motif soit fait exprès pour la cause;
la fin de non recevoir des deux adversaires y est écrite,
sans qu’il soit besoin d’y changer un seul mot.
Les fins de non recevoir sont souvent odieuses parce
qu elles tendent à priver une partie d’user de son droit.
Mais ici, il est difficile d’en proposer une plus favorable ;
car elle n’a pas pour but de priver le sieur Roland de
ses moyens au fonds, mais bien de l’empêcher lui-même
d’opposer d’autres lins de non recevoir plus odieuses.
Ce n’est pas que tous ses arrière-moyens fussent 1res
à craindre , parce que son père , trop pressé d’usurper
n’a rien fait de bon ; mais il est toujours agréable de
vaincre un adversaire avec ses propres armes, et de
neutraliser une injuste attaque. Au reste le moyen pria-
�( 40 )
cipal de la cause n’est pas une simple fin de non re
cevoir et n’en a que le nom. Car le procès a été éteint
par une transaction; le sieur Roland en l’adoptant a
voulu aussi éteindre le procès, et a véritablement fait
une transaction nouvelle, contre laquelle il ne doit pas
être admis à se pourvoir.
M .r T I O L I E R , Rapporteur.
M.e D E L A P C H I E R . ' Avocat.
M .e T A R D I F , Licencié-Avoué.
A RIOM,
De Imprimerie du P alais, chez J . - C. S
a l l e s
.
�
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[Factum. Varagne, Antoine. 1806?]
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Tiolier
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
déguerpissement
ferme
bail à rentes
minorité
tutelle
droit écrit
assemblées de parents
prescription
bail
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Titre complet : Mémoire en réponse pour Antoine Varagne, et autres, intimés ; Contre Pierre-Israel Rolland, Toinette-Gabrielle Rolland, et le sieur Gros son mari, appelans.
Table Godemel : Bail à rente : 1. la vente d’un domaine moyennant un prix déterminé pour lequel l’acquéreur constitue une rente, est-elle un bail à rente foncière qui laisse le domaine direct au vendeur, et qui, par suite, est susceptible de résolution et de déguerpissement ? Déguerpissement : 3. le preneur à vente qui, après plusieurs sentences prouvant la résolution du bail pour cause de non-paiement des arrérages, avait déguerpi les immeubles, a-t-il pu obtenir ensuite du tuteur des héritiers du possesseur actuel, sous l’apparence d’une transaction, l’abandon volontaire de ces mêmes immeubles et des droits des mineurs, moyennent un prix, sans aucune des formalités prescrites par les règlements ? Ratification : 3. en quels cas les quittances données par un mineur devenu majeur, constituent-elles approbation ou ratification de l’aliénation consentie par son tuteur ?
Publisher
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De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1806
1756-1806
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1702
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1701
BCU_Factums_G1703
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Ydes (15265)
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Domaine public
assemblées de parents
bail
bail à rentes
Déguerpissement
droit écrit
ferme
minorité
prescription
tutelle
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MEMOIRE
E T
CONSULTATION.
�MÉMOIRE
POUR
La dame E
P
RO LLAT, épouse de F ra n ç o is COURBY, habitant à Aigueperse.
l e o n o r e
h il ip p e
A u c u n e situation n’est comparable à l a mienne. Mon époux
est accusé d’un crime horrible dont je n’ose prononcer le nom:
son honneur et le m ien , le sort de ses enfans, seront bientôt dans
la balance de la justice; et ses persécuteurs s’agitent, quand luim êm e , accablé de sa situation, il fuit la calomnie sur un sol
étranger.
Lorsque pour la première fois cette nouvelle épouvantable
vint jusqu'à m oi, toute ma conviction de l’innocence de mon
époux ne m’empécha pas de résister à ses résolutions, et de les
ébranler par mon désespoir. O u i, et je m’en confesse coupable,
je l’importunai de mes larm es, je séduisis son courage , et sa
fuite fut un effort de sa tendresse ; maintenant je me demande
avec effroi si sa présence ne lui eût pas été plus u tile , et si son
danger, au contraire, n’est pas né de ma terreur.
Dans cette cruelle anxiété, que ne puis-je appaiser de mon
sang ceux qui sont altérés de celui de mon époux ! Q ue n ’ai-je
A
�(a )
du moins le droit de me présenter pour lui en jugement, pour
confondre ses accusateurs, pour le défendre....... ? Que dis-je?
me défendre moi - même ; car jusqu’au tombeau ma destinée
n’est-elle pas attachée à la sienne?
Mais la rigueur des lois me repousse du tribunal qui va juger
ma propre cause. Ainsi la nécessité me dicte mon devoir. J ’ap
prendrai à mes juges une partie de ce que mon époux auroit pu
leur dire, ou du moins quelques-unes des circonstances que des
témoins auroient pu attester.
Je ne me suis point dissimulé combien de difficultés j’aurois
à vaincre, quand je n’aurois à opposer que mon foible langage
à des combinaisons préparées par la m échanceté même. Car
telle est la condition d’un malheureux accusé, que déjà la ca
lomnie a jeté de profondes racin es, alors même qu’il peut en
treprendre de la combattre. Q ue peut sa voix plaintive contre
les cris précurseurs de cette astucieuse ennemie? Et lorsqu’enfin
on consent à l’entendre , combien ne faut-il pas encore qu’il
dévore l’humiliation de la défiance qu’il excite? car la préven
tion du mal est malheureusement celle qu’on s’obstine le plus à
con sfrver; et les esprits même les plus raisonnables semblent
t ro u v e r plus c o m m o d e de cro ire le c r im e q u e d ’en m éditer les
invraisemblances.
Ces réflexions portoient le découragement dans mon âme ,
quand le souvenir de mes enfans a vaincu ma répugnance, et m’a
élevée pour ainsi dire au-dessus de moi-même. O u i, me suis-je
é c r i é e , je l’entreprendrai cette tâche pénible. La timidité de l ’ é
pouse cherchera des forces dans l’amour m aternel, et ces deux
titres prêteront peut-être à mon récit un intérêt que mes foibles
accens n’auroient pas eu la prétention d ’espérer.
C ’est à des juges, au reste, que je veux m’adresser, et ceux-là
ne repousseront pas mes paroles avec l’ennui de les entendre ; leur
terrible ministère ne leur donnera de défiance que contre la pré
vention qu’ils craindroient trouver en eux mêmes. Mes récits se
ront donc écoutés comme une explication nécessaire, par ceu x
�( 3 )
que la loi a armés de sa puissance ; car ils trem bleront, sans doute,
de l’idée seule qu’ils pourroient condamner une famille honnête à
l’in fam ie, et un innocent à la mort.
Les relations de mon époux avec la maison de Murol ne furent
pas de ces liaisons soudaines et fortuites , qui ne donnent pas le
temps de s’apprécier, ou de concevoir de justes défiances. C ’est
depuis son enfance qu’il connoît le sieur de Murol iils aîné , ayant
été élevé avec lui dans le même pensionnat, à Lyon.
Cette habitude de se voir a continué dans un âge plus avancé ;
mais l’historique de ces premières liaisons n’a rien d’essentiel à
rem arquer, et je me hâte d’en venir à des époques plus récentes.
Jusques à l’année dernière, je n’avois vu à Aigueperse que les
sieurs de Murol fils , et leur père m’étoit absolument inconnu. Il
me paroissoit même que Courby le connoissoit à peine , et ne vivoit avec lui que sur le ton du respect et des convenances de
société.
Nous ignorions entièrement ses affaires, et ne connoissions
celles de ses fils que par cet extérieur d’opulence, qui fait illusion
au vulgaire tant qu’on a des ressources pour le soutenir.
Cependant, un jour de l’été dernier, le sieur de Murol p ère , se
trouvant seul chez son fils cadet avec Courby, fit tomber la con
versation sur la situation de ses fils , et sür le mécontentement
qu’il éprouvoit de leurs dépenses excessives.
Cette ouverture pouvoit n’étre que le désir secret d’ un père de
faire parvenir ses plaintes à ses fils, par un organe qu’il suppohoit
plus persuasif peut-être. Mais le sieur de Murol père ne se borna
pas là. Soit hasard, soit que la première idée lui en fit naître une
seconde, il confia bientôt à Courby qu’il méditoit pour son fils
aîné le projet d’une grande alliance, mais qu’il étoit retenu par
des dettes pressantes, dont l’éclat alloit ruiner toutes ses espé
rances.
A lo rs, comme par réflexion, il demanda à Courby s’il ne pour
rait pas lui faire trouver de l’argent.
A
2
�( 4 )
,
Un jeune homme ne pouvoitëtre qu’embarrassé à cette brusque
proposition. Courby fut forcé de lui avouer son impuissance de
lui être utile. « J ’ai des dettes moi-même, lui dit i l , sans avoir à
» me reprocher un excès de dépense ; mais j’ai eu la foiblesse de
» cautionner les effets d’un homme que je croyois incapable de
» me tromper; il a fait faillite, et m ’a laissé beaucoup à payer;
jj et dans ce m om ent, je cherche moi-méme 18,000 fr. pour finir
de m ’acquitter.
» Q u’importe ce que vous m’objectez, lui répondit M. de
» M urol; vos ressources pour avoir de l’argent ne tiennent sans
» doute qu’à une signature de plus; je vous offre la mienne pour
les 18,000 fr. dont vous avez besoin, et à votre tour, vous me
» donnerez la vôtre pour me procurer l’argent que je cherche;
elle me sera u tile, parce que vous êtes d’une famille de
te nëgocians, et que par moi-méme je ne trouve plus à emj> prunter : de cette manière , nous nous serons rendu un service
y> mutuel. »
J’ignorai dans le temps cette conversation ; et Courby m’a avoué
depuis que quoiqu’il y e û t un côté avantageux pour lui dans la
proposition du sieur de M urol, ces combinaisons d’emprunt et de
signatures bro u illo ie n t ses idées , et co n fon d oien t son in e x p é
rie n c e ; qu’il &’étoit contenté en conséquence de bégayer un con
sentement évasif, et avoit trouvé un prétexte de se retirer sans
rien terminer.
Mais le sieur de Murol père n’abandonna pas ainsi son plan. Le
20 aoû t, je le vis à Aigueperse. Il parut fâché de ne pas y trouver
C o u ib y , que je l’engageai à attendre. Courby ne revint pas le soir,
et M. de Murol ne partit que le lendemain après dîner. Je 11e cher
chai point à savoir le m otif de son voyage; je me contentai de le
recevoir avec honnêteté et empressement.
C ’est dans son chemin qu’il trouva Courby ; il le pria de rétro
grader jusqu’à Clermont, et 11e le quitta plus jusqu’à ce que les
bilh ts fussent souscrits. Je fus informée de tout cela au retour
de mon époux. Jusqu’alors il m’avoit dissimulé l’embarras où
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l ’avoit jeté sa complaisance pour un faux ami ; il me montra pour
18,000 ir. de billets , qui suffisoient pour le libérer.
Bientôt il s’occupa de placer ces billets à Thiers ; et le sieur
de Murol l’ignora d’autant moins, que Courby prit plusieurs fois
un cheval chez lui ( à la Borde ) pour y aller, et je crois même
un domestique.
Dans le courant de septem bre, je vis M. de Murol père une
fois à Aigueperse : il parut y être venu pour consulter M. Lagout
sur sa santé, c r a ig n a n t , d is o it-ilê tr e atteint d hydropisie. A son
retour il ne dit rien de la consultation; et cette réserve m’ayant
étonnée, j’en demandai la cause à Courby qui l’avoit accompagné.
Il me répondit q u e, sur les questions de M. Lagout, M. de
Murol avoit avoué qu’une gale traitée avec trop de précipitation
avoit depuis dix ans dérangé sa santé ; qu’il lui sem bloit, de
loin en loin, sentir une nouvelle invasion de cette m aladie, et
que sa santé alloit toujours en empirant ; que M. Lagout lui avoit
ordonné une certaine eau , dont la recette ou l’adresse étoit
contenue dans un petit imprimé qu’il lu i remit.
M. de Murol partit, engageant Courby à aller le voir les der
niers jours de septembre, à la Borde, où ses fils devoient venir
faire une partie de chasse.
C ’est au 29 ou 3o septembre qu’on place l’épouvantable ac
cusation qu’ont répandue les sieurs de Murol contre le malheu
reux Courby. Hélas! ils l’accabloient encore de démonstrations
d’amitié , quand déjà leurs affreux soupçons le signnloient en
public comme un vil criminel ; et le poison qu’ils lui préparoient
étoit bien plus dangereux et plus subtil que celui........ Mais à
quoi tendroit une plus longue réticence ; il faut bien m’avouer
à moi-méme que Courby est accusé d’un empoisonnement.
C ’est, dit-on, en mangeant des pèches que le sieur de Murol
père aperçut au fond de son verre un sédiment épais, dont le
goût lui lut désagréable, quoiqu’il eût mangé sans répugnance
les pêches qui avoient été saupoudrées de la même matière. Il
vomit beaucoup , éprouva des douleurs aiguës, eut des ulcères«
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dans la b ou ch e, et dit à ses am is, le lendem ain , qu’il croyoil'
avoir été empoisonné.
Voilà ce qu’a répandu la famille de M urol, en ajoutant même
que Courby, présent, disoit en confidence aux assistans : Il n’en
reviendra pas.
Ici toutes les époques deviennent précieuses, car les événemens postérieurs portent avec eux des conséquences pressantes.
Le jour même de cet événem ent, et le lendemain , les fils
M urol, leurs am is, et C o u r b y , firent la partie de chasse projetée.
Le |6 octobre, Courby retourna à la Borde : Murol fils aîné
lui emprunta huit louis pour payer des impositions ce même jour.
L e sieur de Murol père étoit présent, et dit qu’il en faisoit son
affaire.
Le même jo u r , Murol ainé engagea Courby à aller avec lui
voir le curé de Beauregard, et le sieur Parricaud, qu’il n’avoit
pas v u , dit-il, depuis son retour de Paris.
Le 10 octob re, M. de Murol père envoya son domestique h
A igueperse, avec une lettre d:invitation à Courby pour aller à
la Borde le dimanche suivant, manger un cochon de lait avec
le curé de Beauregard.
En e f f e t , le d im a n ch e su iv a n t , i3> o c t o b r e , C o u r b y alla dîner
à la B o r d e , fit le soir une partie de piquet avec M. de Murol
et le c u r é , et ne revint à Aigueperse que le lendemain.
Le 21 octobre, M. de Murol père vint à Aigueperse avec le
nommé Cbapus , domestique de son fils. Courby étoit à Gannat,
et j’engageai M. de Murol à diner.
Quand j’allai donner des ordres à la cuisine, mes domestiques
me recommandèrent de ne pas laisser toucher mes enfans par
M. de M urol, parce que Chapus leur avoit dit qu’il étoit plein
de gros boutons, depuis un remède que M. Lagout lui avoit
donné.
En attendant le dîner, M. de Murol alla chez M. L agou t,
où Couiby de retour alla le chercher.
Tém oin de la première conversation, on ne lui cacha pas la'
�( 7 )
seconde , et il entendit M. de Murol causer avec M. Lagout de
l’effet de son remède. M. de Murol se plaignit d’avoir eu des
coliques, des vomissemens, et une salivation incommode qui lui
avoit fait naître de petits ulcères dans la bouche. Il termina
cependant par rem ercier M. Lagout du rem ède, parce que sa
santé é to it, dit-il, beaucoup meilleure depuis quelque temps.
M. Lagout avoua ne pas connoltre la composition de l'eau qu’il
n’avoit conseillée qu’en le déclarant ainsi, et sur l’approbation
que sembloient y donner ses confrères. Il ne s’étonna pas des
accidens dont lui avoit parlé M. de M u rol, parce qu’il soupconn o it, d it-il, que le remède contenoit du mercure.
M. de Murol partit le soir, et recommanda beaucoup à Courby,
s’il venoit à la Borde dans la sem aine, de ne pas traverser l’Allier
qui avoit, dit-il, grossi beaucoup, et où il s’exposeroit.
Il laissa à Aigueperse une charrette couverte d’un drap , et em
prunta de
une carriole pour faire un voyage à Montluçon.
Le 29 ooptcnfljro, le sieur de Murol père vint à Aigueperse
avec un de ses fils, pour rendre la carriole qu’il avoit empruntée ,
et reprendre la sienne avec un cheval de selle que sou iils avoit
prété à Courby depuis deux mois.
Ils parurent désirer reprendre les effets de 18000 francs, si
C o u r b y ne les avoit pas négociés; e t Murol fils sembloit seul y
m ettre q u e lq u e h u m e u r. C o u r b y avo it n é g o c ié p our 16400 fr.
d’effets , p our ses propres dettes ; e t il répondit à M. d e Murol
p è re , que si la proposition faite par lu i-m êm e ne lui convenoit plus, il étoit prêt à lui souscrire des effets équivalens; et
il en signa en effet pour 19362 francs , ce qui comprenoit un
intérêt sans doute assez considérable; et je souscrivis moi-même
ces nouveaux effets dont les sieurs de Murol sont aujourd’hui
porteurs.
Un mois se passa ensuite sans que j’eusse rien de commun
avec cette famille. T out d’un coup , au mois de d écem b re,
j ’appris l’ horrible nouvelle que le sieur de Murol accusoit hau
tement Courby de l’avoir empoisonné, et qu’une procédure cri
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minelle étoit provoquée par ses fils et lu i, non qu’ils eussent osé
accuser en leur nom , mais à la diligence du magistrat de sûreté
de C lerm ont, qui les faisoit tous entendre comme témoins.
Ce crim e, ces com binaisons, mes idées accablantes, un retour
de comparaison sur les temps cruels des délations et des écha
fauds , tout cela m’ôta le discernement et la réflexion. Je ne
voulus entendre celles de personne. Mon époux partit, et je me
trouvai seule à la vue de ces indifférens qui soupçonnent tou
jours, et ne réfléchissent jamais.
Quoi qu’il en soit, le temps qui s’est écoulé depuis le mois de
décembre a permis à la justice de faire d’exactes recherches. L e
sieur de Murol p é r e , âgé de près de quatre-vingts a n s, a été
atteint d’une maladie épidémique inflammatoire, à laquelle s’est
jointe une hydropisie. Il s’est mis alors dans les mains d’un ch i
rurgien ignorant, et il est mort dans les premiers jours d’a v r il,
ayant survécu par conséquent plus de six mois ,à son prétendu
empoisonnement.
Je n’ai jamais désiré la mort de personne ; mais je leconfesse
sans rougir, la mort de cet homme a ôté de mon cœur un far
deau bien pesant. Ce n’est pas que j’eusse , comme de V itellius,
d e la joie à co n sid érer le c a d a v r e d ’un e n n e m i ; loin d e m o i c e
sentiment de vengeance. Mais je n’ai pu m’empécher de dire:
C ’est là qu’étoit cachée la vérité ; c ’est là que le triomphe de
l ’innocent sera écrit par les mains même de la Providence.
Que mes lecteurs me pardonnent cet aveu d’un mouvement
<jue je n’ai pu vaincre. 11 faut avoir été dans ma position cruelle,
pour sentir qu’elle juctifiecoit même un sentiment moins légitime.
Me voici donc devant mes juges , incertaine maintenant de
ce qu’il me reste à leur dire; car quand toute la procédure me
seroit con n u e, je ne puis sans ridicule me jeter dans la carrière
polémique d’une discussion de droit criminel.
Mais la défense de mon époux sera plus dans la conviction de
«es juges que dans mes efforts. Je n’ai voulu que révéler des
faits
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faits de ma connoissance , et sans doute ils vaudront mieux, que
mes réflexions.
Un crim e ne se commet pas sans être nécessaire. C o u rb y ,
nanti d’effets signés de M. de M u ro l, n’avoit pas besoin de sa
défaire de lui pour les retenir. On est bien plutôt capable d’un
vol hardi, et sans dan ger, qu’on ne l’est d’un empoisonnement.
Si le sieur de Murol père est venu tant de fois après le 29 sep
tembre à A igueperse, et s’il a continué d’appeler Courby à la
Borde, qui pourrait se défendre d’étre convaincu qu’il n’a pas
cru être empoisonné par lui ; car eût-il cherché la société de
son assassin ?
Cependant c ’e st, dit-on, le jo u r même du déjeuner des p èch es,
que le sieur de Murol se crut empoisonné ; c ’est le lendemain
qu’il fit part de ses craintes à ses amis.
S ’il eût soupçonné d’autres personnes , on pourrait se rendre
raison de cette continuation de confiance ; mais le sieur de
Murol a dit encore avoir vu Courby saupoudrer les pêches de
la matière blanche, qui ne lui répugna qu’au fond du verre, et
qui lui causa à l’instant même des douleurs et des vomissemens.
L ’idée de l’empoisonnement, et de son auteur, se seroit donc
liée sans intervalle dans son imagination ; et alors comment con
cevoir cette suite de fréquentation journalière , ces repas mul
tipliés, qui auraient rendu aisée la consom m ation du c r i m e ,
et qui n’ont cependant donné lieu au soupçon d ’a u c u n e teutative
nouvelle ?
Comment concevoir encore qu’un homme se croyant empoi
sonné le 3o septembre , se disant tourmenté des douleurs ordi
naires de ce m al, consulte un médecin le 20 octobre , et ne lui
dise pas un mot de ses m aux, ni de ses terreurs?
Là , au contraire , les vomissemens sont attribués, par le ma
lade lui-même , à une autre cause. Ils ne l’inquiètent point du
to u t, puisque l’amélioration de sa santé, et le ieineiclm ent au
médecin , sont le seul objet de sa visite.
Cette bonne santé se soutient pendant quatre mois consécutife,
B
�( IO )
f t il tombe enfin malade. Est-il mort d’hydropisie ? est-il mort
d’une inflammation dans le ventre ? On dit l’un et l’autre. On
dit aussi qu’il a été traité de l’hydropisie, et que la ponction lui
a. été faite deux fois dans le mois qui a précédé sa mort.
Je n’entends rien en médecine : mais les effets de l’arsenic
sont connus de tout le monde ; il passe pour le plus mortel et
le plus prompt des poisons.
Si son action est brûlante et corrosive, si le premier contact
produit des ulcères dans l’instant même , com m ent concevoir
qu’un homme empoisonné devienne lentement hydropique ;
qu’une surabondance d’eau exige deux ponctions ; qu’il ne se
manifeste d’inflammation que dans le bas-ventre, sans lésion des
viscères supérieurs?
L e cadavre a été vu , dit-on, par des docteurs délégués par
la cour criminelle. Je n’ai garde de supposer qu’ils se soient
livrés à des conjectures ; ils n’avoient point, comme les Arusp ic e s , à consulter les entrailles d’une victim e pour présager
Xavenir, Leur tâche plus facile a été de chercher dans le corps
d’un hom m e, mort hydropique, si des traces de poison étoient
visibles , et de vérifier les corrosions qu’auroient dû recéler
l’estomac et les p re m iè re s voies.
Si le poison n’a pas été visible à leurs yeux , le sera-t-il à la
conscience du juge?
On prétend que C o u rb y, au lieu de donner du secours à M. de
M u ro l, les 29 et 5o septem bre, a dit à plusieurs valets de la
maison qu’il étoit vieux et ca ssé, qu’il ne guériroit pas ; et de
commentaires en com m entaires, 011 va presque jusqu’à y voir
un aveu de son crime. C ’est ainsi que la malignité interprète
les expressions les plus indifférentes. Mais comment ne pas voir
qu’un coupable, dans cette position, auroit au contraire affecté
ce qu’il ne sentoit pas , et multiplié ses soins pour n’étre pas
soupçonné.
Il a , dit-on encore , demandé à un pharmacien , après l’empoi
sonnement , et dans la r u e , si l’opium étoit un poison qui fit
�( 11 )
_
souffrir long-temps. Autre arme de la m échanceté, pour en tirer
une conséquence à charge. J’ignorois ce fa it, et j’ai même des
raisons de suspecter ceux qui l’ont accrédité. En cherchant dans
le passé à quelles époques j’ai vu mon époux attristé de l’embarras
subit où la faillite d’un ami l’avoit jeté , je n’ai pas trouvé dans ma
mémoire qu’il ait eu jamais des instans de désespoir, ou du moins
il n’en a pas manifesté en ma présence. Il savoit d’ailleurs que je
viendrois à son secours ; et je suis humiliée que pour 18000 fr. et
surtout pour une dette d’honneur, on puisse croire que mon
époux se trouvât réduit à attenter à ses jours.
Quant à toute autre version, je la dédaigne. Quel insensé con
cevrait l’idée qu’il pourroit faire avaler de l’opium à son ennem i,
c ’est-à-dire, la plus amère des potions, sans qu’il la refusât, ou
qu’il pourroit la glisser à dose suffisante parmi ses alimens?
Celui qui pour se défaire d’ un homme veut l’empoisonner, a
pour première pensée d’ensevelir enlui-m ém e le secret de son
crime. S’adresse-t-il à un pharm acien, il est le premier qu’il
trompe; et à moins de croire l’empoisonneur sans bons sen s, on
ne supposera jamais qu’il ait parlé de la mort au pharmacien à qui
il demandoit du poison.
Mais qu’aura gagné la calomnie à tout cet amas de faits incohé
rent, et de petits détails exagérés par la passion, ou grossis par
les circonstances ? c a r , s’il n’est pas constaté qu’il y ait empoison
nement, il n’y a pas de coupable à chercher.
Vaut-il mieux abandonner ce qui se présente h l’idée la plus
simple, et substituer des fictions ou des conjectures , à ce qu’on
conçoit avoir été un effet de l’ordre naturel des choses ?
Et parce qu’un vieillard, d’un tempérament u sé , est mort à
près de quatre-vingts ans, faudra-t-il s’obstiner à croire qu’il n’a
dù mourir que d’une mort violente?
S'il n’étoit mort que du plus subtil des poisons, auroit-il résisté
six mois? auroit-il surtout passé quatre mois dans le meilleur
état de santé qu’il ait eu depuis dix ans?
Certes, je n’ai pas cru un instant qu’aucun homme au m onde
B *
So5
�( 12 )
put dire en son âme qu’il est convaincu de la réalité du crim e,
et que Courby mérite la mort : je l’ai cru encore moins de ses
ju g e s, pour qui le premier devoir est de ne se rendre qu’à l ’évi
dence. Mais il m’importoit aussi de détruire jusqu’à l’apparence
d’un crime dont l’idée seule m’accablera jusqu’à ce que le soup
çon même en soit détruit pleinement.
Je ne sens que trop de quelle influence cet événement sera
pour ma destinée future ; car le malheur d’ un aussi cruel soupçon
ne peut se réparer qu’à la longue ; et j ’ose croire que les cica
trices de la calomnie ne seront point ineffaçables. La conduite
à venir de mon époux se réglera, je l’esp ère, sur les circons
tances dans lesquelles sa mauvaise étoile l ’a placé.
Je puis donc voir encore le bonheur renaître dans mon asile;
et si c ’est une illusion, que du moins un si flatteur horoscope
ne soit pas enlevé à une mère : mon époux, rendu à sa fam ille,
ne verra dans son infortune passée que le devoir sacré d’en effacer
jusqu’au souvenir. Il peut encore, malgré la calomnie, transmet
tre à ses enfans un nom sans ta ch e, et vivre avec honneur dan«
leur mémoire»
C O U R B Y , née R O L L A T .
�( *3 )
CONSULTATION.
L e C O N SE IL SO U SSIG N É , qui a lu le mémoire de la dame
R ollat, femme Courby ,
E s t i m e , d’après les faits contenus audit m ém oire, que si les
médecins délégués par la cour criminelle pour examiner le ca
davre du sieur de M urol, n’ont pas trouvé de traces de poison,
ou s’ils n’ont pas exprimé une opinion certaine et fondée sur c e
genre de m ort, il paroit impossible qu’un jury se déclare con
vaincu que le sieur Courby est coupable.
On n'a pas accusé le sieur Courby d’une simple tentative d’em
poisonnement , mais bien d’un empoisonnement effectué avec de
l’arsenic jeté sur des pèches. Par conséquent il ne faut pas sé
borner à examiner s’il y a preuve de la tentative, mais il faut
savoir s’il y a un empoisonnement et un coupable.
L a question préalable d ’ une instru ctio n crim in e lle e st de Cons
tater le co rps d ’ un d é l i t , de m ê m e que la p re m iè r e c h o se à e x a
m in er par le ju ry est de savoir si le délit est constant.
Car il n’est pas besoin de chercher s’il y a un coupable, lors
qu’il n’y a pas certitude qu’il y a eu un délit : D e re priusquàm
de reo inquirendum est; e t , comme le dit Dom at en son Traité
du droit public : « C ’est le premier et le plus indispensable des
« devoirs. Cette preuve est même tellement essentielle, qu’elle
« ne peut être suppléée ni par les dépositions des témoins , ni
« par des conjectures, ni même par la confession de l’accusé. »
D ’après c e la , peut-on bien dire que le corps du délit imputé
au sieur C ouiby, est constant, et qu’il est certain qu’il y a eu
empoisonnement? Rien ne paroit au contraire moins p ro u vé .
�( 1 4 }
Aucun rapport de médecin ou chirurgien ne parolt avoir pré
cédé ]a mort du sieur de Murol : lui seul a eu quelques soupçons
que rien n’a vérifiés. Ainsi , jusque-là aucun corps de délit n’est
constaté.
Après la mort du sieur de Murol , la cour criminelle a bien
fait ce qui étoit en elle pour constater le corps du d é lit, puis
qu’elle a commis des hommes de l ’art pour visiter le cad avre,
et en décrire l’état. Le rapport qui a dû en être fait sera soumis
au ju ry , s’il est antérieur à l’acte d’accusation ; et c ’est là où
le jury puisera principalement les idées qui appelleront sa con
viction sur le fait de savoir s’il y a un d é lit, c ’est-à-dire, s’il
est constant que le sieur de Murol père est mort empoisonné.
Sans doute la présence du poison n’est pas toujours visible ;
mais son effet n’en est pas moins marqué par des signes exté
rieurs , surtout quand le malade en a été victim e, et quand il
s’agit d'un poison aussi violent que l’arsenic.
>'f'Au^un auteur n’a mieux décrit les effets de ce poison , et les
signès'«ïf3muels on peut les connoitre , que M. Mahon , en son
Traité de niécjecine légale; et c ’est le meilleur guide qu'on
puisse avoir poiii\,raisonner sur une matière aussi grave et épi
neuse.
Les poisons corrosifs,dit cet auteur, tuent très-promptement,
et leurs effets s'annonceut^nvec une rapidité qui ne permet guère
de douter de leur emploi.\j!Tdme 2 , p. 275. )
L ’arsenic est soluble dan^tte^Lles liquides ; c ’est le plus in
domptable des poisons : il ne^ p ^ étre m itigé, ni masqué en
aucune manière. ( Page 276.
Quand il y a soupçon d’empoisonnement, tout médecin , avant
d’inspecter le corps , doit s’informer soigneusement de lïig e,
du sexe , du tempérament , des iorces , du genre de vie du
défunt , s’il étoit sain ou malade , combien de temps il a
vécu depuis, de quelles incommodités il s’est plaint, quelle
.espèce de régime cai conduite il a observée après , s’il a été
secouru par un inedeoïn expérimenté ou par des ignorans.
( Page 2ÇG. )
�c i5 )
5° ° \
Après c e la , l’inépection du cadavre consiste à examiner l'état
des parties extérieures et les signes intérieurs du corps.
Quand l’arsenic n’est pas conservé en nature dans quelques
viscères , ce qui arrive fréquem m ent, sa présence est au moins
manifestée par des traces de lésion et de corrosion assez remar
quables dans toute la route qu’il a parcourue (1) ; son action va
même jusqu’à se manifester au-dehors (2) ; et quelque nombreux
encore que soient ces signes, le médecin , comme le ju g e , ne
peuvent se croire convaincus que par leur ensemble.
Ici il faut d’autant plus de circonspection , qu’il s’agissoit d’un
sujet vieux, et dont la santé paroissoit altérée depuis long-temps.
D es douleurs internes et des vomissemens sont, dit-on, le seul
indice de poison qu’il a remarqué lui-méme (3). Mais une foule
(1)« 2°. L ’érosion inflammatoire, gangrène, taches éparses dans l’oesophage,
l ’estomac, le pylore, les intestins, le sphacèle de ces parties. — Quelquefois l’estomac percé, — le sang coagulé, — le péricarde rempli d’ un fluide jaunâtre ou
c o r r o m p u , les autres viscères ramollis et comme dissous, parsemés d’hydatides,
de pustules, de taches; le coeur flasque et comme racorni; le sang qu’il contient,
noir et presque solide; le foie noirci, ou livide, ou engorgé. »(M ahon, pag. 272.)
« On voit enfin, tant extérieurement qu’intérieurem ent, des vessies disper
sées ça et là, remplies d’ une sérosité jaune ou obscure, et presque toujours d’une
odeur désagréable. » ( Ibid. pag. 273. )
(2) « Distension excessive de l ’abdom en, au point d ’ e n menacer la rupture ;
— taches de différentes couleurs sur la surface du corps, surtout au dos, aux
pieds, à l’ epigastre ; — la prompte dissolution, quand la personne est morte du
poison. On peut trouver dans la dissection du cadavre des indices certains d’em
poisonnement : — la roideur des membres, la tuméfaction du ventre, ne sont
pis des signes constans ; — mais ce qu’il y a de constant dans les cadavres des
personnes quiontpéri d’ un poison âcre ou caustique, c’ est de trouver l’œsophage,
l’estomac et les intestins grêles, atténués, enflammés, gangrenés, rongés et sou
vent percés.... Il suffit de résumer ces signes, pour être convaincu de la néces
sité de ne jamais sc décider que par leur ensemble. » ( Ibid. p. 270, 2 7 1 , 307. )
(5) «Quand on n’a pas été à temps d’examiner la nature du vomissement, que
les symptômes sont passés, que le malade est guéri , peut-on tirer des indices
sùffisans de l’assertion du plaignant, et de celles des personnes qui l’ont assisté?
— Je ne le pense pas. » ( Ibid. pag. 3o 6. )>
�( 1 6 }
d’alimens, même trés-sains, peuvent fournir les mômes résul
tats (1).
Il paroit que le sieur de Murol avoit été mal traité d’une
gale. Les empiriques ont pour ces sortes de maux des remèdes
dont la promptitude séduit le m alade, mais dont l’effet double
ment funeste consiste à faire rentrer dans la masse du sang une
humeur vicieuse, dont la nature cherchoit à débarrasser le corps:
et s’ajoute à c e mal r é e l, le mal plus grand peut-être du remède
lui-même. Aussi est-il constant qu’ une éruption rentrée suffît
seule pour agir mortellement sur l’individu, et laisser des traces
presque semblables à celles du poison (2).
L ’opinion qn’a pu avoir le sieur de Murol lui-même sur son
état, ne doit pas être d’un très-grand poids; car on sait com
bien un m alade, «t surtout un vieillard, est sujet à se frapper
l’imagination : pour peu que ses craintes soient accréditées par
quelque soupçon, il ne trouve plus rien que d’extraordinaire dans
son état, et il s’obstine à ne pas croire que des maux naturels, ou
la caducité , puissent être l’unique cause de son dépérissement.
Cependant 1a plupart des maladies vives s’annoncent par une
invasion soudaine; et cette rapidité même semble tellement inex-
(1) « Q u ’ un homme ait mangé des alimens difficiles à d ig érer, ou faciles à
entrer en putréfaction, il peut arriver que quelque temps après il se trouve
très-m al, et q u ’il ait tous les symptômes du poison, jusqu’à mourir.
» J’ai vu une châtaigne rô tie, avalée toute en tière, donner tous les signe*
de l’empoisonnement. Les têtes et pieds de veau , les écrevisses, les huîtres,
les vins troubles et avariés, ainsi que les vins frelatés, ont très-souvent aussi
produit cet effet. » ( M alion, pag. 29g. )
(2) « Certaines maladie» laissent sur le« cadavres des traces peu différente«
des signes ordinaires du poison. »
« Une éruption rentrée, une affection scorbutique très-avancée, une bile
très-âcre, etc. — Mais par une contemplation réfléchie des sym ptôm es, et la
comparaison que le médecin en fera avec les signes que porte le cadavre, il
distinguera aisément les restes d’une maladie violente, d’avec les caractères de
l’empoisonnement. » ( Ib id . pag. 3 i 3. )
p lica b le,
�C 17 )
plicable, qu’on repasse alors dans sa mémoire Jusqu’aux moindres
détails qui ont précédé; les choses quiétoient auparavant les plus
simples se grossissent, la crédulité s’en empare. P o st hoc, ergo
propler h o c , se d it-o n ; et ce raisonnement de l’ignorance n’en
séduit pas moins quelquefois les personnes les moins prévenues.
Un soupçon alors, né du plus léger indice, acquiert bientôt de
la consistance, à tel point que les explications les plus naturelles
sont dédaignées ; le préjugé l’emporte sur l’expérience ; et on ferme
les yeux sur les exemples plus frappans, qu’on a eus souvent sous
les yeu x, des bizarreries de la nature, et des accidens de la yie (1).
Car en cette matière , dit le docteur C o ch in , 'et quand il s’agit
de juger des poisons, les conjectures les plus vraisemblables ne
sont souvent que des illusions (2).
L e célèbre auteur Zacchias avoit été consulté sur un événe
ment presque semblable à celui du sieur de Murol. Un individu
avoit fait un ample diner avec un am i, et ne tarda pas à éprouver
de grands malaises qui furent suivis d’un prompt dépérissement.
Il devint subitement pâle et extén ué, perdit la raison, et mourut.
Le diner ayant été son dernier acte de santé, les soupçons s’é
levèrent contre celui qui l’avoit partagé ; il fut mis en prison.
L e cadavre fut ouvert, et Zacchias y trouva les intestins trèsenflés, le sang coagulé dans les ventricules du cœ ur, la substance
même du cœur d’une couleur dégénérée, la tête et les lèvres
grosses, les poumons livides et adhérens , le foie corrompu.
T ou t cela pouvoit paroitre des signes de poison. Mais ce docte
(1)
« Il est une infinité de maux sourds, qui augmentant insensiblement en
intensité, peuvent avoir affligé un homme depuis longues années, sans qu’il
s’en soit lui-mème beaucoup aperçu, et q u i, éclatant tout à coup, paroissent
inconcevables à ceux qui ne sont pas au fait des divers accidens de la v ie , et
qui ont l’imagination préoccupée. » ( Ibid. png. 317. )
(a) Quest. du poison, t. i er. , pag. 4 - Recherches sur les signes anatomique*
et judiciaires des signes d'empoisonnement, par M . de Retz.
G
�M
C 18 )
médecin ne chercha que dans son art et dans son génie des con
séquences que la prévention auroit dénaturées, s’il se fû t aban
donné aux fausses impressions de l’opinion publique.
Dans une consultation très-méthodique et très-savante, Zacchias suivit pas à pas tous les symptômes décrits; et il fit résulter
de leur ensemble, que l’homme étoit mort de la jaunisse.
Il ne jugea pas possible que ces symptômes fussent nés du
poison, puisque la nature n’avoit pas fait un effort continuel et
sans relâche, pour se débarrasser de cet ennemi dangereux (x).
Il y avoit eu un vomissement soudain ; mais il avoit cessé ; mais
il n’y avoit pas eu de ces douleurs opiniâtres et de ces angoisses
toujours croissantes, qui dénotent une prochaine dégénération
des solides (2).
La corruption du foie et l’adhérence des poumons avoit paru
de quelqu’iinportnnce à Zacchias; mais il pensa que si la cause
en fût venue du poison, l’estomac et le cœur auroient dû ^tre
lésés et corrodés auparavant (3).
D ’après cela Zacchias n’hésita pas à prononcer que le malade
n’étoit pas mort de poison, mais d’une maladie naturelle (4).
L e s auteu rs q u i on t é c r it sur le droit cr im in e l ne conseillent
pas une moindre circonspection dans les jugemens qu’on peut
porter sur de semblables matières.
(1) « A ccid en tia , si ex veneno administrate superveniant, soient, cum
impe.tu tjnodam , ac vehementia apparerò, non tolerante naturò vim im
provisant ipsiiis veneni. » ( Zach. Consil• 16. )
(2)« Vom i tus indesinens, molestia intolerabilis, dolores pernecabilet ,
lipothymia , syncopis , et alia. » ( Ibid. )
3
( / « Primo et antequàm hepar lad atu r , necesse ett Ited i stomachum
Otque etiam cor. » ( Ibid. )
4
( ) « Igitur ex pradîctis patet N... à propinato veneno non fuisse tx tinctuni, sed potiùs à morbo quodam naturali. » ( Ibid. )
�( 19 )
J t 2>
u Plus l ’accusation de poison est grande, dit M. P r é v it, céîa lèbre crim inaliste, plus on doit examiner avec soin si elle est
u fondée. La mort est tous les jours accompagnée de symptômes
« qui en imposent sur cet article. Ainsi il faut user de beautc coup de prudence, observer avec soin si les accidens dont
« se plaignent les personnes qu’on dit empoisonnées sont ab« solument les suites du poison : si la personne empoisonnée
« est m orte, l’ouverture doit apprendre et constater le poison ;
« il se manifeste clairement par les premières voies, e tc .»
C Principes sur les visites et les rapports, pag. 226. J
Il y auroit donc bien du danger à s’en tenir à de simples
soupçons, ou à des indices équivoques, dans une matière d’aussi
grande conséquence. Car il suffit que d’autres maladies pré
sentent des signes semblables à ceux du poison, pour que dans
l ’incertitude il faille juger qu’il n’y a pas de preuve d’empoi
sonnement (1).
Car qui pourroit, en matière crim inelle, juger par de simples
indices, lorsque les lois elles-mêmes exigent des renseignemens
certains , des indices indubitables , et des preuves plus claires
que le jour (2)?
* Mais que! peut-on entendre par ces indices indubitables? Les
criminalistes prennent encore la peine de les signaler de ma
nière à ne pas s’y tromper. Il faut que l’esprit du juge en soit
frappé et môme contraint au point de ne pouvoir pencher pour
l’opinion contraire. C ’est la situation de l'â m e , dans laquelle
(1) « Non dicitur probatum veneni crimen, ex probations continui
vomitus , ■pel ex livore corporis, aut spumis ex ore flluentibus , quia
hcec signa possunt etiam ex pestifera feb re , aut acuto morbo, citrà
veneni causam orire. » ( Farinac. qucest. 2, n°.
32
, prax. crim. )
(2) «. Munitfi sit apertissimis documentis , vel indiciis ad probation
tionem indubitatis et luce clarioribus. » ( L, Sciant » cod. De probat. )
�( 20 )
l’esprit se repose sur le parti qu’il vient de prendre comme sur
une découverte assurée et satisfaisante, sans revenir jamais à
hésiter dans la conviction qu’il vient d’acquérir (1).
Ces maximes sont puisées dans la loi elle-m ém e, qui ne veut
pas qu’on puisse condamner un individu sur de simples soup
çons (2), parce qu’en effet l’expérience prouve que celui qui
com m ence à soupçonner , ne voit jamais comme il doit voir (3);
ce qui a fait dire à M. Domat que le juge doit se défier de la
première impression qu’on lui donne dans une affaire , parce
qu’elle est malgré lui le mobile de sa conduite, et qu’il ramène
tout à cette opinion (4).
Si d’après l’examen de tous ces principes généraux, il faut se
former une opinion, le conseil n’hésitera pas à dire que s i , com m e
on paroît le croire , les médecins délégués par la cour criminelle
n’ont pas attesté avoir trouvé dans le corps du sieur de Murol
des traces de poison , il est impossible de penser qu’il y ait ni
conviction de culpabilité, ni même conviction d’empoisonne
m ent ; c a r , comme le dit la dame Rollat dans son mémoire ,
si le poison n’a pas été visible pour les médecins , comment le
seroit-il p ou r un ju r y ?
Il n’y aura pas de corps de délit , et par conséquent il sera
inutile de chercher un coupable.
Les circonstances qui ont.précédé et suivi l’évén em en t, ne
semblent pas même donner lieu à des soupçons bien fondés ; et
(1) « Indicium indubitatum est quod coarctat mentem judicis ita ut
omnind credat, nec possit in contrarium inclinare. E st demonstratio
rei per signa sufficientia per qum animus in aliquo tanquam existente
36
35
quiescit , et plus investigare non curat. » ( Farinac. qucest.
, n°.
.)
(2) « Ne suspicionihus qur.mquam damnari oportere divus Trajanus
icripsit. » ( L. A bs. f f . Poenis. )
3
( ) « Qui suspicatur plus se videre putat. » ( Extra de testib. )
(4) Tr. <lu droit public.
�C 21 1
le résultat achève même de détruire la première impression qu’une
semblable accusation ne manque jamais de répandre.
Le sieur Courby étant dépositaire d’effets signés du sieur de
Murol p ère, quelle qu’en fût la som m e, l’envie de se les appro
prier a bien pu faire croire que l’empoisonnement avoit été un
m oyen d’y parvenir. Mais rien n’empéchoit le sieur Courby de
garder ces e ffe ts, et de s’en dire le maître : l’usurpation des
billets étoit même plus solide sans crime.
La conduite amicale du sieur de Murol envers le sieur Courby,
depuis le 29 septem bre, est le meilleur témoignage que ce der
nier puisse avoir; et si le sieur de Murol a dit à la justice avoir
eu des soupçons dès le jour m êm e , ou il a été bien inconsé
quent , ou ses soupçons ne méritent pas une grande confiance.
On ne voit pas que le 29 septembre il ait appelé à son secours
aucun homme de l’art ; par conséquent il ne faut pas croire qu’il
ait eu d’aussi grandes souffrances , ni une aussi grande terreur
qu’il a pu le dire a p rès, lorsqu’il éloit atteint d’une maladie
chronique.
Bientôt au contraire il reprit son régime accoutumé. L ’es
tomac parolt avoir fait ses fonctions comme auparavant ; et il
est bien difficile de concilier cet état de santé parfaite avec la
dégénération progressive qu’auroit dû opérer la présence de l’ar
senic , e n q u elq u e petite quan tité q u ’on le suppose.
Il faudroit m ê m e adm ettre que le poison a été pris à grande
dose , si les pêches en étoient saupoudrées , puisqu’elles ont été
avalées entièrement avec le vin , et que le sieur de Murol n’a
répugné au poison que pour la portion demeurée au fond du
verre. Le véhicule auroit donc été suffisant pour porter une
grande quantité d’arsenic dans les premières voies.
O r , il est impossible que les effets de ce poison eussent cessé
tout d’un coup , et n’eussent laissé aucunes traces.
L e fait articulé , que le sieur de Murol a subi deux fois l’o
pération de la paracentèze , ou ponction , prouve qu’il a été
�considéré comme atteint d’hydropisie; et ce traitement achève
de détruire toutes les incertitudes.
Il y a donc lieu de conclure que les soupçons du sieur de
Murol n’ont eu aucun fondement réel ; qu’à soixante-quinze
an s, et avec les circonstances qui ont accompagné sa m ort,
elle n’a eu rien que de très-naturel.
D é l i b é r é à R iom , le 16 juin 1807.
L. F. D E L A P C H IE R , avocat; B A R T H E L E M Y , doct. méd. ;
A N D R A U D , avocat; C H O SSIE R , doct. m éd.; PAG ÈSM E IM A C , avocat ; G E R Z A T , doct. méd. ; P A G E S ( de
Riom ) , avocat ; M A L B E T , doct. méd.
A R I O M , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Juin 1807.
�
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Factums Godemel
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Rollat, Eléonore. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Barthélémy
Andraud
Chossier
Pagès-Meymac
Gerzat
Pagès
Malbet
Subject
The topic of the resource
abus de confiance
prêt
empoisonnement
Murol (famille)
homicides
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour la dame Eléonore Rollat, épouse de François Philippe Courby, habitant à Aigueperse [suivi de ] Consultation.
Particularités : Notation manuscrite : « 28 octobre 1809, après cinq jours de débats, à la cour de justice criminelle, acquittement sur ma plaidoirie. »
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Juin 1807
1806-1807
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1721
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0613
BCU_Factums_M0334
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53324/BCU_Factums_G1721.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aigueperse (63001)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
empoisonnement
homicides
Murol (famille)
prêt
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53337/BCU_Factums_G1810.pdf
6e42b156b7595e739df2e97e2fc906a3
PDF Text
Text
PRECIS
EN
RÉPONSE,
POUR
L e sieur E S Q U I R O N - L A V I G N A C , propriétaire
à Aurillac , appelant et intimé ;
c o n t r e
L e sieur R A G O U X , traiteur , h a b ita n t de la même
v ille, in tim é et appelant.
aP r acte du 1 5 décem bre 1 7 7 2 , les sieurs Croizetd Auterive vendirent au sieur A lexan d re - Laurent
"< $ ■
1
�Fornier , prêtre , une maison sise en la rue Neuve
de la ville d’Àurillac , composée de deux corps de
ilogis séparés par une co u r, confinée par 1» jardin
des vendeurs, de bise, elc., moyennant 5,ooo mille
livres.
Il-est convenu que l’acquéreur pourra entrer dans
le Jardin des vendeurs , et se servir de la ruelle ,
large de trois pieds et demi, pour réparer sa m a iso n ,
placer des contrevents aux fenêlres, les élever ou
élargir pourvu qu’elles soient grillées; comme aussi
que le m u r séparant Ladite nielle d u ja r d in , ne pourra
être élevé que de trois pieds et*demi, sans préjudice
aux vendeurs de pouvoir y placer des vases de fleurs;
et ¿i la charge qu'on ne pourra y jeter ni ordures,
ni eaux.
L a maison F o rm e ra été acquise par le sieur Ragoux,
qui en a fait une auberge, d even u e, grâces à son
talen t, la plus fréquentée d’Àurillac.
L e jardin des sieurs Croizet a passé , avec la
maison dont il dépend, au sieur Lavignac. L e sol de
ce jardin est plus élevé que les croisées du rez-dechaussée de la maison Ragoux ; et précisément c’est
à ce rez-de-chaussée, du côté du jardin Lavignac ^
que le sieur Ragoux a placé sa salle à manger prin
cipale.
Ce n’est pas le bruit de ce voisinage qui incommodait le plusile sieur Lavignac; mais, i^ 'le s fenêtres du
premier-îétogo ne sont pas barrées ; il'fallait que les
�( 3 )
tPûS
dames de sa famille' on de sa société renonçassent à se
promener dansson jardin, ou qu’il prit desmesures pour
faire cesser cette véritable communauté dhabilalion.
Avait-il le droit de se séparer du sieur Ragoux par y
iin mur? Il y aurait de la folie à dire absolument non;
et c’est bien l’avis despremiers juges. Mais, à quelle dis
tance et hauteur devait-il faire ce mur ? voilà la difficulté.
y L e sieur Lavignac n’ usa pas de son droit dans toute
«a latitude; on lui dit qu’il pouvait bâtir à six pieds de
distance; il préféra de s’éloigner de sept pieds et demi,
pour éviter toute espèce de discussion avec son voisin;
il laissa même une porte à la ruelle, pour que le sieur
Ragoux pût aller réparer sa maison, quand elle en
aurait besoin.
Ces précautions n’ont rien épargné au sieur Lavignac,
et le sieur Ragoux lui fit fa ir e , le i . er mai 18 0 6 , une
sommation de cesser la construction de son m ur, qup
le sieur Lavignac ne pouvait cependant pas disconti
nuer sans de grands frais, puisque ses ouviiers étaient
retenus,-et ses matériaux à pied d’œuvre.
Alors le procès a commencé, et le sieur R a g o u x ,
dans une .requête, a manifesté ses prétentions avec
exagération, et même avec humeur. Il a dit avo ir,
par sa vente , la servitude tout à la fois de passage
ci’aspcct et de prospect ; il a prétendu que pour éluder
la prohibition d’élever le mur alors existant, le sieur
Lavignac y en a substitué un nouveau, construit immé
diatement après, et en quelque sorte plaqué contre la
<
.premier ,■. que d^jà il dépasse de plus de douze pieds.
�(
4
)
Il assure que ce mur le prive de l’air, de la clarté, et
de toute espèce de salubrité; et là-dessus il reproche
au sieur Lavignac de traiter les lois et les conventions
comme les frêles tissus de l'araignée impuissante.
Les juges d'Aurillac ont voulu savoir jusqu'à quel
point cet exposé du sieur Ragoux était sincère; e t ,
le 9 août 18 0 6 , ils ont ordonné que des experts vé
rifieraient l’état des lieux; e t , après avoir demandé
toutes les dimensions de la ruelle et des murs, ils
ont chargé les experts d’aller sur les lieux, à quatre
heures après-midi , et là de vérifier si, malgré l’éléva
tion du nouveau m ur, les rayons du soleil peuvent
-aboutir aux fenêtres du rez-de-chaussée de la maison
Bagoux ; dans quelle proportion, si le nouveau mur
■intercepte le jo u r des appartemens du re%-de chaussée;
quel degré d’obscurité il leur donne relativement à
£ usage auquel ils sont destinés ; à quelle hauteur du
mur les appartemens doivent recevoir le jour néces
saire.
L e rapport des experts n'a pas confirmé ce.qu'avait
dit le sieur Lavignac. Us remarquent qu'au lieu de la
distance ancienne de trois pieds et demi, il y avait
sept pieds cinq pouces entre la maison l\agoux et le
nouveau mur.
L e nouveau mur, à partir du niveau ou accoudoir
des f e n ê t r e s , a n eu f pieds quatre pouces de hauteur
du côté du jardin, et dix pieds quatre pouces du côté
de la ru e lle , dont le sol est plus bas.
E l à partir du niveau de la ruelle, il a, d’un côté,
�( 5 )
treize pieds, et de l ’autre douze pieds cinq pouces.
Il excède l’ancien mur de 9 pieds 9 pouces et demi.
Les experts disent que l’élévation actuelle du mur
n ’empêclie pas les rayons du soleil d’aboutir aux fenê
tres du rez-de-chaussée. A deux heures et demie, il a
commencé à éclairer la façade de la maison en totalité ,
à l’exception de la première croisée de la cuisine.
A trois heures, le soleil a pénétré ensuite dans le rezde-cliaussée, par un ra3ron oblique de sept centimètres.
Cette lumière intérieure a duré un quart - d’heure.
( N ,. B. L a façade est au nord).
A quatre heures, les experts ont vu que les apparte
n o n s du rez-de-chaussée recevaient le Jo u r suffisant
pour L'usage auquel Us sont destinés.
Les experts pensent que le sieur I/avignac a pu
élever davantage son mur que le premier, puisqu’il l’a
fait plus éloigné ,* mais ils s’abstiennent de décider
jusqu’à quelle hauteur il l’a pu.
Enfin, comme la première visite avait été suivie d’une
médiation que rompit le sieur R agoux, les experts ont
voulu savoir quelle serait l’obscurité de son rez-dechaussée dans l’arrière-saison. En conséquence, ils y
sont allés par trois fois et par un tems sombre et
nébuleux, les 10 septembre , 2 novem bre et 9 dé
cembre , tantôt une heure après le lever du soleil,
tantôt une heure après son coucher. L à ayant pris
chaque fois un livre d’ un caractère assez m enu, ils ont
lu a une certaine distance des ienetres.
En somme , les experts disent bien que je mur a
�■ ï-V
( 6 )
donné de l’obscurité au rez-de-chaussée de la maison
B a g o u x , mais qu'il entre asse% de lumière dans ¿es
pièces de ce re% de chaussée pour L’usage auquel elles
sont destinées.
Cette relation des experts n’a pas satisfait le sieur
B a g o u x , qui a sollicité les premiers juges de voir le
local eux-mêmes ; et on pense aisément que , dans
cette visite, il a dû exagérer le détriment qu’il prétend
souffrir.
Quoiqu'il en soit, après cette descente non ordonnée
en jugem ent, le tribunal d’ Aurillac a condamné le
sieur Lavignac à réduire la hauteur de son mur à
neuf pieds.
Les motifs de cette décision, au nombre de douze}
se réduisent à dire que le vendeur de 17 7 2 ne s’était
pas interdit la faculté de faire un mur de séparation ,
sur-tout en s’ éloignant ; mais qu’il n’avait pas dû obs
curcir les appartemens d’une manière nuisible.
L e sieur Lavignac a interjeté appel de ce jugement ,
en ce qu’il l’oblige à démolir une partie de son mur.
L e sieur Bagoux en a aussi interjeté appel, en ce
qu ’il ne condamne pas le sieur Lavignac h le dé
molir tout entier.
M O Y E N S .
Tout le système du sieur Bagoux repose sur ce rai
sonnement : J ’ai le choit de vue ( lum inuni ) sur la
�( 7 )
ruelle, et p e u t-ê tre même la ruelle tout entière. J ’ai
de plus la servitude d’empêcher l ’élévation du mûr
de cette ruelle ( altiiis non tollendi). Doue j ’ai aussi,
par une conséquence nécessaire, la servitude d’aspect
et prospect sur votre jardin; et vous ne pouvez rien
changer à l’ancien état des lieux , parce que vous
m ’ôleriez non-seulement la quantité de lumière que
j ’avais, mais encore l ’agrément que portait à ma mai
son la vue de votre jardin. Car , dit le sieur R agoux,
à moins de contester l ’évidence, il est démontré qu’il
a élé concédé une vue de prospect, et que la perspec
tive du jardin a élé pour l’acquéreur un moyen de
séduction ou d'agrément qui a dû augmenter le prix
de la maison.
I l faut cependant que le sieur Ragoux soupçonne
que celle évidence prétendue ne soit pas sans réponse;
car il se plaint de ce que le sieur Lavignac ne lui a
présenté que des objections légères et dédaigneuses.
Sa fierté, dit-il, a souffert de descendre dans l ’arêne
avec un traiteur.
Ce reproche est bien dur, et le sieur Lavignac y a
été sensible. Loin de lui tout mépris pour un art pré
cieux qu’il honore, et dont il n’a garde de contester
1 importance. S il se fût senti coupable d’ un tel senti
ment, il l aurait certainement dissimulé avec précau
tion. C ’est déjà un adversaire assez puissant qu’ un
traiteur en réputation: tant d’intérêts s’unissent^au
sien , que tout ce qui peut le contrarier ou le disT
�traire, est exagéré par ceux qui en souffrent commo
une calamité publique, et le sieur Lavignac ne se le
cache pas (i). Ainsi loin de se plaindre envers le s.r R a goux de sa juste fierté, fondée , plus que sa prétention,
sur des autorités précises (2), le sieur Lavignac dé
clare en toute humilité qu’ il n’a à s’accuser d’avoir
traité avec légèreté, ni sa personne, ni ses objections.
I l y a répondu de son mieux ; les moyens qu’il a fait
valoir lui ont semblé très-solides3 et il ne croira s’êlre
bien défendu encore qu’en les reproduisant sans les
affaiblir.
Revenons donc à la maison du sieur R agoux, et à
l ’arêne où il nous convie. Voyons comment la servi
tude aUÎLis non tollenclL pourra le conduire à la ser( 1 ) Pour aggraver les torts du sieur L a v ig n a c envers ses con
citoyens, le sieur R a g o u x s’est obstiné à s’expatrier jusqu’à la
fin de son procès. M ais le sieur L a v ig n a c se liâte de dire , pour
sa justification, qu’ il n’a porté aucun obstacle à un prompt ju
g e m e n t , et que lorcé par ses affaires, de suspendre son départ,
il a mieux aimé s’abstenir d’être présent que de retarder d ’un
seul instant la plaidoirie de sa cause.
(2)
Faites cas de celui q u i, fier de son talent,
S'estime votre é g a l , et, d’ un air im po rtan t,
Près de son potager, que la flamme illumine,
D o n n e , avec dignité, des lois...... dans sa cuisine.
G astr.
Chant I I .
vilude
�( 9 )
vitude de prospept, et si elles dépendent nécessai
rement l’une de l’auIre.
E n matière de servitudes, il n’est pas permis de
raisonner par analogie ou par simples conséquences.
11 faut trouver dans le tilre qui les constitue tout ce
qu ’on v e u t ‘exig e r’ ou prohiber, sans que l'acte laisse
m êm e le soupçon du contraire; car les servitudes sont
de droit étroit; et comme elles font violence au libre
usage de la propriété du voisin, comme la tendance
naturelle est pour raflranchissem ent, il est de principe
que tout ce qui n'est pas mathématiquement compris
dans la clause.de servitude s’explique en faveur de celui
qu’on veut y asservir.
Ce n’est pas absolument aux lois romaines qu’il faut
recourir tpogr une question de servitudes urbaines. L a
coutume de Paris était, sur cette m atière,le droit com
mun de la F ran ce ; et qnand on compare les divisions
et subdivisions du digeste sur chaque espèce de servilude avec la briéveté de l’article 686 du code civil ( i ),
on demeure.convaincu de plus en plus que l’étendue
à donner à une servitude ne doit dépendre que du texte
littéral et non équivoque de la clause qui la constitue.
Les lois romaines , au reste, distinguent très-expres
sément ce que le sieur Ragoux veut confondre.
(i)
A rt.
686. II_est. permis
aux propriétaires d’établir sur leurs
propriétés telles servitudes que bon leur sem ble, pourvu que les
services établis. . . . n’aient rien de contraire à l ’ordre public.
• L ’ u s a g e et l'étendue d e s s e r v i t u d e s s e x’è g l c n t par le titre qui
les constitue , cl à défaut de titre, par les règles ci-apres.
2
�( 10 )
Il a , par son acte, la servitude de jour ( luminum),
et la servitude allias non tollendi, non pas pour un
édifice entier, ce qui est la plus fréquente supposi
tion des lois, mais bornée à un simple m u r, et pour
une distance convenue.
D e ces deux servitudes, il veut en faire quatre, car
il ajoute celle ne luminibus ojjiciatur , et même celle
ne prospectai ojjiciatur, qui sont très-distinctes dans le
droit, et qui portent une gêne bien différente.
;
A vec sa servitude de jour, et sans celle altiiis non
tollendi, le sieur Lavignac n’aurait eu nul besoin de
se reculer pour bâtir. Il aurait eu certainement la fa
culté d’élever le mur ancien de sa ruelle, d’après les
principes.
Car la servitude de jours {luminum') n’emporte que
- nécessité de souffrir des vues droites, sans rien laisser
au prospect : il suffit de voir le c ie l, tel est le texte
des lois 3 et i 5 du digeste de servit, præd. urb. et
l'interprétation générale des auteurs.
C ’est pourquoi ceux qui veulent une gêne moins
grande à leurs vues doivent convenir de l’ une ou
de l’autre des servitudes d’aspect; et alors ces lois,
elles-mêmes, marquent une différence sensible au ré
sultat de ces servitudes.
Elles portent avec elles une dénomination qui en
marque le sens ; ne luminibus ojjiciatur exprime au
tant que possible, que si l’acte porte expressément la
condition de ne pas offusquer la lumière, on ne pourra
pas la diminuer par un bâtiment, et de même ne pros -
�( ÏÏ )
pectui ojficiatur dénote assez que tout ce qui ôterait
le point de v u e , même dans l'éloignement, contrevien
drait à la convention.
Tout le tilre du digeste prouve que ces diverses
espèces de servitudes sont très-distinctes, et par con
séquent que l ’une ne supplée pas l’autre, à moins que
sa plus grande étendue ne comporte de plein droit la
servitude moindre.
Ainsi la servitude ne lurninibus ojjiciatur est à la
vérité comprise de plein droit dans celle ne pro spectui
ojjiciatur , qui est la plus étendue , parce que tout ce
qui tendrait à ôter la lumière d’une fenêtre , ôterait
bien, à plus forte raison, la perspective éloignée qu’elle
doit avoir.
Mais on ne peut pas, comme le sieur R a g o u x ,re n
fermer une servitude plus grande dans une servitude
moindre. Il fait beaucoup d’efforts pour prouver que
la servitude aitiùs toLlendi emporte avec elle les ser
vitudes ne Lurninibus, et prospectai ojjiciatur. C ’est
en effet de là que dépend toute sa défense.
Voyons sur quelles autorités cette prétention est
fondée : et pour ne pas mériter une seconde fois le
reproche de dédaigner ses moyens et ses objections,
le sieur Lavignac va les suivre pas à pas pour y r é
pondre.
I . re o b j e c t i o n .
P a g . 1 6.
Les lois rom aines, dit le sieur R ag o u x , ne font
pas de différence entre la servitude altiàs toLlendi, et
�'( 12 )
"celle ne Luminibus aul prospectai ojjîbîatür. L a loi 2 ,
^au J f. D e ser. pr. urb. le prouve.
r é p o n s e
.
Celte loi n’ est que la série des différentes espèces
de servitudes : elle les classe et les distingue: par con
séquent, elle ne les confond pas.
L e sieur Ragoux veut tirer d’ une simple conjonction
une conséquence fo rc ée , qu’il n’induit encore que
d’ un argument à contrario • car la loi parle des servi
tudes imposées par celui qui veut qu’on élève un mur
pour diminu'er sa lumière. Mais cette servitude affir
mative ne juge ni n’indique rien pour la servitude
contraire.
*
H Une preuve que la servitude altiÙs non tollendi ne
renferme pas cellé ne lum inibus o jjic ia tu r , c est que,
suivant cette dernière , il n’est pas me me permis de
planter des arbres qui diminuent la vue ; tandis que la
servitude*¿/¿mi non tollendi n'empêclie pas de planter
des arbrès;à toutédistance, A liu d est œ dijicare, a liu d
*cst arborem pbrièré}"'
r
On pouvait même',"cliefc lés Rom ains, en planter,
e n !cé 'cas,‘aii-de3sus même de l'édifice, dont: lii hauteur
était'cependant déterminée. Suprà eam altitudinem tandis que dans le cas des autres servitudes, cela aurait
été défendu.
II.* O B J E C T I O N . P a g . 1 7.
Toujours la loi régarcle la défense d'élever plus haut
�comme
Le s e u l
Ci3 )
moyen d’empêcher la lumière.
se rv itu s i m p o n ita r
ne
l u m in ib u s
o f f ic ia t u r
Cùm
, Aoc
m a x i m e a d e p t i v i d e t n u r , n e j u s f i l ç ic in o . i n v i t i s n o b i s
A L T iv s
æ d if ic a r e
j a t q u e ¿ta m i n u e r e L u m i n a æ d i f i -
c io ru tn n o s tr o r u m .
RÉPONSE.
Il faut faire une inversion des termes de la loi, pour
y donner le même sens que le sieur Ragoux.
Elle ne dit pas que celui qui aura la servitude ailiàs
tollendi aura aussi celle ne Luminibus officiatur • elle
dit, au contraire, que celui qui aura la dernière pourra
empêcher d’élever plus haut. Et le sieur Lavignac n’a
jamais nié ce principe.
Ainsi, le sieur Ragoux n’a que faire de s’approprier
le
m in u ere
L u m in a
qui termine cette loi
;
car il est
destiné à une autre espèce de servitude que celle de
son acte.
I I I . e o b j e c t i o n . P ag. 17 .
Les auteurs donnent le même sens à ces lois. M . de
Lamoignon a dit, en ses Arrêts, titre 2 0 , article 20 :
* S i, dans le titre de la servitude, i l ci é t é c o n v e n u q u e
« L'on n e p o u r r a o b s c u r c i r ou donner empêchement
« au mur du voisin, le propriétaire laissera les lie u î
* en Pélat où ils étaient lors de l’imposition, sans y
« faire aucun plant d’arbres ni bâtimens;nouveaux, et
« sans pouvoir aussi élever les anciens*bâtimens*. T el
est aussi le langage d’Auzanet , Ferrière, I/alaure3
Desgodets.
�RÉPONSE.
A v a n t cet article 20 (qui ne s’applique toujours qu’à
la servitude ne luminibus officiatur), M. deLam oign on
avait dit ce que le sieur R agou x a jugé à propos
d’omettre.
Art. 19. « L e propriétaire d’ un héritage, sur lequel
« le voisin a droit de v u e , peut élever sur son fonds
«• des bâtimens, et planter des arbres, pourvu qu’il y
. « a il six pieds de distance entre le mur faisant sépara« tion des héritages des parties , et le bâtiment nou« v e a u , et douze pieds de distance entre le mur et
«• le pied des arbres ■».
IV .®
objection.
P a g . 18 .
I l a été dans l’intention des parties de donner à
l ’acquéreur une vue de prospect, tant qu’elle pouvait
s’étendre; sans cela , il eût été inutile de stipuler que
le mur n’aurait que trois pieds et demi. La clause eût
.été sans in té r ê t , si le vendeur avait en le droit de
construire le lendemain un mur plus élevé à côté de
l ’autre ; il eût été inutile aussi de se réserver la faculté
de placer des vases de fleurs. S’il n’y avait eu que l’inJe n tio n de ne céder qu ’une simple vue droite, on se
serait réservé le droit de construire à une distance
déterminée. L a perspective du jardin a dû augmenter
le prix de la maison.
�'
( i5 )
RÉPONSE.
Qu’ y a-t-il dans tout cela? Des présomptions.
El c’çst par des présomptions que le s.r Ragoux veut
étendre une servitude au-delà des termes de son acte.
Il ne remarque pas que les présomptions, même'
de l’intention des parties, se tourneraient contre lui.
L a latitude qu’il prête à sa servitude serait une
grande injure aux sieurs d’A u le r iv e , et il faudrait
mettre en problème si leur raison aurait bien présidé
à une convention aussi étrange.
Non contens d’avoir vendu pour 5; ooo liv. une mai
son qui avait deux corps de logis, une cour au milieu,
et douze croisées d’un seul côté, se pourrait-il qu’ils
eussent ajouté à la souffrance de lumière de ces douze
croisées, une prohibition perpétuelle de bâtir chez
e u x , et de n’être, dans leur jardin, que sous la sur
veillance habituelle d’une multitude d’individus. Si
cela était supposable pour une maison de champs >
- comment admettre qu’un propriétaire en ait même
conçu l’idée à l ’égard d’ un jardin placé au milieu
d’ une ville populeuse?
N ’e st-il pas plus naturel de penser que le sieur
- F o rn ie r, prêtre, voyant un petit mur à trois.pieds ,
de la maison qu’il allait acquérir, eût à l ’instant la
crainte qu’il ne fût é le v é 'à une grande hauteur? E t
comme les parties doutèrent si le v e n d e u r aurait droit
de le lever à celle distance , le sieur Fornier demandà
t'\
c
5 (7
�que ce mur, si voisin, ne fût pas é le v é , et le vendeur
y consentit.
Alors le vendeur n’avait pas des projets de bâtir,
puisqu’il vendait une propriété. Ne s’occupant doue
que de jouir de ce qu’il avait, il ne voulut pas que
jon consentement, de ne pas changer la hauteur du
mur existant, s’opposât à ce qu’il y plaçât des fleurs,
tant qu’il le conserverait.
Voilà la seule pensée que durent avoir les parties,
et la seule qu’il faut leur supposer, puisqu'elle est la
seule de bon sens. Voilà le vrai pacte de quo cogita
tion est, et au-delà duquel il est clair qu'il n’y a pas
eu une ébauche de convention.
C ertes, si les sieurs Croizet eussent le lendemain
bâti un grand mur à côté de tl’ancien, et, comme le
disait d’abord le sieur Ragoux , plaqué contre le pre
m ier, il eût»élé répréhensible, parce qu’une conven• lion ne s’élude pas avec affectation.
Mais qui veut trop prouverjne prouve rien Car ce
n’ est pas.en se jouant ainsi de ses engagemens, que le s.T
Lavignac a bâti. Il a bâti à quatre pieds au-delà du pré
cédent m u r , Ci’ est à dire à 7 pieds et demi de la mai
son Ragoux.
•Sa.convention n’était restrictive que parce qu’il était
. ?en .17 7 2 : dansila distance habituelle de la loi. Mais. il
s ’est <conformé à la loi; il a exécuté ce que dit M. de
, Lanioi<rnon; et dès-lors, au-delà de 6 pieds, il retrouve
,le droit com m un, par-delà lequel sa convention n.V;st
pas allé, lui donner des .entrave&jimprévues.
Ce
�? 17 }
V.
■
Ce n’ est: pas assez , dit le sieur Ragoux, cl avoir sti
pulé qu’il ne bâtirait pas à trois pieds et d e m i, il fa l
lait qu’il se réservât de bâtir plus loin.
Disons plutôt que c’ était à l’acquéreur à stipuler
qu’on ne bâtirait pas à une plus grande distance.
Car c’ est lui qui avait besoin de la servitude, et par
conséquent du litre et de la clause.
O r, tout ce.qui n’est pas dans la prohibition rentre
de plein droit dans la loi commune.
Celle loi est l’arlicle 202 de la coutume de P a ris ,
qui veut six pieds de distance entre les vues droites et
les niurs voisins.
Et avec cette distance, la servitude ciltiùs non toi-
letidi doit être bien moins rigoureuse que cliez les ro
mains, dont les maisons, presque toujours séparées en
îles, n'avaient, de distance légale, que celle de deux
pieds ( 1 ) .
V .c
OBJECTION.
F a g- 2 1.
Mais , dit le sieur R a g o u x , s’il y a de l’incerlitude
dans l’acle de 1 7 7 2 , elle doit s’interpréter conte le ven
deur, qui potuit Legeni apertius conscribere.
Ré p o n s e .
Celle réglé de droit n’est applicable qu’à la re
cherche de la chose vendue et aux servitudes retenues
( 1 ) Si quis sepem propè alienum prœdiurn fixen t , ternu-
nuni ne exccdito, S i rnacerie/n, pedem relinqailo ; si verb domutn, pedes duos. L . ult. II’. iin. rcg.
3
�( i8; )
par le vendeur sur l’objet aliéné, mais pas du tout aux
servitudes qu’il s’impose.
Car d’après la maxime n o n jit extensio in prohibitor iis , c'est à celui qui fait constituer la servitude à son
profit, à.lui donner plus de latitude. C ’est le vœu d e là
coutume de Paris, art. 216 .
Avant de rechercher la règle de droit 1 7 2 , le sieur
•Ragoux pouvait s’arrêter à la 8 i .e qui paraît résoudre
pleinement la difficulté.
Quœ, dubitationis toLlendœ causâ, contractibus iri
ser uni ur , ju s c,oni mu ne non lœdunt. 1. 8 1 , de reg. jur.
Or comme la convention de ne pas élever un m u r,
qui n’était alors qu’à trois pieds et demi 4e la maison,
ne fut écrite .visiblement ,que pour lever le doute du
droit de bâtir à cette courte distance, il ne peut pas en.
résulter que les sieurs Croizet se soient abstenus à ja
mais d’ user du droit commun, c’est-à-dire.de bâtir à
six pieds, d’après la coutume de Paris qui était la loi
générale.
N ’y a u ra it-il donc pns une injustice évidente de
'forcer ainsi le sens d’ un acte, au point de restreindre
une propriété à une annulation absolue, pour le seul
avantage de donner une plus grande clarté à deux
pièces du rez-de-chaussée d’ une maison; et si un ven-dour était ainsi opprimé par le sens équivoque de sa
convention, ne se rait-ce pas le cas de s’écrier avec
la loi : iniquum est perimi pacto id de quo cogitatum
non est. L . 9> f f ' ^ 6 trans•
L e sieur Ragoux rejette fort loin l’art. 2 1 5 d e là
�( i9 )
coutume de Paîis.' Cependant c’est cet article qui veut
que le vendeur déclare spécialement quelles servitudes
il relient ou constitue tant pour V endrait, hauteur,
largeur, que l ’espèce j autrement quelques espèces gé
nérales de servitudes, sans les déclarer comme dessus ,
dit l ’article, ne valertt.
Cet article est donc une preuve que la clause de
servitude ne doit pas s’expliquer par analogie , ni
extension, ni présomption, mais spécialement et en
détail.
Or Y e n d r o i t marqué par la clause de 17 7 2 , est à
trois pieds et demi : donc il n’y a pas eu prohibition
de bâtir à sept pieds de distance.
V I.® o b j e c t i o n . P a g . 23 .
L e sieur Ragoilx revient à une idée qu’ il avait aban
donnée devant les premiers juges. Il voudrait la pro
priété de la ruelle, parce qu e, dit-il, il est confiné par
le jardin; cela étant , il en conclut que le sieur Lavignac ne devait au moins bâtir qu’a six pieds au-delà
de la ruelle.
h é p 0 n s E.
Voilà donc le sieur Ragoux forcé de s’emparer d’ un
mot, pour se faire un moyen.
E t quel mot encore ! quel faible m ol! Personne ne
l a mieux évalué que lu i; et il nous donne sa réfuta
tion lui m em e, à la fin de la page 22.
�( 20 )
Que signifierait alors la défense dé jeter de ¿'eau on
des ordures? 11 es! clair en effet que si la ruelle eût été
vendue au sieur R agoux, il était contradictoire que
le vendeur s'occupât de ce qu’on jetterait ensuite sur
lu chose vendue. Ce n’eût pas été immittere in alienum.
Ajoutons h cette réflexion : ijue signifierait aussi
la permission accordée au sieur Former de se servir
de la ruelle pour réparer sa maison?
Ôn ne lui en a donc concédé que Yusage momentané ;
e! l’ usage est exclusif de la propriété.
L e confin du jardin prouve seulement que la ruelle
éluit considérée comme partie du jardin, et non de la
maison , ni même comme commune. La suite de l’acte
explique parfailementl’inlenlion des parties,qui ne veu
lent accorder à l’acquéreur qu’ un usage ou tolérance.
CONCLUSION.
L a vente de 1 7 7 2 ne donne à l’acquéreur que lé droit
de vue et non de prospect.
Toute vue droite comporte avec elle une distance
de six pieds jusqu’au mur voisin:et cela explique loutà-la-fois la convention de 11e pas élever un mur alors
existant, parce qu’il n’était qu’à trois pieds et demi, et
la f a c u l t é demeurée au vendeur de bâtir à six pieus
de distance, par cela seul qu’il ne s'est pas départi spé
cialement de ce droit légal.
Ainsi il a été mal jugé en ce que la hauteur du mur
actuel a été diminuée, car un mur fait au-delà de la dis
tance voulue par la loi est hors d atteinte.
�S’il y a lieu de dire que le sieur Lavignac pouvait
batir à une dislance quelconque , il n’y a pas de raison
qui fusse penser que ce sera à quinze pieds, ou à dix,
ou à huit, car la loi n’indique aucune variation ni ar
bitraire. Il faut donc que ce soit à six pieds.
D ’après cela , il doit peu importer qu’il en résulie un
peu plus d’obscurité à un rez-de-chaussée voisin ; c’est
un mal nécessaire dans une ville. Tout ce qui tend à
empêcher la mitoyenneté des murs latéraux, et à peu
pler de jardins une rue publique, ne mérite pas de fa
veur.
Qu’est-ce d’ailleurs que cette obscurité, si, le 9 dé
cembre, les experts ont pu lire un caractère m enu, à
quelque distance des fenêtres, dans une salle plus basse
que le sol d’un jardin, par un tems nébuleux?
E t c’est pour une façade tournée au nord plein ,
qu’on veut ménager les rayons du soleil pour quelques
minutes de plus. Tout autre croirait gagner à l’élévation
d’un mur à cet aspect. Mais le sieur Ragoux avertit qu’il
a des raisons particulières, et qu’il a intérêt d’égayer ses
commensaux par la vue d’un jardin.
Voilà donc le secret principal du procès qu’il a sus
cité au sieur Lavignac. En esl-ce assez pour forcer le
sens d’une convention , et priver le sieur Lavignac du
bénéfice de la loi commune.
L ’appel incident du sieur Ragoux ne sert qu’à prouver
qu’il a cru en avoir besoin pour être c o n s é q u e n t avec
lui même.
Il fallait qu’il empêchât le sieur Lavignac de batir
�( 22 )
nulle part, ou qu’il avouât que le sieur Lavignac en
avait le d ro it, en reculant à six pieds. Alors il s’est
donné la servitude de prospect; et c’est là-dessus qu’il
a fondé son appel.
Mais son titre n’a rien qui ressemble à la servitude
de prospect ; et cette évidence achèvera de prouver que,
pour tâcher d’obtenir peu, il demande beaucoup.
L ’exagération de ses plaintes et du tort qu’il souffre
sera appréciée comme toutes les exclamations familières
aux plaideurs qui s’obstinent; ses moyens de fortune
sont fort indépendans du prospect d’un jardin qu’ on ne
veut pas qu’il montre à tout venant; et le tems qu’il
a perdu à plaider a dû lui être plus nuisible que ne le
sera jamais le mur qu’il voudrait détruire.
L e sieur Lavignac, au reste, a usé de son droit par
nécessité et avec modération. Il fallait qu’il renonçât à
son habitation et à son jardin, ou qu’il y fût libre et
indépendant. Il a fait ce que tout autre eût fait et dû
faire; et on n’est point un voisin inquiet et ambitieux,
quand, au lieu d’usurper la propriété de son voisin, on
Sacrifie à la décence et à son repos une partie de la
sienne.
,-
M .e D E L A P C H I E R , avocat.
M. e M A R I E , Licencié - avoué.
A
R I O M ,
DE L ’IMPRIMERIE DU PALAIS, CHEZ J.-C. SALLES.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Esquiron-Lavignac 1807?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
conflit de voisinage
servitude de vue
auberges
experts
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse, pour le sieur Esquiron-Lavignac, propriétaire à Aurillac, appelant et intimé ; Contre le sieur Ragoux, traiteur , habitant de la même ville, intime et appelant.
Particularités : Notation manuscrite : texte intégral de l'arrêt du 11 octobre 1807, 1ére section.
Table Godemel : Servitude : 3. la servitude de jour (luminum) et celle non altuis tollendi emportent-elles celle de prospect ? quelle est son étendue ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1807
1806-1807
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1810
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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auberges
Conflit de voisinage
experts
servitude de vue
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53348/BCU_Factums_G1821.pdf
cfd685d16b85dce4d52306e40e0c738e
PDF Text
Text
M
E
M
O
I
R
E
EN R É PONS E ,
POUR
Le sieur S O U T E Y R A N , ancien avocat au
P u y , intimé;
C O N T R E
Le sieur SAUZET-SAINT- CLÉMENT et
la dame SALVAING DE BOISSIEU,
son épouse 3 appelans.
L E père du sieur Souteyran acheta en 1791 un domaine
du sieur S a in t - M a r c e l, aïeul de la dame Sauzet. IL le
paya; il s’en mit en possession. Son fils en jouit encore.
�( O
L e sieur Sauzet a prétendu faire résulter du contrat
de mariage de son beau-père que cette vente est nu lie ,
parce que le sieur S a i n t -M a rc el ayant tout donné h sa
lille (sauf réserve de vendre ce domaine et plusieurs
autres, jusqu’à concurrence de ses dettes, à juste prix
et sur le pied de l’estimation), ne devoit rien en 17 9 1;
qu’ainsi il n’avoit pas dû vendre, et qu’il y avoit d’ailleurs
vilité de prix.
Rien n’étoit plus simple que cette discussion; elle dépeudoit des clauses d’un contrat de mariage, et du fait
de savoir si le sieur Saint-Marcel avoit épuisé le droit
de vendre en 1791.
Les premiers juges ont pensé que non : mais quoiqu’il
y eût une estimation, ils en ont ordonné une seconde,
contradictoire avec le sieur Sauzet, pour vérifier s’il y
avoit vilité de p r ix , comme il l’a prétendu.
L e sieur Souteyran ne s’en est pas plaint : le sieur
Sauzet avoit bien moins ù. s’en plaindre, puisque c’étoit
lui donner le moyen de prouver qu’il n’avoit pas menti.
Cependant il a interjeté a p p e l, et il en étoit fort le
maître, puisqu’il avoit à parcourir deux degrés de ju
ridiction.
Mais a-t-il cru suppléer de bonnes raisons, par un
torrent d’inju res, prodiguées sans ménagement ¿1 un
homme mort? à un homme dont la probité n’eût point
été aussi indiscrètement attaquée devant les premiers
juges, parce qu’il avoit emporté leur estime au tombeau.
C ’est pour la cour que le sieur Sauzet avoit réservé
des diatribes mensongères , une accusation directe de
rapine et d’infidélité, qu’il a cru faire résulter de la
�( 3 )
seule circonstance que le sieur Souteyran père étoit
procureur.
O u i , il étoit procureur : il en remplissoit les devoirs
pénibles avec zèle et délicatesse. Son fils s’honore de lui
appartenir , et se fait un devoir sacré de venger sa
mémoire.
Que quelques classes de la société saisissent les occa
sions d’attaquer les individus attachés au palais, ce bour
donnement de frelons ne peut incommoder que ceux
qui ont des reproches à se faire. Dans le temps de
M o liè r e , il étoit du bon ton d’attaquer les médecins.
A p rès eux on s’empara des procureurs ; et dans la mo
notonie des cercles, le plus insipide conteur est encore
sur de suspendre les bâillemens de la multitude, s’il a
quelques sarcasmes à renouveler sur ce chapitre. On se
croit vraiment du m érite, quand on a dit son mot sur
cette classe laborieuse-, et il n’est pas d’oisif qui n’ait
là-dessus sa provision de rebus dans la mémoire. C ’est
à la vérité une excuse pour son inutilité ; l’amourpropre la lui suggère : et il faut bien kisser quelque
chose à dire à ces oisifs-là, puisqu’ils n’ont rien retenu
de plus essentiel.
Mais quand devant une cour supérieure, un juge de
p a ix (i) attaque directement un procureur d’avoir abusé
de son ministère envers son c lie n t, pour envahir une
propriété par un actv fr a u d u le u x ; quand il veut faire
rougir son fils d’avoir dans les mains un bien mal ac(i) Le sieur Sauzet-Saint-Clément a toujours pris au procès la
qualité de propriétaire', mais il est Juge de paix^/ ck/oc*S
A a
�quis ( i ) , ce juge de paix doit savoir que les magistrats
auxquels on soumet cette grave accusation, ne la re
garderont point comme un quolibet de société, et qu’il
s’engage à avoir à la main la preuve de ce qu’il avance.
O r le sieur Souteyran nie formellement que son père
ait été le conseil du sieur Saint-Marcel, et que celui-ci fût
son client. Quand il l’auroit été, il eût pu acquérir un
immeuble de gré à g r é , sans sortir de la ligne de ses
devoirs.
L a famille de Boissieu a-t-elle resté dans la ligne des
siens, quand elle a abreuvé d’amertume toute la vieillesse
d’un père, d’un bienfaiteur?
L e sieur de Saint - M arcel avoit réduit l’une de ses
filles à une légitime , pour enrichir l’autre. En se dé
pouillant pour e lle , il s’étoit réservé la faculté de vendre
cinq domaines ; il n’en a pas vendu la m o itié , et encore
n’a - t - i l pas fait une seule vente sans être in qu iété ,
tourm enté, réduit à se voler pour ainsi dire lui-m êm e,
afin de vivre dans l’aisance. E t ainsi quarante ans de sa
vie se sont passés à lutter contre une interdiction de
fait, à laquelle on vouloit le réduire.
Maintenant qu’on est eni'iclii de sa dépouille, on le
peint comme un être foible et inutile, qui n’a vendu que
par caprice ou co n trariété, qui a dépouillé son h é ri
tière d’une fortune considérable par trente-trois ventes
arrachées à la Jbiblesse de ce vieillard nonagénaire*
(1) Toutes ces injures sont du fait personnel du sieur SauzetSaint-Clémnnt : le jurisconsulte auteur de son mémoire a exigé
sa signature.
�1
( 5)
Et trente-deux de ces ventes étoient faites avant 1788.
La trente-troisième l’a été en 1791.
E t le sieur Saint-Marcel a survécu quinze ans à cette
dernière vente.
Et il n’a été nonagénaire qu’à l’heure de sa mort.
V o ilà cependant avec quelle exactitude le sieur Sauzet
appelle l’animadversion de la cour sur le sieur Souteyran
dès les premières lignes de son mémoire.
L e sieur Soutej:ran dédaignei’oit ces injures pour luimême ; mais il y est justement sensible , puisqu’elles
attaquent un père dont il respecte avec raison la mémoire.
Si les sieur et dame Sauzet l ’eussent im it é , il n’y
auroit pas de procès.
F A I T S .
L e sieur Brunct de Saint-Marcel, et la dame A rcis, son
épouse, ont laissé deux filles : Claire-Thérèse qui épousa
le sieur de Saint-Julien, et Marie-l/ouise qui épousa le
sieur Salvaing de Boissieu , père de la dame de SaintClément.
Par le contrat de la dame de Saint-Julien, du 17 fé
vrier 17^9 5 ses P^re
mère lui constituèrent une dot
de 40000 francs ; le contrat porte quittance de i 5ooo f r .,
et il est stipulé que 10000 francs sont payables dans
l’année du premier décès des père et m ère, et i 5o o o fr.
dans l’année du dernier décès.
L e contrat de mariage de' la dame de Boissieu est
du 8 juin 176 2; et comme c’cst dans les clauses de cet
acte que le sieur Saint-Clément veut puiser les moyens
�( 6)
de nullité de la vente consentie au sieur Souteyran, il
importe d’en analiser les clauses avec ordre et exactitude.'
i ° . Les père et mère de la dame de Boissieu lui font
donation de tous leurs biens présens et à venir , s a itf
les réserves ci-après.
2°. Ils se réservent la jouissance des biens donnés ,
pendant leur vie , réversible de l’un à l’autre , et un
capital de 12000 fr. pour s’en servir dans leurs besoins,
et en disposer tant à la vie qu'à la mort , à leur
p la isir et v o lo n té, en f a v e u r de q u i ils jugeraient à
prop os; réversible également de l’un à l’autre, à prendre
sur les biens à venir s’il en échoit, et subsidiairement,
sur leurs biens actuels.
30. Les père et mère de la future lui constituent en
avancement d’hoirie, une somme de 20000 fr. et 19 marcs
2 onces argenterie : l’acte porte quittance de 11000 f r . ,
et de l’argenterie.
40. Les sieur et dame Marcel déclarent n’avoir aucuns
deniers en mains pour le payement de la somme restante
de 9000 fr a n c s , ni pour acquitter la dot de la dame
Saint-Julien, dont il reste du 12600 f r a n c s , nonobstant
la quittance insérée dans son contrat de mariage de ijô g ,
a in si que les termes à éch o ir , et pour acquitter leurs
autres dettes passives ; en conséquence il est convenu
et accordé qu’il sera libre aux sieur et dame SaintMarcel de vendre et aliéner les domaines do R o ch a rn a u d , M on s et O r z illa c , les champs et vignes de
C ou châ t, les fonds dépendans du domaine de P o u za ro l,
les prés situés au terroir de C e y ssa c, et finalement le
domaine de C h a sp u za c, à leur juste valeur, et sur le
�M i*
c 7 ) #
pied de l’estimation , pour servir au 'payement desdites
cfca n ces, concurrent ment a u x susdites constitutions, et
autres dettes connues des parties intéressées, ensemble
pour remplir la réserve de 12000 f r . , si les donateurs
sont dans le cas de s’en servir; le tout suivant le payement,
et délégation qui en sera faite : à l’effet de quoi il sera
fourni au sieur de Boissieu un double de la quittance
du produit desdites ventes.
5 °. Il est ajouté que Fexcédant du susdit p r ix de vente
au-delà desdites créances et réserves, sera placé , du
consentem ent du sieur Boissieu et son épouse, chez des
personnes solvables, pour le revenu en être payé aux
donateurs pendant leur v ie , sans les acquéreurs pouvoir
être recherchés sous quelques façons et manières que ce
puisse être, en rapportant néanmoins un légitime emploi
de conformité à l’état connu des parties.
6°. Il est dit enfin que le sieur de Boissieu lui-même
pourra vendre aussi les autres biens après le décès des
donateurs, à leur juste valeur, excepté un moulin et une
maison , sauf „encore le cas où il en trouveroit un prix
avantageux.
L e même jour dudit contrat, du 8 juin 1 7 6 2 , il fut
fait entre les sieur et dame S ain t-M arcel un état double
des dettes dont il est parlé dans le contrat, lesquelles se
portent à 49600 francs, à quoi il est ajouté une somme
de 4000 francs; ce qui porta le montant desdites dettes
à 53600 francs.
»
•
/
Il paroît que les sieur et dame Saint-Marcel ne tar-
�( 8)
dèrent pas à commencer les ventes de quelqiies-uns des
objets ci-dessus réservés: il y en eut trois dans l’année 1762,
et environ v i n g t - c i n q dans les années 1 7 6 3 , 176 4 ,
1 7 6 5 , 176 6, 1 7 6 7 , 1 7 6 8 , 1 7 6 9 , 177 0 , 1 7 7 2 , 1 7 7 3 ,
1 7 7 6 , 1781 , 1782 et 1788.
D ’après l ’état notifié par le défunt, le total desditesventes se portoit, en 1788, à 49440 francs.
Suivant le même é ta t, il avoit payé à ladite époque
de 1788, pour 53246 francs de dettes, et il avoit besoin
de vendre encore , i° . pour une somme de 3806 francs,
pour être au pair de ses payemens; 20. pour iôooo francs
encore dûs à la dame de Saint-Julien ; 30. pour 12000 fr.
dont il s’étoit réservé la faculté de disposer.
T elle étoit la position du sieur de Saint-M arcel, lorsque
la création des assignats vint lui inspirer des craintes pour
l’avenir; soit qu’il ne voulût que se reposer sur lui-même
du soin d’assurer à la dam e de S a in t - J u lie n , sa fille ain ee,
la somme intégrale qu’il lui avoit promise ; soit que dès
que la défiance pour le sieur de Boissieu, son gendre,
ne lui fît craindre qu’il s’acquitteroit envers elle avec
une monnoie dont il avoit vu jadis une épreuve désastrueuse, le sieur de Saint-Marcel publia le projet qu’ il
avoit de vendre ce qu’il s’étoit réservé par le contrat de
mariage de 1762.
Il proposa le domaine de Chaspuzac au sieur de Souteyran, qui lui en offrit le prix le plus avantageux. Si l’un
avoit besoin de ven d re, l’autre avoit besoin d’acheter. Car
la dame Souteyran venoit de i*ecevoir 16000 francs d’une
succession du sieur O b r i e r , son o n c le , et vouloit les
placer. L e sieur Saint-Marcel crut faire un acte de bon
père
�( 9 )
•père clc famille, en vendant ce domaine de Chaspuzac ,
situé dans un pays montagneux et aride, plutôt que le
domaine d’O rzilla c, bien plus considérable, et silué dans
un pays de vignoble.
L a convention avec le sieur Souteyran étoit terminée
lorsque le sieur de Boissieu , qui ? à ce que disent les
sieur et dame Sauzet, étoit en correspondance avec son
beau-p ère, sur plusieurs difficultés d’in té rê t, se mit en
tête d’empêcher les ventes que le sièur de Saint-Mai'cel
avoit droit de consentir. Il fit savoir hautement qu’il entendoit s’y opposer, et menaça même de son courroux
ceux qui oseroient acquérir.
Il poussa plus loin ses projets d’opposition; c a r ie 31
mars 1791 , il fit signifier au sieur Souteyran qu’il avoit
appris sa négociation avec le sieur de Saint - Marcel :
mais que la propriété du domaine de Chaspuzac apparlenoit à sa femme et à lu i, et non au sieur de SaintM a rc e l, et qu’en conséquence ils étoient opposans à la
vente que ledit sieur de Saint-Marcel étoit sur le point
de consentir.
Il faut avouer que cette notification ne donna pas du
goût au sieur Souteyran, et que ne voulant rien avoir à
démêler avec le sieur de Boissieu, il rompit les conventions
qu’ il avoit faites.
Plusieurs mois se passèrent, et le sieur de Saint-Marcel
les employa h persuader au sieur Souteyran qu’il ne devoit
pas plier sous la tyrannie du sieur de Boissieu, homme
connu pour être aux expédions, et qui n’avoit fait une
hostilité que dans l’espoir de faire acheter son consenB
�( IO ).
tement : il alla même jusqu’à faire un point d’honneur
nu sieur Souteyran de l’obligation où il étoit de ne pas
rompre un engagement sur lequel lui , Saint - Marcel 7
avoit compté ; et il ne lui dissimula pas qu’il ne regarderoit que comme une rupture fort volontaire le pré
texte que prendroit le sieur Souteyran -de l’opposilion
du sieur de Boissieu, puisqu’il étoit bien évident qu’il
avoit le droit de vendre.
L e sieur Souteyran ne voulut pas se dédire, et consentit
d’acquérir ; mais il y mit pour condition que le sieur
Saint - Marcel feroit cesser l’opposition de son gendre.
En conséquence, par acte du 20'octobre 1 7 9 1, les sieur
et dame Souteyran achetèrent du sieur Saint - Marcel le
domaine de Chaspuzac, moyennant 21 roo. francs, dont
16000 francs furent payés par la dame Souteyran , et
5 ioo francs par le sieur Souteyran, son mari.
contrat porte que la vente est faite en exécution
des clauses du contrat de m ariage de la dame de Boissieu ,
du 8 juin 17 62, pour payer ses dettes passives, acquitter
Le
la som m e de 12000 fr a n cs q u i reste due de la dot fa ite
à son autre fille Claire-Thércse S a in t-M a rce l, veuve
du sieur Suret - S a in t-Ju lien , et se retenir et disposer
de 1 20Q0 fra n cs par lu i réservés dans ledit contrat de
mariage.
L a dame de Saint-Julien intervient au contrat pour
recevoir ladite somme de 12000 francs pour le reste de
sa dot, et subroger l’acquéreur «\ ses privilèges et hypo
thèques.
Quant aux 9100 francs restans, le sieur de Saint-
�.
,
C 11 )
Marcel déclara les avoir reçus à compte de sa dite réserve
de 12000 francs, ou autres hypothèques par lui acquises,
te 7
suivant l’état par lui tenu.
Cette vente étant consommée, le sieur Souteyran n’eut
rien de plus pressé que d’engager le sieur Saint-M arcel
de tenir à son tour sa parole.
- Il lui signifia en conséquence l’opposition du sieur de
Boissieu, et lui donna assignation le 19 décembre 1791.
L e sieur Saint-Marcel, de sa part, la dénonça à son gendre
par exploit du 13 décem bre, avec assignation en main
levée.
Pendant qu’on plaidoit sur cette opposition , le sieur
de Boissieu continuoit ses menaces , et 11e dissimuloit
pas que son moyen unique de faire tomber la vente du
25 o cto b re, étoit le défaut d’estimation stipulée en son
contrat de mariage.
Comme le sieur de Souteyran n’avoit point à redouter
cette estimation, il la réclama lui-même du sieur de SaintMarcel ; en conséquence, par acte notarié du z 5 avril
1792 , les parties convinrent que pour ôter tous pré
textes au sieur de Boissieu , elles dérogeoient au prix dé
terminé par l ’acte du 25 octobre 1 7 9 1; elles stipulèrent
que ladite vente du domaine de Chaspuzac sortiroit son
plein et «entier effet pour le prix et valeur qui en seroit
fait par le sieur R e co u l, expert-féodiste au P u y , et que
les parties seroient tenues d’acquiescer à ladite estimation
sans pouvoir revenir contre. Ce fut une faute peut-être
de ne point appeler le sieur de Boissieu à cette estimation ;
mais le contrat de mariage ne le disoit pas.
E11 exécution dudit a c te , le sieur Recoul fit son estiB 2
�<.. |'-4
(
12
)
mation le 14 mai 1792. On y remarque tous les immeubles
estimés en détail à la somme de 21427 francs.
Cette estimation fut approuvée par le sieur SaintM arcel et par les sieur et dame Souteyran; ce qui étoit
assez in u tile , au moyen de l’acte précédent ; et le sieur
Souteyran paya l’excédant de 427 francs, outre les frais
de l?cicte du 23 a v r i l , et moitié des huit journées em
ployées par l’expert pour ladite estimation.
A près ces formalités les procédures furent reprises.
Les sieur et dame de Boissieu, dégoûtés sans doute de
leur opposition inconsidérée , signifièrent que par le
contrat de mariage de leur fille avec le sieur Sauzet-SaintClément, ils lui a voient fait une donation universelle, et
qu’en conséquence le procès la regardoit seule à l’avenir.
Un jugement de jonction étant intervenu le 22 j u i n ,
le sieur de Boissieu, plus accoutumé aux procès que tous
les procureurs dont son gendi’e le suppose in tim id é , in
terjeta appel dudit ju g e m e n t, et fit une exclusion de tri
bunaux. Cet appel fut porté à Issengeaux, et par jugement
du 28 octobre le sieur de Boissieu fut déclaré non recevable.
.
L a cause étant i*evenue au P u y , fut appointée en
droit par jugement du 30 avril 1793; et depuis cette
époque le sieur de Boissieu et sa fem me, les sieur et dame
Sauzet-Saint-Clément, déjà mis en cause, avoient abso
lument ab an d o n n é cette affaire par un silence de plus de
dix ans.
Ils n’avoient cependant pas employé cet intervalle sans
plaider. Ils attaquèrent, en l’an 1 0 , un autre acquéreur
du sieur S a in t-M a rce l, et conclurent au désistement et
�S4 *
à -la nullité de la vente , comme faite à non domino :
mais par un jugement de l’an 13 il fut jugé « que le
« sieur de Saint-Marcel s’étant réservé de vendre pour
« faire face à 74600 fr. de dettes, y compris 12000 fr.
« qui étoient pour le d o n a t a i r e s a lien u m , on ne pou« voit reprocher audit sieur Saint-Marcel d’avoir vendu
« sans cause ». D ’après q u o i, et par lesdits motifs, les
sieur et dame de Saint-Clément furent déboutés de leur
demande en désistement.
L e sieur de Saint-M arcel est mort en l’an 1 4 , et les
adversaires ont répudié à sa succession, de même qu’aux
biens à venir de la dame A r c is , s’en tenant aux biens
présens qui existoient en 1762; ils ont cru par là se
donner un titre positif de donataires universels, même
des biens réservés.
L e 26 juillet 1806, les sieur et dame Sauzct-SaintClément ont repris leurs poursuites contre le sieur Souteyran fils.
Leurs moyens étant les mômes que ceux du sieur de
Boissieu, il est inutile de les rappeler; et il suffit de dire
que par jugement du 12 mai 1807, les sieur et dame de
Saint-Clément ont été déboutés de leur demande, en
obtenant néanmoins l’avantage de faire procéder à une
nouvelle estimation du domaine , s’ils le prétendoient
vendu au-dessous de sa valeur.
Les motifs de ce jugement seïéduisent à d ir e , i ° . que
d’après le contrat de m ariage, et l’état du même jour,
il y avoit de la part des donateurs, réserve de vendre
pour la somme de 4600 francs ; 20. que d’apres les
/
�( 14 )
états pro.ltii{s, le prix total des ventes ne s’élevoit pas
à beaucoup près à cette somme , lors de la veille de
Chaspuzac ; qu’aiusi le sieur de Saint-Marcel étoit au
torisé à vendre ce domaine; 30. que quand il se seroit
trouvé de l’excédant sur le prix de ladite vente , elle
n’en seroit pas moins valable , puisque le vendeur
n’auroit été obligé qu’a faire un e m p lo i} ou à placer
cet excédant en des mains sûres, du consentement des
donataires; 4°. que rien n’empechoit d’anticiper les termes
de la dot de la dame Saint-Julien, puisque les donateurs
s’étoient réservé de v e n d r e 'ju s q u ’à concurrence de
ces 25 ooo francs; 5 °. que l’opposition du sieur de Boissieu
n’avoit pu annuller une vente que le sieur de SaintMarcel étoit suffisamment autorisé à faire , sauf à. re
quérir une nouvelle estimation.
Cette faculté d’estimation n’a point satisfait les sieur
et dame do S a in t-C lc m e n t : ils se sont pourvus en la
cour ; et ce n’est véritablement qu’en dénaturant le
contrat de 176 2 , et en changeant leur position, qu’ils
ont pu dire quelque chose de spécieux, pour soutenir
que le sieur de Saint-M arccl, leur aïeul, 11’avoit aucun
droit cle vendre.
A les en croire, ils ont une donation entre-vifs, irré
vocable et dotale de tous les biens meubles et im
meubles, présens et à ven ir, des sieur et dame SaintMarcel , ce qui emporte dessaisissement actuel de tous
les biens présens.
Il faut bien en venir cependant à la réserve de vendre,
stipulée au contint de 1762 ; mais cela n’embarnsse pas
\
�( i5 )
les sieur et daine de Saint-Clém ent; c’est, disent-ils,
une faculté exorbitante qui doit être largement inter
prétée pour e u x , parce qu’elle est dans leur contrat de
mariage. Cette faculté de vendre est d’ailleurs limitée
à des objets spécialement désignés, et à des dettes an
térieures ou présentes.
O r , d isen t-ils, si on pouvoit entendre qu’il y eut
faculté de payer le premier terme de la dot de la dame
de Saint-Julien , an moins ce ne pouvoit pas être le
terme payable an décès du survivant.
11 fnlloit délégation, et il n’y en a point; juste valeur,
et i l ' y a vilité de p r ix ; légitime em plo i, et aucun ac
quéreur n’y a veillé.
L a première dette à payer étoit 9000 francs au sieur
de Boissieu ; ils ne le sont pas. L e domaine d’Orzillac
devoit être vendu le premier, il n’est pas vendu encore;
Chaspuzac devoit être vendu le dernier, et il a été
vendu plutôt.
L ’état des ventes et payemens n’est pas e x a c t, conti
nuent les appelons; il faut en distraire 4000 francs qui
ont été mal ù propos ajoutés dans le jugement, par l’état
double.
Enfin la vente ne pouvoit avoir lieu au profit du sieur
Souteyran, parce qu’il étoit un p ro cu reu r, et m ê m e ,
njoute-t-on , le conseil du sieur de S a in t-M a rc e l; elle
étoit litigieuse, parce qu’il y avoit opposition de la part
du sieur de Boissieu.
Telles sont en résumé t o u t e s les o b j e c t i o n s proposées
par les sieur et dame de Saint-Clément. Voyons si elles
�"
( î6 )
suffiront pour déposséder un r.cquérenr après seize ans
de possession.
M O Y E N S .
C ’est une erreur
Saint-Clém ent, de
de 1762 p o rte, de
donation entre-vifs
de la part des sieur et dame Sauzetsupposer que le contrat de mariage
la part du sieur de Saint-Marcel, une
de tous ses biens présens et
ven ir,
avec dessaisissement actuel de tous les biens présens. Il
est aisé de concevoir qu’en se mettant si fort à l’aise sur
l’étendue d’une clause principale, ils aient pu tirer des
conséquences fort à leur avantage.
Mais le père de famille qui fait une donation de tout
son b ien , sous réserve de cin q d o m a in es, ne fait point
une donation de tous ses biens présens ; car ce qui est
réservé n’est pas donné.
Il faut donc commencer p ar supprim er tout d’un coup
des moyens des sieur et dame Sauzet la qualité de dona
taires universels qu’ils se sont donnée de leur chef si
gratuitement.
Il ne faut pas plus s’attacher la proposition des sieur
et dame Sauzet d’interpréter largement cette réserve en
leur faveu r, sous prétexte qu’elle est par contrat de ma
riage : car c’est encore pour se donner la licence d’en induiro
de larges conséquences. Il est au moins bien étrange que
des héritiers institués appellent la réserve de l’instituant
une faculté exorbitante, comme si tous les biens n’étoient
pas à l u i , et comme s’il n’étoit pas plus vrai de dire que
tout
�J
( :7 )
tout doit être entendu, dans le doute, en faveur de celui
qui a fait la libéralité.
C ’est en effet un principe enseigné par Ricard , que s’il
y a quelque chose d’ambigu dans une donation, il'est
permis au donateur d’expliquer lui-même les bornes qu’il
a entendu mettre à sa libéralité, sans quoi il faudroitdire
qu’il est donateur malgré lui ; ce qui résiste à la plus
simple définition de ce geni’e de contrat : U o n a tio est
hberalitas quœdatn qitce nuUo ju re cogente conceditur.
Ici le sieur de Saint-Marcel a non-seulement expliqué
lui-même l’étendue de sa réserve, mais encore cette étendue
est tellement claire et précise, qu’il faut seulement lire
avec attention l’acte lui-m êm e, pour être certain qu’il ne
faut aucune interprétation.
L e sieur Saint - Marcel s’est réservé de vendre cinq
domaines, et en outre des ch am ps, vignes et prés ; et
déjà il a annoncé, par l’étendue de cette réserve, que son
héritière n’auroit pas le droit de le tracasser tant qu’ il
n’auroit point vendu tons ces objets. Il lui a annoncé
encore que tous ces objets n’étoient point nominative
ment compris dans la donation et dans la tradition effec
tive qui en étoit la suite.
A la vérité le sieur S a in t-M a r c e l exprime pourquoi
il a intention de vendre; mais à supposer que cela veuille
dire qu’ il s’impose des conditions à lui-même pour ne
vendre qu’une portion des objets réservés, il est au moins
certain que tout ce qu’il a destiné à être rempli par cette
réserve , doit être épuisé sur la réserve e lle -m ê m e , et
q u e , jusqu’à cet épuisement, l’héritière n’a nulle espèce
de droits sur aucune portion de Indite réserve.
Il s’agit donc d’examiner si le sieur Saint-Marcel avoit
C
�( 18 )
éteint en 1 7 9 1 les objets qu’il avoit retenus dans ses
propres biens, et toutes ses dettes passives; à tout quoi
les biens à vendre devoient faire face : car voilà toute
la cause.
Q r , il résulte de l’état double fait entre le sieur St.Marcel et son gendre , le même jour du contrat de
mariage, que ces dettes se portoient à 49600 f r . , à quoi
le sieur de Boissieu ajouta 2000 fr. dûs à lui-m êm e, et
2000 fr. dûs à un sieur D adiac, ce qui fit ¿3600 francs.
2». L e sieur Saint-Marcel s’étoit réservé 12000 francs
pour en disposer ainsi qu’il aviseroit, et cette somme
ajoutée à la précédente, porte la réserve à 656 oo francs.
3°. L e sieur de Saint-M arcel déclara dans le temps
avoir oublié quatre sommes par lui dues; savoir, 400 fr.
au sieur Ladevèze , p rêtre , pour un billet de 175 7;
957 francs, pour arrérages de cens dûs au sieur Gaillard;
800 francs p o u r les in térêts de la lég itim e du sieur S a in tMai'ccl, c u ré ; et 5 6 2 francs dûs au sieur Im bcrt, son
procureur ; tout quoi avoit été payé lors des diverses
ventes consenties par ledit sieur S a in t-M a rc e l, suivant
plusieurs quittances bien antérieures à 1790.
40. Il restoit dû au sieur de Boissieu lui-m êm e plu
sieurs sommes non payées de l’avancement d’hoirie cons
titué à la dame Saint-Marcel, son épouse; et il résulte
des diverses quittances par lui données audit sieur St.M a r c c l, qu’il a reçu après 1762 une somme de 11000 fr.
provenante de diverses ventes.
Ainsi en récapitulant les dettes acquittées par le sieur
Saint-M arcel, de 1762 à 178 8, époque de la dernière
vente antérieure à celle faite au sieur Souteyran, on
trouve que le sieur Saint-Marcel a payé, d’après son état,
�( *9 )
,
ï°. A u sieur Da'diac.........................................
2°. A u sieur Gaillard, pour censives, suivant
sa quittance de 1766..............................................
3 °- Aux, religieuses de V a is .........................
2000 fr.
9$7
2000
2000
1800
4°. A ' l a ca th é d ra le .........................................
5°. A u sieur Farenge, prêtre.......................
6°. A u sieur Sain t-M arcel, curé, pour sa
légitime, suivant quittance du 4 décembre
1 7 7 2 ...........................................................................
6800
7°. A u sieur L a d e v è ze , suivant quittance
du 30 juin 1 7 7 1 .....................................................
4°°
8°. A u sieur Imbert, suivant quittance du
8 octobre 1 7 8 4 .......................................................
562
90. A u x sieur et dame Saint - Julien , en
onze quittances....................................................... 256 oo
io°. A u sieur de Boissieu, en cinq quittan
ces .............................................................................
11000
53119 fr.
Il lui restoit i\ payer 12000 francs ù
la dame Saint-Julien, et il avoit encore
sa réserve personnelle de 12000 francs.
Y
>
24000
J .
77119 fr.
Venous maintenant aux ventes consenties par le sieur
de Saint-Marcel.
L e sieur Saint-Clément, à. la page 21 de son m ém oire,
les porte trente-deux, montant h 51918 francs.
D ’abord les articles 3 et 4 font double emploi, parce
que le domaine entier de Mons fut vendu au sieur lle y m ond, prêtre, qui ensuite eu aliéna deux héritages u la
C 2
�■ û*
(
20 )
veuve Galien ; et comme la vente du sieur Reymond
n’étoit que sous seing p r i v é , il pria la dame Arcis de
vendre en son nom à ladite veuve Galion. L e prix de
cette dernière vente fu t de 2000 francs, et 2Ôo francs
d’épingles, que le sieur Reymond reçut en déduction des
8000 francs par lui dûs.
A cela près nous supposerons que toutes les autres
ventes sont exactes, quoiqu’elles ne soient pas toutes jus
tifiées; nous admettrons même les deux dernières, que
le sieur Sauzet-Saint-Clément n’auroit peut-etre pas dû
oser porter en compte, car elles font partie des honneurs
funèbres du sieur Saint-Marcel, qui avoit trouvé prudent
d ’y pourvoir par lui-même.
Nous ne porterons donc en déduction des 51918 francs
ci-d essu s, que 225 o francs pour le double em ploi; ce
qui réduit les ventes à 49668 francs.
L e sieur Saint-Marcel étoit donc en avance, avant 1791,
de la somme de 3451 francs , outre les 12000 francs dûs
à la dame de Saint-Julien, et sa réserve personnelle de
12000 francs.
Il avoit donc le droit de vendre encore jusqu’à con
currence de 27451 francs.
Cependant il n’a vendu que jusqu’à concurrence de
21427 francs.
A in s i, quand il faudroit s’en tenir même à l’état des
trente-deux ventes désignées par le sieur Sauzet-SaintC lém ent, il l’esteroit toujours une somme excédante; et
le sieur Saint-Marcel, en vendant en 1791 > n’auroit pas
même rempli toute la somme qu’il avoit droit d’atteindre.
Cette démonstration est si claire, qu’elle rend à peu
pi’ès inutile de répondre à la plupart des objections du
�(
21
)
M
sieui-Saint-Clém ent contre la vente faite au sieur Souteyran.
L e défaut de délégation et d’emploi étoit déjà démenti
par la vente elle-même.
v
La négation du sieur Saint - C lém en t, d’avoir reçu
9000 francs qui restoient dûs de l’avancement d’hoirie du
sieur de Boissieu , est encore démentie par l’état ci-dessus,
et par les quittances données au sieur Saint-Marcel. L e
sieur de Boissieu a mcme reçu 11000 francs ; ce qui
complète les 9000 francs ci-dessus, et les 2000 francs du
b ille t, qu’il fit ajouter à l’état des dettes.
L e sieur Saint-Clément ne peut pas pardonner à son
aïeul d’avoir payé la dame de Sain t-Julien de toute sa
dot ; ce qu’il appelle avoir payé par anticipation , et
contre la convention de 1762, au moins pour une moitié
qui n’étoit payable qu'après son décès.
Mais cette objection même porte avec elle sa réponse *.
car qui devoit payer?
A la vérité , lors du mariage de la dame de SaintJulien , il fut pris des termes éloignés , qui alloient
jusqu’au décès des sieur et dame Saint-Marcel.
11 en résultoit que le dernier terme n’étoit payable que
par les héritiers desdits sieur et dame Saint-Marcel.
Mais lorsque ces derniers, en mariant leur fille cadette,
en 1762, se réservèrent cinq domaines pour payer leurs
dettes, parmi lesquelles fut comprise la dot de la dame
de Saint-Julien , cette clause précédente fut dénaturée.
Car on ne peut pas entendre sans doute que les sieur
et daine Saint-Marcel payeroient les 2Ôooo francs de dot
après leur d é cès, puisqu’ils avoient stipulé qu’ils ven~
droient pour payer eux-rnérnes.
�( « )
il suffit donc de remarquer que la dot de 25 ooo fr. est
comprise dans les dettes pour lesquelles le sieur SaintMarcel s’étoit réservé de vendre. Cela seul justifie la vente
qu’il a consentie pour achever le payement de cette dot.
D ’ailleurs les assignats, le danger de laisser ce payement
à demander au sieur de Boissieu, justifient encore mieux
le sieur Saint-M arcel, qui avoit bien eu assez des tra
casseries personnelles qu’on lui avoit fait éprouver, sans
en léguer d’autres à la dame de Saint-Julien.
Faut-il parler du moyen du sieur Sauzet, fondé sur
le mot fin a lem en t? Il prétend que Chaspuzac étant le
dernier nommé des cinq domaines, il auroit fallu vendre
les autres auparavant.
O n n’a pas vendu Orzillac qui étoit le premier in
diqué, et le meilleur : il s’en plaint.
Ainsi il tire parti de tout. Vendre lui fournit un
moyen ; ne pas vendre lui en fournit un autre.
Une des objections du sieur Sauzet ( page 45 ) , est
dirigée contre les premiers juges eux-mêmes. II les ac
cuse d’avoir laissé insérer dans le jugement l'aveu des
p a rties, qu’ il y eut 4000 francs ajoutés à l’état des dettes
de 49600 francs. C ’est, d it - il, une erreur ou une sur
prise, parce que ces 4000 francs n?étoient pas dûs ; et
il faut effacer cela du jugement.
Eli bien ! le sieur Sauzet l’a très-hautement avoué à
l’audience, et il ne pouvoit pas le nier.
Car l’addition fut faite et signée par le sieur de Bois
sieu , pour son propre intérêt. En effet, sur 4000 francs il
y avoit 2000 Irancs dûs à lui-même : et il n’a pas manqué
de les toucher, comme on le voit en l’état du sieur SaintMarcel.
�( 23 )
Il veste à dire un mot , un seul mot du reproche
fondé sur ce qu’un procui’eur ne peut pas acheter des
droits litigieux.
Cela est très-exact en principe. Mais où le sieur Sauzet
a-t-il puisé qu’un immeuble, un dom a in e, fût un droit
litigieux ?
L a loi P e r diversas, qu’il invoque, dit qui redimunt
libídine v ili actiones litigiosas.
Mais à supposer qu’un exploit insensé pût pi'oduire un
litige, le sieur Souteyran n’achetoit pas une simple action;
il n’achetoit pas le droit de poursuivre une liquidation
inconnue. 11 acheloit une propriété certaine, et il en
obtenoit la tradition dans l ’instant même.
L ’objet de l’3*cte étoit donc déterminé et connu. Il n’y
avoit rien d’inconnu au vendeur, et dès-lors tout le motif
de la loi cesse, parce qu’elle n’a voulu prévenir que l’abus
de confiance qui résulteroit du cas où un procureur, plus
au fait que son client de la valeur d’une action litigieuse,
l’achèteroit à vil p r ix , en le trompant.
Celte méchanceté du sieur Sauzet-Saint-Clément est donc
sans application; et elle étoit d’autant plus de mauvaise
f o i , qu’ il sait bien que le sieur Souteyran père n’étoit
point le procureur du sieur.Saint-Marcel.
F a u t - i l ne pas omettre encore la correspondance du
sieur Saint-Marcel aux sieur et dame de Boissieu, qu’il
menaçoit d'un hom m e de loi q u i les mener oit d u r ?
Ce n’est pas cette correspondance qui fera le plus d’honneur
à ceux à qui elle est adressée : car ce qu’on voit de plus '
clair dans le peu que le sieur Sauzet a jugé à propos d’en
extraire dans une écriture, c’est que le sieur Saint-Marcel
avoit de grands reproches à faire à son gendre et à sa fille.
�( 24 ')
Ce respectable v i e il l ard a v o it de grands regrets d’avoir
réduit La dame de Saint-Julien, sa fille, à 40000francs; les
procédés de son héritière le navroient. de douleur , et
il s’en plaignoit amèrement. Q u ’il menaçât son gendre
de s’adresser à des hommes de loi pour cesser d’être
opprimé par lui , cela étoit fort naturel dans la position
du sieur de Saint-Marcel. Il a plu au sieur Sauzet d’ad
juger cette menace au profit du sieur Souteyran p è r e ,
quoiqu’il sache fort bien que ce procureur-là étoit moins
à craindre que le sieur de Boissieu.
Mais tout cela n’est pas la cause. L e sieur Souteyran a
acheté un domaine du sieur Saint - Marcel : il en a eu le
droit. Il pouvoit payer en assignats, il a payé en argent;
ceux qui l’ont vu existent.
Il exigea une estimation plutôt par délicatesse que par
nécessité ; et il paya à dire d’experts. A u jou rd ’hui une
seconde estimation est ordonnée : le sieur S o u teyran eût
pu s’en p la in d re ; mais il n ’y a vu que le m oyen de jus
tifier son p è re, en prouvant qu’il n’a point acheté à vil
prix. L e sieur Sauzet au contraire attaque un jugement
qui lui permet d’établir qu’il a dit la vérité; mais il trouve
plus commode d ’insulter le sieur Souteyran, que de laisser
éclaircir s’il n’en impose pas.
» ’
Me. D E L A P C H I E R , avocat.
'
M°. B E A U D E L O U X , avoué.
A RIOMDEL'IMPRIMERIEde THIBAUD-LANDRIOT, imprimeur de la Cour d’appel.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Souteyran. 1807?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Beaudeloux
Subject
The topic of the resource
contrats de mariage
réserve héréditaire
donations
abus d'autorité
créances
assignats
vin
experts
féodiste
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour le sieur Souteyran, ancien avocat au Puy, intimé ; contre le sieur Sauzet-Saint-Clément et la dame Salvaing de Boissieu, son épouse, appelans.
Table Godemel : Donation : 11. le père qui, par contrat de mariage de sa fille, 8 juin 1762, lui a fait donation de tous ses biens présents et à venir, sous la réserve expresse de vendre et aliéner les domaines par lui spécialement désignés, à leur juste valeur, et sur le prix de l’estimation, pour servir au paiement de ses dettes, des constitutions dotales de ses deux filles, et de la réserve qu’il s’était faite d’une somme de 12 000 francs pour en disposer à son plaisir et volonté, a-t-il pu user de la faculté de vendre les objets désignés, tant que ses obligations n’ont point été amorties ? sa fille peut-elle critiquer les dernières aliénations, en se prétendant donataire de tous les biens présents, et en soutenant que la faculté insérée dans son contrat de mariage est exorbitante et doit être interprétée en sa faveur ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1807
1791-1807
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1821
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1822
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53348/BCU_Factums_G1821.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chaspuzac (43062)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus d'autorité
assignats
contrats de mariage
Créances
donations
experts
féodiste
réserve héréditaire
vin
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53351/BCU_Factums_G1824.pdf
1abe74ecb1c2fb1ae8ad9dd890c035b6
PDF Text
Text
M
É
M
O
I
R
E
POUR
M a r i e D A Y M A R D , v e u v e L a c r o ix , et M a r i a n n e
C O U D E R C , fem m e de D u r a n d - R i e u x ,
appelantes;
.
'
.
C O N T R E
E m e k ic , M a r i e , M a r ia n n e
GINESTE et autres,
intimés.
L a famille Gineste fait plaider les héritiers D aym ard et Couderc, depuis cinquante ans, pour obtenir le recouvrement d’une
créance qu’elle ne conteste pas , mais qu’elle ne veut pas payer.
Un arrêt souverain donne à ces créanciers deux gages plus que
suff isans; c’est-à-dire, la légitime d’un oncle, dont les adver
saires sont héritiers, et la succession bénéficiaire de leur aïeule.
Mais si on en croit les héritiers Gineste, ces deux gages se ré
duisent à un seul, lequel se réduit à rien; car ils veulent que la
légitime n’existe pas , et que la succession bénéficiaire soit ab
sorbée pour leurs reprises.
l
�( O
Ces prétentions ne devraient pas être bien longues à combattre
après un arrêt; mais comme les juges de Saint-FIour se sont
permis d’infirmer cet .arrêt , sous prétexte de le commenter, il
est nécessaire de rappeler l’origine do la contestation, et quel
était son état lors de l’arrêt qu’il s’agit aujourd’hui de faire
exécuter.
F A I T S .
L e 7 juillet 1 7 4 1 Marie Duvel d eM u railla c, veuve de Gas
pard Second , de la ville de P le a u x , acheta du sieur Montesquiou de Saint-Projet , diverses rentes et censives, moyennant
6 ,124 fr.
Elle les revendit à Joseph Daymard et Jean Couderc, auteurs
des appelantes, le 10 janvier 1766, moyennant 6,674 fr.
Quand les acquéreurs crurent se mettre en possession des
objets vendus , ils trouvèrent un fermier judiciaire qui leur
apprit que la terre de Saint-Projet était en saisie réelle au par
lement de Toulouse.
lisse pourvurent pour obtenir la distraction des objets vendus ,
ou une indemnité, et assignèrent leur venderesse .en recours.
L ’arrêt d’adjudication ou d’ordrô ne leur accorda rien, et les
laissa seulement à faire valoir leur garantie contre la veuve
Second.
Ils étaient en cause contr’elle , en 1761 , lorsqu’elle m o u ru t,
la is s a n t pour héritiers Jean1Second son lils, prêtre, et les enfans
de Marie-Jeaune Second sa iillc,. mariée on 1767, au sieurEineric
Gineste, juge à Pleaux.
. Emeric Gineste, qui avait plaidé jusqu’alors avec sa bellemère et avec son beau-frèro, s’empara de tout; et néanmoins
il déclara, pour ses enfans, q u ’il n’entendait se porter héritier
que sous bénéfice d’inventaire. Il présenta une requête , fit
donner une simple assignation à son beau-frère qui habitait
Paris, et une assignation à cri public à tous prétendons droitj
puis il fit dresser un inventaire comme il lui plut.
�( 3 )
L e mobilier en évidence lui parut trop conséquent; et pour
en distraire la majeure partie, il produisit au juge-l’inventaire
de son beau-père mort en 1781, pour prétendre que tous les objets
de même nature, inventoriés en 1781, devaient être retranchés de
la succession Muraillac; puis, ayant mis ordre à tout, il atten
dit la poursuite des Daymard et Gouderc.
Ceux-ci assignèrent en reprise, les i . er et 20 décembre 1764,
tant 1abbe Second, que le sieur Emeric Gineste père, et Pierre
Gineste, son fils aîné, majeur. (iVo/a. Marie-Jeanne Second et
Emeric Gineste.avaient eu trois enfans ; Pierre, marié à Fran
çoise Delzor; Marguerite, qui a épousé un sieur Feneloux , et
Marianne).
'*
Ils apprirent, i.° que la dame Muraillac , avant son décès,
avait déposé des effets chez la dam eD hauzers, abbesse de Bra-'
geac, et chez les ursulines d’Argentac, sous prétexte de les des
tiner à l’abbé Second , son fils, victime de la chicane de son
beau-frère; 2.0 qu’elle avait vendu une maison au sieur Ghantegrie-Lavigerie ; et pour en dénaturer le prix , dont l’acte por
tait quittance, elle s’était fait consentir une obligation, dont le
sieur Gineste fils s’était emparé.
En conséquence, ils firent des saisies-arrêts dans les mains
de tous ces débiteurs de la succession.
‘ Nous verrons bientôt comment Pierre Gineste enleva des
t it r e s précieux déposés chez l’abbesse de Brageac, et qu’ il redou
tait singulièrement de laisser connaître. Peut-être chercha-t-il
à en faire autant chez les religieuses d’Argentac; mais soit qu’il
n*y parvînt p a s , soit de concert avec elles, elles firent vendre ce
mobilier en place publique, en y appelant seulement Gineste
père et fils; et la vente, frais déduits, produisit £96 liv. 7 sous
2 deniers.
Quant à la dette de Chnntegrie, les Gineste se voyant décou
verts , avaient pris 1111e autre tournure; au moyen de quelques
créances trouvées dans la succession , et auxquelles ils s’étaient
fait subroger, ils avaient ouvert un ordre, lors duquel ils
�se firent colloquer pour 1,742 francs, par sentence de 1765»
A in s i, par une main-mise générale, et par des manœuvres en
apparence régulières , mais qu’on ne révélait aux Daymard et
Couderc qu’à mesure qu’ils faisaient des découvertes , les
Gineste préparaient un long procès à des créanciers simples
et de bonne foi.
Cependant ces créanciers, convaincus de jour en jour que
toutes les démarches des sieurs Gineste étaient une fraude diri
gée contr’e u x, conclurent, par requête du 11 mars 1 7 8 5 ,3
être reçus à prouver que postérieurement à 1770, Pierre Gineste, fils d’Emeric (décédé alors), avait fait acte d’héritier
en vendant des objets de la succession, et payant des dettes:
subsidiaireinent ils conclurent à ce qu’il rendît compte du
bénéfice d ’inventaire.
E n 1786, ayant appris que l’abbé Second était décédé, ils
conclurent à la reprise contre les Gineste en qualité de ses
héritiers; et on voit dans un mémoire du 25 juillet de la même
année, qu’ils y observent que l’abbé Second est mort créancier
de sa légitime paternelle et maternelle, et que les Gineste doi
vent la rapporter pour faire Face à la dette de la Muraillat.
O11 voit bien une réponse à ce mémoire de la part des G i
neste, sous la date du 29 août 1786; mais 011 n’y a pas remar
qué qu’ils aient trouvé une seule objection à faire contre cette
demande de la légitime paternelle de l’abbé Second.
On a élagué de cette procédure toutes les chicanes et conclu
sions de forme des Gineste, qui, à chaque suspension deproeéi
dure, commandée par plusieurs décès successifs des parties et
des procureurs, et plutôt par le besoin de surveiller leurs dé
marches, ne manquaient pas de demander des péremptions,
sur-tout lorsque le teins de la prescription fut venu ; et quand
ils n'y réussissaient pas, ils demandaient leur renvoi de T o u
louse à A u rillac, pour rendre commun aux Daymard un compte
bénéficiaire qu’ils y avaient présenté en 1772, à un créancier de
a ï o francs.
�( 5 ) ’
, • C ’est en cet état que fut rendu au parlement de Toulouse , sur
productions respectives , entre les parties , et par défaut, contre
les tiers saisis, le g mars 1789, un arrêt qu’il faut mettre en son
entier sous les je u x de la cour, puisque les difficultés princi
pales qui s’élèvent aujourd’hui, naissent de son exécution.
» JSotredite Cour..........démet ( les Gineste ) des demandes
« à ce que l’instance soit déclarée périmée......... ; condamne
« lesdits Delzor (veu v ed e Pierre G ineste), Parlange (tuteur),
« Feneloux et Marguerite Gineste mariés , en leurs qualités
« cohéritiers de Joseph Secon d , fils de ladite Duvel de Mu« ra illat, et oncle maternel dudit Pierre Gineste, à payer aux« dits Daymard et Couderc, à concurrence de la légitim e du~
<t dit Joseph Secon d, la valeur des rentes vendues à leurs pères
« par ladite Duvel de Muraillat, par l ’acte du 10 janvier 1756,
« suivant l’estimation qui sera laite desdites rentes, de l’auto« ri té de notre Cour, relativement à l’époque de l’éviction, par
« experts, avec les intérêts légitimes de ladite valeur , qui
« seront fixés par lesdits experts..........et demeurant la d é e la « ration fa ite par ledit fe u P ierr e -J e a n Gineste devant les
«
«
a
«
«
ordinaires de Pleaux ; qu'il n'a accepté, en qualité de tuteur,
la succession de ladite D u v e l son aïeule , que sous bénéjice
d'inventaire, et recevant la répudiation de ladite succession,
a ordonné et ordonne qu’à concurrence des sommes dues auxdits Daymard et Couderc, tant en capital, intérêts que dé-
«
«
«
«
«
p e n s , ladite Delzor et ledit Parlange seront tenus, chacun
comme les concerne , de rendre com pte auxdits Daymard et
Couderc , de tous et chacun les meubles et effets mobiliers
qu’ils ont reçus, provenans de la succession de ladite Duvel
de Muraillat , ensemble des f r u it s , intérêts et jouissances
« jusqu’à cejourd’hu i, tant desdits meubles et effets que de tous
« autres biens par eux possédés, et dépendans de ladite succes« sion , suivant l’état que lesdits Daymard et Couderc en don« neront, sauf les impugnations et exceptions de droit ; comino
« aussi ordonne que lesdits Parlange et Delzor seront tenus en
�( 6 )
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
leurs dites qualités de rendre compte de toutes et chacunes les
som m es, que lesdits Daymard et Couderc justifieront avoir
été pajées par ladite D uvel de Muraillac, à la décharge de
l ’hérédité de Gaspard Second, et deles rembourser, le cas y
échéant ; et déclarant les défauts pris contre lesdits ChantegrieLavigerie, le s religieuses de Ste.-Ursule d’A rgentac, Fabbesse
du couvent de Brageac, et Jean Tillet tous banitaires, bieft
poursuivis et entretenus ; ordonne qu’ils remettront, chacun
en droit soi, auxdits Daymard et Couderc, les sommes en leurs
mains bannies, à la requête de ces derniers, et ce, à concur-
-K rence des sommes capitales, et que pour le surplus desdrits
u banimens , lesdits banitaires en demeureront dépositaires
« ju sq u 'à L'apurement du com pte à rendre; comme aussi dans
« le cas que les sommes qui seront délivrées auxdits Daymard
u et Couderc ne seront pas S u f f i s a n t e s pour remplir le montant
<c des condamnations prononcées en leur faveur par le présent
,a
«
«
t«
arrêt; leur permet d eJaire sa isir, d’autorité de notre C ou r,
les immeubles et autres o b je ts , qu’elles découvriront être
dépendans de la succession de ladite Duvel. Sur toutes autres
demandes, fins et conclusions desdites parties, les a mises , et
« met hors.de cour et de procès; condamne lesdits.Delzor et
ft Parlange, comme procèdent, au x dépens de d 'in s ta n c e , en1
« vers lesdits Daymard et Couderc , taxés à z 3 i fr. 19 s.
L a première opération , faite en exécution de cet arrêt, fut
J’estimation des objets évincés. L e rapport dos experts , etl
date du 22 février »790, les évalue à
7,525 fr. 10 s. à quoi
ils ajoutent les intérêts de 1756 à 1782, fixés a 10,998 f. 17 s. 9 di
de sorte que la créance des sieurs Couderc et Daymard , ¿ladite
¿poquc de 1782, a été réglée à 18,524
7 s* 9
Ce rapport 11 été homologué par un 2 / arrêt du 3o avril 1790'.
L e 19 janvier 1.791 , après la suppression dit parlement de
Toulouse, les héritiers Gineste assignèrent les héritiers Couderc
et Duyniard devant le tribunal du district de Salers pour pré
senter le compte ordonné; c’est ce compte .qu’ il s’agit de dé-
�battre, et sur lequel il ne faut pas méditer lo n g -te in s, pour
s’nppercevoir que de prétendus héritiers bénéficiaires s’efforcent
d’expolier un créancier légitim e, eu ne révélant que ce qu’ils
ont cru le plus en évidence.
, Avant de parler de ce com pte, disons un mot de la position
de la dame Duvel de Muraillac , à son décès.
.Mariée en 1720, elle eut pour 5 oo fr. de bagues et joyaux,
ou augment,
.Elle fut héritière fiduciaire de son m ari, par testament de
1731 ; mais légataire personnelle des revenus.
. Elle fut héritière fidéicommissaire de Marie-Jeanne Second,
femme d’Emeric Gineste, sa fille, par testament de 1744, et
encore légataire personnelle des jouissances.
Elle f u t , pendant longues années, fermière de Pleaux ; et
elle passait pour la personne la plus aisée de l’endroit.
Elle laissait en immeubles plusieurs vignes et une terre de
deux septerées, plantée en châtaigniers.
Elle avait vendu un immeuble au sieur Lavigerie : le contrat
portait quittance ; mais il y avait une contre-lettre. ( jSota. U n
créancier en eut connaissance, força le sieur Gineste à rapporter
la somme : ce qui donna lieu à l’ordre dont on a déjà parlé ).
Elle avait vendu un moulin aux religieuses d’Argentac; et,
par une contre-lettre, ces religieuses s’étaient obligées de nourrir,
pendant trois ans , une demoiselle que devait envoyer la dame
de Muraillac. Cette contre-lettre était encore dans les papiers
de sa succession.
E n fin , comme on l ’a déjà d it, elle avait fait, peu de tems avant
sa mort , un dépôt de papiers et d’argenterie entre les r a a in s r
de l’abbesse de Brageac, pour remettre à l’abbé Second son fils.
.Les*-. Gineste n’avait pas eu plutôt connaissance de ce dépôt, q u ’i l
avait couru à l’abbaye de B rageac, pour le r é c la m e r . Juge de cette
abbaye ,il dut persuader ou épouvanter une religieuse simple et
scrupuleuse, qui craignit d’avoir paru favoriser uulégitiraaire, au
�( 8 )
préjudice de l ’institué. Comment d ’ailleurs s’exposer à un procès
contre le sr. Gineste, juge, a vocat, et qui passait sa vie à plaider?
L ’abbesse de Brageac devait faire valoir une saisie-arrêt faite
entre ses mains par les sieurs Daymard et Couderc ; mais le
sieur Gineste leva encore cette difficulté, en donnant une ga
rantie à l’abbesse de Brageac , et se soumettant à représenter le
dépôt aux créanciers.
Cette dernière particularité ne fut connue des sieurs Daymard et Couderc, qu’après l ’arrêt de 1789, par une opposition
que fit l ’abbesse de Brageac, le 11 septembre 1790, à l’exécution
dudit arrêt, commencée contr’elle à leur diligence.
Cependant ils gardèrent le silence sur cette révélation, pour
savoir si les Gineste comprendraient dans leur compte ces objets
non inventoriés, ou s’ils auraient l’infidélité de les taire.
Il ont eu cette infidélité.
L e compte rendu est divisé en trois chapitres de recette, et
un chapitre de dépense.
L e i . er chapitre de recette n’a que 3 articles.
1 .er A rticle: 100 fr. pour le mobilier de la daine de Muraillac,
parce que, dit-on, il a fallu distraire de son inventaire, fait en
17 6 1, le montant de celui du père, fait en 1781, par la raison
q u ’elle avait retenu ce mobilier, en vertu du testament de 1731.
2.® Article : 5oo fr. pour les bagues et joyaux de ladite M u
raillac. (N o ta . Les Gineste ont jugé à propos, après avoir fait
régler l’article à cette somme, par un jugement par défaut, de
réduire l ’article à 66 liv. 12 sous 4 deniers, en disant que leur
mère n’avait droit qu’à une portion virile de ses p r o p r e s reprises ).
3 .e Article 1400 fr. pour tous les arrérages de la ferme de
Pleaux, touchés par eux après sa mort.
a.e Chapitre de recette, un seul article,
Composé des immeubles de la succession. Il n’est présenté
que pour mémoire.
3 .®Chapitre de rece tte , un seul article.
Des jouissances desdits immeubles depuis 1761 jusqu’à 1790»
�( 9 )
. h 2.0 fr. par an , attendu que l ’évalution dans les rôles ne porto
le produit net qu’à n fr. ; c’est, pour 29 ans. . . 58o 1.
s'.
Chapitre de dépense, 20 articles ;
i .° Reprise sur le mobilier. ............................... 900
2.0 et 3 .° L e sieur Giueste est créancier person- .
nel d e .............................................................................. yo5
4.0,
5 .° et 6.® Il est créancier, pour legs fait à
Marie-Jeanne Second, par Jeanne Muraillac , de
7 .0 Frais de maladie et enterrement....................
546
114
8.° Frais de scellés , inventaire , requêtes,
exploits et affiches............................................... . .
90
i3
9.0 Pour valeur d’immeubles paternels, vendus
à M e d a l , par. la Muraillac.........................................1,000
io.° et i i .° Payé au sieur L anglad e, ou gardes
baillistes de Saint-Projet, et f r a i s ........................... 1,224
12.0 Payé à Etienne Boyer, créancier.................
110
i 3.° Pour frais faits contre ledit Boyer , pour
lui rendre compte du bénéfice d’inventaire . . . .
60
14.0 Pour impôts de 1759 à 1.771, ou pour in
térêts d’une créance Lacoste......................................
çyj
14
1 5.0 Plus, au sieur Bastide, créancier d’un billet.
174
16
16.0 Plus , au sieur Vaissière , créancier d’un
b ille t
144
17.0 P lu s , à l’abbesse de Brageac, pour pro
messe du 26 mai 1761...................................................
72
18.0 Plus, au sieur Biard , créancier par sen
tence de 1 7 4 2 ...............................................................
201
17
19.0 Pour les dépens auxquels sont condamnés,
par l’arrêt de 1789..........................................................
23 i
19
20.0 Pour les frais du présent compte.................
9^
a
�k.* M
( 10 ) '
D ’où il suit que la dépense excède la recette de 4,191 liv.
6 den.; et les Gineste en concilient qu’ils doivent être renvoyés
de la demande (1).
Ce compte fut débattu par requête du 5 novembre 1791; et
indépendamment de la critique faite aux articles ci-dessus, les
sieurs Couderc et Daymard iirent un chapitre d ’om issions com
posé de 5 articles ;
i .° Pour la somme touchée par le sieur Gineste,
du sieur Chantegrie , acquéreur de la Muraillac . . . 1,782 1.
2.0 Pour les trois ans de nourriture due par l ’ab
baye d’Argentac , et dont Gineste avait donné ac
quit en 1770.. . . •••• .
........................
1,200
3 .° Pour valeur du dépôt retiré de l ’abbesse de
Brageac. . ...................................... .................................. 10,000
4.0 Pour d ix-sep t années de jouissances que la
Muraillac avait eu droit de toucher des biens de
son m ari, en vertu du testament de 1744 , et dont
Gineste s'était emparé; la succession valant 80,000 fr. 34,000
5 .° Pour la quarte trébellianique qu’elle avait eu
droit de retenir sur ladite succession, d’après ledit
tostament. ...........................................................................20,000
Par la même écriture, les sieurs Daymard et Couderc obser
vèrent que la légitime de l ’abbé Second , dont les adversaires
sont héritiers, aurait dû être fixée; et que comme il a recueilli
un sixième dans les biens de Gaspard Second , son p ère, il s’agit
de représenter ce 6.e pour faire face aux condamnations de l’arrêt
de 1789. En conséquence, ils indiquèrent les immeubles devant
servir à composer ladite légitime.
(j ) En
1 7 7 2 , G in e ste avait présenté un sem b lab le com pte à E tien n e
B o y e r , d é n o m m é au x articles 12 et i3 .
A lo r s la dép en se ex c é d a it la recette de a,3o4 fr. seu lem en t.
É tie u u e
D o y e r n ’en
Ic sd ils a it. j » e i j
3.
a
p a s m o in s su se fa ir e p a y e r , c o m m e le p r o u v e n t
�( ïï )
Ils conclurent, en conséquence, à ce que, sans s’arrêter au
compte frauduleux, présenté en 1790, les adversaires fussent
condamnés en leur nom.
Subsidiairement à ce que les adversaires fussent tenus de con
tester , dans la huitaine , la composition de la légitime de l’abbé
Second, sinon la déclarer suffisante, et condamner les adver
saires à en payer le montant, en exécution de l’arrêt ; sauf, en
cas de contestation , à faire estimer la succession.
Et en ce qui touche la succession bénéficiaire, et audit ca s,
à ce que les chapitres fussent réglés aux sommes ci-dessus , et
les adversaires condamnés aux dépens, sous réserve de pour
suivre les tiers-saisis, et de faire saisir les immeubles , en con
formité de l’arrêt.
Les adversaires répondirent à ces débats par une requête du
16 mars 1792 ; et persistant dans leur compte, ils s’attachèrent
principalement à soutenir que l’arrêt de 1789 ne soumettait
au payement de la créance Daymard et C ou d erc, que la légi
time maternelle de l’abbé Second.
Subsidiairement ils prétendirent qu’il avait accepté la desti
nation de la légitime paternelle fixée à 1,000 fr. par le testa
ment de 1 7 3 1, et qu’il avait donné plusieurs quittances, soit
par des lettres missives, soit par un acte de 1752.
Quant au dépôt d e l’abbesse , ils dirent, sans beaucoup de dé
tail (quoique la requête ait cent douze rôles ) , qu’ils offrent com
munication de titres pris chez l’abbesse, lesquels ne signifient rien,
et que d’après l’arrêt, c’est aux Couderc et Daymard à indiquer
en quoi consistent les biens de la succession de Muraillac.
L e s Gineste sentaient bien que leur désir de soustraire ces deux
points principaux était singulièrement contrarié par l’arrêt du
parlement de Toulouse. A u ssi, dans leur requête, iirent-ils une
sortie vigoureuse contre ce parlement pour lui reprocher son
arrêt.
L ’injustice de cet arrêt, disaient-ils, est révoltante , en cc qu’il
a jugé l’abbé Second, héritier pur et simple de sa mère : car
�Gineste étant héritier bénéficiaire, on ne p o u v a it, suivante u x ,
soutenir l ’autre héritier pur e tsim ple, suivant Dumoulin. « C ’est
« a in si, s’écriaient-ils, que des gens qui ont acheté le droit de
« juger les hommes, remplissaient leur devoir. Et on s’est laissé
« entraîner par le torrent d’un siècle de despotisme, au point de
« regarder jusqu’à présent leurs jugemens comme des autorités
« respectables ».
Il faut croire que cet anathème, né à Salers, n’a pas au
trement nui à la réputation des magistrats de Toulouse, et que
leur arrêt n’en sera pas moins respecté.
L a cause était sur le point d’être jugée en 17 9 3 , lors de
la suppression des droits féodaux, fort étrangère sans doute
à la contestation. Mais le tribunal de Salers , qui ne voulut
pas imiter le parlement de Toulouse, et se laisser accuser de
despotisme , ordonna qu’il en serait référé au comité de légis
lation , pour savoir s’il devait prononcer sur une vente de
rentes féodales, faite en 1756.
L e comité de législation répondit le 7 thermidor an 3 , au
tribunal de S alers, qu’il n’avait rien à juger sur la vente
féodale de 1756 , puisqu’il y avait un arrêt , et qu’il n’avait à
s’occuper que de son exécution ; qu’ainsi il devait passer outre.
Pendant ce tems-là le tribunal de Salers cessait d’exister, et
les femmes Couderc et Daymard assignèrent les héritiers G i
neste, par exploit du i . er fructidor an 4 , devant le tribunal
civil du Canlal pour voir donner acte de l’aveu , fait par les
Gineste , d’avoir retiré le dépôt de l’abbessede Brageac; en conséqn ence être condamnés, en leur nom, à payer la créance ;
subsidiairement composer la légitime de l’abbé Second, d’un 6.*
des biens de Gaspard Second, et apurer le compte de la succes
sion Muraillac , de la manière exprimée en la requête du 5
novembre 1791.
L e 14 pluviôse an 5 , les Gineste obtinrent un jugement par
d é fa u t, lequel homologue l’entier compte présenté par les ad
versaires, à l ’exception de trois articles ; savoir , i.° l ’intérêt des
�( *3 )
gains nuptiaux ;• 2.0 des revenus de vingt-neuf ans, portés an
3 -e chapitre de recette ; 3.° de l’art. i 5 du chapitre de dépense..
Autorise les adversaires à prélever les autres articles de dé
p en se , en capital et 1accessoires.
Ordonne qu’ils seront tenus de se charger en recelte des in
térêts de 5oo fr. montant des gains de survie depuis le décès de
la Muraillac.
. Ordonne , avant faire droit sur l’article des jouissances , qu’ils
seront estimés par experts, depuis et compris 1761 jusqu’à ce
jour.
?
*
Ordonne aussi, avant faire droit, que la signature relative à
l ’article i 5 du chapitre de dépense, sera vérifiée par experts.
Délaisse les Gineste à se pourvoir contre la femme Couderc ,
en remboursement de 5oo fr. par elle reçus pour la moitié de la
légitime, est-il d i t , de l’abbé Second, comme ladite somme ayant
été induement perçue avec l ’intérêt à compter du paiement.
( Nota. Ce dernier chef paraît être ajouté d’oflice, sans con
clusions expresses ).
Condamne les Daymard et Couderc aux dépens.
j
X.es femmes Daymard et Couderc formèrent opposition à ce
jugement, el les parties en vinrent à l’audience du i3 thermi
dor an 5 , où les Gineste conclurent au débouté d’opposition,
et demandèrent à ne porter en recette qu’une virile dans les gains
nuptiaux de 5oo fr. ; de leur p a r t , les Daymard et Couderc
persistèrent dans les conclusions ci-devant rapportées.
_Par jugement du 14 thermidor an
1
5 , le tribunal du Cantal
prononça sur le tout, ainsi qu’il suit : i.° En ce qui touche la de*,
mande en paiement personnel delà créance, il juge que les qualités
des parties sont réglées par l’arrêt de 1789 , lors duquel il fut'
question du dépôt de l’abbesse de Brageac , et qu’on ne peut plus
remettre en question une chose jugée; que Pierre Gineste avait
fait état des objets déposés et par lui retirés; qu’on en ofire la
communication , et qu’il n’est allégué aucune soustraction des
�( 14 )
pièces J or ou argent provenant du dépôt touché par Gineste.
2.° En ce qui touche la question de savoir si l ’arrêt parle de
la légitime paternelle de Jean Second, le tribunal juge que Jean
Second, étant réduit à une légitime de droit du chef mater
nel, et mort avant que Gineste prit la qualité d’héritier béné
ficiaire en 1786, il n’a pu être tenu des dettes de sa mère que
sur son 6.e des biens maternels ; que si on donnait à l’arrêt de
1789 une extension sur la légitime paternelle, ce serait prêter
aux juges qui l ’ont rendu, une ignorance des principes, invrai
semblable , et une contradiction manifeste, parce que si Jean
Second avait été assujéti sur les biens paternels, ce n’aurait pu
être que comme héritier pur et simple de la D u v e l, et alors
les mineurs Gineste, héritière médiats de leur oncle, auraient dû
être condamnés personnellement, tandis qu’ils ne l’ont été qu’à
rendre compte du bénéfice d’inventaire de la D u v e l, et cette
disposition de l’arrêt ne paraît avoir été mise que pour que les
mineurs Gineste ne pussent demander la distraction du 6.e du
chef de Jean, sur la succession de la Duvel; d’où il suit que cette1
condamnation ne peut porter que sur la légitime maternelle.
, Jl est ajouté que les paiemens faits parles Gineste, sur la lé
gitime paternelle de Jean Second, l’ont été par erreur et con-'
trainte , ou eu vertu des jugemens de Salers ; que le tout doit
être réparé en définitif, et que Jean Second ayant approuvé le
le legs et destination, en fournissant des quittances, acceptant
le titre, et se faisant payer les revenus en majorité, n’ayant ja
mais formé demande en supplément, les Daymard et Couderc,
après plus de trente ans de majorité, n’auraient jamais été recevables à exercer des droits prescrits.
3 .® En ce qui touche les gains nuptiaux, il juge que d’après
les novelles 98 et 12 7 , la Mtmiilluo n’avait pu retenir qu’une
virile de ses gains nuptiaux en propriété , et qu’il y a eu lieu de
changer les conclusions.
4.0 En ce qui touche les jouissances de la succession de Gas
pard Second, léguées ù la Muraillac en 17 3 1, il juge qu’en ren-
�( i5 )
dant le fidéicommis T elle ne s’est rien réservé; que le compte
énoncé au contrat n’est pas rapporté ; qu’elle n’a joui de la
maison, grange et jardin, qu’en vertu d’une contre-lettre non rap_portée, mais rappelée au testament de 1744, et au traité de 1747.
5 .° En ce qui touche les jouissances de la succession de
Marie-Jeanne Second, léguées à la Muraillac en 1744, il juge
que la Muraillac, ayant lait la remise de l’hérédité, sans rien
réserver, et sans faire publier la substitution, n’a pas eu droit
aux jouissances ; qu’il ne paraît pas qu’elle ait demandé judi
ciairement l’exécution de ce testament.
6.° En ce qui touche la quarte, il juge que la M uraillac,
n’ayant fait aucun inventaire, l’avait tacitement abdiquée ; que
d’ailleurs si elle avait joui, les trois quarts des fruits auraient
du être imputés sur la quarte, et l’auraient absorbée.
7 .0 En ce qui touche l’abbaye d’Argentac, il juge que rien
ne prouve que les Gineste en aient fait leur profit.
8.° En ce qui touche l’indemnité demandée en l’art. 9 du
chap. de dépense, il a pensé que le testament de 1 7 4 4 ^ oppo
sait, et que cette réclamation n’était pas fondée.
c
9.0 Eu ce qui touche les art. 2, 3 , 4 , 5 , 10 et i r du chap. de
dépense, il juge que, les premiers étant compensés par le traité
de 1747 , et même le sieur Gineste étant resté débiteur de la
Muraillac, de 678 f. 14
cette somme doit être portée en recette,
ou compensée avec les 1,200 fr. de l’art. 10.
■
>
10.0 En ce qui touche le mobilier porté en l'inventaire de
17 6 1, et sur le fait de savoir s’il fallait déduire le mobilier dé
1781, il juge qu’il n’y a lieu de rapporter que les objets recon
nus n’être pas les mêmes qu’en 1731.
i i , ° En ce qui touche l’art. i . er de dépense, relatif au mobilier
manquant,‘ le tribunal du Cantal pose la question, et n’y donne
aucun motif de décision; mais il y a débouté au 11.0 6 ci-apiès. ’
En conséquence , ledit jugement définitif, du 14 thermidor
an 5 , « i.° déboute les femmes Dnymard et Couderc de leur de« mande en condamnation personnelle, sauf à elles à prendre
�( 16 )
« comnïiimcation de l’étal des pièces et actes déposés ès-mains
« de l’abbesse de Brageac, et prendre à cet égard telles conclu« sions qu’elles aviseront;
« 2.0 Ordonne que la condamnation portée par l’arrêt du par« lement de Toulouse, du 9 mars 1789, en payement de la légiec time de Jean Second, n’a dû ni pu porter que sur la légitime
« maternelle, et nullement sur la légitime paternelle ; en consé« quence, ordonne que toutes les sommes payées par les Delzor
« et Gineste, à la suite des procès-verbaux et jugemens de pro
ie vision, seront portées au chapitre de dépense, ou compte de
« bénéfice d’inventaire de la succession de Marie Duvel ;
« 3 .° Ordonne que la somme donnée par Gaspard Second à
« la dame D u v e l, en leur contrat.de mariage, sera réduite à
« 166 Uv. i3 so u s4 deniers pour le tiers faisant la portion virile,
« avec intérêts à compter du décès de la dame Duvel;
« 4.0 Déboute lesdits Daymard et Couderc de leur demande
« à fin de payement des jouissances de la succession de Marie« Jeanne Second, et distraction de la quarte trébellianique;
« 5 0 Les déboute de leur demande à fin de pay ement de la
« pension stipulée par Marie D u v e l , avec les religieuses d’A r« genlac;
« 6.° Les déboute de la demande en rapport de 1,700 francs,
« montant de la collocation faite à Erneric Gineste, par la sen« tence d’ordre de 1765 ;
« 7 .0 Déclare les Gineste non-recevables à porter en dépense
»
t ,o o o
fr. pour dédommagement des aliénations faites par Marie
«
«
«
«
«
D u v e l, de certains héritages de la succession, vente de cabaux,
marchandises énoncées en l’inventaire fait après le décès de
Gaspard Second, ainsi que de la créance Faure, et legs fait à
Jeuime-Maiic Second; en conséquence, ordonne que les articles 1 , 2 , 3 , 4 , 5 , 9 du chapitre de dépense seront rejetés;
u j .° Ordonne que le chapitre de recette sera augmenté de
« 678 liv. 4 sous 4 deniers pour les causes du traité du 8 octobre
«. 1747, pour être ladite somme compensée au désir dudit traité,
« av«ec celle de 1,200 fr. p a y é e au fe rm ie r de Saint-Projet ;
�«
a
«
«
( i7 )
« 8.° Ordonne que les Gineste seront tenus de représenter les
meubles reconnus par l’inventaire fait après le décès de Marie
Duvel, être en sus de ceux portés en l’inventaire fait après le
décès de Gaspard Second, pour iceux être vendus, s’ils sont
en nature , ou en payer la valeur suivant l’estimation; décharge
« les Gineste de la délivrance du surplus des meubles;
« 9.“ Avant faire droit sur le surplus des articles du compte,
« et sur les demandes en main-levée du sursis, ordonne qu’il
« sera procédé à l’estimation des fruits et jouissances des im« meubles de la succession de Marie D u v e l, depuis son décès« jusqu’à ce jo u r , et des meubles ci-dessus, etc. dépens réservés. »
Tel est le jugement dont les héritiers Daymard et Couderc ont
ijîterjeté'appel. Ils vont, pour.proposer leurs moyens avec plus
de clarté, parcourir séparément les chefs qui leur ont paru cori-’
tenir des erreurs à leur préjudice, en suivant l’ordre même des
motifs dudit jugement.
«
•
»
•
f'
1
1. Dépôt de L’abbesse de Brageac.
Des créanciers légitimes , qui disputent ce qui leur est du
contre un héritier soi-disant -bénéficiaire, méritent toute la fa
veur de la justice; car tout est caché pour eux dans une fam ille’
étrangère : il faut donc que la conduite de l’héritier bénéficiaire
soit franche et de bonne foi. Il ne doit rien retenir ou dissimuler;
et si aptes son inventaire de nouveaux objets parviennent, soit
en ses mains, soit à sa connaissance, il est de son devoir de les
faire inventorier à l’instant : car les créanciers doivent tout v o ir’
dans l’inventaire,' sans rien chercher hors de cet acte. Tout cela'
est d’équité et de prinüipe. Voyons maintenant si le sieur Gineste
s’y est conformé.
Li'l dame Muraillac, veuve Second , voyant qu’elle avait plaidé"’
Joute sa vie avec le sieur Emeric Gineste père, et que le sieiir1
Pierre Gineste Son fils croissait avec les mêmes dispositions,
conçut des inquiétudes au sujet de Jacques Second , prêtre ,
3
�( "8 )
son fils, qui déjà , pour avoir sa pension du séminaire, avait élé
forcé aussi de soutenir un ou deux procès.
Elle déposa dans les mains de la dame Dhauzers, abbesse de
33rageac, un sac de papiers, et une corbeille d’argenterie, pour
le remettre, après sa mort, à l ’abbé Second. L e sac contenait,
à ce qu’il paraît , plusieurs titres et obligations qui étaient des
créances de la v^uve Second, tant contre divers particuliers,
que contre la succession de son mari. Il est notoire que sa ferme
de Pleaux était très-lucrative, et qu’elle avait un porte-feuille
considérable. Nous avons dit qu’elle mourut en 1761.
L e sieur Gineste se porta seulement héritier bénéficiaire, et
fit, en cette qualité, procéder à un inventaire en la même année
1761.
r Supposons , si on v e u f, que, lors de cet inventaire , il ne con
naissait pas ce dépôt.
Mais quand il est allé le retirer, devait-il s’abstenir de faire
ajouter ces objets à l’inventaire ?
11 était avocat et juge de Pleaux; il était de plus juge de
l'abbaye même de Iirageac. E ta it-il de bonne foi en retirant
pour lui seul, et non pour les créanciers , un objet inventorié?
Etait-il de bonne foi en induisant en erreur des religieuses qui
avaient pleine confiance en lui?
L es sieurs Dayinard et Couderc avaient fait une saisie-arrêt
entre les mains de l’abbesse, le 22 août 1764.
Quand leurs veuves voulurent l’assigner sur leur saisie-arrêt,
en 1780, elle répondit, par une requête du 21 juin 17O3 , qu’à la
vérité la dame Second lui avait remis un sac cousu, contenant
des papiers, sans aucun état ou mémoire, et une corbeille do
jonc, contenant 3o Iiv. à'dlain travaillé, pour remettre, après
son décès, à l’abbé Second, son fils, alors à Paris; qu’elle remit
ce dépôt au sieur Gineste, en 1772 , et avait dû le lui remettre,
parce que la dame Second et l’abbé étaient morts , et que les
sieur Dayinard et Couderc s’étaient absentés; que d’ailleurs il
y avait prescription.
�•
' ..
^ 19 )
A va n t celte signification, l’abbesse avait marqué à la veuve
Lacroix , par une lettre du 26 mai 1776, que M. Gineste , hé
ritier sous bénéfice d’inventaire, et autorisé en justice, avait
retiré ce dép ôt, et l’avait porté à Aurillac, avec l’inventaire des
effets de la veuve Second.
Ainsi le sieur Gineste avait persuadé à cette dame qu’il était
autorisé de la justice pour retirer ce dépôt.
Il lui avait persuadé, pour vaincre ses scrupules sur la desti
nation du dépôt, que l’abbé Second était mort en 1772, à Paris ;
et il n’est mort que le 21 avril 1777.
Il lui avait persuadé que les sieurs Daymard et Couderc ,
créanciers saississans en 1764, s’étaient absentés, et il savait
qu’ils étaient morts.
Il parlait de péremption à une religieuse qui devait certai
nement le croire; et cependant il savait bien qu’une saisie-arrêt
•ne périme pas.
Voila donc comment agissait un héritier bénéficiaire envers
des créanciers, ou plutôt envers les veuves de deux créanciers,
parce qu’il lui était bien aisé de dénaturer alors tous les papiers
'dont il venait de s’emparer, au risque de dire , comme il l’a fait,
qu’on ne peut pas diviser sa déclaration.
• lletnarquons cependant les suites de cette infidélité. Il était en
procès en 1772; lorsqu’il retira ce dépôt, il garda le silence, il
ne fit rien constater; 011 du moins s’il y eut un récépissé dé
taillé , il n’a jamais voulu le produire.
Il présenta un compte de bénéfice d’inventaire en 1772, et
ne dit pas qu’il avait des objets non compris en l’inventaire
de 1761.
Ouand'il a vu qu’on poursuivait en 1780 l’abbesse de Brageae,
i l a retardé le plus qu’il a pu les édaircissemens à cet égard.
Ce n’est qu’en 1791 qu’il signifie un compte, quand il voit que
trente ans d’intervalle ont tout dénaturé, et que les créanciers
Daymard et Lacroix seront hors d’état de découvrir en quoi
consistaient les*papiers, qu’il u enlevés lui-même, malgré leur
�saisie. C ’est alors, ou plutôt en i 8 o5 , et après quarante a n s ,
qu’il leur dit sèchement : Ces papiers étaient inutiles, vous ne
prouvez .pas le contraire, donc ma déclaration doit prévaloir,
parce qu’elle est indivisible.
Non , il est impossible de ne pas voir dans cette conduite le
cas d’application des lois sur la déchéance du bénéfice d’in
ventaire.
L ’inventaire, dit M. d’Argentié, doit être la description fidèle
de tous les biens meubles et immeubles du défunt, et son objet
est de conserver aux créanciers tout ce qu’il leur importe de
connaître : inventarium descriptio est bononitn mobilium et
immobilium defuncti , vocalis creditoribus. . . . F in is ejus , ut
res salvæ sint ciediloribas ........ lnvenlarii. maleria bona sunt
tarn m obilia quàm immobi/ia , nam etsi imtnobilia auferri non
possunt et p a te n t , et fo ris cubant , ut lo q u u n tu r, tamen possessio eorum interverti p o te s t , et secreto in alios transferri....
JLrgo hæreditaria o m in a , bond Jide describenda puto , et in
eo creditorum interesse versatur ; est enim inventarium insirumentum commune hccredis et creditorum. (Art. 5 14, gl. 3).
A la vérité, d’autres auteurs ont pensé que l ’état des im
meubles n’était pas absolument nécessaire, mais ils exigent au
moins la mention des titres de propriété, par les mêmes raisons
que les créanciers doivent être mis à portée de connaître, par l’in
ventaire, tout l’actif de la succession.
Il finit même, d’après d’Argentré, un tel détail dans l’inven
taire, qu’il ne se contente pas de l’état approximatif des grains,
mais il veut qu’on les mesure, dici debet frugum mensura, ncc
suf/icit cumulurn dixisse ; il veut qu’on estime chaque objet, ou
qu’on le décrive de manière à ne pas en substituer un autre,
t i c ejusdem nom inis species pro a lia supponi p o s s it , viliorpro
m cliorc ; et il déclare que tout cela est d’autant plus indispensa
ble qu’il n’a que trop vu de fraudes de ce genre , au préjudice
des créanciers, adhibitis cujusque artificii opificibus. Il s’élève
même contre ceux qui penseraient qu’il ne faut pas autant de
�( 21 )
précautions. C a r, pourquoi ne pas préférer, dit-il, ce-qui est
plus utile et plus sûr? Quare çuod utilius et cautius d isplicet?
. O r , tontes les fois qu’il y a des omissions dans l’inventaire ,
l’héri lier bénéficiaire est déchu du bénéfice , et réputé malgré lui
héritier pur.et simple.
Une loi romaine à la vérité semblait ne le condamner qu’à
la peine du double, qui est inconnue parmi nous; mais elle
était contrariée par d’autres lois , et la jurisprudence française
n’a jamais admis que la déchéance du bénéfice d’inventaire pour
les recelés ou omissions, comme on le voit dans Brodeau , Leprêtre, Furgole et Pothier.
En effet le bénéfice d’inventaire n’était accordé par la loi que
sous la condition de faire un bon et fidèle inventaire. Si la con
dition n’élait pas remplie il n’y avait plus de bénéfice.
11 y a même , dit Fachinée , qui a fait une dissertation
sur cette question , plus à reprocher à celui qui fait des omis
sions, qu’à celui qui ne fait aucun inventaire; car 011 peut croire
à l’ignorance de celui-ci plutôt qu’à son dol. Mais celui qui n’in
ventorie pas tous les objets delà succession, ou qui en dissimule
aux créanciers, n’est pas digne du bénéfice de la loi. Ig ilu r s i
hœres non descripsit omnia bona , ea occullando , non est
dignus bénéficia iegis. ( L i v . 4 , chap. 37).
Aujourd'hui le Code civil a fait de ces principes une loi prér
lise en l’art. Ooi. « L ’héritier, qui s’est rendu coupable de recélé,
« ou qui a omis sciemment de comprendre dans l’inventaire des
« effets de la succession, est déchu du bénéfice d’inventaire».
O r , comment peut-on dire que Pierre Gineste n’a pas fait
cette omission sciem m en t, lui qui se cachait des créanciers pour
demander à l’abbesse de Brageac un dépôt, dont la valeur et la
consistance n’étaient pas connues.
Dira-t-on que Gineste ne connaissait pas lui-mêine le dépôt
en 1761 ? mais qu’il lise l’inventaire, il verra la clause de style,
par laquelle Gineste, en aiïirmant no connaître aucun autre objet
de la succession, ajoutait qu’il déclarerait ceux qui viendraient
par la suite à sa connaissance.
�( 22 )
Sans cela l'inventaire ne serait le plus souvent qu'une ébaucheinutile; car quand les papiers d’ une succession sont chez les no
taires on huissiers pour des recouvremens, lors de Finventaire,
il faut bien que l’héritier bénéficiaire en fasse un second, s’il
ne veut pas expolier les créanciers.
L ’usufruit des pères était bien plus favorable que le bénéfice
d’inventaire. Cependant quand il y avait lieu de leur part à faire
un inventaire, ils étaient privés de l’usufruit, si après en avoir
fait un premier, ils n’ajoutaient pas dans un secoud ce qui sur
venait ensuite.
L a sénéchaussée d’Auvergne a prononcé deux privations d’u
sufruit en ce cas; en 1775, contre James Tournilhas de V o lo re ,
•et en 1788, contre Jasseaume Dolmet.
Les premiers juges ont écarté tous ces principes, en disant
qu’il y avait chose jugée à cet égard par l’arrêt de 1789, parce
qu’alors il avait été parlé du dépôt de l’abbesse de Brageac.
Mais où ont-ils vu qu’il eût été question le moins du monde
de la difficulté. L ’abbesse était en cause elle-même comme tierssnisi ; il s’agissnit d’obienir c on lr ’elle une condamnation à vider
ses mains, et c’est là ce qui a été ordonné.
L ’objet de la demande était donc une saisie-arrêt contre l ’ab
besse elle-m êm e, ainsi il n’y a pas chose ju g é e, puisqu’il faut,
suivant les principes , cadetn res, eadem persona , cadem causa
p e te n d i, ce qui est rappelé en termes plus précis encore par Fai t.
ï 35 i du Code civil.
Les sieurs Ayinard et Couderc n’avaient pas même intérêt
alors d'abandonner leur action directe contre Fabbesse de Bra
geac, pour la suivre contre un héritier bénéficiaire: et .si un instant
il y a eu des conclusions contre le sieur Ginesle, en condamna
tion personne lle , elles venaient de tout -autre cause, mais non
de la réception du dépôt, puisque les conclusions prises contre
l ’abbesse oui toujours subsisté , ont clé même adoptées par l’arrêt.
Ce n’est qu’après l'arrêt, après commandement à l’abl/csso d’y
■satisfaire, et même après saisie-exécution et assignation pour la
�6
( *3 )'
vente, que l’abbesse fut forcée de révéler, par notification du 11
septembre 1790 , qu’elle avait un billet de garantie d u sr . Gineste!
' Ces poursuites prouvent donc que la chose jugée, quant au dépôt,
était encore personnelle à Pabbesse; et lorsqu’on a appris, pour
ta première fois, que le sieur Gineste avait tout pris sur son compte-,
par une garantie, alors seulement il y a eu lieu d’agir coûte lui,
pour faire valoir tout le résultat de l ’infidélité par lui commise.
M ais, ont dit encore les premiers juges, lésqualite's des parties
Sont réglées par l’arrêt , et sont dès-lors invariables.
Erreur encore ; car il n’y a d’indélébile que la qualité d’héri
tier pur et simple : car celle d’héritier bénéficiaire peut être
changée d’un instant à l’autre, suivant les circonstances.
Un hériter bénéficiaire peut n’être pas réputé coupable d’omis
sions, lorsqu’on juge seulement sa qualité. Mais s’il en est con
vaincu ensuite, la faveur changera; et le moindre recélé bien
justifié, comme dit Rousseau-Lacombe , le fera déchoir à l’ins
tant du bénéfice d’inventaire.
Ici on a pu croire Gineste de bonne foi dans le retirement du
dépôt de B ra g eac, tant qu’il était incertain s’il voulait se l’appro
prier; et le parlement de Toulouse, en ordonnant un compte de
la succession , a dû croire que le sieur Gineste y porterait les
objets par lui retirés.
f Point du tout ; le compte est présenté en 1791 , et on n’y trouve
ni la corbeille contenant ce qu’on a dit être de l’étain, ni le sac
de papiers, qui devait bien être de quelque valeur, puisque
c’était un don manuel destiné à un légitimaire.
A lors, siins contredit, a commencé le droit des sieurs Daymard et Couderc , de dire au sieur Gineste : Vous ne pouvez plus
être héritier bénéficiaire , puisque vous retenez sciemment un
objet de la succession.
<Dira-t-il q u ’on a conservé l’action en rapport contre l’abbesse?
Ce serait aujourd’hui une chose idéale; mais d’ailleurs il 'a de*
�\» \
( 24 . )
nieuré seul en prise par sa garantie; et en exerçant môme les
droits de l’abbesse, l’action revient à lui.
O r quelle est cette action? Un saisi, qui 11e représente pas,
est condamné à payer la dette lui-même, après un délai de grâce-.
L e sieur Gineste, garant de l’abbesse, doit y être condamné; et
ce sera la même chose que le déclarer héritier pur et simple.
Dira-t-il encore qu’il ne peut pas être tenu à plus qu’il n’a pris?
Ce n’est pas là la question ; car , en sa qualité d’héritier par bé
néfice d’inventaire, il suffit qu’à l’instant actuel on ne voie pas
dans l ’inventaire , ni dans son compte, ce qu’il a retenu, il est
dans le cas de l’art. 801 du Code civil.
Un créancier ne peut pas être astreint à prouver les circons
tances d’un retirement de d ép ôt, qui a eu lieu en 1772. Il suffit
qu’il établisse le Fait matériel de ce retirement; cela lui suffit.
Comment saurait-il même ce que l’abbesse dépositaire ignorait,
et ce que le sieur Gineste eut tant d’empressement de cacher?
Cependant les précautions du sieur Gineste n’ont pas empêché
qu’ une partie de la vérité 11e soit venue aux o r e i l l e s des héritiers
Dnymard et Couderc. Ils ont indiqué quelques-uns des litres qui
formaient le dépôt, et notamment une obligation de 3,400 fr. ,
consentie au sieur M elo n , puis dénaturée par le sieur Gineste:
ils persistent encore à offrir la preuve de ce fait particulier, si la
cour la juge nécessaire.
S’il restait encore quçlque doute à la cour sur cette question,
la plus impartante de toutes, puisqu’elle dispense de juger celles
qui suivent, y a-t-il à hésiter dans l’alternative de faire supporter
une dette sacrée aux dcsceudans du débiteur, ou de faire perdre,
des créanciers légitimes? Une famille, opulente jouit de la suc
cession qui est le gage de la dette ; qt il est bien clair que tout
ce qu'elle relient n’est pas connu. Les D aym .iid, au contraire,
trompés par la Muraillac, plaidant depuis 5o ans pour ravoir,
r.-irgcut qu'ils ont donné, ne cherchent qu’à n’clre p is trompés
encore. N’y eût-il que les articles rejetés par les premiers juges,}
il
*
�il. serait bien;certain aui moins qu’on a cherché à les duper en-*
tout. Alors comment, dans l’incertitude mêm e, la Cour pren-.
drajt-elle sur son compte.de sacrifier J e créancier légitime qui
perdrait évidemment, plutôt que ;l’héritier du débiteur qui ne
peut jamais tout perdre, puisqu’il lui reste la succession?
i.
L a Cour peut d’autant moins se faire scrupule de condamner les
héritiers Gineste à payer la dette des Daymard, que déjà en 1772,
après un semblable com pte, et malgré un déficit considérable,
les Gineste .furent assez sages pour payer le créancier clairvoyant,
qui était plus à portée de révéler beaucoup. Ainsi ce ne sera au-,
jourd’hui que leur rendre la justice que déjà ils se sont rendue
eux-mêmes.
*
f
2. Légitim e de L'abbé Second.
}
L es Gineste ne veulent pas rapporter sa légitime paternelle
et cette résistance ne peut pas étonner : car un héritier bénéfi
ciaire a toujours pour règle exprimée ou sous entendue, qu’il ne
ne doit payer que le moins qu’il peut. Mais il est inconcevable
que les premiers juges aient adopté les sophismes ridicules qu’on'
leur a présentés sur cette question.
Ils sont cependant condamnés par l’arrêt à rapporter deux
choses,
1.0 L a succession bénéficiaire de la Muraillac ;
2.0 L a légitime de l’abbé Second.
Si la légitime était comprise dans la succession bénéficiaire; il
était inutile d’en faire un article à part, et de distinguer aussi
positivement la légitim e.
Les Gineste , tant en leur nom que comme héritiers de l’abbé,
auraient été condamnés à rendre le compte de la succession ma
ternelle. V oilà tout.
A u contraire l’arrêt explique fort bien que la légitime est indé
pendante de la succession bénéficiaire, et les adversaires qui n’ont
4
�r*«x
pas voulu l’entendre en l’an 5 , l'avaient «eperidant fort bien en~'
tendu en 1790.
Car ils avaient donné alors aux femmes Daymard un à-compta
sur cette légitime ; et cet à-compte ne pouvait pas se régler sur
la succession de la m ère, puisqu’ils prétendent qu’elle est obérée.
. Il faut être conséquent avec soi-m ême, et répondre à un di
lemme bien simple : ou les quittances de 1791 sont données sur la
légitime de la mère, ou sur celle du père.
Dans le premier cas, l ’inventaire est faux, et les adversaires
doivent être réputés héritiers purs et simples.
1 Dans le deuxième cas, la question est jugée par eux-mêmes.
Mais un bail de copie du 7 juillet 17 9 1 , va la juger mieux
encore, et voici comment.
Par la quittance de 1790, il avait été payé 5 oo fr. à Marianne
Couderc à compte de la légitime de l’abbé Second, en exécution
de Varrêt du 9 mars 1789, sous réserve de répéter s’il y avait
d’autres quittances excédantes.
r L e 7 juillet 17 9 1 , on signifia à ladite Couderc cette quittance
avec une autre de 700 fr. du 2 octobre 1 j 5z , et on conclut à être
remboursé de 200 fr. payés de trop.
L a cour se rappelle que le testament de 1731 avait fixé pour
légitime paternelle à l’abbé Second 1,000 Fr. ; et voilà pourquoi
les Gineste, ayant payé 1,200 f., disaient avoir payé de trop 200 f.
Ainsi le meilleur interprète de l’arrêt du 9 mai 1789 est le
fait personnel des adversaires, ou l’exécution même de cet arrêt.
Combien d’après cela devient mesquin et pitoyable le motif du
jugement dont est appel, qui excuse cette exécution, en disant
qu’elle a eu lieu par erreur et contrainte, ou en vertu d’un ju
gement provisoire!
Qui a pu révéler aux premiers juges qu’il y avait erreur et
contrainte, lorsque les parties n’ont pas demandé à être restituées
à cet égard? les moyens rescisoires ne peuvent pas être suppléés;
�6 t€ P t
}
Où aurait été la contrainte quand on a payé volontairement, etn
exécution d’un arrêt souverain?
>
L e bail de copie seu l, du 7 juillet 17 9 1, détruit tout cet échaf(
2
7
faudage d’excuses puériles.
S il y avait eu erreur, ce ne serait qu’une erreur de droit con
tre laquelle on n’est pas admis à revenir. Mais ce n’est pas là la
question, car il n’y a pas d’erreur, puisque un an après le paie
ment , 011 n’en conteste que la quotité.
Les premiers juges accusent aussi d’ignorance le parlement
de Toulouse, 's’il avait jugé que l’abbé Second devait rapporter
la légitime de son père, parce que, disent-ils, il aurait fallu l’y
condamner comme héritier pur et simple de sa mère. .
; , Mais sans contredit c’est bien ainsi que le parlement l’a entendu,
et dû l’entendre,
. •
1'
Où ont trouvé les Gineste, qui paraphrasent à leur guise cette
partie obscure du jugement de St.-Flour, que l’abbé Second ne
fût pas héritier pur et simple, par la seule raison que Gineste ne
l ’était pas?
Les qualités d’héritier sont personnelles. L a règle générale est
qu’on soit héritier pur et simple; la qualité bénéficiaire n’est que
l ’exception; mais elle n’atteint que celui qui la réclame.
O r , jamais l’abbé Second n’a voulu être héritier bénéficiaire,
quand dès 1761 Gineste en prenait la qualité. L ’arrêt et la pro
cédure prouvent cette différence avec clarté. Ainsi l’abbé Se
cond , qui a vécu jusqu’en 17 7 7 , est mort héritier pur et simple
de la Muraillac sa mère.
Quelles en sont les conséquences?
- ,
• >
C ’est qu’il a été tenu des dettes de sa mère ultrà vires. C ’est
que toute sa fortune a élé responsable de ces dettes, et par con
séquent sa légitime paternelle a dû y contribuer.
L e parlement de Toulouse n’a donc fait qu’appliquer les prin
cipes les plus élémentaires, en ordonnant que la légitime de l’abbé
Second (qu i était entre les mains des Gineste), serait rapportée
par eux, pour payer les dettes de la Muraillac, et qu’e/z outre,
�( * 8')
¡ les Gineste rendraient compte de la succession bénéficiaire qui
était aussi dans leurs mains.
' ■1
M a is , disent encore les premiers ju g es, l’abbé Second avait
-approuvé la destination de légitime, en donnant des quittances ,
acceptant le titre, et recevant ses revenus en majorité. Il est mort
•sans demander un supplément.
Est-ce qu’une légitime serait approuvée par des quittances
données à com pte?
.
Il est de principe au contraire que le légilimaire n’approuve
-qu’après avoir connu le testament du.père, nisi cogn itis inspeètisque verbis testa m en ti, comme la loi le dit elle-même*
L a coutume d’Auvergne dit qup le legs doit être approuvé
sciem m ent $ et ces lois sont appliquées journellement parla Cour.
Un arrêt du 19 ventôse an 11 a même admis à revenir contre
.-Une renonciation, faite moyennant une légitime conventionnellè,
portée par un testament dont le notaire était indiqué, mais dont
la date n’était pas rappelée. A tte n d u , a dit la C ou r, qu'on n'a
donné connaissance , n i de la fo r m e , n i "des clauses , ni de la
date de P a cte; cet arrêt n’a fait autre chose que l’application
textuelle de la loi, n isi inspectis verbis testamenti.
L ’abbé Second, né en 1729 , émancipé en 1749, plaida aussi*
. tôt avec le sieur Gineste pour avoir la pension qu’il devait payer
au seminaire, et dont le père avait chargé le sieur Gineste.
L a famille délibéra le 7 novembre 1749, qu’il lui serait payé
3 oo fr. par a n , à condition que s’il 11e se contentait pas de la
légitime prom ise, et réclamait (lors de sa majorité) la légitime
, de d roit, il imputerait l’excédant de l ’intérêt, s’il y avait lieu, sur
.le principal de cette légitime.
En 1750, le sieur Gineste fit à Pleaux un titre clérical de 80 1.
par an à l’abbé Second , qui habitait Paris.
Mineur et absent, lors de cet acte, il n’a pas fait sans doute
d’acceptation légitime. Aussi ne veut-on la trouver que dans lis
quittances postérieures.
�. „
e .
( 29 ) , .
..
...................
On produit deux lettres et deux reçus de 17S0 et 1 7 5 r. Mais
nulle part on ne voit d’approbation de légitime; tout est donné à
compte.
.
Les reçus de 17Ü0 sont à compte de la sentence qui a con
damné Gineste à payer 3oo fr. par an pour la pension du sémi
naire; ne voilà donc que des revenus.
Aussi on n’a excipé, lors du bail de copie de 1791, que d’une
seule quittance du 2 octobre 1752, de 700 fr. que l’abbé promet
passer à com p te, sans dire même que ce soif sur sa légitime.
-De 17ÎÎ2 jusqu’à son décès en 17 7 7 , il n’y a plus de quit
tances; ainsi non agnovil judicium defuncti. .
_
L ’action en partage dure trente ans utiles. L ’abbé Second a
été majeur le 24 septembre 1754 ; par conséquent il ne s’est
écoulé jusqu’à son décès, au a i avril 1777, que vingt-deux ans
six mois et vingt-huit jours de prescription.
Par la règle, le mort saisit le v if, les Gineste ses héritiers
ont à l’instant été substitués à ses obligations dans toute leur
étendue; eux seuls ont dû faire face, vis-à-vis les Daymard et
Couderc, à tout l’objet de leurs demandes.
Ces demandes étaient pendantes en 1777 contre l’abbé Se
cond et contre les Gineste; il y a eu reprise, et ¡’arrêt de 1789 ,
en ordonnant contre les Gineste, qu’ils rapporteraient la légitime
de l’abbé Second aux créanciers exerçant ses droits, a voulu
qu’elle fût rapportée télle qu'elle était due, sans ordonner qu’elle
serait j-éduite à 1,000 fr. ou à 3oo fr., puisque les Gineste n’eu
avaient jamais élevé la prétention.
L ’arrêt de 1789 , par cette disposition, et par celle du compte
de la succession M uraillac, n’a donc fait que prononcer une con
damnation générale , mais indéterminée, parce qu’il ne s’agissait
alors que de régler les points de droit; le montant de la légitime,
comme le montant du compte, devaient être également inconnus
au parlement de Toulouse , lors de son arrêt. C ’était aux Gineste
à faire face à U double condamnation prononcée contre eux, en
l ’exécutant.
�-c 3 ° )
Jusqu’ici, donc l’arrêt de Toulouse a demeuré sans exécution
en cette p a rtie lle s adversaires se sont contentés de signifier un
compte infidèle. Mais ils ne peuvent pas se dispenser d’obéir,à
la chose jugée. Ils doivent, on le répète, rapporter la légitime
paternelle de l’abbé Second, et cette légitime ne petit être qu’un
6.e de la succession en meubles et immeubles, sauf la déduction
de 70g fr. sur les revenus, puisque l’abbé Second est mort sans
avoir rien approuvé.
3 . G ains n u p tia u x de la veuve Second.
L e s adversaires, après avoir offert 5 oo f r . , veulent réduire cetl»
somme à un tiers.
Il est vrai que les principes du droit écrit ont sur cette ques
tion une disposition particulière.
Par les lois du code, les gains nuptiaux étaient propres au sur
vivant. L a novelle 2 , chap. 2, ne lui en laissa que l’usufruit. L a
novelle 22 , chap. 20, lui en rendit la propriété, sauf le cas des
secondes noces. L à novelle 98, chap. i . er,a rétabli la novelle 22,
et enfin la novelle 12 7 , chap. 3 , a laissé au su rvivant non r e
marié une portion virile en propriété, et l’usufruit du surplus.
Quoi qu’il en soit de celte variation , et sans examiner si cette
dernière loi a d’aulre but que d’empêcher le survivant de faire
entre ses enfans une disposition inégale d’une portion des biens
' de l’autre époux, il y avait, dans l ’espèce/dérogation expresse ù
' la nature du gain de survie.
Car dans le contrat de mariage de 1720, il y a donation des
5oo fr. pour être propres dès à présent à la future; elle a donc
été saisie dès l’instant mêm e, et propriétaire de cette somme.
Mais admettons pour un instant que les adversaires eussent
droit de réduire nu tiers les 5oo fr. de survie, promis par Gas
pard Second à la dame Muraillac sa veuve.
S’ils ont eu ce droit, ils l’ont perdu par leurs conclusions
admises en jugement.
4
k
�( 3. r
Car non-seulement'lés adversaires ont offert celte «oirime de
5 oo fr. dans leur compte ; mais elle est aussi dans le jugement
par défaut du 14 pluviôse an 5 , avec des motifs très-détaillés.
O r , comment les premiers juges ont-ils pu corriger un juge
ment par défaut, dans une partie dont l’opposant ne se plaignait
pas? C’était se réformer soi-même, et reconnaître qu’une ques
tion de droit avait été mal jugée la première fois.
Cette prononciation de mal jugé était au-dessus du pouvoir des
premiers juges.
4 , 5 , 6 . Jou issan ces des fidéicom m ls et quarte trébel¿¿a n i que.
L a dame Muraillac avait droit de jouir comme héritière fidéi-,
commissaire des biens de son époux jusqu’à son décèsj on ne le
lui dispute pas.
Mais on prétend qu’elle a remis l’hérédité sans rien réserver y
et que cette remise ne lui a laissé aucun droit de jouissance.
Cela serait v r a i, si la remise eût été volontaire; mais la veuve
Second ne fut forcée de ne pas jouir que par l’usurpation du sieur
Gineste, avec lequel elle plaida toute sa vie. Après le testament
de son m ari, qui la fit héritière fidéicommissaire en 17 3 1, elle
remit l’hérédité à sa fille en 1737, et cela pour elle.
;
Redevenue héritière en 1744, par le testament de sa fille, elle
voulut reprendre les biens, mais le sieur Gineste s’y opposa.
Les appelans ont excipé devant les premiers juges d’une signi
fication qu’elle fit en 1746, du testament de 1744, pour deman
der qu’il fût exécuté à son égard. O r , peut-on se faire un titre
contr’elle de l’impossibilité où elle fut de jouir.
On objecte que, d’après l’article 36 de l’ordonnance des subs
titutions, elle est réputée n’avoir jamais accepté le fidéicommis.
Mais cet article même ne dit pas qu’il faut jouir pour accepter;
mais qu’on est censc accepter, soit par la possession, soil par,
des demandes.
�• ni
■
\ ' *!
( 32 )
‘
On dit que la veuve Second ne fut qu’he'ritière fiduciaire de
sa fille. Mais la principale distinction du iiduce, d’après Peregrinus et Henrys , est quand le fidéicommis doit être remis in
diem cerlum , et quand on prohibe la distraction de quarte.
Tout cela n’a pas eu lieu dans le testament de 1744.
D ’ailleurs, autre chose est le iiduce , autre chose est le legs t
personnel des fru its..
Comment admettre, sans injustice, que le sieur Gineste, détempteur de revenus quelconques, appartenant à sa belle-mère, _
ait pu les retenir en refusant de payer ses dettes ?
Tout est rigoureux contre l’héritier qui veut séparer les pa- •
trimoines ; et il n’est pas juste qu’il .distraye la moindre chose
de l ’actif qui doit faire face à la d ette, pour le laisser dans le
patrimoine qui ne doit pas y contribuer.
Quant à la quarte trébellianique, elle appartient de plein
droit à tout héritier testamentaire chargé de rendre , d’après
les titres du Digeste : A d sénat. Treb.
Il
ne doit se prendre qu’ une seule quarte sur les cinq sixièmes'
de l a s u c c e s s i o n île Gaspard Second, a d v e n u s à M a r i e - J e a n n e
Second, femme Gineste; et ce, en vertu du testament de 1744,
parce qu’elle fut prohibée par celui de 1781.
On oppose qu’elle rie peut se prendre par l’héritier fiduciaire,
mais les auteurs enseignent que ce n’est qu’au cas que la charge
de rendre soit à jour certain, et non de rendre au décès.
( D espeisses. t. 2, p.
338 , n.° 14).
Les Gineste opposent cju’elle ne se cumule pas avec les jouis
sances. Ils ont raison.
Mais ils disent eux-mêmes que Marie Muraillac n’a joui que,
d’une maison, jardin et grange. Ainsi il est question de savoir
si ces objets excèdent le quart de la succession ; eu ce cas , il est
juste q u ’en lui donnant la quarte trébellianique comme proriété distincte, à compter du décès, 011 déduise la portion des
jouissances qui excéderaient cette quarte ajoutée à sa succession.
7'
�( 33 )
*
7. La-pension due par le couvent d'Argentac.
1 En achetant un pré de Marie Muraillac, les religieuses d ’A rgentac donnèrent un écrit, par lequel elles s’obligèrent de nour
rir une demoiselle , présentée par elle , pendant trois ans. Cet
écrit, resté dans la succession, était une créance.
Mais le sieur Gineste, qui a gouverné la succession bénéfi
ciaire à sa guise, et anirrio dom ini, a donné aux religieuses ,
en 1770, un é crit, par lequel il reconnaît, sans autre explica
tion , et sans époque, que cette promesse est acquittée.
Cette manière d’agir avait même été une des raisons pour les
quelles on avait offert preuve d’adition en 1770. Mais dès que
le parlement n’y vit pas un acte d’héritier, il reste au moins le
'droit de demander aux Gineste le paiement de cette valeur.
Si la promesse eût été acquittée avant 1 7 6 1 , les religieuses
n’auraient pas manqué de la retirer, ou de prendre quittance.
L e sieur Gineste , qui a voulu la donner, a donc pris cela sur
son compte, comme v i s - à - v is l’abbesse de Brageac. On voit
bien qu’il a voulu par-tout éviter les révélations; mais y auraitil de la justice, dans l ’incertitude même, de le dispenser dû
paiement ?
8 et 9. Articles de dépense.
L e tribunal de Saint-Flour a rayé les articles 1 , 2, 8, 4 , 5 ,
0, 9, 10 et 11 de la dépense du compte , rendu par les adver
saires en 20 articles.
Est-ce la preuve de la fidélité de l’héritier bénéficiaire ? Et ne
faut-il pas ajouter cette remarque aux moyens de déchéance?
• Il faut répéter aussi que le parlement de Toulouse n’a pu
juger la qualité de bénéficiaire que pour le passé, et qu’il 11e
savait pas en 1789 , si le#compte serait rendu avec sincérité eu
1 7 9 1,
. . . .
i
$
�to .
M obilier de M arie
M aràillac.\
\
\
Il
a été inventorié en 1761 ; mais les premiers juges n ’ont
voulu le faire composer que de ce qui restait dans cet inven
taire , après la distraction du mobilier délaissé par Gaspard Se
cond , en 1 7 3 1 , parce qu’ils ont ajouté foi à l’allégation des ad
versaires, que Marie Muraillac en avait demeuré nantie.
Cependant on voit dans le contrat de mariage de la dame
Gineste, du
5 novembre 17 3 7 , que Marie Muraillac sa mère,
lui remit tous les meubles et effets de Gaspard Second, inven
toriés en 1731. Donc voilà la preuve écrite q u ’elle n’en retint
pas la possession.
On oppose que lors de ce contrat, ët par une contre-lettre,
le sieur Gineste son gendre, lui donna pouvoir de les garder,
ainsi que des immeubles ; mais que cette contre-lettre ne se
trouve plus.
Comment le sieur Gineste , qui conserva tant de papiers ,
laissa-t-il perdre celui-là ? ou plutôt comment avait-on eu idée
de faire une contre-lettre nulle et parfai tement in ut ile , puisque
rien n’obligeait de fa ir e , par contrat de m ariage, une remise
de mobilier, si on voulait aussitôt la révoquer?
A u reste, c’est là un point de fait à vériiier; et les appelans
ne veulent rien qui ne soit juste.
Mais aussi ils rte veulent pas s’en rapporter aveuglément à ce
que le sièur Gineste a fait faire en 1761, sans les appeler.
Quela Courveuille bien prendre la peine decomparer les deux
inventaires ; et si les articles , ' qu’on peut dire ressemblans, lui
semblent identiquement les m êm es, les appelans s’en rapportent,
•avec confiance, à sa conviction sur ce chef néanmoins impor
t a n t , de la contestation.
!
DÉP ENS.
Les héritiers Gineste ont porté en compte de dépense ceux
qu’ils ont faits au parlement de Toulouse.
�f ( 3S ) )
Ils réussirent à ne pas y êlre condamnés en leur nom person
n e l, quoique déboutés de leurs diverses demandes en péremp«
tion, et de celles en rçnvoi. Mais alors on ne connaissait n i la
garantie donnée à l’abbesse de Brageac, ni l'acquit de pension
donné au couvent d’Argentac , ni la contre-lettre du.sieur: Chantegrie , ni les nombreux articles rayés, que le sieur Gineste avait
■projet de s’adjuger; il put paraître alors.,'sinon .en bonne fo i,
au moins pas assez convaincu de mauvaise foi en sa qualité d'horitier bénéficiaire.
• • ‘ r/< -«V. ; if
S ’il est déchu du bénéfice, comme tout le prouve, son compte
de dépense s’évanouit tout entier. Mais s’il ¿tait possible que la
Cour ne le jugeât pas ainsi, au moins les dépens, faits depuis
1780 jusqu’à présent, doivent-ils être supportés par les adver
saires personnellement.
i
Ce n’est pas tout de les réserver sous prétexte d’une estima
tion relative à un seul article. Car le compte n’en sera pas moins
fixé pour tous les autres , et n’y eût-il que la radiation de neuf
articles sur vin g t, ou plutôt sur d ix-hu it , c’en est assez pour
convaincre la C o u r , que les adversaires ont élevé de mauvaises
contestations ; et dès-lors faire condamner les adversaires aux
dépens , en leur nom p erso n n el, dès à présent.
L ’article de la légitime de l’abbé Second l ’exige seul. Car il
est l’objet sur lequel les adversaires ont le plus raisonné, le
plus contesté, et chicané avec le plus" d’opiiiiâtreté. C ’était en
effet l’article le plus im portant, car il sulïira pour remplir
les condamnations en garantie dues aux appelans. L ’arrêt de
1789 l’avait placé le premier en ne considérant le compte à
rendre que comme un subsidiaire. A in s i, la Cour, en jugeant
que les adversaires ont mal à propos contesté en cette partie
l ’exécution de l’arrêt, leur fera supporter sans difficulté tous les
dépens déjà faits, et même réglera ceux de l’exécution du nouvel
arrêt, comme il se pratique en matière de partage; tout au plus,
est - il vraisemblable, qu’elle réservera les dépens de cette exé
cution seulement.
11.;
�( 36 )
L es héritiers Daymard et Lacroix se flattent de n'avoir rien
proposé qui ne soit fondé, et sur-tout qui ne soit équitable.
L eu r position , dans ce procès , est faite pour appeler la rigueur
de la Cour contre une famille qui leur conteste depuis si longtems le paiement d’une créance , que par honneur elle eu t dû
payer depuis quarante ans. Q u ’elle jouisse, si bon lui semble ,
du privilég e des lois., il faut bien le souffrir; mais que la succession débitrice soit dissimulée, affaiblie, dénaturée même par
trois générations successives, c’est ce que la Cour ne souffrira
■
certainement pas. Car la bonne foi est de première nécessité
pour tout le m on d e, même pour ceux qui n’attachent pas de
;prix à respecter les engagemens de leurs auteurs.
M
'
.
j
e
DELAPCHIER,
A v o c a t.
M . e D E V È Z E , L ic e n c ié -A v o u é .
. 1
A
RIOM ,
D E L ’IM P R I M E R I E D U P A L A I S , C H E Z J.-C. S A L L E S .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Daymard, Marie. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Devèze
Subject
The topic of the resource
créances
successions
saisie
rentes
censive
Ursulines
Parlement de Toulouse
experts
quarte trébellienne
comité de législation
inventaires
dissimulation de titres et obligations
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Marie Daymard, veuve Lacroix, et Marianne Couderc, femme de Durand-Rieux, appelantes; Contre Emeric, Marie, Marianne Gineste et autres, intimés.
Table Godemel : Inventaire : 2. Quels caractères doivent avoir les omissions faites dans un inventaire, par l’héritier bénéficiaire, pour entraîner contre lui la déchéance de cette qualité et le faire considérer comme héritier pur et simple ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1808
1720-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1824
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1823
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53351/BCU_Factums_G1824.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pleaux (15153)
Aurillac (15014)
Brageac (15024)
Bourg-Argental (42023)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
censive
comité de législation
Créances
dissimulation de titres et obligations
experts
inventaires
Parlement de Toulouse
quarte trébellienne
rentes
saisie
Successions
Ursulines
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53353/BCU_Factums_G1901.pdf
35cb7d18bd98e7f9a12cb2fdd784a888
PDF Text
Text
MEMOIRE.
�MEMOIRE
cou r
D E RI OM .
P o u r A n t o i n e B E R N A R D , appelant;
C ontre V
it a l
CHABANON ,
et J
acq u es
AVIT,
d ’a p p e l
I .”
C H A M B H Z.
«
QUALITÉS POSÉES
intimés.
pour
le 22 février.
V.
D E toutes les c o n te s ta tio n s dans lesquelles les tri
bunaux peuvent être induits en erreur par les appa
rences, il n’en est pas où une méprise soit plus cruelle
que dans les procès d’incendie; car celui qui perd sa
cause par des présomptions, a souvent été la victime de
l ’incendie dont on le croit auteur; et ainsi, au lieu d’un
secours qu’il avait droit d’attendre, il voit consommer
sa ruine, sans qu’il ait pu, ni prévenir son malheur, ni
trouver des moyens de défense : lu i-m ê m e , en eff et,
n’a été, comme les autres spectateurs, averti de l’incendie que lorsque sa maison en était dévorée.
Cependant, on a vu maintefois les procès de cette
nature n’être soumis qu'au simple examen d’un fait
i
�( a )
malériel. Lorsqu’ un incendie a consumé plusieurs mai
sons, on appelle des témoins pour savoir dans laquelle
le feu a été va premièrement ; et ainsi, avec la plus équi
voque des preuves, on se croit forcé de dire que le
propriétaire de cette maison est présumé l’auteur de
l’incendie : en conséquence, outre la perte qu’il éprouve,
on le condamne à supporter celle de ses voisins.
Si celte rigueur excessive était fondée en droit, il serait
certain au moins que la loi n’a entendu l’appliquer
qu’au cas d’ une conviction certaine et palpable. Il faut
en effet qu’il ne soit pas même possible de présumer que
4 e feu ait pu venir aussi de chez celui qui réclame une
indemnité.
L e tribunal du P u y a cédé trop légèrement à ce
préjugé qui aurait de si funestes conséquences, et son
embarras l’a conduit à être injuste. Ce n’est pas que ce
tribunal puisse être justement accusé d’avoir examiné
les faits trop superficiellement ; il s’est au contraire en
touré de toutes les lumières qui pouvaient éclaircir les
faits : mais ensuite lorsqu’il a connu tout ce q u i, après
le tumulte d’un incendie , avait resté imprimé sur le
local, ou dans la mémoire des témoins, le tribunal du
Puy a presque mis de côté les éclaircissemens qu’il
avait cherchés, pour retomber dans la chimère des pré
somptions , et juger daprès les apparences les plus su
perficielles.
Les bâtimens que les parties possèdent 'au village de
V a is,’sont contigusj la maison de Bernard, dit Gardés,
�est attenante à sa grange ; et cette grange est séparée par
un mur mitoyen d’ une cuisine appartenant à Vital
Chabanon, et dans laquelle se font ses lessives. L a
cheminée de cette cuisine est encastrée dans le mur
mitoyen; les murs n’en sont pas même crépis, et le
tuyau ne dépasse pas le toit qui couvre la grange de
Bernard.
C ’est dans la soirée du 18 novembre 1806 , que l’incendiç éclata. Ce jour-là Chabanon faisait faire la les
sive dans sa cuisine / en brûlant des feuilles et des
cosses de fèves.
Aucun danger n’avait paru en résulter; chacun s’était
retiré chez soi à l’entrée de la nuit, lorsque, sur les
six heurts du jsoir, des .cultivateurs, revenant des
champs, vinrent avertir Bernard qu’on voyait de la
fumée dans sa grange.
Il y entra avec précipitation , ne vit rien dans le
b as; mais, étant monté au-dessus, il vit une grande
quantité de bottes de paille ou foin, placées à côté
de la cheminée de Chabanon, qui commençaient à
s’enflammer. Il crut pouvoir préserver les autres de la
communication; mais il avait perdu la tête; et dans
son trouble, il agitait le foin, et accélérait l’incendie
au lieu de l’arrêter.
Enfin cet incendie éclata, et Bernard, pour sa propre
sûreté, fut contraint de fuir pour tacher de sauver le
peu de linge qu’il pourrait e m p o rte r, avant que les
flammes eussent tout consumé.
Une partie des batimens ailenans d’Avit, et de CliaV
3
�( 4 )
r
banon, fat brûlée : on prétend qu’ une partie de ceux
de Chabanon fut coupée pour empêcher la communi
cation du feu avec les maisons voisines.
Il n’y avait qu’ un cri dans le village sur la cause de
cet incendie; il n’était généralement attribué qu'à la
lessive de Chabanon, et aucun fait d’imprudence n’était
même reproché à Bernard : ses adversaires n’ont pas
même tenté encore de lui en imputer.
Bernard avait perdu sa maison, sa grange et ses
récoltes , ce qui était incalculable pour sa fortune ;
aussi se proposait-il de réclamer des dommages-intérêts.
Mais Chabanon imagina de le prévenir, croyant sans
doute qu e, dans une matière de conjectures, le juge
penche naturellement en faveur de celui qui se plaint
le premier.
Chabanon fit donc citer Bernard au bureau de paix,
le 26 novembre 18 0 6 ; mais Bernard ne comparut que
pour déclarer que lui-même entendait demander des
dommages-intérêts; en effet, il fit expédier le procèsverbal de non-conciliation, et assigna Chabanon, qui,
de son cô té, prit des conclusions semblables contre
Bernard.
Un jugement du 20 mars 18 0 7 , ordonna tout à la
fois une enquête et une expertise, h laquelle il fut dit
qu’un juge assisterait, et entendrait aussi les témoins sur
les lieux incendiés.
Ces précautions étaient très-sages, aussi en est-il ré
sulté de grands éckiircissemens, et il est précieux de
les recueillir.
�( 5)
D ’abord , quant à l’enquête, il faut franchement
convenir que la majorité des témoins se réunit à dire
que les premières flammes ont été vues dans la grange
de Bernard.
Mais de quel côté venaient - elles ? c’est là ce qu’il
est important de rechercher ; car, comme aucun té
moin n’indique de cause à l’incendie , et qu'il faut
cependant lui en supposer'une, il s’agit d’orienter l’in
cendie lui-même, et de le suivre dans la route qu’il a
parcourue.
Les témoins de l’enquête de Chabanon ne s’en oc
cupent pas, ils s’attachent seulement à établir de leur
mieux que la grange de Bernard était déjà en flammes
avant qu’on vît du feu chez Chabanon. Cependant le
seul témoin qui parle de la direction du feu (le 2.e),
dit avoir appercu que Ja grange de Bernard était en
flammée du côté droit du portail ( c ’est le côté de
Chabanon), et que l’incendie se dirigeait du côté du
couchant, où se trouve la maison Avit.
Dans les deux enquêtes de Bernard, les traces de
rincendie se remarquent mieux encore; et sa source,
si on peut s'exprimer ainsi, y est clairement marquée.
Les 8.% 9.% 1 o.e, n .% i 2 . c témoins de la première en
quête, les i . ep, 3.e et 5.e de la seconde enquête ont vu
les premières flammes de la grange Bernard, el tous
disent que Le J e u venait du côté de La cheminée de
Chabanon.
L e 6.® témoin, venu aux premiers cris d’alarme, a
vu que l’arbre-m aître de la grange Bernard, placé
�—
'(
)
près de La cheminée de Chabanon} était enflammé.
Quatre témoins de ladite enquête déposent qu’on
disait que Le fz u venait de La Lessive de Chabanon. Un
témoin de sa propre enquête a entendu que le pre
mier mouvement de la femme Bernard fut de s’écrier :
c est cette maudite Lessive.
i
L e i i . e témoin de l’enquête directe constate que les
Chabanon furent très-pressés de faire remarquer que
le feu n’avait pas pris à la clieininée de leur lessive,
pour persuader qu’il ne s’était pas communiqué par là.
I/a femme, qui conduisait la lessive ( i . er témoin),
a été aussi appelée en témoignage par Chabanon ;
et elle ne manque pas de justifier ses précautions et
sa prudence; elle avoue cependant qu’ une voisine se
plaignit de ce qu’elle faisait trop de feu , au point de
chauffer considérablement un pilier de bois qui soute
nait la cheminée;.mais elle, ajoute que le pilier n’a
pas été brûlé ; elle dit avoir fait sa lessive avec des
cosses de fèves et pois , et qu’a chaque instant elle
reùrait ce qui était bridé sous‘le chaudron, pour fa ire
place à ce quelle mettait pour alimenter le fe u , et lu i
donner le clair.
Tel est le résumé des enquêtes; et les réflexions
qu’elles fout déjà naître vont être corroborrées par
l’exporlise qui eut lieu en présence du même juge.
L e rapport constate plusieurs faits impoiians, qui
sont décisifs dans celle cause; car l’étal des lieux aidera
singulièrement à faire comprendre pourquoi les té
moins ont dû voir le feu d abord dans le haut d une
. .
■
�( 7)
grange plutôt que dans les lieux habités, et du côté de
la cheminée de Chabanon, plutôt que du côté de l'ha
bitation de Bernard.
i.° L e mur mitoyen, auquel est adossée ladite clie• minée, a paru en mauvais état.
n.° Ce mur n’a été crépi du côté de Bernard que
jusqu’à sept pieds du sol et à pierre vue : et il n’a
jamais été crépi en aucune partie du côté de Chabanon.
3.° On allume du feu dans la cheminée de Chabanon,
et on la bouche par le haut; aussitôt on voit La fumée
sortir dans Cendroit où était placé le second arbre (de
la grange de B ern ard ), et se perpétuer au-dessus en
plusieurs endroits jusqu’au sommet.
4.0 On trouve dans L’ouverture faite en cette partie
deux ou trois épis un peu calcinés, sans pouvoir dé
cider si cela provient du côté de Bernard ou Chabanon.
5 .° On trouve de la suie-et des araignées dans les
angles de la chem inée, ce qui fait penser que le feu
n’y a pas pris.
6.° On mesure le canon ou tuyau extérieur de la
cheminée : elle a dix-huit pouces au-dessus du toit
de Chabanon; mais Le même canon se t/ouve de niveau,
au toit de Bernard.
7.0 On vérifie que si le feu a dû venir de chez
Chabanon, ce n’a pu être (¡ne par l’extrémité du
tuyau, à la supposer incendiée, attendu que Carbremaître venait aboutir contre ce tuyau • ou bien si le
feu n’a pas pris à la cheminée, ce n’a pu être que
par des bluettes sortant du tuyau de la cheminée de
�( 8 }
Chabanon, qui auraient passé à travers les vides qui
auraient pu se trouver entre Les tuiles, ou entre le toit
et la muraille. On termine par remarquer qu’au reste
-le mur mitoyen , entre Bernard et Chabanon, était
mauvais , même avant Cincendie qui n y a porté aucune
atteinte.
8.° Quant à la maison d’A v it, on déclare qu’elle a été incendiéesans qu’on puisse savoir d’oùl’incendie est venu.
Une vérification aussi concluante devait, ce semble,
accumuler tout es les présomptions sur Chabanon, et ôter
toute idée que ï ’incendie provînt de l’imprudence de
Bernard. Mais ce n^est point ainsi qu’a voulu le dé
cider le tribunal du P u y , par son jugement définitif
du 3 i août 1808 ; il a considéré que le feu s’étant
premièrement manifesté dans la grange de,la maison
habitée par Bernard, c’était à lui, d’après M. Merlin,
au répertoire , et d’après la loi 3 de off. prœf. vigil.
à prouver que ni lui, ni ceux dont il est responsable,
ne sont en faute, à peine d’être tenu des dommagesinférêts; en conséquence, le tribunal du Puy a con
damné Bernard à payer les dommages-intérêts dus à
Avit et à Chabanon pour les pertes par eux éprouvées,
et ce, d’après l'estimation à faire par trois experts;
il a condamné Bernard en tous les dépens.
Ce jugement n’est pas seulement rigoureux,' il est
injuste; et Bernard ne peut adopter, sans en être
révolté, qu’après avoir le plussouflerl de l’imprudence
de Chabanon, il soit tout à la fois sa victime et le répa
rateur de ses dommages.
�( 9 )
Voyons cVabord quels sont les moyens de Chabanon
pour faire condamner Bernard ; nous examinerons en
suite si Bernard n’a pas été mieux fondé lui-même à
réclamer.
Chabanon ne propose qu’un seul moyen. •
‘ Il dit que le feu a été vu d'abord chez Bernard, q u i,
comme habitant , est présumé auteur de l’incendie.
Sans doute, celui qui, par sa faute ou son imprudence, a causé un tort quelconque à autrui, en est
responsable; et de-là vient, que d’après la jurisprudence moderne, ' celui qui est réputé l’auteur d’un
incendié doit indemniser ceux à qui il a communiqué
lin incendié venu de sa maison.
L a loi 3 , citée par les premiers juges, suppose que
l’incendie arrive le plus souvent par la faute de ceux
qui habitent : incendia, plerumque fian t culpâ inha-'
bitantium j ce qui ne veut pas dire que c’est le pro
priétaire d’ une maison habitée, qui, dans le doute,
doit subir la condamnation : le législateur , dans ce titre
du digeste, s’occupe seulement de prescrire les devoirs
du préfet de police; et il lui recommande de châtier
ceux qui 11e soigneraient pas le feu allumé chez eux,
parce que, dit-il, c’est souvent par la faute des habitans que les incendies ont lieu. Mais qu’y a-tTillàqui
prescrive aux tribunaux de s’écarter des règles ordi
naires pour condamner aveuglément, et sans connais
sance de cause?
Godefroi, sur ce mot plerumque, ajoute non seniper ;
sur-tout, d it - il, si riiabitant est un père de famille,
3
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j
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j
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�' r
)•
intéressé à porter du soin à sa maison , prœsertim s i
paterfamili'as diligens.
Quand nous avons parlé de la jurisprudence mo
derne, c’est qu’en effet ce n’est que depuis peu de tems
qu’on a accordé des dommages-intérêts à ceux chez
qui l’incendie s’était communiqué, parce qu’on regar
dait comme assez puni celui qui avait perdu ses pro
pres bâtimens, et on ne supposait pas qu’il y eût de
sa part même de faute légère. Car, comme le dit Balde ,
nemo consuevit res suas comburere.
Cœpola pensait qu’il y aurait de la barbarie à con
damner encore celui qui avait eu le malheur de perdre
sa maison à un incendie , nultum grammen, super hoc
debet infer ri, quoniam satis doLore concutitur et tristitiâ.
Bardet rapporte sur cette matière deux arrêts rendus
dans des espèces très-fortes; car un propriétaire habi
tant avait communiqué un incendie à quatre maisons
voisines, et quoiqu’il fût constaté qu’il y avait de sa
faute, il fut jugé par arrêt du 7 décembre 1 6 2 8 , qu’il
ne devait pas de dommages-intérêts. Peu de tems après,
un second incendie eut lieu chez le même individu, et
consuma encore quatre maisons, cependant il fut jugé
de nouveau qu’il n’était tenu d’aucuns dommagesintérêts, par arrêt du 22 juin i 633 .
C ’était même une maxime de droit en Bretagne ;
l’art. 599 de celte coutume y était expiés;
« Quand le f e u a r d la maison d’au cu n , et la maison
« d’un autre perille par le même fe u , si lui ni ses
«■ adhérens ne les y m ettent pour faire dommage à
�( II )
tt celui à qui elle est, ou à autres, il n’ est tenu en
<t rendre aucunes choses •».
L e savant commentateur de cette coutume ajoute
seulement que cet article ne doit pas s’appliquer aux
locataires, qui ne sont pas présumés avoir les mêmes
soins qu’un père de famille.
C ’est aussi l’opinion d’H enrys, en la question 49
du livre 4, tome i.er, lorsqu’il examine le sens de la
loi romaine ci-dessus citée, incendia plerumqae fia n t
tulpâ inhabitantium . Ces termes de la loi, dit-il, s'en
tendent plutôt des locataires que des propriétaires, parce
ceux-là ont toujours moins de soin et de précaution
que ceux-ci.
L a réflexion judicieuse de cet auteur est devenue
aujourd’hui une loi par le code civil; et il est essen
tiel de remarquer que le code civil ne parle de l’in
cendie qu’au titre d u Louage, aux articles 17 3 3 et 17 34 ,
sur lesquels M. Malleville se contente de rapporter en
concordance la loi romaine ci-dessus.
Ainsi on petit, sans le hasarder, dire avec assurance
que le code civil a pleinement adopté la doctrine
d’Henrys, et qu’il n’a pas consacré la jurisprudence
trop sévère qui, sans être appuyée d’aucune loi, con
damnait l’habitant propriétaire à indemniser les voi
sins , sans les obliger même à prouver qu’il y eût de
sa p a rt, ou fau te, ou imprudence.
Non-seulement aucune loi n’obligeait de condamner ainsi l ’habitant sur simple présomption; mais au
contraire toutes les lois ordonnaient aux tribunaux de
4
�C 12 )
ii’adjuger les demandes que lorsque le fait articulé
serait prouvé par le demandeur. Actori onus probandi incumbit j les auteurs disaient la même chose
sur la matière des incendies; le voisin ne devait être
reçu à agir qu’en prouvant la faute ou l’imprudence
de celui chez lequel l’incendie était né, sans quoi elle
ne se présumait pas, debet pr.obare latam vel Levem
culpam, quœ non præsumitur.
Ainsi Chabanon, comme demandeur, n’a aucuns
moyens équitables à proposer; il ne prouve aucune
imprudence, il n’en articule même aucune, et le code
civil, sous l’émpire duquel a eu lieu l’incendie, n’ou
vre en sa faveur aucune présomption ; le code adopte au.
contraire l’ancienne jurisprudence, favorable aux pro
priétaires; car il ne permet de supposer de l’impru
dence qu’aux habitans locataires, et qui de unodicit,
de aLtero negat.
Combien en effet serait aveugle et insensée la pré
somption qui réputerait, de plein droit, auteur d’un
incendie celui chez lequel il se serait manifesté le
premier! L e moindre accident peut produire cet effet,
les exemples en sont fréquens ; et la seule possibilité
d’une erreur doit faire repousser comme une maxime
fausse tout ce qui tend à établir des règles générales
et d’habitude, dans une matière aussi conjecturale. ,
Ce n’est pas par de simples conjectures, que la cour
a voulu se décider dans une cause récente, d’entre les
nommés M o n tel, Gaillard et Rodde , sur appel de
Murât.
�— —rrrr---- —
Deux maisons adjacentes avaient été brûlées, et les
deux parties s’imputaient le tort respectif d’avoir porté
de la lumière dans les granges, pendant la nuit.
Cependant le feu avait été vu d abord chez Gaillard.
Néanmoins la cour, par le seul motif de 1 incertitude,
et du tort respectif des deux parties, les mit hors de
cause, et adjugea seulement à Rodde des dommagesintérêts très—modiques; sa maison étant separée des
deux autres.
Maintenant changeons les qualités des parties, et
voyons si Chabanon, défendeur, ne sera pas plutôt
réputé l’auteur de l’incendie.
Quand il faudrait lui passer ses propres moyens, ils
se rétorqueraient contre lui; car le mot delà loi (m habitantium') ne s’applique pas seulement u celui qui
a un domicile d’ usage , mais à celui qui a habité le
jour de l’incendie.
Or, il est constant que Chabanon habitait ce jour-là
sa cuisine, mitoyenne de la grange de Bernard, et
qu’il y faisait faire une lessive.
C ’est donc lui qui est prouvé être habitant, avec
du feu,, tandis que rien ne prouve que Bernard eût
du feu ce jour-là , ni dans sa grange où les flammes
ont paru d’abord , ni même dans sa maison située à
l’autre extrémité. Si donc la loi veut qu’on présume,
ce sera contre Chabanon que sera la i . re présomption.
Mais ce n’est point à de simples conjectures qu’il y
a lieu de se réduire ; l’apparence et le raisonnement
�( i4 )
sont d’accord à reconnaître que l’incendie n’a pu venir
que de chez Chabanon : toutes les circonstances lé
prouvent.
Un mur mitoyen en mauvais état : un feu ardent
d’un côté, et des matières combustibles de l’autre. Q ui,
à ce premier signe, s’aveuglera au point de ne pas être
déjà préparé à concevoir ce qui a dû en résulter ?
Des ouvertures et crevasses dans ce mur, la fumée
s’échappant en plusieurs endroits, marquent à l’œil une
route que le feu, trop pressé d’un côté, a dû suivre.
Des épis calcinés, gissant encore dans ces crevasses aux
yeux des experts, n'étaient-ils pas les témoins muets
de ce qui s’était passé, et le signe le moins équivoque
de la vérité?
Une maîtresse poutre est brûlée la première, et il
est reconnu qu’elle aboutit à la cheminée. Cette che
minée ne dépasse pas même le toit de Bernard; et com
ment donc , avec tant d’élémens d’incendie , peut-on
douter de son origine; ne faut-il pas s’étonner au con
traire qu’il n’ait pas plutôt fait ses ravages?
Si quelqu’un doit être taxé d’imprudence, certes,
Chabanon ne peut s’en défendre ; car un homme qui
a fait une cheminée dans un mur mitoyen, et qui n’a
pas même pris la précaution d’en élever le tuyau audessus du toit , devait-il s’en rapporter à une femme
étrangère, sans venir au moins la surveiller lui-même,
pour empêcher qu’elle ne fit un feu tel, que les voisins
s’en étonnèrent?
Les cosses de fèves qu’il avait fournies pour la les-
�( i5 )
si ve, n’étaient, avec leurs feuilles adjacentes, que des
matières légères et sans consistance, qui, susceptibles de
devenir plus légères que la fumée, même avant leur
entière combustion, devaient nécessairement être em
portées par le courant d’air, à moitié brûlées, dans le
tuyau de la cheminée jusqu'à son extrémité, où la co
lonne d’air ne les soutenait plus.
Où pouvaient-elles donc se reposer immédiatement,
si ce n’est dans les interstices des tuiles qui, comme on
l’a v u , étaient de niveau avec le faîte de la cheminée?
Ainsi, ou le feu a passé dans les fentes du mur, soit
par sa trop grande activité , soit par la simple attrac
tion des matières combustibles , ce qui n’est que trop
probable et fondé en fréquens exemples; ou bien les
feuilles à demi-torréfiéesse sont insinuées entre les tuiles,
et de là dans le foin et la paille : cela était inévitable.
X<a route de l’incendie le démontre. Ce n’est pas par
la maison habitée par Bernard que le feu est venu ;
c’est du côté de la cheminée de Chabanon.
Ce n’est pas au rez-de-chaussée que les premières
flammes ont été vues ; c’est par la paille de la grange
et par la maîtresse poutre du toit. Est-ce ainsi qu’au
rait commencé un incendie culpâ inhabitantium?
Chabanon se croit fort en faisant remarquer que le
feu n’a pas pris à la cheminée de sa cuisine, et que sa
maison n’a été en proie aux flammes qu'après ¡ ’in
cendie de Bernard.
Mais plût à Dieu que cet incendie eût commencé
par un feu de cheminée ! cet avertissement eût mis
�, ( i 6 )
Bernard en garde, et peut-êlre il se fût procuré des
secours plus efficaces.
Quant à la priorité de l’incendie, il y a plutôt de la
turpitude que du raisonnement dans une semblable
observation. En effet, celui qui a adossé une cheminée
à un mauvais mur, porte tout le danger du côté du
mur auquel il applique des flammes, tandis que de
son côté le manteau de la cheminée lui présente un
rempart contre le danger; et d’ailleurs, n’est^il pas cons
tant que le côté de Bernard était garni de paille, tandis
qu’il n’y avait rien de combustible du côté de Chabanon?
Appliquons maintenant des principes moins vagues
que les siens, et il sera évident que c’est lui seul qui
doit porter la peine de sa faute grossière ; car il n’est
pas possible de ne le taxer que de simple imprudence.
D ’après la coutume de Paris, et l’art. 674 du code
civil, Chabanon ne pouvait avoir une cheminée contre
le mur mitoyen, sans la fortifier d’un contre-mur.
Il devait en élever le tuyau en saillie au-dessus du
toit.
Il devait s’abstenir d’y faire du feu tant qu’il ne se
conformait pas aux règles et aux usages a cet égard,
ou au moins tant qu’il ne s’assurait pas de la solidité
du m ur; et au contraire, il ne l’avait pas meme fait
crépir, de son côté, en aucune partie.
Quelle est la peine de la loi pour de telles négli-:
gences? Ici, par exemple , elle sera un peu plus claire
et précise que la loi 3 ,‘ B e'o ff. prœf. vigLL, et il ne
s’agira pas de simple police. La Cour y trouvera une
disposition
�disposition expresse dont il sera difficile à l ’adversaire
d’esquiver l’application.
C ’est la loi 2 7 , a u j ^ A d Legem aquiliam , dont,
le litre entier, destiné aux dommages faits à autrui,
ne permet pas de douter que Chabanon ne doive’ dès
dommages-intérêts, par cela seul qu’il a édifié une che
minée contre un rtiur commun qui a ete brûlé. S i j ï i r —
filial secundùm pariete/n commune/n habeas , scihcet
paries exastus s it , domui injuria lenearis.
Il ne faut pas s?é'tonner de cette rigueut, car c'est
la peine de l'inobservation d’ une autre loi qui défend
dait de faire des cheminées contré un mur mitoyen,
par le motif qu’à la longue la flamme brûlait les murs.
Non licet autem tubulos kabere admotos ad'parietem
commit rient. qn.bc/ per cosjfl^ jv> A
partes} loi 1 3 ,
De servit, prœd. urbahorum.
A la vérité , suivant l’art. 189 de la coutume de
Paris, il élait permis d’adosser des cheminées et aires
contre le mur mitoyen ; mais seulement à la charge
de faire un contre-m ur en tuileaux d’un demi-pied
d’épaisseur. Par conséquent, celui qui néglige de pren
dre cette précaution reste dans les termes du droil, et
s’ expose aux dom m ajes-interetsdelaloi,,^//^. ciquil. ,
s’il y a incendie, parce que la loi présume que l’adossement de la cheminée contre le mur, sans le fortifier,
a suffi pour torréfier et endommager le mur.
Les commentateurs disent que ce contre-mur ne peut
pas môme etre fait en moellon de plâtre^ parce que ce
Moellon, par La chaleur 3 se réduit en poudre. C’est
�pourquoi aussi les rédacteurs, ont voulu des briques,
parce que ces matériaux ont déjà subi l’action d’une
grande chaleur.
.
Comparons maintenant la position de Chabanon, et
celle de Bernard. D ’un côté, simples conjectures sans
aucun fait d’imprudence, même soupçonné; et point
de loi à l’appui. D ’un autre côté, cause préexistante
d’incendie, faute et négligence, présomption Légale,
et disposition de la loi.
Il faut donc conclure qu’il y a eu de l’injustice à
condamner Bernard, victime d’un incendie, à en payer
le dommage aux voisins ; et qu’au contraire l’équité
veut que ce soit Chabanon à supporter ce dommage,
parce que c’est lui qui a à s’imputer une imprudence
impardonnable qui doit le faire considérer comme l’au
teur de l’incendie, lorsqu’il n’articule aucune preuve
contraire.
M.e D E L A P C H I E R , ancien Avocat.
M . G A R R O N , a voué.
A RIOM, DE L ’IMPR. DU PALAIS, CHEZ J.-C. SALLES.
�
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Factums Godemel
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bernard, Antoine. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Garron
Subject
The topic of the resource
incendie
dommages et intérêts
experts
témoins
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Antoine Bernard, appelant ; contre Vital Chabanon, et Jacques Avit, intimés.
Table Godemel : Incendie : 2. y a-t-il lieu à dommages intérêts pour fait d’incendie, contre des propriétaires voisins, s’il est incertain que l’incendie a été l’effet de la faute ou de l’imprudence d’un des propriétaires ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1808
1806-1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1901
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vals-près-le-Puy (43251)
Rights
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Domaine public
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dommages et intérêts
experts
incendie
témoins
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f1dbb08439bd911f9d449b80d82c9d53
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v r i l
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chez
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J .-C . S A L L E S .
�MEMOIRE
P O U R
A n n e N A Z O , veuve de , J a c q u e s - Z a c h a r i e
D E S T A I N G , général de division, en son nom,
et comme tutrice de M a r i a D E S T A I N G , sa
fille, intimée ;
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C O N T R E
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Les sieurs et demoiselle D E S T A I N G , appelans.
I 1
l o c u ti s u n t a d v e r su m m e i n g u a d o l o s â , e t s er m o n ib u s
o d ii c ir c u m d e d erum t m e . e t e x p u g n a v e r u n t m e g r a tis ......
p o s u e r u n t a dvers u m m e m a la p r o b o n is e t
d i l e c t i o n e
U
ne
m e d
p s
o d iu m p r o
1 0 8
Egyptienne, jetée hors de sa patrie par un concours
d ’événemens que toute la prévoyance humaine n’aurait pu maî
triser ni prévoir, plaide depuis huit ans pour conserver un nom
qui lui fut donné avec solennité sur les rives du N i l , et q u ’elle
a toujours porté avec honneur.
�( 2 )
'
T o u t ce que la capitale de l’E g y p te avait d ’illu s lre , fut le
témoin de son mariage. L e s fêtes qui l ’accompagnèrent sont
restées_dans la mémoire de tous les héros de l’armée d ’O r ie n t,
qui l’attestent : ^Empereur lui * même», convaincu de la réalité
de ce m ariage, fit donner .une pension à la veuve d ’un général
q u ’ il avait estimé. L a fam ille D e s ta in g , plus convaincue que
personne, et plus intéressée à l’ê tre , s’était fait un devoir d’qpt
h
peler, d’accueillir, de présenter aux habitans de leur ville cette
femme malheureuse, c o m m e flattée de lui appartenir.
A i n s i , du m o i n s , cette étrangère qui n ’aborda les rivages de
F rance que pour apprendre la mort de son é p o u x , avait la con
solation d’exhaler sa douleur parm i ceux qui avaient à pleurer
une perte commune. Sa fille , née au milieu des tempêtes de la
m e r , se trouvait dans un asile assuré au sein d’une famille qui
désormais était la sienne. T e lle fut la situation de la dame
D esta in g , pendant une année, après la,mort de son mari. T o u t
ce que les lois'de F ra n ce prescrivent Jiour rattacher une orphe
line à ceux sous la protection desquels elle est pla cée, fut exécuté
par la famille D estain g, comme si la providence avait voulu lui
ôter les moyens d ’être injuste; et déjà à A u r i lla c , com m e au
Caire , une notoriété h o n o r a b l e a s s i g n a i t d a n s l a société, a M a
dame D estaing et à àa n t l e ,J.levrîing auquel elles avaient droit de
p rétendre.
,Quel démon jaloux a troublé cette h arm onie, et a pu réduire
la dame Destaing à chercher les preuves de son é t a t , après en
avoir eu la possession légilim e aussi publiquement et sans effort?
Q u e l événement inopiné a transformé tout d ’un coup une famille
douce et hospitalière en une horde d ’ennemis acharnés, cherchant
d ’équivoques calomnies jusque dans le secret d ’une correspon
dance tronquée,.outrageant la mémoire do celui qui illustra leur
n o m , et disputant avec mauvaise foi contre tous les signes de
vérité qui les confondent ?
i,
L ’or! cette divinité des nations, a brillé aux ye u x des héritiers
Destaing. L a succession du général leur a semblé une proie q u ’il
�(3
)
fallait disputer avec une opiniâtre constance; et clés cet instant
sa veuve et sa fille ne leur ont «semblé que deux êtres importuns ,
qu’il fallait rejeter et méconnaître.
'
A l o r s , par une brusque inconséquence ,* la dame Destaing
présentée à unè ville entière com m e une sœur; son enfant placé
dans tous les registres d’Aurillac , comme héritière légitim e du
g é n é ra l, n’ont plus été que des aventurières inconnues, intro
duites par une astuce criminelle dans une famille étrangère.
C e n’était point assez, pour une femme faible et sans défense,
d ’avoir pour élle l ’opinion publique et la'conscience de la vérité.
Q ue peut la vérité contre une calomnie soutenue avec éclat et
persévérance? L e vu lga ire, qui aime le m e rve ille u x, commence
à douter, aussitôt que des.fables injurieuses ont été préparées
pour donner à sa curiosité un autre aliment.
- M ais ce n’ est point au tribunal de l’opinion que d’aussi grands
intérêts sont soumis ; la dame D estaing est placée sous l’égide
des lois; et si elle est forcée de gém ir des lenteurs de la justice,
du moins elle pourra se féliciter de ce que toutes les formules
exigées d’elle ne laisseront aucun léger doute aux esprits les plus
in créd u les.
I
Cependant la dame D estaing n’a nullement le projet de se
renferm er dans des moyens judiciaires, et de dédaigner l’opinion
q u ’on peut avoir d ’elle; il lui im po rte, plus q u ’à personne, de
donner de la publicité à sa conduite, et de proclam er les témoi
gnages honorables de ceux qui ont été à portée de la juger. E lle
veut de l’estime; et r i e n d a n s ses actions, ne lui a ôté le droit
d’en obtenir.
.
'
r'
'
F'AITS.
T o u s les faits de cette cfiuse s o n t lié s aux grands événemens
de l’histoire.
U ne armée de héros, une colonie de savans allèrent en l’an G
porter en E g y p te la gloire du nom Français.
O n so souvient de la rapidité de cette conquête. Alexandrie
2
�( 4
)
fut prise d’assaut le lendemain même du débarquement. Les
M am elouks furent vaincus dès leur première apparition, et la
capitale ouvrit ses portes à l ’armée victorieuse.
Cette armée n’était point au Caire comme dans une ville con
quise. Son premier établissement fut l’institut des sciences et
a rls, chargé de donner des plans d ’amélioration pour les canaux
du N i l , l’agriculture et le com m erce.
Cependant les héritiers D e s ta in g , ramenant tout à leur idée
d o m in a n te , ne veulent voir dans les chefs de cette a rm ée, que
des conquérans licen cieu x, q u i , comme dans un vaste sérail,
a p p e l a i e n t à eux toutes les victim es q u ’il leur plaisait de choisir,
ou plutôt n ’avaient qu’à attendre celles que les pères de famille
eux-mêm es venaient leur présenter, par politesse et pour prix de
la victoire.
Laissons cette atroce calomnie à la réflexion des lecteurs in
formés des usages de l’O rient, et poursuivons un récit plus véri
dique. •
Q uoique le but de l’expédition d ’E gypte fût caché dans ces
vastes conceptions q u ’il n’appartient pas au vulgaire de péné
trer, tout prouve que le prem ier projet du grand hom m e était la
fondation cTune Colonie française. A u re ste , l’établissement de
l ’armée en E g y p te devint bientôt une nécessité. L e m alheureux
combat d ’A b o u k ir , et la perte de la flotte achevèrent d ’ôter aux
Français débarqués tout espoir prochain de retour.
Il fallut donc tourner toutes ses idées vers cette terre étran
gère , s’y créer un centre d'affection, s’y faire une patrie.
E t , certes, voilà quelle a dû ê t r e , quelle a été en effet la dis
position des esprits, ubi b e n è , ijbi patria : rien n ’est plus fran
çais q u e cette m axim e; et bientôt les vainqueurs de l ’E g y p te se
r e g a r d è r e n t comme naturalisés sur les bords du Nil.
L e mariage seul pouvait resserrer les liens entre le s^ e u x na
tions. Les généraux français en donnèrent le prornier exem ple;
ils devaient ce gage à la confiance qu ils voulaient inspirer. C e
pendant ils surent allier à leurs vues politiques les combinaisons
�(5).
d ’intérêt que les chances de l’avenir ne leur permettaient pas
d ’abandonner.
L e général en chef Menou épousa une jeune et riche m usul
m a n e , fille du maître des bains d ’Alexandrie. L es généraux L a n t i n , Delzons et Bonhecarrère épousèrent des filles de négociaris
établis à Rosette; plusieurs autres généraux et militaires français
suivirent cet exemple.
L e s pères de famille d’E g y p te n’étaient donc pas diflerens
de ceux des autres régions. Ils attachaient de l’importance au
m ariage de leurs filles ; ils veillaient à leur bonheur et ne les
prostituaient pas.
Joanni N a z o , ancien officier au service de R u ssie, et élu com
mandant du bataillon des Grecs par le général de l ’arm ée
française, avait, à cause de ses fonctions, des relations habituelles
a v e c le général Destaing, q u i, de la province de C a th ié , où il
fut envoyé d ’abord, vint commander la ville du Caire.
Sophie M is c k , épouse de J oanni N azo , a v a it, d ’ un prem ier .
m a ria g e , deux fille s, dont l’aînée ( A n n e ) avait dix-sept ans.
L e général Destaing demanda la main d’A n n e N a zo ( née'
* ) ; il l’obiînt , et regarda cette alliance com m e un
grand avantage. Joanni N a zo avait a l o r s beaucoup de fortune.
T n s o g lo w
Il n’était pas, com m e les héritiers Destaing se sont plu à le
dire, un marchand d ’e a u - d e - v i e ; N a zo était ferm ier-gén éral
des droits imposés par le G rand -Seigneur sur les liqueurs spiritueuses de tout genre : on sait que les M u su lm an s, à qui lekoran
les d éfen d , ne font en E g yp te que la moindre parlie de la po p u
lation. T o u s les commerces y sont au pair, et les rangs ne s’ y m e
surent que par la fortune. Il faut bien dire tout cela aux héritiers
D estaing, pour q u ’ils cessent leurs railleries amères contre une
famille à laquelle en E g y p t e on accordait quelque distinction, et
q u ’ils soient soulagés du moins du poids d ’ une mésalliance.
*
E n E g y p l e , le secon d mari d on ne son nom a u x eid a ns de sa f e m m e ,
en signe de la puissance pa te ru e lle q u ’il a sur eu x .
\
i
�( <3 )
A n n e N a z o , promise au général D esta in g , fut conduite par
sa famille dans l’église grecque de S a in t-N ic o la s , où elle fut
reçue par le patriarche, cjui daigna lu i- m ê m e se charger de la
célébration.
O n d em an d e , depuis huit a n s , à une jeune épouse, dans
quelle forme lég ale fut co n sta tée cette cérém onie, et si les
prêtres de sa religion tiennent des registres publics. Quelle est
l ’européenne q u i , ayant eu toute l’instruction et toute la liberté
dont d ’autres mœurs ont p r i v é les femmes de l’ O rie n t, serait bien
en état de rendre compte de l’observation des formes légales qui
ont a c c o m p a g n é son m ariage? Sans doute la dame D estaing a
conservé le souvenir de la cérémonie auguste de l ’église. L a
couronne sacrée mise sur sa tête , la bénédiction et l ’échange
des anneaux, les paroles saintes du patriarche qui demandait en
vain à D ie u , pour les époux , une longue suite d’années : tout
cela s’est gravé dans sa mémoire ; et elle sait très-bien qu’il n’y
a point eu d’autres formalités.
A c c o m p a g n é e par sa famille et par ses esclaves dans la maison
du gén éra l, elle fut présentée par lui au général en c h e f et à un
grand nombre de convives distingués, appelés au repas nuptial
et à un bal européen. Mais après ce p r e m i e r h o m m a g e a u x
mœurs françaises, tout r e n t r a dans 1 ordre acco u tu m é, et sauf
quelques e x c e p t i o n s , le général Destaing se conforma dans l’in
térieur de son m énage aux habitudes égyptiennes.
A in s i se passèrent plusieurs mois dans le calm e et sans événemens. Bientôt des révoltes fomentées par les M a m e lo u k s ,
d onnèrent aux épouses des généraux français de vives et justes
a la r m e s . C ’est alors que leur tendresse inquiète veillait à préserver
du danger ceux qui n’étaient plus pour elles des étrangers et des
usurpateurs, mais des époux et des frères.
Peu de tems après, on apprit qu’ une armée ottomane s’avançnit vers la S yrie, tandis q u ’ une llotte anglaise entrait dans la
Méditéranée.
L e s Français allèrent sur-le-champ attaquer ces armées jusque
�(
7
)
dans leurs relranchem ens; mais que peut la valeur contre le
nom bre? Séparés en forces inégales, les généraux français ne
voulurent se confier q u ’en leur c o u ra g e , et ne recevoir aucune
loi du vainqueur.
. L a dam e D estaing avait conjuré son époux de lui apprendre
le succès de ses armes. Blessé grièvement et enfermé dans la
place d’A le x a n d rie , le général ne put écrire lu i-m ê m e; mais il
fît donner de ses nouvelles à la dame D e s ta in g , par un arab e,,
son dom estique, pour la rassurer sur l ’ état de sa blessure.
L a dame D estaing était alors à la citadelle du C a ir e , où le
général B é lia rd , qui y com m and ait, avait fait préparer des logemens pour les épouses des généraux fr a n ç a is , et celles de
quelques officiers de m a rq u e , parce que les arm ées ennemies
étaient aux portes du Caire.
T rois lettres arabes furent adressées à la dame D esta in g , à la
citadelle du Caire*. L e s héritiers D estaing n’ont pu les attaquer
que du côté du st^le , q u i, certes, n ’est pas académ ique : mais
a u r a it- o n cru que les formules épistolaires de F rance fussent
d ’obligation p o u r les nations étrangères, et pour un domestique?
Aussitôt c|uo le général put tenir la p lu m e , il écrivit lui-même
à-son épouse, dans une langue que son oreille entendait moins
aisém ent, peut-être, mais que son cœur sentait bien mieux.
« A l e x a n d r i e , le i
«
,
5
prairial an g.
,
« I l y a long-lems ma chère am ie que je n'ai pas de tes
nouvelles je désire que tu te portes aussi bien que moi.
,*
*
C e s lettres onl pour adresse : à M a d a m e A n n e , fe m m e D estaing.
E ll e s sont d a té e s , l’ uno du mois douL k a d e h , l ’ autre du mois douL h i d j e h ,
d e l’a n n é e I 2 i 5 de l’ h é g i r e , rép o n d a n t a u x m ois d e g e rm in al et floréal
an 9. I l n’y est question q u e de la blessure du général D e s t a in g , d ’assu
r an ce de r e v e n ir b ie n t ô t, et de c o m p lim e n s p o u r J o a n m N a z o . E lles sont
jointes aux pièces a v e c la traduction de M . S y lv e s tr e de S.'icy, professeur
d e langues ara be et p e r s a n e , ol m e m b r e do l ’institu t.
�( 8 )
« J o a n n i , qu i est chez le g é n é ra l B é lia r d , devrait savoir
« quand i l part des détachem ens p o u r A le x a n d r ie , et en proa file r p ou r m 'envoyer des lettres. C e p e n d a n t, i l ne l ’a p a s
« f a i t la de rn iè re fois : i l f a u t le gronder de ma p a r t, pour
« q u ’i l s o it p lu s e x a c t à l'avenir. On m ’a d it que tu éta is
« g ro sse; j e suis é to n n é que lu n e m ’en aies rien écrit ; écla ircis
« m on d ou te à cet égard. S o is assurée que j e t ’ aim e to u jo u r s ,
« et q u ’ i l me tarde beaucoup de te revoir. E n à lte n d a n t, j e
« t ’em b ra sse, a in si que ta m ère et ta sceur, sans ou b lier la
« bonne v ie ille . L e g é n é ral D e s t a i n g ».
Cette lettre , la seule que le hasard ait fait conserver à la
dame D estaing , semble réunir en elle les rapports de sa fa
mille entière avec son ¿poux ; elle est restée comme un m onu
ment , pour confondre les calomnies principales des héritiers
D e s ta in g , et leur prouver q u ’ils se mentent à eux-mêmes quand
ils feignent de croire que le général n ’avait jamais cru avoir
ave c une jeune grecque que ce q u ’il leur plaît de nom m er,
dans leurs idées licencieuses, un arrangem ent oriental.
L e siège du Caire fut prolongé pendant plus de trois m o isj
enfin le général Béliard capitula avec le major Hutkinson , en.
messidor an 9. Un article p o rta it, que l’armée anglaise fourni
rait des vaisseaux de t r a n s p o r t pour conduire a ]\Iarseille les
Français et ceux déjà attachés à leur fortune. L es dames reti
rées à la citadelle avaient la faculté de rentrer dans la ville du
Caire.
M ais le général en c h e f Menou ne voulut point ratifier cette
capitulation ; les portes de la ville restèrent ferm ées, les per
sonnes comprises dans la capitulation, la garde d’honneur choisie
pour leur escorte, la dame Menou e lle -m êm e, furent obligées
de continuer leur route jusqu’à Alexandrie. L à , le général D es
ta in g , craignant encore pour son épouse les dangers d ’une ville
assiégée , lui donna ordre de se rendre en F r a n c e , où il devait
incessamment la rejoindre.
Joanni N azo , compris com m e commandant de la légion
grecque,
�( 9 )
g recq u e, dans la capitulation du C a ir e , devait partir avec la
d am e D estaing et le reste de sa famille. L e général leur écrivit
de l’attendre à M arseille, ainsi que nous l’apprennent les héritiers
D estaing.
U n vaisseau grec ( le S a in t-J e a n ), dans le plus mauvais état,
se trouvait dans la rade d’A b o u k ir pour recevoir cette famille
et son escorte. Plusieurs autres Egyptiens s’y jettèrent pour ne
pas retomber sous la domination musulmane.
T o u t ce que les relations de voyages ont recueilli de con
trariétés et de périls était destiné à ce frêle navire. Incapable de
résister à la moindre agression des pirates de l ’A r c h i p e l , hors
d’état de tenir la m er sans des réparations urgentes et considé
ra b les, il ne se mit en route que pour louvoyer d’îles en îles,
poursuivi par des corsaires, et assailli par des tempêtes.
U n long séjour dans l’île de Pathmos fut nécessaire pour
r a d o u b e r le v a is s e a u . L a
d a m e D e s ta in g , e x trê m e m e n t souf
f r a n te , croyait s’y reposer et attendre l'époque de ses couches.
M a i s , tout à coup , on fut averti du danger que couraient
des Français et des Grecs d ’être la proie des T urcs en croisière
dans cmie mm-. O n leva l’ancre à l’instant : mais après un lo n g
trajet, le vaisseau fut repoussé jusqu'à rxic de cdp/ inlonie, q u ’il
avait déjà dépassée. C ’est là que la dame Destaing accoucha à
bord. U n prêtre g r e c , desservant une chapelle voisine du rivage,
baptisa l'enfant sous le nom de M aria d 'E s la in g , tenue, sur les
fonds baptism aux, par Sophie M i s c k , sa g ra n d ’m ère, et par le
sieur N assilli, oilicier de l’escorte.
D e u x jours après, le teins propice perm it de remettre à la
voile : mais une autre tempête attendait le vaisseau dans le
canal de M essine; rejeté en arrière de
5o
lieues dans*la mer
Ionienn e, il parvint à un port de la Calabre , d’où, après de
nouveaux dangers , dont il serait minutieux de donner le d é ta il,
et forcé de changer de route, il aborda à T a r c n t e , dans le gou
vernement de M . le général Soult (aujourd’hui maréchal dfi
1Enipirc et duc de D a lm a tie ).
3
�(
10
)
• C ’est ainsi qu’ une famille malheureuse, jouet des vicissitudes
de la ferre et de la m er, errait de plages en plages pendant six
mois entiers. Enfin elle était sous la protection française; et dès
cet instant il y eut une trêve à ses malheurs.
M . le général S o u l t , informé de l ’arrivée du vaisseau , et
de la qualité des passagers, eut la bonté d’offrir lui - même à
M adam e D estaing, de la part de son épouse, tout ce qui pouvait
être nécessaire à sa santé et aux agrémens de son séjour.
L e s lois maritimes exigeant de tous les vaisseaux une quaran
taine, M . le général était obligé d’abord de borner ses attentions à
de simples
offres
de services. Il écrivit au capitaine du vaisseau,
le 22 frimaire an 10........... « V e u ille z , j e vous p r ie , renouveler
à m adam e D e sta in g les offres de services que m on épouse et
m o i lu i fa iso n s de tou s Iss secours qu i pourraient lu i être n é
cessa ires/ e lle nous obligera infinim ent d'en disposer. S o u l t » . ’
Q ui donc avait pu informer M . le général Soult du nom de
la dame D estaing, et l’intéresser à elle? le voici : Pendant cette
longue et périlleuse traversée du vaisseau le St.-Jean, l’armée fran
çaise avait évacué Alexandrie ; les généraux Menou et Destaing
avaient fait voile pour M arseille, où depuis long-temsils croyaient
leurs épouses arrivées ; dans leur route ils s’informaient de la
destinée de ce vaisseau; il p a r a ît m ême qu’ils écrivirent à M . le
général Soult, et
voilà
ce qui valait à madame Destaing des at
tentions aussi flatteuses.
M . le général Soult ne s’en tint pas à des offres ; il insista
pour que M adam e Destaing allât se rétablir dans sa maison de
c a m p a g n e , et l’invita ensuite à habiter son propre palais.
A p rè s un mois de séjour, M adam e D esta in g , remise de ses
souffrances, voulut partir de T a re n te , mais en marquant une
g r a n d e
répugnance pour continuer son vo yage par la Méditéranée.
M . le général Soult porta la bonté jusqu’à lui tracer, lui-même,
une route pour aller par terre jusqu’au premier port de son
go uvern em en t, de là traverser l’A d r ia tiq u e , et continuer par
terre d’A n co n e à L y o n .
�( I l )
T o u t cela s’exécuta de point en p o in t, et sans le plus léger
accident. M . le général Soult voulut encore donner sa voitureà M adam e Destaing jusqu’au port de B arlelta. Il fit chercher
une nourrice pour sa f i l l e , et chargea M . D e sb ro sses, officier
français, de l’accom pagner jusqu’à L yo n .
V o ilà com m ent et sous quels auspices est venue en France
celle que les héritiers D estaing accablent de dédains et d ’o p
probres.
M a d a m e Destaing s’arrêta quelques jours à L y o n pour se
reposer et attendre des nouvelles de son mari. Joanni N azo partit
sur-le-champ p o u r aller le joindre à Paris.
O n peut se représenter l’impatience d ’une jeune épouse de
retrouver celui pour qui elle s’ était exposée à tant de périls.
H élas! il était dans sa destinée de ne plus le revoir. J oanni
n ’était arrivé à Paris que pour être en quelque sorte le témoin
du convoi de son m eilleur ami.
L ’accueil afFectueux du général n’avaij pas préparé Nazo à
ce malheur. L e récit mutuel de leurs aventures depuis leur
séparation ; l’empressement du général de revoir sa femme
et d embrasser son eufum p o u r la p r e m i è r e fois ; le u r s p r o je t s
pour l’avenir avaient occupé le peu d ’instans q u ’ils passèrent
ensemble........ L a mort en disposa autrement.
L a dame Destaing ignorait à L y o n q u ’ un coup mortel venait,
de la frapper elle-même. E lle comptait les inslans, et se croyait
heureuse, lorsqu’un sieur Bordin , chapelier à L y o n , se présenta
chez elle avec une lettre du sieur Destaing p ère, qui invitait
ce sieur Bordin à accom pagner sa f ille à A u rilla c, en lui laissant
entrevoir une partie de son malheur.
Com bien elle allait être à plaindre , celle q u i, tombant toutà-coup des illusions riantes de sa pensée dans la ceriitude d’un
isolement affreux , allait se trouver sans époux et sans patrio
parm i des êtres dont la demeure , les ha b itu d es, la langue
môme lui étaient inconnues. Q ue celui qui a pu se faire une
idce des fantômes de bonheur qui naguères remplissaient son
4
�(
12 )
â m e , se représente s’il se peut l’horrible situation de cette in
fortunée E g yp tien n e, au m ilieu du cahos où son imagination
épouvantée dut la placer.
Cependant la dame Destaing fut reçue par son beau-père et
sa belle-mère avec toute l’affabilité et la tendresse qui pouvaient
la rassurer.
L a famille entière, il faut le d ire , lui donna les mêmes
marques d’amitié et d ’intérêt. Cette conduite généreuse la toucha
jusqu’au fond de l ’â m e , et la dame D estaing trouve du plaisir
à en marquer sa reconnaissance. U n odieux intérêt n ’était point
venu encore empoisonner ce premier élan de la nature. Chacun
avait alors à pleurer un fils, un é p o u x , un frère. Les liens du sang
se resserraient davantage par un besoin m utuel d’épanchemens
et de consolations.
Cependant la famille Destaing crut nécessaire de remplir
les formalités légales pour la succession du général. L es scellés
avaient été mis à Paris dans l’hôtel M éot qu’ il habitait le jour
m êm e de sa mort ( i 5 floréal an 1 0 ) .
Il
s’agissait de les le v e r, et pour cela il fallait faire connaître
les héritiers de la succession.
C ’est la famille Destaing qui e n prit l ’i n i t i a t iv e ; un conseil
de famille fut c o n v o q u é d e v a n t le ju g e de paix d ’ A u r i l l a c , l e
5
m e s s id o r a n 10. L à le s.r D e s ta in g , père du général, juge au
tribunal de première instance, exposa : «que Jacques-Zacharie
« D estaing , son (ils , général de division, était décédé à Paris ,
a la issan t une f i l l e u n iq u e , âgée de cinq m ois, nommée M a r i a ,
« p rovena nt de son m ariage a vec A n n e JS’azo , g recque d ’o n a g in e , laquelle avait besoin d ’ un tuteur, attendu la minorité
« de sa mère ».
D ’après cela le conseil de famille * délibérant, choisit pour
*
M . D e l z o u s , p è r e , le m é m o qui avait toute la conG ancc du généra l
D esta iu g à ses derniers i n o m e n s , et M . D e l z o n s , gé n é ra l de b r i g a d e ,
aussi eu E g y p t e , sout m e m b r e s d e c e couseil de fa m ille.
I
marié
�•
( *3 )
tuteur de Maria Destaing, M . D estaing, son aïéul; fixa à 1,000 fr.
le douaire annuel de la dame veuve D e sta in g ; lui alloua des
habits de deuil pour elle et pour une négresse qu’elle avait à'
son service ; et s’occupa encore du salaire de la nourrice q u ’elle
avait amenée de Tarente à Aurillac.
L e sieur Destaing père déclara accepter la tutelle de sa petitefille , et fit le serment ordinaire d ’en remplir fidèlement les
fonctions.
V o ilà donc les qualités réglées; l’état de la mère et de l’enfant
p lacé sous la protection de la lo i, et leurs intérêts remis entre
les mains de celui à q u i , sans aucun d o u t e , le défunt les
aurait confiés lui-même.
L e lendemain une procuration fut envoyée; les scellés furent
levés à P a ris, et suivis d ’ un inventaire. D ans tous ces actes on
agit constamment au nom du sieur Destaing p è r e , tuteur de
M aria Destaing ,J i lle et unique héritière du général Destaing.
L ’inventaire ne pouvait contenir que ce q u ’on laisse dans un
appartement d’ hôtel g a rn i; des v ê te m e n s, des a rm e s, quelques
papiers de portefeuille *, et deux rouleaux de
5o
louis. On y
Consigne ce fait, que 1« gf$udi-al nvnit remis, peu de jours avant
sa m ort, à M . Delzons père, législateur, 18,000 fr. q u ’il avait
touchés à la trésorerie , pour q u ’il les fit passer à A u rilla c .
Pendant ces tristes opérations , la dame Destaing vivait à
A u r i l l a c , quelquefois dans les sociétés o ù 'o n la présentait, et
qui voulaient bien s’accoutumer à sa tristesse, le plus souvent
retirée chez elle , occupée de sa fille , et presque heureuse de
vivre parmi ceux q u i , en lui apprenant leur la n g u e , lui parlaient
de son e'poux.
U ne grande satisfaction pour elle fut d’apprendre que Sa
Majesté avait eu la générosité de la faire placer sur le tableau
*
Il y
a va it une lettre du lieutenant L a t a p i o , et un9 lettre de J o a n n i
N o z o , toutes d eu x écrites de T a re n te . C e s lettres a v a ie n t été supprim ées
d e p u i s , et n’ ont pu être c o m m u n iq u é e s qu’ en vertu d ’un arrêt de la Cour.
�C H )
des pensions, com m e veuve du g én éra l D e s la i n g , i 5 jours
après sa mort *.
* Cet état de quiétude dura environ une année. M ais les frères
et sœur D estaing, prévoyant que la fortune du général, qui leur
avait procuré une augmentation d’aisance, leur serait retirée dans
peu de tems , changèrent insensiblement le bon accueil qu’ ils
avaient fait à leur belle-sœur; et une petite persécution commença
sourdement contr’elle.
L à mélancolie de la dame D estaing lui faisant préférer la so
litu d e , on la représenta comme un être farouche qui méditait
des procès. S i, de loin en loin, quelques âmes sensibles venaient
du dehors pour la distraire , on supposait de l ’intrigue et des
conseils. L a dame D e s ta in g , sa belle-m ère, fut séduite la pre
mière par ces insinuations désintéressées en apparence : e n fin ,
à force de persévérance vis-à-vis le sieur D estaing, on parvint
à inspirer de la défiance à ce respectable père de famille : on le
rendit tout différent de lui-même.
L e premier résultat de cette défiance prit d ’abord une direction
toute différente de celle qu’on avait voulu lui donner : le bon
tuteur n’avait point des entrailles de collatéral pour l’enfant de
son fils; et la seule punition q u i lu i v i n t en idée contre la mère,
fut de faire e n l e v e r l’e n fa n t pour le cacher à la c a m p a g n e , en
p r e n a n t des précautions pour que la dame Destaing ne découvrît
pns sa retraite.
M ais ce n’était pas là le compte de la petite faction ennemie;
qui comprenait bien que ce procédé consolidait l’état de l’enfant
au lieu de le détruire.
A lo rs on parut compatir à la douleur d ’ une mère justement
alarmée. L a dame D elzons ( é g y p tie n n e , et jusqu’alors très-liée
avec la dame D e s t a in g ) , écrivit d ’A u rilla c à Joanni N azo ce
qui se passait. N a zo partit s u r - l e - c h a m p ; ses plaintes furent
vives : de part et d ’autre , il s’y mêla de l’aigreur. L a dame
* L e b re v e t d e celle p e tn io u est tlu 29 floréal an 10.
�( i5 )
Destaing quitta A u rilla c avec N azo pour aller joindre sa mère
à Marseille; mais le sieur D estaing, son b e a u -p è r e , ne voulut
jamais que M aria D eslaing partît avec eux.
Joanni N azo, personnellement maltraité dans une famille qui
ne lui semblait avoir ce droit envers lui sous aucun rappo rt,
suivit p e u t-ê tre un peu trop son premier m ouvem ent. D ’après
les conseils qui lui furent donnés, il fit rédiger un acte de noto
r ié té , par lequel les réfugiés Egyptiens qui avaient traversé la
m er a v e c la dame D estain g, certifièrent qu’elle était mariée au
C aire, et qu’ elle avait donné le jour à une fille baptisée à C ép h alo n ie , sous le nom de M a ria ; et muni de cette p iè ce , il fit
adresser un m ém oireà l’E m p ereu r p o u rré clam erM a ria D esta in g .
Sa Majesté daigna y répondre par une note de sa main ; et Son
E x c . le Grand-Juge en ayant donné avis au sieur Destaing père,
celui-ci ne mit aucun obstacle à rendre l’enfant qu’il avait retenu.
M ais aussitôt ses idées et son système changèrent. Ses enfans
profitèrent de celte circonstance pour s’emparer entièrement de
son esprit, et l’ envenimer contre la malheureuse étrangère q u ’il
avait jusqu’alors chérie com m e sa fille. T e lle a été la source du
P l ’OCL’S.
L a première hostilité vint des frères et sœur D estaing, et cela
était bien dans l’ordre. Ils firent saisir, entre les mains de leur
père , le mobilier et revenus de la succession du g é n é r a l, comme
prétendant être ses seuls héritiers.
Il eût été plus naturel d ’assigner la v e u v e , dont ils ne pouvaient
pas méconnaître au moins les prétentions et la possession q u ’elle
avait eue de son état dans leur propre maison. Mais celte lenteur
eût été trop douce; il fallait tout d ’ un coup , par une saisie, lui
enlever les ressources que lui donnait la délibération du conseil
de famille. L a dame Destaing fut donc forcée de p r e n d r e les voies
judiciaires; elle a ssig n a , le 27 nivôse an 1 2 , le sieur D eslaing
père ( nu tribunal de la S e in e, lieu du d é c è s ) , pour demander
remise de la succession , et une provision pour ses nlimens, dont
on avait affecté de la priver.
�1
6
}
Celte privation était inhum aine; mais la dame Destaing a été
(
heureuse de la soulïrir. Dans le moment de sa plus grande dé
tresse, elle reçut de la munificence de Sa Majesté Impériale le
brevet d ’une pension de 2,000 fr. au lieu de S20 fr. tju’elle était
jusqu’alors *.
Croirait-on que les héritiers D estaing ont attribué cet acte de
bonté à leur conseil de fa m ille , q u i, disent-ils, avait donné par
erreur, à A n n e N a z o , une qualité dont elle fit usage pour o b
tenir une pension ! Rem arquons seulement que ce conseil de
famille est du 5 messidor an 1 0 , et que déjà le premier brevet
de pension était donné à A n n e N a z o , com m e veuve D e s ta in g ,
plus d’ un mois auparavant.
A u lieu de répondre à la demande de la dame D estaing ,
ses adversaires introduisirent à A u rilla c une procédure obscure,
qui prouve que tous moyens leur étaient bons pour multiplier
contr’elle les incidens et les ennemis.
L e s frères et sœur D estaing assignèrent leur père à A u r i lla c ,
en remise de la succession du g énéral, comme s’ils ignoraient la
demande déjà formée par leur belle-sœur. Il répondit q u ’A nn e
N azo prétendait à la même succession, et sur cela sa mise en
cause fut ordonnée. Cependant Je j u g e m e n t n e fut s i g n if i é q u ’a u
sieur Destaing p ère, le m o in s in té r e s s é à le connaître ; et la dame
D e s t a i n g n ’e n a appris l’existence qu e long-teins après.
O n lui laissait, pendant ce tem s-là, obtenir un jugem ent à
Paris ; et ensuite on se pourvut en règlem ent de juges. L e procès
ne fut renvoyé ni à Paris ni à A u rilla c : il le fut au tribunal do
M auriac ; tout cela dura près de trois ans; et enfin la dame D es
taing recommença son procès à M a u r ia c , où elle était renvoyée.
* « M in istère d u trésor p u b lic. — P a r i s , i 3 pluviôso an 1 2».
« A rt. i.«r L a pension de S20 fr. a cc o rd ée par arrété du 29 floréal an 1 0 , à
« A n n e N ax,o , n é e en E g y p t e , veuve d u 5.TJ a cq u e s-Z a ch a rie D esta in g ,
« général de d i v i s i o n , mort le i
5
floréal an 1 0 , est portée à 2,000 fr. ».
* A r t . 2. Le» M iuistrc* de la gu erre et du trésor pu b lic sont c h a r g é s , etc. ».
«
Sifflé
N A P O L E O N
».
Là
�(
1 7
)
t
L à on fit dire au sieur Destaing pè re , qu’il révoquait l'a v e u
qu ’il avait fait de L'état et p o ssession de la veuve Destaing et
de sa fille. Il prétendit que c’était à elle à prouver son mariage et
la naissance de l’ enfant; que les certificats de Marseille étaient
suspects et ne prouvaient rien. Il termina par dire qu ’il ne con
naissait d ’autre enfant de son f i ls , q u ’ un enfant na tu rel, né
avant son départ pour l’E g y p te ( que l ’on disait tantôt né aux
Pyrénées, tantôt d ’une femme de P a r is ) . Puis il demanda à la
dam e Destaing une caution pour être admise à plaider, com m e
étrangère.
Y o i l à ce que les héritiers D estaing osèrent suggérer à leur
p è re , sans égard pour la..mémoire du g én éral; et ain>i leur
animosité était telle contre sa v e u v e , qu’ils aimaient m ieux a p
peler à la succession u n 'in c o n n u , sans n o m , et auquel la loi
ne donnait ni titre ni qualité.
Cependant la dame Destaing voulant ne laisser aucune sus
picion sur son certificat d’égyptiens, et pouvant fort aisément
le suppléer par des témoignages français, réunit devant le juge
de paix de P a ris , en la forme légale des actes de notoriété,
s e p t cito y e n « (Hetingués qui s’étaient trouvés au Caire en l'an
0 et
en l’an 9; i.° l’ordonnateur en c h e f de rarmdc ; 2..° rinspectnirgénéral aux revues; 3.° le chirurgien en chfef de l’armée;
4.0 lin
général de brigade; 5.° le trésorier-général d e l à couronne;
6.° le directeur-général de l ’imprimerie im périale; 7 .0 un prêtre
égyptien, professeur de langues orientales.
« Ils attestèrent qu’A n n e N azo a va it é té u n ie religieusem ent
« au C a ir e , suivant les rites du p a ys, et en lég itim e mariage
a avec le général Destaing , dans le courant de l ’an
0,
par le
« patriarche d 'A le x a n d r ie . Que l’acte de célébration n ’en avait
« pas été r é d i g é , parce que ce n’était pas l’usage : mais que ce
« mariage n’en était pas moins constant, ayant die célébré en
« présence d’ un grand nombre de militaires français, tt de la
plupart des déclarons. Q ue depuis cette célébration A n n e
�( i8 ) ,
U N azo n ’ a v a i t pas cessé d ’habiter en E g y p te avec son m a r i ,
« qui l’a toujours traitée com m e son ép ou se lé g itim e ».
L a dame Destaing avait été privée de faire entendre M . l e (
général en c h e f de l’armée d’E g y p te , et M . le général D u p a s ,
alors absens; le prem ier, comme gouverneur des départem ent
au-delà des A lp e s ; le second, com m e gouverneur du château
de Stupinis; elle leur fit écrire pour l e u r ’d emander la déclaration
de la vérité sur son m a r ia g e , et reçut deux certificats attestant
avec la même force la connaissance personnelle que ces deux
généraux a v a i e n t de son mariage *.
L ’a c t e de notoriété fut hom ologué par le. tribunal c i v i l d ç la
S e in e , sur le rapport d’ un j u g e , e t 'sur les c o n clu sio n s<
■
du
ministère public, i
i
'
v
' -,
M u n ie de cette pièce im p o rtan te, de son brevet de pension
et de l’acte de tutelle, la dame D estaing crut son procès fi n i,
et se présenta à l’audience de Mauriac.' M ais combien elle se
*
« J e d é c l a r e , au n om d e la v é r i t é et d e l’ h o n n e u r, q u e , lorsque je c o m
m a nd a is l’a r m é e d ’O r i e n t , en E g y p t e , M . le g é n é r a l D e sta in g s’ est m a r i é
en l ’an 8 a v e c m a d e m o iselle A n n e N a z o . . . ........... L e g é n é ra l éta it venu,
m'en, fa ir e part .................. J e m’engageai ô y a ssiste r , ainsi q u ’ au repas
qui eut lieu après le
avec ta p lu s
mariage. J e rem plis m a prom esse. T o u t s 'y p a ssa
grande
régularité sous les rapports c iv ils et relig ieu x ».
« A T u r in , le 18 ju illet 1806 ».
« L e g é n é ra l M e n o u ».
« J e certifie q u ’ étant c h e f d a b r i g a d e , c o m m a n d a n t la c itad e lle du C a ir e
sous les ordres du gé n é ra l D e s t a i n g , j ' a i en p ar/aile et sure con naissance
d e so n légitim e mariage a v e o m a d e m o ise lle A u n e N a z o ..............J ’atteste
a vo ir eu des liaisons particulières a v e c beau cou p d e personnes très-distin
guées qui m ’ ont dit avoir été présentes à ce m a ria g e, qui fut céléb ré
p u b liq u e m e n t ........................
« P a r i s , le 3o ju ille t 1806 »•
ii
;
f
•
« L e g é n é ra l D d f a s ».
�( ï .9 )
trompait ! L a cause eût été trop simple avec le sieur D estaing
père; les frères et sœur voulurent plaider aussi; mais il sera
inutile de les suivre dans leur in te r v e n tio n , leur tierce op p o
s it io n , leur s a is ie , leurs in cid en s de toute espèce : il suffit de
parler du jugem ent de M a u ria c, du i 3 août 18 0 7 , dont il est
nécessaire de préciser les dispositions pour les comparer avec
l ’arrêt postérieur de la Cour d ’appel.
L e tribunal de M auriac ne crut pas devoir s’arrêter aux preuves
existantes; il les jugea insuffisantes, et ordonna que la dame
D e s ta in g p ro u v e ra it, i .° « Q u ’il n’est pas d’usage au Caire et à
« Céphalonie de tenir des registres et faire des actes de mariage
« et de naissance; 2.0 q u ’elle a été mariée au C a ire, en l ’an 8 ,
« avec le général D esta in g , pa r le patriarche d’A le x a n d rie , avec
« les cérémonies usitées dans le lieu ;
3 .°
q u ’elle a cohabité de-
« puis avec le général Destaing jusqu’à son retour en F rance ÿ
« et que dans tout ce tems elle a été publiquement reconnue
« pour épouse du général De6taing; 4 .0 qu ’elle est accouchée à
« C é p h a lo n ie , en nivôse an 10 , d ’ une fille provenue de ce ma« r i a g e , laquelle a été nommée M aria D estaing ».
Il y eut-, de part et d’autre, a p p e l d e c e j u g e m e n t j la clame
D eslaîng s’en p la ig n a it, pârce qu’il l’assujétissait à une preuve
non-scUlement déjà fa ite , mais qu’elle crut Inutile, puisqu’elle
avait une possession d’état émanée de la famille Destaing ellemêm e. L e s héritiers'Destaing s’en plaignirent aussi, en ce q u e ,
disaient-ils, le Code civil ne pèrmet de prouver les mariages qué
pa r écrit et par les registres de l ’état civil.
• J1 •
C e n’était point assez d ’avoir accablé de calomnies la dame
D estaing à A u r i l l a c , M a u ria c et P a ris, les héritiers D estaing
lui réservaient pour la C o u r d’appel des imputations plus dures
encore. A les cro ire , elle n ’était qu’une prostituée de la plus
vile classe , offerte au général par sa propre famille ayant même
q u ’il eût sur ce point montré aucun ddsir; une grecque artifi-
6
�( 2° )
cieuse et r u s é e , qui avait su en imposer quelque tems à une fa
mille c r é d u l e ; ensuite, et pour avoir le droit d’ insister sur la re
présentation d’ un acte c iv il, ils la transformaient en musulmane
échappée d’un h arem , et la sommaient de représenter l’acte de
mariage que le Cadi avait dû rédiger.
L a Cour d ’a p p e l, par arrêt du n juin 1808 , a cru devo ir,
dans une matière aussi importante , laisser subsister la preuve
o rd o n n ée , mais avec des motifs bien précieux pour la dame
D e s ta in g , et qui p r o u v e n t q u e les magistrats, convaincus com m e
homm es, ont s e u le m e n t voulu ne négliger aucun moyen légal de
découvrir la vérité.
1.
Cependant la preuve ordonnée à M auriac n ’a point été exigée
par la Cour avec autant d’étendue. « L a Cour dit qu’il a été bien
« jugé en ce que la preuve testimoniale a été ordonnée, et néan« m oins, réduisant ¡ ’in te rlo c u to ire , ordonne que dans six mois
« A n n e Nazo fera p r e u v e , tant par titres que par tém oins, d e« vaut les premiers j u g e s , que pendant que le général Destaing
« étjit en activité de service au C aire, elle a é té m ariée avec lui
« publiquement et solennellement par Je patriarche d’A le x a n « drie, suivant le rii grec et suivant les formes et usages obser« vés dans le pays ; V autorise à ju ir e entendre les p a r e n s, tant
« d ’elle que du général .Deslaing, ainsi que to u tes les personnes
« q u i ont d éjà d o n n é des a ttesta tion s par forme d ’acte de no« toriété, à Marsei.le et à P a r is , ou des certifica ts dans la
« c a u se , sa u f tous autres reproches de droit qui pourront êlro
« proposés, et sur lesquels les premiers juges statueront, sauf
« preuve contraire ; ordonne que les frères et sœur Destaing
« rapporleiont les deux lettres mentionnées en l ’inventaire
« du 24 messidor an 10».
L es héritiers Destaing menaçaient de se pourvoir en cassation,
parce qu’ils attendaient la décision d ’une cause semblable sur
laquelle il y avait pourvoi contre N éphis D a v id , G éorgienne,
�( 21 )
mariée en E g y p te avec M . le général Faultrier * ; aussi ont-ils
retardé l’exécution de l ’arrêt par mille chicanes plus absurdes les
unes que les autres.
A Paris ils arrêtent brusquem ent l ’enquête, en disant que le
président de M auriac n ’a pas pu donner une commission rogatoire. L e juge-commissaire ne voulant pas ju g er ce grave p ro c è s,
le renvoie à M a u r i a c , et M au ria c le renvoie en la Cour. L à ,
vaincus dans leur m is é r a b l e incident par la simple lecture du
texte de la l o i , ils osent bien s’opposer à une prorogation .du
délai q u ’ils ont consumé eux-mêmes en chicanes; mais la Cour
en fait justice, e t, par arrêt du 12 décembre 1808, elle autorise
le président de M auriac à donner les commissions nécessaires,
re n o u ve lle le délai d’e n q u ête, et punit les héritiers D estaing
p a r une condamnation des dépens faits à R io m , à M auriac et à
Paris. Pendant tout ce délai, les témoius appelés à Paris ont été
renvoyés sans être entendus.
E nfin les enquêtes se font, l ’ une à M arseille, une autre à
P a r is , une autre à A u r i l l a c , et une dernière à M a u ria c; mais
l ’obstination tdes héritiers Destaing ne se lasse pas. L ’enquête de
PaVlS est rem arqu able, "m -io u i par la verbalisation .continuelle
de l’un desjhériliers D esta in g , q u i, sans exagération , y parlait
plus que les témoins et le ju g e ; à chaque mot il avait des obser
vations à faire écrire, ou;des questions nouvelles à adresser aux
'■ * L a C o u r 'd o M e t z a va it o r d o n n é q u e N é p l i i s rapporterait s eu le m en t
u n 'a c t e d e n o t o r i é t é , constatant q u e les chrétien s grecs ou rom ain s q ui se
m arien t à O i z é , piès le C a i r e , 11e sont pas dans l’ usage de faire constater
leurs mariages sur des registres publics.
L e s héritiers attaquèrent cet arrêt par le m otif q u e des ordres du jo u r
p u b lié s en E g y p t e , en l ’ an 6 , ex igeaient q u e tous les a c t e s , e n t r e F r a n ç a is
ê t E g y p tie n s , fussent reçus p;ir les com m issaires des g u e r r e s .
L a C o u r de cassation a d é c id é q u e ces ordres du jour étaient sans a p
plication ; que l’ acte d e notoriété était su ffisa n t, et avait été lé g a le m e n t
o r d o n n é j en c o n s é q u e n c e , le po u rv oi a été r e je té le S juin 1809.
�(
22
)
témoins; et quelles questions encore!..... ( S i en E g yp te il n’est
pas reçu q u ’on se marie pour un teins..... S ’il n ’est pas vrai que
les T u rc s coupent la tête aux femmes qui ont commerce avec
les Européens,.... e t c ., e t c .)
ic i
E h bien, toutes ces billevesées sont fidèlement écrites dans l’en
quête de P a r is , renouvelées ad liùilttm , *et suivies à chaque
nouvelle déposition, de questions plus absurdes encore. M . le
juge-enquêteur avait la bonté de tout entendre.
A M arseille, il n’y avait pour les héritiers*Destaing qu’ unfondé de p o u v o i r ; et soit q u ’ il n'osât pas se permettre toute cette:
verbalisatio n , soit qae les jo g â s mérîdiortaüx- soient'momsnpaJ
liens que ceux de la capitale, l ’enquête s’est faite en la forme-ordi
n a ire , et ce sont les témoins qui y occupent la plus grande place.
Cependant àfM arseille, com m e à P a r is , on ne m anqué pas
de faire insérer des reproches contre cliaqué pàrent, et contre
chaque témoin qui déjà avaient donné ü e s !atteslations ( m a lg r é
l’arrêt de la Cour, qui autorise expressément leurs dépositions).
M algré toute cette obstination les enquêtes se parachèvent}
des témoins distingués Tendent'compte de ce q u ’ils ont vu e t
entendu. Ilrésulte'de leurs dépo$iiiôtis une preuve aüssvcomplôtë
q u ’il était possible de l’attendre a p r è s *ce qui avait été produit
avant les interlocutoires.
!
ru )l L e s deux enquêtes de lü dam e Destaing sont' cûtnposées do
dix-sept témoins entendus à P a ris , et dix enteudus à Marseille.
P o u r ne pas être diffus, en suivant le détail d’ un,aussi gvand
nombre de dépositions, il faut.îles rapporter a trois .faits prin
cipaux : i.° la fête nuptiale; z.° la cérémonie de l’église;
notoriété du mariage.
!’
,
3.o
la
■
i .° M M . les généraux L a g r a n g c , D u ra n t eau et B ertra nd ;
M M . S a r le lo n , secrétaire-général du ministère de la "guerre;
M a r c e l, directeur-général de l’imprimerie impériale ; C lé m en t,
négociant; L a rrcy , m é d e c in ; A n n a ü b a d a n i, ancien commis
saire de police au C a i r e , ont déposé avoir assisté au repas de
�(
*3
)
nôces : les sieurs D u f é s , T u tu n g i et M i s c k , parens d ’A n n e
N a z o , le déposent aussi. Ces témoins y ont v u encore M . .le
général en ch e f M en ou (d écéd é pendant le procès ) , et plusieurs
prêtres grecs. M . D a u r e , commissaire des g u erres, dit y avoir
été invité , mais que son service le retarda, et qu’il vint après le
dîner. O n ajoute que ce fut la f ê t e la p lu s so le n n e lle qu’on eût
v u e dans le pays.
2 .0 L a célébration ecclésiastique est l ’objet de treize déposi
tions. L e général Destaing avait co m m u n iq u é son m ariage à
tous les dignitaires de son armée. Il y avait eu des b ille ts d 'in v i
ta tio n ; et M . Sa rtelon dit m ême q u ’il croit avoir vu l’annonce de
çe mariage dans la gazette du .Caire. M M . L a g ra n g e et L arrey
déclarent avoir reçu une invitation du général Destaing. L e u r
service les empêcha d’arriver assez tôt. M . L arrey dit q u ’il arriva
lo r sq u ’on so rta it de V ég lise, et q u ’il s’excusa auprès du général
sur son défaut d ’exactitude. D o n M o n a ch is ,le s s.rs T a k et V id a l
déposent que plusieurs témoins oculaires,, q u ’ils n om m ent, leur
ont dit a vo ir a ssis té à c ette célébra tion dans l ’église S a in tN ic o la s. L e sieur C h a m , ancien interprète de M . le prince de
NeufeWâipI. déclara a voir vu les préparatifs de la fêle sur la
place A ta b e l-e l-¿ a r g u a . L e 1» s i e u r s O ù a t l a n i , c o m m i s s a i r e de
po lice; R o s e t t e , bijoutier, étaient présens à la céléb ra tion du
m a r ia g e, f a i t e par le patriarche d ’A le x a n d r ie , dans la m êm e
église. L es sieurs J o se p h D u f é s , J o se p h
T u tu n g i, Ibrahim
T u tu n g i, S o p h ie M isck et J o se p h M isck déposent également
a v o ir a ssisté à c ette céléb ra tio n f a it e p ar le p a tria rc h e , avec
les rites observés par les Grecs, le jour des rois de l’église g rec q u e ,
ou 17 janvier; ils ajoutent que le colonel N ic o la s P a p a s O g lou
était le parrain de la m a rié e , suivant l’ usage. L e sieur B a rth éle m i Serra dit avoir élé in v ité à c ette cérém onie par le général
D esta in g , mais n’avoir pas a c ce p té , parce qu’il était brouillé
avec la famille N a zo ; il ajoute que le g é n é r a l Destaing lui d it ,
avant son,jnariage, q u ’il serait célébré su iva n t le rit g r e c , et
Qu’ensuite il lui dit que son mariage avait é té céléb ré p a r le
�( H )
patriarche g r e c , scion le rit g rec; q u ’il avait voulu se conformer
à 'l’usage du pays.
1
3.° Quant à la notoriété, il serait oiseux d’énumérer les té
moins qui déposent que le mariage était public au C a ire; il est
plus sûr de dire, sans craindre de se trom per, que tou s les té
m o in s, sans exceptio n , attestent que to u te la v ille du Caire
regardait ce m ariage com m e lég itim e ; et précisément tous ces
militaires français , qu’on a peints com m e ne s’occupant des
femmes que pour les déshonorer, sont ceux qui attestent le plus
fortement que p erson n e ne dou tait y au Caire et à l a rm ée, de
la lé g itim ité de c e m a r ia g e ."
'• •
L e s héritiers Destaing ont fait de leur côté deux enquêtes ,
l ’une à A u r illa c , composée de trois témoins, et l’autre à M a u
ria c , de deux témoins.
A A u r i l l a c , ce sont le sieur D elzons père et la dame D elzons
sa b e lle -fille, cousins des héritiers D estain g, et une demoiselle
Françoise Gronier. L e sieur D elzons père, qui n’a rien vu , ra p
porte seulement deux conversations : un jo u r , à P a r i s , le géné
ral Destaing causant avec sa belle-fille, lui disait que sa femme
po uvait être m a rié e , mais que lui ne l’était p a s; le sieur D e l
zons ajoute q u ’il fit cesser c e lle p la isa n terie. U n autre jo u r, h
P a r is , le général D e l z o n s , s o n f i l s , lu i d it q u ’ il y avait eu
dans la maison N azo une cérém onie relig ieu se à la q u elle i l
a va it a ssisté.
L a dame D elzo n s, née V a r s y , déclare n’être arrivée au Caire
que le 3o nivôse an 9 , et on lui dit que la veille 011 avait conduit
A n n e N azo chez le g é n é r a l, à l’entrée de la n u it, sans cérémonie
ni fête; q u ’il y eut une fête ensuite, mais pour lebdptême de son
e n fa n t, et qu’A n n e N a z o 'y occupait la place de m aîtresse de la
m aison. E lle ajoute que cependant elle a oui-dire (¡ne le jour
q u ’A n n e Nazo avait été conduite chez le général D estain g, i l y
a va it eu une cérém onie religieuse q u i a va it é té f a i t e par le
patriarche d ’A le x a n d r ie , à laquelle peu: de personnes avaient
assisté.
‘
Jusquo
�( 25 )
• J u s q u e - l à on voit que la dame D elzons se tient en mesure
pour ne dire que le moins possible. Mais le ju g e l’interroge sur
son opinion particulière, et elle termine par dire q u ’elle croit
qu 'o n regardait au Caire A n n e Nazo comme épouse lé g itim e
du sieur D estaing, et que p ou r e l l e , e lle la croya it fe m m e du
généra l D e s t a in g , et lu i rendait le s honneurs atta chés à c e
titre.
L a demoiselle Gronier, fille, à ce qu’il paraît, fort curieuse, et
qui n’oublie r i e n , dépose s’être trouvée à L y o n lorsque le général
D estaing arriva d ’E g y p te : elle dîna a vec lui. L ’occasion de parler
de son mariage venait si naturellem ent, qu ’elle ne la laissa pas
échapper. E lle ouvrit donc la conversation, com m e c’était tout
sim p le, et parla de cette belle G recque q u ’i l avait é p o u s é e , que
to u t le m onde le d is a it, que sa famille en était instruite, etc. L e
g é n éra l, qui avait perdu en Orient l ’habitude de cette loquacité
du sexe , lui répondit seulement : E l l e est p a ssée d'un c ô té et
m o i de Vautre. Puis il se tut sans miséricorde. Mais la demoiselle
Gronier tira , à ce qu’elle d it, plusieurs conjectures du m o u ve
ment de ses doigts , quand il indiquait deux côtés opposés; e t ,
TIC pO U V Û Tlt p l l l S T ie n d i r e s u r c c c h a p i t r a , c l i c p a r l a s u r cl*autr6S
q u ’elle Ijuge inutile d’être racontés. L o rs q u ’ensuite la dam e
D estaing fut’ venue à A u r i l l a c , la demoiselle Gronier ( p a r une
prescience du procès actuel)', poussa le scrupule jusqu’à demander
à la dame D eslaing s ’i l y avait des registres de m ariage au C a ir e ,
et la dame Destaing lui répondit encore q u ’elle croit avoir vu le
prêtre écrire dans un gros livre. E n f i n , passant aux ouV-dires, la
demoiselle Gronier a entendu d é c la r e r , par m adam e D e lz o n s ,
fem m e du g é n é r a l, qu’A n n e N azo avait été mariée ,
mari
{ le g én éra l D e lz o n s )
et que
Y était pr é se n t. (V o ilà
son
l ’abrégé
de la déposition de la demoiselle Gronier, que les héritiers D e s
taing prétendent leur être fort a van tageu se).
L e s deux témoins de M auriac disent fort peu de choses, quoi-,
qu’ils fussent dans la maison du g é n é r a l, lors de son mariage.
L ’un était son palfrenier au C aire; le cuisinier lui dit qu’oü
7
�( 26)'
avait mené une fem m e chez le général : et il n ’en sait pas
davantage pour ce jour-Ià. Ensuite il a vu un grand repas où
étaient le général M en o u et to u t C état-m a jor. Cette femme y
était aussi, il l’a entendu appeler M adam e D esta in g .
L ’autre était un militaire travaillant comme menuisier chez le
général. O n lui dit aussi q u ’on menait une fe m m e , et il courut
p o u r la regarder : mais il ne vit pas sa f i g u r e , parce qu’e lle
éta it voilée; elle était accom pagnée par une autre fem m e; et il
vit p lu sieu rs escla ves de son escorte, restés dans la cour; a lo rs;
craignant d ’ê tre a p e r ç u , il se retira.
Il paraît que ce n’était pas pour ces détails-là q u ’on avait
appelé ces témoins; mais, pour que leur témoignage ne fût pas
tout à fait in utile, les héritiers Destaing leur font demander s’ ils
ont vu des mariages en Egypte. T o u s deux déposent en avoir
v u un : la mariée était sous un d a is , précédée de musiciens
montés sur des chameaux.
V o i là en total le résultat des enquêtes; et on voit que l’en
quête contraire ne fait que confirmer pleinement l ’enquête
directe , loin de la détruire.
A u ssi les héritiers D e s ta in g , comprenant fort bien q u e , sous
ce point de v u e , leur cause d e v e n a i t i n s o u t e n a b l e , ont-ils Voulu
tourner tous leurs e ffo r ts du côté de 1 acte civil du mariage.
E n rendant compte de l’enquête de Paris et de M a r s e ille ,
on n’a pas dit qu’à chaque déposition les héritiers Destaing
faisaient expliquer les témoins sur la tenue des registres de
l ’état civil en E g y p te , quoique cet article fût exclu de la preuve
par l’arrêt de la Cour.
M ais plus cette partie était obscure,
et plus les héritiers
D estaing y ont fondé d ’espérances. Cependant ils n’ont eu rien
à y gagner dans les enquêtes; car si quelques témoins ont dit
q u ’il existait des registres, c ’est avec l ’explication tr è s-lu m i
neuse de la différence des églises. A in si les héritiers Destaing
n ’avaient encore rien éclairci qui ne leur fût contraire.
L e procès des héritiers Eaultrier leur a fourni d ’aulres res-
�( 27 )
sources; ils ont su que cette famille avait fait venir du consuL
d'E gypte des certificats sur la tenue des registres c iv ils , et aussitôt
ils s’en sont procuré une copie légalisée à M etz.
C es certificats é m anen t, à ce q u ’ils disent, du préfet et du
patriarche des prêtres grecs c a th o liq u e s , et du supérieur de la
m issio n .
L a dame D estaing, qui n’avait jamais o u ï parler au Caire*
des personnes dénommées en ces certificats, et qui avait de
grandes raisons d ’en suspecter la véracité, n’a eu à consulter
aucune personne plus sure et plus instruite que don R a p h a ë l
M onachis , l’ un
des témoins de son
enquête , prêtre grec
catholique r o m a in , appelé de l’E g y p te par Sa Majesté Impériale
p o u r être professeur de langues orientales à la bibliothèque
impériale.
D o n M onachis avait été envoyé d’E g y p te à R o m e pour faire
ses études. R e v e n u au couvent des D ruses, sur le M o n t - L i b a n
(résidence du seul patriarche grec, reconnu par l’église de R o m e ),
il reçut la mission d’âller au Caire, rem plir les fonctions de curé
cath o liqu e, ou premier vicaire du patriarche grec catholique,
juscju’ù tic cjtt’li or»
obtenu la permission de venir en France.
C e lettré a parfaitement expliqué aux c o n s e i l s de la dam e
D estaing l’équivoque que ces certificats pouvaient produire a u x
y e u x de ceux qui ignorent la différence qui existe entre les
prêtres latins ou catholiques, et les prêtres grecs schismatiques.
L e s prêtres catholiques qui ont reçu de l’instruction tiennent
en E g y p te des registres qu’ils signent pour eux seuls, parce que
l’Etat ne les reconnaît p o i n t , et encore cet usage est-il récent ;
mais les prêtres du schisme grec élevés dans le pays , et n’y
recevant aucune espèce d ’instruction, ne tiennent jamais de
registres.
V o i là ce qu’a dit don M onachis dans une attestation notariée,
que les conseils de la dame D estaing ont d é siré o b t e n i r de lui
com m e garantie d ’un simple fait h i s t o r i q u e , qui eût pu paraître
apocryphe dans la bouche d’ une partie intéressée,
3
�. .
( 2 S )
C ’est ainsi qu’ il.fallait être en garde contre les embûches sans
eesse renaissantes des héritiers Destaing. Enfin ayant épuisé
toutes leurs ressources , il ne leur restait que celle de faire tomber
les enquêtes, et ils ont bien osé conclure devant le tribunal de
M a u r i a c à ce qu’il se désistâ t de V in terlocu toire ordonné par
l ’arrêt de la Cour. Ils ont reproché les témoins de M arseille
comme transfuges et in ca pa bles de tém oigna ge , et ils ont pré
tendu avoir prouvé qu ’ il existait des registres de mariage en
E g y p t e , d’où ils ont conclu que la dame Destaing ne pouvait
se dire épouse légitime tant qu’elle ne rapporterait pas l’acte
civil de son mariage. E t enfin ils ont demandé qu’elle res
tituât les objets à elle fournis pendant la tutelle de leur père ,
avec défenses a elle et a sa fille de porter le nom D estaing à
l ’avenir.
Ces derniers efforts de la chicane expirante ont eu le sort q u ’ils
méritaient ; e t, par un jugem ent du 14 août 1 8 1 0 , parfaitement
m o t i v é , le tribunal de M a u r ia c , conv,ainc.u.:de l’ extrême évi
dence des p re u ve s, a reconnu A nn e Nazo pour épouse légitim e
du général D e s ta in g , et M arie Destaing pour l ’enfant légitime
né de ce mariage.
L a voie de l’appel était e n c o r e ouverte aux héritiers Destaing f
et ils ne l’o n t p a s n é g l i g é e . Veulent-ils encore se venger de la
v é r i t é par des outrages? Mais il n ’est plus tems de répéter un de
ces romans diffamatoires, dont l ’imagination fait tous les frais ;
q u ’elle arrange a v e c art et prestige pour que l’incertitude soit
forcée d ’hésiter entre le mensonge et la réalité. A u jo u r d ’ hui tout
ce qui s’est passé au Caire est connu ; les faits, les noms , les
qualités , les u s a g e s , sont constiins ; la dame Destaing aurait
d>nc rigoureusement rempli sa tâche , en faisant un détail
exact de ce qui résulte d ’un aussi long procès; mais elle est
forcée de parcourir encore le cercle des objections dans les
quelles les héritiers D estaing ont semblé mettre encore un peu
de confiance.
�(
29
)
M O Y E N S.
L o rs q u ’ un étranger se dit m alheureux dans une pairie qui
n’est pas la sienne, les esprits durs ou superficiels sont quelque
fois disposés à lui reprocher d ’avoir abandonné le sol qui l’a vu
naître; on scrute les causes de son émigration , on les voit rare
m ent du meilleur côté, et on se roidit contre ses plaintes. C ’est
ainsi qu’ une sorte de prévention nationale repousse l ’étranger
en réclamation jusqu’à ce que l’é v id e n c e 'd e ses droits soit en
traînante, et alors l’indifférence même se sent portée à consoler
l ’être malheureux qui a eu tant de peine à faire apercevoir la
vérité.
M ais si cette vérité est si lente, le v u lg a ire , dans sa curiosilé
d ’ un m o m en t, a-t-il toujours le tems de l ’attendre? A v id e de
tout ce qui rompt la monotonie de ses habitudes , l’esprit du
m onde s’empare des événemens extraordinaires pour les ju g er
a v e c la promptitude qui convient à la mobilité de ses sensations.
Si r'art a mis quelque adresse à arranger une calomnie avec des
élduicn» merveilleux e t tant soj t peu vraisemblables , malheur à ‘
la victim e , car le monde a une prédilection marquée pour ce
qui s’éloigne du cours ordinaire des actions de la vie. E nlin le
tems ramène toul à la conviction et à la justice ; car lui seul est
la puissance capable de dévorer la calomnie et d’éteindre la
curiosité.
Cependant ce bienfait du tems n’est pas toujours un résultat
assuré. L e nuagede la calomnie est quelquefois tellement épais que
l’opinion ne cherche plus à le percer. Heureusem ent les m agis
trats ne se d é c i d e n t point comme le vu lga ire; fermant les y e u x
au prestige qui pourrait les persuader sans les c o n v a i n c r e , d é
daignant les narrations intéressées qui pourraient les séd uire, eux
seuls appellent le tems au secours de la vérité, et forcent l’opi
nion à proclamer q u ’elle n ’avait été c r é d u le que par lassitude o u
indifférence.
*
�Ç 3o )
C ’est une grande consolation sans doute pour la dame D es
ta in g, d ’avoir pu prouver son état avec plus d e clarté qu’elle
n e pouvait l’espérer à un aussi grand éloignement de sa patrie ;
m ais q u ’elles ont été longues ces années de procès! et qui jamais
la dédommagera de la cruelle anxiété où une ligue obstinée s’est
plu à la tenirdepuis'l’an n ? L e v a in c u , n ’en doutons pas, s’ap
plaudira encore intérieurem ent du mal réel q u ’il aura fait, alors
m ême qu ’il sera réduit à l’impuissance de l’agraver.
-,
Cependant les hostilités n ’ont point cessé encore; l’évidence ne.
peut arracher a u x héritiers Destaing l’aveu de leur conviction:
ils s ’ é c r ie n t encore qu ’il n’y a point eu de m a ria g e; que les en-,
quêtes doivent être rejetées, et qu’ il faut des registres de l’état
civil , parce qu’ils disent avoir constaté leur existence.
L e s enquêtes doivent être rejetées! V o i là bien le cri forcé de
la crainte; et pourquoi le seraient-elles, si la C o u r les a jugées,
nécessaires?
*
L a loi, disent les héritiers D esta in g , ne s’oppose pas à ce que*
le juge s’éloigne de son interlocutoire; cela est v r a i, lorsque des
preuves écrites sont venues éclaircir ce qui était d ’abord douteux.»
M ais quelle lumière, nouvelle ont donc apportée les héritiers D e s
taing? quelles preuves inattendues m o n t r e n t - i l s de la fau sseté du
m ariage que tant de t é m o in s attestent ? A u c u n e ; absolument
aucune : la c a u s e est donc dans le même état qu elle était lorsque*
la C o u r a ordonné une preuve. A in si on ne peut comprendre
quel esprit de vertige les a poussés tout d’un coup à demander
à un tribunal de première instance le rejet d’un interlocutoire
ordonné par arrêt de la Cour.
L ’arrêt subsiste, et il est pleinement exécuté : la preuve est
complète. U n e foule de témoins du premier rang parlent de la
c é lé b r a t io n du mariage et des fêtes données pour le rendre
plus solennel : les uns étaient tém oins ocula ires des f ê t e s , les
autres tém oins o cu la ires de la c é lé b r a tio n , d’autres étaient in
vités et n’ont pu être présens h tout; d ’autres enfin ont seulement
ouï attester la célébration ; mais celle attestation leur avait été
�( 3.
)
donnée par des personnes présentes qui n ’onf pu être appelées
à l’enquête. Ce ne sont point là de ces o u ï-d ires vagues dont
la source est inconnue , et qui ne méritent aucune confiance :
ajoutons les attestations de M M . les généraux M en o u et D u p a s,
et de tant d’autres témoignages précieux dont la dame D estaing
a été privée. Com m ent la passion empêcherait-elle ses adversaires
eux-mêmes de convenir qu ’il résulte de cet ensemble un corps
de preuves tellement p a r fa it, que la mauvaise foi peut seule
feindre un doute q u ’elle n ’a pas?
O n ne peut pas dire que ce corps de preuves soit altéré le
moins possible par les enquêtes contraires. Il faut dire plutôt
que ces enquêtes aident à la conviction ; elles indiquent ellesm êm es que le généra l D e lz o n s * éta it p résen t à la céléb ra tion
d:i m a ria g e, et achèvent de démontrer combien l’opin io n , sur la
légitim ité de ce m a r ia g e , était certaine pour ceux-là m ême q u i,
dans l’arrangement de leurs dépositions, m arquaient la volonté
d’être favorables aux héritiers Destaing.
Ils le comprennent parfaitement ; mais ils osent attaquer une
enquête entière, pour la faire tom ber en masse pa r la plus au
dacieuse des icmmivo«. i - ’onquête de M arseille est composée
d ’E g yp tie n s qui y habitent depuis le retour de l’armde ; et les
héritiers Destaing ont osé dire que ces transfuges étaient in c a
p a b les de tém oig n a g e.
Cette injure irréfléchie pouvait-elle s’adresser à des individus
qui vivent depuis d ix ans sur le sol F ra n ç a is, et avec des pen
sions du gouvernement? L ’E m p ereu r a-t-il mis sur le u r front
un sceau de réprobation qui les avilisse , lorsqu’au contraire il
leur accorde asile et protection? et celte protection a u g u s t e
ne les met-elle pas au pair des autres citoyens ?
C o m m ent ont mérité cette dure qualification des hommes qui
*
A u j o u r d ’ h u i in d iq u é par les héritiers D esln in g c o m m e 8yanl d é m e n ti
par écrit c e q u ’ il a dit à son père cl à sa f e m m e .
1
�(
32
)
n’ ont été coupables que d ’attachement à la F ra n ce? V i v a n t
sous un jo u g de fer en E g y p t e , à cause de la différence de
leur religio n , ils avaient dû regarder les Français comme des
libérateurs, et s’étaient prononcés pour leur cause. Pouvaient-ils,
au départ de l’a rm ée, se l i v r e r a la vengeance des Ottomans?
et la France n’acquitte - 1 - elle pas une dette sacrée en leur
donnant un asile? E lle ne leur a imposé aucune condition. Ils
étaient Français en E gypte : pourquoi ne le seraient-ils pas en
France? Sont-ils donc des transfuges, ceux q u i , séparés de leurs
familles, et a c c o u t u m é s par des mœurs simples à l ’amour de la
patrie * , p le u r e n t encore l’E gypte où ils n’ont plus l’espoir d ’aller
m o u rir ?
Nos lois sont hospitalières, et on les calomnie. L ’art. iB du
C ode N ap. dit : que « l’étranger qu i aura é té adm is par le g ou« vernem ent a établir son domicile en F ra n c e , y jouira des
« droits c iv ils , tant qu’il continuera d ’y résider ». O r , suivant
l ’art.
25 ,
on n ’est incapable de porter témoignage que lorsqu’on
a été p r iv é de ses droits civils. Une législation aussi claire
devait fermer la bouche aux héritiers D e s t a in g , et épargner
aux E g yp tie n s, devenus Français, un reproche brutal, et d ’autant
plus inutile à la cause, que l’arrêt de la Cour avait supposé ces
réfugiés capables de té m o ig n a g e .
Ce n’est pas tout encore pour les héritiers D estaing de récuser
p a r un moyen général tous les témoins d’une enquête; il en reste
*
a L o rs q u e M . M a ille t était consul nu C a i r e , les J é su ite s persuadèrent
« à la cou r de F ra n c o dii faire v e n ir à P aris clos enfans de C oplite s pour
« les é l e v e r a ux collèges de L o u i s - l e - G r a n d . O n d e v a it les instruire dans
« la f o i , et les r e n v o y e r co n v er tir leur nation scliisinatique. A force d ’a r « gent on obtint le consentem en t de qu elqu es pères ex trêm e m e n t p a u v r e s :
« mais lorsqu’ il fullut so s é p a r e r ,
la tendresse se r é v e i ll a dans toute sa
« f o r c e , f t ils a i mè r e nt m ie u x r e to m b e r dans la m isère q u e d ’a ch e ter un
* étal d ’.iisance par un sacrifice q u i coûtait trop à leur cœ u r» . ( S a v a r i ,
sur l’ E g y p t e , lettre 1 4 ) .
uno
�(
33
)
une aulre composée de généraux et d ’hommes respectables, q u i,
syant la confiance du g o u ve rn em en t, ont contenu les héritiers
■Destaing dans leurs apostrophes.
•
M ais ieurs ressources ne sont pas épuisées.
N e trouvant pas de témoins qui voulussent dire q u ’il n’y avait
pas eu de m ariage, les héritiers Destaing ont conçu l’idée de se
faire écrire une lettre qui leur racontât de point en p o in t, et ab
o v o , tout ce qui s’était passé au C a i r e , à T a re n te , à L y o n , à
A u r illa c et à Paris.
1
M ais de quel nom se servir pour cette lettre? Ils n’en ont pas
de plus convenable que celui du général D elzons, leur cousin,
VU
ancien ami du général D e s ta in g , qui certainement a tout v u , ‘
mais qui depuis l’an 10 avait gardé une neutralité dont aucune
des parties ne pouvait le blâmer.
C ’est de lui q u ’on produit une lettre de six grandes p a g e s , si peu
d ’accord a v e c la loyauté de ce m ilitaire, q u ’il est difficile de croire
a sa réalité. Plus on la lit, et plus on est convaincu que c’est une
véritable injure faite à ce g é n éra l, de lui imputer un écrit pareil.
O n lit dans cette le ttr e , datée du 17 janvier 1809 ( et qu ’on a
s i g n if i é e c o m m e p i t c u
p r o c è s ) . n u e M . D e l z o n s s’a c c u s e
d’avoir introduit A n n e Nazo dans la maison du sieur Destaing
p è r e , après la mort du général, p o u r recevo ir les secours h o sp i
ta lie rs dus au m a lh eu r; mais qu ’il est faux qu’il y ait eu aucun
m ariage entr’elle et le général.Destaing.
Cette lettre atteste q u ’il n’y a eu entr’eux q u ’i/w arrangement
o r ie n ta l ou un m ariage à tems *. L ’auteur s’y rappelle parfaite-
*
L e s enquêles prouv en t q u e les m ariages à tem s n’ ont lieu q u ’ entre les
m u su lm an s. L e C a d i v e n d une perm ission d e v i v r e pendant un te n u d o n n é ,
a v e c la fe m m e q u e l’on a c h o i s i e ; la po lice e x ig e c e lle f o r m a l i t é s et les
en g a g e m en s de c e ge u re sont en parfaite^ co n c o rd an c e aveo la religion do
M a h o m e t , qui a d m e t la pluralité des f e m m e s. « Etnpl°.y cz vos richesses à
* vous procurer des épouses chastes et vertueuse*. D o n n e z la dot prom isa
« suivant la loi. C e t e n ga ge m en t a c c o m p l i , tous les accord s rjuc vous feriiis
« e n s e m b l o , seront licites ». ( K o r a n , c h. 4 , v. 2 9 ) .
�ment du jo u r et de 1"'heure où A n n e N azo est entrée chez le g é
néral D estain g, et du jo u r de sa so rtie ( a u bout de dix ans ).
Puis vient une plaidoierie en forme sur le résultat des ordres du
jo u r de l ’arm ée, relativement à la tenue des registres prescrits
a ux commissaires des guerres. T o u t y est avec ses dales et des
exemples. L a lettre est terminée par un démenti formel au cer
tificat du général en c h e f M e n o u , pour avoir dit que lui Menou
avait a ssisté au m a ria g e, et que to u t s 'é ta it p a ssé avec la p lu s
grande rég u la rité, so u s les rapports c iv ils et relig ieu x.
N on , lin général français n ’a point écrit cette lettre ;*on abuse
de son nom pour tromper la Cour.
U n général français n ’a point démenti son c h e f, qui a donné
un certificat au nom de la vérité et de l'h on n eu r. Il n ’eût point
attendu la mort de ce c h e f, pour faire à ses mânes la plus san
glante des injures.
N o n , le général D elzons n’a point écrit q u ’il n’y avait eu
q u ’ un arrangement o rien ta l fait avec l ’accord des parens N azo /
lorsque vingt-cinq témoins disent le contraire, lorsque M . D e l
zo n s, son p è r e , a déposé que
lu i
AVAIT
DIT
le g én ér a l
D elzons
,
son
fils
,
qu*il y avait eu un e cérém onie r e lig ie u s e ,
; lorsque F r a n ç o i s e G renier a
déposé que m adam e D e lz o n s , J em m e du g é n é r a l, lu i avait d it
A L A Q U E LL E IL A V A I T
ASSISTÉ
q u 'A n n c N a z o a va it é t é m ariée a vec le g én éra l D e s t a in g , et
Q U E S ON M A R I Y É T A I T P R É S E N T .
L e général D elzons a encore moins écrit q u ’il s’accusait
d ’avoir introduit A n n e N azo dans la maison de son beau-père,
à A u r i l l a c , pour recevoir des secours h osp italiers ; car le gé
néral D elzons est m embre du c o n s e il de f a m i l l e , du
5 messidor
an i o , qui défère à l ’aïeul la tutelle de M aria D estaing, comme
.fille lég itim e de son fils.
C ’est dans ce p ro c è s-v e rb a l que le général Delzons a dit la
vérité ; là i l a écrit et sig n é que le général Destaing a laisse
u n e J ille légitim e p rov en a n t de son m ariage avec A n n e N a zo .
V o ilà seulement ce que le général D elzons a dit en présence
�(35)
de la justice et d’une fam ille entière; et cela est incom patible
avec ce q u ’on suppose émané de lu i, après dix ans de neutralité
et d’ un oubli inévitable des fa it s , des dates et des détails. L a
lettre qu’on lui attribue n’est donc qu’ une injure faite à la loyauté
de ce g é n é ra l, qui la désavouerait, n’en doutons p a s , s’il était
instruit qu ’on abuse ainsi de son nom.
Mais c’est trop s’arrêter à une pièce qui n’est au procès que
pour attester que les héritiers Destaing emploient toutes sortes
de voies pour calomnier et persuader; com m e s’ils s’attendaient
que la C o u r , après avoir rejeté une masse d’attestations authen
tiques, aura plutôt confiance dans le certificat intéressé, informe
et isolé, fait sous le nom d’un parent qui lui-même avait attesté
lég a lem en t le contraire de ce q u ’on lui fait dire.
L e s enquêtes restent donc dans toute leur fo rc e , et il serait
superflu de s’y appesantir : leur simple lecture opère une con
viction tellement entraînante ,
affaiblir.
que les commenter serait les
- C ’est à ces enquêtes seules que la C o u r a réduit toute la c a u s e ,
én'modifiant l’interlocutoire ordonné par les premiers ju g e s, qui
ûVaient e xig é de plus ln prouva cio l’exiülenco ou non existence
des registres de l’état civil au greffe.
Cependant les héritiers D estaing se confient encore dans cette
partie de leurs objections. Ils n’ont pas perdu l’espoir de faire
adopter par la C o u r ce q u ’elle a rejeté, et ils veulent astreindre
la dame De&taing à rapporter un acte de mariage tiré des registres
de l’état civil.
C a r , d is e n t- ils , il existe des registres en E g y p te : nous le
prouvons à l’aide des certificats délivrés aux héritiers Faultrier.
D ’ailleurs les ordres du jour de l ’arm ée exigeaient que tous les
a ctes fussent reçus par les commissaires des g u e r r e s , pour être
valables; vous avez dil vous y conformer.
Q ue sont les ordres du jour de l'an 6 et de l ’an 7 ? L e u r début
( l'arm ée est p rév en u e, etc. ) p r o u v e s e u l q u ’il ne s’agissait pas
d ’une loi générale pour l’E g y p te . E t com m ent oser sans ridicule
10
�(
36
)
supposer que la légitimité des mariages et le sort d ’une province
auront été réglés au son du tam bour par une proclamation faite
sur une place d’armes, vraisemblablement fort peu fréquentée
des indigènes?
Q u ’on ouvre les journaux du tem s, et ils apprendront que
l ’E m pereur allant vaincre com m e C é s a r , laissait au vaincu ses
lo is, ses usages et sa croyance ; parlant du Christ aux Grecs , et
du D ieu de Jacob aux M u s u lm a n s , to u t, excepté son é p é e , a
été concorde et tolérance.
Ses s u c c e s s e u r s ont suivi son exemple et ses ordres. « N o u s
a a v o n s r e s p e c t é , dirent-ils a u x E g y p tie n s,
en se préparant à
« les quitter, vos m œ urs, vos l o i s , v os lis a g e s .. . . » E t le
D iv a n du Caire a remercié officiellement le premier C o n s u l , en
l ’an 9 , de ce respect pour les mœurs de l’E g y p t e , en lui e xp ri
m a n t , avec l’élévation orientale, une juste reconnaissance.
D e s ordres du jour n’ont donc pas été une loi générale, faite
pour changer les habitudes, de l’E g yp te sur la form e des m a
riages. C ’e s t , au reste , ce qu’a expressément jugé l’arrêt de cas
sation des héritiers Faultrier , et ce q u ’avait déjà préjugé la Cour
en n’exigeant d e la dame D esta in g que la preuve de son mariage
suivant les formes de son pays.
Q ue sont encore ces c e r t i f i c a t s égyptiens présentés par les hé
ritiers F a u ltrier, ct,que les héritiers Destaing s’approprient ? Il
suffirait de leur répondre que ces copies sont dans le procès actuel
une pièce é tran g è re , et que n ’étant pas prises sur l’o rig in a l, dans
les formes légales, elles ne peuvent faire aucune foi en ju stice ,
suivant l’article i 336 du Code Napoléon.
Q u ’a de com m un le procès de la Géorgienne Néphis (achetée
comme esclave par le général F a u ltr ie r , présentée, à la v é rité ,
à Metz , com m e son épouse , mais méconnue aussitôt q u ’il fut
m o r t ) , avec le procès d’A n n e N a z o , appelée en France par son
époux , reçue, accueillie par sa fam ille, après sa m o r t , et ayant
eu une possession d ’état légale et p u bliqu e, consignée dans les
¡registres judiciaires et dans ceux de la maison impériale ?
�t
37
)
■
■M ais admettons ces certificats com m e sincères et authentiques,
tout prouve que ceux qui ont cherché à se les procurer n’ont
Voulu que surprendre la justice par une équivoque.
‘
O n sait que toutes les religions sont tolérées dans les états du
G ra n d -S e ig n e u r, quoique l’islamisme y soit la religion d om i
nante. O n sait encore que M ahom et I I , vainqueur de Constan
tin o p le , jura de respecter le christianisme ; et ses successeurs
ont gardé son serment.
A la v é rité, un serment de fidélité et un tribut fort onéreux
sont exigés des évêques et des patriarches ; à cela près rien n e
s’oppose à c e que les prêtres latins, grecs et arméniens, exercent
le u r culte publiquem ent dans les états du G rand-Seigneur ; et
les minarets seuls y distinguent les mosquées des églises chré
tiennes.
L ’E g y p te , l’un des berceaux du christianisme , l’un des p re
miers asiles des fidèles persécutés, n’avait point échappé au
schisme des G recs , et toute tolérance cessa quand cette secte
se sentit assez forte pour disputer de domination; l ’église latine
fut long-tems proscrite par les Grecs , mais sans perdre jam ais
1 espoir de ramener ses curUns égares h l ’nm'tcS religieuse. D e
tout tems la cour de R o m e a entretenu dans ces déserts de la
T h é b a ïd e , si grands en souvenirs, des prêtres catholiques q u i,
semblables aux persécutés de toutes les révolutions religieuses,
conservaient le feu sacré de la foi pour des tems plus prospères.
C ’est ainsi que sur la montagne des D ru se s, dans la'chaîne du
M o n t-L ib a n , de pieux ecclésiastiques, soumis à tous les dogmes
de l’E glise r o m a in e , et sous son obédience, se répandent dans
les villes de l’E g y p t e , soit sous le titre de missionnaires, soit
sous le titre de cu rés, ou tout autre caractère qui leur est donné
par leur chef.
C e c h e f est connu parmi eux sous le n o m de Patriarche
d ’ A le x a n d r ie , non pas celui q u i , prêtant serment de fidélité au
G ra n d -S eig n e u r, se regarde comme indépendant de R o m e , et
�(
38
)
c h e f suprême de 1’E güse d’Orient , mais un patriarche dépen
dant du P a p e , et vivant dans l’ unité de l’église catholique.
M a in te n a n t, il faut rappeler que la daine D estaing n ’est pas
ne'e dans la religion grecque la t in e , niais dans celle connue en
F ia n c e sous le nom de sch ism a tiq u eg recq u e. L e patriarche grec
et les prêtres ou papas, exerçant le culte public grec au C a ir e ,
sont donc les seuls qui eussent pu donner des attestations dignes
de foi sur le rit de leur église.
M ais ce n’est pas d’eux q u ’on rapporte des certificats ; il paraît
que les h é r i t i e r s F a u l t r i e r en ont demandé aux prêtres latins. Gela
était
vrier
indifférent
dans leur cause ; car l ’arrêt de M e t z , du
25
fé
18 0 8 , confirmé par la Cour de cassation, exigeait seule
m ent un acte de notoriété des prêtres de la religion chrétienne
g recq u e ou rom aine , établis à Gizé. Et en e ffe t, on ne voit pas
si Néphis D a v id a prétendu avoir été mariée à G izé par un
prêtre du schisme grec. Peut-être aussi a-t-elle de son côté rap
porté un acte de notoriété de l ’église schism atique g r e c q u e ,
pour satisfaire à l’arrêt de Metz. M ais on ignore pleinement les
détails de son procès et le genre de sa défense.
Q uoi q u ’il en soit, les héritiers D estaing se sont emparés des
certificats donnés aux héritiers F aultrier. V o y o n s maintenant
ce q u ’ils disent. L e p r e m i e r est ainsi conçu :
« J e s o u s s i g n é , Préfet des prêtres grecs c a th o liq u e s , en
« E g y p te , déclare que tous les mariages qui sont célébrés, soit
« par m o i , so it par les prêtres grecs ca th o liq u es q u i sont sou s
« ma d ép en d a n ce, sont inscrits sur un registre, e tc ., écrit par
« le p ère C on sta n tin I i a d a d , v ica ire de Son E m in e n c e le
u P a tria rch e g rec en E g y p te . A u C a ire , le 7 du mois echbat
« ( 7 février 1809 ).
L e suivant atteste q u ’il n’u pas trouvé dans les archives de
son église le mariage. du général Faultrier.
11 est
signé : lîe n e -
dictus de M cd icin a , m issio n n a ire a p o s to liq u e , cu ré et vicaire
supérieur de la m ission d ’M gyplC' -Au C a ire, le 20 lévrier 1809.
�C 3 9 ') _
Ces deux certificats sont de la main m ême de ces ecclésias
tiques. L e premier est en arabe, et le second en la tin : ils sont
traduits par un interprète du Consul de France.
L e troisième n ’a aucune sig n a tu re , ni m ême le nom du cei4tifîcateur. Il consiste à dire qu’aucun prêtre de notre dépendance
ne peut célébrer de mariage entre des personnes de différentes
relig io n s. Il ajoute que si le mariage est fait entre des personnes
de la m êm e religion, il faut la permission du p a tria rc h e , et on
l ’inscrit sur un registre.
1
* L ’original de cette pièce est en ita lien ( ce qui est fort éton
nant ). L a copie produite par les héritiers D estaing commence
ainsi : « I l y a en tê te un e lig n e de caractères m a ju scu les en
« arabe QiPbophte ». A la fin du c e rtific a t, on dit : « Su iven t
1 . \ran« des sign a tures en caractères étrangers ». Puis le Consul fra n
çais ajoute que ces signatures sont celles du p atriarche grec et
du p rêtre à qui les registres sont confiés.
S ’il fallait mettre plus d ’importance à ce dernier certificat, on
se demanderait po u rq u o i les premiers sont donnés au C a ir e ,
l e ......... , et celui-ci en E g y p te , l e ........... ? Pourquoi celui-ci est
Tait e n
ita lie n ,
a«i.,
langue
q u e les signataires
n ’e n l e n -
daient pas ? E t pourquoi enfin le secrétaire interprète du C o n
sulat , qui a fort bien traduit de l'arabe le certificat du père
Constantin H a d a d , n ’a pas su dire la valeur des-tnots composant
les signatures et l ’intitulé du troisième acte, et n ’a pas même
compris si lout cela était arabe ou cophte?
Q uelle foi ajouter à un certificat où celui qui écrit la pensée
d ’ ùn autre ne parle pas la même langue que le signataire, et où
le traducteur se contente de dire que les signatures sont en c a
ractères étra n g ers?
Il fallait q u ’on demandât aussi à ces prêtres laiins si les re
gistres q u ’ils tiennent sont des actes de P e in t- c iv il, dans une
contrée régie par les lois turques; ils auraient répondu que de
pauvres prêtres, soutenus par leur z è le , au milieu de la bar-
�u
° } ,
La lie et des obstacles, n’aspirent qu’à la propagation de la f a i ,
et tiennent de simples notes pour reconnaître le petit nombre de
prosélytes que l’Eglise de R o m e a conservés dans cette terre de
persécution *.
M ais , dans cet entassement de bizarreries , il ne faut pas s’oc
cuper des détails et des objections sans nombre qui s’élèveraient
contre la forme de ces actes ; il suffit de reconnaître qu’ils ne sont
pas émanés des prêtres de la religion de la dame D e s ta in g , et
alors on n’a pas pu les lui opposer.
L e s prêtres de sa r e l i g i o n n’ont donné aucun certificat. C o m
ment le p o u r r a i e n t - i l s ? Il est constant qu’ils ne tiennent aucun
r e g i s t r e ; leur éducation ne se fait pas en Europe; on les instruit
d es
dogm es de leur foi ; le patriarche les ordonrj^prêtres ou
papas, sans exiger d ’eux d’autre instruction; à peinç-quelques-
*
L e s m issionaires d e R o m e n’ ont jam ais cessé dans ces parlies du m on d e
d e s’ e m p lo y e r à faire des prosélytes $ en c o n s é q u e n c e , ils ont fondé a v e c
b ea u co u p d e peine et à grands f r a i s , p arm i ces s e c t e s , dos sociétés q u i ont
reconn u la doctrine et la juridiction du P a p e . O n sait q u e p a rm i les G r e c s
q u i viven t sous l'e m p i r e T u r c , plusieurs ont e m b ra s s é la foi et la d isciplin e
d e l’ église l a t i n e , et sont g o u v e rn é s p a r d e s p r ê t r e s et évCques de leur
n a tio n , niais confirm és par le pape. I l y a à R o m e un c o llè g e e x p r è s , fondé
dans la vu o do faire d e s con v ersion s parm i les G r e c s , et d ’a jo u ler d e nou
v e a u x sujets à l’ église rom ain e. O u y é lè v e un certain n o m b re d ’ étudians
G r e c s . ( H i s t o i r e d e l ’E g l i s e , par M o s h e i t n , tonie
5 , page
2 7 2 .)
R i e n n e caractérise plus la religion des G r e c s q ue leur a versiou in v in c ib le
po ur l’ église de R o m e , qui a fait é c h o u e r jusqu’ à présent toutes les ten
tatives du s a i n t - s i è g e et d e ses n o m b r e u x m is s io n n a ire s , pour les r éu n ir
aux L atin s. Il est vr a i que les docteurs rom ains ont fondé q u elqu e s églises
dnns P A r c h i p c l : mais ces églises sont p auvres et pou c o n s id é ra b le s ; et les
G rec* ou les T u r c s , leurs maîtres , ne ve u len t pas perm ettre aux m ission
naires do R o m e do s ’ é ten d re d a va n ta ge . ( Ib id . page 26 0.)
E ta t de L'Eglise G r ec q u e , p a r C o w e l , tom e i . , r , page n 25.
L ettres E d ifia n tes , tom e 10 > F ao c
uns
�( 4 1 )
uns savent écrire , suivant le témoignage de tous les voyageurs *.
Il n’y a de lettrés parmi eux que les prêtres la t i n s , qui n’ont
qu ’ une portion très-exiguë du peuple attachée à leur croyance,
et q u i , perpétuellement poursuivis par la haine des G r e c s , et
osant à peine faire des prosélytes **, ne se soutiennent que par
leur zèle et par la pitié des F r a n c s , mais sont à peine connus pour
prêtres par les E g y p tie n s , parm i lesquels ils vivent.
M ais il est impossible de mieux expliquer cette partie de la
cause , que ne l’a fait don Monachis dans son attestalion , qui
perdrait beaucoup d ’être simplemont extraite, et qui ne peut
que jeter le plus7grand jour sur la seule objection dans laquelle
les héritiers Destaing semblent placer leur dernière confiance.
« Par-d evant M . e Massé et son confrère, notaires im périaux
« à P a ris , soussignés, est comparu D o n R a p h a ë l de M o n a ch is,
« ancien prem ier curé grec catholique romain au grand Caire ,
(t en E g y p te , ou prem ier vicaire de son ém in en ce le patria rche
« g r e c c a th o liq u e
r o m a in
,
résidant au couvent de St.-Sauveur,
*
« Q u o voy«;«-or» <]ann c«tie terre natale d es sciences et des a rts ? T o u t
c e q u ’ on voit c lie z presque tous les peuples e sc la v e s : un c le r g é superstitieux
et i g n o r a n t , etc. ( . C o r a y . M é m . sur l ’ état de la, c iv ilisa tio n des Grecs").
« P ar-to u t d o m i n e e n c o re un c le r g é ig n o r a n t .. . . . L e c o u ve n t de N e a m o n i
nou rrit plus de 450 m o i n e s , dont 4 ou
5 disent
la m esse ; pas un seul ne sait
l ’a n cien g r e c , et une d o u za in e au plus savent lire et écrire le grec m o d e r n e ...
A u c o u v e n t d e M ega spisio n , leu r ign oran ce surpasse e n c o r e , s’ il est p o s s i b l e ,
c e l l e des m o in es d e N e a m o n i . J e doute q u ’ il s’ en trouvât 4 ou
5 ( sur 3oo
),
sach an t lire et éc r ir e ». ( B a r l h o l d i , V o y a g e en G rèce , en i 8o 3 , t. 2 ).
** « L o c le r g é grec ne cesse d ’ex citer le p eu ple à la h a în e des autres r e li
g i o n s , et sur-tout d e la cath o liq u e r o m a in e ......... L a liaîu e des G r e c s et des
R o m a i n s est si forte dans plusieurs î l e s , q ue tous m o y e n s le u r so n t bons pour
so n u ire. RI. d e P a w est très-fondé à a v a n c e r q u e le p r e m i e r usage , q u e
l e s G r e c s 11e m a n q u eraien t pas d e faire do leur l i b e r t é , serait d a llu m e r u n e
g u err e de r e lig io n ......... I l est interdit a u x R o m a i n * de faire des prosélytes*
p a rm i les G r e c * , a u lieu q u e c e u x - c i p e u v e n t e u faire p arm i les Romains«
(
Jbid.
tom. 2. )
I I
�( 42 )
« sur la montagne des Druses , dans le M o n t-L ib a n , ancien
« membre du D ivan et de l ’institut d’E g y p t e , actuellement
« professeur de langues orientales à la bibliothèque im p é ria le ,
« à P a r is , y d em eurant, rue du C h a n tre , n.° 2 4 ,
« L e q u e l, sur l’invitation de m adam e N a z o , veu ve du général
« D estain g, et après avoir pris lecture de la copie de trois cer« tificatsqui paraissent avoir été délivrés au Caire par des prêtres
u grecs catholiques rom ains, les 7 , 10 et 20 lévrier 1809, conu cernant le mariage du général Fauitrier avec une Géorgienne ,
a et pour l’a ire cesser les doutes et les erreurs qui pourraient
résulter desdits certificats ,
« A fait l’exposé des faits suivans :
« A v a n t le concile de F lo ren ce , les églises orientales étaient
u réunies par la foi, et soumises à l’église de R o m e , dite église
u occidentale. Mais après le co n cile , les deux églises orientale
« et occidentale furent divisées , faute de se trouver d ’accord
a sur cinq dogmes de la fo i, dont l’ un était de reconnaître le
« P ape com m e chef suprême de toute l’église chrétienne ; en
« conséquence, les quatre patriarches de Constantinople, d’A n u tioch e, d ’A lexand rie et de Jérusalem se séparèrent du saint« siège de H o m e , qui les considéra et les considère encore
« com m e schisinatiques. D e c e tte n o u v e l l e secte s en sont formées
« d ’autres, telles que les h é ré tiq u e s, mais qui sont demeurés
« en plus petit nombre que les schisinatiques.
u D epuis environ 120 a n s , 1111 arch evêqu e de D a m a s , grec
« sch ism atiqu e, ramené à la foi par un J é s u ite , renonça au
« schisme, et rentra dans la religion grecque catholique romaine;
u mais ue pouvant pas rester à D a m a s, à cause des persécutions
« des grecs schisinatiques , il se retira sur la montagne des
« D r u s e s , dans le M o n t - L i b a n , avec une suite de quelques
« piGtrcs de la m êm e opinion que lui. lis s’y établirent sous la
« protection des Français qui se trouvaient en grand nombre
u dans les villes d c T y r et de Sidon. A lo rs le P ape Innocent X I ,
« sur la demande des peuples qui avaient embrassé la lo i, le
�(
43
)
« nom m a patriarche par intérim ( c ’est-à-dire, jusqu’ à ce que
« quatre siëges d ’ O r ie n t, ou l’ un d’e u x , fussent revenus à la
« f o i ) , de tous les Grecs catholiques romains qui se trouvaient
« répandus en Orient dans les pays occupés par les Grecs
« schém atiques.
« D epuis cette é p o q u e, le patriarche de tous les Grecs ca th o « lig u es rom ains a résidé et réside encore au couvent Saint« S a u v e u r , sur la montagne des Druses.
« L e déclaran t, au sortir des collèges de R o m e , où il a fait
« ses études, fut envoyé au couvent de S a i n t - S a u v e u r , pour y
« être o r d o n n é prêtre par le patriarche de son rit. Après y être
« resté quelque tems, il fut e n vo yé dans la ville du grand Caire,
« par son éminence le p a tria rche A g a p iu s M a la c , qui existait
« a lo rs , et qui vraisem blablem ent existe encore aujourd’h u i,
« pour y rem p lir les fonctions de prem ier c u r é , ou prem ier
« vicaire du patriarche, en E g y p te .
« A v a n t son départ, il reçut l’ordre du patriarche de se con« former à l ’usage des E u rop éen s, en tenant des registres pour
« constater les naissances, mariages et décès; en conséquence
CC d e C e s O l d r e s , l e d é c l a r a n t f m ¿ c p r e m i e r c j u l c o m m e n ç a CCS
« registres en E g y p t e , pour constater l ’étal des Grecs catholiques,
« et les fit tenir par les cin q prêtres grecs catholiques, sous ses
« ordres, qui sont les seuls qui existent au Caire pour le rit
« grec catholique romain.
« L e s actes étaient de sim p les n otes signées du curé , et
« jamais par les parties.
« L e déclarant exerça les fonctions de premier vicaire jusqu’à
« son départ de l ’E g yp te pour la F r a n c e , où il fut appelé j>ar
« le premier C o n s u l, par l’intermédiaire du général Sébastian!,
« et d ’où il n’est parti q u ’avec permission de son patriarche.
« Après son d é p a rt, il fut remplacé par le p i r c J e a n N a sserd ;
« et c e lu i- c i, depuis d é cé d é , a été r e m p l a c é par C on sta n tin
h H a d a d , qui exerce cncore a u j o u r d 'h u i les fonctions de pre« m ier curé de l’E g y p t e , ou prem ier vicaire de son éminence
12
�C 44 5
<* le patriarche grec catholique , résidant à la montagne des
« D ruses; lequel Constantin H adad a délivré les certificats ci« dessus mentionnés.
« E n conséquence , D o n R a p h a ë l déclare que Constantin
« H a d ad , son successeur, n’a déclaré que la vérité, en certifiant
« q u ’il est tenu des registres de l’état c i v i l , au C a i r e , par les
« prêtres grecs catholiques , sous ses ordres : mais q u ’il faut
« bien distinguer de ce u x-ci, qui sont en petit nom bre, les grecs
« schismatiques, qui sont bien plus n o m b re u x, et dans la re« ligion d e s q u e l s la dame D estaing a été mariée par le patriarche
« qui
réside
à Alexandrie.
»
« Q u ’à l ’égard des Grecs schismatiques et de toutes les autres
« sectes qui sont sorties de celle-là, iis n ’o n t ja m a is tenu de re« g is très de n a issa n c e s, m ariages et d é c è s , en E g y p te ; et que
k la raison s’en tire naturellem ent de leur défaut d ’instruction ;
« qui ne se trouve pas chez les Grecs c a th o liq u e s, dont les
a prêtres, en p artie, font leurs études à R om e.
. « L a q u e lle déclaration mondit D o n R a p h a ël de M o n a c h is a
« affirmée sincère et véritable, pour servir et valoir ce que de
« raison ».
« Fait et passé à P a r is , e tc ., etc. ».
Il
est donc p r o u v é , jusq u’à l’évid en ce, que l a validité des
m a r i a g e s des G r e c s , en E g y p t e , ne dépend pas de leur inscrip.
tion sur un registre c iv il, parce que ces registres n’existent pas
en E g y p te com m e en E urop e : aucun-voyageur ne dit que cette
formalité y ait lieu ; au contraire , M . le sénateur comte de
V o l n e y , dans l’ouvrage qui lui a fait une si grande réputation
littéraire, et qui sera le modèle perpétuel des v o y a g e s , atteste
la répugnance des T u rc s pour les dénombremens de population
dans les états de leur obéissance *.
*
(
O n b i t souvent des questions sur la population du C a ir e . Si l’on v e u t
en croire le douanier A u t o i u c
F a r a o u n , c ité par lo b a r o u do T o i t , e lle
�( 45 }
A quoi tient Jonc celte obstination des héritiers D e s ta in g , à
ne vouloir reconnaître la dame D estaing com m e mariée , que
si elle rapporte une preuve écrite et légale de son mariage ?
Que d ’exclamations on eût faites, si elle se fût présentée avec un
acte de mariage pour elle, et un acte de naissance pour sa fille.
1V0yez, eût-on d it, cette G recque artificieuse, q u i, pour s’intro
duire dans une famille étrangère',1a pris la précaution insolite de
se munir de pièces impossibles à vérifier, et q u ’elle a évidem m ent
fabriquées en A fr iq u e ou au milieu de l’A rch ip e l !
E h bien ! la dame Destaing n’avait ni médité des artifices ni
prévu les machinations insidieuses, desquelles elle aurait à se
défendre. Partie du Caire par ordre de son é p o u x , changeant de
patrie pour suivre sa destinée, c ’est pour lui seul q u ’elle avait
so u ffe rt, c’est de lui q u ’elle attendait des consolations. Son é p o u x ,
sa fille , étaient pour elle ses pénates et son aven ir : avait-elle
donc des preuves à chercher pour des êtres q u ’elle ne connais
sait pas ?
L a dam e Destaing a toujours été si rassurée sur son état et
celu i de sa fille , q u ’elle n ’avait pas m ême fait des démarches
pour rechercher u Uéphaïonic sî le I»fipi£mo de sa fille avnit
constaté ; et il y avait d ’autant plus lieu de le croire a in s i, que
cette île européenne devait avoir un clergé g rec plus éclairé que
celui de l’E g y p te .
»" *’ ' •
M a is les recherches de ses ennemis allaient faire pour elle des
tentatives dont le but uniform e était toujours de lui opposer une
a p p r o c h e d e 700,000 â m e s , y c o m p r is B o u l 3q , fa u bo urg et port d éta c h é
d e la v ille : m ais tous les calcu ls d e p o p u l a t i o n ,
en
T u r q u i e , sont a r b i
traires , parce q u ’o n n ’y tient p o in t de registres d e n a issa n c e s, d e
morts o u d e m ariages. L e s M u s u lm a n s ont m ê m e de» préjugés supersti
tieux contre les d é u o m b r e m e n s . L e s seuls ch ré tien s pourraient Ctre
recensés
ou m o y e n des billets de leur capitation. ( V o y a g e en E g yp te et en Syrie ,
par M . do V o l a e y , 4.« é d itio n , 1807» tom e i . , r p . 2 0 3 .)
/
�( 46 )
tenue des registres avec laquelle on croyait la confond re, si le
baptême de sa fille ne s’y trouvait pas.
P e n d a n t que les députés des îles ioniennes étaient à P a ris,
m ad am e Destaing reçut l’acte qui suit :
« D u douze novem bre d ix -h u it cen t s e p t, à A r g o s lo li , île
« de C ép h a lo n ie, sont com parus, par-devant n ou s n otaire sous« signé, le révérendissime papas, M . A n d r é M a z a r a c h i d 'A n a z o lo , desservant de l’église solitaire de Saint-Constantin , qui
« est dans le
voisinage
et sur la rive dépendante des villages
« ü A d i lin a t a et d'A r g a ta , situés dans l ’île de C ép h alo n ie, et
« M . J e a n L a v r a n g a , lequel prêtre sus-nommé a baptisé , en
«i V a nnée d ix -h u it çen t d eu x , au m ois de ja n v ie r , ne se sou« venant pas en quel jour du m o is, un enfant du sexe fé m in in ,
« f i l l e de m adam e A n n e N a zo et du g én éra l D e s ta in g , la q u e lle ,
« suivant la déclaration fa ite , à lui prêtre co m p a ra n t, par les sus« nom m és, était née de légitime m a ria g e , et a été nommée M a r ie ,
a et elle a été tenue sur les fonds de baptême par M . Jean
a L a v r a n g a et le capitaine Siffi, F a n c h io te , lequel ne se trouve
« pas présentement dans cette île ; le présent sera affirmé avec
« serment par les susdits prêtre et sieur L a v r n n g a ; ils déclarent
a en outre q u e , d a n s cette é g lis e , s i t u é e dans ce lieu solitaire,
« on ne tien t p o i n t de registres baptistaires n i m ortuaires, L a
« présente est donnée pour T en dr e témoignage à la vérité ; et les
« coinparans se ressouviennent parfaitement d ’avoir administré
« le sacrement susdit, ce q u ’ ils affirment comme témoins.
« Signé A n d r é M a z a r a c h i, prêtre , j ’affiVme avec serment";
« J e a n L a v ra n g a , ja ffin n e avec serment; •Jean C h n s i, témoin;
« S p ire C acurato , témoin ; D im itr i Caruso ,
notaire.' A la
« suite du présent original est une traduction italienne, signée
« Dimitri C a r u s o , notaire; et une légalisation en même la n g u e ,
« dont la traduction suit :
« E m im r k F r a n ç a i s . — Son Excellçncç S a vio A n n i n o ,
�(
47
)
« administrateur du gouvernement de C é p h a lo n ie , certifie que
« le susdit M . G aru so , notaire p u b lic , est tel q u ’il se qu a lifie,
« et que l’on peut avoir pleine et entière foi à ses signatures.
« D o n n é eu l’administration deC éph alo n ie, le dix-neufnovem bre
« m il huit cent sept. Signé S a vio ¿ t n n in o , adm inistrateur; et
« Jean-B aptiste T ip a ld o P r e tte n d a v i, c h e f de bureau ».
Cet acte fut présenté à M . M arino M a tu r a , principal député
des îles io n ie n n e s, q u i , au grand1' élbnnement de Madame1
D e s t a i n g , lui apprit que c’ était lui-même^qui avait fait rédiger
. cet acte de baptêm e, à la demande de l’un des a id e s - d e - c a m p
de M . le maréchal M a r m o n t , qui le réclam ait de la paît de
M . le g én éra l D e lz o n s ( e m p lo y é en D a lm a tie ).
L a fam ille D e s ta in g , qui faisait rechercher c e 1fait aussi lo in ,
n ’en a plus fait usage lorsque le renseignement a été contraire a
ses prétentions.
*
E t p e u t-ê tre l ’honnêle ecclésiastique , informé par ces re
cherches des vexations suscitées à une malheureuse étrangère, se
sera fait un devoir de charité chrétienne de lui envoyer cet acte,
de son propre m o u ve .n e .it, pour rendre hom m age à la vérité.
L e tribunal dé la Seine a o rd on n é, p a r jugement dti 5 juillet
1809, que cet acte serait transcrit dans les registres'de l ’état c i v i l
de P a ris , pour servir d ’acte de naissance à M aria Destaing.
C ’est ainsi que ce qui était sollicité pour nuire à la dame
D estaing n’a été utile q u ’à elle.
M ais continuons la réfutation des objections que continuent de
lui faire les héritiers Destaing.
Il
est impossible, disent-ils, de croire au m ariage d ’un général
français qui n ’a pas été célébré de la m ême manière que ceux
de ses frères d ’armes. O r , les mariages des généraux D e lz o n s ,
L a n t i n , M enou et lio n n e -C a rrè re ont été r e ç u s par des c o m
missaires des guerres. T e lle était donc la fo rm e, et pourquoi
A n n e N azo ne l’a - t - e l l e pas suivie? p o u rq u o i, au m o ins, n’y
�( 48 )
a-t-il pas été accom pagné des fêtes d ’usage, dans les rues du
Caire ?
L e s généraux D elzons, L an tin et B onne-C arrère épousaient
l i s demoiselles V a r s y , filles d’un ancien négociant français,
établi à R o s e t t e , ville presque européenne à cause de son com
merce, L à , certainem ent, un c a th o liq u e, mariant ses trois filles
a v e c des Français, devait se soumettre aux lois françaises, et ne
devait aller chercher ni le C a d i , ni les prêtres d’ une autre re
ligion. Aussi ne dit-on pas un mot de la ceremonie religieuse
de ces trois m a r i a g e s q u i a dû être faite par un prêtre c a th o liq u e,
ou r é g u la r i s é en France au retour de l a famille V a r s y .
L e général Menou épousait une musulmane : son m ariage
a dû être fait devant le Cadi. Son épouse dut être promenée dans
les rues sous un dais, entourée de ses parens et de ses esclaves,
au son des instrumens. C ar tel est l’usage à l’égard des mariages
musulmans *, q u i, dans la religion dominante, ont se u ls le pri
vilège de l’éclat et de la publicité.
M ais A n n e N a z o , de religion g r e c q u e , mariée à un E u r o p é e n ,
de religion latine ou ro m a in e , n’avait pas le droit d ’en rendre
la cérémonie publique , ni par des fêtes religieuses , ni par
aucune inscription dans des registres, ni par une prom enade
dans les ru e s, sous un dais, c o n n u e les M usulm ans.
C ’était bien a s s e z q u e sa fam ille eût vaincu à cet égard les
préjugés de sa nation, en la donnant à un Européen, à un catho-
*
« C ’est ord ina irem ent le soir q u e la m a rc h e c o m m e n c e : d e s baladins
la p r é c è d e n t ; de n o m b r e u x e sc la ves étalent a u x y e u x du peuple les efTets,
les b ijo u x destin és à l’ usage de la m a rié e ; d es troupes de danseurs s’ a va n c en t
en c a d e n c e an son des in s tr u m e n s ; la jeu n e ép ou se paraît sous un dais
porté par q uatre e s c l a v e s ; un v o i le la c o u v r e e n t i è r e m e n t ; u n e longue
suite Ue lla m b c a u x é c la ir e le cortège ; de tems en teins des c h œ u rs de
T u r c s chantent des c o u p lc ls h la lo u a n g e des n o u v e a u x é p o u x » . ( S a v a r i ,
to m e
3,
lettre
3 ).
liquo
�( 49 )
Iique r o m a in , à un m ilitaire * ; la famille Nazo avait au moins
dicté la loi sur le point prin cip al, en exigeant que la célébration
fût faite avec les cérémonies clu rit grec.
O n demande ensuite à la dame Destaing pourquoi son m ariage
a été fait sans con tra t. M ais en France même il n’est nécessaire
que quand il y a des intérêts à régler. E n fallait-il plutôt en
E g y p te où le K o ran est le Code universel et supplée à tout. L e
général Destaing allait s’allier à une famille opulente. Q u ’avait-il
en échange à oifrir? Sa fortune dépendait de son épée. Ses revenus
étaient fondés sur la loi du plus fort. D ans un pays où l ’industrie
et le com m erce sont tout, des chances aussi frêles ne présentaient
a la famille Nazo rien que de fort aléatoire.
O n se plaît »à représenter les N azo com m e une famille sans
fortune et sans considération, et J oanni N azo com m e un a ven
turier de la lie du peuple. Sur tout cela les héritiers Destaing
ont beau jeu de m entir, maintenant que le plus liquide de la
fortune N azo est dans leurs mains. M ais les témoins ne donnent
pas d’eux l’ idée qu’on veut en suggérer. O n voit dans les enquêtes
que J oanni N a z o , à l’occasion de son m ariage avec Sophie M isck ,
dépensa 5o,ooo écu s.
O n se plaît encore à jeter du ridicule sur ce que la mère d ’A n n e
N a zo répudia Barthélem i pour épouser Joanni Nazo ; et là-clessus
on se récrie sur de telles m œ u rs , com m e si une famille africaine
avait dû prévoir q u ’ il faudrait ro u gir de ce qui est toléré dans sa
nation , et s’en justifier un jour aux y e u x des sieurs et demoiselle
D e s ta in g , d’A urillac.
Si la prétention des Européens est de blâm er ce q u ’ils blâm ent,
et île louer ce q u ’ils louent, il faut q u ’ils donnent le droit de re
présailles aux nations é tran g è re s, et ils auraient beaucoup à y
perdre. E n E g y p te , le lien du mariage est plus sacré q u ’en
* « L e s parens ( G r e c s ) ne font a u cu n e difficulté d’a ccordpr le u r fille à
* un T u r c , pourvu qu’ il toit riche et p u is s a u t, tandis q u ’ ils n.fusent o yi« u iû trém cn t do l’ a cc ord er à un c atholiqu e, ( b a r t h o l d i , tom e 2 .)
i
3
�(
5°
)
F ra n c e , iant qu’ il dure; mais il n’ est pas indissoluble. Si la reli
gion se prête à des injustices, ce sont ses ministres qu’il faut en
accuser *, mais non les époux mécontens, qui n’ont agi que sous
leur direction.
Barthélémy était catholique; Sophie M isck e'tait g r e c q u e , et
les prêtres de son culte prononçaient anathême contre un lien
qu ’ils n ’approuvaient pas.
C ’était pour eux un acte religieux que la rupture de ce m ariage,
pour en contracter un s e c o n d plus orthodoxe : la religion grecque
le v e u t , et le
Au
reste,
gouvernem ent
le tolère.
que Sophie IUisckait été ou non l’épouse de Barthé
lé m y , on ne voit pas comment A n n e Nazo en serait plus ou moins
l ’épouse du général Destaing.
E nfin on porte le dernier coup à la dame D estaing; et déses
pérant de lui ôter le nom d ’épouse, on veut du moins en em
poisonner les souvenirs, et tâcher d ’eflacer dans son cœur le
respect q u ’elle doit aux mânes de son époux. Ce n’est plus une
letire étrangère q u ’on lui oppose, ce sont deux lettres de son
époux lu i-m ê m e, écrites à son père, q u i , d it-o n , fournissant la
preuve q u ’il n ’y a pas eu de m a ria g e, et q u ’il l ’a désavoué.
L ’ une est écrite du Caire ; et le général parle d ’ un arran
gement oriental avec une j e u n e grecq u e qui fait les honneurs
de sa maison.
L ’autre est datée de Paris. L e général m arque à son père q u ’il
n’a pas dû p lu s croire à la lettre de Latapie qu'à la sien n e
*
« L e c le rg é ( g r e c ) ne cesse d ’e x c ile r le pe u p le à la liaîne des autres r e li
g i o n s , et sur-lont d e l à c a th o liq u e r o m a i n e , en accordant liè s-lib é ra le m e n t
de* absolutions à c r u x qui ont tro m p é les m e m b re s de celte religion , ou qui
sc proposent «le le f j i r e » ( B a r t h o l d y , t. a ).
** L e * ht-rihYrs D estain g a va ien t i m p r im é p lu tôt au lieu d c p l u s , parce
q u e cela changeai! le sens. Il en résultait q u e le g é n é ra l avait vo u lu que
son père crût à sa le ttre , tandis q u ’il a v o u e lu i- in â m o q u ’ il n ’a pas d it
vrai.
�(
5i
)
q u ’il ne se serait pas marié sans l’en p ré v e n ir; mais qu’à la
vérité il a d'autres lien s qui pourraient bien amener celui-là.
R e m a rq u o n s , et déjà la C o u r l’a rem arqué elle-m êm e dans
son arrêt interlocutoire * , que ces deux lettres étaient dans les
mains du sieur Destaing p è r e , lorsqu’ il a reçu A n n e N azo ,
et q u ’après un mois de méditations il lui a donné un ra n g dans
sa fa m ille , en se rendant le tuteur de son enfant.
Il
a donc ju g é ces lettres en pere clairvoyant ; et ce n’est pas
là qu'il a cherché la vérité. L ’ une s’ excusait a ses y e u x par la
licence des c a m p s; les jeunes F ra n ç a is, fussent-ils aux confins
de la terre , ont la manie de tout métamorphoser en bonnes
fortunes : mais un vieillard sait à quo,i s’en tenir. L ’autre lettre lui
semblait une jusiification embarrassée d’un fils soumis encore à
l ’autorité paternelle; il y devinait la vérité; et bientôt elle ne
lu i fut plus ca ch é e , lorsque la dame D e lz o n s , égyptienne, lui
eut rapporté quelle était l’opinion unanime du Caire et de
l’armée , sur le mariage de son fils ; lorsqu’encore le général
D e lz o n s , q u i y a va it a ssisté , vint lui en apprendre les détails.
C ’est donc par pure méchanceté , et sans besoin , que les
héritiers D e s ta in g , o n t p u b l i é c e s l e t t r e s . L ’ i i o n n e u r l e l p u r d é
fendait, puisqu’elles n’ étaient point à leur adresse. L a bienséance
le leur défendait encore; car une confidence licencieuse, que leur
père avait jugée fausse, aie devait pas être reproduite.
* « A t t e n d u q u e le titre d ’ épouse et c elu i d e m è r e ont été recon n us par
la fam ille du g é n é ra l Destainj’ y ................ Q u ’ un m ois après son a r r iv é e à
A u r i l l a c , D e sta in g p è r e , ne doutant pas du m a ria g e et d e l’a v is et c o n
sen te m en t do scs proches p a r o n s , s’ est rend u tuteur....................... Q u e celte
reconn aissan ce et c e lle acceptation d e tutelle paraissent d ’autant plus c o n
s i d é r a b l e s , q u ’on pourrait les regarder c o m m e la suite d ’ un c x a in e n a ppro
f o n d i , et do certitudes acquises par le p è r e , puisque deux lettres d e son
fils, l’ uue datée d ’ E g y p t e , l’autre écrite de P . i r i j , lui donnant tout le sujet
d e douter do ce m a r i a g e , ou m ô m e de ne pas y c r o i r e , il n’ en ava it pas
m oin s ronsenti l’acte eu question , t l q ue ses proches parens y a vaient aussi
concouru », ( a .* m o tif do l ’urrét du n
ju iu 1 808 ).
�(
)
Mais celle méchanceté n ’était pas sans b u t , et 011 le voit
dans Palïectation que les héritiers Destaing ont eue à recueillir
la déposition des sieur et dame D elzo n s, à qui le général disait
qu'A n n e N azo éta it m a r ié e, m ais q u 'il ne V êta it p a s. O n
aperçoit maintenant que la lettre est présentée pour être en
harmonie avec cette conversation si souvent répétée par eux.
Si cette conversation était v r a i e , il est cruel pour la dame
Destaing d’en com prendre le sens : mais elle ne serait d ’aucune
influence pour sa cause.
Oue les E u r o p é e n s , dans l’immoralité de leurs th é â tre s,
mettent en
rences
scène
des malheureuses abusées par toutes les a p p a
d’ un mariage ré el,
et
cependant dupes des artifices d ’un
hom m e qui s’est joué de la religion et de la p ro b ité, on ne
s’étonnera p is que ce scandale dramatique obtienne quelques
applaudissemens. Mais qui oserait -produire dans le monde une
s e m b l a b l e atrocité comme un événement réel, pour s’en appro
prier les conséquences ? qui m ême oserait repousser de soi la
victim e d ’ un artifice que le voile de la religion aurait ennobli
pour elle?
Q uelle que soit l ’inlention des héritiers D e s ta in g , en laissant
croire que le général a voulu tromper la famille N azo par le si
m ulacre d’ un mariage nul à s e s y e u x , la perfidie de cette su p
position serait en pure perte pour eux ; car la loi viendrait au
secours de celle qui aurait été dupe des apparences. E n effet la
bonne foi de l’un des époux suffit pour la validité de son mariage
et la légitimité des enfans *. M ais la dame Destaing se liûte de
dire que les cérémonies publiques qtii eurent lieu au C a ir e , les
lettres de son é p o u x , sa conduite soutenue envers elle, le justifient
pleinement de l’inculpation dont on a voulu le flétrir. L a légéieté
de sa nation , peut-être la crainte d’être blâmé par son père , ont
pu lui dicler quelques mots é q u iv o q u e s; mais son cœur fut
* C o d e N a p o l é o n , articles 201 et 202.
�( 53
innocent d’une telle lâcheté; elle était indigne de l u i , et toutes
ses actions la.démentent.
Ceux-là seuls sont coupables , qui n’ont pas rougi d ’exhum er
de la tombe de leur frère ce qui ne pouvait être utile à leur intérêt,
q u ’en imprimant une tache sur sa mémoire. .
j
M ais c’est trop s’arrêter à des réfutations pénibles et inutiles.
C e ne sont point des cendres éteintes qu’il faut interroger pour
la recherche de la vérité ; tout la révèle , tout l’atteste; et l’in
crédulité ne peut plus être que le masque hypocrite de la dis
corde qui ne s’avoue jamais vaincue.
.
I l est tems q u ’on cesse de disputer à une épouse malheureuse
un nom qu’elle a acheté assez cher , et qui seul aujourd’hui doit
l ’indemniser de tout ce qu’elle a perdu. E lle l ’a reçu en A friqu e ,
aux pieds des autels ; elle l’a porté publiquement dans sa patrie,
sur les mers , et dans toutes les villes d ’E urope que sa situation
l ’a forcée de parcourir. Ses adversaires eux-mêmes n’eurent pas
m êm e la pensée de lui en donner un a u tre; ils l ’apprirent à
ceux qui l’ignoraient ; et c’est après une possession d ’é t a t , ainsi
émanée d ’eux , q u ’ils ont voulu déshonorer et méconnaître celle
qu ils avaient accueillie et protégée. X.n ( l a m e Destaing n’a jamais
supposé que cet avilissement pût l’atteindre : elle ne tire aucune
vanité d ’appartenir aux héritiers D estaing, plutôt q u ’à une autre
fa m ille ; mais le titre sacré d’épouse, mais les droits plus sacrés
encore de l’orpheline qui lui doit le j o u r , ne pouvaient pas être
vains à ses ye u x.
Sa fille, seule, au milieu de tant de contrariétés, a soutenu son
co u rag e ; la dame D estaing n’avait pas d ’héritage plus précieux
à lui laisser q u ’ un nom qui ne fut pas déshonoré; et elle-même
ne devait point rougir aux y e u x de son enfant du vice de sa
naissance.
P o uvan t attendre sans crainte l’examen du présent et du passé,
la dame Destaing a pu se soumettre sans murmure aux lenteurs
de la justice, sachant bien que l’intérêt privé pouvait élever des
14
�( 54)
doutes sur les Formes de son m a r i a g e , mais que la malignité
n ’en hasarderait aucune sur la pureté de ses actions.
U n jour peut-être les héritiers Destaing seront honteux de ce
p r o c è s , et s’enorgueilliront de celle q u ’ils voulaient avilir et
proscrire. Mais si la passion ne leur permet pas aujourd’ hui
•d’être justes, la dame D estaing n’en doit pas moins aux mânes
de son époux de ne pas se croire en guerre éternelle avec ceux
q u ’il lui désigna com m e des protecteurs et des frères, et qui
partagent avec elle la gloire de son nom.
M.e D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M. e T A R D I F , avoué-Licencié.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
légitime
témoins
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Anne Nazo, veuve de Jacques-Zacharie Destaing, général de division, en son nom, et comme tutrice de Maria Destaing, sa fille , intimés; contre les sieurs et demoiselle Destaing, appelants.
note manuscrite : Voir l'arrêt au journal des audiences de 1811, à la page 353. »
Table Godemel : Etat (question d') : 2. est-il dû des dommages-intérêts à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ? Mariage : 3. avant le code napoléon, les mariages contractés en pays étrangers, et particulièrement en Égypte, par des français avec des étrangers, étaient-ils valables, s’ils avaient été célébrés suivant les formes et usages observés dans le pays ? ces mariages pouvaient-ils être prouvés tant par titre que par témoins, s’il est établi que, dans le pays et pour les prêtres qui ont célébré le mariage, il n’était pas tenu de registre ? peut-on entendre comme témoins ? - les parents du français et de l’étrangère mariés ; - les personnes qui auraient déjà, par le fait du mariage et de sa notoriété, délivré des attestations ou certificats ; - les étrangers réfugiés en France avec l’autorisation du gouvernement. est-il dû des dommages intérêts à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ? Dommages-intérêts : 6. en est-il dû à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
An 6-An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
54 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2001
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53371/BCU_Factums_G2001.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
légitime
opinion publique
témoins
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53386/BCU_Factums_G2016.pdf
16814b381089fdc3e24602b9592653ce
PDF Text
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MÉMOIRE
EN R É P O N S E .
�COUR
MÉMOIRE
EN
IM PÉ R IA LE
D E RIOM .
Ire. CHAMnnE.
RÉPONSE,
A u d ien ce
P O U R
du
2 ju illet 1810..
Dame J e a n n e - M a r i e D E C H A M P F L O U R ,
veuve du sieur P a u l - François d e M o n t r o z i e r sieur J e a n - B a p t i s t e D E C H A M PF L O U R ; dame M a r i e - A n n e - F é l i c i t é D E
F R E D E F O N T , et sieur J e a n - J a c q u e s D E
R O C H E T T E , son mari ; demoiselle G a b r i e l l e D U R A N D D E P E R IG N A T , et dame
M a r ie D U R A N D , relig ie u se ; tous habitans.
de la ville de Clermont-Ferrand, intimés;
C O N T R E
r
\
Dame A n n e - E m i l i e D E F E L I X , veuve de
sieur Claude-François-Léon d e S i m i a n e 5
propriétaire à Collongues, arrondissement d'Aix,
département des Bouches-du-Rhône, appelante;
en
p r é s e n ce
D e dame M a r g u e r i t e D E C H A R D O N , veuve
du sieur J a c q u e s -F r a n ç o is de M o n ta n ie r
C l a u d e - A ntoine - J oseph D E
DON
demoiselle A n n e D E
CHAR~
CHARDON/
A <&
�C4 )
dame B e r r e t t e D E C H A R D O N , veuve du
sieur V a l l e t t e d e R o c h e v e r t ; tous proprié
taires, habitans de la ville de Riom, intimés;
ET
EN
PRÉSENCE
D e J a c q u e s - M a r i e L A V I G N E s et J e a n
P I R E L , habitans de la ville d’Ambert, aussi
intimés.
QUESTIONS.
i°. Les religieux q u i, -par Veffet rétroactif de la loi
du 5 brumaire an 2 , ont obtenu un droit successif de
la nation représentant un émigré, ont-ils été soumis à
rendre cette succession après le rapport de cet effet
rétroactif, lorsque les héritiers rétablis se sont trouvés
représentés par la république, comme émigrés?
2°. L a nation, dans ce cas particulier, n'est-elle pas
censée avoir renoncé à toute recherche, et n'avoir point
voulu user du bénéfice des lois des gfructidor an 3 , et
3 vendémiaire an 4 ?
3°. L e sénatus-consulte du 6 floréal an 10 n’a - t - ï i
Teiuiu aux émigrés amnistiés, ou à leurs héritiers, que
les biens qui se trouvoient dans les mains de la nation,
p a rla voie du séquestre, au moment de Vamnistie?
C e s questions sont exactement les mêmes que celles
présentées par la dame de Simiane. Il fauf y ajouter
�(5 )
qu’elle se dit créancière du sieur Hector de Sim iane,
mort émigré , et que c’est en cette qualité qu’exerçant
les droits de la république, elle veut la ire aujourd’hui
ce qu’elle prétend que la république auroit dû fa ire après
le g fructidor an 3 , c’est-à-dire, ôter aux héritiers d’une
religieuse ce qui lui a été abandonné nationalement, dont
elle a joui dix ans et jusqu’à sa mort. Cette prétention
est si bizarre, qu’il faut être surpris de la voir élever
sérieusement, après tant de lois faites pour rassurer les
possesseurs des biens transmis, à quelque titre que ce
soit, par la république.
F A I T S .
L a dame A n n e D elà i r e , épouse de JVT. de C la r y , est
décédée le 27 octobre 1 7 9 1.
Elle avoit institué pour héritiers, par un testament de
17 8 7 , M . Hector de Simlane, son cousin paternel, et
M . de Chardon, son cousin m aternel, à la charge d’ac
quitter pour 240000 francs de legs.
Hector de Siiniane, domicilié à A vign o n , étoit sorti
de France à l’époque des troubles du Comtat. Mais n’y
ayant encore aucunes lois contre les ém igrés, il paroît
que M . de Simiane se présenta pour recueillir la suc
cession de Clary ; mais en 1792 il fut inscrit sur la liste tles
émigrés, et le séquestre fut mis sur ses biens.
Jusqu’au 28 mars 179 3 , ce séquestre n’étoit qu une
occupation des biens. Mais la loi du 28 juillet ^793 Jjannit
à perpétuité les ém igrés, et les déclai’a morts civilement.
Madame de Clary avoit une sœur religieuse (Jeanne
�(6 )
D elaire) : la loi du 5 brumaire an 2 l’appela h succéder,
puisque madame de Clary étoit morte après le 14 juillet
1789. Eu conséquence, Jeanne de Clary obtint à son profit
la mainlevée du séquestre, fut déclarée héritière de sa
soeur, et envoyée en possession de tous les biens, par un
arrêté du 8 nivôse aii 2.
L a loi du 9 fructidor an 3 abolit l’effet rétroactif de
la loi du 17 nivôse. En vertu de ce changement de légis
lation, on dit que M . de Chardon reprit les biens maternels
de madame de C la ry , qui lui étoient légués par le tes
tament de 1787.
Si le sieur de Sim iane eût été régnicole ù cette é p o q u e ,
il n’est pas d o uteux q u ’il n’eût eu aussi le droit de re
prendre les biens paternels dans les mains de Jeanne
Delaire.
Mais il étoit toujours sur la liste des émigrés -,
Il étoit mort sans -postérité avant la loi du 9 fructidor,
à A sti, et en état d’émigration;
Par conséquent il ne laissoit à ses héritiers que les
biens dont il étoit propriétaire à l’époque de son décès,
c’est-à-dire, le 1 % prairial an 3.
C’est ainsi que la famille elle-même l’entendit à cetle
époque ; et une circonstance assez singulière va le prouver.
M . de Simiane mouroit sans enfans : il laissoit deux
héritiers ab intestat ; l’un étoit le sieur Vidaud de la
T o u r , et l’autre étoit Jeanne D ela ire elle-même.
L e sieur Vidaud de la T o u r avoit seul qualité pour
disputer à la religieuse Delaire la propriété des biens
C lary, et pour prétendre qu’ils étoient dans la masse de
la succession de Simiane.
�C/ 7 )
Bien loin d’en agir ainsi, M . Vidaud de la T o u r se
réunit à Jeanne Delaire pour demander au direçtoire
exécutif la radiation de M . de Simiane , et l’envoi en
possession de ses biens propres situés a A vignon.
En effet, ils obtinrent une radiation le 28 nivôse an 5.
A lors ils prirent la qualité d’héritiers bénéficiaires de
M . de Simiane; et en vertu d’un jugement du tribunal
de Vaucluse, du 24 thermidor an 5 , ils firent commettre
le sieur Chambaud, notaire à A vign on , pour faire l’in
ventaire du mobilier de la succession.
Il ne vint pas môme à la pensée du sieur Vidaud de
la T o u r (seul intéressé, on le rép ète,) de faire com
prendre dans ce mobilier de la succession Simiane
aucune portion de la succession de madame de Clary.
L ’arrete de radiation n’avoit été qu’une indulgence
éphémère due aux circonstances. T.es lois de l ’an 3 sur
les émigrés avoient fait des exceptions pour les émigrés
d’A v ig n o n , et la journée du 18 fructidor an 5 ramena
les mesures générales de 1793* Eli conséquence, une loi
du 22 nivôse an 6 ordonna que les émigrés avignonnais
qui auroient obtenu des radiations par suite de la loi
du 9 fructidor an 3 , seroient réintégrés sur la liste.
L e séquestre fut dono remis sur les biens du sieur de
Simiane, mais seulement h Vaucluse, et il ne fut levé
qu’après l’amnistie générale, du 6 floréal an 10.
A lors Jeanne Delaire se réunit encore au sieur Vidaud
de la T our, son cohéritier; ils obtinrent la radiation du
défunt, le 26 frimaire an 11.
Ils sollicitèrent l’envoi en possession tics biens; et c’est
ici le cas de remarquer encore que M* Vidaud de la T o u t
�(8 )
•n’eut pas plus qu’en l’an n la pensée de se mettre en
possession des biens d’A u vergn e, qu’il ne fit de diligences
qu’à V aucluse, et laissa la religieuse Delaire en pleine
possession des biens de sa sœur.
. Il y a plus : car la religieuse Delaire vendit seule
'tous les biens de sa sœur en l’an 10 , après le sénatusconsulte, et le sieur Vidaud de la T o u r ne s’y opposa
pas.
Dans le même temps on clierchoit à empêcher la des
tination que M . le Préfet de Vaucluse vouloit faire d’un
domaine du sieur de Simiane pour une pépinière : le
sieur Vidaud de la T o u r réclam oit contre cette occupa
tion, conjointem ent avec Jeanne Delaire; et même après
la mort de Jeanne Delaire il ne crut pas pouvoir vendre
ce domaine sans y appeler ses héritiers.
La dame Delaire, religieuse, est décédée l e n messidor
an n . Les familles de Chardon et Champilour se sont
partagé la succession comme héritières des deux lignes :
elles ont eu à défendre celte qualité dans deux procès;
mais elles ont fait juger qu’elles étoient héritières, et
elles sont toujours restées en possession.
La dame F élix de Simiane s’est elle-même adressée à
elles en cette qualité, le 8 février 1808, non pas pour
leur disputer les biens, ni former des demandes hypo
thécaires, mais seulement pour faire liquider à Avignon
ses reprises contre elles, comme héritières du sieur de
Sim iane, par représentation de la religieuse Delaire.
Ce seroit peut-être une tâche fort difficile pour la dame
de Simiane de justifier ces reprises, lorsqu’ayant vécu à
A sti jusqu’à la mort de son parent, elle s’est emparée de
tout
�( 9 )
tout son m obilier, de toutes les ressources qui les faisoient
exister l’un et l’autre hors de France. Et elle vient aujour
d’hui , comme héritière de sa fille par les lois actuelles,
réclamer la succession de son fils et l’effet d’un testament
qui a rendu ce dernier créancier, du chef de son père,
du sieur de Simiane, mort à Asti.
Quoi qu'il en soit de ce circuit de qualités, madame
de Simiane procédant comme héritière de sa fille, qui
l ’étoit de son frè re , s’est fait adjuger 296000 fr. pour des
terres vendues de l’estoc de la dame de Seveyrac, aïeule,
pour des pensions et des fermages , sans expliquer le
moins du monde comment tout cela lui est rigoureuse
ment dû.
Les héritiers Champflour, par acte du 18 février 1809,
répudièrent au greffe d’A vignon la succession du sieur
de Simiane.
Jusque-là on prévoit difficilement comment la dame
veuve de Simiane pourra enfin renverser tout cet ordre
de choses , et s’en prendre aux biens de la religieuse
Delà ire. Il paroît qu’elle-même n’auroit pas commencé
cette attaque; mais elle y fut menée par circonstance, et
elle a cru peut-être de bon augure d’être appelée à un
procès par des débiteurs de 92000 fr ., qui ne vouloieni
se libérer qu’en sa présence. V oici comment la dame de
Simiane a été appelée à ce procès, et quelle est l ’origine
de sa réclamation actuelle.
Il paroît qu’en prairial an 10, la dame de Sim iane,
il peine rayée elle-même de la liste des émigres, s’occupa
B
�C 10 )
d’actes conservatoires pour la sûreté de ses prétendues
reprises : scs agens firent en son nom des inscriptions à
A vign on , à Clermont et à A m bert, et même une saisiearrêt entre les mains des sieurs Lavigne et P ire l, qui
avoient acheté des immeubles de la religieuse Delaire.
Ces mesures n’avoient rien que de naturel, puisque
Jeanne Delaire étoit héritière du sieur de Simiane , et
par conséquent débitrice personnelle de l’adversaire tant
qu’elle ne répudieroit pas. Ainsi il ne faut pas regarder
ces actes de l’an 10 comme une prétention semblable à
celle que manifeste aujourd’hui la dame de Sim iane,
après une répudiation.
E n 1809 , les héritiers D elaire assignèrent les sieurs
L a v ig n e et P ir e l en payement de la somme de 92160 f r .,
prix de la vente à eux consentie par Jeanne D elaire,
en l’an 10 , et des intérêts depuis cette vente.
Les sieurs Lavigne et Pirel ayant en mains une saisie-*
arrêt, en excipèrent, et demandèrent la mise en cause
de la dame de Simiane : elle fut ordonnée; et la dame
de Simiane fut assignée en mainlevée de sa saisie et de
ses inscriptions.
Scs droits n’étoient pas encore liquidés, et elle se hâta
drobtenir à A vign on un jugement par défaut , le 16
mars 1809.
A lo rs m adame de Simiane se disant créancière , se
présenta au tribunal de Clermont pour demander la con
firmation de sa saisie-arrêt ; et alors elle éleva, pour la
première fo is , la prétention que les biens de madame
de Clary appartenoient à Hector de Simiane pour moitié,
et qu’ainsi ces biens étoient le gage de ses reprises.
�( 11 )
L e tribunal de Clermont n’a point accueilli cette de
mande ; il a annullé la saisie-arrêt et les inscriptions de
la dame de Simiane : son jugement du 9 août 1809 est
fondé sur des motifs très-solides et très-lumineux.
Ils se réduisent à dire que M. de Simiane ayant perdu
les biens Clary par son émigration, et étant mort émi
g r é , ses héritiers n’auroient pu les réclamer que si ces
biens s’étoient trouvés dans les mains de la nation lors
de l’amnistie •, mais que la nation ayant été désistée de
ces biens par la religieuse D elaire, et n’ayant pas eu le
droit de les lui redemander, les héritiers de l’amnistié
n’ont dû prendre ses biens dans les mains du gouverne
ment qu’en l’état où la révolution les avoit laissés (1).
L a dame de Simiane prétend n’avoir pas perdu l’es
pérance de faire réformer cette décision qu’elle trouve
cependant légale dans ses bases , m a is t r o p sévère, et
fausse dans ses conséquences.
Il semble cependant diiïicile que la Cour pût être
plus indulgente, sans blesser les droits des héritiers de
la dame D elaire, et sans porter atteinte aux lois qui Jes
ont investis de cette succession.
M O Y E N S .
Les lois qui vont être citées rappelleront des souvenirs
pénibles, et ramèneront peut-être à des idées àe pros
cription et d’injustice. Mais sans s’occuper d’une justifljugement est transcrit
de madame de Simiane.
(1) L e
litté ra le m e n t
dans le mémoire
B 2
�( Ï2 )
cation qui seroit aussi déplacée qu’une critique, il sera
bien permis du moins de demander ù la dame de Simiane
si elle croit avoir eu un titre plus sacré que Jeanne D elaire, pour lui disputer la succession de sa sœ ur, et si
les lois de 1793 ont été véritablement une spoliation
dans cette circonstance.
Madame de Clary n’avoit qu’une sœur; elle n’avoit
pas pu en mourant lui laisser sa fortune , puisque les
religieuses étoient incapables de succéder. Elle pensa alors
à des parens éloignés , et sa mort précéda l’époque de
l ’abolition absolue de la vie monastique.
E q août 1792 les religieuses furent expulsées de leurs
asiles , et les biens q u ’elles possédoient en échange de
c eu x qu’elles avoient abandonnés en renonçant au siècle,
leur furent enlevés avant qu’il fût question de dépouiller
les émigrés de leurs fortunes.
Peu de temps ap rès, les lois qui avoient rendu les
religieuses au monde leur permirent d’être successibles ;
et alors, il ne faut pas en douter, si madame de Clary
eût vécu , ses intentions eussent été d’accord avec la na
ture et la loi ; sa sœur eût été son héritière.
Eh bien! ce que madame de Clary au tombeau ne pouvoit pas r é p a r e r , l’a été par le hasard d’une révolution;
le bannissement de M . de Simiane lui a ôté ce que les
jnânes de sa bienfaitrice lui regrettoient indubitablement *
et cette sœur jadis bannie clle-môme et morte au monde,
a retrouvé tme fortune à laquelle d’autres événemens
l ’avoient rendue étrangère.
Qui donc osera dire que Jeanne Delaire m urpoit ,
lorsqu’une loi lui a donné la fortune de sa sœur ? Madame
�( 13 )
de Simiane le d it, sinon à elle, au moins à ses héritiers.
Elle va plus loin dans son injustice, car c’est contre eux
qu’elle veut rejeter tout l’effet de l’émigration , tandis
qu’elle veut, elle-même émigrée, avoir été invulnérable.
Elle vient dire aux héritiers de Clary : « Je vous sais
« bon gré de la peine que vous avez pi'ise d’obtenir des
« radiations ; mais sic vos non vobis, je m’en adjugerai
« tout le profit, si vous le trouvez bon. Jeanne Delaire
« a em pêché la nation de vendre les biens C lary, vous
cc avez empêché la vente des biens Simiane *, tout cela
« sera mon bénéfice. Je reviens de l’émigration noti
ce seulement avec la dépouille du défunt, mais encore
« avec des titres qui absorbent tout le reste, et je pour« suis des reprises que la nation française a eu la bonté
« de me réserver intactes. T out ce qui a été vendu est
« perdu pour les héritiers ré p u b lic o lc s , et tout ce qui
« reste est conservé pour moi. »
Mais ce n’est pas par des réflexions morales qu’il faut
repousser l’attaque de la dame de Simiane ; ce sont les
lois elles-mêmes qui sauront y répondre victorieusement.
La loi du 28 mars 1793 a déclaré morts civilement
tous ceux q u i , alors inscrits sur des listes d’ém igrés,
n’étoient point rentrés en France dans les délais accordés
par les lois précédentes.
Il ne s’agit pas de vérifier quelle étoit l ’ é p o q u e de l’ins
cription du sieur de Simiane, et si les émigrés d’A vignon
devoient être exceptés : car le Comtat fut r é u n i à la France
en 17 9 1, et par conséquent les lois de 1792 et 1793 ^es
atteignirent comme les autres Français.
�( m )
T out ce qu’il faut savoir, c’est que M . de Simiane
u’étoit pas rentré en France avant le 28 mars 1793 . A in s i,
aux yeux de la l o i , M . de Simiane est mort depuis cette
époque.
N ’est-ce pas assez de sa mort civile ? eh bien ! s’il
faut y ajouter l’époque de sa mort naturelle , M . de
Simiane est mort à Asti le 12 prairial an 3.
A lors il étoit encore sur la liste des émigrés : ainsi
ses biens n’ont pas pu être transmis par lui à ses héri
tiers naturels, puisque la loi les avoit déclarés acquis
irrévocablement à la nation.
Peut-être bien que si rien n’eut dérangé cet ordre, et
si la nation eût conservé jusqu’à l’an 11 les immeubles
du sieur de Simiane, ses héritiers en auroient obtenu la
remise lorsqu’ils sont parvenus à le faire rayer de la liste .
des émigrés après sa mort : cette mesure étoit une consé
quence d e l’amnistie. L e gouvernement n’a voulu retenir
que les bois, et les perceptions déjà faites : mais aussi 11c
voulant être généreux ou juste que dans son intérêt, il
a marqué fortement l’intention que nul possesseur tenant
sou titre de l’autorité publique, ne fût inquiété pour
aucune cause.
V oilà ce que la dame de Simiane paroît ne pas vouloir
comprendre ; les articles de la loi lui semblent équi
voques*, elle n’y a v u que l’ordre donné aux émigrés de
maintenir les partages faits avec la république ; et se
mettant ainsi à l’aise, elle a cru suffisant de dire que la
religieuse Delaire n’avoit fait aucun partage avec la répu
blique*, d’où elle a conclu que les héritiers de Simiane
ont très-bien eu le droit de disputer à cette religieuse
�( i 5 )
les biens qu’elle avoit obtenus par un arrêté authentique
du 8 nivôse an 2.
C’est là la seule prétention sur laquelle la dame de
Simiane insiste ; car elle reconnoit que M. Hector de
Simiane étant mort en état d’émigration et de mort
c iv ile , n’étoit pas alors propriétaire des biens qu’elle ré
clame : mais elle soutient que si ses héritiers n’étoient
pas successibles à l’heure de sa m ort, ils le sont devenus
huit ans après, c’est-à-dire, lors du certificat d’amnistie
délivré en l’an 11.
Ce point capital de la contestation reçoit deux réponses;
l’une, générale et relative aux effets de l’amnistie d’émi
gration ; l’autre, particulière, résultante de la qualité
de religieuse qu’a voit Jeanne de Clary.
r_
Pour être plus clair dans la première réponse, il faut
la faire précéder de la loi elle-même, dont il sera facile
ensuite de tirer des conséquences.
L e sénatus-consulte, du 6 floréal an 10 , porte, ar
ticle 16 : « Les individus amnistiés ne pourront, sous
« aucun prétexte, attaquer les partages de présuccession,
« succession, ou autres actes et arrangemens fa its entre
« la république et les p articuliers, avant la présente
« amnistie. »
A rt. 17. « Ceux de leurs biens qui sont e n c o r e devis
« les mains de la nation (autres que les bois et forets,....
« les créances qui pouvoient leur appartenir sur le trésor
« public, et dont l’extinction s’est opérée par confusion
« au moment où la république a été saisie de leurs
�( i6 )
« biens, droits et dettes a ctiv e s), leur seront rendus
« sans restitution de fruits. »
L ’arrêté des consuls, du 9 thermidor an 10, dit « qu’il
« est conforme à l’esprit du sénatus-consulte d’étendre
« la grâce aux héritiers, quand la mort a mis le prévenu
« lui-m êm e hors d’état d’en profiter. S’il eût vécu , il
« seroit rentré dans les biens dont l’art. 17 du sénatus« consulte fait remise aux amnistiés ; comment refuser
« la même grâce à ses enfans républicoles, et nés avant
« l’émigration ? »
?
Si ce que la loi accorde aux enfans de l’émigré doit
s’étendre aussi aux collatéraux, croira-t-on, d’après ce
qu’on vient de lire, que les héritiers de M . de Simiane
eussent pu demander ses biens à tout autre possesseur
qu’au gouvernement?
Les héritiers Simiane ne l’ont pas cru possible; ils ont
vu vendre par la religieuse Deiaire tous les biens qu’elle
tenoit de la république, et il n’est venu à la pensée de
personne qu’ils fussent fondés à attaquer son titre, en lui
objectant qu’après le 9 fructidor an 3 elle auroit dû rendre
à la république ce que la république lui avoit donné.
A supposer qu’on tienne pour réponse suffisante à ce
fa it, le droit qu’ils auroient eu de s’y opposer ( ce qui
lious ramène à la question), il faudra bien qu’on indique
com m ent et par quelle voie on auroit pu soi-m êm e
attaquer un actef a i t entre la république et la religieuse
JDelaire.
Sera-ce sous "prétexté du rapport de l’effet rétroactif
de la loi du 17 nivôse ? mais la loi dit que l’amnistié
ne pourra attaquer l’acte squs aucun prétexte.
Madame
�( 17 )
Madame deSimiane aura encore quelques efforts de plus
à faire pour prouver que les héritiers de l’amnistié pouvoient rechercher des biens qui rfétoient plus dajis les
mci'ns de la nation depuis l’an 2. Ce n’est pas qu’elle
n’ait bien prévu cette difficulté, dont elle fait une question
principale en tête de son mémoire ; mais elle l’a éludée,
et l’a laissée à peu près sans réponse.
Répétera-t-elle que la religieuse Delaire a dû rendre
à la nation les biens Clary aussitôt après la loi du 9 fruc
tidor an 3 ? Mais comment une aussi bonne pensée n’estelle venue qu’à madame de Simiane? et comment le fisc,
toujours si en éveil, ne s’en est-il point avisé? Quantum
mntatus ab illol faudroit-il s’écrier-, ou plutôt il faudroit
se croire fort convaincu par cette seule réflexion , que
le fisc n’etoit point autorisé à ôter à Jeanne Delaire les
biens dont elle étoit en possession, p uisqu ’il ne les de
manda pas.
Ce que la nation n’a pas fait en l’an 3 , la dame de
Simiane voudroit que les héritiers de son mari l’eussent
fait en vertu de l’amnistie, q u i, suivant elle, auroit un
effet rétroactif au temps de la mort et même de l’émigration.
Mais aucun effet rétroactif n’est donné à l’amnistie; et
c’est pour cela que le sénatus-consulte veut que l’émigré
vienne prendre dans les mains de la nation s e u l e m e n t
ce qui y reste.
On a vu à Besançon un sieur Masson, émigré* dont
les biens avoient été vendus à sa femme p e n d a n t même
qu il étoit en réclamation , venir après l’amnistie de
mander à sa femme, non pas l’évictioo du bien national,
,
e
�(
18
)
mais l’administration de la communauté. La Cour de
Besançon avoit jugé que l’amnistie avoit rétabli la puis
sance maritale, et'par conséquent la communauté comme
si elle n’eût jamais été interrompue : mais cet arrêt a été
cassé le 10 juin 1806, par le motif principal que le sieur
Masson avoit été en état de mort civile jusqu’à sa radia
tio n , et que Vamnistie riavoit pas eu d'effet rétroactif.
Sans doute il y a quelque répugnance à penser que
malgré la règle le mort saisit le v if , M . de Sim iane,
mort en l’an 3 , n’a eu d’héritiers qu’en l’an 11. Mais
on conçoit que pendant cette lacune c’est la république
q u i a été h éritière interm édiaire -, et rem arquons qu’elle
n’a pas voulu l’être à titre d’usufruit ou de fidéicommis;
elle n’a pas même voulu qu’on lui succédât par repré
sentation , de peur qu’on usât de ses droits ou de ses
omissions pour faire des procès ; elle a déclaré avoir
rempli le degré comme propriétaire, et avec le droit
utendi et àbutendi, elle n’a rappelé l’émigré que pour
reprendre rebus integris ce qui rcstoit dans ses mains ;
et sans lui donner le droit de porter ses regards en arrière
pour rechercher quel étoit le titre de possession de ceux
qui occupoient ses biens, la loi a placé pour lui un mur
d’airaiu entre le passé et l ’avenir.
V oilà., ce semble, l’idée la plus juste qu’on puisse se
former de cette législation, et c’en seroit assez peut-être
pour prouver qu’en thèse générale les héritiers Simiane
n’ont pas dû contester à Jeanne Delaire le droit de dis
poser des biens de sa sœur. Voyons cependant ce que la
circonstance que Jeanne Delaire étoit religieuse, ajoutera
de force à la précédente démonstration.
�C 19 )
Lorsque rassemblée constituante, voulant favoriser la
sortie des cloîtres, eut rendu la loi du 19 février 1790,
.qui permetto.it aux religieux des deux sexes de rentrer
dans le monde, il fut nécessaire d’expliquer s’ils deviendroient capables de successions : alors fut rendue une
seconde lo i, du 26 mars 179°? ainsi conçue :
; A rt. i er. « Les religieux qui sortiront de leurs maisons
« demeureront incapables de successions, et ne pourront
« recevoir par donations entrevifs et testameos que des
•« pensions ou rentes viagères. »
A rt. 2. « Néanmoins lorsqu’ils ne se trouveront en
« concours qu’avec le fisc, ils hériteront dans ce cas pré« Jerablem ent à lui. »
L a loi du 5 bru m aire an 2 , art. 4 , dit que « les re-« lig ie u x et religieuses sont appelés à. recu eillir les suc« cessions qui leur sont échues à com p ter du 14 juillet
a 1789. »
L ’art. 7 dit qu’audit cas de successions ils rapporteront
les dots constituées par leur profession monastique, et
que leurs rentes et pensions seront éteintes.
C ’est en vertu de cette loi que Jeanne Delaire a ré
clamé la succession de madame de C lary, sa sœur, dont
elle étoit seule héritière ab intestat. E lle en a obtenu
la propriété par arrêté du 8 nivôse an 2.
Lorsque la loi du 5 brum aire an 2 fut rapportée dans
•son effet ré tro a c tif, le 9 fructidor an 3 , J e a n n e D elaire
a u ro it pu être obligée par M. de Simiane de rendre la
m oitié des biens de sa s œ u r, si M. de Simiane eut été
viv a n t ; mais il étoit frapp é de m ort
c iv ile
: et de m em e
G s
�j/j*
( 20 )
que les émigrés ne peuvent pas recueillir les successions
ouvertes pendant leur mort civile, de même ils n’ont pas
d’action pour réclamer le bénéfice d’une lo i; cai’, suivant
la loi du 12 ventôse an 8, les émigrés ne peuvent invo~
quer le droit civil des Fronçais.
Jeanne Delaire n’avoit donc pas M . de Simiane. pour
concurrent, mais seulement le fisc en sa place pour la
moitié paternelle, et M . de Chardon pour les biens
maternels.
Celui-ci a pris sa portion, parce qu’il étoit républicole ; mais le fisc n’a pas pris la sienne, car il en étoit
empêché par l’art, a de la loi du 26 mars 1790, ci-dessus
citée.
Il est bien incontestable en effet que si M . de Simiane
ou le fisc étoient mis de côté, Jeanne Delaire se trouvoit héritière de sa sœur : ainsi elle étoit parfaitement
dans l’application de la loi qui Pappeloit à succéder.
A in s i, sans aller plus lo in , voilà déjà, la religieuse
Delaire avec un titre légal. Elle n’est pas seulement habile
à succéder, elle n’est pas détenteur provisoire et précaire ;
elle est héritière ; elle occupe les biens pro suo. Car il
n’y a pas encore d’amnistie , il n’y en aura que dans
huit ans; et le fisc lui a cédé sa place, non pas pour jouir,
Nmais pour succéder directement et personnellement.
L a loi du 9 fructidor an 3 n’a donc rien dérangé au
titre de propriété donné par la nation à Jeanne Delairo.
Cette loi a été expliquée par celle du 3 vendémiaire an 4;
et en même temps que le législateur rend à tous les héri
tiers déchus le droit d’ôter aux personnes rappelées ce
�( 2ï )
qu’elles ienoient de l’effet rétroactif, il déclare formel
lement que le fisc n’aura pas le même droit contre les
religieuses.
En effet, l’art. 5 s’exprime ainsi : « Les partages faits _
« entre la république et les personnes déchues , qui
« étoient ci-devant religieux ou religieuses ......... sont
« maintenus, sauf l’exécution de l’art. 7 de la loi du 17
« nivôse ( relatif à la confusion des pensions ). »
Rien n’étoit plus clair que cette intention de la loi (1).
Cependant madame de Simiane ne veut pas y voir ce
qui est évident : elle se contente de dire que la reli
gieuse Delaire n’a pas fait de partage avec la république,
d’où il suit que l’article ne la regarde pas.
Il suffiroit de répondre que la loi ne peut pas tout
dire, et exp rim e r tous les cas, et que scire leges non est
earum verba tencre, sed vim ac polesialem. Mais ce
n’est pas même le cas de chercher un sens , car il est
parfaitement rendu.
La loi qui doit être b riè v e , et qui doit prendre pour
exemple ce qui arrive le plus souvent, n’a pas pu sup
poser de prime abord qu’une religieuse se trouveroit
unique héritière. Il n’étoit que trop d’usage que ce
(0 Comme cet article prouve qu’en laissant les
su cce ssio n s
aux religieuses, et en retenant leurs pensions, la r é p u b l i q u e %
aussi songé à son intérêt, madame de Simiane se récrie, en
disant qu’on ne donne pas une grosse s u c c e s s i o n pour 5oo fr.
de rente. Elle oublie que dans les loteries on donne 10000 fr.
pour un écu ; ce qui 11e prouve pas pour cela une fausse spécur
lation, parce qu’ un gros lot n’est pas pour tout le monde.
�( 22 )
fussent les familles nombreuses qui peuplassent les mo
nastères, pour le plus grand avantage d’un héritier prin
cipal. Le plus souvent aussi c’est cet héritier que la
nation a représenté par confiscation , et alors elle a eu
un partage à faire avec les religieux rappelés par l’effet
rétroactif de la. loi du 5 brumaire.
Si dans le cas de ce partage la nation s’est interdit
le droit d’ôter au religieux la portion qu’il n’avoit eue
que temporairement, qu’en résulte-t-il autre chose, si
ce n’est que tous les droits de la nation ont été aban
donnés aux religieux, comme l’avoit déjà dit la loi du
2.6 mars 1790?
E t com m ent p e u t - o n demander à son imagination
qu’elle invente une différence entre le cas d’un abandon
par la voie d’un partage, ou d’un abandon par la voie
du délaissement total? N ’est-ce pas toujours la république
qui cède son droit tel quel? et qu’importe de recher
cher s’il étoit universel ou de quotité, lorsqu’il ne s’agit
ici que de savoir si on peut exciper du droit de la ré
publique ?
En un m ot, si M . de Simiane eût v écu , il est indu
bitable qu’il ne pouvoit troubler Jeanne D elaire, parce
qu’elle étoit héritière avant son amnistie , parce que le
sénatus-consulte ne lui donnoit droit de rechercher des
immeubles que dans les mains de la n a tion , parce que
la remise des biens Clary, faite à Jeanne Delaire en l’an 2,
étoit c o n s o l i d é e par l’art. 5 de la loi du 3 vendémiaire
an 4 , et enfin parce que les émigrés n’ont pas le droit
de rechercher si la république a eu tort de donner à
quelqu’un la propriété île ce qu.i etoit a eux.
�Ce que ne pouvoit pas faire M . de Sim iane, ses héri
tiers l’ont pu encore moins quand cette propriété a été
consolidée par une longue possession. Mais madame de
Simiane, qu’est-elle pour vouloir bouleverser tout ce qui
a été fait, et respecté même par le fisc? Elle est un simple
créancier réduit à exercer les droits de son débiteur.
Mais qu’elle explique comment elle veut exercer les droits
d’un émigré mort avant sa radiation, et par conséquent
exercer, du chef de cet ém igré, les droits de la répu
blique qui ne le lui permet pas.
Enfin , et pour comble d’incohérences, madame de
Simiane a débuté par une saisie-arrêt du prix des ventes
faites par Jeanne Delaire après l'amnistie ; ce qui est
une reconnoissance évidente du droit de propriété de la
venderesse, et par conséquent une p reu ve de plus que
toutes les parties intéressées croyoient également à cette
propriété, comme à la chose du monde la moins suscep
tible de contestation.
Me. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M e. D E V È Z E ,
A
licencié avoué.
RIOM, de l’imp. de THIBAUD, imprim. de la Cour impériale, et libraire,
rue des Taules, maison LANDRIOT —•Juin 1810
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Champflour, Jeanne-Marie. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Devèze
Subject
The topic of the resource
créances
émigrés
séquestre
Comtat Venaissin
successions
amnistie
rétroactivité de la loi
estoc
vie monastique
rétroactivité des successions
mort civile
legs
hôpitaux
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour Dame Jeanne-Marie de Champflour, veuve du sieur Paul-François de Montrozier ; sieur Jean-Baptiste de Champflour ; dame Marie-Anne-Félicité de Fredefont, et sieur Jean-Jacques de Rochette, son mari ; demoiselle Gabrielle Durant de Pérignat, et dame Marie Durand, religieuse ; tous habitans de la ville de Clermont-Ferrand, intimé ; contre Dame Anne-Emilie de Félix, veuve de Claude-François-Léon de Simiane, propriétaire à Collongues, arrondissement d'Aix, département des Bouches-du-Rhône, appelante ; en présente de dame Marguerite de Chardon, veuve du sieur Jacques-François de Montanier ; Claude-Antoine-Joseph de Chardon ; demoiselle Anne de Chardon, dame Perette de Chardon, veuve du sieur Vallette de Rochevert ; tous propriétaires, habitans de la ville de Riom, intimés ; et en présence de Jacques-Marie Lavigne, et Jean Pirel, habitans de la ville d'Ambert, aussi intimés. Questions . 1°. Les religieux qui, par effet rétroactif de la loi du 5 brumaire an 2, ont obtenu un droit successif de la nation représentant un émigré, ont-ils été soumis à rendre cette succession après le rapport de cet effet rétroactif, lorsque les héritiers rétablis se sont trouvés représentés par la république, comme émigrés ? 2°. La nation, dans ce cas particulier, n'est-elle pas censée avoir renoncé à toute recherche, et n'avoir point voulu user du bénéfice des lois des 9 fructidor an 3, et 3 vendémiaire an 4 ? 3°. Le sénatus-consulte du 6 floréal an 10 n'a-t-il rendu aux émigrés amnistiés, ou à leurs héritiers, que les biens qui se trouvaient dans les mains de la nation par la voie du séquestre au moment de l'amnistie ?
Table Godemel : Succession : 1. les religieux qui, par effet rétroactif de la loi du cinq brumaire an 2, se mirent en possession des successions de leurs parents que des héritiers plus éloignés avaient appréhendées, ont-ils été soumis à la restitution après le rapport de cet effet rétroactif, quoique les héritiers rétablis se soient trouvés représentés par la nation, comme émigrés ? la nation, dans ce cas particulier, n’est-elle pas censée avoir renoncé à toute recherche et n’avoir point voulu user du bénéfice des lois des 9 fructidor an 3 et 3 vendémiaire an 4, pour se rédimer des pensions qu’elle s’était obligée de payer aux religieux ? Amnistie : le sénatus-consulte du 6 floréal an dix a-t-il rendu aux émigrés amnistiés, ou à leurs héritiers, non seulement les biens qui se trouvaient dans les mains de la nation, par voie de séquestre, au moment de l’amnistie, mais encore tous les biens et droits qui leur appartenaient ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1787-1811
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
23 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2016
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2015
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53386/BCU_Factums_G2016.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Ambert (63003)
Aix-en-Provence (13001)
Asti (Italie)
Avignon (84007)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
amnistie
comtat vénaissin
Créances
émigrés
estoc
hôpitaux
legs
mort civile
rétroactivité de la loi
rétroactivité des successions
séquestre
Successions
vie monastique
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53390/BCU_Factums_G2020.pdf
ca2c0b4f051a93391ff8bfb2a3b1ea7a
PDF Text
Text
y- oflM-
M
É
M
O
I
R
;
E
, P OU R
S.T J oseph BU RELLE, Notaire im périal habitant de
la ville de Varennes-sur-Allier, appelant:
C O N
T
•
B. K
)
Les sieurs G u illa u m e D E L A I R E , J - B . D E L A G E N E S T E F r a n c - B l a i s e - B A R D ON N E T D E L A T O U L E intimés.
- i-
u
•
L e propriétaire d’une m aison ayant d es vues et égouts sur
le terrain d ’u n voisin , a-t-il le droit de réclam er une portion
de ce terrain , à titre de tour d ’échelle , en c o u tu m e de Bour- •
b o n n a i s , e t s a n s titre ?
’
L e voisin q u i n’a jam ais cessé de jo u ir de son terrain exclu
sivement , peut-il être contraint d ’en abandonner u ne partie ,
et de bâtir à une distance q u i ne nuise pas aux vues déjà établies ?
C ’est a cela que se réduit toute la difficulté actuelle.
Elle était d’abord bien plus considérable : car les
�sieurs Délaire et. Bardonnet réclamaient coiti'mexpro
prié té le terram qu’ils rie dem andent'au jourd’huij que
comme servitbde de convenance.
•' . '
. 1
.| ”
Ils comprenaifent^qu’il le u r‘-fallait des titres, et ils
disaient en avoir j-mais-pour les appliquer il fallait dé!iiatucç.r la localité^ et ils la dénaturaient.
*
.
Il n ’a pas tenu à eux que la Cour ne crût sur leur
attestation qu’il régnait le long de léur maison une aiSâfice en dépendant, bien distincte, sur laquelle don
naient des fenêlres ouvrant et fermant ; une ancienne
porte à deux batlans , ouvrant en dehors, avec ses
gonds, el encore un évier égoutant. Le tribunal de L apalisse a cru tout cela , et a condamné le sieur Burelle.
La Cour a voulu éclaircir la vérité, et a ordonné une
expertise.
Alors tout ce qu’avaient attesté les sieurs Delaire et
Eardonnet n ’aplus’été qu’un rêve. L ’aisance s,’est trouvée
du côté opposé à celui où ils la plaçaient. Les experts
n ’ont vu ni cet évier égoutant, ni cette porte à 'd eu x
batlans, qui (suivant eux) était encore en place.
Ils n’ont vu, au lieu de celte porte, qu’un trou irré
gulier, rebâti comme une usurpation empêcliéè, et maspar des planches; un évier également condamné en
maçonnerie ; une seule fenêtre au rez-de-chausçée agran
die après c o u p , et barrée; deux autres'fenêtres sous
le toit : le tout sans conlrevents au dehors, et un sou
pirail.
L ’expertise condamne donc tout ce qu’avaient mis
en fait les sieurs Delaire et Bardonnet, et l’applica-
�( 3 )
^ a‘
tion qu’ils faisaient de leurs litres. Mais les experts ter■înifteint par .éuiettre leur opinion sur la question de
droit- qui.¡détail résulter de leur vérification , et ils
:0,pinen>t jp.çiy.-que les sieurs Delaire et Bardonnet obl^en.nei)ittde,;.îarC q u r'/a.concession d un tour d échelle,
Voilà en somme le résultat de la c a u s e d o n t les faits
vont être rappelés à la Cour ; ils dispenseront le sieur
jBur^lle' flejteyenir;(Sur les rappTOcligmens^de titres et
les taisonrièm^jis ;qu’il .avaitvprépeiit^s d ’abor^ ¿pour
prouyer que lui seul; était, sincère ^frvl^ localité ; il ne
lui restera qu’à prouver que tout le 4enain jusqu’au
m ur du.sieur D elaire, e^t sa proppété^ el qu£ sans un
titre çoütr^içe^ion ne p eu t(pasplu&.Uù^n.disputer tr9js
,piçds\que- la tonalité ; i parce.rgMe, ¡dansj aucun pays,,
jûn ¿ne peut pas ôter du terrain, à un, voisin, lorsqu’on
n ’a à lui opposer ni titre, ni possession.
.
J;
XJOr’ini: !'■' ¡i iu»‘Vf Ji:;.
•; ¡'-¡'J-i Jlinolyfî’tf
v -'\
‘ ;oi lil i; p
^ A;IrTi**v.l <A ,ohuI£Mc • :i!C) :;h
vi .- • i*>ml ‘.)h 1. 1..ÎIJ0!. ol Jil'ugv il
./i »;
.¡Xe siçqr Burelle-est adjudipata^re d’uni enclos très.-précieux, j^itué.ffU fa,ubpur&.de;)la v j l j e ^ e ^ e n n e * ,
:vohu, dogusœurs de^ la, tÇha^ité, e t , ayopt. ellçs.jtjde, la
cure dpiYm^nnes.,
) oh. oiMoqu«''* «
7.A Cetenclps;est çonfi.néyc]ebise, parla grande,route,;
jèk d’ocçitlent j p a r les-,’bâtimcns, e i.ja rrftn\ d u s.sieur
.'j]1, |rj-j ,<,1■ |
. *u<l ni r.nr>h1 onp Juiül
<>.\-.Gts \l>AV‘niiops[,eU)iPr^‘Pp'4W' fieur ^çlajiO ^^pçrti^njj
■)adi*> I q ; d u j l ^ i ^ d u , Çhey,^ktonc-jPWijÇ.nfteyt
td ’MwGiUwm&MtwA» a »
2
�«<"
( 4 )
le i.er juin 1689. L ’acte confient un détail de chambres,
g ren ier, cave, écurie et aisances pour aller a ladile
écurie ; cour et jardin par derrière, le -tout1 ayant
deux coupées, et se confinant p a r {La terré 'clwcuré'de
Varennes, d’orient et’ midi ; par la maison,) cour et
•jardin de la veuve M oinard, de nuit^ et pâr le grand
•chemin, de bise. 1
'
*'
" ,: ^
;
Gilbert DuctiSné achsia cette màisôn de M'onerat!,
lé 28 mai *7o& !Ori 'ÿ vtiit le même iflettiil des objets
Vendus,‘et foujoüté pour'confîn immédiat l a t e r r e d u
c u ré
d e
J r a r è r ih è s \
i.,. ,
r» îjj. ü. s '
i
Lé 6 dé'cenibrd 176 2 y Philippe DelleVéuîdel sai fèm’tnô
Vèridirent les marnes bSftimëns et: jüffdin ;iwü sieur Bai*-clonnet-la-T
coûfi-riés
par leKja rd iri des
• •büle, elicbre
f
t
'Dames de la charité fie môme que celui -du „'curé de
Varennes). ,1;' ' •*“-J<- ■
^ 1
! i; 1, u
Le sieur Bardonnet-la-Tonle
avait réuni à la maison
* »
f
f •*
du Cheval-Blanc, le bStimènt Üloinard, qui la joignait
à l’occident. 11 vendit le tout au sieur Lagenesle, le
¿4 novembre
■et;W ÿ a n t [tour voisin que t des
tfeîfct'dirtés ,11 nfc^ ¿fut p as^d ^M r ÿàsSeftorrîto'xi cbn,fiiïs, dci/ÿCTJ
litres.1 K^VêncÎit' ¿tonC * tniormaison
■« composée de chambres , cabinet*, gft?hîér',!>cave*',
^*c'<ÿür°,n^ ^ n^ ) ::^ s 'tour^tlVtehëllé,' Autres issues, les
’ ‘jb u & d u côlè^dü
''des Ücdters 'grises ■} tant- dans: le
« haut que dans le b a s , dont partie ont été
^ 1Y b ' i ï t e h t
J
paï'îe '¿telii^Vbrtc!èYi r - f m
H k è 'h n ic h r s
,
‘ éV1
dern* ltë/iW à ti ¿t e\ 111!A étéii t Ôë >üi itse otivt'{r
k&'Vulüiifé1; pÎdi*?‘Jm i jilrÜiii ¿ f ^mürcetou 'dfcj U3fr e ,
�¿ 41 .
'( 5 )
«' av'éç un puits, circonstances et dépendances, en un
« seul ténement , d’entour trois coupées, y compris
’« lè sol des; Jïütimens e tc o u rs, joignant le grand clie«hmin de Paris à L y o n , l’enclos des Sœurs de la cha~
« ritéy‘èlc.» II
■■.'!') j;’ i:
? L ’année suivante* le s.x Lagenesle vendit les mômes
objets au sieur D,elaire, en. suivant m ot pour mot 1^
détail et,les cqhfins ci-dessus., r in. i . ; feff> ; ¡.
: .Le siéür Burelle avait acheté, l ’endos des Soeurs de
la charité* pour s’y faire une habitation. Il ne pou
vait la placer que du côté du grand ch em in , et sur
Faljgnefment des autres maisons. Il bâtit donc d ’abord
à Tanglele plüs éloigné de la maison Delaire; l ’espace
interm édiaire lui servait de cour, en ¡-attendant qu’il
p ût compléter ses constructions, par .une écurie et
remise«
,
. . .
lia place' naturelle de cette remise élait vis:à-vîs sa
îiiaison , c’est-à-dire', le4long de celle du-sieur Delaire ;
et c’est ici le lieu de dire quel est l’état de la maison
Delaire à cet aspect. '
—La façade de cette maison est'sur fa .grande,roule,
¿elle avait, jadis, des fenêtres et portes à - l’occident^
marsquaud le s /B a rd o n n e t eut acheté deux maisons^
'il les réunit par des constructions. E nfin, du côté de
l’enclps des Sœurs grises, il'y a deux fenêtres,sous le
vtoit, imev fenêtre plus basse , carrée^ et un soupirail
de cave. Le sieur Delaire y a ajouté un petit trou ;
pour f l a i r e r un escalier, et ril Parfait fort' irrégulier y
peutrêtro pour que cette innovation , ne fût pas* ap-
�( 6 }
perçue dans le tem s.'E n fin , le toit a une saillie de
vingt pouces.
1 ;
'
Rien de to u t'c e la n ’aurait p u ‘'empêcher le sieur
Burelle d’adosser sa nouvelle construction au m ur du
sieur D elaire, à la charge, tout au plus, de payer
la moitié de ce m ur, pour le rendre mitoyen, s'il ne
l’était pas. Mais afin d’éviter les discussions et les pertes
de tem s, le sieur Burelle préféra* faire q u atre!murs
neufs1, et laisser 1entre lui et lè sieur Delaire', une
petite ruelle, qui d’ailleurs recevrait les eaux de son
toit ; c’est ainsi qu’il a bâti.
y
L e sieur D e la ire , s’im aginant que le Code civil pré-vaudrait’sur la coutume du Bourbonnais, fit signifier
au sieur Burelle une dénonciation de nouvel œuvre-,
disant que lui et ses auteurs avaient toujours joui des.
vues et égouts, que le Code maintenait les servitudes
conltirîues et apparentés ; et q u e,'su iv an t^ ’article* 678,
le!‘sieur Burelle; rne pouvait bâtir qu’à six pieds de
distance’de son mur. 1 1 ;
‘
;
' > ■'*
A la suite de cette dénonciation, le sieur Delaire
assigna le sieur Burelle, pour démolir, dans'deux jours,
le mtir quril faisait bâtir à dix-huit pouces de la maison
dudit Delaire, ainsi quo le mur, aspect de midi , faisant
liaison avec ladite maison Deluire, et pour être tenu
de laisser six pieds de distance, entre ladite maison
et Ïaljpr6priété' dudit Bürell Ofl>nàri)lcdtripriSlvle <toUr
'd'échelle. .
'■ “
'l ""i
•> ' . -. i n
Ôii plaida au tribunül de lii ^Piilisic1sur -c^tie’1pré
tention du sieur D elairë, qui riiit'-en cause l e ‘sieur
�Ú4A( 7 ')
Ijagenesie, lequel a appelé en garantie le s.r Bardonnet- '
Laloule ; ces trois adversaires firent valoir les ventes
de 1782 e t 1 7 8 4 ( émanées d’eux, et qui sont leur
o uvrage), pour en conclure qu’ils ont ces vues et
égouts par une possession immémoriale qui leur:yaut
titre.
•! • / "
'
,•
-'..1
L e sieur Burelle découvrit les ventes d e ,,1689 et
de 1700, qui condamnaient celle de 1782. Mais les sieurs
Bardonnqt*et Delaire ne perdirent pas courage;l’écurie
et aisances comprises’dans lesdites ventes, leur four
nirent «un moyen de plus, dont ils se saisirent, en
disant que l’écurie était au bout de la maison, et les
aisances en dehors. Ils en indiquaient les vestiges ,
comme très-visibles, à des juges quí ne les voyaient
pas, en ajoutant q u ’il n ’y avait pas de façadô du côté de
la grande ro u te; qu’elle était toute entière du côté
des Sœurs grises, et qu ¿L n y avait aucun autre moyen
pour parvenir-à Cécurie , qu’en longeant la façade de
ladite maison..;E n fin , marchant de preuves en preuves,
ils ne .se contentèrent plus d’avoir des fenêtres : ils
trouvèrent des portes à deux battàns.
En vain le sieur Burelle se récriait contre ce boule
versement absolu de la localité; en vain p r o u v a i t -il
que l’écurie et ses aisances ne pouvaient être qu entre
la maison M onerat, et celle du C h e v a l - B l a n c , puisque
les ventes postérieures à la réunion de ces deux maisons
ne mentionnaient plus ces aisances, et qu en les pla
çant à Forient, elles n’auraient eu ni entrée, ni issue,
puisque le mur de l’enclos joignait la maison Delaire,
�( 8 ) ........................
à angle droü ; en vain prouvait-il .par un devis notarié',
de 1793, que le sieur Delaire avait bâti sur rem pla
cement de cette ancienne écurie, ce qui comprenait
un local tout autre que celui qu’il indiquait aujour
d’hui contrà sa propre conviction. Tout cela ^n’a pas
persuadé aux premiers juges qu’il fallait au moins vé
rifier laquelle des deux parties rendait un compte inexact
de la localité.
'
Un jugem ent, du 17 octobre 1808, statua sur un
incident élevé au sujet d’un projet d’arrangement * ce
jugement donne acte au sieur Burelle de ce' qu’il a
sùr ce point déféré le serment à ses adversaires, et
de ce qu’ils ont refusé de le prêter. Il o rd o n n e , au
fonds, qu’on produira au greffe un acte, sans dale j
énoncé dans la vente dé 1689.
• 1 ■-'./rr ■ ,>i'nq
Le jugement définitif, du 22 décembre 1808 , règle
d’abord la suite du même incident', et y, statue en
faveur du sieur Burelle j il .est inutile de transcrire lea
motifs qui s’y rapportent* i il sufftt'de mettre-sous les
yeux de la Cour ceux qui concernent le fonds. •—
« Considérant que les parties n ’ayant pas satisfait
« au jugement préparatoire, du 17 octobre d ern ier,
et il y a lieu de présumer que l’aisance pour «lier à
« l’écuiie mentionnée dans l’acte de vente du i.cr'juia» 1689-, dans celui du 20 mai 1700, et dans'celui
« reçu Cliartier, notaire ¿1 Charroux, le 19 novembre
« 1752, signifié par acte de D e c a m p , du 14 juin
« 1764, n’a pas été changée postérieurement par lo
<* père de famille, même quand il a pu donner aux;
« Sœurs
�( 9 )
6
« sœurs de la Charité deVarennes, le surplus du terrain
« qui fait aujourd’hui le sujet de la contestation dont
ec il s’agit, puisqu’il n’avait pour lors (Vautres moyens
« pour parvenir à son écurie, d autres jours ou vues
« pour sa maison ou auberge ,*
« Considérant que , de son aveu , le sieur Burelle
« est tenu de souffrir les droits de jouissances qui
« pouvaient se trouver légalement établis lorsqu’il est
« devenu propriétaire du terrain litigieux ;
« Considérant que l’acte de vente de la maison de
« la partie de Derennes, rapporté par la partie de
« Bellin, porte que cette maison a été vendue en
a 1 6 8 9 ,'avec ses aisances pour aller à écurie, le tout
« conformément ¿1 un décret de M. le juge de Va«, rennes j et rappelé dans ledit acle de 1 6 8 9 ; et que
« ces aisances ne pouvaient être moindres de dix-neuf
« décimètres, ou six pieds de largeur, ladite maison
« formant alors une*“auberge;
que
"*
~t cet1j acte qui a cent-j
« dix-neuf ans de d a t e , tdoit
faire preuve de son
énon■■ ■
,t
* d a tio n , quoique le décret y rappelé.et non d a té ,
«su iv an t lequel la, maison et ses ¡aisances étaient
« .vendues, ne soit pas rapporté; que par conséquent,
« les vues droites, égouts saillans et tours d ’échelle de
« cette maison, vendus avec icelle par les actes des
k a 5 octobre 1784, et 24 novembre 1783, seraient
« même moins une servitude qu'un droit de propriété,*
« que la partie de Dorennes et ses auteurs ont cons« tamment conservé, par une possession immémoriale
3
�C i° )
« non déniée , desdits égouts , vues droites , tours
« d ’écheüe et porte à deux bal tans ,•
« Condamne le sieur Burelle à démolir le mur qu'il
« a fait construire en midi de la maison du sieur D e*• la ire, à l’indue distance de cinq décimètres, ou dix« huit pouces environ, et ce, dans le mois de la si
te gniiicalion , à personne 011 domicile , du présent
« jugem ent; passé lequel délui, autorisé ladite partie
« de Derennes à le foire démolir aux fiáis dudif Bu—
1 ,,
.
k relie, qui sera contraint au remboursement, sur les
« quittances authentiques des ouvriers qui y auront
« travaillé ; fuit défenses à Bnrellè de faire à l’avenir
« aucunes constructions sur ledit terrain , qu’à la disa
it tance de dix-rteuf décim ètres, ou six pieds, confor
te mérnent à l’article 678 du Code N apoléon, de la
« maison de ladite partie de Derennes : condamne
*r
f
' !■ '
*■
« Burelle aux dépens à cet égard, tant des demandes
« principales, qu’en garantie, etc! » ;
* ’ ■■ >1
Le sieur Delaire n’en avait pas demandé autant-;
‘éar il ne voulait pas être propriétaire du -local''en conlostáiión : cepéhdiint il'poursuivait l’exécution de ce
J u g é ^ e n ', lorsque le sieur Burelle en a porté l’appel
Idèvaiil la Cour, où il a óté ‘obligó de lutter encore
■contre les exagérations de ses adversaires qui, toujours
p e u
s i n c è r e s sur la localité, 11e manquaient pas de se
prévaloir de ce qu'ils appelaient la conviction person
nelle des premiers juges.
Mais il est inutile de revenir sur leurs dires; la Cour
�se les rappellera par la lecture de son arrêt interlo
cutoire, du 21 mai 1810, dont on va préciser les dis
positions.
'
Par cet a r r ê t , la Cour a commis les sieurs Legay,
Gailhe et Savarin, experts, pour vérifier, 1.® quel est
l’emplacement de l’écurie et des aisances énoncées aux
actes de 1689 et 1700; s’ils pensent que ces aisances
s’appliquent au terrain où le sieur Burelle a fait un
m u r; 2.0 audit cas, quelle était l’issue desdites aisances
pour arriver'à ladite écurie , ‘ et au. même cas, si le
nouveau mur de Burelle est à une distance .suffisante
de la maison de Delaire ; 3.° quelle est la saillie du
to it; si la cliute des eaux est libre, ou si elles tombent
sur le mur de Burelle , et sont repoussées contre le
m ur de D e laire ; 4 ° les dimensions de soupirail, et
si en bâtissant , Burelle a édifié sur tout ou partie
dudit soupirait, ou sur ses fondemens; 5.° l’évier re
jetant Les eaux de La cuisine de Delaire sur'lt terrain
e n . question; 6.° l’ouverture pratiquée dans le m ur, et
que Delaire prétend avoir été une porte à deux mentaux
ouvrant extérieurement sur,les aisances ou terrain dont
il s'agit., et s’il est vrai qu’à' l’extérieur on voie encore
les gonds de cette porte; 7.0 si cette porte, ce .soupirail,
cet évier et les fenêtres de la façade de la maison de
-Delaire, quon dit avoir été anciennement du côté dudit
terrain, sont d ’ancienne construction^ si ces ouviages
et tous autres indices leur paraissent suffisons pour
.attester l’usage dudit,terrain à litre d'aisances de la
1maison D elaire,* faire toutes autres observations, etc.
4
�( 12 )
Les experts ont déposé leur rapport le 16 août
1810. Ils ont vérifié sur le 1." article q u e , d’après
les litres et la localité , l’écurie et les aisances pour y
parvenir étaient à l’aspect opposé du local en contes
tation ; que le sieur Delaire avait rebâti lu i-m ê m e
sur les fondemens de ladite écurie ; que les aisances
étaient entre les deux maisons, réunies avant 1762,
et ne pouvaient être du côté des Sœurs grises, où il
n ’y avait même jamais eu d’issue du côté du chemin.
Ils ont dit que le toit du sieur Delaire étant en
saillie horizontale de vingt pouces, portaient les eaux
sur le nouveau mur du sieur Burelle, au point de le
dégrader en peu d’années j et delà les eaux refluaient
par incidence contre le mur du sieur Delaire.
;
Ils ont constaté l’existence, i.° de deux croisées au
grenier et sous le toit, fermant par simple volet, dont
l’un est cloué; 2.0 d ’une ouverture pratiquée depuis
peu par le sieur Delaire pour éclairer un escalier ; 3.*
d ’une croisée à quatre pieds du sol, ouvrant et fermant
avec vitrage, barrée de trois barres, n’ayant pas sa
forme primitive, ayant été agrandie, mais depuis longtems; 3.° d’un évier qui ne sert plus, et qui est bâti
dans le mur.
Ils ont donné les dimensions d’un soupirail bali en
p ie rre , sans saillie, b a r r é , et avec araignée. On a
mis en dehors trois pierres, non pas incorporées dans
le mur (comme on le disait), mais posées sur cham p,
pour éviter le reflux des eaux. La nouvelle construction
y a fait amonceler du terrain : mais il est constaté que
�0 3 )
_
^
le.sieur Burelle n’a pas bâti sur ces pierres comme on
le soutenait aussi..
'
. Au lieu de la porte à deux battans et de ses gonds
existans encore, les experts n’ont vu qu’une ancienne
ouverture qu'on avait voulu pratiquer , mais qu'on
avait rebâtie ; elle a v a i t eu trois pieds de haut sur deux
pieds de large; elle était plus haute que le sol, de
deux pieds : ils i g n o r e n t si le projet avait été d’y faire
lin placard ou une fenêtre, et ils ont présum é, à son
irrégularité, que les religieuses ne laissèrent point
achever l’ouverture. En effet , une dame veuve Joigny
leur a déclaré quet ce projet avait occasionné de la
,discussion entre les‘religieuses et le s.r la T o u le ; mais
qu’ensuite ce jour avait été bouché : les experts pensent
quece furent les religieuses qui appliquèrent desplanches
en dehors pour leur sûreté, et parce que cet étoupement
avait été fait en maçonnerie grossière.
Les experts terminent leurs réponses aux questions
faites par la Cour, en disant que la. Ja c a d e et L'entrée
de la maison Delaire ont toujours été .du côté du grand
c h e m in , et qu'il n ij a jam ais eu de porte donnant
sur le terrain litigieux. Us remarquent seulement que
sur la façade du côté de Burelle, comme sur celle du
côté opposé, il y avait eu des assises de pierres figurées
au pinceau ; que les deux fenêtres du toit, et le sou
pirail , leur ont paru de première construction , et que
l’avancement du toit prouve que la maison avait été
isolée de tout autre à cet aspect; d’où ils concluent
-qa’eUe n’a aucun caractère de mitoyenneté.
�: .
( *4 )
Celfe dernière réflexion en fournit h l’instant une
aulre aux experts, lorsqu’ils semblaient avoir tout dit.
Ils croient q u ’une maison est présumée de droit avoir
un tour d’échelle, .par cela seul.qu'elle a des jours et
un égout du côté du voisin: la .plantation de la char•
V •■'.If '
i i . ' - !i
mille à une petite djstance du niur, leur paraît une
chose décisive., et ils recueillent avec soin la relation
des indicateurs, dont l’un désigne cette distance comme
suffisante pour le passage!d’un homme chargé d’un
faix de bois; l’autre, pour laisser passer lès rayôns du
soleil : un autre a vu cinq.à six pieux dé bois pourris,
sans dire à quelle ép oq ue , ni a quelle distance, ni à
quel usage; un putre a vu dans un vieux m ur une
■•
I*
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^
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vieille pocte qui ne. s ouvrait pas ; re n m i, un Lharles
Giraud, qui était encore, en ,1791-, fermier cle Tendes
des Sœurs de la Charité , a clit qu’ii cultivait ju squ 'au
mur de La maison Delà ire, niais .que des fenêtres oti
jetait dés ordures sufses semis.Tels sont les dires qui ont
achevé la conviction des.experts sur le tour d’échelle;
laquelle conviction ils. ne manquent pas d e ,(fbrtifier
par la réllexion d’usage , que le voisin n’aurait pas
souffert chez Un des servitudes, telles que des égouts
et des jours,, s’il n’y avait été obligé.
’’
Tel est le rapport des experts commis par la Cour:
et on peut dire avec confiance que si les sieurs D elaire et Nardonnet fussent convenus des points de fait
cl do localité qui y sont fixes , ce rapport^ eut été
paifaiiement inutile; car la question dii tour tl’éVhellc
appartenait iout entière aii point de droit, sur lequel
la Cour n’avait pas besoin d’éclaircisscmens.
|
■
�¿51.
(
)
Le sieur Burelle n’aura donc rien à. critiquer de ce
qui fipnt à l’expertise ellp-même ; au contraire, il se
prévaudra de ce que Îa localité était telle qu’il l’avait
1 > j i
' î;* "ii ■ ‘ , :*>•. 1)
: •
décrite avec .exactitude, et de ce que ses adversaires
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ont été constitués en mauvaise 10.1 sur tous les’points:
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lonte sa tâche consistera, donc à prouver qu’un tour
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d ’échelle ne se donne pas sans titre, et que les circonstances qui ont déterminé les experts ne p euvent
pas suppléer au titire que la loi exige im périeusem ent
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YENS.
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- A p 'IluYn |q r i; io7 f ' ’?. ol :
Les auteurs enseignent que le tour d’échelle s’entend
d ç ^ le u x vnanièros; l’une , de la faculté de poser des
échelles sur lé fpnçls voisin, quand on veut réparer
sa,maison ; l ’autre, du .terrain abandonné par le pro* Vt
t ii * . #!4Y * .;i t- | • ■ ,
' •
•
priétaire , pour avoir droit d ’y faire dtjs jours.
'
;;iLe.fprçn^er a^lieu^sans litre^ ^pdrce cju’il esf sim
plement préca'irefel n'ôte rien à Jajpropriété du voisin.
Presque tout lo pays contumier avait adopté à cet égard
la. djsposition de l’article 5 io de la coutume de Bour
bonnais. « Quand aucun fait édifice et répare son lié—
‘'•
• 1,1 . .
.
’■ !
«.ritage, son ,voisin lui est tenu d e'donner et prêter
« patience h ce faire, en réparant et amendant dili—
« gem m ent, par celui qui édifie, ce qu’il aura rompu,
« démoli et gâ(é à sondit voisin 3 et ne peut pour ce,
« le réédifieur, acquérir nul droit de possession contre,
« ni au préjudice de celui qui a souffert ludile répa« ration ou édifice ».
1
1
�'
'
C
l6 )
rr
t
,
Cet article était nécessaire en Bourbonnais où, d’après
l’arlicle 5 19, aucune servitude n ’a lieu sans titre.
Le second tour d’échelle, improprement appelé'de
ce n o m , tient à la propriété, et ne peut sé prouver
que comme la propriété elle-même.
' ‘
Celui-ci est parfaitement inutile en Bourbonnais j1
puisque la loi y donne ,1e. tour d’échelle à titre de fa
culté. Í1 n’y a donc aucune probabilité‘que le pro-*
priétaire d’une maison pouvant à son ^aise^fairë'une
façade sur la rue, et même une autre du côté de sa
cour, ail abandonné une portion dë son terrain sur cette
niêm e rue, pour s’isoler de son voisin, et avoir quel*
îj
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i '>np ifrm & i’v-n'' H-ioorri» ?.*ui
qucs fenelres de plus..
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l * ) L rMais, dit-on , voila des vues e t'u n égout qui font:
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1,
■' H¡>i ■' i ->T 11f-t ; - '
présumer cet abandon : car comment supposer que le
. . 1 A°
‘L
: «•
n ' . .I..;*! : r'¡i *«i;
voisin eût sou fier t une servitude aussi dangereuse, s il
r '-JiA0
• «•n^-hq1
n y - eut etc forcé
r n ' 7 • !,m¡} ',,:!7n
'• • ,• ;"”!f • 1li!
n^ii r; ■:-r.; i-r
Cette réflexion eàt toute d’Auvergne., et au'm oïns
elle y convient parfaitement; car lés'serviluclesÿsb°nt
prescriptibles par la coutum e, en.sorte qu’il faut ÿ.êtfe^
sur ses gardes pour veiller aux entreprises d’un ÿüîsin
q u i , en bâtissant, ferait des fenêtres bu des tôits ’en
saillie ; tout cela devant avoir vigueur de titre au bdut
de trente a n s , suivant le texte de la coutume.
Mais on n ’a pas besoin des mêmes précautions en
Bourbonnais; car tant qu on laisse son terrain en place
vide, sans y bâtir, on n ’a pas besoin de s’inquiéter‘de
ce que son voisin fera sur sa limite ; et si on n’en
éprouve aucune incommodité réelle, rien n’empêcliô
de
�( *7 )
de le (olérer,ipuisque'la loi donne le ’droit ekprès de
tout faire détruire.
.
1
•'
*
L ’article 519 de la coutume prohibe tout droit de
servitude , possession-èl'sàisinb, en place vide , paü'
quelque laps de tems que ce soit.
*
»
Lequel des usager vaut le m ieux? Ce n’est point’
ici le lieu de l’examiner : tout ce qu'on peut en dire,:'
c’est qu’on est moins gêné sur lés procédés de voisi-J
n a g e , lorsqu’on ne court pas le risque de perdre ses’
droits. Alors les vues, les égouts et autres commodités
que se donne Me propriétaire voisin, deviennent sans
conséquence, et restent comme tolérés, tarit qu’il n ’y
a pas de motifs essentiels pour y mettre empêchement.
Ce qui a embarrassé les experts n Jest pas Une' nou
veauté pour toul lfe pays c outüm ie r, où les servitudes
n ’avaient pas lieu sans titre.1 Il était inévitable que
c e tle ; législation' produirait- &rié‘ iridulgehce dont le
pbssesseür voùdràit1souvent se' prévaloir à,!là longUë:
niais la loir:èst veriüë riièttrë’une barrièré‘àréOri'u^u*-3
pation, et lui apprendre'que s'il a p ü ;faire des jôurs*
et dès égôuls dans dès‘cônfré'étf’d ë tolérance', a u c u n ; laps
dè teins ne peut convertir Sâ possession en une propriété.^
Toutes lés'fcûùtumés q u i'ô n t:;prévii la question, là'*
décident'de la même manière.
‘ ,l;
1
*■
O rléan s, 2^5. « V u e s , égouts et autres droits de
trse rv ilu d e , ne portent saisine à celui qui lés a ,’ s i l 1
« n a titre valable; 'et sans litre valable, rie les p e u t1
et prescrire par quelque tems que ce soit J». (L a coutume *
de d o is , en l’art. a 3o , a les mêmes dispositions).
5
�*
(
i8 )
. Sensy.io 5; « Çeluixjui;« égout sur.l’h éritag ed ’autrui
« est tenu de le retirer, lorsque le voisin veut bâtir
Melun -a;9 t . a Chacun peut lever son bâtiment ,
« tout d fp its- aplomb.et^'î ligne , si haut que bon lui.-.
« semble, et contraindre son voisin de retirer chevrons '
« et toutes autres;choses qu’il .trouvera sur ladite place,
« empêchant le bâtiment qu’on y peut faire, nonobstant'
« quelque Japs de tems que ce soit, fu t-il de cent ans
« et plus y?f
! ,'i . j j :
■
-, I5purbonnaisj,|5;i9. et Aucun y en place vide, n ’ac-« quiert droit d$ servitude, possession et saisine, par
«, quètque iqps dç t e q u e ce soit , et jaçait , que
« ]l,égout , qu /¿vie/i •d ’un,c nuiison; descende,en ladiles*
«„1p ^ e , x.pvi:iÇ|nie-)l’9n a jtf^ e j.isu r iqellé-, pu- que l’on
«• ait pa^sé .et: r ç p a ^ ^ .a j l é . e t ,venu: par aucun tems;
« .ppm;|au I j j v ’j ^ t acquis: en, ladite, place au champ, vide',
«pjaqctfA
,lf r m q u ^ f l^ lu p s ; de, le.iusj
rrë# «1*V» é'AW'VM'‘‘k'Jtf&jMt-rexdw contraire7 ouq
«-ftM^STfciîPfcef s^sdi.li'sÿnçûjieu £ p rfidiction.pt aprè?.:
«- joelie jpuisijapcede trpnjei.ansî^f • ■ ¡r ' : i: '
Ainsi.,.^oute^ qçs’ç p ij^ u ^ s .opt^prévir tout ce qui
deyaii,, rfaultpr, i\t}$nvne$,tXç,gouL\ w.’éyk ^ i cJiev/on$ eti;
aulrefs,chiJ,iep, ancieune|inei\i ;é4<iblies,.sunnn l£iniiu non
b â li, lorsque le possesseur voudrait s,’eu prévaloir; ou
plutôt ces cpijlunies, qui sont le résultat de l'expé
rience, ont condamna dest piéteuljpns q\ii, çn ¡le^ acru/çiJJayt i, ^niaient)à la ,l^|i^uü-détruit 'le .piiju’ipe de ,
r||jjj)|^pÿp|ibilité dos herviuide^ el empêché toute
espèce de; tolérance.
.
�< . Les' sieurs Dêlâiré' et^BaicIonnef argum entent‘du
Code civil , en distinguant lesrservitudes conlinnés et
apparentes qui peuvent prescrire par Irenfe ans. Mais
le Code civil,n’est îpas'.Ia loi.dés ;parties’ ; lil'Iè sera à
coniptèr cle. r 8 o3 .Æ t c’est depuis\cette époque 'seule
ment que les babitans du Bourbonnais auront à veiller
sur les ienêtres et égouts des maisons voisines : jusquelà ;>'larloi du ,t erritoire_ veillaitcpôur euxrpet.ilés ipré-.
servait.'de'.toute prescriptioiii\vj^'\
;i Cette loi ^icependantpne s-emble paslaussi claireiâux
sieurs/Bardonnet et. D elaire, qu’ellé^l’était pour A uroux-des-Pommiers, et}ils trouvent que?le>mot place,
vide n u aucun rapport a’u xl enclos ) jardins et terres
çullivées ; sur tout .quoi: ils pensent q a ’àn tpeuft établir
une servitude autrement .que;,par. litrb.;!rO' o u r r • j !
Supposons pour un instant, qu’Auroux ait eu tort
de ne pas être dej cette lo^inion , e t dem andons'aux
sieursiBàrdonnetjet' D elaire, com m ent et par quoi ils
ont grevéide; servitude l’enclos et'tetfrain cultivé! dés
Sœurs grises, quant aux six pieds qu’ils réclament, ou
à tout autre espace moindret? i
.< 1
Ils reconnaissent ne l’avoir jamais possédé, ettsup
posent que le1, sieur Burelle a p u , ¿'acquérir p a r la
prescription : d’après cela ils n'ont ni titre ni possession.
.Est-ce par la saillie du toit de vingt pouces ? mais
ce serait décider la question par 1« .question, et eux
seuls seraient do leur avis.
i
r
Auroux, en pensant q u e l’article 5 19 s étënd a toute
espèce de servitudes, en donne une bonne raison\ c’est
6 1
�« dit-il, qu'il faut en attribuer l’origine au précaire,
« à l’am itié, à la tolérance, et qu’il ne serait' pas juste
« d’établir une servitude sur ce fondement
Decullant, sur le mot égout, donne la note suivante :
Hoc sequitur quod licet per triginta annos, vel aliud
tempus longius et immémoriale , stillicidium ex tecto
domus v.iciaœ j n a r e a m m e a m ceciderit, non tamen
acquinitür secvitibs >etpossum cogéré vicinum ut aquam
pluviam diçertat, et recipiat in fu n d u m suum.
A insi/D ecullant neisuppose ipas que. lai place soit
vacante et non cultivée; il la désigne par l’expression
générale d u sol ou terrain appartenant au voisin, iru
aream meam ; et en-cela, il pense comm e A u ro u x ,
comme lesqrédâcteurs; deSj coutumes ci-dessus citées,
et comme tous les commentateurs de la coutume de
Paris.
'
Où en serait-*-on y en effet y lsi< aprèsr avoir souffert
on bon voisin ce qu’on n ’avaib pas un grand intérêt
d’em pêcher, ib fallait s’attendre h. la singulière apos
trophe des sieursi Delaire et Bardonnet? «.C’est à vous
« de reculer de six pieds., disent-ils au sieur Burelle;
« C a r , suivant la loi/, nul ne peut faire des fenêtres
et en son m ur, si ce n ’ost h six pieds de distance du
« voisin ».
Ils ne se sont pas aperçus que cette loi les condamne
eux-mêmes, puisque cesont eux qui ont fait des fenêtres,
et cependant leur héritage n?était pas à six pieds du
champ voisin. Ils ne ¿lovaient donc pas les ouvrir ; et
en Bourbonnais cette ouverture est réputée tolérance.
�(- *1 )
C’est une bien bizarre idée que celle de renvoyer à
six pieds de soi celui qui nous a laissé mettre à notre
aise ; si celui qui a des vues avait conservé le droit
de les garder, au moins ne faudrait-il pas le chasser
à la plus grande distance connue.
E n effet, la distance, à R eim s, n ’est que de deux
pieds et demi (art. 357 ). En Lorraine, de ce qu’em
porte le tour d’un contrevent (titre 4). E11 Anjou et
M aine, d’un demi-pied ( 4 ^ et 463 ).
Ces deux dernières coutumes donnent lieu à un raison
nement qui n ’est pas sans analogie à l’espèce. D ’abord
elles n’admettent pas les servitudes sans titre; mais en
suite , elles adm ettentjla possession, lorsqu’elle est ac
compagnée d ’un ouvrage extérieur; enfin , elles per
m ettent de faire vues sur soi, n ’y eût il q u ’un demipied d’y voir.
Le rapprochement de ces principes prouve combien
la loi est en garde sur les conséquences à tirer des ou
vrages extérieurs; comment donc faudrait-il présumer
qu’on a laissé plus de vingt pouces de distance, en
Bourbonnais, où la coutume parle d’imprescriptibilité
absolue, et sans modification?
Mais avant que les experts se crussent autorisés.«
présumer que le propriétaire de la maison Delaire avait
dû se retirer sur soi pour avoir des v u e s et égouts, il
fallait q u ’ils tirassent plutôt des présomptions, soit de
leur p lan , soit des titres,-soit des principes. Il est dom
mage q u ’ils aient aussi mal fini un excellent rapport :
on ne peut cependant s’cxnpecher de dire, que leur
�:&*■
'( 22 •)
‘(Jigi’ession sur le1fóùr d’écliélle, détruit par de fausses
idées les observations1lumineuses qu’ils avaient faites
sur lotit ce qui tenait aux titres et au local.
Desinit in ptscem muUer formosa superne.
,J
Mais si les dernières raisons du rapport ne sont pas
concluantes’, il est facile d ’y suppléer, sans s’en écarter
le moins du monde. En effet , le plan des experts
donné l’alignem ent^e la maison Delaire, de son jardin
et de son cham p’qui' viennerJt h la suite. Ces trois
objets sijht sur la mëmè ligne; èt la maison, au lieu
d’abandonner cette ligne en arrière de six pieds, se
prolonge'sans la quitter, et se courbé m êm e en dehors
stir son éixtrémité : donc s’il y a quelque chose à préc’èst 'que loin dë laisser du terrain, le proprié
taire de la maison n ’a pas même voulu abandonner
une courbe, afin de profiter de toute sa ligne.
Si du plan1nous venons aux titres même de la maison
dek’ adversaires, en 1689, 1700 et 1752, nous verrons
qu;é la terre du Cure }ou des Sœurs grises' est donnée
pour confin immédiat de la maison Delaire, par ceuxlà même qui vendaient et achetaient ladite maison.
Que si le sieur Bardonnet revenait à l’acte de 1782,
¿mari# de lui-m êm e, on lui répondrait que les tours
d'echetle, par lui vendus, n ’ayant rien de spécifié potin
l’aspect ni Féfendue , ne sont qu’une superfétation de
stVlôV comme les entrées et issues qu’il vendait aussi ;
en sirie qu'il n ’ajoutait rien de spécial a ce qui était
îiuséi'ïïrre cession de la loi. Mais loin d’indiquer uno
distance quelconque du côté do l’enclos des Sœurs grises,
�( 23 )
y
il.ii’arpas manqué lu i-m êm e de;le donner aussi pour^
confia, sans parler de ruelle ni d’intermédiaire; ce qui
n ’est, pas une médiocre;circonstance. ;
t
:,.T
,, Enfin, les experts ¡auraient.bien dû;, en dé^danjtjUiii
point,cje droit, s’occuper un peu des principes ,.el hésiter^
à prononcer que celui/qui prétend s’être retiré,sur son.,
terrain, pour bâtir, n ’a besoin, pour le faire juger ainsi,
que d’unç simple conjecture; ils auraientvu q u e q e tte >
r.^frai^doit être prouvée par é c rit,,011 par des bornes.,
Ils l’auraient vu dans Desgodets, qui est le guide le
plus usuel des experts, et dans Auroux, qui est le guide
le plus (sûr pour les lois de sa province. Desgodets, sur
Fart,.2io de là coutume dg(Paris, indique ^alignement
que doit, prendre J e second propriétaire qui b â tit, et.
il le.borne à. la. lim ite laissée par l’autre propriétaire,j
si celui-;ci a laissé, l’espace,du. tour,d’échelle hors de,
ses, ipurft,,.,# quülM ,ÇM, acte yalqbfe¡qpije. prouve..^ ;j
. (fcJQ uand1un :s’çsf.,^tiréIdp|.troi?i p^ds.^çlit.;^ r o u x j }
« sur.l’arlicle 5 i;q,. il faut,jplanhr, bonnes,^4-deJ/i^ e t f
« dresser proccs-verbat doubtç avec Le voisin,^o u laisser v
« un bout de mur ou de pignon , pour marquer que
«¡le J.erVain est encore.¡^..spi;, j.&qps,.quoi, il .fa^t pré«¿sumeç le coDlrairer De l/i ^ I f ^ e ^ e j p m?j,\i^e qu’en,.
« pignpn. pu ...mur,, à ,pi£|d;_
^? -*P^?
« detlielle:_i ;
j
vj .oq *)»:<• : , i ‘ • *■•* '-■»**
(.elle autorité si préci.e«?eun?e&t, jçpnune.pn
^
qii’u n plus ;grand \d^y,ÇilpPlH'nl,?fffÏ^Hi
9 u^ n
Bourbcinii^is il ii;jj1a.pa£.,fle ,servii^e çaf^, U\\^ Si,.on
en était , quiUq pour ,dixq. .ç o m a ^ le , _Uibunalj.de ,1a..
�(H )
Palisse, que c’est à litre de propriété qu’on donne un
tour d’échelle, plutôt qu’à titre de servitude, il ne
serait pas difficile d’éluder la loi à son loisir, et l’usur
pateur aurait lout à gagner, puisqu’au lieu d’une simple
servitude^qu’il aurait cru conquérir, on lui donnerait
nne propriété pour se mettre d’accord avec la loi.
Quel a été le motif des experts, lorsqu’ils ont voulu
constater qiril y avait eu une charmille parallèle à la
maison Delaire , Jet qu’on pouvait passer entre cette1
r
•
•
. i.
i
charmille et le m u r ? r>‘!
Ont-ils pris garde q u e , non-seulement à cause de
la végétation des arbres, mais encore par l’obligation
dé la lo i1,* ces charmilies ne pouvaient pas être adossée^
î
«
• »
contre le m u r ? 1!! fallait iabsolument‘ laisser ilne disP
I '
'
'*
tance telle, que1les vents'ne pussent pas ÿ'pousser lei1
branches. Mais , encore une fois , quand la distanceaurait été à vingt pieds, cet adminicule v a n ta il1 un
trii»e pour donner* le terrain interm édiaiiè?,:s i'ù h e
charmille était une limite, où s arrêterait-on’/ câr ceîIè-:)
ci ne longeait qu’une partie de la maison voisihe ?!
T ant que les experts n’ont raisonné que par hypotlîèàè, ils ne sdnt paS'fort à’ fcraindre, puisqurils pensent5
a ttirè re n t que la loi: Mais il ÿ a lieu de s’étonner,
qü^y di^tis Ieiîr 'résumé', ils 'aibnt .paru’regarder comme
constant, qu’une porte avait existé jadis dans le muu
dt^'Hâtin'iens du sieur Delaire. 1
'Qui lcMdiil^ a. dit un seul indicateur, dont ils ne
dikciif1 ni'le! rîtim , ni l’âge '-’tandis que d’autres indi
cateurs désignés, et1d ’iin âgé avancé, font là description
de
�&
( ¿5 J
de l’état ancien des lieux, et ne disent rien de pareil.,
Cet inconnu méritait-il donc assez de cônfiance pour
qu’un fait aussi 'invraisemblable fut regardé comme
Constant?1" >Kohe* -V
< • J' iu' ’ 1■' L'- ' ! P ■>
X Ce qui devait1prouver cette invraisemblance :aux
ex p erts,‘était l’épisodeV-rioté'par eux^mêmes1,'d e la
porte ou fen ê tre'q u e 1le sieur'Bardonnet avait vould
faire, et dont les religieuses empêchèrent l’ouverture:
s'il avait >eu lune-rüèile^laisséë^p&r ‘l ui , 2-hors de sa
xnais'on y ¡elles n ’auraient-pels, pu $>y ôpp'Oser, m'ênïe
quand celte ruelle: n ’aurait été que p o u rrie ’to u r1d’é
chelle ? ainsi que l’enseigne Cœpola, en son traité de
-Servitut. urb.'prœdi', cli. n , n.0, 6‘.
-t :
'u !’
’ Cette résistance des religieuses devait paraître un
moyen décisif aux experts : car en l’absence d fun titre ,
le sieur Bardonnet aurait dû avoir possession après
contradiction; et au contraire, la contradiction avait
eu pour résultat d’empêcher de posséder.
i ^
Cette réflexion si naturelle sè fortifiait par la décla
ration de l’indicateur, q u i, pendant sa ferm e, avait
cultivé le terrain jusqu’au mur ; fait d’autant plus in
contestable, qiie les sieurs Delaire et Bardonnet, loin
de le n ie r, ont regardé le terrain en litige comme
acquis au sieur Burelle par la prescription.
- Comment donc des expertsaussi judicieuxet instruits,
ont-ils négligé des conséquences aussi frappantes, nées
de leurs'propres remarques, pour s arrêter à ce qu’ils
ne voyaient ni par leurs yeux, ni par les yeux d ’a u tru i5
en-un mot, pour courir après un fantôme. N ’en soyons
7
w*
�tuo1
( *6 )
pas surpris ; Car que le plus sage adoplerun systèmq,
quelconque, il veut le fortifier; de tout ce quj’il croit':
propre à le faire valoir, et il ne se hâte pas ¡de noter,
ce qui le contrarie. Certes , la question était délicat®)
pour des experts rço^irms^djes usages dlAuVergne. Il y
avait un rebord de,bpis à ¡un.effenêtre','et, sans.doute,:
les experls.se sont souvenus aussitôt de la coutume
locale de Çlermont. Les principes auxquels on est fa-,
miliarisé|(dèst Soii epfaoçe reviennent jtoujoürs à lia
mémoire comme ilnejrègle dominante, et isurç. Dè-là
vient qu’ici les experts ont parfaitement raisonné dans
tout ce qui ne tenait pas spécialement aux usagés
d’Auvergne; mais une fois venus à cet arlicle, le na
turel lfa emporté; et rejetant toute réflexion contraire,
ils ont prononcé en point de droit comme ilstl’eussent
fait pour un procès d’Auvergne. Natura/n expellas
fa r c â , tamen usguè recurret.
•>
Peut-être leur opinion , assez brièvement énoncée
sur le.toiir d’échelle, est-elle donnée comme un moyen
terme entre la demande du sieur Delaire, qui, comme
on l’a d it , veut avoir six pieds de dislance, non compris
le tour d'échelle , et le jugement de la Palisse , qui
accorde six pieds. M ais un procès n’est pas jugé par
a m e n d e m e n t , quand lu loi ne compose pas.
Elle compose si peu, que meme en coutume d’Au
vergne, des vues et égouts n empochent pas le voisin
d ’arholoivla mitoyenneté du m ur pour y bâtir, et do
supprimer les joins. La. Cour Ta ainsi jugé dans la
cause des sieurs Chevalier et Chapaveyre, en l’au i 3 j
•
1
»
�<f6*:
0 ?7 )
et cependant il y avait ¡aussi une façade à vues droites
qui n’était point mise à la-hauteur.de coutume : la
Cour jugea seulement que le stillicide était acquis par
la ,prescription y et ordonna qu’il.serait conservé en bâ
tissant
., i • . contre,
.i ij. i ! le,omur
: > ;:: •mais
> .j les-j vues
i ■n, i.ont
i >été bouchées.
L e .sieur Chevalier cijai^deux arrêts, l’un du parlement
de Paris, per}Augeard; l’autre, de la Cour de cassation:
ces arrêtsjyo^donnaient.'aussi0la suppression des jours
pratiqués sur l’héritage voisin, malgré leur nécessité,
et .m algré. toui-es. prescriptions et; prr^ésom,plions.
C’est peut-être un inconvénient que d’ôter des fe».
»/ • r‘[ ' r T rt
ir
nôtres1à'cèlui) qui Heh a lusé long-tems : mais il a dû
s’y attendre; et l'inconvénient serait bien plus grand
de dépouiller le voisin d ’une porliou de sa propriété,
de le forcer m êm e à dém olir un bâtim ent. L e sieur
Burelle avait sacrifié une partie de son droit pour vivre
en bon 'voisin; il avait abandonné une partie de son
terrain ( 18 , 20 et 22 pouces, suivant le ra p p o rt), et
s’était retiré de près de deux pieds, sans y être obligé,
et lorsqu’il aurait pu faire supprimer l’égout et les jours
du sieur Delaire.
Celui-ci trouve que l’eau de son toit lui revient par
incidence, après être tombée sur le mur du s.1 Burelle;
mais le plus grand dommage en ce cas serai t bien pour
ce dernier; au reste, il y a un moyen peu dispendieux
d éviter ce dommage respectif, c’est de couper la
moitié de saillie du toit, 011 d ’y placer un chenal qui
conduira les égouts dans la rue.
.Si I9 ¿¡eur Burelle eût cru ne pas éviter un procès,
�(2 8 )
il aurait agi différemment, et il aurait usé de tout son
droit. Mais quand il a sacrifié quelque chose à la paix,
on ne peut pas en tirer avantage; et encore une fois-;
si les lois ne sont pas u n vain m ot , le sieur Burelle ne
peut pas être contraint d’abando nner son terrain à celui
qui n’a nul titre pour s’e n dire p r o p r ié ta ir e i l a pour
lui la localité, les titre s, l’expertise, la coutum e, e t
l’opinion uniforme de tous lés commentateurs.
*»
t
M .e D E L A P C H I E R , ancien avocat:
.
*
M.* G O U R B E Y R E père, avoué.
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A R I O M , de l ’im p rim e rie du P a la is , chez J.-C . S A L LE S .
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Burelle, Joseph. 1811?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Gourbeyre père
Subject
The topic of the resource
servitude
tour d'échelle
droit de voisinage
nuisances
coutume du Bourbonnais
experts
conflit de voisinage
usages locaux
coutume d'Auvergne
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Sieur Joseph Burelle, Notaire impérial, habitant de la ville de Varennes-sur-Allier, appelant ; Contre les sieurs Guillaume Delaire, J.-B de la Geneste, et Franç.-Blaise Bardonnet-de-la-Toule, intimé.
note manuscrite : « Voir arrêt au journal des audiences, 1811, p. 142. »
Table Godemel : Servitude : 4. le propriétaire d’une maison ayant des vues et des égouts sur le terrain d’un voisin, a-t-il le droit de réclamer une portion de ce terrain, à titre de tour d’échelle, en coutume de Bourbonnais, et sans titre ? le voisin, qui n’a jamais cessé de jouir de son terrain exclusivement, peut-il être contraint d’en abandonner une partie et de bâtir à une distance qui ne nuise pas aux vues déjà établies ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1811
1783-1810
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2020
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0415
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53390/BCU_Factums_G2020.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Varennes-sur-Allier (03298)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Conflit de voisinage
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
droit de voisinage
experts
nuisances
servitude
Tour d'échelle
usages locaux
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53393/BCU_Factums_G2023.pdf
ed0f9a02400b65de987abd3dd7158125
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Text
MÉMOIRE
E
N
R
É
P
O
N
S
E
,
POUR
Sieur J o s e p h D E LA R O C H E -L A M B E R T ,
habitant à Issoire, intimé et appelant;
c o n t r e
Dame F r a n ç o i s e - A g l a é - G a b r i e l l e D E
L A L U Z E R N E , et sieur P i e r r e D E L A
G R A N G E - G O U R D O N , son m a r i; dame
A n g é liq u e - A r m a n d e - C am ille
D E LA
L U Z E R N E , et sieur A n a t h o c l e - M a x i m i l i e n H U R A U L T D E V I B R A Y E , son
mari, habitans de la ville de P a r i s , héritiers
bénéficiaires de madame de M ontm orin, laquelle
étoit héritière bénéficiaire du sieur EmmanuelFrédéric de T a n e , son fr è r e , appelans ;
c o n t r e
Sieur H
D U V E R G I E R , habitant à P a ris;
S i m o n T E R O U L D E , habitant à Daudeville;
P i e r r e - L o u i s L A I S N E , ancien sellier à
Paris, habitant à Sens; A n t o i n e - L o u i s
e n r i
,
�( 2 }
D U C H A S T E L , apothicaire à Paris ; et J e A N
C H A R D O N , chapelier , habitant a P a r is ,
syndics et créanciers unis dudit sieur d e T a n e ,
aussi appelans ;
C O N T R E
Sieur
Am
D E TANE - SANTENAS ,
habitant a P a r i s , intimé;
édée
E T
S ie u r
L o u is
C O N T R E
N A T T H E Y , habita nt de N y o n en
Suisse
aussi intimé.
S a n s la révolution et les assignats, cette cause seroit
de la plus grande simplicité dans les questions qu’elle
fait naître. L ’acquéreur d’ une t e r r e , chargé d’en payer
le p r ix à un notaire choisi par une direction de créan
ciers , lui en paye près de m oitié; ensuite il revend la
terre, et laisse dans les mains du second acquéreur une
gomme égale à ce q u’ il doit : des lettres de ratification
sont prises. Ce second acquéreur, poursuivi par les opposans, produit des quittances de consignation, assigne
les créanciers en mainlevée de leurs oppositions, et fait
juger sa libération valable à leur égard.
Cependant ces créanciers attaquent le premier acqué
re u r, qui met en cause son garant : c e lu i-c i emploie
�C 3 )
pour libération le jugement qui a validé sa consignation.
Alors l’acquéreur observe aux créanciers qui le pour
suivent , que leurs oppositions à des lettres de ratification
ont lié leurs intérêts à ceux du second acquéreur qui les
a obtenues, et que s’ils ont laissé juger qu’ils étoient
payés, ils ne peuventipas demander à etre payés une
seconde fois.
quoi se réduit la question principale, et il
est évident que jusqu’ici elle ne présente en point de
droit aucune difficulté sérieuse : mais le payement a été
fait en assignats, et les créanciers veulent en rejeter la
perte sur autrui. Les héritiers bénéficiaires du vendeur
originaire, qui comprennent que si la perte des assignats
n’étoit pas p o u r les c r é a n c i e r s e lle s e r o it p o u r euxmêmes, font cause commune avec e u x, pour que tout
r e t o m b e sur le premier acquéreur.
Alors tout s’exagère et se complique. L ’émigration de
l’acquéreur s’ajoute au procès, comme un point capital
qui domine tout : d’autres circonstances étrangères vien
nent se prêter à mille'équivoques. Quand la matière est
élaborée, on se croit déjà assez fort pour injurier et
celui qu’on veut faire payer ce qu’il ne doit pas, et le
tribunal même où il a trouvé justice. E n fin , après avoir
présenté un faisceau de lois étrangères à la q u e s t i o n , et
d’arrôts assez bien choisis dans la m u l t i t u d e , niais plus
étrangers encore, on vient crier à l’injustice et à l’indé
licatesse, en disant f r o i d e m e n t : « Q u e m’importe si vous
« devez recouvrer 011 non 5ooooo francs que je vous
« demande pour une dette qui n’est pas la votre ! Que
A 2
V o ilà à
�; •c 4 )
« m’importe encore si vous êtes ruiné par ce payement,.
« et si votre famille est respectable. Je veux de l’argent,
« et je ne veux en demander qu’à vous que je suppose
« moins en mesure de me résister; d’ailleurs votre émi« gration se prête à tous mes sophismes : il y a tant de
a lois sur cette matière, qu’il est impossible de ne pas
« y voir que tout doit retomber sur vous. D ’ailleurs,
« quand je me suis donné la licence d’imprimer qu’une
« décision contraire à mon intérêt étoit un jugement de
« f a v e u r , j’ai calculé l’effet de cette injure sur l’esprit
« des magistrats auxquels j’en demande la réforme. Si
« je ne puis les forcer à croire qu’il faut sacrifier un
et émigré p a r p r é f é r e n c e , m o n a d r o i t e c e n s u r e sera t o u « jours d’un poids quelconque dans la balance ; elle
a achèvera probablement de me conquérir le suffrage de
« ceux dont l’opinion auroit été incertaine. »
Ainsi eût parlé Machiavel ; ainsi parlent les syndics,
des créanciers de T a n e , qui veulent, per J a s et nefas >
intéresser en se présentant comme des victimes.
Qu’ils tachent de prouver à la Cour que malgré leurs
oppositions à des lettres, malgré un jugement qui pro
nonce contre eu x la validité du payement que le sieur
Natthey a été chargé de leur faire, il leur reste encore une
action : voilà leur cause.
Mais que dans leur colère et dans leurs calculs ils fassent
semblant de supposer de l’adresse, des insinuations cl de
la faveur; que tournant tout du côté de l’émigration, ils
cherchent à insinuer que cette émigration deviendra aux
sieur et dame de la Roche-Lambert un moyen de s’em
parer des plus clairs deniers des créanciers do T a n e ,
�. ( 5 )
et que ce sera s'être,fait de ses propresjfautes un moyen
à?acquérir : voilà ce qui n’est ni la cause ni la vérité ,
mais une insigne et brutale calomnie.
Car personne ne sait mieux que les adversaires qu’il
n’y a qu’à perdre dans tous les cas pour les sieur et dame
la Roche-Lambert, puisqu’ils ont payé 178000 francs en
écus sur une terre qu’ils n’ont pas : et on ose encore leur
demander plus de 5ooooo francs pour la même terre; et
on les signale comme des débiteurs de mauvaise fo i, parce
qu’ils résistent à cette épouvantable injustice..
'
F A I T S .
Après la mort du sieur Emmanuël-Frédéric de Tane,
sa succession fut acceptée so u s b é n é f i c e d ’ i n v e n t a i r e par
Françoise -Gabriëlle de T a n e , épouse de M. de M ontmorin, ministre des affaires étrangères^.
Madame de Montmorin ne pouvoit vendre en cette
qualité les biens de la succession sans y appeler les
créanciers ; elle fit apposer des affiches pour vendre aux
enchères les terres de la Soucheyre, Chadieu, la ChauxMongros et le mobilier de la succession. Il y a eu pour
777400 francs de ventes avant 179.0.
L a terre de Chadieu fut vendue par madame de
M ontm orin aux sieur et dame de la R o c h e - L a m b e r t , par
acte du 17 juin 178 8 , moyennant 376000 francs, et les
frais et faux irais évalués à 5 deniers pa r livre, pioduisant
7812 liv. 10 S. Il fut dit que les 375000 fr. seroient
payés solidairement par les sieur et dame de la RocheLam bert entre ¿es mains de T ru ta t , notaire-séquestre ,
�( 6 }
ou au x créanciers q u i auront été délégués ’ savoir, un
quart au i 5 septembre, et le surplus dans le courant
des deux années, en trois payemens. Il est ajouté que
les acquéreurs prendront à leurs frais des lettres de rati
fication , et q u e , s’il se trouve des oppositions du chef
de madame de Montmorin,. elle les fera lever dans les
six semaines ; mais hors ce cas, elle ni les créanciers ne
seront tenus de garantir, et l’acquéreur n’aura son recours
que contre les créanciers qui auront touché le prix.’
A la suite dudit acte on lit une intervention des sieurs
de Tane de Santenas, Teroulde, commissaire à terrier;
C h a r d o n , c h a p e l i e r ; Louis Laisné, sellier, et Toutain,
t a i l l e u r d ’h a b i t s , to u s sy n d ic s d es c r é a n c i e r s d e T a n e ,
lesquels, après avoir pris lecture de la vente, la con
firment et ratifient a u x conditions y exprimées. Ils font
élection de .domicile chez M. Pernot-Duplessis, procu
reur au parlement.
L e jour même de la vente, M . de la Roclie-Lambert
paya la somme particulière de 7812 liv. 10 s., à Trutnt,
notaire; dans les années 1790 et 1791 il versa dans les
mains du môme notaire 170644 francs.
E n 1791 , les sieur et dame de lu Roclie-Lam bert,
voyageant en A l l e m a g n e , envoyèrent au sieur de SaintPoncy , leur beau-frère, deux procurations; celle du
sieur de la Roclie-Lambert porte pouvoir d’emprunter
les sommes nécessaires ¿1 ses affaires, gerer, liquid er,
vendre ; elle est passee devant Heidz, notaire à Coblentz,
le 16 octobre 1791.
La procuration de la dame de la Roche-Lambert porte
pouvoir (Remprunter 60000 fr . pour placer sur Chadieu,
�• ( 7 )
régler compte avec M . T r u ta t, notaire ; recevoir ,
donner quittance, faire tous emprunts q u 'il jugera bon
être, pour !’arrangement des affaires de son mari. Cette
seconde procuration est passée devant Lutner, notaire à
W o r m s , le 25 octobre 1791 (0*
En vertu de ces actes, le sieur de Saint-Poney se crut
autorisé à passer la vente ci-après :
L e 27 novembre 1791 , par acte reçu C a b al, notaire
à Paris, le sieur de Saint-Poney, comme porteur de prorcurations des sieur et dame de la R o ch e -L a m b e rt, et
s’obligeant de faire ratifier dans le mois ( parce qu’il
p’avoit pas de pouvoir de la dame de la Roche-Lambert ),
vendit la terre de Chadieu au sieur Sauzay, banquier à
Pa ris, moyennant ôooooo f r . , dont il reçut 120000 fr.
en assignats , et quant aux 375000 fr. , le sieur Sauzay
prom it les payer dans im an au x sieur et dame de la
B-oche-Lambert, ou, si bon lui semblait, aux créanciers
desdits sieur et dame de la R o c h e -L a m b e r t , et spé
cialement aux créanciers privilégiés sur ladite terre..
Il est dit ensuite que si au sceau des lettres de ratification
il survient des oppositions du chef des sieur et dame de
la Roche-Lambert, le sieur de Saint-Poney les oblige et
( 1 ) Ces deux procurations Répondent déj:\ aux imputations
injurieuses des créanciers de T a n e , qui ont dit que les sieur et
dame de la Roche-Lambert quittoient la Fiance en s occup ant
plutôt de se fnire des ressources que de pnyer leurs dettes»
Personne n’a ignoré que leur première pensée a été de s o c cu p er
de leurs créanciers, et (pie tel a été l’vinique objet de la
sion donnée & M. de Saint- Poney.
mis
�( 8 ) .
s’oblige personnellement de les faire lever sous quinzaine.
Enfin, pour l’exécution de ladite clause, le sieur de SaintPoney fait une élection de domicile à Paris.
L e 4 janvier 1792, il fut pris des lettres de ratification
sur la vente de 1788 ; elles furent scellées à la charge
des soixante-treize oppositions. Il est essentiel de remar
quer que plusieurs des créanciers de Tane sont opposans
individuellement; mais qu’il n’y a pas d’opposition de la
part des syndics.
L e 22 avril 1792, le sieur Sauzay prit des lettres de
l’atifïcation sur son acquisition de 1791 ; elles furent frap
pées de h u i t o p p o s i t i o n s , dont l’un e, du 22 décembre
1 7 9 1 , étoit à la r e q u ê t e d es s y n d ic s d es c r é a n c i e r s de
Tane.
Dans la même année 1792, le sieur de la Roche-Lambert fut porté sur la liste des émigrés.
La dame de la Roche-Lambert n’a jamais été portée
sur aucune liste.
Sous prétexte d’une loi du 30 octobre 1792, ordonnant
le séquestre des biens des absens du territoire, sans les
désigner encore comme émigrés', le sieur Sauzay fit
déclarer par le curé d’Autezat, à la municipalité du lieu,
qu’en vertu de sa vente il devoit aux sieur et dame de
la R o ch e-L am b ert 376000 francs. Mais aussitôt il fit
mention qu’il avoit pris des lettres de ratification, et que
les créanciers opposans aux lettres absorberont le p rix
et au del;\ : d’où il conclut qu’il a intérêt de conserver
les deniers ci-dessus, parce qu’ils sont sa sûreté, des que
la terre est hypothéquée. « E n sorte q u e , dit le sieur
« Sauzay, s'il f a i t f a ir e ladite déclaration, c'est moins
�'l'bS.
(9 )
ti cause des sommes dont il peut paroître débiteur, et
dont la république ne pourra jam ais profiter, puisqii elles doivent être absorbées par lesdits créanciers
hypothécaires opposans aux lettres de ratification,
que pour donner des preuves de son civism e, et enipécher qu'on ne lui fasse des reproches de négligence
ou intelligence. »
Par acte du 25 juillet 1793? le sieur Sauzay vendit au
sieur Feuillant un pré-verger sis aux Martres, les mou
lins et fours banaux des Martres, dépendans de la terre
de Chadieu , moyennant la somme de 61100 francs,
payable après l’obtention des lettres de ratification.
L e 7 nivôse an 2, par acte reçu Cabal, notaire à Paris,
le sieur Sauzay vendit le surplus de ladite terre de Chadieu
ou sieur W a llier, S u is se , p o u r lu i ou la p e r so n n e que
W allier se réserva de déclarer dans les six mois, moyen
nant 530000 fr. dont W allier paya comptant 40000 f r . ,
s’obligea de payer 136000 fr. à Sauzay, après le sceau des
lettres, et enfin à l’égard des 3Ô5ooo fr. restans, W allier
fut délégué à les payer, soit au x créanciers de T a n e,
précédent propriétaire, qui se sont trouvés o p p o s a n s
k
«
«
«
«
«
«
A U X L E T T R E S DE R A T I F I C A T I O N PRISES PA R S A U Z A Y ,
soit afin d’en f a ir e le dépôt et la consignation partout
où besoin sera , aussitôt après le sceau sans opposition
sur le sieur Sauzay des lettres de ratification à prendre
sur la présente vente.
XjesieurNatthey dit avoir été subrogé parle sieurWallier
à ladite vente, par acte sous s e in g privé du me me jour.
Il dit que le directeur de la régie du Puy-de-Dôrno
fit décerner, le 24 ventôse an 2, une contrainte contre
B
�Tbl».
v
( 10 )
le sieur S a u za y , pour payer 5ooooo francs par lui dûs
au sieur de la Roche-Lam bert en vertu du contrat de
' vente de 1791, sous prétexta que le vendeur étoit émigré.
Ensuite, e t à la date du 26 floréal an 2 , le sieur
Nattliey produit la pièce suivante :
*
« Je soussigné, receveu r de l’enregistrement et des domaines
« au bureau de Sain t-A m an t-T allen d e, reconnois avoir reçu à
cc titre de dépôt, du C. Eticnne-Jean-Louis Nalthey, de N y o n ,
« au canton de Berne en Suisse ( propriétaire de Chadieu ,
« suivant la déclaration de com m and en sa faveur par le
'« C. W a lli e r , du 7 nivôse dernier ) , la somme de trois cen t
« cin q u a n te-cin q m ille liv r e s, pour servir tant au nom des ,
et cit.
Nattliey et S a u za y, qu’en celui du C. Jean-Baptiste
« W a l l i e r , à la libération de C h ad ieu.
te D e quoi m ’a été demandée la présente déclaration , à l’effet
cc d ’arrêter toutes poursuites et la mainmise nationale sur ledit
cc Chadieu.
1
te Saint-Amant, le 26 floréal an 2. Signé Mauoue. »
Il paKoît qu’ un arrêté du département, en l’an 3 ,
annulla la vente faite au sieur Sauzay, et mit la terre
de Chadieu en séquestre : mais ce séquestre fut levé par
un autre urrêté du 4 vendémiaire an 4 , et la restitution
de fruits fut ordonnée au profit du sieur Nattliey.
Dans la môme année, un procès eut lieu nu tribunal
de la Seine, entre les sieur Nattliey et W allier, se disant
tous les deux acquéreurs do Sauzay, et se disputant
Chadieu par la voie civile et par la voie criminelle.
Ce procès prouve que le sieur W allier avoit voulu se
libérer envers les créanciers opposans de Sauzay, et que
le sieur Nattliey prenoit pour son compte cette libération :
/
\
�( nO'
il fit des offres à W a llie r, et même une consignation en
mandats. Mais les lois sur la réduction du papier-monnoie
n’étant pas encore rendues, le tribunal de la Seine sus
pendit le procès, et on en ignore l’issue.
Les créanciers de Tane produisent à ce sujet la pièce sui
vante, tirée des mêmes re gistre s du receveur de St.-Amant.
« D u 15 frimaire an 4 , reçu du C. J e a n -M a r ie W a l l i e r ,
et des deniers empruntés de J a q u e ro t, par acte d u ............. la
« somme de 355<ioo f r a n c s , à valoir sur le prix du domaine
« acquis par S a u z a y , des sieur et dame de la Roche-Lam bert,
é m ig r é s , suivant le contrat du 27 novem bre 1791 ; ladite
« somme de 355ooo fr. payée en une rescription de la trésorerie
ce
cc nationale sur le receveur du district de C lerm o n t, n°. 424 > en
« date du i 5 brumaire dernier ; dont quittance. S ig n é M augue. >*
I ,e s c r é a n c i e r s o n t r e t ir e d u m ê m e l'e g istre la p i è c e
suivante :
« D u 26 frimaire an 4» reçu de Jean -L ouis N a tth e y la somme
te de 3285i francs 25 centimes pour les intérêts restans du prix
principal du domaine de C h adieu, acquis de la Roche-Lamit b e rt, sa fem m e et Saint-Poney, émigrés, par le sieur Antoine
ce
« Sa u za y, lequel en a fait vente au C. W a lli e r , par acte reçu
« C a b a l, notaire à P a r is , le 7 nivôse an 2 , lequel W a llie r a
« passé déclaration au profit dudit N a t t h e y , par acte sous seing
« p riv é , du 7 nivôse an 2 , enregistré à Paris le 17 messidor
«
«
«
«
cc
cc
an 3 , par Pinault; ledit payem ent fait en conséquence de la
liquidation des intérêts faite par le sieur A lia s , directeur de
correspondance à la régie de l’enregistrement h Paria , le
12 frimaire présent mois; et ledit payement effectué en une
rescription de la tré s o re r ie n a tio n a l« s u r les domaines d érmgrés, n°. 4g 3 , et sous la date dudit jour 12 du présent mois.
cc Certifié conform e, le 8 v e n d é m ia ir e a n 11. Sig n é Màdgof.. >1
v
“B 2
�( 12 )
L e I e r . nivôse an 4 , Natthey donna un exploit aux
créanciers de T a u e , aux domiciles par eux élus en leur
opposition ; il leur fait sommation en ladite qualité de
créanciers opposans aux 'lettres de ratification prises
par Sauzay, de se trouver le i 5 pluviôse suivant chez
le receveur de Saint-Amant, pour y recevoir le p rix de
CJiadieu. Il est constaté par cet exploit (resté au pouvoir
de Natthey, qui en a donné copie), que Natthey y procède
comme obligé d’acquitter yjSooo fr a n c s en capital, et
3285 2. f r . en intérêts , tant pour se libérer lui-m êm e ,
que pour libérer le sieur S a u za y , ainsi que les sieur et
dame de la R o ch e-L a m bert , premiers acquéreurs j et
il fait la s o m m a t i o n au nom des uns et des autres.
Les créanciers ne se présentèrent pas ; et le sieur
Natthey fit dresser, le i 5 pluviôse an 4 , par le receveur
de Saint-Amant, la pièce suivante produite par lui.
« Je soussigné, receveur de l’enregistrement et des domaine«
« au bureau de Saint-Amant-Tallende, déclare, d’après le débat
« des comptes qui a eu lieu cejourd ’hui entre moi et le cit.
« Parades, des M artres, fondé de pouvoir du C. Etienne-Jeanct L o u is N a tth e y , propriétaire de Cbadieu , qu’il a été versé
«
«
«
cc
cc
«
dans ma caisse, tant par ledit Parades qu’en vertu de saisies
nationales par moi faites avant la levée du séquestre de Chad ie u , la somme de s ix cen t d i x - n e u f m ille s ix cent quatre
livres quinze sous en Vacquit d u d it d o m a in e, dont quittance
et décharge , sauf audit P a rad e s, qui en l’ait expresse réserve
pour ledit C. N atthey , de plus ample examen et apuratioa
« desdits c o m p te s , et de se pourvoir devant (|ui il appartiendra,
« pour la restitution des sommes q u i l prétend avoir payées en
« sus des sommes d u c s p a r le d it C. N a tth ey pour la libération
te d u d it dom aine de Chadieu.
« Saint-Amant-Tallende, le i 5 pluviôse an 4. S ig n é Mauque. »
�*er
( *3 )
_
En marge est écrit :
« Sur l'invitation du C. P a ra d e s, je déclare qu’ aucun des
« créanciers appelés par lui dans son exploit du i er. nivôse der« nier, n’a comparu cejourd’ hui en mon bureau.
« L e i 5 pluviôse an 4 * Signé Maugue. »
Jusqu’ici les créanciers de Tane n’ont formé aucune
demande. Etoit-ce pour attendre la radiation du sieur de
la Roche-Lambert? Ils veulent qu’on le croie ainsi. Mais
nous voici au sénatus-consulte, du 3 floréal an 10 , et
c’est le moment d’être attentif sur leur première dé
marche, pour apprendre d’eux lequel des acquéreurs ils
ont considéré comme leur débiteur.
Souvenons-nous qu’en décembre 17 9 1 , les syndics ont
formé opposition aux lettres de ratification prises -par
S a u z a y , s u r sa v e n t e d u .27 n o v e m b r e 1 7 5 1 .
Par exploit du 11 brumaire an n , 1es s y n d ic s
des
créanciers de Tane font assigner Sauzay au tribunal de
la Seine, pour leur payer 263980 francs qui leur restent
dûs sur la vente de 1788; en conséquence, ils concluent
contre ledit Sauzay, comme obligé à payer ladite somme
de 263980 francs , à ce que la vente à lu i consentie
le 27 novembre 1791 , soit exécutée, et qu’il soit con
damné audit payement. (Cette pièce est produite par le
sieur Natthey.)
lie 22 pluviôse an 1 1 , Sauzay dénonce cette demande
à Natthey.
Alors Natthey assigne lesdits syndics au tribunal de Clermont, pour voir dire qu’il est v a l a b l e m e n t libéré au moyen
des vprsemens par lui faits, et pour être condamnés à lui
donner mainlevée de leurs oppositions.
1
�C î4 )
L e 7 pluviôse an 1 2 , le tribunal de Clermont rend
le jugement suivant :
« L e tribunal déclare Je demandeur (Nattliey) bien et
« valablement libéré du p rix de la terre de Chadieu •
« en conséquence, fait mainlevée de l’opposition faite
« par les défendeurs (les syndics) au bureau des hypo« thèques de Clermont, le 2 décembre; ordonne qu’elle
« sera rayée des registres du conservateur, en vertu du
« présent jugement; condamne les créanciers aux dom« mages-intérôts de Natthey, à donner par déclaration. »
Eu vertu de ce jugement, le sieur Nattliey a fait rayer
toutes les oppositions prises par les créanciers de Tane
s u r C h a d ie u . L e s s y n d ic s n ’y o n t m is a u c u n o b s t a c l e ,
et ont laissé passer quatre autres années sans hostilités.
T out d’un coup, en 1808 , ils ont pris une inscription
de 495369 francs aux bureaux d’Issoire, Ambert et Cler
mont, sur tous les biens appartenans ou ayant appar
tenu au x sieur et dame de la R oche-L am bert, en vertu
de la vente de 1788.
Les sieur et dame de la Roche-Lambert, instruits de
cette attaque, ont pris de leur côté une inscription sur
le sieur Nattliey, pour supplément à la précédente, qu’ils
ont considérée comme frappant sur Chadieu.
Il eût été hors de propos, jusqu’à présent, de dire
que pour verser 170644 francs en 1791 , il avoit été
emprunté pour les sieur et dame de la Roche-Lambert,
savoir, 44000 francs à la dame de Bourneville, mère de
madame de la Roche-Lam bert, et 30000 francs au sieur
Gabriel de Tanc-Santenas, représenté par Ainédée.
�( i5 )
On a vu que le sieur de St.-Poney, vendant à Sauzay,
ne lui laissa pas seulement les 263000 francs dûs aux
créanciers de T a n e , m a is , encore.une somme suffisante
pour rembourser les prêteurs ci-dessus.
Et comme les syndics n’avoient inscrit que pour leur
intérêt, il falloit grever Chadieu.du surplus de la somme
laissée entre les mains de Sauzay; c’est pourquoi il a été
pris à la requête des sieur et dame de la Roche-Lambert,
inscription supplémentaire de 112000 fr. sur Chadieu.
Cette inscription supplémentaire a été le prétexte du
procès actuel.
'
L e sieur Natthey, par exploit du 17 août 1808, a fait
assigner les sieur et dame de la Roche-Lambert en main
levée de ladite inscription.
1
L e lendemain, Amédée deTane(très-d’accord, comme
on le voit déjà, avec Natthey) a fait un commandement aux
sieur et dame de la Roche-Lambert de payer les arré
rages de l’emprunt ci-dessus de 30000 francs.
L e 23 du même mois, il a été présenté requête au
tribunal de Clermont, sous le nom des sieur et dame de
la Roche-Lambert ; ils ont conclu à la mise en cause des
créanciers de T a n e , et à ce que le sieur Natthey, se disant
lib é ré , fût tenu de faire valoir envers eux ladite libé
ration , sinon de garantir les sieur et dame de ln RocheLambert. Us ont conclu, en conséquence, à la x-ésiliation
des ventes de 1791 et suivantes, et au désistement de
Chadieu. Enfin ils ont conclu contre les créanciers de
Tane à la mainlevée de leur inscription, et contre le sieur
Amédée de Tane à la mainlevée du commandement de
�(
)
payer par lui fait, attendu que Nattliey, chargé de payer
tout le m onde, a dit avoir fait juger sa libération valable.
Cette mise en cause a eu lieu, les demandes ont été
jointes, et la cause a été jugée sur le fond le u juillet
1809.
Par ce jugement, le tribunal de Clermont distingue
les intérêts des créanciers de Tane, d’avec ceux d’Amédée
de Tane. A l’égard des premiers, il déclare valablement
libérés tant le sieur Natthey que les sieur et dame de la
Roche-Lambert, par suite du jugement non attaqué, du
7 pluviôse an 12 ; en conséquence, il ordonne mainlevée
de leui’s inscriptions.
Quant a u s ie u r A m é d é e d e T a n e , il c o n s i d è r e la s o m m e
de 30000 fr. prêtée pour déposer chez le notaire Trutat,
comme obligation directe et indépendante de l’acquisition
non purgée par les lettres, et il déboute les sieur et dame
de la Roche-Lambert de leur opposition au commande
ment de payer (1).
Il y a appel de ce jugement, tant par les héritiers et
créanciers de Tane contre les sieur et dame de la RocheLambert, que par les sieur et dame de la Roche-Lambert
contre Natthey et contre le sieur Amédée de Tane. On a
déjà indiqué en commençant quelles sont les prétentions
des créanciers : elles se réduisent à dire qu’ ils ont deux
actions distinctes-, l’une contre les acquéreurs de Chadieu,
l’autre contre les sieur et dame de la R oche-L am bert;
(1) C e jugement est transcrit en son çp tier, avec les m otifs,
à la fin du mémoire des créanciers de T a n o , c e qui a rendu
inutile d’en parler ayee plus de détail.
d’où
�( ¿7\ ) ‘
d’où ils concluent que le jugement de l ’an i 2 , t q u i , en
déclarant les acquéreurs libérés,‘‘les autorise à faire râdier
leurs inscriptions, ne les empêche'pas de se faire payer
par les sieur-'et dame de la Roche-Lambert.■
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m o y e n s
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Pour suivre cet appel dans toutes ses faces, et pour être
clair, autant que'possibkr, dàris une discussion dénaturée
et obscurcie :p a r’de'fausses applications dé principes, il
est nécessaire de ’sepàrer les ïiibÿens dès. créanciers de
Tane d’avec ceux dès héritiers de Montmorin, quoiqu’ils
aient réuni leurs intérêts, sérieusement ou'nôn. On exa
minera, eh premier lie u ’ s’il est vrai que les'créanciers de
Tane aient, ainsi qu'ils" le p r é t e n d e n t , une double a c tio n
contre les acquéreurs de Chadieü' et contre les sieur et
damé de la Roche-Lambert, et si la libération du sieut
Natthey, jugée valable par jugement du 7 pluviôse an* 12,
a dû profiter -au'sieur de la Roche-Lam bert. :i ^
J : 20. Sur l’appel des héritiers de Montmorin il s’agira
"de savoir si7 ¿u cas ou le1versement du prix dé Chadieu
seroit jugé être lTeffet de'l'a1 confiscation nationale , et
n’avoir pas acquitté les créanciers de T an e, la perle de
ce versement doit être pour les héritiers de madame^ de
M o n tm o rin , comme condamnée à m o r t1, ou pour le
>
. ./
1
sieur de la Roche-Lambert, comme émigre«
3°« Quant à l’appel du sieur de la Roche-Lam bert
contre le sieur Amédée de Tane, il y aura lieu d’examiner
si le sieur Natthey, chargé défaire faceà'tout, a également
libéré le sieur de la Roche-Lambert de cetlèJdette.
C
�( 18 )
Enfin, l’appel contre le sieur Natthey donnera lieu à la
question de savoir si> dans le cas où le sieur de la RocheLambert seroit condamné à payer des sommes quelconques
au\ créanciers délégués ou opposans, le sieur Natthey lui
devra une garantie, et quelle doit en être l’étendue.
A p p e l
d e s
c r é a n c i e r s
d e
T a n e .
La prétendue émigration du sieur de la Roche-Lambert
est le premier texte de la proposition des créanciers de
T a n e ; ils l’appuyent sur un arrêté du conseil d’état, du
3 floréal an 11 , portant que tout créancier d'émigré
non liquidé, a le d r o i t d e r e t i r e r ses titres du d é p ô t na
tional pour poursuivre l’émigré : ils en concluent que
les émigrés sont rentrés avec la charge de leurs obliga
tions personnelles, quoiqu’ils aient perdu les biens soumis
à leurs dettes.
,
Rien de plus incontestable que ce point de droit; mais,
aussi rien de moins applicable à la cause.
L ’arrêté de l’an 11 seroit applicable, si Chadieu ayant
été vendu nationalement r le sieur de'la Roche-Lambert
vouLoit renvoyer le vendeur ou ses créanciers au grand
l iv r e , pour rechercher le prix versé par l’acquéreur du
gouvernement.
Mais qu’y a-t-il de cpmmun entre cette espèce et celle
où sont les parties? Il faudrait s’obstinerà ne pas réfléchir
pour ne pas y trouver une prodigieuse différence.
i°. La terre de Chndieu , qui est le gage de la dette ,
et à raison de laquelle le sieur de la Roche-Lambert a
été débiteur, comrrfc détenteur, n’a point été vendue ;
�t (I9 ) ^
la nation ne s’en est point emparée : un séquestre aussitôt
mis que le v é , n’a pas empêché les acquéreurs de rester
propriétaires incommutables depuis 1 7 9 1 , et ils le sont
encore.
Cette terre étoit vendue, livrée, sortie des mains du
sieur de la Roche-Lam bert, au 27 novembre 1791 , et
le sieur de la Roche-Lam bert n’a été mis sur la liste
des émigrés qu’en 1792. La vente ayant une date au
thentique avant le 9 février 1792, devoit avoir tout son
effet aux termes des lois : la nation n’ a pas pu vendre
Chadieu ; et en etfet elle ne l’a pas vendu,
20. Dans quelle loi croit-on trouver l’horrible injustice
de rendre les émigrés victimes des événemens , lors-qu’avant leur départ iis ont m is hors leurs m a in s l’im
meuble par eux acquis , et ont transporté 6ur un nouvel
acquéreur toute la dette dont l’immeuble étoit le gage;
lorsque les créanciers ont accepté ce transfert par une
opposition expresse sur la deuxième vente ; lorsque,
suivant toutes les idées reçues, l’acquéreur intermédiaire
étoit dégagé de toute dette ; lorsqu’enfin les choses
n’étoient plus entières depuis 1791 , et n’avoient rien
de commun avec Pémigration?
30. Il ne s’agit pas de créanciers d'émigré, qui, après
avoir eu la nation pour seul obligé, parce qu’elle s'étoit
emparée de leur gage, reviennent à leur propre débiteur;
ce sont des créanciers opposans qui c h a n g e a n t leur action,
laissent de côte l’acquéreur qui a pris des letties, et qm
possède, pour s’adresser h un a c q u é r e u r intermédiaire.
Les créanciers de T anc ont bien senti qu’il fallait
C 2
�/kV'
( 20 )
prouver, avant to u t, comment ils avoicnt une action
directe contre les sieur et dame de la Roche-Lambert ;
aussi ils débutent par dire rapidement qu’il y a envers
eux engagement personnel de la part des sieur et dame
de la Roche-Lambert.
Ces créanciers-là ne veulent pas manquer de sûretés;
ils se donnent pour débiteurs solidaires, i°. les héritiers
de Montmorin ou d e T a n e , comme obligés directement;
2°. le sieur Sauzay, à cause de ses lettres de ratification,
ou Chadieu , à cause de l’hypothèque ; 30. le sieur de
la Roche-Lambert, comme délégué envers eux par l’acte
de 1788.
P o u r a m e n e r à e u x l e s ie u r d e la R o c h e - X / a m b e r t ,
il y a une seule chose à chercher : c’est une délégation.
Car il n’y a pas de délégation parfaite sans novation,
c?esl-à-dire, sans l’extinction de la dette du premier obligé;
et de môme il n’y a pas de novation sans l’intention
formelle de l’opérer. Ce sont là des principes élémentaires.
O r , qu’on lise et relise le contrat de vente de 1788,
on n’y verra pas môme l’apparence d’une novation ; au
contraire y madame de Montmorin reste débitrice des
c r é a n c i e r s de son frère. Ils se gardent bien de lui donner
quittance des 375000 fr. que payeront les acquéreurs de
C h a d i e u ; ils conservent sans le moindre doute le droit
d e s’adresser à madame de M o n t m o r i n ; et cela est si
b i e n p rouvé, que n o u s voyons dans l’inscription du j i
janvier 1808, et en la Cour, les dames de la Luzerne,
héritières, de M o n t m o r i n , se réunir aux créanciers de
Tant* pour attaquer le sieur la Roche-Lambert, à cause
de l’intérêt qu’il a à, ne pas payer lui-mème.
�74 K
v,t
( 21 •)
Si les dames de la Liizerne n’étoient pas restées débi
trices envers les 'créanciers de Tane , elles ne seroient
pas là pour fa ire valoir la vente; elles n’auroient pas à
s’inquiéter s’ils seront payés des 376000 francs; car l’acte
de 1788 leur vaudroit quittance de cette somme, s’il y
avoit eu une réelle délégation qui rendît les sieur et
dame de la Roche-Lambert débiteurs personnels} comme
délégués envers les créanciers.
Mais, dit-on, les créanciers sont parties en l’acte
1788. Donc il y a délégation et obligation directe
personnelle des sieur et dame de la Roche-Lambert ;
Font même exécutée en partie par leurs payemens
170644 francs.
de
et
ils
de
II est v r a i q u e les sy n d ic s des c r é a n c ie r s d e T a n e sop.f
intèrvenus à la fin de l’acte de 1788 , p o u r r a t ifie r v
confirmer la vente. Mais pourquoi se dissimuler les moi s
de cette intervention, commandée par d’autres circons
tances»
Madame de Montmorin étoit héritière bénéficiaire ;
elle habitoit Paris.
La coutume de Paris ne permet à l’héritier bénéfi
ciaire de vendre les meubles même de la succession ,
sans les formalités judiciaires, auxquelles les créanciers
connus doivent être appelés. Cette coutume est muette
sur les immeubles; mais l’article 343 de celle d’Orléans,
plus nouvellement réformée, en est le supplément; et
suivant la jurisprudence constante A Paris, aucun héritier
bénéficiaire ne peut v e n d r e les immeubles sans appeler
les créanciers.
r
�C 22 )
A in s i, pour la solidité de l’acte de 1788, il falloit
leur concours. On eût bien pu faire valoir qu’ils a voient
coopéré aux affiches ; mais n’étoit-il pas plus sage de
leur faire approuver la vente, pour la sûreté de l’acqué
reur, pour éviter des enchères et d’autres contestations,
qui , bonnes ou mauvaises, ne sont que trop souvent
suggérées à des masses de créanciers ? Il étoit donc pru
dent ici d’avoir leur approbation ; mais qu’avoit-elle de
commun à une délégation, lorsque ces créanciers, en
faisant une simple ratification in form a communi d’un
acte qui ne contenoit qu’une indication de payement,
ne disoîent pas dans leur intervention qu’ils acceptaient
l ’e n g a g e m e n t des sieur e t d a m e la R o c h e - L a m b e r t , et
qu’ils éteignoient celui de madame de Montmorin ?
Ce n’étoit donc que pour lever une difficulté, et pour
la sûreté de la vente, que les créanciers intervenoient;
mais point du tout pour une délégation qu’il ne faut
pas sous-entendre, et qu’on ne peut placer là sans cho
quer la loi elle-même. Quœ dubitationis tollendœ causa
in contractibus inseruntur, ju s commune non lœdunt.
Quant aux paycmens postérieurs faits par les sieur et
dame de la Roche-Lambert aux créanciers, c’est encore
vouloir forcer le sens des choses les plus •simples, que
d’y trouver une preuve de délégation parfaite et d’eii.gngemcnt personnel.
o Pour qu’il y ait délégation'(dit M . Pothier, n°. 564),
# il faut que la volonté du créancier de décharger le
a premier débiteur, et de se contenter de, Vobligation
« de ce nouveau débiteur qui s’oblige envers lui à la
N
�«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
( *3 )
place du premier, soit bien marquée. C’est pourquoi
si Pierre, l’un des héritiers, pour se décharger d’une
rente envers moi, a, par un partage, chargé Jacques,
son cohéritier, de me la payer à sa décharge, il n’y aura
pas de délégation, et Pierre ne sera pas déchargé envers
m o i, si je n’ai par q u e l q r C acte déclaré form ellem ent
que je déchargeois Pierre : sans cela, quoique j’aie
reçu de Jacques seul les arrérages pendant un temps
considérable, on n'en pourra pas conclure que je Vaie
accepté pour mon seul débiteur à la place de P ierre,
et que j ’aie déchargé P ierre*. L. 40, §. 2, if. D e pact. »
Effaçons donc de cette cause que les sieur et dame
de la Roche-Lambert ont contracté une obligation per
so n n elle envers les c r é a n c ie r s d e T a n e , sous p r é t e x t e
d’une délégation qui n’existe pas, et substituons-y qu’ils
ont contracté comme acquéreurs e t d é t e n t e u r s ,
Tobligation de payer 376000 fr* pour le prix de la terre
de Chadieu.
Que va-t-il en résulter? Rien que de fort ordinaire;
c’est que s’il y a eu ensuite des lettres de ratification, les
créanciers opposans auront une action sur le p r i x , et
n’en auront plus contre l’acquéreur personnellement.
Quand il y auroit eu délégation parfaite, elle seroit
anéantie par ces lettres de ratification qui ont opéré un
nouveau contrat entre l’acquéreur et les opposans, lequel'
contrat détruiroit a b s o lu m e n t tonte délégation anté
rieure ; car les conventions particulières de la vente
�( 24 )
doivent cesser absolument pour faire place à celles que
la loi dicte, et dont elle ordonne l’exécution.
L e résultat des lettres de ratification prises par le sieur
de la Roche-Lam bert, sur la vente de 1788, devoit être
une procédure d’ordre entre les soixante-treize créanciers
opposans.
Ce n’est pas ce qu’ont fait les créanciers de Tan e; ils
ont commencé l’attaque par une inscription sur les biens
personnels du sieur de la Roche-Lambert.
S ’ils n’ont pas ouvert un ordre contre le sieur de la
Roche-Lambert, c’est qu’en effet ils ne le pouvoient pas;
car, i°. les syndics n’ont pas formé opposition aux lettres
de ratification prises par les sieur et daine de la RocheL am b ert, sur la vente de 1788, mais seulement ù la
vente faite au sieur Sauzay le 27 novembre 1791.
Ainsi ils ont transporté leur action en payement sur
le sieur Sauzay, et ont laissé aux créanciers opposans
sur la vente de 1788, le droit exclusif d’attaquer les sieur
et dame de la Roche-Lambert.
Ils se sont jugés eux-mômes sur ce p o in t, par leur
exploit donné à Sauzay en l’an 4 y précisément parce qu’il
étoit obligé envers eux par ces lettres de ratification.
2°. Les lois invoquées par les créanciers , sur rém i
gration , prouvent qu’il n’y avoit plus lieu ¡1 un ordre,
si un émigré étoit débiteur, parce que le gouvernement,
dans ce cas, forçoit la consignation en ses mains pour
distribuer les deniers lui-mome.
3°. Les créanciers pouvoient encore moins ouvrir un
ordre contre le sieur de la R o ch e-L a m b ert, après le
jugement
�ys\
( *5 )
jugement du 7 pluviôse an 12, qui est rendu par suite
de leur provocation contre Sauzay. Natthey, son garant,
a répondu à leur demande en faisant juger qu’il avoit
payé valablement.
Les créanciers de Tane se croient dispensés de tout,
quand ils disent que cette chose jugée est un p iè g e , et
qu’ils ne veulent pas y tomber. Ils en sont les maîtres:
mais ce jugement est contr’eux; il n’est chose jugée pour
aucune autre personne.
L ’idée la plus bizarre des créanciers est de renvoyer
ce jugement à démêler au sieur de la Roche-Lam bert,
qui n’y est pas partie, afin, disent-ils, de le faire réformer,
parce qu’on n’a pas pu valider une consignation faite sans
offres, sans permission de justice, sans appeler les créan
ciers, et fa ite s u r t o u t c h e z u n r e c e v e u r d ’e n r e g i s t r e m e n t .
Ils en concluent que ce versement est pour un émigré,
et nullement pour libération envers eux.
Si les sieur et dame de la Roche-Lambert avoient à
prouver sérieusement et nécessairement que la somme
versée par le sieur Natthey a été pour le compte des
créanciers opposans, ils le prouveroient aisément, sans
rien contester des lois même qu’on leur oppose.
Il s’agit en ce point d’une vérité de révolution, où il
ne seroit pas prudent de s’abandonner à scs propres
forces. Pour être mieux écouté, en c h e r c h a n t le sens
de quelques lois de circonstance que le législateur ne
nous a pas données c o m m e r a tio s c r ip ta , il est plus
convenable d’emprunter le langage littéral d une autorité
prépondérante.
D
�(26)
Les créanciers de T a n e, en citant beaucoup d’arrêts,
ont prévu qu’on pourvoit leur opposer celui rendu en
la Cour de cassation entre les héritiers Lecomte et la
dame Bélanger; ils l’ont brièvement réfuté, en disant que
l’espèce ne s’appliquoit pas à la cause.
Us ont eu rigoureusement raison ; car quoique dans
cet arrêt il fut question d’une somme versée à la régie
par l’acquéreur d’un bien de condamné, après des lettres
de ratification , les créanciers n’avoient de procès que
contre l’acquéreur qui avoit payé ; en sorte que minu
tieusement on peut bien dire que l’espèce n’est pas mot
pour mot la même.
Mais ce n ’est pas dans les m o t i fs d e l ’a r r ê t que
nous puiserons des moyens ; c’est dans le plaidoyer de
M. M erlin , qui y a discuté avec sa profondeur ordi
naire le sens des lois qui ont obligé les débiteurs des
condamnés et des émigrés à verser les sommes par eux
dues, à la régie de Venregistrement. Dans cette discus
sion , ce magistrat n’omet pas d’examiner aussi quel doit
être Teffet de ce versement, et pour q u i il est présumé
être fait. V oici en peu de mots l’espèce de cet arrêt.
M . d’Ormesson, vendeur d’une ferme moyennant
426000 f r . , avoit reçu 340000 fr. ; il fut condamné à
m o r t, et la régie se lit payer 89904 fr. restons sur le
prix de la vente.
Après la loi qui restitue les biens aux héritiers, la
dame Bélanger, acquéreur, prit des lettres de ratifica
tion. Les héritiers Lecomte, créanciers opposons, pour
suivirent le payement du prix. La dame Bélanger se pré-
�C 27 )
tendit libérée malgré l’opposition, et soutint que le
créancier n’avoit d’action que contre le trésor p u b lic ,
parce qu’ayant versé le prix de sa vente, comme y étant
obligée à cause de la condamnation de son vendeur et la
confiscation de ses biens, son versement étoit pour le
compte des ayant d roit, et par conséquent des créan
ciers hypothécaires, en même temps que pour le compte
du vendeur.
j
C’est pour examiner cette prétention que M . Merlin
discute; et nous allons voir qu’il l’adopte entièrement.
'« Si au lieu de payer aux héritiers Lecomte (créanciers)
« le montant de leur créance, la dame Bélanger l’eût
« payé à un tiers autorisé à recevoir pour eux ( 1 ), leur
« hypothèque se seroit éteinte ni plus ni moins que par
cc u n p a y e m e n t fa it à e u x - m ê m e s .............
«
k
«
«
«
«
«
«
«
« Que reste-t-il ù examiner? Un seul point, celui de
savoir si en effet les héritiers Lecomte o n t , par les
mains d'un tier s, touché après la mort du citoyen
d’Ormesson, ce qui leur étoit dû par la dame Bélanger.
« (A rticle 14 de la loi du 8 avril 1792. Les débiteurs des émigrés, à quelque titre que ce soit, ne
pourront se libérer valablement qu’en payant à la
caisse du séquestre. )
« C’est donc par forme de séquestre, que la nation
va recevoir les sommes dues aux émigrés. La nation
ne les recevra donc pas précisément pour son compte
personnel ; elle les recevra pour h compte de ceux qui
(1) Ces mots sont aussi en lettres italiques dans le plaidoyer
de M. Merlin ; ils sont conformes à l’art. 1259 du Code civil.
D a
�C 28 )
k pourront y avoir droit ; elles les recevra par consék quent pour les remettre a u x créanciers que les émigrés
« peuvent avoir laissés en France, sauf à en retenir le
« restant à son profit, s’il y a lieu...........
« ( Article 17. Les sommes déclarées en vertu des
« articles précédens.. . . seront versées.... dans la caisse
« des receveurs de l’enregistrement, et ce nonobstant
« toutes oppositions de la part des créanciers de chaque
« ém igré, et sans y préjudicier. )
« Voilà qui confirme, qui développe bien clairement
« les conséquences que nous tirions tout à l’heure de l’ar« ticle 14 de la loi du 8 avril 1792. L es oppositions des
c< créanciers d u n émigré 11c p e u v e n t ni e m p ê c h e r ni
« dispenser son débiteur de verser à la caisse du rece« veur de l’enregistrement le montant de ce qu’il doit;
« mais ces oppositions n’en souffriront point pour cela :
« elles tiendront sur la somme que le receveur de Ven
ts. registrement aura touchée. Preuve évidente et sans
« réplique que le receveur de Venregistrement touche
« pour le compte des créanciers opposans; preuve évi
te dente et sans réplique que les créanciers opposans
« sont censés recevoir par les mains du receveur de
« Venregistrement ; preuve évidente et sans réplique,
« enfin, que le d é b i t e u r , en se libérant outre les mains
« du receveur de l'enregistrement, est c e n sé payer, non
« pas seulement à la république, mais encore aux créan
ts. ciers même opposans. » Questions de d roit , tome 5 ,
v°. Lettres de ratification.
I l faut remarquer maintenant que c’est dans ce sens
que la question ayoit été déjà jugée. Les créanciers d’ü r -
�C 29 )
inesson n’avoient été autorisés à attaquer l’acquéreur qiCcn
cas d?insuffisance des deniers versés, et le recours n’étoit
ouvert contre la succession iVOrmesson qu’au même cas
d’insuffisance. L e pourvoi des créanciers fut rejeté.
Les conséquences de ce qu’on vient de lire sont toute
la défense du sieur de la Roclie-LamLert ; elles prouvent
que les créanciers de Tane ne se sont fait une cause qu’en
dénaturant jusqu’aux faits, et en jouant sur les mots.
Quand ils ont poursuivi Sauzay pour les payer comme
leur débiteur, Natthey, son garant, a fait juger contre
eux qu’il étoit valablement libéré par deux quittances
de l’an 2 et de l’an 4. Ces expressions ont paru équivo
ques au£ créanciers; ils ont dit qu’il ne s’ensuivoit pas
la p r e u v e d ’u n p a y e m e n t , mais p l u t ô t d ’un v e r se r n e jït
pour un émigré.
Il falloit bien le dire ainsi pour s’emparer de l’arrêté
du 3 floréal an 1 1 , qui ne se rapporte qu’aux créanciers
d’émigré qui n’ont pas provoqué leur liquidation, et à
l’égard desquels il n’y a pas eu de payement.
Disons donc avec M . Merlin que si Natthey a payé
le prix de Chadieu, soit en l’an 2, soit en l’an 4 , ce n’est
pas pour le sieur de la Roche-Lambert qui n’avoit aucun
droit à ce p r i x , mais pour les créanciers hypothécaires.
Ainsi, quand les créanciers de Tane p o u r r o i e n t s’em
parer des lo is d’émigration qui ne les r e g a r d e n t pas, il
est b ie n prouvé qu’ils n’y g a g n e r o i e n t rien, puisqu aux
termes des lois on a v e r s é p o u r e u x : par conséquent
ils sont payés; e t , ne c r a ig n o n s pas de répéter, l’arrêté
�( 3° )
du 3 floréal an n , la seule loi de leur système, ne se
rapporte nullement à eux.
D e là est venu cet embrouillement de cause, de moyens
et de procédure. Il falloit se faire une qualité qu’on n’a
pas, épouvanter par une inscription de ôooooo francs,
et bien se garder de commencer une attaque directe,
pour mettre le prétendu débiteur dans un plus grand
embarras.
Mais qui a autorisé, on le répète, les créanciers de
Tane à prendre cette inscription? car il faut avoir un
titre exprès et portant obligation directe de la part d’un
individu, pour prendre inscription sur ses biens. Et certes
ces c r é a n c i e r s q u i n ’e n a v o i e n t p a s e n 1791 c o n t r e le
sieur de la Hoclie - Lam bert, en avoient encore moins
en 1808.
A ppel
d e s
h é r i t i e r s
d e
M o n t m o r in .
A leur égard, il n’est pas douteux qu’une obligation
personnelle de la part des sieur et dame de la RocheLambert a existé.
Mais existe-t-elle encore après des lettres de ratification
et un versement jugé valable? C’est ce qu’il est difficile
d’adopter.
Les Héritiers de Montmorin n’auroient une action di
recte que dans trois cas qui doivent concourir.
L e premier , en rapportant le consentement exprès
des créanciers opposons aux deux lettres de ratification.
L e second, en prouvant que les acquéreurs postérieurs,
�767
( 31 )
chargés de payer en l’acquit du sieur de la Roche-Lainbert,
n’ont pas payé.
L e troisième, en prouvant encore que la perte des
versemens faits pour la libération de Ghadieu doit être
plutôt pour le sieur de la Roclie-Lambert, à cause de son
émigration, que pour les héritiers de madame de Montm o rin , à cause de sa condamnation révolutionnaire.
Voilà ce que devoient justifier les héritiers de M ontmorin, au lieu de se jeter dans les questions de savoir si
les versemens ont dû etre faits avec ou sans des offres,
avec ou sans permission de la justice, et si après les lettres
de ratification, et même après le 23 septembre 1793,
c’étoit encore chez le notaire. Trutat que les deniers de
voient être versés, comme on 11e s’est pas fait un scrupule
d e le s o u te n ir .
Cependant les héritiers de Montmorin ont fait une
inscription, non sur Chadieu dont ils ne veulent pas,
mais sur les biens particuliers du sieur de la RocheLambert. En avoient-ils le droit?
. D ’abord ils ne rapportent ni mainlevée , ni consen
tement des créanciers opposans : ce seroit cependant chose
de première nécessité, quand il n’y auroit pas d’autre
obstacle.
En second lieu , comment prouvent-ils que les acqué
reurs postérieurs 11’ont pas pnyé ?
Tout ce qu’on vient de dite prouve avec évidence une
libération.
j
Les sie u r et d a in e d e la R o c h c - L a m b e r t o n t a c h e tq
d ’e u x et se s o n t e n g a g é s à paycr le p r i x , so it à Trutat,
)
.
*'•'
�( 32 )
soit aux créanciers', à déléguer dans le cours de deux
années.
Ensuite Cliadieu a été vendu à Sauzay, à qui on a
laissé l’option de payer 376000 f r . , soit aux vendeurs,
soit aux créanciers, et spécialement aux créanciers pri
vilégiés sur la terre.
On ne peut pas tirer parti de cette option, car le sieur
de la Roche-Lambert n’a rien touché de ces 376000 fr.
laissés dans les mains de son acquéreur pour faire face à
tout; et le sieur Sauzay ayant mis son contrat au bureau
des hypothèques, a contracté Vobligation directe envers
les mêmes créanciers , de payer les 376000 francs.
C e c o n t r a t ju d i c ia i r e r é s u lt a n t des le ttre s , efï’a ce l ’al
ternative : c’est donc comme si la vente de 1791 contenoit
indication expresse de payer 376000 fr. au x créanciers
privilégiés seulement.
t A son tour, le sieur Sauzay vend au sieur W a llie r;
et il a si bien entendu que les oppositions formées ¿1 ses
lettres, par le syndic des créanciers de Tane, l’ont obligé
de ne payer qu’à e u x, qu’il délègue W allier ou Natthey
î\ payer 366000 fr. a u x créanciers de T a n e , opposans
au x lettres de ratification.
Celui-ci appelle les créanciers en nivôse an 4 , pour
payer en leur présence, se disant obligé de les payer.
Il les assigne comme opposans aux lettres de Sauzay, et
aux domiciles élus par leurs oppositions. Il procède tant
en son nom qu'au nom des premiers acquéreurs : c’est
en cetto qualité qu’il verse le prix de sa vente.
Ensuite il les assigne, et fait juger contre eux, en qua
lité de créanciers de Tane ; qu’il est libéré.
Et
�* 38 )
?}nßt, 'Wo ftppßttei iQÇt jwgen^fl trfçs iiftie\; f< 7 / ; c w ; p n
difcquM iie;g,a ^ isw h d ß ,ftir? ()HgeiiUer 9giv$iziß<9jt yßlf'Wß
«gueidbtisMviatôrêt <IÏUf|) émigré.,\\ptrce;^ u ’iliest questjo#
rdßj ljai d an s Ifcs,jdires jdtf jsUiUr : JN-aUheyr/Majs
il est
i^ isi^question des jhijtiiiiQijß ^ iMoittmpfyti ,et ^le ljii^onfÆbcatjod de.-'létu-s îljie^s i; cMri j atth'ey ^, ,qüi jçh erçh 0tt à
dorisolider sa libérûtitfi? ,'neim ftoquöit1pas! tioijustifierjde
¿son ;mieux.,son -verseméiati*) par-levnari*é de^ toutes lies
,circonstances.\qui pou voient là rendre m eilleure, odrnoi
>Ce- qui prpu-ve;que de'jügemeot n’etQibpas/CQrtfre
-Immigré plutofjqupjGoatre.ttn'rautre, c^est-quejcet ém igré
rii’est ‘a i Ipartie',r)moQpjbelé> à-ce ¡jugement dont-oji veut
jlui) appliquer tout Fefiet.'') . . / «r jof-rr.q bb iioib ‘A
O r , vit-on jamais d é p lu s meon.ce>Vflblft
oqus e u le m e n t e n m a t i è r e d e c h o s e ju g é e , m a is e n c o r e en
'matière ¿ ’hypothèque: et'de leCtrßSrdeii^tftßciiiion
.r D ’un c ô té , cfe,sout des créanciers ôppbsaos qui veulentR a v o ir plus rien de connuuu',mi avée celui qui atpblenu
-les lettres y n i ¡avec saû niniinjdotaire,, changé de-Je! libéner
envers ces.mémescréancièrsiopposans^et qui\ne?vse<jlerit
^’«dresser ¿qu’au;¡premier; jocquérèur , apros avoir, ila^sé
juger contre aux la validité ,dè ;la libération ^suivie de la
m ainlevée de leurs oppositions; m ainlevééfqui lève toutes
le s 1éq u iv o q u es,« ^ ' VaffetvÀu payçincirLn\ iv>. '¡h oh
JD’un autre cuté^cejsoiïtitesliéritiiirs du vefideiiV quî ,
après une libération ijugécütoalaHeyiCkiWie' ,mhinlevée
des oppositions yön t la libnté de sè réuni* spontaném ent
av.ee les 'créanciérs id’uiJOf su cce ssio n bénéficiaire ,> pour
demander qu’on annulle cette libération sans attaquer
>(fo .
le jugement, -n
, rJi wi< ^ f vfnnnnotà
fi
�( 34 )
‘ ‘ N ?è&-ee pa’s un alius; du râisônnem>ent qup;deí¡soutenir
de^ tels paradoxes?' Si mott'1acquéreur ch-argó dé îvoùs
payer a fait j u g e r contre vous qu’il* a vo it valablement
\>ar¿ f qui pourra d ire , sans choquer le- bon sens, que
-jd'n?a-il páfc payé nïôi-meme, et; que ije' reste débiteur?
-Il d e v i e n t d o n c b ie n in u t ile d e ' r e c h e r c h e r si l e V erse’n i e n t a p u rê t r e r f a i t - c o m m e
il - l ?a été , 'quelle!^ v,toit la
caisse o ù il f a l l o i t v e r s e r , et s’ il y a v o i t su s p e n sio n des
; c a r rea judicata pro veritate\ hahetur,
u fr ip a y e m e h t q u i a u r o it été fa it en a s s ig n a ts ^ 'a p r è s l e u r
rem bo U rfcem ens
fitv p p re s frtô n ^ s è ro it ( C e r t a in e m e n t r é p u t é ê t r e e n ; tr è s bounG m b n n o i e , si un- j u g e m e u t l ’u v o i t d it r’ n ill n ’a u r ô it
le droit de parler des vices d’une telle libération ^ tant
qtté> ç e j u g e m e n t ’ lïïe -s e F o it pa& ¡attaqué;;
no f)70D:i‘> ¿¡¡ni: r
h 'b -jh
■ ! v t *' - '
n-> jn-»m
S ’f l r&ragissort n é a n m o i n s d^ertrainineri la .ju r i s p r u d e n c e
• ’q u ’ o n a p r é t e n d u si c o n s ta n te s u r la d é fe n s e des lo is d e
'C o n s ig n e r
sans
o ffre s p r é a l a b l e s ,
et sans a p p e l e r
les
■créaiiciVi’s,' il s e t r o u v e i vo it à c ô t é des c ita tio n s n o m ib r & is o s faites> p a r les a d v e r s a i r e s , d ’a u tre s c ita tio n s p lu s
ù ip p lic n b le s et> plus- précises- sur: la m a t i è r e des c o n s i g n a
t i o n s f o r c é e s , a p r è s des le ttre s d e 1 l’atification.
'M.iis ?» quoi-serviroit cette surabondance de doctrine
et de dissertation j si ce n’est ¿Vgrossir un. ¿crit de chosés
. inptilt?»piiiscjne lés» créanoieus et les héritiers de Tane
ne veillent'ri«“»
de tout'ccla avec le mandataire
de Sauzny, chargé de fairfc: face à leurs oppositions ,
qu’au contraire ils passent condamnation sur la validité
de son payement. '
-i
11
>'
K t , c h o s e é t o n n a n t e , c e q u e les a d v e r s a ir e s ' n e p o u -
�C 3 Ê>
voient oppçsen quejSMVifcàpVPfi&i^sJlaPfJ&^t^ N^tl)ey,]r
ils Font ¿réservé ¡pour les ..sieur et.d.amç ,dq la.Roche-,
Lambert, après avoir, laissé juger, que le, payement étoit
régulier. *; fd
son £ m t ^-ruina et;t.. au- vuoq »
zrioiüov c j' ! înr.buüij o J*j ; /nq ol ‘¡ih
goi. ¿ in \• S’il n’y avoit pas. de jCpillu.siQn pn tre les, hé rjtiers,et les
créanciers, est-ce que les héritiers de Montmorin ( qui
après les oppositions aux lettres ne sont plus que les
cautions du payement ) n’opposeroient pas aux créan cier
l’exception cedendarunt actionum^ et ne leur^diroien^
pas que s’il-leur a plu, de jlarsser juger ■
qut3(ileiir;.gagç
étoit perdu, et s’ils ne sont pas en état de subroger à leurs
hypothèques, ils n’ont jplus .de recours à exercer.
..j,
-n S ’il n’y avoit pas'collusion encore entre les créanciers et
Natthey, qu’ils expliquent donc pourquoi, se disant aussi
certains de la nullité de ses consignations, ils craignent
de s’adresser à lui ou à Sauzay, qui par ses lettres de ra
tification a contracté l’obligation de payer aux créanciers
privilégiés 375000 fr. ; pourquoi ils paroissent regarder
ses versemens de-l’an 2 6t de l’an 4 comme un chiffon
informe, sans le prouver^ s’ils en savent si bien le secret?
Mais l’exception que ne veulent pas opposer les héri
tiers d e T a n e , le sieur de la Roche-Lam bert le fera , et
il en a le pouvoir. O n ne peut le forcer de payer sans
qu’ il ait le droit d’opposer aux c r é a n c ie r s do J a n e que
s’ils ne font pas tomber le jugement de Fan.1 2 , et s’ils
ne remettent pas les parties au même état où elles etoient
avant ledit jugement, ils «ni p e r d u tout recours contre
lui ; car il est d’une épouvantable injustice qu’011 puisse
�7ÜV
.(• ‘*
C 36 }
lcd0dite^î %j'^diis:'£ivfei?rincheté'] Chadieu et>;VQUS l’ave?
cff¥ti¥feSdlti üèih Change dé'nôus payer ; noua avons accëpté
« cette' eIièrge,pfllr"üneJhppositiôn. Maintenant nous ne
« pouvons vous subroger ni à nos droits sur Chadieu ,
« ni à nos droits sur le prix ; et cependant nous voulons
PêèVjpoÿé* jikr‘4 oïrs ■
}qui' n'éi lé'sëfez :par perso'nrie ç et
¿/Jquî n’at/rez ni' là chose ni [ie"jirix'«
•» , «’x9iDnSy™
8ÜQuelque Atroce que soit? ce système, on ipç<rougit pas
'
•
*
\
dè lè sotlttenir/ o n 1lé trotrveiqu Contraire
équitable5
ôn së^a&fbnhè1 mairie ïittj point'die> dire que« M l1jde^Td
Roché^L'àmhéït 'Ttiaiiqüe à:;îe£devqirs lorsqu’il n’ejt pa*
dirmème avîsi?A là vérité'çte’n’est ni ¡dans CondiUàc>ni
dans PtifFendorff qu’on va puîsOr pour justifier Vdqqifcé
fHifth’éïriati&iie c^cé^ràisôriïiemeBtl •<c’est; seulement! dims
r
•
..
*
lès'lôis su rléÿém fgi’ésj q.u^w»jirétendai troiavep la/prouve
tfôéyïe$vf>erit domino sign:i'fie'y,'e n ilangage delrévokvtian ^
que le prix d’un immeuble d& k des créancière opposons,
pour line vente antérieure^ à. toute émigration r a péri
portf ■f&rriigréi0'ti--ï r*
rip’n . :j ; .‘il coofi^£ r. . •>’ .
i‘°jÉ>ribVqiiloi iajbiiter:^ la idittcié des loiisrévolutionaires,
qutfrid éïlés'Tie isoht !pas ôOitpiables de cette subversion dè
Tous les'principes ?
Y* •' ■
Les lois de Ï79Î ordonnèrent'le »séquestre des 'biens
deà ém ïgtés, et chargèrent la régie de l'enregistrement
de ce séquestre* elles ’ofdonnèi’ent aux débiteurs des
'émigrés <ie verser dans la caisse de ce séquestre.
Mais qu’y a-t-il; de commun entre Chadieu vendu à
Sauzay par acte notarié, en 1 7 9 1 , et un bien d’ânigré?
Q u ’y a-t-il de commtin entre un acquéreur non ém igré5,
�( 37 )
qui »par des lettres de ratification a formé un contrat ju
diciaire avec des opposans non émigrés , et des délpi.tevirs
d)éniigrés?v
\ .lOŸÏUH.
.iK>i
A f -;. Iwi! -.1 Ü
>-•''>
.r: t‘Vr »; .
‘ ’ i i r -> ’ ■■ i 0 : ’ ■
Mais admettons en toute humilité qu’un répubjiqole n’a
dû souffrir de rien , et que tout le sacrifice doit tombe?
sur le proscrit, n’y a-t-il pas lieu de-s’étonner que les
héritiers de- Montmorin soient ici à l’unissonç avec, les
créanciers,, de <Tqne pourrir«? que /’émigré seul doit
p w k e le versement?
,
! “ bla-jrn
aviSi la Cour, partageant!l’opinion des adversaires, quQiqu’à notre sens elle déplace toutes les idées, jugeoit que
Natthey, quatrième débiteur,>.ayaqt payé la dette,de
Sauzgy, trpisième débiteur., n’a pas libéré les sieur; et
d<une> de la Ruche -I,ainbert , secours débiteurs ,• il
fpudra b ien , pour être conséquent, arriver jusqu’aux
héritiers do M ontm O rinprem iers débiteurs, çt dire que
Je moins qui puisse résulter de çp cahos, c’est que cette
dette a subsisté concurremment sur çes dçux derniers.
jM ais si M . dp la Roche>-Lambprt fi été sur la liste des
émigrés , madame de Montmorin a été condamnée r^volutionnairement : ainsi les lois sopt les mêmes pour les
deux circonstances,
,
.
L ’article I er. de>la’loi du 26 friniaii’e an 2 , dit que les
biens des condamnés devaient être régis et liquidés, et
vendus comme les biens d£$ émigrés.
La seule réponse quVu ait pu- foire à cette observa
tion , a été de dire que madame 4 o Montmorin fut con
damnée le 20 iloréfil an 2 , et que la nouvelle ^.’a pU
�n(*(
s
8
)
.
arriver en Suisse assez tôt poui' que Natthey revînt en
Auvergne consigner le 26.
Cette réponse est-elle bien sérieuse contre celui qui
prend la chose en l’état où il la trouve, lorsque surtout
on sait fort bien que ce n’est pas le Natthey, de N yon,
qui a consigné à Saint-Amant?
Que l’on dispute tant qu’on voudra contre le sieur
Natthey, sur la vraisemblance de ses versemens, sur
leurs dates et leur réalité; tant qu’il y a quittance et juge
ment de libération, le sieur de la Roche-Lambert profite
du payement fait par son mandataire, qui ne peut être
libéré sans que le mandant le soit.
S i m a l g r é c e tte é v i d e n c e d e li b é r a t i o n il fu llo it en v e n i r
à imputer sur quelqu’un la perte de ses versemens, il
est évident que ce ne peut être sur celui à qui il auroit
p rofité, c’est - ù - d i r e , aux héritiers de T a n e , comme
vendeurs de la terre, comme propriétaires du prix, puis
qu’ils étoient propriétaires de Chadieu juqu’au payement.
11 11’y a eu effet aucune raison de préférer pour la
perte les sieur et dame de la R o ch e-L a m b e rt, et de
s’arrêter à eux plutôt qu’à Sauzay ou W a llier; il y auroit
à cela une inconséquence tout arbitraire ; car il faut
opter entre le vendeur ou l’acquéreur, dont les lettres
sont grevées d’oppositions : l’un est le débiteur personnel,
et l’autre le débiteur hypothécaire.
Les acquéreurs intermédiaires n’ont contracté qu’une
obligation transitoire : à aucun titre le principe res périt
domino ne peut être pour eux.
Car la terre n’étant pas à eux , la somme consignée
�7 6 s.
( 39 )
pas pbnrHeiVx.:.Qu’elle ait été>,versée pour les hé■ritiers de JMontmprin ou pourries créanciers^tle‘T!an'e:,
c’est toujours a u x héritiers de Monlmorin que la^somme
dèvoit 'profiter, puisqu’elle étoit destinée à payer leurs
dettes.
• ' 'ti.ii
>'j
tfi'i ‘ r.
df ' : j
i i i(Domrtientfdonc a-t-on-pu espérer, ade prouver qu’une
sômme^evoit périr 'pourîles sieur et dame de la Roche-L a m b e rt, qui n’étoient propriétaires de cette somme
à aucun titre et e n aucune qualité, pas plus.qu’ilsI(ne
l’étoient de Chadieu ?
9! Il faut^conc-lure1plutôt'que si la libératijoiî dejNdtthey
'B’îi profitaiqii’à lui,seul'et n’a eu lieu quîà causeidursé
questre national, c’est le vendeur séquestré qui se retrouve
p a ss ib le d e s a 'd e tte , et n o n l’a c q u é r e u r * ,q u i n e s’est o b l i g é
i q u e c o m m e d é te n te u r., e b t ju L a d on né-.pou v o i i\à->u n îtieip
-d e'Iv erser fpo ur/lui..\> .J\
Vi
l i o i b < i u *•[ i
;i .Iir;j
Cum> jussu)m co' ià\qùod\ rnihi debes,\Soh>is creditori
met), et tu à me et ego à creditore mco lib ero r.lj. 64,,,
ff. D e sôlutionibifs.. * ilu =1?. ;?.ï ;* fiT ;'o n
1
* Souvenons-nous encore que M .iM erlin’n prouvé qu’uni
■¡versement fait'à la caisse du séquestre, étoit censé être
fait au x créanciers, et qud'c’est absolument-comme si’
ces créanciers avoient’eux-memes reçu jet donné quittance.
T o u t'ce quHl-à‘dit ■se1’Apporte parfaitement auxjhé'ri tiers de iVlontmorin;- qui viennent)ae présenter comme
ayant atù ctéoncier 3"ùo l’émigré pour lequel ils assurent',
que là somme étoit versée.
•! r : ! ‘
. ! •» i : ')' [■
.| •|
^’U n autre moyen s’applique cncorcraüx héritiers d e ‘
‘ :i;
�'I >4? )
Monimotin ; c’est que leur'sysfèrrie. de>seidirer créanciers
d ’uti émigré , c o n d u ite remarquer.que c’est la nation
qui les a représentés l’un et l’outre depuis le 2o floréid
un 2 , jusqu’au 21 prairial an 3 j époque de ;la resti
tution des biens aux condamnés.
Or, la nation auroit été d é b itr ic e s créancière du prix
-de Chadieu : donc il y ;a:extinction de la dette par con
fusion. ( Code civil , art. 1300. Sénatus-consulte, du 6
floréal tm 10., art 17. )
' ' - ‘Ainsi, fet dans -toutes les liypofthèsesi, les héritiers de
'Moütiiionn sont pstyèsipar'fflùtthey:, :onti fl’ont'dô recours
tjuc c o n t r e N a t t h e y o u Saur,ay. I l s n e s’a p p l i q u e r o n t pas
l’arrêté du 3 floTéal an 1 1 , pour rev.enir.de la nation à
Fémigré , puisque la nation les a traités de .niôiney pt
leur a rendu leurs droits ut ex nunci 'Voiiàj, n’en jdoûtobs paâ , ce qui «st démontré jusqu’à l’évidence.
1
.
.Ap p e l
• i >'
c o n t r e
■'
le
.
s i e u r
A médée
jjb
T an e.
Iàî jugement ¡Üe Clermont ntest pas conséquent dans
ses dispositions : ,il juge d’ubord que le versement-fait
par le sium* Nntthey a éteint :lcs délégations dont Sauzay
a v o i t chargé W allier; et cependant il >condumue les «iour
-et dame de lu Roche-Lambcrt h payer la créance du iieur
ATrtédéë'de Tan e, qui prétend représenter pour le .tout
le sieur ¿le Soutenus, prftteui de 30000 francs.
S’il est jugé que Natthey a valablement payé le -prix
entier de sa ven te, il est constant que le sieur Santenas
tfn plus d’action ; car -le sieur de la Roche-Iwmberl a
�( 4T )
laisse entre les mains de Sauzay une'somme suffisante
pour payer tout le prix par-eux d û , c’e s t - à - d i r e ,
376000 f r . , quoiqu’ils eussent payé déjà 170644 fr. :
à son tour, Sauzay a laissé à Nattliey une somme suffisante
■pour désintéresser les ayant droit de ses vendeurs.
A u reste, il suffit de renvoyer sur cet appel à ce qui
a été déjà d it, et de se réserver contre Nattliey la ga
rantie que le tribunal de Clermont n’a pas voulu pro
noncer, par une autre inconséquence.
A ppel
c o n t r e
l e
, sieu r
N a t t h e y .
Cet appel n’a qu’ un objet subsidiaire, puisque, si on
ne demande rien au sieur de la Roclie-Lambert, il n’aura
r ie n à d e m a n d e r a u s ie u r N a t t l i e y , d an s son propre
intérêt.
Mais si, par impossible, le sieur de la Roclie-Lambert,
qui n’a pas Cliadieu, étoit condamné à payer le prix de
Chadieu , alors bien évidemment le sieur Nattliey ne
peut éviter une garantie, puisqu’il s’est engagé expressé
ment à faire payer 3 55 ooo francs aux créanciers de
T a n e , opposans au x lettres de ratification prises par
Sauzay, ou à consigner après le sceau de ses lettres.
Dira-t-il qu’il a payé en vertu d’une contrainte; que sa
libération est jugée valable avec les créanciers ; q u ’ainsi
il a rempli son obligation mot pour mot ?
Mais tout cela ne le délie pas de son engagement
envers le vendeur; car il ne s u ffit ’pas qu’il dise, j’ai
payé; il doit être prêt à faire v a lo ir son payement vis-àvis le vendeur, toutes les fois que celui-ci sera recherché
/
*
F
�( 42 )
Lorsqu’un acquéreur s’est soumis à payer le prix de
sa vente à des tiers, ce n’est pas assez qu’il rapporte des
quittances, il n’est pas dégagé pour cela de faire juger
en présence de son vendeur qu’elles sont suffisantes pour
lu i, de faire en sorte qu’il soit quitte envers les créanciers
qu’il a spécialement délégués, et d’arrêter à toutes les
occasions les poursuites qui pourroient le troubler.
Cet engagement est tellement de stricte justice, que les
lois sur le papier-monnoie n’ont point assimilé les ac
quéreurs chargés de payer des délégations, aux autres
acquéreurs de cette époque : elles ne leur ont permis
de réclamer aucune réduction, et ont rigoureusement
exigé q u 'i ls r a p p o r ta s s e n t le s q u i t t a n c e s d e s c r é a n c ie r s
d é lé g u é s p a r la v e n t e , même lorsqu’il n’y avoit qu’une
simple indication de payement.
Toutes les difficultés du payement fait par un acquéreur
ne peuvent être levées et discutées que par lui : sans cela,
par une collusion coupable, il pourroit obtenir des créan
ciers délégués qu’ ils s’obstinassent à ne poursuivre que le
vendeur, lequel n’ayant rien payé lui-même, seroit privé
de tous moyens de défense.
E s t- il proposable, en effet, d’assujétir le sieur de la
R oche-L am bert à faire valoir seul les quittances d’un
payement qu’il n’a pas fait, vis-à-vis des créanciers qui
suspectent ce payement, et qui, malgré un jugement,
persisten t à dire que la libération est irrégulière?
Comment le sieur de la Rochc-Lambert sera-t-il en
état d’éclaircr les héritiers et créanciers de Tane sur
leurs doutes, et de leur apprendre si le premier verse
ment de 355 ooo fr., que Natthey dit avoir fait^à Saint-
�( 43 )
Amant le 26 floréal an 2 , sans appeler personne, doit
être préféré au second versement de. 619604 f r . , qu’il
dit avoir fait chez le même x*eceveur le i 5 pluviôse an 4 ,
en appelant les créanciers opposans?
Aucun autre que Natthey ne peut dire aux créanciers
si sa quittance du 1 5 pluviôse-an 4 est un versement ou
un compte , si la quittance de 32861 fr. en fait partie,
et enfin si les 264604 fr. qu’il a demandés à la régie pour
indemnité d’un séquestre de huit m o is, lui ont été tenus
à compte ; car rien ne donne la clef de tous ces faits ; et
cependant il faut savoir ce que la république a retenu,
pour savoir ce que Natthey a payé réellement.
Le sieur Natthey paroît vouloir dire qu’il a payé en
vertu d’un o r d r e d e la r é g i e , et qu’il n’a pas d’autre
compte à rendre, puisque sa quittance est un acte ad
ministratif.
Mais où auroit-il pris cette étrange doctrine ? elle
eût été très-commode pour payer ses dettes sans gêne;
car à supposer que la régie eût refusé une contrainte à
celui qui désiroit lui compter 3 Ô5ooo francs, il faut au
moins convenir qu’une contrainte n’est pas un ordre, et
n’a rien de commun avec un acte administratif.
Que Natthey objecte aux créanciers opposans tout ce
qui lui semblera bon pour faire valoir la cotisignation
que son contrat l’oblige à faire partout où besoin se ra ,
après le sceau des lettres de ratification ; mais plus il
sera en règle pour ce qu’il a fait comme mandataire^
plus il lui sera aisé de faire valoir son payement j et il
ne s’cn dispensera pas en rejetant la validité de ce qu’il
F2
�( 44 )
a fait aux risques de son mandant, car il est obligé sans
exception, ou de faire valoir ses payemens contre les
créanciers et de faire cesser leur réclamation , ou de
garantir le sieur d elà Roclie-Lambert de l’eifet de leurs
recherches.
Que si le sieur Natthey prétendoit, ainsi qu’il en a
menacé, s’isoler de cette procédure , en disant que la
validité de ses versemens n’est pas de la compétence judi
ciaire, on lui répondroit qu’il ne peut pas proposer de
déclinatoire? par plusieurs motifs.
i ° . P a r c e q u e l u i - m ê m e a s o u m is la v a l i d i t é d e ses
v e r s e m e n s à l ’a u t o r it é j u d i c i a i r e , et a o b t e n u j u g e m e n t
à c e t é g a r d le 7 p l u v i ô s e an 1 2 ; il a o p p o s é e n su ite ce
jugement comme un moyen péremptoire sur la cause
actuelle.
20. Parce que la demande en garantie a été jointe,
et que loin d’attaquer le jugement de jonction, le sieur
Nattliey a plaidé au fond.
30. Parce que dans des lettres missives adressées au sieur
de la Roclie-Lambert, le sieur Natthey a offert sa garantie
pour le procès actuel; en sorte que ce nouvel engage
ment a produit une nouvelle action qui ne peut être
soumise qu’aux tribunaux civils.
40. Parce qu’il résulte des arrêts déjà cités de part et
d’autre, que les tribunaux ont toujours statué sur la vali
dité des versemens faits dans les caisses publiques par les
acquéreurs même des biens provenus-d’émigrés ou con
damnés.
Daus tous les ens, les lettres du sieur Natthey suiïi-
�7 7( .
(
4
5
}
sent (1) ; l’offre expresse de sa garantie a été acceptée ex
pressément par le sieur de la Roclie-Lam bert dans ses»
21 juin 1808.
(1) « J’ai reçu votre lettre, M onsieur, et je 11e veux pas un
« seul instant vous faire attendre ma réponse.
« J’ai d’abord été fort surpris des inscriptions que les créan« ciers de T ane ont prises sur vos biens; j’ai dû ensuite m e
« souvenir qu’ils avoient précédemment regretté de n’avoir pas
« pris cette voie d’abord, et de s’étre engagés dans une autre
« voie qui ne leur a pas plus réussi que celle-ci ne peut leur
« promettre du succès. V o u s croyez d’a v a n c e , je l’espère, que
« toutes choses sont parfaitement en règle vis-à-vis d ’eux............
cc Vous avez quelqu’apparence d ’ i n q u i é t u d e s u r Je vrai pro-
« priétaire de Chadieu. D ’un mot je vous tirerai de toute inquiè
te tude. I l n e t i e n d r a q u ’ a vous q u e N a t t h e y ou m o i , a v o t r e
te
«
C H O I X , OU TOUS D E U X « ¿ U N I S , N E VOUS OFFRIO NS DE NOUS SUBSt it u e r
a
vous
dans
cette
: je vous en passerai acte
a ffa iu e
ce public avec grand plaisir et sans inquiétude; c a r, encore une
« f o i s , toutes choses sont parfaitement en règle avec ces mes« sieurs et tous autres.
«
« Voilà un premier problème ré so lu , à votre satisfaction sans
doute. V ous v o y e z q u e N a t t i i e t n i m o i n e n o u s e f f a ç o n s ;
ce QUE M Ê M E NOUS VOUS OFFRONS , SOUS N O T R E G A R A N T I E ET C E L L E
C
de
cc
u
cc
te
ce
« Vous êtes encore dans l’e r r e u r , quand vous supposez que
les créanciers de T a n e avoient fait opposition aux lettres de
ratification obtenues par M. votre père sur MM. de Tane.
Fayon s’inscrivit, fit inscrire aux hypothèques d’autres créan
ciers non u n is, et ne fit point inscrire l’union...............H n ’y
eut aucun acte conservatoire de la part de l’ union.
h ad ieu
,
vous.....................
«
de
nous
su b stitu er
a
�u
o
réponses : ainsi ce nouvel engagement passé entre M . de
Batz, représentant Nattliey, et M . de la Roche-Lambert,
« Mais aux lettres de ratification prises par Sauzay sur M. votre
« votre p è r e , l’union fit opposition, alors trop tardive si elle
« étoit nécessaire. En l ’an 4 > il Y eut des lettres de ratification
« prises sur S a u z a y , et l’union eut le tort extrêm e de ne pas
« prendre d’inscription, ni faire d’opposition.
« Ils n’ont donc que celle du 22 décem bre 1791 ; mais il y a
« condamnation contr’e u x sur c e p o in t, à l’occasion de l’ins« tance très-âpre et très-vive qu’ils avoient c o m m en cée à Paris
«
«
«
«
contre Sauzay. Repoussés dans cette voie par laquelle ils attaquoient, dans S a u z a y , W a llie r et N a tth e y , et se trouvant à
bout de voie , c ’est alors qu’ils regrettèrent de n’avoir pas
attaqué d’abord M. votre père ou votre famille, au lieu d e se
« faire condamner sur leur inscription de 1791. M a is, à dire
« v r a i , je n’aurois pas imaginé qu’après plusieurs années d e
a silence et d’inaction, ils auroient imaginé de finir par où ils
cc auroient voulu com m encer. Mais les actes subséquens, leur
et liquidation, leur p a ye m e n t, sont tels qu’ils ne peuvent chercc c h e r qu’à effrayer et à arracher quelqu’a r g e n t , du moins d e
« Sauzay : c ’étoit contre Sauzay leur plus solide projet.
cc S ’ils ont pris des inscriptions folles sur vos b ie n s , ils en
ce ont également pris sur Cliadieu.................... Instruisez-moi de
cc tout ce qui s’est passé d ’e u x à vous dans cette insurgence, et
cc vous aurez de ma part, ou par m o i, instructions parfaites. J e
cc vous répète que m ’identifiant à N a t t h e y , je me mettrai a v e c
cc plaisir à votre lieu et place. N e perdez pas un moment à me
cc faire savoir s’il y a de simples inscriptions prises, ou s’il y a
cc quelque demande formée. Voila de nia part, j ’e sp ère, francc ch ise, loyauté autant que vous pouvez désirer, et plus que
cc vous ne pourriez exiger.
ce Recevez l’assurance de mon bien sincère et 'invariable
�( 47 )
est aussi vnlable que s’il eût été souscrit par un acte en
forme-, car, d’après les principes, on contracte valable
ment per epistolarn aut per nuntium.
« a tta ch e m en t, et veuillez le faire agréer à M. votre père.
« Signé D e Batz.
« D ès que j ’aurai votre ré p o n se, je partirai ou vous écrirai
u sur-le-champ. Je ne suis nullement i n q u ie t , parce que je
« connois les faits, et qu ’ils sont réguliers. 33
Paris, 9 juillet 1808.
cc
ce
«
«
tt
te
«
« Je n’ai pas perdu de tem p s, M o n s ie u r, à prendre tous les
renseignemens et toutes les instructions utiles contre les créan
ciers de Tane. J’aurai une consultation des plus habiles gens.
L'affaire parolt inattaquable par les créanciers de Tane. Il est
heureux pour vous et pour moi que j’aye pris, dans le temps
u tile , surabondance de précaution, pour acquitter à la fois
vous et m oi, et pour mettre dans tous les sens les créanciers
en demeure. Vous ne pouvez vous défendre que par mes
« pièces..................... M. votre père n’ auroit pas dû prendre ins-
« cription sur C h a d ie u , surtout sans m’en prévenir : il n’auroit
u pas dû en prendre au nom d’autrui ; il ne devoit voir que les
« créanciers. S on intérêt est de faire cause commune avec
« Chadieu : quiconque lui dira le contraire se trompera , l’in« duira en erreur. A u reste, je lui demande, et j ’e s p è re qu’il
« ne me le refusera pas , de vouloir bien faire r a y e r son ins« cription a u b u r e a u de Clermont. J’ai besoin, pour ma seule
« délicatesse vis-à-vis de deux personnes à qui i a* f*1*1 deux
«t emprunts, d’avoir leur c e rtif ic a t d'inscription avant le vôtre,
« parce qu’agissant de b o n n e foi et d’entière confiance en m oi,,
« ils ont reçu dans leur acte ma parole d honneur qu il n existoit
�( 4 8 )
M . de Balz, représentant Natthey, a toujours continué
d’agir en conséquence de ce nouvel engagement. IL a
envoyé au sieur de Laroche-Lambert la consultation
très-détaillée de M M . P o i r i e r et Bellard ( annoncée dans
la dernière lettre), pour le rassurer sur ses risques, et
lui attester que les versemens de Natthey éteignoient la
créance.
11 y a donc impossibilité de délier le sieur Natthey de
son nouvel engagement, qui lève tous les scrupules des
lois de l’émigration, lesquelles n’ont rien de commun à
une garantie offerte et acceptée en 1808.
cc pas d’liypotlièque sur Cliatlieu ; et , 'certes , je croyois la
« donner en toute vérité, et il se trouve que la vôtre
existoit
« le jour m êm e où j ’affirmois qu ’il n ’en existoit pas , ou du
« moins que celle du maire de V ie , qui est nulle de f a i t , et
cc celle de deux pauvres petits créanciers que j ’ai fait condamner
« à Riom , et que j ’espére faire rayer à tous inomens. M. votre
cc p è r e , après avoir fait rayer celle qu’il a déjà fa ite , pourra
cc au m êm e instant, s’il le juge à propos, la faire rétablir. Je
«
«
«
«
cc
n’y suis que pour nia délicatesse seulem ent, et j ’espère q u ’il
ne me refusera pas cette satisfaction légère, q u i, dans aucun
cas , ne peut lui être dommageable , et qui a été pour moi
le sujet d’une véritable contrariété , honneur et délicatesse
parlant.
cc Au surplus , je prends le parti d’aller porter cette lettre à
« 1\J. Vautrin, et je m’en rapporte à ce qu’il vous conseillera
cc à cet égard.
cc Je vous re n o u v e lle , Monsieur,
1assurance
de mon dévoue-
cc ment à vos in té rê ts, et de mon bien sincère attachement.
"
'V tg n é D u
IU tz.
»
x
II
�( 49 ) '
Il ne reste plus qu’un mot à dire sur l’elTet de cette
garantie, s’il falloit en venir à elle ; il est réglé par l e .
Gode civil, qui s’exprime ainsi:
Article 1142. « Toute obligation de faire se résout en
« dommages-intérets, en cas de non-exécution de la part
« du débiteur. »
Article 1184. “ La condition résolutoire est toujours
« sous-entendue dans les contrats sy nalla gma tiques, pour
« le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à
« son engagement.
« Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein
« droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point
« été exécuté, a le ch o ix , ou de forcer l’autre à l’exé« cution d elà convention lorsqu’elle est possible, ou d’en
« d em an d er la réso lu tio n avec d o m m a g es et in térêts.
« La résolution doit etre demandée en justice, et il
« peut etre accordé au défendeur un délai selon les cir« constances. »
L e sieur de la Roclie-Lambert a conclu ¿\ la résolution
de la vente de 1791 , si la condition de le faire tenir
quitte de 355ooo fr. n’est pas exécutée : la loi ne lui
permet pas de douter que cette résolution ne soit pro
noncée, s’il étoit condamné à payer lui-môme la somme
considérable qu’on lui demande, et qu’il ne doit pas.
Comment le sieur Natthey pourroit-il soutenir l’idée
que le sieur de la Roclie-Lam bert dût être obligé de
payer Chadieu sans l’avoir, tandis que lui, Natthey, auroit
Chadieu sans le payer?
Jusqu’à présent le sieur Natthey n’a point élevé une
prétention aussi immorale \ il est vraisemblable qu’il s’eu
G
�tiendra à ce qui est raisonnable et légitime ainsi, à son
égard , il suffit de s’arrêter à l’idée qu’il fera valoir ses
payemens, puisqu’il s’y est engagé, ou qu’il s’arrangera
avec les créanciers de telle manière que son vendeur soit
à l’abri de toutes recherches.
M e. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M e. M A R I E , licencié avoué.
A R IO M , de l’imp. de T H IB A U D , imprim. de la Cour im périale, et libraire,
rue des T aules, maison L a n d r iot. — Juillet 18 10
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Roche-Lambert, Joseph de. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
créances
émigrés
union de créanciers
assignats
émigrés
confiscation nationale
prête-nom
fraudes
ventes des biens d'émigrés
séquestre
fisc
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour sieur Joseph de la Roche-Lambert, habitant d'Issoire, intimé et appelant ; contre Dame Françoise-Aglaé-Gabrielle de la Luzerne et sieur Pierre de la Grange-Gourdon, son mari, dame Angélique-Armande-Camille de la Luzerne et sieur Anathocle-Maximilien Hurault de Vibraye, son mari, habitans de la ville de Paris, héritiers bénéficiaires de la dame de Montmorin, laquelle était héritière bénéficiaire du sieur Emmanuel Frédéric de Tane, son frère, appelans ; contre sieur Henri Duvergier, habitant à Paris ; Simon Teroulde, habitant à Daudeville ; Pierre-Louis Laisné, ancien sellier à Paris, habitant à Sens ; Antoine-Louis Duchastel, apothicaire à Paris ; et Jean Chardon, chapelier, habitant à Paris, syndics et créanciers unis dudit sieur de Tane, aussi appelans ; contre Sieur Amédée de Tane-Santenas, habitant à Paris, intimé ; et contre Sieur Louis Natthey, habitant de Nyon en Suisse, aussi intimé.
Table Godemel : Union (contrat d') : 2. les mariés de Laroche-Lambert sont-ils débiteurs des héritiers et créanciers d’Emanuel-Frédéric de Tane, pour raison de l’acquisition de la terre de Chadieu par eux faite le 17 juin 1788 ? sont-ils débiteurs de la rente de 1500 livres créée par l’acte du 31 janvier 1791, en faveur de Gabriel de Tane de Santenac ? Amédée de Tane peut-il demander, dans l’état actuel des choses, le paiement de l’intégralité de cette rente ? Nathey est-il garant, envers les mariés de Laroche-lambert, du paiement, soit de la créance d’Amédée de Tane, soit des emprunts personnels par eux faits pour la libération de Chadieu ? y a-t-il lieu de statuer, quant à présent, sur les réclamations des mariés de Laroche-Lambert et de Nathey, relativement au prix de la vente consentie par Sauzay à Feuillant, le 25 juillet 1793 ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1783-1811
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
50 p.
Identifier
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BCU_Factums_G2023
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
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fisc
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Text
PRÉCIS
COUR
ROYALE
DE RIOM.
POUR
2 *.
Les héritiers D E R O N A T ;
CONTRE
Les héritiers CH ASSAIG N E-D U BO ST.
L a question consiste à savoir si une institution con
tractuelle , grevée d’une condition, doit être exécutée
suivant l’intention de l’instituant, et si, après avoir ac
cepté l’institution, il est possible aux donataires de ne
point exécuter la condition, quoiqu’ils entendent retenir
tout l’effet de la libéralité conditionnelle.
Pour composer ainsi avec la bonne foi qui doit régner
dans tous les engagemens, on devine d’avance que les
donataires ne se prévalent pas de leur seule volonté; il
leur faut un prétexte quelconque ; et le seul qu’ils aient
CHAMBRE.1
18 août 1 8 1 4
y
�( 2 )
trouvé consiste à dire que les bonnes mœurs et les lois
leur défendent d’exécuter la condition imposée à la libé
ralité, sans s’opposer néanmoins à ce qu’ils gardent tout
ce qu’on leur a donné, et plus môme qu’on n’a eu l’in
tention de leur donner.
Ce sont là de ces tours de force qui ne sont connus
qu’au palais. Dans la multitude des lois, il s’en trouve
toujours quelqu’une q u i, par équivoque ou obscurité,
se prête au sens qu’on y cherche; mais si cette obscurité
n’est pas éclaircie par la jurisprudence ou par des auto
rités précises, l’abus des mots ne peut convaincre per
sonne, et les tribunaux finissent toujours par faire res
pecter les engagemens, tant qu’une loi évidente ne les
force pas a juger contre la raison et leur conscience.
:?
.Va'*"' -*\k’ .
F A I T S .
'
M. Vidal de Ronat père contracta mariage en 1757
avec mademoiselle de Lots.
M. Cottier-Dubost, oncle de la future, lui fit donation
contractuelle de tous ses biens d’Auvergne, sous la réserve
du quart.
s (
D e ce mariage sont issus sept enfans, dont six sont
défendeurs, et le septième fut M arie-A n n e de Ronat,
mère des demandeurs.
Elle fut mariée le 17 octobre 1776, avec M . Jacques
Chassaigne ; et c’est dans ce contrat de mariage que se
trouve la clause donnant lieu au procès : elle doit dèslors être transcrite littéralement.
« E a considération dudit mariage, les sieur et dame
.
�( 3 )
« père et mère de la future épouse lui ont constitué son
« trousseau , consistant aux habits, linge et dorures à
« l’usage de la future épouse.
« Et en d o t , est intervenu aux présentes M. Cottier« D u b o st, grand-oncle de la future, lequel l’institue
« pour son héritière universelle de tous et un chacun ses
« biens situés en pays de droit écr it, sous la réserve de
« 20,000 francs à prendre sur le domaine de la Boutière,
« pour en.disposer en faveur de qui bon lui semblera;
« et encore à la charge que la présente institution à'hé"
« ritier tiendra lieu de légitime de droits tant paternels
« que maternels à la fu tu r e épouse , laquelle , en conse
il quence, renonce à tout ce qu’elle pouri'oit espérer et
« prétendre dans les successions de ses dits père et m èrey
« tout ainsi et de même que si la d o t a t i o n e u t É T É
« f a i t e p a r s e s PEE.E e t MERE ; à l’exception toute« fois des successions collatérales desdits estocs et lignes,
« que les père et mère lui réservent. »
On lit après cela d’autres clauses qui se rattachent, à
la vé rité , à l’institution, pour le cas du décès de la fu
ture, mais elles sont étrangères à la contestation.
En 1778, M . Cottier-Dubost fit donation à la dame
'Chassaigoe du quart qu’il s’étoit réservé -en 1757; e t,
pour cette fois, il n’imposa aucune charge ni conditioa
à sa libéralité.
M . Cottier-Dubost est mort en 1779.
M . de Ronat père est mort en 181 r.
Madame Cliassaigne n’avoit pas manqué d’accepter
l’institution de son oncle , et de s’emparer de sa suc
cession en 1779. Il est à croire que si elle eût vécu t
ï *
�V-
_
( 4 )
elle en auroit rempli la condition sans tracasser per
sonne ; mais elle est décédée avant son père , et ses
enfans se sont présentés pour réclamer une portion
dans les biens de M. de Ronat.
Les autres enfans de Ronat leur ont répondu : Votre
mère n’a obtenu pour elle seule la succession de notre
oncle, qui valoit i 5o,ooo f r . , qu’à condition de nous
laisser partager sans vous la succession de notre père;
laissez-nous donc cette succession, ou renoncez à celle
qui vous a été donnée en remplacement.
A cela les héritiers Cliassaigne ont répliqué : Nous
voulons garder la succession de notre oncle, et avoir
encore ce qu’il nous a défendu de demander ; car sa
donation est bonne, et la condition est réprouvée par
la loi. D ’après cet ultimatum , ils ont assigné en par
tage de la succession de Ronat.
L e système des demandeurs est développé dans une
requête, où ils invoquent une multitude de lois pour
prétendre que leur mère n’a valablement renoncé à
rien , et qu’elle doit avoir les deux successions. Leurs
objections seront examinées successivement , sans en
oublier aucune ; mais voyons d’abord s’il existe des prin
cipes et des autorités sur la question, telle que la simple
lecture de l’acte de 1776 la présente.,
M O Y E N S .
L a vérité la plus évidente, en matière de libéralité,
c’est que celui qui donne a le droit d’imposer toutes les
conditions qu’il juge à pro pos, pourvu qu’elles soient
�ç5}
.
exécutables, et le donataire doit s’y conformer , ou ne
pas accepter le don. Tout cela est incontestable aux yeux
de la raison, qui nous apprend que celui qui est pro
priétaire de son b ie n , est pai*faitement le maître de ne
le donner qu’avec les conditions onéreuses , difficiles ,
et même bizarres, puisqu’il pouvoit aussi ne pas le donner
du tout. C’est à celui qui doit recevoir, à peser l’avan
tage ou le désavantage de la libéralité ainsi grevée; car
rien ne l’oblige de l’accepter si elle lui paroît onéreuse.
Mais lorsque le donataire a trouvé profitable d’ac
cepter, il est tout à la fois illégal et immoral de vouloir
détruire ensuite la loi du contrat, et se débarrasser d’une
charge qui étoit inséparable de la libéralité. L e droit
rom ain, qui étoit une raison écrite , défend par plusieurs
lois (i) cette violation de la volonté des donateurs. Les
auteurs les plus recommandables du droit français (2)
ont enseigné les mêmes maximes. L e C o d e c iv il (3) les
a répétées après eux ; et, sans qu’il soit besoin de trans
crire ici des citations trop longues ou trop élémentaires,
il suffit de dire que les héritiers Chassaigne auroient
trouvé dans ces vrais principes plus de réflexions qu’ils
(1) Loi 19 , ff. D e condit. et demons t. Loi 4 , D e hœred.
instit. Loi unique , Cod. de caduc, toll. Loi 48 , ff. Famil.
ercisc. Loi
5,
ff. D e oblig. et act. Lois
25 , 56
et 9 a , ff. D e
condit. et demons t.
(2) D o m a t,
Lois civiles.
Traité des conventions, tit. i er.-
Traité des testaraens , tit. i er. Ricard , Traité des dispositions
conditionnelles , tit. 2. Furgol, Traité des testamens, tome
Boucheul, Traité des conventions de succéder , ch. a.
(3) Code civil, articles n 3 4 , n 3 5 , H7_5%
�( 6 )
n’en avoîent besoin, pour s’épargner la tentative d’un
procès inconvenant, au lieu de chercher des arguties
dans des maximes de droit public , qui s’appliquent ù
toute autre chose.
La latitude donnée par les lois romaines à la volonté
de celui qui est libéral, étoit restreinte, à la v érité,
lorsque cette volonté portoit atteinte au droit public ,
ou lorsqu’elle avoit q u elqu e chose d’impossible ; et en
core y a - t - i l une différence à faire entre les testaïnens et les contrats entre-vifs; car dans les testa mens,
les conditions illicites étoient seulement réputées non
'écrites, vitiantur et non vitiant. A u contraire, elles
vicioient radicalement, dans les contrats , les clauses
auxquelles elles étoient apposées. Voilà ce qu’enseignent
Ricard ( i) , Merlin (2) et Chabot (3) de l’A llie r, d’après
le texte des lois romaines (4). Il faut, dit Ricard, que
la stipulation demeure sans eifet, si la condition réputée
impossible ne s’exécute p as, parce qu’un contrat est le
travail’de deux parties intéressées, qui sont présumées
avoir travaillé sérieusement. L e Gode civil a dit la même
chose en l’article 1172 : « Toute condition d’une chose
« im po ssib le, ou contraire aux bonnes mœurs, ou pro« liibée par la l o i , est nulle, et rend nulle la con« çention qu i en dépend. »
(x) Des dispositions conditionnelles , tit. 2 , ch.
5 , sect.
2,
h°. 224(2) Questions de droit, V a. Condition concernant les ma
riages.
(3) Q uestions tran sito ires, V*. Condition.
(4) Loi 3i ; ff* De ad, et ob. Loi 7, iï.D c verb. ob.
�7 \ ..
Jusqu’ici la découverte des héritiers Chassaïgne tour
nerait contre e u x-m ê m e s, puisqu’elle les forcerait 4
abandonner une succession opulente , s’ils s’obstinoient
à regarder la condition de leur institution comme con
traire aux lois et aux bonnes mœurs.
Mais abondons pleinement dans leur sens ; supposons
que l’anathème de la loi s’applique à toutes sortes d’actes ?
et que la libéralité peut subsister séparément, quand la
condition est illégale. Qu’en résultera-t-il ? et en quoi la
condition d’abandonner un droit éventuel pour recevoir
une succession qui vaut le quadruple se tr o u v e - t- e lle
impossible? comment cela est-il contraire aux bonnes
mœurs? quelle est la loi qui le prohibe?
Quoique la loi française soit aussi vague que la loi
romaine sur cette exception de droit p ub lic, il ne faut
pas pour cela supposer que le législateur en a livré l’in
terprétation au caprice de tous c e u x qu i auroient intérêt
d’en faire leur profit.
La condition impossible ne peut s’entendre que de ce
qui ne peut pas etre vaincu par les efforts humains :
veluti si in cœlum ascendcit. Car, suivant Ricard et la
loi par lui citée, « une grande difficulté ne seroit pas
«
«
«
«
capable d’emporter la nullité de la condition d’un legs;
il suffit qu’elle soit possible en soi et dans les moyens
d’y parvenir par quelques moyens que ce soit, quoique
la difficulté se réduise à un quasi impossibilité (i). »
(i)
■^°i
4
Ricard, Des dispositions conditionnelles. lbid> > n°. 3.22.J
> ff- Do statu liber.
�/ ( 8 )
La condition contraire aux bonnes mœurs a une lati
tude telle, qu’il faudroit recourir au Code pénal pour
y chercher des exemples. Sans doute, si une libéralité
imposoit pour condition des actes de débauche, ou toute
autre turpitude, il y auroit lieu à l’application de la loi.
D olive (i) rapporte un arrêt du parlement de Toulouse,
au sujet d’une donation faite à une religieuse, à condi
tion qu’elle renonceroit à ses vœux pour embrasser la
religion protestante. Cette condition étoit contraire aux
bonnes mœurs, parce que la religion catholique étant
alors dominante, c’étoit exiger une action scandaleuse.
O n pourroit ici examiner s’il est vrai que la renoncia
tion à une succession future soit contre les bonnes mœurs;
mais comme cette expression n’a été employée par les
lois que comme motif de prohibition, cet examen sera
renvoyé un peu plus loin.
L a condition prohibée par la loi auroit bien plus
d’étendue encore, s’il falloit l’appliquer à toutes les pro
hibitions d’intérêt privé, comme les héritiers Chassaigne
l’entendent. Par exemple, la loi défend d’établir l’égout
des toits sur le terrain d’un voisin ; elle défend à un
usufruitier de co up er des arbres; elle défend à un tuteur
d’acheter les biens de ses pupilles; elle défend de vendre
le bien d’autrui, etc. Faudroit-il donc pousser l’exagé
ration jusqu’à soutenir qu’un donateur ne pourra pas
imposer à son donataire la condition, ou de souffrir les
eaux de son voisin, ou de laisser couper quelques-uns
(x) Dolive, livre i , chap. 4.
de
�( 9 )
Z ô l
de ses arbres, ou de respecter l’acquisition faite par son
tuteur, ou enfin de consentir à la vente de son ten-ain,
faite ou à faire, par une tierce personne?
Il faut, suivant les auteurs déjà cités, distinguer les
cas de prohibition qui ne tiennent qu’au droit p rivé,
de ceux qui tiennent au droit public. Car la loi n’a eu
pour objet d’interdire que les conditions attentatoires
au droit public; autrement, et comme le dit D om at,
« lorsque les conditions dépendent uniquement du fa it
« de la personne à qui le testateur les a imposées, elles
« doivent s’accomplir comme il l’a réglé , et aussitôt
« que Vexécution "peut en être fa ite ...................... soit
« qu’elle consiste à faire ou ne pas faire , quitter ou
« donner, etc. (i). »
Domat ne cite aucun exemple ; mais Ricard (2) nous
apprend qu’une difficulté s’étoit élevée entre les juris
consultes, pour savoir s’il y av o it lieu de regarder comme
condition prohibée par les lois celle en vertu de laquelle
un testateur auroit fait un legs à son pupille, à condition
qu’il ne demanderoit pas la reddition de son compte.
On sait en effet combien est irritante la prohibition
de la loi contre tout pacte fait avec le tuteur pour la
décharge du compte non visis tabulis ; et comme le
tuteur tient son mandat de la justice, qui protège spé
cialement la minorité, il pouvoit en résulter que, sous
ce rapport, la question tenoit à l’ordre public.
Mais Ricard nous apprend que cette condition est va(1) Domat, liv.
5,
tit. i cr. , sect. 8.
(2) Dispositions conditionnelles, ibid. n°.
2
�1 -> •
( 10 )
lable, et que si le pupille veut conserver son action en
reddition de compte , il doit s’abstenir de l’hérédité. C’est
ainsi, en effet, que le prononce la loi romaine par lui
citée (i) *, et cette loi est d’autant plus essentielle à con
sulter dans le texte, qu’elle est rendue sur une préten
tion que les héritiers Chassaigne semblent avoir prise
pour modèle ; car le pupille avoit commencé , comme
eux, à s’emparer du legs, et au bout d’un certain temps
il n’en avoit pas moins réclamé son compte de tutelle.
Pa p illus legatum p rœ tu lit, et postea nihilomimis petit
quidquid ad tutorem suum ex tutella perçenerit. Mais
la loi lui répond que s’il continue de le demander, contre
la condition du testament, il y sera non recevable, comme
coupable de dol : Kespondit s i pergeret petere i d , in
quo contra conditionem fa c e r e t, dolirnali exceptionetn
obstaturam. Cependant la loi termine par dire qu’à cause
de sa minorité, il faudra lui permettre de revenir sur
le passé, et de rendre le legs qu’il a pris, s’il persiste à
vouloir la reddition du compte : JSisi paratus esset,
quod ex causa fideicom m issipercepisset, reddere,• quod
ci œtatis bénéficia indulgendum est.
Maintenant quelle différence peut-on faire entre la
condition de renoncer à un compte de tutelle, non visis
tabuîis, et la condition de renoncer à une succession à
échoir? La prohibition de la loi est moins irritante dans
cette seconde espèce; et fût-elle même plus fortement
exprimée, il n’est toujours question que de l’intérêt privé,
puisque la partie intéressée a toute liberté d’exécuter la
(1) Loi
26,
ff. Do liber, légat.
�( „
)
X ûJ>
condition, sans que le ministère public intervienne pour
s’y opposer.
A la v é r ité , la loi 30, au code D e p a ctis, déclare
nuls tous les pactes et conventions qui seroient faits sur
une succession qu’on attend; et le motif de cette loi porte
que ces sortes de conventions sont contre les bonnes
mœurs.
Mais la lecture de cette loi prouve que cette accusation
d’immoralité ne s’applique qu’à ceux qui traitent entr’eux
sur la succession d’un absent : ce motif cesse si la con
vention est faite en présence de celui de la succession
duquel il s’agit, parce qu’il n’y a plus d’ immoralité lors
que toutes les parties intéressées sont d’accord. Tune et
enim subîatâ acerbissimâ sp e, licebit e is , Mo scientQ
et jubente hitjiisrnodi pactiones servare.
Cette loi étoit en pleine vigueur en 1776. La Cour de
cassation l’a a p p liq u é e , le i « . brum aire an 1 0 , dans la
cause des frères Falcimaigne, du Cantal; et un traité sur
la succession à échoir d’un père n’a été déclaré nul que
parce que le père n’étoit pas présent à l’acte pour y donner
son consentement (1). Cette loi a été appliquée encore
par la même C ou r, le 7 août 1810. Une renonciation
faite à une succession à échoir et à une succession échue,
a été jugée valable, même pour la succession à échoir,
quoiqu’elle fût faite unico pretio, et quoiqu’elle fût di
rigée au profit d’une fille, mais en présence de la mère
de cujus (2). Ces deux ai’rêts prouvent de plus en plus
(1) Sirey, an 10, p. 119.
(2) Denevers, 1810, p. 4 29*
2
\
*
-4 ^
�C
)
que la prohibition de la lo i, dans cette espèce, n’a tou
jours été considérée que comme intéressant le droit privé.
Aucun auteur.n’a mieux expliqué que M. le Procureur
•général Grenier., le sens qu’il falloit donner aux condi
tions prohibées par les lois. Il enseigne qu’il ne faut
l’entendre que des lois tenant à l’ordre public, ou qui
sont du droit public, et qui sont établies pour l’intérêt
général de la société ; mais qu’il n’en est pas de même
des lois particulières tenant au droit p r iv é , et où il ne
s’agiroit que d’un intérêt pécuniaire ; d’où il conclut
qu’un donateur peut imposer à son donataire la condi
tion de renoncer, au profit d’un tiers, à un droit de
cette nature, parce que les lois elles-mêmes permettent
à tout individu de renoncer à son droit : la condition
est alors purement potestative à l’égard du donataire.
Après avoir professé ces principes, l’auteur prend pour
lin de ses exemples le cas même où nous nous trouvons.
« Rien n’empêché, dit-il, un donateur d’imposer à son
« donataire la condition de renoncer à une succession,
« ainsi qu’à une reddition de compte de tutelle : c’est là un
« droit simplement pécuniaii-e*,......... et c’est aussi un de
« ces cas dans lesquels la donation peut av o ir un elfet au
« profit d ’ un tiers, d’après l ’article 1 1 2 1 du C o d e (1). »
L e parlement de Toulouse, si scrupuleusement attaché
aux principes du droit romain, jugea, le i 0r. décembre
1768, qu’une institution contractuelle avoitpu être grevée
de la condition que la future renonceroit à la succession
(1) Traité des donations et testamens, tome i cr. , page
de l’édition in-8°»,
356
�C 13 )
(le sa m ère, et qu’après avoir accepté l’institution, elle
n’étoit pas recevable à se présenter au partage des biens
maternels. Gatelan (1), qui rapporte cet arrêt, en donne
pour motif que la condition étoit très-légale, et n’avoit
rien contre les bonnes mœurs : son annotateur Vedel (2)
ne revient sur cet arrêt que pour s’étonner que la ques
tion ait pu donner lieu à un procès.
Ainsi les héritiers de Ronat ont en leur faveur tous
les principes et toutes les autorités connues ; et ils n’ont
encore examiné la question que sous le rapport d’une
condition imposée par un donateur, de son propre mou
vement , et sans l’accession et la coopération de celui qui
stipuloit la condition en faveur des siens, et comme ac
croissement de sa propre fortune.
Sans doute M. Cottier-Dubost p ou voit, en instituant
sa n ièce, exiger qu’elle ne réclamai rien dans les biens
de scs père et mère; et cette cond ition eût été de rigueur;,
quand même le père et la mère n’eussent pas été là pour
accepter eux-mêmes cette condition au nom de leurs
autres enfans. On vient de le prouver jusqu’à l’évidence.
Mais les sieur et dame de Ronat ont coopéré à l’acte
de 1776; c’étoit à eux à donner une dot h leur fille, et
c’est pour les soulager de ce fardeau que M . Cottier-Dubost
intervient pour assurer toute sa fortune à la future, en
remplacement de cette dot.
Si cette intention n’étoit pas assez clairement exprimée
par la condition qu’il impose , on verroit dans l’acte
(1) Arrêts de Catelan, liv. 2, ch. 21.
(2) Observations sur Catelan, liy. 2 , ch. ai,.
�même que M . Cottier n’a pas voulu laisser d’équivoque,
puisqu’il débute par dire : E n d o t est intervenu le sieur
C o ttie r -D u b o s t, lequel, etc. ; après cela, et de peur
qu’on ne se méprenne encore sur son projet de rem
placer la dot de la future par ses propres biens, il dé
clare que son institution doit en tenir lieu à la future,
en sorte qu’elle n’ait rien à prétendre dans la succession
de ses père et m ère, tout ainsi et de même que si la
dite donation eût été f a i t e par ses dits père et mère.
D ’après une déclaration aussi précise, conçoit-on que
les héritiers Cliassaigne puissent prétendre aux deux suc
cessions dont ils sont exclus, sans renoncer à celle qui
ne leur a été donnée qu’à titre d’indemnité et de rem
placement. Qu’ils l’appellent, s’ils veulent, une simple
dot ou légitime, elle n’en est pas moins réputée dot profectice, comme si elle étoit provenue des père et mère,
dès qu’elle avoit été donnée en contemplation d’eux et
en leur nom.
On citeroit sur ce point l’opinion de Basmaison (i)
et de M. Chabrol (2), sur la coutume d’A u vergn e, s’il
n’y avoit ici qu’une simple dotation faite par un colla
téral, parce que ces auteurs en induisent la présomption
de droit que cette dotation est toujours présumée faite à
la décharge du père. Mais ces opinions deviennent ici
superflues, puisque M . Cottier a spécialement dit que
tel étoit le motif de sa libéralité. Mais comme ces auteurs
tirent de cette simple présomption la conséquence que
(1) B asm aison, art.
35,
titre 1 2.
(2) C h a b r o l, tQmç a , page 488.
�( i5 )
¿ C ô .?
la fille , ainsi récompensée par un collatéral, n’a pins
d’action pour demander une dot, malgré la réserve ex
presse de la coutum e, il faut dire , à bien plus forte
raison, que la fille dotée au triple de ce qui lui reviendroit dans la succession de ses père et mère, n’a rien à
prendre dans ces successions, lorsque telle a été la con
dition expresse de sa dotation.
O n ne veut pas conclure de tout ce qui a été dit,
que les héritiers Chassaigne soient fo rcés de s’en tenir
à la loi qui leur a été faite en 1776. La loi du 8 avril
1791 ayant rappelé les filles mariées et renonçant aux
successions futures, rien ne les empêcheroit de revenir
contre la renonciation de leur mère, s’ils veulent renon
cer aussi à la succession de M . Cottier, et la rapporter
avec les jouissances, puisqu’un don conditionnel ne peut
pas être scindé, d’après les principes.
On ne peut pas s’étonner q u e , dans ce cas, les Liens
Cottier doivent être rapportés à la succession de Ronat,
puisqu’il les a donnés à un des enfans du sieur de Ronat,
de sa part et à sa décharge. Il n’y a rien là qui ne soit
conforme à l’équité et aux principes. On lit dans Rousseau-Lacombe (1) : « Dot donnée par un étranger, con« templatione patris, est profectice, sujette à rapport,
« et s’impute sur la légitime. » Sur quoi il cite la loi
10, §. 6, D e vulg. et pup. su bit,, et l’opinion de D u
moulin et de Godefroi.
Ce rapport, s’il est offert, doit etre fait par moitié,
(0 Recueil de jurisprudence c iv ile , V?. Rapport à succès-,
sion, sect. 3 , n°. 1.
,
�(
)
h la succession échue du sieur de Ronat père, et à celle
à échoir de la dame de R o n a t, puisque les biens du
sieur Cottier ont été donnés comme dotation J'aite par
eux.
Cependant les héritiers Chassaigne font plusieurs ob
jections, qu’ils disent fondées en droit, pour fortifier
leur système. Il reste à les parcourir pour y répondre.
RÉPONSE
AUX
O B JE C T IO N S.
L e sieur Cottier, d it-o n ,
parloit à une époque où la forclusion étoit de droit ; il
a parlé dans ce sens; il n’a pas prévu l’abolition de 1791 :
cette loi a éteint une condition qui n’étoit que la con
séquence de la forclusion.
RÉPONSE. II.ne faut pas rechercher ce que le sieur
Cottier a pu penser tout bas, mais seulement ce qu’il a
pensé tout haut et par écrit. Les filles forcloses, que les
vieux coutumiers disoient être quasi anciîlœ , raro locupîetes, avoient la plus mince part; et la dame Chas
saigne a eu la plus- forte. P eu t-e tre le sieur de Ronat
l ’eut retenue dans sa maison comme héritière, si le sieur
Cottier n’eût voulu la retenir dans la sienne. Ainsi, il
ne faut pas rêver une forclusion, là où il y a une ins
titution à la décharge des père et mère. C’est pourtant
sur ce rêve qu’est fondée toute la série d’argumentations,
qui mènent à une conséquence fausse.
- Elle est fausse, quand même il y auroit une forclusion ;
car la loi qui les abolit n’a fait que rendre aux filles'-la
qualité d’héritières, sans dissoudre les conventions, autres
que
P
r em ière
o bjectio n .
�( 17 )
H
que la renonciation elle-même. Une fille qui a renoncé,
moyennant une dot, ne peut pas garder la dot et avoir
la succession : de même unefille qui a renoncé à 5o,ooo f.y
moyennant une institution de i5o,ooo f r . , ne peut pas
garder l’institution et avoir les 5o,ooo f r . ; c’est-à-dire,
la chose et le prix. U bi eadem ra tio , ib i idem ju s statuendum.
E n fin , la clause de 1776 semble avoir prévu l’ob
jection pour l’éviter; car s’il y est d’abord parlé de dot,
il n’y a pas moins renonciation à tout ce que mademoiselle
de Ronat auroit à espérer et prétendre dans les suc
cessions de ses père et mère. On ne la regardoit donc
pas comme forclose de droit. Les héritiers n’ont donc
pas la ressource de laisser entendre que l’institution n’é
tant le prix que d’une forclusion ou d’une légitime de
droit, il faudroit au moins leur donner ce qui excè d e
cette lé g itim e , p o u r atteindre leur portion dans les trois
quarts assurés par la loi actuelle. Car si la renonciation
doit avoir son effet à cause du .prix, elle comprend tous
les droits successifs, tels que la loi du décès les règle.
Ce seroitj encore une fois, scinder une clause qui doit
être exécutée toute entière, ou rejetée toute entière.
Dans le fait, on se trompe lorsqu’on dit que la for
clusion étoit de droit. Une très-forte portion des biens
de M. de Ronat se trouvoit en pays de droit é c rit, et
de Bourbonnais, pays qui n’admettoient la forclusion
qu’autant qu’il y avoit renonciation moyennant un prix;
et puis la forclusion légale cessoit avec les maies, tondis
que la renonciation moyennant un prix duroit tant qu’il
y ?Yoit des enfans, fils ou filles; en ce sens, du moins,
3
�ilû
V/A
( 18 )
qu’on ne pouvoit écarter la renonciation sans rapporter
le prix.
»
L ’institution du sieur Cottier
n’étoit qu’une espérance ; il pouvoit vendre et hypo
théquer : on auroit donc renoncé à deux hoiries pour
une chimère.
R é p o n s e . On apprenoit, dans les cours de logique,
que ah actu ad posse valet consecutio ; mais on ne
disoit pas : A posse ad actum. Si M . Cottier avoit
vendu ou hypothéqué ses biens, on diroit qu’il l’a p u ,
parce qu’il n’y avoit qu’une institution; et c’est alors
seulement qu’elle seroit une chimère. Mais il est mort
opulent, et son héritière se trouve si bien de la pré
tendue chimère, qu’elle ne veut pas l’abdiquer. Il-ne
falloit donc pas argumenter de ce qu’a pu faire M. Cottier
par ce qu’il n’a pas fait; et c’est sur un second rêve qu’est
encore fondée cette seconde objection, qui n’a pas besoin
d’une plus ample réponse.
Seconde
o bjectio n.
L e Code civil autorise la
demande en partage; l’article 900 annulle les conditionslégales apposées aux donations; l’article 1130 défend
de traiter sur les successions futures; l’article 1389 dé
fend de changer dans les contrats de mariage l’ordre'
légal des successions : la même prohibition existoit par
les lois des 5 septembre 17 9 1, et 5 brumaire an 2.
RÉPONSE. Il a déjà été répondu à l’article 900, en
prouvant que la cqpdition d’abandonner une succession
n’étoit pas prohibée par la lo i, parce qu’elle étoit to u te .
T
roisièm e
o bjectio n .
�( 19 )
dépendante de l’intérêt p rivé, et que si le donataire la
trouve onéreuse, il peut s’abstenir de la libéralité.
L ’article 1130, en défendant des pactes sur les suc
cessions futures, ne dit pas que le renonçant gardera le
prix qu’il en a reçu. Cet article pourroit être contesté
dans son application à un acte de 1776 , puisqu’il est
contraire à la loi 30, D e p a r tis, et aux arrêts cités;
mais ce seroit prolonger la discussion sans nécessité.
L ’article 1389 parle des conventions faites entre épouxf
et il est tout simple qu’ils ne changent pas d’avance
l’ordre de leurs successions. Cela n’a rien de commun
aux donations que peut faire un collatéral à qui la loi
permet de tout donner.
Les lois des 5 septembre 1791 et 5 brumaire an 2
ne disent rien de plus sur la question que l’art. 900 cidessus : il est donc inutile d’y faire une réponse particulière;
cependant on ne peut s’e m pêcher de ren vo y er i ° . aux
Questions de d ro it, de M . Merlin ( 1 ) , pour voir sa
discussion sur l’effet de ces deux lois, et l’arrêt de cas
sation qui la termine en jugeant que la condition de
faire un mariage pour associer à une institution, n’étoit
pas une clause prohibitive, et que l’associé ne pouvoit
réclamer sans exécuter la condition ; 20. aux Questions
de M. Chabot ( 2 ) , qui traite de l’effet rétroactif des
mêmes lois, et rapporte un arrêt de cassation, du 20
janvier 1806, jugeant qu’une rente viagère donnée sous
(1) Tome 2, V n. Condition.
,
(2) Questions transitoires Vy. Condition
riages.
concernant
3 *
les ma
�tax
n
( 20 )
condition de viduité étoit supprimée par le défaut d’ac
complissement de la condition, parce que l’acte étant
de 1789, ne pouvoit pas être régi par les lois posté
rieures.
L ’opinion de M . Grenier,
qu’une donation peut être grevée de la condition de
renoncer à une succession, ou à un compte de tutelle,
11e se rapporte qu’à une succession échue.
R é p o n s e . Il n’est pas possible que ce soit de bonne
foi qu’une semblable interprétation soit donnée à un
passage aussi clair. Gomment peut-on supposer qu’un
auteur aussi instruit et aussi attentif n’ait parlé que d’une
succession échue, en traitant des conditions prohibées
par la loi ? Elle ne défend pas de traiter sur les suc
cessions échues; ainsi, dans ce sens, il ne se présentait
aucune question.
L ’assimilation qui est faite d’un compte de tutelle ,
prouve que dans les deux cas il s’agissoit de choses à
venir et inconnues; car, renoncer à un compte de tu
telle, suppose évidemment que le tuteur ne l’a pas rendu,
et q u ’il a encore les pièces justificatives. L ’opinion citée
se rapporte donc à une succession à échoir.
Q u atrièm e
OBJECTION.
ClNQUlÈME o b j e c t i o n . L ’arrêt de Toulouse, rapporté
par Gatelan, ne peut être d’aucun secours aux héritiers
de R o n a t, parce que le parlement de Toulouse a été
s u p p r im é , et que sa jurisprudence est tombée avec lui.
R é p o n s e . La demanderesse en partage, qui plaidoit
alors, iuvocjuoit aussi la loi romaine qui annullc les
�Z iô
(> ■ )
conditions contraires aux lois ou aux bonnes mœurs.
L e parlement de Toulouse a jugé qu’il n’y avoit rien de
contraire aux lois, dans un sacrifice pécuniaire exigé d’un
donataire s’il vouloit garder le don. M . Grenier a eu la
même opinion depuis la suppression du parlement de
Toulouse.
Il s’agit ici de juger un acte de 17 76 , dont la vali
dité ou la nullité ne pouvoit être prononcée que par
les lois de celte époque. Les arrêts des parlemens restent
toujours comme interprètes de la l o i , et il est ridicule
de dire que la suppression a éteint ces monumens de
la jurisprudence.
Basmaison , Cliabrol et D u
moulin parlent d’une dot faite ex contemplatione patris.
Ici, au contraire, M . Cottier n’a pas eu cette intention,
parce que M . de Ronat lui étoit étranger. Il avoit élevé
la dame Chassaigne, ainsi le don étoit en contemplation
d’elle seule. L ’acte de 1778 dit expressément qu’il lui
donne le quart réservé , pour l’amitié qu’il lui porte.
R é p o n s e . Il n’est donc pas possible de rencontrer,
Si x i è m e
o bjectio n
.
même en point de fa it, une objection qui ne soit une
chicane. Les parties ne plaident pas sur l'acte de 1778,
ni sur celui de 1 7 7 6 , qui expriment littéralement et
en plusieurs manières, que M . Cottier n’a donné son
bien qu’à la décharge de M. et madame de Ronat; ce
qui est encore plus fort pour désigner qu’il a été libéral
en contemplation d’eux. Il suffit de renvoyer à ce qui
îi ¿té observé là-dessus, sans le répéter.
L ’acte de 17 78 , au lieu de prouver eu faveur des
�W fc
( 32)
héritiers Cliassaigne, prouve, au contraire, que quand
le sieur Cottier a voulu donner à sa nièce, en contem
plation d’elle seule et sans condition, il a fort bien su
le faire entendre. Ainsi la dame Cliassaigne auroit pu
garder le quart donné en 1778, et ne pas accepter la
donation de 17 7 6 , si la condition de celle-ci lui eût
paru trop onéreuse.
La dot n’est réputée profect ic e , que si elle est donnée par le père ou l’aïeul ; mais
non celle donnée par un étranger : tel est l’avis de Domat.
L ’article 85o du Code n’exige le rapport qu’à la suc
cession du donateur. M. Cottier a voulu que le retour
eût lieu à ses héritiers.
R é p o n s e . Une règle générale est une mauvaise cita
tion , à moins qu’elle n’exclue positivement toutes les
exceptions. Sans doute, si M . Cottier avoit doté sa nièce
sans condition, la dot ne seroit pas réputée profectice ;
mais la règle générale cesse lorsqu’il y a clause contraire.
L ’article 85 o , qui n’est aussi qu’une règle générale
sans application, ne devoit pas être séparé de l’article
843, q u i exige le rapport à la succession du défunt de
ce qui a été donné directement ou indirectement, à
moins que le don n’ait été stipulé hors part.
Précisément madame Cliassaigne a l’eçu indirectement
de ses père et mère les biens Cottier, puisque c’est pour
eu x qu’il les a donnés. Bien loin de dire qu’il les donnoit hors p a r t , il a spécialement dit qu’elle n’auroit
aucune p a r t, si elle vouloit les prendre. Ainsi toutes
les citations des héritiers Cliassaigne, loin de leur Être
Septièm e
o bjectio n .
�(
23
)
utiles, prouvent au contraire de plus en plus qu’aucune
loi ne condamne la condition dont ils voudroient s’af
franchir.
;
Leur observation du retour prévu aux héritiers Cottier
n’a aucun b u t, puisque le cas prévu n’est pas arrivé.
Si la dame Chassaigne fût morte sans enfans, il n’étoit
plus besoin de la doter en contemplation du père, et
alors les choses doivent reprendre leur cours naturel ;
mais ses enfans existent, et s’ils veulent partager la suc
cession qui, dans les deux cas prévus, eût été affranchie
de leur portion, la donation devient de plein droit l’in
demnité de ce qu’ils en retrancheront. Les héritiers de
Ronat ont intérêt et qualité pour réclamer cette indem
nité du chef de leur père, et comme héritiers institués,
présomptifs de leur mère. D ’ailleurs, si l’abdication est
faite par les héritiers Chassaigne, avec offre des jouis
sances , le porteur de procuration de m adam e de Ronat
sera présent à l’audience, pour accepter cette abdication
et intervenir au partage, afin d’y réclamer ses droits, et
prendre enfin toutes les conclusions qui seront dans son
intérêt.
Il répugne à la loi actuelle
que des filles forcloses, rappelées, excluent une autre
fille forclose : la loi les rappelle toutes. M . de Ronat
l ’a reconnu ainsi, en ne disposant que d’un quart pour
ses deux fils. Il leur auroit de plus donné la part de la
dame Chassaigne.
R é p o n s e . Déjà i l a été p r o u v é q u e l ’abolition des
forclusions est une loi inutile à lu dame Chassaigne, si
H
u itièm e
objectio n .
�24
on n’offre pas le rapport du prix qu’elle, a reçu pour
renoncer. Les autres filles ne l’imitent pas,' puisqu’elles
rapportent ce qu’elles ont reçu. La dame Chassaigne
n ’étant ni ne pouvant être forclose aujourd’h u i , est
comme un héritier qui répudie aliquo dato ; il ne fait
plus nombre parmi les héritiers, et on partage comme
s’il n’existoit pas. Il n’y a donc plus que six successibles;
et M. de Ronat n’a p u , depuis le C ode c i v i l , disposer
que d’un quart. Il n’a exprimé aucune intention en se
bornant à léguer la quotité disponible.
L . F. D E L A P C H I E R .
A RIO M , de l’imp. de TH IB A U D , imprim. de la Cour royale, et libraire»
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Ronat. 1814?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Subject
The topic of the resource
donations contractuelles
renonciation à succession
contrats de mariage
pays de droit écrit
forclusion
dot
successions
donations d'un collatéral
coutume du Bourbonnais
partage
conflit de lois
donations
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour les héritiers de Ronat ; contre les héritiers Chassaigne-Dubost
note manuscrite : « arrêt. Voir journal des audiences, 1814, p. 205 ».
Table Godemel : Institution d'héritier : 10. une institution contractuelle grevée d’une condition (celle de renoncer, pour l’institué, à tous droits dans les successions de ses père et mère), doit-elle être exécutée ? le donataire, après avoir accepté l’institution, peut-il refuser de remplir la condition, quoiqu’il prétende retenir tout l’effet de l’institution ? cette condition est-elle contraire aux lois et aux bonnes mœurs ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1814
1776-1814
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2112
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_G2113
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53408/BCU_Factums_G2112.jpg
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Saint-Victor-Montvianeix (63402)
La Boutière (domaine de)
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Domaine public
conflit de lois
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
donations
donations contractuelles
donations d'un collatéral
dot
forclusion
partage
pays de droit écrit
renonciation à succession
Successions
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Text
c
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é
e / d'Voceof
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r
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A CONSULTER,
SUIVI DE CONSULTATION.
�v' G E N E A L O G I E
D U
C O T É
CO TÉ DES P R A L O IS .
P A T E R N E L .
Guillaum e P a s t i e r ,
M arguerite Pastier,
à
sœur de G u i ll a u m e ,
à
N..............
de~J àteiu/
ÇiÆezi~^ tPadiei/-, j3tètte~^>
G É N É A L O G I E
Gilberte P ra lo is ,
DES
P R A L O I S ,
CO TÉ
M A T E R N E L .
A nn et-G ab riël P ra lo is , frère de G ilb erte ,
à
Gilbert Delesvaux.
M arie-M agdelaine A y m é .
Gilbert Baudon.
M arie
C lau d e P a s tie r ,
M arie
à
M arie D elesvaux.
Claude Pastier.
Nota. Po in t d’ héritiers
du côté des D e le s v a u x .
J . - B . Bouchard.
i.
2.
3.
Ann et ,
Marie,
N .......P ra lois,
prêtre,
à
à
à Senat.
N ....... Lucas.
N ....... Maudosse.
Etienne Debar.
N ....... Dubuisson.
Marie
G ilb e r te ,
A n t o in e - M a r ie n ,
M a g d e la in e ,
ù
à
à
à
N ,... Delesvaux.
Jean M urgheon.
Françoise Delafaye.
A ntoine Montpied.
M arie,
Jean A lexa n d re ( * ) ,
F rançolsc-G abriclle ,
N ....... M o n tp ie d ,
à
à
h
à
N > L o iie l Guilluis.
Denise Bouchard (*).
J.n-M ichel P a illa rd .
5.
M arie-A n n e,
N .......Pralois,
à
Gilbert •
I.
2.
Gilbert Pastier,
M arie-Francoise
p r ê tre ,
( f sans postérité ) ,
.
de eu,jus
D en ise (*)
J .-A l. Murgheon (*)•
de eu ju s.
à
M icIieUGilbert Ju ge.
N .......Gobet.
�- J^aéüeu
G IE
D ES
P R A L O IS ,
COTÉ
M A T E R N E L .
Annet-G abriël P ra lois, frère de G ilb e r le ,
Guili
M arie-Magdelaine A y m é .
N..
Gl¡
3.
4-
5.
M arie-A nne ,
N .......Pralois,
à
à
à
N ...... Maudosse.
Etienne Debar.
N ....... Dubuisson.
G i lb e r te ,
A n to in e-M a rien ,
M ag d e la in e,
N .......Pralois j
Ma
lucas.
à
G
•svaux.
sy
i uilluis.
à
Jean Murgheon.
Françoise Delafaye.
Antoine Montpied.
Jean A lexa n d re ( * ) ,
Françoisc-GabrlcUe,
N ....... M ontpied,
à
h
à
Denise B ouchard (*).
J.»-M ichel P aillard.
N ...... Gobe».
�21$
M E M O I R E
A CONSULTER,
ty, j
SUIVI DE CONSULTATION,
POU R
Dame
DEBAR,
F r a n ç o is e -G a b r ie lle
J ea n - M ic h e l
d a m e héritière
PA ILLA R D ,
de
défunt
son
G ilb e r t
et le sieur
mari , ladite
PASTIER ,
prêtre ;
CO N TR E
L e s prétendant droits à la succession d u d it d éfu n t
G ilbert
M
a
d
a
m e
défunt Gilbert
nouvellement
P A S T IE R .
Paill a rd , née D e b a r , est- héritière de
Pasti e r , ancien curé de Charroux ,
décédé.
Elle
réclame c e tte hérédité
î^iiA
u
�'CULX
( 2 )
en ver! 11 de la disposition de son contrai de m aria ge ,
et c o m m e parente dans la ligne maternelle.
11 se présente d’autres héritiers de plusieurs sortes,
les uns en vertu des dispositions contenues en leur
contrat de mar iage, un autre en vertu d ’un testament
olographe du défunt.
P ° ur apprécier le mérite de ces réclamations di«^¿»Sj'erses, il faut
«»¿t?;
faire connaître l ’état de la famille ,
contrats de mariage sur lesquels on appuie
des
-k - ^ p r é t e n t i o n s et le testament lui-même.
O n voit par la généalogie c i - c o n t r e , que Gilbert
Pastier de cu jtis , n ’a laissé des parens q u ’à un
degré assez éloigné.
O n ne connaît pas de parens du c h e f de M a ri e
D e l e s v a u x , sa mère ; il n’y a q u ’ un seul descendant
du
côté
des P a s t ie r ,
qui
est
D enise
B ouchard,
mariée à J e a n - A l e x a n d r e M a r g h e o n , tous les deux
vivans.
D u c h e f de Gilberte Pralois, aïeule maternelle du
défunt ,
les
parens sont
assez
nombreux;
Jean-
A l e x a n d r e M u r g h e o n , ép oux de Den ise B o u c h a r d ,
descend l u i - m ê m e de cet estoc.
M a d a m e Paillard, née D e b a r , est fille d ’Antoin eM a ri e n D e b a r , cousin
issu
de germain
de défunt
Claude Paslier.
L a suite de la discussion établira q u ’on ne doit pas
�( 3 )
¿ 4 3
s’ occuper des aulres parens qui descendent aussi des
Pralois.
L e domicile et les biens du
en Bourbonnais. L e
défunt étaient silués
5 septembre 1 7 9 3 , avant la p u
blication des lois prohibitives, en ligne collatérale ,
le sieur
Pastier
de c u ju s
intervint au contrat
de
mariage de J e a n - A l e x a n d r e M u rg h eo n et de Denise
Bouchard ; les mères des futurs étaient au nombre des
parens les plus proches du sieur Pastier ; mais elles
avaient cessé de vivre à cette époque. L e sieur Pastier
déclare dans le con tr at, q u ’il rappelle les futurs à sa
succession , « chacun pour ce qui les concerne par
« représentation de chacune
leur m è r e " , mais à la
charge par les futurs d ’associer audit rappel leurs frères
et sœurs.
L e 27 du m ê m e
mois
de
septem bre
1793,
ma
demoiselle D eb ar épouse J e a n - M i c h e l Paillard.Le sieur
P astier
intervient à ce contrat de m ariage; le père
de la demoiselle D e b a r vivait e n c o r e , et le mariage
a lieu sous son autorité.
L e sieur Pastier y déclare « q u ’en contemplation du
« présent
mariage , reconnaissant
que
ledit
sieur
« Ant oine-Marien D e b a r , père d e l à f u t u r e , est l ’ un
« de ses héritiers présomptifs le plus p r è s , et voulant
« prévenir toute discussion à sa succession sur le droit
« de représentation q u ’aurait la futu re, si son père
« venait à décéder avant ledit Pastie r, il a , par ces
« présentes, volontairement rappelé la future etlessiens
�( 4 )
« à sa succession, audit cas de prédécès du s.r D e b a r , .
«■pour la m êm e portion q u ’aurait droit de prendre
« le sieur D eb a r s’il survivait au sieur P a s t i e r , à la
« charge toulefois d ’associer A n n e t - G a b r i e l D e b a r ,
« son frère ou ses héritiers, pour moitié au présent
v ra p p e l , etc. ».
L e i8 mai 1810 ; défunt sieur Pastier a fait son
testament ol ographe; il c o m m e n c e par déclarer q u ’il
ve u t profiter de la faculté que lui accorde le C ode
N a p o l é o n , de disposer de ses biens ainsi q u ’il a v is e r a ,
en m aintenant les dispositions légalement fa ite s .
P a r une première disposition, il confirme le rappel
p o r té par le contrat de mariage du 5 septembre 1 7 9 3 ,
e n faveur de J ean-Alexandre M u r g h e o n , et de Denise
Bouchard , pour les portions héréditaires seulement
qu e l ’un et l'autre ont droit d ’am end er dans sa su c
cession ; il veut en outre que ce rappel soit ex écuté
chacun en ce qui les concerne et par tête ; mais il
rév o q u e les clauses d’association faites au profit de leurs
frères et
sœurs
, q u ’il croit n’avoir pas été saisis dès
q u ’ils ne contractaient pas;
2 ° Il rév o q u e le rappel fait en fa ve ur d’A n n e t Gabr iël D e b a r , frère à la dame D e b a r , épouse de
M . Paillard ;
3.° Il donne et lègue à François Pastier, e m p l o y é
à la recette gé nér ale de C l e r m o n t , sur tous les biens
non compris d a n s le rappel, une somme de 4-OjOOo fr.
�( 5 )
H S
à prendre sur le pins clair desdits b i e n s , sans être
te nu à aucune charge ni dette à cet égard ;
4.0
Il institue en outre le m ê m e François Pastier
son héritier du surplus de ses bie ns, à la charge par
lui de p a y e r , a v e c les rappelés à sa succession, et
par portion égale entr’e u x , toutes ses dettes.
Il fait ensuite des legs particuliers au profit de sa
do m est iq u e, et quelques legs dont il est assez inutile
de s’occuper.
Il
n o m m e pour son
exéc ut eu r testamentaire le
m ê m e Jean-François Pastier. Il est b on de remarquer
que ce Jea n- Fra nço is Pastier n ’a d ’autre affinité avec
le testateur, que l ’avantage de porter le m ê m e n o m ;
ou au moins il ne lui appartiendrait q u ’à un degré
si éloigné , q u ’ il n e sa ur ai t pas m ê m e t ’i n d i q u e r .
Ap rès la mort du sieur Gilbert P a s t ie r , les scellés
ont été apposés à la requête de l’héritier testamen
taire qui se trouvait sur les lieux,- on n’a pas daigné
p r év en ir la dame Pa ill ard , q u i , cependant par p r é
c a u t i o n , a formé opposition à la rémotion des scellés.
M a d a m e et M. Paillard désirant être éclairés sur
les droits q u ’ils ont dans cette succession, proposent
au conseil les questions suivantes :
i.° Quel est l ’effet du rappel porté en leur contrat
de m a r ia g e ?
2 -° Quelle portion amendent-ils dans cette successsion ?
�< |V'
( 6 )
3 .° Leurs droifs d o i v e n t - i l s se régler d ’après la
C o u tu m e de Bourbonnais , qui régissait les parlies
à l ’époque de
leur
co n t r a t , ou d ’après le C od e N a
poléon qui règle actuellement le m ode de partage?
4.0 Quelle porlion rc vie n l-i l aux autres cohéritiers?
5 .° Quel sera l’effet du testament fait sous l’empire
du C o d e ? En quoi consistent les droits de l’héritier
testamentaire ?
^ L E S J U R I S C O N S U L T E S A N C I E N S soussignés, qui
ont pris lecture , i.° de l’extrait du contrat de mariage
de J e a n - A l e x a n d r e Murglieon avec Denise Bo u ch ard ,
du 5 septembre
de
dame
1793;
2°
du contrat de mariage
Françoise - Gabrielle
Debar
a vec J e a n -
M i c h e l Paillard, du 27 septembre de la m ê m e a n n é e ;
3 .° du testament olographe de Gilbert P a s l i e r , du
18 mai
1 8 1 0 , de la généalogie des Pastier et du
m é m o i r e à consulter,
E s t i m e n t , sur les questions p ro po sée s;
Q u ’il convient en première ligne de définir ce q u ’on
entend par ra p pel, et quel doit être l ’effet de cette
disposition.
Elle était fort usitée en C o u tu m e de Bou rbonnais,
ou la représentation n ’avait lieu en ligne collatérale,
q u ’entre frères et s œ u r s , et descendans de frères et
sœurs.
Hors les termes de la repré sen tation, les héritiers
�( ? 3
les plus proches succédaient par
u y
têles et non per
siirpes. ( A i t . 3 o6 de la C o u t u m e ) .
Il est assez simple q u ’on dût succéder par tête ,
toutes les fois q u ’on était hors des termes de la r e
présentation, parce q u ’on ne peut succéder par souche
q u ’autant q u ’on se met à la place de que lq u’ un , et
q u ’on prend ce q u ’il aurait pris; c ’e s t - a - d i r e , q u ’il
faut représenter pour succéder per siirpes ; et lors
q u ’on vient de son c h e f , on ne doit succéder que par
te le.
»
D a ns ce dernier cas , l ’héritier le plus prochain en
d e g r é , excluait
éloigné ,
ce ux qui étaient à un degré
successlo
ex tra
plus
terminos representationis
p rp xim io ri defertur. Decullant.
Mais celte m ê m e c o u t u m e é t a i t c e q u ’ o n appelle
d'estoc et lig n e, ce qui veut dire que les biens retour
naient à l ’estoc d’où ils étaient p r o v e n u s , ce qui a
besoin encore d’explication.
O n distinguait les meubles et acquêts d ’a vec les
propres naissans et les propres anciens.
A l ’égard des meubles et a c q u ê ts, il se divisaient
en deu x parts, moitié aux héritiers paternels les plus
p r o c h e s , l ’autre moitié aux héritiers maternels les
plus prochains.
L es propres naissans appartenaient aux plus proches
héritiers du côté et ligne de celui par la mort duquel
ils lui étaient avenus.
�• Quant aux propres a n c i e n s , ils appartenaient aux'
parens les plus proches du défunt , du côté et ligne
d ’où
ils étaient prove nus , q uo iq u’ ils ne fussent pas
les parens les plus prochains du d é f u n t , art. 3 i 5 de
la Coutum e. A u r o u x , sur les art., n.° n , 12 et suiv.
Cette différence , dans la nature et l ’origine des
biens, pour en régler la transmission, a beauco up
exercé les commentateurs de cette C o u t u m e , et donné
lieu à de grandes discussions ; la circonstance que la
succession est ouverte sous le Code N a p o l é o n , dispense
de se livrer à un ex a m en plus profond de
celt e
question, ainsi q u ’on va bientôt l’établir.
Mais il faut en venir au r a p p e l , et il est évident
que le sieur Pastier n ’ignorait pas la disposition de
la C o u tu m e sur les termes de la représentation ; il
savait aussi que le sieur D e b a r , son cousin issu de
g e r m a i n , était un de ses plus proches héritiers; il
craint que le sieur D e b a r ne vienne à le p r é d é c é d e r ,
et que ce prédécès exclue sa fille de sa succession,
parce q u ’elle pourrait ne pas se trouver en degré utile;
il prend le parti de la r a p p e l e r , et de lui assurer la
po rtion que son père aurait eue s’il lui survivait.
C ett e disposition éventuelle est faite entre vifs, par
contrat de mariage , sans aucune réserve , et a un
caractère d ’irrév oc abilité, auquel le testateur n ’a pu
déroger dans la suite ; il avait alors le droit de faire
toutes les libéralités q u ’il lui plaisait. L a première loi
prohibitive
�(9)
prohibitive
n’est
que du
^4 ^
5 brumaire an
2 ( no
vem b re 1 7 9 4 ) .
Quel a été Feiïet de ce ra p pel ? sans contredit, la
dame Paillard a été mise par ce m o y e n à la place de
son p è r e , si celui-ci mourait avant le sieur Pastier;
et ce der n ie r, par celte disposition, a dû laisser sa
succession ab intestat par rapport au rappelé.
I l est sans contradiction que la dame Paillard doit
prendre dans la succession du sieur Pastier, tout ce
que son père y aurait pris, s’il élait vivan t à l ’o u
verture de la succession de Gilbert Pastier.
A la v é r i t é , la dame Paillard était chargée d ’associer
son frère à ce r a p p e l , mais ce frère ne contractait
pas , et n’était pas saisi; c ’était la dame P a i ll a r d , qui
seule était i n v e s t i e cia l i t r e : s o n f rè r e n e pouvtùt
recevoir que d ’elle; c ’était une condition que le sieur
Pastier avait mise à sa libéralité.
Mais en m ê m e tems cette condition était onéreuse,
dès-lors révocable à volonté de la part de l ’auteur de
la disposition. L a faveur due aux contrats de mariage
a fait admettre ce principe, que toutes les clauses
onéreuses sont révocables au profit des mariés.
O r le sieur Pastier ayant par son testament r é
vo q u é la condition de l’association, il en résulte que
la dame Paillard vient exclusivement prendre la portion
qui reviendrait h son p è r e ; la part destinée à son
frère ne peut accroître q u ’à elle ; le sieur Pastier a
3
�disposé de ioute la portion que D e b a r père devait
recueillir.
L a dame Paillard étant ainsi mise à la place de
son p è r e , on doit la considérer c o m m e parente ail
m ê m e degré que le père, c’e s t-à -d ir e , c o m m e cousine,
issue de g e r m a in e , du défunt; alors elle se trouve la
parente la plus prochaine du défunt ; de sorte que
sous la
coutum e m ê m e , elle aurait exclu tous les
pai ens à un degré plus é l o i g n é , aurait succédé par
moitié aux meubles et acquêts, c o m m e héritière m a
ternelle , et à tous les propres anciens provenus des ^
Pralois dont elle descend.
C e qu’ on dit de la dame P a i ll a r d , s’applique éga
le m e n t à Jean - A le xa ndre
Murgheon
et à Denise
Bouchard sa f e m m e ; leurs mères à la vérité n'existaient
plus lors de leur m ar ia ge ; elles étaient aussi cousines,
issues de germ aines , du d é f u n t ; il a mis les ép oux à
la place de leurs mères. M u r g h e o n , c o m m e la dam e
Paillard descend des Pralois; il se trouve au m o y e n
du rappel au m ê m e degré que la dame Paillard : il
aurait donc succédé co ncurremment et par tête sous
l ’ancienne l o i , avec la dame Paillard.
A l’égard de Denise Bouchard , fe m m e M u r g h e o n ,
elle ne descend pas du m ê m e estoc; elle appartient
a la' ligne P a stie r ; elle se serait e n c o r e , sous la C o u
t u m e , trouvée seule au degré pour succéder dans sa
l i g n e ; par conséquent , elle aurait
meubles et
pris moitié des
acquêts , les propres naissans
provenus
�( ii
)
2 SI
jt fj
des P a s t i e r , et les propres anciens qui auraient eu
la m ê m e origine.
. !
Mais il ne faut plus aujourd’hui raisonner d ’après
la C ou tu m e : ce n ’est plus elle qui doit régler le mode
de partage de la succession de Pastier.
L e rappel fait en faveur des ép ou x M u r g h e o n , et _
de la dame Paill ard, a bien un effet présent quant
à l ’irrévocabilité de la disposition ; c’ e s t - à - d i r e , q u ’il
assure à la dame Paillard un droit certain à la suc
cession , mais la
portion
q u ’elle prendra
n’est pas
d é t e r m i n é e , et ne peut être connue q u ’à l’ouverture
de la succession ; c ’est là que la dame Paillard est
r e n v o y é e pour s u cc é d e r, c o m m e son père l ’aurait
fait s’il ne fût pas mort avant Pastier., et celui-ci lui
assure tout ce que la loi qui régira sa s uc c e s s i o n t
aurait accordé à son père.
L e sieur Pastier n’a pu déroger à cette promesse ,
ni régler la portion héréditaire de celui q u ’il a rap
p e lé ; il-s’est engiigé par rapport à l u i, à ne rien faire
qui dérogeât à-ce droit de successibilité, qui diminuât
sa portion lé g a le, quelque changement qui intervienne
dans la législation; en un m o t, il s’est obligé à laisser
sa succession ab intestat.
ar rapport au rappelé.
L a dame Paillaid a m êm e couru la
chance
de
ne rien recueillir, si son père ne s’était pas trouvé
en degré pour s u c c é d e r ,
ou
de prendre toute la
4
j
�U *
( 12 )
portion Cfni lui serait att rib ué e, si son père se trouvait
le païenI le plus proche.
Il est encore sans contradiction que le m o d e ' d e
succéder et de par tager, doit être réglé par la loi
qui est en vigueur à l ’ouve rture de la succession ,
sur-lout pour les successions qui s’ouvrent ab intestat ;
et on vient de voir q u ’il faut considérer sous ce rapport
la succession P a s t ie r , relativement aux rappelés.
L e sieur Pastier l u i- m ê m e a senti que sa succession
devait se régler par le Code Napoléon ; il veut profiter
de la faculté qu'il lui accorde. Il sait et il veut que
toutes dispositions précédentes
et
légalement faites
soient maintenues; il confirme les rappels par lui faits
pr écéde m m en t ; il veut favoriser les rappelés , en ré
vo q uan t les conditions q u ’il y a mises, et dans son
intention bien manifestée, son héritier testamentaire
ne doit rien prendre qu'après que les rappelés auront
eu la portion que la loi leur assure.
O r , quel est celte portion l é g a l e ?
« L a loi ne considère, ni la n a t u r e , ni l’origine
« des biens pour en régler la transmission. (A rt.
« Code N a p o l é o n ) .
« T o u t e succession éc hu e à des
2,
ascendans ou à
« des parens collatéraux, se divise en deux parts égales,
« l’ une pour les parens de la ligne paternelle, Fautre
« pour les parens de la ligne maternelle. (A rt. 7 3 3 ).
« Cette première division opérée
entre les lignes
�( >3 )
2 /3
« paternelles et m atern elles, il ne se fait plus de
« division entre les diverses b ran ch es ;l a portion dé« volue à chaque ligne appartient à l ’héritier ou a u x
« héritiers les plus proches. ( A r t . 784).
Il n ’est personne qui n ’ait reconnu la sagesse de
ce
mode
de
division; il tranche
toute d if fic ulté ,
anéantit une foule de procès ruineux sur l ’origine des
biens, sur la contribution desdettes, sur les refentes, etc.
Déjà
la C o u tu m e
du
Bourbonnais , l ’ancienne loi
des parties, avait adopté cette règle pour le partage
des meubles et acquêts ; et on va voir que la repré
sentation est encore réglée par le C o d e , c o m m e elle
l ’était par cette Coutume.
L ’art. 742 n’admet la représentation en ligne col
l a t é r a l e , q u ’ e n f a v e u r des e n f a n s et d e s c e n d o n s des
frères ou sœurs du d é f u n t . S u i v a n t l ’art. 7 4 3 , le partage
s’opère par souche toutes les fois que la représentation
est admise aux termes de l ’art. 7 5 3 , lorsqu’il n ’y^ a ni
frères ni sœurs, ni descendans d e ‘frères ou de sœurs;
les parens les plus proches succèdent, et lorsqu’il y a
concours de parens collatéraux au m ê m e degré , ils
succèdent par tête.
C e règlement est parfaitement entendu , il ne s’agit
que d ’en faire l’application. L e sieur D e b a r , père
de la dame Paillard , était cousin , issu de
du défunt ; si le sieur D e b a r v i v a i t ,
germ ain,
il serait
le plus
proche parent de sa l ig n e, avec la mère de M u r g l ie o n ,
qui était au m ê m e degré.
�( 14 )
L a dame Paillard et M u rgh eo n sont mis au m ê m e
degré que les ascendans ; ils appartiennent à la ligne
m at e r n e l l e ; moitié de la succession doit être attribuée
à cette l i g n e , quelle que soit la nature et l’origine des
b ie n s ; madame Paillard et M u r g h e o n , parens par
fiction au m êm e degré , se trouvant les plus proches
du d é f u n t , doivent donc recueillir conc urr emment
et par tête, la moitié affectée à leur l i g n e , c ’est-àdire, q u’il revient à chacun le quart des biens délaissés
par Gilbert Pastier.
■ Ma inte na nt que
la
portion revenant à la dame
Paillard est déterminée , il est assez indifférent pour
elle de savoir ce que deviendra la moitié affectée a
la ligne paternelle à laquelle elle est étrangère ; elle
ne doit m ê m e prendre aucune
part aux questions
qui peuvent naître entre l ’héritier de cette ligne et
l ’héritier testamentaire, qui n ’est appelé par la force
de la l o i , et la volonté bien exp rim ée du te sl alp ur,
q u ’après que
les rappelés auront pris ce qui leur
revient.
L a dam e Paillard est bien avertie que le testament
n’a pu faire aucun retranchement dans sa ligne : elle
connaît tout l ’effet que doit avoir son rappel.
Cepe ndant il lui importe de prévenir toute discus
sion avec l ’héritier testamentaire; elle doit m êm e être
en garde sur la qualité q u ’il voudra prendre lors de la
rémolion des scellés et de l’inventaire ; et , dans ce cas,
on doit examiner les prétendus droits de cet héritier.
�( i5 )
2$5
Son tilre s’é v a n o u i t , ses droits s’é t e ig n e n t , et ne
pe uvent résister à la plus légère discussion. D en is e
Bouchard est la seule en ordre de succéder dans la
ligne paternelle; elle se tr o u ve, d ’après la généalogie
qui a été soumise, la cousine issue de germ ain , du
d é f u n t ; elle descend de Guillaume Pastier, aïeul de
Gilbert de c u j u s ; elle est l’héritière la plus proche de
ce ll e l ig n e ; elle le serait sans fiction«, quand m ê m e
elle ne viendrait pas à la place de sa m è r e ; elle est
rappe lé e, en ce qui la conc erne, pour la portion q u ’au
rait recueillie sa mère. L e sieur Pastier, par son tes
t a m e n t , n’a pu ni voulu déroger aux dispositions par
lui c i - d e v a n t faites; il a m ê m e confirmé ce rappel
par le testament.
A u x termes de l’art. 734 du C od e Napoléon , Denise
Bouchard doit r e c u e i l l i r la m o i l i é a f f e c t é e à sa l ig n e ,
il moins q u’il n’y eût d ’autre héritier dans la m ê m e
ligne et au m ê m e degré que la f e m m e Bouchard ; dans
ce cas, l’hérilier testamentaire serait mis à la place de
c e u x qui auraient droit de concourir a vec el le ; mais
si elle est la seule parente au degré utile, l’héritier
testamentaire n’a lie n à prétendre. L e testateur n ’a
pas-été le maître de disposer, au profit d ’ un tiers, d ’ une
chose q u ’il avait déjà d o n n é e ; par conséquent son tes
tament est c o m m e non avenu par rapport au sieur
Pastier; il n’a q u ’ un vain titre, fait au préjudice d ’un
contrat de mariage dont la foi ne peut être violée.
L e sieur Pastier s’abuse, s’il croit avoir un droit quel
�(
16]
conque à la succession de Gilbert de cu ju s. L e partage
de c e ll e succession était déjà réglé par des dispositions
antérieures et irrévocables, que le leslateur a dû res
pecter. Ce n’est que par un mal-entendu qu’il a pensé
que le C ode Napoléon lui donnait le droit de disposer
de ses biens.
L e Code n’accorde cette f a c u l t é , en ligne collatérale,
q u ’autant que le teslaleur n'aurait pas déjà fait des
dispositions e n t r e - v i f s dans un tems utile. L e sieur
Paslier, par les contrats de mariage des 5 et 27 sep
tembre 1 7 9 3 , s’était déjà do nné,des héritiers conven
tionnels. Celui qui a fait un héritier par des libéralités
irrévocables, ne peut plus en faire un second, et son
testament n’aura aucun effet, si ce n’est pour les legs
rémunératoires ou les legs p i e u x , qui doivent avoir
leur e x é c u t i o n , lorsqu’ils ne sont pas excessifs, lorsqu’ils
n e portent pas un préjudice notable aux donataires de
la qualité d ’héritiers.
Ces legs seront acquittés par les rappelés, chacun
dans la proportion de leur amendement.
\
P e u t - ê t r e le testateur a - t - i l pensé q u ’il p o u v a it dis
poser de la portion p r im i ti v e m e n t destinée a u x associés.
C e serait une erreur : la révocation de cette condilion
ne peut profiler et accroître q u ’à ceux qui étaient déjà
investis du titre, malgré la condition qui leur était
im pos ée; ils ont couru la chance du prédécès des asso
ciés,
com m e
ils ont pu espérer une révocation de cette
charge.
En
�t s r
( 17 )
En la r é v o q u a n t , l ’auteur de la disposition ne peut
leur donner d’autres associés malgré eu x -m ê m e s : ils
profitent exclusivement de la révocation.
C ’est donc assez inu tilement que le sieur Pastier a
requis l’apposition des scellés, sans m ê m e prévenir de
cette dém arc h e ce ux qui avaient droit à la succession,
et q u ’il n’a pu méconnaître d’après le testament.
L a dame Paillard a agi prudemment en formant
opposition à la rémotion des scellés; elle oblige par-là
les prétendant droit à l’appeler lors de ce ll e r é m o tio n ,
mais elle ne doit pas s’en tenir à cette démarche pure
m en t conservatoire.
I l est de son intérêt de demander la ré m oti on, de
faire procéder à un inventaire e s t i m a t i f , pour constater
les forces mobiliaires de la succession, sauf ensuite à
demander le partage à ses cohéritiers rappelés c o m m e
elle , e t à faire promptement régler les droits de chacun,
d ’après le mode q u ’on vient de lui indiquer.
D élibéré à R io m , le 26 décembre 1812.
P AGÈS,
L . - F . D E L A P C H I E R , VISSAC , A L L E M A N D ,
J .-C
h.
BAYLE.
A RIOM, de l'imprimerie du Barreau, chez J - C .S A L L E S .
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
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Factums Godemel
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An account of the resource
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A name given to the resource
[Factum. Debar, Françoise-Gabrielle. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Delapchier
Vissac
Allemand
Bayle
Subject
The topic of the resource
successions collatérales
estoc
coutume du Bourbonnais
testaments
conflit de lois
contrats de mariage
paterna paternis
doctrine
généalogie
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter, suivi de consultation, pour Dame Françoise-Gabrielle Debar, et le sieur Jean-Michel Paillard, son mari, ladite dame héritière de défunt Gilbert Pastier, prêtre ; contre les prétendant droits à la succession dudit défunt Gilbert Pastier.
arbre généalogique
note manuscrite « arrêt du 16 février 1814. Voir journal des audiences, 1814, p. 51 ».
Table Godemel : Rappel à succession, stipulé par contrat de mariage, sous l’empire de la coutume du Bourbonnais, a-t-il l’effet d’une institution contractuelle irrévocable ? Ou, au contraire, peut-il être anéanti ou modifié par dispositions entre-vifs ou testamentaires émanées de l’auteur de la disposition ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Barreau, chez J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
1793-1812
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
17 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2114
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2115
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vendat (03304)
Clermont-Ferrand (63113)
Riom (63300)
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conflit de lois
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
doctrine
estoc
généalogie
paterna paternis
successions collatérales
testaments
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Text
------
EN R É P O N S E ,
Pour F r a n ç o i s LE R ASLE , ancien avocat au
parlement de Paris, habitant à Paris, intimé
et incidemment appelant ;
Contre M. le Directeur de la régie et des do
maines, poursuivant} au nom de monsieur
le P r é f e t du département du Puy-de-Dôme,
la cause de M . le baron d e Hom pesch y
lieutenant général au service de TAngle
terre, appelant y
E n p résen ce d e m a d a m e M
a r ij e
—E
l is a b e t h
T A L E Y R A N D D E P É R I G O R D 3 veuve
de Jacques-Charles
de
C
habanes
,intimée y
E t encore en présence de dame M a r i e - L o u i s e
B R A C H E Ty veuve de
R eciesn e
J oseph M A L L E Ty et J a c q u e s
, H e n r iF IL L E -
COQy intimés.
X J n E cause de la plus grande simplicité a été em
brouillée par des demandes en n u l l i t é et en reddition
de compte ? que la régie ne peut aujourd’hui justifier
A
�(Z )
par aucun titr e , ni étayer par aucun texte de loi.
Pour ôter un prix de vente aux créanciers d’une suc
cession bénéficiaire, et le recevoir elle-même, la régie
lan*' oppose une quittance non enregistrée, «poin» ’f o y pora» à des actes authentiques.
E lle attaque de nullité une inscription prise sur la
succession bénéficiaire , sous prétexte de l’en:eur dans
la date du mois , quoique la séparation des patrimoines
ait été ordonnée, et que l’acquéreur n’ait eu pour créan
cier de fait et de droit que les créanciers de la succession.
E n fin , elle persiste à demander un compte préalable
de gestion, sous prétexte d’une procuration ancienne,
sans pouvoir justifier d’aucune gestion ni versement de
deniers.
Quelques faits et quelques réflexions suffiront pour
renverser un système de résistance plus opiniâtre que
spécieux»
I A I T S.
L e sieur le Rasle est créancier du sieur Jean-Frédérïc
de Chabanes, et de madame Marie-Elisabeth Taleyrand
de P érigo rd , sa m è re , d’une somme de 53,000 francs,
portée par obligation passée devant F ouclier, notaire
à Paris, le 30 thermidor an 12.
Par cet acte, madame de Chabanes a subrogé le
sieur le Rasle à l’effet d’une inscription prise par elle ,
le 26 ventôse an 1 1 , sur les biens de Jacques-Charles
de Chabanes? son m ari, et de Marie-Jacques-Gilbert
de Chabanes, son fils, héritier dudit Charles.
Cette inscription.étoit de 221,858 francs, c’est-à-dire,
�( 3 )
Z
147,144 francs pour le capital de sa dot ou douaire,
13,714 francs pour les intérêts, et 60,000 francs pour
le droit d’habitation ou préciput de communauté \ mais
la subrogation n’est faite que jusqu’à concurrence des
53.000 francs dûs au sieur le Rasle.
L e 29 ventôse an 1 3 , M . de Chabanes a subrogé
le sieur le R asle, pour plus grande sûreté, à l’effet d’une
inscription qu’il avoit prise lui-même, le 9 prairial an 10,
sur la succession de M arie-Jacques-G ilbert,’ son frère
( acceptée par lui sous bénéfice d’inventaire ).
Cette inscription étoit de 630,000 francs, c’est-à-dire,
300.000 francs pour la légitime dudit sieur Frédéric de
Chabanes, promise par son contrat de mariage, du 24
juillet 1780, et le surplus pour intérêts échus ou à échoir.
M . de Chabanes n’étoit alors connu à Paris que
comme le descendant d’une illustre maison, et comme
I inventeur breveté des vélocifers. O n ignoroit que déjà
à L o n d re s i l a v o it fa it des en trep rises de c o m m e rc e , n i
quelle en avoit été l’issue.
M . le baron de Hompesch s’est présenté comme ac
quéreur de la terre de R ochefort, sur laquelle frappe
l ’inscription de madame de Chabanes, dont il demande la
nullité et la radiation.
M . de Hompesch d it , dans son m ém oire, qu’il étoit
lié d'affaires et d’am itié,à Londres, avecM .d e Chabanes.
II a exp liq u é, dans d’autres écrits, la nature de cette
liaison. M. de Chabanes avoit fait à Londres une grande
entreprise sur le commerce du charbon. M . de Hompesch,
sans révéler quelle sorte d’intérêt il avoit dans cette
entreprise, se contente de dire qu’il a réglé ses comptes
A 2
�\ ,
C4)
avec M . de Chabanes à 2,396 livres sterling 2 sous1
et d em i, dont M . de Chabanes resta son débiteur ;
20. que M . de Cliabanes parvint à fa ire passer son
établissement sur la téte de M . de Hompesch.
Quoi qu’il en soit du passé, il paroît que M . de Cha
banes vendit à M . de Hompeseli, par acte sous seing
privé, du 7 pluviôse an 1 1 , fait à P aris, r°. en qua
lité d?héritier bénéficiaire de son frère, la terre de R o chefort ; 20. en son n o m , une créance de 1 5,ooo francs
sur la dame Bernard, veuve de Chabanes, sa parente,,
payable après le décès de ladite dame..
L ’acte ne porte aucune compensation avec des créances'
précédentes; au contraire, M . de Hompescli s'oblige de
payer le p rix aussitôt après la transcription.
Ge prix de vente n’est pas fixé ; il fut remis à l’esti
mation des sieurs W anlioorick et Houssey.
Ces arbitres vinrent de Paris estimer la terre de R o chefort à 66,000 f r . , et le prix de la créance à moitié:
du capital, attendu l’usufruit. ( La dame Bernard avoit
q u atre-vin gts ans. )
Cette vente alarma madame de Chabanes, qui-n’avoit
plus que ce g?ge ( 1 ) pour toutes ses reprises. Il paroît
que guidée par le texte de la coutume de P aris, elle
crut devoir en demander la nullité ( en l’an 12 ), comme
faite par un héritier bénéficiaire sans les formalités lé
gales.
(1) La
terre de L a p a lisse , v e n u e par su b stitu tio n d ’un o n c le ,
n ’é to it pas sujette
(
à l’h y p o th è q u e
de m a d a m e de
Chabanes..
�( 5 )
Cette demande avoit été accueillie par jugement du
22 floréal an 12 ; mais ce jugement fut infirmé en la
Cour impériale de la Seine, le 20 frimaire an 1 4 , par
le motif que la coutume d’Auvergne ne prescrit aucunes
formes à l’héritier bénéficiaii’e pour aliéner les biens de
la succession.
Il est bien à remarquer que lors de cet arrêt M . de
Hompesch ne dit pas le moins du monde qu’il eût rien
payé à son vendeur ; au contraire, il demandoit acte de
ses offres de payer le prix de sa vente à qui il seroit
dit et ordonnée
M . de Hompesch avoit transcrit, mais il ne notifïoit
pas sa transcription pour sommer les créanciers de faire
une enchère. Madame de Chabanes le mit en demeure
de faire cette notification , par exploit du 31 janvier
1806, pour être fait enchère s’il y avoit lieu , sinon elle
lui fit sommation de payer ses créances,;en exécution de
l ’art. 2169 du C ode civil.
Cette sommation n’a pas engagé M . de Hompesch à
se mettre en règle ; il a même vendu à M . de Sarrasin,
le 16 mai 1807, la terre de Rochefort^ moyennant le
prix apparent de 72,000 francs, en se soumettant à faire
radier les inscriptions, et à ne recevoir 30,000 francs
qu’après cette radiation, sans intérêts jusqu’alors.
Pour tenir sa parole envers M . de Sarrasin , M . de
Hompesch a assigné en mainlevée d’inscription, i ° . la
dame de Taleyrand-Périgord, veuve de Chabanes; 20. le
sieur le Rasle, la dame de Reclesne, les sieurs M allet
et V iileco q , tous subrogés à l’inscription de madame de
Chabanes.
�c
.
Il a prétendu que l’inscription étoit n u lle, et que
d’ailleurs madame de Chabanes étant comptable envers
ses fils, n’avoit pas dû prendre d’inscription jusqu’à l’apu
rement de son compte.
Il a conclu encore à la reddition de ce com pte, et à
des dommages-intérêts.
Pour moyen de nullité de l’inscription, M . de Hom
pesch a dit que le contrat de mariage de madame T a leyrand de Périgord y étoit daté du 18 juin 175 9 , au
lieu du 18 février 17 5 g.
M . de Hompesch a produit alors une quittance sous
seing p riv é , de M . de Chabanes, datée du jour même
de sa vente ( 7 pluviôse an 11 ) , enregistrée le a 5 mai
1808, par laquelle M . de Chabanes auroit reconnu avoir
reçu par anticipation, de M . de H om pesch, 86,000 fr.
Il s’est prévalu de cette quittance pour dire qu’il y
avoit compensation et payement des 66,000 fr. dûs pour
p rix de la terre de R ochefort; d’où il s’ensuivoit que les
inscriptions étoient inutiles pour le forcer à payer ce dont
il étoit déjà libéré.
P our prouver que madame de Chabanes étoit comp
table envers son fils , M . de Hompesch a produit une
procuration à elle donnée le 30 juin 1782, pour régir
ses biens, et un bail à ferme de la terre de Curton, du
4 janvier 1783.
Madame de Chabanes a répondu que son inscription
étoit régulière, et que loin d’avoir fait usage des pro
curations à elle données pour recevoir aucune somme,
elle prouvoit être en avance de fonds.
E lle a conclu à la séparation des patrimoines.
�(
7
)
.
31
D e son c ô té , M . le E asle, plaidant avec les deux ins
criptions de l’an 10 et de l’an n , a pris les mômes
conclusions que madame de Chabanes , en ajoutant que
l ’eiFet de l ’inscription de l’an 10 de voit lui être adjugé,
comme seul subrogé à cette inscription, contre laquelle
M . de Hompesch ne proposoit aucun moyen de nullité.
P ar jugement du 14 avril 1810 , le tribunal de Cler
mont a décidé , i ° . que l’inscription de madame de Cha
banes étoit l'égulière, parce que la date du mois et de
l ’année étoit conform e, et qu’il n’y avoit pas d’autres
actes de la même année ; 20. que la compensation n’avoit
pas lieu par un acte sous seing p riv é , au préjudice des
droits acquis à des tiers , surtout en succession bénéfi
ciaire; 3°. que la séparation des patrimoines est de droit,
et s’oppose encore à toute compensation ; 40. que les
pretentions de M . de Hompesch, à faire déclarer madame
de C habanes co m p tab le e t d é b itr ic e , d o iv e n t ê tr e dis—
cutées lors de l’o rd re , dont il ne s’agit pas.
E n conséquence, le tribunal de Clermont a déclaré
l’inscription valable, a ordonné la séparation des patri
moines demandée par madame de Chabanes, et a con
damné M . de Hompesch à rapporter le prix de son
acquisition, sous réserves des droits respectifs des parties,
même du sieur de H om pesch, pour les faire valoir à
Tordre.
Sur le surplus des demandes, les parties ont été mises
hors de Cour.
L a régie de l’enregistrement a été autorisée par M . le
�( 8 )
Préfet du P u y-d e-D ôm e à mettre le séquestre sur les
biens de M . de Hompesch, comme sujet de l’Angleterre,
et à interjeter appel dudit jugement.
M . le Rasle ne voyant aucun chef du jugement statuer
sur ses conclusions, et craignant qu’on ne lui objectât
le hors de Cour prononcé, pour l’éliminer de l’instance
sur l’appel, a cru devoir interjeter un appel incident,
motivé sur le silence du jugement à son égard , et no
tamment en ce qu’il ne lui avoit pas adjugé tout l’effet
de l’inscription de l’an 10,
C ’est en cet état que la cause fut présentée en l’au
dience d e là C o u r, du 8 juin 1811. Les conclusions de
M . de Hompesch étoient toujours pour la nullité et
radiation des inscriptions, et subsidiairement pour un
compte. Cependant l’arrêt ordonne seulement une plus
ample contestation sur le compte demandé à madame de
Chabanes, et sur le bénéfice de la séparation des pa
trimoines.
L a rég ie, parlant aujourd’hui au nom dé M . de
H o m p e sch , n’en revient pas moins à toutes ses prétentions.
E lle veut encore la nullité de l’inscription de madame
de Chabanes, pour erreur dans le mois de l’année i y 5g.
E lle refuse à madame de Chabanes le droit de de
mander la séparation des patrimoines, parce que, dit-elle}
elle n’est pas créancière.
E nfin, la régie ajoute que si madame de Chabanes
est jugée créancière, son fils, qui a droit comme elle à
la séparation des patrimoines, primeroit son hypothèque,
ayant une inscription antérieure.
Néanmoins ayant bien compris que ce dernier moyen
servoit
�( 9 )
eervoît au sieur le Rasle plus qu’à l u i , la régie sè hâte
de dire que M . de Chabanes n’a pas pu; subroger M . le
Rasle à son inscription sur R ochefort, parce qu’alors
les choses n’étoient plus entières , M . de Hompesch étant
libéré du prix de sa vente par un payement ’antérieur.
T e l est le sommaire des moyens de M . dè'liompesch.
M . le R asle, qui les a déjà réfutés, s’en tiendroit à ses
précédens écrits, si l’arrêt de la Cour ne lui faisoit un
devoir de donner une plus grande explication1sur le fond
de la contestation , qui avoit été renvoyé aux discussions
de l’ordre. Il doit donc se défendre aujourd'hui comme
préparé à être jugé sur le tout. A insi le sïeür le Rasle
va répondre aux prétentions de M . de Hompesch, dans
le même ordre qu’il les propose; après quoi il'résu
mera ses propres prétentions , com m e corollaire de ce
qu’il aura prouvé.
' ......... 1
g
1er.
L'inscription de madame de Chabanes (cédée au sieur
le R a sle, pour 53,000fr a n c s ) est-elle nulle ? .
. •• ; :„i il ■
Il y avoit une question préalable que M . de Hompesch
a jugé à propos d’omettre, quoiqu’elle eût été agitée à
la première audience de la Cour.
E to it-il besoin d’une inscription ?
M . de Hompesch auroit pu trouver tout à là fois la
solution de ces deux questions dans le -silence même de
l ’arrêt du 8 ju in , qui ne laisse à statuer que sur le pré
tendu compte et ses résultats, saris rien-préjuger if/r/e
fo fid . Alors M . de Hompesch se seroit épargné l’article
B
�( 10 )
principal’ die. sa discussion , . celui rà la vérité' q u il avoit
foçtifié. le plus ,1 parce qu’il parois&oit y .attacher le plus
(¿■importance. < f
Ge n’est pjas Sans .une grande méditation que la Gouc
$ élagué leg :finS de non-recevoir , qui eussent été prér
judicielles et :péremptoires ; c’est qu’en effet, il n’est
plus douteux; que les créanciers n’ont besoin d’aucune
insci’jptiOni^ouv demander la séparation des patrimoines
dans les.stuoçeâsions ouvertes avant le Code civil.
Les. titres du code çt du digeste D e bonorum separatiombùs ,;la loi ;sur le régime hypothécaire, du 11 bru■maiiie a n -71,Æçodrdoiént.expressément et sans condition,
auX créanciersTdu défunt, le droit de demander la sépa
ration d0s-patrimoines. L ’art. 878 du Code civil donne
le> même droit dans tous les cas et contre tout créancier.
A la vérité, l’art. 2111 exige une inscription dans les
six mois de Youverture de la succession, et défend de
prendre hypothèque valable sur l’héritier avant ce délai.
-Mais il n’étüit pas possible d’appliquer cette disposi
tion aux successioiîs' anciennes, sans un effet rétroactif
que la loi prohibe, et même sans contrarier ouvertement
Te texte de là iloiy qui n’entepdoit pas fixer un d élai,
çuand ce délai étoit <passé. pvA u surplus, cette question ta é té 'Solennellem ent jugée
en la Cour de cassation , par arrêt du 8 mai 18 11, qu’il
jefet :iiïuti'lc' de tran scrire, :parce qu e tous les arrêtistes
¿Tont ¡recueilli- Comme fixant la jurisprudence. (D enevers,
¿811^ page:067. Sirey, 1 8 1 1 , pag. Bibl* du barreau,
année :3b8 i t . .^urisp. du Code c iv il, etc.)
::1 J^oiifseulcment1ce. point de droit est constant aujour-
�( II )
.........................
d’hui pour toutes les successions anciennes, mais ¡il fau*
droit le dire de même pour une succession ouverte sous
le Gode c iv il, lorsqu’elle n’est acceptée que sous bénéfice
d’inventaire.
.
:î
- C a r , à l’égard d’une telle succession, la séparation
des patrimoines est de d ro it, puisque, i° . l’effet-du be*
néfice d’inventaire est à*empêcher la cor\fusion des biens
de l’héritier avec ceux de la succession, suivant'l’art. 802
du Godé civ il; 20. l’héritier'bénéficiaire n’est qyüun
administrateur qui doit rendre compte au x créanciers
de la succession, d’après l’art. 803.
'
w
Il ne faut donc pas d’inscription ; pour avertir les
créanciers personnels de l’héritier de. ne- pas compter
sur une confusion impossible ; et à rquoï serviroit-elle,
lorsque l’art. 2146 du Code a dit que.les inscriptions
prises depuis l’ouverture d’une succession bénéficiaire 9
ne produisent aucun effet entre les créanciers de la
S u ccessio n .
.>?,-■) j io.
Ces principes viennent d’être^ appliqués par :un nrâjèt
de la Cour impériale de P aris, entre leo sieuirrPigalj,'
créancier chirographaire de la succession .Ledoux ( ou
verte sous le Code c iv il, et acceptée par benéfice^d’iriven taire), et les créanciers inscrits 'àë la dame :GKoi,
héritière bénéficiaire. Ceux-ci prétendoient à la priorité*;
comme seuls hypothécaires et inscrits*, ils réclamaient
le bénéfice de l’article 2 r n , qui exige une inscription
dans les six mois pour permettre la séparation des pa^
trimoines. Mais la Cour de Paris, a. jugé autrement^—« Attendu que, par celat seul qu’wnfi. succession -est
« acceptée par bénéfice d’in v e n ta ire , la_séparniion -de»
B 2
�« patrimoines existe nécessairement ^ que les créanciers»
« de l’hérédité n’ont pas besoin, en ce cas, de demander
a-cettè séparation ; que c’est par une conséquence de ce
k principe, que l’article 2146 du Gode Napoléon porte
«: que l’inscription' pi’ise depuis l’ouvertue de la succes« êion , ne produit aucun effet entre les créanciers de
« cette succession, lorsqu’elle est acceptée sous bénéfice
« d’inventaire;,
:/ « Attendu que l’article 2 111 ne s’applique-qu’aux suc« cessions acceptées purement et simplement ;
« M et l’appellation et ce dont est appel au néant ; émen« d an t, décharge L’appelant des-condamnations contre
« lu i prononcées.
.
« D u 20 juillet 181 r. Cour impériale de Paris (1). »
D ’après cela", et puisque madame de Chabanes est
créancière d’une succession non-seulement bénéficiaire ,,
mais'encore ouverte avant le’Code civily il ne paroît pas
fort essentiel de suivre M . de Hompesch dans sa disser
tation ¡sur l ’effet que doit-produire, dans u n e i n s c r i p t i o n ,
la! ( d if f é r e n c e e n t r e le 1 f é v r i e r 1759, et- le 18 j u i n I rj 5 c)i
_;Xes.deu».arrêts copiés par M ..de Hompesch n’avoient
d’ailleurs qü’üne application fort indirecte à la cause ac
tuelle; car dans le premier (du.22-avril rSoy ) il s’agissoit
d^neànscriptioafaite sans là moindre mention d’un titre;
dans.le second (d u y septembre 180 7), l’inscription ne
contenait ni'les noms, ni les prénoms des créanciers pour
qui elle ;étôit' faite,. ni, la vraie date du titre ; en sorte
___ 1•
•
(1) Sirey , supplément , 18 11, pag.
_______
385.
Denevers , supplé
ment, j 8 i i } pag. 2o.c>.
%
�( i3 )
qu’il étoit impossible de casser l’arrêt qui avoit jugé une
semblable inscription irrégulière.
T out cela n’a rien de commun à une inscription où
le nom et le prénom du créancier» le nom et le prénom
du débiteur, la date de l’année, et l’époque de l’exigi
bilité sont réguliers. Q u’importe après cela la différence
du m ois, lorsqu’aucune hypothèque de la même année
n’est en concurrence; lorsqu’il seroit ridicule de supposer
un mariage arrivé deux fois dans la môme année entre
les mêmes personnes ; et lorsqu’enfin avec le secours des
tables alphabétiques des^ contrats de mariages établies
dans tous les bureaux d’enregistrement, depuis 1740 ,
aucun créancier postérieur ne pourroit prétendre de
bonne foi se trouver dépaysé dans ses recherches.
Ce moyen de nullité avoit été parfaitement discuté
par le jugement dont est appel , qui l’a rejeté. Rien n’étoit
plus pitoyable, en effet, que d’avoir: cru renverser un
titre avec u n aussi fr ê le •m o y e u d ’attacjue : aucwpiu?H
syllabaruniy et rien de plus.
A u reste, cette arme s’est brisée dans les mains de
M . de H om pesch, depuis l’arrêt de cassation dont il
n’a pas' jugé à propos de p arler, parce qu’il lui eût été
trop difficile d’en esquiver l’application. «;
.i
A in s i, et dans toutes les hypothèses, madame de
Chabanes a un titre de créance régulier sur la succes
sion bénéficiaire de son mari .et de son-fils (G ilb ert).
L a terre de Roçhefort est son g a g e , et ce gage est
affecté spécialement à la créance de M . le R asle, pour
un. capital de 53,000 francs.
.
; " ,r
-
�C I'4 )
§. I I .
M adame de Chabanes est-elle créancière ?
Autant M . de Hompesch avoit été abondant dans
"ges idées pour discuter la question précédente sur la
quelle la Cour ne lui avoit demandé aucijne explication,
autant il a été bref et stérile sur la prétention élevée
par l u i , que madame de Chabanes fi*est pas créancière’.
' En dix lignes bien com ptées, M . de Hompesch a
tout dit. Une procuration du 30 juin 1781 ( 1 ) , un bail à
fermé du 14 janvier 178 3, une procuration du 20 mars
178 6 , pour vendre deux cents carreaux de terrain ap
partenant à son fils à St.-Domingue; voilà, suivant M . de
ïlom p esch , trois pièces qui prouvent tout ce que la
Cour a v o u lu savoir. Il croit sur la foi de ces dix lignes
que madame de Chabanes doit être réputée débitrice,
sans autre démonstration, et il le croit par cela seul
qu’il y a conclu : Credidi propter quod lo c u t u s surn.
C e q u i v a lo it cependant la p ein e d’être recherché, c’étoit
l ’usage que madame de Chabanes pouvoit avoir fait de
ces procurations pour recevoir. Car enfin il arrive tous
les jours que celui qui voyage donne un pouvoir pour
renouveler ses baux ou faire d’autres actes urgens en
son absence, sans que pour cela le mandataire ait touché
les revenus du mandant. Il eût été fort aisé à M . de
H om pesch de compléter ses preuves, en puisant dans
(1) Elle est du 3o juin 1782. Vérifié sur les pièces même de
M. de Hompesch.
N
�( i 5 )
z r
les mêmes .sources où il a trouvé les .trois actes dont il
se prévaut. Les inventaires et papiers de la .maison de
Chabanes étoient à sa disposition, puisqu’ils sont pro
duits par madame de Chabanes.
Régulièrement c’étoit à M . de Hompesch à prouver
que madame de Chabanes avoit reçu des sommes pour
son fils, puisqu’il a articulé ce fa it, çt qu’il est deman
deur. M . le Rasle pourroit avec plus de raison éluder
la difficulté, en disant que madame de Chabanes reste
créancière de sa dot et reprises, tant qu’on ne rapporte
pas des quittances de compensation. Mais l’arrêt de la
Cour ne seroit pas exécuté ; et pendant que M . de Hom
pesch se récrie sur la lenteur de ce procès qu’il ne veut
pas éclaircir, M . le Rasle va donner à la Cour les ex
plications qu’elle demande, parce qu’il plaide pour tout
autre motif que celui de contrarier M . de Hompesch.
Il a l’intérêt très-réel de recouvrer son argent.
Mademoiselle de Taleyrand-Péi'igord se maria le 18
février 176 9 , avec M . Jean-Charles de Chabanes.
. Elle se constitua en d o t, i°. ses droits légitimaires
paternels, tels qu’ils étoient réglés par acte de liquida
tion passé entre M . de Taleyrand-Périgord et ses enfans,
le 14 juin 1757 ; z°. une rente de 6,000 francs annuel
lement sur l’état; 30. une rente viagère de 42 francs,
constituée en tontine sur sa tê te , par sa bisaïeule ; 40. la .
dame de Taleyrand, sa m ère, lui fit donation d e80,000 fr.
L e douaire de la future fut fixé à 6,000 francs de rente
viagère, réductible à 4,000 francs, en cas d’enfans, et le
fonds du douaire fut réglé à 80,000 francs.
Il lui fut assuré un droit d’habitation dans l’un des
�(i6)
châteaux du futur, avec meubles nécessaires et convena
bles à sa qualité , et la jouissance des jardins, parcs et
prés »clôtures dudit château.
L e préciput de communauté fut fixé à 25 ,ooo francs,
que la future pourroit retirer, même en renonçant à la
communauté, avec son carosse, sa toilette, garderobe,
diamans et bijoux.
M . Frédéric de Chabanes, fils de Jean-Charles, se maria
le 24 juillet 1780, avec mademoiselle de V o yer d’A r genson. Son père lui donna pour légitime 300,000 fr.
M . de Chabanes p ère, accablé de dettes en France,
et ayant obtenu une concession de terrains à Saint-Do
m ingue, partit pour cette île , à la fin de 1779, et laissa,
dit-on , une procuration, faisant espérer vraisemblable
ment à ses créranciers des fonds d’A m ériq u e, q u i, comme
on va le voir, ne devoient jamais arriver à leur destination.
A peine débarqué à Saint-Domingue, M. de Chabanes
ne p o u va n t sans doute e x p lo ite r les terrains concédés
sans une habitation, en acheta une du sieur Bourguignon,
appelée des Trois-Palmistes.
Il paya un à-compte de 26,300 francs, mais avec les
deniers du sieur Jouette; le surplus du prix n’étoit pas
payé à sa m o rt, pas plus que le prix de seize nègres
qu’il avoit achetés.
M . de Chabanes père mourut à Saint-Domingue, le 26
septembre 1780, laissant un testament du 9 , par lequel
il légua son habitation des Trois-Palmistes à M . le baron de
Taleyrand-Périgord, à la charge d’en payer le prix, et
celui des seize nègres, et de rembourser M . Jouette.
�( ^
,
1 ^
Madame de Chabanes fut nommée tutrice de ses deux
enfans , mais seulement honoraire. L e sieur Morandez
fut nommé tuteur onéraire; et lui seul, suivant 1 usage,
dut toucher les revenus, pour en rendre compte. ^
o On va tout d’un coup apprécier ce que pouvoieut être
ces revenus, après la déduction des charges.
^
Dans un précédent m ém oire, M . de Hompesch eva
luoit à 23,600 francs le revenu des terres de la succès
sion\ (1).
Sans perdre du temps à prouver qu’il y a de 1 enflure
dans cet état, voyons seulement les charges relatées dans
l’inventaire lui-même (d u 18 janvier 17 8 1).
L a succession devoit,
i° . En x*entes perpétuelles, dont le capital au denier
vingt é t o it .......................................................... 4 I >7 ° °
20. Des rentes viagères, dont le capital au
denier dix étoit d e ..........................................
30,000
3°. E n obligations ou effets, avec ou sans
intérêts................................................................ 176,202
4°. A u x fournisseurs de la m aison.........
16,264
5°. Dettes de Saint-Dom ingue..................638,000
Q u’on ajoute à cela les arrérages et intérêts non payes,
les reprises de madame de Chabanes,’ e tc ., on sera con-
(1) M. de Hompesch y ajoutoit 20,000 francs de rente pour
Lapalisse, idéalement, à la vérité, et par un simple calcul de
probabilité. Mais la terre de Lapalisse venoit d e Jean de Cha
banes , qui l’avoit substituée au profit de 1 un des enfans de
Charles de Chabanes ; ainsi cette terre n a jamais appartenu à
la succession.
C
�4o
c/v
( 18 )
vaincu à PInstant que les revenus étoient au-dessous de
z éro.
Madame de Chabanes en fut si promptement convain
cue, qu’elle renonça à la communauté par acte du 7 juillet
178 1, pour s’en tenir à ses reprises. ( L ’inventaire n’étoit
terminé et clos que le 16 juin 17 8 1.)
Ses deux fils se portèrent héritiers bénéficiaires , et
traitèrent sur la substitution de Lapalisse, qui fut déclarée
appartenir à Frédéric, par acte du 30 mars 1782, homo
logué au parlement.
Jusque-là madame de Chabanes n’àvoit eu aucune ges
tion. Son fils Frédéric, marié et émancipé avant la mort
de son p è re , jouissoit de ses revenus. Madame de Cha
banes avoit eu quelques instans la qualité de tutrice hono
raire de son fils Gilbert ( émancipé le 14 janvier 178 2 );
mais l’inventaire prouve que tout l’actif et les papiers
de la succession furent remis au tuteur onéraire, le sieur
Morandez. C’est donc à celui-là seul qu’on a un com pte
à demander pour cette première époque.
E n 1 7 8 2 , G ilb e rt de C h aban es, partant pour SaintD o m in g u e , laissa-à madame de Chabanes, sa m ère, une
procuration ( le 30 juin 1782) pour régir ses biens de
France, toujours communs et indivis avec son frère, qui
n’avoit pas encore répudié. Ne pouvant mettre à la voile
qu’en juillet ou a o û t, on présume bien qu’il se munit
de tous les fonds que les fermiers purent lui donner,
sans s’embarrasser des charges qu’il laissoit à acquitter.
Son voyage fut aussi court qu’il pouvoit l’être. Il ne
dut rester que quatre ou cinq mois à Saint-Domingue;
car il sc trouve un acte notarié , souscrit par lui en
�France le 29 juillet 1783; et nous allons Voir par d’autres
actes qu’il ne s’absenta plus jusqu’à la fin de l’année 1788.
L e seul usage qu’ait fait madame de Chabanes, de ce
pouvoir du 30 juin 1782, ou plutôt le seul qu’on lu i
im pute, est un bail à. ferme de la terre de Curton, fait
en vertu d’une procuration de madame de Chabanes, du
14 janvier 1783, devant un notaire de Bordeaux (1).
M . de Hompesch ne prétend pas que ce bail prouve le
moins du monde que madame de Chabanes ait rien
touché par anticipation sur ce bail ; et quant aux termes
à échoir, on voit que M . G ilbert de Chabanes étoit déjà
de retour avant que le premier terme eût pu arriver.
Gilbert de Chabanes avoit eu le temps de connoître le
mauvais état de sa fortune à Saint-Domingue. Il en re
vint dans le printemps de 1783, et le premier acte connu
qu’il fit en France fut une déclaration du 29 juillet 1783,
pour consentir à l’exécution du testament du p è r e , et
à la d é liv ra n c e des legs.
M . le baron de T a le y ra n d -P é rig o rd , légataire de
l’habitation des Trois-Palmistes ( à la charge de la payer),
s’en mit en possession ; et par arrangement de famille
(1) M. de Hompesch avoit dit dans un premier mémoire que
le prix de ce bail étoit de 7,000 francs, qu’il mettoit en ligne
pour faire monter le revenu de la succession à a3,6oo francs.
Mais ou avoit-il pris ce fait? Ce n’est pas dans le bail; il ne l’a
pas dans son dossier : il a l’inventaire de 1789» où ce bail est
énoncé, cote 3 , et le prix n’est que de 3 ,5oo francs.
Il cite aussi les baux des autres t e r r e s , et ne les produit pas.
Est-il aussi exact pour ceux-là que pour Curton?
C 2
�*
( 20 )
avec madame de Chabanes, sa sœur, il lui vendit cette
habitation le xi août 1783.
Madame de Chabanes eut donc des démarches à faire
pour régir cette propriété, ou pour en vendre de quoi
faire les payemens les plus urgens.
V oilà ce qui explique les deux procurations des 5 mai
1784, et 20 mars 1786, où M . de Hompesch prétendoit
trouver des preuves si claires de la gestion de madame
de Chabanes, et même des ventes par elle faites de la
propriété de ses fils.
La procuration du 5 mai 1784 contient pouvoir par
madame de Chabanes à M . le comte O gorm an, résidant
à Saint-Dom ingue, de régir et affermer l’habitation des
T rois-P alm istes, appartenant à ladite dame de Cha
banes (1) ; et celle du 20 mars 1786 lui donna pouvoir
d’en vendre deux cents carreaux ( l’habitation en avoit
trois cents). On ignore si cette vente a eu lieu; mais il est
inutile de le rechercher, puisqu’elle ne vendoit que sa
propriété, et non celle de ses enfans.
M ad am e de Gliabanés se mêloit si peu des revenus
de son fils depuis son retour en France, qu’il est prouvé,
10. par deux procurations des 24 février 1784, et 17 août
17 8 5 , que Gilbert de Chabanes avoit chargé M . de
Junquières, avocat, de régir , affermer ses biens de
France, recevoir tous loyers et rentes, etc. ; 2°. par trois
(1) M. de Hompesch a imprimé dans son dernier mémoire,
page 16, que madame de Chabanes avoit donné une procura
tion, le 20 mars 1786, pour vendre deux cents carreaux de
terrain appartenant à son fi ls aîné*.
�( 2ï )
procurations des 8 mars 1785, 20 mars 1786, et 31 janvier
I 7®7 ? qu’il avoit chargé M . Bessaiguet de Lcogane de
régir ses biens d’A m érique, et d’en toucher les revenus*,
3°« par des baux des 10 septembre 1785, 16 mars 1787 >e':
2 5 février 1788, qu’il afferma par lui-m êm e, ou par
d’autres mandataires que sa m ère, les terres de Rochefort,
M adiq et V i q , à l’expiration des baux précédens; 40. par
des actes des 6 mai 1786, 29 avril 1786, èt 30 juin 1788,
qu’il régloit ses affaires et ses com ptes, tantôt par luim êm e,, tantôt par ses agens, mais toujours sans l’inter
vention de madame de Chabanes.
Tous ces actes sont faits aussi sans la participation de
Frédéric de Chabanes, parce qu’après avoir e u , comme
on l’a d it , la qualité d’héritier bénéficiaire , Frédéric
avoit répudié, le 30 décembre 178 5 , à la succession de
son p ère, pour s’en tenir aux 300,000 francs de légitime
assurés par son contrat de mariage.
M . G ilb e r t de C lia b a n e s, p a rti u n e seconde fo is pour
Saint-Domingue à la fin de 1788, y mourut, le 6 mai
1789 : son inventaire fut commencé à Paris le 6 juillet
suivant.
r,
M . de Iiompesch avoit d’abord affecté de remarquer
que madame de Chabanes parut à cet inventaire comme
héritière des meubles et acquêts, qualité de laquelle il
tiroit de grandes conséquences. Il eût dû y voir plutôt
qu’elle n’y étoit à la première séance que comme habile
à se porter héritière, et qu’elle 11’y étoit plus du tout
& la seconde séance , au moyen de sa renonciation.
En effet, dès le lendemain de l’o u vertu re d’inventaire,
et par acte du 7 juillet 1789, madame de Chabanes avoit
I
�1)1*
.
C« )
renoncé à la succession de son fils; sa répudiation, datée
et énoncée à la seconde séance, ne pouvoit pas être igno
rée de M . de H om pesch, qui a cet inventaire dans son
dossier.
Frédéric de Chabanes accepta la succession par bé
néfice d’inventaire, le n juillet 1789, fit continuer l’in
ventaire comme seul héritier de son frère, et se mit en
possession | des biens en cette qualité.
V oilà tous les éclaircissemens qu’il a été possible de
donner à la Cour sur la prétendue gestion de madame
de Chabanes. Il est prouvé qu’elle n’a eu de gestion que
pendant la fin de 1782, jusqu’au milieu de l’année 1783;
et 011 ne montre aucun payement fait en ses mains en
cette qualité.
M ais, comment vivoit donc madame de Chabanes,
a voit demandé M . de Hompesch, si elle ne touchoit
rien? Sa dot étoit si m édiocre!
A cette question tu d esq u e, m adam e de Chabanes ré
p o n d it q u ’elle avo it, i° . la rente de 6,000 francs portée
en son contrat de mariage; 2°. son traitement de dame
d’honneur, de 4,000 francs; 30. un brevet de pension
créée pour elle en 1779, de 6,997 fL'ancs.
Quoi qu’il en soit, il est prouvé que madame de
Chabanes ne doit aucun compte ; ou si on insiste à vouloir
qu’elle en doive un pour six m ois, elle l’a rendu, en
disant qu’elle n’avoit rien touché, et qu’au contraire il
est prou vé, par l’inventaire de 1781 , que madame de
Chabanes étoit en avance de 9,731 francs.
�( .2 3 )
A in s i, M . le Rasle, -son subrogé, revient présenter
¡avec confiance l’ inscription du 26 ventôse an 11 , et
conclure, non-seulement à ce qu’elle ne «oit pas rayée,
niais encore à être colloqué pour 53,000 francs et les
intérêts , au rang de cette inscription.
Est-elle ou n’est-elle pas exagérée quant aux arrérages
et droit d’habitation ? M . de Hompesch ne dit plus rien
là-dessus : au reste, cette discussion n’appartient qu’à
madame de Chabanes. Car il suffit à-M. le Rasle qu’il y
ait une créance incontestable de 53,000 francs, et il n’a
■besoin d’aucune nouvelle explication pour prouver ce fait.
§. I T I .
I f inscription, de Frédéric de Chabanes doit-elle primer
celle de madame de Chabanes ? et M . de Hom pesch
est-il aux droits de M . de Chabanes , comme libéré,
pour réclam er cette "priorité ?
M . de Hompesch le dit ainsi,-croyant s’attribuer à-lui
seul la créance jde M . de Chabanes, au préjudice de la
subrogation faite à M . le Rasle.
Pour arriver à cette démonstration, il part de loin ,
et il est obligé de confesser des principes et des faits qui
doivent abréger singulièrement la difficulté. Car M . le
Rasle va s’en emparer à l’instant, comme de chose utile
à lui seul.
‘
Frédéric de Chabanes, dit M . de H o m p e sc h , est créant
cier de son père et de son frère, en vertu de son contrat
de mariage j donc il a aussi- le droit de demander là
�I
( 24 )
séparation des patrimoines............. Adopté. Car M. de
Chabanes, simple héritier bénéficiaire de son frère , n’a
pas fait de confusion : il peut donc venir comme créan
cier , de son ch ef \ à, la succession du défunt.
L ’effet de la séparation des patrimoines , continue
M . de H om pesch, est de faire payer les créanciers du
défunt avant ceux de Vhéritier ,* elle établit un mur de
séparation entre ces deux classes de créanciers.............
A dopté encore. M . de Hompesch a traité avec Frédéric
de Chabanes, et il n’a de garantie que contre son ven
deur. M . de Hompesch n’est pas créancier de la suc
cession ; il ne peut donc pas venir en p rio rité , ni
même en concurrence avec madame de Chabanes, qui
est créancière de la succession. L e mur de séparation
est bâti par M . de Hompesch lui-m êm e ; il faut que
les créanciers de la succession bénéficiaire soient d’un
côté avec le prix de l’immeuble; l’acquéreur restera de
l ’autre avec les créanciers personnels du vendeur.
Ce n’étoit pas, à la v é r ité , pour cette conclusion que
M . de H o m p esch a placé M . de Chabanes au rang de
créan cier de la succession, et qu’il lui a accordé une
créance de 630,000 francs; il continue son raisonnement,
et il dit :
J ’ai payé 86,000 francs à mon ven d eu r, le jour même
de ma vente; donc je suis libéré par compensation. Il
a reçu cette somme sans im putation, et je suis maître
de l’imputer sur la terre de Rochefort plutôt que sur la
créance vendue. M on vendeur a donc touché sa propre
créance hypothécaire et inscrite; ce qui me met à sa
place pour son inscription.
Autant
�( 25 )
4 y
Autant d’erreurs que de mots.
Que peut signifier à'des tiers une quittance occulte
et suspecte, contradictoire avec le titre même de M . de
Hompesch, et avec le langage qu’il a tenu pendant
quatre ans ?
En quoi et comment cette quittance, fût-elle authen
tique, vau d ro it-elle libération, compensation, subro
gation, etc., après une transcription qui forme un contrat
judiciaire tacite , vinculum ju r is , entre l’acquéreur et
les créanciers dont l’immeuble est le gage ?
M . de H om pesch, se disant créancier de M . de Cliabanes, tantôt de 9,900 livres sterling (o u 230,000 fr .),
tantôt de 2,396 liv. 2 s. et demi sterling, produisant
aujourd’h u i, pour le prou ver, quatre actes publics passés
à Londres, et contenant obligation de i 6 , 5oo liv. sterling,
o u , si on veut, de 8,080 liv. sterling (1), auroit-il oublié
( 1 ) Ceci mérite une explication qui ne sera pas inutile pour
montrer que M. de Hompesch sait parfaitement faire ses affaires,
et qu’ainsi il ne faut pas attribuer à une simple négligence les
précautions qu’il dit n’avoir pas voulu prendre lors de sa vente.
Voici le style de l’une de ces obligations.
cc
«
«
«
«
«
« Soit notoire à tous, par ces présentes, que moi Jean-Frédéric
de Chabanes-Lapalisse, marchand de charbon de Mille-BanckStreet-Westminster, reconnois devoir et être fermement engagé envers M. Charles Hompesch, communément appelé le
baron de Hompesch Nein E lm s , dans le comté de Jury , en la
somme de huit m ille livres s ter lin g , argent bon et légal de
la Grande-Bretagne, etc.
« La condition de l’obligation ci-dessus, est que s i le susdit
D
�V
c î6 )
qu’il a avoué avoir été lié d’intérêt avec M . de Chabanes à Londres , et avoir succédé à ses magasins et
marchandises ?
Sa prétendue quittance ne contient libération sur le
passé que de 36,000 francs, q u i viennent, a-t-il dit, en
déduction du p rix des ventes. L e surplus est un nouvel
emprunt de 5o,ooo francs en traites sur Londres, et en
cautionnement d’effets.
On croiroit que M . de Hompesch, pour corroborer
cette pièce, et donner quelque vraisemblance à sa date,
rapporte au moins les comptes et les traites acquittées :
point du tou t; il ne justifie rien.
M- de H om pesch, qui veut ne pas payer tin prix de
vente, et qui prétend établir une concurrence avec des
créanciers hypothécaires, ne s’est pas flatté, sans doutey
e n g a g é F rédéric C habanes-L apalisse , ses h éritiers, ex écu
te teurs e t a d m in istra teu rs , p a y en t ou p a y ero n t ex a ctem en t
« e t fid è le m e n t , ou feront payer a u d it Charles Hompesch la
« pleine somme d e quatre m ille liv re s sterlin g de monnoie
«
« légale de la Grande-Bretagne, avec les intérêts de ladite somme
« à cinq pour cent par an , à dater du jour de la susdite obli« gation, a u ssitôt la dem ande fa ite ; a lo rs , le bon c i - dessus
« d e huit m ille liv re s ( sterlin g) d oit être n u l , sinon le susdit
<c bon ou la susdite obligation d oit rester dans tou te sa f o r c e
« ou p lein e valeu r.
« Londres, l'an 42e. du règne de notre souverain seigneur
« Georges III > roi des royaumes unis de la Grande-Bretagne r
« dans l’année de notre Seigneur 1802.
« S ign é J o i i n • de Ciiaba.nes-Lai>alisse. î>
�( 27)
.
*
de venir dispute? le gage des autres créanciers avec urr
chiffon sans date et sans probabilité, comme s’il eut été
le maître de se donner une créance.
Dans sa propre vente du 7 pluviôse an i l , M . de
Hompesch ne dit pas qu’il a payé ; il d it , au contraire,
qu’il payera le prix après la transcription.
Il ne peut prétexter à cette clause, toute de son fa it,
aucun m otif secret, aucune gêne. Il achetait sous seing
privé.
E n plaidant à P aris, il réitéroit cet engagement en
présence de madame de Chabanes. Il offroit de payer
h qui par justice seroit ordonné.
Que fa u t-il conclure de ce la , si ce n’est qu’alors la
quittance datée du 7 pluviôse an 11 n’existoit pas ?
Quand elle auroit existé, M . de Hompesch se jugeoit
lui-m êm e. Il contractoit un engagement qu’il veut ré
voquer aujourd’hui . . . . et avec quoi ?
A v e c u n p réten d u
règlem eT tt sous seing p r iv é , q u i
réduit à 36,000 francs sa créance apparente, d’abord
si én orm e, pour laquelle, à la v é r ité , il est encore
possesseur des titres.
Quand il seroit croyable que M . de Chabanes a payé
230,000 francs sans retirer les titres, il faut dire que
le titre et le règlement ne valent pas m ieux l’un que
l’autre.
Les obligations passées à Londres ne font un titre
en F ran ce, que lorsqu’elles sont confirmées par un ju
gement rendu en France. ( Code c iv il, art* * 5. S ire y ,
«n 12 , p a g . . . . et 192. D enevers, 1808, pag. 449*,
D a
�i 8i o
, png. 23'), 238; 18 11, png. 468. M erlin , Questions
de d ro it, V ° . Etranger et Ju g em en t, §. 14. )
Sa prétendue quittance est sous seing p r iv é , et n’a au
cune valeur contre des tiers, suivant l’article 1328 du
Code civil.
L a compensation qu’il propose est donc un rêve que
ne firent jamais des acquéreurs d’immeubles grevés
d’hypothèques ; et ce qui rend plus inconvenable la
prétention de M . de Iiompesch , c’est que sa soi-disant
quittance ne le subroge pas même à l’inscription dont
il veut s’emparer au préjudice d’un transport authenti
que fait au sieur le Rasle.
A in s i, plus on veut examiner le système de M . de
ïïom p esch , pour y chercher de vraies objections à r é
sou d re, plus on demeure étonné qu’avec une pièce
apocryphe et sans valeur il ait cru sérieusement acheter
un immeuble grevé d’hypothèque, sans le payer.
Quel privilège auroit donc cet acquéreur, après avoir
pris des engagemens bien formels par son acte, et les
avoir réitérés par sa transcription ?
L a loi étoit là pour lui expliquer les eiFets de cette
transcription, et lui marquer ses devoirs.
« La transcription.... 11e purge pas les hypothèques
« et privilèges établis sur l’immeuble.
« L e vendeur ne transmet à l’acquéreur que la pro« priété et les droits qiCil açoit lui-même à la chose
« vendue. Il les transmet avec Vaffectation des mêmes
« privilèges et hypothèques dont il étoit chargé. » ( Code
c iv il, art, 2182. )
�( *9 )
. .
. .
« L ’acqùéreur déclarera.... qu’il est prêt à acquitter,
« su r-le-ch a m p , les dettes et charges hypothécaires, jus
te qu’à concurrence seulement du pritf, s'ùïs ¡distinction
« des dettes exigibles ou non exigibles.''* ( Gode civil, àriì
2184.)
C 1j
M . de Hompesch ne s’est peut-être pas dissimulé qu’il
n’éviteroit pas de se conformer à la précision de ces
articles. Aussi il les a éludés, en'ne faisant aucune no
tification de sa transcription, pour qu’il n’y eût encore
ni enchère, ni ouverture d’ordre. Pendant ce temps-làj
il a engagé M . de Sarrasin, son acquéreur,*à transcrire
lui-même et à notifier aux créanciers inscrits; et M .'de
Hompesch continuoit de les occuper à discuterla quit
tance et ses prétentions novatrices.
Passons sur cet épisode, qui importe moins au sieur
le Rasle qu’il n’importera à madame de Chabanes et à
ses subrogés postérieurs; suivons encore M . de H om pescli dans ses objections.
Il sait bien qu’il n’est pas subrogé à M . dé Chabanes,
mais il veut se mettre à sa placé de> plein’ droit , en
disant que la quittance du 7 pluviôse an 11 équivaut à
un payement que l’héritier bénéficiaire se seroit fait à
lui-même de sa propre créance ; et en ce cas , dit-il, il le
porteroit valablement en compte de bénéfice d’inventaire
vis-à-vis les autres créanciers.
’ ’
•:
/
Si l’opération supposée étoit justifiée par un acte authen
tique , il resteroit encore la question de savoir si M . de Cha
banes, héritier et administrateur de la succession, auroiC
pu se payer par ses mains sans un ordre judiciaire. Mais
�H
( 30 )
acceptons, s’il le faut, sa quittance comme un transport
fait à M . de Hom pesch, le 7 pluviôse an 1 1 , d’une por
tion de la créance de M . de Chabanes contre la suc
cession bénéficiaire : il existe un autre transport au profit
de M . le Rasle, du 29 ventôse an 13. Lequel aura la
préférence ?
Il n’y a de transport valable que celui qui est accepté
par acte authentique par le débiteur, ou celui qui est
fait avec remise du titre et notification au débiteur. ( Code
civil , art. 1689, 1690.)
O r , M . de Hompesch n’a ni acte authentique, ni re
mise du titre, n i notification.
M . le Rasle a tout à la fois acte authentique, remise
du titre, et une inscription en son n om , qui est la seule
notification qu’il pût faire légalement après une trans
cription.
A insi tout ce que M . de Hompesch a dit pour prouver
que M . de Chabanes est créan cier sur l’immeuble vendu,
est dit en faveur du sieur le R asle; e t, d’après cela, le
droit que s’arrogeoit M. de Hompesch, d’imputer les
86,000 francs à sa guise, devient sans intérêt.
Cependant il n’est pas inutile de lui observer que la
clause de sa vente, comparée avec sa quittance, prouve
qu’il avoit entendu lui-même imputer ces 86,000 francs
sur lai partie de sa dette non sujette à transcription.
E n citant l’art. 12.56 du C od e, pour prouver que le dé
biteur est présumé payer la dette qu’il avoit le plus d’in
térêt d’acquitter, M . de Hompesch a pris cet article à
�C 31 )
rebours; car il avoit intérêt de ne pryer que la dette
m obilière, vendue par M . de Chabanes en son n o m ,
et il avoit intérêt ¿\ né pas payer à un héritier bénéfi
ciaire le prix d’un immeuble, pour ne pas le payer deux
fois.
L ’ordre de créances qu’a fait M . de H om pesch, en
plaçant le fils au premier rang, h cause de la date de son
inscription, est encore sans intérêt ; car M . le Rasle re
présente le fils et la m ère, et M . de Hompesch n’en re
présente aucun. D ’ailleurs, il arrangeoit les choses à l’in
verse de l’ordre légal des collocations ; car y ayant lie u ,
d’après lui-m êm e, à séparation des patrimoines sur une
succession bénéficiaire ( ouverte avant le Code ), madame
de Chabanes doit être colloquée au premier rang, parce
que son hypothèque est de 1759 : son fils ne doit être
payé qu’après elle, puisque son titre n’est que de 1780.
M . de H om pesclx se p lain t de ce q u e les prem iers juges
avoient renvoyé les parties à un ordre. Il atteste qu’il
n’en faut p as, et que l’ordre est tout fait.
Si madame de Chabanes n’a pas de raison pour s’y
opposer, M . le Rasle est encore tout prêt à faire écho
avec M . de Hompesch, pour répéter après lui : Un ordre
est inutile ; il est tout fait.
Personne, en eiïet, n’est moins intéressé à en vouloir
un que M . le Rasle ; il représente les deux créanciers’
inscrits, par une subrogation antérieure en date à tous
les titres dont se prévalent les autres parties de la cause.
Il peut donc parfaitement abonder dans le sens de M . de
Hompesch, pour que la Cour fasse dès à présent la col-
�(
3
2
}
location des 66,000 francs, parce qu’il sera inévitable
ment c o l l o q u é au premier rang, pour le montant de son
inscription et des accessoires.
r é s u m é
.
• M . de Hompescli est acquéreur d’un immeuble pro
venu de la succession bénéficiaire de Gilbert de Cliabanes.
Cet immeuble est grevé d’une hypothèque de madame
de Chabanes, depuis 17 5 9 , et d’une hypothèque de
M . Frédéric de Chabanes, depuis 1780.
M . le Rasle est subrogé à ces deux hypothèques jus
qu’à concurrence de 53,000 francs.
Elles sont conservées par des inscriptions régulières ;
et d’ailleurs y ayant lieu à séparation des patrimoines,
il n’a pas fallu d’inscription.
M . de Chabanes, qui a vendu l’immeuble grevé, n’a
pu ôter aux créanciers de la succession le droit de rece
vo ir le prix q u i représen te l’immeuble.
Il n’a pas perdu lui-même le droit de venir comme
créancier de la succession, puisqu’il n’a vendu que comme
héritier bénéficiaire.
Ainsi le sieur le Rasle, subrogé à M . de Chabanes, peut
se faire payer en vertu de son inscription, qui est re
connue au procès avoir une cause légitim e; il le peut
aussi comme subrogé à madame de Chabanes. A in s i, avec
ces deux titres, rien ne l’empêche de toucher les premiers
deniers de la vente.
L a demande d’un com pte, contre madame de Cha
banes ,
�V
( 33 )
banes, ne porte aucun obstacle à ce versement, puisque
M . de H om pesch, obligé de justifier sa demande en
com pte, n’a- pas prouvé que madame' de Chabanes fû t
débitrice.
Pendant l’année qui a précédé l’émancipation de son
fils, le sieur M orandez, tuteur onéraire, a. eu la gestion
comptable.
L a procuration du 30 juin 1782 n'a pas duré s ix
m ois, et n’a été suivie d’aucune gestion comptable;
A insi madame de Chabanes reste avec ses créances, et
M . de Hompesch n’a aucun m otif de ne pas payer après
sa transcription, comme il s’y est obligé.
La quittance sous seing privé, qu’il rapporte, n e s’im pute ni ne peut s’imputer sur le prix de sa vente, et peut
encore moins etre opposée à un créancier hypothécaire.
La cause n’a donc aucune sorte de difficulté, puisqu' il ne s’agit que de l’exécution d’un titre clair et non
conteste. On plaide pour savoir si un acquéreur payera
le prix de son acquisition.
$\
L e sieur le Rasle n’a pas cru devoir grossir ce mé
moire d 'une discussion sur son appel incident, parce
qu’il n’étoit fondé que sur le silence du jugement de
C lermont à son égard. On ne lui conteste pas le droit
de se présenter comme subrogé aux deux inscriptions;
e t, au contraire, on les discute contre lu i, en cette
qualité. M. le Rasle a donc obtenu déjà tout ce qu’il
avoit intérêt d’obtenir.
Il ne s’arrêtera qu’un instant sur une demande en
dommages-intérets que M . de Hompesch a jugé à propos
de form er, sous prétexte que lui-m êm e , M . de H om E
1
�( 34)
pesch, bien confiant dans la bonté de sa cause, s’est
engagé vis-à-vis M . de Sarrasin, à rapporter la radia
tion des inscriptions dans le m ois de la transcription,
et que ses adversaires ont la dureté d’em pêcher, en
v oulant prendre pour eux l’argent que M r. de Hompesch
s’étoit destiné. M. de Hompesch ajoute q u e , dans la
même confiance, il a consenti, vis-à-vis de M . de Sarrasin,
à ne toucher 30,000 francs qu’après cette radiation, sans
intérêts. E t sur cela il prend son texte pour dire qu’il
doit être indemnisé de ce qu’il perd.
Que ne s’obligeoit-il, par une clause plus chevale
resque en core, à un dédit considérable, pour avoir le
plaisir de le demander !
Cependant la ré g ie , qui parle aujourd’hui pour ellemême , trouve cette réclamation très-légitime.
Il
suffit de lui répondre qu’un créancier qui plaide
pour être payé d’une dette non suspecte et fondée en
titres, ne doit de dommages-intérêts à personne; et si
quelqu’un en devoit dans cette cause, ce seroit plutôt la
régie, pour le mauvais exemple qu’elle y a donné, en
voulant faire prévaloir un acte non enregistré, à des
subrogations authentiques, pour retarder le payement
d’ un prix de vente exigible depuis neuf ans.
M r. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M e. B E A U D E L O U X
avoué licencié.
A R I O M , de l ’im p. de T H I B A U D , i m prim . d e la C o u r im p ériale, et lib raire,
ru e des T a u le s , m aison
Landriot.
— Janvier 1812.
�
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[Factum. Le Rascle, François. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Beaudeloux
Subject
The topic of the resource
créances
brevets
séparation de biens
émigrés
hypothèques
contrats de mariage
erreur matérielle
sujet d'une puissance en guerre
acquéreur anglais
séquestre
Chabanes de Lapalisse (Frédéric de)
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour François Le Rasle, ancien avocat au parlement de Paris, habitant à Paris, intimé et incidemment appelant; Contre M. le Directeur de la régie et des domaines, poursuivant, au nom de monsieur le Préfet du département du Puy-de-Dôme, la cause de M. le baron de Hompesch, lieutenant général au service de l'Angleterre, appelant; En présence de Madame Marie-Elisabeth Taleyrand de Périgord, veuve de Jacques-Charles de Chabanes, intimée; Et encore en présence de dame Marie-Louise Brachet, veuve de Reclesne, Henri-Joseph Mallet, et Jacques Villecoq, intimés.
Table Godemel : inscription hypothécaire : 6. l’erreur dans l’énonciation de la date d’un contrat de mariage, en vertu duquel est prise une inscription hypothécaire, ne rend pas nulle cette inscription. Mandataire : 2. la circonstance que le créancier, comme mandataire du débiteur, a fourni des baux à ferme des biens appartenant à celui-ci, ne peut faire présumer ce créancier comptable et soumis à une compensation, s’il n’est pas établi qu’il a perçu le prix de ces mêmes baux. Obligation : 4. celui qui n’est porteur que d’obligations souscrites en pays étranger, et qui n’a pas fait juger en France, avec le débiteur, qu’il est réellement créancier du montant de ces obligations, est non recevable à l’égard d’autres créanciers ayant titre authentique, à éxercer les droits du débiteur, et à réclamer la priorité d’une inscription par lui prise.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
An 11-1812
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2202
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2201
BCU_Factums_M0417
BCU_Factums_G2203
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53431/BCU_Factums_G2202.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Rochefort-Montagne (63305)
Saint-Domingue
République dominicaine
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
acquéreur anglais
brevets
Chabanes de Lapalisse (Frédéric de)
contrats de mariage
Créances
émigrés
erreur matérielle
hypothèques
séparation de biens
séquestre
sujet d'une puissance en guerre
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53646/BCU_Factums_M0105.pdf
c7d6039e451b9ba974ff1d0c170d6ca3
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Text
CONSULTATION
P O U R
L e cito yen J e a n - J o s e p h C H O U S S Y - D U P I N , h o m m e
, de lo i, habitant de la ville d u P u y , I n t im é , et défen
deur en opposition;
'c
o n t r e
D am e C a t h e r i n e - M a r i e - F r a n c o i s e F A U C H E R
,
et B a r t h é l é m y V A C H E R , son m a ri, de Lui auto
risée, propriétaires , habitans de La ville d 'A r la n t ,
A p p e lla n s , et dem andeurs en opposition.
L
es
S O U S S IG N É S , qui ont v u et exam in é les pièces
et procédures de la contestation pendante entre JeanJoseph C h o u s s y - D u p in , d ’ une p a r t, C a th e rin e-M a rie
F au ch er et B a rth é lé m y V a c h e r , son mari , d ’autre part,
sur la dem ande fo rm ée par ledit C h o us s y , en main
le v é e et radiation d ’une inscription de la som m e de
32 ,ooo fra n cs, fo rm ée contre lu i, au bureau des h y p o
thèques , par ladite F a u ch e r et son m a r i;
E
stim en t
que la dem an de fo rm ée par le cito yen
A
�(
2
)
C h o u ssy , est à l’abri de toute contradiction raison
nable.
L e ciloj^en Choussy et la D a m e F a u ch er ont é l é
unis par le m ariage, en 176 6 , séparés de fait depuis
1780 , et par le d iv o rce , depuis 1793.
Après des contestations sans nom bre , sur lesquelles
nous aurons occasion de revenir dans-la su ite, les par
ties p a s s è r e n t un co m p ro m is, le i 5 nivôse an 3 , pour
régler leurs d ifïéren s,, et spécialemenl pour prononcer
sur l’appel d’un ju g em e nt d’ un tribunal de fa m ille ,
rendu à Craponne , par défaut ,
contre
la D a m e
F au ch er, le 4 octobre 179 3 , lequel appel était alors
pendant au tribunal de Brioude.
L ’objet de ce procès étail la liquidation des reprises
et créances respectives que le cito yen Choussy et la
D a m e F a u ch er avaient à exercer l ’un contre l’autre
par suite de leur divorce, provoqué par la D a m e Faucher.
L e s parties ont nom m é pour leurs arbitres, le cito ye n
B ergier et le soussigné : elles ont voulu q u ’ils rendissent
leur jugem ent sans appel et en dernier ressort.
C e jugem ent a été rendu les 2 7 , 2 8 , 29 et 3 o prai
rial an 3 .
P arm i les nombreuses dispositions de ce jugem ent
qui a 1 1 9 rôles d ’exp éd itio n , celle qui donne lieu à
la contestation a ctu elle, est con çue en ces termes:
« Déclarons Choussy d éb iteu r, toute compensation
« fa ite , de la som m e de 17,220 liv. 7 so u s8 den. pour
« e x c é d e n t , et des intérêts depuis le 10 octobre der
« n ie r , époqu e où ont été arrêtés les calculs d ’intérêts
« par le ju gem en t dont est appel.
�> ( 3 )
-
# Pouf opérer le paiem ent de ladite créance, et par
« les ruutiis exprim és au jugem ent dont est ap p el, di
« sons q u’il a été bien jugé par ledit ju gem e nt , en ce
«• qu'il déclare la citoyenn e F a u ch e r propriétaire j u s
« q u à concurrence de son d u des sommes con sig n ées,
« en conséquence des' saisies et oppositions par elle fa ite s ,
« à la recette des consignations du district d’A m b e r t ,
«•- tant par D u m a r e t , acq uéreur d’ une maison et d o
« m aine vendus par C h o u ssy, que par P o m ie r , débi« teur dudit Choussy , en conséquence q u elle retirera
« des consignations sur lesdites sommes consignées , la
« susdite somme de 17,220 l. 7 s. 8 d . , m ontant de sa
« créance, a in si q u elle avisera ; au moyen de ce , dé«■clare Choussy quitte dès à présent envers lad. Faucher.
■U n e disposition postérieure fait m ain -le vée pure et
simple audit C h o u s s y , de toutes saisies et oppositions
sur lui faites de la part de ladite F a u c h e r , soit au sceau
des lettres de ratification prises sur les aliénations par
lui faites, soit entre les mains de ses débiteurs , ou de
toutes autres saisies ou oppositions faites ou à faire.
Enfin une dernière disposition de ce jugem ent p orte:
q u ’il sera exécu té en dernier ressort et sans appel, con
form ém ent ci la Loi.
C e ju gem en t arbitral a été h o m o lo gu é par le tribu
nal de B r io u d e , le 2 messidor suivant ; il a ensuite été
signifié par le cito ye n Choussy à la D a m e F a u c h e r
et a son m a r i, le i 5 du m ê m e mois.
P a r ce lte signification, le cito yen Clioussy a sommé
la D a m e F auch er et le cito ye n V a c h e r , son m a r i , de
se con form er à ce ju g e m e n t , et de retirer les papiers,
A 2
�c 4 }
.
.
dont il avait été condam né à la i faire la re m is e , des
mains de L e m e rle , n otaire, ch ez qui il avait été obligé
d ’en faire le d é p ô t, sur leur refus de les re c e v o ir, et
il ajoute de r e c h e f, les som m ant a u ssi de se conform er
et satisfaire en tout à La teneur d u d it jugem ent.
L e citû)^en Choussy a cru devoir ensuite faire des
réserves et p r o t e s t a t i o n s en ces term es;
« A u x q u e l s ledit instant déclare ne pas acquiescer
« ni icelui approuver quant a u x articles qui auront
« été ju g é s à son p réjudice et contraires aux lois , c ’est« à - d i r e , qant a u x chefs q u 'il se trouvera lésé , et
« donl les dispositions seront contraires à la loi , pro
« testant ët se réservant de se pourvoir en cassation,
« s’il y a lieu , etc. »
I l est assez évident par s o i- m ê m e , i.° que ces pro
testations étaient insignifiantes, et ne pouvaient porter
atteinte à ce jugem ent ni en em p êch er l’e x é c u tio n ;
2.0
Q u ’elles n ’avaient rien de re la tif à la som m e
de 17,220 livres 17
sous
F au ch er devait retirer
6 d e n ie rs, que la D a m e
du b u re au des consignations
d ’A m b e r t , puisque ces protestations ne frappaient que
su r les articles qui auraient été j u g é s à son p r é ju d ic e ,
c e s t-à -d ir e , a u x chefs qu il se trouverait lésé.
Q u o iq u ’il en s o i t , la D am e F au ch er et son m ari
a y a n t vou lu attaquer ce jugem ent arbitral au tribunal
de Brioude , sous prétex te q u ’elle avait ré v o q u é le
com p ro nis, elle a été déclarée n o n -recevab le dans sa
dem an de par ju g em e n t du 27 thermidor suivant , et
il a été ordonné que le ju g e m e n t arbitral serait e xécu té
scion sa fo rm e et teneur.
�( 5)
L ’un et l’autre de ces jug em ens ont été depuis for
m ellem en t exécutés par toutes les parties.
L a D a m o F a u ch e r et son m ari ont retiré les papiers
q u e le cito y e n Choussy avait été obligé de déposer
ch e z L e m e r l e , notaire , en exécution du ju g e m e n t
arbilral.
j
• I l a été obligé de les poursuivre depuis pour le paie
m en t de la m oitié des frais du ju g em en t arbitral et de
c e u x du ju g em e nt du 27 th erm idor ; il a fallu un n ou
vea u ju g em en t p o u r les y contraindre ; ils o n t exécuté
tous ces diffèrens jugem ens et en ont p a y é tous les frais.
T o u s ces faits sont consignés et avoués par le cito ye n
V a c h e r et sa fe m m e ; dans un dernier ju g e m e n t du
tribunal d ’A m b e r t , du 16 th erm idor an 8.
C ’est dans cet état de choses que le cito y e n Choussy
ayan t appris
que
la
Dam e
Faucher
et son m arî
avaient fait une inscription sur ses biens de 32 ,000 liv.
sous prétexte de cette prétend u e créan ce de 17,2 20 liv.
'7 sous 8 deniers et des intérêts 3 s’est po u rvu contre
eu x pour obtenir la radiation de cette inscription.
✓
O11 a dit en co m m e n ça n t que cette dem ande du
citoyen Choussy était à l ’abri de toute contradiction
raisonnable.
E t en effet on voit dans les défenses fournies par la
D a m e F a u ch e r et son m a r i , le 19 nivôse d e r n ie r ,
q u ’ils opposent deu x m o yen s au citoyen Choussy.
I-C' p rem ier , q u ’à raison des proteslations contenues
dans sa signification du ju g em en t a r b itr a l/ d u mois de
piairial an 3 , ils n ’ont pas dû se présenter ch ez le
receveu r des consignations pou r retirer ce lle sommes
de 17,220 liv. 7 sous 8 deniers.
�( 6 )
L e s e c o n d q u e ce lle som m e de 17,220 liv. 7 sous
.
8 deniers provenant de ses biens dotaux , il n ’est ni juste
ni h on n ête que le citoyen Clioussy s’en libèr.e en assi
gnats qui étaient déjà dans le plus grand discrédit ;i
l ’époqne du jugem ent dont il s agit ; que ce paiem en t
en assignats est d ’ailleurs contraire a la loi d u 25 m es
sidor an 3 , qui a s u s p e n d u le rem boursem ent des dots
des femmes.
Quant au
prem ier m o yen , on a déjà v u com bien
il était frivole.
L e cito yen Clioussy a observé dans ses réponses a u x
défenses qui lui ont été signifiées par ses ad versaires,
q u ’il n ’a fait ces protestations que parce q u’il avait
ép ro u vé jusques là des chicanes inouies , q u’ il était
m en a cé d ’en ép ro u ver de n ou velles, et de tout genre.,
et q u ’il a voulu par là se m ettre en mesure contre
toutes les tracasseries q u ’on pourrait lui susciter.
M ais quoiqu’il en soit de ces m otifs , il n ’y a rien
dans ces protestations dont la D a m e F a u ch er et son.
m ari puissent tirer le plus léger avan tage contre le
cito yen Choussy.
.
I l est bien essentiel de rem a rq u e r, i.° q u ’ils ne sont
pas recevables à critiquer le ju g em en t dont il s’a g i t ,
en ce que ce jugem ent a confirmé le prem ier jug em en t
du tribunal de famille , qui portait que les sommes
consignées seraient a u x risques de la D a m e F a u ch er
jusqu’ à concurrence du m ontant de ses créances contre
son m ari.
^
C e tte fin de n o n -re c e v o ir résu lte, soit de ce que ce
jugement; est en dernier ressort, soit de ce q u’il a ét6
pleinem ent ex écu té par eux.
�v
^7 ^
2.° Q u ’ils n e préten dent m êm e pas que les arbitres
aient: mal jugé en laissant celte consignation aux risques
de la D a m e Faucher.
D e sorte que toute la contestation se réduit sur ce
point à savoir si les protestât ions consignées dans la signi
fication du i 5 messidor an 3 , ont dû arrêter l'exécu tio n
de ce j u g e m e n t , et em p êch er la D a m e F a u ch e r de
retirer les deniers consignés.
O r , il est difficile de tro u ver q uelq u’obstacle au r e
tirem ent de ces deniers dans c e lle signification , lors
q u ’ on y lit ces mots : ¿es som m ant a u ssi de se conformer
et sa tisfa ire en tout à La teneur d u d it j ugement.
.
O n v e u t abuser des protestations qui s u iv e n t , mais'
« c est une m ax im e certaine ? dit D en iza rt , au m ot
« protestations, N.° 3 , que quand l ’action est con lraire
« à la protestalion , elle la détruit. »
D ’ailleurs n o n -seu lem en t cette protestation n’ a rien
de c o n l r a i r e à lu som m ation qui la précède de retirer
les denieis co n sign es 3 mais elle la confirm e au contraire
form ellem en t en ce q u ’elle ne porte que su r les articles
q u i auraient été ju g é s à son p r é ju d ic e , c'est-à -d ire ,
quant a u x chefs qu il se trouvera Lésé. D ’où il résulte que
cette protestation n ’avait rien de com m un au x deniers
consignés que la D a m e F a u ch er devait r e t ir e r , puisque
cet article n’avait pas été jugé au préjudice du cito y e n
C houssy , et q u ’il ne s’y trouvait pas lésé.
I l était d onc difficile de tro u ver u n p rétexte plus
frivole à l’inscription que la D a m e F a u c h e r et son
m ari ont fait faire sur le c ito y e n Choussy.
I l ne reste q u’à exa m in er si le prétexte du paiem en t
en assignats est plus imposant.
�(
8
)
#
^
O u ce m o y e n est opposé com m e une sim ple consi
dération ou com m e m oyen de droit.
Si c ’est com m e m oyen de considération, ilse retourn e
contre la D a m e F a u c h e r : c'esl elle qui a nécessité
la consignation des den iers; n on-seulem ent elle a fait
mal-à-propos des oppositionsaubureau des h yp o th èq u es
et des saisies entre les mains de tous ses d éb ite u rs,
q u o i q u ’ e l l e le supposât m illion n aire, co m m e elle le d i t
dans ses défenses du 19 nivôse dernier } mais elle n ’a
pas m êm e eu égard aux cautions les plus satisfaisantes
q u e le citoyen Choussy a présentées , et q u ’il a fait
r e c e v o ir , de sorte que cette consignation et le d é p é
rissement des assignats est uniqu em ent de son fa it, et
n ’est arrivé que par sa faute.
A u surplus, ce n ’est pas seulem ent ces 17,2 20 liv.
q u ’elle a fait ainsi dépérir par les chicanes q u’elle a
m ultipliées à l'infini pour nécessiter cette co n sign a tio n ,
elle a encore fait perdre au cito yen Choussy plus de
24)000 hv. qui form èrent le restant des assignats con
signés qui sont restés pour son co m p te; on sent d’après
cela que si les motifs de considération pouvaient être
de quelque poids aux y e u x de la justice , le cito yen
Choussy serait seul en droit deles invoquer en sa faveur.
Q uant au m o y e n de droit résultant de la loi du 2 5
messidor an 3 , il se retourne encore contre la D a m e
F a u ch e r et son mari.
L e jugem ent arbitral rendu en dernier ressort était
du mois de p ra irial, il était rendu contradictoirem ent
a vec la D a m e F a u ch e r et en présence de son fondé
de pouvoir c[ui avait assisté à toutes les séances.
�,
,
c 9 )
C ’est dès-lors du m o m e n t que le ju g e m e n t a été
rendu que le paiem ent est censé e ffectu é, puisque ce
ju g e m e n t porte que le ju g em en t du tribunal de famille
est co n firm é, en ce
q u ’il déclare la D a m e F a u ch er
propriétaire j u s q u 'à concurrence de son d u des sommes
consignées.
V o u d r a i t - o n co m p ter ce paiem ent du jour de la
signification du j u g e m e n t , cette signification est du i 5
m essidor, p ar conséquent bien antérieure à la loi.
E n f in , la loi de suspension q u ’ on oppose au citoyen
C h o u s s y , porte u n e exceptio n en sa fa veu r pour le cas
particulier dans leq u el il se trouve.
-
L ’art. I I I est ainsi co n c u : « Son t compris dans cette
« suspension p ro viso ire , les rem boursem ens des ca p i« ta u x q u i, en cas de dissolution du m ariage, doivent
« être restitués par le m ari ou ses héritiers, à la fe m m e
« ou aux héritiers de la fem m e. » .
'
A rt. I V . « L a suspension p ron o n cée par l ’article pré« cedent n aura lieu que dans le cas de dissolution du
« m aria g e, par la m ort d ’ un des ép ou x ou par r e f le t
« du divorce pron on cé sur la dem ande du m a r i, sans
« cause déterminée.-»
"
A i n s i , toutes les fois que le divorce a é lé dem and é
pour cause d ’incom patibilité d ’h u m e u r et de caractère
p a r une f e m m e , après a v o ir quitté son m ari depuis
15 ans , co m m e dans l ’espèce, il n ’y avait plus lieu à la
suspension p ronon cée par ce lte lo i , et le mari pouvait
se libérer après co m m e avant la loi du 2 5 m e s s i d o r .
C e qui ne laisse pas m ê m e le plus léger prétexte a
la D a m e F a u ch er , d ’exciper de ce lte loi qui con.-
�( ï° )
t
.
^
dam nerait form ellem ent sa p ré te n tio n , si elle ne lui
élait pas étrangère par la circonstance que tout était
term in é entre les parties pour cet o b jet, depuis le 3 o
prairial
précéd en t, époque du jugem ent.
D élib é ré à C l e r m o n t - F e r r a n d , le 10 germinal an 9.
D
ar tis-
M
arcillat
, B o ir ot, P ag ès- M
eim at.
L E C O N S E I L S O U S S I G N É , qui a vu la présente
C on sultation ,
est entièrem ent du m êm e avis et par les
m ôm es raisons. Outre q u ’on a prouvé dans cette co n
sultation jusqu’à la démonstration que les protestations
du citoyen Choussy ne pouvaient apporter aucun obs
tacle à ce que la D a m e F a u ch er retirât les effets con
signés , com m e d ’ailleurs ces protestations ne frap
paient pas sur l ’objet des sommes consignées, mais sur
les chefs qui pou vaien t être sujets à cassation, dès que
la dem ande en cassation ne fut pas fo rm ée, et que le
délai de la form er fut passé, la D a m e F a u ch e r aurait
dû dès-lors renier les effets consignés; mais de plus,
un jugem ent en dernier ressort mettait la consigna
tion à ses risques.
D é lib é ré à R i o m , le 12 germinal an 9.
G
aschon
, P
L.
ages
, A
ndraud
,
F. D E L A rC HI E ll .
L E C O N S E I L S O U S S I G N E , q u i a v u les Consulta
tions ci-dessus,
estim e
,q u ’indépen d am m en t de la dé-
�( II )
faveur com plette qui accom pagne la personne ét la
prétention de la D a m e F a u ch er , contre le cito ye n
C h o u ss y , il est évident que son,inscription ne peut se
so u te n ir, p arceq u ’à supposer que les protestations du
c ito ye n Choussy contre le jugem ent arbitral, rendu en
dernier ressort par les citoyens Bergier et B o ir o t, eussent
le degré d ’intensité que la D a m e F au ch er leur d o n n e ,
elles ne seraient toujours pas plus considérables q u ’un
appel en cassation; o r , il est certain que l ’appel en tri
bunal de cassation ne pouvait arrêter l ’exécütion du
ju g em e n t arbitral, ni pour le p rin cip a l, ni pour les in
t é r ê t s , ni pour les d ép en s, et q u ’ainsi les protestations
du
citoyen
Choussy n ’ em pêchaient point la D a m e
F a u ch e r de retirer les effets consignés. E n les retirant
de
la consignation , la D a m e F au ch er ne se c o m
prom ettait en r ie n , au lieu q u ’en les laissant à la co n
signation, il y avait beau co u p de danger. E lle a donc
bien vo u lu courir la chance de l ’é v é n e m e n t , et dèslors elle ne peut en im p u ter la faute q u’à elle-m ême. '
A u surplus, les consultations détruisent si parfaitem ent
les objections de la D a m e F a u c h e r , q u ’on ne conçoit
pas com m en t elle pouvait persister à faire valoir son
in scription , qui est absolum ent sans fondem ent.
'
D é lib é ré à R i o m , ce i 3 germ inal an g.
C. L . R o u s s e a u .
L E S S O U S S IG N E S , qui ont pris lecture des avis déli
bérés a R i o m , les 9 , 1 2 et 1 3 du mois c o u ra u l, qui sont
sus-lranscrits,
.
�( I2
'
E
stim en t
)
que si les faits et les jugem ens rappelés et
datés dans le prem ier des susdits a v i s , sont exacts , la
justice ou ses ministres ne sauraient trop-tôt s’empresser
de rejeter ou d ’ordonner la radiation d ’une inscription
aussi injustement hasardée , en faisant supportera ce u x
qui se la sont p e rm ise , les frais et les dépens qu’ils au
ront ainsi tém érairem en t occasionnés, sans prétexte
com m e sans raison.
P o u r a vis, au P u y , le 2 5 germinal an 9.
L
obeyrac
,
Gallet.
Je suis du m êm e avis.
M
A
ouredon.
R I O M , de l ’i m p r i m e r i e du P a l a i s , chez J . - C . S a l l e s .
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Choussy-Dupin, Jean-Joseph. An 9?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Dartis-Marcillat
Boirot
Pagès-Meimat
Gaschon
Pagès
Andraud
Delapchier
Rousseau
Lobeyrac
Gallet
Mouredon
Subject
The topic of the resource
hypothèques
divorces
tribunal de familles
créances
jugement arbitral
biens dotaux
assignats
dot
Description
An account of the resource
Consultation pour le citoyen Jean-Joseph Chousy-Dupin, homme de loi, habitant de la ville du Puy, Intimé, et défendeur en opposition; contre Dame Catherine-Marie-Françoise Faucher, et Barthélemy Vacher, son mari, de lui autorisée, propriétaires, habitans de la ville d'Arlant, Appelans, et demandeurs en opposition.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 9
1765-An 9
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0105
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
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A language of the resource
fre
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9884c9595dd5a4c61f8ad5eacb2ecde7
PDF Text
Text
M
.
E
M
O
I
R
E Tribunal D'appel
Séant à R iom .
P O U R
.
François
I T I E R , p ro p riétaire, habitant de
1a com m une du B o u c h e t-S t.-N ic o la s,A p p e la n t.
C O N T R E
J
o s e p h
S O L V I G N Ô N , p r o p rié ta ire
h abitan t au P u y ,In tim é.
arrérages, de cens sont-ils.exigibles, lorsqu’il n’y
a aucune obligation libre qui fasse novation au profit
du fermier qui les demande, lorsque ce fermier n’a pour
titre que des condamnations Judiciaires condamnées aux
flammes et brûlées réellement? Telle est la seule question
D
es
que présente cette cause.
F
a
i
t
s
Il paroit que le citoyen Solvignon, en Qualité de ferm ier
A
�cle la cathédrale du P u y , fit assigner, le 23 février 17 9 0 ,
François Itier, Pierre Vigouroux et Jacques Sallegrette,
en qualité de principaux habitans de la commune duBouchet, pour lui payer solidairement, et en pagésie, un
cens de quatre-vingt seize setiers de seigle et vingt-quatre
raz d’avoine, mesure du Puy, en deniers ou quittances,
pour chacune des années 1783 et suivantes , jusqu’en
17 8 8 ; il obtint sentence par défaut, le 20 juillet 179 0,
adjudicative de ses conclusions.
Il paroît encore qu’en vertu de cette sentence, le cit.
Solvignon fit faire des saisies - exécutions chez les trois
condamnés. On rie sait pas quelle procédure fut tenueà .cet égard., dès qu’aucune ne subsiste \ mais sans
doute les meubles ne lurent pas déplacés , parce qu’il
paroît que l’huissier vint faire une sommation de les
représenter : sur cela, les condamnés formèrent opposi
tion à la sentence par défaut, et assignèrent en garantie'
de la pagésie les nommés Antoine Surrel, Jean Blanc,
Jean-Pierre Lac, Jean-Pierre Blanc et_Louis Portalier,
autres principaux habitans du Bouchet, pour se joindre
à eux, et supporter, en cas d’événement, leur part des
condamnations à venir, aux(offres d"en^supporter eux_
memes leur portion.
.
‘ L a cause fut portée à l’audience du tribunal "du ci7
devant district du P u y , et plaidée le 20 avril 1792 :
il intervint jugement qui décida que l’opposition étant
venue après la huitaine, n’étoit pas récevable ; en consé
quence, en prem ier ressort il fut dit que les opposans
étoient déboutés de leùr opposition, et que la sentence de
x 790 seroit exécutée. Ils furent condamnés par corps à repréA
!
I
.
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'
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�. .
^3 )
senter les objets saisis; et faisant droit sur la demande en
garantie, il fut donné défaut contre les défendeurs et
pour le profit, ils furent condamnés à garantir les opposans, du montant des condamnations, sauf à ceux-ci à
en supporter leur portion, suivant leurs offres.
Peu de temps après ce jugement, les droits féodaux
furent supprimés; les titres furent brûlés, et il paroît que
le citoyen Solvignon a exécuté la loi qui l’ordonnoit ainsi;
de sorte qu’il n’a plus été question de poursuivre la pagésie
des habitans du Boucliet.
, Depuis peu cependant, il a cru les circonstances plus
favorables pour tenter de faire renaître cette pagésie de
ses cendres. II a retire une seconde expédition des deux
jugemens dont on vient de parler, et il les a signifiés ù
Itier, avec itératif commandement de payer le montant
des condamnations.
Itier a interjeté appel des deux jugemens de 1790 et
de 1792.
M
O Y E N S .
'
<
Il est malheureux, sans doute, pour le citoyen Solvignon
de perdre des cens, si tant est que ce soit lui qui les
perde ; mais il seroit plus malheureux encore pour le
citoyen Itier, de payer à lui seul tout le cens dû ou non
dû par tous les habitans de la commune, pendant six ans,
et cela sans avoir aucun recours contre eux. Cet inconvéf
* a' éviter,
^ *19
• de
nient, plus nécessaire
qu1il* nest
nécessaire
ressusciter pour le citoyen Solvignon des droits féodaux
abolis, à engagé le citoyen Itier à se pourvoir; il justifiera
son droit en établissant, 1? . que l’opposition au juge
A 2.
■
�.
.
(4 )
.
ment de l'fgo étoit recevable ; 2°. qu’il ne doit pas de cens.
P
r e m i è r e
q u e s t i o n
.
‘
En la form e, en effet, il est difficile de savoir en vertu
de quelle loi le tribunal du Puy n’a pas voulu admettre
une opposition après la huitaine; car la sentence de 17 9 0 ,
étoit en premier ressort. Outre qu’il s’agissoit d’un cens
et d’une valeur considérable, on sait qu’alors tous les
jugemens des sénéchaussées étoient susceptibles d’appel ;
que les seules affaires au-dessous de 2,000 fr. étoient sus
ceptibles d’un règlement de compétence au présidial; mais
qu’il falloit ce règlement de compétence préalable, pour
rendre le jugement en dernier ressort. Alors la sentence
n’étoit plus rendue par la sénéchaussée , mais par le
présidial. Ici la sentence de 1790 a été rendue par la séné
chaussée ; ainsi pas de doute qu’elle étoit en premier ressort.
O r, l’ordonnance de 1667, en exigeant qu’il soit formé
opposition dans la huitaine, ne parle que des arrêts ou
jugemens en dernier ressorte Alors même les tribunaux
étendoient ce délai, lorsque, comme dans l’espèce, les
arrêts même étoient par défaut. Peut-être dira-t-on que
le parlement de Toulouze, d’où ressortissoit le P u y , suivoit sur ce point l’ordonnance à la rigueur. Mais suivre
l’ordonnance n’est pas la dépasser ; et, lorsqu'elle ne porte
la prescription de huitaine que contre les oppositions aux
jugemens en dernier ressort, il ne faut pas étendre cettç
peine aux jugemens en premier ressort, sur-tout rendus
par défaut; car les lois pénales ou de rigueur peuvent se
restreindre, mais jamais s’étendre au delà des cas qu’elles
prescrivent littéralement.
�.
( 5 \
L ’arrêté du 9 messidor an 4, inséré au bulletin des lois,
dit que les appels des jugernens par défaut, rendus en
première instance, sont recevables après les trois mois*
Si donc l’appel est possible, l’opposition l’est encore plus;
si le délai peut être de trois mois pour se pourvoir, à
plus forte raison doit-il être de plus de huit jours.
L e jugement du 20 avril 17 9 2 , a donc mal jugé, en
refusant d’admettre une opposition à une sentence en
premier ressort, après la huitaine. A in si, il y a lieu de
rechercher d’abord si le cens peut aujourd’hui être de
mandé , et en quelle forme pourraient être exécutées des
condamnations solidaires.
D
e u x i è m e
q u e s t i o n
.
*
»
Cette question doit se traiter par un examen rapide des
lois rendues dans la révolution sur les droits féodaux. L e
silence du législateur et des tribunaux sur celte matière,
depuis plus de sept ans, devroit être le seul moyen à em
ployer, pour faire taire des réclamations, quiont toutàla
fois à triompher des lois, du préjugé, de l’habitude et des
flammes; mais le citoyen Solvignon, paraît croire que le
préjugé déjà vaincu, lui permettra de rechercher dans la
rigueur des lois quelque fragment de disposition quiluisoit
favorable ; il tachera d appeler à son secours la jurispru-*
dence du tribunal civil, dans une espèce qu’il dira sem
blable \ mais il n’est pas difficile de lui démontrer que la
législation en cette matiere est très-éloignée d’étayer ses
prétentions, et ne permet pas d’hésiter à les proscrire.
L e premier coup porté à la féodalité, par la loi du
�. ,(6)
4 août 1789, sembloit d'abord n’atteindre que les privi
lèges et les servitudes personnelles. La loi du 7 mai 17 9 0 ,
permit le rachat des droitsjréels; mais le peuple sembloit
vouloir davantage, et l’assemblée constituante promulgua,
le i 5 juin 1 7 9 1 , une instruction qui marquoit ses inten
tions et ses principes.
Ce résultat tardif de son expérience , n’avoit plus le
pouvoir de détruire l’effet produit par son enthousiasme :
l’assemblée législative , en lui succédant, montra, par ses
premiers travaux, qu’elle alloit déclarer une guerre plus
directe, et à la monarchie, et à la féodalité qui en étoit
l’enceinte.
}
Par la loi du 20 août 1792, elle supprima les pagésies
ou la solidarité des redevances, même pour les arrérages ‘
échus : cinq jours après, elle abolit tous les droits féodaux
qui ne seroient pas établis par des titres primitifs, en
ordonnant que les procès non décidés par un jugement
en dernier ressort, demeureroient éteints, tous dépens,
compensés.
’ .
L a convention nationale ensuite .voulut se hatei de
finir la guerre monarchique et feodale. Après la chute
du trône, elle décréta, le 17 juillet 179 3, l’abolition géné
rale de toutes redevances seigneuriales fixes ou casuelles,
même de celles conservées par la loi précédente. Elle
ajouta que tous les procès intentés, soit sur le fonds, soit
sur les arrérages dësdits droits supprimés, étoient éteints
sans répétition des trais de la part d’aucune des parties.
Pour ne pas laisser de vestiges des droits féodaux sup
primés, elle ordonna h tous dépositaires de titres consti
tutifs o u récognitifs desdits droits, de les,déposer dans
trois mois, pour être brûlés, ù peine de cinq années de
a
�( 7 )
fers. Enfin elle déclara comprendre dans les' titres dont
elle ordonnoit le brûlement, les jugemens o u ‘arrêts qui
porteroient reconnoissance des droits féodaux, ou môme
qui les renseigneroient.
• Cependant plusieurs tribunaux saisissant mal le sens de
cette lo i, croyoient devoir l’appliquer aux procès de cette
nature, pendans devant eu x, en prononçant des fins de
non recevoir. Cette application même parut un attentat;
et une loi du 9 brumaire an 2 , déclara que tous jugemèns postérieurs à l’abolition, étoient nuls; que les frais
de l’instruction étoient à la charge des avoués qui les
avoient faits, et défendit aux juges, à peine de forfai
ture, de prononcer sur les instances indécises.
- Jusque-là la rigueur de cette extinction n’exceptoit
personne, et les tribunaux n’avoient garde d’accueillir
des demandes qui traitassent directement ni indirectement
de redevances féodales. Cependant les censitaires qui
avoient payé en pagésie pour leurs codébiteurs, avoient
un droit bien juste de réclamer le recouvrement du
payement forcé de la dette d’autrui: la loi du 9 frimaire
an 2, leur permit de réclamer ce payement; mais ajouta
qu’ils n’auroient ce droit que dans le cas où ils auroient
été obligés de payer par autorité de justice.
Il ne semble donc pas devoir être en question sérieuse
si un fermier non plus que son seigneur, a le droit de
faire vivre aujourd’hui des procès ou jugemens relatifs
à des droits féodaux. N’étant pas compris dans l’exception
de la loi du 9 frimaire, il reste toujours constant, par
la loi du 28 août 1792) que les jugemens que produit le
citoyen Solvignon, n’étant pas en dernier ressort, sont
�.
(
«
)
.
.
.
sans effet, même pour les dépens ; par la loi du 17 juillet
17 9 3 , que ces jugemens étant récognitifs de cens , sont
spécialement dans la classe des actes qui ont dû être brûlés,
comme ils l’ont été en effet; parce que cette loi, bien
loin d’excepter les fermiers qui avoient une action au
nom du seigneur, saisissoit même les titres renseignant
la féodalité entre les mains de tous dépositaires. Enfin ,
il reste toujours prohibé parla loi du 9 brumaire, à peine
de forfaiture, de s’occuper de procès féodaux.
Mais, dira le citoyen Solvignon, cependant le comité
législation, consulté en l’an 2 par le tribunal du district
de R iom , a répondu que l’action d’un fermier pour une
rente provenant de cens, n’étoit point éteinte , parce
qu’il avoit payé le seigneur, et s’étoit fait un titre par
ticulier pour lui-même. Il ajoutera que l’année dernière
le tribunal civil du Puy-de-Dôme a jugé que les héritiers
d’ un fermier pouvoient se faire payer du montant d’une
obligation dérivée de cens, comme ayant de même payé
au seigneur, de ses deniers, et n’ayant de recours contre,
lui que pour les cens .postérieurs à 1789. Enfin, il ajoutera
que ces préjugemens sont.fortifiés parla loi du 9 frimaire,,
rendue en faveur des, copaginaires, parce que, comme
eux il a payé la dette'd’aütrui > et «loit comme eux en.
obtenir le recouvrement.
•
’
Ces trois objections'n’ôtent- rien à l’application deslois,
précitées.
•
'
.! ït seroit peut-être suffisant de: répondre la première,,
que la réponse iVun. comité n’est pas une loi,, et a encore*
nioms la: puissante d’y être contraire-; mois qu’on transe
îonne,,.si on teiveat, la lettre du comité, de législation
on
d e
�'
( 9 )
gn une loi positive, elle ne prouve rien pour le citoyen.
Solvignon ; il ne s’agit que d’en rappeler la cause.
Un ancien fermier de seigneur, créancier d’arrérages
de cens, au lieu de poursuivre son débiteur en justice,
avoit consenti de lui aliéner le capital de sa créance
.en un contrat de rente constituée. Cette rente avoit été
servie pendant longues années ; et le débiteur, profitant
de ce que l’origine de la créance étoit énoncée au contrat
de rente, crut pouvoir s’affranchir du payement, en vertu
de la loi du 17 juillet 1793. Le tribunal du district de
Riom hésita même à prononcer sur le genre de cette
affaire, et s’adressa au comité de législation. Le comité
répondit que le contrat de rente ayant été dénaturé,
n’avoit plus rien de féodal; parce que le fermier, en con
sentant d’échanger son action, en aliénant volontairement
son capital, avoit payé de mcme volontairement la dette
du censitairé, et que le contrat de rente devoit avoir son
exécution.
Aucune comparaison ne peut être faite entre ce fermier
et le citoyén Solvignon ; il a, lu i, poursuivi en justice et
faitexécuter des censitaires pour tout le cens de la commune.
L o i n d’aliéner son capital, loin de consentir à aucun acte
volontaire, il n’a pas même voulu dans le temps, et lorsque
la division de cens etoit aisee A faire, accepter divisement
la portion de chaque copaginaii’e. Son ti.tre n’a point changé
de nature; ilestune condamnation judiciaire d’arrérages de
cens, dans la'même forme qù elles ont été rendues de tout
temps. Une peut user de sa qualité de fermier; car toujours
les condamnations d’arrérages ont été aunom dès fermiers,
et il‘ est impossible d?appliqucr autrement .¡’article III de
‘
'
B
�( 10 )
la loi du 17 juillet 17 9 3 , en ce qu’ il supprime les procès
rendus sur les arrérages des droits supprimés; ni l’ar
ticle V III, en ce qu’il comprend les jugemens ou arrêts
qui porteroientreconnoissance des droits supprimés, ou qui
l es renseigneroient. Il faut donc dire que cette loi a éteint
les arrérages de c^is, au moins non dénaturés par no
vation, ou qu’elle n’en supprime aucun; ce qu’il seroit
bizarre de penser.
L a seconde objection n’a absolument rien de différent de
la première ; car le jugement rendu par le tribunal civil
du Puy-de-Dôm e, étoit dans une espèce à peu près sem
blable à celle décidée par le comité de législation.
Les sieurs Bravard et Vachier, fermiers d’Arlanc,
créanciers de cens échus même en partie sous le bail des
fermiers leurs prédécesseurs, acceptèrent du débiteur une
obligation ; quelques années après ils acquirent des im
meubles, dont le prix fut en partie compensé avec le prix .
de cette obligation. On obtint en la sénéchaussée d’Auver
gne , le désistement de ces immeubles, et le citoyen Bravard
conclut depuis au payement de l’obligation. Le tribunal
civil pensa qu’il y avoit doublement novation de la créance,
l’une des précédens ferm iers, l’autre du ci-devan t sei
gneur , et que le citoyen Bravard , en acceptant volon
tairement la délégation de la dette d’autrui, s’étoit fait
un titre particulier, et n’avoit pas d’action en répétition
contre le ci-devant seigneur.
Ici encore le citoyen Solvignon ne peut s'adjuger cette
jurisprudence-, car il n’y a dans ce qu’il demande au.
cune novation. Il n’avoit pas, lui, été payé en immeubles,
et on ne lui doit pas un remplacement d’éviction 5 il ne
�C ii )
K
s’est pas fait un titre particulier et.non féodal en acceptant
volontairement une obligation ; son titre est autant féodal
que semblables titres le furent jamais; ce sont des arré
rages de cens.qu’il demande, non pas en vertu de titres
à lui, mais en vertu des titres du seigneur. Si le cens étoit
contesté, il falloit que le seigneur fût mis en cause, et
dès-lors ce n’étoit plus au citoyen Solvignon qu’on avoit
affaire ; il a fait plus ; il a usé du privilège de son com
mettant , en voulant contraindre de payer en pagésie ;
il a donc l’enoncé au droit de dire qu’il ne réclamoit
qu’une créance particulière due à lui-même 5 et non féo
dale; ce seroit donc un pas bien rétrograde, que d’oser
dire aujourd’hui que les sentences de pagésie ne sont point
un titre féodal.
L a troisième objection n’est pas plus spécieuse ; car
vouloir assimiler celui qui contraint à la pagésie à celui
qui a été contraint, ce seroit comparer le créancier au
débiteur ; ce qui n’est pas très-aisé à persuader. Mais y
eût7Ü plus d’analogie entre ces contraires, un seul mot
.doit y répondre; c’est que 1 article Ier. de la loi du 9
frimaire an 2, permet au censitaire de réclamer la portion
.du cens qu’il a payé pour son copaginaire ; l’article II
explique qu’ il n’a ce droit que lorsqu’il a payé par auto
rité de justice. Le citoyen Solvignon n’est point dans ce
ras; et sans doute comme ferm ier, comme poursuivant
et vexant les censitaires par des exécutions, et des réqui
sitions de contrainte par- corps, il ne croira pas ces titres
plus recommandables que ceux des,copaginaires vexés,
qui auroient été contraints par ses pareils, à payer seuls
■la dette de toute une enclave.
'
‘
"
B a
�( 12 )
'
Disons donc que ïe citoyen Solvîgnon n’a pas pu
recréer des titres féodaux, pour en demander l’exécution,
ou mépris des nombreuses lois qui les proscrivent. Plus
hardi même dans ses prétentions, pourroit-il bien faire
valoir ses jugemens de 1790 et 1792 , qui condamnent
trois individus solidairement à payer en pagésie le cens
dû par toute la commune, et arrérages pendant six ans.
Supposons, s’il se peut, que la loi du 17 juillet 1793 ,
n’atteigne pas les fermiers ; qu’elle protège en leurs mains
toutes les sentences de censive, pour conserver ce dépôt
intact aux ci-devant seigneurs, et que le brulement or
d o n n é , même des simples renseignemens, n’ait été qu’un
leurre pour tromper la crédulité nationale; au moins,
faudra-t-il executer la loi bien claire du 2.0 août 1792.
L ’article Ier. , comme on l’a déjà dit, abolit la solida
rité des cens et redevances seigneuriales quelconques,
même y ourles arrérages échus ,• en conséquence, est-il
ajouté, chacun des redevables sera libre de servir sa portion
sans être contraint à payer celle de ses co-débileurs.
Si donc il falloit exécuter, au profit'du citoyen Solvignon, les jugemens de 1790 et 17 9 2 , comment en proposeroit-il l’exécution ? quelle partie des cens demanderoit-il à Itier ? comment se feroit la division des arrérages
portés par ces jugemens, entre tous les copaginaires du
Bouchet-St.-Nicolas ? A-t-il les reconnoissances particu
lières de chaque héritage du ténement? a-t-il ses cueilloirs
ou reçus affirmés, dont la loi o r d o n n o i t aussi le brulement
spécial ? mais n’y aura-t-il pas contestation entre les cen
sitaires , pour la quotité de chacun ? alors il faudra re
mettre ces titres à des commissaires à terriers, et procéder
à un également du cens.
�,
...
^ 13 ^
Voilà où conduiroient naturellement les prétentions
du citoyen Solvignon ; et sans doute il n’a pas dû croire
sérieusement que les tribunaux s’aveugleroient au point
d'oublier les lois pour son profit, et de partager ses
erreurs.
‘
1
Il n’a pu avoir qu’un but, et ce but étoit une subtilité;
c’étoit de dire : je signifierai mes sentences avec comman
dement , et alors j’obligerai Itier de se pourvoir. S’il s’a
dresse au tribunal de première instance, je dirai que ce
tribunal, substitué à celui qui a rendu les jugemens, ne
peut se réformer lui-m êm e, et n’a à juger que les vices
du commandement. S’il s’adresse au tribunal d’appel, je
dirai qu’il n’y avoit pas lieu à appel, dès que le cens étoit
reconnu ; mais qu’il falloit former opposition au com
mandement.
‘
1
Ce cercle vicieux se détruit par lui-même. L'une des deux
objections sert de réponse à l’autre; et en effet], c’est
précisément parce que le cens n’avoit pas été contesté,
qu’il n’y avoit pas lieu de provoquer une décision du tri
bunal depremière instance. Ce tribunal ne pouvoit rejuger
une question sur laquelle il avoit épuisé son droit ; et le
but d’une opposition au commandement-, n?auroit été
cependant que de remettre en jugement la question du
cens. Si ensuite pendant cette discussion le délai d’appel
se fût écoulé, le citoyen Solvignon n’eut' pas perdu l’a
vantage de cette prescription : il a donc fallu recourir à
l’autorité supérieure.
L e tribunal d’appel seroit d’ailleurs compétent, par
cela seul que le jugement du 20 avril 1792 a refusé d’ad
mettre après la huitaine l’opposition à une sentence par
�( 14 )
.
.
défaut, par cela seul que l’appel à été interjeté dans les
trois mois de la signification du jugement.
.
N ’y eût-il que cette seule voie d’appel, les autres points
delà cause.jétant connexes, l’intérêt des parties étant d’a-r
bréger leur procès, le tribunal d’appal évoqueroitle prin
cipal., et juger'oit dès-lors toutes les difficultés.
* Cette évocation, loin d’être une usurpation de com
pétence , loin d’être même facultative, seroit indispensable
dans la circonstance5 car il n y a que deux degrés de juri
diction suivre,, et le premier est rempli. L e tribunal du
]?uy a tout jugé. I/opposition au commandement, dans
le sens quelle tendroit a réformer ses jugemens, ne peut
donc êti-e de son attribution.
.
Sans doute le tribunal d’appel est compétent- pour ré
former un jugement dit en premier ressort, attaqué dans
le délai de la l o i , pour décider sur cet appel toutes les
questions déjà agitées en première instance, et même pour
statuer par-évocation sur toutes celles qui seroient connexes
ou accessoires..
r
i:.Màis le citoyen Solvignon)est-il assez en règle pour
demander des arrérages de cens, quand la loi les lui auroit
conservés.?. art-il des titres, a-t-il des procédui’e s, ,a-t-il
dés .jugemens réguliers? 'Il n’a rien moins que tout cela;
il ne--peut‘établir-ce. qu’il demande, que par de secondes
expéditions retiréés du .greffe.,, et enregistrées en l’an 9;
il ne '.peuti pas dire que ce sonfdé premières expéditions ,
des qu
lui-même avoir
le jugement de 1790.
O r, n’est-il pas à, présumer qu’une;, grande partie- des
h a b i t a n S i d u Bouchet ont payé au moins des ¿\-compte sur
leurs arrérages ■de ' cejis? alors ces payemens ont dû être
il
d i t
s i g n i f i é ,
�C 15 )
'
endosses sur l’expédition originale. Il a pu encore y avoir
des vices dans la procédure, une quotité de cens à con
tester ; l’appelant seroit donc privé de présenter tous ces
moyens d’appel. Mais un demandeur doit justifier de sa
demande ; car le plus grand vice d’une action, est qu’elle
ne soit pas établie ; il ne peut pas ôter au défendeur le
droit de présenter des moyens en la forme et au fonds.
Ainsi le citoyen Solvigon n’a pas d'action, s’il ne représente
sa procédure; il n’en a pas, s’il ne représente les titres qui
servent de fondement à sa demande; car l’ordonnance de
16 6 7, le commande impérieusement, et la sentence de
1790 ni celle de 17 9 2 , n’énoncent pas même ces titres
qui cependant devoient y être visés.
En vain argumentera-t-il de ce que le cens a été reconnu;
mais la quotité ne l’a pas été ; et s’il veut s’en prévaloir,
s’il veut accepter l’offre subsidiaire qui fut faite par Itier,
de payer sa portion du cens, alors il ne peut diviser cette
déclaration. Il faut donc qu’il établisse quelle est la portion
due par Itier, et qu’il l’établisse non pas par conjectures ;
car il n’est pas en son pouvoir de faire une fixation
arbitraire.
^
Mais ce procédé seroit inexécutable, de même que de
faire droit sur le recours adjugé par le jugement de 179 2:
il seroit donc chimérique de proposer des conditions au cit.
Solvignon; car il ne pourroit en tenir aucune; il seroit
même illégal de consentir judiciairement une transaction
de cette espèce.
’
L e citoyen Solvignon a voulu essayer sur un censitaire,
«’il pourroit obtenir les arrérages de cens que la loi a
éteints. Une multitude de fermiers, ou les ci-devant
�(
)
16
seigneurs sous ce nom
- , attendent le résultat de cette ten
tative : auroit-elle un succès quelconque, alors, encore
quelques décades, et les rénovations d e s terriers.de ce
ressort se compléteroient insensiblement.
Cette mesure auroit-elle un effet louable en ce qu’elle
répareroit des injustices ? Il ne nous appartient pas de
le préjuger, L es tribunaux et les légistes ouvrent le code,
l’appliquent, et ne le corrigent pas.
. Concluons donc avec la loi, qui n’est pas obscure, que
le citoyen Solvignon ne peut demander des arrérages
de cen s, sur tout en pagésie , parce que les arrérages
de cens sont supprimés ; parce que ses titres sont brûlés,
et parce que les arrérages qu’il demande ne sont dénaturés
par aucune novation.
D E L A P C H I E R , homme de L o i .
'
D E M A Y , Avoué.
A RlOM, de l’imprimerie de L a n d r i o t , imprimeur du
Tribunal d’appel.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Itier, François. An 5?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Demay
Subject
The topic of the resource
cens
arrérage
fermier de la cathédrale
ferme
Description
An account of the resource
Mémoire pour François Itier, propriétaire, habitant de la commune du Bouchet-St.-Nicolas, Appelant. Contre Joseph Solvignon, propriétaire, habitant au Puy, Intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 5
1790-Circa An 5
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0126
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0320
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Puy-en-Velay (43157)
Le Bouchet-Saint-Nicolas (43037)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arrérage
cens
ferme
fermier de la cathédrale
-
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aeae8ef7828cfb18b5dcffe145cf6a11
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Text
TRIBUNAL.
M
E
0
M
I
R
E
d 'a p p e l
Séant à Riora.
P O U R
P ie rre
T O U Z E T ,
T O U Z E T R égis
et
P ie rre
L ou is
B U ISSO N -
CELEYRON,
habitans de la Ville d’A m bert intimés,
CONTRE
J ean - J oseph C H O U S S Y -D U P I N , homme
de l o i , habitant ci - devant à St. - GermainL herm , maintenant au P u y , appelant.
V
Q
UAND ,on est convenu qu’une chose étoit vendue
a u prix qui seroit fixé par un tiers; si. ce tiers l’a fix é ,
la loi v e u t, quel qu’il-soit, que l?acquéreur paye ce p rix .
tel qu’il a été déterminé, et que la vente soit consommée...
Si le tiers n’a vo u lu , ou n’a p u faire le p rix , alors
la, loi ne v eut pas qu’on conjecture si les contractans
ont entendu s’en référer à. une personne certaine, ou
A
�.
.
.
( 2 ) . .
.
.
« à l’arbitrage indéfini; elle croît impossible, et prohibe
« d'ajouter à la convention des contractans ». L o i dernière
au code de contrahenda emptione.
L e citoyen Choussy a vendu une propriété à dire d’ex
perts; il en a choisi deux et dirigé le choix d’un troi
sième : ces experts ont fait leurs opérations en sa ptésence;
il les a sommés de déposer leurs rapports; ils lui ont obéi :
maintenant il prétend qu’il y a lésion dans le p rix ; il
demande une nouvelle expertise, ou une résiliation; voilà
Ja cause.
Jugée par le d ro it, elle eût été trop simple. L e citoyen.
Choussy a voulu l’enchevêtrer de faits et de circonstances.
Noircissant d’un trait do plume acq u éreu rs, experts et
ju g es; INhJîmK
il
s’est persuadé que ses calomnies nborderoient plus ai
sément à un second trib u n al, éloigné de la localité et
des personnes.
Mais c’est déjà pour lui un assez grand succès d’avoir
obtenu la plume d’un jurisconsulte célèbre, pour accré
diter ses prétentions captieuses, et aviver par le prestige de
l’éloquence ses diatribes mensongères. Il pou voit trom per
son conseil sans obstacle : ici il trouvera l’obstacle de la
vérité , celui du droit sainement appliqué à la cause ; l'un
et l’autre se réuniront pour le contraindre à exécuter une
convention lib r e , consom m ée, et que la justice ne peut
sans violence modifier ni dissoudre.
F A I T S .
Féolgntix, qui est l’objet de la contestation, est une
propriété voiilue de k Qioisc'JDicu, composée dun petit
�.
•
C3 )
•
.
domaine de jliôn tagn ë, semant environ 14 sctîers de
seigle,' et d’un bois de sapins d’ênviron 160 septerées
partie en rap p ort, partie en landes. Situés au milieu do
hautes m ontagnes, dévastés par les moindres ouragans,
éloignés de toutes communications commerciales, ces bois
ïie deviendront une propriété productive , que si le gou
vernem ent se charge à grands. Irais, d’ouvrir des.routes
aboutissantes ; sans cela les ventes seront toujours rares
et diilicultueuses. L a cause même en fournit un exemple.
L e citoyen Choussy nvoit
vendre des chablis gissans
depuis l’an cin q , et il dit que plus de i5 o pieds de ces
arbres sont encore dans le bois.
L e cit. Dulac ¿toit précédent propriétaire de F éolgoux
qu il h a b ilo if, et donl il portoit le nom ^il^M Vendit au
citoyen C houssy, moyenmmt 49,000 livres, par acte du
19 novembre i y 85. Le citoyen C h o u s s y y a j o i n t u n étang
nationnl, qui lui a coûté 4,563 livres. F é o l g o u x c l o i t im
posé en l’an sept, à 6 9 3 "- i.r)J de contribution foncière.
T.e citoyen Choussy s’est pourvu ru sur-taxe; e t, par arrêté
du i 5 ventôse au h u it, après une expertise, il a obtenu
que ls contiibution pour 1 a v e n ir, ne seroit portée qu'à
336
8 J.
^
Les bois de I e o l g o u x , après a v o i r souffert quelques
dégradations pendant les p re m iè re s années de la r é v o
lu t i o n , turent h o r r i b le m e n t dévastés par un ou ra g a n eu
1 nn fiu q. !<*' cito yen Chous<y nous nppivml. Ini.-mcme ( j )
q u ’ il lut légalement v é r i l i é q u ' i l y avoit 5, " 23 pieds d V I <res
d crfldné s ou r o m p u s
*
( i) Fa£<' 38 Je son iuûm>ire.
�.
.
.
C ’est depuis cet accident que le citoyen C houssy, dé
goûté de sa p ro p rié té , a cherché des acquéreurs : une lu
crative expérience ne lui laissoit pas même supposer qu’il
dût vendre F éolgoux à sa valeur réelle. Préparant des
calculs, mais certain qu’on ne les ci-oiroit pas, il voulut
les fortifier par le travail d’un expert à sa main. L e cit.
D u p ré fit donc par ses ordres le toisé et le plan de Féolgoux,
en y ajoutant une estimation portant sur tous les objets de
d étail, et exagérée en toutes choses.
A lors le citoyen Choussy, ayant jeté les yeu x sur les
citoyens T ou zet et Buisson, fit plusieurs voyages à A m bert,
pour louanger devant e u x , comme par hasard, tous les
avantages qui résulteroient de cette acquisition ; n’omit
rien p o u r leur persuader que cette propriété alloit les
e n ric h ir excessivem en t , et fin it p a r leur proposer ses
conditions. L e prix fut fixé par le citoyen Choussy, à
i l 5,ooo livres. Les citoyens T ou zet et Buisson n y accédoient que sous beaucoup de clauses, sur lesquelles on n’a
jamais été d’accord. L e citoyen Choussy envoya cependant
un p ro je t de vente sous seing p r i v é , à sa m anière; le
citoyen T o u z e t le co p ia , et c’est alors seulement que les
parties entrèrent en pourparler sérieux, que les acqué
reurs virent par eu x -m êm es toute la dégradation de la
fo r ê t, exigèrent que tous les arbres abattus par l’ouragaa
fissent partie de la vente, et cela fut réellement convenu.
NMais b i e n t ô t ceux qui s’intéressoient à eux les em pê
chèrent de faire une sottise. Ils déclarèrent au citoyen
Choussy que sa propriété étoit beaucoup trop ch ère, et
qu’ils ne v o u l o i e n t plus acquérir.
Cette explication est donnée parce que le cit. Choussy,
�C5 )
dans son m ém oire, a voulu tirer de grandes inductions
de cette prem ière fixation de p rix à n ô .o o o livres • mais
alors même il y avoit en sus un m obilier que le citoyen
Choussy disoit valoir 6,000 livres; alors il y avoit un pré
considérable qu’il a vendu depuis ; alors tous les arbres
déracinés par l’ouragan, faisoient partie de la vente par
la dernière convention des parties ( i ) , et le cit. Choussy en
portoit la valeur dans ses lettres, à 26,000 livres ; alors les
propriétés foncières de ces montagnes, malgré la prétendue
influence du 18 fructidor; alors les b ois, et c’est un fait
notoire, avoient une valeur vénale infiniment supérieure
à celle du temps présent.
'
Quoi qu’il en soit, la négociation de vente de F éolgoux
fut rom pue, au grand regret du citoyen Choussy q u i,
pendant trois ans de recherches, n’a pas trouvé d’autres
acquéreurs, et q u i, par une suite de correspondance
entretenue de loin en lo in , sous les plus légers prétextes,
n’a cessé de rem ontrer en cent manières au citoyen
T o u z e t, qu’en refusant d’acheter F é o lg o u x , il perdoit
une fortune.
E n fin , dans l’été de l’année dernière, le cit. Choussy
venu a A in b e rt, fit au citoyen T ou zet des ouvertures
plus pressantes; et c e lu i-c i lui avoua, en tranchant le
m o t, qu il se défioit de toute affaire avec lu i; qu’il craignoit d ètre dupe , et qu’il n’achèteroit qu’après avoir
bien connu ce q u il aclietoit : alors le citoyen Choussy,
entre-voyant une autre voie d’en venir à ses fins, proposa
de vendre, à dire d’experts, et cela fut ainsi accordé.
( 1 ) Cela est prouvé par plusieurs lettres du cit. Choussy.
�CO
.
On pensé bien que lé citbyéii Choussy voulut désigner
Son expert 0 up réq 1iiJdéjà-aVoit estimé F é o lg o u i : T ou zet
fign o rô it. L e citoyen Chouâsy demanda même qù’on
adjoignît à D u p té Un. auti-e expert dés lieux m ême ; il
dit beaucoup dé bien du citoyen Laiiglade ( i ) , expert
ét juge ce pai± dé la Çhâise-Dieu , supposant déjà qu’il
seroit entièrem ent dans là dépendance du citoyen D u p ré ,
plus âgé que lut. Les choses en effet furent arrêtées ainsi.
Ï1 fut convénu qu’il seroit déduit 10,000 ^ sur le p rix
de festim atiori.! L e citôÿeft T ôu zét associa à son marché
IeS citoyens Büïssoft et G eléÿioii frères. L e citoyen Choussy
fit lui-m êm e le projet de venté; il fut soumis à’ la.correction d’un conseil com m un ; et dès lé même jour le cit.
C h o u ssy publioit q u e , s’il a v ô it rab attu 10,000 livres,
ses acqüéieurs payéfoient ce rabais .plus cher qu’ils ne
croyoient.
.
.
’
' L ’acte de vente fut réçué'paï P on ch ôrï, notaire, le 12
messidor an 8 ; il porte que « le citoyen Choussy vend
« aux citoyens T o u zet, Buissorfet Celeyron frères, le bien
« de F éo lgo u x, domaines et bois er^ dépendàns, sis e,n la
« commune dé IVlàlvi^re, canton de, la Chaise-TÎÎieu, et
« les subroge à l’adjudication de deux étangs nationaux?
« m oyennant, savoir, pour les étangs',.lé p rix dé Vadju-1a dicatioti, suivant l’échelle; et pour le domaine et b o is,
« m o y e n n a n t le prix ,et somme auxquelé.le tout sera estimé
------- — ---------------- -
1---------------------------------------------------------------- :----------- :--------------
•
(. 1) Le cit. Chotisty à avoui* dçvarçtles premiers juges, qtfe
c’est lui qui a désigné Langlade. Cela est prouvé encore par une
lettre antérieure au procès, dont il argumente, et où il est dit que
c’est liS-i qui à iricii^ué c'titf
1’
‘
'
.
y
:
•
�(
7
)
«f en numéraire par experts. . . . nom m as, savoir
«les citoyens D u p r é , expert - géom ètre, habitant de là
« Chaise-D ieu, et le citoyen L anglad e, juge de paix de
« ladite commune ; et au cas que lesdits experts soient
« divisés dans ladite estim ation, en ce cas les acquéreurs
« et vendeurs veulent qu'à leur in su > lesd. experts puis« sent prendre un tiers pour les départager ; lesquels
«■experts seront tenus de déposer leur rapport d’estimation
« ès mains de Ponchon, n o taire, le plutôt possible, avec
« convention que sur le p rix total de leur estim ation, led.
« Choussy sera tenu de dim inuer la somme de i o 5ooo
« et le surplus après lad. déduction composera le prix
• de vente dudit dom aine............lequel p r ix , ainsi que
«■celui de lad. subrogation, seront payés aud. Choussy,
« savoir, un quart dans deux ans, du jour du dépôt dud.
« rapport d’experts ; un autre quart dans trois ans, du
« même jo u r, à la charge de l’intérêt, exem pt de retenue,
« à com pter du dépôt dudit rap port......... l’autre m oitié
« du prix formera un capital que le citoyen Choussy aliène
« en rente viagère à 10 pour 100 aussi sans retenue ; le
« tout comme condition expresse du rabais de 10,000 liv. :
« le tout payable de six en six mois , du jour du dépôt
« dudit rapport.
.
« Jje citoyen Choussy se réserve les arbres abattus ou
et rompus par les ouragans , desquels arbres il déclare avoir
ce fait vente dans le tem ps, et les acquéreurs pourront les
ce retirer dans les temps prescrits par lesdites ventes.
. « Il se réserve aussi le m obilier, m êm e les glacesj
«cepeadant les bestiaux et outils d,’agriculture feront partie
�C8 )
_
,
« de la ven te, èt seront sujets ù ¡’estimation dès experts.''
« Il se réserve la faculté - de rachat pendant trois ans ,>
a à compter de la remise ou dépôt du rapport d’experts
*, dans le cas où il ne seroit pas payé en numéraire.
>
, « Sous ces conditions et réserves, le citoyen C h o u ssy
« se départ des-à-présent et pour to u jo u rs, de la pro-« p r ié té , possession et, jouissance des objets ci-dessus
« ven d u s, avec toutes clauses translatives de p ro p riété,<
« requises et nécessaires, .voulant et consentant n’en pou« vo ir jouir à l’avenir, qu’au nom et titre de précaire. »11 est dit enfin que les acquéreurs payeront tous les^
« frais de l’estim ation, fourniront au citoyen Choussy une.
n expédition de la vente et du rapport qui contiendra.
« ladite estimation ».
•
'
Les citoyens D u p ré et Langlade s’o ccu p ère n t de suite)
de l’ objet de leur nomination 5 ils se- transportèrent sur^
les lie u x , les parcouru ren t, et le citoyen D u pré produisit)
un plan par lui fait à l’avance pour le citoyen Choussy:
cela est constaté par les rapports.
}
Ce plan ainsi tom bé des nues,-le verbiage im pératif
d u citoyen Choussy, l’air de déférence du cit. D u p r é ,
d o n n ère n t de la méfiance aux acquéreurs; mais ennemis
des chicanes, et liés par leurs propres conventions, ils
laissèrent opérer les experts, avec le plan du citoyen
D u p ré , et eurent même la patience d’entendre toutes les;
exagérations du citoyenJChoussy, pour décupler, s’il l’avoit
p u , la valeur de ses immeubles.
'
.
Cependant, ne se croyant pas encore assez fort de toutes
çps préparations, le citoyen Choussy voulut faire appeler en >
*‘
auxiliaire
�.
C9 )
auxiliaire un marchand de bois de sa plus intime connaissance( i ) ; il les mena tous dans les parties de bois q u’ii
savoit les plus en valeur, se confondit en éloges de cha~qlUÎ
arbre, n’oublia pas de mesurer les plus gros, voulut qu’on
appréciât le surplus par comparaison , ou qu’on comptât
tous les arbres, et fit ce qu’il' put pourintim ider le citoyen
Langlade qui avoit voulu hasarder quelques réflexions,
lui disant à chaque mot qu’il n’y entendoit rien.
L e citoyen Langlade ne dit plus rien ; il Lenoit la plume 5
il écrivit tous les prix qu’on vo u lu t, mais il mit à côté
î>'vabais qui lui paroissoit juste, pour en conférer avec
son collègue. Ce fait nous est appris par le cit. Choussy''
lui-même. (2 )
•
Pendant toutes ces opérations, les experts furent hé
bergés chez le citoyen Choussy , qui ne manqua pas ,
comme on le pense b ien , d’exagérer encore la valeur de
tous ses arbres,- jusqu’à ce qu’ayant pris jour avec eux
pour déposer leurs rapports , il crut que toute sa
persuasiou auroit eu son effet, et que le ci toyen Langlade
seroit assez complaisant p o u r p orter,com m e le citoyen
D-upré, à 120,000 livres en l’an h u it, un bien q u i, avant
la baisse des im m eubles, n’avoit étéestim é que 1 1 5,000 liv.
ayant un* m obilier considérable et 6,723 pieds d’arbres
de plus.
(1 ) t e citoyen Marjnet, qui Fut appelé sur la réquisition du
citoyen Choussy, non pas pour tiers expert comme le citoyen
Choussy l’a voit absurdement prétendu en première in stan ce,,
niais comme indicateur, ainsi que le disen» les premiers rapports.
(a) Eu son exploit de demande du 8 fructidor an 8, pag. 2.
B
’
’
�'
( 10 )
L ’empressement du citoyen Ghoussy de faire aller ses
experts à A m bert pour faire co u rir, comme il le répète
si souven t, un intérêt de 30 livres par jo u r , ne permit
pas sans doute au citoyen Langlade de faire à son collègue
toutes les observations qui naissoient de la différence des
p rix qu’il avoit mis pendant l’opération à chaque article.
Leurs évaluations, en grand et par aperçu , avoient bien
paru faites en com m un sur les lie u x , mais sauf les rabais
mis par le citoyen Langlade ; de sorte que le citoyen
D u p ré avoit fait à l’avance un rapport commun aux deux
exp erts, croyant n’avoir pas plus de difficultés le faire
signer au citoyen L an glad e, qu’il n’en avoit eu à faire
adopter ses plans.
•
Mais le citoyen Langlade trom pa l’espoir des 30 liv.
par jo u r : il réfléch it, avec raison , q u ’o n avoit v o u lu
estimer une forêt en d é ta il, comme on estime quelques
arbres qu’on va livrer à des acquéreurs, tandis que les
acquéreurs de dix m ille arbres ne se trouvent qu’à la
longue , ou en vendant au quart de la valeur.
Il réfléch it, par com paraison, que tous les arbres abattus
par l’ouragan de l’an 5 , n’étoient pas encore vendus à
la fin de l’an 8 , et que cette lenteur forcée ne supposoit pas une facilité de vendre pour des sommes appro
chant de 30 livres par jour.
Ces motifs ; et beaucoup d’autres très-judicieux, que
le citoyen C h ou ssy a trouvé plus aisé de critiquer par des
sarcasmes que de combattre par de bonnes raisons, en
gagèrent le citoyen Langlade à faire un rapport séparé,
dans le q u e l, disant que ]es premiers calculs faits sur les
lieux n’étant qu hypothétiques etu par simple ap erçu , il
1
�( 11 )
en revient à une évaluation particulière de tous les objets
soumis à son estimation , et appliquant alors à chaque
article tous les rabais que le citoyen Choussy déclare l,ù
avoir vu écrire lors de la visite des lieux , il est résulté
de son estimation, que les objets vendus sont en valeur
de 73’001
7 ° cent.; ce q u i, en faisant la déduction de
10,000 livres , eût donné un prix de vente de 63,001
francs 70 cent.
L e citoyen D u p re , de son c ô té , fait le même jour un
rap port, peut-être celui préparé à l’avance , dans leq u el,
sans réflexions sur son tra va il, ne donnant aucunes bases,
ne calculant aucuns cas fortu its, quoiqu’il eût vu dans
le bois même les vestiges encore récens d’un ouragan
terrib le, omettant même , comme il le reconnoît en
suite (1 ), de déduire aucunes charges d’entretien ; il estime
Féolgoux à la somme exhorbitante de 130,132 francs
tjo centimes.
- L e citoyen D u p r é , au reste, quoique son l’apport soit
au pluriel, suivant l’habitude, entendoit si peu avoir voulu
exprim er que le citoyen Langlade éloit d’abord de son
avis , que les experts ont sur leur discordance un colloque
qui précisément est dans le rapport de Langlade.
LA celui-ci donne les causes de son évaluation inférieure,
et D upré intervient a la suite de ce ra p p o rt, pour dé
clarer qu’il persiste dans son opération.
- Cette discordance vraisonnée entre les experts , est donc
entièrement indépendante des causes honteuses auxquelles
le citoyen Choussy a trouvé bon de les attribuer.
(r) Dans le troisième rapport.
�( 12)
'
La parenté du citoyen L a n g la d e , par alliance- avec la
mère des citoyens C eleyron , m orte il y a douze a n s,
le citoyen Ghoussy la connoissoit avant l’estimation. Il l’a
reconnu au procès.
Les repas donnés aux experts l’étoient plutôt pour le
citoyen Ghoussy , à qui on devoit une représaille ; les
deux experts ne se sont pas q uittés, le citoyen Choussy
ne les a pas quittés ; et d’ailleurs les négocians de cette
ville de Cadis et de Lacets étoient assez simples pour
ig n o rer jusqu’à présent qu’une probité fût vén a le, et que
des festins en fussent le prix.
Q uoi qu’il en so it, les deux rapports étant faits sépa
rém ent, il fut nécessaire de nom m er un tiers-expert, et
il devoit l’être à Vinsu des parties ; car c’est ainsi qu’elles
l’avoient voulu.
Mais le cito y e n C h o u ssy ne crut sans doute avoir fait
des conventions que pour en régler le mode. Ne pou
vant designer un expert à sa fantaisie, il pensa qu’il parviendroit au même b u t, en en récusant plusieurs.
v
Il eut même l’insidieuse précaution , après avoir promis
de dîner avec toutes les parties le dernier jo u r , après s’être
fait attendre très-long-tem ps, de signifier sa récusation
pendant ce dîner (i).
Il venoit d apprendre que les experts avoient nommé
le citoyen C o u ch a r d , très-étranger à toutes les parties :
quoique cette nomination fut censée faite à Vinsu des par
(i) Le citoyen Choussy ne cite pas ce fait dans son mémoire ;
»nais les intimés , qui ne craignent dans leur conduite ni les
éclaircissemens, ni l’ opirûon, n’ont intérêt de rien cacher.
�C 13 )
ties ; les experts venoient même de lui é crire, pour l’in vi
ter à accepter sa commission de tiers-expert ; ]e citoyen
Choussy se crut permis de récuser non-seulem ent cet
e x p e rt , qui eut le désagrément, d e faire un voyage inu
tile , mais encore les citoyens F a u r o t , G a m ie r * Jo u rd e
et P i c h a t , comme ayant déjà estimé F éo lgo u x; ce qui
p r o u v e qu’aucun d’eux ne l’avoit estimé comme le cit.
D u p r é , ou comme il convenoit au citoyen Choussy ; ce qui
p r o u v e aussi que ce n’est pas le citoyen Coüchard qui a
refu sé d’accepter , comme le citoyeii Choussy a cru à.
propos de le dire (1).
I l est essentiel de rem arquer q u e , par cette récusa
tio n , qui est du 10 th erm idor, le citoyen Choussy fait
sommation aux citoyens D u p ré et Lànglade de nommer
un tiers-ex p ert, et de déposer , chacun séparém ent,
leurs rapports, pour en être délivré des expéditions à
lui et au tiers-expert.
L e droit d’élection d ’un tiers-expert, d’abord n’excluant
personne, puis infiniment circonscrit par les cinq récu
sations du citoyen Choussy, eut enfin son eifet. Les experts
c h e r c h a n t dans toute la contrée quelqu'un qui pût ne pas
lui déplaire, nommèrent le citoyen T a rd if, ancien atni
du citoyen Choussy (2), et le citoyen T a rd if fiit assez heu*
reux pour être agréé.
r L e citoyen Choussy fut m ême si satisfait de cettë nom inatiôn, qu’il chercha à prévenir eet e x p e rt, à lui faire des
‘
■' ' • ' ' ' ' ‘ • '
(1) PaSe
.. «
---!—'‘ - ' ’------- ---------- i- ‘ -i--- *■
*'* " W......
du M émoire, ligne dernière. .
(2) Cette qualité ne sera pas niée par le citoyen Choussy,
�.
. , { 14 ) .
.
représentations, i\ lui écrire plusieurs lettres, comme il
le dit lui-m êm e dans son exploit de demande.
L e tiers-expert prit jour avec ses collègu es, pour se
transporter sur les lieux , débarqua à F éolgoux où le
citoyen Chôussy l’attendoit, y fut h éb ergé, et sans doute
travaillé comme ses prédécesseurs, fut pressé de faire son
opération par le citoyen C houssy, qui vouloit lui -servir
d’indicateur, sans que les acquéreurs eussent le temps de
s y ren d re, termina enfin sa tierce-expertise, de concert
avec les citoyens D u p ré et L an glad e, et se rendit avec
eux à la Chaise-D ieu, pour se concerter avec eux sur la
rédaction et le dépôt du rapport.
A peine ces trois experts furent à la Chaise - D ie u , qu’il
leur fut fait un acte instrumentaire par le citoyen Choussy.
Cette pièce est très~essentielle dans la contestation. Il est
indispensable d’en rapporter le précis.
L e citoyen Choussy signifie à T a rd if :
•
‘ « Attendu qu’il a terminé son opération de tiers-expert,
« de vo u lo ir bien, dans le jo u r, ou au plus tard dans celui
* de dem ain, déposer son rapport estimatif entre les mains
de P on ction , notaire à A m b ert; de profiter'pour cela
« de la présence des premiers experts, qui ont été divisés
« après avoir été d’accord ; de prendre en très - grande
« considération, que s’il attend la commodité de Langlade,
« qui demande un délai de dix jours , pour faire un
« v o y a g e , lui Choussy q u i, depuis la v e n te , ne jouit
« plu s, qu au contraire les acquéreurs jouissent ( i ) , il sera
( x ) Il a fallu deux jugemens depuis cet exploit, pour les
mettre en possession.
�A
( 15 )
K privé de ses intérêts, .qui ne courent que du jour du
« dépôt du rapport...... Com m e c'est son rapprot d e l u i
« T a r d if , q u i j i x e définitivem ent le p r ix de la ven te,
« et que les deux premiers rapports des premiers experts
« sont insignifians pour fixer le jour du cours des intérêts,
« lui T a rd if n’est pas obligé d’attendre pour ledit d é p ô t,
« que les rappoi’ts des cit. D u p ré et Langlade l’aient pré« cédé ; toute sa commission se réduisant', après ses opéra« tions terminées, de faire clorre et déposer son rapport. »
D e là l’huissier se transporte chez les citoyens Langlade
et D upré.
« Il leur est déclaré que dans le cas où d’après la somma
tion du io therm idor, ils n’auroientpas déposé chacun
u l e u r rapport estimatif du bien d eF éo lgo u x ,eto ù , faute de
« l’avoir fait, il seroit apporté du retard dans la clôture
a du rapport du tiers-expert, et dépôt d’icelui.... il proteste
« co n tr’e u x , etc. »
« A cela Dupré répond qu’il est prêt à p artir, qu’il offre
« de signer le rapport du tiers et d’assister à la clôture. »
.,« L a n g la d e dit q u 'il a u n v o y a g e à fa ire à B r io u d e , qu’il
« dem ande ju squ ’au 28. »
■
«Choussy lui réplique qu’il a le temps le m ême jour
« d’aller à A m b ert, que s’il ne l’a pas, il peut donner une
« p rocu ration dont on payera les frais, faire déposer son
c<rapport par D upré ou T a rd if, et que rien ne l’em pêche
« de signer ici le rapport de T a r d if, dont le dépôt seul
«en attendant finira l’époque du cours des intérêts. »
E n fin , l’impatience du citoyen Choussy eut son terme :
les trois rapports furent déposés le 29 thermidor.
. Celui du citoyen T a rd if n’a pas répondu aux vues du
�( 16 }
•
citoyen Choussy. O n pense bien que depuis cet instant,
T a rd if p réven u , T a rd if en correspondance, T a rd if hé- '
bergé, prôné et ch oyé, n’a plus été qu’un rustre in cap ab le,3
gagné aussi p a r le s festins, suspect, et ne pouvant faire '
f<?i en justice.
,
1
. ILe rapport de Tj'ardif est disserté et signé par les trois J
experts.
,
•
0
- T a rd if annonce d’abord qu’il s’est rendu à F é o lg o u x ,
sur l’invitation des citoyens Langlade et D upré ; que là '
il s’est réuni à eux.
Ensuite il leur demande des explications sur plusieurs }
points des,précédensrapports. D u p ré , entr’autres choses,
avoue avoir omis de déduire les frais de garde.
. 5
A près ce colloque il est dit que Choussy requiert de
commencer l’opération , o ffra n t d’y ê t r e p r é s e n t , pour
faire toutes les indications nécessaires, répétant toujours
qu’un retard lui est préjudiciable, l’intérêt- devant courir
du jour du dépôt du rapport.
'
■
I l çst dit que T a rd if, D u p ré , Langlade et Choussy vont "
siiir lçs lieux. Q n procède à la vérification,, et il est ajouté :
« Après avoir pris les renseigtieinens convenables, pris
« en çou5idéra;tion les situations et localités, la stagnation
« du, commerce es b o is, le peu de valeur du bois de
4
«chauffage dans, les environs de la- Chaise-Dieu* et d eJ
« F é o lg o u x » et la difficulté de l'exploitation des bois de
« fayard et boulaux, nous-estimons... total, 85o o i fr. 70 c .}
« de q u o i ôtant iodoo fr. reste ù la sQmine do 7‘5 o o i francs 5
«170 c. laquelle, somme jbrm era- le prix principal d e la
* vente. » .
^
Ce rapport e6fc terminé .ainsi : « T o u t quoi- est -notre
rap p o rt,
�Co>7 0 }
.
« rapport , .que' nolts, ayons¿çlos^à' Saint- A m a n t, en la
« demeure-du citoyen Tardij\t E t avons signé avec les
a citoyens D u p r é et Langlade. » , ;
•
-,
Ensuite le citoyen I)u p ré (| apposant sa sign ature, a
ajouté, pour ne pas se com prom ettre, les mots comme
•présent.- ' • : • r . i /'•
r/:-;' ’
' ; . ¡;. '• •
Dès le même jo u r, le citoyen Choussy fit citer les acqué-,
reurs au bureau de p a ix ; e t , oubliant ;qu’il' avoit menti
en disant qu'ils jouissoient, oubliant q u e, .par sa ven te,
ils avoient droit' de j o u i r i l .leur, fit"; de son .chef,, défenses
de se mettre en possession.- ? i ' . . r "
L e 8 fructidor il les assigna devant le tribunal civil
d’Am bert ; et, après un débordement de m ots, de gros
sièretés et de .contradictions j noyés dans huit pages de
minute-, il conclut : 'i ° . à ce que , sans s’arrêter au rap
port st'parc de L an glad e, attendu que M annet fut appelé
comme indicateur et tiei-s-expert, et que les experts n’ont
pu en nommer un second 5 sans s’arrêter de m ême au
a p p o r t de T a r d if, comme sans droit ni p o u v o ir, le rap
port de Dupré,soit hom ologué, pour être exécuté suivant
SÉiifôrme et teneur , et le prix de, vente fixé
120,123 1.
aPi.sübsidiairêwent à ce q u e , , sans ^s’arrêter aux rapports
de Laiiglade'et Tardif j et ■■même à çelui de M an n et, il
spit ordonne un amendement-de ra p p o rt,'e t pi*océdé à
uiie inouviellé estimation jdes|;ûbj|et^!vendus , par de nou
veaux experts, pirphes,;, intègres et ép la ifés, dont les parties,
con vien d ron t, sinon pris et poir^n^és d’office par le tri
b un al, ;même ua; tiers, non ..par lesjdits-experts, mais par
le tribunal ; duquel amendement il offre les avances, sauf
son recours.
: j i i > -üj •)) J ]
G
'
�.
c ?’1 8 }
.
.
Cette cause fut plaidée très-contradictoirement au tri
bunal d?A m b e r t, et on im agineroit difficilement les nom
breuses et minutieuses recherches du citoyen C houssy,
pour se faire des moyens de to u t, et suppléer à la qua
lité par le nom bre.
A yan t fouillé les registres de l’état c iv ii, pour découvrir
des parentés, soit aux experts , soit à ses ju g es, afin d’en
user au b e so in , il avoit découvert que de femmes en
femmes la trisaïeule du citoyen Buisson avbit été parente
d’une bisaïeule de la femme du citoyen T a r d if, ou du
moins que des ressemblances de noms très-com m uns dans
la contrée faisoient présum er cette antique alliance. Il
attendit le jour de l’audience pour augm enter , par de la
surprise, l’effet de cette découverte ; et elle fut réellem ent
u n e gra n d e su rp rise p o u r le citoyen. JBuisson et sa fam ille ,
qui ne connoissoient pas cette p a ren té, m êm e par tra-?
dition.
- '
C ependant, se confiant peu ¡dans ce m o y e n , le citoyen
Choussy en chercha d’autres dans les expressions du rap
port de D u p ré , pour le dire d’accord avec Langlade ,
dans l’indication de M an n et, dans la clôture des premiers
rapports un jour de décade ; dahs la loi sur les tiers-arbitres,
dans les contributions calculées à sa m a n iè re , jusque
dans la probabilité qu il ne 'devoit pas vivre long-tem ps.
P o u r faire -croire q u ’il u’avoit 'pas d’intérêt â tenir à
ses conditions, il demandoît enfin la nullité de la v e n te /
quoiqu’il n’y eut pas-fconclu.J - -'r
1 r; ‘ M algré ?tant d'efforts-pour parvenir à ses 30 liv. par
jo u r , le tribunal d’Atrtbert ren d it, le 8 brum aire a» 9 ,
le jugement dont la teneur suit :
�,
C 19 >
,
»
»
»
« Attendu qu’il ne s’agit p o in t'd ’expertise ju d iciaire
que les parties se sont fait la loi à elles - mêmes par
un acte authentique, et que leurs conventions ont été
exécutées;
,, ,
» A ttendu que les récusations du citoyen Choussy contre
» les experts n’étoient proposables-,qu’avant le dépôt de
» leurs rapports , et qu’au contraire il a. approuvé leurs
» opérations par sa présence, et leurs rapports par ses
» réquisitions écrites de les déposer chez le notaire qui
» a reçu la vente ; '
•
}j Attendu que cette vente réunit le consentement, la
» chose et le prix ; que ce prix est fixé par le rapport
» du citoyen T a r d if , ainsi que le citoyen- Choussy Ta
» écrit lui-même par la sommation du 19 thermidor; qu’il
» ne peut aujourd’hui revenir contre cet écrit et contre
>> sa convention, clairement énoncée audit acte de vente ;
>3 L e tribunal >p ar jugement en prem ier ressort, ayant
» égard au rapport du citoyen T a rd if, tiers-expert, et
» icelui hom ologuant, déboute le citoyen Choussy de sa
» demande ; ordonne que la vente du 4 messidor an 8
» sera exécutée suivant sa form e et te n e u r, moyennant
» le prix fixé par ledit ra p p o rt, à 75,001 francs 70 cent. ?
» d’après la déduction de jojooo livres de,remise accor» dée par ledit contrat de ven te; fait main - levée aux
y défendeurs de la défense de jouir à eux faite par, le
» citoyen C lio u ssy, en sa citation du 8 fructidor an 8 ;
a leur permet de se mettre en possession des objets ven
» d u s, avec défenses au citoyen Choussy de les troubler,
aux peines de droit ; condamne le citoyen Choussy aux
» dépens ; et attendu que les défendeurs sont fondés en
>3
�(
20
j
» titr e , ordonne que le présent jugement sera exécu té,
» nonobstant l’appel et sans y préjudicier ».
L e citoyen Choussy s’est pourvu contre ce jugem ent,
et sa prem ière démarche a été de vouloir encore em pêcher
les acquéreurs de se mettre en possession. L ’incident qu’il
a élevé pour obtenir des défenses d’exécution du pre
m ier ju g em e n t, la répétition qu’il a faite à l’audience
de tous les moyens qu’il avoit présentés à A m b ert, n’ont
pu l’em pêcher de succomber encore sur ce provisoire.
L e jugement rendu le 6 pluviôse dernier est m otivé encore
sur ce que les parties se sont fait des conventions qui
doivent être exécutées.
'
Ce mauvais succès du citoyen Choussy eût dû lui faire
présum er que le tribunal maintiendra un tel principe.
M ais il a fait une dernière tentative. Il a émis , dans le
m êm e jo u r, un m émoire de quarante-quatre pages d’im
pression, et des causes d’appel signifiées, en d ix -sep t
pages de m in u te, sur grand papier.
Les moyens sont les mêmes ; les demandes diffèrent.
Dans le m ém o ire, il laisse aux acquéreurs la faculté
d’annuller la vente du 4 messidor.
Dans les causes d’ap p el, il conclut ¿1 cette nullité; et,
seulement par subsidiaire, à une nouvelle expertise.
Les acquéreurs discuteront d’abord le^- moyens du
mémoire. Ils en viendront ensuite aux conclusions des
causes d’appel.
Dans son m ém oire, le citoyen Choussy propose trois
moyens principaux.
Les intimés en ont un seul j c’est leur convention' Il
doit prévaloir.
\
�.
(
,â ï
)
Les faits ont répondu d’avance aux moyens que pro
pose le citoyen Ghoussy. U n examen particulier sur cha
cun achèvera de les détruire (i).
P R E M I È R E
Q U E S T I O N .
L e rapport du citoyen T a r d if est-il nul pour cause de
parenté avec l'un des acquéreurs ?
Cette parenté, si elle existe, est d’une assez rare espèce.
Depuis la souche qui remonte au dix-septième siècle à un
A rta u d , il y a eu , de générations en générations , jus
qu’au citoyen T a rd if, cinq changemens de noms.
Dans ces alliances successives q u i, venues d’Am bert ont
passé à M arsac, de-la a Saint-Am and, comment croire
que les enfans par alliance des cousins issus de germain ,
alliés eux-m êm es, aient conservé l’habitude de la parenté,
si dégénérée dans nos m œ urs, à travers cette variation
de fam illes, de noms et de demeures ? Dans la réalité,
les uns et les autres l’ignoroient ; ils en doutent encore.
Mais cette parenté ne m érite pas de recherches plus
profondes ; le temps est passé de les faire : le citoyen
Choussy ne peut plus s’en faire un m oyen de récusation,
parce que tout est consommé j ainsi, il seroit oiseux de
lui disputer le mérité matériel de sa découverte.
, Un juge peut etre récusé en tout état de cause, c’est-*
(i) Les intimes eussent voulu dire moins de choses ; mais le
citoyen B o ir o t, ordinairement si concis , en a dit beaucoup :
il y auroit de la présomption à traiter légèrement les objections
que ce jurisconsulte a crues proposables.
�X
(2 2 )
'
à-dire, avant qu’il ait p ro n o n cé; voilà le principe, on ne
le conteste pas.
Mais doit-il se récuser lu i-m êm e, quand il ne connoît
pas les motifs de récusation; ou s’il-ne le fait jpas, rendil une décision n ulle? voici en quoi les intimés combat
tront le citoyen Choussy ; ils soutiennent la négative.
L ’article Ier. de l’ordonnance de 1 6 6 7 , d it: « que les
« récusations seront valables en matière civile, si le juge
« est parent de l’une des parties, jusqu’aux degrés de coû
te sins issus de g e rm a in ;.... et néanmoins il pourra demeu« rer juge si toutes les parties y consentent par écrit ».
L a récusation est donc simplement valable ou fa c u l
tative ; elle n’est donc pas de droit. Il n’y a donc plus lieu
de la proposer, quand les parties ont consenti que le juge
connût de l'affaire.
E n supposant, comme le citoyen Choussy 1 entend, que
le citoyen T a rd if ait exercé les fonctions d’arbitre (1) ;
non seulement il l’a requis de p rocéd er, mais après son
opération il la requis par écrit de déposer son rapport.
L ’article II dit : « que le juge pourra être récusé en
a matière crim inelle, s’il est pai’ent ou allié jusqu’au cin
« quièm e degré ; et s’ il porte le n om , et qu’il soit de la
« famille ; ......... il s abstiendra en quelque degré que ce
« puisse ê tre , quand la parenté ou alliance sera con~
« nue par le ju g e , ou justifiée par l’une des parties; . . .
« nonobstant le consentement, etc. »
Il est donc des cas où la parenté peut n’être pas c o n n u e
(1). Page 24.
i
�•
( 2.3 .) ,
.
par le ju g e , et remarquons ici qu on ne lui ordonne de
s’a b s t e n i r , que quand il porte le n o m , sans cela la récu
sation peut seulement être proposée, et devient com m e
au civil facultative.
L ’article X V I I dit : que le juge qui saura des causes va
lables de recusation est tenu de les proposer.
A in s i, il faut qu’il soit constant qu’il les ait sues.
L ’article X X I d i t , que celui qui voudra récuser pourra
le faire en tout état de c a u s e , en affirmant que les
causes de récusation sont venues depuis peu à sa con*
noissance.
• •
^
L e citoyen Choussy dans son mémoire s’approprie fort
à son aise les dispositions de cet article.
Il offre son affirmation que les causes de récusation
ne sont venues à sa connoissance que depuis l’opération
du citoyen T a rd if : ce n’est nullement le cas de s’en ré
férer à cette affirmation. Les intimés s’applaudissent que
le succès de leur cause n’en dépende pasL a récusâtion étant proposable en tout état de ca u se;
le citoyen Choussy qui voudroit affirm er, dit que ces
ex pre ssi on s le concernent, et qu'il est encore en cause.
Mais dix lignes plus bas il prétend que T a r d if exerçoit le ministère d arbitre : o r , si cet arbitre a pro
n o n c é le 29 therm idor, les parties ne sont donc plus
en état de cause devant lui.
La cause actuelle est étrangère à la cause de l’arbitre 5
il étoit inutile de chercher des autoi’ités pour appliquer
à l'expertise de T a r d if, le titre des récusations de l’o r
donnance de 1667. E n expertise com m e en arb itrage,
la récusation devoit être proposée pendant sa durée 5
elle n’étoit plus proposable après la décision,
j
�•
■ (H )
_
Jousse sur les m ots: en tout état de c a u s e , dit ju s
qu'au jugem ent définitif.
Despe'sse ( i) explique que la récusation doit être'p ro
posée avant la contestation en cause, et que si les causes
n’en sont connues qu’après, on sera reçu à récuser, en
affirmant, jusqu’au jugem ent du procès; « pourvu, ajoute« t - i l , que le juge qu’on veut récuser n’ait pas opiné ;
« car après avoir donné son suffrage, il ne peut pas être
« récusé, sinon qu’il l’ait donné après avoir lu la requête
« de récusation ».
L a loi a p ertissim i, au code de ju d ic iis , dit m êm e
qu’on ne peut récuser le juge que dans le cours du procès
pendant devant l u i , en lui signifiant une récusation, et
qu’après sa d écision , il ne peut être récusé. L ic e a t e i
q u i s u sp e c tu m ju d ice m p u ta t, anteqUam. Us in c o h e fu r ,* euni r e cu sa r e ', ut ad alium cu rra tu r,s libello
re
f
cu sation is e i porrecto.
L e citoyen T a rd if eût-il été récusable, comme on le
p ré te n d , le citoyen Choussy devoit lui notifier à 'lu im êm e ses motifs de récusation. L a loi précédente lé dit
ainsi; l’ordonnance de 1667 plus explicative en prescrit
lé mode en l’article X X III ; elle veut en l’article X X V I ,
que la récusation soit com m uniquée au juge , qui sera
tenu de déclarer si les faits sont véritables ou non.
O n n’opposera pas sans d ou te, que l’ordonnance en'
parlant des causes de récusations que les juges ou les parties
sont censés ne pas connoître d'abord, ne concernent pas
la parenté ou alliance. L ’article II suppose que les juges
( 1 ) Titre IV , de la récusation, tome 2, page 641.
'.
,
•
• . ^
* ‘ peuvent
�,
/
25)
peuvent l’ignorer; l'article X I X enjoint aux parties de
déclarer les causes de récusation pou r parenté ou
a llia n ce, et de les proposer, lorsqu’ils les connoîtroni.
Les causes de parenté ou alliance contre le citoyen
T a rd if ont donc dû être proposées par le citoyen Chousjy
en état de causé j c’est-à-dire, ayant la décision de ce
tiers-expert.
’
‘
A u contraire, loin d’en proposer avant cette décision,
il a en tout état de cause assisté à l’opération ; il a requis
le citoyen T a rd if, par des lettres ; e t, après sa décision
m êm e, il l’a requis par sa signification du 19 tlierm idor,
de déposer cette décision.
■
A insi il est dans le cas de l'art. I er. de l’ordonnance. Il a
donné par écrit des consentemens form els; et n’e û t-il
qu’assisté volontairem ent au travail du citoyen T a r d if , il
seroit par cela seul aujourd’hui- non recevable à s’en
plaindre.
<r 11 a été ju g é , dit le commentateur de l’ordonnance ,
«par un arrêt du £3 février 170 8 , rapporté au journal
« des audiences, qu’une partie qui avoit procédé volontai
r e m e n t devant u n ju g e, ne pouvoit plus ensuite le recu
ser, quoique ce juge eût connoissance d è l a cause qui
« d o n n o i t lieu à la contestation ».
Cet arrêt est dans une espèce moins favorable que celle
de la cause.
• ■
. Car rien ne prouve que T a rd if et Buisson se crussent
parens. T o u t prouve au contraire qu'ils l’ignoroient. Les
plus anciens de leur famille assurent encore que non.
II reste à dire sur ce m o yen , que si la récusation du
citoyen T a rd if étoit encore proposable après sa décision,
elle ne Taimulleroit pas.
,
Dit
�( *6 )
L ’ordonnance dans aucun article ne parle de nullités. O r,
les nullités ne se suppléent pas.
•
La loi du 4 germ inal an 2 , fait la différence des lois an
ciennes et de celles postérieures à 1789.
*
E lle veut qu’on n’applique la nullité aux prem ières,
que dans le Cas des formes prescrites, à peine de nullité»
Mais l’ordonnance ne pouvoit pas s’occuperde la nullité
que propose le citoyen C h o u ssy, sans l’établir; car elle
n’admet les récusations que jusqu’à la prononciation dii
juge. Ainsi il ne peut y avoir lieu à nullité > que si le juge
avoit passé Outre, après une récusation.
C’est par ces motifs que le tribuhal d’A m bert s’est décidé;
ils étoient écrits dans la loi. Il a donc légalem ent hom olo
gué le rapport. I l n y a donc pas lieu de réform er sa
décision.
D e u x iè m e
Qü G
e s t i o n .
{Le rapport du citoyen T a r d if est-illïul, com m e ne devant
y en avoir q u u n seu l p a t les trois experts réun is ?
Q u a n d le citoyen Chôusèy signifîoit au x citoyens D u p ré
et L a n g lad è, de faire et déposer, ch acun séparém ent,
leurs rapports; quand ilsign ifioit au citoyen T a rd if que
son rapport devoit seu l fixer le p rix de la vente, et qu’il
étoit inutile qu’il attendit le dépôt des deux prem iers rap
p o rts, il ne p révo yô itp a s , !qu’après l'exécution de ses or
dres , il trouveroit plus'séant qu’il n?eÎTt d û y avoir qu’un
rapport coYnftiun, au lieu de trois.
A u jourd ’h u i, dans sà -sagesse, il prétend qu’il falloit
que cela fiït ainsi } etil^sc ’foncte sur les conventions des
parties, et sur la loi.
�.
, )........................
( h )
■L a vente du 4-m essidor, dit q u e , si les experts ne sont
pas d’a cco rd , ils choisiront un tiers pour les départager,
et parle en plusieurs endroits d’un rapport d’experts qui
contiendra l’estimation;mais non pas de plusieurs.
S’il y avoit à cela de l’am phibologie, le citoyen Choussy
nous a expliquélui-m ém e dans ses significations le sens qu’il
donnoit à sa convention. A lors il étoit sincère , parce qu’il
ne cherchoit pas un moyen.
Il nous a appris que, si les premiers experts étoientd’acr
c o r d , un seul rapport fixoit; le p rix, que s’ils ne Tétoient pas,
un seul rapport le fixoit encprej cela est très-vrai. Dans
tous les cas il n’y a donc qu’un rapport unique à considérer.
Dans l’espèce, les deux premiers rapports pouvoient
être ou n etre pas déposés, cela im portoit peu; et comme
l’a signifié le citoyen Choussy, ils devenoient inutiles dès
qu’il s’èn faisoit u n troisièm e/M ais il étoit bon de les rédi
ger ; et tel est l ’usage général des expertises 5 car c’est parlà que le tiers-expert prend connoissanoe des points de
division des premiers.
‘ >
E n quoi donc le dépôt des trois rapports est-il répré
hensible ? Si cela ne nuit pas, sî teL'est l’usage, si sur-tout
les'experts ont •ohei aux injonctions'du citoyen Choussyj
de quoi peut-il se plaindre ?
.
ll in ^ ue ?n??re.
) non pas pour dire qu’ejle a
plus de poids que la xonvèntiori des parties, mais pour
pré te n d rë'q u’elle' avoit réglé la -rtiême chose.
■
J1 ‘P o u r citer dés lôis^ ilfa lïo it secrèer une application; le
citoyen Choussy avoit appelé les tiers-experts, des experts,
pendant les 26 prem ières pages; de ison m ém oire. Mais
cela le gên o it, et il en fait des arbitres^ -
D a
�(28)
Ce n’est pas par une expression générique de latinité
qu’il peut le prouver. A r b itr iu m signifie une décision quel
conque ; et dans les mêmes lo is , il est em ployé d’autres
expressions pour dire la m ême chose (i). L e nom dyexpert
appartient à notre langue seule ; celui d’ arbitrium b o n i
v ir i est le seul qui y réponde, et cependant, quand le
préteur y ren voyoit une contestation, il n’entendoit pas
nom m er un a rb itre , et lui céder toutes les^ fonctions
judiciaires.
'
,
. Cette définition pourroit s’approfondir davantage, mais
elle est o is e u s e e t ce n’est pas dans ces nuances de mots
que gît la contestation.
Ce qu’a voit dit le citoyen Choussy, étoit pour en venir
à la loi du 18 therm idor'an trois, qui veut : « que le. tiers
« arbitre , n o m m é en cas de partage , ne puisse prononcer;
« seul en faveur de l’un des deux avis, m ais, qu’il se
« réunisse aux arbitres pour délibérer et juger.
•
O r , le citoyen T a r d if , expert ou arbitre, a fa it, quoi
qu’on en d ise, tout ce que cette loi prescrit aux arbitres
de faire.
~ :
' '■
Il s’est réuni à eux ;1il a discuté , délibéré et prononcé
avec les citoyens D u p ré et L a n glad e;'ils ont signé son
rapport.
Q u ’im porte que le citoyen Dupré ait ajouté à la signai
ture com m e présent ? si cela signifioit qu’il n'approuvoit pas l’opération;, en est-elle m oins valable ? s’eston moins réuni avec lui ? mais s i , dans un tribunal, l’un
(i) Par exemple il est dit: Secundùm ejus estimationem, venditionern ad effectum pervtnire*
‘
‘
�#
(
29
)
des juges vouloit écrire au plum itif q u’il n’est p as de la vis
du jugem en t, sans doute cela ne l’annulleroit pas.
Q u’importe encore que le tribunal d’A m bert ait dit dans
le jugement dont est a p p el, ayant égard au rapport du
citoyen T a rd if, et icelui homologuant;, il falloit bien lui
donner un n o m , et' il ne pouvoit pas d ir e , le rapport
des citoyens D u p ré , L an glad eet T a rd if, c’eût été les ho
m ologuer tous.
,
. L e citoyen Choussy avoit voulu que les deux premiers
fussent faits séparément’, il avoit donc rendu nécessaire
qu’on distinguât le dernier rapport des deux autres, et
on ne pouvoit lui donner que le nom du tiers-exp ert
chargé de départager les autres, en se réunissant à eux.
r U n sénéchal donnoit son nom aux sentences, et cela ne
sign ifio itp as qu’il les eût rendues seul.
i Ce que Je citoyen T a rd if a dit au singuljer dans ce tiers
ra p p o rt, bien loin de prouver contre la réunion des
experts, comme le citoyen Choussy veut le persuader en
scindant isolément quelques .phrases, prouve tout le con
traire. E n effet, dans le commencement du rapport qui
doit être un p rocès-verbal, T a rd if partant de chez lu i,
allant à la Chaise-Diei^ ^ t demandant à ses collègues le
sujet de sa convocation ^ ne peut pas parler au nom de
tous; il eut été inintelligible : il dit donc,/e suis allé, etc. j e
les ai in cités , etc. L e cit. D u p ré m’ a observé, etc. , parce
qu’alors il distingue ce qu’il fait et ce qu’il dit ; mais lorsqu’ensuite il va s’occuper de l’opération, il dit: nous
s o m m e s transportés à Féolgoux avec les citoyens D u p ré
et Langlade , y avons trouvé le citoyen Choussy , q u i
nous a requis de com m encer nos vérifications , offrant
�....................C 3 0 )
de iw n saccon ipapïer etja ire, toutes les indications né
cessaires, et de term iner iros opérations, etc. (1) avons
procédé y etc. estim o n s, etc.
,
V o ilà donc T a rd if ne parlant plus seul, et cette diffé
rence intimé de langage prouve que sans être obligé de se
conform er à la loi'dü ï 8 therm idor, il en a suivi les dispo
sitions. Il lui süffisoit de se réunir à ses collègues ; il a fait
p lu s, il a fait toute son opération en commun. O n voit
m ême par les signatures, que l'un est de son avis, et que
l’autre n’en est pas. Il y a donc m ajorité, et elle n’ëtoit
pas nécessaire.
‘
‘
L e citoyen Ghoussy se confie si peu en ses m oyens, que
pour en augm enter la masse, il veut tirer parti de ce que
le notaire qui a reçu l’acte de dépôt des trois rapports, a
ap p elé le troisièm e c e lu i d u cîtcryen. T a rclif. !Mais il suffît de
lu i demander com m ent, en ayant exig é trois j il ieût pu
l ’appeler lui-m êm é?
i !i > ! ■ ;
<'-i n-J *
Il a vu aussi que dané' la lettre des premiers experts à
C o u ch ard , ils le convoquent pour revoir notre estima
tion et rédiger tous trois notre ^apport.
~
M a is le citoyen Choùssy <
■
ne remarque ,pès; que si les
experts entendoient alors n'en faire qu’un seulyc'ést luinjêm e'qùi y a mis obstacle,en les ¥èquérant d’en déposer
deu x, chacun séparément. Il a donc voulu ce qu’il blâme.
Les intimés l'ont trouvé bon ; ainsi y ayant accord entre
les parties, quelle correction y a-t-il à y faire1? :K
L e citoyen Choussysentsi bien cette consécjùencé, qu’il
(1)
II eut au m oins d it, notre opération, s?il eût entend 11 par
ler au pluriel p our lu i Seul.
-
�(3 0
se bat les flancs pour atténuer la signification qu’il a faite
Je 19 therm idor; il ne v o u lo it, d it-il, qu’éviter au ci
toyen T a rd if, comme au citoyen L a n g lad e, les délices
de Capoue (1) : il étoit im patient de ¡perdre ses intérêts
de 30 fr. par jo u r i'A in s i, tout ce qü’il a dit dans sa juste
im patience, ne peut pas être pris pour des .'règles don
nées aux experts , qui , ajoute-t-il, trouvoient ces règles
dans la loi dii 18 th erm id o r, et dans la convention synallagmatique du 4 messidor.
C ’est sûrement pour le [citoyen Choussy une bien puis-r
santé excuse, que le chagrin de perdre un intérêt de
30 fr. par jo u r: 30 fr. ! ! et pour F éolgoux , q u i, année
com m un e, n a jamais rapporté net aooo f r ., en y com
prenant même les ventes de bois réglées et habituelles (2).
Mais c est un peu ta rd , pour expliquer des arrière-pen
sées qui ne détruiront pas des écrits : il n’étoit pas p ro h ib é ,
par la vente du 4 m essidor, de faire plusieurs rapports.
A in si, en soi-m êm e, il n’y auroit rien d’i r régulier ; à plus
forte raison , quand les parties y ont consenti expres
sément.
.
On contracte en jugement comme par-devant notaires;
(!) Ainsi cette obscure cité , tout à l’h eu re, ne florissant que
par ses cadis et ses la cets, est devenue une Capoue attractive.
j?lle s enorgueilliroit de cette prompte métamorphose , si bien
tô t, la changeant en Caprée honteuse, le citoyen Choussy ne
lui imputoit une facilite de corruption qu'il croit ¡possible, que les
acquéreurs ne s’etonnent pas qu’il croie possible; mais dont im
X ribunal honnête doit s’indigner.
• (2) Cela est prouvé par des expertises, jointes au procès.
�. ..
.t
( 3* )
'
et si dans ( lé eoiirs d’u h é 1contestation, l’ une des parties
requiert et l’aütre ne* conteste p a s, dès-lors le contrat
judiciaire est' form é. L e citoyen C h o u ssy, qui veut si
obstinément que l’opération, des experts soit et ne soit
qu’un arbitrage ordinaire, récusera-t-il ce principe et son
Application?
''
'
;i
■c
Q uoi qu’il en d ise, lié par sa convention , voulant y
chercher de l’obscurité pour la dissoudre, il a lui-m êm e
dissipé cette obscurité par ses réquisitions ; il a expliqué
fcux experts ce qu’ils a voient à faire : ils s’y sont conformés.
A in s i, ses moyens actuels sont des argumens contre lui*
même.
"
•
" Il v e u t, pour soutenir ces m oyen s, que les experts
aient été des arbitres, et leur estimation un arbitrage.
D ’après lu i,le s tribunaux ne seroient pas com pétens; car
la loi du 24 a o û t 1790, dit que les décisions arbitrales sont
rendues en d ern ier‘ressort. Nos constitutions veulent, de
p lu s , qu’on ne puisse les attaquer, m êm e par le recours
en cassation, ■ >
■
T
r o ï
' S
i e m e
q u e s t i o n
.
Y a -t-il lieu coordonner un am endem ent de rapport,
ou la vente est-elle consom m ée ?
»
.
L e s arbitres de la question précédente sont redevenu?
des ex p erts, pour donner au citoyen Choussy la facilité
de prétendre qu’il y a lieu à un amendement.
P o u r le p ro u v e r, il s’entoure d e moyens de c o n s i d é
rations : ¡¡1s sont nuls contre une vente"; de q u e l q u e s a u t o
rités,
�C 33 )
xûtés, elles sont foibles et hors ‘ la cause ; de quelques
-fragmens de l o i , ils sont inapplicables.
Des autorités, claires e t puissantes, une loi unique et
décisive seront opposées : la cause y est écrite.
Ce n’est pas nominativement une action en lésion qu’à
intentée le citoyen Choussy, il la savoit supprimée ; mais
il y a conclu sous une autre forme.
. Prétendant que F éolgou x vaut le double de l’estimation
q u i fixe le p rix de ve n te , demandant que des experts
n o u v e a u x vérifient cette propriété ,-pour savoir si elle
vaut plus ; et en ce cas, concluant à ce que le supplément
«oit payé par les acquéreurs, ou que la vente soit résiliée,
voilà bien certainement toute l’essence de l’action en
lésion ; et si l’on en croit, le citoyen Choussy ^cette lésion
est énorme.
■'
' Ingénieux dans ses calculs, il rappelle l’estimation qui
fu t faite de 5723 pieds d’arbres que l’ouragan de l’an 5
déracina , à 48,000 fr ., d it-il, s’ils eussent été sur p ie d ,
et 16,000 fr. en l’état où ils étoient. Les dégâts étoient
•dans un dixième de la forêt ; a in si, dans la m êm e pro
p o r t i o n , les neuf dixièmes a u ra ie n t , selon lu i, valu
400,000 fr.
•
•' Mais qui ne sait pas qu’un 'ouragan qui déracine
,5723 arbres, rie laisse pas intacts j neuf dixièmes d’une
fo r ê t, qu’il dévaste tout arbre qui présente une grande
surface 5 et qu’ainsi n’ayant fait de dégât que dans un
dixièm e de la f o r ê t, cela pro«v-e q u e dans -le surplus il
y avo it trè s-p eu d ’arbres d’un volum e t\ offrir de la
résistance au fléau. O r , vouloir faire estimer les parties
stériles- ou dépeuplées sur le. m êm e p ie d , peut bien être
E
�? 4
.
l’idée d’un spéculateur qui postule 30 fr. d’intérêt par
jo u r , mais n’est aux y e u x de la justice qu’une proposition
captieuse d’une mauvaise foi révoltante.
L e cit. Choussy donne une autre base d’estimation , qui
est celle faite par les citoyens G arn ieretF au ro t, experts (1),
nommés par l’administration de la Chaise-Dieu , sur une
demande par lui form ée en l’an 8 , en réduction de ses
im pôts ; ils o n t, dit-il, estimé F éolgoux à 111,32 2 fr. 60 c.
au bas p r ix , ajoute-t-il, qu’on a coutume de donner à ces
sortes d’ évaluations._
Ceci seroit m ieux tro u v é , si le citoyen Choussy disoit
tout ; mais semblable à celui qui présenteroit pour titre
un jugem ent de prem ière instance , réform é sur l’appel,
il m ontre l’opération de deux premiers exp erts, mais il
ne dit pas qu’il s’est pou rvu par appel d ev a n t l’a d m in is
tratio n cen trale co m m e d’une estimation exhorbitante, que
de nouveaux experts (2 ) oiit estimé F éogoulx presqu’à
m oitié m oins, et que le dernier rapport de ces experts a
été seul hom ologué par l’administration centrale, par
-arrêté du 1 5 ventôse an, 8 :■ainsi, le citoyen Choussy pré
sen ta it une pièce rejetée, ce qui n’est pas délicat, et taisoit
une pièce adm ise.
.
L a prem ière convention’ d’acheter F é o g o u lx , faite à
1 1 5,ooo f r . , est fort loin de lui être un m oyen; car,
q u o i q u e les sous-seings privés lui fassent réserve des chablis,
il est de fa it, et on le prouveroit s’il le n ie , qu’ilsdevoient
)
( 1 ) Deux de ceux qu’il a récusés dans son exploit du
thermidor.
•
(2) Les citoyens Jourde et Pichat qu’il aaus6i récusés.
�C 35 )
faire partie de la ven te, lorsque les acquéreurs surent qu’il
y en avoit un grand nombre. M algré cela, ils ont résilié,
trouvant Féolgoux trop cher à cette som m e, quoiqu’il y
eût alors un m obilier considérable, et ces chablis portés
par le citoyen C houssy, dans ses lettres, à 26,000 fr.
; A cette époque encore les propriétés avoient une valeur
bien plus considérable qu'aujourd’hui ; et si le 18 fructidor
produisit d’abord quelque resserrement d’argent chez les
capitalistes, sans doute il ne lit pas un effet aussi subit dans des
pays agrestes, dans lesquels les révolutions n’ont qu’une
lente influence ; peut-être aussi la crainte alors accréditée
d’un retour au papier monnoie donna-t-elle plus de valeur
aux propriétés foncières. Q uoi qu’il en soit, nous recher
chons des effets et non des causes, et il est de notoriété que
nonobstant tous autres résultats de fructidoretde brum aire,
les biens-fonds, les bois sur-tout, valoient en l’an 5 et l’an 6
beaucoup plus qu’en l'an 8 , non-seulement dans le canton
de la Chaise-Dieu , mais dans toute l’étendue des départeniens du Puy-de-D ôm e et de la H aute-Loire.
Les réflexions du citoyen Choussy, sur la facilité de la
vente des bois, sont de même purem ent systématiques,
co m m e la plupart des idées d’économie publique. Depuis
plusieurs siècles on se plaint de la rareté des b o is , et ce
que les conseils de département ont dit l’année dernière,
L o u is X I V le disoit aussi dans le préam bule de son ordon^
nance de 1669. T o u t cela ne prouvera pas que le bois de
Féolgoux vaille davantage ; les ventes d’arbres n y sont
pas plus com m unes, pas plus que dans les nombreuses
forêts plus rapprochées encore des ports de l’Allier,
L ’aspérité des, chemins de traverse, la difficulté de l’ex-
‘
E 2
�.
.
A
( 3 5 )
ploitation, em pêcheront long-tem ps ce bois d’avoir une
valeur. L ’ouverture des communications ne peut être
payée que par le gouvernem ent : mais espérera-t-on qu’il
s’occupe de routes nouvelles et particulières avant d’en
tretenir celles qui existent ? Si les conseils généraux ont dit
que les bois de la Chaise-Dieu ne suffisoient plus à construire
les bateaux, le citoyen C houssy, qui les c ite , pouvoit plus
que personne les désabuser de cette grande erreur ; car
lui-m êm e, depuis l’an 5 , n’a pu vendre encore tous les
arbres que l’ouragan avoit déracinés, et qui dépérissent
nécessairement faute d’acquéreurs (i).
.
(i) Ce fait est déclaré au procès par une requête du citoyen
Choussy, du 3 ventôse.
L e citoyen Choussy parle souvent de sa bonne foi dans cette
affaire ; en voici un ¿chamiilon. ï/ouragan de l’an 5 avoit déra
ciné beaucoup d’arbres, d’autres étoien trom pusà 5 , io p t 12 pieds
de hauteur : c’est ce qu’on appelle -piquets. Un grand nombre
d’autres arbres étoient seulement épointés très-foiblement à perte
de vue. Sept jours après la vente , Choussy se hâta de vendre
ces derniers arbres, pensant bien que les experts n’iroient pas
croire qu’ils faisoient partie des arbres rompus que Choussy avoit
réservés comme déj à vendus rEn effet, lorsque les experts vinrent,
Ghoussÿ voulut qu’on estimât tous les arbres droits en général,
( cela esf prouvé par la déclaration des experts, de Dupré luimême , en un acte instrum entale, du 14 ventôse an 9 ) ; Choussy
fit même comprendre dans l’estimation les piquets pour une
somme xle 40 fr. ( cela est prouvé par les trois rapports ). Pour
être plus libre de consommer cette petite escroquerie , il chassa
le garde de bois, qui étoit à Féolgoux lors de la v e n te , et qui
étoit agréé par toutes les parties. Les acquéreurs ne jouissant
pas, n’ont pü avoir l’œil s u r o e qui «e passoit dans le bois ils
�( 37 )
Il serôit plus raisonnable, sans doute, a u x 'iutinj.cs, de
présenter de leur p a rt, pour moyens de considération,
cette stagnation de com m erce, constatée par cet engorge
ment de bois pendant quatre ans ; ce qui ne leur prom et
pas pour l’avenir des spéculations heureuses; la rareté du
numéraire te lle, qu’à moins de dégrader prom ptem ent
pour v en d re, à quelque prix que ce soit, ils ne pourront
payer au citoyen Choussy des capitaux à termes rappro
c h é s , outre un intérêt considérable; l’accident nouveau
d’un ouragan terrib le, qui vient encore de diminuer la
valeur des plus beaux arbres en dégradant ceux qui res
tent ; enfin le taux des impositions de tout F éolgoux u
336 fr. 8 s. (1 ); ce q u i, à l’égard d’un propriétaire forain
ne l’ont appris que par le proeès-verbàl de leur prise de pos
session; ils ont trouvé le bois plein de scieurs de lo n g , et ont vu
que par un genre de précaution fort inusitée, le bpis coupé plus
récem m ent est hors la fo rêt, tandis que celui exploité avant la
vente y est encore gissant; aussi le citoyen Choussy se jacte
d’avoir au port 22,000 toises de bois, non compris ce qu’il a
vendu. On peut conjecturer combien cet entassement paralysera
pour long-temps les ventes que les acquéreurs pourroient faire.
Ce mésus a donné lieu à [un incident qui n’est pas encore jugé,
parce que le citoyen Choussy a mis au rôle la cause principale,
pour faire disparoitre ce débat secondaire par de plus grands
intérêts ; cependant il sera jugé en même temps que le fonds.
Les intimés pourroient donner à leur discussion, sur cet inci
dent , une plus grande latitude ; mais il est inutile de grossir ce
mémoire.
(1)
Fixation d’ o ffice , par arrêté de l’administration centrale.
En l’an 4 , Féolgoux payoit en principal et sous additionnels 232 K
a s. 2 d. Que l’on ne dise pas que la cote des bois doit être très-
�. . .
( s 8 )'
su r-tou t, doit donner une idée suffisante de la valeur ap «
próxim ative de cette propriété.
.
Mais des moyens de considérations ne doivent pas juger
lia cause ; ainsi, abandonnons ce qu’a dit le citoyen Choussy
sur ce poin t, et ce qui nous resteroit à d ire , pour en venir
à l’examen des moyens particuliers qu’il a cherché à faire.
valoii\
. , •
• Il critique le rapport de T a rd if et celui de L an glad e,
sur ce qu’il s’est fait déduction des charges, et il s’étonne,
q u’on ait entendu acheter un bien franc et quitte de
charges; il auroit sûrement raison si c’étoitde toutes charges
foncières; car nul n’en est exem pt : mais des réparations ,
des frais de gardes de bois , etc., dont on n’entend pas
s’exem pter non plus, n’en sont pas moins des objets à
p re n d re en considération par des e x p e rts qui estim en t le
p rix vénal d’une propriété. Car plus il doit en coûter
de frais d’entretien , moins il y a de revenus, et c’est,par
le calcul des revenus réels que s’estiment les capitaux. '
L e citoyen Choussy se plaint encore que Langlade ait
laissé le soin à T a rd if d’apprécier ces charges; ca r, d it-il,
nem o unus cogendus est sententiam dicera. L ’expression
ço g en d u s suppose de la nécessité , de la contrainte, et
non pas la simple prière de l’un des experts à un autre ,
d’expliquer lu i-m e m e ce qu’il n’entend pas bien. Cette
déférence n’exclut pas ensuite l’examen de l’explication,
et rien ne prouve que T a rd if ait décidé seul ce point
foible; cela étoit ainsi lors des lois de 1790 : mais l’art. 70 àe la
loi du 3 frimaire an 7 veut que les bois soient taxes, pour to u iç
leur va leu r, à deux et demi pour cent.
.
�( 39 )
de l’expertise, puisqu’au contraire le reste du rapport est
rédigé en commun. D éjà nous avons fait observer la diffé
rence qui existe dans ce ra p p o rt, entre les colloques du
préambule et le rapport lui-m êm e; ce n’est donc pas par
:un fragm ent de cette conférence, qu’il-faut juger le rap
p o r t , c’est par le dispositif de-la décision en elle-même.
.O r cette décision est faite en commun v et elle est signée
des trois experts : ainsi ce rapport n’est nullement dans
le cas de la loi citée.
• ,
Ce que dit Pothier d’une estimation m anifestem ent in i
q u e, n’est pas un moyen pour le citoyen Choiissy, puisqu’il
p r é - s u p p o s e que cette in iq u ité est déjà manifeste, et c’est
,là la question. L ’auteur du recueil de jurisprudence donne
l’explication de ces expressions dangereusement obscures,
dont cet auteur ne se- défend pas toujours. Par exemple ,
d i t - i l , si un im m euble en valeur de r, 000 ¿livres étoit
esti mé 24 livres; alors il seroit clair qu’il y auroit une
injustice évidente contre laquelle les parties seroient au
torisées à réclam er..
. Sans doute c’est ainsi que l’a entendu P o th ie r , qui
en cela a raisonné par ses propres idées, sur le juste et
l’injuste, ne se basant sur aucune loi. D o m a t, encore
cité par le citoyen Choussy, n’a rien dit d’assez précis
sur la contestation, pour balancer des autorités plus po
sitives , et encore moins les lois qui la jugent. L ’espèce
de faculté qu’il laisse aux contractans de revenir contre
Jeurs conventions, si contradictoire aux principes que cet
auteur enseigne aux pages précédentes, suppose comme
P o th ie r, que les bornes de la raison et de l’équité soient
violées, et que l’on naît pas nommé des personnes de
�C 40 )
_
probité et qui s y connussent, dès qu’il ne veut annuller
que ce qui sera arbittë contre Cette règle.
r
O ù iest dbnc ici la violation des bornes de la raison ;
où est la violation dé l’équité, si ce n’est plutôt celle de
~la cupidité du citoyen Choussy. A -t-il indiqué un1 seul
fait d’im probité contre les experts; ce n’est donc que de
l’ignorance qu’il leur suppose, et c’est depuis l’expertise
seulement qu’il s’en t?st avisé.
O ù est encore l’application de la loi 76 du ÍF. pro socio ?
' O ù est ce pravum a rb itriu m ? cette m anifesta in iquitas
que cette loi exige p ô u i refaire l’arbitrage de société qui
• ne nous concerne pas ?
‘
Il falloit donc expliquer par quelles règles devoit être
décidée la question préalable de ce pravum arbitrium ;
à q u els sign es le tribunal d o n t est a p p el a v o it d û le refconnaître ; si ¡’estimation à 85;oo 0 livres d’un bien" qui
paye 336 livres d’im pôts, présente au détrim ent dü’veri“deur une évidente iniquité.
' •’ ' f
Les arbitrages de société exigent une pondération d’in
térêts respectifs infiniment ég ale, parce qu’il répugne à
l’essence de l’association, qu’aucun d'es associés ait un
bénéfice supérieur à la portion qu’il doit en avoir. Mais les
contrats de vente ne sont pas àssüjétis aux mêmes règles-1,
et l’erreur de croire que l’idée du. vendeur d’être grevé
par le p rix , lui donne droit de s’en plaindre, est corrigée
'par la loi s i volúntate au code de rescinàenda vendiiione,
-qui lui reproche d’ignorer la substance du contrat d’ac
quisition, qui n’admet pas de telles plaintes.
'
L a loi 22 au ff. ïo e a ti, enseigne qu’il est de droit naturel
d’acheter au m oindre p r ix , et de vendre au plus haut prix
qu’on
�C4 0
quon le puisse. Qucmadmodùm in emendo et vendendo
naturaliier concession e s t, q'uod pluris s i t , minoris
em ere , et quod minoris s it , pluris vendere , et invicem se
circumscribere.
T e lle , en effet, doit Être la latitude des transactions
libres et du com m erce des immeubles ; d’ailleurs, comme
le dit D um oulin avec son énergie ordinaire ( i) : « L ’égalité
» entre le prix et la valeur de la chose vendue ne con
» siste pas en un point indivisible ; elle n’est pas une
» égalité mathématique ».
'
Il est bien constant que l ’acte du 4 messidor est une"
vente librement consentie entre m ajeu rs, et librement
exécutée en la form e convenue. T o u t y est obligatoire^
et sacramentel. Féolgoux est v e n d u , c’est la chose ; le
citoyen (Jhoussy^se démet de la p rop riété; voilà le con
sentement et la tradition, corroborée même par le cons
tituí de précaire qui y est exprim é. L e prix est laissé à
l’arbitrage de deux experts q u i , en cas de discordance,
doivent s’en choisir un troisième à l’insu des parties : tout
cela s’est littéralement exécuté.
Les deux experts ont été discordans (2) ; ils en ont pris
(1) Trait, des cont. usur., quest. 14, n°. 171.
(2) Le citoyen Choussy revient souvent sur cette discordance,
pour dire qu’elle n’eut lieu qu’au retour des experts de la Chaisepieu ; mais il nous prouve lui-même que Langlade n’étoit p as,
sur les lieux, de l ’avis de Dupré. i°. E n disant, dans son expertise
du 8 fructidor an 8, que Langlade écrivait toujours à côté un
prix différent; 20. dans ses causes d’appel du 23 ventôse der
nier , que Langlade « avoil médité d ’avance le projet de ne signer
F
�.
c 4 2 }
.
un troisièm e, agréé comme eux par le citoyen Choussv.
L e prix de vente a été réglé en sa présence ; le rapport
fixant le p rix a été déposé : et dès-lors les trois condi
tions qui constituent le contrat de vente sont remplies.
T o u t est donc consommé.
L e prix de vente fixé par les experts est précisément
la m êm e chose que si elles en fussent convenues ellesmêmes. O n ne trouvera aucun auteur qui établisse en
cela la moindre différence. Ils se réunissent, au contraire,
à dire que le p rix ainsi fixé par experts est absolument
semblable au p rix volontaire. O r , sans d o u te, si le cit.
Choussy fût convenu de vendre pour le p rix qui a été
estim é, en vain proposeroit-il ses systèmes sur les chances
politiques et sur la rareté du bois ; il n’auroit aucun moyen
pour obtenir davantage.
N ’est-ce donc pas s’abuser, que de proposer à un tri
bunal de rectifier une expertise qui n’a point été judiciai
rem ent ordonnée , et qui n’est point du ressort judiciaire?
L a nomination des experts qui ont opéré tient essentiel
lement à la substance d’un acte volon taire, à la partie la
plus délicate du contrat de v e n te , au consentement si
incompatible avec toute espèce de contrainte. Si les acqué
reurs se trouvoient lésés, que pourroient-ils dire , quelle
voie eussent-ils eue pour se délier de leur consentem ent?
L a loi cependant doit etre égale. A u trefo is, à la v é r ité ,
l’acquéreur 11’avoit pas la voie de la lésion 5 elle étoit pou r
» le rapport c o m m u n , que dans le cas où Dupré seroit assez
» foible pour consentir à une estimation dont le prix avoit sans
» doute été arrêté de concert avec les acquéreurs ».
�.
£
,4 3
*
le vendeur seul ; mais le citoyen Choussy assure que ce
n’est pas cette action qu’il a voulu diriger.
,
Comment donc lui accorder un droit que les acqué
reurs n’ont pas ? S’ils ne nomment pas des exp erts, ce
sera donc à la justice à en nom m er d’office ? Mais alors.,
que devient le consentement des parties , essentiel pour
-le contrat de vente ? U n consentement forcé le suppléerat-il , quand une vente synallagmatique libre sera méta
morphosée en une vente judiciaire ?
■
L e citoyen Clioussy, qui a bien senti que sa prétention
appeloit ce renversement de principes, a cherché à cor
riger cette incohérence. Il offre de résilier la vente. Mais
les acquéreurs auroient-ils le droit de le lui offrir ? peutil donc dire : ou on fera ce que je v e u x , ou il n’y aura
pas de vente ? Mais il ne dit pas qui doit payer au moins
6,000 liv. de premiers frais que les acquéreurs ont déjà
déboursés.
L a raison dit qu’une deuxième expertise ne peut avoir
lieu ; la loi aussi le veut expressément ; elle a déjà été
r a p p e l é e , et en voici le texte :
S i quis rem ita comparaverit ut res vendita esset
•q u a n ti Titius œstimaverit....... Sancimus ut s i quidem
ipse qui nominatus est pretium definierit o m n i m o d o
secundùni ejus œstimationem et pretia persolvi et ventlitionem ad effectum perçenire ..... S i hujusmodi pre
tium cùm m scriptis f u e r it redactum ....... P e r omnia
completum et absoïutum sit; sin autem ipse Titius noluerit vel non potueritpretium dejinire, tuncpro nihilo esse
yenditioncm ..... N ullâ conjecturé servandâ , utrîim in
personcim certam }an in boni viri arbitrium, respicienF a
,
�( 44 )
^
tes contrahentes ad hœ cpacta veneri?it, hoc impossibile
credentes expellimus (i).
Ce respect de la loi pour le maintien d’une convention
libre est digne de rem arque ; elle ne veut pas que le juge
prenne sur lui de rien conjecturer, nullâ conjecturâ ser pandâ ; elle ne veut pas qu’il o rd o n n e, en aucun c a s,
une nouvelle exp ertise, in boni viri arbitrium expelîimus ; et cela par le seul doute que les contractans aient eu
en vue d'y consentir, an respicienies contrahentes ad
hœc pacta venerint.
Cette loi si form elle, unique sur la m atière, a été répétée
au x insfcitutes,, com m e contenant les principes élém en
taires du droit (2). L a m êm e expression omnimodô y
consacre encore que L’estimation des e x p e r t s quelle qiielle
sait „ ne doit point être réform ée.
.
Ce mot omnimodo, est commenté par T^innius, en ces
term es: hrgo etiam si multo pluris aut m inoris rem
estimaverit ( Titius ) quàm valet.
jDespeisses (3) d it, que si l’expert choisi a fait le p r ix ,
quel q u 'il so it, la vente est b o n n e , et doit avoir lieu pour
le prix fixé par cet expert ; « q u oiq u e, ajoute-t-il, ce prix
« ne soit pas le juste prix„et m ême qiu’ily ait lésion d’outre« moitié ». Cet auteur ajoute, que la lo i ci-dessus, prohi
bant toute, nouvelle expertise, montre pleinement que son
intention par le mot omnimodô 7. est que le prix soit défi
nitif.
(1) Loi dernière, cod. de contrahendu emptione.
(2) Inst., liv. 3 , tit. 24, de emptione et venditione.
(3) Page première, sect, 3,
�( 45 )
•• Rousseau de la Com be ( i) dit de m êm e, que si lé p rix
a été déterminé par un tiers, la vente est valable ; « soit que
le p rix soit juste ou injuste ». Ce sont ses expressions.
_ L a jurisprudence s’est conform ée à ces p rin cip es, et
nous en avons un exem ple assez nouveau,) m ême dans ce
département.
L e citoyen Costilles avoit vendu un domaine au citoyen
Coiffier j à dire d’experts ; le citoyen Coiffie* le prétendit
exhorbitant; et opposa m êm e que l'immeuble venant delà
femme Costilles, ce qu’il disoit avoir ignoré en acquérant,
il seroit en péril d’éviction. Plaidant en la sénéchaussée
d’ A u verg n e, la loi s i q u is lui fut opposée : k sén-échaussée
ne crut pas pouvoir rien changer à' une convention, et le
- c it o y en Coiffier ne put obtenir ni k résiliation de la ven te,
ni un amendement. L a sentence fut rerldue le 7 mars 178 6,
et confirmée par arrêt de 1a grand - chambre', du 6 mars
1789 (2).
N o n , il n’y a pas lieu à amendement: cette décision est
écrite tout au long p a rle citoyen Choussy, et de sa propre
m ain, dans l’acte instrumentaire , du 19 thermidor. I l y a
d it , après avoir su que les premiers experts étoient divi
sés , et avoient fait deux rapports séparés, que le rapport
(1) N°. vente.
'
(2) Cette sentence est citée dans une consultation donnée pour
la cause, sur le vu de toutes pièces, par les citoyens D ariis,
Touttée, D em i, P a g ès, A n d ra u d , Prévôt et Èfaugue. Ces juris
consultes ne supposent pas que le citoyen Clioitssy mérite plus
de faveur que le citoyen CoiiEer, et nonobstant ses m oyens, ils
trouvent la cause jugée par sa convention, par ses écrits et par
les principes.
�.
.
. i 4« )
.
du citoyen T a rd if devoit seu l fixer le p rix de la vente. Il
étoit donc surabondant de rechercher d’autres autorités
que la sienne.
j 'J cToutest consom m é; la vente n’est plus susceptible d’au
cune form alité ; les experts ont rem pli leur tâch e, et si
quelqu’un avoit à s’en p lain d re, ce n’est pas le citoyen
Choussy qui ne les a pas quittés.
.
'. .
Il ne peut critiquer leurs qualités. Us sont nom m és,
avoués et req u is, soit par la v e n te , soit par tous les écrits
qu’il a répandus dans la cause;
N i leur droit d'opérer ; il a reconnu par les mêmes écrits,
ses lettres et ses prévenances ;
N i leur travail ; il étoit présent à tout ; ni même leurs
rapports; il les a rendus nécessaires par ses notifications.
T elle est la co n sé q u e n ce de l ’assistance d’ une p a rtie àu
tra v a il d’un e x p e r t, qu’elle la rend non recevable à pro
poser les m o yen s, m êm e les plus fondés. En voici un
exem ple :
’
Dans un procès, en exécution de la loi du 10 juin 1793,
qui enjoint aux arbitres-de nom m er des experts pour faire
les vérifications nécessaires, les arbitres nommés se trans
p o r t è r e n t eux-mêmes sur les lieu x, firent l’expertise, et
ensuite l’arbitrage.
L e tribunal de cassation a toujours cassé de semblables
jugem ens; le nommé M orisot se pourvut devant lui. Mais
par jugement du 18 vendémiaire an 5 , la demande en cas
sation fut r e j e t é e , par le m otif, que M orisot avoit a ssisté
les arbitres dans leurs opérations.
L e citoyen Choussy a cru qu’en offrant de p a y e r les
frais d’un am endem ent, il parviendroit plus aisément ù
�( 47 )
persuader que x:et amendement ne nuiroit à personne ‘
mais il n’a pas remarqué que ce n’est point ici un rappo rt
d’ instruction et du ressort jud iciaire, qu’il ne s’agit pas
de vérifier une propriété contestée, mais qu’on demande
à faire augmenter un prix de vente.
O r , le citoyen Choussy qui a dit tant de choses contre
les premiers ex p erts, q u i, après en avoir récusé cin q , se
plaint de deux autres. N ’est-il pas bien inconséquent de
vouloir recourir de nouveau à un art aussi conjectural ?
Mais calculons un peu à quoi cela m èneroit les parties.
Si deux autres experts étoient encore divisés, il en faudroit
un sixièm e, et si celui-là se trouvoit de l’avis du citoyen
D u p ré , alors les vo ix seroient égales ; car chaque partie en
auroit trois en sa faveur.
Faudroit-il donc sanctionner plutôt cette deuxièm e e x
pertise que la première ? Mais ce seroit une injustice, dès
que le nombre d’opinions seroit égal pour et contre. L e
tribunal alors n’hésiteroit sûrement pas à ordonner encore
une nouvelle vérification, dont le résultat seroit peutêtre encore aussi bizarre, ou plus obscur.
T o u t cela peut a rriv er, et la justice doit tout prévoir.
Des acquexeuis qui jouissent sous la foi de leur conven
tio n , doivent com pter sur un p rix qui ne dépende pas
de nouveaux hasards.
Ce pi’ix est fixé; il lest comme les parties l’ont v o u lu ;
elles n’ont pas entendu laisser à aucune d’elles la faculté
d’en requérir un nouveau. A in s i, n’y eût-il pas tout le
danger , tout 1 inconvénient dont on vient de donner une
idée lég ère, la convention des parties n’en seroit pas moins
prohibitive de tout règlement nouveau ; dès lors un amen-
�.
c
4
8
)
.
.
.
dement, en les jetant dans de nouvelles incertitudes, violer
roit cette prohibition.
.
Q U A T R I E M E
Q U E S T I O N .
L a vente du 4 messidor est-elle nulle ?
-
prétention singulière, contrastant à tout ce
(Jue le citoyen Choussy a dit et écrit, n’a pas été jugée par
l’auteur de son m ém oire digne d’être émise; mais le citoyen
Choussy n’abandonne pas aussi aisément le faisceau des
quatre conclusions diverses qu’il avoit prises en prem ière
instance : il sait trop bien qu’on simplifie une bonne cause,’
mais qu’Ufautl’em brouiller quand elle est mauvaise. Certes,
on ne peut s’em pêcher de lui rendre la justice, qu’ il a faittout ce qui étoit en lui p o u r ne pas s'écarter de cette
méthode.
■
C ’est encore peut - être un grand sacrifice du citoyen
C h o u ssy, de ne plus insister à vouloir faire considérer
M annet comme tiers - expert. Ce M annet, appelé comme
indicateur pour une partie seulement de l’expertise, muet
dans les rapports, n’ayant rien sign é, ne sachant peut-être
pas lire , pouvoit-il décemment être dit tiers-expert ? T elle
fut cependant la première des conclusions prises par le
citoyen Choussy en son exploit de demande.
Q uoi qu’il en so it, le m oyen de nullité de la ven te,
jeté en désespoir de cause, ne m érite un examen que parce
qu’il est proposé ; c a r , pour qu’une vente soit n u lle , il
faut qu’elle manque de Tune des trois conditions qui cons
tituent ce genre de contrat.
O r , la chose vendue est bien désignée : c’est Féolgoux.
I^e
CETTE
�C 49 )
L e con sen tem en t est d o n n é , l'acte du 4 m essidor l ’e x
p r im e ; le p r ix a été d é fin itiv e m e n t fix é p a r le rapport du
cito yen T a r d i f , ainsi q u e le cito yen C h o u ssy l’a d écid é
p ar écrit dans son acte, du 1 9 th erm id o r.
• Ce qui achève de constituer la v e n te , c’est la tradition ;
elle est effective : les acquéreurs sont en possession. Elle
étoit déjà promise et acceptée dès l’acte du 4 messidor ;
car Je citoyen Choussy y déclare se départir dès à -présent,
et pour toujours, de la propriété, possession et jouissance
des objets vendus, et consent n'en jou ir à l’avenir qu’au
seul titre de précaire.'
Cette translation stipulée et réelle, n’exige aucune dis
cussion : le fait répond à tout ; il achève même de con
vaincre que les parties remettant leur sort entier à une
première expertise, ne vouloient se réserver aucun moyen
resciâoire', puisque dès-lors elles déclaroient la vente con
sommée dans des expressions aussi sacramentelles.
' .
r - >'
’
C O N C L U S I O N .
•
1
¡L e citoyen Choussy a vendu F éolgoux à dire d’experts
nonvmés par la vente ; ces experts devoient nomm er un
t i e r s eti. cas de division : ils l’ont fait 5 l'e: tiers-expert a été
agréé par le citoyen Choussy.
Toutes les parties ont assisté à la prem ière expertise : le
citoyen Choussy.seul.a assisté àlia seco n d e;il l’a requise,
il «l’a; pressée, pour y être,, seul.; quand elle a été.term inée,
il a requis par écrit, le tiers-expert de déposer son rap p o rt
pour fixer seul le p rix de la vente.
,
, :
T o u t est donfr consoipnié ? des récusations frivoles ne
G
�C 5o )
sont plus proposables; un amendement ne l’est pas davan
tage : Ja justice supplée aux conventions, et ne les détruit
pas.
Les moyens de considération sont en plus grand nombre
contre le citoyen Clioussy. U ne propriété qui paye 336 fr.
de contribution fon cière, séparée de toutes communica
tions commerciales, est très-chèrement achetée à 65,o oofr.
non compris des frais et faux frais excessifs : les calculs
usuraires du citoyen Clioussy ne détruiront ni des faits ni
son propre ouvrage (1).
Des moyens de considération ne jugent pas une question
de droit ; des personnalités méprisables ne doivent pas la
juger non plus. L e citoyen Choussy ne s’opposera pas à ce
qu’on juge plutôt la cause que les personnes.
Il se plaint d’être trom pé ! qui persuadera-t-il ? aucun
de ceux sans doute qui jamais entendirent prononcer son
nom. Mais par qui trom pé? par quatre jeunes gen s,d on t
le plus âgé n’a pas trente-trois ans, et dont le plus jeune
est de l'âge de la réquisition : Choussy trom pé ! ces deux
mots sont étonnés de se trouver ensemble.
Disons m ieux, il vouloit trouver des dupes j il est irrité
de n’avoir pas com plètem ent réussi. >Pourquoi donc la
force de l’habitude lui fait-elle croire que manquer de
(1) Le citoyen C houssy, ’qui évalue son bois seul à 400,000 fr.,
n’a pas voulu entendre une proposition qui lui fu t faite, audience’
tenante , à Am bert. Ses acquéreurs lui proposèrent de résilier la
vente, s’il vouloit leur donner à chacun cent louis de bénéfice; •
ils l’ont proposé encore après le jugement: et certes, celui qui
doit gagner 100,000 écu s, ne les cède pas pour 10,000 fr.
�,
.
( 5 1 }
dupes c’est l’être lui-même ? qu’il ait cru vendre F éolgoux
beaucoup plus , cela se présume ; mais parce qu’il
ne l’a vendu que ce qu’il v a u t, il n y a pas de quoi être
inconsolable.
En un m o t, la cause appartient à une convention ; cette
convention est exécutée et légale. Les choses ne sont plus
entières, la vente est consommée ; la ressource conjecturale
d’une nouvelle expertisé auroit beaucoup d’inconvéniens
et aucun avantage. Ces m o tifs, concluans et p récis, ex
primés dans le jugement dont est appel par le tribunal
d’Am bert pour valider la vente, embrassent toute la cause,
et suffisent pour prouver la nécessité de maintenir ce
jugement.
DEM A Y,
L. F. D E L A P C H I E R ,
Avoué.
Homme de loi.
A R io m , de l'imprimerie de L
andriot,
Tribunal d’appel. A n 9 .
imprimeur du
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Touzet, Pierre. An 9?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Demay
Delapchier
Subject
The topic of the resource
experts
acquisitions
Description
An account of the resource
Mémoire pour Pierre Touzet, Pierre Buisson-Touzet, Régis et Louis Celeyron, habitans de la ville d'Ambert, intimés ; contre Jean-Joseph Choussy-Dupin, homme de loi, habitant ci-devant à St-Germain-Lherm, maintenant au Puy, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 9
1785-Circa An 9
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
51 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0156
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0155
BCU_Factums_M0157
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53697/BCU_Factums_M0156.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ambert (63003)
Le Puy-en-Velay (43157)
Sain-Germain-l'Herm (63353)
Féolgoux (domaine de)
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Domaine public
acquisitions
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MÉMOIRE
P O U R
DE SCEPEAUX , v e u v e
DAURELLE DE CHAMPÉ-
M a r ie -L o u ise -J o se p h
de
B
l a is e
T I È R E , intimée ;
C O N T R E
DAURELLE D E
C H A M P É T IÈ R E, sa f i l l e , et J a c q u e s
BEINAGUET D E P E N A U T IE R , son
L o u is e - M a g d e la in e
m ari appelans.
E
ST-CE toujours la révolution qu’il faut accuser des
mauvais procédés des enfans envers ceux qui leur ont
donné le jour ? M ais la révolution est passée , et les
mauvais procédés durent encore ! M de. de Champé-
�(
2
)
tière, luttant contre sa fille de tribunaux en tribunaux,
cîevoit croire qu’après les débats fugitifs d’une audience,
un jugem ent cteindroit poux* toujours cette cause de dis
corde et de scandale : mais M cic. de Penautier, perdant
le sentiment des convenances, après a v o ir, dans des
écrits, fait peindre son père comme un im bécille, et sa
mère comme abusant de cette imbécillité pour la dé
pouiller de son patrimoine, a jeté dans le public une
consultation imprimée , pour graver à jamais l’exemple
de son respect filial au profit de la postérité.
L ’oubli de ce respect filial éloit au moins renfermé
dans le cœur d’une mère ; et si quelquefois , portant
dans le passé un regard penible, JV1^C. de Champétière se demandoit comment, pendant les angoisses d’une
arrestation, il avoit été possible que sa fille refusât obs
tinément d’écrire la moindre pétition pour elle; com
ment pendant un long séquestre de toutes ses propriétés,
il avoit été encore possible que sa fille refusât constamment
• de venir à son secours, ayant cependant une très-grande
fortune, et sachant que son père avoit besoin de tous
ses revenus pour lui-même; alors peut-être la révolution
pouvoit être accusée de l’odieux de cette conduite : mais
quand M de. de Penautier a donné, en l’an 7 , une
procuration pour mettre les scellés cliez son père, qui
n’est mort que le 16 vendémiaire an 8; quand elle a fait
l ’honneur à sa mémoii*e d’accepter sa succession par be'iiéiice d’inventaire; quand depuis long-tem ps elle fait
semer sourdement, sur le compte de sa mère, des bruits
ridicules de projets d’exhérédation, qui ne prouvent rien
de plus, sinon qu’elle croit l’avoir m éritéej quand enfin
�.
.
( 3 )
lui disputant une reconnoissance de 41,000 francs qu’elle
n’a jamais ignoré être bien sincère et bien légitim e, elle
n’avoue pas que cet acte a déjà été approuvé par un
premier payement; tout cela, sans doute, est le produit
de la méditation , part du cœ ur, et le prétexte ne peut
pas en être cherché dans des causes étrangères. Un jour
viendra peut-être que M do. de Penautier demandera
sa fortune à ses enfans : plaise à Dieu qu’elle 11e retrouve
pas dans eux les procédés dont elle doit s’accuser ellemême. M de. de Champétière l’abandonne à cet avenir
q u i, heureux ou m alheureux, n’en sera pas moins le
temps des remords.
La cause ne présente pas la question posée par les
citoyen et dame de Penautier, de savoir si une reconnoissance dotale faite à une personne prohibée, est censée
un avantage indirect, à moins qu’elle ne justifie du paye
ment réel fait au mari. L a question est de savoir si quand
un mari n’ayant pas reçu toute la dot lors du contrat
de mariage, et dès-lors ayant eu droit de la recevoir
après, a rendu son compte par une reconnoissance de
ce qu’il a Louché, les héritiers du mari sont fondés, en
A u vergn e, à contester cette reconnoissance ; s’ils sont
fondés à demander que leur mère justifie les sommes
touchées par leur p ère, et rende le compte que celui-ci
devroit à elle-m êm e, si la reconnoissance n’existoit pas,
F A I T S .
M do. de Champétière s’est mariée le 20 août 1770.
M de. de B aglion, veuve de Scepeaux , sa m ère, lui
A z
�( 4 ) ,
constitua en dot tous les biens échus par le décès de son
père ; pour lesquels, fut - il d it , et subsidiairement en
avancement d’hoirie de la succession maternelle , M do.
de Scepeaux délaissa a sa fille la jouissance totale de trois
objets immobiliers, à l’exception des droits seigneuriaux
en dépendans, qui lui demeuroient réservés : de sa part,
M de. de Scepeaux, en faveur dudit mariage, promit
à sa fille l’égalité dans sa succession, sans pouvoir avan-r
tagcr son frère germain à son préjudice.
M . de Cliampétiere promit à sa femme un douaire de
1,800 francs; et pour son logement, le château de la
B atonie, avec les meubles qui s’y trouveroient.
M de. de Scepeaux est morte en 17 73 , à Paris. Cette
mort donna droit a JVI. de Champetière, en qualité de
m a ri, de demander le partage de la succession de M . de
Scepeaux, dans laquelle il n’avoit eu jusqu’alors qu’une
jouissance d’immeiibles d’ajjrès son contrat; de demander
aussi le partage de la succession de M de. de Scepeaux,
qui venoit de s’accroître par une partip de celle de M de.
P lielip p ea u x , v e u v e ü u g u e sc lin , et d’un oncle mort
chambellan du roi d’Espagne, et q u i, eu égard à sa fortune,
devoit avoir laissé un mobilier considérable, soit en Anjou
son domicile ordinaire, soit à Paris où elle est décédée.
Ce mobilier fut-il inventorié ? fut-il recueilli par M . de
Champétière amiablement ou avec les formes judiciaires?
en quoi consistoit-il? Sans doute la réponse à'ces ques
tions appartient au m ari, maître de la dot ; et M do.
de Champétière, alors très-jeune et habitant l’A uvergne,
ne devoit naturellement pas s’embarrasser des détails de
deux successions ouvertes en A njou et à Paris.
�(5 )
. . .
M de. de Champêlière avoit deux frères; l’un né
d’un autre m ariage, l’autre son frère germain ; et elle
n’avoit pas eu de sœurs. Ainsi la succession de ]M‘K
de Scepcaux a dû être partagée par moitié avec son frère
germain, quoique les citoyen et dame Beinaguet aient
fait imprimer qu’il y avoit plusieurs cohéritiers. Parens,
ils devoient savoir qu’il n’y en avoit pas plusieurs,' étran
gers , ils pouvoient consulter les Généalogies de France
et le Dictionnaire de M oréri, qui les eussent empêchés
de mentir. ( Gen. de Fr. tom. T^Il, pag. 389. M oréri,
tom. I X , pag. 236, édition de 1769. )
Il est échu d’autres successions à madame de Champctière depuis son mariage; celle de M . l’abbé de Chaillan,
en *779 > ceHe de M . D uguesclin, son oncle, en 1783;
enfin la succession de M . de Scepeaux, son frère, en 1786.
Ces trois successions, à la vérité, furent paraph ern ales;
mais une partie n’en fu t pas m oins à la disposition de
M . de C h a m p é tiè re , qui pouvoit les r é g ir d’après la
coutume d’A uvergne; et les citoyen et dame Beinaguet
l ’ignorent si p eu , qu’un de leurs principaux moyens ré
sulte d’un acte de 1793, dans lequ el, disent-ils, M . de
Champétière s’est départi alors , en faveur de sa femme,
de ses biens dotaux et paraphem aux.
En effet, on conçoit encore que si M de. de Champétiere a agi personnellement pour le partage des immeubles
de ces successions, au moins M . de Champétière n’a pas dû
être étranger au détail du m obilier, à la liquidation surtout
des dettes actives et passives, et qu’il a été à peu près
le maître de régler les choses à sa fantaisie ; on conçoit
aussi que les meubles et l’argent qu’il a touché dans ces
�(
6
)
liquidations, n’ont pas occasionné des débats en resti
tution. Il avoit toujours promis de faire une reconnoissance de ce qu’il avoit touché ; et M de. de Champétière, plus riche alors qu’à présent, ne mettoit pas un
g r a nd empressement à ce que cet acte fût fait plutôt que
plus tard.
M d0. de Penautier s’est mariée en l’an 2. Son père
alors, ayant partie de sa fortune sur des maisons d’émi
grés, ayant eu la facile complaisance d’en cautionner
d’autres, étoit très-gêné dans ses affaires-, il institua sa
fille héritière, mais ne se dessaisit de rien, parce qu’elle
faisoit un mariage très-riclie; et si alors il ne fut pas
question de reconnoitre à M do. de Champétière ce
qui lui étoit dû, il faut en chercher la cause dans cet
état des affaires de son m ari, et dans la loi du 28 août 1792,
qui eût donné une action à Mae. de Penautier, en
cas de prédécès de sa mère. D ’ailleurs le droit de répé
tition de M de. de Champétièi*e ne périclitoit pas, et
l’institution ne p o u v o it y p o rter aucune atteinte.
E n fin , M . de C ham pétière ayant eu une légère ma
ladie en l’an 5 , voulut mettre ordre à ses affaires, et se
décida à faire la reconnoissance qu’il retardoit toujours ;
il reconnut le 16 germinal , avoir reçu sur les biens
dotaux et autres de sa femme , la somme de 41,000 francs
provenans tant du mobilier qu’il avoit retiré de la suc
cession de la dame Baglion veuve de Scepeaux, que d’autres
successions échues depuis son contrat de mariage.
Cette somme que les sieur et dame Beinaguet semblent
trouver exagérée , étoit certainement bien au-dessous do
ce à quoi M de. de Champétière s’attendoit, d’après
�( 7)
...
l’idée qu’elle avoit toujours eue de la fortune mobiliaire de
ses parens. Mais enfin le comptable étoit son époux ; et
l’honneur défendoitde suspecter sa déclaration : cemem e
honneur ne le défendoit pas à elle seule; mais quelque
grand que soit ce juge, W>n autorité n’a force de loi que
pour ceux qui veulent.la recevoir.
I-c 19 prairial an 5 , M . de Champetiere a fait a
-sa femme, non pas une donation , comme on le d i t , de
l’usufruit de sa maison de Riom ; mais , comme par
son contrat de mariage elle devoit avoir celui de toute
l’habitation de la Batonie , qui eût empêché de
vendre la terre , M . de Champétière échangea ce
- -logement viduel contre celui beaucoup moindre de sa
maison de Riom , pour, d it- il, éviter les discussions que
ce logement pourroit occasionner entre sa femme et son
gendre. Sa crainte, comme on vo it, n’étoit pas une chimère.
.
M . de C ham pétière a survécu p rès de [trois ans
à ces actes : peu de jours avant sa mort , il a fait un
'codicile dans lequel il ne montre nulle envie d’y rien
changer : il est mort le 1 5 vendémiare an 8 ; et cet hom m e,
que sa fille et son gendre osent peindre dans un de leurs
écrits comme une machine désorganisée depuis l’an 5 , et
tendant à la dissolution, écrivoit une lettre d’affaires le
dernier jour de sa vie.
•
Aussitôt après sa m ort, le citoyen Despérouses, au
jourd’hui maire de Riom , se présenta pour faire apposer
les scellés , muni d’une procuration ad h o c , que la pré
voyance des citoyen et dame de Peinautier avoit dictee au
citoyen Cases notaire à Carcassonne ,' le 4 fructidor an 7 ,
quarante-six jours avant la mort de monsieur de Champétière ! !
�C8 )
#
_
Il ne se trouva sous les scellés que peu de papiers , qui
furent remis lors de l’inventaire, à l’agent du citoyen,
de Penautiei'. I^e défunt tenoit ses papiers à D om aise,
dans un appartement appelé le Chartrier; et si les citoyen
et dame de Penautier avoient alors le projet de contester
la reconnoissance qu ils attaquent , qu’ils expliquent
pourquoi ils n’ont point appelé M do. de Champétière
a cet inventaire principal de Domaise , à celui de Ghamp étière, et à celui de la Batonie \ car là et là encore il
y avoit des papiers. ‘
. Mais c etoit une recherche que le citoyen Beinaguet
vouloit faire seul ; et Domaise surtout étoit une mine
qu’il vouloit exploiter sans témoins. Le mobilier considé
rable de cette terre fut bientôt vendu à vil prix ( i) ; un
parc planté de bois superbes faisoit les délices du maître,
la hache en fit de l’argent. Ces deux objets produisirent
22,000 francs. Il vendit ensuite un moulin 14,000 francs :
c’étoit un leu rre, pour montrer qu’il vouloit liquider
la succession ; mais m algré les nom breuses affiches dont
le cito ye n P en au tier co u v rit les villes et les villages , au
fait il ne voulut plue rien vendre.
M ,lc. de Champétière qui voyoit que la succession
alloit se dévorer sans qu’il fut mention d’elle , et que les
coupes d’arbres étoient un attentat à son hypothèque, fit
des saisies-arrêts. Cet embarras força le citoyen Beinaguet
de s’expliquer : il paya la valeur des habits de deuil ; il
paya le premier terme du douaire de i ;8oo francs ; il
(1) Faut-d dire ^ug 1g citoyen Bcinn^uct vendit tous les portraits
de famille, et n’excepta pas même celui de M . de Champétière !
paya
�<■9 )
,
paya en outre une année d’intérêt des 41 )000 ft’ancs ? er*
demandant quelque délai pour le capital : il prit pour ces
objets trois quittances séparées; il demanda main-levée
des saisies sous la foi de sa promesse qu’étant prêt a vcndie
Champétière , M de. de Champétière seroit déleguee ,
la première.
En effet il vendit Champétière au Cen. ffié r it ie r ,
par acte du 17 thermidor an 8 , moyennant 58,960 francs,
dont il mobilisa 8,960 francs , pour en faire son profit ,
ne supposant pour les immeubles, que 5o,ooo francs qu’il
voulut bien abandonner aux créanciers. M algré sa
promesse , et quoique M do. de Champétière fût la
première créancière, précisément il aflecta de ne pas la
déléguer ; il choisit au contraire le citoyen Ducros dont
la dette n’étoit payable qu’à termes très-éloigriés, et trois
créanciers clair ograpliaires qui n’avoieul pas fait d’ins
cription.
. Ce procédé malhonnête offensa justement M de.
de Champétière : elle poursuivit contre l’acquéreur la
distribution du prix de cette yente , devant le tribunal
d’Ambert.
rJ
L e Cen. Beinaguet chercha alors à s’excuser par des
phrases insignifiantes. Son projet plus réel é toit de deman
der du temps ; il en obtint : il proposa un traité qui ne
con tenoit que des termes pour la facilité des payemens des
41,000 francs-, mais il vouloit trop prolonger ces termes,
et il n’y eut pas de traité.
L a promesse de payer le capital ne s’effectuant pas,
M dc. de Champétière se voyant jouée , reprit les
poursuites d’Ambert. L e citoyen Beinaguet se fit défendre
B
�( IO )
en demandan t que les titres fussent déclarés préalablement
exécutoires, e t .M de. de Champétière , qui eût pu s’en
dispenser, pour suivre une procédure simplement hypo
thécaire , voulut evitei les chicanes en la suspendant
pour suivre celle qu’on exigeoit.
Elle assigna donc les citoyen et dame de Penautier à
R io m , pour voir déclarer ses titres exécutoires ; et il est
vraiment honteux de voir dans cette procédure avec
quelle étude scrupuleuse on lui fit suivre toutes les
dilations et toutes les cascades de la chicane
avant
d’arriver à un jugement.
D ’abord réquisitoire de l’exploit de demande, quoique
la présentation mentionnât qu’on enavoit la copie ; puis
refus du citoyen Beinaguet d’autoriser sa femme ; après
cela exceptions pour demander la nullité de l’exploit
parce que l’original n’étoit pas sur du papier de l’Aude ;
après cela autres exceptions déclinatoires pour demander
quela cause fût renvoyée devant le tribunal de Carcassonne.
Enfin , après tant d’épreuves de patience , M de. de
Champétière obtint un jugement le 2 iloréal an g
Elle revint à Am bert où l’ordre fut jugé avec tous les
créanciers , et elle fut avec justice colloquée la première
par jugement du 26 messidor suivant.
Les citoyen et dame de Penautier ont interjeté deux
appels de ces deux jugemens , la veille des trois mois de
la signification de celui d’A m b ert, et cinq mois après la
signification de celui de Riom.
Ils justifient cet appel, en disant quela reconnoissance
de 41,000 francs est un avantage indirect , en fraude
soit de l’institution faite à M do. de Penautier ; soit
�0
•
( II )
de la loi du 17 nivôse ,• que M 1*®. de Champétière
ne prouve pas la réalité du versement des deniers,
qui fait l’objet de cette reconnoissance ; et qu’au con
traire ils prouvent, par un acte du 16 janvier 1793 5qu e ~
M . de Chainpétière s’étoit départi au profit de sa femme,
à compter dudit jour de la jouissance, de ses biens dotaux
et de ses biens paraphernaux, et de tous droits sur ice u x ,
promettant lui payer de son clief 3,000 francs par chaque
voyage qu’elle voudroit faire en A njou : de. quoi ils font
résulter que M . de Champétière n’avoit rien retenu desdits
biens dotaux et paraphernaux; qu’ainsi la reconnoissance
a eu une fausse cause, et a été frauduleuse.
M O Y E N S .
T
.
»
•
_
lie s citoyen et dame de Beinaguet n’on t donc plus
d e m oyens p ou r h arceler le u r créan cière p ar des inci-
dens, puisqu’ils lui perm ettent, pour la première fo is,
de parler en faveur de la maintenue de sa créance, après
l’avoir obligée tant de fois à ne se défendre que contre
des discussions étrangères ; grâces en soient rendues
aux lois abreviatrices des procès. Il ne s’agit plus que
de savoir si M do. de Champétière doit être payée.
Ses efforts pour le prouver ne doivent pas être bien
grands ; car les faits rapportés pourraient en quelque
sorte dispenser d’appeler des autorités et des raisonnemens
en faveur d’un titre clair et sincère, reconnu pour tel.
Déjà il n’est plus douteux, sans doute, que la recon
noissance du 16 germinal an 5 est incontestable ; i° . parce
qu’elle est une dette légitim e; a°. parce qu’il n’y pas do
B a
�prohibition qui s’ opposât à sa validité; 30. parce que
les appelans ne sont pas parties capables de la contester*,
4°. parce qu’elle a été reconnue valable.
,
§•
I - ’.
# I æ légitimité se prouve par le contrat de mariage.
XI y est dit que les parties se régiront par la coutume
d’Auvergne : or, cette coutume veut que tous les biens
qu’a la femme au temps du mariage, soient réputés do
taux, s’il n’y a clause contraire.
Il y est aussi de principe qu’une institution portée par
le contrat de mariage est de droit dotale, s’il n’y a clause
contraire, par la raison que la fem m e, quoique n’ayant
pas.les biens institués lors de son mariage, a néanmoins
une espérance acquise sur iceux.
. Il y est encore de ,principe que quand le mari jouit
des biens parapliernaux de sa femme, les fruits lui ap
partiennent , mais qu’ils peuvent convenii’ qu’il lui en
rendra compte.
Il y est de môme en principe que tous les actes que
fait la femme avec son m a ri, ne peuvent diminuer sa
dot ni ses biens parapliernaux, et que dès-lors ils sont
nuls.
E n fin , il est de principe du droit com mun, que le
mari est maître de la dot de sa fem m e, qu’il peut en
exercer en son nom les actions mobiliaires, et qu’il est
le procureur naturel pour exercer les actions immobiliaires, sous le nom de l’un et de l’autre. Il est aussi
de principe, dérivant, de cette qualité et d elà justice,
�( *3 )
, . .
que le mari doit un compte negotiorumgestoJ'um, qu ">msi
fa femme pourroit l’actionner en reddition de compte de
ses parapliernanx pendant le m ariage, et actioni '
’
liéri tiers après la dissolution du m aiiage, en re
de compte de tous les objets dotaux.
^ ^
Gela posé, si la reconnoissance de 1 an 5 n existoit pas,
ou si M do. de Cliampétière v o u lo ifla contester, ü
est d’abord certain qu’on ne pourroit la lui opposer.
• Qu’en seroit-il alors ? c’est qu’il est tout aussi ceitam
que M de. de Penautier devroit alors un compte negotioruni gcstonmi du clief de son pere : ce com pte se
composeroit, i°. de tous les objets que M .d e C h a m p e tie re
a recueillis ou dû recueillir de la succession de M . de Scepeaux, suivant l’inventaire ou la preuve par commune
renommée, ensemble de toutes les dettes arreragees avant
le m ariage ayant form é des c a p ita u x , et de meme des
droits seigneuriaux paternels , réservés par 3VIdo.- de
Baglion ; 2«. de tous les objets qu’il a aussi recueillis ou du
recueillir de la succession de ladite dame de B aglion,
veuve de Scepaux , lors de son décès en ^773 ?
meme
suivant l’inventaire qu’il a dû en faire dresser, sinon sui
vant la preuve par commune renommée, parce que cette
succession est aussi dotale, y ayant une institution ou pro
messe d’égalité, ce qui est la meme chose relativement
aux cohéritiers; 30. de tous les capitaux des biens paraphernaux, touchés par M . de C h a m p é tie r e , ainsi q u il
résulte soit de ladite reconnoissance, soit de l’aveu fait
par les adversaires, qu’un acte du 16 janvier 1793 con
tient la même mention de paraphernaux administrés jus
qu’alors ; 40. enfin, des revenus même de ces paraphernaux}
�( i4 )
puisqu’il résulte de ces deux actes que le mari a eu
intention d’en rendre compte, et que tel est le vœu de
la coutume d’Auvergne.
Si donc M dc. de Champétière a une action en
compte indubitable, et si ce compte a été rendu par
son m a ri, certainement tout est tei’miné dès qu’elle l’a
dopte. Elle a mis dans les mains de son m ari, en 1770,
une partie de sa fortune à venir à titre de d ot; elle
doit la retrouver intacte après la dissolution du ma
riage ; car il est de l’essence de la dot qu’elle ne soit pas
diminuée.
L ’acte contesté est entre les parties une transaction
sur procès; car la femme avoit une action et le mari étoit
comptable. La reconnoissance est un apurement de com pte,
et certes, rien n’est plus indélébile contre les héritiers
du comptable , dès que la matière du compte est connue.
Ces moyens sont-ils détruits par l’acte sous seing-privé
du 1 6 janvier 179 3; mais qu’est-ce donc que cet acte?
une -quittance de la d o t, disent les citoyen et dame
de Beinaguet. Mais est-il une hérésie plus grande que
de vouloir qu’une femme mariée puisse donner une dé
charge de la dot i\ son mari, pendant le mariage.
Mais comment cet acte donneroit-il quittance de la
dot ? Il n’y a délaissement que de la jouissance ; et cette
expression seule est exclusive des capitaux. Le départe
ment de tous droits n’est que pour 1 avenir; ainsi le passé
resleroit à régler. L ’induction tirée de la promesse du
m ari, de payer 3,000 fr. de son c h e f, n’est rien moins
qu’une preuve de tout abandon; au contraire, le mot
lui-même prouve qu’il distiDguoit tres-bien qu’il avoit
�( ï5 )
de l’argent à sa femme et à lui , dès qu’il devoit donner
les 3,000 fr. de son clief.
Qu’étoit donc cet abandon de jouissance en 1793 ■
>
quand déjà la guerre de la Vendée occupoit la plupart
des possessions de M de. de Champétière.
Après la pacification, il falloit réparer pour jouir et
semer pour recueillir. Mais bientôt M de. de Cham
pétière, heureuse par la révolution comme par les pro
cédés des siens, a été mise sur la liste des ém igrés, à
cent lieues du domicile qu’elle n’a jamais quitté. Si elle'
a évité l’ostracisme, elle n’a pas évité un séquestre gé
néral , qui a duré jusqu’au décès de son mari : ainsi,
voilà le grand elfet qu’auroit eu l’acte du 16 janvier,
s il eût été réel et suivi d’exécution.
•
A -t-o n bien p u , au re s te , argum enter sérieusement
d’un acte de 1793 , m arqué au coin de la terreur et des
séquestres, acte de p récaution sans doute in u tile , m ais
toujours nul et très-nul pour opposer à une femme mariée,
h quelque époque qu’il ait été fait.
Rien donc ne s’oppose à la légitimité de la reconnoissance du 16 prairial : mais les citoyen et dame de
Penautier topposent à M de. de Champétière des moyens
de prohibition ; il sera aisé de les écarter.
§ X I.
Qu’a de commun l’acte du 16 prairial, avec les cou
tumes do Bourgogne , de Nivernais et de Normandie.*
qui prohibent les avantages entre époux; et de plu s,
toute espèce de contrats par lesquels ils pourroient s’ayan-
�C 16 )
#t
p
tao-er. Ces coutumes appellent la suspicion et la nécessité
deprouver que tout acte récognitif est sincérenles auteurs
qui les co m m en ten t , n’ont donc pas dû enseigner un
respect aveugle pour la convention , et cependant encore ils
citent plusieurs cas où la valid ité de l’acte se prouve par les
circonstances , sans recourir à des preuves ultérieures.
L a coutume d’Auvergne qui régit les parties, met la
femme seule dans l’interdiction de donner, et ne met
aucunes bornes à la générosité du mari. A la vérité, on
oppose une institution ; mais si la maintenue d’un tel acte
fait suspecter tous ceux qu’un pèreferoit ensuite en faveur
de ses autres enfans, c’est qu’il est dans la nature qu’il les
aime également*, mais il n’en est pas de môme des actes
qu’il passeroit avec sa femme ou des étrangers , parce
qu’il n’est pas dans la nature qu’il les préfère à ses enfans.
Aussi cette coutume 11e défend à celui qui a fait un
h éritier que de faire un autre héritier ,ce qui est plus relatif
aux cohéritiers entre eux , qu’aux cohéritiers vis-à-vis une
t i e r c e personne. A-Ussi D u m o u lin a - t - i l explique, que si 1 ms-*
tituant ne pouvoit faire un autre héritier, il n’étoitpas
em p êch é de donner ou léguer des choses particulières , et
la jurisprudence avoit fixé cette faculté au quart : ce taux
nesignifie rien à la cause, et il s’agit de conclure seulement
qu’en coutume d’A u vergn e, il n’y a pas de prohibition.
On oppose encore la loi du 17 nivôse, qui veut, non
pas qu’un époux ne puisse avantager sa femme ; mais que
les avantages qu’il pourroit lui faire soient convertis en
usufruit de moitié quand il y a des enfans. La loi du 17
nivôse, n’est donc pas prohibitive des avantages ; mais
elle les réduit, et ce n’est encore pas 1 objet de la cause.
�( *7 )
Si M d0. de Champétière n’est pas une personne pro
hibée , il n’y a pas de suspicion proposable contre l’acte
du 16 prairial, au moins de la part de l’héritière de son
mari, comme elle l’établira dans le paragraphe suivant.
Quelque portion que M . de Champétière ait pu donner y
elle suffit pour lui avoir donné droit de reconnoître,
dans le cas même où par un compte exact et apuré
de sa gestion comptable, il seroit prouvé qu’il a reconnu
plus qu’il n’a reçu. Ce surplus devenant une libéralité
seroit encore valable, parce que M . de Champétière a
pu donner.
Car il est de principe que les reconnoissances du mari
valent comme donation : Confessio de dote recepta, fa cta
per m aritum , constante rnatrimonio, valet saltem in vint
donationis , dit Ranchin, et la loi 3 2 , au ff. de donat.
int. vir. et ux. avo it dit de môme. La loi 2. au cod. de dote
ca u ta , avoit dit aussi q u ’une telle reconnoissance ne p o u v o it être contestée par les héritiers du mari. Cujas sur
ces deux lois, D anty, page 13 9 , enseignent la même
doctrine. Enfin la loi du 17 nivôse opposée à M do. de
Champétière, n’est qu’une confirmation de ces principes;
car elle ne veut pas qu’on annulle ce qui excéderoit
la quotité disponible, maisseulement qu’on le réduise.
Quel a donc été le but des citoyen et dame de Penautier, eu opposant la loi du 17 nivôse? est-ce qu’ils voudroient d’abord rendre compte de la dot, et ensuite faire
réduire le surplus à un usufruit de moitié? Certaine
ment M do. de Champétière ne pourrait qu’y gagner, si
les choses étoient entières. Mais seroit - ce sérieusement
que le citoyen de Penautier proposerait un partage ,
G
�C 18 )
quand il a fait les inventaires incognito , vendu le mo
bilier le plus précieux, démembré et dégradé d’une ma
nière pitoyable la principale terre, et vendu déjà pour
environ80,000francs d’immeubles? Peut-être bien étoit-il
épouvanté alors d’une inscription ridicule de cent mille
écus sur la succession, et dont aujourd’hui il y a main
levée. M d0. de Champétière n’entre pas dans ces
considérations: on a tout gouverné, déplacé et dénaturé
sans lui rien communiquer ; donc on ne l’a jamais re
gardée comme ayant droit à un partage. En vain lui
montrera-t-on que les dettes étrangères n’absorbent pas
plus d’un tiers de la succession : elle en est très-convain
cue ; mais elle n’a que faire de se jeter dans l’embarras
d’une liquidation et d’un partage dont l’idée seule est pire
pour elle, que celle de perdre ce qu’on lui dispute si
obstinément.
Ne seroit-ce pas en avoir assez dit pour engager les
appelansà conclure à ce partage de moitié en usufruit,
par cela seul qu’il épouvante M dc. de Champétière.
M ais ils ont dû rem arquer qu’elle n’en a parlé que pour
abonder dans leur sens , et y opposer une fin de 11011xecevoir.
L a loi du 17 nivôse, pas plus qu’une institution, ne
peuvent porter atteinte aune dette réelle; car hon a neque
dicuntur, nisi dedudo œre aheno. M . de Champétière
en instituant sa fille, n’a entendu lui promettre que les
biens dont il mourroit saisi. Déjà il étoit comptable envers
sa femme, d’une dot qui n’étoit qu’eventuelle lors de son
contrat de mariage. La famille de Penautier a dû savoir
que ce compte n’étoit pas vendu, ou s’en informer : ainsi elle
�C *9 5
.
.
, .
n’a du compter que sur les Liens qui resteroient après ce
compte et après les dettes. M . de Champélière n a pas
fait une donation : il a gardé la liberté de traiter et ven d ie,
même celle de léguer jusqu’à concurrence d un q u ait,
il n’a donc fait dans la reconnoissance contestée qu u n
acte libre et valable; car qu i potest dare potest conjiteri,
ainsi les moyens de prohibition opposés par les appelans
sont sans application.
§. I I I .
L ’exception non numeratœ pecuniœ , admise par les
lois romaines, n’a pas lieu en France. Non seulementles
quittances de la dot constituée en espèces sont valables,
même contre les créanciers, lorsqu’elles portent réelle
num ération ; mais encore les quittancés de la dot su pp lé
m entaire , ou autrem ent advenue pendant la du rée du
m ariage, sont valables et irrévocables contre le mari et
ses héritiers.
Toutes les autorités qu’on a citées ou pu citer pour
la cause des citoyen et dame Beinaguet, sont, ou en
laveur des créanciers pour lesquels les lois veillent sin
gulièrement dans cette matière , ou en faveur d’enfans
d’un premier lit; et encore ces autorités supposent-elles,
en question préalable, une interdiction de donner.
P apon , Coquille, R icard , D en izart et Lacombe se
réunissent à dire qu’on ne peut faire indirectement ce
qu’on ne peut pas faire directem en t, et qu’ainsi si une
reconnoissance ou confession de devoir est faite à i\no
G z
�( 20 )
personne prohibée, il faut enquérir et prouver la vérité
du fait.
d’autres auteurs enseignent les mêmes prin
cipes niais plus explicatifs, iis ajoutent, qu’en cas de
suspicion , les créanciers du mari pourront débattre la
reconnoissance ; (Basset, 1. 4 , tit. 5.) que celte recon
noissance est bonne contre le m ari, mais que cela n’empêcheroit pas les créanciers de faire preuve qu’elle est
frauduleuse à leur égard; (Legrand, sur Troies, art. 24.)
que la reconnoissance ne peut préjudiciel' aux créanciers,
et ne peut nuire qu’à celui qui l’a faite; que la fem m e
71 est obligée de rien prouver, et que la suspicion de
l’acte n e s t qu en fa v e u r des créanciers du m ari; (Fer
r iè r e , sur Paris, art. 281. )
Les auteurs cités par les citoyen et dame Beinaguet,
ne disent rien de contraire à cela. P ap o n , en exemple de
ce qu’il a d it, cite un arrêt rendu pour Lucas contre
la veuve Am iot : mais Lucas étoit un acquéreur pour
suivi ; mais la quittance donnée à la femme étoit sans
réelle numération. Coquille n’ajoute rien à la coutume
q u ’il commente, puisqu’elle prohibe, entre gens mariés,
toute espèce de contrats, par lesquelles ils puissent s’avantager, ce qui n’a pas lieu en Auvergne. Ricard cite en
exemple d’avantage indirect, celui q u i, après avoir donné
par testament tout ce que la loi lui permet de donner,
ajoute qu’il se reconnoît débiteur d autres sommes. Sur
ce la , Bergier remarque, en note, qu’il faut faire une
distinction entre les actes de derniere volonté, et les actes
entre vifs. Dcnizart et Lacombe ne font que citer ces
B eau co u p
premiers auteurs,
�( 2* )
• ,
,1
A u c u n e de ces au torités n’est d on c co n tra ire a M le.
de C h a m p étiè re ; elles s’a cco rd en t toutes a fa v o riser les
c ré a n c ie rs , et cela est lé g a l ; m ais les h é ritie rs du m a ri
le r e p r é s e n te n t, et il n ’est pas d ifficile d ’é ta b lir que la
fa v e u r d u c a u x créan ciers ne les reg a rd e pas.
M é n o c h iu s a d it : d o tis receptœ c o n fe s sio f a c t a
in
J r a u d e m cred ito r u m , p rœ ju d ica t m a r ito e t h æ r e d i s u s
■EJUs. F a cliin é e d it q u ’ il n ’y a p lu s de so u p ço n de fra u d e ,
q u an d il n ’y a pas de créan ciers. C a te la n et H e n ry s
disent, q u e la confession de d e v o ir , faite p a r u n m o r i
b o n d , ne n u it
q u ’à l ’h é r itie r ; D u n o d ,
D espeisses et
l ’au teur du traité de la d o t , en seign en t d e m êm e q u e
les reconnoissances dotales a u th e n tiq u e s , o u sous sein g p r i v é , ne p e u v e n t pas être com battu es p a r les h é ritie rs
d u m ari. ( M e n o c h . 7. 3. p rœ s. 12.,- F a c h i n . co n tr. ju r .
I. 8 , cha p . 87 ,• C citcîan , 7, 4 , ch a p . 2.5 ' H e n r y s , t.
I er. , p. 5 9 3 , a n c. éd .'7 D u n o d , p r œ s c r ., p . 1 8 0 ; D e s p .
t. I , p. 474; tr. de la d o t, t. I I , p. 20 1.
C ette d o ctrin e
est co n firm é e p a r
u n e lo i exp resse.
L ’ord onn an ce de 1629 p o r t e , art. 1 3 0 , « to u te q u itta n ce
» de d ot sera passée p ard evan t n o ta ir e s , à p e in e de n u llit é ,
» p o u r le regard des c r é a n c ie r s
s e u le m e n t.
»
E lle e stc o n firm é e p a r u n acte de n o to r ié té du C lià te le t,
q u i ra p p o rte q u e l ’e x ce p tio n
n o n n u m e r a tœ p e c u n iœ
11 est p o in t co n n u e dans la co u tu m e de P a r is ; q u ’ain si’*
sans réelle n u m é ra tio n , la reconn oissance d u m a ri est
suffisante p o u r le ch a rg e r en vers sa fem m e de ce q u ’il a
le c o n n u , et p o u r l ’o b lig e r , l u i et ses h é r it ie r s , à en
faire la restitu tion . ( A c t e s de n otor. i 5 m a i i 685 .)
L e s cito yen et dam e de P e n a u tie r -p réten d en t
que
�( Û2 -)
M de. de C h am p étière doit prouver la'réalité du ver
sement des 41,000 francs, si elle veut les obtenir. C’est
une ^rreur contre le droit et contre les circonstances.
C o n tre le droit -, car pour cette preuve il faut distin
guer toujours entre les créanciers et les héritiers, ce
qu e les appelans confondent toujours. Les auteurs font
encore d’autres distinctions ; si la dot n’est pas dite reçue
de la femme elle-même , si elle est reçue de quelqu’autre,
il est certain qu’elle n’a rien à prouver. Cùm ab aho
quxim à muliere, vir fa te tu r se dotem accepisse, nulla
est suspicio tacitœ donationis ,• ac proindè dos verè nu~
merata prœsumitur. ( Fachin. ibid. ch. 85 . ) Et si la
femme elle-m êm e avoit donné des objets m obiliers,
qui ne parussent pas d’une valeur exagérée, la difficulté
de le prouver fait encore qu’elle n’y est pas obligée.
M illier quœ dédit augmentum dotis in rebus mobilib u s , non potest assumere in se onus probandi rem
se rnodicam dedisse. (M enocli. ibid.)
Basnage, sur l’article 41 de la coutume de Normandie,
qui défend aux mariés de se faire ni donations, ni confessio n s tendantes à avantage direct ou indirect, n’en com
mande pas moins le respect dû aux reconnoissances,
quand la femme n’a pas payé elle-même, et dit qu’il
seroit injuste que les femmes fussent obligées de le vé
rifier , et qu’on les dispense de faire ces preuves. Basnage
cite deux arrêts de 1664 et 16 7 1, qui ont validé des reconnoissances attaquées par les lientiers du mari. Il en
cite aussi de contraires; mais sous des circonstances par-,
ticulières : dans l’u n , la femme s’étoit contentée de moitié ;
sans cela, dit Basnage, les héritiers du mari n’auroient
�( 23 )
_
_
pas etc reccvables à contester la confession du mari , et
la quittance qu’il avoit donnée, après tan t d’arrêts qui
ont jugé de la sorte.
Mais dans les circonstances de la cause, c’est vraiment
une abstention de raisonnement, que de vouloir cjue
M do. de Champétière rende compte à l ’héritière de
son mari de la gestion que son mari a dit avoir eue,
et qu’il a dû avoir en effet de sa dot éventuelle et de
diverses successions qui lui sont échues pendant son ma
riage , pour prouver que réellement c’est 41,000 francs
qu’il a touchés. N’est-ce pas d ire , en d’autres term es,
que c’est l’oyant compte qui doit fournir les pièces jus
tificatives à son comptable; et par conséquent n’est-ce pas
résister aux principes les plus habituels.
« Quand pendant le mariage une femme recueille une
«succession, n’est-ce pas au m ari, maître des actions
« mobiluiircs de sa femme , i\ faire toutes les diligences
« pour recouvrer le mobilier ? N ’est-ce pas à lui à compter
« avec les fermiers et débiteurs, et à rapporter les pièces
« nécessaires pour fixer le mobilier échu à sa femme
« et dont la reprise lui appartient ? »
Ce que disoit Cochin dans son 127e plaidoyer, en ton
nant contre ceux qui nierojent des principes aussi clairs,
prouve que les citoyen et dame Beinaguet ne sont pas les
premiers héritiers q u i, aveugles dans leurs prétentions,
demandent des comptes qu’ils doivent eux-mêmes; mais
prouve en même temps que Cochin trouvoit la proposi
tion absurde , au point de n’ajouter aucune autorité au
raisonnement.
�.
( 24 )
.
M do. de Champétiore n’a donc rien 1 prouver, et
Vundè habuit est suffisamment éclairci par son contrat
de m ariage, et la reconnoissance elle-même.
Si elle plaidoit contre des créanciers , elle auroit une
action en recours contre sa fille, pour lui fournir les
pièces nécessaires à la preuve de Vundè habuit. Si donc
elle plaide contre sa fille elle-même, sa fille est garante
à cet égard, de sa propre demande.
§.
iv .
Jusqu’ici M do. de Cliampétière a défendu sa cause,
comme si tous les moyens des appelans étoient propo
sâmes , parce qu’il lui coûtoit peu de les détruire : mais
elle eût pu s’en dispenser ; car la reconnoissance des
41,000 francs est approuvée, et dès-lors il n’y a plus de
•procès.
Cette approbation résulte de ce que M de. de Champétière a reçu une année d’intérêts de cette somme , et
en a donné quittance. A la vérité , cette quittance n’a
été donnée que sous seing-privé ; mais il ne lui vint pas
même en la pensée que ce fait pût être désavoué, sans
quoi elle l’eût exigée pardevant notaires. Les citoyen et
dame de Penautier ne disent pas un mot de cette quit
tance dans leurs écrits ; mais pour leur éviter le poids
d’un mensonge, au cas qu’ils fussent capables de s’y dé
cider , M de. de Champétière leur rappelle que le
payement de cette année d’intérêts a été fait en présence
de personnes dignes de foi j qu’ainsi elle pourroit
offrir
�( 25 )
offrir la preuve de ce payement, et sans doute cette preuve
serait admissible; car c'est un fait et nullement une con
vention.
‘
Il est à croire que les citoyen et dame de Penaulier
n’eleveront pas une question de droit sur les conséquences
de ce payement ; car il est de principe , que « les débiteurs
« qui acquittent volontairement des dettes, que même ils,
« auraient pu faire nnnuller en principe , mais que l’é« quité naturelle rendoit légitimes , ne peuvent revenir
« contre cette approbation. » D o m a t, lip. 2 , t. 7 , sect. 1 ;
D e m z a r t, v° payement.
'
Maisce sont là de ces vérités élémentaires qu’on ne cher
che nulle part, parce que le bon sens les rend familières,
et qu’elles ne peuvent être autrement. Une année d’in
térêts a été payée particulièrement ; donc la dette a été
connue ; donc l’acte a élé a p p ro u v é ; et cetlc approbation
est d’autant plus ‘irrévocable , que l’acte étant contesté ,
l’acquiescement est une transaction de liie moçenda.
Il est impossible que les citoyen et dame de Penautier
contestent sérieusement la reconnoissance du 16 prairial;
ils 11 ont de p ro jet, et ils le font dire à l’oreille de tout
le m onde, que de traîner en longueur pour sauver le 1
capital qu’ils lont semblant de croire devoir être mis en
viager : mais quel est le but de cette calom nie, qui , si
elle est réelle , auroit au moins la franchise de ne pas
dissimuler que le trépas futur de madame de Cliampétiere donne lieu à des calculs anticipés, comme celui de
son mari ? Si cette calomnie a pour prétexte les pertes
considérables que M do. de Champélière a faites pendant
la révolution, et les privations de tout genre qu’elle
D
�( 26 )■
est obligée de s’imposer depuis long-tem ps, l ’invention
seroit adroite ; mais ceux qui raisonnent sans malignité
se diront aussi que M de. de Champétière a des pro
p riétés qui ne la laisseroient pas dans le besoin d’attendre
l’issue d’un procès ; elle ne doit compte de sa conduite
qu’à elle-même et a l’avenir qui la jugera. Mais comme
elle ne veut pas faire sa cour à l’opinion de ceux qui la
jugeroient comme son gendre , elle déclare que si elle a
conservé jusqu’ici ses biens patrimoniaux en contractant
des dettes , malgré les procédés dont elle a à se plaindre,
elle y a tenu plus par honneur pour ses ancêtres , que
par reconnoissance et orgueil pour sa postérité.
i
Signé, S c e p e a u x , veuve D a u r e l l e d e C h a m p é t i è r e .
L , F. D E L A P C II IE R , homme de lo i.
F A Y E , avoué,
qui a lu le mémoire cî-dessu9,
la consultation des cit* Boirot et^Daitis, et les pieces mentionnées ^
i F, C O N S E IL SO U S SIG N É ,
que M dc. de Champétière ne doit pas craindre le succe9
de l’appel interjeté contre elle des jugemens de Riom et d’A m b e rt,
E
s tim e
et que ces jugemens se sont conformés aux principes, en validant
la reconnoissance du 16 prairial an 5 .
J/origine de la dette se trouve dans le contrat de mariage de
1770, L e mobilier de
de Baglion étoit un objet dotal. A in si
le mari en a été com ptable, et a dû le reconnoitre, pour éviter
une action de mandat contre la succession. L ’acte du 16 prairial
£St fait près de trois ans avant le décès de M . de Champétière j
�( 2
7
)
il n’est point d’une somme disproportionnée à la fortune
des parties;
c ’est l’acte lib re, obligé et juste d'un père de famille qui descend
dans sa conscience pour fixer ce qu’il a reçu et éviter des procès à
sa succession. Cet acte est donc infiniment respectable, surtout
pour l’héritière unique du défunt. Si sa mere fû t décédée la pre
m ière, elle auroit eu une action contre M . de Cham pétière, en
restitution de ce qu’il a dû recevoir, suivant les inventaires qu’il
a dû fa ire , ou la preuve par commune renommée. M de. de Cham
pétière ayant le même d ro it, n ’a pu l’exercer qu’en viduité contre
l’héritière de son mari. M dc. de Penautier ne peut donc demander
que sa mère soit tenue d’établir le versement réel de la somme
totale des 4 1 ooo francs, puisque cette preuve dépend d’un compte
qu elle devroit elle-même. L’unde habuit est suffisamment prouvé
par le contrat de mariage et par le fait avoué de la mort de M de. de
Baglion. L ’acte opposé de 179 5 , sérieux ou non , n ’est pas un
m oyen, parce qu’une femme ne peut valablement donner décharge
de sa dot à son m ari, pendant la durée du mariage. L ’institution
faite à M de. de Penaulier, et la loi du 17 nivôse , ne sont de même
pas des obstacles à la validité de la reconnoissance qui fait l’objet
de la contestation ; car elles n’auroient l’effet que de la réduire ,
si elle étoit une libéralité, mais elles ne peuvent porter atteinte à
un titre sincère et légitime.
D eliberé à R iom , le 14 prairial an 10.
GRANCHIER,
PAGES,
GASCHON,
DEVAL,
L . F. D E L A P C H I E R , P R É V O S T , P A G E S M EIM AC, CO U HERT-D U VERN ET.
A R I O M , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur du
Tribunal d ’appel. — A n 10,
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Scepeaux, Marie-Louise-Joseph de. An 10]
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An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Faye
Granchier
Pagès
Gaschon
Deval
Pévost
Pagès-Meymac
Couhert-Duvernet
Subject
The topic of the resource
successions
partage
Description
An account of the resource
Mémoire pour Marie-Louise-Joseph de Scepeaux, veuve de Blaise Daurelle de Champétière, intimée ; contre Louise-Magdelaine Daurelle de Champétière, sa fille, et Jacques Beinaguet de Penautier, son mari, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 10
An 7-An 10
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
27 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0206
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
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BCU_Factums_M0313
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Text
M
É
M
O
I
R
E
P O U R
A n to in e
DUPIC,
a v o u é à A m b e r t , accusé d e c o m
p l i c it é de f a u x ;
C O N T R E
t r ib u n a l
Le
com m issaire
et le citoyen
du
gou vern em en t,
BARRIÈRE,
-poursuivant ,
plaintif.
C R I M I NE L
SPÉCI AL
duPuy-de-Dûme.
U
N avoué , en prison pour une accusation de faux , appelle
nécessairement sur lui l’attention publique. Son état est tout entier
dans le domaine de l'opinion, et elle exige qu'avant de se justi
fier devant ses juges, il donne publiquement le tableau de sa con
duite, quand il ne craint pas d'en rendre compte.
L e cit. D upic est accusé de complicité d ’un fa u x , com m is,
dit-on, par un huissier, en supprimant les copies d ’une notifica
tion de transcription à des créanciers inscrits.
L a participation du cit. D upic consiste dans la rédaction du
projet de cette notification , faite par lui sur papier lib re , et
rem ise, non pas à l’huissier , mais aux parties, q u i, à ce qu'il
paroît, se sont adressées à plusieurs huissiers pour les corrompre.
L e cit. D upic ignore si cette corruption a eu son e ffet , et
cette incertitude lui a fait rechercher le corps de délit dans la
procédure, dont copie vient de lui être remise. M ais, au lieu d ’un
original d ’exploit sans copies, il y a vu une copie sans original.
Barlhélemi R oussel, a-t-il d it, a donc fait usage de cet exploit
contre ses créanciers, et ceux-ci ont été privés de la faculté d’en
chérir. Mais non , R.oussel interrogé ignore lui-meme s'il y en
A
�( O
'
un; et tout ce qu’on voit de certain clans la procédure, c’est que
le cit. Barrière a voulu deviner qu’il y avoit un exploit faux ;
qu’il n’a pas même cherché à savoir si on le lui opposeroit pour
lui faire perdre ses créances , et qu’il a mieux aimé faire une
dénonciation, soi-disan t civique, sous le prétexte ridicule d’un
tort possible et imaginaire.
Quoi qu’il en so it, le cit. D upic est accusé , et dans les fers:
avec un état et une fam ille, il ne peut, sans doute, supporter que
très-impatiemment d’être compromis dans une querelle étrangère.
D 'autres c o n s id é r a t io n S ( peut-être l’affligeroient plus encore; mais
l’expérience d u malheur lui a appris qu'il laut toujours s’attendre
au pire, et que dans les événemens majeurs on doit moins compter
sur les hommes que sur l a ju stice, le temps ou le hasard. Il lais
sera donc les réflexions et les plaintes, pour ne s’occuper que des
causes de l’accusation dont il est victime.
7 .
F A I T S .
L e cit. D upic avoit été chargé , comme avo u é, de plusieurs
affaires pour le cit. D u m a ret, de L y o n , qui a des propriétés à
Saint-G erm ain-l’Herm.
11 a eu aussi la confiance de Barthélemi R oussel, cultivateur-,
passant pour avoir une très-grande aisance, et auquel on ne
donnoit pas une mauvaise réputation.
D um aret et Roussel eurent un procès pour arrérages de ferme,
pendant le papier monnoie. L e tribunal d’appel ordonna que
D u m a ret, dem andeur, scroit interrogé sur faits et articles pour
des reçus qu’ils n ’avouoit pas; Roussel ne consigna pas les frais
du voyage ; l’interrogatoire n ’eut pas lie u , et il fut condamné.
Quel que fût le sentiment qui 1 agilùt après cette condamna
tion , il alla demander au cit. Dupic s’il pouvoit vendre. L a
réponse fut affirmative et devoit l’etre; il ne s’agissoit ni de la
quantité de biens à vendre, ni du prix; tout cela ne pouvoit être *
que l’affaire du consultant.
�C 3 )
•
Roussel conduisit ensuite son acquéreur, simulé ou n on, chez le
cit. D u p ic, croyant qu'il pouvoit recevoir cette vente. Celui-ci les
mena chez le cit. C la v e l, notaire , qu’il trouva dans la ru e , et
auquel il dit qu’il s’agissoit de passer un acte : il les quitta sans
autre explication (i).
Vraisemblablement le cit. Clavel ne voulut pas recevoir cet acte;
si c’étoit faute de certificateurs, Roussel n ’en dit rien, car Dupic
le connoissoit assez pour offrir de l'être. M ais il vint lui dire que
Clavel avoit pensé que Roussel ayant été protuteur ne pouvoit
pas vendre solidem ent, et qu’il le prioit de les mener à un autre
notaire. Alors on alla chez le cit. Ponchon.
L e premier mot de Ponchon fut de demander des certificateurs ; pour cette fo is, D upic étoit présent, et offrit de certifier
l ’identité de Roussel. Que ceux qui cherchent des raisons à tout
veuillent bien expliquer pourquoi ils refuseroient de certifier la
simple identité de ceux qu’ils connoissent.
M ais le cit. Ponchon rappela au cit. Dupic qu’il falloit deux
certificateurs : Dupic auroit pu sans doute s’en adjoindre un autre;
mais c’étoit bien assez de se croire obligé à ne pas refuser lui—
m êm e; il fut bien aise que l’acte s’ajournât.
A u départ de Roussel , le cit. Ponchon donna à quelqu’un la
commission de lui faire venir un nommé G irodon, de Marsac ,
son débiteur. Roussel ayant ouï ce n o m ,
dit au cit. Ponchon
qu’il connoissoit aussi ce G irodon, qui ne refuseroil pas d’être
son certificateur (2).
Peu
Dupic
voyoit
pur le
de jours après, on retourna chez le cit. Ponchon: le cit.
se croyoit encore obligé d’être un des certificateurs; il n'y
aucun m otif réel de répugnance; l’acte fut projeté et dicté
notaire. D u p ic , absent pendant ce travail, attendoil qu’on
vint le chercher pour signer.
Lorsqu’il revint , la dictée en étoit aux certificateurs ; il en
(1) D ép o sitio n du cit. C l a v e l , 2e. té m oin.
J’ai D ép osition du c it.
Ponchon.
A
3
�( 4 )
entendit nommer d e u x , et dès-lors il ne vit plus de nécessité à
être là , en troisième. Pour ne pas fatiguer R oussel, il appela le no
taire en particulier, et lui dit que sa signature devenoit inutile (i).
L e même jo u r, Roussel dit au cit. D upic qu'il vouloit aller
à L yo n payer M . D u m a ret, qui l’avoit tenu quitte pour 800 fr. ;
tandis que B arrière, son agent d ’affaire , qui se disoit cessionnaire de la créance, vouloit 6,000 f. L e cit. Dupic écrivit; et
il étoit si peu de moitié dans un projet de fraude, que dans cette
lettre il avertissoit Dum aret que Roussel venoit de prendre des
arrangemens. Il croyoit si peu que Roussel eût projet de réduire
tous ses créanciers à 3oo f . , que dupe, lui-m êm e, il s’offroit pour
caution de 800 f. et 20 quartons de blé au cit. Dumaret (2).
T o u t sembloit terminé pour le cit. D upic ; mais quand l’acte
fut enregistré et expédié, l ’acquéreur vint le lui porter, pour le
prier de le retirer de la transcription, avec les extraits d’inscription.
M algré la diligence recommandée par cet acquéreur, le cit. D upic
avoit perdu cette affaire de vu e ; mais C onvert, plus pressé, vint
lui-même à A m b e r t, et le cit. D upic l’accompagna pour retirer
Pacte et les extraits du bureau des hypothèques.
Il fut question alors de la notification de ces extraits aux créan
ciers ; on chargea D upic de la faire : il en fit le projet /jù il tacha
de renfermer tout ce qu’exige la loi pour les formes ; et com m e,
par un hasard qui se trouve heureux, il n’avoit pas de scribe pour
en faire transcrire l’original et les copies sur papier tim b ré, il se
contenta d’écrire en marge qu’il falloit écrire l’exploit tel qu’il étoit,
sans rien omettre , et il le remit a u x parties clles-rnémes (3), qui
l’emportèrent pour en consulter, à ce qu’elles dirent, la validité,
à Saint-Germain.
C ’est ici ou il faut dire , puisque la position du cit. Dupic l’y
(1) M êm e déposition.
(2) Lettre é c r ite le 5 fr u c tid o r an 1 0 , au cit. R ib o u le t , cote
(3) D éc laratio n de R o q u e à tous les avoués , 12e. i 5e. 16e. 20e, 2 1 e, a g e.
33e. 34e. té m o i n , cote 3g.
�G5 )
■
. oblige, que peu après la remise de ce projet d ’exploit , Roussel
et Convert ayant sans doute médité leur suppression de copies,
et peut-être ayant déjà tenté de l’exécuter, revinrent chez le cit.
D upic lui dire, que, pour empêcher Roussel d’être victime de ses
créanciers, un homme très-capable leur avoit conseillé de suppri
m er les copies de la notification dont il avoit fait le p ro jet, et
ils lui proposèrent, s’il vouloit s’en ch arger, de lui payer ce
qu’il voudroit, offres qu’ils portèrent jusqu’à 1,800 f. ou 2,000 f.
L ’indignation du cit. D upic à cette proposition étoit contenue
par l’envie q u ’il avoit de recouvrer son projet d ’exploit : il le
demanda sous un prétexte; mais sans doute la leçon étoit bien
fa ite ; on répondit que le projet avoit resté à Saint-Germ ain ; et
alors le cit. D u p ic , par un reste d’égard pour son ancien client,
se contenta de le menacer d ’une dénonciation, s’il usoit de ce projet,
ou s'il signifioit l’exploit sans copies.
Il paroît que les Roussel et Convert ne furent pas très-effrayés
de cette m enace, puisque le même jo u r, ou peu de jours après,
ils cherchèrent à acheter la probité de trois huissiers.
Il n’est pas question, comme l'a dit Barrière dans sa dénoncia
tion , de R oqu e, huissier de confiance de D u p ic; de Roque fils,
clerc de D upic ; de l ’exploit dicté à ce dernier par Dupic : tout cet
arrangement captieux, pour rattacher D upic à to u t, est démenti
par un fait du pur hasard.
C ’est que les Roussel et C on vert, au lieu de s’adresser, d’abord
à ce Roque fils, pour écrire sous la dictée, et à ce Roque père, pour
signer de confiance, se sont d’ abord adressés à un gendarme (Privât,
qui est en jugement et en prison), pour le prier d’acheter une signar
.turc d’huissier, moyennant 48 lr. (1).
'
Privât n ’alla pas chez R oque; il alla chez Acliard, lui proposa
ses 48 fr.,; Acliard refusa.
. , .
• •
''
Après Acliard , Privât alla chez M o n t e i l l e t : M onteillet refusa
(0
D éc laration de M o n t e i ll e t , A c h a r d , la ve u ve P o m m i e r , et de P riv â t
lu i-m êm e.
!
•
A
3
)
�(
6)
encore; et ce fut après ces deux huissiers qu’on s’adressa à R o q u e(i).
R oque, à ce qu’il paroît, alla boire avec Roussel et Convert.
L ’exploit fut fait : la signature fut payée, dit-on, avec une tasse
d’ argent; et l'huissier alla en personne faire enregistrer l’exploit à
St. A n th êm e, bureau étranger aux parties, aux créanciers, et à
l’huissier lui-même.
L e cit. Dupic ignoroit tout ce tripotage d'huissier, de gendarme
et d’enregistrem ent, se confiant dans l’idée qu’il avoit dissuadé
Roussel de tout projet frauduleux , lorsque le cit. Barrière est
venu avec fracas, à A m b e rt, dénoncer à la chambre des avoués
un prétendu exploit dont il avouoit suspecter seulement l’existence.
Si la chambre des avoués eût connu cet exploit supposé si nuisi
ble , elle auroit vu q u e , pour en détruire l’e ffe t , il n ’étoit pas
besoin d’une procédure criminelle ; mais elle ne put le juger que
sur les rapports infidèles du cit. Barrière; elle demanda une dénon
ciation écrite. L e cit. Barrière sortit avec le cit. Crosmarie pour la
rédiger. C ’est après cela qu’on manda le cit. D u p ic, pour s’expli
quer et répondre (2).
A u premier mot d ’un projet d’exploit, il faut le dirp, le cit. D upic
se confirma dans l ’idée que les Roussel avoient eu peur de sa menace.
Il leur en sut intérieurement bon gré; e t, regardant dès lors toutes
les clameurs du cit. Barrière comme une terreur panique, il ne
voulut pas révéler leur turpitude, et les exposer à un procès crimi
n e l, dès qu'ils s’étoient repentis.
M ais quand, au lieu d’un simple soupçon, il ouït dire qu’un
exploit avoit été fait réellem ent, et q u e , pour lui en cacher la
connoissance à lui-même, on l’avoit fait enregistrer à St. A nthêm e,
alors son premier mouvement fut de déclarer avec vivacité qu’il
étoît vrai qn’on lui avoit offert 1800 fr. pour supprimer les copies
de cet exploit; et ¡1 termina par demander que cette explication ne
fût pas réduite à ;une simple conversation entre collègues; mais
( O iln ti rrog atoire de P r iv â t et Roussel,
(a) D é c la r a t i o n des avoués.
�(
7)
que la dénonciation fût remise au substitut du tribunal crîm inel(i).
C ’est ainsi qu’un prétendu coupable a provoqué lu i-m êm e une
instruction judiciaire, au lieu de la redouter; il a voulu être con
fronté avec ceux qu’on disoit n ’avoir agi que par ses conseils. 11 est
en jugement avec eux ; et certes s’il avoit préparé et f a c ilité le
fa u x , ils n ’auroient pas manqué de tout rejeter sur son com pte,
J)our se disculper sous le prétexte de leur ignorance.
T e l est le précis exact des faits confirmés par les dépositions. S’ils
ont suffi pour rendre le cit. D upic suspect, il est au moins bien
certain qu’ils ne peuvent le faire considérer comme coupable. C e
seroit sans doute assez, pour l’établir, de ce qu’il a déjà d it; mais
il doit suivre sa défense sous toutes les.faces, parce qu’on ne peut
traiter légèrement une accusation qui attaque la liberté et l’honneur.
M O Y E N S .
•
S- I.
L e cit. D u p ic est étranger au d élit dénoncé.
Si le cit. Dupic jouissoit d’une fortune brillante, 011 n ’eût pas
osé l’accuser d ’un faux m inutieux, et d’avoir vendu son honneur à
celui qui vouloit le commettre. Mais c’est un malheur inséparable
de la médiocrité qu’elle est en butte aux soupçons enhardis , et
qu’en rougissant de leur injure elle n ’en est pas moins obligée de
les combattre.
M a is, quelle que soit la calomnie qui poursuit le cit. D u p ic,
ouvertement ou dans l’ombre ; s’il n ’a pas reçu de scs ancêtres
l ’iiéritage de leur illustration ( 2 ) , il en a reçu celui d’une probité
qu’il n’avoit jamais ouï suspecter dans lJexercice de son état et des
(1) P rocès verbal de la c h a m b r e , cote g , exp liq ue par les d é c la r a tio n s de*
avoués.
(») G u illa u m e D u p i c , l ’ un d ’e u x , étoit gra n d bailli d 'A u v e r g n e en i 35o.
A
4
�( 8 )
fonctions qu'il exerce depuis 1789 ( 1 ) ; et cet héritage, quoi qu’on
en dise, il le transmettra intact à ses enfans.
L e cit. Barrière devoit yoir le passé avant le présent, n ’épouser
la passion de personne; ne pas croire qu’il lui suf'firoit, pour réussir,
d’indiquer trente-neuf témoins avec note de ce qu’ils devoient dire;
ne pas mentir à sa conscience, lorsqu’il savoit que le conseil d'un
ja u x venoit d’un autre que du cit. D upic ; et enfin méditer un peu
plus , avant de dénoncer, quelle étoit la nécessité et quelle seroit
la suite de sa diffam ation.
11 est peut-être sans exemple qu’un défenseur soit en jugem ent,
parce qu'un huissier n ’a pas posé des copies d ’exploit; sous prétexte
que ce défenseur a co n seillé cet e x p lo it, et en a fait le projet.
Est-ce donc le conseil, ou le projet, qui ont valu une accusation?
M ais ce seroit une chose bien périlleuse, que de donner des con
seils, s’ils exposoient aux résultats d’un commentaire fort différent
quelquefois du conseil lui-m êm e, et si on couroit la chance d ’être
incarcéré par provision, pour éclaircir jusqu’à quel point le conseil
a influé sur le mode de l’exécuter.
.
Si c ’est le projet, c’est peut-être pis encore ; car il seroit inouï de
trouver dans le projet d’un exploit quelque chose de relatif à la
suppression des copies qui en seront faites ensuite.
Il y a plus : car, dans l’existence de ce projet m êm e, tout autre
qu’un dénonciateur passionné doit voir la preuve que l’auteur du
projet n’a pas entendu se mêler de ce qui seroit fait au delà.
Sans doute D upic, voulant faire faire cette suppression de copies,
auroit écrit 1 o rigin al, et m êm e, si on veut, les copies; il auroit
tout fait signer par l’huissier qu’on suppose lui être si bien dévoué,
et il auroit tout retenu.
(1)
L e cit. D u p i c , a ccusé , a été reçu au serinent d ’a vo c a t au p a rle m en t
de P a r i s , en 1 78 9 ; a cc u sa teu r p u b lic au tribun al «lu d istr ict d ’A m b e r t ,
p ro c u re u r national des eaux et forets, greffier , avoué à A m b e r t a va n t l'an 2
et depuis l ’an 8. D epuis sa d éte n tio n , il a été n om m é m em b re de l ’u n iv er
sité de j u ris p ru d e n c e , sur lu p résen ta tio n du m aire d ‘A m b e r t.
�( 9 ) M ais on aime mieux choquer toutes les vraisemblances pour
l’accuser. On veut qu’il ail etc assez imbécille pour faire marchander
des probités d’huissiers de rue en rue, avec son projet d exploit à
la m a in , et que , pour comble de sim plicité, après s etre mis en
évidence par le refus successif de deux huissiers, il ait donne ainsi
au troisième une pièce de conviction de cette importance.
On ne veut pas voir qu’il y a incompatibilité dans ces deux
suppositions. Mais il y a constitution d ’un autre a vo u é, dit le
dénonciateur. M ais les parlant ci ne sont pas en blanc ; mais il y
a une note marginale et une date fixe; mais D upic a nié devant
ses collègues avoir fait ce projet. M ais tout cela se lie à la vente
qui elle-même étoit frauduleuse; et D upic y a participé, puisqu’il
est allé chez les notaires.
V oilà d on c, sans l’affoiblir, tout le faisceau de l’argumentation
qui est résumée contre le cit. D upic. Eh bien , que ce faisceau soit
divisé ou entier, il est impossible qu’il tienne contre le simple regard
de l’ impartialité.
O u i, D upic a constitué un autre avoué que lui : mais il étoit
l’avoué ordinaire du cit. D um aret; e t, dans un exploit qui devoit
lui être signifié, il a pu aviser, sans crim e, au moyen de ne pas
perdre cette confiance.
O u i, il a rempli les parlant à. L ’huissier auroit confondu entre
le domicile réel de chaque créancier, et leur domicile élu. L e ré
dacteur a voulu éviter une nullité, et il ne laissoit rien à fin ir,
précisément parce qu’il n’avoit à se mêler que d’un simple projet.
L a note marginale confirme ce qu’on vient de dire. Il étoit à
croire qu’un huissier de Saint-Germ ain transcriroit cet exploit.
L a date du i 5 fru ctid or, mise en marge du projet, n ’est pas de
la main de D u p ic, quoi qu’en dise la dénonciation,* donc il a passé
par d’autres mains : d’ailleurs l’enregistrement du 20 suppose un
exploit du iy (1).
L e cit. D upic a nié ce projet; il en a donné les raisons : il
�(
10 )
ne croyoit pas qu’on eût osé faire l’exploit. Sans doute ce n ’étoit
pas par supposition qu’on ignoreroit la part qu’ il y avoit, puisque
la dénonciation qu’on venoit de lui lire, et où il est dit que le
projet est de sa m a in , devoit dicter sa réponse. S’il a agi par mé
nagem ent, il n’a plus rien ménagé ensuite, lorsqu’il a vu qu’ il y
avoit un abus de sa bonne fo i; et on ne dira pas qu’il ait agi comme
s’il craignoit les éclaircissemens.
C e n ’est donc pas là une objection contre le cit. D u p ic, et ce
seroit attaquer la chambre des avoués ; car le moyen de croire
qu’elle ait voulu tendre un piège à un de ses collègues, en lui de
mandant s’il avoit écrit un projet dont elle étoit déjà saisie, et
qu’elle savoit bien être de son écriture? Aussi quand elle a inséré
dans son procès verbal qu’il avoit déclaré tous les faits calom nieux,
on voit que cette rédaction étoit pour abréger, puisque cette con
cision est démentie par tous les témoignages des avoués eux-mêmes,
et que l’un d’eux rapporte même l’explication que le cit. D upic
donna à sa réponse (i).
E nfin, qu’y a-t-il de commun entre le transport de D upic cliex
deux notaires, et une suppression de copies d’exploit? S’il eût voulu
ou cru faire une fraude, a u ro it-il ainsi parcouru les études de
notaires avec Roussel? se seroit-il présenté pour son certificateur?
et après tout cela auroit-il fait courir et laissé son projet d’exploit,
pour consommer sa conviction? C ertes, la fraude ne marche pas
ainsi avec éclat, et ne laisse pas sur sa route des signaux de recon->
noissance.
(i)
L e d o u zièm e té m o in dépose que D u p i c expliqua « q u ’a vo ir suivi les
» parties chez un n o ta i r e , avoir retiré l e t a t des i n s c r ip tio n s , a voir fait un
» projet de n o t i f i c a t i o n , n e t o i t pas repreliensible ; et q u ’il n ’appeloit faits
» calom nieux que ceux q u i tendoient à le ren d re c o m p l i c e d ’un fa ux, »
>.
�( «
§.
)
1 1.
I l n’y a pas de f a u x ; le cit. D u p ic n’ en e s t pas complice.
L e cit. D upic n ’a pas cherché à se défendre par des fins de non
recevoir, parce que, n ’ayant rien à se reprocher, il lui étoit égal
d ’être accusé d’un délit quelconque : mais un crime de faux est un
poids si terrible pour un homme public, qu’il doit, s’il le peut, en
détourner de lui jusqu’à la seule dénomination. C ’est donc déjà un
grand intérêt pour le cit. D u p ic , d’examiner s’il y a eu un fa u x , et
s’il a pu y être compris sous prétexte de complicité.
D éjà on peut d ire , en général, qu’il n ’y a pas de faux dans
une suppression de titre, parce qu’un faux en écriture n ’est pas un
acte d ’abstension ou négatif, et qu’il suppose une action tendante
à altérer ce qui est, pour le transformer en ce qui n ’est pas.
Aussi ne voit-on pas qu’en principe on mette sur la même ligne
les suppressions de titre et les faux q u i, dans le droit crim inel,
semblent faire deux délits bien distincts.
Lan ge, en traitant du fa u x , observe que « l’on ne peut form er
» une inscription de faux au sujet de la suppression des actes,
» parce que Pon ne peut déclarer fausse une pièce qui ne paroit
» pas ; mais que parmi nous on en fait la poursuite comme d’un
» larcin (i). »
L e tribunal de cassation a été plus loin encore, dans un jugement
du i 5 nivôse an 1 1 , comme oh va le voir par l’extrait entier copié
sur l’arrêtiste (2) : « U n créancier, porteur d’une reconnoissancd de
« 55o f r ., reçoit du débiteur un acompte de i 5 o f r . , et en inscrit
» le reçu au dos du billet. Par la suite, le créancier gratte et efface
n cette quittance, et c ite 'le débiteur en payement de 55 o fr. L e
» faux y est attaqué par le débiteur. L e tribunal spécial ( de la
( ï ) P r.itic. f r . , cliap. X I V , du faux , toin. I I , png. G4, é d itio n de 1729.
(2) Jou rn a l d u palais , n°. i 5 x , page
344*
�(
12 )
» Manche ) a cru y voir un faux en écrilure privée..........mais le
» tribunal de cassation n'a considéré ces rature et grattage d'écri» ture que comme une suppression d’ acte tendant à libération.
« Sur ce m o tif, il a cassé et annullé le jugement de compétence. »
L ’application de cette décision se fait sans peine ; car s i, entre
le créancier qui a gratté un écrit, et l’auteur d’un projet d ’exploit
posé ou n o n , il faut chercher un faussaire, ce n’est certes pas le
premier qui sera jugé Pêlre moins.
Pourquoi d’ailleurs vouloir trouver un faux où la loi n’en indique
pas? C a r, sans doute, un huissier qui ne pose pas des copies, ne
commet pas un délit d’invention nouvelle ; et dès-lors il faut cher.cher comment la loi punit, pour juger la culpabilité par la peine.
L a première loi qui paroisse s’êlre occupée de ce délit, est l ’or
donnance de 1555 . A u lit. V I elle d it, art. X I : « Pour obvier â
» plusieurs inconvéniens qui peuvent advenir de ce que souvente» fo is, quand les huissiers signifient quelques requêtes ou autres
» choses, ils n’ eu baillent copie, ce qui vient à gros intérêt des
»
»
»
»
parties, nous avons enjoint et enjoignons auxdits huissiers de
bailler promptement lesdites copies.......... sur peine de 60 sols
d’ amende pour la première fois, et pour la seconde sur peine
d’amende arbitraire. »
L ’ordonnance de 1667 veut, en l’art. II du lit. II, qu’il soit laissé
copie des exploits, à peine de nullité et 20 fr. d’amende ; et en
1 art. III, qu’il soit fail m ention, en l’original et copie, de ceux à
qui elles ont été laissées, à peine de nullité ol même amende. En
l ’art. VU du lit. X X X III, elle veut qu’il soit laissé au saisi copie
■de l’exploit. L ’art. X I X est consacré à fixer la peine de l’inobser
vation : « T o u t ce que dessus sera observé par les huissiers, à
,» peine de nullité, dommages-inlérdts......interdiction, et 100 fr,
d ’amende. » ■
Ainsi le pis-aller, dans les cas les plus graves, est l’interdiction
et des doinm ages-intérêls, outre la nullilé et une amende.
Pourquoi donc être plüà sévère que la loi elle-m êm e; augmenter
les peines, quand, dans l’incertilude, 011 doit les restreindre; apj>elcr,
�(
13 )
sous le nom de faux , des peines corporelles, quand la loi en indique
textuellement d’autres?
,
L e genre de ces peines prouve donc que le délit dénoncé par le
cit. Barrière n’est pas un iaux.
S ’il y avoit un fa u x , il y auroit trois distinctions à faire entre
les accusés : Fauteur du fau x, celui qui l’a voulu, et ceux qui 1 ont
facilité. L ’huissier tient le premier rang ; R o u ssel, le deuxième ;
D u p ic, P rivâ t, Roque fils et C on vert, le troisième. Si les deux
premiers ne sont pas en d é lit, c’est avoir prouvé que le cit. Dupic
n ’est pas complice.
L e faux consisteroit dans ce que l’original eonstateroit le con
traire de ce que l’huissier a fait. Mais pour dire qu’il y a un fa u x,
il s’ agiroit de v o ir , dans cet original , s’il a certifié avoir porté
sept copies, tandis qu’il ne les a pas portées; car s’il n’y avoit pas
dit expressément les avoir portées, il est clair qu’il n’y auroit pas
même l’ombre d ’un faux.
Cependant on veut qu’il y ait un fa u x , et cet original ne se voit
pas : on veut qu’il soit constant qu’il certifie autre chose que ce qui
a été fa it, qu’il soit constant que les créanciers n ’ont pas reçu de
copies; et précisément l’un d’eux a été ouï en témoignage, et s’est
présenté avec sa copie. T o u t cela étonne, et fatigue l’imagination.
Aussi la loi ne permet pas, il faut le dire, que des accusations
de faux soient admises d ’après la seule terreur des parties inté
ressées ; elle entend 'voir la pièce suspectée, avant de s’enquérir
s ’il y a un délit et des coupables : sans cela, en e ffe t, comment
jugeroit-elle qu'il y a un faux?
« Dans t o u t e s les plaintes en faux, dit l’art. D X X V I du code
» des délits et des peines, les pièces arguées de faux sont déposées
» au greffe......... elles sont paraphées........... etc.
» L e tout ci peine de nullité, n
Ici quelle est la pièce fausse? E s t-c e la copie produite par le
dernier tém oin? Non ; puisqu’elle est la preuve contraire de la
dénonciation. C e n ’est d’ailleurs pas elle qui a donné lieu au procès,
puisqu’elle n ’a été connue que quand le cit. Dupic éloit en prison.
�C 14 )
Est-ce le projet ? Non ; car il n’a rien de commun avec les copies
supprimées, et avertit au contraire l’huissier qu’elles doivent être
posées. Est-ce enfin la relation de l’enregistrement? mais en ne
s’est pas même avisé de la dire falsifiée.
'
Voilà cependant tout ce qui est déposé au greffe; on n’a donc
pas satisfait à la première form alité que la loi exigeoit à peine de
nullité.
C e n’est pas seulement parce que la loi le dit ainsi, qu’on l’ob
serve; mais c’est qu’en effet il est inconcevable de préjuger qu’un
huissier a fait un faux sans connoître la pièce fausse.
D ira-t-on qu’il est intéressé à ne pas la produire ? Mais le faux
est un délit m atériel, qui veut une culpabilité de fait. L a lo i, au
reste , ne se commente pas ; elle a voulu un dépôt de pièces avant
l ’instruction, comme elle a voulu qu’avant de poursuivre un homi
cide de fait, on sût s’il y avoit un homme mort.
Evidemment un juri ne peut pas déclarer qu’il est constant qu’il
y a un faux : alors il n’y a plus de questions subséquentes.
Si donc il n ’est pas constantque l’huissier Roque soit l’auteur d’ un
fa u x , comment concevoir qu’il y ait des complices? Roussel ne peut
être convaincu de l’avoir voulu et p a y é ; et m êm e, par respect
pour les principes, il faut dire qu’il est extraordinaire qu’un créan
cier ait [»ris l’initiative, avant desavoir s’il y avoit un exploit faux,
et si on le lui opposeroit. Il ne peut pas dire qu’il craignoit cet
exploit pour l’avenir, comme on le diroit d ’une obligation fabriquée
sans le débiteur. Sa créance étoit exigible; e t, au lieu d ’en pour
suivre le payem ent, au lieu de ne vo ir, même dans l’exploit en
registré à St. A n th êm e, s’il existoit, qu’un exploit nul ( 1 ) , il a
(i) « Les huissiers feront en registrer leurs actes, soit au bureau de leur réu sid e n c e , soit au bureau du lieu ou ils les auront faits. » L . 22 friuiairo
an 7 , art. X X V I .
« T o u t e violation des formes p r e sc r ite s, en matière c i v i l e , pnr les lois,
» émanées des représenlans du p e u p le , depuis 1 7 % , d o n n e io n i ou v e r tu re à
i> cassation , quand m êm e elles lie pro iio n ce ro ic n t pas la peine de n u llité. »
l-.. 4 germ inal an 2 , art. If.
�( i5 )
mieux aimé s’en croire empêché, et chercher un faux avec le mcme
zèle qu’un autre m cttroit à en éviter le résultat; en un m o t, se
créer un fantôme pour avoir la jouissance de le combattre.
M ais si Roussel a voulu faire un fa u x , ne vaut-il pas autant
croire qu’il s’en est tenu au désir, et ne 1 a pas consommé; ou, si
on v e u t, qu’ayant son exploit dans sa poche, il a craint les suites
d ’un faux, et l’a déchiré sans en faire usage.
Alors la tentative du crime n ’est pas un délit ; car il fa u t, d’après
la loi ( i ) , qu’il n ’ait pas dépendu du coupable que la tentative du
crime n ’ait eu son succès.
C e principe nouveau est conforme aux anciennes m axim es, qui
ne regardoient le faussaire comme coupable, que s’il usoit de l’acte
faux. S i talis utebedur illo instrumento fa ls o .... quia s i non produæerit, non potest com pelli producere (2).
Les auteurs admettoient m êm ela résipiscence en cette m atière,
au delà de la production de la pièce fausse.
« Aujourd’h u i, par l’usage, il est permis en France à tous ceux
« qui ont produit des pièces fausses, quoiqu’ils en aient été les
w fabricateurs ou n o n , de s’en départir, sans pouvoir être recherHchés.... Seulement, ceux qui les ont produites so n t, nonobstant
» cette déclaration, responsables des dommages-intérêts (3). »
Q u’on avoue donc que le cit. Barrière s’est grandement écarté
de ces principes, en faisant incarcérer plusieurs citoyens, pour la
prétendue falsification d ’un exploit dont on pouvoit ne pas se
servir, et qu’on ne lui avoit pas opposé, même indirectement.
Si Roussel aussi n’a pas fait un fau x, à plus forte raison faut-il
dire que le cit. Dupic n’est pas coupable de l’avoir préparé et faci
lité. Celte vérité est si claire, que le moindre raisonnement seroit
oiseux.
.
(1) L oi il» 22 prairial au 4(2) Boerius , d r cis. 291. .lui. cla r.
,lîv. 5.
(3 ) B o r n i e r , toui. I I , pag. 1 1 1 . S cc ey o la , a d Icg.
liv r e y.
d e ja ls is . P ap o n ,
�.
■
.
C*6)
v
T o u te l’accusation, on le répète, porte sur Roque et Roussel.
Ils pourroient être coupables, sans que les autres le fussent : mais
s’il n’y a pas de faux pour eu x , il n’y en a pour personne. Il est,
au reste, démontré dans la première partie que le cit. D upic y est
absolument étranger.
Aucune loi ne peut être invoquée contre ce qu’il a fa it; et sa
position est tellement favorable, qu'il peut défier son dénonciateur
de motiver un jugement qui le condamne.
’
L e conseiller d’état Portalis, qui a présenté la première loi déjà
décrétée du code civil, a dit : « Il faut que le juge ait le droit d’in» tei’préter les lois, et d ’y suppléer : il n ’y a exception que pour
» les matières criminelles. L e juge, dans ces m atières, choisit le
» parti le plus doux si la loi est obscure et insuffisante, et il absout
» l’accusé si la loi se tait sur le crime (i). »
'
V oilà le dernier état de la législation. Si le cit. Dupic craignoit
une peine, il trouveroit là l’expression positive de son absolution :
mais cet examen n’appartient qu’à ceux des accusés qui auroient
des reproches à se faire; le cit. D upic ne veut se présenter qu’à
découvert et sans armes, parce qu’il se repose autant sur l’impar
tialité du tribunal dont il attend la décision , que sur le témoignage
de sa propre conscience.
•
Chacun ici peut être sainement jugé par ce qu’il a fait. Privât,
a ccu se, avoue avoir cherché des huissiers, sur la réquisition de
llo u s s e l; Roussel, accusé par Dupic lui-m êm e, ne l’accuse p as,
même en récrimination ; R oque, a ccu sé, se cache : Dupic seul a
prévenu les recherches de la justice.
Mais il est accusé ; il est en butte aux conjectures. Que ceux qui
sont prompts à juger jettent un regard sur eux-mêmes : les actions
les plus indifférentes peuvent avoir des résultats fâcheux. Personne
ne peut se dire assuré d’être a l’abri d ’une accusation.
En
iiksumé ,
il n ’y a pas de fa u x , parce qu’il n’y en a pas sans
la pièce fausse.
( i ) C o d e c i v i l , prem ière liv r a iso n »«-8°., page 17,
�C 17 )
-
Il n’y a pas de fa u x , parce qu’on ne voit pas si 1 original, sup
posé existant, mentionne faussem ent que les copies ont été posées.
< Il n ’y a pas de fa u x, parce que le contraire de la suppression des
copies est prouvé par le rapport qu’un créancier a fait d une copie.
Il n’y a pas de faux, parce qu’une suppression de copies n'est pas
un faux.
Il
n ’y a pas de corps de délit, et il y a nullité, parce que la pièce
arguée n’a pas été déposée au greffe, d’après le texte de la loi.
Ainsi le délit n ’est pas constant.
S’il y a fa u x , il est constant qu’il a été machiné entre Roussel
et Roque seulem ent, et que le citoyen D u p ic, après avoir remis
un projet d’exploit a u x parties, n’a eu aucune part directe ni in
directe à ce qui s’est passé ultérieurement.
C e qu’il a fa it, lors de la vente et depuis, marque sa franchise
et l’absence des précautions que la fraude n ’oublie pas. C e qui a été
fait hors sa présence ne laisse pas douter q u e, s’il se méditoit un
fe u x , on le préparait et on l’a consommé sans lui.
Bien loin donc q u ’il soit constant que le cit. D upic soit complice
d’un faux, il est au contraire très-constant qu’il ne l’est pas.
Ainsi s’évanouit une accusation grave et pénible, dont le résultat
étoit aisé à prévoir, mais dont le caractère médité et haineux a
besoin de toute l’attention d’un tribunal éclairé et intègre. L e cit.
D upic la demanderoit à titre d’indulgence, s’il n’étoit certain de
l ’obtenir à titre de justice. Il ose seulement demander célérité, dans
l ’impatience bien juste d’être rendu à son état, à sa fem m e, à ses
e n fan s, et de ne plus courber sa tête sous le poids insupportable
d ’vuie odieuse diffam ation.
L , F . D E L A P C Ï I I E R , homme de loi,
�'
Î iE
( i8 )
JU R ISC O N SU LTE SO U SSIG N É ,
qui a vu le m ém o ire justifi
c a t if p o u r le cit. D u p i c , signé du cit. D e la p c h ie r son conseil , adhère
en tièrem ent aux prin c ip e s q u i y sont développ és ; pense q u e l ’a p p lic a tio n
en est ju ste; e t , par une s u i t e , il est d'avis que le cit. D u p i c doit être
a cq u itté sans d ifficu lté de tou te in c u lp a tion , dans une affaire où la justice
est à la re c h e r ch e d ’un f a u x q u i ne paroit pas e x is t e r , et q u i d'a illeurs ,
en le supposant réel , seroit abso lum ent étranger à cet accusé.
I l n ’y a p o i n t de corps d e d é l i t , n i par con séqu e n t d e coupables.
O n p r é t e n d en effet que l'huissier R o q u e , c h argé de notifier un contrat
d ’a c q u i s i t i o n , le certificat de tran scrip tion et les extraits des in s crip tio n s
h y p o th éca ires subsistantes , aux créan ciers inscrits , po u r satisfaire à l ’a r
tic le X X X de la l o i d u 7 b ru m a ire an 7 , se borna à faire u n o r ig in a l
de n o tific a tio n , et su p p rim a les c o p ie s , afin de pr iv e r les créanciers de
la faculté d 'e ncliérir.
L a représentation d ’ une des copies , faite p a r l ’un des créanciers , d ém e n t
déjà l ’assertion q u ’il ne fût fa it q u ’un sim ple original ; mais quand la su p
pression des copies seroit v r a i e , c e fait matériel ne constitueroit pas lui
seul un faux , i l n’en résu lteroit qu'une n u llité dans la notification. P o u r
constitu er le f a u x , .il fa u d ro it que l ’huissier ne se fût pas borné à trah ir
son d e v o ir , en ne d é liv r a n t pas aux créanciers les copies c o m m a n d ée s
p a r la loi , et q u ’il eût attesté dans l ’o r ig in a l de la notification la d é li
vrance de copies q u ’il auroit supprim ées. A l o r s , mais alors s e u le m e n t , il
auroit c o m m is un f a u x , par la fa u s s e té de la relation q u ’il auroit f a i t e ,
d 'u n p o in t de fait sur leq u el l ’acte de son m inistère q u i la c o n tie n d r o it ,
ètoit destiné à fa ir e f o i .
E n un m o t , le faux consisteroit dans c e tte relation mensongère , et
ne pe u t se tro u v er que là. E h b ien , q u e l ’on produise d o n c l ’o rigin al
d e x p lo it ; q u ’on le dépose au g r e f fe , au désir de la loi. Q u ’on dise au
t r ib u n a l : Prenez et lisez ; voyez d ans cette p iè ce la relation m en son gère
d ’un bail de cop ie qui n ’ a pas été fa it : alors l ’a ccusa tion aura une base.
M a is cette relation mensongère , préten d u e insérée dans un acte p u b lic ,
ne paroît p o i n t ; q uel est le r é s u lta t? q u ’on poursuit une c h i m è r e , u n e
vision. « D a n s tout j u g e m e n t c r i m i n e l , la prem ière question te nd essen
» tiellein en t à savoir si le fait qui form e 1 objet de l ’a c c u s a tio n , e st cou s
» ta n t ou non , » nous d it 1a rtic le C C C L X X I V du cod e des délits et des
peines.
O r , lorsque le tr ibunal s p é c ia l , d o n t les membres c u m u le n t les f o n c
tions de jurés po u r r e c o n n o itr e le f a i t , a vec celles de juges p o u r a ppli-
V
�( i9 )
quer la loi , s'interrogera l u i - m ê m e et se demandera : Le fait d éno n cé,
sav o ir, que l ’huissier Roque a m en tion n é, d a n s l ' orig ina l d e n o tifica
tion dont i l s ’a g i t , qu’il avoit délivré copie à chaque créancier inscrit ,
e s t-il c o n sta n t? Et pourra-t-il , sans voir la p iè c e , répondre affirmati
vement , O u i , le f a i t e st constant ? Non sans d o u te , et par là croulera
tout l ’édifice que l’on a bâti en l’air. L ’huissier sera nécessairement a bsou s ,
•faute de corps de d é lit constant. O r , si le principal accusé e st a b s o u s ,
a défaut de corps de délit , comment pourroit-il avoir des complices ?
M a is , tout décisif qu’est ce moyen pour faire acquitter le cit. D upic
p a r le tribunal , il ne suffiroit peut-être pas pour le justifier de tout soupçon
aux yeux du public. La m alignité diroit : S ’il a échappé à la p ein e , c ’est
que la pièce arguée de faux a disparu. Eh bien ! la malignité va se taire
aussi ; car en supposant qu’il eût été commis un faux par l’huissier Roque ,
et que le délit fût prouvé , la prévention la plus animée seroit dans l ’im
puissance d ’élever contre Dupic , même un soupçon raisonnable d ’avoir
participé à la p révaricatio n de cet officier ministériel. Que produit-on
contre D upic , en effet ? un projet de notification écrit de sa main.
Mais , dresser le projet d ’un acte de procédure voulu par la l o i , est-ce
commettre un crim e Comme la passion est aveugle ! Au lieu de l ’a ccu ser,
la production de ce projet suffit seule pour p ub lier son innocence. Car
enfin , un projet dressé par un avoué n ’auroit pas couru le monde , i l
auroit resté entre les mains de l ’avoué rédacteur , si celui - ci avoit dû
être l ’artisan et le ministre de la dénonciation ; si la transcription du.
projet s'étoit faite chez lui ; s’il avoit fait signer l ’original de confiance
par l ' huissier Roque , sans le charger des copies.
Du fait constant que le projet produit par les moteurs de cette affaire,
étoit sorti des mains de D u p ic , résulte donc la conséquence qu’il l’avoit
livré à l ’acquéreur , pour q u ’il fit faire sur ce type les notifications vou
lues par la loi ; que dès-lors rien de ce qu i s’cst fait d ep uis, n ’a été f a i t ,
ni par l u i , ni sous sa direction. Enfin , que si l’huissier avoit prévariqué
dans ses fonctions , en vendant sa signature au bas d ’un e x p lo it , par lequel
i l auroit attesté faussement avoir délivré des copies qui n’ont jamais été
remises , tout cela seroit complètement prouyé étranger à Dupic , par la
seule production de son projet.
D é l i b é r é à Clermont-Ferrand , le l 5 floréal an 1 1
b e r g i e r .
A R I O M , de l ’im prim erie de L a n d r i o t , seul im p r i m e u r d u T r ib u n a l
d ’ap p e l. — A n X I .
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dupic, Antoine. An 11]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Bergier
Subject
The topic of the resource
huissiers
faux
confirmation d'identité
corruption
Description
An account of the resource
Mémoire pour Antoine Dupic, avoué à Ambert, accusé de complicité de faux ; contre le commissaire du gouvernement, poursuivant, et le citoyen Barrière, plaintif.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 11
An 2-An 11
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
19 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0227
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1225
BCU_Factums_M0312
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53726/BCU_Factums_M0227.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ambert (63003)
Saint-Germain-l'Herm (63353)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
confirmation d'identité
corruption
Faux
huissiers
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0ca6ce6484fd5b4f0d76c30163bc9b8c
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HaD
J
■0
fOrlUu- / Cl
C 44Z ^I^/^Ï^7
M E M O I R E l t
EN
RÉPONSE,
P o u r J e a n n e et M a r i e -G a b r i e l l e N O Y E R , P i e r r e
et J osep h G R E L I C H E , leurs m a r i s , habitant à
M o z u n , intimés ;
i
Contre J o s e p h N O Y E R - D U B O U Y , habitant à
Chamaliere, appelant ; en présence d ’ A n n e N O Y E R
L A G A R V E , avoué au Tribunal civil de C 1ermont t
intimés.
'
|
'
�M É M O I R E
EN
RÉPONSE,
P o u r J e a n n e et M a r i e - G a b r i e l l e N O Y E R , P i e r r e
et Jose p h G R E L IC H E , leurs m a r i s , habitant à
M o z u n , intimés ;
Contre J o s e p h N O Y E R . - D U B O U Y , habitant à
Chamalière, appelant,- en présence d 'A n n e N O Y E R L A G A R D E avoué au Tribunal civil de Clermont,
intimés.
L e citoyen Noyer-Dubouy crie au voleur, pour qu’on
ne le soupçonne pas; il se plaint de tout le monde: il
ne veut pas tout-à-fait, comme Harpagon,, faire pendre
la ville et les fauxbourgs, mais après avoir mis une foule
de personnes à l’index de sa colère, il va grondant
encore contre ceux qu’il ne désigne pas. Son mémoire
est un acte d’accusalion contre son pere , ses frères,
ses sœurs , ses beau-frères, le juge de paix et assesseurs
de M ozun, les juges, le commissaire et le greffier du
A
�( a )
Iribunal civil de,Clermont, le magistrat de sûreté, etc.
Il ne s’agit rien mqins que de v o l , bris de scellés , pré
varication ; et véritablement son procès semble être la
matière d’une conspiration vaste,méditée depuis l’an 5,
et dont les ramifications sont sans nombre.
Ces personnalités si multipliées, mêlées à des moyens
présentés cependant avec talent et adresse , doiventelles ajouter plus de persuasion en faveur de la narra
tion du citoyen Noyer-Dubouy, et convaincre davantage
de la sincérité des faits qu’il avance ? non ; la vérité
plus simple et plus naïve n’a pas pour escorte des in
jures et des accusations. Les daines Greliche diront au
citoyen D u b o u y, avec moins d’aigreur et plus de fran
chise , qu’il a voulu les faire ses dupes; qu'elles résislent
de tout leur pouvoir à le devenir ; et que c’est là tout
le secret de ses plaintes et de la contestation : qu’après
avoir fait régler ses droils dans les successions confon
dues des père et mère , il a voulu faire distinguer la
succession de la mère pour s’en créer de nouveaux ;
et sur une réponse équivoque au bureau de paix , il a
bâti l’édifice gigantesque de ses préfenlions toujours
croissantes, et du procès interminable qui menace de
dévorer toute la succession.
D ans ce cahos de faits, de débals minutieux el de
" procédures, s’il y avait un point de départ positif, il
faudrait s’en emparer pour se rendre plus promptement
intelligible; mais malheureusement la cause le serait
moins, si les détails en étaient omis, si l’ensemble en
était rompu ; car le système du citoyen Noyer-Dubouy
�( 3 }
.
est fondé principalement sur la procédure; il faudra
donc la parcourir toute entière. Il s’attache aussi à
prouver que sa mère a laissé une succession opulente;
il sera donc nécessaire d’en examiner la consistance.
F A I T S .
Jean-Baptisle-Joseph Noyer épousa,en 17^0, Fran
çoise T ix ie r , fille de Marien Tixier , commis-greffier
de la cour des aides.
• Marien Tixier , marié à Jeanne L e y m e rie , qui lui
porta 5oo livres de d o t , avait de son chef une petite
maison , un jardin de deux œuvres, une vigne de huit,
à dix, une terre de trois quartonnées ; tout cela était
imposé , à son décès, pour un revenu présumé de 168
livres. Il avait trois enfans.
'
L e contrat de mariage de 1760, a des clauses pro
portionnées' à cette richesse ; i.° la future porte un
.trousseau estimé 35o liv. ; 2° elle est instituée héritière
par égalité avec Gabrielle sa sœur, sauf 1111 préciput
de 1000 liv. ; 3.° ses robes, ses bagues et joyaux font
un total de 120 liv.; 4.0 riche douairière, la future a
l'expectative d’un gain de survie de 120 liv. en capitai.
Marien Tixier, qui dans sa qualité était commis ail
paiement des gages de la cour des aides, mit de la
négligence dans ses comptes. A sa mort, en 1760, il
avait été condamné à plus de 80,000 liv. de contraintes
ou d’amendes. Sa succession se trouva en outre d éb i-•
trice de sommes assez considérables envers une seconde
femme.
.
A 2
�I
'
■'
,
.
.
Le fisc s'empara de la succession ; le mobilier fut
vendu publiquement, et produisit 1269 livres; il fallut
en distraire 264 liv. de frais, et le surplus fut déposé
au greffe.
L a dame Noyer et sa sœur répudièrent au greffe ,
le 14 avril 17*60. Jean Giraudias fut nommé curateur.
L e sieur Noyer avait acquis les créances de la veuve;
il en donna l’é t a t , de même que des siennes, p a ru re
requête du 16 avril. L e total de ses demandes se por
tait alors à 5029 liv. 5 sous 7 à prélever sur la succession.
L e curateur fit faire le bail judiciaire des immeubles.
Beaucoup d’enchérisseurs se présentèrent ; des remises
furent ordonnées; l’adjudication fut faite à 95 livres.
Cependant le citoyen Noyer fit des démarches pour
l’honneur de son beau-père et pour sauver quelque
chose de sa succession ; il fit des voyages à Paris ,
sollicita des modérations, et enfin obtint, le 29 mai
1 7 6 4 , un arrêt du conseil qui réduisit les droits du
fisc à 2000 livres, chargea le ’citoyen Noyer de payer
cette somme au trésor public , outre ce qui serait dû
au sieur de Pille, procureur c'i la chambre des comptes
(il paraît que c’était 1200 liv.), au moj^en de quoi le
citoyen Noyer fut subrogé aux droits du fisc conlre la
succession.
Celle liquidation néanmoins n’engagea pas la dame
Noyer à se rendre héritière. On voit qu’ un auire cura
teur fut nommé après Giraudias , et que ce curateur
vendit ;'i M.r Reboul la petite maison Tixier, moyen
nant 3 i 2o livres, dont 2000 livres furent déléguées au
�. .
( 5 5 .
trésor, et ioôo liv. à M .r de Pille. M .r Reboul voulut
la garantie clu sieur N oyer, créancier principal, qui in
tervint pour la donner.
L e m ê m e jour le sieurNoyer,toujours comme person
nellement créancier, obtint la main-levée de deux saisiesarrêts, faites sur les deniers consignés au greffe, sur
le sieur Rérard de Chazelle, débiteur de 1400 liv., et
sur le sieur de Vicliy-Varvas, débiteur d’une rente de
25 livres. On ne voit pas s’il toucha ces deux sommes.
En 1 7 6 7 , il vendit le jardin au sieur Reymond ,
chirurgien , à la charge de payer une rente de 2 5 liv.
et moyennant 748 liv. (Marien Tixier l’avait acheté,le
6 avril 1742, moyennant 35 liv. de rente ). Quant à la
vigne et à la terre , le citoyen Dubouy dit que son père
les a aussi vendues.
'
'
Françoise Tixier, femme N oyer, n’était pas seule
héritière de Marien , elle avait une sœur religieuse ;
l’autre était Marie-Gabrielle, vivant avec elle.
Quand la succession du père fut liquidée, celle-ci
voulut y avoir part, et demanda un compte, non à sa
sœur, mais au cit. N oyer, qui, comme créancier, oc
cupait la succession. Il fut, à ce sujet, fait entre eux un
traité, le 27 décembre 1767. L e citoyen Noyer y rend
compte delà succession fixée à 11,088 liv.; sur quoi il
dit qu’y ayant pour 5,689 liv. ^ sous de dettes, il reste
net 5,399
^ sous ; que Françoise Tixier ayant un
prélèvement de 1,000 liv-, il reste a Gabrielle Tixier
prendre la moitié du surplus, c est-a-dire 2,200 liv .,
a quoi le cit. Noyer ajoute 700 liv. quJil a touchées pour
�■
(
6
?
.
sa belle-sœur sur d’autres affaires;'de sorte qu’il se re
connaît son débiteur de 2,900 liy., pour laquelle il crée
une rente rachetable de 146 liv.; et comme Gabrielle
"‘Tixier avait projet de resler près de sa sœur, il est dit
qu’en cas d’incompatibilité, elle pourra demander rem
boursement des 700 liv.
,
;
Y eut-il'séparation? La rente fut-elle rachetée? on.
l’ignore ; mais ce qu’on remarque, c’est qu’en 1766 et
1 7 6 7 , Gabrielle Tixier acheta une maison et des im
meubles dans le village de Provarel prèsSermentizon,
par trois ventes, moyennant 658 liv. On remarque aussi
que par acte du i 5 janvier 1775 , elle revendit tous ces
héritages au cil. Noyer son b e a u -frè re , moyennant
600 liv. dont elle lui donna quittance.
Ainsi ces immeubles s’effacent de sa succession, qui
consisterait tout au plus dans ses vêlemens et dans la
rente de 145 liv.,s’il n’est pas jugé queles ventes qui l’ont
suivie de si près, en prouvent le remboursement.
Les sieur et dame Noyer avaient cinq enfans, trois
mâles et deux filles; le'tems était venu de les établir;
mais la fortune de la mère était toujours incertaine,
ou plutôt elle était réputée entièrement nulle, puis
qu’elle n’avait pas révoqué sa répudiation.
Pour ne pas jouer un rôle tout-à-fait neutre lors de
rétablissement de ses enfans, on voit qu’elle sollicita
de son mari une reconnaissance de 5,000 liv., qui lui
fut faite le 8 novembre 1 7 7 5 , pour deniers, est-il dit,
louches de la succession de son père, et prix des ventes;
lion compris ce qui serait porté par quittance donnée
�( 7 )
par Annet Tardif audit défunt Tixier. La dame Noyer
accepte cette reconnaissance.
■ Elle avait cinq enfans; la générosité de son mari la
mettait à même de leur donner à chacun i,oco liv. On
voit en effet par les contrais de mariage de ses enfans ,
et notamment de ses deux filles mariées aux deux ci
toyens Greliche, en 1775 et 1777 , qu'elle leur promet
de son chef une somme de 1,000 livres, payable après
son décès.
.
Gabrielle Tixier étant décédée, il paraît que la dame
N oyer, sa sœur, fit assigner son mari en 1783, pour
obtenir u#é moitié de la succession de ses père et mère,
comme héritière de sa sœur, attendu que cette succes
sion lui était paraphernale. Elle reprit cette demande en
1788, et on ne remarque dans l’un ni l’autre des ex
ploits qu’elle se plaignit de la reconnaissance de 1775,
ni aucun des faits que son fils Dubouy lui fait dire six
mois après, dans un testament.
Ce testament, daté du 20 juillet 1789 , qui n’est
revêtu d’aucunes formes, ne mériterait pas les regards
de la justice, si le cit. Dubouy ne s’en faisait positive
ment un titre. Mais il en argumente expressément, il
en fait une pièce de sa production ; il faut donc en
rappeler le contenu.
La dame Noyer institue le cit. D u b o u y , son héritier
universel; elle prie son époux de lui reconnaître ce qui
lui est dû en conscience et probité.
Autant que je puis m’en souvenir, dit-elle, mon mari
a recu , i.° 7 à 8,000 liv. déposées chez M .r Reboul.
�( 8 ' ) ...................................
2.° Environ 2 5o louis d’or de 24 liv. que je pris moi-même
dans l’armoire de mon père, à L’instant de sa mort. 3.° Les
Liens qu’il a vendus...... Je n’ai de reconnu que 5,oooliv.
Je prie mon époux de reconnaître Le surplus, en con
science et probité, à Jean-Joseph Noyer-Dubouy, mon
héritier, q u e j e p r i e d ’ é v i t e r l a r e c h e r c h e d e m e s
D R O I T S P A R C O MM U N E R E N O M M E E .
Qui ne voit, dans ce testament, une copie, une
caricature du légataire universel?
■
:
On devient certain de la captation, quand on re
marque que le citoyen Noyer-Dubouy s’est marié un
an après, en 1790., sans que la mère ait répété cette
institution. '
Par son contrat de mariage, on voit que son père
lui Lègue les biens du Bouy, pour lui être remis après
son décès et celui de sa fem m e, la jouissance desquels
leur demeure réservée : ledit Legs fait pour lui tenir lieu
de sa porlion héréditaire quand elle sera échue.
A la charge de pa}Ter, après Le décès desdits sieur
et dame Noyer, 2,000 liv. à chacune des dames Grelic lie , pour pareille somme qui leur sera due par La
succession desdits sœur et dame Noyer 7 pour reste de
leurs dots, à elle faites par ledit sieur Noyer et sa femme;
plus 2,000 livres aux héritiers de droit, faisant au total
6,000 livres.
La mère ne paraît à ce contrat de mariage, que par
un fondé de pouvoir, ayant charge d'autoriser le ma
riage; mais elle n’inslitue pas. L e legs est évidemment
fait pour tenir lieu des deux successions.
Le
�.
,
(
9
.
.
L e cit. Noyer père, fut mis en réclusion à Billom;
le neuf thermidor ne l’en délivra pas. Un chagrin
profond, dont il est inutile de dire les causes, fer
mentait dans son ame. Il mourut le huit fructidor
an deux.
Quinze jours avant sa mort, il avait fait un testament
en présence des citoyens Girodias , Lasteyras, MartinGibergue , Bom pard, Fournier et Quesne, détenus
comme lui ; en présence des citoyens Beynaud et
Bouchardon, commissaires du comité de surveillance,
et de Voltaire-Lausset, concierge de la maison de ré
clusion.
La loi du 19 ventôse devait lui inspirer des craintes
de confiscation. Il était encore fortement occupé du
projet de diminuer le legs, qu’il avait fait au citoyen
Dubouy, de son principal immeuble, et la loi du 17
nivôse ne le Rassurait pas assez. Dans celte double
occurence, le parti le plus prudent était de tenter une
reconnaissance au profit de sa femme; il déclara donc
lui devoir 12,000 liv. pour le prix des ventes des meubles
et immeubles de son beau-père et de sa belle-sœ ur,
sans préjudice à d’autres reconnaissances.
A tout é v é n e m e n t , il lui légua l’usufruit de ses biens,
et institua ses cinq enfans héritiers par égalité.
Cependant le district de Billom décida sagement et
légalement, le 11 fructidor, que les biens d un detenu
mort et non ju gé, n’étaient plus susceptibles de con
fiscation ni de séquestre; il permit aux héritiers Noyer
de faire lever par le juge de paix , les scellés mi?
B
�( 10 )
par le comité de surveillance, lors de l’arrestation (i).
Les droits de la dame N o yer, sur la succession de
son mari, étaient plus confondus que jamais dans la
succession du père, par le legs.d’usufruit à elle fait par
le leslament. A la vérité, ce legs ne devait être que de
moitié, et il restai! des difficultés pour liquider ses droits
sur l’autre moitié.
Ces difficultés, elle voulut les applanir toutes de son
vivant, pour ne laisser à ses enfans aucune semence de
discorde. Elle les réunit tous pour leur céder ses droits
•et reprises, moyennant une pension viagère de i , 5ooliv.,
son logement, la jouissance d’un jardin, et moyennant
le délaissement de deux vaches, et tous les comestibles.
Cette pièce est rappelée au jugement.du 25 ventôse
an 5. Folio 5 , E°.
Ce traité liquidait entièrement la succession pater
nelle; les cinq héritiers en firent vendre tout le mobibilier. Mary Noyer aîné, vendit sa portion à ses frères
et sœurs, moyennant 16,000 liv ., sous la réserve du
mobilier qui se trouverait chez sa mère, à son décès,
c’est-à-dire, de ce que les uns et les auLres entendaient
par la succession effective. Au moyen de quoi le partage
fut fait par quart ou par égalité , comme le voulait le
père par son testament.
. ( i ) Cette expression de scellas prouve que le comité n’avait
pas fait un inventaire général, comme le prétend le cit. D ubouy,
pour ajouter qu’on l’a soustrait ; si quelqu’un est suspec t de cette
soustraction , ce ne peut être ceux d ’entre les parties qui n’ont
lihnlé les comités révolutionnaires que comme supplûuis.
�( II
)
Les deux dames Greliche eurent les biens de Mozun.
Les citoyens No.yer-Lagarde et Noyer-Dubouy eurent _
indivisément le domaine du B ouy, que l’intimé a au
jourd’hui seul.
...
L a dame;Noyer ne survécut pas long-tem s à ces
arrangemens de famille: elle décéda le 8 messidor an 3 ;
et comme ses. héritiers supposaient toujours que sa suc- ,
cession n’était que dans son mobilier, il en fut fait un. .
partage sans réclamation.
.
Mais bientôt advint, le rapport de l’effet rétroactif :
de la loi du 17 nivôse ; et malgré le testament de Son ;■
père, le citoyen Noyer-Dubouy se crut autorisé à pour
suivre ses frères et sœurs, au moyen de son contrat de .
mariage. Il ne perdît pas un iuslaul.
.
La loi qui permet lait de revenir à partage élait du
4 vendémiaire an 4. Il commença les liosliliiés le 28,
par faire poser les scellés sur une armoire du père com
mun , dans laquelle restaient des papiers de sa succèssion , de même que d’autres objets restés indivis.
Il est à remarquer que dans le procès-verbal du juge de paix, il signe N ojer-D uboujj, requérant seulement
l'apposition des scellés , en qualité d ’acquéreur et de
légitimair.e, conformément ci son contrat de mariage.
C ’est qu’en effet, il ne prétendait pas alors que celle
armoire contînt des papiers si précieux pour la suc
cession: maternelle; il était nanti de ces litres lui-meuie,
et savait que celle succession' 11 était rien.
On y voit q u e la clef de cette armoire était au pou
voir du citoyen Noyer-Lagarde.
B 2
�( 12 )
^
Celte hostilité fut le signal des procédures. I^e cit.
I.cigarde, qui avait vendu à Dubouy sa moilié du do
maine du Bouy, et qui sans doute en était mécontent,
assigna ses cohéritiers en partage.
Au bureau de paix, le citoyen Dubouy dit qu’il s'en
tenait à la donation fuite par son contrat de mariage,
et qu’il entendait seulement venir \\ partage des biens
de sa mère , sauf ses droits, dans le cas où il se trou
verait un litre qui le rendrait héritier.
A l’audience, il ne s’occupa plus de celte succession
maternelle, parce qu’il savait bien que tout était con
fondu dans le domaine du Bouy: et par jugement du
26 ventôse an 5 , les ventes faites par Mary Noyer
et par N o y er-L a g a rd e , de même que le partage du
22 fructidor an, 2 , relatif aux biens paternels , furent
annuités, comme prenant leur source dans l'effet rétroactifde la loi du 17 nivôse. 2.0 Le domaine du Bouy
fut délaissé au citoyen Noyer-Dubouy comme dona
taire contractuel; 3.° le partage de la succession pa
ternelle fut ordonné enlre les quatre autres en fans
N oyer; 4.0 il lut réglé ce que chacun devait payer à
l ’autre, soit Dubouy à ses frères, pour les réserves de
la donation, notamment les 6,oool. dont il était tenu, et
p o u r c e q u ’ i l a v a i l louc hé en mobilier,soil les deux frères
à Dubouy,pour ce qu’ils avaient touché de leùrsvenles.
Ce jugement tout avantageux qu’il était au citoyen
D u b o u y , élait un règlement de famille; les quatre
cohéritiers appelés au purlage nouveau, ordonné par
ledit jugement, s’empressèrent de l’exécuter.
�.
.
(
1
3
}
.
Ils avaient besoin pour cela des papiers de famille
et effets paternels, contenus dans l’armoire oii étaient
les scellés du 28 vendémiaire an 45 le juge de paix
était sans doute tenu de les le v e r , sur la représenta
tion du jugement du 25 ventôse : mais avec le.cit.
D u bo u y, il fallait des précautions.
Les copartageans l’assignèrent donc le 5 germinal
an 5 , pour être présent à la rémotion, sans que cela
fût bien nécessaire; le 6 germinal au soir, en son
absence, il fut fait un inventaire.
L e juge de paix était îi la vérité beau-frere des beaufrères des copartageans; mais quand un juge de paix a
niis des scellés sur les titres d’une succession , il n’y a
pas de prévarication , quand un juge de paix les lève
sur la réquisition de ceux indiqués par un jugement,
pour partager seuls cette succession.
L e juge de paix et ses assesseurs firent un inven
taire , contenant quatre-vingt-dix-sept coles de titres.
Cet inventaire n’est pas une pifece occulte, le citoyen
Dubouy en a une expédition.
A la suite de l’inventaire les copartageans, voulant
éviter d’autres frais, firent un partage en deux lots de
la succession Noyer ;Noyer-Li)gaide, pour lui et Mary
Noyer , eut à son lot les 6000 liv. à prendre sur NoyerDubouy, en vertu de la donation de 1790,0! du juge
ment de l’an 5.
L e cit. Dubouy, favorablement traite par la justice,
trouva dans celte opération les matériaux d’un procès
kien plus lucratif que le premier. 11 fit citer ses colié-
�'
•
C 14 )
ïitiers pour être condamnés à réintégrer le mobilier
enlevé. Il demanda en outre pour dommages-intérêtS'
60.000 livres écus, quoique les écus ne fussent pas alors
très-communs. Il prétendit qu’on avait soustrait l’or,
l’argent,
O ' les titres,' les bordereaux des ventés '* et Le
testament du 20 ju illet 17^9. ( Menteur!' il est dans ses
pièces, cote 14 de sa production).
On pense bien que sur une telle demande , la séance’
du bureau de paix dut être orageuse (18 floréal an 5 ).
Comme Dubouy voulait faire représenter les effets
d ’ u n e succession qu’il n’avait pas voulue, on lui demanda
en quelle qualité il entendait agir ; il répondît : que
c’était comme héritier universel de sa mère, aquéreur
de ses frères, et légitirnaire de son père.
Alors lescitoyeusGreliche, faisant pourleurs femmes,
lui disent qu’ils en étaient bien aises, parce qu’ayanl:
1.000 liv. du clief maternel par leur contrat de mariage.,
et ne sachant où les prendre , puisque La mère avait
répudié à la succession de ses père et mère, ils lui de
mandaient chacun ladite somme dë 1,000 liv.
N oyer-D ubou y, qui en savait plus qu 'eu x, quoiqu’il
les accusât d’avoir pris tous les titres, répondit qu’il
acceptait la renonciation qu’ils faisaient de la succession
maternelle, et qu’il se chargeait d elesp ayer, si la somme
leur était due.
Les cito}rens Grcliclie alors, quoiqu'ils né soupçon
nassent pas un piège, dirent qn ils n avaient jamais
renoncé à la succession maternelle, commeleprélendait
le cil. Dubouy, mais qu’ils acceptaient les 1,000 liv.
�( i5 )
Au surplus ils répondirent que s’ils avaient fuit-lever
les scellés, ils en avaient le droit, en vertu du jugement
du 16 ventôse.
Voilà le précis exact de ce procès-verbal du 18 floréal
an 5 , sur lequel le cil. Dubouy a basé toutes ses pré
tentions, pour ruiner la succession ab intestat de son
père, par la recherche de celle de Marien Tixier son
aïeul.
Cependant le citoyen N oyer-Dubouy avait interjeté
appel du jugement du 25 ventôse. Il prétendait ne de
voir pas rendre compte delà majeure partie du mobilier
qu’il avait retiré de la succession paternelle, parce qu’il
l’avail, disait-il, acheté en vente publique, et payé à
ses cohéritiers, c’est-à-dire, mis en dépôt dans ta r
moire sceUée.
.
L e i i ventôse an 6 , cet appel fut jugé au P u y, et
le jugement de Riom fut infirmé dans l’objet de la con
damnation ci-dessus rappelée.
L e cit. N oyer-Lagarde, qui dans tout le procès a pris
mal à propos bien des choses sur son compte, déféra
le serment décisoire au cit. Dubouy , qui en consé
quence fut autorisé à retenir le mobilier, à la charge
d affirmer.
Comme la levée des scellés lui avait fai! naître l’idée
d obtenir le partage des droits maternels , il plaida forlûinent pour l ’obtenir5 mais il ne put obtenir que la
réserve de son action, qu’on ne pouvait lui refuser, et il
est même essentiel de remarquer qu’il ne plaidait pas
pour être héritier universel 5 car i.° il ne dit rien de la
�(
)
m
'
'
prétendue répudiation du 18 floréal ; 2.0 il fait dire au
premier m olif que la succession de la mère est divi
sible en cinq.
L'affirmation ordonnée fut un autre sujet de discorde
entre les frères Noyer. Le cito}ren Dubouy fut accusé
d’avoir soufflé les copies de signification du jugement,
pour faire son affirmation incognito. L ’huissier fut mis
en prison ; mais les choses se pacifièrent : Mary-Noyer
déclara par-devant notaires avoir reçu sa copie; l’huis
sier fut mis en liberté. Enfin le cit. Dubouy a affirmé,
et on ne lui dira pas par récrimination quJil a volé ce
mobilier j car res j a die ata prô veritate habetur.
L e cit. Dubouy reprit sa demande relative à la suc
cession maternelle, le 7 prairial an 6. Il cita au bureau
de paix ses frères et sœurs pour lui remettre la succes
sion, les papiers, le testament, etc., comme étant seul
héritier, à cause de l’abdication faite le 18 floréal, si
non à lui payer 60,000 liv. (1). Au bureau de paix on
(1 ) Il rciut être bien osé pour motiver des conclusions aussi
exagérées , sur le fait présumé que les titres, relatifs à la succes
sion de la m ère, ont été enlevés , lorsqu’on les a soi-même.
L e cit. D u b o u y est porteur, i .° de l'o rig in a l du contrat de
mariage de sa m è r e , expédié à ellc-m cm e, cote i . r* de sa pro
duction ; 2 ° du traité orig in a l de 1765, cote 4 ; 3.° de l’expédi
tion originale de la reconnaissance de 1 7 7 5 , cote 11 ; 4.0 des
orig in a u x d ’exploits donnés a la requête de la mère contre son
m a r i , en 1787 et 1788 , et du pelit d é fa u t, délivré au greffe , sur
ces exploits , cote i3 ; 5.° du testament de sa m ère, du 20 juillet
1789, toujours en o rig in a l, cote 14«
ne
�.
.
^ 17 )
neditrien. L e cit. Dubouy expliqua sa citation par son
assignation du 18 thermidor, el demanda i.° le mobilier
suivant l’inventaire; 2.0 5,ooo liv. pour la reconnaissance
de 1775; 3.° 12,000 liv. pour celle de l’an 2 ; 4.0 43,000
liv. pour les autres reconnaissances énoncées dans celle
de l’an 2.
Sauf à déduire 4,000 liv. dues; savoir: 1,000 livres à
Mary N oyer, lesquelles lui resteront comme son aquéreur , et 3,000 livres aux citoyens Greliche et NoyerLagarde.
,
Il saisit en ses mains 4,000 liv. (il avait écrit 6 ), par
lui dues en vertu de sa donation ; ladile somme prove
nant de La succession dit père ■
l’huissier lui fait défenses
de s’en désaisir.
Cetle demande ne pul être jugée à Riom ; il la reprit
en l’an 8, devant le tribunal de Clermonl; là il pré
senta une pélilion pour demander 6,000 liv. de provi
sion ; puis il augmenta même ses conclusions principales
et demanda 3,900 livres de plus , par un exploit du 9
fructidor an 8 , pour la succession de Gabrielle Tixier,
comme échue à sa mère en paraphernal.
L e cit. Dubouy se croyait si bien prêt à obtenir ces
sommes imaginaires, qu’il fit des saisies arrêts., des
inscriptions au bureau des hj'pothèques, etc.
Q ui donc-esl le vo le u r?
Mais il a avoué avoir eu une clef lors des scellés , el Laghrde
'lue aulre. Peut-être voit-on là pourquoi il veut absolument
persuader que L agarde collude avec tous les autres , et pour
quoi. il le signale comme sou ennemi déclaré.
�( 18 )
La translation du procès de Riom a Clermont semble
peut-être une chose très-ordinaire et indifférente au
procès; elle n ’est cependant rien moins que cela; car
on pressent bien que le cit. Lagarde, étant avoué à
Clermont et partie lui-même en son nom dans la cause,
dut naturellement en suivre l’instruction. Elle l’inté
ressait d’ailleurs seul en quelque sorte ; car il plaidait
pour conserver les 6,000 1. échues à son lot, par le par
tage du 6 germinal an 5.
L a copie d'exploit était posée à son domicile ; il pou
vait donc se présenter sans en attendre d’autres. Il
n’avait nul besoin de procuration, et il n’en demanda
pas; ce qu’il y a de certain, c’est qu’il a toujours agi
seul et à sa guise.
Il paraît vrai qu’il y eut sur la demande provisoire
de Dubou}7une plaidoirie, non pas le 1 5 fructidor, mais
le 2 vendémiaire an 9, etqu ’ilfut rendu un jugementqui
joignit le provisoire au fonds. Ainsi il était inutile de nom
mer et placer les juges et les auditeurs, de crier tollé
contre le greffier qui a dû faire son devoir. Le tribunal
sera indigné de ces injures qui n’avaient pas d’o b je t,
et qu il /allait au moins appuyer par un certificat. Mais
c’était perdre l’occasion cle dire que le jugement lût
motivé sur la répudiation - ce qui est faux.
L e cit. Lagarde étant dans la cause avoué pour luim ê m e , et procurator in rem sua/n pour ses beau-frères,
ne s’en tint pas à l ’instruction ordinaire de sa cause; il
fit donner, le 25 ventôse an 9, une assignation à sa re
quête et à celle des citoyen et d a m e G r e l i c h e , p o u r con-
^
�( *9 )
dure le citoyen D u bou y, i.° au paiement de r,ooo liv.
pour chacun en sa qualité d’hérilier de la mère ; 2.0 à la
radiation des inscriptions par lui faites; 3.° en 12,000 1.
de dommages-intérêls.
Certes ce ne sont pas les cit. et dame Greliche qui
firent pour cet exploit ; i.° ilsliabilentMozun , et l’huis
sier est de Clermont ; 2.0 c’est le cit. Lagarde qui s’y
constitue avoué ; 3.° il est écrit en entier de la main du
cit. Lagarde; mais jusques-là il n’y avait pas de répu
diation, et cet exploit n’en ferait pas une. A u reste,
quand les citoyens Dubouy et Lügarde o n tp u se p ar’tager des titres , ils ont bien pu aussi arranger un ex
ploit entre eux.
L e 6 floréal an 9, le cit. Dubouy se laissa condam
ner par défaut, et par conséquent il se laissait débouter
de ses demandes; mais aussi il se faisait condamner à
payer les 1,000 liv. en qualité d’hérilier. C ’était là son
but et son piège. La collusion est-elle donc tout-à-fait
imaginaire?
D u b o u y , dans son appel, déclara expressément
acquiescer au ju g em en t, en ce qui concernait la répu
' dial ion et son acceptation de la qualilé d’héritier.
Beaucoup plus urgent sur l’appel, parce qu’il croyait
avoir atteint son but, il donna ses causes d’appel quinze
jours après son exploit ; c’est là que jouissant de son
adresse, il appelle le citoyen Lagarde, praticien tressubliL, et le raille, en feignant le louer ou le craindre.
11 argumente du testament de sa mère pour prouver
l ’opulence de la succession Tixier; il dit que le traité,
•
C 2
�fiiil avec elle, est une démission de biens, révocable
et inutile, qui ne l’a pas empêché de transmettre sa
succession à ses héritiers, et par conséquent à lui seul,
puisqu’il est reconnu seul héritier maternel.
L e citoyen T ard if, constitué avoué pour tous les
intimés, tenant sa correspondance et les pièces du ci
toyen Lagarcle, y voyant les citoyens et dame Greliclie,
en qualité, étant dès-lors suffisamment autorisé de faire
sa procédure , et n’ayant ni ne pouvant avoir aucun
sujet de méfiance dans celte affaire, donna sa réponse
à causes d’appel , et ne put qu’écrire en faveur du
jugement, attaqué pour en obtenir la confirmation.
L a cause avait été au rôle de l’an 9; le cil. D u b o u y
surprit un ju geme nt par défaut , sur ce m êm e r ô l e ,
le 11 ventôse an 10. 11 se fil adjuger les deu x recon
naissances de 1 7 7 5 et de l’an 2. Mais il n ’osa pas sans
doute conclure aux 43,000 livres pour les reconnais
sances présumées ; le jugement ne lui adjuge , à cet
ég ard , que des d o m m a g e s - in t é r ê l s à donner par d é
claration , de m êm e que pour le mobilier.
11 signifia sa déclaration en exécution de ce juge
ment, et ne parla que du mobilier.
Les citoyens et dame Greliclie ne se doutaient guère
qu’il se fil en leur nom une telle procédure; mais ils
avaient peine à croire que le ciloyen Dubouy les eût
laissés si long-teins sans procès. Dans leur méfiance,
ils s’informèrent, et quand ils eurent appris la vérité,
ils se hâtèrent de réparer ce qui avait été l’ail en leur
nom ; leur seule voie légale et juste était un désaveu.
�( 21 )
Ils ne pouvaient ni ne devaient le proposer contre le
ciloyen Tardif ; sa procédure était régulière et de bonne
foi. Tout partait du ci toyen Noyer - Lagarde ; c’était
donc lui qu’il fallait désavouer.
En verlu de leur déclarai ion le désaveu fut mis au
greffe de Clermont, l’assignation pour le voir statuer,
fut donnée non seulement au ciloyen Lagarde, mais
au ciloyen D ubouy, pour qu’il y veillât à ses intérêts;
et n’eût pas le prétexte de crier à la collusion. lie 20
prairial an 10 ,1 e désaveu fut prononcé par défaut;
le ciloven Dubouy a interjeté appel de ce jugement.
Dans cet intervalle encore, survint un nouveau pro
cès; le citoyen Lagarde se plaignit de ce que les 6,oool,
qui lui avaient été cédées par le partage du 6 germinal
an 5 , ne lui étaient pas payées, et il cita les ciloyens
et dame Greliclie , au bureau de paix, le 26 prairial
an t o .
.
.
C e u x - c i lui répondirent qu'ils n’entendaient plus
rien aux chicanes qui s’élevaient journellement sur la
succession ÎVoyer. Qu’ un jugement de R io m , et un ju
gement du Puy y condamnaient le citoyen D u b o u y,
et qu’il n’y avait qu’à les exécuter. Il fut donné as
signation néanmoins par le citoyen Lagarde aux cit.
Greliclie qui la dénoncèrent au citoj^en Dubouy.
Ainsi se termine cette éternelle procédure ; l’appel
du désaveu a été instruit de part et d autre , et joint
à l’opposition pendante, sur la demande du cil. Dubouy.
La cause a clé plaidée sur le toul, le 14 fruclidor an io ;
et le tribunal a prononcé un appointerne 11t.
�-
.
( * o
M O Y E N S .
L e cit. D u b o u y, dans son m ém oire, prétend que le
désaveu n’est pas recevabie, parce qu’il est couvert par
désapprobations suffisantes, et que l ’opposition au ju
gement du 11 ventôse an 10, n’est aussi pas recevabie.
Il ne s’occupe que par subsidiaire du fonds de la con
testation. Pour suivre son plan d’attaque, il faut éta
blir comme lui plusieurs questions. L a première sera
de savoir si le désaveu du cit. Noyer-Lagarde doit être
reçu; la deuxième, si l’opposition au jugement du 11
ventôse an i o , doit être admise, quoique la cause ait
été au rôle; la troisième, en quoi consiste la succes
sion de Françoise Tixier ; la cinquième , quel est le
droit des parties sur ladite succession.
P R E M I È R E
Q U E S T I O N .
L e désaveu doit-ii être reçu ?
Ce désaveu a été prononcé par défaut, le 20 prairial
an 10; le ciloyen Dubouy en est appelant; ainsi il ne
devait avoir rien à combattre que l a demande. Mais le
citoyen Dubouy s’attache à tout, et il trouve un vice
de forme dans le jugement du 20 prairial, comme non
motivé. Mais il n’a pas bien lu sa propre copie, car
elle porte un motif et la loi n’en exige pas un plus
Eçrand nombre. D ’ailleurs attaquer le jugement d a n s sa
forme ne serait pas faire tomber la demande; le tri
b u n a l d’appel n’en jugerait pas moins le fonds, ainsi
�( 23 ) .
le premier moyen est tout à la fois inexact et inutile:
passons donc au désaveu en lui-même.
Pour qu’il ait lieu , dit le citoyen Dubouy ; il faut
que ce que l’avoué a fait, l’ait été hors de ses pouvoirs,
sans consentement et sans approbation postérieure. Or
y ayant eu instance avec les dames Greliclie , le cit.
Lagarde en étant l’avou é, y ayant eu plaidoirie et
jugement en fructidor an 8 et le 6 floréal an 9 , les
dames Greliclie les ont approuvés, et par conséquent
l ’avoué et la procédure. Or encore le citoyen Lagarde
avait plusieurs pièces pour constater son pouvoir , i.° le
procès-verbal du 18 fructidor an 5 ; 2.0 l’exploit du 21
Ventôse; 3.° la signification du 21 floréal an 9. Enfin
le citoyen Dubouy oppose que le cit. Tardif, avoué
des dames Greliclie, au tribunal d’appel, n’est pas
désavoué pas plus que les huissiers Cliassaing et Massis
qui ont signifié des actes de la procédure.
Sans doute, s’il y avait une approbation postérieure
du citoyen Lagarde , elle équivaudrait à une procu
ration précédente, car ratikabilLo ma/idalo comparalur:
mais peut-on raisonnablement voir, dans des actes faits
sous le nom des citoyens et dame Greliclie, des appro
bations de la procédure du citoyen Lagarde.
Il était, dit-on, nanti de la copie d’exploit et du
procès-verbal du 18 floréal an 5. Et certainement on
ne peut pas nier qu’une copie d’exploitet procès-verbal,
contenant des dires, ne soient un pouvoir suffisant à
un avoué pour se présenter, et répéter les mêmes dires
en jugement. Mais le cil. Lagarde n ’avait pas besoin
�.
.
#
#
de la copie posée aux citoyens Greliche ; il avait la
sienne, car il était partie au même exploit 3 et il s’est
présenté pour tous.
Les dires du procès - verbal ne l’autorisaient pas à
répudier, car ce procès - verbal du 18 floréal, porte
au contraire que les citoyens Greliche nentendent pas
répudier.
D ’ailleurs, c’était une successioa paraphernale ou
verte aux dames Greliche. Les maris, exclus par la loi
de jouir même les paraphernaux , ne pouvaient pas
disposer de la propriété de ces paraphernaux. Ils ne
l’eussent pas pu davantage, quand la succession aurait
été dotale, parce que le mari n’a que Y administra
tion de la d o t , et n’a aucune qualité pour répudier
une succession ouverte au prolit de sa femme ; car ce
serait aliéner.
L e cit. Noyer-La garde ne pouvait ignorer ces prin
cipes; ainsi quand même il aurait eu une procuration
pour occuper, il ne devait pas répudier en jugement,
si la procuration n ’en portait le mandat exprès, et
n’était donnée pour cela par les dames Greliche ellesrnêmes.
L e jugement do fructidor an 8 , est un être imagi
naire. Lors du jugement du 2 vendémiaire an neuf,
il paraît qu’on attaquait les reconnaissances, ce qui
esl l’opposé d’une répudiation ; enfin le jugement de
iloréal an 9, est précisément l’objet principal du désaveu.
L ’exploit du 21 ventôse lait partie de la procédure
suivie parle cit. Lagarde. Il l’a lait donner pour fixer
les
�■
( a5 )
les conclusions prises dans l’instance, et s’y est consti
tué avoué; il paraît même qu’il est écrit de sa main. (
L a signification du a i floréal ne fait qu’un avec l e jugement du 6 , qui est la .principale pièce désavouée.
Et tout le monde sait b ie n , que quand un avoué ins
truit une procédure, dans laquelle ily a lieu de faire des
significations, c’est lui qui charge l’huissier de les faire.
Si d onc, il fallait désavouer aussi l’huissier, ce serait
un cercle vicieux , car l’huissier dirait : je tiens mon
pouvoir du cit. Lagarde , et ce serait î\ celui-ci qu’il
faudrait revenir.
Enfin, et par les mêmes raisons, le citoyen Dubouy
ne peut pas argumenter de' ce que les dames Greliche
n’ont pas fait aussi un désaveu contre l’avoué qui a
occupé pour elles, au tribunal d’appel. Elles se sont
bien donné garde de faire celle injure à l’exactilude
et la délicatesse du cil. Tardif qui a été induit en erreur
par le c. Lagarde. A vec l’expédition du 6 floréal et la copie
d’appel , il était en règle et à l’abri de tout reproche;
il aurait même eu une action en dommages-intérêts.
Toute la question du désaveu consiste donc dans les
déclarations qui ont pu être faites en justice, à Cler
mont; car dans les pièces précédentes, rien n’autori
sait le cit. Lagarde à répudier pour les dames Greliche.
L e procès-verbal du 18 floréal devait au contraire l’en
empêcher.Il s’est donc exposé à un désaveu, et comment,
sous prétexte d’ une collusion qu’il plaît au cit. Dubouy
de supposer, ce désaveu serait-il rejeté s’il est fondé.
N ’y aurait-il pas plutôt lieu de croire que celle
•
D
�( ^6 )
collusion a eu lieu entre le citoyen Lagarde son ven
deur, et lui. Quand on mit les scellés, l’ un d’eux prit
la clef de l’armoire , et l ’autre la porte du cabinet,
cela est avoué au mémoire Dubouy. L e cit. Lagarde
a dans son dossier tous les titres de la succession du
père ; et le citoyen Dubouy a dans le sien tous les
litres originaux de la succession de la m è re , quoiqu’il
se fasse un moyen de n’avoir pas assisté à l’inventaire
du 6 germinal. Enfin, le citoyen Lagarde fait des dé
clarations en jugement, et le citoyen Dubouy se laisse
condamner par défaut pour les accepter incontinent.
A la v érité, il serait difficile de croire à ce que ces
deux frères fussent en bonne intelligence, lorsqu’on
lit tout ce que le citoyen Dubouy exprime aux pages
21 et 22 de son m ém oire, pour insinuer fraternelle
ment ^que le cit. Lagarde s’est mis dans le cas d’une
destitution. Mais qu’il ne fasse pas tomber l’odieux de
ce danger surles cit. Greliclie ; car dussent-ils encourir en
core le reproche de collusion, ils déclarent qu’ils auraient
fait les sacrifices les plus grands, si l'insidieux anatliême
du cit. Dubouy eût dû être le résultat de leur demande.
Ils déclarent aussi que lorsqu’ils ont fait , amère
ment peut-être, au citoyen Lagarde le reproche d’avoir
usurpé leur confiance et d’avoir sacrifié leurs intérêts,
le citoyen Lagarde lenr dit avoir agi d’après une con
sultation des citoyens Bergier, Boirot et D artis, par
laquelle ces jurisconsultes étaient d’avis que toute la
succession maternelle était confondue dans celle du
père, par le traité de l’an 2; qu’elle ne consistait que
�( 27 )
dans ce que la mère a laissé en mobilier, après son
décès, et qu’ainsi il avait vu plus d’avantage à la laisser
toute entière au citoyen D u b o u y , pour qu’il payât
les sommes promises par les contrats de mariage.
Que le cit. Dubouy trouve inconséquent ou non de
rapporter un fait qui disculpe le citoyen Lagarde ,les
dames Greliclie n’en ont pas moins cru de leur devoir
de ne pas le taire. Mais tout en reconnaissant que le
citoyen Lagarde a pu agir de bonne foi et même avec
précaution , elles n'en sont pas moins fondées à dire
qu’une consultation n’est pas un mandat, et que le
cit. Dubouy , en faisant une procédure et des décla
rations sans pouvoir, s’est mis dans le cas d’ un désaveu.
Ce n’est pas que ce désaveu eût-été absolument né
cessaire, puisque la succession de Françoise-Tixier est
à peu près nulle, comme on l ’établira sur la troisième
question. Il aurait .peut-être même-été plus avanta
geux aux dames Greliche d’adopter ce qui a été fait
en leur nom j car une répudiation conditionelle doit être
acceptée, comme a voulu la faire le renonçant, ou toutà-fait rejetée. Mais la ténacité du cil. D u bou y, à.vou
loir ruiner la succession de son père par celle de sa mère,
a fait que les dam es'Greliche, venant pour la première
fois en cause, ont voulu s’y présenter sans 1 entrave
des faits d’autrüi. Ne pouvant préjuger 1 opinion du
tribunal, elles auraient véritablement débuté avec té
mérité et en dupes,-si pour ménager.le cit. Lagarde ,
elles avaient ratifié sa procédure. Le désaveu a'é té
pour elle un acte prudent, nécessaire, et-quoiqu’on
D a
�.
.
. c a8 )
#
v
dise le cit. D u bouÿ, il ne peut être rejeté , parce qu’il
ne s’agit pas ici d’une simple instruction de procédure,
qu’il y a répudiation en jugement, et que pour cela
seul il fallait un mandat spécial.
D E U X I È M E
Q U E S T I O N .
«
X?opposition au jugement du 11 ventôse an 10, est-elle
recevabLe ?
les prétentions du c i t o y e n Noyer-Dubouy
sont nouvelles et singulières. Aucun autre que lui n’a
vait imaginé, depuis 1790, de rappeler un article de loi
T
o u t e s
qui ne peut plus s’adapter aux formes actuelles, et on
peut dire,presqu’avec certitude,-qu’il n’est pasde journal
parmi ceux qui rapportent depuis long-tems la jurispru
dence du tribunal de cassation et des autres tribunaux de
la république, qui contienne aucun jugement, ni même
aucune tentative pareille. Mais le cit. Noyer-Dubouy
veut être modèle , il veut faire juger la question: on n’a
pas le droit de l’en empêcher. Cependant cette oppo
sition est antérieure au désaveu; ainsi la question n’int’éresserait les dames Greliche , que dans le cas où le
désaveu serait rejeté. Elles ne vont donc s’en occuper
que par subsidiaire, et pour répondre à tous les moyens
opposés par le citoyen Dubouy.
Il est très-vrai que l’ordonnance porte en l’art. III
du titre X X X V , que les parties ne peuvent se pour
voir, par opposition, contre les jugemens en dernier
ressort, quand ils ont été rendus à tour de rôle.
�; ( *9 )
Il est très-vrai aussi qu’une loi rie tombe en désué
tude que tdcito omnium consensu; et il était assez inu
tile de transcrire un plaidoyer de Merlin pour corrobo
rer ce principe, et appliquer à la cause toutes les au
torités qui y sont rapportées. Il ne s’agissait, dans ce
plaidoyer, que delà fin de non recevoir de l’opposition,
après La huitaine, mais' non à tour de rote ; et lé cit.
Merlin n’y a recueilli des extraits des arrélistes de plu
sieurs parlemens, que pour établir que la jurisprudence
du parlement dè Paris, d’admettre les oppositions après
la huitaine, n’était pas uniforme dans le royaume.
Ces citations ne peuvent rien sur la question de
l’opposition aux jugemens pris à tour de rôle , car il
n’y a pas parité de raison ; c’était une jurisprudence
particulière au parlement de Paris, et dans quelques
autres, d’admettre l’opposition après la huitaine; mais
^
le parlement de Paris ne l’admettait pas, quand la cause
était venue à tour de rôle. Il y avait donc une dis
tinction à faire, et cette distinction même juge la ques
tion qui nous occupe.
Avant la révolution, on faisait une différence entre
les causes venant sur placet, et les causes appelées h
tour de rôle. Celles-ci étaient placées au rôle bien longtemsavantd’être appelées. L e rôle était public, à Hiom,
deux fois dans l’année, à la St. Martin et a la St.-Jean, v
et tous les mois au parlement. La lecture publique des
causes prévenait les parties long-teins à l’avance ; et
comme la loi était précise, et l’usage: des tribunaux
constant sur ce point, il fallait bien se tenir prêt au
�.
( 30 '}
.
tour de rôle; ce qui, au reste, n’était pas très-urgent ;
caria multiplicité des placets occupait la majeure partie
des audiences.
Aujourd’hui, toutes les causes doivent être placées
au rôle, sans distinction, d’après la loi du 24 août 1790,
et la loi du 21 ventôse , relative aux droits de greffe.
Ainsi il est contraire aux principes reçus, qu’une loi
rigoureuse qui ne s’étendait qu’à une partie des causes,
s'étende aujourd’hui facilement à toutes les causes ; car
les peines ne peuvent être que restreintes, mais non
étendues au-delà de leurs strictes dispositions} et certes
la fin de non recevoir d’une opposition, est bien une
peine prononcée contre le plaideur en retard.
Si le tribunal de cassation a jugé que l’article de l’or
donnance n’était pas tombé ¡en désuétude pour Top
position après la huitaine, c’est que dans la révolution
la fin de non recevoir avait été presque généralement
prononcée par les tribunaux : mais il ¡n’en est pas de
même de la fin de non recevoir des causes venues à
tour de rôle. Aucun jugement conforme au système du
cit. Dubouy ne peut être cité par lui depuis 1790 ;
et comme le mode d’appel des causes a changé à cette
époque, il est clair que ce changement a fait tomber
en désuétude l’article de l’ordonnance tacito omnium
consensu. L ’usage universel a expliqué la loi du 24 août
1790. En cette partie, tous les tribunaux ont admis l’opposiiion aux jugemens en général, pourvu qu’elle fût
formée dans la huitaine. Ainsi il ne s’agit plus de re
chercher la loi ancienne qui permettait aux parties de
�( 3i )
mettre au rôle les causes qu’il leur plaisait, puisque
la loi nouvelle ôte cette liberté et y assujettit toutes
les causes. L e mode d’interprétation de ces lois est donc
suffisamment justifié par quatorze ans de jurisprudence 5
car consuetudo optima est legum ¿nterpres (1).
Mais au reste le cit. Dubouy est non recevable luimême à demander la fin de non recevoir, par deux
motifs ;
'
i.° L ’opposition au jugement a été formée le 18
ventôse an 10; elle a été suivie de la procédure du
désaveu dont Dubouy a interjeté appel.
Orj par requête du 28 thermidor an 10, il a conclu à
ce que son appel du désaveu fût joint à ¿a cause pen
dante stir Copposition.
Il a donc reconnu que cette opposition était rece
vable , puisqu’elle faisait une cause. Ainsi il a couvert
la fin de non recevoir qu'il oppose.
2 ° L a cause a été contradictoirement plaidée sur
Le fo n d s } le 14 fructidor an 1 0 , quand le tribunal a
appointé. L a fin de non recevoir devait encore y être
proposée à Limine litis ■elle est donc couverte, et le
cit. Dubouy doit, malgré. Lui, plaider le fonds.
( 1 ) D epuis la rédaction de ce m ém oire, le tribunal de cassa
tion a jugé la question en thèse. I l a cassé, le 3 pluviôse an 12 ,
un jugem ent du tribunal de N eufchâteau, qui avait déclaré une
opposition à un jugem ent en dernier ressort non recevable ,
parce q u ’il était rendu à tour de rôle.
Voy. le Journal des audiences de cassation, par D en ev ert,
an 1 2 , page 2 i a .
�32 )
C
T R O I S I È M E
QUESTION".
E n quoi consiste la succession de
F r a n ç o is e T i x
ie r
?
Françoise Tixier n’a traité avec ses enfans que pour
éviter que cette question se présentât après elle.
T ous ses enfans étaient seshériliers par égalité, même
avant le 17 nivôse , puisqu’elle n’en avait avantagé au
cun. La forclusion de ses filles était abolie depuis le 8
avril 1791.
A la vérité, le cit. Dubouy dit : Je suis donataire de
mon père ; et après le prélèvement de ma donation ,
mes cohéritiers ont partagé le surplus sans moi : mais
je dois prélever aussi sur le surplus ma portion, au
moins des biens de ma mère ; ainsi il faut connaître sa
succession.
Mais le cit. Dubouy ne veut pas se rappeler que par
son contrat de mariage , son père , en lui léguant le
domaine du Bouy après son décès et après le décès de
Françoise T ix ier, en le chargeant de payer à chacune
de ses deux sœurs 2,000 liv. qui leur resteraient dues
alors, par la succession des sieur et dame Noj/er, a dou
blement marqué par ces expressions que les deux suc
cessions étaient confondues, et que les dettes de la
mère devaient se payer indifféremment par la succes
sion du père, qui les englobait toutes deux. Aussi la
mère, qui se fuit représenter à ce contrat, ne donne
rien.
,
L a mère n’a donc fait que ratifier en quelque sorte
celle
�'( 33 )
cette confusion des deux successions, en traitant avec
ses enfans, réunis en l’an deux(i). A la vérité on peut
objecter qu’alors les circonstances n’étaient plus les
mêmes, parce que la loi du 17 nivôse voulait un par
tage par égalité. Mais ce ne sont pas les enfans seuls
qui ont traité én vertu de cette loi ; la mère elle-même,
que la loi n’obligeait pas, est venue traiter avec eux
pour ses droits et reprises; et qu’a-t-elle fait autre chose
que de les confondre dans la succession du père, comme
déjà ils l’étaient respectivement à Noyer-Dubouy.
Ainsi, que la loi du 17 nivôse soit ou ne soit pas, il
( 1 ) L e cit. Duboivy conteste , à la page 41 de son m ém oire,
l ’exislence de cet acte comme non vérifié ni enregistré. Il le
produisait d’abord lu i-m ê m e; il en argum entait, et il l ’a sans
doute retiré de ses pièces. Mais il produit, sous la cote 1 8 , un
acte du même jo u r , quoique aussi non enregistré, et il y a
souligné lui-même ce qui suit : C onvenu en outre que dans la
p résente cession sont com pris les droits cédés par notre mère
com m u n e, p ar acte de c e jo u r d h u i; 2.° dans ses causes d ’appel,
cote 4 0 11 il excipe plusieurs fois du traite fait entre la mère et
les enfans , et il le date, à chaque fois , du 22 fructidor an 2;
3.° il en assure encore l’existence à la page 7 de son mémoire ;
4 0 on lit dans le jugement du 25 ventôse an 5 , folio 5 R . ° , ce
qui suit : « ¿¡.près que tous les héritiers eurent pris des arran~
gem ens avec F ra n ço ise T ix ic r leur m ère, relativem ent à sa
co n stitu tio n de d o t, gains , avantages m atrim oniaux et autres
créances qiCellc avait à répéter contre la su ccession de so n
mari , e tc . « Ce traité est donc un acte constant au procès. L e
c ^- D u b o u y , qui en a toujours e xcipé, 11e peut donc refuser de
le remettre dans sa production.
E
�pas m o i n s vrai que le: cit. Dubouy n ’a eu- à
prendre que le domaine du Bouy après le décès de, ses
père et 'mère, a la charge de payer 6,ooo liv. dus par Les
deux successions : et le s a u t r e s héritiers o n t eu à p r e n d r e
ces 6,000 livres , et le surplus des biens comme formant
l a succession ab intestat, p l u s les bestiaux et C o m e s
tibles qui furent laissés à la mère lo r s de l ’a r r a n g e m e n t ,
et pris sur l a succession paternelle.
' C ’est ainsi que toutes les parties l’ont e n te n d u non
'seulement en l’an 2 , mais lors du ju g e m e n t de ventôsè
an 5, puisqu’elles laissèrent toutes ordonner le partage
de la succession du père, sans demander celui de la
n ’ e n est
mère ; puisque le cit. Dubouy se laissa notamment cont
.
»
Í■
^
damner à rapporter les 6,000 liv. dues par la sucçession
du père et de La mère, sans proposer de compensation
de cette somme avec les prétendues reprises qu’il de
mande aujourd’h u i, et qu’il fait frapper sur la succès
.
. .
.
<,
sion paternelle.
'
_
Cette intenIioti des parties est claire; elle é.jait fon
dée sur les actes de famille, à l’exéculion- desquels
chacun se rendait; aucun ne doutait alors que la suc
cession de la mère ne fût composée seulement de son
m obilier, tel qu’il était spécilîé parle Irailé de l’an 2 *
et si l’appelant a varié au P u y, c’est que la levée des
scellés lui avail donné le prélexle de se créerune nou
velle source de réclamations.el de procès.
Ce n ’est pas toul que lesiparlie-s l’aient eYilendu ainsi>
car c’est aussi de celle manière qu’elles devaient l’en
tendre j les actes les y obligeaient.
' l ' '■ ,l
�'
. .
(
35
}
Françoise Tixier avaitf-elle le droit de traiter avec
ses enfans eu l’an 2? et peut-on appeler1l’acte'qu’elle
a fa it, un partage anticipé d’une succession qui s’est
ouverte cle nouveau à son décès ; car voilà le système
actuel du citoyen Dubouy. ■
‘ ’Les principes sur les démissions ne s’appliquent pas
à la cause; ce n’est pas ici un abandon fait par une mère
de ses
biens meubles et immeubles ', évidens. connus,'
1
desquels elle se désaisisse pour eux, et qu’ils partagent
en sa présence.
“
1
Il n’y a dans l’espèce ni biens connus, ni désaisisse
ment effectif, ni partage actuel. Ce n’est donc pas ce
partage anticipé dont excipe le cit. Dubouy comme
moyen principal; il n’y a donc pas de démission.
C ’est un traité sur des droits inconnus , litigieux;
c’est une vente à fonds perdu de ces mômes droits,
autorisée par l’article 26 de la loi du 17 nivôse;, qui
était encore en vigueur au décès de la mère.
Dans le cas même où la mère aurait prévu le rétablisse
ment des actes de sa famille et le rapport de la loi du
17 nivôse dans son effet rétroactif, la cession qu’elle
faisait était valable ; car le cit. Dubouy devait s’en tenir
à son domaine, et alors ses reprises fra p p a ie n t sur la
succession ab intestat, c’est-à-dire, contre les autres
héritiers.
E h bien, elle vend ses reprises à fonds perdu à ceux-«
ci ; et comme il lallait, suivant la loi, que les autres
successibles y consenlissent et y intervinssent, le cit.
Dubouy y est intervenu et y a consenti. L e vœu de la
loi a donc été re m p li.
�.
,
(
3
6
)
.
.
...
Il ne dira pasqué c’est un acte forcé par la crainte
révérentiellé; car la loi n’admet pas ce m oyen, lors
qu’elle exige le consentement des successibles, sans
distinction. •
,
\' <
A u reste , quand ce ne serait pas là une vente h
fonds perdu , on demanderait en vertu de quelle loi
il peut être défendu à une mère de traiter avec ses
enfans,sur des droits susceptibles du plus grand litige;
les lois protègent les transactions comme l’acte le plus
utile à la société , puisqu’il éteint les procès ; et se
pourrait-il que les procès, entre une nière et dés enfans,
fussent une chose nécessaire et non susceptible d’ar
rangement ?
;.
Ce système choque; car si Françoise Tixier pouvait
agir et plaider, sans conlredit elle pouvait transiger ;
car la transaction a lieu de Lite motâ aut moçendâ.
Or qui contestera à Françoise Tixier le droit de de-mander ses droits et reprises en l’an 2? Mais parce que
rien n’était plus confus et inextricable que ses droits;
parce qu’elle savait elle-m êm e que son mari, en lui
donnant l'usufruit de moitié , n’avait pu reconnaître
12,000 liv. a u -d e là de la quotité disponible; parce
qu’elle .savait qu’il landrail prouver Y Linde habuit de
la première reconnaissance, Françoise Tixier a fait,
avec ses enfans, une transaction, que la nécessité et son
intérêt rainaient obligée de faire avec les étrangers les
plus divisés d’intérêt avec elle; et c’est là cette transac
tion qu’on veut confondre avec une démission , avec
une simple libéralité dictée par la tendresse maternelle,
�*
■( 37 )
spontanément, sans nulles circonstances, et pour;la seule
utilité de ses enfans.
.
Si la mère a traité avec tous, il n5y a là que de la
ressemblance avec une démission, parce que la mère
était bien obligée de traiter avec tous ceux qui avaient
jun procès à soutenir contr’elle.
Ainsi, vouloir que cette réunion nécessaire de tous
les enfans change la nature de l’a c te , ferait .retomber
dans le système qu’on ne peut transiger avec ses enfans.
Lorsque le fils du sieur de Langhac(i) a demandé par
deux fois, au tribunal de cassation, la nullité d’ un traité
fait avec son père pour ses droits maternels, il n’osait
pas même plaider qu’on ne peut pas traiter avec son
père; il faisait valoir des moyens rescisoiresi, et cepen
dant le traité a été maintenu. Une transaction peut donc
être à l’abri, même de la puissance paternelle. Préten
dre que le rapport de l’effet rétroactif de la loi du 17
nivôse a annullé le traité fait avec Françoise T ix ie r ,
c'est vouloir oublier qu’elle n’avait que faire de la loi
»
du 17 nivôse. Car d’une part, elle traitait pour ses re
prises, et de l’autre pour un usufruit qui n’en a pas
été moins maintenu par les lois postérieures.
Françoise Tixier n’a donc laissé de succession que dans
son mobilier et non dans ses reprises; et en partant de
cette vérité la plus évidente, la plus naturelle, le tri
bunal élague toutes les autres questions du procès. Car
le cit. Dubouy a pris sa portion du mobilier, il n’a pas eu
idée de prétendre qu’on en eiit volé : il a donc tout sou lot.
( 0 Journal de Sirey. Jugcm cnldecassationclu 25friiu.rf an 10.
�( 38 )
^
Tout conduit h penser que telle a toujours été Fintention elle but des parties, et que c’est là la plus exacte
justice à leur rendre. Mais pour suivre le cit. Dubouy
dans ses prétentions, et s’il pouvait faire composer la
succession de Françoise Tixier de ses droits et reprises,
voyons quel en serait le résultat.
•Qu’aurait obtenu Françoise Tixier, si elle eût voulu
plaider en l’an 2?
Ses droits étaient-ils fixés parles deux reconnais
sances, ou par la consistance réelle de la succession de
son pèrë et de sa sœur ?
Pour celte explication, il faut se baser sur quelques
principes.
Toutes les reconnaissances que fait le mari, après le
mariage, sont réputées des libéralités, si la femme ne
prouve undè habuit, et alors ces libéralités n’ont d’efïet
que pour la portion dont le mari pouvait disposer. ConJessio de dote receplâ facta per m aritum , constante
matrimonio, valet Lu vim donationis. Et il faut, comme
dit Coquille , enquérir et prouver la vérité du fait, si
on veut faire valoir la reconnaissance a u -d e là de la
portion disponible. Ainsi renseignent encore Ricard et
Furgole. Ainsi l’a jugé le tribunal, le 21 prairial an 10,
en ordonnant l’apport de l’inventaire d’une succession
indiquée comme 1 undè kabuit , dans une reconnais
sance semblable.
Il est encore de principe, qu’en pays de droit écrit,
où fe sieur Noyer était domicilié, le mari et la femme
ne peuvent se faire de donations pendant le mariage,
�( 39 )
et cela par une prévoyance de la loi, ne mutuoamore
inter se Lnvlcetn spoLLentur.
A la vérité ces donations prennent leur effet par
la m o rt, si elles n’ont pas été révoquées auparavant.
Mais parce quelles ne font qu’une donation à cause
de mort, elles se règlent par la quotité disponible qui
a lieu à l’ouverture de la succession.
O r , au décès du sieur N o y e r , la loi du 17 nivôse
régissait toute la république; et si elle effaçait les prohi
bitions du droit é c r it, en donnant toute latitude aux
dispositions entre époux, au moins elle les restreignait,
quand il y avait des enfans, à l’usufruit des choses don
nées, si elles n’excédaient pas la moitié des biens. (Art.
i 3 et 14).
Ainsi Françoise Tixier devait prouver en l’an 2, la
consistance de la succession liquidée de son père.
Il fallait faire estimer les biens vendus non par le
/
curateur, mais par le sieur Noyer en son nom ; non
pas-suivant les évaluations ridicules, que le cit. Dubouy
leur donne au taux actuel, mais à la valeur de 1760.
11 fallait établir la consistance du mobilier, et ensuite
déduire les charges et les dettes. Ces dettes sont con
sidérables, puisque le seul article des reprises du sieur
N o yer, justifiées par la requête du 16 avril 17 6 0 , se
porte à une somme de 5,029 liv. 16 s., outre les 2,oool.
payées au trésor public, 1,200 liv. au sieur Üepille, et
Ö9.liv. 7 s', au sieur Dufraisse. P é jà , par la comparai
son de celle seule dette avec les biens, il est évident
en simple aperçu,'que si le sieur .Noyer fit une recon-
�.
,
(
4 0
3
.
naissance de 5,ooo à sa femme, c’était pour qu’elle ne
fût pas humiliée de n’avoir rien à donner à ses enfans,
lors de leur établissement, et pour la mettre à même
de donner à chacun 1,000 liv.
Mais quand il y aurait quelque excédant, tout ce
que Françoise Tixier n’aurait pas justifié lui apparteten ir, dans les reconnaissances , devenait simple libé
ralité, et alors combien de diminution cette libéralité
n ’éprouvait-elle pas?
D ’abord le cit. Dubouy faisait passer, avant tout,
le don ou legs du domaine , puisqu’il lui était assuré
par son contrat de mariage, et puisque les reconnais
sances ne prenaient effet qu’à la mort.
Les deux reconnaissances de 5,000 liv. et de 12,000 1.
ne valaient en l’an 2 que pouV l’usufruit de ces deux
sommes, mais cet usufruit était confondu dans l’usu
fruit de moitié qui était aussi légué par le sieur Noyer
à sa femme ; il absorbait toute la quotité disponible.
Les deux reconnaissances devenaient donc nulles et
sans effet.
Non seulement l’usufruit de moitié absorbait tout,
mais il ne pouvait avoir lieu concurremment avec lo
don du domaine, sur lequel l'usufruit ne frappait pas ,
qu’autant que la légitime des puînés devait rester inlacle, et sans charges suivant les principes, ce qui ne
se pouvait pas. Françoise Tixier n’était donc pas fon
dée à plaider pour obtenir les deux reconnaissances.
Il est inutile d’occuper le tribunal de la demande ridi
cule que le sieur Noyer avait formée de 43,000 liv. ,pour
représentation
�■
.
1
4
1
)
Teprésentation des reconnaissances supposées enlevées,
et du testament de sa mère (quoiqu’il en soit nanti) ;
.il a abandonné celle demande qui d’ailleurs ne méri
tait pas qu’on s’occupât sérieusement de la combattre.
Françoise Tixier était encore héritière de sa sœur,
mais les droits de celle-ci étaient liquidés par un traité
dont le cit. Dubouy n'a demandé le prix qu’en l’an 8.
Or ce traité ne donne pas une somme exigible, mais
une rente qu'on ne peut forcer à rembourser : et tout
prouve qu’elle avait été remboursée par le cit. Noyer
p ère, puisque sa belle-sœur acheta des immeubles pour
à peu près ce qui lui était dû.
Ces immeubles ne font pas partie de sa succession,
puisqu’elle les a revendus au sieur Noyer père ; ainsi
quand celte succession ne serait pas confondue dans le
traité, elle n ’en serait pas moins absolument nulle.
Voilà donc à quoi se réduit la pré ten lion du citoyen
D ubouy, sile tribunal veut faire discuter, à grands frais,
le mérite des reconnaissances; et si, en les approfondis
sant de plus en plus , il ne se trouve pas encore plus
fortement convaincu , que Françoise Tixier a fait une
transaction respectable et nécessaire, et qu’en traitant
avec ses enfans, ut à fraterno certamine eos prœserva•'et, elle a prudemment calculé leurs intérêts et le sien.
Quel est Le droit des parties sur La succession T i x i e r ?
L
e
citoyen D u b o u y a un testament de sa mère qui
le fait héritier universel. Ce testament est ologra ph e, et
F
�,
. .
( 42 )
.
.
.
daté de 1789 î mais il n’est pas enregistré, ainsi ce n’est
pas une pièce à produire.
Ce testament, dicté évidemment parle cit. Dubouy,
semble tacitement révoqué par son contrat de mariage
qui est postérieur, et dont les clauses semblent con
traires à ce testament, au lieu d’y renouveler l'institu
tion , il serait aussi annullé de droit par le traité de
l ’an 2. Car un testament est ultlmœ çoLantatis testatio.
Or un acte de 1789 n’était pas la dernière volonté de
Françoise Tixier.
Mais à quoi servirait ce testament, dès que la succes
sion de la mère ne consiste que dans son mobilier ;
il est partagé ; et voilà ce qui faisait prendre au mot
le cit. D u b o u y , lorsqu'il se disait seul héritier d’une
succession nulle , parce que cette nullité même rendait
illusoire la promesse de 1,000 livres, que la mère avait
faite à ses filles lors de leur mariage.
Il ne servirait à rien encore si le tribunal voulait
annuller le traité de l’an 2 ? et fixer la succession de la
m ère, carie pis aller serait d’adjuger la reconnaissance
de 5,000 liv. la seule que son époque puisse faire res
pecter; et alors les dames Greliclie y auraient i^oooliv.
chacune, des que cctle somme leur est promise avant
le testament. Ce serait donc à leur égard un partage
par égalité, malgré l’institution.
Mais soit que la succession maternelle se compose de
mobilier j ou de ces 5,000 liv., ou de toute autre chose,
le cit. Dubouy doit toujours rendre compte des 6,oool.
qui sont une charge de sa donation, ce qui est Iota-
�'
( 4 3 ')
lement distinct du procès actu el, et ce qui est jugé.
Il a cherché jusqu'à présent à retarder le paiement
de cet le somme , et il y est parvenu, en plaidant qu’il
fallait attendre la décision relative au partage de la
mère; le moment est donc venu, non'pas d’y rapporter
ces 6,000 liv. mais de les payer , car il n’est donataire
qu’à cette condition.
Ainsi ce procès si compliqué par les conclusions si
souvent changées du cit. D u b o u y , se simplifie extrê
mement, et se réduit à dès points certains.
L ’opposition au jugement par défaut est recevable;
ainsi le jugement surpris par le cit. Dubouy est comme
non avenu.
L e désaveu est fondé au cas qu’il ait été nécessaire;
mais quand les sieurs Greliche auraient répudié au
bureau de p aix, et même en jugement, une succession
parapliernale à leurs femmes, celles-ci ne sont pas liées
par cette répudiation ; c’est une nullité viscérale ; les
maris n’ont promis aucune garantie. S’il y avait enga
gement de leur p a rt, ce serait le sujet d’une action
particulière à diriger contre eux; mais cela ne produi
rait pas une répudiation.
' D ’après cela, le partage de la succession de Françoise
Tixier doit êlre ordonné enlre toutes les parties ; mais
celle succession se réduit au mobilier, puisque les droits
liligieux et incorporels, dont elle pouvait se composer,
sont vendus par transaction.
Si le tribunal annullail celle transaction, alors la suc
cession de Françoise Tixier n’en serait pas moins réduite
•
J
F 2
�( 44 )
à rien , soit parce qu’elleiest décédée sans avoir révoqué
sa répudiation de 1760., soit parce que les recouvremens des biens de son père sont absorbés par les dettes,
soit parce que sa sœur ayant ^acquis des ¡biens, pour le
prix de sa cession: de droits , les a revendus.
Si le tribunal donnait efiet aux reconnaissances sans
les compenser avec les reprises du cit. Noyer père, il
annullerai sans doute ¡celle de l’an 2 , -comme n’étant
qu’ un avantage indirect, tendant à surpasser la quotité
disponible par la loi du 17 nivôse, et ne donnerait effet
qu’à celle de 1775.
La succession de Françoise Tixier une fois connue,
se régie aisement; il est à peu près égal que'le citoyen
Dubouy en soit héritier ou ne le soit pas; mais le tri—
bunalnepeul avoir égardautestamentde 17 8 9 ,puisque
i.° il n’est pas enregisti’é; 2.0 il est annullé par le con
trat de mariage de 1790 , et le traité de l’an 2.
Il faut donc en revenir au point d’où on est parti,
c’esi-à-dire , au jugement du 25 ventôse an 5 ; tout est
réglé par lui, et le tribunal n’a pas de guide plus sûr;
car le cil. Dubouy avait tout demandé alors, comme
on peut le voir par le procès-verbal du i . er pluviôse
precèdei)I , el ce iait n’est pas détruit par de simples
réserves qu’il a laites au Puy postérieurement et dans
d’autres circonstances. Ces deux pièces du procès mar
quent assez que les parties entendaient faire terminer
toutes leurs contestations a celle époque, el celle in
tention fait crouler toutes les procédures, toutes les
conclusions, toutes les injures du cil. N oyer-D ubou y;
�;
j
I
3
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ri
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.
(
4
5
}
car il devait alors bien expliquer ses prétentions, et il
les avait expliquées ; toutes les considérations ont été
pesées alors, et il ne p eu t, sans mauvaise f o i , faire
renaître un procès d'un autre procès, et exiger que la
Justice partage avec lui ses embûches et ses cavillations.
s
M .r M A R C H E I X , Rapporteur.
L . F. D E L A P C H IE R , Homme de loi.
E A Y E , Avoué,
iI
.
*
L
.
R I O M , DE L ’I MP R IM E RI E DU P A L A I S t CHEZ J.-C. SALLES.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Title
A name given to the resource
[Factum. Noyer, Jeanne. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Marcheix
Delapchier
Faye
Subject
The topic of the resource
successions
confiscations
fisc
abus de confiance
avoués
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Jeanne et Marie-Gabrielle Noyer, Pierre et Joseph Greliche, leurs maris, habitant à Mozun, intimés ; contre Joseph Noyer-Dubouy, habitant à Chamalière, appelant ; en présence d'Anne Noyer-Lagarde, avoué au Tribunal civil de Clermont, intimé.
annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1750-Circa An 11
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
45 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0237
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0236
BCU_Factums_G1319
BCU_Factums_G1320
BCU_Factums_G1322
BCU_Factums_G1324
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53736/BCU_Factums_M0237.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chamalières (63075)
Mauzun (63216)
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M
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T R IB U N A L
P O UR
É tie n n e
C O N T R E
E t
L
P R U G N A R D et M
sa femme, Intimés.
J e a n 'B a p t is t e
c o n t r e
A U D
1G 1E
a r ie
DEMURAT,
T
G R A N E T , A p p e llan t.
R f N o ta ir e ,
In te rv e n a n t.
a p rin cip a le q u e s tio n , qui d ivise les p arties , est c e lle de savoir si le
cito y e n G ra n et , qui s ’est m is à la tête de la m aison G en d ra u d en 1 7 6 3 ,
e t en
a
fait toutes les affaires com m e m ari ,
doit la com m unication,
à ses co h éritiers d ’une acqu isition q u ’il a faite ju d iciairem en t p en dan t
l ’instance du partage , com m e pou rsuivan t po u r la s u c c e s s io n , e t sans
bourse d élier.
L es autres questions son t rela tives aux rapports et prélèvem en s à faire
au partage ordonné en tre le s parties , e t sur leq u el i l n ’y a pas de con
testation.
.
P ou r l ’in te llig e n c e de la difficulté p rin cip a le , il est nécessaire de re
m on ter à des f a i t s , antérieurs à l ’ou vertu re des successions d iv isib les.
F
A
I
T
S
.
M ic h e l et autre M ic h e l M e rc ie r , fr è r e s , v iv a n s au m ilieu du d ix-sep
tièm e siècle ,
ach etèren t en com m un un m o u lin app ellé B o tte,
et d eu x
jardins y attenans ; il p aro ît que l ’aîné y am andoit deux cinquièm es , et
l e cadet trois cinquièm es.
C elu i-ci se fit M e û n ie r , re t gard a tou t le m ou lin ; i l
acte de 1659 ,
o b lig e a par un
de donner tà so n frère pour ses deux çinqièm es in d iv is
deux s etiers de b lé et dix sous d ’arg en t par année.
A
d’ a ï p b i
d e r io m
.
�.
.
.
.( 2 )
.
M ic h e l M e r c ie r , aîn é , a vo it laissé deux fils ; L a u r e n t , qui fut C uré e n
D au p h in é ; et M ag d e la in e ,
qui fu t m ariée à L e g e r G en d rau d ,
souche
dç la fa m ille de cujus.
P ou r form er le titre clé ric a l de L au ren t M e r c ie r , M a g d e la in e M e g e , sa
_ m ère , lu i constitua ces deux cinquièm es du m ou lin et ap p a rten an ces., u n
b an c sous la h a lle de R o c h e fo r t, une m aison et ja r d in , un pré et une b u ge.
, L a u ren t M e r c ie r , ren o u vela lu i-m ê m e e n 1692 , a v e c Jean M e r c ie r ,
fils
de M i c h e l, j e u n e , les arrangem ens pris par so n père en 1669 ; e t
i l fit d on ation en 17 2 6 à la fem m e de L e g e r G en d rau d , sa sœ ur ,
die
tout ce qui lu i a vo it été constitué p ar son titre clérica l.
Jean. M ercier,' détem pteur du m o u lin in d ivis éto it alozs d écé d é, laissant
deux enfans , dont A n n e C h a rd o n , sa v e u v e , éto it tutrice. L e g e r G e n
draud
et sa fem m e la firent assigner ,
e n cette q u a lité ,. p o u r p a y e r le»,
arrérages de ferm e des d eu x cinquièm es du m o u lin , Le 26 m ars 17 2 7 .
C e tte poursuite fut suspendue pendant b ien des ann ées ,
ch a n g em en s qui su rvin ren t dans la fa m ille G endraud ,
.
çu p er m ain tenant.
à cause de*
dont il faut s’o c-
>
M ag d e la in e M e g e éto it m orte e n 1 7 3 0 , laissan t u n seul e n fa n t , L a u
ren t G endraud ,
qui fut m arié à A n to in e tte M a lle t ,
et q u i décéda lüi.-
m êm e e n 17 3 5 j L e g e r , son père , n e décéda qu’en 174 2.
L au ren t G endraud et A n to in e tte M a lle t , eu rent trois en fans ; sa v o ir
Jacqu elin e , M a rie et C atherin e y i l n e p a ro ît pas que cette dern ière a it
eu de la postérité.
Jacqu elin e fut m ariée à A n to in e D em u rat ; ils m oururen t peu de tem *
après le u r m ariage , laissant trois enfans ; sa v o ir , A n to in e tte , m ariée à
A n to in e F o u m ïe r 3 M a rie , fem m e P ru g n a rd , intim és s et A n to in e , q u i
est représenté par lesdits Prugnard.
A p rès la m ort d’A n to in e D em u rat et de sa fem m e , A n to in e tte M a lle t,.
h a b i t a n t dans la. m aison de R.ochefort a vec les enfans de sa f i l l e , j; fa iso it
u n p etit com m erce , et v iy o it de ce produit , et de ce lu i des h éritages de
la fa m ille
'
G e n d ra u d , réunis p a r l a d onation de 1 7 2 6 .
M a rie G en d rau d , sa fille , é to it a llé e en co n d itio n ch ez M . de C h a z e r a t*
et ch ez le C., D . m arquis
de L in iè re .
E lle paTtit d elà en 17 5 8 ,
après
a vo ir em prunté tren te lou is du C u isin ier de la m aison pou r fa ire le co iü r
»xerce à R o c h e fo r t , ou sa m ère d eyo it lu i céd er so n m agasin,.
�..
( 3 )
A u s îl- tô t qu’e lle y fût a r r iv é e , v o y a n t dans la m aison de p etites nièce»
•
q u i a vo ien t le m êm e
droit q u ’e lle , e lle a v is a , e n fille
qui a v a it v u
le inonde , aux m oyens de tou rner les choses a son bén éfice exclu sif.
E lle présen ta requête ,
pour n ’habiter la m aison p a te rn elle ,
qu’a v e c la
p erm ission de la justice. E lle répudia le i . er m ars 17^9 à la su ccéssion
de son père ,
et le 3 , e lle se fit co n sen tir p a r sa m ère , m oyen n an t
cin q liv res u n
b a il de la m aison pour
une
an n ée ,
a v e c la
fausse
d éclaration q u ’il n ’y avoit pas d ’autres biens.
M a rie G r a n e t , après toutes
à R o ch efort deux ou trois ans ;
q u elle q u a lité ,
ces précautions , vo u lu t b ie n dem eurer
après c e la ,
e lle a lla , o n n e sait en
dem eurer à C lerm o n t ou à C h am alière ; et c ’est là , que
le 2 i m ars 176 8 , e lle con tracta m ariage a v e c le c ito y e n G r a n e t ,
alor*
c h iru rg ie n .
' 11 est dit dans le co n trat que la future se co n stitu e ses biens e n dot ;
il est dit aussi qu’en cas qu’e lle p r é d é c è d e , le futur g ag n era ses m e u b le s,
tels qu ’ils seront d ésig n és, p ar un acte q u ’ils se p rop osen t de passer en
sem ble ; et la jouissan ce de ses biens présens , d ’un reven u de cinquante
liv re s , à la eh arge de nourrir et entretenir sa m ire i laq u elle , de son
côté , sera tenu de lu i d on n er ses petits travaux et soins ; ce qui p rou ve
déjà que la m ère n e g o u v e m o it pas.
E lle g o u vern a b ien en core m oin s , quand le cito yen G ra n e t fut étab li
dans la m aison. 11 n ’éto it pas attiré à R o ch efort pour l ’ex ercice de son
é t a t , puisqu’il le
quitta bien tôt pour
en trer dans la g ab elle. M a is il j
a v o i t là une m aison , u n p e tit c o m m e rce , des im m eubles et des créances ;
c ’étoit de quoi com m en cer une fo rtu n e , ou tro u ver du m oins son existen ce.
11 a été dit plus h a u t , que J ea n M e r c ie r , détem pteur du m ou lin B o tte ,
a v o it laissé deux e n fa n s, appellés A n to in e et L o u is ; A n to in e étoit m ort
lors du m ariage de G ra n et , laissan t aussi d eu x enfans ; s a v o ir , A n to in e
et M ag d e la in e.
L e citoyen G r a n e t , e n son n o m et celu i de sa fe m m e , sans s’o c c u p e r
de* enfans D e m u r a t, fit a s s ig n e r, le 14 juin 176 6 lesdits enfans de Jean
M e rc ie r , en reprise de l ’ex p lo it du 26 m ars 17 2 7 . Ils ren o n cèren t a la
•u ccession de le u r pere.
•
A u m oyen de cette ré p u d ia tio n , la succession de Jean M e rc ie r n ’étant
o ccu p ée par Aucun t s d iv id u de la branche de M ic h e l; jeu n e , son p^re }
A. 2
�’
toute la lig n e étant décédée ,
.
excep té
. .
le s deux r e n o n ç a i s , il est clair
que les biens de cette lig n e re v e n o ie n t de d roit à la b ra n ch e de M i c h e l ,
aine , et que la créan ce se con fon doit dans la succession. M ais ce n ’éto it
pas le com pte du cito y en -G ra n et. Il aim a m ie u x supposer la su ccessio n
vacan te ; il y fit nom m er un curatcur.
i l co n clu t con tre ce
curateur , à la rep rise du m êm e e x p lo it de 17 2 7 ,
conten an t-dem an de des arrérages du blé dû pour la ferm e des deux c in
quièm es du m ou lin Botte , et au partage dudit m ou lin et jardin.. Ge* co n
clusions furent adjugées , par sen ten ce du 3 septem bre 1767..
C ette sentence ordonna le partage du m o u lin , p erm it au cito y en G ra n e t
et à sa fem m e de se m ettre en possession du m ou lin et autres im m e u b le s,,
jusqu’à ¿extinction de leurs créanecs
*
ou de faire vend re s u r placard..
L o rsq u ’il fallu t faire exécuter cette sentence , le
cito yen G ra n e t s ’ap-
perçu t que le sieur de Chabanes-de-G urton , G. D . se ign eu r de R o ch efort,
éto it en possession
de tous les im m eubles de la branch e de J ea n M e r
cier , à titre d ’acquisition de L ou is M e rc ie r , ou par hypothèque. Il le fit
assigner en 1 7 6 8 , toujours com m e m a r i , d ’abord en d éclaration .d’h yp o
thèque ; s u r , i . ° un pré à faire sep t chards de foin ; 2 .° un pré de tro is
ch a rd s.; 3 .° u n 'ja r d in d ’une quartelée ; 4 .0 u n e terre de trois septérées.
E n su ite il ch a n g ea ses con clu sion s , et d e m a n d a , o n n e 's a i t p o u r q u o i,
le partage co n tre lu i en 176 9.
U n e sentence de là sé n é ch a u isé e , du 6 se p te m b re , adjugea' ces dernières,
co n clu sio n s ,' ordonna le partage d es'bien s de J ea n M e rc ie r , pour en êtredélaissé un sixièm e au sieu r de C u rton , com m e acquéreur de L o u is M e r
c ie r ;. et cinq sixièm es au cito y e n G ra n et e t sa fem m e a vec restitu tion
de jouissan ces depuis
176 3.
L e sieur de Curton in terjetta
firm ée por arrêt de
des
qui fut co n
17 7 7 . D es experts, lui attribuèrent l ’article quatre de'
la dem ande de 17G8 ,
tio n
appel de cette sen ten ce ,
et le surplus aux G ran et. Ils fixèrent la restitu
jou issan ces, depuis 175 9 jusqu ’à 17 7 8 , à
1,4 2 5 liv .
L e cito y en G ran et reçu t ces 1,4 25 liv re s , sur lesqu elles i l 1 déduisit , à
q u ’il d i t , 56 y liv . de cens. Il reçu t aussi le m ontant des frais de R io m
e t du Parlem ent.
’ A p rès-a v o ir "ainsi term iné a v e c l e f sieur de C u rfo n , il' rep rit ses dilirgônees contre le curateur, de là sùccessiou M ir c i e r ; _fit liq u id e r le 4 avril'
�( 5 )
1780 , le s arrérages de jouissances du m ou lin B o tte , ju squ ’à 1 7 2 7 , seu
le m e n t à 408 liv . i 3 sous
6 deniers ; e t o btin t un exécu toire de dépens
de 246 liv . 18 s. 4 dcn.
L e cito y en G ran et dut se m ettre en possession en
ijj
Q. C ar on v o lt
sur l ’expéd ition de la sentence d’h o m o logatio n du rapport ,
que M . dâ
C u rto n n e paya les jouissances que jusqu ’en 1778 ; l ’é v ic tio n éto it p o u r
su iv ie et obtenue par G ran et > c ’est donc lu i qui se m it en possession alors.
C e p e n d a n t, le 6 ju in 1 7 8 0 ,
il fit saisir sur placard ,
de sa fem m e et la sien n e , sur le
son et un jardin jo ig n a n t ,
à la requête
cu rateu r ; i . ° une m azure de m ai
d ’une quartonnée ;
2.0 ,
3 .°
et 4 .0 les
deux prés e t le jardin ou ch en evière , m en tion n és en l ’e x p lo it de 1768 ,
5 .° une terre d’ une ém inée , sise au terro ir de la croix-p en d u e 5 G.° u n e
terre d ’une ém in ée , si*e à g rig n o l.
Le
3o août 1 7 8 0 ,
ces héritages
^
fu ren t adjugés , au sieu r A c h o n >
p rocu reu r des poursuivons-, m o y en n a n t i,2 o o liv re s ,
qui d em eu rero n t,
(
est-il d i t , en tre les m ains de l ’ad ju d icataire, à compte de • SES' créances*
L e sieu r A c h o n lit,sa d éclaratio n de m ieu x , et dit qu e'son ,.m ieux éto it
le cito y en G ra n et
..
„
. ..
•
-
,
.
L e cito yen G ra n et prit possession le 27 se p te m b re , tan t en. son rtom ',:
qu’en qualité de mari de A larie Gendraud , sa fem m e , de lui autorisée. Il1
r é p é t a q u e les h éritages lu i avo ien t été adjugés pour j,2 o o l i v . , à com p te
dé SES créances.
'
O n s ’étonne , sans doute , de n e plus entendre p arler dans .cette lo n g u e
procédure des deux cinquièm es du m ou lin B otte et des deux jardins. L e
sieu r de C u rto n a vo it vend u ces objets', à ce qu’il p a ro it, au, nom m é L a s s a la s , et le cito y en G ra n et a v o it fait assigner ce d ern ier en. d ésistem en t, ’
le 14 juin 1766*
•
.
Sans doute , il éto it n atu rel de faire effectuer ce désistem ent , en m êm e
tem s que celu i du sieu r de C u r to n , ;le succès en auroit été encore plus*
sûr. M a is les cio yen s G ra n et pen sant que leu rs cohéritiers p erd raien t la
trace de cet. o b je t , a vo ien t traité pour leu r com pte avec L a s sa la s, le
ju in 17 7 8 ,
et lu i a vo ien t cédé leurs
droits sur le m ou lin et jardini
attenant. D e sorte què v o ilà un o b je t perdu peu t-être par la p rescrip
tio n et par le u r faute , avec les jouissances depuis. 17 2 7 jusqu ’à p résent. '
Te^le é t o it la
m anière d’adm inistrer, des citoyen s G r a n e t ,
/
o u b lia n t
�. . . .
toujours qu ’iU a v a ien t
Ils a vo ien t
des
( « )
c o h é r itie r s , et qu’ils é to ien t
leurs
comptables^
en co re en 1768 assigné un nom m é A n n e t G irau d , en dé
sistem ent d’une ch en ev ière , ap p elée c h a m p m ia le t, a v ec restitution de
jouissan ces. Ils traitèren t a v ec l u i , le m êm e jo u r 16 ju in 1 7 7 8 . R en tra n t
dans la c h e n e v iè r e , ils reçu ren t 18 liv . pour frais , mai® firent g râ ce de
toutes les jou issan ces , pour raisons à eux connues.
P en d an t ces diverses p ro c é d u re s, le cito y en G r a n e t , d even u capitaine
de g a b e ll e ,
éto it a llé a v e c sa fam ille dem eurer à E b re u il ,
m ais il j
iivo it em porté les m archandises , et sur-tout les papiers.
P ru gnard et sa fem m e se disposoient d’assigner les citoyen s G ra n e t en
p a rta ge , lorsque ceu x-ci im agin èren t de les p ré v e n ir , pou r se ren d re plu*
fa v o ra b le s: ils form èren t eux-m êm es la dem ande en partage con tre les P ru
gn ard , en 177 6 .
L a fem m e G ran et décéda e n 1780 , laissant une fille unique j al or«
G ra n et reprit la d em a n d e, com m e lé g itim e adm inistrateur , e n la sén é
ch a u ssée', où le procès fut appointé.
L e s P rugnard "dirent p o u r défenses , qüe b ien lo in de contester le p ar
tage ,
ils y co n clu o ien t eu x-m êm es ^ m ais que G r a n e t s'é ta n t femparé de
to u t, le u r d evo it le rapport du m o b ilie r , su iva n t l ’ in v e n ta ire , et les jou is
sance* , à dire d’expert* ; que , s ’il éto it de b o n n e foi , il n ’avoit q u ’à dé
cla rer ce qu’il avo it p r is , et qu’il n ’y aurait plus de procès : ils co n clu ren t
aussi à u n e p rovisio n .
'
G ra n et refusant toujours de s ’e x p liq u e r ,
fut si lon g-tem s à prod u ire ,
qu ’ il laissa rendre par fo r c lu s io n , le 2 ju ille t 178 8 , la sen ten ce dont est
a p p e l, qui ordonne le partage des successions ,
de L e g e r G e n d ra u d , M a -
g d ela in é M e rc ie r et L au ren t Gertdraud , auquel G ra n et rapportera le m o
b ilie r et jouissances , y fera procéder dans le m o is ; s in o n , et en cas d ’ap
p e l , il est fait p rovisio n aux P ru gn ard de 2oo liv .
L e cito yen G ra n et in terjetta appel au P arlem ent. Dan$ ses g riefe du
l 3 d écem bre 17^ 4
1
se defendoit de d evo ir n i m o b ilie r , n i jo u issan ces t
en disant que sa b e lle-m ere s’éto it em parée de tout ; et à l ’égard de la
créan ce M e rc ie r ,
i l re c o n n o is s o it, q u ’ayant a gi pour la » u ccessio n , il
fera it le rapport des bien s adjugés en 1730 ; et il offrait ce r a p p o r t , à
la charge d ’être indem nisé, de ses frais et faux-frais.
Il répétoit cette offre dans une requête d u 2o d écem bre , et c o n c l u o i t
lu i-m êm e au partage de ces im m eu bles adjugés.
�( 7 )
D 'ap rè» c t la , si les choses eussen t restées en c e t é t a t , i l n ’y auroit
plus de d ifficu lté en tre les parties sur cet objet m ajeur dans la cause. M a is
u n e m ain infidèle et am ie des p ro c è s, a bâton né , tant dans les griefs que
dans la requête ,. tout ce qui a vo it rapport à cette offre de partage , p o u r y
substituer celle en rapport de i,2 o o l i v . , p rix de l ’adju dication .
Il est aisé de v o ir que les co rrectio n s fu ren t faites , p arce que G ra n et
ch a n g ea n t d ’a vo cat en 178 5 , fut in d u it à croire qu ’il p o u vo it refuser ce
partage. O n n ’osa d ’abord in terca ler dans la co p ie prise en com m u n ica
tio n , q u e l ’offre du partage
du
P R IX des b ien s , p ou r n e rie n effacer ;
et on fu t o b lig é , par u n e requête
du 18 juin 178 5 ,. de rectifier ces p ré
tendues c o n c lu s io n s , e n offrant la totalité de la créan ce M e rc ie r , au
lie u de
i , 2 oo l i v .
'
G ra n et produisit p a r cette m êm e requête u ne
tra n sa ctio n , du 9 ju in
178 2 , de laq u elle il résu ltait que les F o u r n ie r , co h éritiers de P ru g n a rd
a vo ien t traités
avec
lu i pour
la
quitte de leu r portion po u r 600 liv . ;
le s dires
pas
créan ce
M e rc ie r ,
l ’a vo ien t
ten u
et lu i avo ien t laissé in sérer dans
de l ’acte tou t ce q u ’il lu i a v o it p lu ,
pou r p rou ver qu’il n ’é to it
débiteur. IL e n in d u iso it que le s P ru gn ard
d evo ien t
adopter
cette
tran sactio n .
L es P ru gn ard rép o n d iren t p ar une é c r itu r e , du 7 septem bre 178 5 , q u e
cette transaction leu r étoit étran gère ; et n e co n n oissan t dans la créan ce
M e r c ie r , que ce qu ’ils en a vo ie n t lu dans l'é c ritu re de G r a n e t , ils so u tin
re n t qu’ayant poursuivi une créan ce com m une ,
il d evo it le rapport e n
nature des biens qu’il avo it retirés.
L e procès s’est co n tin u é au P arlem en t jusqu’en 1 7 8 8 , «ans beaucoup plu*
¿ ’e x p li c a t i o n
sur le m ode du p artage. E n l ’a n
2,
G ra n et a vendu les
deux pré* provenans du placard au cito y e n A u d ig ie r , m o yen n a n t 1,70 0 l i v . ,
a v ec ch arg e de payer aux P rugnard le u r p o rtio n de la créan ce M e rc ie r ;
« Et
attendu ,
a -t-il dit , qu ’il y a co ntestation
pou r raison
de cettft'
» créa n ce et autres prétentions ; l e d i t G ra n et su bro ge A u d i g i e r , tant à
» l ’effet du procès., qu’à tous les droits en rcsultans pour lu i j A u d ig ie r est
» chargé d ’en reprendre le s poursuites, et de faire p r o n o n c e r sur le tou t» ..
P ru gn ard qui ig n o ro it cette cession litig ie u se a repris le procès en ce'
t r ib u n a l, le 10 flo réal an 9 *, co n tre le cito yen G ra n et ,■com m e usufrui
tie r seu lem en t * attendu, le décès de *a fiUer
�...
, ..
..
A u d ig ie r est in te rv e n u le
( « )
................................................
23 plu viôse an u , et fidèle au p lan
ûq
v a cilla tio n qu’ il a trouvé dans la procédure de P a r ia , il a com m encé p a ï
dire q u ’il d evoit le tiers de la créance M e rc ie r , m ontant à
l3
sous , sur quoi il a vo it à se reten ir ;
i.°
1,4 6 6 liv ,
pour frais et faux-iraU
Soo liv . ; 2 .° pour une créance payée à u n nom m é E p in erd 240 livre# }
3 .° pour réparation 1 1 6 liv . ; 4 .0 pour la provision 2oo l i v . ; total des
retenu es 1 ,1 5 6 liv . ; de sorte q u ’il con sen toit de p ayer le
tiers du sur
p lu s , a vec les intérêts.
et par une requête , du 5
M a is bientôt il a trouvé qu’il o ffroit trop ;
g erm in a l an 11 ,
il a dit qu’au lie u de 1,4 5 6 liv . , il n e d evoit que le*
408 l i v . , portées par laliq u id a tio n de 17 8 0 , a vec les intérêts depuis 17805
su bsidiairem ent en suite
i l a offert 1,200 liv . ; enfin il a dit que si cette
dim inution étoit ad o p tée, i l consentoit de ne déduire que 2 oo liv . au lie u
de 5 oo liv . sur les fau x-frais.
'
D ès qu’A u d ig iè r paroissoit se m êler de tout , il n e sem bloit pas que le
cito y en G ran et eût à s’ingérer davantage dans ce débat ; cependant il e3t
ve n u a son tour , dans une écriture , du 4 fr u c tid o r , faire de n o u veau x
calcu ls , qu’on n e répétera p a s , de peur d ’a ch ever de rendre cette partie
de la cause com pliquée e t obsçure 3 car il dim inue en core sur A u d ig ie r ,
a v e c leq u el il collude.
Il étab lit un systèm e n o u veau pou r lui-m êm e. Q uan t
au com pte des
jouissances , il dit , pour la prem ière f o i s , après .28 ans de p r o c è s , que
c ’est A n to in e D em u rat qui a tout géré dans la m aison G endraud. Il ex
p liq u e divers prélèvem en s à faire de sa part. T e l est le dernier état de la
procédure.
t
M
O
Y
E
N
S
.
Il n ’y a pas de difficulté sur le partage en lui-m êm e ; il n ’y en a que
sur les raports a faire , et peu im porte q u ’ils soien t faits par le citoyen
G r a n e t , ou par le cito y e n A u d ig ie r , qui n ’avo it que faire de ve n ir se
m êler dans une caus# déjà assez em barrassée, pour qu’il n e fût pas besoin
d’y m u ltip lier les procédures. Q u o iqu ’il en soit , les intim és s’occu peron t
de fixer les rapports qui d oiven t être faits au partage , et après c ela ,
d ’en d éterm iner la form e. A i n s i , la discussion se réduit aux
question*
suivantes. i.° Le» citoyen s G ran et 'et A u d ig ier d oiven t-ils le rapp ort de*
biens
�bien s p r e v e n a tii
des
m
_
M o reier ? a .q S u b s id îa ire m e n t, q u el rapp ort d a -
v ro ien M la / relativem en t à cette créa n ce ? 3 .° G ra n e t d o it-il le rapport
du m o b ilie r et dea jouissances f 4 -° Q uels p rélèvem en s gont dus à G ra n e t
et A u d ig iç r ? 5 .Q Q u elle doit ê t r e , d’après le s ex p licatio n s ci-dessus , la
form e du partage ?
6°. Q u i doit les dépens ?
I.°
Granet et A u d ig ier, doivent-ils le rapport des biens venus des M ercier .*
C ette question dépend m oins du d roit rig o u reu x , que du fait et de»
circon stan ces.
L a dem ande en partage éto it pendante depuis 4 a n s , lorsq ue les citoyen s
G r a n e t firen t saisir les biens sur le curateur.
1
A lo r s l ’effet de la sen ten ce de 1 7 6 y , qui o rd o n n o itle partage du m o u lin
B o tte , et perm ettoit de se m ettre en possession des bien s M e r c ie r , éto it
un accessoire in séparable de la dem ande en p a rta g e . L e s condam nations
obtenu es , éto ien t tout à la fois u ne ch ose h éréd itaire ,
de la ju stice.
et sous la m ain
•
•
A in s i , de m êm e que le co h éritier 11e peu t ven d re u ne p o rtio n de la
su ccession in d ivise , si ce
pendente , pars rei communis ,
aussi ,
et
p a r parité
n ’est antè intentatum ju d iciu m ;
cceteris invilis ,
alienari
eo enim
nequit. D e m êm e *-2 .e t3 .C 0 r .
de droit , un co h éritier ne p eu t faire sa co n d i
tio n m eilleu re aux dépens de la ch ose com m une ,
profit seul , l ’effet d’une
en détournant
sen ten ce lu cra tiv e pour la succession .
Com. d iv id ,
à son
'
O n n e peut pas o b jecter que les biens M e r c ie r , autres que le m o u lin ,
n ’éto ien t q u ’ une sim p le hypothèque dans la su ccession G endraud ; quand
ce la s e r o i t , l ’hypothèque n ’en tom boit pas m oins dans la m asse com m une
et d iv isib le , su ivan t le texte de la lo i : Pignori res data in fam ilial erctscundce ju d iciu m venit. E n g én éra l , tout ce qui a pour o rig in e la succès- ^
sion ,
en tre dans le partage. Res haredïlariœ omnes ; sivè in ipsâ hære-
ditate inventer sint ; s i r k
M a is
e jv s
occasion e
a c
QUISITÆ.
que répondra le cito y e n G ra n et à la circon stan ce im portan te ;
que par la répudiation de» enfans d ’A n to in e M e r c ie r , et par la d éfaillan ce
de toute la lig n e de M ic h e l M e r c ie r , je u n e , les seuls h éritiers du san g
éto ie n t
le# G e n d r a u d ,
déscendan*
de M iç h e l
M e rc ie r / a î n é ,
B
in-
• 1 9 * f£ fara.
crise.
�.
.
( 10 )
>diqués par la lo i , com m e su ccessibles par la rè g le de la représen tation .
C o m m en t donc adopter qu’un protuteur ait abusé
de la m ain - m ise
gén érale qu ’il a v o it faite sur la su ccession com m une , au po in t de faire
m ettre en ven te jud iciaire , sans nécessité , des h éritages advenus à cette
su ccession , pour les acquérir lu i-m ém e à v il prix ?
L a justice m ain tien d ra-t-elle cette opération frauduleuse , d ’un hom m e
qui d evo it g ére r de bonne fo i,p o u r t o u s , et qui n e p o u vo it rie n dénaturer ?
L e cito yen A u d ig ie r , se p révau t d ’ une co n su ltatio n de jurisconsulte*
estim és , auxquels il n ’a
m ais
eu garde de soum ettre les pièces du procès ,
seulem en t un m ém oire à co n su lter , où il a posé la question lu i-
m êm e : C ’étoit de savoir , si en g én éra l le m ari qui a ch è te .a v e c les de
niers de sa fem m e
a ach eté uxoris nomine', ou-pour lu i-m ê m t. M a is rce
n ’estpas-là la difficulté , et J.e cito y en A u d ig ie r n ’a pas obtenu u ne solu
tio n pour la cause.
.
•
'
Il seroit peu t-être difficile de fo rcer le cito y en G rà n e t à don ner com
m u n ication
d ’une acquisition qu’il auroit faite , m êm e avec les deniers
co m m u n s,
si . cette acqu isition avo it été faite expressém ent pour
son
com pte particu lier , et d ’un objet tout-à-fait étran ger , et indépendant de
la succession com m une.
.>
‘ '
M a is , c ’est au nom de la su ccession ,
qu’ il pou rsuivoit la
"
'
.
r
et pour une dette com m une ,
v e n te jud iciaire ; c ’est com m e
protuteur ,
ou au
m o in s . negotiorum gestor , qu ’il a cond u it la! p rocédu re jusqu ’à exprop ria
tio n ; ¡et q u ’il a fait adju ger les im m eubles au p rocureu r des poursuivans ,
et par suite à lu i-m êm e j en cette qualité.
C e qu’il a- fait adjuger , éto ien t des im m eubles
de la su ccession G e n
d ra u d , pour laq u elle il auroit pu s’en m ettre en p o ssession , soit à titre
d ’h éritier , soit d’apres la sen ten ce de 1 7 6 7 .
Il
en
éto it réellem en t en
possession lu i- m ê m e , d ’après la sen ten ce du 10 d écem bre 177 8 ; e t la
su ccession
y auroit trouvé un g ag e suffisant , n o n seulem en t des a rré
rages du m ou lin , antérieurs à 1 7 2 7 , auxquels il lu i a p lu de s ’en t e a i r ,
m ais en co re des arrérages échus , depuis 17 2 7 , jusqu’en 1780 , qu’il a
m ieu x aim é p aroître abandonner po u r son avantage p articu lier.
Cent. 3 : cii.jt.
C e p e n d a n t,
com m e dit L ep rêtre , l ’on tie n t pour m axim e au palais ,
que ce que l ’un des c o h é ritie rs, retire ou achète , qui a été dépendant de 1*
succession c o m m u n e ,
/
b ie n que ce soit en son n o m p a r tic u lte r , peu t être
�. .
( ” .)
néunmoins réclamé p w tous les autres cohéritier
commun, en le remboursant. r
*, pour être partagé
.
en
'
.
T e l est aussi le vceu de la lo i, Coheredes debent inter se communicare l . rg.fjf.familcommoda et
incommoda. E t c ’est le devoir du ju ge ,
d it-e lle ailleu rs , de
W1C*
v e ille r à ce qu’un co h éritier ne fasse pas seul ça co n d itio n m eilleu re a vec
le s
deniers co irm u n s : Prospiceredcbet ju d e x ut quod unus exhœredibus ex re -
hœreditariâ p ercep it, stipulatusye est , ncn ad ejus solius lucrum pertineat.
Ces p rin cip es n e son t n u llem en t in com p atibles avec ceu x rapp elés dans
la consu ltation du cito yen A u d ig ier. L e tuteur peut ach e te r en justice le s
biens du pu pile , o u i , c e la est quelquefois v ra i ; m ais il n ’a pas poursuivi la
v e n te po u r ach eter ; e lle a été au con traire p o u rsuivie contre lu i ; m a is
il
a fa llu , avan t d ’exprop rier , que la nécessité de vendre fût c o n s ta té e ,
et qu’il n ’y eût pas d ’autre vo ie de lib éra tio n . Ici ,
G ra n e t p o u vo it se
m ettre en p o sse ssio n , il auroit co n servé un g a g e suffisant pour répondre
d ’une créance qui n ’est co u verte q u ’en u ne fo ib le partie.
L e m ari , peut ach eter pou r lu i-m êm e a vec les deniers d o ta u x , sans que
la ven te soit pou r sa fem m e , cela est vrai en core en g én éra l ; m a is, c ’est
q u ’il est le seul m aître de la d o t ,
a v e c laq u elle il a fait l ’a cq u isitio n , et
le citoyen G ra n et n ’étoit pas le seul m aître de la créance M e r c ie r , dont
il a pris prétexte pour se faire adjuger.
Il seroit d ifficile , après a vo ir lu la procédure , de p la cer G ra n e t dans
la classe d’un m ari qui achète a vec les deniers dotaux. D ’a b o rd , la dot de
«a fem m e con sistait dans ses droits successifs u n iversels , a vec pou vo ir de
le s rech erch er. E n secon d l i e u , le C ito y en G ra n et a ex écu té ce m a n d a t,
e n faisant les poursuites , co n cu rrem m en t a vec sa fem m e ; ce qui prouve
q u ’il ne consideroit
pas la créan ce M e rc ie r
com m e uniqu em ent m o b i-
lia ire. 11 a. fait faire la saisie aux m em es nom s. Il a eu so in de faire insérer
que l ’adjudicataire retien d ro it le p rix , à com pte de ses créances. E n fin ,
après la ven te , au m om ent de p arler en son nom s e u l , s ’il vou loit que
les
poursuivans et l ’adjudicataire n e fussent pas la m êm e chose ,
p ris possession des biens , tant en son nom ,
fem m e n ’étoit donc pas étran gère à
la ven te ,
il a
qu’en guatite de mari. Sa
puisqu’il l ’a cru e partie
nécessaire à la tradition.
O n pou rroit donc dire avec fondem ent que le cito y e n G ra n et a vou lu
ach eter pour la succession , ou dum oins uxoris nomine. Car dans le ca3
xnûme où la lo i dit en g én éra l que le m ari n ’acquiert pas pour U fem m e ,
ifcid.
'
�( 12 )
t . Penult. G . * 116 dit 3U3si qu,il
■
^u e ,la
Cotn. utr, jud, tra& ta fu erit possession
C ’est en sem b lable espèce ,
>
trad it’l o n ait été faite à lu i-m êm e . S i ei
que C o ch in argum ente de la qualité prise
n.pla^d. pa r l e m a r i J ans ie3 poursuites , à la vérité d ’une licita tio n . M ais ce qu’il
•
dit es; trop rela tif a la cause , pour l ’om ettre. « S i le m ari se rend adjudi—
y cata,ire, on ne peu t pas dire que ce soit à lui p erso n n elle m en t que l ’adjudi'
» cation est faite ; il ne ch inât pas de qualité au moment de l ’adjudication, ;
» et com m e jusqu es-lk il n ’a procédé q u ’en qualité de m a r i , ot pour fa ire
» valoir les droits de sa fem m e ; de m êm e ,
dans l ’adjudication , ce n ’est
» que pour elle q u ’il se rend adjudicataire ».
A u reste , le cito yen G ra n e t, après avo ir si b ien exp liqué en q u elle qua
lité il s ’é to it rendu adjudicataire , a vo it d on n é une exp licatio n p lu s p o sitive
e n co re dans ses g r ie fs , et sa requête , des 18 et 2e> décem bre 1784. Il se
ren d o it justice ,
en
offrant le
partage ,
il y co n clu o it lui-m êm e. F a u -
d ro it-il donc que des coh éritiers , qui o n t eu un protuteur dans sa per
son n e , et qui n ’ont jam ais eu ni pu avo ir un seul p ap ier de la su cces
sio n , fussent victim es
d’une infidélité , qui
a em pêché les parties de
s ’accorder sur le point p rin cip a l. L es in terlig n es ajoutées n e sont pas de
la m êm e plum e. O n lit e n co re dans
cito y en G r a n e t ,
ce
qui a été bâton né ,
l ’aveu du
qu ’ il a acquis pour sa fem m e e t ses coh éritiers un b ien
de leu r fam ille , et qu’il
en
doit la com m u n ication , m oyen n an t ses
reprises. E n fin , si G ra n e t n ’avoit pas acquis pour ses co h éritiers , il au ro it au m oins, d ’après sa prise de p o ssessio n , acquis pour sa fem m e. A lo r s
le pis a lle r pour les intim és sero it d’attendre son d é c è s, puisqu’il est usu
fruitier. M ais il est cla ir que le
cito y en G ra n e t ,
doit la com m un ication
de ce qu ’il a a cq u is, parce que les lois n e v e u le n t pas q u ’il se soit en rich i
aux dépens de ses cohéritiers , avec une créan ce com m une , dont il s ’éto it
em paré seul ; il la d o it , parce que c ’est à tort qu’il a regardé la succession
c o m m e
vacante ; lu i qui étant de la fa m ille, ne peu t s ’autoriser du p rétexte
de sa bonn e f o i , com m e un étran ger ;
il la d o i t , parce qu’il n ’a
m êm e entendu acheter en son nom seu l j
pas
il la doit enfin , parce qu ’il
l ’avoit offerte lu i-m êm e.
I I.°
Quels rapports devroit le citoyen G ra n et, hors les biens-fonds des M ercier ,
'
S’il
et pour en tenir lieu.
fa llo it décider cette
question subsidiaire > p ar les proposition»
�( 18 )
qu ’ont faites les adversaires , il n ’y auroit certain em en t
rien de
p lus
difficile , car ils n e son t pas d’accord en tr’ eux à ce t égard ; b ien plus , ils
n e le sont pas , chacun a vec lui-m êm e.
G ra n et offroit le prix de l ’adjudication en 17 8 4 ; puis la cré a n ce M e r
cie r en 178 5. Il a revu et corrigé tout cela en l ’an 1 1 .
A u d ig ie r o ffroit d ’abord un tiers de 1 , 4 5 6 liv . ,
a vec l ’in térêt d epuis
1 7 2 7 . Ensuite il offre le tiers de 408 liv . , a vec l ’in térêt depuis 178 0 . E t
le
cito y en G ra n et , charm é de cette d im in u tion est ve n u par delà e x p li
qu er qu’il ne fa llo it paver que deux neuvièm es au lie u d ’un tiers.
A quoi donc s’en ten ir dans cet em barras ? à rien de ce qui est p rop osé.
Q u ’éto it G ra n et dans la fam ille G en draud , un p r o tu te u r , s>ans doute»
il éto it m ajeur au
décès du père de la fem m e P ru gn ard , c e lle ci étoit
a lo rs au berceau ; G ra n et s ’e3t em paré des bien s P ru gnard et D em u rat ;
•1
,
.
„
,
. L. 1 j C. </e to
11 n a donc pu jouir que com m e protuteur. C a r , pro tutore gerit qui qui p [utt
r0
munere tutoris fu n gitur in re impuberis , siv'e se putet tutorem , sivè non esse i
Jîngit tamen esse.
M a is si G ra n et n ’éto it pas p r o tu te u r , il n e contestera pas au m oins
q u ’il ne fût v is-à -vis de la fem m e P ru gnard , negotiorum gestor.
L .y . de negot.
L es procès M e rc ie r , de C u rton et autres ; les traités d e 1 7 7 8 , n e p e r-
Vc,t‘
m etten t pas d’en douter. A in s i abrégeon s la discussion à cet égard.
O r , le negotiorum gestor est com ptable de la faute lé g è re e t d’une ex a c
titude scrupuleuse. Spondet solertiam et exactissimam diligenliam.
V oyons
s ’il a tenu cet en gagem en t.
cont. natc.
L e cito yen G ra n et s ’étant em paré des poursuites de 17 2 7 , a fait rendre
en
17 6 7 une sen ten ce
qui ord o n n o it un p a r ta g e , et condam n oit à des
arrérages de ferm e , antérieurs à
17 2 7 .
M a is pourquoi n e co n clu o it-il pas
aux arrérages échus jusqu’à 176 7 ?
Pourquoi en 1 7 8 0 , en reprenant ses poursuites , n e co n clu o it-il pas aux
arrérages postérieurs ; il n e d evoit pas crain dre la prescription , il l ’a vo it
r e le v é e en 1 7 6 7 .
A in s i , il a fait tort à la su ccession com m une de ces arrérages.
D iro it-il que c ’éto it la mCme ch o se de faire ordonner le p artage du
m ou lin ; m ais ici plus grande n é g lig e n c e , et m êm e in fid élité. C a r au lie u
d ’y faire procéder depuis 1 7 6 7 , il a vendu ses droits p erso n n els ,
et a
laissé prescrire la portion de ses coh éritiers 5 dem eurant n éan m o in s n an ti
de tous le s titres et diligence».
�C 14')
t
,
après a vo ir dem andé un désistem en t au sieur da
P ourquoi en core ,
C u rto n , a -t-il ch a n g é ses co n clu sio n s pour se born er t\ un partage ? II
co n sen to it de lu i laisser la p o rtio n acquise de L o u is M e rc ie r j
m ais c ’é -
to it-là culpa lata. C a r l ’hypothèque des G en d rau d éto it assise sur les b ien 9
de l ’a ïe u l et du père de L o u is M e r c ie r , depuis
A in si , lou is M e r
c ie r n ’avo it pas pu ven d re sa portion h éréd itaire franch e d ’h ypoth èqu e j
pas plu s que
de C u rto n ,
le surplus des b ie n s , dont cep end an t o n é v in ç o it le sieur
à cause de la m êm e hypothèque.
C ette dem ande en partage , n ’é to it-e lle pas elle -m ê m e un e x e rc ic e de 9
d roits successifs des M e rc ie r , à cause des répudiations. Q u o iq u ’il en s o i t ,
par l ’effet du partage demandé par G r a n e t , il a perdu deux septérées et de
m ie de
terre , plue les jouissances
en core u ne
depuis
176 9 jusqu’à p résent. V o ilà
d édu ction co n sid érable dans le g a g e d ’une créan ce , que le*
adversaires cependan t disputent
à qui m ieux m ie u x ,
s ’ils
d oiven t la
réduire au tiers , ou aux deux neuvièm es de 408 liv . en p r in c ip a l,
saujf
en core des dim inutions exagérées et rid icu les.
Sans d o u te , le cito y en G ra n et n e préténd pas , de b o n n e fo i, avo ir traité
de tous ce3 droits ou créances à sa guise et à sa plus gran d e u tilité , et
cependan t
d ’en être quitte aujaurd’h ui pour d ir e , v o ilà les titres ; vous
adopterez ce que j ’ai fait pour v o u s , e t je garderai ce que j ’ai fa it p o u r
m oi ;
cette p réten tion n e sero it pas so u ten able.
11 est juste que ce lu i qui a été Hanti pendant 40 ans de tous le s titre»
d’une
fam ille ,
qui a retardé pendant 27 ans un partage
dem andé lu i- m ê m e ,
qu ’il
avo it
qui s ’est établi au m oins le negoliorum gestor de la
fa m ille , rende en tières les actions héréditaires dont il s’est e m p a ré , jus
tifie au m oins qu’elles
p lo y é
exactissimam
son t dim inuées sans sa faute ,
diligentiam. S in o n ,
de vo u lo ir reten ir pour lui-m êm e
fa m ille P rugnard ,
ou qui
il
seroit
et qu’il y
des b ien s devenus héréditaires
éto ien t au
m oins
le
a em
absurde de sa part
gage
à
la
d ’une créan ce
considérable.
E n fin , pour resum er ce subsidiaire , le cito y e n G ran et doit rapporter au
partage , s ’il retien t les bien s à lu i adjugés ; i . ° les 1,200 l i v . , p rix de
»on adju dicatio n , qu ’il doit aux créanciers , a vec l ’in térêt depui» la ven te*
2 .° la som m e q u ’il a tou chée du sieur de C u r to n ,
le paiem ent.
a v ec l ’intérôt depui*
�C 15 )
V o ilà
d ’abord ce qu’il doit , sans difficulté , p arce qu ’il n e retien t cela
q u e pour le com pte de ses cohéritiers.
E n second lieu , il doit le rapport fictif de3 deux cinquièm es du m o u lin ,
et des jouissances depuis 17 2 7 ; faute p ar lu i d ’a vo ir p o u rsu iv i la sen ten ce
de 17 6 7 . (E t c e la , il le doit dans tous les c a s, outre les bien s saisis en 178 0 ).
L a lo i y est expresse. Debet rationem. reddere de eo quod gessit et de eo quoi
rion g e ssit, aut ut non oporluit.
..
I MP VNÉ negotium periturum deserit.
P ar cette sen ten ce , les M e rc ie r éto ien t condam nés au rapport des jou is
san ces depuis 172 7 . A in s i , leurs biens possédés par G ran et d evo ien t ré
p o n d re de cette condam nation.
A lo r s , si le cito yen G ran et n ’é to it pas tenu de ces jou issan ces e lle sm êm es , il
acquis ,
saces ,
C u rton ,
doit représen ter leu r g a g e ,
pour
c ’est-à-d ire , les b ien s par lu i
être hypothéqués à ces condam nations ,
a v ec les jouis-
â com pter de 177 8 ; et en outre , la terre laissée au sieu r de
par le partage fait a v e c lu i en 1 7 7 8 , a v ec les jouissances de
puis 1 7 5 9 , faute d ’avo ir aussi exercé les droits de la succession sur cette
terre , parce qu’e lle étoit hypothéquée aux m êm es créances.
L e cito yen G ra n et doit rapporter aussi les dépens faits en T727 ,
a du faire com prendre dans son exécu toire
Sur ces dem an les
qu’il
du i . er m ai 1760.
en rapp ort , il faut p réve n ir deux objections , que
fera peut-être le cito y en G ra n e t.
i ° . D ir a - t-il , j ’ai obtenu des lettres de ratification sur l ’adjudication
du 3 o août 1780 , donc j ’ài purgé v o tre hypothèque. J e n e dois , d’après
l ’é d it de 1 7 7 1 , que le rapport du p rix de l ’adjudication.
L e s lettres de ratification , il est vra i , p u rgen t les hypothèques à l ’é
g ard de toutes les créances des vendeurs. I c i , le ve n d eu r et
l ’acq u éreu r
son t la m ôm e personne. I c i , celu i qui dem ande l ’extin ction de l ’hypothè
que éto it dépositaire des titres constitutifs de cette m êm e hypothèque. N e
sero it-il donc pas m onstrueux de prétendre qu’il a pu l ’éteindre à son profit.
L e dépôt com m e le g a g e o b lig e celu i qui s ’en ch arge , de le rem ettre
e n nature et sans altération , au m oins de
son fait ; sub îege ejusdem in
Specic restiluenioe. Com m ent donc co n ce v o ir que le cito y e n G ra n et ,
qui
éto it n a n ti en 17 6 7 et 1780 , de tous les titres constitutifs d ’une créan ce»
d evan t prod u ire ce
'L
^
. Qui tamen negotium aliquod suscepit non ntg. gej’t.
qui est dit ci-dessu s', ait le droit d ’étein d re p artie de
cette c r é a n c e , e t néanm oins de reten ir les im m eu bles qui p o u vo ie n t en
�.
(
1 6
,
)
.
re fo n d re , C ’est com m e ei le porteur d ’uno procu ratio n gén érale 80 fa u o ij
u ne o b lig atio n à lu i-m ê m e ,
,
L e cito y en G r a n e t , dépositaire des titres d ’une créan ce de 363 c o h é r i
t i e r s , n ’a pu v a la b lem en t pren d re pen dant son nan tissem ent des lettre»
de ratification ;
e lle s
son t n u lles et de n u l effet à leu r égard ; i l n ’a pu
l ie n in n o v er à leu r é g a rd , en co re m oin s lo cu p k ta r i, eorum dctrimento, II*
d oiven t retro u ver le u r créan ce et l ’hypothèque de cette cré a n ce , au m êm e
état qu’avant, le nan tissem ent du citoyen G ra n et.
,
E n fin , les bien s M e r c ie r é to ien t deven us partie de la su ccession P ru g n a rd ; or le s lettres de ratification n e p u rgeo ien t pas la prop riété.
2 .° Il o b jectera que L assalas est détem pteur du m o u lin B o tte ,
le
et que
p artage n e peut en être ordonné qu ’avec lu i.
M a is le m o u lin est hors la fam ille M e rc ie r depuis 17 6 9 . L a se n ten c e
qui o rd onnoit le partage
est b ie n de 17 6 7 ; m ais e lle n ’est pas rendue
a v ec L assalas , n i le sieur de C u rton. A in s i , L assalas pou rroit opposer la
.prescription . L e cito y en G ra n et savoit b ie n cette o ccu p atio n de Lassalas ,
p u isq u ’il l ’a vo it assigné en 17 6 6 ,
et q u ’il a traité a v ec lu i en 177 8 . Il
é t o it , lors de ce t r a it é , com m e à p ré se n t, n a n ti de la sen ten ce de 1 7 6 7 ; i l
a don c laissé p érir par sa fa u te un effet de la su ccession ; il en est com pta
b le ; d on c il
en
doit le rapport com m e s ’ il e x is to it, sauf à le faire
éch eo ir à son lo t. S’il prétend qu’il n e l ’a pas laissé prescrire , c ’est à
lu i à en p ou rsuivre le reco u v re m e n t 3 et le s in tim és
lu i o ffren t tou te
su b ro gatio n de le u r part.
I I I.°
Qui doit le rapport du mobilier et des Jouissances !
» S i on s ’en rapportoit aussi à ce qu ’a écrit le cito yen G r a n e t, et à un
dossier qu’il a in titu lé « preu ve de l ’in d igen ce d’A n to in ette M a lle t » , il
n e doit rien.
Sa fem m e et sa b e lle-m ère o n t déclaré par plusieurs a c te s, cop iés l ’un
«ur l ’a u tr e , avan t son m a r ia g e , que toute la succession consistoit en u n e
m aison délabrée ; et le citoyen G ra n et rapporte dans le m ê m e dossier u ne
espèce d’enquête à fu tu r, du 3
ju ille t 1 7 8 7 ,
où des tém oins par lu i
m e n d ié s, ae disoient cependan t ferm iers de quelques parcelles d ’héritages.
Il y avo it donc quelque chose. Q uant au m o b ilie r , on y fait dire que les
créancier*
�-
(
l7
)
créan ciers l ’avo len t fait vendve \ m ais pou r év ite r de p lu$ lo n g s débats , le»
in tim és offrent de p rou ver qu’il y avoit notam m ent u n e ju m en t p o il B a y ,
que le cito y en
G ran et a vendue i 5 o francs 3 treize ou quatorze b reb is ,
u n e petite boutique de m ercerie , en v a le u r à peu près de 800 fra n cs, que
le s citoyen s G ran et ont em porté en a llan t dem eu rera E b r e u il; enfin qu’a
près son départ de R o c h e fo r t, le citoyen G ran et y reven an t de tems à
a u tr e , a vendu du m o b ilie r , et notam m ent une arm oire de frên e à deux
battans , au nom m é Joseph H ugon , cordonn ier.
E n v o ilà a sse z, sans doute > pour d ém entir le cito y en G r a n e t; a lo r s ,
com m e un m enteu r ne doit jam ais être c r u , c e la suffira pour faire ordon
n e r la preu ve de la consistance du m ob ilier par com m une renom m ée.
Il en est de m êm e des jouissances. L es intim és offrent aussi de prou ver
que G ra n et se m it en p o ssessio n , aussitôt après son m a r ia g e , de la m aison
de R o ch e fo rt, du jard in en d é p e n d a n t, du banc de la h a lle et de deux ter
res , sises au lie u de Chedias. Il a jou i du to u t, 9oit par lu i-m êm e à R o
c h e fo r t, soit p ar des colon s quand il a été à E b reu il.
L e traité de 1 7 7 8 , fait a vec G ir a u d , p rou ve l ’existen ce d ’une autre t e r r e ,
e t que le cito yen G r a n e t , pendant son séjour à E b r e u il, con tin u oit de
rech erch er et jo u ir ce qu ’il savoit apparten ir à la succession de son b eau père. A cet égard il doit le rapport des jou issan ces, m êm e antérieures à
1 7 7 8 , puisqu’il en a fait rem isé de son a u to rité , et pour raisons à lui
connues.
D e sa p a rt, P rugnard rapportera les jouissan ces depuis l ’an 7 , de deux
t e r r e s , dont il a évin cé la com m une de R o ch efort qui s ’en éto it em parée ;
plus les jouissances de la m aison depuis qu ’il l ’a v e n d u e , car auparavant
il ne s ’en est jam ais m is en possession.
A u reste, si G ran et persiste à n ier ce qui est de son fa it, une preu ve
su ppléera aux raisonnem ens qui p o u rraien t co n v ain cre le t r ib u n a l, qu’un
gen d re n ’éto it pas a llé s’établir à R o c h e fo r t, pour laisser tout entre les
m ains d’une belle-m ère de 6 1 a n $ , r e m a r ié e , et p o u r ne se m ê ler lu i.
m êm e de rien.
.
L e cito yen G ran et a prétendu pour la prem ière fois en l ’an 1 1 , qu ’A n toin e D em urat avoit été l ’adm inistrateur des biens jusqu’en 175^ ; m ais n ’y
a-t-il pas de l ’inconséqueuce à prétendre q u ’A n to in ette M a lle t éto it à la
tête de sa m a is o a , après 1768 , et cependan t qu e lle éto it en quelque sorte
«n tutele ; 5 ans auparavant.
C
�( 18 )
i v.°
Prélèvemens réclames par le citoyen Granet ou par Audigier.
i . ° Ils de.nandent 5 oo fr. pou r le3 fa u x -fra is em ployés dans les p our
suites des procès.
11 est assez bizarre que le cito y en G ra n e t prétende être payé pour des
affaires dont il ne veut pas com m un iquer le bénéfice. Ils offrent le tiers
ou les d eux-neuvièm es d j 408 fr. et ils osent dem ander 5 oo fr. de fauxfrais ; cela est ridicule. A la vé rité ils o n t eu honte eu x-m êm es de leu r
prop osition , et ont réduit hypoth étiquem ent les 5 oo fr. à 2oo fr. ; m ais
d an s'l’ un com m e dans l ’autre cas , et pour év iter les discussions inutiles ,
cet a rticle dépend du sort d ’un autre.
Ou Us seront condam nés à com m uniquer l ’adjudication , ou n on .
D a n s le prem ier c a s , ayant fait
les affaires com m unes , les intim és
o ffrent d ’a llo u er ce qui sera rég lé par le trib u n a l, s ’il y a lieu .
D aus le second c a s , G ran et n ’ayant pas l ’action mandati contraria, n e
peut répéter que ce qui est porté en ta x e ,
et il a eu soin de s ’en faire
payer.
.
L e procureur fondé a b ie n , quand il a agi de bonn e fo i, une action pour
I n s lit oblig,
quœ ex quasi
l ’indem nité de ses faux-frais 5 mais le negoliorum geslor n ’a actio n que pour
cvntracc nasc.
les frais utiles qu’il a faits. Repetit sumplus quos u t i l i t e r f e c i t
,
.
2f.° Ils dem andent 240 fr. pour une créance E pinard : elle n ’est pas éta
b lie ; quand e lle le s e ra , les intim és n e la con testeron t p a s , si e lle est
légitim e .
.
5 .° Ils dem andent 222 fr. p our réparations à la m a iso n ; m ais on ne
p arle que d’un devis estim a tif, et o'n ne rapporte aucune quittance qui éta
b lisse le paiem ent de la som m e ; e lle n ’est don c pas due.
4 .0 Ils dem andent le s 3 oo francs de p rovisio n s ; pas de difficulté.
6 .° G ra n et dem ande i2 o francs payés à Josep h G iro n : on p ou rrait le*
con tester 5 m ais les intim és s ’en rapp ortent a la prudence du tribunal.
6 .° Il parle d ’une dette payée à Battu , d ’après une sen ten ce co n su laire
de 1 7 6 6 , sans cepend an t y co n clu re. Il n ’est donc pas question de la dis
cu ter 5 d ’ailleu rs c ’est une créan ce p e rso n n elle à la fem m e G ra n et j il n e
peut en être question au partage.
/
�( *9 )
V °.
Quelle
*
doit être la forme du partage i
L e s rapports et prélèvem en s étant co n n u s, cette question n ’est plus que
le co rro laire des précédentes.
L a m asse doit être com posée de la m aison et jard in de R o c h e fo rt; 2 .°
des deux te rre s , sises au C liedial ; 3 .° de c e lle retirée de G irau d ; 4 .0 du
b a n c de la h alle ; 5 .° des deux jardins qui ont été retirés de la com m une
de R o c h e fo r t, par les P rugnard ; 6 .° des h érita ge s portés par la sen ten ce
d ’adjudication du 3 o août 1780 , et su bsidiairem en t des rapports à faire
par les citoyen s G ra n et et A u d ig ie r , d’après le §. 2 ci dessus; j . ° du m o b i
lie r de la su ccessio n ; 8.° des jouissances à rapporter par ch acu ne des par
ties , su ivan t qu’ il a été éxpliqué au §. 3 .
D a n s le cas où les deux derniers héritages ,
én on cés en la sen ten ce de
1 7 8 0 , ne feraien t pas double em p loi avec ceu x ci-d essu s, le cito y en G ran et
e n devra aussi le rapport à la m asse , a vec les jouissances 3 car il a déclaré
par un e x p lo it du 16 septem bre 17 8 0 , qu’ils éto ien t de la fa m ille G endraud
e t a vo ien t été com pris m al à propos au placard.
A p rès la m asse ainsi com posée, les adjudicataires p ré lèvero n t ce qui a
été dit au §. 4 , et les Prugnard p rélèvero n t leurs créances au procès con tre
la m u n icipalité de R och efort et autres , s ’il y a lieu .
L e surplus doit être partagé d ’abord en deux portions , dont l ’une de
m eu rera en usufruit a u 'cito y e n G r a n e t ,
son
pour être réunie à l ’a u tr e , après
décès 5 l ’autre form era le lo t de Jacq u elin e G e n d ra u d , et sera sou-
divisée en trois.
D e u x parts de cette so u s-d ivision seront allouées aux P rugnard , tant
pou r eux ,
que com m e représentans A n to in e D e m u ra t; la troisièm e sera
d éla issée, pour form er le lo t de la fem m e F o u r n ie r , sauf au citoyen G ran et
à s’arran ger a v ec e lle , p o u r ce qui co n cern e le résultat de sa transaction
de 1782.
V I.°
, Qui doit les dépens
L e cito y en G ra n et y a été condam né
par la sénéchaussée ; c ’étoit h
�t
2 0
juste titre, Il refusa constam m ent de s 'exp liq u er
n î communiîquer a u c u n e
p ièce , quoiqu’il fût nan ti de tout,
Il a interjetté ap p el ,
ç t n ’a cessé de v a rie r
dans sés m oyen s et se§
co n clu sio n s ; cette incertitude a o ccasio n n é le plus de frais , il doit les
supporter.
S ’il est ju g é qu ’il doive un rapport de m o b ilier et de jouissances , i l
d oit les depens par cela seul , car c ’éto it le m otif unique de son appel.
E n fin , il a jette dans le procès une tie rce partie , qui n ’a in térêt qu’à
p laid er et à contester sans m oyen term e ; car il lu i a v e n d u , et le droit
de p laid er , et ce qui éto it le g a g e de la paix. Ce n ou veau venu a rem p li
sa
tache
et certes , il sero it de la d ern ière in ju stice de reje te r sur la
m asse ce su rcroît de dépens in u tiles et
em barrassans pour la cause.
A u reste , le s dépens sont la p ein e la plus juste de ceu x qui soutien
n e n t de m auvaises contestation s ; et c ’est b ie n la m oindre qu’on puisse
in flig er à celu i qui résiste à un partage ,
depuis
dont la dem ande est form ée
2 7 ans.
C ertes ,
ce n ’est pas le cito y en G ra n et qui m érite de la Faveur dan»
cette cause , c ’est en core m oins le
cito y en A u d ig ie r : ca r c e lu i qui a
vo u lu acheter n o m in ativem en t un p r o c è s , celu i qui s ’est classé parm i ces
ergolabos , litium. redemplores , que la lo i rep rou ve et d écrie , n ’est d ig n e
d ’aucun succès dans ses prétention s , pour peu q u ’e lle s soien t douteuses j
e t sur-tout quand e lle s sont com battues par des considérations d’équité »
qui , de toutes m anières ,
m ériten t la p référen ce.
M A N D E T ,
D E L A P C H I E R ,
Rapporteur
H om m e
de lo i.
D E M A Y , A voué.
—
A
C h ez
M
a r t i n
R
1
O
D É G O U T T E ,
—
—
—
»
M ,
Im p rim eu r-L ibraire ,
la F on tain e des L ig n e s . ( 1804 ).
vis-à-vis
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. Prugnard, Étienne. 1804]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Mandet
Delapchier
Demay
Subject
The topic of the resource
successions
biens dotaux
immeubles
partage
moulins
Description
An account of the resource
Mémoire pour Étienne Prugnard et Marie Demurat, sa femme, Intimés. Contre Jean-Baptiste Granet, Appelant. Et contre Audigier, Notaire, Intervenant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1804
1659-1804
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0239
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0238
BCU_Factums_M0731
BCU_Factums_G1405
BCU_Factums_G1406
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Rochefort-Montagne (63305)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
biens dotaux
immeubles
moulins
partage
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53740/BCU_Factums_M0241.pdf
5c9250f0e87c08d26313a29fa891d3ab
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Text
OBSERVATIONS
P O U R
Y
Les Q U A Y R U T , T H O M A S et V I L L E M A U D , intimés ;
CONTRE
'
, A n t o i n e Q U A Y R U T , appelant.
C iia r l es Q u a y r u t a-t-il été comptable envers A n toin e, M arie et M agdeleine
Q u a y ru t, ses frère et sœurs ?
A n to in e , qui soutient aujourd’hui qu’ il ne l’étoit pas , a dit le contraire deux
fois ; i°. par un exploit du 2 nivôse an ; 2°. par l’exploit même de sa demande.
A u jou rd ’hui il objecte que C h arles, n’ étant pas m ajeur au décès de son père,
n ’ a pas été protuteur ni com ptable , d ’après la jurisprudence d ’un jugem ent
du i nivôse an i o ; que ses sœurs ont reconnu en m ajorité avoir perçu leur por
tion de m obilier à l ’échéance de chaque succession, avoir donné leur consente
ment aux actes passés par C h arles, et avoir joui chaque année en com m u n ;
q u ’ainsi elles ne.peuvent s ’élever contre leur f a i t ; qu’enfin Charles les a ins
truites suffisam m ent lors de leurs cessions de 178 9 et de l ’an 6 .
Ce qu’il y auroit de plus fort dans ces objections seroit la jurisprudence du
tribun al, si elle étoit applicable.
M ais le jugement opposé éloit dans une autre espèce : c’étoient des frères et
sœurs qui avoient habité ensem ble, et il n ’y avoit pas d ’actes faits par un seul
pour tous; il n ’y avoit que la présomption de jouissance exclusive par l’aîn é, à
cause de son âge plus avancé.
Aussi les m otifs du tribunal sont assez précis, pour qu’on ne puisse pas abuser
de sa jurisprudence : « Attendu , est-il d it, qu’ il n’y a pas de preuve de gestion
» exclusive. » L e dernier m otif prouve aussi qu’il ne s ’agissoit que de simple
jouissance.
L e tribunal a si peu entendu fixer pour jurisprudence qu’il falloit etre indiqué
pour tuteur par la coutum e, au moment du décès du père, pour,etre protuteur
et com ptable, qu’il a jugé depuis, le 18 ventôse an 10 , dans la cause des R e y et
R o u g ie r, qu’ un b e a u - h è r e , demeurant dans la m aison, avoit été com ptable
¡envers les frères de sa fem m e, m i n e u r s a u décès du p e re , par cela ;eul qu’étant
m ineurs quand il étoit m ajeur, il ctoit p r é s u m é avoir joui pour eux. L a cession
qu ’ils lui avoient consentie, et même une ratification, ont été déclarées nulles
comme non précédées d ’un compte:
Com m ent donc Antoine Q uayrut a-t-il osé prétendre que, par un renversement
total de la jurisprudence constante et des principes, le tribunal vouloit à l ’avenir
5
3
5
TRIBU!
d
’a
p p
J
de Ridl
�(
2)
adopter cîes actes suspects de frau d e, contre le texte précis des ordonnances cîe
i c) et de 1667 ^
U n 'y a eu diversité d ’opinions que sur la question des dix ans, c o m b a tt u e
entre l’ordonnance de i55() et les m axim es de l’arrêt de 17 0 6 ; m axim es adoptées
par le parlement tant qu’il a régné. L a jurisprudence en est revenue a u x dix
a n s; mais les principes sur l’incapacité des comptables n ’ont reçu aucune atteinte.
Personne ne conteste que la première règle dans les ventes est de savoir ce
q u ’on ven d ; que dans le cas même où la chose vendue étoit distincte, il y avoit
l ’action rescisoire; et que dans le cas où elle n ’étoitpas distincte, comme dans les
droits successifs, il falloit que l ’acheteur et le vendeur eussent fait le jactum relis ,
c ’est-à-dire, que. l’un n ’eût pas su plus que l’ autre ce qu’ il y avoit dans le filet.
H ors de cela il y a fraud e, on n ’en a jam ais d o uté; et ja d is, dans ce c a sr
les cessions faites étoient nulles : aujourd’hui encore le Code civil ne valide que
celles qui sont sans fraude. ( L iv . III, art. C L X X I X . )
Com m ent donc contester de bonne foi que Charles Q uayrut ait été com ptable,
depuis 17 7 8 jusqu’à l’époque des cessions qu’ il s’est fait consentir? tous les actes
écrits de la gestion des affaires sont de son fait.
Com m ent concevoir que ses sœ u rs, et même A ntoine, partie adverse, aient
•joui et géré en com m un, comme on le leur a fait déclarer, lorsque dans tous
•les actes, les traités, les ventes et acquisitions, ori ne voit toujours que Charles
Q uayrut seul ?
,
Veut-on dire que c’étoit pour éviter les frais d'une procuration ? mais les actes
faits dans le lieu même n’en avoient pas besoin ; il falloit appeler les sœ urs, si
on les comptoit pour quelque chose.
Charles Q u ayru t, allant en A n jou acheter les droits de son oncle contre là
succession com m une, étoit chargé de payer 200 francs à ses sœurs : il ne leur
en a jam ais dit un m ot. Il y a là deux procédés d ’infidélité et de fraude.
Il a traité en 178 2 sur la succession personnelle de cet oncle; il n ’ a jam ais
dit à ses sœurs le résultat de ce traité : cela seul annulleroit la cession faite. C a r
com m ent o n t-e lle s pu connoltre la chose vendue, même par approxim ation?
S ’il y a fraude et nullité quant à la succession de l’oncle, il y a nullité pour le
to u t; car 1« vente est pour un seul prix.
D ans la cession de 1789 il n ’a rien dit de la créance M andon (
liv. 14 s. ).
D an s le traité de l ’an G il Fa réduite à 240 francs en principal et intérêts.
Il n ’a parlé dans l’une ni dans l ’autre d’ un traité fait avec les T h om as , en
17 8 8 , portant établissem ent d ’une servitude pour i o francs qu’il a reçus.
L ’inventaire, fait après son décès, m entionne, i°. un échange qu’il a fait en
17 7 8 ; 2°. plusieurs ventes d ’immeubles à son profit; °. une sentence consulaire
par lui obtenue en 17 7 9 ; 4*- une procédure suivie en son nom dans le même
tem ps; 5°. une quittance par lui donnée en 17 8 1 ; G*, u n e obligation de 178G , fie .
Ces actes, connus de 1 adversaire seu l, qui en e st dépositaire, et qui s’est tout
approprié au déccs du frère com m u n, achèvent de prouver tout à la fois que
Charles Quayrut géroit, plaidoit et recevoit se u l, sans que sr>s sœurs fussent
jam ais comptées pour rie n , même dans les procès; ils prouvant rncore que
Charles Q u ayrut, en faisant les affaires de la m aison, les i’aisoit au moins 1resbien pour son com pte, puisqu’il adicloit des im m eubles, même avant sa mur*
55
5
5
�jo rité , tandis que ses sœurs n’ont e u , en se m arian t, que ce qu’il a bien voulu
leur donner. E t qui croira que des filles, généralement plus économes que des
jeunes gen s, n’eussent fait aucune épargne, si elles eussent pris la moindre part
dans les jouissances, le m obilier, les achats, les ventes des bestiau x, etc.?
D ans tous les procès où des cessions étoient attaquées, on n ’a p e u t-ê tre
jam ais réuni autant de preuves écrites d ’une gestion exclusive.
M a is, dit l'adversaire, vous avez reconnu, en m ajorité, avôir joui en commun ,
avoir pris le mobilier à chaque ouverture de succession, avoir consenti à ces actes.
Rem arquons d’abord que si l’acte pèche en lui-même par le défaut d ’un com pte,
toutes les déclarations pèchent aussi. Elles étoient en effet une précaution néces
saire, l ’ouvrage du comptable plutôt que celui du cédant, comme dit Chabrol.
( T o m . i , pag. 4 14 . ) E t avant de m ériter une pleine croyance, le comptable
devoit instruire, et non exiger des déclarations tendantes à la décharge implicite
du compte, pour nous servir des expressions littérales d ’un jugement du tribunal
de cassation, rendu en semblable espèce. ( messidor an > bull. )
Com m ent ici encore, ajouter foi à ces déclarations, lorsqu’ elles sont démentie*
par des faits évid en s, et d'un genre absurde?
Dém enties par les faits. Depuis 17 7 8 jusqu’ aux cessions, on voit Charles dans
tous les actes con n u s, on ne voit pas une seule fois ses sœurs. Charles stipuloit
pour tous ses cohéritiers sans les appeler, donc il n ’y avoit pas gestion commune.
A insi la fausseté de la déclaration contraire est prouvée par écrit.
D ’un genre absurde. E n effet les deux sœurs ont dit avoir pris leur portion
de mobilier , à l’échéance de chaque succession. O r au décès du père ( 1 7 7 2 ) ,
l'une avoit trois ans et l’autre huit : au décès de la m ère ( 1 7 7 5 ) , l’une avoit
•six ans et l’autre onze. Elles ont dit avoir consenti à l’ acte important de 17 8 5 ,
où Charles ratifioit une cession de sa mère , après un procès g ag n é , après un
jugem ent qui annulloit celte cession ; mais alors elles étoient m ineures, la cadette
avoit quinze ans et demi. Or qui croira qu’on ait cherché le consentement de
deux filles mineures pour une vente d ’im m eubles? E t en quoi ce consentement
avoit-il de la v a le u r;
• T o u t se réunit à vicier les deux cessions de 178 9 et de l’an 6 , m algré les
fausses déclarations y insérées par le notaire , homme de confiance des frères
Q uayrut, à tel point qu’ il s'est attaché aux audiences du tribunal, sur la cause
actuelle, pendant presque deux semaines entières; malgré encore sa précaution
de faire ratifier un exploit son ouvrage, donné par une des cédantes , la veille
du traité de 1 7 8 9 , parce qu’ il y avoit énoncé aussi l’aveu d’une jouissance
commune.
Charles Q uayrut a été évidemment comptable envers ses sœurs , comme
envers son frè re , quoiqu’il ne le prétende plus aussi positivem ent; il l’a été au
titre d’ administrateur ou protutcur, et de nrgottorum gestor.
Il a été adm inistrateur, ayant ou n ’ayant pas le consentement de ses sœ urs;
c a r, dans les actes qu’il a passés, il s’est fait fo rt pour e lles; il a promis leur
laire agréer et ratifier.
. . , .
A insi dans les actes qu’il a commencés en m ajorité, il n 'a plus d ’initio inspecto à in voqu er, ces actes n ’éloient plus une suite nécessaire de sa gestion en
m in o rité; il géro it, m ajeu r, pour des sœurs m ineures, non émancipées.
5
4
�Désigné p a r la coutum e, comme le prem ier dans l ’ordre des tutelles } c’est lui
qui auroit été nommé s'il eût convoqué la fam ille ; il a m ieux aimé gérer et passer
des actes im portans, sans même faire émanciper ses sœurs ; donc l’obligation
qu’il a contractée en se faisant fort pour ses sœ urs, est une obligation de comp
table, de proluleur ( f f . qui pro tutore gerunt).
C e m oyen paroît puissan t, et ne se détruit par aucun des faits de la cause.
L e premier acte des filles devenues majeures a été de vendre, sans qu’elles aient
pu connoitre un seul instant ce qu’elles vendoient.
Charles Q uayrut a été negotiorum gestor, puisqu’il n ’ avoit pas de procuration
écrite, et qu ’il ne pouvoit pas même en avoir de ses sœurs non émancipées.
Or le negotiorum gestor est tenu de l ’action en reddition de com pte, comme
le tu te u r; il doit, comme le tu teu r, actus sui rationes reddere, suivant les
expressions de la loi qui s o n t , comme on v o it , les mêmes que pour le tuteur.
( L . 2 , ff. Neg. gest. )
doit les rendre ad exactissimam diligentiam. ( Inst. de
obi. quæ ex quasi contr. nasc. )
.
L ’ordonnance de 1667 déclare tout adm inistrateur comptable ; l’ordonnance
de 15 3 9 défend toutes dispositions au profit des tuteurs et adm inistrateurs, avant
qu’ils aient rendu le compte qu’ils doivent; et c’est sur le m o tif de cette ordon
nance, que le tribunal de cassation, se conform ant en cela à une jurisprudence
de deux siècles, a annullé une cession faite à un com ptable, qui cependant n ’étoit
pas tuteur , par cela seul qu’il y trouvoit la décharge implicite ae son compte.
L ’arrêt même de 170 6 étoit dans les termes de la cau se; c’étoit un fondé de
pouvoir, étranger, qui encore avoit rendu un com pte, mais qui n ’y avoit pas
donné assez de détail; il fut jugé que n’ ayant pas suffisam m ent instruit ceux à qui
il devoit ce compte , il n’avoit pu valablem ent traiter avec eux sur ce qu 'ils ne
connoissoient pas aussi-bien que lui. A insi ubi eadem ratio, etc.
Ce que demandent les intimés ne tend pas à obtenir une reddition de compte
coûteuse et difficile ; c’est au contraire pour empêcher qu’il n’en soit rendu un
¡1 l’appelant qui le dem ande, quoiqu’ il se soit ingéré dans les affaires , comme
cela est prouvé par quelques quittances. Antoine Q uayrut ne s’est absenté que
pendant cinq à six a n s, et pour quelques mois seulement. A son retour il participoit aux a ffa ire s, quand ses sœurs gardoient. les troupeaux. C e qu’il veut
obtenir laisseroit les parties dans un long procès , tandis que la demande des
intimés ne tend qu a obtenir un égal d ro it, pour tout confondre et compenser
dans la succession de Charles Q u ayru t, dont chaque partie est héritière, et à la
quelle il s’agira seulement d ’ajouter en rapport les sommes reçues par chaque
cohéritier.
.
A insi les premiers juges ont été conduits par la loi, et par un moyen puissant
de considération, ;i adopter un mode de juger qui amène la fin des procès entre
les parties, et qui tend à l ’égalité, considérée de tout temps comme l’âme des
partages.
D E L A P C I I I E R , homme de loi.
11
M A N D E T je u n e , avoué.
A R IO M , de l'imprimerie d e L a n d r i o t seul im prim eur du Tribunal d ’appel.
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Quayrut. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Mandet
Subject
The topic of the resource
successions
tutelle
conflit de lois
coutume d'Auvergne
Description
An account of the resource
Observations pour les Quayrut, Thomas et Villemaud, intimés ; contre Antoine Quayrut, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1785-Circa An 11
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
4 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0241
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0735
BCU_Factums_M0333
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Rights
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conflit de lois
coutume d'Auvergne
Successions
tutelle
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• P OUR
L e sieur R O B E R T
d e
L E I G E , appelant;
C ONTRÉ
F r a n ç o i s A S T O R G et M a r i e V I G I E R , sa fem m e ,
~
intimés ;
ET
'Br i g i t t e
CONTRE
R O T Q U IE R
L A C R O IX ,
son
et
J
e a n
m ari ,
-B a p t i s
t e
in tim é s.
« . L o r s q u e les parties ont, stipulé que les fruits (d e
« l ’i m m e u b l e d o n n é à a n t i c h èse) , se c o m p e n se r o n t
«• av ec les . i n t é r ê t s , ou t o t a l e m e n t , ou j u s q u ’à due
« c o n c u r r e n c e , cette convention s 'e x ê c u le , c o m m e toute
« a utre qui n e s t point prohibée par les~Lois. ( C o d .
« civ. art. 2 0 8 9 .
A
�C
2 )
C e principe de la légïslalion actuelle, conform e au x
lois romaines , adopté par les auteurs du droit qui se
sont le plus élevés contre l ’usure , décide l a contesta
tion sur laquelle la C ou r aura à statuer. U n créancier
a joui pendant dix ans avant 1 7 1 4 , un très-petit pré
p o u r l ’in térêt légitim e de sa créance. L e débiteur r e n
trant dans son héritage à celte é p o q u e , a continué le
paiem en t de l’intérêt pendant quarante an s, et a retiré
vingt-trois q u itta n ce s, parmi lesquelles sont plusieurs
arrêtés de com pte. Q uand on lui a dem andé le capital,
il a refusé de p a y e r , sous prétexte de l ’ancienne anlich rèse, et a dem andé une vérification préalable pour
savoir si , lors de l ’antichrèse et avant m il sept cent
q u a to r z e , les jouissances de son pré avaient été ou non
d ’une valeur supérieure à l ’intérêt échu pendant leur
durée. V o ilà en précis tout l’objet de la prétention des
.Aslorg ; et si elle a été accueillie par les premiers jug es,
c ’est que la cause a été deux fois jugée par défaut contre
l ’appelant.
L a créance cédée a passé en plusieurs m a in s, et la
résistance du débiteur a occasionné une foule de re
cours et de procédures, qui ont occupé les tribunaux
depuis 1764* U n e partie de ces demandes en recours
est encore pendante devant les premiers juges, et il
n ’y a principalem ent eu litige actuel que l ’effet de l ’anlliicrèse. L ’appelant rendra donc com pte à la C our de
la convention qui a établi celle anliclirèse, et des actes
qui l’ont suivie.
�C
F A IT S
ET
3 )
PR O CE D U R E S.
. Guillaum e Soubie était créancier de G éraud Sales et
sa fem m e d’ une som m e de 600 fr. en cap ital, p r o v e
nant d’ une d o t, et produisant par conséquent intérêt
de sa nature. L es parties traitèrent sur cette créance
le i p a c û t i 6 8 3 , et elle fut stipulée payable en quatre
term eségaux a vec intérêt. I l fut co n v en u q u e , pour cet
in té rê t, ledit Soubie pourrait jouir du pré de L a v a l ;
mais cette convention n’ eut pas son exécution jusques
à un autre traité de 1703. Ainsi il est inutile de fixei*.
l ’alention de la Cour sur ce prem ier acte.
G uillaum e Soubie maria Pierre Soubie , son fils , en
1689 , et lui donna ladite créance pour légitim e. Celuici la céda au sieur D o u lé , curé de N oailles, par acte
du 10 septem bre 1 6 9 5 ,,et ce dernier obtint sentence
contre les débiteurs, le
5 octobre suivant. C ette sen-
tence.encore n’adjugeait q u 'u n e 1h ypo th èq ue indéfinie.
Les- héritiers du curé de Noailles cédèrent air sieur
E m e r y - R o b e r t, leur créance de 600 fr. et le droit de
jouir du pré L a v a l , par acte du 1 5 juillet 1703.
P ar ce m êm e acte on voit que M arie Sales, fem m e
Sartiel, d é b itric e , intervint a ve c ledit Sartiel r son mari,
pour s’obliger en outre de p a ye r audit sieur Robert une
somme de 194 liv. i
5 sous, provenant d arrérages de
ren tes, adjugés par trois sentences. L ’acte term ine par
la clause suivante,, q u’il faut transcrire littéra lem en t,
A 3"
�( 4 )
parce qne c ’est contre son exécu tio n que les sieurs
A storg veulent revenir (i).
.
F a u te de p a iem en t, Ledit Robert pourra jo u ir d u
su sd it pré de L a v a i, p o u r l e l é g i t i m e i n t é r ê t d e s
d i t e s sommes, tant et s i Longuement que Lesdits maries
seront en demeure d e r e n d r e i c e l l e s , ce qu Us pour
ront fa ir e qua nd bon Leur semblera , et Ju sq u es à ce ,
se réserve ledit Robert L'hypothéqué précitée et privilège1
de ses hypothéqués, jé in s i a été convenu et promis tenir
p ar lesdites parties sous Cobligation , etc.
A près cet acte le sieur E m e r y - R o b e r t se mit en
possession du pré L a v a l , et en jouit pendant les années
170 4 et suivan tes, jusques en 1 7 1 4 .
Alors M arie Sales était rem ariée à Pierre V i g i e r ,
et ce n o u vel ép ou x s’empara du p r é , sans autre forme.
L e sieur R obert aurait pu sans doule refuser la remise
de son gage jusqu’à ce q u ’il fût p a y é : mais il était fort
aise d ’en être débarrassé et d ’avoir le droit de dem an
der son revenu annuel 5 en conséquence il assigna les
dits P ierre V ig ier et M arie Sales par exploit du 18 jan
v ie r 1 7 1 6 .
11 exposa « que ladite Sales ne saurait ignorer être sa
« débitrice i.° de 600 fr.; 2 ° de 194 fr. i 5 s . pour les
«• causes portées par acte du i
5 juillet 17 0 8 ; que pour
( 1 ) Il y a une légère différence entre l ’expédition qu’en rap
portent les A s to rg , cote i . r e , et la copie signifiée cote
cette différence ne change rien au sens db la convention.
5 5 mais
�'
(' 5 j
0
« l ’intérêt desdites sommes elle n’a y e consenti engage« m ent des fruits d u 'p r é appelé de L a v a l, duquel led.
« inslant a joui paisiblem ent jusqu’au trouble».
- E u conséquence il conclut à ce que lesdiis mariés
V igier lussent solidairement condamnés à lui p a ye r ^la
«■somme de 39 fr. r i p . 9 d; , faisaiit'le reven u desdites
« sommes depuis le 'i 4 -juillet i'7 1 4 ¡"àu Lieu de La nori
« jo u is s a n c e 'd u d it p r é , avec condam nation de tous
«• dépens , dom mages et intérêts ».
I l prit d ’autres conclusions étrangères h l ’antichrèse,
et tendanfesvau paiem ent des arrérages d’ une rent'è en
g r a i n , ‘q u ’il évaluait pour le passé à 70 liv. 2 s. 6 d.1
C e lle dem ande fut accueillie par une sentence non
attaquée du 26 fé v rie r 1 7 1 6 .
P e u de tems après cette sen ten ce, le sieur E m e r y R ob ert céda sa‘ créance à Joseph* R o lq u ie r , a v e c le
droit de jouir du pré L a v a l , ou de se faire p ayer de
l ’intérêt de ladite créance.
-
C et intérêt fut p a yé par V ig ie r , et ses premières
quittances p ro u ven t, co m m e'les postérieures,■q u ’il 11e
s’agissait plus du passé:
! '!
-
L a prem ière quittan ce, du 16 mai 1 7 1 7 , est dé 8 0 fr.
pour Les- non jo u issa n ces d u pré de L a v a l engagé, et ce
pour Les• années i r]ï'b et 1 7 1 6 . ( ‘C o m m e ces 8d Ir. ex c é
daient de quelques sous l’intérêt légal, lé'Siëûr R o tq u ièr
ajouta h sa signature q u’il les imputait sur les1 70 francs
ci-dessus).
P a r la seconde,-du
:’ 1 ' ! ;
;
3 o juillet 1 7 2 4 , l é ;sieur R o tq u ier
reconnaît avoir reçu L’intérêt w Lui d û .dei la'sbmxHe'de
�.
794 liv. i
.
( 6 ) .
.
5 s. en, lieu*des, non jouissances du pré L a v a i
pour les armées, r 7,i'7 et suivantes , ju s q u e s et com pris
La présente, échu au 1.4; d u présentVi
'
M a rie Sales d é c é d a , laissant pour héritiers testamen
taires P ierre Vigier* son m a r i, et Françoise Sales, sa
sœur. Ils n e.fu iien tjp a sj^ a cts à dp a y e r , et le sieur R o tquier fit /îes'ppi}rsui;les en: se^servanfcdu nom du sieur,
Emery-ï^oberjt ,■son, cédant. Il assigna- par .exploit du.
1 1 mars 173 0 lesdits,Vigier et .Sales, «.pour voir décla«• rer c.pntre eux 'exécutoire la sentence de 1 7 1 6 .^ et
« p a y e r i..° 600 liv. d'une part; 2 °' 1 9 4 liv. i 5 s. d ’a u « tre 3.° 70 liv. 2. s. 6,d. d ’autre. 5 4.°-les intérêts adjugés
« par ladite sentence.» et ceu x échus depuis et>ceux
«■qui écherront à l’a v en ir, sa u f à tenir à com pte ceux
« que les assignés juslineront avoir/payés », ( parce que
l'intérêt des 70 liv. 2, s. 6,dfi était restér-en suspens).
Cette,,demande fut reprise err 173,5,; M arie.Sartier,
fille du prem ier lit de Marie,Sales et fem m e de; Joseph
y i g i e r , fu t mise en, cause $ et le 18 jan vier 1,786, il
intervint sentence açljudicalive,;et encore non atta q u ée,
laquelle condam ne au paiement desdits capitaux, efseu-r
le m e n t'à ;l’intérêt échu depuis Le i 5 ju ille t 1 7 1 4 .
C ette sentence est suivie de saisie exécution en 178 7.
A u lieu de contes.ler, lesfdébiteur^ présentent,un gar
dien vpjoptaire. Ils font plus, ils paient.
lie s A storg produisent six quit tances cJonnées,eii; 1 7 3 7 ,
1 7 3 8 , 1 7 4 0 , 1 7 4 1 et i744> à compte des in térêts.et
frai£. Elles sont sur Ja m êm e feujlle.
;
,A u bas d.Q cette m êm e feuille pp iVoit que les parties
�•
.
( 7 )
ont arrêté com pte à 88 liv. 16 s., y compris un billet
de 1 5 liv. 5 sur laquelle somme les Y ig ie r paient
53 'liv,’
l ë d i t j ô u r i i avril 1 7 4 6 ’. L a quittance est conçue en
ces termes : de compte arrêté entre nous de tous Les'reve
nus échus ju s q u ’ au 16 janvier 1 7 4 5 , de La rente qui
m ’est ‘due par Les dénommés de l ’autre part (P ierre et
Joseph V i g i e r ) , IL s’ est trouvé m ’ être d u La somme de
etc. , sans p r é ju d ice , etc.
■
'
_
Il paraît que le 28 août 1 7 4 5 , Jean et Josepli R o t •quier, père et fils, débileurs envers A n to in e R olq u ier
d ’une lég itim e , lui cédèrent-ladite créance avec pro
messe de garantir et faire valoir.
L e s V igie r agirent avec ce nouveau créancier com m e
avec les précédens • ils produisent huit quittances don
nées par l u i , à compte des intérêts pendant les années
1 7 4 7 et suivan tes, jusques-à 175 5.
Mais on vint h com pte le 22 n ovem bre *1756, non
seulement des intérêts éch u s, mais encore des condam
nations d’une autre sentence étrangère au sieur R obert }
tout fut réglé jusqu’au jo u r , à 241 liv. 1.2s. , ’a près avoir
d éd u it Les d ixièm es et vingtièm es, esl-ildit, depuis que
led it R o lq u ier avait droit des sieurs L ab ian clie e t'R o tq u ie r, sans p réjudice.de La somme principale de 864 Liv.
11 s., et des intérêts encourus depuis Le 28 aouldernier.
C e règlem ent fut tellem ent définitif que les sept
■quittances postérieures règlent positiveinent l ’intérêt
tinnuel à une som m e fixe, tantôt de
38 li v ., tantôt de
36 liv. 10 s.pour L’intérêt échu Le... ; vingtièmes déduits*
‘Ces s t p t : quittances 'ont toutes la imêiïie f o r m u l é ,
i
�.
.
depuis 1 7 5 7 jusques, au
^ 3 jan vier 1 7 6 4 , date de la
dernière. ■
'
.
'
8 }
.
.. •
•
;; x f; )
Il /est essentiel d ’observer à la C our que le ,co m p te
de 175 6 fut fait a vec M ich el Vigier.
:
•
,
A n to in e R ofq u ier désira êIre p a yé de son cap ital;
et par exploit du 4 juillet 1 7 6 4 , il forma dem ande en
la justice du D oign o n contre ledit M ich el V igier fils,
et héritier de Joseph, et de M arié Sartier, en e x é c u torialité de la sentence du 18 jan vier 17 3 6 , et en
paiem en t des som m esde 600 liv. d ’une p art, i9 4 l i v . i
5 s.
d ’a u tre , et 70 liv. d 'a u tre , portées par ladite sentence.
L e d it MicheL V igier dit en défenses << que sans a p ff prouver les sentences de 1 7 1 6 et 1736 , contre les
* quelles il se réservait de se p o u r v o ir , il devait lui
» être fait com pte des jouissances du pré de L aval qui
«■fut engagé par contrat du i
5 juillet 1 7 0 3 , pendant
« leur durée , pour être compensées pendant ledit
«• tems avec les intérêts des sommes qui en étaient sus
ceptibles, telles que celle de 600 liv., et subsidiaire« m ent sur le principal, pour être ensuite par lui faire
« des offres, etc..*.
-,
‘
,
C e langage évasif d ’un débiteur qui voulait éloigner
sa libération , s’est changé en un systèm e sérieux sur
leq uel on plaide depuis 1764. ,,
,
O n se disputa de cette manière assez long-tem s sous
le n om du sieur- E m e r y - R o b e r t . O n opposa à V igier
les arrêtés de com pte et les . quittances. Il résista le
plus q u ’il put à les m o n tr e r , en disant q u ’il n ’y était
pas ob ligé, q u’il n ’y avait aucuns arrêtés de c o m p t e ,
et
■
�(
9 )
'
et que s’il avait renoncé à son droit par quelque acte
qui réglât le passé, c'était an créancier à le produire.
Enfin un e sentence ordonna que V igier exhiberait
ses quittances, et en ferait le dépôt au greffe.
Quand les sieurs R o lq u ier
eurent assez plaidé à
l ’inscu du sieur R o b e r t , ils jugèrent à propos d’inter
v en ir dans leur propre procédure , et de conclure
contre le sieur R o b ert à ce q u ’il fût tenu de les garan
tir. C ette intervention eut lieu de la part de Joseph
R o f q u i e r , cédataire de 1745.
L e sieur R o b ert-D eleig e, successeur du sieur RobertL a b la n c h e , prem ier créancier, apprenant pour la p re
m ière fois q u’il existait sous son nom un procès re la lif
à u n e c r é a n c e du sieur E m e r y - R o b e r t - L a b k i n c h e ,
conçut un soupçon bien fo n d é , sur une m an œ u vre
dont il aurait dû être inform é plutôt. Il se défendit
d’abord avec quelque h um eur, parce q u ’on avait abusé
de son nom.
11 désavoua-toute participation à la pro
cédure déjà f a i t e , dit que si on s’était servi d’an
ciennes sentences oblenues par le sieur L a b la n ch e ,
elles lui appartenaient; et soutint dans tous les cas que
toute action était prescrite.
M ais quand on lui exhiba la cession souscrite par
le sieur R o b e r t - L a b la n c h e , il n’hésila pas en reco n
naître l’écriture.
N
U ne sentence du 10 juin 1766 appointa les parties
en droit, joignit la demande en recours du .sieur R otq u i e r à l a dem ande principale, et en m ê riie !teins réiB
�'
( 10 )
léra contre V igier les dispositions de celle de 17 6 4 qui
avait ordonné le dépôt au greffe de ses quittances.
Enfin-le procès fut jugé par forclusion contre ledit
V ig ier et contre le sieur R o b e r t, le 9 mai 17 6 7 . L ’ es
timation des jouissances du pré de L a v a l fut o rd o n n ée,
sous la déduction des charges foncières depuis le 1 5 juillet
17 0 8 , jusques et comprise l ’année 1 7 1 4 .
■ L e sieur R o b e rt-D e le ig e interjeta appel devant la
sénéchaussée d ’A urillac et in tim a , co m m e il le d e v a it,
les deu x parties de la c a u se ; c ’e s t - à - d i r e , les sieurs
R o t q u ie r et Vigier.
C e t appel fut suspendu pendant vingt ans. Il fut
repris en 178 7 par M a rie V ig ie r , fille de M i c h e l , et
par Astorg son mari. Elle interjeta m êm e appel inci
dent, de la sentence de 1 7 6 7 , fondé sur ce que les
ch arg es, disait-elle, n ’avaient pas dû être déduites de
l ’estimation ordonnée.
L e procès fut encore jugé à A u rilla c, co m m e il l ’a
vait été en la justice du D o ig t io n , c ’e s t - à - d i r e , par
forclusion, et toutes les conclusions des V ig ie r et Astorg
adoptées le i
3 août 1790. L a sentence du D oignon fut
confirm ée en ce q u ’elle ordonnait une estimation des
jouissances du pré L a v a l; elle fut infirmée en ce q u ’elle
ordonnait que les experts déduiraient les charges fon
cières.
L e sieur R o b ert interjeta appel de celte seconde sen
tence au parlement de Paris. L a suppression de cette
cour en déféra la connaissance au tribunal du district
�C ” )
de Mauriac. L à , les héritiers de Joseph R o lq u ie r colludant avec les V igier et Astorg , signifièrent, d it - o n ,
à c e u x - c i q u ’ils acquiesçaient au x sentences de 1 7 6 7
et 1790.
Pendant cette p ro céd u re, les R o lq u ie r entr’eu x en
introduisaient une autre; le sieur M e illia c , petit-fils et
héritier d’ A n toin e R o iq u ie r , cédataire de Pierre et
Joseph en 1 7 4 5 , ne voyan t pas rentrer sa c r é a n c e ,
quoique ces derniers eussent permis de fournir et faire
v a lo ir , assigna leurs héritiers (parties ad verses), pour
le p a y e r eux-m êm es.
C eu x -c i m irent encore le sieur R ob ert en cause, on
ne sait pourquoi. Après une procédure très-embarassée , dont il est fort inutile d’occuper la c o u r, les d é
bats se term inèrent par un jugem en t qui donna un délai
aux R o tq u ie r, par lies ad verses, pour faire finir le procès
actuel, sinon les condam na à p a y e r le sieur M eilliac;'
il fut sursis à faire droit sur les dem andes en recours
et contre recours.
:•
■
D é jà , et avant ce ju g e m e n t, le sieur R o b e r t, pour
n ’être plus harcelé de tant de débats étra n g ers, avait
repris en la cour son appel de 1 7 9 0 , contre les R o t quier et Vigier.
Ces deux adversaires tiennent a u j o u r d ’h u i un la n
gage bien différent.
L es R o lq u ier se prétendent follem ent intimés , et
disent que n ’ayan t pas interjeté appel de la sentence
d’A u rilla c, et ne voulant prendre aucun intérêt dans
la contestation, ils doivent être mis hors de cau se/sau f
B 2
�(
;
à plaider en prèm ière instance sur la dem ande en ga
rantie pendante. T elles sont les conclusions de leur
requête du 8 iherm idor an n , répétées et expliquées
dans une écriture postérieure.
L e s V igier et Astorg se défendent plus sérieusem ent,
et font les plus grands efforts pour prou ver q u ’il y a
lieu de revenir à exam en sur l ’anticlirèse de 1 7 0 3 , et
de confirm er la sentence de 1790.
'
•
M O Y E N S .
L
e
sieur R ob ert a intim é deux parties, et ce q u ’il
y a de bizarre ce sont ceux-là m êm e qui l ’ont appelé
au procès, et ont pris des conclusions contre l u i , qui
veulent q u ’il ait dû les regarder co m m e étrangers à
cette m êm e contestafion.
L e s sieurs R otqu ier et L a cro ix qui ont pris tant de
peine à prouver q u’on aurait dû ne les com pter pour
rien , mais q u ’on esl forcé de com pter pour quelque
ch o se, ne se sont plus souvenus que si le sieur R o b ert
p laid e, c ’est parce que le sieur Joseph R o lq u ier leur
a u te u r , l ’a assigné en g a r a n tie , le .28 octobre 176 5.
Ils ne se sont pas souvenus q u ’il y avait une sen
ten ce rendue le 10 juin 1 7 6 6 , qui joignait ce lte de
m ande à celle soutenue par V ig ie r ; et q u ’ainsi après
un e jo n ctio n , toutes les parties sont parties nécessaires,
tanL q u ’ une seconde sentence n’a pas prononcé de dis
jonction.
�( i3 )
Ils ne se sont pas souvenus que le m êm e R otqu ier
leur a u te u r , était en qualité dans la sentence définitive
du 9 mai 1 7 6 7 ; q u ’il était aussi en qualité sur Cappel
porté à Aurillac ; et aussi en qualité dans la sentence
confirm ative du i
3 août 1790. Ils en auraient conclu
eux-m êm es que celui qui a été partie nécessaire en
prem ière in stan ce, et sur un prem ier a p p e l } est aussi
partie nécessaire jusqu’à la fin du procès.
Q u ’im porte q u ’il ait été fait pendant l ’appel actuel
une procédure addition n elle, où les R o tqu ier ont de
n ou veau appelé le sieur R o b ert en garantie , et que
les premiers juges en soient encore saisis. C ette super
fétation n'est pas un m oyen .
O u l ’objet de celte nouvelle dem ande en gàrarrtie
est le m êm e que celui de 17 6 5 , et alors la cour en
est saisie com m e elle l ’est de toute cette p r o c é d u re :
ou il n ’est pas le m ê m e , et alors les premiers juges
n ’ont retenu q u ’un autre procès.
Mais qui pourrait dire que ces premiers juges ont
dem euré saisis de ce qui était de l ’attribution de la
cour : ils ne le pouvaient pas.
L ’acquiescem ent que les R o tqu ier ont donné en 1792
seulem en t, aux sentences de 176 7 et 1790 , n ’em pêclie
pas que le sieur R obert n’ait pu et dû les appeler en
cause.
,
11 l ’a p u , parce q u ’il avait intérêt d avo ir un ju g e
m ent con venu ; et que quand la cour aura statué sur
la garantie pendan te, les R otquier quelconques ne se
ront pas assez m a l -avisés pour 1 appeler ensuite en
�t
( 14 )
.
^
prem ière in s ta n ce , et conclure h la m ê m e garantie.
Il l ’a d û , parce que le parlem ent de P a ris, et par suite
la c o u r, étaient saisis du procès , et n’ont pas encore
prononcé sur l’effet de cet acquiescem ent.
A u resle le sieur R o b ert est si éloigné d ’élever a u
cunes con testation s, m êm e douteuses , q u ’il déclare
s’en rapporter à la prudence de la co u r, non-seulem ent
sur le renvoi dem andé par les R otqu ier et L a c r o i x ,
mais encore sur le fonds de la garantie e l l e - m ê m e ,
s’il y avait lieu d ’y statuer.
I l im porte peu au sieur R o b e rt d’être livré seul à
repousser la prétention des V ig ie r et Astorg ; elle est
si extraordinaire et mal co n ç u e , q u’il n ’y a véritable
m en t q u ’ un avantage certain à l ’exam in er pour la
com battre.
L e s V ig ie r et A storg ont recueilli beaucoup d’au
torités pour pro u ver que la co n ven tion de 1703 était
usuraire , et que la prescription n ’a pas cou vert cette
préten du e usure.
L e sieur R ob ert n ’a pas m êm e besoin d’in voq uer
la prescription; il lui suffit de rappeler le caractère de
l’antichrèse, pour dém ontrer que , sur-tout dans l ’es
p è c e , elle a été une convention très-com m une et trèslégitim e.
t
■ L ’anticlirèse est définie dans la glose de la loi
3 , au fF
de p ig n orib u s, un gage donné au créa n cie r, pour q u ’il
en compense l ’ usage et les fruits qui en naissent, a vec
l ’intérêt de l’argent q u ’il a prêté. P lg n u s quod sub
�( i5 )
' hoc nomine creditor a ccip it, u t eju s usuin
pro u su ris
sib i com puttt. D ’autres interprêles ont donné une d é
finition plus intelligible e n c o r e , en disant que l ’an tichrèse a lieu quand un im m euble esl donné au créa n
cier , ut p erapiat reí J r u c tu s
in
vicem
usurarum
donec debitor pecuniam solvcit.
C e contrat aussi com m un en F ra n ce avant le systèm e
de L a w , que les contrats de rente Tétaient avant r é
mission des assignats, avait été le sujet de beaucoup
de controverses pour ou contre sa légitim ité.
L e s auteurs les plus scrupuleux sur l'usure, s’accor
daient tous à justifier l ’antichrèse, quand les fruits de
vaient se com penser avec un intérêt lé g itim e , ou dû
de sa nature \ ils n ’y voyaien t de contrat usura ire que
dans le cas où le créancier percevait les fruits d ’ un im
m eub le pour l’intérêt du prêt ordinaire, parce que les
lois défendaient de stipuler l ’intérêt de l ’argent.
D ans le prem ier cas , il y avait encore une autre
distinction à faire , et c e lle - là se puisait dans les lois
romaines.
L e créancier pouvait avoir fait une stipulation évid em
m en t trop avantageuse. L 'im m e u b le pouvait produire
plus que l’intérêt Légal, et alors il était suspect d ’ usure.
M ais voici le tem péram ent que prenaient les lois ellesmêmes.
Si le créancier affermait à un autre l’im m euble im
p ign oré; alors, parce qu'il avait un revenu certa in , il
était clair qu'il y avait usure dans l ’excédant de ce
r e v e n u au -d elà de l'intérêt légal.
�.
( 1 6 }
.
M ais quand le créancier jouissait l u i - m ê m e , la loi
ne vo ya it aucune usure, dans le f a i t , m êm e p r o u v é ,
que les fruits de l'im m eu b le dussent surpasser l ’intérêt
lé g a l, à cause de Yincertitude des récoltes.
_
Ainsi s’exprim ent les lois 14 et 17 ,a u code de usuris.
L es auteurs du droit français confirment plein e
m en t ces principes. L e sieur D eleige rappellera le sen
tim ent de Cujas, et celui du D iction n aire canonique?
pou r m ontrer q u’il a choisi ses autorités parmi les plus
grands ennemis de l ’usure.
• Quce conventio l i c t t a e s t etiam si p l u r i s dom us loca ri soleat quant ejjicia l Legitimarum usurarum ra tio ,
çeL ut f u n d i oppignerati fr u c tu s omnes v i c e u s u r a r u m
creditor percipiat; quœ convenlio propter incertum eçentum fr u ctu u m adm issa est, et propter incertum f r u
m enti pretium. Observât. C u ja c ii in Lib.
3 , -ch. 35 .
L e D ictionnaire canonique au mot a ntic lire se, in
dique cet avis de Cujas , en l ’appliquant m êm e à l’intéi'êt du simple p r ê t, pro credito pig/ioris usus. A la
vérité il ajoute que le droit canon ne s’y conform e pas.
M a is j a j o u t e - t - i l « le droit civil n’a pas usé de la
« m ê m e rigueur. L ’incertitude des fruits qui p eu ven t
« être recueillis-,le risque m êm e que l ’on court jusqu’à
je la p e rcep tio n , d’en être p riv é ; enfin la tranquillité
« q u’acquiert le débiteur, par cet a cc o m m o d em en t, ont
« persuadé que celte convention n ’avait rien d ’illicite.
L e droit français n ’a donc vu q u ’un c o n tr at aléatoire
dans une convention qui présente en eflet des chances
aussi incertaines. C a r , à moins d ’une disposition clio*
q u a n le
�( *7 )
•quanfe entre l’étendue d ’un chqmp et les intérêts d ’ une
c r é a n c e , nul ne pourra assurer que le créancier sera
certain d’obtenir en produit net l ’intérêt qui lui est dû 3
sur-tout pendant plusieurs années consécutives.
S ’il s'agit de vignes , une année d ’humidité ou de
brouillards peut faire perdre un an de culture ; s’il
s’agit d’ nn p r é , un printems de sécheresse peut aussi
ruiner tout espoir de récolte.
>
C ’ est pourquoi un arrêt de 1 7 6 4 , rapporté par Ca-r
-telan, « a jugé que le contrat d’antichrèse devait être
« observé en la cause d’ une fe m m e villageoise qui avait
«
«
«
«
baillé à jouir à son créancier, une vigne à titre d ’ai>
tichrèse , avec cette co n v e n tio n , que le créancier
jo u ira it des fr u it s pour les intérêts , quoique c e lle
fem m e soutînt que les fruits excédaient au double \e
« légitim e intérêt.
L ’incertitude des f r u it s , q u i est
« la raison des lois f u t une des raisons de l ’ arrêt».
Catelan , liv.
5 , ch. I.er ; et Brillon , v.° antichrèse.
O r , Catelan qui était m agistrat, p o u va it, sans se trom
p e r , donner le véritable m o t if des arrêts de sa cour.
Ces ailleurs citent un autre arrêt de 1 6 5 9 , cl u^ or~
donna l’im putalion de l’excéda nt du légitim e intérêt
sur le capital, mais parce que le créancier avait donne
la maison im pignorée , à lô.y,er, et q u ’ainsi le rev en u
étant c o n n u , il n ’y avait plus pour lui d ’incerlilude..
A u r o u x , sur l ’art. 4 2 1 de la c o u t u m e de B o u r b o n
nais , dit q u e l ’antichrèse est un contrat t r è s - l i c i t e ,
q u a nd lés intérêts sont dus a u x créanciers.
L o u e l , q u’il a plu aux A slo rg de citer en leur far
C
�( 18 )
_
v e u r , on ne sait p o u r q u o i, va n te au contraire les
avantages d e l ’an tich rèse, et après avoir dit q ueD urnoulin n ’ admet l ’antichrèse que sous deux conditions , la
i . ere que le débiteur ait toujours le droit de reprendre
l ’im m e u b l e ; l a 2.* que les fruits n’excèden t pas année
co m m un e le quinzièm e du principal, « n éan m oin s, dit
« L o u e t , cet avis n ’a été suivi au pillais pour la r é « duction des antichrèses au denier quinze. C ar le d o
te maine du roi a été vendu au denier douze en an
o- tichrèse; et pou r juger des actions des liom m es se« Ion l ’ utilité p u b l i q u e , l ’antichrèse apporte plus de
« com m odité au débiteur que la rente con stitu ée, et
est plus tolérable. L ’antichrèse est sujette aux cas
« fortuits., g r ê le , g u e r r e ,
t e m p ê t e , f e u : pour telle
« année les fruits sont perdus par la violence des teins.
« S’il y a uberté de fruits, le créancier jouit de cet h e u r;
« si stérilité , il la faut supporter; s’il faut des répara«- lions, cela tom be sur le créancier. L e s débiteurs ont
« cet a v a n ta g e 'q u ’ils ne sont en arrière pour les ur« rérages qui est leur plus grande ruine. L e débiteur
r n ’est grévé de cautions, etc.-» L et. P. N.° 9.
V o ilà l ’auleur que les A storg ont supposé l ’ennem i
des anlichrèses; ils y ont recueilli cà et là plusieurs
arrêts relatifs à des réductions de rentes au taux de la
lo i , et pa r conséquent si dislans de la contestation que
ce serait s’en éloigner soi-m êm e de les réfuter parti
culièrement.
L es Astorg ont encore cité R o u sse a u -L a co m b e, mais
•seulement les principes q u ’il fait valoir au m ot usure.
�( 19 )
Ils ont évité de rappeler ce q u ’il dit au m ot antichrhse ,
pour établir que cet acte n ’est réputé usuraire que quand
il a eu pour objet de faire porter un intérêt illégitime à
un simple prêt d ’argent.
Ils citent un arrêt du 22 juillet 1 7 1 3 , du Journal des
audiences ; mais il s'agissait d’ un créancier qui faisait
porter intérêt à l’intérêt de son a rg en t, et on 11’y lit
pas un seul m ot d’antichrèse.
•
Enfin ils citent D enizart et M . r Chabrol. L e prem ier
11e fait que copier L a c o m b e sur l ’antiçlirèse ; mais M .r
C h a b r o l , bien loin d’être opposé à ce genre de contrat
dont il ne s’occupe qu’en parlant du contrat pignoratif,
fait une-grande différence entre l ’ un et l ’autre. Il regarde
l e contrat p ig n o r a t i f c o m m e u suraire, mais il dit que Les
antichreses sont plus favorables , en ce qu elles ri ont
rien de déguisé n i sim ulé. Il pense au reste que «le point
« décisif est de savoir si le créancier avait un titre qui
« lui assurât l’intérêt de son a rg e n t, ou s’il n’ a fait que
« prêter son argent lors de l ’antichrèse ».
A la v é r ité , car il ne faut rien dissimuler, M .r Chabrol
d’accord en cela avec L a co m b e et quelques autres au
teurs, pense que l ’excédant des fruits d e v a it, en cas
d ’an tich rèse, être im puté sur le ca p ita l; mais dan?
quel cas?
N on seulem ent ce n ’est pas quand les parties se sont
réglées volontairem ent lors de l’acte : encore moins
quand elles se sont réglées ensuite par plusieurs arrêtés
de compte. Mais co m m e dit L a co m b e : « Si en faisant
“ une année com m une de plusieurs, les fruits c x c é C 2
�^
(
20
)
« daient considérablement les intérêts o r d i n a i r e s T e x
te cédant serait im puté chaque année sur le capital ».
C e que dit L a c o m b e est recueilli de G o d e f r o i, q u i,
sur la loi 17 d e u s u r , ne s’occupe encore que du contrat
p ign ora tif, ou du cas où il y a v e n te : mais la G lo s e , sur
la m êm e lo i, s’explique d ’ une m anière à ne pas laisser
de doute sur la question.
. :
M-uUer obligavit m ih i vinecim, et in vicem usurarum
conven.Lt u t reciperem vindemiam. S i p lus emoliirnentL
consecutus sim e x fr u c tib u s quant etiam sit in u sa râ ,
an illu d revocari possit quœritur ? D ic itu r quod*non.
Quta potuerat evenisse quod m lxiLproçenisset, et tamen
necesse haberet stare conventioni, et propter incertum
non erit retractanda.
O p posera-t-on que les Rom ains adm ettaient lé prêt
à in té rê t, et que ce n ’est pas dans leurs lois q u ’il faut
chercher des principes ?
-
•
M a is -l’objection serait de mauvaise fo i, si on l’ap
plique au cas où il s’agil d’ une créance française ^ por
tant intérêt de sa n a tu re ; car alors c ’est précisém ent
co m m e s’il y avait eu stipulation permise.
L e s Romains perm ettaient le prêt ¿1 intérêt com m e
il est permis en F rance depuis le
3 octobre 1 7 8 9 ; mais
bien loin de tolérer l ’usure j qui est très-loin du prêt à
in térêt, on sait que leurs lois étaient sur ce point plus
restrictives que les nôtres.
U n seul exem ple le prouve. Nous souffrons la ruine
d’ un débiteur par une accum ulation criante d’intérêts.
A v e c quelques exploits nous autoriserions que cent
�C 'a i )
ans d’intérêts fussent dem andés, et lèsR o m a in s ne p e r
m ettaient pas que les intérêts accum ulés surpassassent
le capital.
L e s lois rom aines disaient com m e les ordonnances
françaises : P r o usuris stip u la ri tiemo supra m oduin
usurarum Licitum potest. L . 4 4 , f f . de usur.
P o u rqu o i donc les lois romaines ne seraient-elles pas
pour nous un règlem ent en m atière d ’anliclirèse quand
il s’agit'd’ y appliquer une créance portant intérêt de sa
nature ? Pou rqu oi la loi citée ne serait-elle pas ici ratio
scrip ta , lorsqu’elle n ’est pas un e loi arbitraire, lors
q u ’elle est m o tiv é e , lorsqu’ elle déclare que sa décision
est fondée sur une conven tion vraim en t aléatoire ?
C e n’est pas seulement dans les lois romaines q u ’il
faut rechercher les principes de l ’antichrèse ; puisque
tous les auteurs du droit français s’en o ccu p en t, et que
si plusieurs la regardent com m e prohibée dans le cas
d’ un intérêt illégitim e ,a u moins v o it-o n q u ’ils se r é u
nissent tous à penser que si le contrat ne présente pas
de détrim ent notable au d é b ite u r , il faut l ’exécu ter;
et q u ’il ne faut ordonner d’im p u lalio n q u ’au cas où la
conven tion serait évid em m en t usuraire, et les fruits
disproportionnés à l ’intérêt.
M ais com bien les A storg sont loin de celte dernière
h y p o th è se , malgré leurs exagérations ridicules sur la
valeur des fruits de leur h érita ge, q u’à la vérité ils ne
précisent pas.
■
L eu r-p ré de L a v a l , q u ’ils ont dénaturé depuis lo n
gues années parce q u’il était m aréca ge u x et plein de
�O O
'
jo n cs, avait en surface deux petits journ aux ; et certes,’
en 1703 il est bien difficile de voir dans un reven u
aussi m édiocre et aussi incertain , quelque chose de
supérieur au reven u de 864 livres.
.
Si des ex p e rtsy étaient e n v o y é s , com m en tfixeraien tils cette année com m un e sur d ix , que les auteurs et
l ’usage veulent être le seul mode de connaître le véri
table revenu appréciable? com m ent sauraient-ils s’il y
a eu des années sans récoltes? la tradition ne leur rappelera que 1709. C o m m en t encore sauraient-ils le prix
du fo in , puisque les m ercuriales n ’ont fixé que celui
des grains?
Eviteraien t-ils l’erreur en estimant ce prix annuel
à une époque critiq u e, où la rareté du num éraire fut
la prem ière cause de la création des billets de banque?
L e s Astorg ont com pté sur l ’arbitraire quand ils ont
v o u lu une estimation plutôt impossible que difficile ;
ils s’efforcent d’y voir de la possibilité, mais leurs bases
incertaines ach èven t de convaincre q u ’il n ’y aurait
rien qui éclairât la justice plus q u ’elle ne l ’est par elle
m ê m e et par les règles du droit.
.
S’il y a dans l ’acte de 1703 un contrât aléatoire qui
n e présente pas au créancier une chance certaine, une
chance u su ra ire, pourquoi ne faudrait-il pas l ’exécuter
plutôt que de jetter les parties dans le vagu e de l ’opé
ration la plus conjecturale.
U n intérêt de dot est un vrai capital susceptible luim êm e de produire intérêt e x ojjicio ju d ic ts : A v e c ce
capital rien n ’em pêchait d ’ail’e n n e r les fruits d’un iin-
�(
2 3 )
.
m euble pour un certain nom bre d ’années ; c’ était une
ven te de récoltes à prix fixe.
.
Pou rqu oi au parlem ent de Paris faisait-on im puter
les fruits sur le p rin cip al, quand l ’intérêt n ’était pas
dû. C ’est q u ’alors il n’y avait pas de ven te valable des
fru its, en ce que le prix con ven u n ’était pas réel^ il
n ’y avait plus r e s, consensus et p re tiu m , et alors pour
donner un prix aux fruits ven d u s, il fallait le retrouver
sur le cap ital, qui était la seule chose que ra cliete u r
eût pu oiîrir dans ce contrat de vente.
Mais quand l ’intérêt est lég a l, voilà un prix certain;
la ven te des fruits est donc légale et v a la b le , et jamais
personne n ’osa prétendre q u ’entre le prix et la chose
ven d u e , il fallût toujours une égalité m athém atique.
Si c ’était un contrat aléato ire, il était toléré et il
l ’est encore. L ’incertitude des fruits a été la règle des
lois et celle de la jurisprudence.
L e sieur D eleige a cité plus h a u t un arrêt de Catelan sur l’anticlirèse d ’une vigne ; le journal du parle
m en t de Toulouse en rapporte un autre plus récent ,
du
3 i juillet 1 7 1 4 ? qui dans le cas m êm e où un m ou
lin , tenu à antichrèse, avait été donné à ferm e par le
c r é a n c ie r , pour un prix supérieur à l ’intérêt de son
a rgen t, n ’a pas ordonné l ’im putation de l ’excédant sur
le capital ; par cela seul q u ’un m o u l i n est sujet à de
grosses réparations et à des cas fo rtu its, et q u ’ainsi
m algré la certitude d u pr ix a n n u el, il restait toujours
l ’incertitude du vrai revenu.
f
■
Si les arrêts du parlem ent de P a r is , dans des cir-
�,
.{ H )
.
constances d ’usure m an ifeste, n ’ont pas favorisé l ’antichrèse, au moins est-il certain , que dans les cas d ’in
térêts légalem ent d u s, il l ’a toujours regardé co m m e
un conlrat très-légitim e: L e rédacteur de ce m ém o irè
a sous les y e u x l'expédition en parch em in d ’un arrêt
rendu au rapport de M .r D u d o y e r , le
25 m ai 1781:,
en Ire le sieur G e ra u d -M a b it et les dames de Caldaguès, '
leq u el arrêt ne laisse pas le plus léger doute sur la ju
risprudence de ce parlem ent.
U n e Jeanne D éco ub lat s’élait reconnue débitrice du
sieur de C a lad ag u ès, pou r légitimes et autres objets ,
de 2.6,?>oo liv., le 5 avril 1667 , et lui avait donné deux
domaines à anticlirèse, pour en jouir tant et si longue
m ent q u’il serait en dem eure, de pa}^erlesd. 26,300 liv. ,
a v e c conven tion que les fruits en seraient compensés
a v e c l’intérêt de ladite somme.
.
L e sieur M a b i t , acquéreur desdits d om ain es, et
cédafaire des D é c o u b la t, en dem anda le désistement
par exploit du 2 juillet
1 7 7 4 , a v ec restitution de
jouissances depuis 1 6 6 7 , au x offres de com penser les
fruits jusqu’à due concurrence a vec les intérêts qui
se trouveraient légitim em ent d u s , et le surplus im
puté sur les capitaux.
L ’arrêt du 20 m ai 178 1 a condam né les dames de
C aldagu ès, à se désister au profit du sieur M a b it, des
héritages énoncés audit acte de 1 6 6 7 , à rendre et res
tituer Les fr u its d 'ic e u x , à compter d u 2 /juillet 1 7 7 4 ,
jo u r de La dem ande , lesquels seront compensés jusq u à due con cu rren ce, avec les intérêts de leur créa n ce,
échus
�.
.
.
,
(2 *'V.
é c h u s depuis Ledit J o u r 2 ju ille t 1 7 7 4 . S u r'le'su rp lu s
des dem andes, les parties sont mises hors de cour.
\
■ L e C od e civil n ’établit donc pas un droit n o u v e a u ,
lorsqu’il d it, article 2 0 8 9 , que Tanticlirèse doit être ;
exécu tée comme toutes'Les conventions qui. ne sont pas
prohibées par les lois.
”
'
! ■
O r il y a lieu de se régler par la loi .n ouvelle, toutes
les fois q u’elle n ’est pas en opposition à une loi an
c ie n n e , toutes les fois q u ’elle se r é fè r e , au co n tra ire ,
a u x anciennes lois qui existent. S i nempe declaret j u s
antiqu um nova constitutio ; s i declaret tanlum m odo
q uod anteà leges caverant. M orn . I n leg. 7 , j f . d&
legibus.
.
P o u rqu o i donc ici le Code civil ne serait - il pas la
loi des parties? L ’art. 2089 est la copie de la loi 17 au
code de usuris : il n ’y a pas de lois intermédiaires qui
aient disposé autrem ent.
L e s A storg ont voulu établir un e perpétuelle co m
paraison entre le contrat pignoratif et- l ’anlichrèse.
M ais personne n ’ignore què par le contrat pignoratif,'
le débiteur vend son im m eub le sous une faculté de
rachat l i m i t é e , et q u ’il
ferm ier.
■-••••.
d evien t aussitôt son propre
<
r '
‘
.
,
Ainsi n o n -se u le m e n t il court risque de perdre son
im m e u b le , faute d ’a rg en t, mais Y incertitude des fruits
tom b e encore sur lui seul annuellem ent.
L a différence des d eu x contrats prouve sëule la lé
gitim ité de l’ u n e t l ’usure de l’autre.
'
'
«D’après cela , il semble parfaitem ent inutile de re
D
�_ ( *6 >
_
chercher s’i l y a. prescription contrfe la préten tion des
A sto rg ; car s’ils l’avaient é le v é e 'e n 1 7 1 4 * ils auraient'
été déclarés non recevables à dem ander une co m p e n
sation.
M ais en .1 8 0 4 , c ’est véritablem en t une
folie de
vo u lo ir revenir contre cette compensation co n v e n u e
par un a c te , et ratifiée surtout par tant de p a iem en s
postérieurs..
Quand les parties ont plusieurs fois arrêté des com ptes,
soit en. 1 7 4 5 , soit depuis., n ’y a-t-il pas une présom ption
très-raison n able, que le débiteur a alors fait valoir tous
les excédàns de jouissances qui pouvaient m ieu x se véri
fiera ces époqu es, et que les rabais qui étaient de justice
ont été faits, s’il y avait lieu.
’
A cela les A s to r g ’ opposent -une bien, pitoyable r é
ponse. Ils n ’ont pas f a i t ni signé ces quittances, disentils; elles sont du fait du créan cier, et ne sont pas dou
bles ; on ne peut les le u r opposer;
M ais ce sont eu x -m ê m e s qui les op p o sen t, c ’est leur
libération ; sans elles iis d evraient p a y e r trente ans
d ’arrérages de plus q u ’ils n ’ offrent. D o n c ils s’app ro
prient. ces quittances , donc elles sont virtuellem ent
doub les, puisqu’ elles sont com m unes aux deux.parties,
puisqu’elles sont pièces, d u procès.
,
L a cour a jugé le 29 brum aire an 1 1 , contre le sieur
de Penautier, q u ’ une quittance à lui donnée désintérêts
d’ un capital, sans réserves, valait a c q u i e s c e m e n t à la
dem ande de ce capital. C ependant la quittance n ’était
pas double ; il n ’avait pas signé cet acquiescem ent.
�G
A u reste
37 )
et seulem ent , pou r ne négliger aucun
ï n o y e n , quand le sieur D eleig e n ’aurait pas p o u r lui
le point de droit , les circonstances et les réglem ens
multipliés qui font entre les parties ^ tran sa ctio n la plus
irréfragable., rien ne l'em p êch erait de faire valoir la
prescription de trente ans.
‘
.. •
,
,,i
. Il a p ro u vé que l'antichrèse n'était pas nsuraire ,
quand elle a pour objet des intérêts légitim em en t dus
¡; Cela seul répond aux A sto rg qui n e prétendaient
à rim prescriptibilité qu'en y supposant de l'usure.,
M ais encore la question n 'e s t - e ll e pas ju g ée par les
deux sentences de, 1 7 1 6 et 1 7 4 5 , qui n'on t ordonné
le paiem en t des intérêts, et par conséquent le com pte
des in té rê ts, que depuis 1 7 1 4 .
V igier sentit si bien q u ’elles étaient une fin de lion
recevoir contre l u i , que par ses défenses ,< du
3 août
1 7 6 4 , il se réserva de se pourvoir contre ces d eu x
sentences.
•-1
.
M ais il ne s'est pas p o u rv u , puisqu'il les a exécutées.
.
■ ■■
'
.
y1
.■ ;
^■
?:' ‘ :
F a u t-il encore parler de l’appel incident des A sto rg,
fondé sur ce que le juge du D o ign o n , en ordonnant
l ’estimation des- jouissances ? avait'prescrit aux experts
de déduire les charges.
'
-
f' '
L es Astorg supposent que le,propriétaire les p a y a it,
et non le créancier.
•
L e prouvent,-ils? ilsi;ne s'en sontjpas m is en p e in e ;
;mais ils prélen den t que cela a dû* être ;ainsi.
a Ainsi c e t ;appel est fondé sur une présom ption.
' *
D 2.
,
�(
23 )
^
C ependant les A storg auraient pu vo ir dans les a u
teurs déjà cités, que dans les antichrèses, le créancier
étant mis en possession pou r un tems indéterm iné pro
s u o , doit le paiement des charges. Mais cette n ou
velle question est si peu im portante q u ’il est inutile
de la discuter en point de droit.
C elui qui jouit est présumé p a y e r les ch a rg es, car
les charges sont une diminution des fruits annuels. Il
y a quelqùéfois exception pour des ferm iers, mais c ’ est
que le propriétaire reçoit un reven u annuel p a r le paie
m en t de la fe rm e ; et d’ailleurs le bail en fait toujours
le règlem ent.
. . . . . . . .
L e sieur D ele ige ne suppose pas que les A storg aient
opposé sé rieu sem e n t, q u ’aya n t subi deux degrés de
juridiction, il ne doit pas y en a vo ir un troisième.
Si cela était a in s i, il aurait fallu que l ’assemblée
constituante décrétât que tous les procès pendans a u x
parlem ens étaient é tein ts, parce q u ’ils étaient au troi
sième degré de juridiction. L a loi du 19 octobre 1 7 9 0 ,
a au contraire indiqué où seraient portés les procès
alors pendans aux parlemens. O r , celui des parties
était pendant au parlem ent de P a r is , par exploit du.
2.3 août 1790.
;
I l était pardonnable a u x Astorg d’opposer tant de
m o y e n s faibles et tant de prétentions bizarres dans lè
désespoir de leur cause; mais quand ils taxent
in dé
licatesse un h o m m e qui peut s’honorer de sa probité
§ans craindre de dém en ti de personne ;q u a n d ils écrivent
�( 29 )
q u e Leur réveil a été com m andé par la nécessité de n e
pas laisser perpétuer plus lo n g-tem s La rapine de ce
créancier altéré d ’ usure , les A storg ont ils cru se rendre
plus recom m andables par une injure grossière, q u ’ils
s’étaient bien gardés de se perm ettre en prem ière ins
ta n ce, où les deux parties étaient connues.
L à le sieur de L e ig e ne s’ en serait nullem ent offensé ;
là au contraire il aurait félicité Astorg sur un ch an ge
m e n t de principes que l ’opinion m édisante ou calom
nieuse ne suppose p as; et cette opinion m ê m e éta
blissait assez de distance entre la délicatesse du sieur
de L e ig e et celle d ’un A s t o r g , pour rendre inutile de
sa part toute espèce de justification.
Quoique le sieur de L e ig e ne soit pas très-sensible à
Tinsulle d’un tel h o m m e , il ne lui est pas moins pénible
d ’être accusé, loin de son dom icile , du vice le plus
opposé à son caractère. H eureu sem en t l’h om m e de
bien n ’est pas jugé par l’injure q u’il reçoit. L a raison
évalue l’injure et en scrute F a u te u r ; et quand un
A storg a du scrupule et f a it de la m o ra le , l ’expérience
apprend q u ’il n ’en fait que pour les autres, et la m é
m oire rappelle l’adage de tant de moralistes. V ideo
meliora , probo q u e , détériora sequor.
M . r M A R C H E I X , Rapporteur;
M .e D E L A P C H I E R , A v o ca t.
M .e M A R I E , L ic en cié-A v o u é.
,
A RIOM, DE L ’IMPRIMERIE PU PA LA IS CHEZ J.-C. SALLES,
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Leige, Robert de. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Marcheix
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
usure
créances
antichrèse
quittances
Description
An account of the resource
Mémoire pour le Sieur Robert de Leige, appelant ; contre François Astorg et Marie Vigier, sa femme, intimés ; et Contre Brigitte Rotquier et Jean-Baptiste Lacroix, son mari, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1714-Circa An 11
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
29 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0242
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Laval (Pré de)
Pleaux (15153)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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Antichrèse
Créances
quittances
Usure
-
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099c59d7ddd03be2ffce190cb967941a
PDF Text
Text
MEMOIRE
t
SUR
UNE C O N T E S T A T I O N
RELATIVE
A
LA
POSSESSION
ET
PR O PR IÉ T É
DE MINES A CHARBON.
i
A R I O M,
d e
l’ i m p r i m e r i e
IMPRIMEUR
d e
t)E L A
L A N D R I O T ,
COUR D ’ APPEL.
A o û t 1804.
s e u i
�MEMOIRE
COUR
EN RÉPONSE,
D’APPEL
SÉANT G
A RIOM.
POUR
P ierre - J ean - B aptiste T R E I C H L A
P L E N E , appelant
'
M a r ie
CONTRE
,
T R E IC H -D E S F A R G E S
L achaud ,
Jean
COUDER ,
veuve
et
Léo
n a r d C H A D E N I E R , in tim és.
A V E C des titres de propriété , et la garantie des lo is ,
le sieur T reich a été jusqu’à présent à la m erci de tout
•le monde. U n ancien vendeur qui se croyoit intéressé
A
�,
.
.
( 2 \
. . .
à luî faire un procès y associa deux autres individus
absolument étrangers à ce débat ; et pendant que les tri
bunaux en étoient occupés , pendant l’appel d’une sen
tence qui n’a besoin que d’être lue pour être condam née,
un intendant disposa du sujet de la querelle au profit
d’un inconnu. Bientôt c e lu i- c i trouva en son che
m in la révolution , qui lui ôta sa p r o ie , et la remit
aux mains du possesseur, sous la surveillance adminis
trative. M a is, dans la l'apide succession des surveillans,
ceux du lendemain détruisirent la volonté de ceux de
la v e ille ; e t, après uncalios d’arrêtés administratifs con
tradictoires , la confusion alloit devenir d’autant plus
g ra n d e , que le procès sur la propriété étoit encore en
suspens devant les tribunaux. U ne cour d’appel pro
nonça sur cette propriété : m ais, comme si c’étoit un
attentat d’avdir éclairci la difficulté , on fit un crime à
son arrêt d’avoir confondu l’accessoire avec le principal;
et, ce qui d o itle plus étonner, la cour de cassation, étourdie
sans doute par cette Babel de décisions et d’incohé
rences , a adopté ce système et cassé l’arrêt comme in
com pétent', non pas quant au jugement d elà p rop riété,
mais quant à celui de la possession , qui néanmoins étoit
aussi en litige. Q uoi qu’il en so it, cette m ultitude d’ar
rêtés ne peut plus aujourd’hui embarrasser la cause;
le ministre de l’intérieur les en a écartés ; et il s’agit
simplement de savoir si le vendeur d’une jn in e, qui l’a
vu exploiter pendant 46 ans sans y rien prétendre,
a p u , après ce long espace, et sous prétexte que dans
sa vente il existoit une réserve dont il n’a jamais fait
usage , réclam er une copropriété contre un tiers deten-
�.
( 3 \
.
tèur ; si encore il le p e u t, après avoir vendu le surplus
de ses droits sans aucune mention de ceux qu’il veut
faire x*evivre. Gomme cette cause est tout entière dans
les faits ; que les intimés nient aujourd’hui une posses
sion qu’ils ont avouée dans d’autres temps ; et qu’ils se
fondent sur un seul acte qui est détruit par plusieurs
autres actes et circonstances , l’appelant est obligé de pré
senter. ces mômes faits avec un certain détail absolument
nécessaire à l’intelligence de ses moyens.
F A I T S .
\ . . . i ;! »
■
• •i •
A u village de la P le a u , dans le département de la
Gorrèze , sont des mines de houille ou charbon de
terre appartenantes à divers particuliers. Jean T reich ,
père de l’ap p elan t, en étoit le principal propriétaire^
En 1 7 4 7 , il acquit de Pierre Beynes sa portion dans
la terre appelée im proprem ent le communal de la Pleau,
parce qu’elle appartenoit à quatre propriétaires.
L e 25 mars 1 7 55 , il acquit du même P ierre BeynesJ
tout le terrein où étaient ses-mines et carrières à charbon,
dans lequel fut comprise la terre appelée la Charoulière
qui fait l’objet de la contestation. L ed it héritage vendu^
est-il d i t , tant pour ce qui concerne les mines et car
rières à charbon , que pour les bois , terres et buges qui
sont au-dessus , m oyennant 3000
Il fut dit que l’ac
quéreur entretiendroit un marché fait avec le m aréchal du
lieu pour sa provision de charbon , et que le vendeur,
auroit lui-inême sa provision annuelle dans les carrières
vendues. ,
'
W
'
•
,
”
,
,
.
A a
•
’
�.
.
'( 4 )
.
Cette terre de la C h aro u lière, qui a' en surface troiâ
septerées , avoit 'été vendue audit Pierre Beynes par
François Beynes, aïeul d’A n to in ette, femme Chadenier;
sa v o ir, deux septerées avant 17 3 6 , par un acte que
l ’on ne conrioît pas ; l’autre septerée fut vendue avec une
autre terre par acte
du
I er, décem bre 1 7 3 6 ; et cette
septerée vendue y est conjïnée de jou r avec autre partie
de la même terre, ci-devant délaissée par ledit vendeur
audit acquéreur.
O n y rem arque encore la clause suivante : « Sous
« la réserve expresse que fait ledit v e n d e u r, du consen« tement dudit acquéreur, de la m oitié de tout le cliar« bon qui pourra se creuser dans ladite terre appelée la
« C haroulière, une des deux ci-dessus vendue, h la charge
« que les frais et dépens qui conviendront faire pour
« le déterrem ent du charbon , se répartiront également
« entre ledit vendeur et ledit acquéreur. »
M ais tout prouve que cette charge fut rédim ée bientôt
après, indépendamment encore de ce qui résulte de l’acte
ci-dessus de 1755.
.
A n to in e Beynes , fils et héritier dudit F rançois, tant en
son nom que com m ecédataire de ses frères et sœurs, vendit
à M arianne la Plène , veu ve dudit Jean T reicli (m ère de
l’app elant), par acte du 29 août 176 8 , un terrein appelé
Chazalas, « confrontant de toutes parts avec le chemin
« de T u lle s , les carrières communes dudit village de la
« P lea u , avec autres carrières et terrein de ladite de—
« tnoiselle la P lè n e , etc. ' ensemble les carrières à
« bon de p ie rre , pratiquées et à pratiquer dans ladite
« pièce de terrein , etc.; comme aussi a vendu à ladite
�a
«
«
a
te
«
«
«
«
«
«
.
,
( 5 }
demoiselle la rPlène la part et portion appartenante
audit vendeur, èsdites qualités, sur les carrières situées
dans le communal de P leau , etc. ; sans par le vendeur
se faire aucune réserve de sa portion dans ledit com
m u n a l, etc. ; demeure chargée ladite acquéreuse d’exécuter les conventions portées au contrat du 29 septem
bre 176 6 , etc.; de même aussi sera obligée ladite ac
quéreuge , de délivrer au vendeur et aux siens la quantite de soixante quartes de charbon annuellement^
tant et si l ong ue me nt qu’il se recueillera du .charbon
dans lesdites .carrières ci-dessus ven d u es, à la charge
« que le vendeur ou les siens seront tenus de les creuser
« eux-mem es ou faire creuser à leurs dépens, etc. »
Cet acte de 1766 (leq u el seul A ntoine Beynes voulu t
rappeler) étoit un traité par lui fait avec Bernard D odet
pour extraire le charbon de ladite terre C hazalas, con
frontant,, disoit—il lui - môme audit acte, d’une part la
charbonnière commune , et d’autre part la charbonnière
des héritiers du fo u sieur Treich le .cadet. ,
A n toine Beynes n’avoit guère d’autre ressource que sa
rente de soixante -quartes de charbon , qu’il lit valoir
quelque tem ps, sans avoir garde de réclam er aucun autre
droit en vertu de l’acte de 1736. Il la vendit le 6 janvier
1 7 7 1 , et M arianne la Plène la remboursa par acte du 27
du même mois.
T o u t se réunissoit donc à séparer entièrement les in
térêts de M arianne la Plène d’avec ceux dudit Bevnes,
lorsque M arie T reicli-D esfarges, par jalousie de voisi
nage , à cause de la charbonnière du communal dont elle
avoit acquis une partie depuis quelque temps, après avoir
�.
.
C 6 )
•
essayé de faire à M arianne la P lè n e ,e n 1 7 7 5 , un p ro
cès crim inel qu’elle fut forcée d’abandonner, découvrit
l ’acte de 17 3 6 , e t, ne pouvant en user elle-m êm e, elle
eut recours à un m oyen jusqu’alors inconnu pour chi
caner un voisin. E lle se fit associer par ledit Beynes ,
en 1 7 7 7 , avec Jean C o u d e r, à la fa c u lté de creuser
dans la terre de la Charoulière en entier , et en échange
on associa ledit Beynes au charbon à recueillir dans le
communal,
A la vérité on ne supposa pas tout à fait que le droit
de Beynes fût bien certain ; car il fut ditque si ledit Beynes
n avoit pas ce droit de creuser dans la terre de la Charo u liè re , la société ( évaluée à 4 t t ) n’auroit aucun effet.
L es trois associés se m irent en œ uvre au mois d’août
1781 , furent une fouille dans le com m unal, où la veuve
Desfarges avoit une portion, et de là ils poussèrent leurs
travaux sous la terre de la Charoulière , qui dom ine ce
communal.
M arie la Plèn e aussitôt présenta une re q u ê te , de
manda le transport du juge de S a in t-A n g e l, lequel fit sur
les lie u x , le 8 août 1 7 8 1, un procès verbal qui fixa les
prétentions des parties, et qu’il est essentiel d’analiser,
parce que les intimés feignent d’ignorer comment le
prem ier juge a constaté des dires qu’ils désavouent à
présent.
'
Les Desfarges, Beynes et C ou d er, qui d’abord ne sembloient se défendre qu’en soutenant que leur fouillo
n’avoit pas pénétré sous la C haroulière, essayèrent néan
moins le ton offensif, et déclarèrent audit procès verbal
qu’ils preuoient les démarches de la veuve la Plèue poui
�,
C7 )
un trouble à leur p ro p rié té ; que les causes dont se servoit et s'êtoit ci-devant servie ladite demoiselle la P lèn e,
pour tirer du charbon de la terre de la C h a ro u liere,
portoient un préjudice notable audit Beynes et autres, au
droit de retirer du charbon de ladite terre, et que ladite
demoiselle la Plène ne pouvoit s’empêcher de leur faire
compte de la m oitié de. ce charbon depuis le temps qiCetle
avoit acquis.
ajoutèrent la demande qu’il leur fût donné acte de
leurs réquisitions et réclamations , sous réserve de la
restitution de la m oitié du charbon ci-devant retiré de
la Charouliere par la demoiselle la Plene depuis son
acquisition , et autres que de droit.
Ils
D e son cô té, la demoiselle la Plène se plaignit de ce
qu’on avoit fait un chemin souterrein, pour venir, par cette
feinte adroite, dans sa charbonnière ouverte ,• mais qu’on
ne pouvoit s’aider du titre de 1736, parce qu’il n’avoitpas
d’application , et que d’ailleurs il étoit doublem ent
prescrit.
Pendant cette première diligence les intimés ne se liâtoient pas moins de fouiller le charbon ; ils avancèrent si
rapidem ent, et avec si peu de précautions, qu’ils pensèrent
se trouver pris sous la galerie de la veu ve la P lè n e ,
parce qu’ils ne se donnoient pas la peine de mettre des
étais. L a veuve Desfarges crut faire une heureuse diver
sion en rendant plainte.
. L a veuve la Plène et scs ouvriers furent décrétés de
soit o u ï, et interrogés ; mais la veuve Desfarges en fut
pour sa tentative, et la procédure fut civilisée.
O n continua le procès c iv il, et les intimés priren t, le
�c 8 }
.
•
20 novem bre 17 8 1, les conclusions qu’ils avoient annon
cées lors du procès verb al, c’est-à-dire, i° . qu à Vavenir
le charbon fût partagé par m oitié ; 2°. que pour le passé
la demoiselle la Plène fût condamnée à leur restituer
6000 cartes du charbon qu’elle a retiré et J a it creuser
sous le champ de la Charoulière , et ce pour leur
m oitié , à quoi ils se restreignent 30. à la m oitié dudit
charbon retire de ladite terre depuis Tinstance 4°* erl
^000
de dommages-intérêts.
j
L e 17 mai 1782 intervint la sentence du prem ier ju g e,
qui déclare les intimés propriétaires de m oitié des car
rières de charbon qui sont dans la terre de la Charou~
Hère , et de m oitié de celles du communal de la Pleau
(q u i n’étoient pas en litig e ); mais, attendu, est-il d it, que
les intimés n’ont pas réclam é dans le temps contre l’ex
ploitation de charbon faite avant Vinstance par la de
moiselle la P lè n e , publiquement et ouvertement , en
vertu de son contrat de i'/ 55 , au vu et su dudit Beynes et
de ses associés, sans réclam ations , la veuve la Plène est
renvoyée de la demande en décharge de tout compte du
charbon extrait, et ils sont renvoyés eux-mêmes de toute
demande. L e surplus de cette sentence règle le mode
d ’exploitation pour l’avenir.
Les Beynes, Couder et veuve Desfarges n’ont point
attaqué ce jugement.
L a veuve la Plène en interjeta appel en 1782. Cet appel
fut instruit en la sénéchaussée de T u lle : elle étoit sur
le point d’obtenir justice.
M a is, Sic vos non n o b is , un nomm é Saint-Victou*’
profita do ces querelles pour persuader que l ’ e x p l o i t a t i o n
de
�.
, .
< •* > )
de ces mines étoit en m auvaises„ rnains +ril çn
d’abord de l’intendant dei.Lim oges la concession poui;
un an ; puis-il ¡fit valoir ses dépenses, l ’excellence de son
administration^ spn0i^tUit;é ,
.p ^ in t éfi. 1783 une
concession,de q^m ze.jris.
ob ar»*: ' J S 15{
L L a •loi du .28 juillpt;fi ^9.1;e ^ u ^ a < ,Sa;nt-„yiCtour4
qui néanmoins ne fut pas découragé, -et q u i, dans toutes
les phases de la ré v o lu tio n , se f.t iiït ,iu x avenues des
administrations etTdes, ministère^, ppur solliciter quelquesuns des arrêtés ci-après,
en veniir.4pr,longue mfvin à,
réussir.
, ,
r> q
^ f, s;i{
.,_T '
Les mines étant seulement sous la surveillance, admir
nistrative , les propriétaires de Pleau obtinrent , le
6 novem bre 1791^ un arrêté du département de la.Gorrè z e , qui les remettpit en possession de, leurs carrières..
Saint-Yictour intrigua et prétendit que lui seul avoit mis
les charbonnières en état de produit; i l fallut .des enquêtes
pour le vaincre. E n fin , en 179 3 ,, il p aru t,céd er, et fit
faire par B ettinger, son associé ,..un,traifcé^avec Pierre-,
Jean T reich appelant , lequel, conçédoit, ¿1 p rj,x fixe ,
audit Bettinger, l’exploitation de ses mines pendant vingt
ans. L e département hom ologua ce traité le 19 juin 1793.
D ’autres cliangemens amenèrent d’autres intrigues. O n
fit écrire au ministre de l’intérieur .par le ministre de la
m arin e, pour les mines de Pleau ; pn eut des avis de la,
leommission des m ines, d’autres de celle des travaux pu
blics. O n fit ordonner que les, propriétaires ex;ploiteroient en commun. •
L e département de la Corrèze p r it, les
viôse on
5,
5
et i5 plu
deux arrêtas qu’il crut etrje en conform ité
.j ;; illf
'
�r,
.. , . ............. C ™ / ) .
.
.
_
de ces feglemèris-, maïs ils furent cassés par le ministre
de l’intérieur, le 8 floréal an 5.
‘
Les propriétaires des minés se réunirent, le 24 nivôse
an 6 j poiir Organise^ une* exploitation en-commun, sous>
là direction de Mazaud. O n prëssent que T reich appe
lant, ét principal propriétaire, ne pouvoit y ! participer à
cause du traité^qü’il avoit fait avec Bettinger.
U n autre obstacle s’opposôit à cette union. Les arrêtés
des 6 n o v em b re2 1791 et 1 9 " 'juin ' 1793 subsistoient
enbdre', et élloiént exécutés.’
' Mais le ‘bien ’général ne permit pas sans doute- à l’ad
ministration dé"la C oirèze de se laisser guider servile
ment par des décisions sous la foi desquelles on avoit
traité , et de se laisser maîtriser par des Considérations
particulières. L e pliis difficile né fut donc pas de vaincre
te léger empêchement ':'
;
:
D ir u it , œ d ijic a t, '■m u tâ t q u a d ra ta ro tu n d is .
L e département de l ’an 6 ' cassa, le 23 ventôse, les1
arrêtés du département 611 plutôt des départemens
de 1791 et de 1793. L ’union de la compagnie Mazaud
fut liom oiogu ée, et il f u t 1enjoint à T reich de déclarer
sous "quinzaine s’il entendoit s’y r é u n ir , sinon il étoit
censé avoir renoncé h son droit.
T reich se pourvut près des autorités supérieures; il
osa même élever sa vo ix jusqu’au chef de l’état ; et
bientôt nous verrons qu’il n’a pas supplié en vain.
Cependant cet arrêté de l’an 6 étoit le dernier état
des choses, lorsque l’appel de T r e ic h , fils et héritier
de Marie la P l è n e , fut porté ci T u lle s , comme tribunal
choisi par les parties : il fut ensuite dévolu a la cour
d’appel de Limoges.
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Les
adversaires
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forts
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la
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contestèrent, ^d’abord la xpm pçtence .judiciairp ; mais
comment un arrêt^. ^ r o it - i l pu suspendre un aj>pél
pendant?
D ’ailleurs„rarrêfp.pe
régloit rien.sur
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k Considérant qu’il résulte du contrat.du i«”-. dccein•
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« bre 1736 ,une : y ^ t ç -¡pure tj siniple)} et parfcifeo.de
« Tentier fonds,de.la portion de la, terre la, Charoulière,
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« qui fut vendue,par cet acte,: que la réserve énoncée
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cc à la suite ,de cet acte , même du consentement de
« l’acquéreur, n’y est apposée que comme un su gplé« ment du p rix déjà stipulé ; qu’ainsi cette clause n’avoit
« point fait -retenir au vendeur; la. p r o p r ié té ( de. la
«1¡1
moitié
sous le tér. de la
1- mine- de
:'•/ charbon
il* 1. . II.èxistante.
-. ¡ :,v;
,
« rein aliéné ; qu’il n’en dériyoit contre: l’acquéreur
cc qu’une simple action en réclamation de cette m oitié
« de charbon ; que; cette action QU^soi, ^st; prescriptible
« comme toutes les autres , par le laps^de rtrerite annéès;
« que les in tim és.ont avoué et soutenu, au p r o c è s. que,’
« n i François Beynes , auteur d A n to in e ' , 7 i i ledit
« A ntoine lui-même , navoient jam ais jo u i de la mine
cc à ch a rb on , depuis ledit contrat d e i ^ 6 ,ju s q u e n
c* 178 0 ; ce qui embrasse un espace ^de quarante-quatre
ce ans , plus que suffisant pour prescrire ;
.
cc Considérant que cette action est prescrite par le
« non-usage; que Jean B eyn es, prem ier a cq u é re u r,
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« Jean T reich , père de l’appelant, et l’appelant lui-même,
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« ÀWt |)dskecl6 ïad^c'mciîtie1cl;éJnfaiïe 3 avec titre èiiifisant
« pour eri àcqütéWi*' ïa ^ropriiké^Wee b o û W f d r e t saris
« interruption pendant plus'de trente ans; qu’ainsi cette
« prescription së tro u ve acquise en faveur d e ‘ l’acqué-
« reür que dès-tors Tèxiiîioeii èï îü Solution dçÿ autres
« questions agitées au procès deviennent in u tile 1 etc.
r-. f - ...... . p „ ° „ r
. rK . f' } ....
... ' : ,r...
L e tribüntîl tfit'q u ’il a été friil ju g é;'....
et
« maintient l ’appelant aü d roit et possession de jouir 1
« d e s.m in e s a charbori existantes dans la terre la Cha« roülière [ ...' le ' ' rel'a'xô d 'e 'Î’aBcü^tioh ;et plainte;
condamne'" les intimes à-! lui Véùd'rë le ’ charbon par'
euX ^ e rç u dans ladite 'tërr'è ;./. depuis le trouble jus
te qu’au jo u r .... de l’arrêté du 23 ventôse an 6 ,... et
« ioo'ri~ de dommqges-intérêts ,.... sans préjudice à la
« restitution en temps et lieu , s’il y é c h e t, du charbon
'"«
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« ‘ perçu depuis ledit joür ¿ ¿ ' ventôse an 6 ,' etc. »
•
.Les intimes se pourvurent en cassation sur quatre
moyens: Celui de l’incompéteiice fut réjeté à l’unanimité
en la section des requêtes. L e prétexte de la m inorité de
B e yn esV cjù ’ il lie jirbuyoit encore pas régulièrem ent,
fit réussir Tàdriiission. L a "section civile rejeta à son
tour fce nVo'yfcn , et s’attacha à l’ incompétence : il en est
résulté que l’avis de huit j tiges l’a em porté sur celui de
vingt-trois.
Quoi qû’ilc n so it , Tes deu?i arrêts de Lim oges ont été cas
sés le T4'mvôsc an 1 1 , pour avoir statué sur la possession
en m êm e.tem ps ejue sur la p ro p rié té , parce q u e , dit
¿’a r r ê t, la possession dérivôit de l’arrêté du 23 ventôse
àn 6 ,\ ..e t cependant cet arrêté avoit été respecté à L im o
ges comme une barrière insurmontable. Les parties sont
�. V . . . . .-C'^ )
■ .
. ...
E n voyées à ’ faire statuer sûr leur appel en (cette cour.
* Les intimes seîigurèrent que cet arrêt de cassation étoit
un triomphe définitif, et ils allèrent de suite se mettre en
possession des/m ines de Charoulière : ils y disposent
aujourd'hui 'eri'’maîtres.
,
.
’
u M ais bientôt les plaintes que T reicli avoit portées au
pieçt du trôneront été’ fructueuses. L e ministre a donné
Ordre aupréfet>Jdè la Corrèze de casser l’arrêté du 23 ven
tôse an 6. Cela a‘ été effectué par arrêté du 27 floréal
a n 'lV ^ q u V permet polir un an à T reich et. autres d’ex
ploiter (illacuii dans sa p ro p rié té , à la charge de s’exp li
quer dan"sJce délai pour régler le m ode d’extraction à
venir.
' N ’y ayant donc plus d’em pêchem ens. administratifs ,
Fappel a été suivi en la cour. lies intimés ne voudroient
y plaider que sur la -p ro p riété; ils prétendent que leur
droit est im prescriptible, et qu’il ne s’est pas écoulé de
prescription , soit à cause de la clandestinité , soit quant
au délai suffisant pou r prescrire.
M O Y E N S .
v
Ce n’est pas un très-grand malheur' qu’une bonne cause
soit remise en jugement après avoir été gagnée en der
nier ressort , lorsque la cour suprême n’a blâmé cette
décision que dans un très-petit accessoire. Mais 011 ne
peut s’empêcher de s’étonner grandement que l’arrêt
d’une cour d’appel., reconnue com pétente pour h fond
du procès et pour la majeure partie des accessoires, ait
été pleinement cassé, sans que cet a r r ê t, au fond , soit
suspect d’aucun vice.
�.
( .H )
#
A u re ste , le sieur T re ic li se consolera aisément de
cette vicissitude , q u i, en jugem ent comme en adminis
tration , n’épargne pas les choses les plus irréfragables;
car si son arrêt de Lim oges a été cassé, il a au moins
l ’avantage que le m oyen de non-prescription, sur lequel
les intimés avoient insisté davantage, n’a pu être accueilli
ni à la section des requetes , 'ni à la section civile , et
que l’arrêt de la cour de cassation, dan^ tous ses m otifs,
n’attaque aucunement l’arrêt de Lim oges dans les ques-,
tions de la p ro p rié té , et m ême de la possession antérieure,
à l’an 6 , mais seulement pour s’être mis en opposition,
à l’arrêté du départem ent, du 23 ventôse an 6.
, ,
Les motifs de cassation font naître une idée bien na
turelle : car ils sont fondés , non pas sur le droit qu’avoit
la compagnie M azaud à la possession, mais sur la pos ■
*
sibilité qu’elle y eût d ro it, quand le gouvernem ent auroit
ratifié l’arrêté de l’an 6.
.
O r , M azaud n’ayant plus ni arrêté ni expectative , ne
faudroit-il pas dire que sublatâ sausâ tollitur effectus?
et que la cassation étant fondée sur une condition nonsuivie d’événem ent, il n’y a aucun obstacle à ce que l ’arrêt
de Lim oges subsiste.
O11 répondra qu’il y a chose jugée ; mais on se dem anderoit laquelle ? et cette réponse même nous con
duira au moins à être persuadés que c’est bien sans
nécessité, et surtout sans motifs existans , que le droit
des parlies est remis en litige.
D’A rgen lréd ép lo ro it la inisçre des plaideurs et l’étermte
des procès: M iscri litigantes ! de quibus n ih il ccrti est
constitulum , et quo i ah arhitrio cujusque et opuiationo
putiùs pendet, quàrn àccrtis regulis, M ais q u ’ a uroit-il dit
�■V
f.
•
(
)
.?•
■ ,
si, 'ouixë les tribunaux, il eût fallu parcourir u n cercle d’admirii'strations sans etreplus certain le lendemain que la veil
le', et!sans que,ces administrations le fussent elles-mêmes?
Q uoi qu’il en soit, supposons, car il faut bien le sup
p o ser, quë lés dioses sont au même état que lors de la
cassation ,'e t par conséquent qu’il existe un arrêté du
|
^I1 ' *f ! Jr' -J -| J '
>
¿3 ventôse an 6.
' Si cet arrêté subsistait aujourd’h u i, la cour auroit à exa
m iner encore la même question de compétence relative
m ent à lîr possession des m ines; et il seroit bien difficile,
o ï f oser le^dh-'e , qu’elle se conform ât m ieux que la cour
de Lim oges à la 'démarcation dès pouvoirs; car pourroitelle faire p lu s, que d’arrêter ses condamnations à l ’époque
où l’administration avoit disposé de l’avenir ?
M ais , dans tous les sens possibles,, le passé étoit dans
le domaine judiciaire ; lés jouissances de 1781 à 1791
étoient en litige par?la sentence de S a in t-A n g e l, et par
l’appel dë la veuve T reich .
Les jouissances de 1791 à l’an 6 étoient encore l’objet
de l’a p p e l, et on ne peut pas inyoquer l ’art, i^r. de la
loi du'28-juillet' Í791 ; car s’il place les mines sous la
surveillance adm inistrative, il n’ôte pas le fait de la posséssion", et d’ailleurs elle étoit autorisée par deux arrêtés
de 1791 et de 1793.
Ces deux arrêtés n’ont été rapportés que le 23 ventôse
an 6 ; mais jusque-là ils avoient eu leur exécution, et ce
dernier arrêté ne les i*apporte aussi que pour l’avenir.
'A in si L im o ges, loin d’être en opposition à des arrêtés
administratifs, s’y étoit au contraire entièrement con
formé : ainsi la co u r, en statuant de m êm e, s’y conform eroit encore.
�(*6)
_
M ais elle n’a pas même l’empêchement de cet arrête
de l’an 6 ; e t , quoi qu’en disent les in tim és, rien ne
s’oppose aujourd’hui à sa pleine compétence ; car l’arrêté
du p réfet, en cassant celui de l’an 6 par ordre du mi
n istre, n’a pas borné cette infirmation à un seul c h e f,
comme ils- le supposent. L ’arrêté est cassé.
A u reste, il est toujours vrai que la com pagnie M azaud
n’a plus le p rivilège • exclusif. L e droit d’exploiter est
rendu à chaque propriétaire, au moins provisoirem ent;
et d’ailleurs encore il est véritablem ent oiseux de recher
cher quel reste d’existence a l’arrêté de l’an 6 ; car si les
intim és ont joui avant l’an 6 , ils ne doivent rien à la
com pagnie M azaud y qui n’existoit p a s, mais à T r e ic h ,
qui avoit le droit de jouir. L a question de propriété
em porte donc avec elle la question des jouissances.
' A in s i, bien'ldin de se restreindre à moins que n’a jugé
L im o g e s, il semble que la cour n’a aucun empêchement
<Y adjuger même les jouissances postérieures à l’an 6 ;
car la com pagnie M azaud n’a jamais eu de droit ni de
possession sur les propriétés de l ’ap p elan t, seulement elle
y avoit une expectative au cas que T reich ne réussît pas
dans sa réclamation auprès du ministère. M ais l ’arrêté do
l’an 6 n’est plus. L a com pagnie M azaud , d’après même
les intimés ( page 14 de leur m ém oire ) , n’a plus (la
droits ; et s’il est vrai que la possession ' dés mines ait
besoin d’une autorisation , le sieur T reich l’a encore
obtenue. A insi l'effet le plus immédiat de cette obten
tion doit être que ceux qui posséderont dans ses pro
priétés m algré lui , doivent lui rendre compte.
.
A u reste , il s’agil ici de com pétence, et par conse:
quent
�.
t ij ^
.
quent d’ordre public : la.cour y>statuera dans sa sagesse.
Il suffit à l’appelant de rentrer, dans ses propriétés ; et
il n’y voit d’autre obstacle ' que l’obstination de ses
adversaires.
t ■ i j •! ’ . ’
: ’t
.
• ,•
- Soit que la cou r'ju ge toute la .possession,' ou seule
ment une partie de 1la . possession / il est au moins cer
tain qu’il n’y a ' de vrai litige que sur la propriété.
D ’après cela, si l’arrêt de-Lim oges est cassé, même pour
ce qu’il avoit com p’é temment jugé , le sieùr T reicli ne
sera pas plus embarrassé d é prouver à R iom q u’à
Lim oges qu’il est seul propriétaire de la Charoulière
et des mines qui en dépendent. Ses preuves à cet égard
ne sont pas équivoques.
•„
•
i ° . Il tient cette propriété de Pierre Beynes. E lle
est vendue sans charges.
'
2°.. Son titre est fortifié par le fait même du pre
m ier vendeur , q u i , achevant d’aliéner ses propriétés
adjacentes et droits de mines , ne s’est fait aucune
espèce de réserve. •
,
, 30. Il a joui plus de 10 ans avec titre et bonne foi :
il a’ joui même plus -de 30 ans sans trouble ni récla
mation.
40. , Cette jouissance est constante au procès,
Les intimés ne se sont pas dissimulés toute la puis
sance de ce dernier moyen ; aussi ils s'efforcent de la
dim inuer par des négations.
' Ils n’ont jamais avo u é, disent-ils, que M arie la P lè n c ,
.
/,
c
�. . .
ç la >
veuve T re ic h , ait jo u i, et ils netrôuyeh t aucunes traces de
cet a v e u ; et l ’ap p elan t, au co n tra ire, a toujours d it,
suivant e u x , au bureau de paix , et dans ses écritures,
n’avoir ouvert de carrière dans la terre de la Charo.ulière que depuis dix-huit mois.
A u bureau de paix ? les parties n’y sont jamais allées.
Dans les écritures de l’appelant ? il a toujours d i t , ab
ovo , qu’il y avoit jouissance et prescription. C ’est.donc
dans les interrogatoires? M ais de quel interrogatoire a-t-on
voulu p a rle r? est-ce de celui de 17 7 5 ? est-ce de celui de
.178 1 ? car la veuve Desfarges est armée de deux procès
crim inels qu’elle a soin de produire avec son procès civil.
L e prem ier interrogatoire est vraim ent une pièce
curieuse; e t, s’il faut juger la sentence de 1782 par les
interrogats de
, la comparaison ne sera pas trèsavantageuse par la senténce. L e juge demande à la veuve
la Plèn e s’il n’est pas vrai qu’elle est propriétaire de
m oitié du com m unal, et autres carrières ; ..... s’il n’eçt pas
vrai qu’elle tient sous son joug les habitons du v illa g e ;...
s’il n’est pas vrai qu’elle a coutume de lasser les parti
culiers qui ont essayé de creuser du charbon , etc. Elle
répond qu’elle est propriétaire de m oitié du com m unal,
et d e plusieurs autres carrières particulières ; ...q u ’elle
n’em peche pas les particuliers de creuser où ils ont droit,
mais qu’elle a toujours fait ses efforts pour les empêcher
de creuser dans ses fonds.
Ce ne sont là que des pauvretés , cela est vrai ; mais,
au lieu d’y trouver une preuve que la veu ve la PJene
11e jouissoit p a s, 011 y voit au contraire qu’elle enlendoit très-bien jouir seule de scs carrières, envers etconl*c
tous ; clic ne s’en défondoit pas.
�.
f 19
-"Sont-ce les interrogatoires de 1781 ? 'Car il est parle
de dix-huit mois dans l ’interrogatoire de M artin Beynes
èt dans celui de sa fem m e, qui Ont rendu compte de! la
derniere excavation qui donnoit lieu à la plainte. M ais là
veuve la Plène explique., dans son interrogatoire du
même jo u r , que cette carrière n’est .qu’une continua-,
îion 4e creusement ; et plus loin elle parle encore de
ce nouveau creusement.
'
*
Comment la veuve la P lèn e.au roît-elle, en effet, m ènti
à la vérité contre elle-m êm e, lorsqu’on lit dans les écri
tures de ce même procès de 1781 , qu’elle a »toujours
joui. « Les contrats de vente , dit-elle’( dans la requête
« copiée à la suite de ces interrogatoires dans les pièces
« des intimés ) , ont toujours été suivis d’exécution
« par la jouissance paisible et tranquille que la sup« pliante a eue seule des' fonds y m entionnés, notam
te meut de la terre de la Charoulière , à l’exclusion de
« tous autres, et sans opposition. »
’
Non-seulement la veuve la Plène a parlé de sa pos
session constante , mais les intimés ne l’ont jamais désa
vouée en prem ière instancè'. Leurs réquisitions au procès
verbal du 8 août 1781 , leurs conclusions dans la reqùêté
du 20 novem bre su ivan t, qui en font le com plém ent,
ne laissent aucun doute à cet égard. L ’appelant ne les
rappellera pas, parce que la cour a dû se con vain cre, par
le seul récit des fa its, que ce point de jouissance exclu
sive étoit constant dans la cause.
'
Q u’y a-t-il encore de plus .exprès et de plus concluant
que la fin de la sentence de 1782, pour prouver que cette
Ca
�.. .
C 20 )
.
.
.
possession a eu lieu au vu et su des adversaires, 'publi
quement et sans réclamation.
Ils n’ont pas interjeté appel de cette sentence; donc le
débouté, m otivé sur la jouissance exclusive à leur nu et su,
demeure inattaquable : le m otif et le dispositif n epeuven t
se séparer. E n fin , peut-on douter de la possession constante
de T re ic h , après avoir vu lés aveux faits devant la cour
de L im o g e s, et rappelés dans les motifs de son arrêt ?
A in si la jouissance des T reich est constante; ainsi les
Beynes n’ont jamais joui ni fait de réclamation de la
réserve qui se trouve au contrat de 1736. O r , avec ces
points de fa it, il sera aisé de prouver que l’appelant
doit être tranquille par la prescrip tion , indépendam
ment des moyens qui résultent des actes de 1768, 1769
et 177 1.
'
'
V e u t- o n considérer A n toin e Beynes isolém ent, et
comme s’il plaidoit contre Pierre Beynes son acquéreur?
alors, à la v é rité , il faudroit une prescriptioo de trente ans.
O r , cette prescription s’y tro u v e , car A ntoine Beynes
n’a jamais articulé avoir joui ; et , de l’époque de sa
vente en 1736 jusqu’à 1 7 8 1, il y a prescription, comme
l ’a jugé la cour de L im o ges, car il y a quarante-quatre
ans.
Les intimés essayent d’en diminuer la durée en di s a n t
qu’Antoine Beynes étoit mineur. D ’abord, oulre q u ’ il
n’étoit p:is seul héritier du ven d eur, il n’y pas moins
trente-deux ans utiles sur sa tête; et si les intimés, dans
leur mémoire ( pag. 1 1 ) , veulent trouver neuf ‘mS c^°
moins, c’est qu’ils 11e comptent pas l'intervalle de 1736
1705.
�.
( ' 2I )
#
1 P ou r justifier cette. Réduction, ils disent .que c’est en
i y 55 seulement que la cause de la possession a été changée.
M ais il n’est .pas né cessa ire‘de changer la cause d’une pos
session pour prescrire1par tyente ans; car cette pi*escription n’exige aucune autre condition que la possession à
titre de propriétaire; neque bonajîdes requiritur, sedsola
possessio per tricennium. L e Code civil encore rappelle
sur ce point les anciens principes.
« On, peut prescrire contre son titi-e, en ce sens que
« l’on prescrit la libération de l’obligation que l’on a
« Contractée. » ( A l ’t. 2 2 4 1 . )
’
Nous avons considéré la prescription du côté de Beynes
ven deur, et elle est acquise par trente ans; mais il reste à la
considérer du côté de T reich acquéreur en i y 5 5 ; e t, sous
ce point de v u e , il suffit de dix ans de prescription.
L a loi comprend expressément dans la prescription de
d ix ans les charges 1 auxquelles le fonds est asservi, et
personne ne doute que* dans la plupart des pays de droit
é c r it, cette prescription n’ait été constamment admise.
L e parlement de B o rd eau x,¡d ’où il paroît que ressortissoit l’ancien Lim ousin ,,açlmettoit la prescription de dix
ans en faveur du tiers possesseur, ainsi que l’enseigne
L ap eyrère, lettre P , n°. 83.
? .
A la v é r ité , son'annotateur inconnu prétend que B or
deaux n’admet que la prescription de trente ans. Mais la
cour jugera lequel des deux mérite d’être préféré , au
cas qu’il V eût lieu d'aborder,cette question secondaire.
Lapeyrère avoit di t, au n °.5>6 o , que la prescription
s’acquéroit par dix ans au tiers possesseur/suivant arrêt
de règlement de 1626.
�( 22 )
#
M a is , au reste , deux moyens prouvent qu’elle doit
«voir lieu dans la cause.
i ° . T o u s les parlemens qui ont refusé d’admettre la
prescription de d ix ans se fondent sur l’A uthentique Malœ
j i d e i , et en tirent l’induction que la bonne foi ne se
présum e pas contre le propriétaire, parce qu’on ne peut
pas présum er qu’il ait connu son droit et n’ait pas réclamé.
Cessât io/igi temporis prcüscr/ptio, si verus doniinus ignoret ju s suum et alienationem fa cta m . Dans ce
cas il n’y a que la prescription de trente ans.
M ais comment ne pas v o ir q u’A n to in e Beynes n’est
point dans le cas de cette lo i? Il n’a pas ignoré son droit,
puisque l’héritage vient de lu i-m êm e, puisque ce droit
est porté par un titre de son fait.
Il
n’a pas même ignoré la vente de 17 5 5 , car en 1 7 66
et en 1768 il reconnoissoit les héritiers T reich pour
propriétaires des catrieres voisines et du ténement de la
Charoulière.
E n second lieu , l’A uthentique Malçe fidei ne se rap
porte qu’à la vente d’un im m euble; et les parlemens qui
la reçoivent ont néanmoins continué d’adopter la pos
session de d ix ans quant aux charges et hypothèques
dont l’ iminoublo lui-m êm e est g re v é , et que D u n od m et
sur la môme ligne quant à la proscription de dix ans.
O r , la réserve de partager le charbon à extraire,
énoncée en l’acte de 17 3 6 , qu’est-elle autre chose qu’ une
charge, une servitude, un droit à des fruits temporaires?
E t n’étoit-il pas ridicule que le juge de Sainl-Angcl
appelât ce droit une propriété, et jugeât que les intimes,
même Couder et la veuve Desfarges, èlQiei\tpropriétaucS
�po u r moitié , comme si après une vente le vendeur dem euroit pi’opriétaire ; et comme si dans un fonds il y avoi,t
deux propriétés,, l’une du tréfonds et Fuutre de la super
ficie.
Mais.,, dans tous les cas, il est superflu de rem onter à
cette, réserve de 1736, parce que Jean T re iç li ayant acquis
en 1755 , sans, q u e lle fût m entionnée , a joui avec bonne
foi., au om et su du ven d eu r, qui connoissoit son droit
ainsi l’appelant a prescription suffisante,
.
Les intimés, répondent que la prescription n’a couru
dans l’espèce par aucun laps de temps; d’ab o rd , parce que
.c’est un droit de pure faculté ; en second lieu , parce que
s’agissant de possession sous la teri*e, il y a clandestinité.
. A u tan t vaudi’oit avoir dit etiam pet- mille annos ,
.comme le dit D um oulin sur le T itre vicieux. Cependant,
il faut en con ven ir, il seroit un peu dur de songer que
de vieux titres portant i-éserve d’un droit peuvent tom
ber des'nues, à la vingtièm e gén ération , et dessaisir ceuxlà même qui ont pour eux le titre et la bonne foi sans
s’attendre à aucun trouble.
L ’espèce de Cancérius, l'apportée par D u n o d , parm i les
exemples qu’il donne des droits de pure faculté, est déjà
contraire à l’ un des faits principaux de la cause ; c’est que
si le propriétaire d’un château ruiné n’a pas perdu la fa
culté de le faire réparer par les liabitans, c’est parce qu’ il
ne l’a pas réparé sans e u x ; sans quoi le droit seroit pres
crit. O r , ici Beynes avoue qu’on a joui sans lui.
M ais, à la page suivante, Dunod explique la cause d’une
-manière à épargner à l’appelant une discussion plus éten
due sur les droits de pure faculté.
�«
«
«
«
«
«
«
«
«
'
( 24 5 .
,
.
« Il faut distinguer entre la pure faculté, qui a son
fondem ent dans la n ature, dans le droit public commun
à tous ou à plusieurs d’une même société, et dans la
liberté de faire ou de ne pas faire certaines choses ?
sa?is aucune ’p réexistence ou m élange de t it r e , de
convention ou d’action; et celle qui vient d’un titre,
q u i tire son origine d'un contrat , qui est propre à
celui qui a le titre , qui résulte d’un droit fo rm é , qui
produit line action , et qui peut être déduite en jugement.
.- .
« L a prem ière de ces facultés n’est pas sujette à la pres
« cription , tant qu’elle n’est pas intervertie. M a is la se'-*
« conde se prescrit sans interversion , parce qu’elle dé« riv e d’une convention et d’une action qui sont pres
« criptiblcs et dans le com m erce o rd in aire, à moins
<x qu’elle ne tombe sur des choses qui sont d’une condi« tion à ne p o u vo ir être prescrites. » (D u n o d , pag. 90.)
Ces principes s’appliquent sons effort à la cause. L e
vendeur de 1736 avoit son droit dans son propre titre;
il a pu. le faire valoir ; il avoit une action : donc sa ré
serve étoit prescriptible, comme l’avoit jugé la cour d’appel
de Lim oges.
Rem arquons d’ailleurs qu’en cette partie les moyens
des intimés s’entredétruisent. Ils prétendent que Beynes
a eu le d ro it, non pas seulement d 'attendre qu’ou c r e u s â t
pour p a rta g er, mais de creuser lui-m êm e.
La p re u ve , c’est qu’il a associé pour creuser ; la p reu ve,
c’esl qu’on a creusé soi-même , et plaidé pour soutenu*
qu’on en avoit le droit.
L a preuve en fin , c’est que la sentence de 1782 ndjugc
ce
�¿■2 5 , h
'
ce droit; c’est qu’elle déclare lesj intimés propriétaires de,
la m oitié de4 la Imine.
.
,\
•* \
*
■ U ne propriété n’est donc pas une pure faculté ; et
conçoit-on un 'propriétaire qui conserve son droit sans
prescription'.quand un autre en jouit d’après lui-m êm e.
•exclusivement.or
> • : < •, . '
.
,
t
<
, / t
•'
/
.
.
•
M ais Cette jouissance', d it-o n , a été clandestine.
.
 cela il n’y auroit qu’un m ot à ré p o n d re ; c’est
qüe la sentence de 1782 dit que la jouissance a eu lieu.
au vuxet su d’Antoine Beynes. O r , cette sentence n’est
jjas attaquée par les intimés. D ira-t-on que cette, sentence
est annullée par l’appel ? M ais il n’y a appel nécessaire
ment par celui qui perd son procès, que pour la partie où
il le p ep d ., .
. ,}
^ ' '. .
.
•
D ’ailleurs, il est de principe que les aveux consignés
dans un acte subsistent m algré son annulation , com m e
F&nseîgne Cochin , tome 5 , page 2 7 4 , et com m e.l’a jugé
la cour de cassation’ le 29 floréal an 7.
*. Ce qui vient d’être dit s’applique à l’arrêt de L im oges,
q u i . mentionne l’aveu de^la possession.
jÿlais l’appelant ne veut pas écarter ce moyen de clan
destinité seulement par une fin de non-recevoir. Car ici
. [I 1 ' " '
’■! ' ‘t ' ' 1 >■
'
les parties sont loin de ce qu’on peut appeler une posses
sion clandestine : il n’y en a ni dans le fa it ni dans le droit.
Dans le fa it, aucun habitant de la Pleau n’a m ieux su
que. Beynes tous les tours et détours des charbonnières ;
et quand il se'fait un moyen de ce que la Charoulièrc
n’a pas eu d’cxcavalion verticale, il sait bien qu’à la Pleau
.
•' g V
.
' ‘
.
..
D
�26
on n’a jamais, comme en Flandre , exploité ces mines
(
par des puits.
.
) .
•
■ . •-
v
L a montagne où est la houille est,en cône ré g u lier;
p a r conséquent, pour creuser dans une surface, il fout
creuser par une tranchée horizontale au pied du plan
incliné. Par ce m o yen , qui est le seul usité à la P leau , rien
n ’indique m ieux où se dirige la fo u ille, et il est impos
sible de s’y tromper.
..
L a procédure prouve d’ailleurs que c’est dans un tertre
de la Charoulière que s'e trouve l’une des ouvertures ;
d’autres sont au corhm nnal, mais au pied de la Charou-r
l iè r e , et eu direction de cette mine.
.
"
. r;
A u x termes du d r o it, une possession clandestine sup
pose le d o l , c’est-à-dire , l’intention de cacher ce qu’on
fait à celui qui a intérêt de le savoir. 11 n’est pas besoin,
pour l’établir, d’aller rechercher d’autres principes c^iie
ceux-là même consignés au mémoire des intimés
Glcim possidere eum d icim u s, q u i f u r t i v e ingressus
est possessionem , i g n o r a n t e e o quern sib i controv ersia m fa ctu ru m s u s p i c a b a t u r , et ne fu c e r e t t j m E b a t . L . 6 , il’. D e a cq . P u ss.
V o ilà donc trois choses qu’ il faut regarder comme
constantes: i°. que M arie la Plène ait ]o\i\fr(7tive?nenll
2°. qu’elle ait cra in t une action de la part d’Antoine
Beynes; 30. qu’Antoine Beynes a it ignoré la possession.
L:i sentence de 1782 répond à tous ces faits, en disant
que Marie la Plène a joui publiquem ent. La plainte de
1775 prouve aussi qu’elle ne craignoit pas les mauvaises
�( 27 )
# <
^
contestations ; èt enfin les écritures des intim és, ci-dessus
rappelées, contiennent la meilleure réponse à leur m oyen.
M ais quand tout cela n’existeroit pas , vit-on jamais
appeler clandestine la possession de celui qui a un titre ?
■ L a clandestinité n’est réprouvée que pour celui qui'h
voulu prescrire par le seul secours de la possession, et
parce que sans possession publique il' n’a vraim ent pas
de possession.
'
v M ais celui qui a un titre n’a besoin d ’avertir per
sonne qu’il jouit ; car c’est en vertu de son titre qu’il pos
sède , et le vice de clandestinité ne lu i est‘point appli
cable.
'
'
lu i
. ■
D unod , invoqué par les intim és, après avoir cité la
loi 6 , dit à la page suivante : « Celui qui a joui en verlu
* d’un .'titre ne peut être regardé comme possesseur d a n
ce destin \ son titre le faisant supposer de bonne1foi dans
le commencement; ce qui suffit pour prescrire suivant
« le droit civil. »
;
:
. . .
. L e Code civil répète que la bonne f o i, quand il y a
.un titr e , est toujours présumée , et que c’est à celui qui
allègue la mauvaise foi à la prouver. ( A rt. 2268. )
'
Les intimés disent qu’on -devoit avertir Beynes pour
fouiller le charbon ; mais ils conviennent au moins que
l’ usage n’étoit pas de le faire par écrit : et d’ailleurs, ori
le répète , ils se sont dits copropriétaires.
•
Il
n’y a donc aucun obstacle à ce 'que la prescription
ait eu son cours ; et T reicli ayant-un’ titre et bonne foi
depuis 17 5 5 , a valablement prescrit contre les entreprises
des associés de 1777. -, ■
'•
;
Ce n’est pas que la prescription lui soit un moyen néD 2
�.
.
,
(
2
8
3
.
.
cessaii’e ; c a r, indépendamment de la présomption bien
fondée , que la réserve de 1736 a dû être rachetée comme
l’a été celle de 17 6 8 , par un acte que T reich avoit dés
espéré de trouver ; il doit d em eu rer, ce semble , pour
chose absolument évidente, qu’Antoine Beynes a renoncé
à cette réserve de 1736 par tous les actes qu’il a passés
ensuite.
•
C o m m en t, en e ffe t, Antoine B eyn es, qui a toujours
habité le village de la P le a u , qui a passé sa vie dans les
mines de l’endroit ( et on peut en offrir la preuve ) ;
A n to in e B e yn es, q u i en 1766 faisoit un traité pour ex-»
traire du charbon dans ses p ro p rié té s, aui’oit-il manqué
d ’y com prendre la C h aro u lière, s’il y avoit eu le même
d roit d’extraction ?
Com m ent A n toine B eynes, qui vendoit en 1768 tous
ses droits aux m ines, en se réservant du charb on , n’auro it-il pas rappelé l’ancienne réserve ? T o u t prouve dono
qu’elle a ’existoit p lu s, ou qu’il y renonçoit.
L ’appelant avoit proposé un subsidiaire à Lim oges ,
et il étoit fondé ; c’est q u e , dans tous les c a s , n’y ayant
qu’une septerée de la C h arou lière, vendue en 1736 , et
cette terre ayant trois septerées, la réserve ne pouvoit
frapper que sur la terre alors v en d u e, e: non sur celle
qui l’a voit été depuis long-tem ps : car les conventions 11e
se réfèrent qu’à l’acte présent, s’ il n’y a stipulation con
traire ; e t , dans le doute , l’interprétation se ièroit contre
le ven d eu r, in eu ju s potestnie fu it lisent, apertius di
cure. L a sentence do S a in l-A n gel étoit donc encore v i
cieuse, même sous ce rapport.
x Cette défense su résume en peu de mots. L a propriété
�( 29 )
,,
.
de la Charoulière est sans difficulté à Jean T re ic h L es
actes qu’il a passés avec les Beynes , p rouvent que cette
propriété est affranchie de toutes charges. Il est constant
d’ailleurs qu’A n toin e Beynes n’a jamais joui , depuis
1736 , du droit qu’il réclame. Il est constant que T re ic h
et M arie la Plèn e ont joui .exclusivem ent et publique
ment , au v u et su dudit B eyn es, sans réclam ation de
charges ni de copropriété.
A in si Beynes a -perdu son d r o it, soit contre son acqué
reur , soit contre le tiers-détenteur , par une possession
de trente ans.
A in si T reich a acquis la franchise de la terre la Cha
rou lière, p a r la possession de dix ans entre présens, comme
acquére u r; et m ême surabondam m ent, en ajoutant sa
possession à celle de son vendeur , comme il a droit de
le fa ire , il peut invoquer la prescription de trente ans.
Conséquem m ent, sous tous les points de vu e possibles,
la prétention des intimés n’est qu’une tracasserie , et la
sentence de Saint-Angel avoit été justement infirm ée par
la cour de Lim oges.
M . B A R B E T - D U C O U D E R T , rapporteur.
M e. D E L A P C H I E R , avocat.
M e. M A R I E , licencié-avoué .
�
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Factums Marie
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An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Treich la Plène, Pierre-Jean-Baptiste. 1804]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Barret-Ducoudert
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
mines
charbonnière communale
charbonnière privée
propriété du sol
concession d'exploitation
charbon
intendants
Description
An account of the resource
Mémoire sur une contestation relative à la possession et propriété de mines à charbon. Mémoire en réponse pour Pierre-Jean-Baptiste Treich la Plène, appelant ; contre Marie Treich-Desfarges, veuve Lachaud, Jean Couder, et Léonard Chadenier, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1804
1747-1804
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
29 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0249
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0740
BCU_Factums_M0407
BCU_Factums_G1306
BCU_Factums_G1307
BCU_Factums_G1308
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Domaine public
charbon
charbonnière communale
charbonnière privée
concession d'exploitation
intendants
Mines
propriété du sol
-
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2931f6f0bfea94e5a91c13256cdfc16f
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Text
COUR
P
R
E
C
I
S
POUR
.Vingt-huit habitans de la commune d’Aurière,
intimés ;
C O N T R E
Le sieur G U I L L A U M A N C H E D U
B O S C A G E appelant.
,
L e sieur du Boscage fit assigner, en 1 7 9 1 , un grand
nombre d’individus de la commune d’A u riè r e , pour lui
p a y e r , comme détenteurs d’immeubles non confinés La
percière à la cinquième g e r b e , due à sa terre d’Aurière.
L e 12 pluviôse an 10, il a donné vingt-huit assigna
tions à v i n g t - h uit de ces individus, pour reprendre la
demande de 1791 et alors il a notifié trois reconnoissances ; la prem ière, du 1 5 juin 1 7 9 1 , consentie par
A
D ’APPEL
DE RIOM.
2®. SECTION.
�(2 )
M az ue l , Beau fils, R igaud, Blanchet, ï o u r n i e r , Ratat,
Giraud , Ruffiat - M i g n o t , O llie r, Randane et Batifol;
la deuxièm e, du i 5 juin 1 7 7 3 , par Gabriè'lle L o u rd o n ,
et Bertrand Chabosson, son m ari; la troisième, du i 5
juin 1 7 7 1 , par le même Chabosson, tant en son nom
que comme.mari, par M eynial, M ign ot, G iraud, F ournier , Blan ch et, B a tifo l, Randane , Cohade , M a z u e l,
Brousse et Dauphin.
1
»
Comme ces copies ne contiennent pas les principales
expressions féodales dont lesdits titres sont entachés , il
est absolument nécessaire de mettre sous les yeux de la
cour les principales clauses de ces actes, telles qu’elles
èxistent sur le terrier même du sieur du Boscage, intitulé :
T errier des cens , d r o its, redevances , p restation s, et
autî'es droits seigneuriaux dûs à la terre et baronnie
d?A tir ie r e , etc.
"
36e. R e c o n n o i s s a n c e . « Par - devant les notaires
« commis au renouvellement du présent terrier, ont été
cc présens François M azuel, François Beaufils, etc., les
ee quels ont reconnu et confessé a v o ir , tenir, porter et
a posséder, eu x et leurs prédécesseurs, avoir tenu et
« porté de la ju stice h a u te, moyenne et basse de tres« haut, etc., M . de Chabanes de Curten.........et ce à
« cause de sa terre et baronnie cVAurière , savoir,
« art. I er. , etc. ( Onze-articles contenant les confins des
« héritages. )
« Toutes lesdites terres u la perd ère dudit seigneur,
(f à raison de la cinquième gerbe ou de la cinquième
« partie des fruits ; laquelle percière sera perçue dans
n lestjites terres et autour du plongeon, etc., et conduite
�(3 )
aux frais desdits cultivateurs dans la grange dudit seigneur. A ce faire, ainsi qu’à cultiver les terres toutes
et quantes fois elles pourront l’ê t r e , lesdits confessans
ont obligé leurs biens présens et à venir, et p a r exprès
lesdites terres et les fruits qui s’y recueilleront. Fait
el passé à A u r iè r e , etc., i 5 juin 1771 , etc. »
4 5 e. R e c 0N N 0ISSAN CE. ce P ar-d eva n t, etc., o n t é té
« présens dame Gabriêlle, L o u r d o n , et M . Bertrand
-« Chabosson, etc-., a de gré reconnu tenir, porter, etc.,
« cîe tout temps et ancienneté, du ce n s, cens'we et di« recte seigneurie, ju stice h a u te, moyenne et basse de
« très-haut, etc., de C liabanes-C urton, à cause de sa
«.terre et baronnie d?A u rière, les héritages qui sui« vent, etc. : A rt. i er. , etc. (S u iven t quatre-vingt-neuf
« articles d’immeubles , dont plusieurs ont un cens
« spécifié.
« A rt. 90. Reconnoit eiî outre ladite dame..... tenir
« de la. percière et directe dudit seigneur, les terres ci« , après confinées ( Suivent quatre articles d’immeubles. ),
« qui sont toutes les terres sujettes à la p e rciè re , sauf
« celles reconnues dans la percière gén éra le, et dans
« lesquelles ils promettent payer audit seigneur la per« cière à raison de la cinquième..... , etc. ( Clause comme
« ci-dessus.) Fait et passé, etc., i 5 juin 1 7 7 3 , etc. »
44e. R e c o n n a i s s a n c e . « P a r-d e v a n t, e tc ., ont été
« présens Me. Bertrand Ghabossori, etc., lesquels faisant
«
«
«
«
«
«
« tant pour eu x que pour les autres habitàns d ’A lix
cc rière , après avoir pris communication des anciens
« titres, terriers., lièves de la terre et seigneurie d’A u «. r iè r e , ont reconnu et confessé en faveur de très**
A 2
�(4 )
haut, etc., et ce , à cause de sa dite terre et baronnie
cCAurière et membres en dépendans, savoir, i°. que
ledit seigneur, en sa qualité de baron d’A u r ière, est
seigneur h a u t , bas et moyen ju s ticier, propriétaire
utile, direct et possesseurdes- 'terres et ténemens ciaprès, lesquels consistent en ceux qui suivent (Suivent
six ténemens de 321 septérées.); dans lesquels téne
mens lesdits habitans sont en usage, par la concession
précaire dudit seigneur, de faire des défrichemens,
en lui payant la cinquième partie de l ous les fruits
qu’ils y recueillent, franche de dîme ; laquelle partie
ils ont promis payer audit seigneur, autour des plon
geons, lesquels ne pourront être charriés qu’après La
perception de la cinquièm e partie revenante audit
seigneur, et qu’elle aura été conduite aux dépens du
c o lo n , dans la grange dudit seigneur , à A urière ;
2°. qu’il est haut ju sticier...a droit de guet et garde...;
d’instituer des officiers pour l’administration de la
justice... ; q u ’il a tous les droits seigneuriaux... - est
patron de l’église dudit lieu... ; a droit de tabellionage
et sceau aux contrats; 30. qu’il a droit de banvin...;
40. qu’il a droit de b a n a lité, et que les habitans sont
obligés de faire cuire tout leur pain... ; de fournir
chacun le bois et paille p o u r,la cuisson.,.; et outre
ce, de payer au fermier le droit qu’il est en usage de
percevoir; 5 °. que ledit seigneur a droit de guet fixé
à 5 sous, payé par chaque habitant, au jour de St.J u lien , et outre c e , sont tous les habitans tenus de
comparoir aux assises; 6°. qu’enfin, ledit seigneur a
droit de corvée, ch a rrois, bohades et m anœ uvres.,..
�(5 )
«
«
«
«
A l’exécution ont obligé........., sans préjudice audil
seigneur a u x autres droits réels et seig n eu ria u x, si
aucun il en a, à l’égard desdits habitans. Fait et passé
le i 5 juin 1 7 7 1 , etc. »
C ’est en vertu de ces trois reconnaissances choisies
dans son terrier, parmi un grand nombre d’autres reconnoissances plus féodales encore, s’il est possible, que
le sieur du Boscage avoit assigné au tribunal de Clermont.
Les défendeurs se contentèrent de dire que la demande
étoit nulle, parce qu’aucun des vingt-huit exploits ne
contenoit la désignation précise des immeubles pour les
quels chacun avoit été assigné : ils ajoutèrent que l’action
étoit éteinte.
Par jugement du 30 août 1806, le tribunal de Clermont , sans s’arrêter au moyen de form e, a jugé que le
droit de percière réclamé d’une manière aussi vo gu e,
par le sieur du Boscage, étoit féodal, et supprimé comme
tel.
L e sieur du Boscage a interjeté appel de ce jugement.
Tous ses griefs consistent à dire que la percière étoit
séparée de la directe , et que dans un pays allodial,
toute percière étoit nécessairement f o n c i è r e , quand il
n’y avoit pas retenue de la directe dans la concession
perciérale;
Sans doute dans lin pays allodial, un cliampart ou
percière n’est pas féodale de "plein droit j mais quand
elle appartient à un seigneur de fief, quand il la réunit
à son terrier parmi ses autres d ro its seigneuriaux, elle
�( 6 )
commence singulièrement à déroger à. la qualité allodiale.
Lorsqu’à cela se joignent des expressions précises qui
dans le titre même identifient la perrière et la d irecte,
il est difficile de croire que la percière ne soit cependant
qu’une redevance purement fon cière.
Sans doute l’Auvergne est un pays originairement
allodial ; mais cette antique tradition ne nous a été con
servée que pour mieux nous attester combien ont dû
être considérables les usurpations de la féodalité, puisqu’à peine il existoit en 1790 quelques surfaces non sujettes
à des cens ou autres droits seigneuriaux.
L e droit de percière 'introduit en A u vergn e seroit à
lui seul la preuve la plus convaincante de cette usur
pation ; car il résulte de sa définition m êm e, que quelques
seigneurs, ne voulant rien laisser d’allodial dans les parties
même les plus incultes de leurs terres, ont exigé des
reconnoissances tellement générales , qu’aucune propriété
de leur terre n’étoit épargnée.
.
Les percières , dit M . C h ab ro l, ont lieu ordinairement
pour les terrains peu fertiles.... Il y a des terres, comme
celle de Banson , où les terriers portent que tout ce qui
n’est pas reconnu spécialement en cens , appartient au
seigneur qui, en prendra la percière lors des défrichemens ; dans d’autres terres, . comme u Menât,, les per
cières sont reconnues par des titres particuliers,
Il ne faut que lire lo terrier d’A u rière, pour être con
vaincu que le cens et la percière ne laissent pus un pouce
de terre allodial,
f
Aussi le rénovateur dej 1.771, qui- a,voit sous les yeu x
les anciens terriers qu’il date',, annoncert-il dans sar pré
�(7 )
face que le cens et la percière couvrent t o u t , q u 'il rfy
a rien d 'a llo d ia l, et que tout est asservi à la seigneurie
<i’ A u rière.
Comment le révoquer en doute après toute la féodalité
que porte la 44^. reconnoissance ci-dessus ?
Les coutumes d’A u vergn e et B o urb o nnais, rédigées
dans des temps où la féodalité étoit singulièrement pro
tégée , favorisoient ou supposoient les usurpations féo
dales sur les fonds jadis allodiaux.
Car ces coutumes disoient que la première redevance
assise sur un héritage, même a llod ia l, emportoit droit
de directe seigneurie.
O n a souvent j u g é , il est v r a i , avant le décret im
périal de 1807 , que celte disposition de la coutume ne
s’appliquoit pas aux individus non seigneurs.
Mais seroit-il possible de 11e pas appliquer cette dis
position aux ci-devant seigneurs, pour toutes les rede
vances reconnues à leur profit sur des héritages situés
dans Vétendue de leur terre ?
Plaçons-nous même hors la coutume d’A u v e r g n e ,
pour savoir quand le ebampart étoit lin droit féodal.
P o t h ie r , qui a fait un traité sur le cham part, nous
enseigne en peu de mots quels étoient les principes du
droit commun sur cette question.
« Lorsque l’héritage qui est redevable du champart
« n’est chargé d’aucun cens , et que le champart est
a la première redevance dont l’héritage est c h a rg é , il
« est, en ce cas, censé avoir été retenu sur l ’héritage,
« 11011-seulement comme un droit u tile , mais encore
�(8 }
« comme un droit récog n itif de seigneurie que s’cst re«-tenu celui qui a donné l’iiéritage à ce titre; et consék quemment le ehampart est, en ce cas, un droit sei« gneurial.
« Lorsque le champart est seigneurial, il a les prcro« gatives des redevances seigneuriales......... il est im« prescriptible......... il emporte profit de ventes aux
« mutations, dans les coutumes q u i ne s’en expliquent
« pas. » ( art. i er. , §. I er. )
C ’en est assez pour se persuader qu’ une percière exigée
par un seigneur étoit une usurpation féodale , qui
presque jamais , en effet , n’étoit constatée par un titre
prim itif de concession.
L a loi du z 5 août 1792 n’a pas plus épargné le
cliampart que le ce n s, et elle ne l’a excepté , comme
toutes les redevances féodales, que lorsquil étoit dû ¿1
des particuliers non seigneurs n i possesseurs de fie fs .
E t remarquons que les lois ne se boi*nent pas à con
damner les titres lorsqu’il y a retenue expresse de la di
recte, mais lorsqu’ils sont récognitifs des droits supprimés,
les jugemens même qui en porteroient reconnoissance
ou qui les renseigneraient, les registres et cueillerets, etc.
( L o i du 17 juillet 17 9 3 , art. 6 , 8 , 9 . )
Si quelque temps ce» lois ont paru tombées en désué
tude, les décrets impériaux et les avis du conseil d’état
les ont renouvelées avec force, et 11’ont pas même permis
de séparer dans les titres déjà condamnés aux flammes,
les stipulations absolument étrangères à la féodalité.
Tels
�(9 )
Tels sont les décrets et avis des 30 pluviôse an ï i ,
2.1 fructidor an i r , 13 messidor an 1 3 , 13 avril 1807,
et 17 avril 1808.
Gomment refuser l’application de toutes ces lois qui
l’amènent à la stricte exécution de celles de 1792 et 1793 >
lorsque la lecture isolée des trois reconnoissances, choisies
parmi les plus muettes, ne laissent pas douter de la
féodalité de la percière ; lorsque surtout les autres re
connoissances du terrier, consenties par les mêmes inr
d iv id u s, achèvent- l’explication de la nature de cette
percière, qui est bien toujours la m êm e, en se.subdi
visant sur les fonds qui y étoient assujétis?
Car on n’a pas même entrepris de dire qu’il y eût à
A u rière deux espèces de p e rcière, l’une féo d a le, et
l’autre roturière.
O r , qu’on parcoure toutes les autres reconnoissances
perciérales ; elles portent avec elles la démonstration de
féodalité à. un point d’évidence qui se communiquera
à celles où le notaire, occupé d’une série/d’actes, ne
pouvoit pas toujours répéter les mêmes mots.
Les quarante-neuf premières feuilles du terrier ne
contiennent que des reconnoissances de cens : puis vien
nent des reconnoissances perciérales mêlées parmi d’autres
reconnoissances censuelles.
t
La 38e. et la 41e. reconnoissances qui sont consenties
par les assignés eux-mêmes pour d’autres héritages,
suffisent pour marquer la nature des percières de la
terre d’ Aurière.
La 38e. porte : « Tous lesdits héritages et propriétés
B
�«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«c
( IO )
à la percière accoutum ée , due audit seigneur à la
cinquième gerbe de tous les fruits qui croîtront
chaque année dans ic e u x , censuel et redituel en tous
droits de directe seigneurie, ju stice h a u te , moyenne
et basse, usage de ch ev a lier, tiers denier de lods et
ventes , et muages a cco u tu m és, toutes les fois que
les cas y adviendront ; lequel droit de percière lesdils
confessans ont promis payer et conduire à leurs
frais.... tant et si longuem ent qu’ils seront tenanciers
et propriétaires desdits héritages ; lesquels ils ne
pourront reconnoître à d’autres seigneurs, à peine de
confiscation, •comme aussi ne pourront laisser les
terres en friche plus de trois an s, à peine de perdre
la propriété , etc. »
L a quarante-unième a les mêmes clauses, à peu près
littéralement.
A p rès une explication aussi claire et étendue de la
natui'e de cette percière, dans les trente - huitième et
quarante-unième l’econnoissances, qu’étoit-il besoin que
le notaire en répétât toutes les qualités , avec un sem
blable détail, dans les reconnoissances postérieures.
Mais quand on pourroit dénaturer cette percière au
point de la croire tantôt seigneuriale et tantôt roturière
les trois actes signifiés ne laissent pas de doute qu’il n’y
ait au moins mélange de féodalité.
E t ce mélange suffit pour que le titre soit proscrit
en entier ; car, condamné aux flammes pour une por
tion quelconque de féodalité, il étoit indivisible.
Ce mélange est encore plus sensible dans la quarante-
�( 11 )
cinquième reconnoissnnce, qui est la cliartre générale
de la terre, et qui marque toute l’étendue des droits que
s’attribuoit le seigneur.
A cela le sieur du Boscage répond qu’ il faut séparer
les clauses féodales, parce que la loi n’entend par mé
lange, que lorsque c’est la même stipulation q u i porte
tout à la fois la redevance foncière et un article féodal.
C e système dtoit très en crédit , il est v r a i , avant
le 30 pluviôse an 11 ; mais la jurisprudence a rétro
gradé singulièrement depuis, comme on le voit par deux
arrêts de cassation , postérieurs à cette époque ; en voici
l’espèce :
L e 18 avril 1791 , un moulin et une terre furent
concédés par un seigneur. Il stipula un cens pour une
partie, et une rente foncière et rachetable p o u r l ’autre.
Il assigna en l’an 10 en payement de la x-ente foncière
seulement. ( Comme le sieur du Boscage, qui demande
l’art. 90 d’une reconnoissance, et abandonne le surplus. )
La cour d’appel de Paris avoit admis la demande ;
mais son arrêt fut cassé le 12 germinal an 12.
L e second arrêt est du 2 mars 1808. U n sieur Barrés,
seigneur de L a roch e, avoit concédé deux m oulins, l’un
à ven t, l’autre à eau, en 1 7 6 5 , moyennant une rente
de 8 setiers de seigle, stipulée fo n ciè r e et non autrement.
Il fut dit par une autre clause que le moulin à vent
seroit tenu censivement du fief de Laroche.
L a cour d’appel d’Angers avoit jugé la redevance
exigib le, parce qu’il est bien constant que la concession
du moulin à eau étoit toute foncière.
B a
�Cependant cet arrêt a été encore cassé, par le motif
que la clause stipulée à la suite du même a c te , faisoit
un mélange de féodalité.
L e sieur du Boscage a recours encore i\ l’arrêt de
Blanzat : mais à supposer qu’il puisse faire encore juris
prudence, il y avoit des différences notables ; car, i° . la
terre de Blanzat avoit été vendue en 177 2 , comme étant
en franc-ralleu ; 20. il n’y avoit pas une seule expression
féodale dans la,percière elle-même-, 30. les terres pcrcierales étoient confinées par les terres du fief; et ici elles
sont dans, l’enclave du fief.
P ou r citer plus à propos un arrêt de la cou r, il n’y
a, lieu" que de citer celui, rendu sous la présidence de
monsieur V e r n y , et sur les conclusions de monsieur
T o u tté e , entreles nommés Reynaud et autres, appelons,
et, la dame de Ghazeron , épouse du sieur de Fontanges,
le 9 mai 1808.
L ’acte à juger étoit ainsi conçu..... « Par-devant, ctc.,
lequel;confesse tenir et posséder à titre de terrage du
« sieur de Chazeron, seigneur des F o r g e s , à cause de
« sa seigneurie des Forges, un cliamp , etc. ; promet et
s’oblige, tant qu’ il sera possesseur d’ic e lu i, de payer
,auclit,-seigneur le droit de terrage, de sept sillons L’un,
«.en , la manière accoutumée, etc., 1618. »
L e tribunal de Moutluçon avoit condamné le détenteur
àvpayer lç terragq comme non féo d a l, en se motivant
sur l’arrêt de Blanzat, et sur ce que le.Bourbonnais étoit
alodial) com pie l’Auv.ergne,.
M a i l l a cour d’appel a infirmé ce jugement par les
moifs ci-a près :
�«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
cf
«
( i3 )
« Considérant que la cession à titre de terrage, percicre ou chnm part, portée par l’acte du 23 septembre
1 6 1 8 , a été faite par le ci-devant seigneur des Forges,
et stipulée payable à cause de sa seigneurie ;
« Considérant que cet acte est récog n itif de la sei~
gneurie des F o r g e s , et qu’ indépendamment de ses
énonciations, le droit qu’il établit est seigneurial par
lui-méme , aux termes des articles 3Ô2 et 392 de la
ci-devant coutume de Bourbonnais, du sentiment de
ses commentateurs, et de la jurisprudence qui a toujours
été uniforme sur ce point ;
« Considérant que s’il s’est élevé des doutes sur la
question, ils sont tous levés par l’avis du conseil d’état,
du 7 mars dernier, respectivement aux concessions à
titre perpétuel, pour lesquelles il est décidé que les
redevances sont pleinement anéanties, si les titres sont
« consentis par des seigneurs, à cause de leur seigneurie,
« ou récognitives de la seigneurie. »
Lors de cet arrêt, si conforme à la cause actuelle, le
sieur de Fontanges avoit voulu tenter un moyen que l é
sion r du Boscage n’a pas cru lui-même proposable, et
duquel d’ailleurs la cour avoit fait justice.
Il prétendit que les tenanciers de percière n’étoientque des colons qui ne pouvoient opposer la suppression
du cens. Il se fouda sur ce que leur titre les considéroit comme simples possesseurs, les obligeoit à cul
tiver , sinon à être expulsés. Plusieurs reconnoissances
sembloient même favoriser davantage cette prétention.
Mais la cour rejeta ce système, en regardant le titre
�( H )
de 1618 comme exclusif de toute’ concession temporaire.
Et en effet, n’est-il pas de l’essence même de la percière,
que le soigneur 11’ait qu’une portion des f r u i t s , cl par
conséquent rien à prétendre à la propriété.
Ce n’est point aux expressions du titre qu’il faut s’en
tenir; car quand la féodalité les dictoit, on sait bien
qu’ il s’établissoit des nuances de loin en loin; et c’est
celte habitude dont toute la France étoit bien convaincue,
qui a peut-être contribué davantage à faire considérer les
terriers comme plus remplis d’usurpations que de con
cessions légitimes.
A v a n t la révolution , les tribunaux corrigeoient ces
usurpations par la maxime A d primordium. tttuli posterior refertur eçentus. A u jourd’hui les habitans d’A u rièrc
n’ont pas cette ressource ; car les terriers de 1 58 o n’existent
plus. Celui de 1771 , conservé par le sieur du Boscage,
ne contient aucun titre de concession , et n’en suppose
pas m ê m e , pour les percières surtout.
L e sieur du Boscage seroit-il donc plus heureux après
la loi du 17 juillet 1793, qui a ordonné de tout brûler,
qu’après la loi du 28 août 179 2 , qui maintenoit les re
devances féodales , dont le titre primitif seroit rapporté ?
Ce seroit rétrograder doublement.
Il n’a pas dit que les habitans d’A u rière ne fussent
que ses co lo n s, et qu’il fut propriétaire ,• mais quand il
le prétendx*oit, tous ses titres y résistent.
O n n’y voit pas même que jamais la propriété soit
émanée des seigneurs; au contraire, les habitans disent
avoir tenu et porté de tout temps et ancienneté du seigneur,
à cause de sa seigneurie.
�(
i 5 )
Ils obligent leurs biens présens et à venir , et par
exprès lesdites terres perciérales.
V o ilà ce que disent deux des reconnoissances signifiées :
la troisième seroit plus équivoque ; mais précisément
il ne faut que la bien lire pour voir qu’elle est, d’un
bout à l’a u tre , l’une de ces usurpations féodales que
les lois ont eu le plus à cœur de détruire, sans en laisser
de traces.
C ’est en s a qualité de seigneur haut ju sticie r , que le
sieur de Curton se fait reconnoître, p a rle corps co m m u n ,
tous les di'oits de justice que l’habitude attribuoit au
seigneur haut justicier, dans les pays où existoit la maxime
Nulle terre sans seigneur.
Car remarquons bien que non-seulement il a tous les
droits féodaux attachés à la personne ; mais ce que les
cens ne couvrent pas est couvert par la percière. L ’ensemble
du terrier l’atteste, comme l’a attesté le rénovateur.
Il n’y avoit rien d’allodial à A u ri è r e , et dès-lors le
seigneur n’a pu s’emparer des terres non censuelles sans
exception , qu’en violant les antiques et fondamentales
maximes de l’Auvergne.
Cette reconnoissance du corps commun suppose que
c’est le seigneur qui a concédé le droit de défricher, en
payant la percière : mais il n’y a rien là qui s’écarte de
la nature du contrat de percière.
P o th ie r, en son traité du champart, n’appelle cons
tamment les débiteurs de percière que les possesseurs et cependant il ne lui vient pas même en idée d’enseigner qu’ils n’ont pas la propriété dans le sens du mot
percière.
�( 16 )
Ils peuvent seulement être expulsés, s’ils ne cultivent
pas.
L a percière est une emphytéose ; et il est de l’essence
de l’emphytéose, d’être perpétuelle, toutes les fois que
l’acte n’en limite pas la durée.
Quand M . Tronchet fit un rapport, en 179 0 , au co
mité des droits féodaux , sur la locaterie perpétuelle ,
qui , dans certains pnys , est ce qu’est parmi nous la
p e rc iè re , et qui porte un nom plus favorable encore
aux seigneurs, il eut à s’occuper de beaucoup de clauses
qui dans ces sortes de contrats sembloient bien davantage
marquer la retenue de la propriété par le seigneur.
i<\ L a défense de couper des bois ; 20. la prohibition
d’aliéner, faite au locataire, ne parurent pasà M . Tronchet
des motifs suffisons de décider que l’acte n’étoit qu’une
ernphytéose temporaire, parce que la limitation du temps
n’étoit pas dans l’acle , pai-ce que l’usage le plus ancien
faisoit i*egarder ces actes comme des aliénations, et parce
que toutes ces précautions du locateur n’avoient pour
objet principal que de lui assurer le service de sa re
devance.
Ici c’est une percière , dont le nom résiste à un simple
colonage temporaire ; et la cour 11e peut pas transformer
en simple bail à ferm e, une redevance qui dure depuis
des siècles, qui ne tomboit point en arrérages, et dont
le soi-disant colon n’étoit débiteur que si on venoit la
chercher sur les lieux.
L a cour de cassation a eu à juger si l’acte ci-aprè s
conféroit la propriété; le sieur du Boscage jugera si sa
44e. reconnoissance est aussi favorable à sa prétention.
Par
�( 17 )
Par acte du 20 août 1696 , le seigneur de Saint-Côme
céda à Jean Salesse le droit d’un moulin banal et terrains
en dépendans , pour en jo u ir par fo rm e de locaterie
perpétuelle de trois en tr o is , n e u f en n eiif \ et vin g t-n euf
en vingt - n e u f ans , afin d'éviter prescription de pos
session , m oyennant une rente annuelle de 460fr a n c s .
L e seigneur prétendoit n’avoir pas perdu la p ropriété,
et avoir le droit de réclamer la redevance entière. L e
preneur soutenoit qu’étant propriétaire, il avoit le droit
de demander la réduction de la redevance pour la partie
de banalité supprimée par la loi du i 5 mars 1790.
M . le procureur- général pensa que le preneur étoit
p ro p riéta ire, et qu’il avoit droit de demander la ré
duction de la rente. L a cour de cassation, par arrêt du
7 ventôse an 12 , cassa un arrêt de Montpellier , et décida
qu’il y avoit lieu k réduction de la rente.
Cet arrêt ne donne pas de motifs sur la question de
propriété ; mais il a , par le f a it, considéré le preneur
comme p ropriétaire, en jugeant en sa faveur et en cette
qualité.
E t qu’on parcoure les arrêts de cassation qui sont
assez nombreux sur ces matières, on se convaincra qu’il
n’y a eu difficulté sur les emphytéoses tem poraires, que
lorsque le titre a marqué expx’essément une limitation
du temps que le preneur devoit jouir.
Sans cela tout le monde sait que le plus grand nombre
des emphytéoses de toute espèce ne contient pas le mot
à perpétuité. L es baux au quart des v ig n e s , ou autres
semblables, sont tous de ce genre : les clauses de cu l
ture y abondent ; et cependant les preneurs aliènent
C
�( 18)
depuis des siècles, et nul n’a songé à troubler leurs
acquéreurs, sous prétexte qu’ils n’étoient que des colons,
.E n fin comment la cour pourroit - elle juger que les
habitans d’A u r ière ne sont que des colons ? Ce seroit
dénaturer la demande du fieur du Boscage.
Il a conclu à Clermont au payem ent d’ une redevance,
et, n ’a pas demandé une propriété. V o ilà tout ce qu’ il
a présenté à juger au tribunal de Clermont. Il ne peut
donc pas, sur l’appel, changer la nature de sa demande :
et si la redevance qu’il a demandée a des caractères et
des mélanges de féodalité qu’il faudroit s’aveugler pour
ne pas v o ir, il sera certain que le tribunal de Clermont
s’est conformé aux lois, en refusant d’admettre une rede
vance que ces lois lui ordonnoient de rejeter.
M e. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M e. D E V È Z E ,’ avoué licencié.
R I O M , de1l’imprim erie d e T h i b a u d - L a n d r i o t , imprimeur
de la Cour d ' a p p e l . J uillet 1808.
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum, vingt-huit habitants de la commune d'Aurière. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Devèze
Subject
The topic of the resource
percière
droits féodaux
terriers
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
Description
An account of the resource
Précis pour vingt-huit habitans de la commune d'Aurière, intimès ; contre le sieur Guillaumauche du Boscage, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1791-1808
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0301
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurières (63020)
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Domaine public
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coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
droits féodaux
Percière
terriers
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MÉMOIRE
EN R É P O N S E
POUR
Louis BOISSIER, M a r i a n n e BOISSIER, et
le sieur CHAUV ASSAIGNE , son m ari,
M i c h e l - G a s p a r d BOISSIER , et P i e r r e
CHABRIDON , d e m an d e u rs ;
C O N T R E
Dame M a r ie - C a t h e r i n e D E R O C H E FORT
et sieur J e a n - A u g u s t i n - G u i l
laume D E F R E T A T D E C H I R A C , son
mari défendeurs.
L
A famille Boissier et V ialle plaide depuis 17 2 0 ,
contre la famille de R och efo rt, pour obtenir le payement
d’une créance considérable , hypothéquée en majeure
partie sur deux domaines.
A
�( o
Ces deux domaines furent pendant quelque temps en
la possession des V ialle : les héritiers Rochefort les leur
ôtèrent. Lorsqu’ensuite les V ialle ont demandé qu’on
payât leur créance, ou qu’on rendit les domaines, les
héritiers de Rocliefort ont Lcnu hon , et de moyens en
m oyens, de génération en génération, ils ont retenu
les domaines et la dette.
V oilà c o m m e n t la famille V ialle est ¿conduite depuis
quatre-vingt-dix ans! *>.
•
*
E t aujourd’hui q u ’elle veut en finir, on lui reproche
que c’est une vieille recherche : on lui dit des injures....
« C ’est une horde de plaideurs.... Ils seroient ruinés sans
« ressource, si la dame de Frétât exerçoit ses droits à la
v. rigueur.... Elle seroit creancieie de plus de 20000 fi.....
« L a fortune de ces éternels vexateurs ne suiliroit pas
« pour acquitter cette créance. »
Cette sortie un peu dure ne fera point oublier aux
sieurs Boissier les égards qu’ils veulent devoir à la dame
de Frétât. Il a pu lui être désagréable, au printemps d’une
belle vie , de se voir étourdir par un fort ennuyeux
procès. A tous les âges, un procès à défendre est toujours
une chose fort importune : cependant si le résultat devoit
être pour madame de Chirac une créance de 20000 fr.,
il n’y auroit pas de quoi savoir aussi mauvais gré aux
sieurs Boissier d’avoir troublé son repos.
Débiteurs ou créanciers, ceux-ci veulent en finir. Que
leurs a n c ê t r e s aient mérité aussi l e reproche de leur avoir
l a i s s é à débrouiller ce procès, ou qu’ils y aient été forcés
par des chicanes, les sieurs Boissier s’efforceront au moins
de ne pas le léguer eux-mêmes ù leur postérité.
�{ 3 )
F A I T
S.
I.a seule manière de se l’endre inteUig ble dans ce
long procès, consiste à préciser les faits et les époques,
sans'rien omettre de ce qui est connu-, et quelque pénible
que soit cette tâche, les sieurs Boissier croient devoir la
rem plir, parce qu’ils sont convaincus que les faits seuls
doivent tout éclaircir , et l’epondie à tout.
L e tableau généalogique des familles de Rocliefort et
de Boissier, doit d’abord être mis sous-les y e u x du tri
bunal , pour l’intelligence des actes et procédures dont
il y a à rendre compte,
Biaise C h a r d o n ,
A le x ie B o n n e t .
‘ise.
Antoinette.
Anne.
M a rie.’i M arie.
Françoise ;
Am able Rochefort.
G ilb.-A m able Rochefort,
___
François
Gilbert.
Antoinette Chardon,
Jean V ialle.
F ra n ço is C h a rd on ,
Jeann e F o u rn ier.
Réné Chardon,
Suzanne Fournier.
1
Joseph, Catherine, Annet. Jeanne, Franç
—_
■
V-%
.»
art 4 rrt
H flAl
Gaspard
Étiei
Marie
Étienne
M
om
et.
Payi
Auteroche. Boissier.
r'v.,. s~\
Guillaume. F rançois, Antoinette.
Suzanne
,
Mathieu.
H
Jean. R én é,
religieux.
7 7
François. Suzanne, Antoinette.
|
M , Valoi).
Madame
de Chirac.
I II
1 l 1
Ses enfans
Lcs_
ont cédé
Boissier
leurs droits
et
à leurs co- Chauvashéritiers.
saigne.
François Chardon se maria le 22 février 1645*, et
Jeanne F o u rn ier, sa fe m m e , lui porta une dot m obiliaire.
Il mourut au mois de mars 1662 , laissant quatre
enfans en minorité.
Par avis de parens, du 7 juin 1 6 6 3 , R éné Vialle
A 2
■ lì. 1
M om et,
les
Chabridon»
�(4)
fut nommé leur tuteur, quoique cette ciiarge dut être
déférée à Réné Chardon.
Mais par acte du même jour, passé entre R éné Chardon
et R ené V ialle , il fut convenu que R éné Chardon se
chargcoit de la tutelle.
R én é Chardon mourut en i 665. La famille fut as
semblée le 3 juin.
Il y avoit dans la succession de François C h a rd o n ,
trois domaines appelés L u c b a s , Bonabry, et A u r iè r e ,
une m aison, un ja rd in , un pré et un moulin à R o cliefort, et quatre rentes.
Les deux premiers furent donnés à bail judiciaire au
nommé Guillaudon : le domaine d’Au rière et les autres
objets continuèrent d’être jouis par Suzanne F ourn ier,
veuve de R éné Chardon.
‘ L e I er. mars 1666, elle communiqua
Réné Vialle
l ’état de la gestion faite par son mari, ou par elle-même.
R éné V ialle la déchargea de la tutelle pour l’avenir; mais
elle convint en être responsable jusqu’au jour.
Les pupilles continuoicnt de rester avec elle. Réné
Chardon, l’un d e u x , entrant dans la vie monastique,
elle se fit léguer par son testament le quart de ses biens.
Elle fit rég ler, par un acte du 2 octobre 1682, la
pension que le tuteur devoit lui payer pour les trois
autres. L e compte en fut fait pour tous arrérages à 3080 fr.
qui lui fu re n t payés par R éné Vialle.
Elle les engagea, aussitôt leur majorité, à prendre la
qualité d’héritiers bénéficiaires de François Chardon, leur
père , puis à répudier à sa succession, et à demander un
compte de tutelle à Réné Vialle.
�( 5 )
René V i aile défendit à cette d em án d ele i 5 janvier
1686. Il dit à Jean Chardon qu’il n’avo itp asp u répudier,
parce qu’il avoit vendu en majorité une terre du domaine
d’A urière et un jardin à Rocliefort. A l’égard de ses sœurs,’
il se contenta d’offrir le com pte, sauf à discuter ensuite
leur renonciation.
L e c o m p t e fut d o n c r e n d u p a r R é n é V i a l l e a u x risques
et p é r ils de S u za n n e F o u r n i e r , q u ’il assigna e n r eco u rs ,
ainsi q u e Biaise C h a r d o n , son iils..
Suzanne Fournier conclut incidemment au payement
d’une obligation de 2100 francs , consentie par François
C hardon , à R éné C hardon, le i 5 juillet 16 6 2 , et à la
délivrance du quart à elle légué par le testament de 1766.
Pendant ces débats on faisoit des diligences contre la
succession répudiée de François Chardon.
I>c 6 mai 1G89 , M arie et autre M arie Chardon ,
obtinrent une sentence contre Jean Taragn at, curateur
à ladite succession , qui « condamne ledit curateur, en sa
« dite qualité, à leur payer la somme de 8098 liv. 13s. 4d.
« pour les deux tiers à elle revenans dans la dot de Jeanne
« F o u rn ier, leur mère , et gains matrimoniaux, avec les
« intérêts depuis le décès de François C h ardon , arrivé
« au mois de mars 1662, jusqu’à l’entier payement d’icelle,
« liquidés jusqu’au mois de mars 1689 , à la somme de
« 10933 francs, sans préjudice d’autres droits contre la
« succession dudit François Chardon ».
Peu de temps ap rès, un nommé T h ie r r y , créancier
de la succession ,. lit des saisies-arrêts; il intervint au
procès pendant sur le compte de tutelle en treRéné V ia lle,
Marie et autre M arie Chardon , filles de François, Biaise,
�( 6 )
Antoinette et A n n e Chardon, assignés en qualité d’hé-
ritici’s de Réné Chardon , leur p è r e , et de Suzanne
Fournier, leur m ère, et ayant repris.
Il paroît que Jean Chardon avoit cessé d’être en.cause,
et qu’il étoit décédé avant 1688.
Ce procès fut enfin jugé à la chambre du conseil,
après un délibéré de onze séances, le 30 mars 1691.
Cette sentence, dont la dame de Frétât a une copie
(cote 12), iixc le reliquat de compte du par Réné V iallc
aux enfans de François Chardon, à 2494 liv. 12 s. 9 den.
et quarante-neuf setiers trois quartes seigle-, et condamne
R éné V ialle à. les leur payer , sauf déduction de trois
setiers d’avoine, avec intérêt depuis les six mois après la
clôture du compte rendu par la veuve de R éné Chardon,
sauf audit Réné V ialle son recours :
a E t faisant droit sur la demande en recours formée
contre lesdits Biaise, Antoinette et A n n e C hardon, les
c o n d a m n e en leu rs dites q u a l it é s , personnellement pour
leur part et portion, et hypothécairement sur le tout, à
gai-antir et indemniser ledit com ptable, aux termes des
traités des 7 juin 1663 , et I e r . mars 1666, tant du paye
ment de la somme de 2707 liv. 9 s. 7 d en ., et de ladite
quantité de quarante - sept setiers trois quartes seigle,
sous la déduction pour raison du reliquat de compte
rendu pour les années concernant l’administration de
défunt Réné C h a rd o n , leur p è r e , que de l’événement
des articles dépendans de ladite administration , ensemble
de l’intérêt de ladite somme et de la valeur dudit grain ;
et ce faisant, à payer a l’acquit et dechnrgedudit comptable,
la susdite somme de 2494 ÜV. 12 s. 9 d en ., ensemble lesditg
�C7 )
grains et intérêts ; autrement, et par faute de ce faire,
les condamne en tous les 'dommages-intérêts et dépens
envers ledit comptable à faire et à souffrir à l’avenir pour
raison de ce. — Et sur l’appel incident interjeté par la
requête desdits oyans compte, le 9 janvier 1689, ensemble
sur les iins et conclusions prises, portées par les requêtes
desdits Chardon , intervenons , des 28 mai 1688, 30 mars
1689, c *- 9 juin 1690, met les parties hors de cour
et de procès, sa uf audit intervenant de se pourvoir en
conséquence de la répudiation faite à la succession dudit
François C h ard o n , par lesdits oyans compte, tant pour la
délivrance du legs du quart porté par le testament de
Réné C hardon, frère desdils oyans com pte, du 9 août
1666, que pour le payement du contenu en l'obligation
du 13 juillet i 652, ainsi qu’ils verront bon être, exceptions
et défenses au contraire réservées: et faisant aussi droit sur
les saisies-arrêts dudit T h i e r r y , ensemble sur la préfé
rence et adjudication requise dudit reliquat de compte,
par les requêtes des 10 janvier et 6 février 16 8 1, ladite
sentence ordonne que les oyans compte et tiers y
viendront en contribution entr’eux au sou la liv r e , au
prorata de leurs créances sur lesdites sommes et grains. »
L e 10 octobre 1 6 9 1 , R éné V ialle transigea avec
M arie et autre Marie C h a r d o n . Elles lui cédèrent ce
qui po u voit.leu r rev en ir, soit de la dot et gains ma.Jrirnoniaux de leur mère et intérêts , soit du reliquat
de compte porté par la sentence d’apurem ent, et frais
d icelle, avec subrogation à leurs droits , actions et ltypothèques, moyennant la soirn»e de 6000 f r . , déduction
�( 8 )
Eiite des sommes par elles reçues pour leurs pensions
.
et provisions à elles adjugées.
Il fut dit que 3000 francs seroient payés dans dix ans,
et que les autres 3000 francs étoient donnés en pur
don au sieur R éné V ia lle , à la charge de leur payer
une rente de 300 fr. pendant leur v i e , de six en six
mois et par avan ce, à la charge aussi de les garantir
des poursuites de T h i e r r y , et de celles d’Antoinette
et A n n e Chardon, et autres, sans préjudice au recours
dudit sieur V ia lle contre lesdites demoiselles Antoinette
et A n n e C hardon , conformément à ladite sentence d’apu
rement.
R éné V ialle mourut en 1692.
M arie et autre M arie Chardon ne donnèrent pas un
moment de relâche à ses héritiers pour les poursuivre.
Elles obtinrent le 26 novembre 1692 une sentence contre
Joseph V ia lle , tuteur de scs frères et sœurs, portant
e x é c u t o r ia l it é du traité ci-dessus de 1691 : ensuite elles
v o u l u r e n t une"~i\atification notariée, que Joseph leur
consentit le 14 février 1693 -, et aussitôt qu’A n n et V ialle
fut m ajeur, elles lui en demandèrent une nouvelle.
Il paroît qu’aussitôt le traité de 1691 , R éné V ialle
avoit été regardé comme légitime propriétaire des deux
domaines de Lucbas et Bon abry, et que sans doute tous
les créanciers tournèrent tête contre l u i , et se firent
payer-, du moins il n’y a pas de trace qu’aucuns créan
ciers , et notamment T h i e r r y , aient fait de poursuites
ultérieures.
L a mort de R éné V ialle dut mettre beaucoup de dé
sordre dans ses affaires; Joseph V i a lle , son fils aîné,
ayant
�( 9 )
..
ayant eu la tutelle des autres enfans, ne les géra pas
fort bien. Il fit plusieurs affaires avec les nommés .¡Nicolas
et A u te ro c lie , qui ont occasionné à la famille V ialle
une longue suite de procès.
Il paroit que les 14 et i 5 mars 1696, Joseph V ialle
donna à ferme, au nommé Auteroclie, gendre d’Etienne
Nicolas, une porLion des biens provenus de François
Chardon ( l’a cte. ci-a p rè s supposeroit qu’il ne donna
que le domaine de Bonabry ; mais un .acte postérieur
suppose qu’il y eut d’autres biens).
L e 12 novembre 1699, il vint à compte avec M arie
et autre Marie Cliardon , de leur rente , et se reconnut
leur débiteur de 918 liv. 4 s. pour quoi il leur céd a,
i°. un bail à rente par lui consenti à Louis A uteroclie,
le 14 mars 1696, pour 130 francs; 20. le bail à ferme
de Bonabry, moyennant 125 fr. ; 30. deux rentes à lui
personnelles ; 40. une créance de 630 fr. avec subro
gation pour s’en faire payer à son lieu et place.
M arie Chardon aînée mourut le 20 mai 1701.
Ce décès persuada à Joseph V i a l l e , avec quelque
raison, que la rente viagère étoit diminuée de m o itié ,
et le refus qu’il fit de payer davantage lui attira beaucoup
de désagrétncns et le fit accabler de frais.
P o u r payer M arie Chardon , il falloit pouvoir re
couvrer soi-même la créance par elle cédée; et le pro
duit des deux domaines étoit à peu près nul à cette ^
epoque où les guerres ruinoient l’agriculture, et où les
propriétés étoient sans valeur.
Les cohéritiers de Joseph V i a l l e , mécontens de ces
arrangemens, qui ne leur faisoient tirer aucun parti utile
B
t
�C 10 )
du traité de 1691 , dont le principal étoit devenu exi
gible , voulurent e u x -m ê m e s se mettre à l’abri des
poursuites de M arie Chardon.
E11 conséquence, par acte du 6 août 170 9 , Annet
V ia lle , p rê tre , les sieurs Momet et Boissier, et Françoise
V ia lle , cédèrent à Etienne N icolas, les d ro its, actions
et hypothèques acquis u la succession de R ené V ia lle ,
leur p è r e , suivant la transaction du 10 octobie 1691 »
sur deux domaines appelés Bonabry et Lucbas , sur des
masures de maison, et un pré, situés à R ochefort, desquels
objets le sieur Nicolas a déclaré avoir parfaite connoissance, pour en avoir joui comme fermier depuis le i 5
mars 1696, et même sur . des rentes venues de la suc
cession de François Chardon. Ils le subrogèrent en leur
lieu pour par lui jouir desdites masures de maison, et
deux dom aines/com m e avoit fait ledit Réné V ialle de
son v iv a n t , et ledit N icolas, comme fermier, sans bes
tiaux. .
sous r é s e r v e a u x cé d an s de leurs autres droits
acquis par ladite transaction contre demoiselles A n to i
nette et A n n e Chardon y dénommées.
L a d i t e cession fut faite moyennant 7999 francs, dont
ils déléguèrent, i°. 3000 fr. à Marie C h ard on , pour le
principal à elle dû suivant ladite transaction ; 20. 1800 fr,
à la dame Carmantrand, veuve Desgiraud; 30. i 5oo fr.
aux créanciers de R éné V ialle ; 40. iô o o francs pour
rester entre lés mains dudit N ico la s, à l’effet de pro
duire 75 francs d’ intérêts qui furent délégués à ladite
M arie Chardon.
Ledit Nicolas fut encore chargé de rapporter aux
c é d a n s les quittances de ladite Marie Chardon , du prix
�des jouissances faites par ledit Nicolas et par A u teroch e,
desdits deux domaines et p rés, depuis le i 5 mars 1696,
à raison de ¿55 francs par a n , et de les en garantir.
L e 4 septembre 1 7 1 0 , M arie Chardon envoya des
huissiers chez le sieur A n n et V i a l l e , p r ê tre , pour l’exé
cuter , quoiqu’elle eût accepté la délégation des fermages
depuis 1699 , et qu’on eut pris des précautions pour
que tout le surplus lui fût payé.
Cette incursion inattendue et malhonnête excita les
cultivateurs d’ un domaine voisin à chasser ces huissiers
de chez un prêtre qu’on considéroit ; mais la résistance
des huissiers occasionna -des querelles et des excès ; un
huissier reçut un coup de serpe au visage, et il en ré
sulta une plainte.
I,e 10 octobre 1711 , la sénéchaussée rendit une sen
tence fort sevère qui bannit deux cultivateurs coupables
de ces excès ; et comme il étoit difficile peut-être de
ne pas présumer que le sieur A n n et V ialle avoit toléré
une rébellion qui n’avoit lieu que pour l u i , il fut dit
qu’il seroit mandé à la chambre du conseil pour être
admonété.
Cette sentence que la dame de Frétât s’est plue à
rappeler souvent, est bien peu de chose pour le procès
actuel j et nous verrons bientôt que M arie C h a rd o n , se
reprochant cette exécution eE ses suites , a voulu en
dédommager le sieur A n n et V i a l l e , en lui déduisant
400 francs pour les dépens.
En effet celte exécution étoit d’autant plus déplacée,
c]ue îsicolas, débiteur, n’avoit pas été mis en demeure;
B 2
�C 12
)
cl le 12 novembre T710, il avoit fait à Marie Chardon
des offres réelles de 300 francs pour sa pension , et de
continuer l’intérêt des 3000 francs, si mieux elle n’aimoit recevoir le capital desdits 3000 francs,
. A u préjudice de cet acte d’offres, Marie Chardon avoit
affecté d’assigner Joseph V ialle seul, et.elle avoit surpris
contre lui une sentence, le 16 décembre 1 7 1 0 , portant
condamnation à lui payer 3000 francs et les intérêts de
6000 francs depuis 1691 , sinon et faute de ce , la cession
étoit déclarée résolue.
E t par une inconséquence inexplicable, Marie Chardon
faisoit, dans le même temps, des saisies-arrêts entre les
m a i n s des Nicolas et A u te ro c h e , qui vouloient la payer.
Puis' elle poursuivit les héritiers V ialle en confir
mation desdites saisies. Les Nicolas furent mis en cause,
et il en résulta un procès considérable , lors duquel les
héritiers Vialle vouloient que le décès de Marie Chardon
aînée, eût diminué la r e n ie v i a g è r e de moitié. '
Ce procès fut jugé le 20 mars 1 7 1 1 ; les saisies-arrêts
furent confirmées; les héritiers Vialle furent condamnés
à payer la pension entière de 300 francs, et il fut fait
provision de 1200 francs à Marie Chardon. I,rs Nicolas
furent condamnés à garantir les Vialle jusqu’z\ concur
rence de 7800 francs, qu’ils resloient d evo ir, et à rap
porter quittance des jouissances qu’ils avoient dû payer
à. Marie Chardon depuis 1696 jusqu’à 170 9, à raison de
205 francs par an.
Il y eut appel de celte sentence au parlement, mais
elle fut confirmée par arrêt du 20 juin 1714.
L a dame de Frétât se plaint de ce que M arie Chardon
�( 13 )
_
ne reçut jamais rieri des Y ialle. Si cela éloit v r a i , ce
n’étoit pas au moins faute de poursuites.
Cependant elle reçut les 1200 francs de provision, et
elle en donna quittance le 26 mai 17 11.
Cela ne l’empêclia pas de faire vendre en place pu
blique les grains par elle saisis sur le sieur Joseph V ielle
de Brousse , qui n’étoit point en cause au procès de 1 7 1 1 . .
En 1713 e lle suscita u n procès d’une autre espèce aux
héritiers Y i a l l e ; elle fit cession et transport au sieur
G ilbert-Am able Rocliefort de 462 francs à prendre sur
e u x , en vertu de la transaction de 1 6 9 1 , et aussitôt le
sieur Rocliefort fit assigner A n n et et François Y ia lle en
payement.
C ’étoit le moment où ceux-ci plaidoient au parlement
sur l ’appel de la sentence de 1 7 1 1 , et soutenoient avoir
surpayé , en ce que la rente de 300 francs étoit réduite
à moitié. En conséquence ils opposèrent en défenses au
sieur Rochefort, i°. qu’étant magistrat, il n’a voit pas pu
prendre cession d’un droit litigieux •, 20. qu’il y avoit
alors procès, et qu’il ne pouvoit l’ignorer, puisque luimême avoit p o u rsu iv i, au nom de Marie C h a rd o n , la
sentence dont l’appel étoit pendant ; 30. que le procès
qu’il intentoit étoit bis in id em , et que les V ialle plaidant
avec la cédante pour l’objet par elle céd é, ne devoient
pas être traduits devant un autre tribunal par sou cédataire.
L e sieur Rochefort dénonça tout cela à Marie C h ard on ,
qui intervint. Enfin il obtint une sentence par défaut
contre les Y ia lle , le 6 février 1 7 1 7 , portant adjudication
de sa demande. Il en poursuivit l'exécution ; et ou a dit
�C Ï4 )
au procès qu’il aVoit été payé ; ce qui est au reste justifié
par son silence. Dans ce même temps .Marie Chardon
fit un autre procès en préférence de saisie contre la dame
Carmantrand, veuve Dësgiraud. Il fut jugé par sentence
du 6 mars 1717 *, Marie Chardon obtint préférence et dut
être payée,
E11 1 7 1 5 Marie Chardon avoit fait une autre saisie de
fourrages et grains sur Joseph V ialle -, mais après plusieurs
diligences , elle en donna main - levée moyennant un
acompte. D ’ailleurs cette année-là elle reçut de toutes
mains : on trouve six quittances d’elle en ladite année
1715 .
E n 17x8 Marie Chardon reçut encore 2,5o francs, et
en 1 7 1 9 , on ne trouve d’elle qu’ une quittance de 30 francs,
où elle ajoute q u e, pour raisons à elle connues, elle fait
remise aux sieurs V ialle de 400 francs, sur les frais à elle
adjugés au civil et au criminel ; mais il paroit que cette
s o m m e a c h e v o i t de p a y e r les arrérages de rente viagères
à elle dûs, lesquels d’ailleurs se payoient d’avance.
M arie Chardon mourut dans l’été de 1719.
L e 16 décembre de la même année 1 7 1 9 , le sieur
G ranchier fit une saisie-arrêt entre les mains de Joseph
V ialle de Brousse, comme créancier de Marie Chardon.
Joseph V ialle fit son affirmation au greffe le 4 janvier
172.0. Il déclara devoir 3000 francs en principal ; mais
ne devoir aucuns arrérages. ( M . Granchier a été paye
depuis de sa créan ce, montant à 825 francs, par les
Vialle. )
•
T e l étoit l’état des choses, lorsque le sieur Rochefort,
�( ï -5 )
héritier présomptif de M arie Chardon j prit la qualité
d’héritier bénéficiaire.
L e i 5 juillet 172 0 , Joseph V ialle déclara au greffe
se porter .héritier pur et simple de ladite M arie Chardon.
A lo rs les héritiers V ialle étoient rentrés en possession
des domaines de Lucbas et B o n a b ry , qu’ils ne gar
dèrent pas.
X^e 21 août 1 7 1 9 , ils a voient obtenu sentence contre
les Nicolas, p o r ta n t résolution de la cession de 170 9 ,
et permission auxdits V ia lle de se remettre en possession.
L e 6 juillet 1 7 2 0 , A n n et V i a lle , curé de D o n t r e ix ,
faisant tant pour lui que pour ses cohéritiers , fit cession
h M re. Pierre de Frétât des mêmes droits déjà cédés à
N icolas, c’est-à-dire, de tous les droits résultans de la.
transaction de 1691 , sur deux domaines appelés Lucbas
et Bonabry , moyennant 14000 francs, payés en billets de
b a n q u e , provenus de la dame Dagoneau , veuve de
F rétâ t, en qui ledit sieur abbé de Frétât déclara faire
son élection de mieux.
L a dame Dagoneau se mit en possession de ces deux
domaines, qui avoient été affermés à Louis Boucheix
pt François Chatagnier le 3 mars 1720.
P o u r consolider son occupation de la succession ,
Joseph V ialle prit possession authentique des biens le 30
juillet 1720.
L e même jour il fit un bail à ferme aux mômes métayers,
qui en avoient déjà un du 3 mars.
Ensuite il assigna le sieur Rochefort en remise des titres,
tneubles et autres objets restans de l’héréd ité, et il fit des
saisies-arrêts entre les mains des fermiers.
�( ï6 )
Ces actes ne furent d’abord point contrariés par le
sieur G ilbert-À m able Rochefort.
A n contraire, par acte du 28 décembre 1720, le sieur
Rochefort fit, comme héritier sous bénéfice d’inventaire
de Marie C hardon, une saisie-arrêt entre les mains desdits
Roûcheix et Chatagnier du prix de ferme des domaines
de Bonabry et L u c b a s , comme dépendons de la suc-r
cession de R é n é V ia lle.
Cependant le procès sur cette succession de M arié
Chardon devint sérieux , et le sieur Rochefort fit ses
efforts pour tout obtenir ; il soutint que le sieur V ialle
n’étoit point en ordre de succéder, et n’avoit pu l’exclure,
parce qu’Antoinette (]hardon, sa m ère, avoit été forclose.
Ces débats envenimèrent les parties, et les héritiers
V ialle agirent de leur côté en poursuivant à la fois le
sieur Rochefort à Riom et à Paris : voici à .quelle occasion.
1
L e 7 mai 1688, le sîeqr Amable R och efort, père de
G ilb e rt- Am able , s’étoit chargé de la procuration du
sieur Réné V i a l l e , pour faire le voyage de Paris et
poursuivre un procès pendant entre Gilbert Reynaud et
Gilbert Rochefort, son père, dans l’intérêt dudit V ia lle,
pour la portion à lui distribuée sur les effets de la sucçession dudit Gilbert Rochefort , montant à 1043 Hv. 11 s*
P ar ledit acte , le sieur Rochefort s’étoit engagé ù ne
répéter aucuns frais s’il succomboit; et au cas contraire,
il étoit dit q u ’ il auroit la moitié de la créance»
Il paroît qu’il obtint un arrêt le 14 février 1701.
L e 13 juin 1 7 1 0 , le sieur Rochefort donna un autre
écrit au sieur Joseph V ialle de Brousse, par lequel il
reconnu!
�C *7 )
reconnut tenir de l u i , i ° . un billet de 2000 francs du
sieur Gilbert Rochefort , son aïeul, portant promesse
de faire payer 2000 francs à Paris par le sieur Fauttrier,
valeur reçue dudit V ia lle ; 20. les causes d’oppositions
formées à Clerm ont, et le procès verbal de distribution
des effets dudit Gilbert Rochefort:, lesquelles pièces lui
étoient nécessaires pour suivre l’effet dudit arrêt de 1701 ;
qu’il s’obligea de nouveau de poursuivre aux mêmes
clauses et con d itio n s expi-imées en l’acte passé avec le sieur
R och efort, son p è r e , en 1688.
C ’est en vertu de ces deux actes que tons les héritiers
V ialle firent assigner le sieur G ilbert-Am able R ochefort,
par exploit du 12 juillet 1720; c’est-à-dire au bout de
d ix a?îs, pour voir déclarer exécutoire l’acte de 1688;
reconnoître l’écriture de l’acte de 1 7 1 0 , se voir con
damner à leur remettre tous les titres et papiers dont
son père et lui s’étoient chargés , et rendre compte de
l ’exécution, sinon leur payer, i ° . la moitié des 2000 fr.
suivant leur convention; 20. la moitié de 10 4 3 liv. 11 s-,
avec intérêt depuis le 7 mai 1688,
L e second procès intenté par les V ia lle , se réduisit
à poursuivre au parlement la péremption de l’appel in
terjeté par Antoinette et A n n e Chardon , de la sen
tence de 1691.
11
est vrai q u ’ il y avoit décès de part et d’autre; mais
la péremption étoit acquise lors desdits décès : en con
séquence, le i 5 juin 1720, les héritiers V ialle prirent
une commission au parlement pour faire assigner les
héritiers desdites Antoinette et A u n e Chardon ; et le
C
�C t8 )
12 juillet suivant, ils assignèrent le sieur Gilbert-Aniable
Rochefort en ladite qualité.
Ce procès fut appointé en droit. Il y eut des écritures
de part et d’autre. Et enfin , par arrêt sur productions
respectives, du 14 mai 17 2 2 , l ’appel fut déclaré p é r i,
et la sentence de 1691 maintenue en sa forme et teneur.
Pendant ce temps-là, on plaidoit à Clermont sur la
succession de Marie C h ard o n , et ce procès étoit consi
dérable.
t
Les cinq enfans de Gilbert-Am able Rochefort avoient
repris au lieu et place de leur père : ils concluoient à
être gardés et maintenus dans le d r o i t , et pour jouir
des biens de Marie Chardon.
L a dame Dagoneau de Frétât réclamoit ses droits en
vertu de la cession à elle faite le 6 juillet 1720.
Les métayers des deux domaines, ap pelés sur les saisiesarrêts , îigissoient e n recours c o n tr e elle et contre les
sieurs V i a l l e .
L e sieur Charmat, procureur de la défunte, réclamoit
5oo francs pour ses vacations, et jusque-là demandoit
l’autorisation de poursuivre le payement des dettes actives
de la succession , jusqu’à concurrence de son dû.
E n fin , à la veille du jugement, les cinq enfans R o
chefort déclarèrent qu’ils se portoient héritiers purs et
simples.
Sur tous ccs débats, et par sentence du 22 juin 1729,
lesdits irères et sœurs Rochefort furent gardés et main
tenus au droit et possession de jo u ir des biens meubles et
immeubles provenus de la succession de Marie Chardon.
�( *9 )
Les héritiers V ialle furent condamnés à rendre compte
des jouissances et dégradations depuis le 30 juillet 1720,
jour de la prise de possession. Il fut donné main-levée
de leurs saisies-arrêts. A v a n t faire droit sur les de•
mandes du sieur Charma t , il fut dit qu’il donneroit
état de ses vacations. Les dépens furent compensés entre
les Vialle et Rochefort , hors le coût de la sentence
auquel les Vialle furent condamnés. ( N ota. L e sieur
Charmat a été payé par les Vialle. )
Les héritiers Rochefort se mirent en possession de
tous les objets de la succession de Marie Chardon, dans
laquelle ils confondirent les deux domaines dont ils se
mirent aussi en possession, ainsi qu’ils en conviennent,
aussitôt après cette sentence.
L a dame D agon eau, veuve de F r é tâ t, ainsi évincée,
fit assigner les héritiers V ia lle , par exploit du 4 juillet
1 7 3 1 , pour la faire jo u ir, sinon lui rembourser 14000 fr.
L e 7 août 1731 , les héritiers V ialle dénoncèrent
cette demande au sieur François
R o c h e fo rt,y en lui oba
servant que Marie Chardon avoit cédé à leur p è re,
i°. l’effet de la sentence de 1691 , contre les auteurs
dudit R ochefort; 20. l’effet de la sentence de 1682,
contre la succession de François Chardon : ils ajoutèrent
que les biens jouis par la dame de F r é t â t, provenoient
dudit François C h ardon , et n’avoient jamais fait partie
de la succession de Marie Chardon, décédée. Ils l’assignerent en môme temps pour voir déclarer exécutoire
la sentence de 1691 , et se voir condamner comme
héritier de ses père et mère , personnellement pour sa
part et portion 7 et hypothécairement pour le t o u t , à
C 2
�payer 2707 liv. 9 s. 7 d en ., avec les intérêts adjugés
par ladite sentence, et qui ont couru depuis, ensemble
quarante-neuf setiers trois quartes de b l é , avec intérêts
de droit ; se voir faire défenses de troubler la dame
D a go n éa u , sinon être condamnés en leurs dommagesintérêts, sans préjudice à autres droits.
François Rocliefort signifia un committimus, et de
manda son 'renvoi aux requêtes de l’hôtel.
Il décéda peu de temps a p rè s, et les héritiers V ialle
reprirent la demande de 1 7 3 1 , contre Suzanne M athieu,
sa veuve, en qualité de tutrice, par exploit du 9 mai 1742.
L ’instance fut reprise par jugement du 2 août 174 2 ,
qui donne aux enfans la qualité d’héritiers de leur
père ; et le 14 du même m ois, Suzanne Mathieu défendit
à la demande.
Ces défenses, assez mal digérées, consistèrent à com
battre la cession et la sentence de 1691 , à opposer la
p r e sc rip tio n , et à p r é te n d r e q u e la sentence de 1729
avoit an n u llo ladite cession. Elle terminoit par dire que
si les domaines provenoient de François C hardon, elle
devoit être payée avant les V i a l l e , de son obligation
de i6Ô 2, antérieure à la dot de Jeanne F o u r n ie r , et
que s’ils ne provenoient pas dudit C h ard on , les V ialle
n’a voient aucun droit sur ces domaines.
L e sieur L ollier-C hateaurouge , héritier du sieur
de Frétât, intervint pour reprendre lès poursuites de la
dame Dagoneau.
Les héritiers Nicolas, de leur côté, assignèrent Suzanne
M athieu, et le sieur Guillaume Rocliefort, son filsP eu
�( 21 )
désistement des deux domaines. Ils opposèrent la sentence
de 1729.
Par requête du 7 avril 1 7 6 4 , les héritiers Vialle
ajoutèrent aux conclusions de leur exploit de 1731 ,
que la dame Matliieu fût condam née, en sa qualité, à
leur payer 8098 liv. 12 s. 4 d. adjugée à une demoiselle
Chardon par la sentence de 1689, avec les intérêts
depuis le mois de mars 1622 ; en conséquence, à les
garantir en ve rs le sieur Lollier jusqu’à concurrence des
sommes à lui dues, à diminuer sur celles dont lesdils
V ialle seront dits créanciers de ladite dame M a th ie u ;
et enfin , il demandèrent permission d’assigner les dé
tenteurs des deux domaines en matière hypothécaire.
L e 4 juillet 1 7 5 4 , le procès fut appointé ; et par
requête du 31 décembi-e 1 7 5 6 , les héritiers V ialle don
nèrent des avertissemens par lesquels ils prirent des
conclusions générales beaucoup plus précises et plus
régulières que celles prises jusqu’alors.
Ils demandèrent aux héritiers Rochefort, personnel
lement et hypothécairement, i°. les 8098 fr. portés par la
sentence de 1689, avec les intérêts adjugés; 20. 2494 fr.
et quarante-neuf setiers de blé portés par- la sentence
de *1691 ; 30. 2000 fr. portés par l’écrit de 1710.
crurent devoir ensuite, par exploit de 1 7 6 7 , si
gnifier cet écrit à dom icile, pour p a r v e n ir à la reconnoissance d ’ écritui;e ; mais quand il en fut question , Je
sieur Rochelort ne voulut pas s’exp liq uer, et se contenta
de dire q ue, de 1710 à 1 7 5 6 , le titre étoit prescrit.
La procédure fut de nouveau suspendue pendant plu
sieurs années; et on voit par ce qui en est rapporté dans
Ils
�des pièces postérieures, combien cette suspension eutuno
cause funeste pour la famille Vialle.
j
L e sieur L ollier se lit adjuger sa demande, sans doute
parce qu’elle fut disjointe, et il fit mettre en saisie réelle
tous les biens des V ia lle , qui le payèrent de sa créance;
ce qui leur coûta près de 40000 francs.
E n 1 7 7 1 , les V ialle reprirent leur demande contre
Suzanne Mathieu.
;
E lle signifia qu’elle n’étoit plus tutrice.
Ils assignèrent le sieur François Rochefort, son fils. Il dit
qu’il n’étoit pas héritier de François Rocliefort, son père.
Ils mirent en cause Antoinette Rochefort ; elle dit la
même chose.
Les sieur et demoiselle Rochefort signifièrent une
répudiation du 26 novembre 1771.
Les héritiers V ialle leur répondirent que cette répu
diation n’étoit pas sincère, parce que le sieur Rochefort,
leur p è r e , avoit laissé une maison à R io in , un bien ù
P o m o r t , et un autre bien à A u b ia t; de tout quoi le
sieur Rochefort étoit en possession.
Cependant les héritiers Vialle voulurent encore asrsigner la dame Valon en 1772 ; elle dit aussi n’être pas
héritière.
Eliifin, en 1773 , ils assignèrent Antoinette Rochefort,
tante des précédens, et elle répondit que son frère ayant
laissé des enfans, elle n’étoit pas en ordre de succéder.
A insi repoussés, les héritiers V ialle ayant lutté vai-r
ncment jusqu’en 1 7 7 6 , firent nommer un curateur à la
�( 23 )
succession répudiée du sieur Rochefort père, et ils com
mencèrent leurs poursuites contre lui.
' A lo rs le sieur François Rochefort se hâta de rétracter
une répudiation qui n’avoit été qu’ un moyen de procès:
mais ce ne fut que pour donner d’autres entraves aux
créanciers Vialle.
• L e 21 mars 1776 , il obtint des lettres de bénéfice
d’inventaire, et présenta R o y , cordonnier, pour caution.
11 notifia ces lettres, et le 13 juin suivant, il signifia des
moyens de défense fort étendus contre tous les chefs de
demande. Il est inutile de les analiser, parce qu’ils se
bornent à ce qui est opposé dans le mémoire de la dame
de Frétât.
L e 2 mars 1777 , le sieur de Rochefort vendit le
domaine de Bonabry à Louis et Martin Bouchet.
Ces acquéreurs prirent aussitôt des lettres de ratifi
cation-, mais elles ne furent scellées qu’à la charge des
oppositions des héritiers Vialle.
L e sieur de Rochefort, poursuivi par ses acquéreurs,
assigna les héritiers V ialle en m ain-levée, par exploit
du 30 décembre 1779. Cette nouvelle demande fut jointe
aux précédentes, par sentence du 7 mars 1780.
A près quelques autres procédures , des décès inter
vinrent , et le procès a resté suspendu pendant la l’é
volution. Enfin j en l’an 9 , il a été repris ; et depuis
le décès de M . de R o c h e fo rt, il l’a été encore contre
madame de C h i r a c , sa fille. Les héritiers Boissier ont
néglige ¿g remettre en cause les acquéreui’s du domaine
B onabry, parce que c’eût été compliquer encore plus le
�( M )
procès, et que cette précaution est parfaitement inutile.
V oilà en quoi consistent tous les détails de cette longue
contestation. 11 a été du devoir des héritiers V ialle de
n’en rien retrancher, pour montrer combien peu il a
été en leur pouvoir d’être jugés plu tôt, et combien il
auroit été de leur intérêt de l’être il y a cinquante ans.
Q u o iq u ’il en soit, les choses sont encore entières; et il
s’agit de savoir seulement qui sera créancier ou débiteur.
Ils von t prouver que cette question n ’est pas très-pro
blématique,
M O Y E N S ,
L a dame de Frétât est débitrice des héritiers V ia lle ,
en trois qualités différentes.
Comme représentant Réné V ialle et Suzanne F o w n ie r,
elle doit les sommes portées par la sentence de 1691.
Comme possesseur des biens provenus de François
C h ard o n , elle doit les sommes portées par la sentence
de, 1689,
Comme représentant Gilbert-Am able Rochefort, ma-,
dame de Frétât doit les sommes portées par l’acte de 1668,
et l’écrit de 1710.
Rien n’est plus évident que ces propositions qu’il seroit
oiseux de fortifier par des preu ves, après le détail dans
lequel on est entré : ce ne seroit que se répéter.
Cependant la dame de Frétât les réduit à un seul titre,
c’est-à-dire à la sentence de 1691 (p . 18 ) J et elle ajoute
que pour réclamer la somme portée par cette sentence,
h
j
■
�(25)
il faudroit établir l ’avoir payée à Marie C h ard on , ou
être poursuivi par ses représentans , et qu’il faudroit
encore prouver avoir payé T h i e r r y , tandis qu’il seroit
impossible aux V ialle de justifier aucun payement.
Mais d’abord le payement de T h ierry est étranger à
la dame de Frétât. Il est censé s’être fait payer, puisqu’il
avoit un titre , et que Réné V ialle étoit obligé de ga
rantir Marie Chardon de ses recherches : il a dû remplir
les engagemens , puisqu’on ne justifie d’aucune poursuite
de sa p art, et c’est là tout ce qu’ il s’agissoit de savoir.
Quant à ce qui étoit dû à Marie Chardon , il n ’en
est pas de même : la clame de Frétât a qualité pour s’en
inform er; et c’est pour cette raison que les héritiers V ialle
out mis sous ses yeu x tout ce qui prouve leur libération
jusques et à concurrence du moins de la renie viagère.
Ce n’est pas sérieusement sans doute que la dame de
Frétât oppose la sentence par défaut de 1 7 1 0 , qui a
prononcé la résolution de la cession.
Auroit-elle oublié la sentence de 1711 , sur laquelle
cependant elle a beaucoup insisté, comme obligeant les
V ialle à payer la pension entière, au lieu de moitié? Si
donc Marie Chardon s’occupoit du mode de payement
à venir de sa pension, il falloit qu’elle ne comptât la
sentence de 1710 , que comme condamnation d’arrérages,
sans s’occuper d’ une disposition qui étoit purement de
style ou comminatoire.
Tout ce qui s’es(; passy depuis prouve que cette sen
tence de 1710 n’a eu effet que pour les condamnations
y contenues. L a rente a été servie depuis 1710 jusqu’au
D
�( 26 )
décès de Marie Chardon ; et après son décès, le sieur
Rochefort a lui-même fait des saisies-arrêts comme hé
ritier, pour tous les arrérages échus jusqu’audit décès.
Ce n’étoit donc qu’un oubli de la pai't de la dame de
Frétât d’invoquer une résolution imaginaire, dont aucuns
de ceux qui ont plaidé avant elle n’avoient conçu l’idée,
parce qu’ils sa voient bien ce qui s’étoit passé après 1710.
L a cession , dit madame de F rétât, n’étoit que de la
dot mobiliaire de Jeanne F o u rn ier, et n’a aucun trait
aux domaines de Bonabry et Lucbas.
Cela est très-vrai à titre de propriété, mais non à titre
d’hypothèque ; car ces deux domaines provenoient de
François Chardon , mari de Jeanne Fournier, et débiteur
de la dot : ils éloient donc hypothéqués au rembourse
ment de cette dot et des reprises matrimoniales.
L a famille V ia lle , cédataire de cette d o t, a suivi son
gage depuis 1696 jusqu’à 1729, de gré à gré avec M arie
C h a r d o n , qui recevoit les fermages des domaines par délé
gation.
En 1729 la famille Rochefort a ôté ces domaines aux
nyans cause des sieurs V ia lle , qui ont voulu y rentrer en
1 7 3 i, 1742, 1757, 1 7 7 1 , et jusques dans les mains de l’ac
quéreur actuel, en 1777.
Ils ont dit à la famille Rochefort : Paycz-m oi, ou rendez
mon gage : aut cédai aut solvat est la règle la plus incon
testable en matière hypothécaire , et elle a été tout le
mobile de la procédure des héritiers Vialle depuis 1729
jusqu’à présent.
Que la famille Rochefort ait gardé ces domaines comme
�les croyant de la succession de M arie Chardon, ou de la
succession répudiée de François C hardon, ce n’est plus
aujourd’hui la question. Il ne s’agit pas de la propriété
de ces domaines, mais du i*ecouvrement de la somme de
8198 francs, dont ces domaines sont le gage depuis le
mariage de François Chardon.
A p rès l’éviction de 1729, les héritiers V ia lle pouvoient
exercer une demande hypothécaire ou revendiquer la
possession de leur gage ; ce qui étoit la même chose ,
puisque le but des deux demandes étoit de jouir p i g n o
ra ti vement.
Ils préférèrent d’abord le dernier p a r ti, parce qu’ils
ne voulurent pas reconnoitre l’usurpation de la famille
R o c h e fo rt, qui en effet ne s’étoit pas fait adjuger la
succession répudiée de François Chardon , mais celle de
M arie, qui avoit vendu son g a g e et son droit pignoratif
sur les domaines.
Ensuite les héritiers V ialle prirent indifféremment des
conclusions en remise des domaines ou en payement h ypo
thécaire des créances ; ce qui a été le dernier état en
1757 et en 1777 ; de sorte que leur droit a été parfaite
ment conservé , et sans prescription : ce qui est tout
l’intérêt actuel de la cause. Ils ont donc été fort consequens, et ne se sont jamais considérés comme pro
priétaires des domaines, ainsi que le leur reproche la
dame de Frétât (page 21 ) *, ils 11e se sont jamais consi
dérés que comme créanciers.
r
E t meme quand ils disposèrent des domaines en 1709
et 1720 , ils ne firent que céder leurs droits et hypo
thèques sur ces domaines.
D 2
�( ^8 )
Quand la dame de Frétât veut les renvoyer au curateur
à la succession vacante pour réclamer les 8198 francs, elle
ne réfléchit pas qu’il ne s’agit point ici d’une action per
sonnelle , et qu’il n’y a plus rien à demander au curateur,
dès qu’il a été condamné en 1691.
D ’ailleurs il faudroit remarquer (si les héritiers V ialle
a voient intérêt de l’examiner) qu’il ne peut plus y avoir
aujourd’hui de succession vacante, lorsque tous les biens
de François Chardon sont dans les mains des héritieVs
de sa fille , nonobstant sa répudiation.
M a is, dit encore la dame de Frétât, vous n’avez rien
demandé en 172 9, lorsqu’on vous évinçoit.
JSon erat Me lo c u s , et il ne s’agissoit alors que de la
succcession de Marie Chardon, disputée par deux héri
tiers ; il n’y avoit donc pas lieu de répéter des créances
dues par la succession répudiée de François.
S’il plut au sieur Rochefort d’abuser de cette sentence
c o n tr e la clame D a g o n e a u , il n e trouva son droit que
dans l’arbitraire ; d’ailleurs les héritiers V ialle étoient
désintéressés alors , ayant cédé leur créance ù la dame
Dagoneau ; il a fallu une éviction pour leur rendre le
droit de réclamer.
Ainsi les héritiers V ialle sont fondés à dire à la dame
de F rétâ t, comme i\ tous ses ancêtres: V ous vous êtes
emparés du gage de notre créance ; vous l’avez ôté ù
nos oyans cause ; vous devez donc payer la créance ou
rendre le gage : c’est à cela que se réduit toute la cause
relativement ù la créance de 8198 francs.
Quant à celle de 2194 francs ? elle est personnelle à la
�C 29 )
maison de R o c h e fo rt, et rétroagit tout à la fois sur la
succesion de Marie C hardon, occupée par la dame de
F r é t â t, parce que Marie Chardon doit faire valoir sa
cession.
A cet égard la dame de Frétât propose un seul moyen
(page 20) , et ce moyen est bien étrange. Elle veut qu’il
y ait cofifitsion de dette et créance, parce que le sieur
Rochefort est devenu héritier de M arie Chardon, créan
cière de Réné V ia lle , lequel avoit seulement un recours
contre le sieur Rochefort.
D ’abord il n’est pas trop aisé de concevoir comment
la confusion s’opère lorsqu’ il y a une troisième personne
intéressée , et que ce tiers n’est pas héritier : ici il y a
R éné Vialle.
Cependant l’objection auroit quelque chose de spécieux
dans un sens, sans la cession de 1691 , qui ôte toute idée
de confusion.
En e ffe t, Marie Chardon , par cette cession , donna
quittance finale à son tuteur du reliquat auquel il étoit
condamné envers elle ; elle n’avoit pas besoin de lui rien
céder à cet égard contre, Suzanne F o u r n ie r , veuve de
Réné C h ard o n , puisqu’elle n’étoit pas sa créancière di
recte , dès qu’elle avoit tout obtenu contre son tuteur.
C ’étoit ce tuteur q u i , en vertu de l’acte de 1666 et
de la sentence de 1 6 9 1 , étoit créancier direct de R én é
Chardon , comme forcé de payer seul le reliquat d’un
compte dû par ledit R éné Chardon.
Ainsi la qualité d’héritier de M arie Chardon n’a pas
pu dispenser les héritiers de R éné Chardon , de payer
a Réné Viulle les condamnations de la sentence de 1691.
�( 30 )
L e sieur R och efort, 0111:776, avoit fait une autre dé
couverte pour éluder ces condamnations de 1691.11 disoit
aux héritiers V ia lle : V ous n’avez fait condamner que
Biaise, Antoinette et A n n e C hardon, comme héritiers
de R éné en 1691 , et je ne les représente pas.
Mais , i ° . ce n’étoit là qu’éluder l ’application de la
sentence de 1691 , parce qu’elle étoit rendue contre
Biaise, Antoinette et A n n e Chardon , en qualité d’h é
ritiers de Réné Chardon et Suzanne Fournier. Ces trois
héritiers appelés sont condamnés personnellement pour
leur part et p o rtio n , et hypothécairement pour le tout.
A u jo u rd ’hui la maison Rochefort représente toute la
branche de Réné Chardon.
2°. L ’arrêt du 14 mai 1722 imprime au sieur GilbertA m a b le Rochefort la qualité d’héritier d’Antoinette et
A n n e C h ard on ; cet arrêt lui fut signifié ù domicile, et
il n’a jamais nié cette qualité.
A in si la sentence de 1691 est commune à la dame
de F rétâ t, q u i, non-seulement réunit sur sa tête la
qualité d’héritière de toutes les personnes condamnées,
mais qui encore a les biens des familles de Rochefort
et C h a r d o n , hypothéqués à cette créance.
Cette créance a toujours été en vigueur par des pour
suites. Elle le seroit au besoin par des minorités succes
sives ; mais au reste, on n’a jamais osé opposer la
prescription.
Il reste à parler de la créance résultante de l’écrit de
1710 : et ici le sieur de Rochefort crut n’avoir besoin
d’autre moyen que la prescription qu’il alléguoit de
�(3 0
quarante-sept années, en comptant de 1710 a 17^7* ï ja
dame de Frétât fait le meme calcul, et elle se trompe.
L ’exploit de 1720 d i m in u e d’abord cet intervalle, et
le réduit à trente-sept ans. Les minorités vont reduire
cet excédant.
E n 17 2 0 , Joseph V ialle
enfans Boissier ; les autres
dernier errement est du 6
On voit par la sentence
procédoit comme tuteur des
parties étoient majeures. L e
septembre 1720.
de 1 7 2 9 , que Joseph V ia lle
étoit décédé *, il étoit représenté alors par Marie A u te ro c h e, sa v e u v e , tutrice de leurs enfans.
E n 1 7 4 2 , Jean -G aspard et Jeanne Boissier étoient
majeurs ; ils procèdent avec Jeanne V i a l l e , veuve de
Gaspard M om et, et avec Françoise V i a l l e , épouse du
sieur Paye.
En 1767, les qualités avoient encore changé : la dame
Momet et les sieurs Boissier étoient décédés. L e procès
étoit poursuivi par Catherine et Antoinette M o m e t , et
par EtieDne Boissier.
Ainsi, en déduisant seulement les minorités de 1720 à
I 7 29 i ^ y a plus de temps qu’il n’en faut pour compenser
l’excédant qui se trouve sur trente ans, entre le 6 sep
tembre 1720, et la requete du 31 décembre 1766.
D ’ailleurs y a-t-il bien eu lieu à prescription dans la
circonstance où le sieur Am able R o c h e fo rt/ é to it rendu
dépositaire d’effets et papiers, et s’étoit chargé de pour
suivre le recouvrement d’ une créance?
lia prescription ne pouvoit pas courir contre lui le
j«ur meme de son écrit, et tant qu’il n’avoit pas achevé
les diligences nécessaires.
�(3 0
Il est impossible dépenser que le 'sieur Rochefort n’ait
pas été pnyé de cette créance; car Réné "Vialie avoit été
colloqué utilement pour 1090 francs, et la sentence de
Clermont fut confirmée au pui’lement. Il n’y eut besoin,
d’après le sieur Rochefort lui-même, que de justifier du
billet et de la demande, pour faire exécuter l’arrêt. Il
n’est pas possible de supposer que le payement n’ait pas
eu lieu, quand il y eut un arrêt; si cela étoit, le sieur
Rochefort n’auroit pas m anqué, en 1720 , de rendre les
titres ; son fils les auroit encore offerts en 1766 : mais on
n’a offert ni les titres ni l’argent.
Comment donc la dame de Frétât voudroit-elle pro
fiter, au détriment des héritiers V ialle , d’une somme
touchée par son aïeul pour le compte d’autrui ? Elle a
pu présumer qu’il n’avoit rien reçu ; et voilà pourquoi
les héritiers V ialle ont voulu la détromper, pour qu’elle
renonçât à proposer un moyen tel que la prescription.
I l est in u tile , d ’après ces remarques , de répondre
aux autres objections (page 16). L e sieur Rochefort, en
opposant que Gilbert-Amable Rochefort n’étoit pas héri
tier de G ilb e r t , n’avoit pas fait attention que GilbertA m able Rochefort avoit contracté une obligation per
sonnelle en 1688 et 1710.
A p rès avoir parcouru les trois chefs de créan ce, il
n’est pas difficile de présenter un compte par aperçu, de
ce que peut d e v o i r la dame de Iretat.
jo. Elle doit 8098 francs en principal, portés par la
sentence de 1689.
20. 10933 f. pour les intérêts liquidés par ladite sentence,
3°«
(
�( 33 )
3°. Les intérêts échus depuis 1689, jusqu'au payement
sous la déduction des jouissances dont il sera parlé ciaprès.
40. Les dépens adjugés par la même sentence.
5°. L a somme de 2707 liv. 9 s. 7 d. en vertu de la
sentence de 1691 , et en outre le coût de ladite sentence.
6°. Quarante-neuf setiers trois quartes de b l é , d’après
la valeur de ladite époque, qui paroît être de 299 f r . ;
sauf la déduction de trois setiers d’avoine •, sauf aussi au
tribunal à peser dans sa sagesse si c’est le total de ladite
som m e, ou seulement les deux tiers qui sont dûs aux
héritiers V ia lle , lesquels se font un devoir d’en proposer
eux-mêmes le doute.
7°. Les intérêts du capital porté en l’article précédent^
depuis la demande, ou au moins depuis la cession du 10
octobre 1691 , qui fait la quittance de Réné V ialle envers
M arie C h a rd o n , et son titre de répétition.
8°. L a somme de Ô2i liv. i 5 s. 6 d. pour la moitié
de celle de 1043 liv. 11 s., à laquelle R éné V ialle fut
colloque par sentence et a rrê t, sur Gilbert R o ch efo rt,
et que le sieur Gilbert-Am able Rochefort se chargea de
recouvrer par son écrit de 1688, à la charge d’un bé
néfice de moitié.
90. L a somme de 1000 francs pour moitié de la pro
messe de 1710 , sauf au tribunal ¿\ juger si le billet énoncé
audit acte ne fait pas double emploi avec l’objet de l’acte
de 1688.
io °. Les intérêts, soit des deux articles précédens, soit
de l’article 8 seulement , depuis la demande du 18 dé
cembre 1720.
E
�.'(34°
Les déductions à faire sur les créances ci-dcsRns pa.roissent devoir se composer principalement du capital
de 3000 francs, des dépens dûs à Marie Chardon , et des
jouissances des domaines.
L e capital de 3000 francs paroît diminué par deux
.quittances, l ’une du 22 décembre 17 2 0 , de 312 francs;
l ’autre du 10 janvier 1 7 2 5 , de 862 francs; toutes deux
postérieures au décès de Marie Chardon et ù l’affirmation
î
de Joseph Vialle.
Les sieurs V ialle pourroient contester l’intérêt de ce
capital, en ce qu’il n’a pas été demandé par les héritiers
R ochefort ; cependant , à titre de compensation, ils
croient juste d’offrir ces intérêts depuis l’échéance.
C a r , quant aux arrérages de la rente de 300 francs,
il paroît, par ce qui a été déjà d it, que tout est soldé
jusqu’au d écès, soit au moyen des quittances, soit au
moyen de la délégation des fermages à ladite M arie
Chardon , s o i t enfin d ’après l’affirmation sur la saisiea r r ê t du sieur Granchier.
Quant aux jouissances, il sembleroit d’abord qu’elles
doivent se borner à celles qui ont eu lieu depuis le 30
juillet 172 0 , jusqu’au 22 juin 1 7 2 9 , époque de la sen
tence et mise en possession de la famille Rochefort.
Cependant les héritiers V ialle ne veulent pas demander
une chose injuste; et dès que Joseph Vialle a jo u i, au
moins depuis le i 5 mars 1696, pour employer les fer
mages en son a c q u it au profit de Marie Chardon , ils
c o n s en te n t de rendre compte des jouissances depuis cette
époque; et même le tribunal examinera s’ils ne doivent
pas ce compte depuis 1691, époque de la cession.
�( 35 )
Seulement ils ne doivent le compte de ce qui est an
térieur au 30 juillet 172 0 , que suivant le prix des baux
de ferme.
Quant aux dépens adjugés à Marie C h a r d o n , que la
dame de Frétât représente, ils en sont débiteurs, sauf
la déduction de 400 francs, suivant la quittance de 1719*
A insi les déductions doivent se com poser, i°. du
capital de 3000 francs porté par la cession de 16 9 1 , dér*
duction faite de ce qui a été payé par les quittances de
T'jzo et 1725.
2°. Des intérêts du restant dudit cap ital, depuis 1701,
époque de son échéance, si m ieux.n’aiment les parties
le compenser à ladite époque jusqu’à due concurrence
avec les capitaux des créances des V ia lle , pour en éteindre
en partie les intérêts ; ce qui produira le même résultat.
30. Des jouissances des domaines sur le pied de 255 fr.
depuis le i5 mars 1696, jusqu’au 30 juillet 172 0 , sauf
au tribunal à prononcer s’il y a lieu d’en rendre compte
aussi depuis 1691.
4°. Des mêmes jouissances, à dire d’expert, depuis le
3° juillet 172 0 , jusqu’à la sentence du 22 juin 1729.
5°. D e trois setiers a v o in e , dont la déduction est or
donnée par la sentence de 1691 , avec les intérêts, ou
en procédant par compensation comme en l’article 2
ci-dessus.
6°. Des d é p e n s obtenus au civil et au criminel par
M arie Chardon , déduction faite de 400 francs.
Ce projet de compte est présenté par les héritiers
V ialle avec le sentiment de son exactitude. Ils ne der
�'mandent r i e n qui ne soit à eu x ; mais ils veulent obtenir
ce qui est juste , et rien n’est plus légitime. Tourm entés
par un siècle de procès, les héritiers V ialle n’ont pas été
les maîtres d’avoir justice plutôt; mais l a cause n’a jamais
été plus simple qu’aujourd’h u i , n’y ayant plus de débats
qu’entre le créancier et le débiteur; ils paroissent désirer
l ’un et l’autre de voir la fin de cette contestation,qui, pour
avoir été trop lo n g u e , n’en a été que plus onéreuse à la
famille V ia lle , et ne fait que lui acquérir plus.de droits
à une prompte justice.
M e. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M e. S I M O N N E T , avoué licencié,
■f?. ,,
' . }•■
■■
î*-; •)
A. R I O M
de l’imprimerie de T
iiib a u d -
L a n d r i o t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Juillet 1808.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boissier, Louis. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Simonnet
Subject
The topic of the resource
successions
créances
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse pour Louis Boissier, Marianne Boissier, et le sieur Chauvassaigne, son mari, Michel-Gaspard Boissier, et Pierre Chabridon, demandeurs ; contre Dame Marie-Catherine de Rochefort, et sieur Jean-Augustin-Guillaume de Fretat de Chirac, son mari, défendeurs.
Arbre généalogique.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1645-1808
Avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0303
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurières (63020)
Rochefort-Montagne (63305)
Bonabry (domaine de)
Aurière (domaine d’)
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Domaine public
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MEMOIRE
C O U R D ’A P P E L
P our . A n t o i n e B E R N A R D , appelant;
DE R I0 M 1 re
C o n tre V i t a l
CHABANON,
.
et J a c q u e s
C H A M B a E.
AVIT,
,
intimes.
QUALITÉS POSÉES
v
pour
le 22 fév rie r.
D
E toutes les contestations dans lesquelles les tri
bunaux peuvent être induits en erreur par les appa
rences, il n’en est pas où une méprise soit plus cruelle
que dans les procès d’incendie; car celui qui perd sa
cause par des présomptions, a souvent été la victime de
l ’incendie dont on le croit auteur; et ainsi, au lieu d’un
secours qu’il avait droit d’attendre, il voit consommer
sa ruine, sans qu’il ait pu, ni prévenir son malheur, ni
trouver des moyens de défense : lu i- m ê m e , en effet,
n ’a é té , comme les autres spectateurs, averti de l''in
cendie que lorsque sa maison en était dévorée.
Cependant, on a vu maintefois les procès de cette
nature n’être soumis qu'au simple examen d ’un fait
�( 2 }
matériel. Lorsqu’ un incendie a consumé plusieurs mai
sons , on appelle des témoins pour savoir dans laquelle
le feu a éLé vu premièrement ; et ainsi, avec la plus équi
voque des preuves, on se croit forcé de dire que le
propriétaire de cette maison est présumé l’auteur de
l ’incendie: en conséquence, outre la perte qu’il éprouve,
on le condamne à supporter celle de ses voisins.
Si celte rigueur excessive était fondée en droit, il serait
certain au moins que la loi n’a entendu l’appliquer
qu’au cas d’ une conviction certaine et palpable. Il faut
en effet qu’il ne soit pas même possible de présumer que
le feu ait pu venir aussi de chez celui qui réclame une
indemnité.
L e tribunal du P u y a cédé trop légèrement à ce
préjugé qui aurait de si funestes conséquences, et son
embarras l ’a conduit à être injuste. Ce n’est pas que ce
t r i b u n a l puisse être justement accusé d’avoir examiné
les faits trop superficiellement ; il s’est au contraire en
touré de toutes les lumières qui pouvaient éclaircir les
faits : mais ensuite lorsqu’il a connu tout ce q u i . après
le tumulte d’un incendie , avait resté imprimé sur le
local, ou dans la mémoire des tém oins, le tribunal du
P u y a presque mis de côté les éclaircissemens qu’il
avait cherchés , pour retomber dans la chimère des pré
somptions, et juger d’après les apparences les plus sut
perficielles.
Les bâlimens que les parties possèdent au village de
Vais, sont contigus; la maison de Bernard, dit Gardés,
�( 3 ),
esl attenante à sa grange \ et celte grange est séparée par
un mur mitoyen d’une cuisine appartenant à Vil al
Chabanon 3 et dans laquelle se font ses lessives. L a
cheminée de celte cuisine est encastrée dans le mur
m itoyen; les murs n ’en sont pas même crépis, et le
tuyau ne dépasse pas.le toit qui couvre la grange de
Bernard.
C'est dans la.soirée du 18 novembre 1806 , que l ’in
cendie éclata. Ce jour-là Cliabanon faisait faire la les
sive dans sa cuisine, en brûlant des feuilles el des
cosses de fèves.
v Aucun danger n’avait paru en résulter ; chacun s’était
retiré chez soi à Feutrée de la n u it, lorsque, sur les
Six heures du soir, des cultivateurs, revenant des
champs, vinrent avertir Bernard qu’on voyait de la
fumée dans sa grange.
Il y entra avec précipitation , île vit rien dans lé
bas ; mais étant monté au-dessus, il vit une grande
quantité de bottes de paille ou foiti, placées à côté
de la cheminée de Chabanon , qui commençaient à
s e n ila m m e r.il crut pouvoir préserver les autres de la
communication ; mais il avait perdu la tête j et dans
kon trouble, il agilait le f o i n , et accélérait l ’incendie
ou lieu de l’arrêter.
Enfin cet incendie é cla la , et Bernard, pourèa propre
sûreté, fut contraint de fuir pour tacher de sauver le
pou de linge qu’il pourrait e m p orter, avant que les
flammes eussent tout consumé.
Une parlie des bâlimens allenans d’A v it , et de Cha3
�( 4 )
ban on, fat brûlée : on prétend qu’ une partie de ceux
de Chabanon fut coupée pour empêcher la com m uni
cation du feu avec les maisons voisines.
11 n’y avait qu’ un cri dans le village sur la cause de
cet incendie; il n’était généralement attribué qu’à la
lessive de Chabanon, et aucun fait d’imprudence n ’était
même reproché à Bernard : ses adversaires n’ont pas
m êm e tenté encore de lui en imputer.
• Bernard avait perdu sa m aison, sa grange et ses
réco ltes, ce qui était incalculable pour sa fortune ;
aussi se proposait-il de réclamer des donmiages-intérêts.
Mais Chabanon imagina de le prévenir, croyant sans
doute q u e , dans une matière de conjectures, le juge
penche naturellement en faveur de celui qui se plaint
le premier.
Chabanon fit donc citer Bernard au bureau de p a ix ,
le 2.6 novembre 1806; mais Bernard ne comparut que
pour déclarer que lui-m êm e entendait demander des
dommages-intérêts; en e ffe t, il fit expédier le procèsverbal de non-conciliation, et assigna Chabanon, qui,
de son c ô té , prit des conclusions semblables contre
Bernard.
U n jugement du 20 mars 1807, ordonna tout h la
fois une enquête et une expertise, à laquelle il fut dit
qu’un juge assisterait, et entendrait aussi les témoins sur
les lieux incendiés.
Ces précautions étaient très-sages, aussi en est-il ré
sulté de grands éclaircissernens, et il est précieux de
Jes
4 recueillir.
�(
5 )
D ’abo rd , q u a n ta l’en q u ête, il faut franchement
convenir que la majorité des témoins se réunit à dire
que les premières flammes ont été vues dans la grange
de Bernard.
Mais de quel côté v en aien t-elles? c ’est là ce qu’il
est important de rechercher ; car, comme aucun té
moin n’indique de cause à l’incendie , et quJil faut
cependant lui en supposer u n e, il s’agit d’orienter l’incendievlui-même, et de le suivre dans la route qu’il a
parcourue.
Les témoins de l’enquête de Cliabanon ne s’en oc
cupent pas, ils s’attachent seulement à établir de leur
mieux que la grange de Bernard était déjà en flammes
avant qu’on vît du feu chez Cliabanon. Cependant le
seul témoin qui parle de la direction du feu (le 2.')^
dit avoir apperçu que la grange de Bernard était en
flammée du côté droit du portail ( c ’est le côté de
Cliabanon), et que l’incendie se dirigeait du côté du
couchant, où se trouve la maison A vit.
Dans les deux enquêtes de Bernard, les traces de
1 incendie se remarquent mieux encore; et sa source,
si on peut s'exprimer ainsi, y est clairement marquée.
Les 8.e, g.e} io.«, 11
i2 .c témoins de la première en quete, les i.«^ 3,e e j 5 e ¿g ]a seconde enquête ont vu
les premières flammes de la grange Bernard, et tous
que le J e u
Cliabanon.
d is e n t
venait d u
côté de la cheminée de
L e 6.e tém oin, venu aux premiers cris d’alarm e, a
V u que 1 arb re-m a ître d e l à grange Bernard, placé
�( 6 3
près de la cheminée de C ha ba non , était enflammé.
Quatre témoins de ladite enquête déposent qu’on
disait que le Jzu venait de La Lessive de Chabanon. Un
témoin de sa propre enquête a entendu que le pre
mier m ouvem ent de la femme Bernard fut de s’écrier :
c'est cette maudite Lessive.
L e i i . e témoin de l’enquête directe constate que les
Chabanon furent très-pressés de faire remarquer que
le feu n’avait pas pris à la cheminée de leur lessive,
pour persuader qu’il ne s’était pas communiqué par là.
L a fem m e, qui conduisait la lessive ( i . ei tém o in ),
a été aussi appelée en témoignage par Chabanon ;
et elle ne manque pas de justifier ses précautions et
sa prudence; elle avoue cependant qu’ une voisine se
plaignit de ce qu’elle faisait trop de fe u , au point de
chauffer considérablement un pilier de bois qui soute
nait la chem inée; mais elle ajoute que le pilier n’a
pas été brûlé ; elle dit avoir fait sa lessive avec des
cosses de fèves et p o is, et qiuà chaque instant elle
retirait ce qu i était brûLé sous Le chaudron, pour fa ire
place a ce quelle mettait pour alimenter Le J eu , et Lui
donner le clair.
T e l est le résumé des enquêtes; et les réflexions
qu’elles font déjà naîlre vont être corroborrées par
l ’experlise qui eut lieu en présence du même juge.
L e rapport constate plusieurs fuils imporlans, qui
sont décisifs dans celte cause; car l ’étal des lieux aidera
singulièrement à faire comprendre pourquoi les té
moins ont dû voir le feu d’abord dans le haut d’une
�( 7 )
grange plutôt que dans les lieux habités, et du côté de
la cheminée de Chabanon, plutôt que du côté de l'ha
bitation de Bernard.
i.° L e mur m ito yen , auquel est adossée ladite che
m inée, a paru en mauvais état.
2.0 Ce mur n’a été crépi du côté de Bernard que
jusqu’à sept pieds du sol et à pierre vue : et il n’a
jamais été crépi en aucune partie du côté de Chabanon.
3 .° On allume du feu dans la cheminée de Chabanon,
et on la bouche par le h a u t; aussitôt on voit la fum ée
sortir dans Cendroit où était placé le second arbre (de
la grange de Bernard) , et se perpétuer a u -d e ssu s en
plusieurs endroits ju sq u ’ au sommet.
4
0 On trouve dans Couverture faite en cette partie
d eu x ou trois épis un peu calcinés, sans pouvoir dé
cider si cela provient du côté de Bernard ou Chabanon.
5.° On trouve de la syiie et des araignées dans les
angles de la c h e m in é e , ce qui fait penser que le feu
n ’y a pas pris.
6.° On mesure le canon ou tuyau extérieur de la
cheminée : elle a dix-huit pouces au-dessus du toit
de Chabanon; mais le même canon se trouve de niveau
au toit de Bernard.
7.0 On vérifie que si le feu a dû venir de chez
Chabanon , ce nya pu être que par l ’extrémité du
tu yau , a la supposer incendiée, attendu que Carbremaitre venait aboutir contre ce tuyau j ou bien si le
feu n’a pas pris à la ch e m in ée , ce n’a pu être que
par des bluetles sortant du tuyau de la cheminée de
�(
8
)
' ..........................................................................................................................
Chabanon, qui auraient passé à travers Les vides qui
auraient pu se trouver entre les tuiles, ou entre le toit
et la muraille. On termine par remarquer qu’au reste
le mur mitoyen , entre Bernard et Chabanon , était
m auvais, même avant Cincendie qui n y a porte aucune
atteinte.
8.° Quant à la maison d’A v i t , on déclare qu’elle a été in
cendiée sans qu’on puisse savoir d’où l’incendie est venu.
Une vérification aussi concluante devait, ce semble,
accumulertouteslesprésomptionssurChabanon, et ôter
toute idée que l’incendie provînt de l’imprudence de
Bernard. Mais ce n ’est point ainsi qu’a voulu le dé
cider le tribunal du P u y , par son jugement définitif
du 3 i août 1808 ; il a considéré que le feu s’étant
premièrement manifesté dans la grange de la maison
habitée par Bernard, c ’était à lu i, d ’après M . M erlin,
au répertoire , et d’après la loi 3 de off. prœf. vigil.
à prouver que ni lu i, ni ceux dont il est responsable,
ne sont en faute, à peine d’être tenu des dommagesintérêts ; en conséquence, le tribunal du P u y a con
damné Bernard à payer les dommages-intérêts dus à
A v it et à Chabanon pour les pertes par eux éprouvées,
et c e , d’après l'estimation à faire par Irois experts;
il a condamné Bernard en tous les dépens.
Ce jugement n’est pas seulement rigoureux, il est
injuste; et Bernard ne peut adopter, sans en être
révolté, qu’après avoir le plus souflert de l’imprudence
de Chabanon, il soit tout à la fois sa victime et le répa
rateur de ses dommages.
�( 9 )
Voyons d’abord quels sont les moyens de Cliabanon
pour faire condamner Bernard ; nous examinerons en
suite si Bernard n’a pas été mieux fondé lui-m êm e à
•
r
réclamer.
.
Cliabanon ne propose qu’ un seul moyen.
Il dit que le feu a été vu d’abord chez Bernard, q u i,
comme habitant, est présumé auteur de l ’incendie.
Sans doute, celui qui, par sa faute ou son impru
dence, a causé un tort quelconque à a u tru i, en est
responsable; et de-là vient, que d’après la jurispru
dence m o d e rn e , celui qui est réputé l’auteur d’un
incendie doit indemniser ceux à qui il a communiqué
ün incendie venu de sa maison.
'
L a loi 3 , citée par les premiers juges, suppose que
l’incendie arrive Le plus souvent par la faute de ceux
qui habitent : incendia plerumque fia n t culpâ inhabitantium ; ce qui ne veut pas dire que c’est le pro
priétaire d’ une maison habitée, q u i, dans le d o u te ,
doit subir la condamnation : le législateur, dans ce titre
du digeste, s’occupe seulement de prescrire les devoirsdu préfet de police; et il lui recommande de châtier
ceux qui ne soigneraient pas le feu allumé chez eu x,
parce qu e, dit-il, c’est souvent par la faute des habitans que les incendies ont lieu. Mais qu’y a-t^il là qui
prescrive aux tribunaux de s’écarter des règles ordi
naires pour condamner aveuglém ent, et sans connais
sance de cause?
i/'
-■
! r Irx ;
G odefroi, sur ce mot plerumque, ajoute non semper ;
su r-to u t, d i t - i l , si l’habitant est ujn père de fam ille,
3
�(
)
intéressé à porter du soin à sa maison , prœsertim sc
paterfamUias diligens.
i • '
Quand nous avons parlé de la jurisprudence m o
derne, c’est qu’en effet ce n’est que depuis peu de tems
qu’on a accordé des dommages - intérêts à ceux chez
qui l’incendie s’était com muniqué, parce qu’on regar
dait comme assez puni celui qui avait perdu ses pro-,
près bâtimens, et on ne supposait pas qu’il y eût de
sa part même de faute légère. Car, comme le dit Balde j
nemo corisuevlt res suas combiirere.
Cœpola pensait qu’il y aurait de la barbarie à con
damner encore celui qui avait eu le malheur de perdre
sa maison à un incendie, nullum gravamen super hoç
debetiriferri, quoni&m satis dolore concutituret tristitiâ.
Bardet rapporte sur cette matière deux arrêts rendust
dans des espèces très-fortes ; car un propriétaire habi-,
tant avait com muniqué un incendie à quatre maisons
voisines, et quoiqu’il lut constaté qu’il y avait de sa
faute, il fut jugé par arrêt du 7 décembre 16 28 , qu’il
ne devait pas de dommages-intérêts. Peu de tems après,
un second incendie eut lieu chez le même individu, et
consuma encore quatre maisons, cependant il fut jugé
de nouveau qu’il n’était tenu d ’aucuns dommagesintérêts, par arrêt du 22 juin i 633 .
C ’était même une maxime de droit en Bretagne ;
l’art. 599 de cette coutume y était exprès:
« Quand le feu ard la maison d’au cu n , et la maison
« d’un autre perille par le même fe u , si lui ni ses
«■adhérens ne les y mettent pour faire dommage à
�( ri )
o* celui à qui elle est, ou à autres, il n’est tenu en
« rendre aucunes choses
L e savant commentateur de cette coutum e ajoute
seulement que cet article ne doit pas s’appliquer aux
locataires, qui ne sont pas présumés avoir les mêmes
soins qu’un père de famille.
' C ’est aussi l’opinion d’H enrys, en la question 49
du livre 4, tome i.eV lo rsq u ’il examine le sens de la
loi romaine ci-dessus citée, incendia plerum quefiant
culpâ inhabitantiunu Ces termes de la lo i, dit-il, s’en
tendent plutôt des locataires que des propriétaires, parce
ceux-là ont toujours moins de soin et de précaution
que ceux-ci. ' • :
~ L a réflexion judicieuse de cet, auteur est devenue
aujourd’hui une loi par le code civil; et il est essen
tiel de remarquer que lé code civil ne parle de rincendie qu’au titre du Louage, aux articles i y 33 et 1734,
sur lesquels M . Malleville se contente de rapporter en
’„concordance la loi romaine ci-dessus.
-:
.Ainsi on peut, sans le hasarder, dire avec assurance
que lé code civil à pleinement adopté la doctrine
d ’H enrys, et qu’il n’a‘ pas consacré la jurisprudence
frop sévère qui, sans être appuyée d’aucune loi, con
damnait l'habitant propriétaire à indemniser les vo i
sins, sans les obliger même à prouver qu’il y eût de
sa p a r t , ou fau te, ou imprudence.
Non-seulement aucune loi n’obligeait de condam
ner ainsi l’habitant sur simple présomption; mais au
contraire toutes les lois ordonnaient aux tribunaux de
4
�C 12 )
n ’adjuger les demandes que lorsque le fait articulé
serait prouvé par le demandeur. A cto ri onus probandi incumbit ; les auteurs disaient la même chose
sur la matière des incendies; le voisin ne devait être
reçu à agir qu’en prouvant la faute ou l’imprudence
de celui chez lequel l’incendie était n é , sans quoi elle
ne se présumait pas-, debet prob'are latam veL leçem
culpam , quœ non prœsiimitur.
Ainsi Chabanon, comme dem andeur, n’a aucuns
moyens équitables à proposer; il ne prouve aucune
im prudence, il n’en articule même aucune, et le code
civil, sous l’empire duquel a eu lieu l’incendie, n’ou
vre en sa faveur aucune présomption ; le code adopte au
contraire l’ancienne jurisprudence, favorable aux pro
priétaires; car il ne permet de supposer de l’impru
dence qu’aux habitans locataires, et qui de u n o d ic it,
de aUero negat.
Combien en effet serait aveugle et insensée la pré
somption qui réputerait, de plein droit, auteur d’un
incendie celui chez lequel il se serait manifesté le
premier! L e moindre accident peut produire cet effet
les exemples en sont fréquens ; et la seule possibilité
d ’une erreur doit faire repousser comme une maxime
fausse tout ce qui tend à établir des règles générales
et d’habitude, dans une matière aussi conjecturale.
Ce n’est pas par de simples conjectures, que la cour
a voulu se décider dans une cause récente, d’entre les
nommés M o n t e l , Gaillard et jRodde, sur appel de
Murât.
�(
i 3
}
.
D eu x maisons adjacentes avaient été brûlées, et les
deux parties s’imputaient le tort respectif d’avoir porté
de la lumière dans les granges, pendant la nuit.
Cependant le feu avait été vu d’abord chez Gaillard.
Néanmoins la cou r, par le seul motif de l ’incertitude,
et du tort respectif des deux parties, les mit hors de
cause, et adjugea seulement à Rodde des dommagesintérêts très-m odiques; sa maison étant séparée des
deux autres.
Maintenant changeons les qualités des parties, et
voyons si Chabanon, défendeur, ne sera pas plutôt
réputé l’auteur de l ’incendie.
Quand il faudrait lui passer ses propres moyens ; ils
se. rétorqueraient contre lui; car le mot d e là loi ( m habitantium ) ne s’applique pas seulement à celui qui
a un domicile d’ usage, mais à celui qui a habité le
jour de l’incendie.
O r, il est constant que Chabanon habitait ce jour-là
sa cuisin e, mitoyenne de la grange de B ern ard , et
qu’il y faisait faire une lessive.
‘
C ’est donc lui qui est prouvé être habitant, avec
du f e u , tandis que rien ne prouve que Bernard eût
du feu ce jour-là , ni dans sa grange où les flammes
ont paru d’abord , ni même dans sa maison située à
l’autre extrémité. Si donc la loi veut qu’on présum e,
ce.sera contre Chabanon que sera la i . re présomption.
Mais ce n’est point à de simples conjectures qu’il y
a lieu de se réduire ; l’apparence et le raisonnement
�( 14 )
sont d’accord à reconnaître que l’incendie n’a'pu venir
que de chez Chabanon : toutes les circonstances le
prouvent.
•
U n mur m itoyen en mauvais état : un feu ardent
- d’ un côté, et des matières combustibles de l’autre. Q u i ,
à ce premier s i g n e , s’aveuglera au point de ne pas être
déjà préparé à concevoir ce qui a dû en résulter ?
Des ouvertures et crevasses dans ce m u r, la fumée
s’échappant en plusieurs endroits, marquent à l’œil une
route que le feu, trop pressé d’un côté, a dû suivre.
Des épis calcinés, gissant encore dans ces'crevasses aux
y e u x des experts, n'étaient-ils pas les témoins muets
de ce qui s’était passé, et le signe le moins équivoque
de la vérité?
' U ne maîtresse poutre est brûlée la première, et il
est reconnu qu’elle aboutit à la cheminée. Cette che
minée ne dépasse pas mêm e le toit de Bernard ; et com
ment donc , avec tant d’élémens d’incendie , peut-on
douter de son origine; ne faut-il pas s’étonner au con
traire qu’il n’ait pas plutôt fait ses ravages?
Si quelqu’un doit être taxé d ’imprudence, certesi
Chabanon ne peut s’en défendre ; car un homme qui
a fait une cheminée dans un mur m itoyen, et qui n'a
pas même pris la précaution d’en élever le tuyau audessus du toit , devait-il s’en rapporter à une fem m e
é t r a n g è r e , sans venir au moins la surveiller lui-m êm e,
pour empêcher qu’elle ne fît un feu tel, que les voisins
s’en étonnèrent?
Les cosses de fèves qu’il avait'foiirnies pour la les-
�C i5 ) _
sive, n ’étaient, avec leurs feuilles adjacentes, que des
matières légèresetsans consistance, qui, susceptibles do
devenir plus légères que la fum ée, m êm e avant leur
entière combustion, devaient nécessairement être em
portées par le courant d’air, h moitié brûlées, daus le
tuyau de la cheminée jusqu’à son e x t r é m i t é o ù la co
lonne d’air ne les soutenait plus.
,
Où pouvaient-elles donc se reposer im m édiatem ent,
si ce n’est dans les interstices des tuiles qui, com me on
l’a v u , étaient de niveau avec le faîte de la chem inée?
Ainsi, ou le feu a passé dans les fenies du m ur, soit
par sa trop grande activité , soit par la simple attrac
tion des matières combustibles , ce qui n’est que trop
probable et fondé en fréquens exemples; ou bien les
feuilles à demi-torréfiéesse sont insinuées entre les tuiles,
et de là dans le foin et la paille : cela était inévitable.
L a roule de l ’incendie le démontre. Ce n’est pas par
la maison'habitée par Bernard que le feu est v e n u ;
c’est du côté de la cheminée de Chabanon.
Ce n’est pas au rez-d e-ch a u ssée que les premières
flammes ont été vu es; c’est par la paille de la grange
et par la maîtresse poutre du toit. Est-ce ainsi qu’au->
rait commencé un incendie cutpâ Lnhabitantium?
ü Chabanon se croit fort en faisant remarquer que le
feu n a pas pris à la cheminée de sa cuisine, et que sa
maison n a été en proie aux flammes qu’après l’in
cendie de Bernard.
Mais plût à Dieu que cet incendie eût commencé
par un feu de cheminée ! cet avertissement eût mis
�(i6 )
Bernard en garde, et p eu t-être il se fût procuré des
secours plus efficaces.
Quant à la priorité de l’incendie, il y a plutôt de la
turpitude que du raisonnement dans une semblable
observation. E n effet, celui qui a adossé une cheminée
à un mauvais m ur, porte tout le danger du côté du
mur auquel il applique des flammes, tandis que de
son côté le manteau de la cheminée lui présente un
rempart contre le danger \ et d’ailleurs, n'est-il pas cons
tant que le côté de Bernard était garni de paille, tandis
qu’il n’y avait rien de combustible du côté de Chabanon?
Appliquons maintenant des principes moins vagues
que les siens, et il sera évident que c ’est lui seul qui
doit porter la peine de sa faute grossière ; car il n'est
pas possible de ne le taxer que de simple imprudence.
D ’après la coutume de Paris, et l’art. 674 du code
civil, Chabanon ne pouvait avoir une cheminée contre
le mur mitoyen, sans la fortifier d’un contre-mur. •
Il devait en élever le tuyau en saillie au-dessus du
toit.
Il devait s’abstenir d’y faire du feu tant qu’il ne se
conformait pas aux règles et aux usages h cet égard,
ou au moins tant qu’il ne s’assurait pas de la solidité
du mur ; et au contraire, il ne l’avait pas même fait
crépir, de son côté, en aucune partie.
Quelle est la peine de la loi pour de telles négli
gences? I c i, par exemple , elle sera un peu plus claire
et précise que la loi 3 , D e ojf. prœf. vigil., et il ne
s’agira pas de simple police. L a Cour y trouvera une
disposition
�C 17 )
disposition expresse dont il sera difficile à l ’adversaire
d ’esquiver l’application.
C ’est la loi 2 7 , au ^ A d legem aquiliam , dont
le titre en tier, destiné aux dommages faits à a u tru i,
ne permet pas de douter que Chabanon ne doive des
dommages-kitérêts, par cela seul qu’il a édifié une che
minée contre un mur commun qui a été brûlé. S i j i i r nam s e c u n d u m parietem communem habeas, scilicet
paries exustus s i t , domuL in juria tenearis.
.>
Il ne faut pas s’étonner de cette rigueur, car c'est
la peine de l’inobservation d’une autre loi qui défen
dait de faire des cheminées contre un mur m itoyen,
par le m otif qu’à la longue la flamme brûlait les murs.
N on Licet autem tubuLos habere admotos a d parietem
communem, quodpereosJlam m âtorreturparies, loi 1 3 ,
D e servit, prced. urbanorum.
-.
-i
A la vérité , suivant l ’art. 189 de la coutume de
Paris, il était permis d’adosser des cheminées et âtres
contre le mur mitoyen ; mais seulement à la charge
de faire un c o n tre -m u r en tuileaux d ’un d em i-p ied
d’épaisseur. Par conséquent, celui qui néglige de pren
dre cette précaution reste dans les termes du droit, et
s expose aux dommages-intérêtsdelaloi,y^i//ég'. a q uil.,
s il y a incendie, parce que la loi présume que l’adossement de la cheminée contre le m ur, sans le fortifier,
a suffi pour torréfier et endommager le mur.
L es commentateurs disent que ce contre-mur ne peut
pas meme être fait en moellon de p lâtre,parce que ce
naoellon, par la chaleur3 se réduit en poudre. C ’est
�( 18 )
pourquoi aussi les rédacteurs ont voulu des briques,
parce que ces matériaux ont déjà subi l'action d’une
grande chaleur.
Comparons maintenant la position de Chabanon, et
celle de Bernard. D ’un c ô t é , simples conjectures sans
aucun fait d’imprudence, m êm e soupçonné; et point
de loi à l’appui. D ’un autre c ô té , cause préexistante
d ’incendie, faute et n égligen ce, présomption Légale,
et disposition de la loi.
Il
faut donc conclure qu’il y a eu de l’injustice à
condamner Bernard, victime d’un incendie, à en payer
le dommage aux voisins ; et qu’au contraire l’équité
veut que ce soit Chabanon à supporter ce dom mage,
parce que c’est lui qui a à s’imputer une imprudence
impardonnable qui doit le faire considérer com me l’au
teur de l’incendie, lorsqu’il n ’articule aucune preuve
contraire.
M.e D E L À P C H I E R , ancien Avocat.
M.® G A B . R O N , Avoué.
_
__________ —
-
•
*■
----
A RIOM, DE L ’IMPR. DU PALAIS, CHEZ J.-C. SALLES.
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bernard, Antoine. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Garron
Subject
The topic of the resource
incendie
dédommagement
experts
Description
An account of the resource
Mémoire pour Antoine Bernard, appelant ; contre Vital Chabanon, et Jacques Avit, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1808
1806-Circa 1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0304
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vals-près-le-Puy (43251)
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dédommagement
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incendie
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2839304c8cbc937ad53fd6344aec321c
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Text
Pt R É C I S
POUR
A
nne
B E R A U D
fem m e de C h r y s o s t ô m e
B A U D O T ,
a p p e la n te ;
d° ap ^ e l
DE RIOM.
C ON TR E
E tie n n e tte
------ire. CHAMBRE.'
'
B A U D O T , femme L U C E N A Y
;
A l e x a n d r i n e - V i c t o i r e B A U D O T femme
C O N Y ; H é l è n e P R E V E R A U D , veuve
Chassenay j
L a vo lé e
M a r ie
BATILLA T,
veuve
P i e r r e C A R R É , tous intimés;
E T CONTRE
B U I S S O N et L o u i s B E R N A R D E T , intervenans et appelans.
P ie r r e tte
L Es sieur et dame C o n y , créanciers de Chrysostôme
Baudot, ont fait vendre, par expropriation sur lu i, un
domaine appelé des Baterons, et une réserve appelée des
G reffiers; ils en sont adjudicataires moyennant la somme
de 20000 francs qu’il s’agit de distribuer.
L e créancier le plus ancien est la dame Beraud, épouse
�(
4*
eie l’exproprié. Cependant elle n’a pas été colloquée : on
lui a préféré dtes créanciers postérieurs, sous prétexte
qu’ils étoient créanciers de J ea n -M a rie'B a rd o t, père de
Chrysostôme, et qu’ils devoient être colloqués les p re
miers , à cause de la séparation des patrimoines.
Il n’y avoit pas lieu à séparation de patrimoines t
diaprés l’article 879 du Code Napoléon : car tous les
créanciers avoient1 traité'avec Chrysostôme Baudot.
D ’ailleurs l’ordre a été fait sans examen ni calcul des
créances colloquées. Cet ordre'doit être refondu entière
ment. Il ne s’agit donc que de parcourir quels sont les
titres et'droits dè chaqufc créancier.
•
Cl •lance. d’Anne Beraud, femme Baudot.
La^dot qu’elle a portée étoit de 37600 francs,
deux maisons vendues ensuite par son mari.
Mais com m e plusieurs quittances étoient sous
privé , la créance hypothécaire a été réglée par
jugemens rendus à Charolles, les 29 messidor an
outre
seing
deux
13 et
'27 février 18 0 7 , à 18480 fr. en principal,,et à 1637 fr.
de dépens j à quoi il faudra ajouter deux années d’intérêts
à échoir.
l/h y p o th è q u e de cette créance remonte au 7 septembre
1786 , époque du contrat de mariage de ladite femme
Beraud.
O n lit dans ce contrat de mariage, i ° . que Chrysos
tôme Baudot fut institué héritier par Jean-M arie Bau
d o t, son p è re , et Claudine Deshaires, sa mère* de tous
leurs biens préscJis e t à yenir.
�•( 5 }
2°. Que sur ladite institution il fut chargé de délaisser
à Paul Baudot, son frère, le domaine du M e ix ; à MarcAntoine B a u d o t, le domaine des Baierons et L oyon ;
à-Alexandrine-Victoire et à Etiennette, les domaines des
grand et petit Sauvars, ou la somme de 20000 francs.,
et un trousseau de 1000 francs pour chacune.
J 30. Il fut convenu que ledit A ntoine - Clirysostôme
Baudot, héritier institué, entrevoit en jouissance et pos
session des biens de ses père' et m è r e , aussitôt le ma
riage célébré, à la charge de leur fournir la nourriture
et l ’entretien , et d’acquitter les rentes et charges.
4°. En cas d’incompatibilité, il 'fut stipulé entr’autres
clauses , que les père et mère jouiroient de la maison
de D ig o in , et auroient une pension de 2000 francs pour
eux et leurs autres cnfans.
5 °. Les père et mère se réservèrent 4000 fr. pour
eu disposer.
r
"I
1
6°. L ’acte contient encore là clause suivante :
« A u r a ledit Antoine-Chrysostôme. Baudot j héritier
« universel institué , la faculté dé renoncer à ladite ins•>« titution après le décès de ses dits père et m ère; au« quel ca s, et venant il y renoncer., il prélèvera sur la
« masse des successions des père et m è re , des biens,en
« valeur de la somtne de 5 oooo J r a n c s , et en o u t r e ,
' cr 1°- m aison de JJigoin et ses dépendances / de .laquelle
« somme de 5 oooo francs payable en fonds, et de la« quelle m aison et dépendances, lesdits sieur et dame
« Baudot et Deshaires, père et m ère, f o n t audit A n tome Chrysoslôm e B a u d o t, leur-Jils, donation pure,
3
�(
6)
« simple y-parfaite'et i r r é v o c a b l e . Ledit sieur Baudot
« acceptant audit) cas' ladite donation. »
lies autres eufans de Baudot furent mariés peu de temps
après : l’un d’eux reçut les biens fonds à lui destinés; les
autres furent légitimés en argent.
• Chrysostôme Baudot^ fut poursuivi avec ses frères et
sœurs, en 1788, par ses père et m ère, pour accepter la
démission des biens destinés à chacun.d’eux par le con
trat de m ariage de 1786, et pour leur payer une pension.
Il déclara par plusieurs actes extrajudiciaires qu’il optoit
pour la donation de/5 oooo francs et de la maison, comme
étant lesdits objets'ilibï-es de toutes dettes.
E n su ite, etj par acte du 9 décembre 1789, les père
et mère de Chrysostôme Baudot adhérèrent à son accep
tation de la donation de 5 aooo francs , ainsi! qu’à sa
renonciation à l’institution. En conséquence, et pour
remplir ledit Chrysostôme Baudot de ladite somme de
5oooo fran cs, ils se démirent en sa faveur de tous leurs
biens immeubles, bestiaux , créances et contrats, moyen
nant une pension de 85 o francs.
Chrysostôme Baudot n’habitoit pas avec ses père et
mène depuis plusieurs années avant leur décès, ainsi il
n’a eu. besoin de faire aucun inventaire. D ’ailleurs il eût
été' diilicile qu’il put s’emparer de la moindre chose;
c a r , . i ° . 011 voit par un acte du 10 mars 1788, que MarcAntoine Baudot toucha pour 10000 francs des effets
mobiliers, en lits, commodes, linge, argenterie et autres
effets'; 2°. :la dame Baudot!, morte la dernière , après
avoir habité long-lemps ûhezrla darne L u ccn a y, sa fille,
�( 7 ) ,
dut à la vérité laisser un mobilier quelconque, que ses
créanciers firent Véndre. 1 .
.
'x e n i
>j
Apres la mOrt de Jean-M arie Baudot père , C ln y sostôme$ son> fils , réitéra l ’abdication de l’institution ,
et son option des 5 oooo francs', par lacté mis au greffe
le 9 janvier 1791 ; et il n’avoit pas d’autres formalités
à rem p lir, puisque déjà il étoit donateur à double titre
qu’j l étoit saisi et en possession ^ et que le mobilier resté
au décès de ses père et mère n’a ja m a is été dans ses
mains.
•• :i *.•.
■
-t!
o-i t .
r
D ’après c e la , la dame Baudot a hypothèque sur tous
les biens délaissés à son mari en 1786 et 1 7 8 9 ’, cette
hypothèque remonte au 7 septembre 1 7 8 6 , 1°. parce
que l’institution même des biens présens et à v e n i r ,
avec tradition actuelle, avoit saisi Clirysostôme, et que
quand même les immeubles des instituans seroient restés
dans leurs m ains, ils étoient toujours le gage des con
ventions matrimoniales1, 2°. parce que l’acte de 1789, qui
a consommé la tradition desdits immeubles, n’a été que le
complément et l’exécution du contrat de mariage de 1786.
Créances de la dame Lucenay.
Elle réclame la somme de 4600 fr. restante à payer de
celle de 11000 francs de dot constituée par son contrat
de mariage du 2 décembre 1786.
Par acte du 27 pluviôse an 5 , passé entre Clirysostòme Baudot et ladite dame L u cen a y, on lit la clause
suivante :
« E l pour se Îibérer envers Etiennette, femme Lucenay,
4
�(8 )
de la somme; der lOQOO'francs. de: d o t , et io o o francs
« de trousseau, et intérêts, il l.uir 3 présentement payé^
«viarsommé de 66oq francé.en numéraire, m étallique,
- « en écus d’or ou d’ax^gept, laquelle ladite dota été volon-,
« tairement restreinte, d’après les considérations ci-des-^
« sus, en déclarant ladite Etiennette avoir reçu le trous« seau à elle) constitué^! laquelle somme de 6600 francs,
« a- été payée en effets de; commerce sur lui-même. A u
«.«moyen de q u o i , est-il a jo u té, Ghrysostôme Baudot,
« demeure déchargé de ladite d o t , et intérêts d’icelle. »•
Il résulte dudit acte une quittance formelle de la dot,
k
et par conséquent une extinction de l'hypothèque et pri
vilège d’icelle. 1 -, :
'
¡j < r. Les billets sous seing p r i v é , que la dame Lucenay a
reçus,’ peuvent bien lui faire un titre particulier contre
son débiteur; mais à l’égard des créanciers, ils ne sont
qu’ un sous seing p r i v é d u q u e l il ne résulte aucune
hypothèque..
u.
.La! dame Baudot a droit plus que personne d’opposer
ce moyen ; car la dame Lucenay lui a fait la même ob
jection lors du jugement de Charolles. Les quittances de
dot sous seing- p r i v é , rapportées par la dame B a u d o t,
ont été rejetées p a r c e m o tif, comme ne faisant titre que
contre ChrysostômeBaudot, mais lion contre les créanciers.
Créance de la dame Cony.
• Elle;réclamoi 12700; francs, dont 8000 francs de dot
portée par son contrat de m aria ge, et 4700 francs pour
iqtérêts échusi.
■.iji
�( 90)
L e tribunal'de là Palisse l’a.colloquée pour cette somme
entière, et par préférence à ?Ia dame B au d o t, sous pré
texte de >la séparation des patrimoines.
; M aisy iû; on.peut dire en général qu’il ne pou voit y, avoir
lie u , dans l ’espèce, à la séparation des patrimoines, parce
que les biens du dcfunt étoient confondus dans la per
sonne de l’héritier, par les actes de 1786 et 1789. (
20. Par l’acte du 22 juillet 178 8 ,. la dame Con^ a
cédé ses droits à C lnysostôm e, moyennant 8000 fr. : elle
ne pourroit attaquer ce titre qu’en demandant un partage ;
et au contraire elle en réclame l’exécution.
Ainsi la dame Cony a accepté Clirysostômc Baudot
pour débiteur personnel ; elle a donc renoncé à toutes
séparations de patrimoine : car bien loin de conserver
une créance personnelle contre Jean-M arie Baudot, elle
a au contraire vendu cette créance à Clirysostôme fils,,
et n’a plus eu d’action contre le père.
O r , i°. suivant l’art. 1271 du Gode N ap oléon , il y a
n ova tio n , lorsqu’un nouveau débiteur est substitué à
l’ancien ; 20. suivant l’art. 879, il n’y a pas lieu à sépara
tion de patrimoine, lorsqu’ il y a novation dans la créance
contre le défunt.
L a loi i ' e. ? au
] j e separationibus, dit que les créan
ciers n’y sont point admis, s’ils^nt accepté l’héritier po u r
déb iteu r, si fîdern ejas secitti sun t; s’ils ont accepté de
lui une caution, si sa lis acceperunt ab eu ,• s’ils ont seule
ment reçu un gage, s i quis pignus ab hœrede a ccep it, non
est ei concedenda separatio, q u a si eutn secutus sit. Car il
sulïit tIue ) d’une manière quelconque, on ait traité avec
cet h é r itie r , pour qu’il n’y a it plus lieu ù séparation ;
�neque en un ferendits est, q u i qualitevquoïiter, eligentis
7/ienle hœredis personam secutus est.
<
0
Enfin, et comme si la même loi avoit prévu le cas où
s?est trouvé l e . sieur B a u d o t p a r les actes de 1786 et
1 7 8 9 , et par les actes passés avec ses cohéritiers, pi'œtereà scicndum e s t , posteciquam bona hœ reditaria
bonis^hœredis m ixta su n t, non posse im petrari separationem : ]co v fu sis éïiim bonis et unitiè 'separatio im
p etrari non potest.
'•
C ’est donc une violation des principes, d’avoir considéré
la dame Cony comme créancière de son père, lorsqu’elle
avoit vendu sa créance à Chrysostôme Baudot, et que
le contrat n’avoit pas été résolu faute de payement.
Subsidiairement, et comme créancière de Chrysostôme
Baudot, la dame Cony ne pouvoit pas réclamer 12700 fr. ;
car les quittances qu’elle avoit données prouvent qu’elle
avoit été payée jusqu’à 1793.
Il est encore prouvé par un acte du 28 février 1793,
que le sieur Cony ayant fait des frais mal h propos, et
ayant été condamné
ce qui prouve qu’il
O r , quand racme
dû à cette ép o q u e,
aux dépens, en fit des offres réelles;
ne lui étoit rien dû à cette époque.
le principal de 8000 fr. seroit resté
ce qu’on se réserve de vérifier, il
est au moins impossible que jusqu’à l’inscription , qui
est de prairial an 7 , c’est-à-dire, du mois de mai 1799,
il ait pu y avoir pour 4700 fr. d’intérêts compris dans
ladite inscription, et alloues sans examen par le tribunal
de lu Palisse.
Il n’y avoit au contraire que six ans d’intérêts, faisant
2400 francs-, sur quoi il y avoit à déduire, i°. la dépré->
�( 11 )
dation de quatre ans d’assignats; 2°. la retenue des im
positions, qui étoit alors d’ un quart.
?'
Il ne seroit pas même dû 4700 fr. 'd’intérêts, quand
il n’y auroit pas eu d’arrêté de compte en 1793.
Enfin le tribunal de la Palisse , qui a colloqué pour
12700 f r . , parce qu’on lui demandoit 12700 fw^avoifc
dû voir dans le placard même du sieur C o n y q u ’il faisoit
exproprier Baudot J'aide de payement de la som m e de
1 1 1 22 f r . , fo r m a n t sa créance en p rin cip a l, intérêts
et f r a is . Donc le sieur Cony a voit reconnu lui-m êm e
que son inscription de l’an 7 étoit exagérée, puisqu’on
novembre 1806 , avec quatre ans d’intérêts de plus et
d’autres fra is, il demandoit beaucoup moins. ' jp . "H)
C réa n ce de la veuve C h a sse n a y .
La veuve Chassenay a demandé,
r*
/:
i°. 2531 fr. pour ving t-cin q ans d’arrérages du droit
d’habitation a elle assuré par son contrat de mariage;
2q. 379 fr. pour le montant d’un exécutoire de 1790;
3°. 2574 fr. pour un retour de lot porté par un par
tage sous seing p r iv é , de 178 3, enregistré en 1788;
4 °* 433 &'• pour un exécutoire de M oulins;
5 °. 2214 f**- pour le principal et intérêts d’une rente
viagère léguée par le sieur Chassenay ù Marie Bnyet, et
poursuivi contre elle ;
6°. 230 fr. pouv sept inscriptions et autres frais.
L e tribunal de la Palisse a colloqué la veuve Chassenay
‘ seulement pour l’art, de 2574 IV. dérivés d’un retour de
�( 12 )
l o t , et pour l’exécutoire de 379 francs, comme étant
créancière de Baudot père pour ces deux articles, et ne
l ’étant pas pour les autres.
L a veuve Cliassenay ne figure en la Cour que comme
intimée ; ainsi il n’y a à lui contester que les deux créances
colloquées.
O r , il n’.y avoit pas plus lieu à séparation des patrirmoines pour la veuve Cliassenay que pour les autres
créanciers.
' iCar par acte notarié, du 24 prairial an 6 , elfe a traité
avec Chvysostôme Baudot, et l’a accepté pour créancier.
A in si la séparation des-patrimoines ne pouvoit pas otre
o rdonnée, d’après l’art. 879 du C o d e, et les principes
ci-dessus rappelés, lesquels ont servi de base à cet ar
ticle 879, au rapport de M , de Maleviüe. '
Il faut remarquer encore que si la loi donne privilège
à un retour de l o t , tce n’est que sur les biens partagés;
et ici il ne s’agit pas d’un immeuble compris au partage
fait entre Baudot père et la veuve Cliassenay : elle n’est
cdonc qu’ un simple créancier hypothécaire, d’abord do
Baudot père, et ensuite de Baudot fils.
L a date de son hypothèque 11e remonteroit pas à 1783,
date du partage , puisqu’il est sous seing privé , mais
l’acte de d ép ô t, qui est de 1788,
supposer encore que
Baudot père ait donné hypothèque par cet acte.
A in si la date même de cette hypothèque seroit pos
térieure à celle de la dame Baudot, qui remonte au 7 sep
tembre 1786.
11 eu est de mémo de l’exécutoire alloué; car 11011-seu\
�C
*3 i
* '
t
lement rhypolhèque est postérieure, mais encore l ’ins
cription est' nulle , car elle' né contient pas la date du
titre.
J
Crédïïcede' là veuve Lavolée.
Elle est colloqüée pour 5128 francs, d on t 3000 francs
portés par sentences- defe r i janvier et i er. février 1788,
et 2128 francs pour intérêts et frais ^ainsi évalués daris:
l ’inscription.
On voit déjà que cette hypothèque est postérieure au
contrat de mariage de la dame Baudot : mais les pre
miers juges ont encore accordé la; séparation des patri
moines.
C ’est-à-dire que les père et mère Baudot, suivant cc
système, auroient autorisé leur fils à toucher une dot con
sidérable, et cependant ils seroient restés lés maîtres de
m iner leur-belle-fille, en contractant après sori mariage
une foule de dettes qui auroient eu la priorité sur elle.
Mais il est inutile de réfuter un système aussi choquant;car la veuve L avolée a encore accepté pour débiteur per
sonnel Chrysostôme Baudot, par acte du 29 avril 1790.
Ainsi il n’y avoit pas lieu à séparation des patrimoines.
Créance du sieur Carré.
11 étoit créancier de 3685 francs , par sentence du
I er. septembre 1 7 8 9 , rendue contre les sieurs Baudot,
père et fils, pour le payement de deux billets.
La collocation est de 1277 francs pour le billet de
Baudot père ? toujours en vertu de la séparation des pa~
�( H )
trimoines, parce que la date de l’hypothèque auroit été
encore postérieure à celleJde la dame Baudot. -,
Mais le sieur Carré est partie au traité ci-dessus, du
29 avril 1790; il a aussi accepté Ghiysostôme Baudot
pour débiteur personnel.
D onc l ’art. 879 du Gode prouve qu’il a été mal jugé.
L e sieur Carré ne pou voit pas faire séparer ce qu’il aconfondu lui-même.
<
Appel des Buisson et Bernardet.
„.Ceux-ci ne sont pas créanciers; ils n’ont paru à l’ordre
que comme acquéreurs, et pour surveiller la collocation
de la veuve Chassenay.
Lorsque la cause étoit déjà instruite sur l’appel de la
dame Baudot, ils ont présenté une requête d’intervention
en la C o u r, et ils ont interjeté appel par ladite requête, en
exerçant les droits de la veuve Chassenay, et en se plaignant
de ce qu’elle n’avoit pas été colloquée pour tout ce qu’elle
demandoit.
Cet appel n’est soutenable ni en la form e, ni dans les
qualités prises, ni au fond.
i ° . En la forme? on ne peut intervenir sur ap p el,
suivant l ’article 466 du Code de procédure, que lorsque
l ’on peut former tierce opposition. O r , suivant l’art. 474,
on ne peut former tierce opposition qu’à un jugement
auquel 011 n’a pas été appelé; et les Buisson et Bernardet
étoient parties dans la. procédure de première instance.
, L ’appel porté par une requête n u lle, ne peut être
que nul lui-mêmy. DaiUeurSj çuiyaut l’avticle 763 , cet
�C i5 )
appel devoit être interjeté dans les dix jours de la signi
fication à a v o u é , et il devoit l’être à domicile avec assi
gnation.
'
' n ‘ 1 X* : i
J
P ou r éluder ces dispositions de la l o i , les Buisson pré
tendent que c’est un appel incident. Mais c’est jouer
sur les m ots; car on ne peut faire un appel incident
que lorsqu’on est> déjà soi-même appelant ou intimé sur
u n 'ap pel principal'. r* 7. f! ■
o.-hov ni
{
2°. Dans les qualités , priées'?imais les Buisson n’en
ont aucune pour exercer les droits’ de lâ'dame Chassenay.
L ’art, i i 66 du Gode civil permet bien aux créanciers
d’exercer les droits de leurs débiteurs ; mais les Büisson
ne sont'pas créanciers d e l à veuve Chassenay, ils ne le
•sont pas même du sieur Baudot, -t; '>
T
Ils fondent-leur appel sur l’intérêt qu’il'o n t de faire
payer'la dame Ghassenay, pour qu’elle ne vienne pas les
assigner hypothécairement’comme acquéreurs de C h rysostôme Baudot.
• Mais si ce'tfest‘ pas^la’ vetive Chassenayi qui les assigne,
ce sera la dame Baudot; par conséquent ils n’ont aucun
intérêt dans le u r appel : dès-lors ils n’ont pas dû l’in
terjeter.
3°. A u fond? s’il s’agissoit d’examiner avec les Buisson
les créances de la dame de Ghassenay, pour lesquelles la
séparation des patrimoines n’a pas été ordonnée, il seroit
impossible de juger, autrement.
C e n’est pas la dame Baudot qui avoit le plus contesté
çes_creances^uujxçoc c s y er ba 1 djprdre.r c’rétoit les sieiis et
.daniç^Gony ?Ip a r ;d;es;.moyeùs très-détailléè j^et, fôüdés Ait
principes» .'^oüi JjjoA. — .Id<tug Jj 'iuv3 jrI îïL»
�I L est c l a i r que pour les .quatre créances trejetée s a
l
.dame Cony ne pouvoit pas se dire créancière hypothé
caire du sieur Baudot père, parce qu’elle n’avoit aucun
titre authentique contre lui et q u ’elle n'en avoit que
contre le sieur Chassenay, son m ari., dont l es b iens ne
sont pas ,l ’objet de la distribution a c t u e l l e .
D ’ailleurs, et ce que les sieur e t dam e Cony ne d i s o i t
pas, c’est que la veuve Chassenay avoit traité avec C hry;sostôme Baudot, par l’acte d é jà rappel é , d u : 2 4 prairial
an 6 ; ce qui aurpit éloigné toute séparation de patri
m oine, quand même la veuv e Chassenay auroit(été créancière de Baudot père
• Mais ses inscriptioqs prouvent qu’elle n’a eu, de titre
hypothécaire que contre le s ieur Chassenay ,. son mari:,
et contre C h rysostôme.Baudot seulement.
A i n s i , quand l ’appel des Buisson et Bernardet eût été
-recev a b le , il ne seroit pas meilleur.
M e, D E L A P C H I E R
, a n cien a v o ca t.
■
M e. D E V E Z E l i c e n c i é a v o u é
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,1 i l . 70 î » p ÌO ÔUliÎi. üUUib ¡A 2JK{ ■¡>.*11 i) 0
.-y
„..Ivr^U !.»,!■,ny ...U»Vi :
A RIOM de l'imprimerie de Thibault Landriot imprim eur
de la Cour d’appel. — Août 1809.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Béraud, Anne. 1809]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Devèze
Subject
The topic of the resource
créances
Description
An account of the resource
Précis pour Anne Béraud femme de Chrysostôme Baudot, appelante ; contre Etiennette Baudot, femme Lucenay ; Alexandrine-Victoire Baudot, femme Cony ; Hélène Preveraud, veuve Chassenay ; Marie Batillat, veuve Lavolée ; Pierre Carré, tous intimés ; et contre Pierre Buisson et Louis Bernardet, intervenans et appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1809
1805-1809
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0305
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Baterons (domaine des)
Meix (domaine du)
Oyon (domaine de)
Grand et petits Sauvars (domaine de)
Saint-Léger-des-Bruyères (03239)
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POUR
D am e M a r i e - A n n e B I R O N ,
veuve d e ^
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M. Jean-James B e a u f i l s , habitante de la f i — f a
Ville de S a in t-F lo u r, intim ée
'Jrfudui
CO N TRE
Le sieur
R aym ond
v 'Îifa U '
drUAsàiH/ /JüMérfS A it r /il
D E M O L E N -D U M A S
a p p e la n t
________
¿A*to to U t'f*
mmmmm
^ ity G s f ¿ U ffK J
•»-
tU^ ' 'i
f i* JjtJ*
• L E grand-père de la dame Beaufils a acheté un domaine
et l'a revendu. Harcelé presque continuellem ent par des
demandes hypothécaires, il ne s’est toujours préservé de
l' éviction qu’en payant. L e sieur D em olen , qui prétend
représenter les vendeurs dudit dom aine, s’est fait l’illu sion de croire qu’il auroit une garantie contre celle dont;
($^Ê>Ù u*{<aa/
/ 'j '
.
diujàJ+ fiutkvJ
•
il est le garant lui-m êm e. P o u r y p a rven ir, il dénature
A
-
.
�et dément cq qui s’est fait il y a quatre-vingt-douze ans :
à l’en c r o ire , il faudroit remettre les parties au même
état qu’elles l’étoient à cette ép oqu e, et lui rendre un
domaine qu’il réclame sans savoir à quel titre.
Q uelque bizarre que soit ce système, il est enveloppé
de tant de faits, qu’il est devenu nécessaire de les simplifier
vpour les éclaircir. Quatre.-ving]t-dix ans.de procès doivent
¿'perm ettre à la fam ille Beauiijs de demander du repos;
et.si^le sieur Dem olen ne pense pas que ce soit avoir
fourîli^une assez longue carrière devant les tribunaux, il
faut espérer que la C o u r, plus compatissante, l'empêchera
" :'de p rép a rer'd e nouveaux; m atériaux de procès pour la
^yla. quatrième, génération.
^ w P a r acte du 10 décembre 1 7 1 8 , le sieur Jean B o y e r,
de Massiac ( représenté par la dame Beaufils ) , donna
*en «j^hange à C lau de, G abriel et G abriëlle Dussaulnier^
itères et sœur ( le sieur Dem olen prétend représenter
^ Mîaftï’iël et. G abriëlle X, un domaine appelé de Bijssac ^
Î1& lui donnèrent en contre-écliange un domaine appelé
Cham bon.
^ L o rsq u e le sieur B oyer voulut se mettre en possession
■- de^ce domaine, il'en fut empêché par un sieur Roucher,
* p r ê t r e , qui prétendit avoir droit d’en jo u ir , comme
; créancier d’une rente de 200 fran cs, constituée en 1 7 1 5
..xpar
C la u d e
D ussaulnier, avec assignat spécial sur ledit
domaine.
Il fallut donc soutenir un prem ier procès en 1720 j
s et ce procès fut assez vif. Enfin une sentence de la séné* chaussée’ d?A u v e r g n e , du 3 juillet 1 7 2 2 , condamna le
prêtre R oucher à- se! désister du domaine.
�■C 3 )
Les héritiers D ussaulnier, appelés en garantie par le
sieur B o y er, furent .condamnés par la même sentence à
faire cesser le trouble.
L e sieur R oucher interjeta appel au p arlem en t, et la
sentence de R io m fut confirmée par arrêt du ï8 août
1723.
E n fin , le sieur B oyer se m it en possession ; et par
traité du 2.6 juillet 1728 , il força le sieur R ou ch er à
lui payer 800 francs pour restitution de jouissances.
A p rès la m ort de Jean B o y er, arrivée e n . . . A n to in e,
son fils, fut assigné hypothécairem ent par un autre créan
cier du sieur Dussaulnier (le^sieur M atthieu R o d d e, de
Chalagnat ) , en 1736.
Il dénonça cette demande aux sieurs D ussaulnier, et
les fit condamner à la faire cesser, par^sentence du 4 mai
173 6.
C e u x -c i ne s’en m irent point en peine ; et le sieur
iBoyer fut encore obligé de payer la créance du sieur
R.odde, le 5 juin 1737. I l continua bien de poursuivre les
héritiers Dussaulnier en rem boursement de ses avances;
mais on ne vo it pas ce qui résulte de ces poursuites.
L e 28 novem bre 1739 , A n toin e B oyer et Claudine
B o y e r , sa sœ u r, croyant se délivrer de l’embarras que
leur donnoit ce domaine du C h am b on , le vendirent au
m ême sieur M atthieu R od d e, de Chalagnat, moyennant
6800 francs.
C est ici le Heu "de d ir e , pour l ’intelligence des faits
qui vont suivre, quel étoit l’état de la famille Dussaulnier
à cette époque.
A 2
�Jacques Dussaulnier.
Claude D ussaulnier du P o u z a t,
G abriel D ussaulnier, G abriëlle D ussaulnier,
m arié à
• cu ré de M o lèd e,
m orte sans postérité
Paule C lialvet de R o ch e m o n teix ;
m ort en 1758.
en 17 6 4 ;
m ort en 1746.
a tout donné
'|
au sieur D em olen.
M arie-A m ab le D ussaulnier,
m ariée à
A n to in e de T rem eu g e de la B arre J
décédée sans postérité en 174 2 ,
avant G abriel.
Jacques Dussaulnier étoit propriétaire de la terre du
P o u za t, d’ un domaine appelé le C ham bon, et d’une di
recte appelée de Serre. O n ignore si l’un de ses trois
en fans a eu quelque avantage. CJne procuration donnée
par G abriel D ussaulnier, le 7 novem bre 1 7 1 8 , pour le
faire entrer dans l’échange du domaine du Chambon ,
appartenant à Claude Dussaulnier , prouve qu’il étoit
seul propriétaire de ce d om ain e, et qu’il lui étoit échu
par un partage antérieur. D é jà , en effet, Claude D us
saulnier avoit seul constitué, en 1 7 1 5 , une l’ente sur ledit
domaine.
L a directe de Serre fut vendue p ar Claude Dussaulnier
à M . Farradesche de G rom ont, par acte du 8 juillet 1729,
moyennant 4610 fr. délégués à des créanciers de Jacques
D ussaulnier, son père.
La terre du P o u za t resta dans la famille Dussaulnier.
Claude et M a r ie , sa fille, l’ont habitée jusquVi leur décès:
G a b rië lle Dussaulnier qu i l’a habitée aussi, l ’a transmise
au sieur D e m o le n , son donataire.
�C'5 •)
Claude Dussaulnier se maria en i j i ô . La demoiselle
de Rochem onteix lui porta en dot 9000 francs payables
en différens termes.
M arie-A m able D nssaulnier, sa fille, se maria avec le
sieur de Trem euge le 6 février 1741. Son père ne lui
donna rien ; mais G abriel et G abrielle D ussaulnier, scs
oncle et tante, lui firent donation de tous les di*oits
successifs qu’ ils avoieut à recouvrer dans la maison , sous
la seule retenue d ’une pension viagère de 200 francs, et
de leur logem ent au Pouzat.
E lle ne survécut pas long-tem ps à ce m ariage, car
elle décéda en 1742 , sans postérité.
Comme ses on d e et tante n’avoient stipulé aucune
réversion des biens par eux donnés, Claude Dussaulnier ,
son p è re , héritier des acquêts eu coutume d’A u v e rg n e ,
réunissoit sur sa tête toute la terre du P ou zat, et tout
ce qui seroit provenu de G abriel et G a b riëlle, même le
domaine du C h am b on , s’il leur eût appartenu avant la
donation de 1741.
Claude Dussaulnier m ourut en 1746, ne laissant d’autres
héritiers que G abriel et G abriëlle D ussaulnier, ses frère
et sœur.
Ils pouvoient retrouver dans sa succession les biens
dont ils s’étoient dépouillés par la donation de 17 4 1 i
mais ces biens étoient devenus soumis aux dettes du
d é fu n t, et pour ne pas les payer ils répudièrent sa suc
cession , et un curateur y fut nommé. .
L a dame de R ochem onteix, veuve de C laude, obligée
par ce décès de quitter la m aison, fit donation a M arieFrançoise C halvet de N astra, sa n ièce, de toutes ses re
�( -6 )
prises, par acte du 9 septembre 17 4 6 ; et celle-ci obtînt
sentence contre le curateur à la succession vacan te, le
9 mai 17 4 8 , portant condamnation., i° . de 3000 francs
-touchés par Claude Dussaulnier ; 20. du gain -de survie
stipulé au contrat de m ariage de 1715 .
Aussitôt qu’elle eut cette sentence , la demoiselle de
Nastra fit assigner hypothécairem ent le sieur R o d d e, de
C h alagn at, com m e détenteur du domaine du Cham bon,
par exploit du 11 ju in ¡1748.
L e sieur Rodde dénonça cette demande le 9 mai 1749,
à A n toin e et Claudine B o yer, enfans de Jean B o y er, son
vendeur.
C eu x-ci d én on cèren t, le 9 mai 1 7 4 9 , à G abriel et
G abrielle Dussaulnier, non pas comme héritiers de Claude,
mais comme vendeurs eux-mêmes du domaine du Chamb o n , par l’acte du 10 décembre 1718.
L es Boyer dénoncèrent à leur tour à M .
com m e acquéreur postérieur de la directe
C ependant A n toin e et Claudine B oyer
sur la demande origin aire, firent valoir à
de G rom o n t,
de Serre.
se défendant
la demoiselle
de Nastra les créances payées par leur père, qui prim oient
l’hypothèque de la demoiselle de Nastra.
A cette é p o q u e , le sieur ¡Boyer étoit menacé d’un
autre procès de la part d’un sieur P o n s, de M o n servier-,
créancier de Jacques Dussaulnier d’environ 1000 francs.
Sa créance avo it été réglée le 2 décembre 1 7 4 1 , avec
le sieur de T r e m e u g e , qui s’étoit obligé de le p ayer;
mais comme il n’avoit stipulé qu’en qualité de m a r i,
il n’eut rien à payer après la m ort de sa fem m e, et le
sieur Pons n’avoit ù s’en prendre qu’aux biens venus du
�( 7 )
sieur Dussaulnier. Il fallut donc que le sieur B oyer payât
sa créance ; et en effet il lui en fut donné quittance avec
subrogation, le n juin 1749*
G abriel et G abriëlle Dussaulnier voyoient bien qu’ils
ne pouvoient éviter la garantie de tant de dettes de leurs
père et m è re , de la dette de leur frère envers ladite
demoiselle de Nastra ; ils le pouvoient d’autant moins
qu’ils jouissoient de la terre du P ou zat, m algré leur ré
pudiation : mais peu de personnes connoissoient leur
donation de 1741 , et ils passoient pour avoir un droit
indivis de deux tiers dans cette propriété.
A fin d’éloigner toutes les recherches sur ce p o in t, et
pour faire d iversio n , ils crurent embarrasser les enfans
Boyer par la plus étrange des prétentions ; et c’est ici
que commence la prétendue difficulté de la cause.
Jean Boyer , en recevant le domaine du Cham bon ,
avoit donné au sieur Dussaulnier le domaine de Bussac :
l ’acte de 1718 en prouve la tradition effective; et toutes
les sentences postérieures prouvent que le sieur Dussaul
nier n’articuloit rien de contraire.
\
Cependant le domaine de Bussac étoit rentré dans les
mains de Jean Boyer avant son décès. L ’avoit-il acquis
par acte sous seing privé ou notarié ? on l ’ignore; mais
les titres qu’il avoit remis en 1718 lui avoient été rendus :
t
aucune autre trace de cette nouvelle con%?ention ne se
retrouve; et les enfans Boyer ayant recueilli ce domaine
dans la succession de leur p è re , avoient continué d’eu
jouir paisiblement.
L eu r ignorance du passé parut une belle occasion à
Gabriel et G abriëlle D ussaulnier; ils dirent aux héritiers
�,
( 8 )
Boyer : Comm ent possédez-vous le domaine de Bussac,
et quel est votre titre ? Si vous n’en trouvez aucun , il
faudra croire que vous n’en jouissez que pïgnoraiiçem ent :
ainsi vous devez nous le rendre.
En effet, ils assignèrent, le 7 décembre 1748, les enfans
Boyer à se désister des deux tiers du domaine de Bussac,
avec restitution de jouissances.
M ais cette demande n’étant qu’ un épouvantail pour
repousser celle de la demoiselle de Nastra, du 11 juin
174 8 , les sieur et demoiselle Dussaulnier abandonnèrent
absolument cette demande; et la péremption en fut pro
noncée par sentence du 24 janvier 1764.
Lorsque la demande en garantie form ée contre eux fut
poursuivie activement contre eu x , ils voulurent réitérer
leurs prétentions par une requête incidente, du 8 mars
1 7 5 4 ; et comme le plus difficile auroit été de prouver
l ’im pignoration, ils voulurent donner une autre tournure
à leur demande en désistement ; ils dirent que l’acte de
1718 n’a vo it pas été exécuté , puisque le domaine de
Bussac étoit resté en la possession du sieur Boyer ; ils
soutinrent que leur action n’étoit pas prescrite, tant que
les héritiers B oyer étoient détenteurs du domaine de
Bussac, et que la demande en garantie pi'orogeoit celle
en désistement.
Les héritiers B oyer répondirent que leur jouissance
de Bussac ne venoit ni de l’échange de 1 7 1 8 , ni d’ une
jouissance pign orative; que l’action en désistement étoit
prescrite contre eux , et que d’ailleurs les sieur et de
moiselle Dussaulnier n’avoieut pas qualités pour exercer
cette actipn.
Gabriel
�( 9 )
G abriel Dussaulnier m ourut en 17 6 8 , n’ayant d’autre
héritier que G a b rië lle, sa sœur.
Celle-ci fit donation au sieur D e m o le n , le 16 janvier
1764 , du domaine du Pouzat ; et il fut ajouté dans l’acte
que ses droits contre le sieur B oyer faisoient partie de
la donation.
Aussitôt après cet acte, la demande im poursuivie depuis
1754 fut reprise par le sieur D em o len , par exploit du
19 mai 1764 , contre la demoiselle B o y e r, veu ve B iro n ,
héritière d’Antoine et Claudine Boyer.
L a veuve Biron m ourut quelques années après : MarieA n n e Boyer et Jean-James Beaufils, son m ari, reprirent
la demande contre ses héritiers.
Il est inutile de rendre compte d’une foule de procé
dures et de conclusions en recours, contre-recours, paye
ment de créances et actions hypoth écaires, qui eurent
lieu pendant les vingt-cinq années suivantes.
Enfin , il intervint sentence sur le tout en la séné
chaussée d’A u v e rg n e , le 22 août 1 7 8 9 , par laquelle la
demande hypothécaire form ée par la demoiselle de Nastra
fut adjugée contre le sieur R o d d e , pour le tiers seule
ment du domaine du Cham bon, qui appartenoit à Claude
Dussaulnier en 17 15 ; en conséquence, le partage dudit
domaine fut ordonné pour fixer la portion hypothé
quée; les Beaufils, héritiers B o y e r, furent condamnés à
garantir le sieur R o d d e; il fut ordonné plus ample con
testation , 10. sur j a demande en recours des Beaufils
contre M . Dem olen ; 20. sur leur demande en recours
contre M . de G rom ont; 30. sur ia discussion des créances
payées par Jean Boyer ; 4 0. sur la demande en recours
B
�( ro )
de M . de G rom ônt contre le sieur Dem olen ; 5 °. sur la
demande en désistement des deux tiers de Bussac.
'• Q uoique le siei.11* Dem olen ne fût tenu à rien par cette
'sentence , il'se jugea lu i-m êm e, et paya, à la demoiselle
’de'Nastra la créance qui avoit donné occasion à tant de
procès. Il articule avoir fait ce payement le 17 mai 1790.
Seize ans après, le sieur D em olen a voulu rentrer en
lic e ; il a repris-, le 5 août 1806, la demande en désis
tement des deux tiers de Bussac; et ajoutant à ses con
clusions, il a demandé le désistement du troisième tiers,
•comme exerçant les droits de la demoiselle de Nastra ,
qu’il a payée, si m ieux n’aim ent, a-t-il d it, les Beaufils
lui rem bourser ladite créance.
D e leur c ô t é , les sieurs B ’aufils ont repris leur de
mande en payement des créances de Jacques et Claude
«•Dussaulnier, payées par Jean Boyer.
C ’est sur ces nouvelles demandes qu’est intervenu au
tribunal de S ain t-F lo u r, le 16 mars 1 8 0 9 ,.le jugement
don t est appel : il juge que le sieur Dem olen n’a pas de
qualité du chef de ses donateurs, de demander le désis
tem ent; que d’ailleurs cette action est prescrite : il juge
’que ceux-ci étant garans du domaine du Chnmbon , le
sieur D em o len , en payant la créance N a s tr a , n’avoit
•acquitté que sa propre dette. En conséquence, le sieur
D em olen a été débouté de ses demandes; et faisant droit
sur celles des sieurs Beaufils, il a été ordonné une plus
am ple contestation , attendu que les titres des créances
par eux réclamés n’avoient pas été communiqués.
Sur l’appel que le sieur Demolen a interjeté de ce ju
gem ent, il s’agira de savoir, io,
a eu qualité pour
�( II )
demander le désistement des deux tiers de Bussac.; 2°. s i,
en lui supposant qu alité, l’action n’est pas prescrite; 30. s’il
a action pour demander le remboursement de la créance
]$astra qu’il a acquittée.
.
1
i
M O Y E N
S.
i° . IjC sieur D em olen n’a pas de qualité pour conclure
Contre la dame B eaufils, au désistement de tout ou partie
du domaine de Bussac.
: • ■
; j é ' , Il représente G abriel et G abrielle D.ussaulnier par une
donation de 1764.
*
! ./ ,7
.I:M ais ceux-ci n’étoient alors propriétaires1d’aucun im
meuble ni droit proveuant de Jacques D u s s a u lu ie r n i
de l’éclinrigé de 1718*
• n
Car ils avoient tout donné à M arie-A m ab le Dussauln ier, leur n iè c e , en 1741.
r
A la v é r ité , M arie-A m able Dussaulnier. étoit m orte
sans en fan s, en 1742 : mais C laude'I)ussaulnier > son
p è re , héritier des acquêts , avoit succédé aux biens ¡à
elle donnés.
r\ •
Î) - !■
■
■
'; ,
G abriel et G abrielle Dussaulnier ont répudié à la suc
cession de Claude : un curateur occupe ou a occupé la
succession-, ainsi lui .seul auroit qualité pour demander
Un désistement.
:
' nr.i’;
L e sieur Dem olen n’a jamais attaqué cette répudia
tion ; au con traire, il en excipe encore : et en effet il
ne p e u t, sur ce p o in t, changer ce qui a été fait par
ses donateurs.
. .
.
C e u x -c i ont toujours persisté dans leur répudiation;
B 2
�( i* )
et leur demande en désistement des deux tiers du doinaine de Bussac', suffit pour le prouver : car s’ils eussent
entendu se dire héritiers de C lau d e, ils auroient eu le
troisième tiers de son chef.
Ce n’étoit donc que ta donation de 1741 qu’ils dissim nloien t; mais point du tout la répudiation de 1746.
Cette lim itation à deux tiers du ch ef personnel de
G abriel et G a b rië lle , a duré depuis 175 4 , et dure en
core ; car en 1806 le sieur Dem olen n’a pas demandé
autre chose de leur chef : il a bien réclamé le troisième
tiers, mais ce n’est qu’en exerçant les droits d’un créancier,
et par la voie hypothécaire ; d’où résulte une double
preuve que le sieur D em olen ne prétend à rien comme
h éritier de Claude Dussaulnier.
•
Si donc il est prouvé que G abriel et G abriëlle n’ont
rien conservé, et que tout a passé à C laude, il en résultera
la conséquence nécessaire que le donataire de G abriël et
G abriëlle n’a rien à demander de leu r chef.
L e sieur D em olen a senti toute la force de ce m oyen,
et il y répond que la donation de 1741 n’a rien ôté à
G abriël et G abriëlle D ussaulnier, parce qu’elle est nulle
faute d’insintiation.
M ais on lui a déjà répondu que le donateur ne peut
pas opposer le défaut d’insinuation. T elle est en effet la
disposition de l’article 27 de l’ordonnance de 1 7 3 1 ,
réitérée par l’article 941 du Code civil. .
Si le sieur Dem olen croyoit p o u vo ir insister, en disant
qu’ il est h éritier du donateur, on lui répondroit encore
qu’ il n’a pu prendre les choses qu’en l’état où elles
étoient lorsque les biens présens de G abrëlle Dussaulnier
�(* 3 )
lui ont été donnés en 1 7 6 4 , et que celle-ci ayant déjà
form é une demande sans q u alité , en 1764 , n’a pas pu
lui transmettre plus de droits qu’elle n’en avoit ellemême.
L e sieur Dem olen objecte que le défaut de qualité
est couvert par plusieurs sentences, et ne lui a pas été
opposé dans l’origine.
D ’abord il verra dans une écriture du 29 mars 176 4 ,
que les héritiers B oyer ont fait valoir ce moyen d’entrée
de cause. Quant aux sentences, comment ont-elles pu
juger les exceptions du défen deu r, lorsqu’elles se sont
bornées à ordonner une plus ample contestation ? L a ’
sentence de 1789 , qui seule a jugé au fo n d , ne prononce
rien que dans l’intérêt de la demoiselle de’ Nastra ; et
dès-loi's il n’en résulte rien pour ni contre les héritiers
B oyer, ni le sieur D em o len , dans leur intérêt réciproque.
E n ajournant la demande en désistement, cette sentence a
aussi ajourné tous les moyens y relatifs; car l’exception est
inséparable de l’action, et dure autant qu’elle. Qucù annalîctr
sunt ad agendum yerpetua sunt adexcipiendum .
■Il faut rem arquer encore que si le sieur Dem olen avoit
pu avoir une q u alité, au moins ce ne pourroit pas être
pour une demande en désistement des deux tiers d’un
domaine.
,
Car ne prétendant rien à la propriété du tiers appar
tenant à la succession de Claude D ussaulnier, il n’avoit
à exercer qu’ une demande en partage contre le cu rateu r,
tant pour ce domaine que pour les autres biens indivis,
auquel partage il auroit appelé le détenteur du domaine.
C ’est en effet un p rin cip e, qu’il n’y a entre cohéritiers
�( i4 )
ou copropriétaires que l’action en partage : on n’est pas
recevable à assigner de -piano un tiers détenteur en désis
tement.
Cette action étoit si bien la seule admissible, que le
sieur Dem olen jouit à lui seul du domaine du P ou zat,
et que s’il suffit pour form er son lot (s’il en avoit u n ) ,
il n’a plus rien à demander à personne.
2°. Quand le sieur D em olen auroit une qualité pour
demander le désistement des deux tiers de Bussac, il
est évident que son action est prescrite.
Il n’indique pas l’époque de la mise en possession de
Jean B o y e r, mais il suppose que c’est en 1 7 1 8 , et que
Jean Boyer n’a jamais été dépossédé.
Si cela est ainsi, il s’est écoulé trente-six ans jusqu’à
la demande form ée par G abriel et G abriëlle Dussaulnier,
en 1754.
L e sieur D em olen d ir a - t - il que déjà il y avoit eu
une prem ière demande form ée le 7 décembre 1748.
M ais d’abord elle a été déclarée périm ée par sentence
du 24 janvier 17 5 4 ; et on sait qu’un ajournement
périm é ne sert pas à relever la prescription, suivant le
texte de l’ordonnance de 17 4 3 , et l’article 2247 du Code
civil.
Il fa u t, dit le sieur D em olen , avoir joui de bonne
foi pour prescrire, anim o dom ini et opinionc dom inii.
O ù a-t-il pris ce principe, pour l ’appliquer à une pres
cription trentenaire? Il le transpose de la prescription
décimale. M ais sans combattre avec plus d’étenduo une
aussi fausse doctrine, il suffit de lui rép on dre, avec l’ar
ticle 2268 du C o d e , que la bonne foi est toujours p ré-
�(
15)
sumée au possesseur, et que c’est à celui qui articule
'la mauvaise foi à la prouver.
< L a daine Beau fils , après une si longue période de
tem ps, 11’a besoin que de d ire, passïdeo quia possideo.
E lle succède aux faits d’au tru i, et n’a rien à prouver pour
rester propriétaire. Ñeque titulus, neque bona Jidcs
requirnntur sed soJa possessio per tnennium.
T ou te la doctrine ancienne, sur cette m atière, est ren
fermée dans l’article 2262 du Gode civil,
« Toutes les actions, tant réelles que personnelles,
« sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue
« cette prescription soit obligé d’en rapporter un titre ,
« ou qu’on puisse lui opposer l’exceptiou déduite de la
« mauvaise foi. »»
A insi le sieur Dem olen n’a pas d’action pour de
mander un désistem ent, sous prétexte qu’il a un titre
d’acquisition de 1718 ; car ce titre est prescrit. Sans dif
ficulté il résultoit bien de ce titre une action eu déli
vrance pour les sieur et demoiselle Dussaulnier contre
le sieur Boyei”, mais cette action, e x empto > est ellemême prescrite, et ne peut plus s’exercer.
Ici le sieur Dem olen veut faire une différence entre
l’acte de vente et l’acte d’échange. Il prétend que le sieur
Boyer ayant dénoncé une demande hypothécaire aux
Dussaulnier, ¿\ cause de la garantie promise en I 7 ! 8 ,
il a rendu à ce titre toute sa vigu eu r, parce que, d’après
l ’opinion de Salvain g, nul ne peut demander l’exécu
tion d un titre sans l’exécuter soi-m êm e.
O n ne peut pas entasser plus de fausses applications
�( 1 6 }
de p rin cip es, vrais cependant en eux-mêmes. Sans doute
si le sieur Boyer n’étant pas en possession du domaine
du C h am bon , avoit voulu en demander la délivran ce,
il n’auroit pas pu l’obten ir, sans être forcé lu i-m êm e
d’exécuter l’échange par la tradition du domaine de
Bussac. Si des m inorités eussent p ro lo n gé, pour lui
seu l, jusqu’à soixante an s, son action en délivran ce,
il est encore incontestable que l ’obligation de livrer
Bussac eût duré pendant le même d é la i, parce que
l ’action des Dussaulnier n’eût été alors qu’ une véritable
exception.
Mais qu’est-ce que tout cela a de com m un avec l’espèce
actuelle? L e domaine du Cham bon a été livré. L e do
u t des n’est plus la question actuelle : la demande en
désistement de Bussac n’est donc plus une simple excep
tio n , c’est une action bien ré e lle , bien isolée, et dèslors sujette à toutes les règles de la prescription.
Il y a plus , car cette objection du sieur Dem olen
conduit m êm e à fortifier la réponse par des remarques
de faits.
Bussac fut liv ré à l’instant même de l’éch an ge, et la
remise du terrier, constatée par l’acte, en fait mention :
au contraire , Cham bon n’étoit livrable que dans deux
ans.
L orsque le sieur Boyer appela les Dussaulnier pour
être présens à sa possession ; lorsqu’il les assigna pour
faire cesser le trouble de R ou ch er, en 1720, et celui du
sieur R o d d e , en 1737» lorsqu’il obtint contre eux des
condamnations en garantie, entre-t-il dans la pensée que
le
�( i -7 )
le désistement de B ussacn ’eût pas été demandé par e u x ,
si cette action-eût été ouverte■
;& cette'époque ?
Si elle ne l’étoit pas alors, commerit'est-elle née depuis?
L e sieur D em olen ¡n’a qu’une m anière de Fexpliquer ;
c’est de bouleverser son propre syàtème, et de dire que
le sieur -Boyer s’étoit bienialors désisté'de Buseac, mais
qu’il l’a repris depuis.
E n q u e lle q u a lité , et par quel titre? P ig n o ra tif, dit le
■sieur Dem olen ; >ét aussitôt coule de sa plum e l’adagé
s é v è r e , m elius est non habere tituhm i quàm ‘habere
vitiosum .
O ù a-t-il pris encore cette im pignoratiön ? car e^est
l u i , dem andeur, qui doit fournir la preuve de tout ce
quMl articule; ¡mais il ne fuit .que le soupçonner. Il a v u
que le sieur Boyer a voit payé des créances,'et il en conclut
que <c’est peut-être pour le ¡gage de 'ces créances qu’il a
dû reprendre Bussac.
~
'Ces soupçons ne peuvent pas créer un titre vicieux et
précaire. L ’actede 1718 p ro u ve q u e le domaine de Bussaè
fut livré ; à l’instant même le terrier en fut rem is, et
quittancé par l’acte.
A ujourd'hui >ce terrier est revenu au pou voir des h é
ritiers Boyer ; ce iqui prouve qu’il y a eu une nouvelle
convention. V o ilà ce qu’on n e retrouve pas, mais ce dont
on est dispensépffr la prescription,<qui vaut titre; car la
prescription est un mode d’acquérir aussi solide qu’un
contrat de vente. L ’article 712 du Code civil rappelle
sur ce point les principes du droit romain ißt ceux de la
coutume d’A uvergne. Ce qui confirme pleinement lapresC
�( 18 )
crip tio n , c’est la'circonstance essentielle, et que rien ne
peut affaiblir, que dans les procès R oucher et dans ceux
qui ont su ivi, Claude Dussaulnier, poursuivi en gai’antie
sans ménagement , s’est toujours défendu comme un
garant véritable, au lieu de récrim iner comme il l’auroit
f a i t , et de soutenir que l’acte de 1718 étoit resté sans
exécution.
*
A in si , le sieur Dem olen ne peut pas s’attendre de
bonne foi à voir réussir une prétention q u i , sous pré
texte de forcer un possesseur paisible de chercher les titres
de sa possession, bouleverseroit toutes les règles méditées
par le législateur pour assurer le repos des familles.
30. L e sieur Dem olen n’a pas d’action pour demander
le remboursement de la créance qu’il a payée à la de
moiselle de Nastra.
Car il n’a payé que sa propre dette : il a fait volon
tairement ce qu’il eût élé forcé de faire.
L a demoiselle de Nastra étoit créancière de Claude
Dussaulnier, propriétaire pour un tiers du domaine du
Pouzat.
C ’est le sieur Dem olen qui le possède en entier; ainsi
il a dû payer une dette hypothéquée sur un immeuble
qui ne lui a été donné qu’avec ses charges.
En second lieu , le sieur Dem olen , comme représentant
G abriëlle Dussaulnier, est garant des évictions et troubles
quant au domaine du C ham bon, en vertu de l’acte de
1718.
O r , la demoiselle de Nastra, en poursuivant son hypo
thèque contre le domaine du Chambon? donnoit lieu à
�( T9 )j
une' action récursoire' qui devoit rem onter jusqu’au^
sieur D em o len , donataire du prem ier garant.
?
Il
est donc évident q u e , sous tous les points de. vue
possibles, le sieur D em olen n’a fait qu’acquitter sa;propre
dette, en faisant cesser la demande de la demoiselle de
Nastra.
Lorsque le sieur Dem olen a demandé le désistement
d’un tiers de Bussac, si on ne lui remboursoit pas cette
créance, il n’a véritablem ent réclamé qu’une chose plus
ridicule encore que le désistement des deux tiers : aussi
n’en fait-on pas un article particulier de discussion.
C ’est par la voie hypothécaire que le sieur Dem olen
veu t être remboursé de la créance Nastra par la dame
Beaufils, détenteur de Bussac; et en effet, il lui donne
l ’option de payer ou de délaisser l’immeuble.
IVIais s’il forme cette demande comme subrogé par la
demoiselle de N astra, il ne peut s’aider que de la sen
tence de 178 9 , qui ne prononce rien en faveur de la
demoiselle de Nastra contre la dame Beaufils. Quand il
seroit encore subrogé par le sieur R odde, on lui répondroit que la dame Beaufils ayant exercé contre lui une
demande en garantie, fondée sur l’acte de 1 7 1 8, il n’a
payé que pour éviter ce recours, et qu’il est gai’ant de sa
propre demande.
Il n’est pas moins curieux de rem arquer combien le
sieur Dem olen a mis d’incertitude et d ’exagération dans
ses demandes. Il reprend le procès des Dussaulnier, qui
demandoient le désistement des deux tiers d’un domaine;
et-le sieur Dem olen veut enchérir sur e u x , et réclame
/
*
�(2 0 )
l’autre tiers par hypothèque. M a is ces deux prétentions
Sont é ga le m en t mauvaises; et la dame Beaufils doit être'
r assurée su r une p ro p r ié té qu'u ne aussi longue possession
a co n so lid ée dans sa fam ille.
•
,J
M e. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M e, F A Y E ,
——■
— —
^
1
avoué licencié.
— —— —
m
A R I O M , de l ’im p. d e T H I B A U D , im prim . de la C our im périale, et libraire
ru e des T aules ? maison L a n d r iot . — A v ril 1810..
I
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Biron, Marie-Anne. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Faye
Subject
The topic of the resource
successions
créances
terriers
coutume d'Auvergne
prescription
renonciation
possessions précaires
Description
An account of the resource
Précis pour Dame Marie-Anne Biron, veuve de M. Jean-James Beaufils, habitante de la ville de Saint-Flour, intimée ; contre le sieur Raymond Demolen-Dumas, appelant.
Annotations manuscrites
arbre généalogique.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1718-1810
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0306
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pouzat (terre de)
Chambon (domaine de)
Bussac (domaine de)
Saint-Flour (15187)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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coutume d'Auvergne
Créances
possessions précaires
prescription
renonciation
Successions
terriers
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53755/BCU_Factums_M0307.pdf
41286c982dbe0bfb5bb772fdc441d8c7
PDF Text
Text
■ i I
COUR
1 '
--
MÉMOIRE
D'APPEL
SÉANT
A RIOM.
P
o
Jacques
u
r
C H A V E , appelant
;
C O N T R E
J e a n n e V A L L A , et E l i s a b e t h F E R R I E R ,
1
sa f i l l e
majeure , intim ées.
L A recherche de la paternité est interdite , et c’est
dans nos mœur s u n scandale de moins. D ans ce secret de
la nature , le législateur ne pouvoit que s’en rapporter à
la crédulité de l’hom m e, ou se jeter dans le vague des
conjectures : le premier parti seul étoit juste; la loi l’adopte;
et aucun enfant naturel n’a le droit de nommer son p ère
que celui qui a voulu se déclarer tel.
Nul acte ne doit donc être plus légal, plus libre, que
cette déclaration. L e soupçon seul de contrainte est incomA
�O )
patible avec elle ; car si elle n’est pas clairement reflet
spontané de la réflexion , le but moral de la loi n’existe
plus*
L ’appelant réclame contre l’oubli de ces principes, et se
place sous la protection de la cour, pour faire annuller un
acte inform e} auquel on l’a fait participer par la violence ;
il demande à n’être par forcé de reconnoître un enfant
qui ne fut jamais le sien.
Les premiers juges, n’ont pas voulu admettre la preuvequ’il étoit à même d’offrir ; et si cette opinion pouvoit
prévaloir , il en résulterait que , contre le vœu de la loi,,
un homme donneroit son nom malgré lui à un enfant
naturel ¿seroit Contraint de prendre soin'd’un étranger^
et de lui laisser sa succession.
; n
v. ^ .
F A I T S .
C1
r
Jeanne V a lla , et Elisabeth Ferci.'er, sa fille, habitent lelieu de M azet, mairie de Chambon. Leurs habitudes et
leurs mœurs étoient à peine connues de Jacques Chave,.
qui demeure à la distance d’environ une lieue de leur
domiciLe.
Son âge, plus avancé même que celui de la mère, ne luii
eut donné aucun prétexte de se,rapprocher delà fille. U a
séducteur à cheveyx.blancs est rare ; au village-il ne connoît pas l'oisiveté qui nourrit les illusions, et la monotonie-,
de ses ti’avaux. rustiques avance l’amortissement de ses,
. sensations, en occupant toute son existence.
( Ces femmes étoient donc absolument étrangèresà Chnve,,
lorsque, tout d’un, coup il s’est trouvé mêlé à leur destinée;
�( 3 ;)
par une de ces sourdes manœuvres que l’enfer sçul.pçut
faire concevoir.;
yl . f
i;
. .!: •
■Un matin à huit heures ( le 21 germinal an 9 ) ’„ Jacques
C h a v e, malade, est brusquement arraché d,erson lit; par
deux frères de la fille Forrier ,.suivis de trqis.autres jeunes
gens armés de bâtons ou de iourch.es. Il se disent envoyés
par le sieur de Bannes, maire de Chambon , et comman
dent à Chave de les suivre dan^ la maison de ce sieur de
Bannes. Il Çs’habille
et les suit.
, itr.
'
1
. .
^
II. .
. ç
Là il trouve Jeanne Valla qui paroît en grande, co lère,
l’accueille par des.injures grossières, lui dit que sa fille est
accouchée , depuis |quinze jours , d’un garçon dont il est
le père , suivant le récit de sa fille et de Mv le maire ,de
Cham bon,, et qu’il'fautf,signer sur le champ l’acte de
naissance.
... .
Chave , étourdi d!uue, .vespériç aussi inattendue, pressé
entre les cris de la mère ,,les coups de poings des frères ,
et les menaces de leurs trois hommes d’escorte-,iveut élever
la vo ix , et invoquer la notoriété pyifyliquÇpdes¡bâtops sont
levés contre lui pour toute répons^ : il solli^itç la justice
du maire mais, le maire le prend à part pjsup lui dire
qu’il jÊ tÊ té céder à la circonstance, et q;ue sa vie n’é^#?
pas en sûreté. L ’avenir a appris AjÇhave quel intérêt pres
sant le maire lui-m êm e avoit à ce que la .calomnie eût
une direction certaine.,
On comprend alors que cette dernière insinuation a
ébranlé le courage de Chave. L e sieur de Bannes prend
aussitôt le registre des actes, y efface quelques mots, en subs
titue d’autres, et remet une plume à Chave : une seconde
résistance amène de nouvelles violences. Il fait enfin ce
quTon exige j il signe.
•
l
-
f
n
I
■' . i
j
.
. ••
/
�C4 )
En sortant de chez le ‘maire , *les satellites le inènëht ait
cabaret, se font donner à boire, le forcent à payer, mettent
Fehfant dans ses bras , lùi font les plus horribles- hlenaces^
s’il.dit un mot ; et èe'retirënt.
' Sans doute il’mâîiqùë'à.'ces füits beaucoup de circons
tances importantes; mais' Chave , glacé d’épouvante r
étoit-il1libre rde réfléchir'? La plupart de ces détails ont
échappé ;Ps;iJiVi^moirè/ou plutôt à son attention.
Enfin Chave, revenu de sdn étourdissement , put réflécliii* sûV lés cbn!st*qtfcnceâ‘ de 'Pacte'1qu’on vehoit de lui,
extorquer, ‘et ¿ur le p;a rti iju’il avoit» à prendre.-'
-:
X»a dém arche la plus pressée et la plus indispensable-,:.
ét6it‘id’é fsë d^ârraisier d e H ’innôceiitë* Créatü’re- qü’üriëmÔré'tdéniftüFéfe') avb itJire|é'tèc' ?dfe1^ës'^Biiàs^ pou r ’Pk'ban-i
donner aux soins d ’un étranger. Chave hésita «’ il las
rapj^brteroit1
, claris -la'1h u it,
la jp6rtexlés'Fert;ier!: cëpén-
darit lia r e lig io h ^ l’hündimit'é1, ‘peut-être- la térreUr pbuirlüi-Hlêittë / Péinipbrtëi’èht sur:son d'ég’cmt ,Jbt•il?1fït) '^drteifré iifa iit ;à.‘"iinfc‘ nourrice.., * 1'Ui5i'),: 1
" 10 t /;()V '
 ïaîs1a u s s it ô te t :en Signe* de sa pl&téstà tib ia il’ rendit
^ l'in te aii^juge 'de- paix d e'T én ce ; le juge^ ^ a ix lertÊiiroya au'magistrat'die 'sûreté : mais commë-wÇ|ainte*
etoit dirigée- ah^r'cOntre lé -¡Maire 7 ‘les autorités déli^
bérèrent¿t■
é
b,
: iî .
7 ’ne* itësôlüïehtr r
4î
Chave inquiet, et ne voulant pas'cjüe'sofr'¿{lfence put
déroger à son d ro it, sè décida- ;V citer, le 5 flol’éal iiri g ,
tant'Jeanne V alla' et'sa fille , que le maire Ihï -fncnie,
pour voir dire qu'il'kèrbit restitué contre la i'éiioniibissance dé paternité1qui ‘ltli‘ «voit été 6jitovipiéii!ipai;,'laviolence', et Ijùfe ïe maire seroit téüu de raycif du*registre
�( 5 )
ce qui çoEceVnoit' ladite ’ rèconnôissance y'èt la mere et
la fille pour être condaïnn^ès à Reprendre l’enfant, payer
ses alimens
chez la*1; '■nourrice
..avec
dommages-intéi’cts.
•
1. , j I J* : v“j ;
•
; J'
;
.' |
On pense bien .qu’au'bureau dé paix(la fille Ferrier
ne manqua pas de ¡faire, la réponse d’usage, qu’elle avoit
élé séduite et abusée sons promesse de mariage , et qu’elle
seroit en état de prouver les familiarités de Chave avec
elle j^cehii-cl l’on îdéfia^et¡ajouta même qu’il ofiroit de
prouver cëïtâ avèlc qui èïle avoitJeu fréquentation, i
T o u t cela étoit de trop de part et d’autre , puisqu’il
n’est permis de rien prouver ; et la fille Ferrier ne1
risquoit rien à faire bonne contenance. Quoi qu’il cri
soit, un premier jugement,' du 28 pluviôse an 10, mit
le inaire hors de procès, comme ne pouvant etre’ juge
sans autorisation , et appointa les autres parties en cjroit.
Cet appointement lie fburiyt’ pas plus d’eclaircissc-ment. Chave' persista toujours à offrir la .preuv.ç’ de la
violence exercée contre lui : et les femmes F errier, q u i,
y -ii.
■ -r"
•
’ . ' •
'.i;
.1. ■ i-.
au bureau de paix , n aVQient paru avoir aucune crainte,
firent leurs bil’orts pour soutenir cette preuve inadmis
sible. Leur système.j)rovaîut'; et le 14 fructidor an 10^
le tribunUl d’Yssengeaux rendit le jugement qui suit. ***
<r C orisîU étfan tqu e l^ à rticl^ i'tìu ' titre 20 de ¡’o rd o n n a n ce d e î GGj
ddfèttd’ ‘d e recevoir la preuve; pai1tditaoins c o n tre et ou tre le c o n te n u
a n x i é t é s ) p u b lic s ; q u ’à la vérité; la f o r c e , l a v i o l e n c ô , Sont u n
iï)o^erypo;qr ,leS fa ire rescin d er * m ais q u 'e n ce cas il fa u t a rtic u le r
d^. m çn a ce ç!g ra v e s, q ui fe ro ie n t cra in d re p ou r la-vie metus mords,
ou q u e la p a rtie o b lig é e a u ro it s o u ffe r t ch arte p riv é jî, ainsi q u e
l ’en seign en t D o m a i en ¿es L o is éiv ile s,, et! P o lliie r en son T r a i t é
<ì«'si ¿l'j^tidh’ÿj
• - ü» .
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l'
c
il ?
.
u
�(S )
» Considérant que Jacques Chave n'a articulé qu’il lui ait été
fait aucune m çnace, ni qu’il ait été commis aucun excès sur sa
personne, ni dans son dom icile, ni dans celui du maire où il s’étoit
rendu pour reconnoilre pour lui appartenir l'enfant dont s’éloit
accouchée Isabeau Ferrier; et qu’étant dans ce dernier dom icile,
il pouvoit articuler sans crainte les excès ou menaces qu’il auroit
éprouvés, contre ceux qui s ’en seroient rendus coupables envers
sa personne. »
Jacques Chave est débouté de toutes ses demandes tant princi
pales que subsidiaires, et il est condamné aux dépens.
r
Cependant Chave avoit offert expressément de faire
preuve de menaces et violences : ses écritures en font foi.
Il «toit privé alors d’un mo}ren important. L ’expédition
de l’acte de naissance produite aimé au procès, ne mentionnoit ni les surcharges ni les ratures ; elle étoit délivrée
par le sieur de Bannes, m aire, qui avoit trop d’intérêt
à, en cacher l’irrégularité' pour la faire soupçonner. A u
reste, Chave s’est pourvu en la cour contre le jugement,
et il sera question d’examiner de quelle influence la forme
de cet acte doit être pour la décision du procès.
M O Y E N S .
*
L ’ancienne législation française étoit extrêmement dure
contre les enfans naturels; et cependant, par .une étrange
inconséquence, elle admettait les preuves de patèrriité
sans distinction. Aujourd’hui la loi a fait pour -eux
davantage : mais sans vouloir percer le mystère qui
couvre leur naissance, elle rejette désormais les proba
bilités et les fausses conséquences ; elle ne voit dans
l’enfant né hors le mariage qu’une innocente créature
�( 7 )
digne de la pitié de tout le m onde, mais ne tenant à la
société que par celle qui lui a donné le jour. Si cepen
dant un homme , guidé par des apparences qu’il aie droit
d’apprécier lui - même , et cédant à l’impulsion de sa
conscience, veut se donner le titre de père , la loi le
lui permet, s’il n’est engagé dans les liens du mariage :
mais comptant pour rien aujourd’hui toutes les démons
trations extérieures, elle exige une déclaration authenti
que et non équivoque ; elle prescrit à l’acte une solen
nité plus grande que pour la naissance même de l’enfant
légitime.
, L ’intention du législateur étoit si claire, qu’elle a ôté
tout prétexte à l’astuce, et n’a laissé de voies qu’au faux
ou à la violence. Mais à qui peut être réservée l’une ou
l’autre de ces voies criminelles ? Ce n’est pas à la fille timide
q u i, rougissant encore d’une première foiblesse, et par
tagée entre l’amour de son enfant et la honte de sa naissance, n’en ose nommer le père que dans le secret de son
cœur, et se fait l’illusion de penser que le mystère dont
elle s’enveloppe la protégera contre l’opinion qui fait
son supplice.
Mais que feront ces femmes déhontées , qui ne voient
dans la prostitution qu’une h abitudedan s leur avilisse
ment qu’un état, et dans leur fécondité qu’un accident?'
Incertainesi elles-mêmes d’une paternité qu’elles déféroient
naguères suivant leurs convenances, elles n’en arrachoient
pas moins des sacrifices pécuniaires aux hommes qui leu r
étoient souvent les plus étrangers,, mais qu’épouvantoit
la perspective d’une honteuse et publique discussion. Si
on leur laisse entrevoir aujourd’hui une tolérance quel-
�. r , .................. ■. . .
W ) .................. . .
coriqué, que Tevar cou fera-t-il de tenter d\iutres voies pour
en venir aux mêmes fins?'Et s’ il est près de leur demeure
un citoyen paisible, qui, par ses mœurs douces et réglées,
puisse passer pour pusillanime, quelle difficulté y aura-t-il
de rejoindre adroitement que c’est là le coupable, d’inté
resser contre lui quelque personne crédule, de l’effrayer
lui-même sur les’ dangers de’ sa résistance, d’ameuter s’il
le faut ceux qui ont un intérêt réel au succès de la négo
ciation ! Jadis il falloit des témoins,1aujourd’hui il ne faut
qu’une simple signature; tout cela peut s’exécuter avec
rapidité : ce n’est qu’un changement de complot.
Heureusement cette rapidité même ne laisse pas au
criminel le calme de la réflexion: souvent ses fautes le
trahissent, et, quelques légères qu’elles soient, il faut les
compter avec scrupule; car on est bien assuré qu’elles ne
sont pas un simple résultat de’ sa négligence, mais qu’elles
ont échappé à l’excès de sa précipitation.
Ceux qui ont guidé la fille Ferrier dans ses démarches
n’ont pas visé à l’exactitude ; la cour en sera convaincue
bientôt par la forme de l’acte de naissance qui fait son titre.
Une seconde découverte la convaincra encore qu’il ne
s’ agit point ici de réparer, envers une fille séduite, des
torts que' la malignité suppose toujours. La fille Ferrier
a , le 20 prairial an n , donné une nouvelle preuve de
sa continence, en faisant baptiser un fils sous les auspices
de son frère et de sa m ère, que l’acte apprend môme avoir
été sage-femme en cette circonstance.
Il ne paroît pas que pour cette fois la mère et la fille
Ferrier aient jugé à propos de réunir un conseil pour
disposer du nouveau n é , et lui élire un père à la plu
ralité
�( 9 )
ïalitc des suffrages; il est vraisemblable que la précédente
tentative lesavoit intimidées. .
Q u oiq u ’il en soit, et soumettant cette découverte pré
cieuse aux réflexions de la co u r, l’appelant ne s’en occu
pera pas plus long-temps, et se contentera d’observer
q u ’il n’y a rien de légal dans la prétendue déclaration de
paternité qu’on lui a fait signer, et au surplus que les faits
<3e violences articulés suffiront pour la détruire. C’est à
l’examen de ces deux propositions que l’appelant réduit
sa défense.
i°. L a déclaration de -paternité ri est pas légale.
La loi du 12 brumaire an 2. s’occupoit de trois espèces
d’enfans naturels, après avoir décrété eu principe qu’ils
étoient successibles.
i°. Ceux dont le pèreétoit décédé, et il leur suffisoit
de prouver une possession d’état, par des soins donnés
à titre de paternité, et sans interruption ; 2°. des enfans
dont le père et la mère seroieut encore vivans lors du
Code c iv il, et leur état civil y étoit renvoyé; 30. de ceux
dont la mère seule seroit décédée lors de la publication
du C od e, et alors la reconnoissance du père, faite devant
l’officier public, rendoit l’enfant successible.
Il s’agit ici d’un enfant de la seconde espèce ; et le pré
tendu père , quel qu’il so it, de même que la m ère, sont
dits vivans.
O r , quelle nécessité, quelle urgence y avoit~il de
prévenir la publication du Code civil , en faisant faire
«ne déclaration que la loi ne demandoit pas, et qu’elle
B
�C i° )
ajournoit au contraire ? N ’apercevroit - on pas déjà le
dol dans cette extraordinaire prévoyance ?
D ira-t-on que le Code civil prescrit aussi une décla
ration authentique, et qu’on n’a pas violé la loi en la
devançant? Mais qui blâmera les législateurs de l’an 2 ,
d’avoir voulu prévoir que leur système ne seroit peutêtre pas celui du Code civil ? qui leur reprochera d’avoir
supposé que les dispositions de ce code seroient déli
bérées avec plus de m aturité, et de s’être défiés de leur
premier systeme sur une innovation aussi importante?
Ils voulurent régler le passé seulement ; et les débats
qui ont eu lieu sur la loi transitoire du 14 floréal an 11
nous apprennent assez qu’il n’y a eu , dans l’intervalle de
l ’an 2 à l’an 11 , 'aucune législation touchant les enfans:
naturels. Les bulletins de la cour de cassation sont aussi
remplis d’arrêts qui ont cassé tous les jugemens dans les
quels les tribunaux avoient voulu ré g le r, même provi
soirement , le sort de quelques enfans naturels , pendant
cette lacune de neuf ans.
Il ne pouvoit donc être question de fixer l’état de
l’enfant d’Elisabeth Ferrier qu’après le Code c iv il, dont
l’art. 334 porte que la reconnoissance sera faite par un acte
authentique, si elle ne l’a pas été par Pacte de naissance.
Mais fût-il indifférent que la reconnoissance contestée
¿lit été faite avant ou après le Code civil, malgré la sus
pension totale exigée par la cour de cassation ,-et rappelée
par la loi transitoire ; cette reconnoissance n’en est pas.
moins irrégulière} car elle n’est faite ni par Pacte de
naissance lui-mèm e, ni par un acte séparé authentique..
Voiei comment cet acte est littéralement écrit au registre*
�C II )
À'CTÏ
DE N A I S S A N C E .
n D u huitième four dit mois de germinal, l’an g de la répu
blique française. A cte de naissance de Jacques, f ili.e ( Ce mot
est effacé, et on y a substitué au-dessus , dans l ’interligne,
F e r r ie r , que Von a encore efface', et Von a écrit à côté C h a v e . ),
né hors de mariage, né le septième jour du mois de germ inal,
à sept heures du soir, fils d ’Isabeau F errier, non m ariée, domi
ciliée du lieu de la M arette, susdite com m une, et Isabeau Ferrier,
non mariée; le sexe de l’enfant a été reconnu une ( On a couvert
d’encre la lettre e. ) f i l s , né hors de mariage : premier tém oin,
Jean-Pierre Ferrier, demeurant à C h am b o n , département de
la H a u te -L o ir e , profession de cultivateur, âgé de tren te-n euf
an s; second tém oin, Pierre R u e l, demeurant à C h am bon, dé
partement d e la H a u te -L o ire , profession de tailleur d’habits,
âgé de cinquante-quatre ans. Sur la réquisition à nous faite par
M arie R u e l, sage-fem m e de ladite accouchée, avons inscrit.le
sus-nommé Jacques F e rm e r ( Ce mot est raturé, et Von a mis
au-dessus, dans Vinterligne, C h a v e .) , portant l e nom de sa
mère ( Ces mots ont été rayés, et Von y a substitué ces mots :
l e nom du ri:nE. ) ; et ont la déclarante ne savoir signer, et les
témoins signé. F errier, R u e l, signé à Foriginal. »
u L ed it Jacques Chave père reconnolt ledit1Jacques son fils, de
» ladite déclaration de la présente, acte; le’ reconnoît pour son
» véritable fils, avoir droit à tous ses biens, en présence de Jean» Louis Riou. ( -{- Ic i est un renvoi. ) Constaté suivant la lo i, par
» moi A nn et de Bannes, maire de la commune de C ham bon, fai» sant les fonctions d ’officier public de l’état civil. Ledit maire
» approuve toutes les ratures ci-dessus. D e Bannes, maire, signé.
»
Et de Pierre C a llo n , et de Jean-Pierre Frescliet, et de Jean» Pierre Ferrier ; et dit Jacques Chave a signé avec les témoins.
’
B 2
�(
12
)
» O n t s ig n é , le d it P ie rre C a llo n a d é c la ré n e sav o ir s ig n e r , C h a y e ,.
n
R i o u , F r e s c h e t, F e r r ie r . D e B a n n e s , m a ire » sig n é . »
( N ota. L ed it renvoi est en marge, en travers. )
Pour copie figurée :
L e secrétaire général de la préfecturede la Haute-Loire ,
B A R R É S .
Il est aussi évident qu’il puisse l’ê tre , que cet acte se
Compose de deux parties bien distinctes , qtii ne sont pas
d’un même contexte , ne sont pas l’ouvrage du même
m o m e n t e t cependant ne sont pas deux actes absolu
ment séparés.
i°. Acte de naissance bien parfait et très en règle, d’ui*
enfant né d'Isabeau F e r rie r , sans mention du père*
O n lui donne le nom de sa mèi*e. Il y a deux témoinsde cet acte, Joseph Ferrier et Marie Ruel. L ’acte est
donc complet i le vœu de la loi du 20 septembre 1792
est rempli.
2°. Vient ensuite une déclaration de Chave, qui est à
la suite du premier acte, et qui a exigé des surcharges.
Mais peut-on , de bonne f o i , y voir un acte authen
tique , une reconnoissance de paternité telle que la loi
la commande et que la raison la conçoit ?
Cet acte n’a aucune date , parce qu’en effet il a eu lieu
le 21 germ inal, et a été ajouté a un acte terminé depuis,
le 8. Comment supposer en eflet que cette déclaration
finale fait partie de l’acte du 8? Les témoins dénommés au
premier ne signent pas la déclaration»
�( 13 )
On a rature et interligné le premier acte de naissance,
sans faire rien approuver aux premiers témoins. L e maire
seul approuve to u t, même ce qu’il lui plaii-a de raturer
encore; les autres tém oins, Chave lu i- m ê m e , ne font
aucune approbation. O r , il est de principe que les ratures
et interlignes sont inutiles dans les actes, s’il n’y a appro
bation des parties et témoins.
. Il est un autre principe élémentaire en rédaction d’actes,
quelque peu d’importance qu’ils aient, c’est que les témoins
dénommés en l’acte signent à la fin : ici la sage-femme et
le frè re, qui ont déclaré la naissance le 8 , n’ont pas signé
à la fin. Si c’est un seul et même acte, les uns Font signé
au m ilieu, et d’autres à la fin : chose bizarre et ridicule,
qui ne peut s’allier avec la gravité de l’acte qu’on prétend
maintenir.
Que p e u t-il résulter d’un acte de cette espèce, si ce
n’est de la pitié pour ses rédacteurs, et une conviction
intime que ce n’est pas Chave qui est allé déclarer la nais
sance d’un enfant comme s’en disant le père ?
L e but de la loi n’est donc pas rempli ; car dans quelque
forme que dût être une reconnoissance de paternité , il la
falloit dans l’acte même portant la déclaration de naissance,
ou bieta il falloit un acte particulier, daté lui-m êm e, et
qui ne fût pas rédigé dans une forme ayant pour but de le
rattacher à un autre acte, auquel il ne peut appartenir.
Car rappelons-nous que l’article 334 du Code civil d it
que la reconnoissance sera faite par l’acte de naissance,.
ou par un acte athentique ; à quoi l’article. 62 ajoute que
Pacte de reconnoissance sera inscrit sur les registres ¿1 sa
d ote, et qu’il en sera lait mention en marge de lVcte de
naissance..
�(( H l
RappelonsHnous encore que le but bien positif de la loi
est de ne compter pour rien les reconnoissancesantérieurea
au cod e, quand l’auteur est vivant. Il en est de cela comme
des testamens antérieurs à l’an 2, qu’il falloit refaire pour
les circonscrire dans les termes du droit' nouveau. La loi;
a eu ici un but plus .moral : les changemens apportés au
système passé justifient sa mesure dilatoire.
E t ne nous abusons' pas sur l'importance, des formes
dans une matière aussi délicate; : on est si scrupuleux
pour tant d’autres actes! Uri,seul mot équivoque en un
testament, détruit toute la volonté d’un père de famille-;
une donation exige encore des formes plus multipliées.
Ces actes sont-ils donc aussi importuns que celui où il s’agit
de transmettr^son nom et sa fortune ;,où il s’agit de plus
encore, de vaincre l’opinion et de surmonter sa propre
répugnance ? D ’ailleui's , pourquoi ne pourrions - nous
pas dire pour un tel acte ce que Ricard dit des testamens,
« que toute leur force consiste dans leur solennité, et toute
« leur solennité consiste dans les formes ? »
A ujourd’hui il faut y ajouter, une vérité bien certaine,
c’est que la seule supposition qu’un homme est tenu et
obligé de se charger d’un enfant naturel sans sa libre
vo lo n té, est incompatible avec le système indubitablement,
reçu sur la législation des enfans naturels,
)
O
20. Cette déclaration de 'paternité est nulle , s’il y a
violence. L e s J'aits articulés suffisent. Z,a preuve en
est admissible.
On est extrêmement sévère dans le monde pour juger
�( i 5 '}
des effets de la peui’ d’autrui ; e t , quand on en com
mente les particularités, on détaille très-ponctuellement
la conduite qu’on auroit tenue en pareille occurrence.
Cependant rien n’est plus difficile à régler pour soi-même;
car, en deux cas semblables , le même individu se con
duiront rarement deux fois de la même manière. Mais
celui qui raisonne ainsi est de sang-froid , par cela seul
qu’il raisonne; tandis que le premier effet de la terreur
est d’absorber toutes les réflexions , pour ne laisser place
qu’à une seule idée dominante, la conservation de soi-même.
Quelques auteurs, partageant sur ce point les idées du
vulgaire, sembleroient aussi se montrer difficiles à ad
mettre la plupart des excuses fondées sur la crainte. Il
faut distinguer, disent-ils, la crainte grave et la crainte
légère , et on ne peut trouver de moyen rescisoire que
•dans celle qui suiïiroitpour ébranler la fermeté de l’homme
le plus intrépide, metus non vani horninis , sed q u i in
hominem constantissimum cada t, 1. 6 , ff. Quod metûs
causâ.
Ces auteurs, s?en tenant à une loi isolée démentie par
«■beaucoup d’autresy n’ont pas voulu apercevoir, dans cette
rigueur étrange, un monument de la fierté romaine plutôt
qu’une règle générale. Ce peuple, qui avoit détruit le
temple élevé parT ullus à la Crainte, n’étoit, en la pros
crivant par ses lois, que conséquent avec ltii-même. Sons
un système de conquêtes sans bornes, et avec une consti
tution toute militaire, quel romain pouvolt alléguer une
crainte légère! Elevé dans les camps, son excuse même
•eût consacré sa honte , et la'loi étoit rigoureusement juste«n exigeant de lui l’intrépidité d’un soldat.
'
�( 10 )
La France militaire ne réprouvera pas cette législation
sévère; elle l’eût créée elle-même, s’il falloit un code au
courage. Mais les actes civils des simples particuliers ne
se x'ègleut pas par des maximes nationales; la théorie
principale des lois consiste à les approprier aux mœurs
de ceux quelles doivent régir.
Gardons-nous donc de l’exaltation , quand elle est hors
de mesure; ne nous obstinons pas à trouver un Scévola
dans un laboureur tim ide, qui ne connut depuis sa nais
sance que sa charrue et le hameau de ses pères.
Les auteurs les plus judicieux du droit n’ont eu garde
aussi d’appliquer sans distinction la sévérité des principes
romains. D om at surtout, î\ qui les premiers juges ont fait
l’injure de prêter une opinion si contraire à son discer
nement , D o m at, dont l’ouvrage immortel n’est que le
précis des lois romaines, bien loin de se fonder sur la
, loi 6, ne la signale que pour en blâmer la rudesse.
« Nous avons vo u lu , dit-il, rétablir les principes na« turels , et rendre raison de ce que nous n’avons pas mis
« cette règle du droit romain parmi celles de cette sec« tio n .........Toutes les voies de fait, toutes les violences,
c( toutes les menaces, sont illicites ; et les lois condam« nent non-seulement celles qui mettent en péril de la
« vie ou de quelque tourm ent, mais toutes sortes de
« voies défait et mauvais traitemens. Et il faut remarquer
« que comme toutes les personnes n’ont pas la même
« fermeté pour résister à des violences et î\ des menaces,
« et que plusieurs sont si foibles et si tim ides, qu’ils ne
« peuvent se s o u t e n i r contre les moindres impressions,
« un ne doit pas borner la protection des lois contre les
• « menaces
�( *7 ) '
menaces et les violences, à ne réprimer que celles
qu i sont capables d'abattre les personnes les plus
intrépides ; mais il est juste de protéger aussi les plus
timides...........
« Il est très - juste, et c’est notre usage, que toute
« violence étant illicite, on réprime celles même qui
« ne vont pas à de tels excès, et qu’on repare tout le
ce préjudice que peuvent causer des violences qui enga« gent les plus foibles à quelque cliose d’injuste et de con
te traire à leur intérêt : ce qui se trouve même fondé sur
« quelques règles du droit ro m ain ...........et ces règles
* sont tellement du droit naturel, qu’il ne pourrait y
« avoir d’ordre dans la société des hom m es, si les
« moindres violences n'étaient réprimées. >3 ( Sect. 2,
des vices des conventions , préambule. )
Il est peut-être inutile, après avoir cité Domat, de faire
d’autres recherches -, mais les premiers juges ont encore
fait l’injure à Pothier de lui prêter des principes qui ne
sont pas les siens.
Cet auteur cite les lois romaines, et par conséquent
les rappelle telles qu’elles sont. Mais il termine son
article de la crainte par dire que « le principe qui ne
ce connoît d’autre crainte suffisante pour faire pécher un
cc contrat par défaut de liberté, que celle qui est capable
« de faire impression sur l’homme le plus courageux, est
cc trop rigide, et ne doit pas être suivi parmi nous à la
cc lettre ; on doit, en cette m atière, avoir égard à Page,
« au sexe et à la condition des personnes (1) ,* et telle
«
«
«
«
(^Expressions copiées mot pour mot en Fart. 1112 du Code civil.
c
�C iS )
« crainte qui ne seroit pas jugée suffisante pour avoir
« intimidé l’esprit d’un homme d’un âge mûr ou d’un
« militaii’e , et pour faire rescinder le contrat qu’il aura
« la it , peut être jugée suffisante à l’égard d’une femme
« ou d’un vieillard, etc. » ( Traité des obligations,
page i re. , chap. I er., n°. 2 5 , in fin .)
Si l’opinion respectable de ces auteurs avoit besoin d’être
fortifiée par d’autres citations, on les puiseroit dans les lois
romaines elles-mêmes, qu’il ne faut pas juger par un
fragment unique, et qui, au contraire, nous enseignent
ce que Domat et Pothier viennent de nous apprendre.
T out consentement doit être lib re, disent plusieurs
lois; et, pour être restitué, il n’est pas besoin d’une vio
lence corporelle, mais seulement d’une crainte inspirée
à celui qui contracte; quoad justam restitutionis eau-,
sa/n niZiil refert utràm vi an metu quis cogatur. . ..
et quoad effectuai ju ris utrobi deest coiisensus, ac
libéra voluntas patientis, utveUe non vide a tur. L , 1 , 3 ,
7 et 8, ff. quod met. C. L . 116 , de reg.jur. ( in Corvino. )
Ces lois étoient bien moins dures que ne l’ont sup
posé les premiers juges; car elles ordonnoient de recevoir
la preuve de la crainte, quand même Chave auroit été
hors d’état de désigner aucun de ceux qui la lui avoit
inspirée; non tarnen necesse est designare personam
quœ metinn in tulit, sed sujjficit p r o b a r e metum, quia
metus habet in se ignoranham. I .
cod.
E nfin, ce qui achève de convaincre que ces lois savoient
aussi se mettre à la porlée de la foiblesse des hommes,
c’est qu’elles expliquent qu’il n’étoit pas nécessaire de
prouver l’cxisteiicc d’uu danger réel , mais seulement
j
�( 19 )
la crainte de ce danger, qui en effet devoit détruire le
consentement. S i causa fu isset, cur periculurn timeret j ’
quamvis periculurn verb non f u is s e t . . . . non consideratur eventus, sed justa opinio. L . 14. j f . eod.
L e tribunal d’Yssengeaux avoit donc un guide bien sûr.
A u lieu d’adopter l’antique rigueur d’une loi oubliée par
les Romains eux-mêmes , il a jugé que la crainte inspirée
à Chave n’avoit pas été un m otif suffisant pour le con
traindre ; et cependant il ignoroit jusqu’à quel point
Chave avoit été contraint ou menacé ; il l’ignoroit et a
voulu l’ignorer toujours, en refusant de s’éclairer par une
preuve : cependant les faits articulés étoient graves. Chave
oiïroit et offre encore de prouver ces faits articulés , et
notamment, x°. que le 21 germinal les frères Ferrier et
d’autres hommes armés de bâtons sont venus chez lu i;
2°. qu’ils l’ont forcé de se lever et de les suivre, en lé
menaçant; 30. que chez de Bannes ils se sont opposés à
toute explication, l’ont injurié, menacé et frappé; 40. que
de Bannes l’a pris à part pour l’exhorter à céder à la lorce
et éviter un plus grand mal ; 5 °. qu’on l’a forcé de venir
dans un cabaret, où on lui a remis un enfant, avec de'
nouvelles menaces.
. . . . . . . .
M ais, a dit le tribunal d’Yssengeaux, Cliave, sorti de
sa maison et conduit chez le maire, pouvoit réclamer.
Ce seroit une réflexion bien naturelle, si les faits même
de la cause n’étoient déjà venus la détruire ; car ce maire
lui-même étoit si peu disposé à user de son autorité ,
qu’il est difficile de ne pas le juger au contraire intéressé
à l’événement.
Mais à quelle protection., il fout le dire, auroit pu
�(r 20 )
s’attendre un malheureux à la merci de cinq individus,
dans le domicile isolé d’un maire de village? Battu à ses
yeu x, Cliave pouvoit-il se croire dans un asile inviola
b le ? L e maire lui-même, l’exhortant à céder à la force,
mettoit le comble à sa terreur, etdéclaroit, ou sa propre
com plicité, ou au moins son impuissance.
L ’acte le moins important de la vie seroit vicié par une
semblable violence , à plus forte raison celui de tous les
actes le plus incompatible avec la moindre coutrainte. Un
père de famille a contracté un engagement sacré envers
ses enfans par son mariage; mais celui-là même qui
auroit proci'éé des enfans naturels, ne tient à eux par
aucun lien civil : son honneur et les sentimens de la
nature deviennent leur unique titre , si la paternité lui
a semblé certaine. Les enfans naturels n’ont point de
famille ; tel est le langage de la loi : elle ne veut pas qu’ils
çn aient une. Quand leur père se nommeroit hautement
dans le monde, il ne seroit tenu à rien; la loi lui permet
seulement de se déclarer tel par un écrit libre et authen
tique : forcer sa volonté seroit donc se croire plus sage
qu’elle.
Mais si la loi n’exige rien d’un père , si elle consi
dère comme un vice moral de lui donner un lils que
sa propre volonté cependant n’a pas désavoué , peut-on
soutenir l’idée révoltante qu’un homme sera contraint
malgré lui d’adopter un enfant dont il n’est pas le père?
Qui lui donnera la force de supporter, dans sa de
meure, la vue habituelle d’une créature si étrangère,
placée là pour sa honte im muable, sans aucune com
pensation, satisfaisahte ? et qui oseroit répondre que dans
�( 21 )
cette situation de désespoir, aigri par un sentiment d’in
justice , il pût assez maîtriser une fureur convulsive,
qui seroit tout à la fois le tourment de l’innocence et
son propre supplice ?
Eloignons plutôt de vagues suppositions fondées sur une
pure chimère. L a prévoyance des magistrats distinguera
la vérité et les convenances , et éloignera d’aussi sinis
tres présages. On ne donne point à un homme l’enfant
qu’il repousse avec mépris , quand la loi n’en fait pas
un devoir. La cour doit prononcer ici sur les consé
quences d’un acte lib r e , et tout prouve qu’il n’y a pas
eu de liberté dans celui qui donne lieu au procès. Chave,
conduit par la forçe , menacé dans sa ro u te, a signe?
sous le bâton; et, pour se sevvir des expressions de Doinat,
§i un consentement de cette espèce étoit jugé valide , ce
seroit un attentat au droit naturel ; il n’y auroit plus
d’ ordre dam la société des hommes.
La conduite d’Isabeau Ferrier , l’époque de ses cou
ches, c’est-à-dire, de celles qui donnent lieu au procès,
le choix de ses croupiers, le lieu de la scène, la cir
constance qu’un acte de naissance a été changé, etc., tout
cela donneroit lieu à des réflexions beaucoup plus éten
dues , mais qui seroient oiseuses, tant que la preuve
de la violence ne sera pas ordonnée.
Cette preuve, sans contredit, e§t admissible; aucune
ordonnance ne la prohibe ; et ce qui étonne, c’est que
les premiers juges n’aient pas voulu prononcer en connoissance de cause.
Il est possible que la malignité toujours avide de calom
nie , et toujours difficile àdétrçynper, prétende que Chave
�( 22 )
n’a pas été tout à fait innocent envers Elisabeth Ferrier
de ce dont on l’accuse : mais il en prend le ciel à témoin,
cette femme lui fut toujours étrangère.
C h ave, maître de ses actions , célibataire, feroit sa
jouissance principale de se voir revivre dans un fils qu’il
croiroit le sien ; à son âge, et avec ses principes religieux,
il s’en feroit un devoir. Ces deux puissans mobiles ne
peuvent donc être vaincus que par quelque chose de
plus puissant encore , une conviction intim e, une insur
montable répugnance.
Il ne demande pas à être cru sur parole ; et si son
premier moyen ne suffit p a s, il offre la preuve des vio
lences qui l’ont forcé à donner sa signature : et certes,
quand la cour se sera assurée que Chave a été forcé de
sortir de son dom icile, mené chez le maire par cinq
hommes , menacé et battu , elle appréciera alors toute
la valeur d’une signature donnée dans de telles circons
tances ; et lo rsque la vertueuse Elisabeth Ferrier sera
convaincue qu’il ne lu i est plus libre de faire de sa pro
géniture une charge publique, peut-être s’efforcera-t-elle
de mettre un terme à sa fécondité et au scandale de sa
conduite.
M . G I R O T , rapporteur.
M e. D E L A P C H I E R , avocat.
M e. M A R I E , licencié avoué.
A R IO M , de l'imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
C our d ’appel. — Therm idor an 13.
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chave, Jacques. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Girot
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
reconnaissance de paternité
Description
An account of the resource
Mémoire pour Jacques Chave, appelant ; contre Jeanne Valla, et Elisabeth Ferrier, sa fille, majeure, intimées.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1801-Circa An 13
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0307
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0705
BCU_Factums_G1502
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53755/BCU_Factums_M0307.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chambon-sur-Lac (63077)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
reconnaissance de paternité
-
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93867ad41ff4b0b9ff94236e6ab2518c
PDF Text
Text
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2SS*
l r e . SECTION.
C O I F F I E R , docteur-médecin, et Ajuger
C l a u d e C H A L A M B E L , son gendre, le aoûtappelans d’un jugement du tribunal du Puy ;
u l i e n
C O N T R . E
GARDE , p rop riétaire,
B a r th é le m i-F e r r é o l
intimé.
----------“
tt<*éu
DE R I OM .
-----------
~
Une femme grevée de substitution a-t-elle pu instituer
/* s S f r * d
esétrangers? Les lois de 17 9 2 , abolitives des substitu/ ^ ^ ^ T L i o n s , en la rendant propriétaire non grevée, ont-elles
validé ses institutions antécédentes?
Etienne Galien et Françoise Reynaud ont eu cinq filles;
savoir, Marianne, qui épousa Jean Fontane, dont est
y.
issue la dame Coiffier, Françoise, Magdeleine, Gabrielle
e t A n n e L e s deux dernières ont été faites religieuses.
2
L e 4 m a i 1 7 3 3 Etienne Galien fit son testament. Il
'I
'
légua 4000 fr. à ses filles.
:
Il institua Françoise Reynaud, sa femme , son héri!
/n n
/ tière, a la charge de remettre l’hérédité à l’une de ses
<riquatre filles puînées, quand elle voudroit. E n cas de non
remise , il désigna Françoise.
A
�Il évalua son mobilier 4000 francs, et prohiba tout
inventaire.
En fin, il légua à sa femme la jouissance de ses biens
jusqu’à ce qu’elle eût fait remise de l’hérédité : il lui légua
aussi la plus-value de son mobilier.
Six jours après, Etienne Galien lit un codicile, par
lequel il déclara qu’il n’entendoit pas excepter Marianne,
sa fille aînée, de la remise de son hérédité.
Il déclara qui si celle à qui devoit échoir cette héré
dité mouroit sans enfans, ou scs enfyns avant la puberté r
il entendoit qu’elle ne pût disposer de l’hérédité en
faveur d’aucune personne étrangère , et qui fût hors sa
ligne, mais bien en faveur de ses sœurs, la primogéniture observée.
f
Etienne Galien mourut aussitôt après ces actes; et par
testament de 1749, Françoise Reynaud , sa veu ve, remit
la succession Galien à Magdeleine Galien, qu’elle institua
aussi son héritière.
L a dame Magdeleine Galien contracta mariage avec
Balthazard Pauze, le 7 novembre 17 5 4 ; et oubliant déjà
la nature de son titre, elle institua son futur époux héritier
de ses biens; à la vérité elle ajouta la clause suivante r
« et ce, au cas où elle décéderoit sans faire d’autres dis « positions valables, ou avoir des descendans, sansa cependant que ladite institution puisse^nuire ni préju« dicier à ses volontés. »
Bientôt elle eut l’occasion qu’elle s’étoit réservée; elle
se crut en d a n g e r de mort, et rédigea un testament olo
graphe, par lequel elle nominojt héritière la dame Foutane, sa sœur.
�(
3)
Mais sa destinée étoit de faire beaucoup d’actes inutiles;
elle a survécu quarante-cinq années à ce testament.
L e 23 octobre 17 9 0 , le sieur Barthélexni Garde, partie
adverse, neveu du sieur Pauze, contracta mariage avec
une demoiselle Vissaguet.
L e sieur Pauze, qui n’ignoroit pas le vice de l’insti
tution de 17 5 4 , et qui vouloit s’assurer quelque chose,
institua et fit instituer par Magdeleine Galien, sa femme,
le futur pour leur héritier commun.
Mais ce fut à deux conditions; la première, que le
survivant des deux instituans jouiroit des biens des ins
titutions; la deuxième, que luiBalthazard Pauze touche
rait la dot de la futui’e, sans être tenu à la rembourser.
Magdeleine Galien est morte sans postérité le 1 1 nivôse
an 8.
Balthazard Pauze, son m ari, lui a survécu, et a joui
de ses biens.
Les héritiers de la dame Fontane le voyant en pos
session, et ignorant l’institution de 179 0 , l’ont d’abord
assigué en remise de l’hérédité, en germinal an 8.
L e sieur Garde a été ensuite appelé, et il a été pris
contre lui des conclusions en nullité de tous les actes par
lui opposés.
Leurs moyens étoient fondés sur ce que la substitution
I733 avoit ôté à Magdeleine Galien tout pouvoir
d’instituer jusqu’en 17 9 2; et qu’après cette époque, elle
n’avoit fait aucun acte qui transmît sa succession.
Cependant le tribunal du Puy a débouté le sieur Coiilier
de ses demandes, par jugement du 16 pluviôse an 12 , dont
est appel.
A 2
�(
4)
M O Y E N S .
De trois institutions qu’a faites la dame Pauze, une
seule auroit été dans l’intention des testamens de 17 3 3 ;
c’est celle de 1756 : car la dame Pauze, décédant sans
enfans, devoit remettre les biens de son père à sa sœur.
Mais le sieur Coiffier n’a fait aucun usage de ce testament.
Il reste donc deux institutions qui s’entre-détruisent,
et que cependant le sieur Garde appelle au secours l’une
de l’autre : car s’il n’est pas héritier direct de la dame
Galien en 1790, il veut au moins retrouver sa succes
sion dans celle du sieur Pauze, héritier en 1764.
Mais comment le sieur Pauze auroit-il été valable
ment héritier de sa femme en 1764? elle n’entendoit rien
lui assurer, puisqu’elle se réservoit de disposer; puis
qu’elle n’entendoit pas que cette institution pût préjudicier à ses volontés.
Une institution ne donne pas une chose- présente ,
mais il faut qu’elle donne au moins une espérance irré
vocable : sans cela elle n’existe plus, car elle est aussi
une donation de succession et du nom d’héritier. O ï,
donner et retenir ne vaut.
L e sieur Pauze ne comptait pas lui-même sur cette
institution, puisqu’il a autorisé sa femme, en 17 9 0 , à
en faire une autre. On ne peut alléguer pour lui de ci’ainterévérentielle : il étoit le chef de la puissance maritale ; il
autorisoit l’institution..
Voyons donc si la dame Pauze a pu valablement ins
tituer en 1790,
�m( 5 )
Depuis 17 3 3 elle étoit grevée de substitution envers
une de ses sœurs ; il lui étoit défendu d’instituer un
étranger. O r, celui qui accepte un don conditionnel ne
peut s’affranchir de la condition.
On objecte que la dame Fontane étant décédée avant
la dame Pauze, n’a pas transmis îl ses enfans l’espoir de
la substitution, d’après l’art. 20 de l’ordonnance de 1747.
Mais l’article 55 du titre 2 porte que pour les substitu
tions antérieures on suivra les lois, et la jurisprudence qui
avoit lieu. O r , les biens de la succession sont situés dans
le parlement de Toulouse, où on a toujours jugé que
les substitutions passent, en cas de prédécès, aux enfans
de l’appelé. L e statut est réel ; et dès-lors les enfans de
la dame Fontane ont été saisis après elle de la substitu
tion. ( Furgole, sur l’art. 20 , injine. )
On objecte encore que la substitution de 17 3 3 est
nulle , faute de publication et enregistrement.
Mais c’eût été à Magdeleine Galien à remplir ces formes.
Celui qui se dit son héritier fait valoir ici un moyen
étranger, proscrit par les articles 32 et 34 du titre 2 de
l’ordonnance de 1747•
Magdeleine G alien, qui avoit accepté une succession
grevée, étoit donc dans l’incapacité absolue d’en disposer
autrement que dans l’intention du testateur, et surtout
d’en disposer contre sa prohibition.
Les aliénations qu’elle eût faites à de tierces personnes
auroient v alu , parce qu’elles auroient acquis de bonne foi?
n’y ayant pas eu de publication.
Mais un don quelconque, ù titre universel, n’a pas la
�( 6 )
même faveur. Magdeleine Galien n’en avoit pas le droit;
et son prétendu héritier, s’identifiant avec elle pour la
succession, ne peut en sépai-er ses intérêts pour faire
valoir des moyens étrangers.
Ainsi Magdeleine Galien n’étant pas , en 17 9 0 , pro
priétaire des biens substitués, n’a pas pu, à cette époque,
les comprendre dans son institution.
A cela on objecte que la loi du 14 octobre 17 9 2, en
supprimant les substitutions , l’a rendue propriétaire. O r,
ajoute-t-on, comme une institution n’est qu’un testament
irrévocable, l’effet ne s’en règle que par le décès : elle a
donc pu tester valablement d’une chose qu’elle n’avoit
pas, pourvu qu’elle l’eût à son décès.
L e moindre défaut de ce raisonnement est d’être fondé
sur une base fausse et captieuse.
Une institution n’est pas un testament ; c’est , dit
D elaurière, un don irrévocable de succession ,• et cette
définition est adoptée universellement.
L ’institution participe de la donation entre-vifs et de
la donation à cause de m ort; si elle n’avoit qu’un seul
de ces caractères, elle seroit dénaturée.
A in si, quand les lois ont prohibé aux pères d’avan
tager leurs enfans, une institution auroit été nulle de
plein droit, parce qu’un père ne pouvoit rien assurer
entre-vifs; il ne pouvoit pas alors faire un don irrévo
cable de sa succession.
De même Magdeleine Galien, enchaînée par une subs
titution , n’a pu disposer des biens grevés qu’après le 14
octobre 1792 ; mais elle n’a pas pu faire un don irrêvo -
�m
cable de ce qui s’en trouvèrent lors de l ’ouverture de sa
succession.
L a loi du 18 pluviôse est absolument dans ce système:
car l’article i er. ne maintient les institutions antérieures
au 7 mars 17 9 3 , en ligne directe, qu’en tant que ce sont
des actes irrévocables de leur nature. Elle ne valide
point du tout les institutions postérieures à la prohibi
tion, parce qu’alors un pore ne pouvoit pas instituer,
même en survivant aux lois prohibitives.
L e sieur Garde ne peut se créer un moyen qu’en com
parant son institution à un testament : il a raison; mais
cela seul le condamne sans retour.
Ce testament, qu’il est impossible de dire irrévocable
pendant la substitution , contient une disposition uni
verselle.
Il devoit donc être refait d’après la loi du 22 ventôse
an 2 , parce que la dame Pauze a survécu à sa publi
cation. II ne l’a pas été : donc la disposition antécédente
est radicalement nulle.
Enfin, on ne voit aucune apparence de liberté dans cette
institution, et tout prouve que la dame Pauze l’a ignorée.
Une signature fugitive, extorquée on ne sait comment,
pour une simple procuration, afin d’éviter la solennité
d’un contrat de mariage, est déjà un motif de suspicion.
Et quand on voit le sieur Pauze s’adjuger un usufruit
et la dot de la lu turc sans remboursement, 011 voit qu’il
dicte les conditions.
O r, son domicile étoit en coutume d’Auvergne. Ce
�(8),
statut régissoit la personne des époux, et prohiboit tout
don de la femme au m ari, directement ni indirectement.
Peut-être bien le sieur Pauze n’espéroit-il pas survivre
à son neveu, mais il prenoit des précautions actuelles.
L e premier bénéfice de l’institution étoit pour lu i, et
dès-lors la loi étoit violée.
En résumé, la dame Pauze a fait ce qu’elle ne pouvoit
pas faire, et n’a pas fait ce qu’elle pouvoit faire. Quand
elle a institué le sieur Garde, elle n’a pu lui donner que
ses biens personnels ; elle n’a pu lui assurer des biens
substitués, dont il lui étoit défendu de disposer au préju
dice des siens. Lorsqu’ensuite la substitution a été éteinte
en 17 9 2 , elle auroit pu en disposer, et elle ne l’a pas fait.
Les moyens de droit se réunissent donc aux circons
tances pour anéantir l’effet d’une institution évidemment
subreptice, ignorée peut-être par l’instituante, faisant
violence à la volonté d’un père qui eût réglé autrement les
affaires de sa descendance ; institution, enfin, qui blesse
les principes et les convenances, en trompant l’intention
d’une famille, pour faire passer tous ses biens dans une
famille étrangère.
«
M . B O N A R M E , rapporteur.
M e. D E L A P C H I E R ,
avocat.
M° . M A R I E , licencié avoué.
A R IO M , de l’imprimerie de L
andriot,
seul imprimeur d e l a
Cour d’appel. — Août 1806.
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Coiffier, Julien. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bonarme
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
coutume d’Auvergne
Description
An account of the resource
Précis pour Julien Coiffier, docteur-médecin, et Claude Chalambel, son gendre, appelans d’un jugement du tribunal du Puy ; Contre Barthélemi-Ferréol Garde, propriétaire, intimé.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1733-1806
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0308
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Germain-Lembron (63352)
Rights
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Domaine public
Relation
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coutume d’Auvergne
Successions
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53757/BCU_Factums_M0309.pdf
7997aa8c4193bd63b1576a3216b72e68
PDF Text
Text
M
É
M
O
I
R
E
P O U R
M a rg u erite
CO U G U ET-FLO R AT,
d e R e y r o l l e s , in tim é e ;
v e u v e d u sieur
COUR
C O N T
D ’a p p e l
DERIOM.
R E
.
MA IG N E , se disant aussi veuve
dudit ____
sieur R
, appelante.
Ca t h e r i n e
de
eyrolles
l re. SECTION.
L A demoiselle Maigne n’est pas satisfaite d'avoir usurpé une
grande fortune, et empoisonné la vie d'une malheureuse épouse;
elle ose lui disputer encore un titre respectable reçu aux pieds des
autels, et opposer une formule révolutionnaire et illégale au plus
sacré des engagemens. L e désir de tout contester à son adversaire
l ’a aveuglée et jetée dans cette inconséquence. Pour exposer sa haine
devant les tribunaux, il lui a semblé doux d ’y être en scène ellemême; et elle n ’a pas craint, dans son propre pays, de livrer sa
vie toute entière à de pénibles souvenirs.
Une première tentative devoit la convaincre que la passion n ’est
pas le plus sûr des guides. Condamnée par les juges qui la connoissoient le mieux, elle avoit lieu de croire qu’un système de calomnie
ne prévaudroit pas contre les principes, et qu’une cour supérieure,
gardien naturel des lois de l’empire, ne porteroit pas légèrement une
atteinte dangereuse au lien sucré du mariage, le premier fondement
des sociétés civiles.
La dame de Reyrolles avoit été justement indignée du genre de
défense d’abord adopté par la demoiselle M a ig n e , et son premier
A
�( 2)
mouvement avoil été d’user d’une représaille bien légitime. Plus en
état que personne , dans sa triste position , de rendre compte
des faits et gestes de sa rivale, elle n ’avoit rien tu de ce qui la tourrnentoit depuis tant d’années , et il lui paroissoit consolant de la
jtoursuivre encore, comme un remords vengeur, de la forcer à
sentir le poids de son opulence, et de mériter enfin une haine
qu’elle ne provoquoit pas.
Cependant la dame de Reyrolles a réfléchi que cette jouissance
décevante n ’étoit pas digne de la majesté de la cour ; en consé
quence elle s’est fait un devoir scrupuleux d’écarter de son récit
toutes les épisodes étrangères à ses moyens. L a réclamation d ’un
état civil présente d’ailleurs trop d’intérêt par elle-même, pour que
cet intérêt soit sacrifié à des personnalités et à une stérile vengeance.
L e mariage est-il un contrat d ’ordre public; c’est-à-dire, une
femme sous la puissance maritale a-t-elle p u , après un divorce
nul, traiter irrévocablement avec son mari? et si le mariage n ’étoit
pas légalement dissous, a-t-elle pu consommer cette dissolution
par un acte privé ?
T elle est la principale question de cette cause; et il faut avouer
que sans cette espèce de vandalisme philosophique, qui a brouillé
long-temps toutes les idées morales, on rougiroit de la trouver difficultueuse. Mais avec la gloire du nom français renaissent de jour
' en jour ces antiques maximes, dont nous n ’avons éprouvé l’ébran
lement que pour sentir les funestes conséquences de nos vicissitudes.
Aujourd’hui le mariage, placé sous l’égide de la religion et sous la
sauve-garde de la magistrature, a reconquis sa dignité primitive;
et tout ce qui tend à la maintenir retrouve dans les tribunaux une
protection salutaire, indépendante des personnes et des circons
tances.
f a i t s
.
L a dame C o u g u e t - F I o r a t contracta mariage avec l e sieur de
Reyrolles, médecin, le 7 novembre 1774, et se constitua en d o t
ses biens échus et à échoir, c’est-à-dire, qu’elle donna plein pou-
�(3 )
voir à son cpoux de rechercher et régir une fortune inconnue à
elle-même. L e contrat mentionne la stipulation d’un douaire, et
autres avantages matrimoniaux.
Les premières années de ce mariage furent heureuses. Devenue
m ère, et possédant toute l’affection de son époux , la dame de
Reyrolles étoit loin de prévoir que cette félicité seroil détruite par
une femme qui alors ne lui sembloit nullement à craindre, et que
le sieur de Reyrolles paroissoit juger avec rigueur.
L a destinée de la dame de Reyrolles en disposa autrement, et
bientôt elle se convainquit que les goûts des hommes ne se règlent
pas toujours par leur estime. Dans sa fierté , elle abandonna un
époux parjure, à sa nouvelle conquête, et se retira chez la dame
de F lo r a t, sa grand’mère.
Cet éclat, imprudent peut-être, tourna tout entier au profit de
sa rivale; la dame de Fxeyrolles fut privée de tout secours, de ses
bijoux ; et poussée d'infortunes en infortunes , pour obtenir six
louis de son époux , il exigea qu’elle les reçût de la demoiselle
Maigne. T e l étoit, après dix ans de mariage, l’humiliation à laquelle
étoit condamnée une épouse : tels étoient les premiers chagrins
qu’elle fut obligée de dévorer.
Une réconciliation apparente succéda à ce premier orage. Dupe
de son cœur et de sa franchise , la dame de Reyrolles se trouvoit
encore heureuse des égards de son époux; mais l ’illusion qu’elle
s’efforça long-temps de se faire, céda à l’évidence : l’indignation
étouffa tous les calculs d ’intérêt personnel, et l’épouse outragée ne
connut plus les ménagemens de la dépendance.
Les sieur et dame Caldaguès, parons de la dame de R eyrolles,
alloient s’établir à Limoges. Affligés de sa position, ils lui propo
sèrent un asile; et celle qui dominoit le sieur de Reyrolles ne sen
tant que le plaisir d ’être délivrée d’une surveillante incommode,
la pressa de consentir à cette séparation.
Combien étoit déjà changé le sort de la dame de Reyrolles! elle
avoit un époux; une étrangère lui faisoit oublier ses sermens et
ses devoirs : elle avoit eu un enfant; la m ort, moins cruelle, le lui
A 2
�....................................................................... / ( 4 )
avoit ravi à l’âge où il étoit incapable de tendresse. C ’est ainsi
qu'épouse sans é po ux, mère de famille sans enf’ans , la dame de
Reyrolles a vécu plusieurs années à Limoges , abandonnée aux
consolations de l’amitié et aux fantômes de l’espérance.
Elle avoit touché assez régulièrement à Limoges une pension de
bienséance que lui faisoit le sieur de Reyrolles , par égard pour la
maison de Caldaguès; mais au commencement dè la révolution
elle ne reçut plus rien , et revint à Brioude.
Cette espèce de résurrection d’une femme oubliée parut lui re
donner le charme de la nouveauté, et réveiller dans le cœur du
sieur de Reyrolles des feux mal éteints.
est certain qu’il eût fait
son bonheur de rompre ses chaînes, et de mériter l'affection de
son'épouse, si la prévoyance allarmée de la demoiselle Maigne
n ’eût cherché à la hâte à détruire ce premier mouvement par toutes
11
sortes de moyens.
Mais tel est le sort d ’un homme subjugué; le sieur de Reyrolles
voyoit, et il n’osoil voir; il vouloit, et ne pouvoit s’enhardir à vouloir:
l ’homme le plus impérieux n ’est donc qu’un foible enfant devant
la passion qui le domine. L e premier acte de foiblesse qu’il s’est
laissé surprendre, es t l’abandon qu’un vaincu fait de ses armes ;
il reste désormais sans défense, et se dévoue à l’esclavage.
L a demoiselle Maigne triompha , et le premier usage de sa
victoire fut de dicter les conditions et de profiter de la faveur des
circonstances.
Alors existoit une loi récente, que quelques femmes regardèrent
comme un présent du ciel et une faveur de la Providence. Après
la dissolution de la monarchie, de la féodalité et de la puissance
paternelle, en quelques jours d’intervalle, et avant d ’atlaquer la
religion dans ses solennités, il n ’y avoit plus qu’une destruction in
termédiaire «» prononcer; et le lien du mariage, malgré son antique
inviolabilité, fut dissoluble indistinctement par le divorce.
Cette innovation étoit trop précieuse à la demoiselle Maigne
pour qu’elle ne s ’e m p r e s s â t pas de la saisir. En conséquence , le
3/, mai 1797, il fut signifié à la dame de Reyrolles, de la part de son
�( 5 ;)
m a r i , un acte par lequel, il déclarait qu’il entenrloit divorcer pour
cause d ’absence, et pour incompatibilité d ’humeur et de caractère;
en conséquence de quoi il nominoit trois amis , et lui faisoit som
mation de nommer de sa part trois parens ou amis.
Dans cette conjoncture que pouvoit faire une épouse? plaider?
les tribunaux n’éloient pascompétens ; résister? la loi ne le lui permettoit pas : souvent le demandeur se faisoit lui-même signifier
une réponse, et le divorce n ’eu alloit pas moins à sa fin.
Quoi qu’il en soit , le 27 mai il fut d éclaré, à la requête de
la dame die Reyrolles, que pour satisfaire à la sommation du 24
elle nommoit trois parens, ajoutant que le sieur de R eyrolles, en
provoquant son divorce , n ’avoit fait que prévenir scs intentions.
L e 27 juin il fut tenu une première assemblée de fam ille, tou
jours motivée pour absence et incompatibilité; et après les dires du
demandeur et la tentative de conciliation des parens, on lit la ré
ponse suivante : S u r quoi ladite Conguet-F lorat leur,a répondu
q u e lle étoit disposée à suivre en tout point la 'volonté de son
mari ; mais que s i son dit mari persiste à requérir le divorce ,
elle y donne les mains.
Cette réponse si naïve , où l’obéissance seule se laisse apercevoir,
étoit en elle-même insignifiante : mais on voulut lui donner un sens.
Les longs délais de l’incompatibilité s’accordoient mal avec l’im
patience de la demoiselle Maigne. On crut, donc découvrir dans
les dires de la dame de Reyrolles des matériaux suffisans pour para
chever un divorce par consentement m utuel, pour lequel il n ’y
avoit plus qu’un mois à attendre.
En conséquence, à la date du 28 juillet 1785, un mois après la seule
assemblée de famille, on fit rédiger u n acte de divorce , dans lequel
on suppose qu’il a été requis par les deux époux, d’après la procé
dure voulue pour le consentement mutuel.
Cet acte fut porté à la dame de Reyrolles par un valet du comité
révolutionnaire, long-temps, quoiqu’on en dise, après la date qui
lui a été donnée : elle signa, il n ’y avoit pas à hésiter; d ’ailleurs
son re fu s, en l'exposant, n ’eùt fait que rendre cette pièce inu-
�( 6 )
lile , et forcer à reprendre la suite du premier mode de divorce.
Ainsi s’accomplit cette œuvre d ’iniquité , et la demoiselle Maigne
eut enfin levé le plus grand des obstacles : mais comme si le ciel
se fut joué de ses plus chères espérances , l’époque de son ma
riage qu’elle avoil tant hâtée s’éloignoit de jour en jour ; et pendant
quelque temps il y eut lieu de croire que le sieur de Reyrolles,
pénétré de la perte volontaire qu’il avoit sollicitée, oublioit la pro
cédure monstrueuse qu’il avoit ébauchée, et revenoit à ses pre
miers engagemens.
L a dame de Reyrolles se livra de bonne foi à une si douce rési
piscence ; elle feignit même ne pas remarquer qu’il ne venoit chez
elle qu’à la dérobée et avec la timidité d’un esclave. Enfin , une
grossesse lui parut le comble du bonheur, et le gage assuré d’une
réconciliation après laquelle elle soupiroit depuis si long-temps.
Mais les assiduités du sieur de Reyrolles n’avoient pas échappé
aux ennemis de son épouse, T ro p adroits pour faire un éclat, ils
frappèrent des coups plus certains, et le poison de la calomnie vint
ébranler l’imagination foible d ’un homme que le premier mouve
ment faisoit agir, et q u i , dans ce qui concernoit ses passions , ne
savoil j a m a i s p e n s e r par lui-méme. C ’est ainsi que, dans sa confiance
aveugle, la dame de Reyrolles se croyoit encore épouse quand ses
ennemis ourdissoient sa porto : Inquivebant niala sib i, et doloy
totd die meditabantnr.
- L a grossesse de la dame de Reyrolles fournit une vaste champ
à leur malignité; l’époux lui-même fut entraîné à douter contre sa
conviction intime ; et ce que la dame de Reyrolles avoit cru être lo
sceau de la paix devint en un instant le signal de la discorde et de
la haine.
- T o u t d’un coup la scène chango : on profite diligemment de la
disposition d’esprit où on a mis le sieur de Reyrolles , et son ma
riage avec la demoiselle Maigne est consommé le 11 messidor
an 2 , douze jours avant que la dame de Reyrolles , sur son lit
do douleur , donnât le jour à une malheureuse créature sous d’aussi
sinistres apspiccs.
�( (7)
N o n , le ciel ne l’a point béni, ce fatal mariage ! Il a entendu Panathème prononcé par une épouse dans sa désolation; et elle n’a
pas eu la douleur de savoir plus heureuse qu’elle celle qui l’avoit
ch asscc du lit conjugal. En portant un nom usurpe , la demoi^
selle Maigne ne trouva plus dans le sieur de Reyrolles cet être
soumis sur lequel elle a voit exercé tant de fois une capricieuse
puissance.
L a demoiselle Maigne avoit calculécet effet habituel du mariage;
et pour se prémunir contre son résultat , elle profita d’une époque
où le sieur de Reyrolles venoit d’être destitué de sa place de rece
veur du district, pour proposer un testament mutuel qui fut respec
tivement signé en l’an
5.
Quelque temps après, une séparation
volontaire les a éloignés jusqu’à la mort.
Cependant la dame de Reyrolles, abandonnée à sa situation péni
ble , dévoroit ses chagrins et se devouoit à sa destinée. Occupée
des soins maternels que demandoit le premier âge de sa fille, elle
attendoit avec résignation que le sieur de Reyrolles, rendu de nou
veau à ses premiers liens , s’occupât de deux êtres qu’il avoit si
cruellement traités. M a is, au lieu d ’un retour à-la nature, il ne fit
plus apercevoir son autorité maritale que par des hostilités et par
l’abus de son administration.
Il avoit recueilli la succession considérable de l’aïeule de son
épouse, avoit traité de gré à gré avec un cohéritier pour le partage
des immeubles, et s’éloit emparé des effets mobiliers, sans compte
ni mesure.
Néanmoins, demeurant libre d ’en fixer la consistance, et pour
consommer la ruine de son épouse , le sieur de Reyrolles lui fit
faire , le 7 messidor an 4 , un acte d ’offres de 7000 francs en man
dats territoriaux, pour le m o n ta n t, dit-il, de ce qu’il avoit touché
sur sa dot , attendu que ladite Couguet avoit toujours élu d é de
déclarer ce qui pouvoit lu i être du ; qu’ elle ne cherchoit qu’à re
tarder la libération dudit Reyrolles , q u 'il étoit de son intérêt
d’ opérer le plutôt possible.
L a dame Ue Reyrolles répondit qu’elle ctoit surprise et lassée
�(S)
des procédés iniques de son m a ri, et refusa les offres. Il y eut
procès verbal de non conciliation , après lequel elle fut assignée
le 21 messidor su ivan t, devant le tribunal du P u y , en réalisation
et validité desdites offres.
Ces diligences avoient lieu à la dernière heure du papier-monnoie;
le numéraire reparut au commencement de l’an ; et, dans ce pre
mier instant où l ’opinion en augmentoit la valeur, le sieur de R e y
5
rolles se hâta de faire proposer à sa femme une modique somme de
Gooo francs pour tout terminer ; ajoutant, pour l’intimider, que
si elle ne l’acceptoit pas , les offres de Fan /j seroient jugées vala
bles , parce qu’elles avoient eu lieu avant la suppression du papier.
En vain la daine de Reyrolles demanda-t-elle à être éclairée sur
la valeur réelle de sa propre fortune ; il fallut obéir à la puissance
maritale , et céder à la crainte de n’avoir que les mandats offerts
au lien du numéraire promis, si elle s’exposoit à aller plaider dans*
un tribunal presque inconnu , à douze lieues de son domicile.
L a dame dé Reyrolles signa donc un traité le 16 frimaire an
5,
par lequel on lui fit dire qu’elle étoit venue à compte avec son
mari, et qu’après communication prise de l’inventaire de son aïeule
et d ’un p a r t a g e de 1785, il lui revenoit 6126 liv. 10 sous; ¿1 quoi
ajoutant d/autres articles touchés par son m ari, quoique non com
pris dans l’inventaire, en valeur de 873 liv. 10 sous, le sieur de
Reyrolles se trouva tout juste débiteur des Gooo fr. qu’il vouloit
payer , et dont l’acte porte quittance.
A ccnnpter de cette époque les époux furent séparés, et la dame
de Reyrolles 11’eut plus qu’à s’étourdir sur le passé et à supporter
son sort avec courage : elle se consoloit avec sa lille, et celte con
solation même lui lut enviée. Après le 18 fructidor , 011 lui donna
l ’alarme sur le sort de cette e n la n t , qui n’avoit pas encore d ’état
civil. On lui persuada que les peines de la loi pourroient l’attein
dre, et elle se décida à laire une déclaration à l’officier public. On
n ’eut garde de transcrire la qualité qu’elle vouloit se donner, par
la raison qu’il eût été incivique de mépriser un divorce, et quo
le sieur de Reyrolles, redevenu puissant, n’auroit pas trouvé bon
q u ’ il
�9
.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . C )
qu’il fût fait mention de lui sans sa participation. L a dame de
Reyrolles déclara donc seulement qu’il lui étoit né une fille le 21
messidor qui suivit son divorce. Comme ce divorce étoit daté de
l’an 2 de la liberté, on supposa la naissance de l’enfant au 21 mes
sidor an . Cette erreur a été reconnue par la demoiselle Maigne,
et seroit aisée à rétablir à l’égard d ’un fait aussi notoire.
Dans ces entrefaites le sieur de Reyrolles, nommé receveur du
département de la H aute-Loire, alla s’établir au Puy. Là , ayant
vécu près de six années séparé absolument de la demoiselle Maigne,
qui habitoit Brioude, il fut atteint de la maladie qui Ta conduit
au tombeau.
5
A celte époque terrible, où l’homme, ne trouvant plus d’asile
dans les illusions du monde, voudroit réparer dans un instant les
fautes de sa vie toute entière, l’opinion générale a rendu au sieur de
Reyrolles la justice d ’attester qu’il n’avoit rien plus à cœur que de
se réconcilier avec sa femme, et de lui en donner, par un testament
honorable, la seule preuve qui fût désormais en son pouvoir.
En e f f e t , il est de notoriété au Puy que le sieur de Reyrolles
avoit fait un testament par lequel , cassant celui qu’il regardoit
comme un monument de foiblesse et de honte, il léguoit 40000 f.
à la dame de Reyrolles personnellement, et faisoit en faveur du
sieur Vauzelles, ex-législateur, une disposition considérable.
Aussitôt que la demoiselle Maigne apprit la maladie du sieur
de Reyrolles, elle voulut se mettre à portée de déranger des projets
dont elle ne pouvoit douter. Craignant de ne pas se hâter assez,
elle envoya au Puy le sieur Grancliier le mercredi, et arriva ellemême le vendredi suivant. Sa vue fit une révolution singulière au
sieur de Reyrolles , q u i, à ce qu’on assure, se tourna brusquement
du côté opposé, et se couvrit la tête avec un mouvement con
vulsif. Quoi qu’il en soit, il expira le même jour 18 floréal an 12.
Cette mort soudaine servoit mieux la demoiselle Maigne que
tous les plans qu’elle avoit pu concevoir. Seule dans la maison du
sieur de Reyrolles, et en attendant les scellés qui ne dévoient être
posés que le lendemain, au lieu de verser des larmes stériles qu’il
li
�•
( 10 )
valoit mieux réserver pour la pantomime des audiences, la de
moiselle Maigne étoit libre de tout parcourir. Un certain porte
feuille vert avoit paru donner de l’inquiétude au défunt : il n'a
plus paru; et le public qui se trompe rarement en conjectures dé
sintéressées, paroit avoir été imbu de l’idée que dans ce porte-feuille
gissoient les papiers les plus précieux, et surtout le dernier tes
tament. Et qu’on ne dise pas que c’est là une fable de pure ima
gination ; ce bruit avoit pris une telle consistance, que le sieur
Vauzelles, légataire, a rendu sur ce m otif une plainte en suppres
sion de ce testament.
L a dame de Reyrolles ne donnera pas d’autres détails d’un fait
qu’elle n ’a appris que par la notoriété publique. C e n’est point la
fortune du sieur de Reyrolles qu’elle ambitionne; elle ne demande
rien qui ne soit à elle-même; elle veut son état civil, sa dot, et ne
dispute point à la demoiselle Maigne une opulence chèrement
achetée, et dont la source équivoque n’est de nature à donner du
crédit que vis-à-vis quelques collatéraux.
Après la mort du sieur de Reyrolles, ce n ’étoit plus que des
tribunaux que son épouse pouvoit attendre justice; en conséquence,
le 19 thermidor an 12, elle fit citer Catherine Maigne en payement
de ses dot, trousseau et gains matrimoniaux, e t, en tant que de
b esoin, en nullité du divorce et actes postérieurs.
L a demoiselle Maigne ne savoit pas encore à fond le rôle con
venable à la circonstance. Cette tendresse soi-disant conjugale qu’il
falloit supposer à un homme dont les dernières volontés avoient
été d ’enrichir sa fidèle moitié, ne s’allioit guère avec un domicile
constamment séparé, et à douze lieues de distance. Cependant la
demoiselle Maigne, qui avoit toujours habité Brioude, et qui ignoroit les moindres affaires du sieur de Reyrolles, proposa un déclinatoire, soit qu’elle crût qu’il n’avoit pas transféré au Puy son do
micile de droit, soit qu’elle iiU entraînée par la vérité à convenir
qu’elle n’avoit pas le même domicile de fait que celui qu’elle disoit
son époux; elle ignoroit que le sieur de Reyrolles avoit acquis une
maison au P u y , s’en déclaroit habitant dans les actes publics, et
�( * 0
avoit même fait rayer sa cote mobilière à Rrioude. En conséquence,
et par ces m o tifs, elle fut déboutée de son déclinatoire par juge
frimaire an i .
ment du
A u fond la demoiselle Maigne répondit que la dame de Reyrolles
n ’étoit pas recevable dans sa demande, soit à cause de la loi du
26 germinal an 1 1 , soit parce que la demande n’avoit été formée
qu’après la mort du sieur de Reyrolles, soit parce que la dame de
Reyrolles étoit divorcée par un acte requis et signé par elle-même;
qu’elle avoit traité avec son mari en qualité de femme divorcée,
23
3
et avoit pris la même qualité dans plusieurs autres actes , no
tamment dans la déclaration de naissance d’un enfant né un an
après le divorce; qu’à l’égard d ’elle-même Catherine Maigne, elle
11’avoit point à craindre le sort de ce divorce, parce qu’elle étoit
mariée légitimement, héritière universelle, et que le sieur de
Reyrolles avoit tellement persisté dans cette volonté pendant sept
ans, qu’à sa mort on avoit trouvé le testament de la demoiselle
Maigne parmi ses papiers les p lus p récieux.
Il est inutile de rappeler les moyens opposés par la dame de
Reyrolles à cette défense de la demoiselle M a ig n e , les faits cidevant narrés les indiquent; et il suffit de dire qu’en déclarant le
divorce nul, les premiers juges ne virent plus dans la dame de
Reyrolles qu’une épouse restée sous la puissance maritale, n ’ayant
pu dès - lors traiter valablement avec son époux , ni prendre
une qualité qu’elle n ’avoit pas. En conséquence, par jugement du
24 floréal an 1 , le tribunal du P u y, sans s’arrêter aux fins de
non-recevoir proposées par Catherine M aign e, déclara nul l’acte
de divorce du 28 juillet 1793, et tout ce qui l’a précédé, de même
que le traité du
frimaire an ; remit la dame de Reyrolles au
même état où elle étoit avant lesdits actes; condamna Catherine
Maigne, en qualité d ’héritière du sieur de Reyrolles, à lui payer,
i". oo ir. pour le montant de son trousseau stipulé en son contrat
de mariage du 7 novembre 1774 ; 20. 1200 fr. pour ses bagues et
joyaux; °. /¡oo fr. pour sa pension vîtluelle; *- à lui fournir un
logement garni et meublé, suivant son état et sa fortune, dans le
3
3
5
3
5
4
B 2
�dernier domicile du défunt, à la charge par ladite dame de Reyrolles
de constater l’état dudit mobilier qui lui sera remis, pour être rendu
à qui et dans le temps de droit; °. à payer à ladite dame de R eyrolles i oo fr. pour son deuil et celui de sa domestique; et à l’égard
du payement de la dot, le tribunal ordonna que les parties conlesteroient plus amplement, et à cet effet fourniraient leurs états res
5
5
pectifs, sauf débats. Les inscriptions de la dame de Reyrolles furent
maintenues jusqu’à parfait payement, et il fut ordonné que ledit
jugement seroit exécuté en la forme de l’ordonnance nonobstant
l’appel.
Cette dernière disposition donna lieu à la demoiselle Maigne de
hâter singulièrement son appel et ses poursuites. Impatiente de
jouir sans entraves, elle remontra à la cour que la douairière d’un
receveur général ne pouvoit vivre avec des saisies qui arrétoient des
comptes extrêmement pressans, et que la trésorerie nationale la
pressoit pour les rendre. L a co u r, par son arrêt provisoire du
3
24 floréal an i , a fait défénse d’exécuter le jugement jusqu’à son
arrêt définitif.
Les parties sont aujourd’hui sur le point de faire juger le fond
de la contestation, et la dame de Reyrolles attend sans inquiétude
une décision qui ne peut être qufe conforme à la morale et à la
justice.
m
o
y
e
'n
s
.
^Toute la défense de la demoiselle Maigne est fondée sur ce
paradoxe : L e mariage est une simple convention privée; il peut
être détruit de gré à gré par un simple acte, qui supplée les formes
de la lo i , ou qui en dispense.
L a défense de la dame de Reyrolles est de dire, au contraire,
que le mariage est un lien destiné à union de deux fam illes,
intéressant la société entière, et ne pouvant être dissous que dans
la rigueur des formes légales.
Sans doute la solution de ces deux systèmes est écrite dans le
1
�( *3 )
cœur Je tous ceux qui n ’auront pas oublié ces principes immuables
qui résislent au fracas des révolutions et à l’éblouissement de^
systèmes.
Ici il est constant qu’en 1774 la dame de Reyrolles a été mariée
avec toutes les solennités civiles et religieuses, et que son époux
n'est mort qu’en l'an 12. 11 s’agit donc d’examiner si le mariage
a été légalement dissous par un divorce. Mais la dame de R e y
rolles oppose des fins de non-recevoir, qu’il faut examiner; et ses
prélentions donnent lieu aux questions suivantes : i°. L a d a m e ’
de Reyrolles est-elle recevable à demander la nullité de son divorce
après la mort de son m ari, et malgré la loi du 26 germinal an
onze ? 2°. A u f o n d , le divorce opposé est-il valable ?
3°.
Si ce
divorce n’a pas été valable , a-t-il pu néanmoins être validé par
la convention particulière de la dame de*Reyrolles?
P
ï i e m i è r e
Q
u e s t i o n
.
I m dame de R eyrolles est-elle recevable à demander la nullité
de son divorcé après la mort de son m ari, et malgré la lo i
du 26 germ inal an 1 1 ?
Sur quoi donc seroit fondée la première fin de non-recevoir?
sur une loi romaine ? mais elle ne s’applique pas : ne de statu
defunctorum post quinqiiennium queratur. Ici le sieur de Reyrolles
est mort en l’an 12, et il ne s’est pas même écoulé six mois de son
décès à la demande.
C ’est encore moins le Code civil qui favoriseroit la demoiselle
Maigne. L ’article 188 porte que « l’époux au préjudice duquel a
») été contracté un second mariage, peut en demander la nullité,
w du vivant même de l’époux qui étoit engagé avec lui. »
L a loi ne permet donc de se pourvoir avant la mort de l’époux,
q u ’à titre de grâce; et il semble, par ses expressions, que c’est à
regret qu’elle y a consenti : elle laisse entrevoir le conseil de ne pas
user de ce consentement ; et ce mot m êm e, qui semble pour ainsi
�*4
(
)
dire échappé à la plume du législateur, est cependant de la plus
grande moralité.
Q u ’est-ce en effet qu’une demande de ce genre, formée par l'é
poux abandonné contre l’époux coupable, si ce n’est une espèce de
dénonciation ouvrant le champ le plus vaste à la discorde, et ren
dant désormais toute réconciliation impossible?
Est-ce une foible épouse qui, du vivant de son mari, osera l’ap
peler devant les tribunaux pour lui dire ; Je veux qu’on vous oblige
à me rester fidèle? Mais si une seule fois peut-être, dans l’anti
quité, la sensible Hypparelte a reconquis par un appel en juslice,
la tendresse du plus infidèle des époux, combien d’autres s'indigneroient d ’être ainsi troublés dans leurs affections, et vengeroient
leur amour propre par un abandon plus éternel! Car les hommes,
qui font les institutions, n’ont créé que la puissance maritale; et
quels que soient les dons que le sexe ait reçus de la nature en dé
dommagement de sa foiblesse, ce pouvoir d’équilibre n'est plus
qu’une divinité imaginaire, quand les premières affections ont perdu
leur prestige. Malheür donc à epouse inconsidérée qui tenleroit de
proclamer son abandon et de chercher son époux jusque dans les
bras d’une rivale !
Il est bien plus dans l’ordre qu’une femme prudente ferme les
yeux sur les torts de son époux, et qu’elle tolère son infidélité pour
espérer son inconstance : le même caprice qui l’a éloigné du lit
c o n j u g a l peut l’y ramener repentant et fidèle. L e lien sacré du
1
mariage est comme l ’amour de la patrie, Cunctos d u cit, et irnt
memores non sin it esse sut.
T o u t devoit faire penser à la dame de Reyrolles que son goût
pour la demoiselle Maigne ne devoit être qu’éphémère : leur ha
bitation séparée , une haine qu’ils ne dissimuloient plus, annoncoient une rupture prochaine ; et sans les difficultés que le Code
civil a ajoutées au divorce, il est notoire que le sieur de Reyrolles
auroil vaincu la répugnance de divorcer une seconde fois, car il
ne cachoit à personne qu’il n ’étoil retenu que par cette considéra-,
lion. Quoi qu’il en soit, la darne de Reyrolles a fait ce qu’elle ;
�( i5 )
devoit faire; tant qu’elle a eu de l’espoir, elle a gardé le silence;
et quand la mort ne lui a plus présenté qu’une étrangère à pour
suivre, elle a réclamé ses droits.
L a demoiselle Maigne n’est pas le premier héritier qui ait op
posé que la nullité d ’un divorce ne pouvoit pas être demandée contre
lui. Mais la cour de cassation a décidé le contraire par arrêt du
i4 vendémiaire an 10.
L a deuxième fin de n o n -recevoir n ’a pas même le mérite de
fonder un raisonnement sur le bon sens.
Parce que la loi transitoire du 26 germinal a dit : T ous divorces
prononcés, etc., auront leurs effets, on en a conclu qu’à compter
de cette loi il n’étoit plus possible d’attaquer les précédons divorces.
C ’est-à-dire que si la veille dé la loi nouvelle un divorce avoit
été prononcé sans aucunes épreuves, les époux n’en seroient pas
moins séparés à jamais; et c’est ainsi qu^on fait l’injure au légis
lateur de lui prêter des pensées irréfléchies et monstrueuses.
Mais la demoiselle Maigne n ’a réussi à se faire un moyen de la
loi du 26 germinal qu’en tronquant entièrement l’article invoqué.
« T o u s divorces prononcés par des officiers de l’état civil, ou
» autorisés par jugement, avant la publication du titre du Code
» civil relatif au divorce, auront leurs effets conformément a u x
» lois qui existaient avant cette publication. »
Ainsi le législateur n ’a pas commis la faute de valider ce qui étoit
nul, il a au contraire déclaré ne valider que ce que la loi existante
lors du divorce approuvoit expressément. Incivile erat, n isi totd
logeperspectd, judicare. Maintenant que l’article entier est rétabli,
l ’objection de la-demoiselle Maigne se rétorque contre elle.
D
e u x i è m e
Q
u e s t i o n
L.e divorce du 28 ju ille t 1 yg
5 e st-il
.
valable ?
Comment le seroit-il? il y en a trois dans un seul.
Ces trois espèces de divorces exigeoient trois sortes d’épreuves et
�( 1 6 )
de procédures. L e sieur de R eyrolles, plus pressé qu’il ne devoit
l ’être, amalgama to u t, et interrompit au milieu de son cours une
première procédure, pour lui en substituer une seconde qui ne s’y
allioit pas.
L a nature de toute procédure se fixe irrévocablement par la
demande introductive. Le sieur de Reyrolles, par son exploit ori
ginaire du 24 mai 1793, avoit formé demande en divorce, soit
pour absence depuis n e u f ans, soit pour incompatibilité d’ humeur
et de caractère. Cependant le divorce est prononcé sous prétexte
de consentement mutuel.
L e divorce pouvoit être demandé, comme cause déterminée pour
absence pendant cinq ans sans nouvelles , ou pour abandon pen
dant deux ans. ( 2'. loi du 20 septembre 1792, § . 1 , art. 4. )
Si le sieur de Reyrolles eût voulu un divorce pour absence pen*
dant cinq ans sans nouvelles , 'ù lui falloit pour première pièce
1 un acte de notoriété constatant cette longue absence ( § . 2 , art. 17):
mais sa femme étoit près de lui le 24 mai 1793.
S ’il eût voulu un divorce pour abandon pendant deux ans , il
falloit assigner sa femme devant un tribunal de famille ( art. 18 ) ,
parce que le fait d’abandon comportoit une défense justificative.
O r , il étoit constant que la dame de Reyrolles n’étoit allée à
Limoges qu’avec l ’agrément de son mari , qu’elle y recevoit ses
lettres et une pension annuelle. Mais ce n ’est pas pour abandon que
le sieur de Reyrolles demanda le divorce : l'exploit n’en dit rien.
Pour in co m p a tib ilité d ’i n i m e u r , le sieur de R e y r o lle s avoit sa
m a r c h e tracée d ’une m an ière positive,
« Il convoquera une première assemblée de parens, ou d’amis à
« défaut de parens , laquelle ne pourra avoir lieu qu’un mois après
» la convocation. ( §. 2 , art. 8. )
» La convocation sera laite par un des officiers municipaux....
» L ’acte en sera signifié ù l’époux défendeur. ( A rt. 9. )
» Si la conciliation n ’a pas lieu , assemblée se prorogera à deux
» mois , et les époux y seront ajournés. A l’expiration des deux
» m o i s , . , si les représentations,11e peuvent encore concilier les
1
1
époux,
�( l7 ) * #
» époux , l'assemblée sc prorogera à trois mois. ( A rt. 10 et n . )
» Si à la troisième séance le provoquant persiste, acte en sera
» dressé. 11 lui en sera délivré expédition , qu’il fera signifier à
« l’époux défendeur. » ( A rt. 12. )
L e sieur de Reyrolles provoqua un divorce le 24 m ai, sans acte
de convocation d ’un officier municipal.
Il ne nomma point de parens ; il indiqua seulement des a m is,
sans même exprimer que ce fût à défaut de parens.
L a première assemblée eut lieu le 27 juin 1793. Il en fut dressé
acte; mais aucune signification n’ a été faite à la dame de Rey
rolles , parce que les moteurs craignoient que dans l’intervalle les
choses fussent pacifiées.
Il n’y a ainsi pas eu de divorce pour incompatibilité d ’humeur,
pas plus que pour absence.
C e seroit donc un divorce par consentement mutuel qu’il faudroit valider.
Mais l’acte primitif y est un obstacle perpétuel; on veut cepen
dant que les actes qui suivent aient corrigé cette première procédure.
L a loi en exigeoit une absolument différente.
■
*»
« L e mari et la femme qui demanderont conjointement le di» vorcc, seront tenus de convoquer une assemblée de six au moins
» des p lu s proches parens, ou d’amis à défaut de parens. ( §. 2 ,
art. 1". )
» L ’assemblée sera convoquée à jour fixe et lieu convenu avec
» les parens ou amis. . . . L ’acte de convocation sera signifié par
» un huissier aux parens ou amis convoqués. ( Art. 2. )
» Les deux époux se présenteront en personne à l’assemblée; ils
» y exposeront qu’ils demandent le divorce. » ( Art. 4. )
L e but de la loi se remarque assez par la différence des actes
préliminaires.
L ’incompatibilité pouvoit n’avoir lieu que de la part d’un époux:
la procédure devoit donc avoir des formes hosliles ; c’est pourquoi
la convocation devoit être réglée par un officier m unicipal, et un
• G
�}
huissier devoit sommer l ’époux défendeur de concourir à la forma
tion de l’assemblée , et d’y comparoître.
Mais le divorce par consentement mutuel supposoit de la part
des époux un accord préalable né d’une égale satiété de vivre
ensemble. L a loi vouloit donc la preuve évidente qu’ils avoient
un désir unanime de mettre fin à une cohabitation insupportable ;
et de là vient que, pour éprouver l’uniformité de cette vocation,
la loi exigeoit une simultanéité dans les démarches.
A in s i, bien loin de se signifier par huissier une nomination de
parens , et par actes séparés , ce qui marqueroit une provocation ,
la loi a voulu que le mari et la femme indiquassent ensem ble les
parens, en les choisissant par moitié; ellea vouluqu’ilsdemandassent
le divorce conjointement .- ce qui exprime avec clarté que la loi ne
veut ni demandeur ni défendeur.
(
1
8
L a demoiselle Maigne objectera-t-elle que le but est également
rempli quand l’un des époux a requis le divorce et que l’autre y a
consenti ? Mais voilà une provocation , voilà un défendeur en
divorce : ce n’est plus une demande conjointe , et l’intention de la
loi est manquée.
Souvent l’incompatibilité d’humeur pouvoit être égale; mais la
moralité de l ’un des époux peut répugner à un remède désiré
par l’autre. T e l époux ne se résoudroit jamais à vouloir le di
vorce , q u i , provoqué par une demande, trouve dans sa fierté une
adhésion qui n ’éloit pas dans son cœur ; sa répugnance est vaincue
par l’idée que la loi ne lui a offert aucun moyen de résister à l’at
taque, et, dans son accord même, son opinion est soulagée en se
disant qu’il n ’a point été le provocateur.
Mais pourquoi chercher l’intention de la loi quand elle est claire?
N on omnium quee à majoribus constituta sunt ratio reddipotest.
Il est encore un principe bien constant en fait de lois rigoureuses,
c ’est que toutes les formalités doivent etre suivies à la lettre sous
peine de nullité ; et la loi du l\ germinal an 2 a étendu celte peine
à ^inobservation des formes prescrites par toutes les lois rendues
depuis 178g.
�r9
(
)
Ce seroit donc s’abuser étrangement que de voir dans la procé
dure qui a précédé le divorce prononcé le 28 juillet 1793, les actes
préliminaires d ’un divorce par consentement mutuel.
Non-seulement cette procédure n ’est pas conforme à la lo i,
mais le sieur de Reyrolles a donné un autre nom au divorce par
lui demandé. Il a requis seu l le divorce ; et si sa femme a répondu
par un second acte qu’il n ’avoit fait que prévenir ses intentions,
elle n ’a pas pour cela changé la nature d’une demande, tellement
indélébile qu’elle ne coinportoit ni opposition, ni débats , ni ju
gement.
Lors de l’assemblée, la dame de Reyrolles ne paroît encore que
pour répondre ; elle ne requiert pas le divorce , elle veut seulement
suivre la volonté de son mari. A u lieu de demander conjointement
le divorce, elle donne les mains à la demande, s i son mari y persiste.
Alors le mari persiste ; donc c’est lui seul qui veu t le divorce ,
c’est lui seul qui le provoque et qui le consomme.
Voilà cependant ce que l’officier public , dans l’oubli de ses
devoirs , a reçu comme les épreuves suffisantes d’un divorce.
Un divorce commencé pour incompatibilité d ’humeur exigeoit
une foule d’actes et de longs délais ; cet officier public s’est contenlé
d ’un seul acte cl de trente-trois jours de délai.
C ’est donc ainsi que la sainteté du mariage auroit été mise à la
merci de l’arbitraire ou du caprice, pour ne rien dire de plus.
Mais il seroit insensé de justifier cette procédure dans ses délais
etdanssa forme; elle a péché encore par une irrégularité non moins
grande. L e sieur de Reyrolles semble avoir voulu esquiver les repré
sentations de sa famille, car il n ’a appelé aucun de ses parens à
son divorce.
Ici encore la loi a marqué entre les deux proce'dures une dif
férence notable. Pour l’incompatibilité d ’hum eur, il suffisoit de
parens ou amis ; mais pour le consentement m utuel, la loi a voulu
la convocation des plus proches parens.
Si , comme veut le dire la demoiselle Maigne , il eût été égal
d’avoir des amis , c’étoit inutilement que la loi étoit plus exigeante
C 2
�C 20 )
pour le consentement mutuel. Mais , sans raisonner plus long-temps
sur un point déjà trop évident , il suffît de remarquer que la loi
ne vouloit des amis qu'« défaut de parens.
Oseroit-on supposer qu’à Brioude le sieur de Reyrolles n ’avoit
pas de parens? cela est aisé à démentir : mais si cela eût été
vrai, il falloit au moins l’exprimer. T o u t acte de formalité doit por
ter avec lui-même la preuve que cette formalité a été remplie. Déjà
la cour d’appel, dans une cause semblable, a annullé un divorce
entre des habitans de Riom , par arrêt du 26 pluviôse an 10 , sur le
m o tif que les actes n’exprimoient pas que des amis n ’eussent été
appelés qu’à défaut de parens.
Que signifie même cet acte si précipité , qu’on dénomme si impro
prement un acte de divorce? L ’officier public, de sa pleine puissance,
y dissout un contrat de mariage passé devant Couguet et Iïéra ud ,
notaires, le 7 novembre 1774• Mais jamais on n’a ouï dire que ce
fût le contrat notarié qui donnât l’état civil aux époux, et consti
tuât le mariage. Avant 1792, l’église donnoit tout à la fois l’état
civil et le sacrement ; le mariage ne tenoit son essence que de la
célébration. Or , ce n’est pas l’acte de célébration du 8 novembre
qui a été dissous, mais un simple contrat privé, réglant des affaires
d ’intérêt, et totalement incapable d’opérer un mariage.
Enfin , la loi du 20 septembre a exigé que « tous actes de divorce
» fussent sujets aux mêmes formalités d ’enregistrement et de publi» cation que l'éloient les jugemens de séparation » ( §. , art. 11. )
3
Or , le divorce opposé ne parolt pas même avoir été enregistré.
On avoitobjectéà ladame de Reyrolles qu’elle-même avoit assigné
pour la prononciation du divorce. Elle ignore si aucun exploit
existe, car elle n’en a jamais donné l’ordre ; mais, quand on supposeroit le contraire, prétendroit-on sérieusement qu’une défende
resse en divorce a pu provoquer à son tour un divorce par con
sentem ent m utuel ?
Un exploit après le changement de formalités auroit rétabli la
procédure pour incompatibilité d ’huriieur , et cet exploiltinême
seroit une nullité de plus.
�T
r o i s i è m e
Q
u e s t i o n
.
S i le divorce n'a pas été v a la b le, a -t-il pu néanmoins être v a lid é
par une convention particulière de la dame de R ey rolles?
Un contrat qui n ’intéresse que les deux parties peut sans doute
ne dépendre que d ’elles seules, et alors il est rompu aussitôt qu’elles
en ont exprimé la volonté.
Mais un contrat qui intéresse la société entière ne peut se dis
soudre que par des actes publics et authentiques, et dans les formes
rigoureusement exigées. Celte différence est sensible, et lient à la
nature du contrat de mariage.
Oser dire qu’il est un simple contrat privé n ’est qu’une hérésie
insoutenable; elle est condamnée par toutes nos lois; et les R o
mains eux-mêmes, qui cependant admetloient la répudiation et le
divorce, nous ont transmis les idées grandes et nobles qu’ils avoient
sur l’importance du mariage.
« Parmi toutes les institutions humaines, a dit Justinien , rien
» n ’est si sacré et si important que le mariage, car c’est par lui que
t) se forme la suite des générations; c’est par lui que se peuplent
» les régions et que les citpa fleurissent : il est le conservateur de
» la république et la source de sa prospérité. »
N ih il in rebus mortalibus perinde venerandum est atque matrimoniurn : qu ip p eex quo liberi, omnisque deinceps sobolis sériés
e x is tâ t, quod regiones atque civitaies frequenter reddat, undè
déni que reipublicce coaugnientatio fia t. ( N ovell. i
T o u t ce qui lenoit au mariage participoit chez les Romains de
cette considération. Les dots étoient aussi considérées comme objet
d ’intérêt public : lïeip u b licœ interest dotes mulierum salvas esse.
L e divorce avoit aussi mérité l’attention du législateur ; il en
déterminoit les formes, et exigeoit l’avis de la famille et la présence
de sept témoins, afin que leur nombre, leur influence et leurs re
présentations fussent un frein à la rupture du mariage. ( ff. D e
divortïus et repudius. )
4°0
�Et si les formes n ’étoient pas exactement suivies, le divorce étoit
radicalement nul : Nullum divorlium ratum est. ( L . g. eod. )
Quand cette nullité n ’auroit pas été textuelle, elle eût été pro
noncée par la loi qui portoit que toutes les conventions faites contre
le droit civil, contra ju r is civilis régulas, étoient nulles de plein
droit, et ne produisoient aucune action. ( L . 28, f f . D e p a ctis.)
O r, il n’étoit pas douteux que la forme de dissolution du mariage
ne fût réglée par le droit civil : Jure c iv ili dissolvere solet matrimonium. ( h . 11 , f f . D e divort. et rep. )
D ’autres lois disent expressément que tout ce qui tient à l ’état
des hommes n ’est pas en leur pouvoir, parce qu’on ne peut changer
la condition des personnes : Status hom inis v e l conditio personarum mutari non potest. ( L . Ilhéros, c. D e lib. c. )
Sans doute ces principes suffiroient pour établir qu’un divorce
n’est pas susceptible d’êlre validé par des conventions particulières •
et il résisteroit d'ailleurs au bon sens que la loi eût exigé des formes
rigoureuses, et que cependant elle eût permis aux époux de s’en
dispenser indirectement.
Mais la loi, après avoir exprimé scrupuleusement les formes à suivre
pour le divorce, avoit aussi prévu que des époux trop peu attachés
à son observation pourroientse permettre des traités pour valider ce
qu’elle ne valide pas; et, par une prévoyance très-conséquente, elle
repousse ces conventions illégales, et les déclare radicalement nulles.
P actiones sanè s i quœ adversus prœsenlia scita nostrœ majestatis fu erin t attentatee, tanquam legibus contrarias nullam habere volurnus firmitatem. ( L . 8 , code D e repudiis. )
Ainsi la question est disertement jugée par la loi elle-même.
Si un divorce n ’a pas été légalement f a i t , les époux ne peuvent
ensuite le valider par aucune convention.
Sans doute la demoiselle Maigne ne prétendra pas que ces prin
cipes soient combattus par aucune loi irançaise. On demande,
dit Vinnius, s’il est permis de transiger sur la validité des mariages:
o u i , répond-il, s’il s’agit de valider le mariage : U t sponsa ma~
fieat sponsa, placet transactionem v a lcre; mais la transaction est
�23
(
)
absolument n u lle, s’il s’agit de relâcher le lien du mariage. ( V inn.
D e trans. )
L a demoiselle Maigne opposera-t-elle la loi du 20 septembre
1792. Mais quelle que fût l’opinion du temps, elle n ’y trouvera
rien de favorable à son système. « L a dissolubilité spontanée du
» mariage, disoit le rapporteur de cette lo i, la liberté d ’en con» tracter un second , après un premier qui ne seroit pas légalement
» rompu , seroit une liberté immorale et impolitique. »
Aussi la loi du 20 septembre s’exprime-t-elle d’une manière trèsconforme aux principes enseignés par les lois romaines.
a L e mariage est dissous par le divorce légalement prononcé.
» Les époux ne peuvent contracter un second mariage qu’après
» que le premier aura été dissous conformément auoc lois. »
Que la demoiselle Maigne ne se dissimule pas toute la force de
l’expression ne peuvent. Toutes les fois , dit Dumoulin , qu’elle se
trouve dans les lois de rigueur, elle marque la plus forte des prohi
bitions ; elle ôte la puissance de droit et de fait , et a le même
résultat que l’impossibilité absolue.
Il en résulte donc que la demoiselle Maigne n ’a jamais pu être
l ’épouse du sieur de R e yro lles, dès que son divorce n ’a pas été
fait conformément aux lois.
L e Code civil répète ces dispositions de la loi du 20 septembre.
Rien n ’est plus c la ir , et il est difficile d ’y voir que si le divorce
n ’est pas légalement prononcé, on pourra dissoudre le mariage par
des conventions particulières.
D ’ailleurs , suivant le Code c iv il, il faut pour la validité d ’une
convention ,
la capacité de contracter, 2". une cause licite dans
l ’obligation. ( Art. 1108. ) O r, suivant l’art. 1124, la iemmemariée
est incapable de contracter elle-même; e t , d’après l'art. i i 5 3 , la
cause est illicite quand elle est prohibée par la .lo i , ou contraire à
l ’ordre public.
Se départir de son état civil est sans doute la plus grande dis
position qu’une iemrnc mariée puisse f.iire; et cependant elle n ’a
pas la capacité de faire des dispositions bien moindres. Comment
�24
(
) .......................................
• trailcroit-elle librement avec son m a r i , à qui elle doit obéissance,
et qu’elle est obligée de suivre partout où il juge à propos de ré
sider? ( A r t . 2 i3 et i * )
L e mari lui-même , chef de la puissance maritale , ne peut y
déroger et s’en départir par une convention. ( A rt. i
. ) Com
ment donc concevoir que le mariage soit dépendant d’une transac
tion , quand la puissance maritale n ’en seroit pas susceptible, elle
qui n ’est cependant qu’un effet ou une émanation du mariage?
Jusqu’ici la dame de Reyrolles a supposé un traité sur la vali
dité de son divorce ; et , dans ce cas m êm e, il est évident qu’un
traité seroit nul : mais il n ’en existe d ’aucune espèce ; et ce que la
demoiselle Maigne appelle à son secours , est seulement une appro
bation du divorce , résultante du traité de l’an
et de quelques
exploits.
L a dame de Reyrolles, objecte la demoiselle Maigne, s’est donnée
24
588
5
plusieurs fois la qualité de femme divorcée: donc elle a approuvé,
elle a ratifié, elle a v a lid é son acte de divorce.
Ce qu’on n ’oseroit pas dire pour l’acte du plus mince intérêt, la
demoiselle Maigne le propose avec assurance pour une dissolution
de mariage.
Mais peut-on s’imprimer une qualité qu’on n’a p a s , et perdre
par un seul mot son état civil ? U n mineur cesse-t-il de l’être en
se disant majeur ? et un époux, en se disant veuf, cesseroit-il d ’être
engagé dans les liens du mariage ?
L ’exécution d’un acte n u l , dit M . Cochin dans son 37e. plai
d o y e r , n ’en a jamais opéré la ratification ; c a r , dans les cas où
la loi donne dix ans pour réclamer , si chaque acte d’exécution
opère une ratification , il faudroit dire que la loi n’a accordé aucun
délai ; et au contraire tout le monde sait qu il 11e iaut considérer que
l ’acte nul , et compter pour rien son exécution.
D e même , la dame de Reyrolles ayant coopéré par sa signature
à un premier acte n u l , c ’est-à-dire , à son divorce , tout ce qu’elle
a fait ensuite n’en a été que 1 exécution.
Il fulloit qu’elle réclamât ou exécutât, M ais, étant en puissance
m aritale ,
�25
(
)
m aritale, elle avoit au moins dix ans pour réclamer à compter du
décès de son mari : jusque-là elle étoit donc forcée d’exécuter un
divorce nul , car son intérêt n’étoit pas de réclamer , de peur que son mari ne divorçât une seconde fois plus régulièrement.
Sans doute la restitution de sa dot étoit la première exécution
du divorce ; et on a vu comment'elle fut forcée par des offres à
traiter pour ce que voulut le sieur de Reyrolles. L e compte d’ins
truction qu’il lui devoit comme mandataire, pour avoir touché des
droits successifs inconnus, exigeoit d’après les lois un détail qu’il n’a
pas donné; et quand cette partie de la cause , pendante encore de
vant les premiers juges , sera remise en discussion , la dame de
Reyrolles prouvera l’abus évident de la puissance maritale, et le
tort considérable qui lui a été fait.
L a dame de Reyrolles n ’a point traité sur son divorce : elle n’a
fait que l'exécuter par contrainte. Pour exister , elle fut obligée de
former quelques demandes ; et sans doute pour la régularité des
exploits, ne pouvant sc dire autorisée du sieur de Reyrolles, elle
étoit forcée de se dire divorcée pour recevoir ce qu’elle demandoit.
Mais toutes les fois que celte qualité n’étoit pas de forme néces
saire, la dame de Reyrolles s’abstenoit de la prendre; elle peut
représenter plus de soixante actes où elle ne se l’est pas donnée ;
elle a même prouvé, par les registres de son m a r i , qu’il n ’a pas
cessé de lui donner par écrit le nom de F lorat-R ejrolles après le
prétendu divorce.
L ’exécution d’un acte nul, on le répète, n ’a jamais produit une
ratification ; et le Code civil a fait aujourd’hui une loi du célèbre
passage de Dumoulin sur celle matière. « L a ratification d ’une
» obligation contre laquelle la loi admet l’action en nullité ou en
« rescision , n ’est valable que lorsqu’on y trouve la substance de
» cette obligation, la mention du m otif de l'action en rescision,
» et l’intention de réparer le vice sur lequel cette action esl iondée. »
( Art. i
.)
358
Une donation nulle ne peut même être ratifiée : il faut la refaire
en form e légale. ( A r t . i q. ) Un divorce auroil-il moins intéressé
D
53
�(* 6 )
le législateur? et pensera-t-on qu’il fut plutôt susceptible d’une
simple ratification ?
La jurisprudence ne s’est jamais écartée de ces principes. Un
jugement a été cassé le
messidor an 4» parce que des quittances
données en viduité avoient été réputées ratification d’une vente de
bien dotal en coutume d’Auvergne, « attendu que les form alités
» n’ ont pas é té rem plies, et que l’ exécution pendant plusieurs
» années du traité du...... n’ a pii 'valider un acte nul dans son
» principe. »
23
Cependant la demoiselle Maigne insiste, et il lui semble que tous
les principes qu’on vient de lui rappeler ont été renversés par un
arrêt récent de la cour de cassation, qui a jugé en thèse, dit-elle,
que le mariage et le divorce ne sont plus des contrats d’ordre public,
et qu’on est non recevable à demander la nullité d’un divorce quand
on l’a approuvé par des actes subséquens.
Mais ce n’est là qu’une calomnie de la demoiselle Maigne contre
la cour de cassation , qui ne peut être sérieusement accusée d ’un
tel paradoxe. Il n ’étoit question devant elle que d’un divorce 'va
la b le, dès-lors la cause n’est plus la même.
Cependant un arrêt de cassation est une arme trop puissante
pour qu’il suffise de ne se défendre contr’elle qu’avec cette seule in
dication. L a dame de Reyrolles va en rappeler l’espèce précise, et
il sera aisé de voir que la demoiselle Maigne a voulu seulement
abuser de quelques expressions fugitives et ambiguës d’un arrêt de
circonstance.
« Le sieur Bocliler, après avoir reconnu dans plusieurs contrats
» la v a lid ité du divorce obtenu par sa icm m e, avoit cependant
» tenté de le faire annuller par justice.
» Celle-ci, en repoussant les nullités, opposoit d’ailleurs et pé*
» rcrnptoircrnent que son ci-d evant mari étoit non recevable,
» attendu qu’il avoit reconnu la v a lid ité du divorce.
» Arrêt de la cour d’appel séante à Trêves, qui admet la fin de
» non-recevoir ; attendu que les moyens de n u llité étaient sans
)) fondem ent ; et encore, attendu que le inari a pu et voulu renoncer
�.7
( 2 )
)) au droit qu’il avoit de contester les effets civils du divorco de son
» épouse.
n Pourvoi en cassation, pour contravention à l’article 6 du Code
» civil.
» L e demandeur soutenoit qu’une convention tendante à faire
» valoir un acte de divorce n u l, seroit contraire à l’ordre public
» et aux bonnes mœurs ; qu’ainsi, en supposant le fait de recon>i n o is s a n c e ou consentement par le m ari, la cour d’appel n ’auroit
» pu conclure, en point de d ro it, que par la force de celte con» vention le divorce fût devenu inattaquable.
» A r r ê t . — Attendu qu’en ajoutant à la considération de la non
» application des lois invoquées par le demandeur aux actes par
»
»
h
»
»
»
»
»
lui attaqués, celle de l’approbation par lui donnée à la régularité
de ces actes, et même celle de la reconnoissance par lui faite dans
d’aulres actes publics de sa qualité de fem m e divorcée, à celle
qui a fait prononcer le divorce d ’avec lui, la cour d’appel n’a
pas violé l’art. 6 du Code civil, q u i , défendant de déroger par
des conventions particulières à l ’ordre public et a u x bonnes
m œ urs, et bornant sa défense à ce qui concerne ces objets d’intérêt public, a voulu permettre l’effet des reconnoissances et celui
» des transactions sur l’ intérêt civil et privé; ce qu’il a formelle» ment exprimé dans Fart. 2046, et ce que la loi transitoire de
» floréal an 11 a spécialement appliqué au divorce.
» La cour rejette.
» D u 24 pluviôse an i . — Section des requêtes. »
( S ir e y , an i 5 , pag.
3
225. )
Combien de différences notables entre cet arrêt et la cause!
Après un divorce demandé et obtenu par une fe m m e , c ’est le
mari qui, n’étant sous la puissance de personne, fait des conven
tions sur ce divorce.
11 traite librement; il n’est pas incapable.
11 traite sur les intérêts civils du divorce.
11
ne traite pas seulement sur la suite du divorce, mais il reconnoit par plusieurs actes la v alidité du divorce.
D 2
�( *8 )
En plaidant, il ne peut pas même prouver que le divorce ait etc
nul d’aucune nullité.
L a cour d ’appel en effet ne se décide que par ce motif.
En cassation, l’époux n’essaye pas même encore de prétendre que
son divorce est n u l, et il se borne à une dissertation polémique
sur l ’effet de la ratification qu’il a donnée.
Ainsi la position de la question n’étoit pas de savoir s’il avoit
pu transiger sur un divorce n u l, mais s’il pouvoit faire rescinder
un traité relatif aux intérêts civils, par cela seul qu’il avoit aussi
transigé sur la validité du divorce.
C ’est donc encore le fait qui a décide la cour de cassation ; et
si ses motifs donnent à méditer sur leur sens, il n’en résulte qu’une
plus grande conviction qu’elle a clairement distingué ce qui tenoit
à l’ ordre public et à l’ intérêt civ il et privé, et qu’elle ne s’est dé
cidée à juger aussi le sieur Boehler non recevable, qu’en ce que, le
divorce étant valable, ses traités étoient étrangers à l’ordre public.
L e m otif pris de l ’art. 2046 du Code le prouve. Il porte qu’on
peut traiter sur l’intérêt privé résultant d ’un délit. On 11’est donc
pas libre de traiter aussi pour l’intérêt de la société.
E t comme une femme ne peut pas être épouse respectivement
au corps social, el divorcée pour sa famille et pour elle-même,
il en résulte qu’elle peut bien traiter pour son intérêt privé, mais
seulement après que l’ ordre social n’ a plus d’ intérêt; c’est-à-dire,
quand son divorce a été consommé conformément aux lois.
L ’arrêt de cassation est donc bien loin d’être favorable à la de
moiselle M aigne, qui ne peut pas exciper d’un divorce légal, après
lequel sans doute la dame de Reyrolles eût pu traiter sur les intérêts
civils résultans de son mariage.
L a demoiselle M a ig n e , en citant cet arrêt, a prétendu, avec
le rédacteur, que l'article 6 du titre préliminaire du Code ne porte
qu’une prohibition obscure el incertaine, qui ne peut s’appliquer
à la cause, parce que les traités sur les divorces ne sont pas d’ordre
public.
J1 est vrai que ce rédacteur propose cette obscurité, seulement
�*9
(
)
comme un doute; mais il termine de manière à prouver qu’il ne
s’est pas décidé comme la demoiselle Maigne l’entend.
Cependant sa première application semble fautive; car en rédui
sant la définition d’ordre public à ce qui concerne l’état de la
république, quodadstatum reipublicœ pertinet, il n’a pas remar
qué que l’expression ju s publicum étoit alternativement employée
par les lois romaines pour le droit public et pour l ’ ordre p u b lic;
ce qui comporte encore une nuance nécessaire à distinguer, comme
on peut le prouver par des exemples.
Lorsqu’avant les novelles , la défense de distraire la falcidie
n’éloit pas permise, si un testateur avoit voulu en prescrire la dis
traction, à peine par son héritier de payer une somme aux léga
taires, celte disposition étoit déclarée nulle, comme contraire au
droit public , et toute action étoit déniée aux légataires ( i ) . . .
Cependant une telle nullité n’inléressoit aucunement l’ état de la
république.
Si en donnant la dot au mari on avoit stipulé qu’il ne contribueroit pas aux frais d ’inhumation que la loi meltoit à la charge
de la dot, celui qui avoit payé ces frais n ’en avoit pas moins une
action en répétition contre le mari, et il ne pouvoit pas opposer sa
stipulation, parce que la loi la déclaroit nulle et attentatoire au
droit public (2)... Cependant encore l ’état de la république étoit
fort étranger à cette convention.
(1)
F ra ler cum hceredem sororem scriberet, e t aliu m ab e A , c u i dona-
tum v o le b a t , stipulavi cnravit ne f a lc id it i uteretur
niam
,
si contrd f e c i s s e t , prcestare
,
Tej'ragandum co n stitit ; e t ideo sororem
luram
(a)
,
,
et ut certain p e cu -
privatoruni cautione legibus non esse
ju r e
p u h lico
et action em e x stipulata denegandarn.
(
L.
1
retentionem Jiabi-
S , f f . A d leg. f a l c . )
N eratius quterit s i is q u i dotem dederat pro muliere
,
stip u la tili
est.... N e q u id m aritus in fu n u s co n jerret , ari funeraria m aritus teneatur?
e t a it... S i alius fu n eravit, posse eum m aritum convenire , q u ia p a c to hoc
J u s 1‘ u b l i c u m
infringi non possit.
(
L.
20
, f f D e rclig. et sum pt.
)
�3
( ° )
Ces dispositions n ’étoient donc que d'ordre public, et la loi ne
vouloit pas qu’elles pussent être éludées par des conventions par
ticulières. Comment donc seroit-il proposable de supposer à la
prohibition de dissoudre le mariage, un moindre intérêt d ’ordre
public? et au lieu de se jeter dans l'application vague de la loi 6 ,
cod. D e p a c tis, et de l’art. 6 du C o d e, comment ne pas trouver
une nullité radicale aux divorces faits sans toutes les formalités,
quand la loi a dit : N ullum ratum est divortium, m s i, ete.? com
ment ne pas trouver une nullité radicale dans les conventions sur
les divorces, quand la loi a dit : P actiones nullam habere voluinus
Jirm itatem , tanquam legîbus contrarias? enfin, comment ne pas
voir une disposition prohibitive et irritante dans la loi du 20 sep
tembre, quand elle dit qu’un second mariage ?ie p e u tè Ire contracté
qu’après un divorce lé g a l?
Quand les lois sont si claires, comment seroit-il possible do
penser qu’une femme, à qui un divorce illégal n ’a pas ôté la qua
lité de femme mariée, ait pu s’en priver elle-même en se disant
divorcée, et en ne transigeant pas même sur la validité du divorce
qu’on lui oppose?
Que r e s t e - t - i l donc à la demoiselle M aigne, si ce n ’est de faire
d iv e r s i o n à la cause par la naissance d ’un enfant, survenue, dit-elle,
long-temps après le divorce? Mais d ’abord elle est convenue que la
date donnée à cette naissance étoit une erreur. Que n’avouoit-elle
avec la même franchise les circonstances explicatives dont elle étoit
mieux informée encore. On verroit qu’un époux chancelant entre
u n e épouse et sa rivale, déterminé it fixer son irrésolution par un
retour à scs devoirs , en est tout à coup détourné par une séduc
tion toujours active; habitare fa c it sterilern in dom o, et la mère
doses enfans, r e p o u s s é e comme une vile esclave, est obligée de céder
ii une étrangère les honneurs du ht conjugal.
E h ! qu’importe à la demoiselle Maigne cette naissance; est-ce
bien à elle à scruter la conduite d’une épouse? Si cette conduite
étoit blâm able, cet adultère qu’elle proclame ne seroit-il pas
�(3 0
son propre ouvrage?-n'en porteroit- elle pas le poids éternel?
Mais il ne s’agit point ici de la naissance d’un enfant; il suffit
à la dame de Reyrolles de déclarer qu’elle n’a point à en rougir,
et qu’elle est à même de présenter des témoignages non équivoques
pour sa justification. L e fait de celte naissance n’est ici employé
que comme moyen de la cause, et parce que la qualité de femme
divorcée y est donnée à la dame de Reyrolles. Mais ne seroit-il
pas bizarre que, dans la commune où un divorce a été prononcé,
l’officier public eût lui-même rendu à la femme la qualité d’épouse?
L ’objection est dorlc absolument nulle , et rentre d’ailleurs dans la
discussion précédente, où elle trouve sa réponse.
Ainsi s’évanouissent tous les moyens de la demoiselle Maigne,
et se justifie la décision des premiers juges.
L e nom de veuve du sieur de Reyrolles lui est ôté , mais il lui
en reste la fortune. La dame de Reyrolles se borne à vouloir ce
qui lui appartient , d ’après son contrat de mariage. N ’est-ce pas
assez qu’elle soit réduite à le demander à la demoiselle Maigne ;
qu’après vingt-neuf ans de mariage elle ait quelque chose à lui
envier, et que le sort de l’une et de l’autre soit aujourd’hui si
différent ?
Une règle de droit a prévu ces caprices de la fo rtu n e,et le vœu
du législateur n ’a pas balancé: M e liu s estfavererepetitioniqucim
cidventitio lucro. L e sort des parties seroit écrit dans cette loi
seule , s’il n’étoit déjà réglé par des principes d’une plus haute
importance.
A u x yeux de la morale et de l’opinion , l’intimée ne cessera pas
d ’être la veuve de Reyrolles; elle le sera de même aux yeux de la
co u r, puisque les lois ne réputent pas son mariage dissous. L a
demoiselle Maigne ne laissant pas de postérité, il ne s’agit point
ici du danger d’ôter un état civil à des enfans nés dans la bonne
foi. Ainsi, les principes demeurent dans toute leur force , et ne
sont vaincus par aucune considération. L a demoiselle Maigne est
réduite à des fins de non-rccevoir. Mais que signifient de misérables
�( 33 )
subterfuges dans une cause de cette nature ? Les magistrats n’y
verront qu’un mariage ou un divorce, c’e s t - à - d i r e , un objet
majeur et d ’ordre public. Alors disparoîtront les personnes, l’in
térêt seul de la société sera mis en balance, et l’arrêt de la cour
sera tout à la fois une leçon de morale et un monument de juris
prudence.
Signé F L O R A T , veuve D E R E Y R O L L E S .
M e D E L A P C H I E R , avocat.
M e C R O I Z I E R , licen cié avoué,
À R IO M , de l ’ im p rim e rie de L a n d r i o t , seul im p r im e u r de la
Cour d ’appel. — F r im a ir e an 1 4
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Couguet-Florat, Marguerite. An 4?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Croizier
Subject
The topic of the resource
divorces
assignats
substitution de testaments
jugement moral du divorce
Description
An account of the resource
Mémoire Pour Marguerite Couguet-Florat, veuve du sieur de Reyrolles, intimée; Contre Catherine Maigne, se disant aussi veuve dudit sieur de Reyrolles , appelante.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 4
1774-Circa An 4
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0309
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0706
BCU_Factums_M0708
BCU_Factums_M0615
BCU_Factums_M0524
BCU_Factums_M0707
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Coverage
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Brioude (43040)
Le Puy-en-Velay (43157)
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assignats
divorces
jugement moral du divorce
substitution de testaments
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f1e55fd1ea22da2e5327412609f00711
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MEMOIRE
COUR
d ’a p p e l
de riom.
EN R É P O N S E ,
P O U R
E t i e n n e
C A S T I L L O N , habitant à Rio m ,
intimé ;
C O N T R E
J e a n - B a p t i s t e A S S O L E N T , habitant à
P a ris, appelant.
C e u x qui se rendent cautions de leurs amis ou de leurs
proches, ne calculent pas toujours toute l’étendue de leurs
engagemens, et ne croient souvent remplir qu’une vaine
formalité. Ils veulent être généreux sans sacrifices et
sans risques, exaltant leur procédé quand ils en ont été
quittes pour leur signature ; mais invoquant toutes les
chicanes connues, si on s’adresse à eux pour payer ce
qu’ils ont promis,
A
�( 2 )
. ,
’ .
Voilà mot pour mot ce qui est arrivé au sieur
Assolent. Caution du sieur Blanchard, son beau-frère,
pour une entreprise de com merce, il s’en fût proclamé
le bienfaiteur et le patron, si l’entreprise eût réussi.
Mais Blanchard est insolvable et en fuite. L e sieur
A ssolent, sa caution, doit payer pour l u i , et c’est là
ce qu’il est difficile de lui persuader. D ’abord, le tribunal
qui l’a condamné ne lui convient pas. Il va même jus
q u ’à penser q u ’ u n acte par lequel un codébiteur paye
pour lu i, avec subrogation, est pour lui une quittance,
et le dégage de. son cautionnement.
Il s’agit donc de lui prouver tout à la fois qu’il a été
jugé par un tribunal com pétent, et qii’un transport ou
subrogation de créance maintient et confirme le titre,
bien loin de le dénaturer et d’opérer novation.
F A I T S .
Castillon et Blanchard voulurent entreprendre en
l’an 1 1 , à Riom , l’établissement d’un cylindre à indiennes.
Les premiers frais devoient être considérables, et Blanfchard n’a voit aucune fortune.
L e sieur Assolent, son beau-frère, domicilié à Paris ?
vint gén<ei’eüsenient à son secours, et lui promit son
cautionnement; en conséquence, Castillon et Blanchard
firent le Voyage de Paris : on y acheta un cylind re,
moyennant 8676 liv. 10 sous; et l’acte ci-après fut passé
le 18 prairial an 11.
D u fou r, serrurier, vend à Castillon et Blanchard un cylindre
�(
3
)
qu’il s’oblige de faire conduire et mettre en place à R i o m , dans
quatre mois. La conduite sera aux frais des acquéreurs, de même
que la maçonnerie du placement.
Dufour garantit pendant un an le cylindre vendu.
L e prix dudit cylindre ( 8^76 liv. 1 0 s . ) sera payé à Dufour à
P aris, par envoi de lettres de change ou autrement, moitié dans
un an et moitié dans deux ans, à compter du jour que le
cylindre sera en état de travailler , avec intérêt à 6 pour 100.
Castillon s’oblige à p ayer m oitié de ladite
som m e auxdits
term es ; B lanchard s’oblige à p ayer l’autre m oitié.
Assolent s’oblige , en cas que ledit Blanchard ne pût payer
la totalité ou partie de ses
4338
liv.
5
s. auxdits termes , après
toutes poursuites faites ; dans ce cas seulement, il promet et
s’oblige de payer audit Dufour les sommes qui pourroient lui
être dues par ledit Blanchard qu ’il cautionne.
Castillon s’oblige en outre , dans le cas où Dufour ne pût
être payé de Blanchard et d’Assolent, sa caution, après toutes
poursuites faites, à payer lui-méme. Alors le cylindre lui appar
tiendra en entier, sauf à rendre à Blanchard ce qu’il aura pa yé ,
après déduction des dommages-intéréts de Castillon. En ce cas
seulement il sera libre audit Castillon de faire vendre ledit
cylindre pour payer Dufour,
Il est convenu entre les parties que si Castillon et Blanchard
veulent avancer les termes de payem ent, Dufour leur fera une
remise de î a pour 100.
E n fin , Castilloi* et Blanchard s’interdisent la faculté d’exiger
la vente du cylindre jusqu’au parfait payement de Dufour.
Fait triple, etc.
Pour se mettre en étal de recevoir le cylindre, il fallut
faire une construction sur le modèle donné ; elle coûta
quatre cent et quelques livres. Mais Blancliard n’ayant
pas le premier denier, 011 emprunta la somme du sieur
�(4 )
A lb e rt, à qui il fut fait un effet signé de Castillon et
Blanchard, le 17 fructidor an 11. Castillon seul a été
obligé de l’acquitter.
Bientôt le cylindre arriva : il fallut payer 493 liv.
pour la voiture ; et Blanchard n’ayant encore rie n , il
fut aussi question d’em prunter, moyennant un autre
eilet que Castillon a de même acquitté seul.
D ufour vint à R io m , et plaça le cylindre le 30 frimaire
an 1 2. Il engagea ses débiteurs à lui avancer toute la
somme promise; mais comme Blanchard en étoit inca
pable, le sieur Castillon emprunta seul du sieur A lbert
la somme nécessaire; et comme il n’avoit garde de mettre
du secret à ce payement, il en fut passé acte notarié,
le 30 frimaire an 12 } entre les sieurs A lb ert, Dufour et
Castillon.
Par cet acte Dufour reconnoit avoir reçu par anticipation, de
Castillon se u l, et de ses deniers, 8676 liv. 10 sous pour le paye
ment par anticipation du prix du cylindre.
Dufour tient quitte ledit Castillon, et le subroge en tous ses
droits contre Blanchard, et contre le sieur A s s o le n t, sa cau
tion.
Il donne pouvoir à Castillon de se servir de son nom pour
la répétition de la moitié de ladite somme de 8676 liv. 10 s.
Castillon se reconnoit ensuite débiteur du sieur Albert, à qui
il fait des effets pour la somme prétée.
Bientôt le cylindre se dérange, deux rouleaux se cas
sent; et comme il y avoit garantie pour un an, Castillon
et Blanchard assignent D ufour au tribunal de commerce
de R iom , le 7 vendémiaire an 13.
D ufour n’eut garde de décliner la juridiction ; il vint
�(5).
à Riom ; et au lieu de soutenir un mauvais procès, il
répara l’un des rouleaux, et vit que l’autre avoit besoin
de refaire. En conséquence, par un acte du 13 brumaire
suivant, il s’obligea d’en délivrer un neuf dans cinq mois;
au moyen de quoi il fut libéré de toute garantie, et les
sieurs Castillon et Blancliard se désistèrent de leur as
signation.
L e premier terme de payement pour Blanchard devoit échoir le 30 frimaire an 13 , et non pas le 18 prairial
an 12, comme a affecté de le dire le sieur Assolent pour
son avantage. Car l’échéance n’étoit qu’un an après le
posement du cylindre. O r, déjà Castillon avoit fait des
démarches pour être payé ; et le sieur Assolent nous
l ’apprend lui-même.
Dès le 17 frimaire an 13, Castillon avoit écrit au sieur
Assolent une troisième lettre, pour lui faire part de la
position de Blanchard, son beau-frère , et de sa sœur, et
pour l’engager à prévenir la perte totale de cette famille,
par des frais et des poursuites. Si vous ne Taviez pas
caution né, lui m arque-t-il, je ne serois pas entré dans
la vente.... ,* le double est écrit en entier de votre m ain...;
en ne recevant pas de réponse, je ne sais à quoi rrfatten
dre.... Suivant la lettre de mon fr è r e , vous dites que
vous ri avez pas de réponse à me f a i r e , parce que vous
aviez écrit au sieur Blanchard.... I l a soutenu ri avoir
reçu aucune lettre de votre part.... ,* je ri entends pas
vous surprendre • je vous écris ce que je pense.,..
Ainsi Castillon éci'ivoit lettre sur lettre; et le sieur
Assolent ( qui se dit pris au d épourvu, après que Cas-
�( 6)
tillon a eu le temps de s’enrichir dans un commerce
productif ), Assolent noüs prouve lui-même qu’il savoit
tout dans l’année même du placement du cylindre, et qu’il
se défendoit déjà d’une manière évasive et mensongère,
en esquivant une réponse.
Quoi qu’il en soit, Castillon, ennuyé d’écrire, fit donner
à Blanchard une assignation qui ne se retrouve plus, et qui
seroit d’ailleurs aujourd’hui insignifiante. Ensuite, le n
germinal an 13 , il assigna le sieur Assolent à payer le pre
mier terme du cylindre; il l’assigna sous le nom de Dufour,
qui l’y avoit autorisé par l’acte du 20 frim a ire an 12.
C’est ici où on va connoître l’esprit de bonne foi qui
animoit déjà le sieur Assolent: le lendemain il courut
surprendre au sieur D ufour un désaveu de cet exploit;
et comme l’acte du 30 frimaire étoit connu, il crut se
donner quittance en faisant déclarer à D ufour qu’il n’avoit rien à réclamer contre lui Assolent.
Ce chiffon ne devoit pas arrêter les poursuites de Cas
tillon, qui, procurator ùi rem suatn, avoit le droit de
plaider sous le nom de D ufour, malgré Dufour lui-même.
Cependant, comme il ne retrouvoit plus les diligences
faites contre Blanchard, il a .voulu se mettre tout-à-fait
en règle de ce côté, pour éviter une chicane de plus.
En conséquence, le 30 fructidor an 12, il a assigné
Assolent au tribunal de commerce de Riom , pour payer
sa moitié de la dette cojnmune échue. L e 5 vendémiaire
an 14 , il a obtenu un jugement de condamnation. Il l’a
signifié à Blanchard le 26, et a fait constater son insolva
bilité le 3 brumaire, par un procès verbal de carence.
A ptes cette procédure, il a assigné le sieur Assolent,
�( 1)
le i8 brum aire, au même tribunal de commerce, pour
être tenu desdites condamnations.
L e sieur Assolent s’est d’abord laissé condamner par
défaut; puis sur son opposition il a conclu à la nullité
de l’exploit en la form e, et subsidiairement à l’incom
pétence du tribunal.
Par un second jugement du 28 mars 1806, il a été
débouté de ses conclusions, et a demandé la remise sur
le fond. Enfin il s’est laissé condamner par défaut par un
troisième jugement, et a interjeté appel.
Ses moyens sont consignés dans une consultation im
prim ée, qui décide que dans tous les sens le sieur Asso
lent a raison; c’est-à-dire, i ° . que les juges de Riom sont
incompétens ; 2°. que Castillon est non recevable à lui
demander le remboursement de la dette qu’il a acquittée
volontairement pour Blanchard. Telles sont les préten
tions auxquelles Castillon va opposer des moyens.
M O Y E N S .
i° . Compétence.
L ’objet de la demande est le payement de partie du
prix d’un cylindre vendu par un marchand ou fabricant,
de Paris, h deux marchands ou fabricans, de Riom. La
chose vendue a été livrée et posée à Riom. L e prix devoit être envoyé à Paris, soit en argent, soit erTefTets
de commerce.
L ’ordonnance de 1673 veu t, nu titre. 12 , que les juges
de commerce soient compétens en plusieurs cas.
�( 8 )
Entre marchands , pour marchandises ou billets de
change.
Entre toutes personnes, pour lettres de change ou re
mises d’argent de place en place. ( A rt. 2. )
Pour ventes faites à. des marchands et gens de métier,
pour revendre, ou travailler de leur profession. (A rt. 4).
L e créancier peut assigner à son choix, ou au lieu du
domicile du débiteur, ou au lieu auquel la promesse a
été faite et la marchandise fournie, ou au lieu auquel
le payement doit être fait. ( A rt. 17. )
Ainsi il résulte de l’ordonnance de 1673, que Castillon,
créancier de Blanchard et du sieur Assolent, par subro
gation de D u fo u r, a eu le droit d’assigner Blanchard et
Assolent au tribunal de commerce, i°. parce qu’il s’agissoit du prix d’un marché fait entre trois marchands ou
artisans , sous la caution accessoire d’un bourgeois ;
2°. parce que le prix devoit être payé en lettres de
change, ou par remise d’argent de place en place.
11 pouvoit assigner Blanchard et sa caution à leur do
micile; c’étoit Riom ou Paris : Dufour étoit même obligé,
par raison de convenance, à n’assigner ses débiteurs qu’à
Riom , lieu où la marchandise étoit fournie; car c’est le
juge de l’exception qui doit connoître de la demande. O r,
la défense naturelle des débiteurs n’eût pu être que le
mauvais état du cylindre; et il est sensible que la véri
fication d’un objet aussi matériel ne pouvoit se faire que
sur le local même.
Ici d’ailleurs le sieur Assolent n’est rie n , et ce n’est
pas lui qu’il faut considérer. Blanchard est la partie prin
cipale; et certes la juridiction compétente pour l’une des
parties
�(9)
parties doit l’être pour les autres, dans un acte solidaire
et indivisible ; à plus forte raison en ce qui concerne le
iidéjusseur qui s’est identifié avec l’obligé principal, eu
l’aidant de son cautionnement.
L e sieur Assolent convient que Blanchard a pu être
appelé au tribunal de commerce de Riom ; et par une
inconséquence difficile à bien comprendre, il veut qu’on
change à son égai’d de juridiction.
Sa première objection est de dire : Il y a incompétence
ratione loci, parce que D ufour et moi sommes de Paris,
et que la convention y a été faite. O r, j’étois obligé envers
Dufour seul, je ne devois donc être assigné qu’à Paris.
Mais n’est-ce pas là une pure équivoque? S’il s’est obligé
envers D ufour seu l, il n’a pas pour cela traité seul avec
Dufoui\ Sans doute D uiour pouvoit citer Blanchard au
tribunal de commerce de R iom ; il le devoit m êm e, et
le sieur Assolent l’avoue. Gomment donc étoit-il obligé
de faire contre la caution un procès séparé, et de plaider
en deux tribunaux éloignés pour le même payement?
V oilà le sieur Assolent retombé dans la difficulté qu’il
veut résoudre ; il ne se dissimule pas q u e , comme cau
tion, il seroit dans l’ordre qu’il suivît la même juridic
tion ; mais il répond à cela par un autre moyen.
L ’ordonnance de 1667 porte que ceux qui seront as
signés en garantie seront tenus de procéder en la juri
diction où la demande originaire sera pendante, encore
qu’ils nient d’être garans.
D onc, se líate de dire le sieur Assolent, je ne devois
être appelé à Riom que si le procès contre Blanchard y
étoit encore -pendant ; mais il est jugé.
B
t
�C 10 )
Quand il seroit vrai que l’ordonnance de 1667 ait voulu
ainsi, par un mot à double sens, décider une question
dont elle ne s’occupe p a s , le sieur Assolent ne pouvoit
se l’appliquer.
D ’abord il n’étoit pas possible que le sieur Castillon l’assiguât dans le temps que le procès contre Blanchard étoit
encore pendant,* car la convention du 18 pluviôse an 1 1 ,
porte expressément que le sieur Assolent ne pourra être
convenu qu’’après toutes poursuites faites contre Blan
chard.
En second lieu , ce que l’ordonnance établit contre
un garant, ne prouve pas que les cautions aient le droit
de s’y assimiler ; et quoiqu’il y ait de la parité dans la
garantie et le cautionnement, il s’y trouve cependant
une nuance qu’il est important de saisir.
L e garant, dans le sens de l’ordonnance, est étranger
au demandeur principal; il n’a pas contracté avec lu i:
conséquemment c’est tine exception au droit commun,
que de lu i ôter ses juges pour le faire suivi'e ceux de
la personne qui l’assigne.
Mais la caution d’une dette a contracté envers le de
mandeur principal ; elle a suivi le sort du débiteur : et
dès qu’il y a communauté d’obligation, il doit y avoir
aussi communauté pour les poursuites. Accessorium
. sequitur naturam rei principahs. L e marseillais qui
endosse un effet de commerce souscrit par un individu
de Paris, et passé à l’ordre d’un autre marseillais, peutil d ir e , sans violer tous les principes du commerce :
J ’ai traité à M arseille, avec un autre habitant de M ar
seille, donc je ne puis être assigné qu’à M arseille, ra-
�c *o
tione ïoci. Voilà cependant le système du sieur Assolent.
Sa seconde objection est de prétendre qu’il y a encore
incompétence ratione materiœ et personœ. Car, dit-il,
mon engagement est distinct de celui de Blanchard, qui
est marchand. Je suis employé à la comptabilité natio*
nale, donc je n’ai p a s entendu m’assujétir à la juridiction
du commerce, quoique Blanchard ait pu y être assigné.
La cour de cassation a fait justice d’un moyen sem
blable, par arrêt du 10 vendémiaire an 13 , au sujet
d’une vente de commestibles faite par un marchand et
un individu qui ne l’étoit pas.
« Considérant que quoique Martinet ne fût pas né« gocian t, il a suffi qu’il ait fait une association avec
« Chambon, en s’obligeant, conjointement avec lui, à
cc livrer. . . pour qu’il ait été soumis à la même ju ricc diction.
« Qu’il résulterait du système contraire, que le de« mandeur n’auroit pu agir devant les juges consuls,
« que contre Cham bon, et qu’il auroit été obligé d’agir
« contre Martinet devant les juges ordinaires. . . la cour
« casse, etc. »
D ’après cela il faut se dispenser sans doute d’examiner
encore si le sieur Assolent, caution d’un marchand, et
qui n’a pas traité par lu i-m ê m e , peut être présum é,
comme il le d it, avoir stipulé qu’il ne seroit pas distrait
de ses juges naturels.
,
Une troisième objection du sieur A ssolent, prouve
qu’il 11’avoit pas beaucoup de confiance aux premiers ;
car pour la présenter, il faut qu’il soit en contradiction
avec ce qu’il a dit lui-même.
B 2
�( Ï2 )
Il n’a pas nié que la cause ne fût de la compétence
consulaire à l’égard de Blanchard; et maintenant il va
jusqu’à dire que le tribunal de commerce étoit géné
ralement incom pétent, parce qu’un objet vendu à des
marchands , ou artisans, pour travailler de leur pro
fession , ne s’applique qu’à ce qui est destiné à convertir
en marchandises pour les revendre.
A la vérité, Jousse, sur l’art. 4 du titre 12 , qu’il a le
plus longuement commenté, prend à la lettre les compa
raisons de l’ordonnance, pour en induire que la vente de
poinçons à un marchand de vin, de métier à bas à un bon
netier, n’est pas de la compétence du commerce, pas plus
qu’une vente de bois, dit-il, ou de pierres à un meunier
pour réparer son moulin. Voilà ce que pense M . Jousse,
d’ailleurs si judicieux dans toutes ses observations.
Mais il semble que la raison ne peut adopter la restric
tion trop grande que cet auteur veut porter à une juri
diction qu’il ne faut pas laisser empiéter , mais qu’il est
de l’intérêt du commerce de voir protéger et maintenir.
Les réparations d’un moulin ne sont pas destinées immé
diatement au travail d’une profession; mais des tonneaux
et un métier le sont certainement, sauf quelques exceptions
qui doivent demeurer à l’arbitrage du juge. Sans cela le
marchand de vin qui achètera des tonneaux et les revendra,
sera le maître d’alléguer qu’il ne les a achetés que pour
son usage; le serrurier qui achètera du fer, dira qu’il n’a
voulu l’employer qu’à ses propres serrures ; et ainsi dans
ce chaos de questions de faits, un arbitraire décourageant
scroit substitué au texte de la loi.
Les tribunaux de commerce ont eu d’autres guerres à
�( 13 )
soutenir contre les présidiaux , que celles des commentai
res. Plusieurs arrêts de règlement y ont mis fin; et on
connoît notamment ceux de 1733 et 1734, entre les séné
chaussées d’Angoulèm e et de Bordeaux, et les juges con
suls de ces deux villes.
L à l’article de la loi se commente par lui - même :
« Afin de revendre, ou employer dans leur travail et
« au x ouvrages de leur art et profession. »
Ainsi travail ne veut pas dire seulement emploi aux
ouvrages, puisque l’arrêt se sert ici des deux expressions,
comme de deux choses différentes.
Remarquons encore que l’objection du sieur Assolent
n’embrasse pas le fait de la promesse de payer en lettres
de change, ou remise d’argent de place en place, ce qui
est bien sans équivoque de la juridiction du commerce.
Enfin le sieur Assolent ne peu t pas prétendre que Blan
chard a été mal assigné; non-seulement parce qu’il est
convenu du contraire, mais plutôt parce qu’il n’a point
attaqué le jugement qui concerne Blanchard, et qui règle
la juridiction.
2°. Fins de non-recevoir.
L e sieur Assolent les divise en quatre. i° . dit-il, Castillon n’a aucune action contre Assolent, parce qu’Assolent n’a contracté aucune obligation envers lui. 20. Asso
lent est déchargé du cautionnement, pai’ce que Castillon
ne peut plus le subroger. 30. Il y a novation par l’acte
du 20 frimaire an 12. 40. Blanchard est présumé avoir
payé Castillon; ce qui résulte des circonstances.
�(
*4
)
Castillon ne se propose pas de suivre le sieur Assolent
dans tout ce qu’il a dit sur cette partie de sa défense; elle
est fondée sur des erreurs de droit si palpables, qu’une
longue réfutation supposeroit que Castillon n’a pu s’em
pêcher de les craindre.
§. 1er.
Pas d'action.
Il est vrai qu’Assolent n’a pas promis à Castillon de lui
payer 4338 liv. 5 s. pour moitié d’un cylindre; et en effet
il ne lui devoit rien.
Mais il l’a promis à Dufour. Dufour a subrogé Cas
tillon; c’est-à-dire, il lui a vendu sa créance. Donc Cas
tillon est devenu créancier; donc il a une action.
[
L e sieur Assolent ajoute que Castillon n’a le droit que
de faire vendre le cylindre. Mais l’acte qu’il a imprimé
en entier lui disoit seulement que Castillon seroit libre
de faire v e n d r e le cylindre, si B la n c h a r d ne payoit pas;
et comme il seroit fort difficile de retirer 8600 francs d’un
objet dont l’expérience n’a pas favorisé le crédit, Cas
tillon n’a eu garde, en usant de cette faculté, de se faire
opposer une fin de non-recevoir, qui auroit été plus
puissante que celles où en est réduit le sieur Assolent.
§.11.
Défaut de subrogation.
L ’exception cedendarum aclionum étoit un principe
de droit avant l’article 2037 du Code civil; et il est cer
tain que le créancier ne peut plus forcer la caution de
�( i5 )
le payer, lorsqu’il ne peut plus la subroger à ses droits
et hypothèques par sa faute.
Cela s’entend, par exemple , lorsque le créancier a
laissé prescrire ou périr son action ; lorsqu’il avoit une
hypothèque, et qu’il l’a laissé pei-dre.
Mais qu’est-ce que cette hypothèse a de commun à la
cause? L e sieur Assolent ne peut l’y appliquer qu’avec
un sojohisme tellement subtil qu’il devient inconcevable.
Comment D u fou r, dit le sieur Assolent, pourra-t-il
me subroger? il ne lui est rien dû. Comment pourrezvous me subroger vous-même ? votre subrogation donneroit une action contre vous-m êm e, dès que vous êtes
codébiteur de Blanchard.
La p r e m iè r e in te r r o g a tio n n ’a pas b e so in de réponse,
car c e n ’est pas D u f o u r q u i d e m a n d e ; et il n ’est b e s o in
de répondre à la seconde que si Castillon a été o b l i g é pour
Blanchard vis-à-vis D u fo u r, il est ridicule de dire qu’il
l’est vis-à-vis le sieur Assolent. Comme Castillon-, il a payé
sa m o itié, et ne prétend à aucune action à cet égard ;
comme subrogé à D ufour, il a pu assigner et faire con
damner Blanchard qui ne paye pas : donc, à son défaut,
il peut faire condamner le sieur Assolent, et il peut aussi
le subroger en ses droits résultans du jugement du 5 ven
démiaire an 14.
§. I I I .
La novation.
Sans difficulté la novation éteint le cautionnement; il
ne s’agit plus que de savoir quand elle s’opère.
�(
1 6
3
.
,
L ’article 1271 du Code civ il, cité par le sieur Assolent
en sa faveur, porte qu’il y a novation « lorsque, par
« l’effet d’un nouvel arrangement, un nouveau créancier
« est substitué à l’ancien, envers lequel le débiteur se
« trouve déchargé. » O r, ajoute le sieur Assolent, l’acte
du 30 frimaire an 12 substitue un nouveau créancier à
D u fou r, à qui je ne dois plus rien; ainsi cet acte porte
novation.
C ’est-à-dire, suivant le sieur Assolent, que si un créan
cier cède sa créance à un tiers, la caution est libérée. V oilà
qui est un peu g én éral, et ne semble pas fa vo r ise r le
commerce, où chaque oi'dre passé d’une lettre de change
substitue un nouveau créancier, sans qu’on ait imaginé ce
pendant par là opérer novation et libérer les codébiteurs.
L ’objection du sieur Assolent se seroit affoiblie, s’il
avoit aussi imprimé les exceptions que le Code civil a
mises à l’article 1171. En voici une cependant qui sembloit
essentielle.
A rt. 1277. « La simple indication faite par le débiteur,
« d’une personne qui doit payer à sa place.
« Il en est de même de la simple indication faite par le
« créancier, d’une personne q u i doit recevoir -pour lui. »
L e sieur D ufour, en subrogeant Castillon, ou lui pas
sant l’ordre de sa créance, n’a donc pas opéré novation;
car il a cédé tous les droits qui résultoient de l’acte du
18 prairial an 11. Novatio est pnoris debiti in alium
debitum translatio u t p r i o r p e r i m a t u r . Aussi l’ar
ticle 1273 du Code civil dit que la novation ne se pré
sume pas , et qu’il faut que la volonté de l’opérer résulte
clairement de l’acte.
§. IV.
�( i7 )
§. I V .
Le défaut de poursuites.
Encore un principe inconnu, invoqué par le sieur
Assolent. Je ne devois être tenu de payer, dit-il, qu’après
les poursuites faites c o n tr e B l a n c h a r d , et dans ce cas seu
lement. D o n c vous deviez les faire au terme exprès du
payement, ù peine de perdre votre action.
Etrange conséquence !
L ’ordonnance de 1673 ne libère les cautions, même
des lettres de change, qu’après trois ans à compter de
l’échéance; et le sieur Assolent veut être libéré après
un an . . . . après huit jours.
Aucune loi n’exige que , hors les protêts, un créancier
fasse ses diligences aussitôt le terme échu ; et encore à
l’égard des protêts, il faut, pour alléguer la fin de nonrecevoir, prouver qu’il y avoit provision au temps de
l’échéance ; ce que le sieur Assolent n’articule pas.
A la vérité, il veut persuader que, lors de l’échéance ,
Blanchard n’étoit pas insolvable; mais il n’en trouve la
preuve que dans le silence des créanciei's à cette époque^
ce qui n’est autre chose qu’un cercle vicieux.
§. V .
Les présomptions.
Dans ce vaste champ des fictions et des hypothèses, le
sieur Assolent n’est plus entravé dans ses citations de lois
par des lois contraires; aussi il a paru se complaire prinG
�( 18 )
cipalement dans les preuves qu’il se fo u rn it, consistant
en six conjectui-es qu’il dit graves et concoi’dantes.
i re. Obj. Les deux associés ont dû payer le cylindre avec
ses premiers produits.
Rép. Mais le cylindre (brisé et réparé en l’an 12 ) n’a
pas produit de quoi faire exister les ouvriers.
2e. Obj. Castillon , en payant d’avance, a eu confiance
dans son associé, et le sieur A lbert a gardé le silence.
Rép. La c onfiance dans l’avenir ne prouve pas le paye
ment. I^e sieur Assolent aussi a marqué sa confiance en
Blanchard, six mois plutôt, puisqu’il a été sa caution;
ce qui ne prouve pas davantage. L e sieur Albert ri’avoit
que faired’assigner Blanchard, dès qu’il peut se faire payer
du sieur Castillon.
3e. Obj. L ’acte du 13 brumaire an 13 prouvequeÜ ufour
étoit payé. Il y dit que Blanchard est libéré envers lui : c’est
à une époque bien postérieure à l’échéance ; donc Blan
chard a payé.
Rép. Ce traitéest fait tf^fl/ziPécliéance, cela est prouvé;
D ufour n’y dit pas que Blanchard est libéré envers lui ;
donc Blanchard n’a pas payé.
4c. Obj. L ’exploit du 11 germinal , sous le nom de
D ufour, prouve une ruse entre Castillon et Blanchard,
pour faire payer la caution.
R ép. A quels signes se connoît cette ruse? L e sieur
Assolent ne ledit pas. Tous les jours le créancier subrogé
se sert du nom du cédant ; la loi 7, au tt. D e hœr. vel act.
vend, y est formelle. Ici un acte notarié endonnoitle droit;
et user d’un droit n’est pas une ruse.
5 e. Obj. L e désaveu du 12 germinal porte expressé-
�( *9 )
ment que D ufour n’a aucune réclamation à élever ; donc
il établit la libération de Blanchard.
R ép. Comment le sieur Assolent o s e -t-il répéter la
révélation d’une surprise qu’il a tentée sans succès. Certes
D ufour n’étoit plus créancier après avoir cédé sa créance.
C ’étoit du créancier actuel qu’il falloit avoir cette décla
ration; et D ufour, loin de la donner pour lu i, a au con
traire ajouté dans l’acte : Sans nuire à Castillon.
6 °. Obj. La lettre du 17 frimaire prouve qu’il existoit
une fabrique d’indienne, et qu’elle étoit en plein produit.
Castillon doit produire l’acte de société et les registres ;
la preuve de libération s’y trouveroit matériellement éta
blie.
R ép. C’est donc pour ce puissant moyen que le sieur
Assolent a imprimé une l o ng ue lettre où Castillon a l’a
vantage du moins de prouver î\ la cour combien est grande
la véracité du sieur Assolent. Il dit quron n’a songé à s’a
dresser à lui que long-temps après le terme : o r , la lettre
le devance de treize jours, et c’est la troisième lettre.
C’est là que le sieur Assolent veut voir la preuve d’une
fabrique en plein rapport; et c’est là qu’on voit au con
traire que Blanchard est entièrement perdu, s’il est pour
suivi, et si Assolent ne paye pas pour lui. A u reste, Cas
tillon produit un procès verbal de carence qui dément
toutes les allégations du sieur Assolent. C’est donc à lui
à le combattre, ainsi qu’il avisera.
T elle est la dernière ressource d’une caution qui voudroit être quitte de son engagement sans bourse délier.
Mais si l’honneur ne lui fait pas un devoir de respecter
�(2 0 )
cet engagement, sa convention l’y oblige; car « les con
ventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites;
« elles doivent être exécutées de bonne foi. » ( Code
c iv il, art. 1 1 34. ) Et certes s’il est malheureux pour le
sieur Assolent de payer la dette d’un b eau -frère, il le
seroit bien davantage pour Castillon de payer la dette
d’un étranger. Il n’a fait une entreprise avec Blanchard
que sous la foi du cautionnement promis par le sieur
Assolent, ainsi que la lettre produite l’atteste. Cette en
treprise n’a pas eu de succès ; et Castillon , qui déjà
perd sa propre m ise, ne doit pas éprouver une double
perte pour alléger le sieur A ssolen t, qui s’est imposé
un devoir sacré, et qui ne peut vouloir en rejeter le far
deau sur autrui, sans manquer à la probité et à la justice.
M e. D E L A P C H I E R , avocat.
M e. B E A U D E L O U X , avoué licencié.
A R I O M , de l'imprimerie de L
a n d rio t ,
seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Novembre 1806.
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Castillon, Étienne. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Beaudeloux
Subject
The topic of the resource
créances
cylindre à indiennes
textile
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, Pour Étienne Castillon, habitant à Riom, intimé ; Contre Jean-Baptiste Assolent, habitant à Paris, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1794-1806
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0310
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0502
BCU_Factums_G1607
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Coverage
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Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Créances
cylindre à indiennes
textile
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MÉMOIRE
POUR
M a r i e D A Y M A R D , v e u v e L a c r o i x , et M a r i a n n e
C O U D E R C , fem m e de D U R A N D - R i e u x ,
appelantes;
C O N T R E
E m e ric, M a r i e , M a r ia n n e
G IN E S T E et a u tr e s ,
intimés.
L A
famille Gineste fait plaider les héritiers Daymard et Cou-
derc, depuis cinquante ans, pour obtenir le recouvrement d’une
créance qu’elle ne conteste pas , mais qu’elle ne veut pas payer.
Un arrêt souverain donne à ces créanciers deux gages plus que
suffisans; c’est-à-dire, la légitime d’un oncle, dont les adver
saires sont héritiers, et la succession bénéficiaire de leur aïeule.
Mais si on en croit les héritiers Gineste, ces deux gages se ré
duisent à un se u l, lequel se réduit à rien; car ils veulent que la
légitime n’existe pas , et que la succession bénéficiaire soit ab
sorbée pour leurs reprises.
x
�Ces prétentions ne devraient pas être bien longues à combattre
api'ès un arrêt; mais comme les juges de Saint-Flour se sont
permis d’ infinner cet a rrê t, sous prétexte de le commenter, il
est nécessaire de rappeler l’origine de la contestation, et quel
était son état lors de l’arrêt qu’il s’agit aujourd’hui de faire
exécuter.
F A I T S .
L e 7 juillet 1741, Marie Duvel de M u ra illa c, veuve de Gas
pard Second s de la ville de P le a u x , acheta du sieur Montesquiou de Saint-Projet , diverses rentes et censives, moyennant
6,124 fr.
Elle les revendit à Joseph Daymard et Jean Couderc, auteurs
des appelantes, le. 10 janvier 1706, moyennant 6,674 fr*
Quand les acquéreurs crurent se mettre en possession des
objets vendus , ils trouvèrent un fermier judiciaire qui leur
apprit que la terre de Saint-Projet était en saisie réelle au par
lement de Toulouse.
Ils se pourvurent pour obtenir la distraction des objets vendus,
ou une indemnité, et assignèrent leur venderesse en recours.
L ’arrêt d’adjudication ou J°rdre ne leur accorda rien, et les
laissa seulement à faire valoir leur garantie contre la veuve
Second.
*r Ils étaient en cause contr’elle , en 1761 , lorsqu’elle m o u ru t,
laissant pour héritiers Jean Second son-fils, prêtre, et les enfans
4
de Marie-Jeanne Second sa fille, mariée on 1787, au sieurEmcric
Gineste, juge à Pleaux.
Eineric Gineste, qui avait plaidé jusqu’alors avec sa bellemère et avoc son beau-frère, s’empara de tout; et néanmoins
il déclara, pour ses enfans, qu’il n’entendait se porter héritier
que sous bénéfice d ’inventaire. Il présenta une requête , fit
donner une simple assignation à son beau-frère qui habitait
Paris, et une assignation a cri public ù tous prétendans droit•
puis il lit dresser un inventaire comme il lui plut.
�C3)
. ' L e mobilier en évidence lui parut trop conséquent; et pour
en distraire la majeure partie, il produisit au juge l’inventaire
de son beau-père mort en 1781, pour prétendre que tous les objets
de même nature, inventoriés en 1781, devaient être retranchés de
la succession M uraillac; puis, ayant mis ordre à tout, il atten
dit la poursuite des Daymard et Couderc.
Ceu x-ci assignèrent en reprise, les i . er et 20 décembre 1764,
tant l’abbé Second, que le sieur Emeric Gineste père, et Pierre
Gineste, son fils aîné, majeur. ( NoLa. Marie-Jeanne Second et
Emeric Gineste avaient eu trois enfans ; Pierre, marié à Fran
çoise Delzor; Marguerite, qui a épousé un sieur Feneloux , et
Marianne).
Ils apprirent, i.° que la dame Muraillac , avant son décès,
avait déposé des effets chez la d am eD hauzers, abbesse de Brageac, et chez les ursulines d’Argentac, sous prétexte de les des
tiner à l’abbé Second , son fils, victime de la chicane de son
beau-frère; 2.° qu’elle avait vendu une maison au sieur Chantegrie-Lavigerie ; et pour en dénaturer le p rix , dont l’acte por
tait quittance, elle s’était fait consentir une obligation, dont le
sieur Gineste fils s’était emparé.
E n conséquence, ils firent des saisies-arrêts dans les mains
de tous ces débiteurs de la succession.
Nous verrons bientôt comment Pierre Gineste enleva des
titres précieux déposés chez l ’abbesse de Brageac, et qu’ il redou
tait singulièrement de laisser connaître. Pout-être chercha-t-il
à en faire autant chez les religieuses d’Argenlac; mais soit qu’il
n’y parvînt p a s , soit de concert avec elles , elles firent vendre ce
mobilier en place publique, on y appelant seulement Gineste
père et lils ; et la vente, frais déduits, produisit 96 liv. 7 sous
5
2 deniers.
Quant à la dette de Chantegrie, les Gineste se voyant décou
verts , avaient pris une autre tournure; au moyen de quelques
créances trouvées clans la succession , et auxquelles ils s’étaient
fait subroger, ils avaient ouvert un ordre, lors duquel ils
�( 4 3
se firent colloquer pour 1,742 francs, par sentence de 1765.
A in s i, par une main-mise générale, et par des manœuvres en
apparence régulières , mais qu’on ne révélait aux Daymard et
Couderc qu’à mesure qu’ils faisaient des découvertes , les
Gineste préparaient un long procès à des créanciers simples
et de bonne foi.
>
Cependant ces créanciers, convaincus de jour en jour que
toutes les démarches des sieurs Ginesle étaient une fraude diri
gée contr’e u x , conclurent, par requête du 11 mars 1 7 8 5 ,^
être reçus à prouver que postérieurement à 1770, Pierre Gineste, fils d’Emeric (décédé alors), avait fait acte d’héritier
en vendant des objets de la succession , et payant des dettes :
subsidiairement ils conclurent à ce qu’il rendît compte du
bénéfice d ’inventaire.
E n 1786, ayant appris que l’abbé Second était décédé, ils
conclurent à la reprise contre les Gineste en qualité de ses
héritiers; et on voit dans un mémoire du
juillet de la même
année, qu’ils y observent que l ’abbé Second est mort créancier
de sa légitime paternelle et maternelle, et que les Gineste doi
vent la rapporter pour faire face à la dette de la Muraillat.
On voit bien une réponse à ce mémoire de la part des G i
neste, sous la date du 29 août 1786; mais on n’y a pas remar
qué qu’ils aient trouvé une seule objection à faire contre cette
demande de la légitime paternelle de l ’abbé Second.
On a élagué de cette procédure toutes les chicanes et conclu
sions de forme des Ginesle , qui, à chaque suspension deproce
dure, commandée par plusieurs décès successifs des parties et
des procureurs, et plutôt par le besoin de surveiller leurs dé
marches , ne manquaient pas de demander des péremptions,
sur-tout lorsque le tems de la prescription fut venu; et quand
ils n’y réussissaient pas, ils demandaient leur renvoi de T o u
louse à A u i'illac, pour rendre commun aux Daymard un compte
bénéficiaire qu’ils y avaient présenté en 1 7 7 2 , à un créancier de
210 francs.
�(5 )
C ’est en cet état que fut rendu au parlement tle Toulouse , sur
productions respectives , entre les parties , et par défaut, contre
les tiers saisis, le 9 mars 1789 , lin arrêt qu’il faut mettre en son
entier sous les yeux de la co u r, puisque les difficultés princi
pales qui s’élèvent aujourd’hui, naissent de son exécution.
» Notredite Cour..........démet ( les Gineste ) des demandes
« à ce que l’instance soit déclarée périmée. . . . . ; condamne
« lesdits Delzor (ve u v ed e Pierre Gineste) , Parlange (tuteur),
« Feneloux et Marguerite Gineste mariés , en leurs qualités
« d'héritiers de Joseph S e co n d , fils de ladite Duvel de M u
te ra illat, et oncle maternel dudit Pierre Gineste , à p a ye ra u x « dits Daymard et Couderc, à concurrence de la légitim e duv dit Joseph S e co n d , la valeur des renteà vendues à leurs pères
« par ladite Duvel de Muraillat, par l’acte du xo janvier 1766,
«
k
«
«
«
«
suivant l ’estimation qui sera laite desdites rentes, de l’autorite de noire Cour, relativement à l’époque de l ’éviction, par
experts , avec les intérêts le'gitimes de ladite valeur , qui
seront fixés par lesdits experts..........et demeurant la déclaration fa ite par ledit fe u P ie r r e -J e a n G ineste devant les
ordinaires de Pleaux ; qu'il n'a accepté, en qualité de tuteur,
« la succession de ladite D u v e l son aïeule , que sous bénéfice
« (£inven taire, et recevant la répudiation de ladite succession,’
« a ordonné et ordonne q u ’à concurrence des sommes dues aux-’
« dits Daymard et Couderc, tant en capital, intérêts que dé« pens , ladite Delzor et ledit Parlange seront tenus, chacun
« comme les concerne , de rendre com pte auxdits Daymard et
« Couderc , de tous et chacun les meubles et effets mobiliers
« qu’ils ont reçus, provenans de la succession de ladite Duvel
« de Muraillat , ensemble des fr u its , intérêts et jou issa n ces
« jusqü’à cejourd’h u i, tant desdits meubles et effets que de tous
« autres biens par eux possédés, et dépendans de ladite succes« sion , suivant l’état que lesdits Daymard et Couderc en don« lieront, sauf les impugnations et exceptions de droit ; comme
« aussi ordonne que lesdits Parlange et Delzor seront tenus en
�(6 )
« leurs dites qualités de rendre compte de toutes ef chacunes les
k sommes , que lesdits Daymard et Couderc justifieront avoir
« été payées par ladite Duvel de M uraillac, à la décharge de
« l ’hérédité de Gaspard Second , et deles rembourser, le cas y
« échéant ; et déclarant les défauts pris contre lesdits Chantegrie« Lavigerie, les religieuses de Ste.-Ursule d’Argeutac, l’abbesse
« du couvent de.Brageac, et Jean Tillet tous bancaires, bien
« poursuivis et entretenus; ordonne qu’ils remettront, chacun
« en droit soi, auxdits Daymard et Couderc, les sommes en leurs
« mains bannies, à la requête de ces derniers, et ce, à concur« rence des sommes capitales, et que pour le surplus desdits
« banimens , lesdits banitaires en demeureront dépositaires
« jiiSQU d L apurement du compte d rendre,* comme aussi dans
« le cas que les sommes qui seront délivrées auxdits Daymard
« et Couderc ne seront pas suffisantes pour remplir le montant
« des condamnations prononcées en leur faveur par le présent
« arrêt ; leur permet d eJaire sa isir , d’autorité de notre C ou r,
«
«
«
«
u
a
les'im m eubles et autres o b je ts , qu’elles découvriront être1
dépendant de la succession de ladite Duvel. Sur toutes autres
demandes, fins et conclusions desdites parties, les a mises , et
met hors de cour et de procès ; condamne lesdits Delzor et
Parlange, comme procèdent, au x dépens de V in stan ce, envers lesdits Daymard et Couderc , taxés à
1 fr. i g s.
23
L a première opération, faite en exécution de cet arrêt
fut'
l ’eslimation des objets évincés. L e rapport des experts , en’
date du 22 février 1790, les évalue à 7,526 IV. 10 s. à quoi
ils ajoutent les intérêts de 1756 à 1782, fixés a 10,998 f. 17s. 9 d.
de sorte que la créance des sieurs Couderc et Daymard , à ladite
époque de 1782 , a été reglée à 18,624
7 s ..9 d.
Ce rapport a été homologué par un 2.e arrêt du o avril 1790.'
3
L e 19 janvier 1791 i après la suppression du parlement de
Toulouse, les héritiers Gineste assignèrent les héritiers Couderc
et Davmard devant le tribunal du district de Salers pour pré
senter le compte ordonné ; c’est ce compte qu’ il s’agit de dé
�(7 )
battre, et sur lequel il ne faut pas méditer lo n g -te in s , pour
s’appercevoir que de pre'tendus héritiers bénéficiaires s’efforcent
d’expolier un créancier légitim e, en ne révélant que ce qu’ils
ont cru le plus en évidence.
Avant de parler de ce co m p te, disons un mot de la position
de la dame Duvel de Muraillac , à son décès.
Mariée en 1720, elle eut pour oo fr. de bagues et jo yaux,
5
ou augment.
Elle fut héritière fiduciaire de son m ari, par testament de
1731 ; mais légataire personnelle des revenus.
Elle fut héritière fidéicommissaire de Marie-Jeanne Second,
femme d’Emeric Gineste, sa fille, par testament de 1744 , et
encore légataire personnelle des jouissances.
Elle f u t , pendant longues année?, fermière de Pleaux ; et
çlle passait pour la personne la plus aisée de l’endroit.
Elle laissait en immeubles plusieurs vignes et une terre de
deux septerées, plantée en châtaigniers.
Elle avait vendu un immeuble au sieur Lavigerie : le contrat
portait quittance ; mais il y avait une contre-lettre. ( No t a. U n
créancier en eut connaissance, força le sieur Gineste à rapporter
la somme : ce'qui donna lieu à l ’ordre dont on a déjà parlé ).
Elle avait vendu un moulin aux religieuses d’Argentac; et,
par une contre-lettre, ces religieuses s’étaient obligées de nourrir,
pendant trois ans , une demoiselle que devait envoyer la dame
de Muraillac. Cette contre-lettré était encore dans les papiers
de sa succession.
Enfin, comme on l’a déjà dit, elle avait fait, peu de tems avant
sa mort , 1111 dépôt de papiers et d ’argenlerie entre les inains
de l’abbesse de Brageac, pour remettre à l ’abbé Second son fils,
L e s r. Gineste n’avait pas eu plutôt connaissance de ce dépôl, qu’il
avait couru a l’abbaye de B ra geac, pour le réclamer. Juge de cette
abbaye , il dut persuader ou épouvanter une religieuse simple et
scrupuleuse, qui craignit d’avoirparu favoriser uulégitimaire, au
�(8 )
préjudice de l'institué. Comment d ’ailleurs s’exposer à uil procès
contre le sr. Gineste, juge, a vo cat, et qui passait sa vie à plaider?
L ’abbesse de Brageac devait faire valoir une saisie-arrêt faite
entre ses mains par les sieurs Daymard et Couderc ; mais le
sieur Gineste leva encore cette dilïiculté, en donnant une ga
rantie à l’abbesse de Brageac , et se soumettant à représenter le
dépôt aux créanciers.
Cette dernière particularité ne fut connue des sieurs Dnymard et Couderc, qu’après l ’arrêt de 1789, par une opposition
que fit l ’abbesse de Brageac, le 11 septembre 1790, à l’exécution
dudit arrêt, commencée contr’elle à leur diligence.
Cependant ils gardèrent le silence sur cette révélation, pour
savoir si les Gineste comprendraient dans leur compte ces objets
non inventoriés, ou s’ ils auraient l’infidélité de les taire.
Il ont eu cette infidélité.
L e compte rendu est divise' en trois chapitres de recette 7 èt
un chapitre de dépense.
3
L e i . er chapitre de recette n’a que articles.
I . er A rticle: 100 fr. pour le mobilier de la dame de Muraillac,
parce q ue, dit-on, il a f a l l u distraire de son inventaire, fait en
1 7 6 1 , le montant de celui du père, fait en 1781 , par la raison
q u ’elle avait retenu ce mobilier, en vertu du testament de 1731.
Article : oo fr. pour les bagues et joyaux de ladite M u
5
raillac. ( N ota. Les Gineste ont jugé à propos, après avoir fait
régler l’article à cette somme, par un jugement par défaut, de
réduire l’article à 66 liv. 12 sous 4 deniers , en disant que leur
mère n’avait droit qu’à une portion virile de ses propres reprises ).J
3 .e Article .*400 fr.
pour tous les arrérages de la ferme de
Pleaux, touchés par eux api'ès sa mort.
1
a . e Chapitre de recette, un seul article,
Composé des immeubles de la succession. Il n’est présenté
que pour mémoire.
.e Chapitre de rece tte, un seul article.
3
Des jouissances desdits immeubles depuis 1761 jusqu’à '1790«
à
�(9 )
• à 20 fr. par a n , attendu que l ’évalution dans les rôles ne porte
le produit net qu’à 11 fr. ; c’est, pour 29 ans. . .
o 1.
s*>
>Chapitre de dépense, 20 articles;
58
i . ° Reprise sur le mobilier...................................900
3
2.0 et .° L e sieur Gineste est créancier person
nel d e ................. ... ..................................................... .
<708
4.0, .®et 6.° Il est créancier, pour legs fait à
Marie-Jeanne Second, par Jeanne Muraillac , de
7 .0 Frais de maladie et enterrement.....................
546
114
8.° Frais de scellés , inventaire , requêtes,
exploits et affiches .......................................................
90
5
i
3
9.0 Pour valeur d'immeubles paternels, vendus
à M e d a l , par la Muraillac.................... ............. ... . 1,000
io.° et i i .° Payé au sieur L anglad e, ou gardes
baillistes de Saint-Projet, et frais . . . V ..............1,224
12.0 Payé à Etienne Boyer, créancier.................
3
1IO
1 .0 Pour frais faits contre ledit Boyer , pour
lui rendre compte du bénéfice d’inventaire . . . .
60
14.0 Pour impôts de iy 5g à i 7 7 i , o u pour in
térêts d’une créance Lacoste......................................
97
14
i .®Plus, au sieur Bastide, créancier d’un billet.
174
16
5
16.0 Plus , au sieur Vaissière , créancier d’un
billet . ............................................................................
144
17 .0 P lu s , à l’abbesse de Brageac, pour pro
messe du 26 mai 1761...................................................
72
18.0 Plus, au sieur Biard , créancier par sen
tence de 1742 , ............................................................
201
17
ic).° Pour les dépens auxquels Sont condamnés,
par l’arrêt de 1789...................................................... ...
23i
19
20.0 Pour les frais du présent compte.......................96
�( IO )
D ’où il suit que la dépense excède la recette de 4,191 //V:
6 den.; et les Gineste en concilient qu’ils doivent être renvoyés
de la demande (1).
5
Ce compte fut débattu par requête du novembre 1791; et
indépendamment de la critique faite aux articles ci-dessus, les
sieurs Couderc et Daymard firent un chapitre d ’omissions com
posé de
articles ;
i .° Pour la somme touchée par le sieur Gineste,
du sieur Chantegrie , acquéreur de la Muraillac . . . 1,782 .
5
1
2.0 Pour les trois ans de nourriture due par l ’ab
baye cVArgeutac , et dont Gineste avait donné ac
1,200
quit en 1 7 7 0 .................... .................................................
.° Pour valeur du dépôt retiré de l ’abbesse de
Brageac..................................................." . .......................... 10,000
4.0 Pour dix-sep t années de jouissances que lu
3
Muraillac avait eu droit de toucher des biens de
son mari, en vertu du testament de 1744, et dont
Gineste s’était emparé; la succession valant 80,000 fr. 34,000
.° Pour la quarte trébellianique qu’elle avait eu
droit de retenir sur ladite succession , d’après ledit
testament.............................................................................. 20,000
5
Par la même écriture, les sieurs Daymard et Couderc obser
vèrent que la légitime de l’abbé Second , dont les adversaires
sont héritiers , aurait dû être fixée ; et que comme il a recueilli
un sixième dans les biens de Gaspard Second , son p ère , il s’agit
de représenter ce 6.e pour faire face aux condamnations de l’arrêt
de 1789. En conséquence, ils indiquèrent les immeubles devant
servir à composer ladite légitime,
(1) E n 1772 » Gineste avait présenté un semblable compte à Etienne
B o y e r , d éno mmé aux articles 12 et i 3.
*
Al ors la dépense excédait la recette de a,304 fr. seulement.
Etienne Bo y e r n’ en a pas moins su se faire p a y e r , comme le prouvent
Icsdils
12
art.
et j3.
�•.
( 11 )
Ils conclurent, en conséquence, à ce que, sans s’arrêter au
compte frauduleux, présenté en 1790, les adversaires fussent
condamnés en leur nom.
Subsidiairement à ce que les adversaires fussent tenus de con
tester , dans la huitaine , la composition de la légitime de l’abbé
Second, sinon la déclarer suffisante, et condamner les adver
saires à en payer le montant, en exécution de l’arrêt ; sauf, en
cas de contestation , à faire estimer la succession.
Et en ce qui touche la succession bénéficiaire, et audit cas ,
à ce que les chapitres fussent réglés aux sommes ci-dessus , et
les adversaires condamnés aux dépens, sous réserve de pour
suivre les tiers-saisis , et dô faire saisir les immeubles , en con
formité de l’arrêt.
Les adversaires répondirent à ces débats par une requête du
16 mars 1792 ; et persistant dans leur compte, ils s’attachèrent
principalement à soutenir que l’arrêt de 1789 ne soumettait
au payement de la créance Daytnard et Couderc , que la le'gitimc maternelle de l’abbé Second.
Subsidiairement ils prétendirent qu’ il avait accepté la desti
nation de la légitime paternelle fixée à 1,000 fr. par le testa
ment de 17 3 1, et qu’il avait donné plusieurs quittances, soit
par des lettres missives , soit par un acte de 1752.
Quant au dépôt de Pabbesse , ils dirent, sans beaucoup de dé
tail (quoique la requête ait cent douze rôles) , qu’ils offrent com
munication de titres pris chez l’abbesse , lesquels ne signifient rien,
et que d’après l’arrêt, c’est aux Couderc et Daymard à indiquer
en quoi consistent les biens de la succession de Muraillac.
Les Ginestesenlaient bien (pie leur désir de soustraire ces deux
points principaux’ était singulièrement contrarié par l’arrêt du
parlement de Toulouse. A ussi, dans leur requête, firent-ils une
sortie vigoureuse contre ce parlement pour lui reprocher son
arrêt.
L'injustice de cet arrêt, disaient-ils, est révoltante , en ce qu’il
a jugé l’abbé Second, héritier pur et sim ple de sa mère : car
�( 12 )
Gine'fe étant héritier bénéficiaire, on ne p o u v a it, su iva n teu x ,
soutenir l’autre héritier pur et simple, suivant Dumoulin. « C ’est
« a in si, s’écriaient-ils, que des gens qyi ont acheté le droit de
« juger les hommes, remplissaient leur devoir. E t on s’est laissé
« entraîner par le torrent d’un siècle de despotisme, au point de
« regarder jusqu’à présent leurs jugemens comme des autorités
« respectables ».
Il faut croire que cet anathème, né à Salers, n’a pas au
trement nui à la réputation des magistrats de Toulouse, et que
leur arrêt n’en sera pas moins respecté.
L a cause était sur le point d’être jugée en 1793 , lors de
la suppression des droits féodaux, fort étrangère sans doute
à la contestation. Mais le tribunal de Salers , qui ne voulut
pas imiter le parlement de Toulouse, et se laisser accuser de
despotisme , ordonna qu’il en serait référé au comité de légis
lation , pour savoir s’il devait prononcer sur une vente de
rentes féodales, faite en 1756.
3
L e comité de législation répondit le 7 thermidor an
, au
tribunal de Salers , qu’il n’avait rien à juger sur la vente
féodale de 1756 , puisqu’il y avait un arrêt , et qu’il n’avait a
S’o c c u p e r que de son exécution ; qu’ainsi il devait passer outre.
Pendant c e tems-là le tribunal de Salers cessait d’exister, et
les femmes Couderc et Daymard assignèrent les héritiers Ginestc, par exploit du i . er fructidor an 4 , devant le tribunal
civil du Cantal pour voir donner acte de l'aveu , fait par les
Gineste , d’avoir retiré le dépôt de l’abbessede Brageac; en con
séquence être condamnés, en leur nom, à payer la créance ;
subsidiairement composer la légitime de
1abbe Second, d'un 6.e
des biens de Gaspard Second, et apurer le compte de la succes
sion Muraillac , de la manière exprimée en la requête du
5
novembre I7 9 1*
L e 14 pluviôse ail , les Gineste obtinrent tin jugement par
d é fa u t, lequel homologue l’entier compte présenté par les ad
5
versaires, à l ’exception de trois articles \ savoir , i.° l’intérêt des
�(
i
3
)
gains nuptiaux ; z.° des revenus de vingt-neuf ans, portés au
.e chapitre de recette ; .° de l’art. i du chapitre de dépense.
Autorise les adversaires à prélever les autres articles de dé
pense , en capital et accessoires.
Ordonne qu’ils seront tenus de se charger en recette des in
térêts de oo fr. montant des gains de survie depuis le décès de
3
3
5
5
la Muraillac.
Ordonne , avant faire droit sur l ’article des jouissances , qu’ils
seront estimés par experts, depuis et compris 1761 jusqu’à ce
jour.
Ordonne aussi, avant faire d roit, que la signature relative à
l’article i
5 du chapitre de dépense, sera vérifiée par experts.
Délaisse les Gineste à se pourvoir contre la femme Couderc ,
en remboursement de oo fr. par elle reçus pour la moitié de la
légitime, est-il d i t , de l’abbé Second , comme ladite somme ayant
été induement perçue avec l ’intérêt à compter du paiement.
( Nota. Ce dernier chef paraît être ajouté d ’oflice, sans con
clusions expresses ).
Condamne les Daymard et Couderc aux dépens.
5
Les femmes Daymard et Couderc formèrent opposition à ce
3
jugement, et les parties en vinrent à l’audience du i thermi
dor an , où les Gineste conclurent au débouté d’opposition,
et demandèrent à ne porter en recette qu’une virile dans les gains
5
5
nuptiaux de oo f r .; de leur p a r t, les Daymard et Couderc
persistèrent dans les conclusions ci-devant rapportées.
5
Par jugement du 14 thermidor an
, le tribunal du Cantal
prononça sur le tout, ainsi qu’il suit : i.° En ce qui touche la de*
inande en paiement personnel delà créance, il juge que les qualité»
des parties sont réglées par l ’arrêt de 1789 , lors duquel il fut
question du dépôt de l’abbesse de Brageac , et qu’on ne peut plus
remettre en question une chose jugée; que Picn-è Gineste avait
fait état des objets déposés et par lui retirés; qu’on en offre la
communication , et qu’il n ’est allégué aucune soustraction des
�c
1
4
5
pièces , or ou argent provenant du dépôt touché par Gineste.
z:° En ce qui louche la question de savoir si l ’arrêt parle de
la légitime paternelle de Jean Second, le tribunal juge que Jean
Second, étant réduit à une légitime de droit du chef mater
nel, et mort avant que Gineste prît la qualité d’ héritier béné
ficiaire en 1786, il n’a pu être tenu des dettes de sa mère que
sur son 6.e des biens maternels; que si 011 donnait à l’arrêt de
1789 une extension sur la légitime paternelle, ce serait prêter
aux juges qui l’ont rendu, une, ignorance des principes, invrai
semblable, et une contradiction manifeste, parce que si Jean
Second avait été assujéti sur les biens paternels, ce n’aurait pu
être que comme héritier pur et simple de la D u v e l , et alors
les mineurs Gineste, héritiers médiats de leur oncle, auraient dû
être condâmnés personnellement, tandis qu’ils ne l’ont été qu’à
rendre compte du bénéfice d’inventaire de la D u vel, et cette
dispôsition de l’arrêt ne paraît avoir été mise que pour que les
mineurs Gineste ne pussent demander la distraction du 6.e du
chef de Jean, sur la succession de la Duvel; d’où il suit que cette
condamnation ne peut porter que sur la légitime maternelle.
- Il est, ajouté que les paiemens faits parles Gineste, sur la lé
gitime paternelle de Jean Second, l’ont été par erreur et con
trainte , àxi en vertu des jugemens de Salers ; que le tout doit
êjre réparé en définitif, et que Jean Second ayant approuvé le
le legs et destination, en fournissant des quittances, acceptant
le titre, et se faisant payer les revenus en majorité, n’ayant ja
mais formé demande en supplément, les Dayniard et Couderc ,
après plùi de trente ans «le majorité, xi auraient jamais été recevables à exercer îles droits prescrits.
3.°
En ce qui touche les gains nuptiaux, il juge que d’après
les novëlles 98 et 127, la Muraillac. n’avait pu retenir qu’une
virile de s e s gains’nuptiaiix en propriété, et qu’il y a eu lieu de
changer les conclusions,
4.0 E h'ce qui touche les jouissances de la succession de Gas
pard Second, léguées à la Muraillac en 17 3 1, il juge qu’en ren-
�( i
5
)
dant le fidéicommis, elle ne s’est rien réservé; que le compte
énoncé au contrat n’est pas rapporté ; qu’elle n’a joui de la
maison, grange et jardin, qu’en vertu d’une contre-lettre non rap
portée , mais rappelée au testament de 1744, et au traité de 1747.
.° En ce qui touche les jouissances de la succession de
5
Marie-Jéanne Second, léguées à la Muraillac en 1744, il juge
que la Muraillac, ayant fait la remise de l’hérédité, sans rien
réserver, et sans faire publier la substitution , n’a pas eu droit
aux jouissances ; qu’il ne paraît pas qu’elle ait demandé judi
ciairement l’exécution de ce testament.
6.° En ce qui louche la quarte , il juge que la Muraillac ,
n’ayant fait aucun inventaire, l’avait tacitement abdiquée; que
d’ailleurs si elle avait joui, les trois quarts des fruits auraient
dû être imputés sur la quarte, et l’auraient absorbée.
7 .0 En ce qui touche l’abbaye d’A rgentac, il juge que rien
ne prouve que les Gineste en aient fait leur profit.
8.° En ce qui touche l’ indemnité demandée en l’art. 9 du
chap. de dépense, il a pensé que le testament de 1744 s’y oppo
sait, et que cette réclamation n’était pas fondée.
9.0 En ce qui touche les art. 2 , 3 ,
4 , 5,
10 et 11 du chap. de
dépense, il juge que, les premiers étant compensés par le traité
de 1747 , et même le ¡sieur Gineste étant resté débiteur de la
•Muraillac, de 678 f. 14 s., cette somme doit être portée en recette,
ou compensée avec, les 1,200 fr. de l’art. 10.
.
■
>
10.0 En ce qui touche le mobilier porté en l’inventaire de
1761 , et sur le fait de savoir s’il fallait déduire le mobilier de
17 3 1, il juge qu’il n’y a lieu de rapporter que les objets recon
nus n ’être pas les mêmes qu’en 17,31.
i i .° En ce qui touche l’art, i.er t]e dépense, relatif au mobilier
manquant, le tribunal du Cantal pose la question, et n’y donne
aucun motif de décision; mais il y a déboulé au n.° 6 ci-après.
En conséquence , ledit jugement définitif, du 14 thermidor
an , « i.° déboute les femmes Daymard et Couderc de leur de-
5
<tt mande eu condamnation personnelle, sauf à elles à prendre
�( 16 )
« communication de l ’état des pièces et actes déposés ès-mains
« de l ’abbesse de Brageac, et prendre à cet égard telles conclu«' sions qu’elles aviseront ;
« 2.0 Ordonne que la condamnation portée par l’arrêt dû par
te lement de Toulouse, du 9 mars 1789, en payement de la légi« tirne de Jean Second, n’a dû ni pu porter que sur la légitime
« maternelle, et nullement sur la légitime paternelle ; en consé« quence, ordonne que toutes les sommes payées par les Delzor
« et Gineste, à la suite des procès-verbaux et jugemens de pro*
« vision, seront portées au chapitre de dépense, ou compte de
« bénéfice d’inventaire de la succession de Marie Duvel ;
« .° Ordonne qué la somme donnée par Gaspard Second à
« la dame D u v e l, en leur contrat de mariage, sera réduite à
« i66.1iv. 1 sous 4 deniers pour le tiers faisant la portion virile,
« avec intérêts à compter du décès de la dame Duvel;
3
3
« 4.0 Déboute lesdits Daymard et Couderc de leur demande
« à fin de payement des jouissances de la succession de Marie« Jeanne Second, et distraction de la quarte trébellianique;
« 0 Les déboute de leur demande à fin de payement de la
« pension stipulée par Marie D u v e l , avec les religieuses d’Ar« gentac;
« 6.° Les déboute de la demande en rapport de 1,700 francs,
« montant de la collocation faite à Emeric Gineste, par la sen
5
te tence d’ordre de 1765 ;
« 7 .0 Déclare les Gineste non-i’ecevables a porter en dépense
5) 1,000 fr. pour dédommagement des aliénations faites par Marie
« D u v e l, de certains héritages de la succession, vente de cabanx,
« marchandises énoncées en 1 inventaire fait après le décès de
« Gaspard Second, ainsi que de la créance Faure, et legs fait à
« Jeanne-Marie Second; en conséquence, ordonne que les ar-
3
5
« ticles 1 , 2, , 4 , , 9 du chapitre de dépense seront rejetés;
« 7.0 Ordonne (pie le chapitre de recette sera augmenté de
ci 678 liv. 4 sous 4 deniers pour les causes du truité du 8 octobre
« 1747, pour être ladite somme compensée au désir dudit traité,
« avec celle de 1,200 fr. payée au fermier de Saint-Projet ;
�7
( i
)
• « 8.° Ordonne que les Gineste seront tenus de représenter les
« meubles reconnus par l’inventaire fait après le décès de Mario
« Duvel, être en sus de ceux portés en l’inventaire fait après le
« décès de Gaspard Second, pour iceux être vendus, s’ils sont
« en nature, ou en payer la valeur suivant l’estimation; décharge
« les Gineste de la délivrance du surplus des meubles;
« 9.0 Avant faire droit sur le surplus des articles du compte,
« et sur les demandes en main-levée du sursis, ordonne qu’il
« sera procédé à l’estiinalipn des fruits et jouissances des im« meubles de la succession de Marie D u v e l, depuis son décès
« jusqu’à ce jo u r , et des meubles ci-dessus, etc. dépens réservés. »
Tel est le jugement dont les héritiers üaymard et Couderc ont
interjeté appel. Ils vont, pour proposer leurs moyens avec plus
de clarté, parcourir séparément les chefs qui leur ont paru coït*
tenir des erreurs à leur préjudice, en suivant l’ordre même des
motifs dudit jugement.
r' '
1. Dépôt de L'abbesse de Brageac.
\ Des créanciers légitimes , qui disputent ce qui leur est dû
contre.¡un héritier soi-disant bénéficiaire, méritent toute la la
veur de la justice; car tout est caché pour eux dans une famille
étrangère : il faut donc que la conduite de l’ héritier bénéficiaire
soit franche et de bonne foi. Il ne doit rien retenir ou dissimuler;
et si apiôs son inventaire de nouveaux objets parviennent, soit
en ses mains, soit à sa connaissance, il est de sou devoir de les
faire (inventorier à lÜnslant :,car les créanciers doivent tout voir
•dans l’inventaire,' sans rieii chercher hors de cet acte. Tout cela
est d’équité et de principe. Voyons maintenant si le sieur Gineste
s’y est conformé.
;
t viLa, dame Mtirïitllac, veuve Second , voyant qu’elle avait plaidé
;t0ute sa vie av£Q le sieUr Emeric Gineste père, et que le sieur
¡Pierye Gineste son fils croissait avec les mêmes dispositions ,
conçut des inquiétudes au sujet de Jacques Second , prêtre ,
3
�-c
1 8 }
.
'son fils, qui déjà , pour avoir sa pension du séminaire, avait été
forcé aussi de soutenir un ou deux procès.
Elle déposa dans les mains de la dame Dhauzers, abbesse de
"Brageac, un sac de papiers, et une corbeille d’argenterie, pour
le remettre, après sa mort, à l ’abbé Second. L e sac contenait,
à ce qu’il paraît, plusieurs titres et obligations qui étaient des
créances de la veuve Second, tant contre divers particuliers,
que contre la succession de son mari. Il est notoire que sa ferme
de Pleaux était très-lucrative, et qu’elle avait un porte-feuille
considérable. Nous avons dit qu’elle mourut en 1761.
L e sieur Gineste se porta seulement héritier bénéficiaire, et
fit, en cette qualité, procéder à uu inventaire en la même année
1761.
Supposons , si on ve u t, que, lors de cet inventaire, il ne con
naissait pas ce dépôt.
Mais quand il est allé le retirer, devait-il s’abstenir de faire
ajouter ces objets à l’inventaire ?
*'
Il était avocat et juge de Pleaux; 'il ¿tait de plus juge de
l'abbaye même de Brageac. E ta it-il de bonne foi en retirant
pour lui seul, et non pour les créanciers , un objet inventorié?
Etait- il de bonne foi en induisant en erreur desTeligieuses qui
avaient pleine confiance en lui?
L es sieurs Daymard et Couderc avaient fait une saisie-arrêt
entre les mains de l’abbesse, le 22 août 1764.
Quand leurs veuves voulurent l’assigner sur leur saisie-arrêt,
en 1780, elle re'pondit, par une requête du 21 juin 1783, qu’à la
vérité la dame Second lui avait remis un sac cousu, contenant
des papiers, sans aucun état ou mémoire, et une corbeille de
jo n c , contenant o liv. à’étain travaillé, pour remettre, après
son décès , à l’abbé Second, son fils, alors a Paris; qu’elle remit
ce dépôt au sîeùr Gineste, en 1772 , et avait dû le lui remettre,
parce que la dame Second et l’abbé étaient m orts, et que Ids
sieur Daymard et Couderc s’étaient absentés; que d’ailleurs il
y avait prescription.
3
�9
( i
)
A v a n t cette signification, l’abbesse avait marqué à la veuve
Lacroix , par une lettre du 26 mai 1776, que M. Gineste, hé
ritier sous bénéfice d’inventaire, et autorisé en justice, avait
retiré ce dépôt, et l’avait porté à Aurillac, avec l’inventaire des
effets de la veuve Second.
Ainsi le sieur Gineste avait persuadé à cette dame qu’il était
autorisé de la justice pour retirer ce dépôt.
Il lui avait persuadé, pour vaincre ses scrupules sur la desti
nation du dépôt, que l’abbé Second était mort en 1772 , à Paris ;
et il n’est mort que le 21 avril 1777.
Il lui avait persuadé que les sieurs Daymard et C ou derc,
créanciers saississans en 1764, s’étaient absentés, et il savait
qu’ils étaient morts.
Il parlait de péremption à une religieuse qui devait certai
nement le croire; et cependant il savait bien qu’une saisie-arrêt
ne périme pas.
Voila donc comment agissait un héritier bénéficiaire envers
des créanciers, ou plutôt envers les veuves de deux créanciers,
pctrce qu’il lui était bien aisé de dénaturer alors tous les papiers
dont il venait de s’emparer, au risque de dire , comme il l’a fait,
qu’on 11e peut pas diviser sa déclaration.
Ilemarquons cependant les suites de cette infidélité. Il était en
procès en 1772; lorsqu’il retira ce dépôt, il garda le silence, il
ne fit rien constater ; ou du moins s’il y eut un récépissé dé
taillé , il n’a jamais voulu le produire.
, Il présenta un compte de bénéfice d’inventaire en 1772, et
ne dit pas qu’il avait des objets non compris en l ’inventaire
de 1761.
, Quand il a vu qu’on poursuivait en 1780 l ’abbesse de Brageac,
il a retardé le plus qu’il a pu les édaircissemens à cet égard.
79
Ce n’est qu’en » 1 c]u’il signifie un compte, quand il voit que
trente ans d’intervalle ont tout dénaturé, et que les créanciers
Daymard et Lacroix seront hors d’état de découvrir en quoi
consistaient les papiers, qu’il a enlevés lui-même, malgré leur
�( 20 )
85
saisie. C ’est alors, ou plutôt en i o , et après quarante ans ,
qu’il leur dit séchemçnt : Ces papiers étaient inutiles, vous ne
prouvez pas le contraire, donc ma déclaration doit prévaloir,
parce qu’elle est indivisible.
N o n , il est impossible de ne pas voir dans cette conduite le
cas d’application des lois sur la déchéance du bénéfice d’in
ventaire.
- L ’inventaire, dit M. d’Argent ré, doit être la description fidèle
de tous les biens meubles et immeubles du défunt, et son objet
est de conserver aux créanciers tout ce qu’il leur importe de
connaître : inventarium descrïptio est bonorum mobilium et
irnmobilium de/uncti , vocalis creditoribus. . . . F in is ejus , ut
res salvœ sint creditoribus. . . . . Inveniarii. materia bona sunt
tam mobilia quàm im m obilia, nam etsi im m obilia auferri non
possunt et p a te n t, et fo r is cubant, ut loquun tur, tamen possessio eorum interverti p o te s t, et seçretb in alios transferri.....
E rgo hœreditaria om n ia, bond Jide describenda puto , et in
eo creditorum interesse versatur ; est enim inventarium instmmentum commune hœredis et creditorum. (A rt. 514, gl. ).
A la vérité, d’autres auteurs, ont pensé que l’état des im
meubles n’était pas absolument nécessaire, mais ils exigent au
moins la mention des titres de propriété, par les mêmes raisons
que les créanciers doivent être mis à portée de connaître, par l'in
ventaire , tout l’actif de la succession.
3
Il faut m ême, d’après d’Argentré, un tel détail dans l ’inven
taire, qu’il 11e se contente pas de l ’état approximatif des grains,
mais il veut qu’on les mesure, dici debetfrugum mens lira, nec
sufficit cumulum d ixisse; il veut quon estime chaque.objet, ou
qu’o n l e décrive de manière a ne pas en substituer un autre,
ne ejusaem nom inis spccies pro aliâ supponi p o s sit, viliorpro
m eliorc ,* ef il déclare que tout cela est d’autant plus indispensa
ble qu’il n’a que trop vu de fraudes de ce genre , au préjudice
des créanciers, adhibitis cujusque arti/icii opificibus. Il s’élève
'.même contre ceux qui penseraient qu’il ne faut pas autant de
�( ai )
précautions. C a r , pourquoi ne pas proférer, dit-il, ce qui est
plus utile et plus sûr? Quarc quod u liliu s el cautius displicet ?
- O r , toutes les fois qu’il y a des omissions dans l’inventaire
l’héritier bénéficiaire est déchu du bénéfice , et réputé malgré lui
héritier pur et simple.
Une loi romaine à la vérité semblait ne le condamner qu’à
la peine du double, qui est inconnue parmi nous; mais elle
était contrariée par d’autres lois , et la jurisprudence française
n’a jamais admis que la déchéance du bénéfice d’inventaire pour
les recelés ou omissions, comme on le voit dans Brodeau , Leprêlre, Furgole et Pothier.
, En effet & bénéfice d’inventaire n’était accordé par la loi que
1
sous la condition de faire un bon et fidèle inventaire. Si la con
dition n’était pas remplie il n’y avait plus de bénéfice.
y a même , dit Fachinée , qui a fait une dissertation
sur cette question , plus à reprocher à celui qui.fait des omis
sions, qu’à celui qui 11e fait aucun inventaire; car on peut croire
à l’ignorance de celui-ci plutôt qu’à son dol. Mais celui qui n’in
ventorie pas tous les objets de la succession , ou qui en dissimule,
aux créanciers, n’est pas digne du bénéfice de la loi. Ig itu r s i
11
hæres non descripsit omnia bona , ea occullando , non est
dignus beneficio legis. ( L i v . 4 , ehap. 37).
Aujourd’hui le Code civil a fait de ces principes une loi pré
cise en l’art. 801. « L ’héritier, qui s’est rendu coupable de recélé,
« ou qui a omis sciemment de comprendre dans l’inventaire des
« e/fets de la succession, est déchu du bénéfice d’inventaire».
O r , comment peut-on dire que Pierre Gineste n’a pas fait
cette oir.ission sciem m ent, lui qui se cachait des créanciers pour
demander à l’abbesse de Brageac un dépôt, dont la valeur et la
consistance n’étaient pas connues.
Dira-t-on que Gineste ne connaissait pas lui-même le dépôt
en 1761 ? mais qu’il lise l’inventaire, il verra la clause de style,
par laquelle Gineste, en affirmant 11e connaître aucun autre objet
de la succession, ajoutait qu’il déclarerait ceux qui viendraient
par la suite à sa connaissance.
�( 22 y
Sans cela l’inventaire ne serait le plus souvent qu’ une ébauche
inutile ; car quand les papiers d’une succession sont chez les no
taires ou huissiers pour des recouvremens, lors de l’inventaire,
il faut bien que l’héritier bénéficiaire en fasse un second, s’il
ne veut pas expolier les créanciers.
L ’usufruit des pères était bien plus favoi-able que le bénéfice
d’inventaire. Cependant quand il y avait lieu de leur part à faire'
un inventaire, ils étaient privés de l’usufruit, si après en avoir
fait un premier, ils n’ajoutaient pas dans un second ce qui sur
venait ensuite.
La sénéchaussée d’Auvergne a prononcé deux privations d’usuiruit en ce cas; en 1775, contre James Tournilhas de V o lo r e ,
et en 1788, contre Jasseaume Dolmet.
Les premiers juges ont écarté tous ces principes, en disant
qu’il y avait chose jugée à cet égard par l’arrêt de 1789, parce
qu’alors il avait été parlé du dépôt de l’abbesse de Brageac. ■
Mais où ont-ils vu qu’il eût été question le moins du monde
de la difficulté. L ’abbesse était en cause elle-même comme tierssaisi ; il s’agissait d’obtenir contr’elle une condamnation à vider
ses mains, et c’est là ce qui a été ordonné.
L ’objet de la demande était donc une saisie-arrêt contre l’ab
besse elle-même , ainsi il n’y a pas chose jugée , puisqu’il faut,
suivant les principes , eadem res, eadem persona, eadem causa
p e te n d i, ce qui est rappelé en termes plus précis encore par l’art;
i3 5 i
du Code civil.
Les sieurs Aymnrd et Couderc n’avaient pas même intérêt
alors d’abandonner leur action directe contre l ’abbesse de Bra
geac, pour la suivre contre un héritier bénéficiaire: et si un instant
il y a eu d e s conclusions contre le sieur Gineste, en condamna
tion personnelle , elles venaient de tout autre cause, mais non
de la réception du dépôt, puisque les conclusions prises contre
l’abbesse ont toujours subsisté, ont été même adoptées par l’arrêté
Ce n’est qu’après l’arrêt, après commandement à l’abbrsse d’y
satisfaire, et même après saisie-exécution et assignation pour la
�( î3 )
■ . •. ■
vente, que l’abbesse fut forcée de révéler, par notification du r i
septembre 1790 , qu’elle avait un billet de garantie d u sr . Gineste.
Ces poursuites prouvent donc que la chose jugée, quant au dépôt,
était encore personnelle à l’abbesse; et lorsqu’on a appris, pour
la première fois, que le sieur Gineste avait tout pris sur son compte,
j)ar une garantie, alors seulement il y a eu lieu d’agir conte lui,
pour faire valoir tout le résultat de l ’infidélité par lui commise.
M ais, ont dit encore les premiers juges, les qualités des parties
sont réglées par l’a rrêt, et sont dès-lors invariables.
Erreur encore ; car il n’y a d’indélébile que la qualité d’héri
tier pur et simple : car celle d’héritier bénéficiaire peut être
changée d’un instant à l’autre, suivant les circonstances.
Un hériter bénéficiaire peut n’être pas réputé coupable d’omis
sions, lorsqu’on juge seulement sa qualité. Mais s’il en est con
vaincu ensuite, la faveur changera ; et le moindre recélé bien
justifié, comme dit Rousseau-Lacombe , le fera déchoir à l’ins
tant du bénéfice d’inventaire.
Ici on a pu croire Gineste de bonne foi dans le retirement du
'dépôt de Brageac, tant qu’il était incertain s’il voulait se l’appro
prier; et le parlement de Toulouse, en|ordonnânt un compte de
la succession, a dû croire que le sieur Ginèste ÿ ‘ porterait les
objets par lui retirés.
Point du tout ; le compte est présenté en 1791 , et on n’y trouve
ni la corbeille contenant ce qu’on à dit être de l’étain, ni le sac
de papiers , qui devait bien être de quelque valeur, puisque
c’était un don manuel destiné à un légilimaire.
A lors, sans contredit, a commencé le drbit des sieurs Day
mard et Couderc , de dire au sieur Gineste : Vous ne pouvez plus
être héritier bénéficiaire , puisque vous retenez sciemment un
objet de la succession.
■
'
Dira-t-il qu’on a conservé l’action en rapport contre l’abbesse?
Ce serait aujourd’hui une chose idéale; mais d’ailleurs il a de-
�( H )
meure seul en prise par sa garantie ; et en exerçant même les
droits de l’abbesse , l’action revient à lui.
Or quelle est cette action? Un saisi, qui ne représente p a s ,
est condamné à payer la dette lui-même, après un délai de grâce.
L e sieur Gineste, garant de l’abbesse, doit y être condamné; et
ce sera la même chose que le déclarer héritier pur et simple.
Dira-t-il encore qu’il ne peut pas être tenu à plus qu’il n’a pris?1
Ce n’est pas là la question ; car , en sa qualité d’héritier par bénéjice d’inventaire, il suffit qu’à l’instant actuel on ne voie pas
dans l ’inventaire , ni dans son compte, ce qu’il~a retenu, il est
dans le cas de l’art. 801 du Code civil.
Un créancier ne peut pas être astreint à prouver les circons
tances d’un retirement de dépôt , qui a eu lieu en 1772. Il suffit
qu’il établisse le fait matériel de ce retirement; cela lui suffit.
Comment saurait-il même ce que l’abbesse dépositaire ignorait,
et ce que le sieur Gineste eut tant d’empressement de cacher?
Cependant les précautions du sieur Gineste n’ont pas empêché
qu’une partie de la vérité ne soit venue aux oreilles des héritiers
Daymard et Couderc.. Ils ont indiqué quelques-uns des titres qui
formaient le dépôt, et notamment une obligation de 3 , 4 0 0 fi\ ,
consentie au sieur Melon , puis_dénaturée par le sieur Gineste:
ils persistent.enqore-à .offrir Ja preuve de ce fait particulier, si la
c o u r la juge nécessaire.
,
S’il restait encore quelque.doute à la cour sur cette question,
15
la plus importante de toutes, puisqu’elle,dispense de juger celles
‘ t‘
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1
1
*
qui suivent, y a-t il à hésiter diuis 1 alternative de faire.supporler
une dehe sacrée a u x. deisc e nclans jCt 11 débiteur, ou de (aire perd rp
•
des ¡créanciers» (é^itimeSj?. Upe, familjp opulente jouit de la: suc
cession qui est le gage de la d^lje ; et il est bien clair que tout
ce qu’elle retient n’esl pas^cojinu. Les Daymard * au contraire,
trompés par la Muraillac, plaidant depuj^(i o oiip^pour.ravoip
5
.•l’argpti I- qu*j!?(,o” 1
Qucorc. N’y eu,t-il .qpe
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•^}e,?*%l?i (lu’;'.
P'?s: twmipés
P»)jîcle^ r^j^té^.par le^ premiers jugesj,
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il
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^5
)
il serait bien certain au moins qu’on a cherché à les duper en
tout. Alors comment, dans l’incertitude m ê m e , la Cour pren
drait-elle sur son compte de sacrifier le créancier légitime qui
perdrait évidemment, plutôt que l’héritier du débiteur qui ne
peut jamais tout perdre, puisqu’il lui reste la succession?
L a Cour peut d’autant moins se faire scrupule de condamner les
héritiers Gineste à-payer la dette des D aym ard, que déjà en 1772 ,
après un semblable compte , et malgré un déficit considérable,
les Gineste furent assez sages pour payer le créancier clairvoyant,
qui était plus à portée de révéler beaucoup. Ainsi ce ne sera au
jourd’hui que leur rendre la justice que déjà ils se sont rendue
eux-mêmes.
2. Légitim e de L’abbé Second.
Les Gineste ne veulent pas rapporter sa légitime paternelle
et cette résistance ne peut pas étonner : car un héritier bénéfi
ciaire a toujours pour règle exprimée ou sous entendue, qu’il ne
ne doit payer que le moins qu’il peut. Mais il est inconcevable
que les premiers juges aient adopté les sophismes ridicules qu’on
leur a présentés sur cette question.
Ils sont cependant condamnés par l’arrêt à rapporter deux
choses,
i . ° L a succession bénéficiaire de la Muraillac ;
2 .0 L a légitime de l’abbé Second.
Si la légitime était comprise dans la succession bénéficiaire; il
était inutile d’en faire un article à part, et de distinguer aussi
positivement la légitim e.
' Les Gineste , tant en leur nom
que com m e
héritiers de l ’abbé,
auraient été condamnés à rendre le compte de la succession ma
ternelle. Voilà tout.
A u contraire l’arrêt explique fort bien que la légitime est indé
pendante de la succession bénéficiaire, et les adversaires qui n’ont
4
�(•26 )
5
pas voulu l’entendre en l ’an , l ’avaient cependant fort'bien en
tendu en 1790.
Car ils avaient donné alors aux femmes Daymard un à-compte
sur cette légitime; et cet à-compte ne pouvait pas se régler sur
la succession de la mère, puisqu’ils prétendent qu’elle est obérée.
Il faut être conséquent avec soi-même, et répondre à un di
lemme bien simple : ou les quittances de 1791 sont données sur la
légitime de la mère, ou sur celle du père.
Dans le premier cas, l’inventaire est faux, et les adversaires
doivent être réputés héritiers purs et simples.
Dans le deuxième cas, la question est jugée par eux-mêmes.
Mais un bail de copie du 7 juillet 1791 , va la juger mieux
encore, et voici comment.
Par la quittance de 1790, il avait été payé
5oo fr. à Marianne
Couderc à compte de la légitime de Pabbé Second, en exécution
de l'arrêt du 9 mars 1789, sous réserve de répéter s’il y avait
d’autres quittances excédantes.
L e 7 juillet 17 9 1, on signifia à ladite Couderc cette quittance
avec une autre de 700 fr. du 2 octobre 1762, et on conclut à être
remboursé de 200 fr. payés de trop.
L a cour se rappelle que le testament de 17S1 avait fixé pour
légitime paternelle à l’abbé Second 1,000 fr.; et voilà pourquoi
Gineste, ayant payé 1,200 f., disaient avoir payé de trop 200 f.
l e s
" Ainsi le meilleur interprète de l’arret du 9 mai 1789 est le
fait personnel des adversaires, ou l’exécution même de cet arrêt.
Combien d’après cela devient mesquin et pitoyable le motif du
jugement dont est appel, qui excuse celte exécution, en disant
qu’elle a eu lieu par erreur et contrainte, ou en vertu d’un ju
gement provisoire.
Qui a pu révéler aux premiers juges qu’il y avait erreur et
contrainte, lorsque les parties n’ont pas demandé à être restituées
à cet égard? les moyens rescasoires ne peuvent pas être suppléés.
�( *1 )
Où aurait été la contrainte quand on a payé volontairement, en
exécution d’un arrêt souverain?
'L e bail de copie seu l, du 7 juillet 179 1, détruit tout cet échaffaudage d’excuses puériles.
S ’il y avait eu erreur, ce ne serait qu’une erreur de droit con
tre laquelle on n’est pas admis à revenir. Mais ce n’est pas là la
question, car il n’y a pas d’erreur, puisque un an après le paie
ment, on 11’en conteste que la quotité.
Les premiers juges accusent aussi d’ignorance le parlement
de Toulouse, s’il avait jugé que l’abbé Second devait rapporter
la légitime de son père, parce que, disent-ils, il aurait fallu l’y
condamner comme héritier pur et simple de sa mère.
Mais sans contredit c’est bien ainsi que le parlement l’a entendu;
et dû l’entendre.
Où ont trouvé les Gineste , qui paraphrasent à leur guise cette
partie obscure du jugement de St.-Flour, que l’abbé Second ne
fût pas héritier pur et simple, par la seule raison que Gineste ne
l ’était pas?
Les qualités d’héritier sont personnelles. L a règle générale est
qu’on soit héritier pur et simple; la qualité bénéficiaire n’est que
l ’exception; mais elle n’atteint que celui qui la réclame.
O r , jamais l’abbé Second n’a voulu être héritier bénéficiaire,
quand dès 1761 Gineste en prenait la qualité. L ’arrêt et la pro
cédure prouvent cette différence avec clarté. Ainsi l’abbé Se• cond , qui a vécu jusqu’en 1777» est mort héritier pur et simple
de la Muraillac sa mère.
Quelles en sont les conséquences?
C ’est qu’il a été tenu des dettes de sa mère ullrà vires. C ’est
que toute sa fortune a été responsable de ces dettes, et par con
séquent sa légitime paternelle a dû y contribuer.
L e parlement de Toulouse n’a donc fait qu’appliquer les prin
cipes les plus élémentaires, en ordonnant que la légitime de l’abbé
Second (qui était entre les mains des Gineste), serait rapportée
par eux, pour payer les dettes de la M üraillac, et qu’ev/ outre,
�( *8 )
_
,
les Gineste rendraient compte de la succession bénéficiaire qui
était aussi dans leurs mains.
M a is , disent encore les premiers ju g es, l’abbé Second avait
approuvé la destination de légitime, en donnant des quittances ,
acceptant le titre, et recevant ses revenus en majorité. IL est mort
sans demander un supplément.
Est-ce qu’une légitime serait approuvée par des quittances
données à com pte?
Il est de principe au contraire que le légitimaire n’approuve
qu’après avoir connu le testament du père, n isi cogn itis inspectisque verbis iestam enli , comme la loi le dit elle-même.
L a coutume d’Auvergne dit que le legs doit être approuvé
sciem m ent $ et ces lois sont appliquées journellement parla Cour.
Un arrêt du 19 ventôse an 11 a même admis à revenir coutre
une renonciation, faite moyennant une légitime conventionnelle,
portée par un testament dont le notaire était indiqué, mais dont
la date n’était pas rappelée. A tte n d u , a dit la C ou r, qu’on n'a
donné connaissance , n i de la fo r m e , n i des clauses , ni de la
date de l ’a c te; cet arrêt n’a fait autre chose que l’applicatiou
textuelle de la loi, nisi inspectis verbis testamenti.
L ’abbé Second, né en 1729 , émancipé en 1749, plaida aussi
tôt avec le sieur Gineste pour avoir la pension qu’il devait payer
au seminaire, et dont le père avait chargé le sieur Gineste.
L a famille délibéra le 7 novembre 1749, qu’il lui serait payé
3oo fr. par a n , à condition que s’il ne se contentait pas dè la
légitime prom ise, et réclamait (lors de sa majorité) la légitime
de d roit, il imputerait l’excedant de l ’intérêt, s’il y avait lieu, sur
le principal de cette légitime.
En 1750 , le sieur Gineste fit a Pleaux un titre clérical de 80 .
par an à l’abbé Second , qui habitait Paris.
Mineur et absent, lors de cet acte, il n’a pas fait sans doute
1
d’acceptation légitime. Aussi ne veut-on la trouver que dans les
quittances postérieures.
�( 29 )
On produit deux lettres et deux reçus de 1750 et 1751. Mais
nulle part 011 ne voit d’approbation de légitime ; tout est donné à
compte.
Les reçus de 17*10 sont à compte de la sentence qui a con
damné Gineste à payer oo fr. par an pour la pension du sémi
naire; ne voilà donc que des revenus.
Aussi on n’a excipé, lors du bail de copie de 1791, que d’une
seule quittance du 2 octobre 1752, de 700 fr. que l’abbé promet
passer à c o m p t e , sans dire même que ce soit sur sa légitime.
D e 17&2 jusqu’à son décès en 1 7 7 7 , il n’y a plus de quit
3
tances; ainsi non agnovit ju d iciu m defuncti.
L ’action en partage dure trente ans utiles. L ’abbé Second a
été majeur le 24 septembre 1754 ; par conséquent «il ne s’est
écoulé jusqu’à son décès, au a i avril 1777, que vingt-deux ans
six mois et vingUhuit jours de prescription.
Par la règle, le mort saisit le v i f , les Gineste ses héritiers
ont à l’instant été substitués à ses obligations dans toute leur
étendue; eux seuls ont dû faire face, vis-à-vis les Daymard et
Couderc, à tout l’objet de leurs demandes.
Ces demandes étaient pendantes en 1777 contre l’abbé Se
cond et contre les Gineste; il y a eu reprise, et l’arrêt de 1789 ,
en ordonnant contre les Gineste, qu’ils rapporteraient la légitime
de l’abbé Second aux créanciers exerçant ses droits, a voulu
qu’elle fût rapportée télle qu'elle était due, sans oi’donner qu’elle
serait réduite à 1,000 fr. ou à oo fr., puisque les Gineste n’en
3
avaient jamais élevé la prétention.
L ’arrêt de 17O9 , par cette disposition , et par celle du compte
de la succession Muraillac , n’a donc fait que prononcer une con
damnation générale , mais indéterminée, parce qu’il ne s’agissait
alors que de régler les points de droit; le montant de la légitime,
comme le montant du compte, devaient être également inconnus
au parlement de Toulouse , lors de son arrêt. C ’était aux Gineste
à faire face à la double condamnation prononcée contre eux, eu
l’exécutant.
�C 30 )
Jusqu’ici donc l’arrêt de Toulouse a demeuré sans exécution
en cette partie; les adversaires se sont contentés de signifier un
compte infidèle. Mais ils ne peuvent pas se dispenser d’obéir à
la chose jugée. Ils doivent, on le répète, rapporter la légitime
paternelle de l’abbé Second , et cette légitime ne peut être qu’un
6.e de la succession en meubles et immeubles, sauf la déduction
de 709 fr. sur les revenus, puisque l’abbé Second est mort sans
avoir rien approuvé.
3 . Gains n uptia ux de la veuve Second.
5
L es adversaires,après avoir offert oo f r ., veulent réduire celle
somme à« un tiers.
11 est vrai que les principes du droit écrit ont sur cette ques
tion une disposition particulière.'
Par les lois du code, les gains nuptiaux étaient propres au sur
vivant. L a novelle 2 , chap. 2, 11e lui en laissa que l’usufruit. L a
novelle 22 , chap. 20, lui en rendit la propriété, sauf le cas des
secondes noces. La novelle 98, chap. i . er , a rétabli la novelle 22,
et enfin la novelle 12 7, chap. , a laissé au survivant non re
marié une portion virile eu propriété, et l’ usufruit du surplus.
Quoi q u ’ il en soit de cette variation , et sans examiner si cette
dernière loi a d’autre but que d’empêcher le survivant de faire
entre ses enfans une disposition inégale d’ une portion des biens
3
de l’autre époux, il y avait, dans l’espèce, dérogation expresse à
la nature du gain de survie.
Car dans le contrat de mariage de 1720, il y a donation des
5oo fr. pour être propres dès à prcscnL à |,i fuiurç; elle a donc
élé saisie dès l’instant même, et propriétaire de cette somme,
t
»
Mais admettons pour un instant que les adversaires eussent
droit de réduire au tiers les oo fr. de survie, promis par Gas
pard Second a la dame Muraillac sa veuve.
S’ils ont eu ce droit, ils l’ont perdu par leurs conclusions
5
admises en jugement.
�( 3 0
•Car non-seulement les adversaires ont offert cette somme de
oo fr. dans leur compte ; mais elle est aussi dans le jugement
par défaut du 14 pluviôse an , avec des motifs très-détaillés.
.O r , comment les premiers juges ont-ils pu corriger un juge
ment par défaut, dans une partie dont l’opposant ne se plaignait
pas? C ’était se réformer soi-même, et reconnaître qu’une ques
tion de droit avait été mal jugée la première fois.
Cette prononciation de mal jugé était au-dessus du pouvoir des
premiers juges.
5
5
1
4 , 5 , 6 . Jouissances des fidéicornm is et quarte trébelU anique.
'
>«,
L a dame Muraillac avait droit de jouir comme héritière fidéicommissaire des biens de son époux jusqu’à son décès; 011 11e le
lui dispute pas.
Mais on prétend qu’elle a remis l’hérédité sans rien réserver
et que cette remise ne lui a laissé aucun droit de jouissance.
Cela serait vrai, si la remise eût été volontaire; mais la veuve
Second ne fut forcée de ne pas jouir que par l’usurpation du sieur
Gineste, avec lequel elle plaida toute sa vie. Après le testament
de son.m ari, qui la fit héritière iidéicommissaire en i j d t , elle
rémit l’hérédité à sa fille en i j S j , et cela pour elle.
Redevenue héritière en 1744, p a rle testament de sa fille, elle
voulut reprendre les biens, mais le sieur Gineste s’y opposa.
Les appelans ont excipé devant les premiers juges d’une signi
fication qu’elle fit en 1746, du testament de 1744, pour deman
der qu’il fût exécuté à son égard. O r , peut-011 se faire un titre
contr’elle de l’impossibilité où elle fut de jouir.
O11 objecte que, d’après l’article
36 de l’ordonnance des subs
titutions, elle est reputee n’avoir jamais accepté le fidéicoinmis.
Mais cet article même ne dit pas qu’il faut jouir pour accepter ;
mais qu’on est censé accepter, soit par la possession, soit par
des demandes.
�(
3a
)
On dit que la veuve Second ne fut qu’héritière fiduciaire de
sa fille. Mais la principale distinction du fiduce, d’après Peregrinus et Henrys , est quand le fidéicommis doit être remis iti
dietn certum , et quand 011 prohibe la distraction de quarte.
Tout cela n’a pas eu lieu dans le testament de 1744.
D ’ailleurs, autre chose est le fiduce , autre chose est le legs
personnel des fruits.
>
Gomment admettre, sans injustice, que le sieur Gineste, détempteur de revenus quelconques, appartenant à sa belle-mère, .
ait pu les retenir en refusant de payer ses dettes ?
Tout est rigoureux contre l’héritier qui veut séparer les pa
trimoines; et il n’est pas juste qu’il distraye la moindre chose
de l’actif qui doit faire face à la dette , pour le laisser dans le
patrimoine qui ne doit pas y conjribuer.
Quant à la quarte tre'bellianique, elle appartient de plein
droit à tout héritier testamentaire chargé de rendre , d’après
les titres du Digeste : A d sénat. Treb.
Il ne doit se prendre qu’une seule quarte sur les cinq sixièmes
de la succession de Gaspard Second, advenus à Marie-Jeanne
Second, femme Gineste; et ce, en vertu du testament de 1744,
parce qu’elle fut prohibée par celui de 1781.
On oppose qu’elle ne peut se prendre par l’héritier fiduciaire,
mais les auteurs enseignent que ce n’est qu’au cas que la charge
de rendre soit à jour certain, et non de rendre au décès.
( D espeisses. t. 2, p.
, n.° 14)-
338
Les Gineste opposent qu’elle ne se cumule pas avec les jouis
sances. Ils ont raison.
" Mais ils disent eux-mêmes que Marie Muraillac n’a joui que
d ’une maison, jardin et grange. Ainsi il est question de savoir
si ces objets excèdent le quart de la succession ; en ce cas , il est
juste qu’en lui donnant. la quarte trébellianique comme proriélé distincte, à compter du décès, on déduise la portion des
jouissances qui excéderaient celte quarte ajoutée ù sa succession.
�7- L a .pension due par Le couvent d'A rgcntac.
En achetant un pré de Marie M uraillac, les religieuses d’A rgentac donnèrent un écrit, par lequel elles s’obligèrent de nour
rir une demoiselle , présentée par elle , pendant trois ans. Cei
écrit, resté dans la succession, était une créance.
Mais le sieur Gineste , qui a gouverné la succession bénéfi
ciaire à sa guise, et anirno dom ini, a donné aux religieuses ,
en 1770, un é c rit, par lequel il reconnaît, sans autre explica
tion , et sans époque, que cette promesse est acquittée.
Cette manière d’agir avait même été une des raisons pour les
quelles on avait offert preuve d’adition en 1770. Mais dès que
le parlement n’y vit pas un acte d’héritier, il reste au moins le
droit de demander aux Gineste le paiement de cette valeur.
Si la promesse eût été acquittée avant 1 7 6 1 , les religieuses
n’auraient pas manqué de la retirer, ou de prendre quittance.
L e sieur Gineste , qui a voulu la donner, a donc pris cela sur
son compte, comme v i s - à - v is l’abbesse de Brage'ac. On voit
bien qu’il a voulu par-tout éviter les révélations; mais y auraitil de la justice, dans l ’incertitude mên^e, de le dispenser du
paiement ?
8 et 9. ArticLes de dépense.
L e tribunal de Saint-Flour a rayé les articles 1 , 2,
5, 4 , 5,
6, 9 , 10 et 11 de la dépense du compte , rendu par les adver
saires en 20 articles.
Est-ce la preuve de la fidélité de l’héritier bénéficiaire ? Et ne
faut-il pas ajouter cette remarque aux moyens de déchéance?
Il faut répéter aussi que le jîarlement de Toulouse n’a pu
juger la qualité de bénéficiaire que pour le passé, et qu’il ne
savait pas en 17S9 , si le. compte serait rendu avec sincérité eq,
Ï
791 -
�( 34)
.ï
io . M obilier de M arie M uraillac.
II a été inventorié en 1761 ; mais les premiers juges n ’ont
voulu le faire composer que de ce qui restait dans cet inven
taire, après la distraction du mobilier délaissé par Gaspard Se
cond, en 17 3 1, parce qu’ils ont ajouté foi à l’allégation des ad
versaires, que Marie Muraillac en avait demeuré nantie.
Cependant on voit dans le contrat de mariage de la dame
Gineste, du
5 novembre 17 8 7 , que Marie
Muraillac sa mère,
lui remit tous les meubles et effets de Gaspard Second, inven
toriés en 1731. Donc voilà la preuve écrite qu’elle n’en retint
pas la possession.
On oppose que lors de ce contrat, et par uqe contre-lettre,
le sieur Gineste son gendre, lui donna pouvoir de les garder,
ainsi que des immeubles; mais que celte contre-lettre ne se
trouve plus.
Comment le sieur Gineste , qui conserva tant de papiers,
laissa-t-il perdre celui-là ? ou plutôt comment avait-on eu idée
tle faire une contre-lettre nulle et parfaitement inutile, puisque
rien n’obligeait de faire , par contrat de m ariag e, une remise
de mobilier, si on voulait aussitôt la révoquer?
A u reste, c’est là un point de fait à vérifier; et les appelans
ne veulent rien qui ne soit juste.
Mais aussi ils
ne
veulent pas s’en rapporter aveuglément à ce
que le sieur Gineste a fait faire en 1761, sans les appeler.
Que la Cour veuille bien prendre la peine de comparer les deux
inventaires-; et si les articles, qu’on peut dire.ressemblant, lui
identiquement les mêmes les appelans s’en rapportent,
s e m
b
l e n
t
,
* avec confiance, à sa conviction sur ce chef néanmoins impor
tant, de la contestation.
d é p e n s
.
Les héritiers Gineste ont porté en compte de dépense ceux
qu’ils ont faits au parlement de Toulouse.
�( 35 )
Ils',réussirent à ne pas y êlre condamnés en leur nom person
nel, quoique déboutés de leurs diverses demandes en péremp
tion , et de celles en renvoi. Mais alors on ne connaissait ni la
garantie donnée à l’abbesse de Brageac, ni l ’acquit de pension
donné au couvent d’A rg e n ta c, ni la contre-lettre du sieur Chantegrie , ni les nombreux articles rayés, que le sieur Gineste avait
projet de s’adjuger; il put paraître alors, ¡sinon en bonne foi,
au moins pas assez convaincu de mauvaise foi en sa qualité d’hé
ritier bénéficiah’e.
S ’il est déchu du bénéfice, comme tout le prouve, son compte
de dépense s’évanouit tout entier. Mais s’il était possible que ta
Cour ne le jugeât pas ainsi, au moins les dépens, faits depuis
1780 jusqu’à présent, doivent-ils être supportés par les adver
saires personnellement.
Ce n’est pas tout de les réserver sous prétexte d’une estima
tion relative à un seul article. Car le compte n’en sera pas moins
fixé pour tous les autres , et n’y eût-il que la radiation de neuf
articles sur vin g t, ou plutôt sur d ix-h u it , c’en est assez pour
convaincre la C our, que les adversaires ont élevé de mauvaises
contestations ; et dès-lors faire condamner les adversaires aux
dépens , en leur nom p erso n n el, dès à présent.
L ’article de la légitime de l’abbé Second l ’exige seul. Car il
est l’objet sur lequel les adversaires ont le plus raisonné, le
plus contesté , et chicané avec le plus d’opiniâtreté. C ’était en
effet l’article le plus im portant, car il suffira pour remplir
les condamnations en garantie dues aux appelans. L ’arrêt de
1789 l’avait placé le premier en ne considérant le compte à
rendre que comme un subsidiaire. A i n s i , la Cour, en jugeant
que les adversaires ont mal à propos contesté en cette partie
l’exécution de l’arrêt, leur fera supporter sans difficulté tous les
dépens déjà faits, et même réglera ceux de l’exécution du nouvel
a rrê t, comme il se pratique en matière de partage ; tout au plus,
e st-il vraisemblable, qu’elle réservera les dépens de cette exé
cution seulement.
�( 36 3
*' L es héritiers Daymard et Lacroix se flattent de n’avoir rien
proposé qui ne soit fondé, et sur-tout qui ne soit équitable.
- L eu r position , dans ce procès , est faite pour appeler la rigueur
de la Cour contre une famille qui leur conteste depuis si longtems le paiement d’une créance , que par honneur elle eut dû
payer depuis quarante ans. Q u ’elle jouisse, si bon lui semble ,
du privilège des lois, il faut bien le souffrir; mais que la suc
cession débitrice soit dissimulée, affaiblie, dénaturée même par
trois générations successives, c’est ce que la Cour ne souffrira
«
certainement pas. Car la bonne foi est de première nécessité
.pour tout le m onde, même pour ceux qui n ’attachent pas de
prix à respecter les engagemens de leurs auteurs.
M .e D E L A P C H I E R ,
A v o c a t.
M .e D E V È Z E , L ic e n c ié -A v o u é .
A
RIOM,
D E L ’I M P R I M E R I E D U P A L A I S , C H E Z J.-C. S A L L E S .
�
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Title
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Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Daymard, Marie. An 6?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Devèze
Subject
The topic of the resource
créances
successions
saisie
rentes
censive
vie monastique
Description
An account of the resource
Mémoire pour Marie Daymard, veuve Lacroix, et Marianne Couderc, femme de Durand-Rieux, appelantes; Contre Emeric, Marie, Marianne Gineste et autres, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 6
1741-Circa An 6
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0311
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Brageac (15024)
Pleaux (15153)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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censive
Créances
rentes
saisie
Successions
vie monastique
-
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342b031c820bac596409733faefab0c0
PDF Text
Text
M
É
M
O
I
R
E
P O U R
A n t o i n e D U P I C , avoué à Am bert, accusé de com
plicité de faux ;
C O N T R E
Le
c o m m is sa ir e
du
g o u v er n em en t
T R IB U N A L
, -poursuivant,
C R IM IN EL
SPÉCIAL
et le citoyen B A R R I È R E , plaintif
du Puy-de-Dôme.
H :!U n avoué , en prison pour une accusation de faux , appelle
nécessairement sur lui l’attention publique. Son état est tout entier
dans le domaine de l’opinion, et elle exige qu'avant de se justi
fier devant ses juges, il donne publiquement le tableau de sa con
duite, quand il ne craint pas d’en rendre compte.
L e cit. D upic est accusé de complicité d’un fa u x , com m is,
dit-on, par un huissier, en supprimant les copies d’une notifica
tion de transcription à des créanciers inscrits.
L a participation du cit. Dupic consiste dans la rédaction du
projet de cette notification , faite par lui sur papier lib re, et
remise , non pas à l’huissier , mais aux parties, q u i, à ce qu’il
paroît, se sont adressées à plusieurs huissiers pour les corrompre.
L e cit. Dupic ignore si cette corruption a eu son e ffe t , et
cette incertitude lui a fait rechercher le corps de délit dans la
procédure, dont copie vient de lui être remise. M ais, au lieu d’un
original d’exploit sans copies, il y a vu une copie sans original.
Barthélemi Roussel, a-t-il dit, a donc f a i t usage de cet exploit
contre ses créanciers, et ceux-ci ont été privés de la faculté d’en
chérir. Mais n o n , Roussel interrogé ignore lui-même s’il y en a
A
�( a )
un; ot tout ce qu’on voit de certain dans la procédure, c’est que
le cit. Barrière a voulu deviner qu’il y avoit un exploit faux ;
qu’il n ’a pas même cherché à savoir si on le lui opposeroit pour
lui faire perdre scs créances , et qu’il a mieux aimé faire une
dénonciation, soi-disant civique, sous le prétexte ridicule d’un
tort possible et imaginaire.
Quoi qu’il en soit, le cit. Dupic est accusé , et dans les fers:
avec un état et une fam ille, il ne peut, sans doute, supporter que
très-impatiemment d’être compromis dans une querelle étrangère.
D ’autres considérations peut-être l’affligeroient plus encore; mais
l’expérience du malheur lui a appris qu'il faut toujours s’attendre
au pire, et que dans les événemens majeurs on doit moins compter
sur les hommes que sur la justice, le temps ou le hasard. Il lais
sera donc les réflexions et les plaintes, pour ne s’occuper que des
causes de l’accusation dont il est victime.
FA IT S.
L e cit. Dupic avoit été chargé, comme avoué, de plusieurs
affaires pour le cit. D um aret, de Lyon , qui a des propriétés à
Saint-Germ ain-l’Herm.
Il a eu aussi la confiance de Barlhelemi Roussel, cultivateur,
passant pour avoir une très-grande aisance , et auquel on ne
donnoit pas une mauvaise réputation.
Dumaret et Roussel eurent un procès pour arrérages de ferme,
pendant le papier monnoie. L e tribunal d’appel ordonna que
D um aret, demandeur, seroit interrogé sur faits et articles pour
des reçus qu’ils n’avouoit pas; Roussel ne consigna pas les frais
du voyage; l'interrogatoire n ’eut pas lieu, et il fut condamné.
Quel que fût le sentiment qui l’agilàt après celle condamna
tion , il alla demander au cit. Dupic s’il pouvoil vendre. La
réponse fut affirmative et devoit l’êlre ; il ne s’agissoil ni de la
quantité de biens à vendre, ni du prix; tout cela ne pouvoit être
que l’affaire du consultant.
�C 3 )
Roussel conduisit ensuite son'acquéreur, simulé ou non, chez le
cit. D upic, croyant qu'il pouvoit recevoir cette vente. Celui-ci les
mena chez le cil. C lavel, notaire, qu’il trouva dans la rue, et
auquel il dit qu’il s’agissoit de passer un acte : il les quitta sans
autre explication (i).
Vraisemblablement le cit. Clavel ne voulut pas recevoir cet acte;
si c’étoit faute de certificateurs, Roussel n’en dit rien, car Dupic
le connoissoit assez pour offrir de Pêtre. Mais il vint lui dire que
Clavel avoit pensé que Roussel ayant été protuteur ne pouvoit
pas vendre solidement, et qu’il le prioit de les mener à un autre
notaire. Alors on alla chez le cit. Ponchon.
L e premier mot de Ponchon fut de demander des certificatcurs ; pour cette fo is, Dupic étoit présent, et offrit de certifier
l ’identité de Roussel. Que ceux qui cherchent des raisons à tout
veuillent bien expliquer pourquoi ils refuseroient de certifier la
simple identité de ceux qu’ils connoissent.
Mais le cit. Ponchon rappela au cit. Dupic qu’il fnlloit deux
certificateurs: Dupic auroit pu sans doute s’en adjoindre un autre;
mais c’étoit bien assez de se croire obligé à ne pas refuser luim êm e; il fut bien aise que l’acte s’ajournàt.
Au départ de Roussel , le cit. Ponchon donna à quelqu’un la
commission de lui faire venir un nommé Girodon, de M arsac,
son débiteur. Roussel ayant ouï ce nom , dit au cit. Ponchon
qu’il connoissoit aussi ce Girodon, qui ne refuseroit pas d’être
son cerlificateur (2).
Peu de jours après, on retourna chez le cit. Ponchon: le cit.
Dupic se croyoit encore obligé d’être un des certificateurs; il n*y
voyoit aucun m otif réel de répugnance; l’acte fut projeté et dicté
par le notaire. D upic, absent pendant ce travail, attendoil qu’on
vint le chercher pour signer.
Lorsqu’il re v in t, la dictée en étoit aux certificateurs ; il en
(1) D é p o s itio n du cit. C lavel, ae. té m oin .
(%) péposition du cit. Ponchon.
A 2
�C 4 )
entendît nommer d eu x, et dès-lors il ne vit plus de nécessité à
être là , en troisième. Pour ne pas fatiguer Roussel, il appela le no
taire en particulier, et lui dit que sa signature devenoit inutile(i).
L e même jour, Roussel dit au cit. Dupic qu’il vouloit aller
à Lyon payer M . Dumaret , qui l’avoit tenu quitte pour 800 fr. ;
tandis que Barrière, son agent d’a ffa ire , qui se disoit cessionnaire de la créance, vouloit 6,000 f. L e cit. Dupic écrivit; et
il étoit si peu de moitié dans un projet de fraude, que dans celte
lettre il avertissoit Dumaret que Roussel venoit de prendre des
arrangemens. 11 croyoit si peu que Roussel eût projet de réduire
tous ses créanciers à 3oo f . , que dupe, lui-même, il s’offroit pour
caution de 800 f. et 20 quartons de blé au cit. Dumaret (2).
* T ou t sembloit terminé pour le cit. Dupic ; mais quand l’acte
fut enregistré et expédié, l’acquéreur vint le lui porter, pour le
prier de le retirer de la transcription, avec les extraits d’inscription.
Malgré la diligence recommandée par cet acquéreur, le cit. Dupic
avoit perdu cette affaire de vue; mais Couvert, plus pressé, vint
lui-même à Àmbert , et le cit. Dupic l’accompagna pour retirer
l ’acte et les extraits du bureau des hypothèques.
Il fut question alors de la notification de ces extraits aux créan
ciers; 011 chargea Dupic de la faire: il en fit le projet où il tacha
de renfermer tout ce qu’exige la loi pour les formes ; et comme,
par un hasard qui se trouve heureux, il n’avoit pas de scribe pour
en faire transcrire l’original et les copies sur papier timbré, il se
contenta d’écrire en marge qu’il lalloit écrire 1 exploit tel qu’il étoit,
sans rien omettre , et il le remit aux parités elles-mêmes (5), qui
l’emportèrent pour en consulter, à ce quelles dirent, la validité,
à Saint-Germain.
C ’est ici où il faut dire , puisque la position du cit. Dupic l’y
(1) Méine déposition.
(a-! Lettre écrite le 5 fructidor an 1 0 , au cit. Riboulct , cote 4 ^.
(3) D é c la r a t io n de R o q u e à tous les avoués , 1 2 '. 1 5e. 16 '. 20e. 2 1 e. 2 3e.
33 e. 34e. t é m o i n , cote 3q.
�( 5 )
oblige, que peu après la remise de ce projet d’exploit , Roussel
et Couvert ayant sans doute médité leur suppression de copies,
et peut-être ayant déjà tenté de l'exécuter, revinrent chez le cit.
Dupic lui dire, que, pour empêcher Roussel d'être victime de ses
créanciers, un homme très-capable leur avoit conseillé de suppri
m er les copies de la notification dont il avoit fait le projet, et
ils lui proposèrent, s’il vouloit s’en charger, de lui payer ce
qu’il voudroit, offres qu’ils portèrent jusqu’à 1,800 f. ou 2,000 f.
L ’indignation du cit. Dupic à cette proposition étoit contenue
par l’envie qu’il avoit de recouvrer son projet d’exploit : il le
demanda sous un prétexte; mais sans doute la leçon étoit bien
la ite ; on répondit que le projet avoit resté à Saint-Germ ain; et
alors le cit. D u p ic, par un reste d’égard pour son ancien client,
se contenta de le menacer d’une dénonciation, s’il usoit de ce projet,
ou s’il signifioit l’exploit sans copies.
11 paroit que les Roussel et Convert ne furent pas très-effrayés
de cette m enace, puisque le même jour, ou peu de jours après,
ils cherchèrent à acheter la probité de trois huissiers.
Il n’est pas question, comme l’a dit Barrièi'e dans sa dénoncia
tion, de Roque, huissier de confiance de D upic; de Roque fils,
clerc de Dupic ; de l ’exploit dicté à ce dernier par Dupic : tout cet
arrangement captieux, pour rattacher Dupic à tout, est démenti
par un fait du pur hasard.
C ’est que les Roussel et Convert, au lieu de s’adresser d’abord
à ce Ro^ue fils, pour écrire sous la dictée, et à ce Roque père, pour
signerde confiance, se sont d’abord adressés a un gendarme ( Privât,
qui est en jugement et en prison ) , pour le prier d’acheter une signa
ture d’huissier, moyennant 48 i*r* (0*
Privât n’alla pas chez R oque; il alla chez Achard, lui proposa
ses 48 fr. > Achard refusa.
Après A chard , Privât alla chez Monteillet : Monteillet refusa
(i) Déclaration de Monteillet, A ch ard, la veuve Pommier, et de Privât
lui-méme.
A
3
�(6 )
encore; et ce fut après ces deux huissiers qu’on s’adressa à R oque(i).
Roque, à ce qu’il parolt, alla boire avec Roussel et Convert.
L ’exploit fut fait : la signature fut payée, dit-on, avec une tasse
d’ argent; et l'huissier alla en pei’sonne faire enregistrer l’exploit à
St. Anthèm e, bureau étranger aux parties, aux créanciers, et à
l’huissier lui-même.
L e cit. Dupic ignoroit tout ce tripotage d’huissier, de gendarme
et d’enregistrement, se confiant dans l’idée qu’il avoit dissuadé
Roussel de tout projet frauduleux , lorsque le cit. Barrière est
venu avec fracas, à A m bert, dénoncer à la chambre des avoués
un prétendu exploit dont il avouoit suspecter seulement l’existence.
Si la chambre des avoués eût connu cet exploit supposé si nuisi
ble , elle auroit vu qu e, pour en détruire l’e ffe t, il n’éloit pas
besoin d’une procédure criminelle ; mais elle ne put le juger que
sur les rapports infidèles du cit. Barrière; elle demanda une dénon
ciation écrite. Le cit. Barrière sortit avec le cit. Crosmarie pour la
rédiger. C ’est après cela qu’on manda le cit. D upic, pour s’expli
quer et répondre (2).
A u premier mot d ’un projet d’exploit, il faut le dire, le cit. Dupic
se confirma dans l ’idée que les Roussel avoient eu peur de sa menace.
Il leur en sut intérieurement bon gré; e t, regardant dès lors toutes
les clameurs du cil. Barrière comme une terreur panique , il ne
voulut pas révéler leur turpitude, et les exposer à un procès crimi
n el, dès qu'ils s’étoient repentis.
M ais quand, au lieu d’un simple soupçon, il ouït dire qu’un
exploit avoit été fait réellem ent, et que, pour lui en cacher la
connoissance à lui-même, on l’avoit fait enregistrer à St. Anthêm e,
alors son premier mouvement fut de déclarer avec vivacité qu’il
étoil vrai qu’on lui avoit offert 1800 fr. pour supprimer les copies
de cet exploit; et il termina par demander que cette explication ne
fût pas réduite à une simple conversation entre collègues; mais
(îï Init rrogatoire de Privât et Roussel.
(z'j Déclaratiou des avoués.
�( 7)
que la dénonciation fût remise au substitut du tribunal crim ineVi).
C ’est ainsi qu’un prétendu coupable a provoqué lui-m êm e une
instruction judiciaire, au lieu de la redouter ; il a voulu être con
fronté avec ceux qu’on disoit n’avoir agi que par ses conseils. 11 est
en jugement avec eux ; et certes s’il avoit préparé et fa cilité le
fa u x , ils n’auroient pas manqué de tout rejeter sur son compte,
pour se disculper sous le prétexte de leur ignorance.
T e l est le précis exact des faits confirmés par les dépositions. S ’ils
ont suffi pour rendre le cit. Dupic suspect, il est au moins bien
certain qu’ils ne peuvent le faire considérer comme coupable. Ce
seroit sans doute assez, pour l’établir, de ce qu’il a déjà d it; mais
il doit suivre sa défense sous toutes les faces, parce qu’on ne peut
traiter légèrement une accusation qui attaque la liberté et l’honneur.
M O Y E N S .
§. I.
L e cit. Dupic est étranger au délit dénoncé.
Si le cit. Dupic jouissoit d’une fortune brillante, on n’eût pas
osé l’accuser d’un faux minutieux, et d’avoir vendu son honneur à
celui qui vouloit le commettre. Mais c’est un malheur inséparable
de la médiocrité qu’elle est en butte aux soupçons enhardis , et
qu’en rougissant de leur injure elle n’en est pas moins obligée de
les combattre.
M a is, quelle que soit la calomnie qui poursuit le cit. D upic,
ouvertement ou dans l’ombre ; s’il n’a pas reçu de ses ancêtres
l’héritage de leur illustration ( 2 ) , il en a reçu celui d ’une probité
qu’il n’avoit jamais ouï suspecter dans l'exercice de son état et des
(1) Procès verbal de la cham bre, cote 9 , expliqué par les déclarations de*
avoués.
(a) Guillaume D u p ic , l ’un d’eux, ¿toit grand bailli d’Auvergne en x35o.
A 4
�C8 )
fonctions qu'il exerce depuis 1789 (1 ) ; et cet héritage, quoi qu’on
en dise, il le transmettra intact à ses enfans.
L e cit. Barrière devoit voir le passé avant le présent, n ’épouser
la passion de personne; ne pas croire qu’il lui suffiroit, pour réussir,
d’indiquer trente-neuf témoins avec note de ce qu’ils devoient dire;
ne pas mentir à sa conscience, lorsqu’il savoit que le conseil d'un
faux venoit d’un autre que du cit. Dupic ; et enfin méditer un peu
p lus, avant de dénoncer, quelle étoit la nécessité et quelle seroit
la suite de sa diffamation.
Il est peut-être sans exemple qu’un défenseur soit en jugement,
¡parce qu’un huissier n’a pas posé des copies d’exploit; sous prétexte
que ce défenseur a conseillé cet exploit , et en a fait le projet.
Est-ce donc le conseil, 011 le projet, qui ont valu une accusation?
M ais ce seroit une chose bien périlleuse, que de donner des con
seils, s’ils exposoient aux résultats d’un commentaire fort différent
quelquefois du conseil lui-même, et si on couroit la chance d’être
incarcéré par provision, pour éclaircir jusqu’à quel point le conseil
a influé sur le mode de l’exécuter.
Si c’est le projet, c’est peut-être pis encore; car il seroit inouï de
trouver dans le projet d’un exploit quelque chose de relatif à la
suppression des copies qui en seront faites ensuite.
I l y a plus : c a r , dans l ’existence de ce projet m ê m e , tout autre
q u ’u n dén on ciateu r passionné doit voir la preuve que l’auteur du
projet n ’a pas entendu se m êler de ce qui seroit fait au delà.
Sans doute Dupic, voulant faire faire cette suppression de copies,
auroit écrit l’original, et même, si on veut, les copies; il auroit
tout fait signer par l’huissier qu’on suppose lui être si bien dévoué,
et il auroit tout retenu.
( i l Le cit. D u p ic , accusé , a été reçu au serment d’avocat au parlement
de Pari«, en 178 9; accusateur public au tribunal du district d’Ainbert,
procureur national des eaux et forêts, greffier, avoué à Amlx'rt avant l’an a
et depuis l’an 8. Depuis sa détention , il ¡1 ¿té nommé membre de l ’univertité de jurisprudence, sur la p résen tation du m aire d'^dinhcrt-
�c9 )
M ais on aime mieux choquer toutes les vraisemblances pour
l’accuser. On veut qu’il ail été assez imbécille pour faire marchander
des probités d’huissiers de nie en rue, avec son projet d’exploit à
la m ain, et que , pour comble de simplicité, après s’être mis en
évidence par le refus successif de deux huissiers, il ait donné ainsi
au troisième une pièce de conviction de cette importance.
On ne veut pas voir qu’il y a incompatibilité dans ces deux
suppositions. Mais il y a constitution d’un autre avoué, dit le
dénonciateur. Mais les parlant à ne sont pas en blanc; mais il y
a une note marginale et une date fixe; mais Dupic a nié devant
ses collègues avoir fait ce projet. Mais tout cela se lie à la vente
qui elle-même étoit frauduleuse; et Dupic y a participé, puisqu’il
est allé chez les notaires.
Voilà donc, sans l’affoiblir, tout le faisceau de l’argumentation
qui est résumée contre le cit. Dupic. Eh bien, que ce faisceau soit
divisé ou entier, il est impossible qu’il tienne contre le simple regard
de l’impartialité.
Oui, Dupic a constitué un autre avoué que lui : mais il étoit
l’avoué ordinaire du cit. D um aret; e t, dans un exploit qui devoit
lui être signifié, il a pu aviser, sans crim e, au moyen de ne pas
perdre cette confiance.
Oui, il a rempli les parlant à. L ’huissier auroit confondu entre
le domicile réel de chaque créancier, et leur domicile élu. L e ré
dacteur a voulu éviter une nullité, et il ne laissoit rien à fin ir,
précisément parce qu’il n’avoit à se mêler que d’un simple projet.
L a note marginale confirme ce qu’on vient de dire. Il étoit à
croire qu’un huissier de Saint-Germain transcriroit cet exploit.
L a date du i 5 fructidor, mise en marge du projet, n’est pas de
la main de D upic, quoi qu’en dise la dénonciation; donc il a passé
par d’autres mains : d’ailleurs l’enregistrement du 20 suppose un
exploit du 17 (1).
L e cit. Dupic a nié ce projet; il en a donné les raisons : il
(1) Cote 4 *
�( IO )
ne: croyoit pas qu’on eût osé faire l’exploit. Sans doute ce n’étoit
pas par supposition qu’on ignoreroit la part qu’ il y avoit, puisque
la dénonciation qu’on venoit de lui lire, et où il est dit que le
projet est de sa m ain, devoit dicter sa réponse. S’il a agi par mé
nagement, il n’a plus rien ménagé ensuite, lorsqu’il a vu qu’il y
avoit un abus de sa bonne foi ; et on ne dira pas qu’il ait agi comme
s ’il craignoit les éclaircissemens.
Ce n ’est donc pas là une objection contre le cit. D upic, et ce
seroit attaquer la chambre des avoués; car le moyen de croire
qu’elle ait voulu tendre un piège à un de ses collègues, en lui de
mandant s’il avoit écrit un projet dont elle étoit déjà saisie, et
qu’elle savoit bien être de son écriture? Aussi quand elle a inséré
dans son pi’ocès verbal qu’il avoit déclaré tous les faits calomnieux,
on voit que cette rédaction étoit pour abréger, puisque cette con
cision est démentie par tous les témoignages des avoués eux-mêmes,
et que l’un d’eux rapporte même l’explication que le cit. Dupic
donna à sa réponse (i).
Enfin, qu’y a-t-il de commun entre le transport de Dupic chez
deux notaires, et une suppression de copies d’exploit?S’il eût voulu
ou cru faire une fraude, auroit-il ainsi parcouru les études do
notaires avec Roussel? se seroit-il présenté pour son certificateur?
et après tout cela auroit-il fait courir et laissé son projet d’exploit,
pour consommer sa conviction? C ertes, la fraude ne marche pas
ainsi avec éclat, et ne laisse pas sur sa route des signaux de reconnoissance.
( i j Le douzième témoin dépose que Dupic expliqua « qu’avoir suivi les
» parties chez un notaire , avoir retiré létat des inscriptions , avoir fait un
» projet de notification, n’étoit pas repréliensible ; et qu’il n’appeloit faits
calomnieux que ceux qui tendoient à le rendre complice d ’un faux, >*
�( Il )
§.
11.
I l n’y a pas de fa u x ; le cit. Dupic n’en est pas complice.
L e cit. Dupic n ’a pas cherché à se défendre par des fins de non
recevoir, parce que, n’ayant rien à se reprocher, il lui étoit égal
d ’être accusé d’un délit quelconque : mais un crime de faux est un
poids si t e r r i b l e pour un homme public, qu’il doit, s’il le peut, en
détourner de lui jusqu’à la seule dénomination. C ’est donc déjà un
grand intérêt pour le cit. D u p ic, d’examiner s’il y a eu un fau x, et
s’il a pu y être compris sous prétexte de complicité. '
Déjà on peut d ire, en général, qu’il n’y a pas de faux dans
une suppression de titre, parce qu’un faux en écriture n’est pas un
acte d’abstension ou négatif, et qu’il suppose une action tendante
a altérer ce qui est, pour le transformer en ce qui n’est pas.
Aussi ne voit-on pas qu’en principe on mette sur la même ligne
les suppressions de titre et les faux qu i, dans le droit crim inel,
semblent faire deux délits bien distincts.
Lange, en traitant du fa u x , observe que « l ’on ne peut former
» une inscription de faux au sujet de la suppression des actes,
» parce que l'on ne peut déclarer fausse une pièce qui ne paroit
» pas ; mais que parmi nous on en fait la poursuite comme d’un
» larcin (i). »
L e tribunal de cassation a été plus loin encore, dans un jugement
du i5 nivôse an 1 1 , comme on va le voir par l’extrait entier copié
sur l’arrêtiste (2) : « Un créancier, porteur d une reconnoissance de
)> 55o f r . , reçoit du débiteur un acompte de i 5o f r . , et en inscrit
» le reçu au dos du billet. Par la suite, le créancier gratte et efface
t> cette quittance, et cite le débiteur en payement de 55o fr. L e
)> faux y est attaqué par le débiteur. L e tribunal spécial ( de la
(1) Pr.itic. f r . , chap. X I V , du faux , tom. I I , pog. G-j» édition de 1723.
(2j Journal du palais, n°. i 3 i , p l(ge 3 4 4 .
�( 12 )
» Manche ) a cru y voir un faux en écriture privée......... mais le
» tribunal de cassation n’a considéré ces rature et grattage d'écri» ture que comme une suppression d’acte tendant à libération.
» Sur ce m otif, il a cassé et annullé le jugement de compétence. »
L ’application de cette décision se fait sans peine ; car s i, entre
le créancier qui a gratté un écrit, et Fauteur d’un projet d’exploit
posé ou non, il faut chercher un faussaire, ce n’est certes pas le
premier qui sera jugé l’être moins.
Pourquoi d’ailleurs vouloir trouver un faux où la loi n’en indique
pas? C a r, sans doute, un huissier qui ne pose pas des copies, ne
commet pas un délit d’invention nouvelle ; et dès-lors il faut cher
cher comment la loi punit, pour juger la culpabilité par la peine.
L a première loi qui paroisse s’être occupée de ce délit, est l’or
donnance de i 555. A u tit. V I elle d it, art. X I : « Pour obvier à
)> plusieurs inconvéniens qui peuvent advenir de ce que souvente» fo is, quand les huissiers signifient quelques requêtes ou autres
» choses, ils n’en baillent copie, ce qui vient à gros intérêt des
» parties, nous avons enjoint et enjoignons auxdits huissiers de
» bailler promptement lesdites copies.......... sur peine de Go sols
» d’amende pour la première fois, et pour la seconde sur peine
» d’amende arbitraire. »
L ’ o r d o n n a n c e de 16G7 veut, en l ’art. II du lit. II, qu’il soit laissé
copie des exploits, à peine de nullité et 20 fr. d’amende ; et en
l’art. III) qu’il soit fait mention, en l’original et copie, de ceux à
qui elles ont été laissées, à peine de nullité et même amende. En
l’art. V II du tit. X X X I I I , elle veut qu’il soit laissé au saisi copie
de l’exploit. L ’art. X I X est consacré a fixer la peine de l’inobser
vation : « T ou t ce que dessus sera observé par les huissiers, à
» p e i n e de nullité, d o m n ia g e s - in t e r e ls .......in t e r d ic t io n , et 100 ir.
n d ’a m e n d e . »
Ainsi le pis-aller, dans les cas les plus graves, est l'interdiction
et des doinmagcs-intérêls, outre la nullité et une amende.
P o u r q u o i donc être plus sévère que la loi elle-même; augmenter
Jc§peines, quand,dans l ’incertitude, on doit les restreindre; appeler,
�( 13 )
sous le nom de fa u x , des peines corporelles, quand la loi en indique
textuellement d’autres?
L e genre de ces peines prouve donc que le délit dénoncé par le
cit. Barrière n’est pas un faux.
S ’il y avoit un fa u x , il y auroit trois distinctions à faire entre
les accusés : Fauteur du faux, celui qui l’a voulu, et ceux qui l’ont
facilité. L ’huissier tient le premier rang ; R ou ssel, le deuxième ;
D upic, P riv a i, Roque fils et Couvert, le troisième. Si les deux
premiers ne sont pas en d élit, c’est avoir prouvé que le cit. Dupic
n ’est pas complice.
L e faux consisteroit dans ce que l’original constateroit le con
traire de ce que l’huissier a fait. Mais pour dire qu’il y a un fau x,
il s’ agiroit de v o ir , dans cet original , s’il a certifié avoir porté
sept copies, tandis qu’il ne les a pas portées; car s’il n’y avoit pas
dit expressément les avoir portées, il est clair qu’il n’y auroit pas
ïnème l’ombre d’un faux.
Cependant on veut qu’il y ait un fau x, et cet original ne se voit
pas : on veut qu’il soit constant qu’il certifie autre chose que ce qui
a été fait, qu’il soit constant que les créanciers n ’ont pas reçu de
copies; et précisément l’un d’eux a été ouï en témoignage, et s’est
présenté avec sa copie. T out cela étonne, et fatigue l’imagination.
Aussi la loi ne permet pas, il faut le dire, que des accusations
de faux soient admises d’après la seule terreur des parties inté
ressées; elle entend voir la pièce suspectée, avant de s’enquérir
s ’il y a un délit et des coupables : sans cela, en e ffet, comment
jugeroit-elle qu'il y a un faux?
« Dans t o u t e s les plaintes en faux, dit l’art. D X X V I du code
» dos délits et des peines, les pièces arguées de faux sont déposées
» au greffe......... elles sont paraphées........... etc.
» Le tout ¿1 peine (le nullité'. »
Ici quelle est la pièce fausse? E st-c e la copie produite par le
dernier témoin? N o n ; puisqu'elle est la preuve contraire de la
dénonciation.Ce n ’est d’ailleurs pas elle qui adonné lieu au procès,
puisqu’elle n’a été connue que quand le cit. Dupic étoit en prison.
�( i4 )
Est-ce le projet ? Non ; car il n’a rien de commun avec les copies
supprimées, et avertit au contraire l’huissier qu’elles doivent être
posées. Est-ce enfin la relation de l’enregistrement? mais en ne
s’est pas même avisé de la dire falsifiée.
Voilà cependant tout ce qui est déposé au greffe; on n’a donc
pas satisfait à la première formalité que la loi exigeoit à peine de
nullité.
Ce n’est pas seulement parce que la loi le dit ainsi, qu’on l’ob
serve ; mais c’est qu’en effet il est inconcevable de préjuger qu’un
huissier a fait un faux sans connoître la pièce fausse.
Dira-t-on qu’il est intéressé à ne pas la produire? Mais le faux
est un délit m atériel, qui veut une culpabilité de fait. L a lo i, au
reste , ne se commente pas ; elle a voulu un dépôt de pièces avant
l’instruction, comme elle a voulu qu’avant de poursuivre un homi
cide de fait, on sût s’il y avoit un homme mort.
Evidemment un juri ne peut pas déclarer qu’il est constant qu’il
y a un. faux : alors il n’y a plus de questions subséquentes.
Si donc il n’est pas constant que l’huissier Roque soit l’auteur d’un
fa u x , comment concevoir qu’il y ait des complices? Roussel ne peut
être convaincu de l’avoir voulu et p a y é ; et m êm e, par respect
pour les principes, il faut dire qu’il est extraordinaire qu’un créan
cier ait pris l’initiative, avant de savoir s’il y avoit un exploit faux,
et si on le lui opposerait. H ne peut pas dire qu’il craignoit cet
exploit pour l’avenir, comme on le diroit d une obligation fabriquée
sans le débiteur. Sa créance étoit exigible; et, au lieu d’en pour
suivre le payement, au lieu de ne voir, même dans l’exploit en-*
registre à St. Anthêm e, s’il existoit, qu’un exploit nul ( i ) , il a
( 0 « Les huissiers feront enregistrer leurs actes, soit nu bureau de leur ré» sidence, soit au b u r e a u du lieu où ils les auront faits. » L . 22 frimaira
an 7 , art. X X V I .
« Toute violation des formes prescrites, en matière c iv ile , par les lois
» émanées des représentons du peuple, depuis 178^, donneiont ouverture à
» cassation , quand même elles 11e prononceroicnt pas la peine de nullité, >»
l,, 4 germinal an 2 , art. II.
�C l5 )
mieux aimé s’en croire empêché, et chercher un faux avec le même
zèle qu’un autre mettroit à en éviter le résultat; en un m ot, se
créer un fantôme pour avoir la jouissance de le combattre.
Mais si Roussel a voulu faire un fa u x , ne vaut-il pas autant
croire qu’il s’en est tenu au désir, et ne l’a pas consommé; ou, si
on veu t, qu’ayant son exploit dans sa poche, il a craint les suites
d’un fau x, et l’a déchiré sans en faire usage.
Alors la tentative du crime n ’est pas un délit ; car il fau t, cl’après
la loi ( i ) , q u ’ il n’ait pas dépendu du coupable que la tentative du
crime n’ait eu son succès.
Ce principe nouveau est conforme aux anciennes m axim es, qui
ne regardoient le faussaire comme coupable, que s’il usoit de l’acte
faux. S i talis utebatur illo instrumento fa ls o .... quia s i non prod iix erit, non potest com pelli producere ( 2) .
Les auteurs admettoient même la résipiscence en cette matière,
au delà de la production de la pièce fausse.
« Aujourd’hui, par l’usage, il est permis en France à tous ceux
» qui ont produit des pièces fausses, quoiqu’ils en aient été les
» fabricateurs ou non, de s’en départir, sans pouvoir être recher
c h é s .... Seulement ceux qui les ont produites sont, nonobstant
» cette déclaration, responsables des dommages-intérêts (3). »
Qu’on avoue donc que le cit. Barrière s’est grandement écarté
de ces principes, en faisant incarcérer plusieurs citoyens, pour la
prétendue falsification d’un exploit dont on pouvoit ne pas se
servir, cl qu’on ne lui avoit pas opposé, même indirectement.
Si Roussel aussi n’a pas fait un fau x, à plus forte raison faut-il
dire que le cit. Dupic n’est pas coupable de l’avoir préparé et faci
lité. Celte vérité est si claire, que le moindre raisonnement seroit
oiseux.
( 1 ) I,oi (lu 22, prairial an 4.
(a) Boerius , d e cis. 291. Jul. c la r ., liv. 5 .
(3 ) Bornier, toin. I I , png. 1 1 1 . Scceyola, a d leg.
livre 7.
d e ja ls is . Papon,
�C 16 )
Toute l’accusation, on le répète, porte sur Roque et Roussel.
Ils pourroient être coupables , sans que les autres le fussent : mais
s ’il n’y a pas de faux pour eu x, il n’y en a pour personne. II est,
au reste, démontré dans la première partie que le cit. Dupic y est
absolument étranger.
Aucune loi ne peut être invoquée contre ce qu’il a fait ; et sa
position est tellement favorable, qu'il peut défier son dénonciateur
de motiver un jugement qui le condamne.
L e conseiller d’état Portalis, qui a présenté la première loi déjà
décrétée du code civil, a dit : « Il faut que le juge ait le droit d’in» terpréler les lois, et d’y suppléer : il n’y a exception que pour
« les matières criminelles. L e juge, dans ces matières, choisit le
» parti le plus doux si la loi est obscure et insuffisante, et il absout
» l’accusé si la loi se tait sur le crime (i). »
Voilà le dernier état de la législation. Si le cit. Dupic craignoit
une peine, il trouveroit là l’expression positive de son absolution :
niais cet examen n’appartient qu’à ceux des accusés qui auroient
des reproches à se faire; le cit. Dupic ne veut se présenter qu’à
découvert et sans arm es, parce qu’il se repose autant sur l’impar
tialité du tribunal dont il attend la décision , que sur le témoignage
de sa propre conscience.
Chacun ici peut être sainement jugé par ce qu’il a fait. Privât,
accusé, avoue avoir cherché des huissiers, sur la réquisition de
R oussel; Roussel, accusé par Dupic lui-merne, ne l’accuse p as,
même en récrimination ; R oque, accuse, se cache : Dupic seul a
prévenu les recherches de la justice.
Mais il est accusé ; il est en butte aux conjectures. Que ceux qui
sont prompts à juger jettent un regard sur eux-mêmes : les actions
les plus indifférentes peuvent avoir des résultats fâcheux. Personne
ne peut se dire assuré d’être à l’abri d’une accusation.
E
n résu m k,
il n ’y a pas de f a u x , parce q u ’ il n ’y en a pas sans
la pièce latissc.
(») Code c i v i l , première livraison
page 17.
�C
17
)
Il n’y a pas de fa u x , parce qu’on 11e voit pas si l’original, sup
posé existant, mentionne faussement que les copies ont été ¡»osées.
Il n’y a pas de fau x, parce que le contraire de la suppression des
copies est prouvé par le rapport qu’un créancier a fait d’une copie.
Il n’y a pas de faux, parce qu’une suppression de copies n'est pas
un faux.
Il n’y a pas de corps de délit, et il y a nullité, parce que la pièce
arguée n’a pas été déposée au grefie, d après le texte de la loi.
Ainsi le délit n’est pas constant.
S ’il y a fa u x , il est constant qu’il a été machiné entre Roussel
et Roque seulement, et que le citoyen D upic, après avoir remis
un projet d’exploit aux parties, n’a eu aucune part directe ni in
directe à ce qui s’est passé ultérieurement,
Ce qu’il a fa it, lors de la vente et depuis, marque sa franchise
et l’absence des précautions que la fraude n’oublie pas. Ce qui a été
fait hors sa présence ne laisse pas douter que, s’il se inedi toit un
fiiux, on le préparoit et on l’a consommé sans lui.
Bien Idin donc qu’il soit constant que le cit. Dupic soit complice
d’un faux, il est au contraire très-constant qu’ il ne l’est pas.
Ainsi s’évanouit une accusation grave et pénible, dont le résultat
était aisé à prévoir, mais dont le caractère médité et haineux a
besoin de toute l ’attention d’un tribunal éclairé et intègre. L e cit,
Dupic la denianderoit à titre d’indulgence, s’il n’étoit certain de
l ’obtenir à titre de justice. II ose seulement demander célérité, dans
l ’impatience bien juste d’être rendu à son état, à sa femme, à scs '
çn fan s, et de ne plus courber sa tète sous le poids insupportable
d’une odieuse diffamation.
k
L . F . D E L A P C I I I E R , homme de loi,
�( i8 )
I j E JU R I S C O N S U L T E S O U S S IG N E , qui a vu le mémoire justifi
catif pour le cit. Dupic , signé du cit. Delapchier son conseil , adhère
entièrement aux principes qui y sont développés ; pense que l’application
en est juste; e t , par une su ite, il est d’avis que le cit. Dupic doit être
a c q u itté sans difficulté de toute inculpation , dans une affaire où la justice
est à la recherche d’un f a u x qui ne paroît pas e x is t e r , et qui d ’ailleurs ,
en le supposant r é e l , seroit absolument étranger à cet accusé.
I l n’y a point de corps d e d é l i t , ni par conséquent de coupables.
On prétend en effet que l’huissier Roque , chargé de notifier un contrat
d’acquisition, le certificat de transcription et les extraits des inscriptions
hypothécaires subsistantes , aux créanciers inscrits , pour satisfaire à l'ar
ticle X X X de la loi du 7 brumaire an 7 , se borna à faire un original
de notification, et supprima les copies, afin de priver les créanciers de
la faculté d’enchérir.
L a représentation d ’une des copies , faite par l ’un des créanciers , dément
déjà l’assertion qu’il ne fût fait qu’un simple original ; mais quand la sup
pression des copies seroit v raie , ce fait matériel ne constitueroit pas lui
seul un faux , il n’en résulteroit qu'une n u llité dans la notification. Pour
constituer le faux, il faudroit que l’huissier ne se fut pas borné à trahir
son devoir , en ne délivrant pas aux créanciers les copies commandées
par la loi , et qu’il eût attesté dans l ’original de la notification la d é li
vrance de copies qu’il auroit supprimées. Alors , mais alors seulement , il
auroil commis un f a u x , par la fa u sseté de la relation qu’il auroit faite,
d’ un point de fait sur lequel l’acte de son ministère qui la contiendroit ,
étoit destiné à fa ir e f o i .
E n un m o t , le faux consisteroit dans cette relation mensongère , et
ne peut se trouver que là. Eh bien , que l ’on produise donc l ’original
d ’exploit; qu’on le dépose au greffe, au désir de la loi. Qu’on dise au
tribunal : Prenez et lisez ; voyez dans cette piece la relation mensongère
d'un bail de copie qui n’a pas été fait : alors 1 accusation aura une base.
Mais cette relation mensongère, prétendue insérée dans un acte public ,
ne paroît point ; quel est le résultat ? qu’on poursuit une chimère , une
vision. «Dans tout jugement crim inel, la première question tend essen» tielleinent à savoir si le fait qui forme l ’objet de l’accusation, est cons» tan t ou non , » nous dit 1 article C C C L X X I V du code des délits et des
peines.
O r , lorsque le tribunal spécial, dont les membres cumulent les fonc
tions de jurés pour reconnoitre le fait, ayec celles déjugés pour appli-
�( 19 )
quer la loi , s'interrogera lui - même et se demandera : Le fait dénoncé,
savoir, que l ’h uissier Roque a m entionn é, da n s l ’o rig in a l d e n o tifica
tion dont i l s 'a g i t , qu’il avoit délivré copie à chaque créancier inscrit ,
e s t-il co n stan t? E t pourra-t-il, sans voir la p iè c e , répondre affirmati
vement , Oui , le f a i t est con stan t? Non sans doute, et par là croulera
tout l’édifice que l’on a bâti en l’air. L ’huissier sera nécessairement absous,
faute de corps de d é lit constant. O r, si le principal accusé est a b so u s ,
à défaut de corps de délit , comment pourroit-il avoir des complices ?
M ais, tout décisif qu’est ce moyen pour faire acquitter le cit. D upic
p a r le tribunal , il ne suffiroit peut-être pas pour le justifier de tout soupçon
aux yeux du public. La malignité diroit : S ’il a échappé à la peine , c’est
que la pièce arguée de faux a disparu. E h bien ! la malignité va se taire
aussi ; car en supposant qu’il eût été commis un faux par l’huissier Roque ,
et que le délit fût prouvé , la prévention la plus animée seroit dans l'im
puissance d elever contre Dupic , même un soupçon raisonnable d’avoir
participé à la prévarication de cet officier ministériel. Que produit-on
contre Dupic , en effet ? un projet de notification écrit de sa main.
Mais , dresser le projet d’un acte de procédure voulu par la loi , est-ce
commettre un crime ? Comme la passion est aveugle ! Au lieu de l ’accuser ,
la production de ce projet suffit seule pour publier son innocence. Car
enfin , un projet dressé par un avoué n ’auroit pas couru le monde , il
auroit resté entre les mains de l’avoué rédacteur , si c e l u i - c i avoit dû
être l ’artisan et le ministre de la dénonciation ; si la transcription du.
projet s’étoit faite chez lui ; s’il avoit fait signer l ’original de confiance
par l'huissier Roque , sans le charger des copies.
Du fait constant que le projet produit par les moteurs de cette affaire,
étoit sorti des mains de D u p ic , résulte donc la conséquence qu’il l’avoit
livré à l’acquéreur , pour qu’il fit faire sur ce type les notifications vou
lues par la loi ; que dès-lors rien de ce qui s’est fait depuis, n’a été f a i t ,
ni par lu i, ni sous sa direction. Enfin , que si l’huissier avoit prévariqué
dans ses fonctions , en vendant sa signature au bas d’un e x p lo it, par lequel
il auroit attesté faussement avoir délivré des copies qui n’ont jamais été
remises , tout cela seroit complètement prouvé étranger à Dupic , par la
seule production de son projet.
D é l i b é r é
à
Clermont-Ferrand , le 1 5 floréal an 1 1
B E R G IE R .
A R I O M , de l ’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur du Tribunal
d’appel. — A n X I .
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dupic, Antoine. An 11]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Bergier
Subject
The topic of the resource
huissiers
faux
fausse identité
corruption
Description
An account of the resource
Mémoire pour Antoine Dupic, avoué à Ambert, accusé de complicité de faux ; contre Le commissaire du gouvernement , poursuivant, et le citoyen Barrière, plaintif.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 11
An 2-An 11
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
19 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0312
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
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Relation
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BCU_Factums_G1225
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Coverage
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Ambert (63003)
Saint-Germain-l'Herm (63353)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
corruption
fausse identité
Faux
huissiers
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7ccb146b122b68228019e23d5b548990
PDF Text
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MÉMOIRE
*
POUR
DE SCEPEAUX, v e u v e
d e B l a i s e DAURELLE DE CHAMPÉTIÈRE , intimée
M a r ie -L o u is e -J o se p h
C O N T R E
DAURELLE DE
CHAMPETIÈRE sa f i l l e et J a c q u e s
BEINAGUET D E PENAUTIER, son
L o u ise - M a g d e là in e
y
,
m a r i , appelans.
E s t - ce toujours la révolution qu’il faut accuser des
mauvais procédés des enfans envers ceux qui leur ont
donné le jour ? M ais la révolution est passée, et les
mauvais procédés durent encore ! M e
de Cham pé-
A
�( o
•
tière, luttant contre sa fille de tribunaux en tribunaux,
devoit croire qu’après les débats fugitifs d’une audience,
un jugement éteindroit pour toujours cette cause de dis
corde et de scandale : mais M de. de Penautier, perdant
le sentiment des convenances, après a v o ir , dans des
écrits, fait peindre son père comme un im bécille, et sa
m ère comme abusant de cette im bécillité pour la dé
pouiller de son patrim oin e, a jeté dans le public une
consultation im prim ée , pour graver à jamais l ’exemple
de son respect lilial au profit de la postérité.
Xi’oubli de ce respect filial étoit au moins renfermé
dans le cœur d’une m ère ; et si quelquefois, portant
dans le passé un regard p é n ib le , M de. de Cliam pétière se demandoit comment, pendant les angoisses d’une
arrestation, il avoit été possible que sa fille refusât obs
tinément d’écrire la m oindre pétition pour elle; com
m ent pendant un long séquestre de toutes ses propriétés,
il avoit été encore possible que sa fille refusât constamment
de venir à son secours, ayant cependant une très-grande
fortu n e, et sachant que son père avoit besoin de tous
ses revenus pour lui-même-, alors peut-être la révolution
pouvoit être accusée de l’odieux de celte conduite : mais
quand M de. de Penautier a d o n n é, en l’an 7 , une
procuration pour mettre les scellés chez son p è re , qui
n ’est m ort que le 16 vendém iaire an 8; quand elle a fait
l ’honneur «1 sa m ém oire d’accepter sa succession par bé
néfice d’inventaire; quand depuis lo n g-tem p s elle fait
semer sourdem ent, sur le compte de sa m ère, des bruits
ridicules de projets d’exhérédation, qui ne prouvent rien
de plus, sinon qu’elle croit l’ayoir m éritée} quand enfin
4
�( 3 )
lui disputant une reconnoissance de 4r,ooo francs qu’ellen ’a jamais ignoré être Lien sincère et Lien légitim e, elle
n’avoue pas que cet acte a déjà été approuvé par un
prem ier payem ent; tout cela, sans doute, est le produit
de la m éditation, part du cœ u r, et le prétexte ne peut
pas en etre cherché dans des causes étrangères. U n jour
viendra peut-être que M do. de Penautier demandera
sa fortune à ses enfans : plaise à D ieu qu’elle ne retrouve
pas dans eux les procédés dont elle doit s’accuser ellemême. M de. de Cham pétière l’abandonne à cet avenir
q u i, heureux ou m alh eu reu x, n’en sera pas moins le
temps des remords.
L a cause ne présente pas la question posée par les
citoyen et dame de P en au tier, de savoir si une recon
noissance dotale faite à une personne p rohib ée, est censée
un avantage indirect, à moins qu’elle ne justifie du paye
m ent réel fait au mari. L a question est de savoir si quand
un mari n’ayant pas reçu toute la dot lors du contrat
de m ariage, et dès-lors ayant eu droit de la recevoir
après, a rendu son compte par une reconnoissance de
ce qu’il a to u c h é , les héritiers du mari sont fo n d és, cil
A u v e rg n e , à contester cette reconnoissance; s’ils sont
fondés à demander que leur m ère justifie les sommes
touchées par leur p ère, et rende le compte que celui-ci
devroit à elle-m êm e, si la reconnoissance u’existoit pas,
F A I T S .
• M da. de Cham pétière s’est mariée ,le 20 août 1770.
M do. de B a g lio a , veuve de Scepeaux , sa m è re , lu i
A a
�( 4 )
constitua en dot tous les biens échus par le décès de son
p è re; pour lesquels, f u t - i l d it, et subsidiairement en
avancement d’hoirie de la succession maternelle , M de.
de Scepeaux délaissa à sa fille la jouissance totale de trois
objets im m obiliers, à l’exception des droits seigneuriaux
en dépendans, qui lui demeui’oient réservés : de sa p a rt,
M do. de Scepeaux, en faveur dudit m ariage, prom it
à sa fille l’égalité dans sa succession, sans pou voir avan
tager son frère germain à son préjudice.
M . de Cliam pétière prom it à sa femme un douaire de
1,800 fi-ancs ; et pour son logem ent, le château de la
B a to n ie , avec les meubles qui s’y trouveroient.
M dc. de Scepeaux est morte en 1 7 7 3 , à Paris. Cette
m ort donna droit à M . de C liam pétière, en qualité de
m a ri, de demander le partage de la succession de M . de
Scepeaux, dans laquelle il n’avoit eu jusqu’alors qu’une
jouissance d’immeubles d’après son contrat; de demander
aussi le partage de la succession de M de. de Scepeaux,
qui venoit de s’accroître par une partie de celle de M de.
Plielippeaux , veuve Duguesclin , et d’un oncle m ort
chambellan du roi d’Espagne, et q u i, eu égard à sa fortune,
devoit avoir laissé un m obilier considérable, soit en A n jou
son dom icile ordin aire, soit à Paris où elle est décédée.
Ce m obilier fut-il inventorié? fut-il recueilli par M . de
Cliam pétière amiablement ou avec les formes judiciaires?
,cn quoi consistoit-il? Sans doute la réponse î\ ces ques
tions appartient au m a ri, maître de la d o t; et M dc.
de Cliam pétière, alors très-jeune el habitant l’A u verg n e,
ne devoit naturellement pas s’embarrasser des détails de
deux successions ouvertes en A n jou et à Paris.
�(6).
M ‘,c. de Cham pétière avoit deux frères ; l ’un ne
d’un autre m ariage, l’autre son frère germain ; et elle
n’avoit pas eu de sœurs. A in si la succession de M de.
de Scepeaux a dû etre partagée par m oitié avec son frère
germ ain , quoique les citoyen et dame Beinaguet aient
fait im prim er qu’il y avoit -plusieurs cohéritiers. Parens,
ils devoient savoir qu’il n’y en avoit pas plusieurs • étran
g ers, ils pouvoient consulter les Généalogies de France
et le Dictionnaire de M o ré ri, qui les eussent empêchés
de mentir. ( G en. de F r. tom. V I T , pag. 389. M o r é r i,
tom. I X , pag. 2 3 5 , édition de 1769. )
Il est échu d’autres successions h madame de Champétière depuis son m ariage; celle de M . l ’abbé de Chaillan,
en 17 7 9 ; celle de M . D u gu esclin , son oncle, en 1783;
enfin la succession de M . de Scepeaux, son frère, en 1786.
Ces ti’ois successions, à la v é r ité , furent paraphernales;
mais une partie n’en fut pas moins à la disposition de
M . de C h am pétière, qui pou voit les régir d’après la
coutume d’A u v erg n e; et les citoyen et dame Beinaguet
l ’ignorent si p e u , qu’un de leurs principaux moyens ré
sulte d’un acte de 17 9 3 , dans le q u e l, disent-ils, M . de
Cham pétière s’est départi a lo r s , en faveur de sa fem m e,
de ses biens dotaux et paraphernaux.
E n effet, on conçoit encore que si M de. de Cliam pétière a agi personnellement pour le partage des immeubles
de ces successions, au moins M . de Cham pétière n’a pas dû
être étranger au détail du m obilier, à la liquidation surtout
des dettes actives et passives, et qu’il a été à peu près
le maître de régler les choses à sa fantaisie; on conçoit
aussi que les meubles et l’argent qu'il a touché dans ces
�( 6 )
liquidations, n’ont, pas occasionné des débats en resti
tution. Il avoit toujours promis de faire une reconnoissance de ce qu’il avoit touché ; et M de. de Cham pé
tière, plus riche alors qu’à présent, ne mettoit pas un
grand empressement à ce que cet acte fût fait plutôt que
plus tard.
M d0. de Penautier s’est mariée en l ’an 2. Son père
alors, ayant partie de sa fortune sur des maisons d’émi
grés , ayant eu la facile complaisance d’en cautionner
d’autres, étoit très-gené dans ses affaires ; il institua sa
fille h éritière, mais ne se dessaisit de rien, parce qu’elle
faisoit un mariage très-riche; et si alors il ne fut pas
question de reconnoitre à M de. de Cham pétière ce
qui lui étoit d û , il faut en chercher la cause dans cet
état des affaires de son m ari, et dans la loi du 28 août 179 2 ,
qui eût donné une action à. M de. de P en au tier, en
cas de prédécès de sa mère. D ’ailleurs le droit de répé
tition de M d?. de Cham pétière ne péi’iclitoit pas, et
l ’institution ne pouvoit y porter aucune atteinte.
Enfin , M . de Cham pétière ayant eu une légère ma
ladie en l’an 5 , voulut mettre ordre à ses affaires, et se
décida à faire la reconnoissance qu’il retardoit toujours;
il reconnut le 16 germinal , avoir reçu sur les biens
dotaux et autres de sa fem m e, la somme de 41,000 francs
provenans tant du m obilier qu’il avoit retiré de la suc
cession de la dame Baglion veuve de Sccpeaux,que d’autres
successions échues depuis son contrat de mariage.
Cette somme que les sieur et dame Beinaguet semblent
trouver exagérée , étoit certainement bien au-dessous de
çe à quoi M do. de Champétière s’atten d oit, d’après
�( 7 3 l ’idée qu’elle avoit toujours eue de la fortune m obiliaire de
ses parens. Mais enfin le comptable étoit son époux ; et
l ’honneur défendoitde suspecter sa déclaration : ce même
honneur ne le défendoit pas à elle seule; mais quelque
grand que soit ce ju g e, son autorité n’a force de loi que
pour ceux qui veulent la recevoir.
L e 19 prairial an 5 , M . de Cliampétière a fait à
sa fem m e, non pas une donation , comme 011 le d i t , de
l ’usufruit de sa maison de B iom ; mais comme par
son contrat de mariage elle de voit avoir celui de toute
l’habitation
de
la
Batonie ,
qui
eût . em pêché
d e’
vendre la terre , M . de Cham péticre échangea ce
logem ent viduel contre celui beaucoup m oindre de sa
maison de Riom ,p o itr , d it - il, éviter les discussions que
ce logement pourroit occasionner entre sa femme et son
gendi'e. Sacrainte, comme on v o it, n’étoitpasunecliim ère.
M . de Cliampétière a survécu près de [trois ans
ù ces actes : peu de jours avant sa m ort , il a fait un
codicile dans lequel il ne montre nulle envie d’y rien
changer : il est m ort le 1 5 vendém iare an 8 ; et cet h o m m e,
que sa fille et son gendre osent peindre dans un de leurs
écrits comme une m achine désorganisée depuis l’an 5 , et
tendant à la dissolution, écrivoit une lettre d’affaires le
dernier jour de sa vie.
Aussitôt après sa m ort, le citoyen Despérouses, au
jourd’hui maire de Riom , se présenta pour faire apposer
scellés, muni d’une procuration ad h o c , que la ¡pré
voyance des citoyen et dame de Peinauticr avoit dictée au
citoyen Cases notaire à Carcassonne , le 4 fructidor an 7 y
quarante-six jours avant la m ort de monsieur de Chainpé-
le s
tière ! !
�Il ne se trouva sous les scellés que peu de papiers , qui
furent remis lors de l ’in ven taire, à l ’agent du citoyen
de Penautier. L e défunt tenoit ses papiers à D om aise,
dans un appartement appelé le Chartrier ; et si les citoyen
et dame de Penautier avoient alors le projet de contester
la reconnoissance qu’ils attaquent , qu’ils expliquent
pourquoi ils n’ont point appelé M do. de Cham pétière
à cet inventaire principal de Domaise , à celui de Cham
pétière , et à celui de la Batonie ; car là et là encore il
y avoit dès papiers.
M ais c’étoit une recherche que le citoyen Beinaguet
vouloit faire seul ; et Domaise surtout étoit une mine
qu’il vouloit exploiter sans témoins. L e m obilier considé
rable de cette terre fut bientôt vendu à v il p rix ( i ) ; un
parc planté de bois superbes faisoit les délices du m aître,
la hache en fit de l’argent. Ces deux objets produisirent
22?ooo francs. Il vendit ensuite un m oulin 14,000 francs :
c’étoit vin le u rre , pour m ontrer qu’il vouloit liquider
la succession ; mais m algré les n o m b re u se s affiches dont
v4 c citoyen Penautier couvrit les villes et les villages, au
Vfait il ne .voulut plus rien vendre.
M de. de Cham pétière qui voyoit que la succession
alloit se dévorer sans qu’il fut mention d’elle , et que les
coupes d ’a r b r e s étaient un attentat u son hypothèque, fit
des saisies-arrêts. Cet embarras força le citoyen Beinaguet
de s’exp liq u er: il paya
valeur des habits de deuil ; it
paya le prem ier terme du douaire de 1,800 francs ; il
(1) Faut-il dire que le citoyen Beinnguct vendit tous les portraits
de fam ille, et n ’excepta pas même celui de M . de Champétière !
paya
�X9 )
paya en outre une année d’intérêt des 41,000 francs , en
demandant quelque délai pour le capital : il prit pour ces
objets trois quittances séparées; il demanda m ain-levée
des saisies sous la foi de sa promesse qu’étan tp rêtà vendre
Cham pétière , M de. de Cham pétière seroit d élégu ée
la prem ière.
E n effet il vendit Cham pétière au Cen. l’IIé ritie r,
par acte du 17 therm idor an 8 , moyennant 58,960 francs,
dont il mobilisa 8,960 francs , pour en faire son profit
ne supposant pour les im m eubles, que 5o,ooo francs qu’il
voulut bien abandonner aux créanciers. M algré sa
prom esse, et quoique M do. de Cham pétière fût la
prem ière créan cière, précisém ent il afi'ecta de ne pas la
déléguer ; il choisit au contraire le citoyen D ucros dont
la dette n’étoit payable qu’à termes très-éloignés, et trois
créanciers cliirographaires qui n’avoient pas fait d’ins
cription.
. Ce procédé
m alhonnête
offensa
justement
M dc.
de Cham pétière : elle poursuivit contre l’acquéreur la
distribution du p rix de cette vente , devant le tribunal
d ’A m bert.
L e Cen. Beinaguet chercha alors à s’excuser par des
phrases insignifiantes. Son projet plus réel étoitde deman
der du temps ; il en obtint : il proposa un traité qui ne
contenoit que des termes pour la facilité des payemens des
41,000 francs; mais il vouloit trop prolonger ces term es,
et il n’y eut pas de traité.
L a promesse de payer le capital ne s’effectuant p a s,
M do. de Champétière se voyant jouée , reprit les
poursuites d’Àm bert. L e citoyen Beinaguet se fit défendre
B
�(• IO •)
en demandant que les titres fussent déclarés préalablement
exécutoires, et M de. de Ghampétière , qui eût pu s’en
dispenser, pour suivre une procédure simplement hypo
thécaire , voulu t éviter les chicanes en la suspendant T
pour suivre celle qu’on exigeoit.
E lle assigna donc les citoyen et dame de Penautier à
R io m , pour vo ir déclarer ses titres exécutoires ; et-il est
vraim ent honteux de v o ir dans cette procédure , avec
quelle élude scrupuleuse on lu i fit suivre toutes les
dilations et toutes les cascades de la chicane , avant
d’arriver à un jugement.
,kD ’abord réquisitoire de l ’exploit dé dem ande, quoique
la présentation mentionnât qu’on en avoit la copie ; puis
refus du citoyen Beinaguet d’autoriser sa fem m e; après
cela exceptions pour demander la nullité de l ’ex p lo it,
parce que l’original n’étoit pas sur du papier de l’A u d e ;
après cela autres exceptions déclinatoires pour demander
quela cause fût renvoyée devant le tribunal de Carcassonne.
E n fin , après tant d’épreuves de patience , M de. de
Ghampétière obtint un jugement le 2 iloréal an 9.
E lle revint à A in bert où l’ordre fut jugé avec tous les
créanciers, et elle fut avec justice colloquée la prem ière,
par jugement du 26 messidor suivant.
L e s citoyen et dame de Penautier ont interjeté deu x
appels de ces deux jugemens , la veille des trois mois de
la signification de celui d’A m b ert, et cinq mois après la
signification de celui deH iom .
Ils justifient cet appel, en disant que la reconnoissancc
de 41,000 francs est un avantage indirect , en fraude
soit de l’institution fuite à M dc. de Penautier , soit
�( 11 ^
de la loi du 17 nivôse ,• que M de. de Cham pétière
ne prouve pas la réalité du versement des deniers,
qui fait l’objet de cette reconnoissance; et qu’au con
traire ils prouvent, par un acte du 16 janvier 179 3, que
M . de Cham pétière s’étoit départi au profit de sa fem m e,
à com pter dudit jour de la jouissance, de ses biens dotaux
et de ses biens paraphernaux, et de tous droits sur ic e u x ,
promettant lui payer de son chef 3,000 francs par chaque
voyage qu’elle voudroit faire en A n jo u : de quoi ils font
résulter que M . de Cham pétière n’avoit rien retenu desdits
biens dotaux et paraphernaux; qu’ainsi la reconnoissance
a eu une fausse cause, et a été frauduleuse,
•
,
r
M O Y E N S .
L es citoyen et dame de Beinaguct n’ont donc plus
de moyens pour harceler leur créancière par des incidens, puisqu’ils lui perm ettent, pour la prem ière fo is,
de parler en faveur de la maintenue de sa créance, après
l ’avoir obligée tant de fois à ne se défendre que contre
des discussions étrangères ; grâces en soient rendues
aux lois abréviatrices des procès. Il ne s’agit plus que
de savoir si M de. de Cham pétière doit être payée.
Ses eiforts pour le prouver 11e doivent pas être bien
grands ; car les faits rapportés pourroient en quelque
sorte dispenser d’appeler des autorités et des raisonnemens
en faveur d’un titre clair et sincère, reconnu pour tel.
Déjà il n’est: plus douteux, sans doute, que la recon
noissance du 16 germ inal an 5 est incontestable ; i ° . parce
qu’elle est une dette légitim e; 20. parce qu’il n’y pas do
B 2
�( 1 2 ')
prohibition qui s’ opposât à sa validité ; 30. parce que
les appelans ne sont pas parties capables de la contester;
4 °. parce qu’elle a été reconnue valable.
§.
1er.
. L a légitim ité se prouve par le contrat de mariage.
I l y est dit que les parties se régiront par la coutume
d’A u vergn e : o r, cette coutume veut que tous les biens
qu’a la femme au temps du m ariage, soient réputés do
taux , s’il n’y a clause contraire.
Il y est aussi de principe qu’une institution portée par
le contrat de mariage est de droit dotale, s’il n’y a clause
con traire, par la raison que la fem m e, quoique n’ayant
pas les biens institués lors de son m ariage, a néanmoins
une espérance acquise sur iceux.
. Il y est encore de principe que quand le mari jouit
des biens pai-aphernaux de sa fem m e, les fruits lui ap
partiennent , mais qu’ils peuvent convenir qu’il lui en
rendra compte.
Il y est de môme en principe que tous les actes que
fait la femme avec son in a r i, ne peuvent diminuer sa
dot ni ses biens paraph ern aux, et que dès-lors ils sont
nuls.
E n fin , il est de principe du droit com m un, que le
m ari est maître de la dot de sa fem m e, qu’il peut en
çxei’cer en son nom les actions m obiiiaires, et qu’il est
le procureur naturel pour exercer les actions inunobilia irc s, sous le nom de l’un et de l’autre. Il est aussi
de prin cipe, dérivant de cette qualité et d e là justice,
�C *3)
que le mari doit un compte negotiorm ngeslorum ; qu’ainsi
la femme pourroit l’actionner en reddition de compte de
ses paraphernaux pendant le m ariage, et actionner ses
héritiers après la dissolution du m ariage, en reddition
de compte de tous les objets dotaux.
■ Cela p o sé, si la reconnoissance de l’an 5 n’existoit pas,
ou si M d8. de Cham pétière vouloit la contester, il
est d’abord certain qu’on ne pourroit la lui opposer.
~ Q u’en seroit-il alors ? c’est qu’il est tout aussi certain
que M de. de Penautier d evroit alors un compte negotiorurn gestorum du ch ef de son père : ce compte se,
com poserait, i° . de tous les objets que M . de Cham pétière
a recueillis ou dû recueillir de la succession de M . de Sce
peaux, suivant l’inventaire ou la preuve par com m une
renom m ée, ensemble de toutes les dettes ai'réragées avant
le mariage ayant form é des cap itau x, et de môme des
droits seigneuriaux paternels , réservés par M do. de
Baglion ; 2°. de tous les objets qu’il a aussi recueillis ou du
recueillir de la succession de ladite dame de B aglion,
veuve de Scepaux , lors de son décès en 1773 ; de même
suivant l’inventaire qu’il a dû en faii-e dresser, sinon sui
vant la preuve par commune renom m ée, parce que cette
succession est aussi dotale, y ayant une institution ou pro
messe d’égalité, ce qui est la même chose relativem ent
aux cohéritiers; 3^. de tous les capitaux des biens para
phernaux, touchés par M . de Cham pétière, ainsi qu’il
résulte soit de ladite reconnoissance, soit de l’aveu fait
par les adversaires, qu’un acte du 16 janvier 1793 con
tient la même mention de p a r a p h e r n a u x administrés jus
qu’a lo r s ;^ . enfin ; des revenus même de ces paraphernaux,
�( 14 )
puisqu’il résulte de ces deux actes que le mari a eu
intention d’en rendre com pte, et que tel est le vœ u de
la coutume d’A u vergn e.
Si donc M de. de Cham pétière a une action en
com pte in d u bitable, et si ce compte a été rendu par
son m a r i, certainement tout est terminé dès qu’elle l’a
dopte. E lle a mis dans les mains de son m a r i, en 177 0 ,
une partie de sa fortune à ven ir à titre de d o t; elle
doit la i'ctrouver intacte api'ès la dissolution du ma
riage ; car il est de l’essence de la dot qu’elle ne soit pas
dim inuée.
L ’acte contesté est entre les parties une transaction
sur procès; car la'fem m e avoit une action et le mari étoit
comptable. La reconnoissance est un apurement de com pte,
et certes, rien n’est plus indélébile contre les héritiers
du comptable , dès que la m atière du compte est connue.
• Ces moyens sont-ils détruits par l’acte sous seing-privé
du 16 janvier 1 7 9 3 ; mais qu’est-cc donc que cet acte?
une quittance de la d o t, disent les citoyen et dame
de Beinaguet. M ais est-il une hérésie plus grande que
de vouloir qu’une femme mariée puisse donner une dé
charge de la dot h son m ari, pendant le mariage.
M ais comment cet acte donncroit-il quittance de la
d o t? Il n’y a délaissement que de la jouissance ; et cette
expression seule est exclusive des capitaux. L e départe
ment de tous droits n’est que pour l'avenir; ainsi le passe
resteroit à régler. L ’induction tirée de la promesse du
m ari, de payer 3,000 fr. de son c h e f, n’est rien moins
qu’une preuve de tout abandon; au contraire, le mot
lui-même prouve qu’il distinguoit très-bien qu’il avoit
�( i5 )
de l’argent à sa femme et à l u i , dès qu’il devoit donner
les 3,000 fr. de son chef.
Q u ’étoit donc cet abandon de jouissance en 1 7 9 3 ,
quand déjà la guerre de la V endée occupoit la plupart
des possessions de M de. de Cham pétière.
A p rès la pacification, il falloit réparer pour jouir et
semer pour recueillir. M ais bientôt M de. de Cliampétière, heureuse par la révolution comme par les p ro
cédés des siens, a été mise sur la liste des ém igrés, à
cent lieues du dom icile qu’elle n’a jamais quitté. Si elle
a évité l’ostracism e, elle n’a pas évité un séquestre gé
néral , qui a duré jusqu’au décès de son m ari : ain si,
voilà le grand effet qu’auroit eu l’acte du 16 ja n v ie r,
s’il eût été réel et suivi d’exécution.
A -t-o n bien p u , au reste, argumenter sérieusement
d’un acte de 1793 , m arqué au coin de la terreur et des
séquestres, a cte ‘ de précaution sans doute in u tile, mais
to u jo u r s
nul et très-nul pour opposer à une femme m ariée,
à quelque époque qu’il ait été fait.
R ien donc ne s’oppose à la légitim ité de la recon
noissance du 16 p r a i r i a l : mais les citoyen et dame de
Penautier'opposent à M do. de Cham pétière des moyens
de
p r o h ib it io n
; il sera aisé de les écarter.
■ §
I
I.
Q u’a de commun l’acte du 16 prairial, avec les cou
tumes de Bourgogne , de Nivernais et de N orm andie,
qui prohibent les avantages entre ép o u x; et de p lu s,
toute espèce de contrats par lesquels ils pourroient s’ayan-
�( i6 )
tager. Ces coutumes appellent la suspicion et la nécessité
de prouver que tout acte récognitif est sincère; les auteurs
qui les com m entent, n’ont donc pas d û enseigner un
respect aveugle pour la con ven tion , et cependant encore ils
citent plusieurs cas où la validité de l ’acte se prouve par les
circonstances, sans recourir à des preuves ultérieures.
L a coutume d’A uvergne qui régit les parties, met la
femme seule dans l’interdiction de d o n n er, et ne met
aucunes bornes à la générosité du mari. A la v é r ité , on
oppose une institution ; mais si la maintenue d’ un tel acte
fait suspecter tous ceux qu’un pèreferoit ensuite en faveur
de ses autres enfans, c’est qu’il est dans la nature qu’il les
aime égalem ent; mais il n’en est pas de môme des actes
q u ’il passeroit avec sa femme ou des étrangers , parce
qu’il n’est pas dans la nature qu’il les préfère à ses enfans.
Aussi cette coutume ne défend à celui qui a fait un
h éritier que de faire ¡wz autre h éritier,ce qui est plus i-elatif
aux cohéritiers entre eux , qu’aux cohéritiers vis-à-vis une
tie r ce personne. Aussi D um oulin a-t-il expliqué, que si l’ins
tituant ne pouvoit faire un autre h é ritie r, il n’étoitpas
em pêché de donner ou léguer des choses particulières, et
la jurisprudence avoit fixé cette faculté au quart : ce taux
nesignifie rien à la cause, et il s’agit de conclure seulement
qu’en coutume d’A u v e rg n e , il n’y a pas de prohibition.
O n oppose encore la loi du 17 nivôse, qui veu t, non
pas qu’un époux ne puisse avantager sa femme ; mais que
1rs avantages qu’il pourroit lui faire soient convertis en
usufruit de moitié quand il y a des enfans. L a loi du 17
nivôse, n’est donc pas prohibitive des avantages; mais
elle les réduit, et ce n’est encore pas l’objet de la cause.
�( *7 )
Si M d0. de Cham pétière n’est pas une personne pro
h ib ée , il n’y a pus de suspicion proposable contre l ’acte
du 1 6 p ra iria l, au moins de la part de l’héritière de son
m ari, comme elle l’établira dans le paragraphe suivant.
Quelque portion que M . de Cham pétière ait pu donner,
elle suffit pour lui avoir donné droit de reconn oître,
dans le cas même où par un compte exact et apuré
de sa gestion com ptable, il seroit prouvé qu’il a reconnu
plus qu’il n’a reçu. Ce surplus devenant une libéralité
seroit encore v a la b le, parce que M . de Cham pétière a
pu donner.
Car il est de principe que les reconnoissances du mari
valent comme donation : Confessio de dote recepta, fa c ta
p er m a ritu m , constante rnatrim onio, valet saltem in virri
d o n a tio n is, dit R an cliin , et la loi 3 2 , au ff. de donat.
int. vir. et ux. avoit dit de même. L a loi 2. au cod. de dota
caut.a, avo itd it aussi qu’une telle reconnoissance ne pouv o it être contestée par les héritiers du mari. Cujas sur
ces deux lo is, D anty, page 1 3 9 , enseignent la m êm e
doctrine. Enfin la loi du 17 nivôse opposée à M do. de
Cham pétière, n’est qu’une confirmation de ces principes;
car elle ne veut pas qu’on annulle cc qui excéderoit
la quotité disponible, maisseulemont qu’on le réduise.
Quel a donc été le but des citoyen et dame de Penqutic r, en opposant la loi du 17 nivôse? est-ce qu’ils voudroient d’abord rendre compte de la d o t, et ensuite faire
réduire lo surplus ù un usufruit de m oitié? Certaine
m ent M Jo. de Cham pétière no pourrait qu’y gagner, si
les choses étoient entières. Mais se ro it-ce sérieusement
<juc le citoyen de Penaulier proposerait un partage %
C
�Ci8)
quand il a fuit les inventaires in cognito, vendu le m o
bilier le plus p récieu x, dém em bré et dégradé d’une ma
nière pitoyable la principale te r r e , et vendu déjà pour
e n viro n 80,000francs d ’im m eubles? Peut-être bien étoit-il
épouvanté alors d’une inscription ridicule de cent m ille
écus sur la succession, et dont aujourd’hui il y a main
levée. M de. de Chow pctièrc n'entre pas dans ces
considérations: on a tout gouverné, déplacé et dénaturé
sans lui rien com m uniquer ; donc on ne l’a jamais re
gardée comme ayant droit à un partage. E n vain lui
m ontrera-t-on que les dettes étrangèi’es n’absorbent pas
plus d’un tiers de la succession : elle en est très-convain
cue ; mais elle n ’a que faire de se jeter dans l’embarras
d’une liquidation et d’un partage dont l’idée seule est pire
pour elle, que celle de perdre ce qu’on lui dispute si
obstinément.
N e sero it-ce pas en avoir assez dit pour engager les
appelans à conclure à ce partage de m oitié en usuiruit,
par cela seul qu’il épouvante M de. de Champétière.
M ais ils ont dû rem arquer qu’elle n’en a parlé que p o u r
abonder dans leur sens, et y opposer une fin de non*ecevoir.
L a loi du 17 nivôse , pas plus qu’une institution, ne'
jxm vent p o r t e r atteinte à une dette réelle; car bona neque
d icu n ta r, n i s i dcducio œre alteno. M . de Cham pétière
en instituant sa fille, n’a entendu lui promettre que les
biens dont il m o u r r o i t saisi. Déjà il étoit comptable envers
sa fem m e, d’une dot. qui n’étoit qu’éventuelle lors de soncontrat de mariage. L a famille de Penauticr a dû savoir
que ce compte 11’étoit pas rendu, ou s’en inform er : ainsi elle
�t 19 ^
11’a <Ju com pter que sur les biens qui resteraient après ce
compte et après les dettes. M . de Cham pétière n’a pas
fait une donation : il a gardé la liberté de traiter et v en d re,
même celle de léguer jusqu’à concurrence d’un q u art;
il n’a donc fait dans la reconnoissance contestée qu’un
acte libre et valable; car q u i potest dare potest confiteri\
ainsi les moyens de prohibition opposés par les appelons
sont sans application.
§. I I I .
L ’exception non numerata; p ecu n iœ , admise p a rle s
lois rom aines, n’a pas lieu en France. N on seulementles
quittances de la dot constituée en espèces sont valables,
même contre les créanciers, lorsqu’elles portent réelle
numération ; mais encore les quittances de la dot supplé
mentaire , ou autrement advenue pendant la durée du
m a r i a g e , sont valables et irrévocables contre le m ari et
ses héritiers.
Toutes les autorités qu’on a citées ou pu citer pour
la cause des citoyen et dame Beinaguet, son t, ou en
faveur des créanciers pour lesquels les lois veillent sin
gulièrem ent dans cette matière , ou en faveur d’en fans
d ’un prem ier lit; et encore ces autorités supposent-elles,
en question préalable, une interdiction de donner,
P a p o n , C oqu ille, R ic a r d , Denizart et Lacom be se
réunissent à dire qu’on ne peut faire indirectement ce
q u’on no peut pas faire directement, et qu’ainsi si uno
i’cconnoissancc ou confession de devoir est faite i\ uno
C 3
�( âa )
personne p ro h ib é e , il faut enquérir et prouver la vérité
du fait.
Beaucoup d’autres auteurs enseignent les mêmes prin
cipes ; mais plus explicatifs, ils ajoutent, qu’en cas de
suspicion , les créanciers du m ari pourront déballi’e la
reconnoissance ; (Basset, 1. 4 , tit. 5 .) que celte reconnoissance est bonne contre le m a r i, mais que cela îrem pêcheroit pas les créanciers de faire preuve qu’elle est
frauduleuse à leur égard; (L eg ran d , sur T roies, art. 24.)
que la reconnoissance ne peut préjudicier aux créanciers,
et ne peut nuire qu’a celui qui l’a faite ; que la J'émule
n e s t obligée de rien prouver, et que la suspicion de
l ’acte n’est q ü e n fa v e u r des créanciers du m ari; (F err iè r e , sur Paris, art. 281. )
Les auteurs cités par les citoyen et dame Bçinaguet,
11e disent rien de contraire à cela. Papon , en exem ple de
ce qu’il a d it, cite un arrêt rendu pour Lucas c o n t r e
la veuve A m io t : mais Lucas étoit tin a c q u é r e u r pour
suivi ; mais la q u itta n ce donnée à la femme étoit sans
réelle num ération. Coquille n’ajoute rien à la coutume
qu’il com m ente, puisqu’elle prohib e, entre gens mariés,
toute espèce de contrats, par lesquelles ils puissent s’avania g e r, ce qui n ’a pas lieu en A u vergne. Ricard cite en
exem ple d’avantage indirect, celui q u i, après avoir donné
par testament tout ce que la loi lui permet de d on ner,
ajoute qu’il se reconnoît débiteur iVautres sommes. Sur
ce la , Bergier r e m a r q u e , en note, qu’il faut faire une
distinction entre les actes de dernière volonté, et les actes
entre vifs. D enizart et Lacom be ne font que citer ces
premiers auteurs.
�( 21 }
A u cun e de ces autorités n’est donc contraire à M Jo.
de Ghampétièrc ; elles s’accordent toutes à favoriser les
créanciers, et cela est légal; mais les héritiers du mari
le représentent, et il n’est pas difficile d’établir que la
laveur due aux créanciers ne les regarde pas.
M énochius a dit : doits recep tœ confessio f a c t a in
Jra udem creditonnn^prœ judicatm arito e t h æ r e b i b u s
e j u s . Fachinée dit qu’il n’y a plus de soupçon de fraude,
quand il n’y a pas de créanciers. Gatelan et Henrys
disent que la confession de d e v o ir , faite par un m ori
bond , ne nuit qu’à l’h éritier; D u n o d , Despeisses et
l ’auteur du traité de la d o t, enseignent de même que
les reconnoissances dotales authentiques, ou sous seingpx*ivé, ne peuvent pas être combattues par les héritiers
du mai’i. ( M cn och. 1. 3. prœs. 12. ; F a ch ù z. contr. ju r.
I. 8, c/iap. 87 ,• Cateïcm , /. 4 , c/iap. 20 ; H enrys , t.
Jer. ; p, 5^3, anc. éd. \ D u n o d , prœ scr., p. 180 ; D esp,
t. I , p. 4 7 4 ; tr. de la dot, t. I I , p. 201.
Cette doctrine est confirmée par une loi expresse.
L ’ordonnance de 1629 P ° rtc , art. 130, « toute quittance
s; de dot sera passée pardevant notaires, à peine de n u llité,
¡1 p o u r le regard des créanciers
seulem ent.
»
Elle est confirmée par un acte de notoriété du G hàtelet,
qui rapporte que l’exception non n u m era tœ p c c w ii œ
n ’est point connue dans la coutume de P aris; qu’ainsi,
sans réelle num ération, lu reconnoissance du inari est
suffisante pour le charger envers sa femme de ce qu’il a
recon n u , et pour l’o b lig er, lu i cl ses h é r itie r s , à en
faire la restitution. ( A c t e s de notor. i 5 m a i i 6 8 5 .)
Les citoyen et dame de Penautier prétendent que
�( 22 )
M de. de Cham pétière doit prouver la réalité du ver
sement des 41,000 francs, si elle veut les obtenir. C ’est
une erreur contre le droit et contre les circonstances.
Contre le d ro it; car pour cette preuve il faut distin
guer toujours entre les créanciers et les h éritiers, ce
que les nppelans confondent toujours. Les auteurs font
encore d’autres distinctions ; si la dot n’est pas dite reçue
de la femme elle-même , si elle est reçue de quel qu’autre,
il est certain qu’elle n’a rien à prouver. Cian ab alio
quàm ¿1 m u liere, v ir ja t e t u r se dotem accepisse, nulla
est suspicio taeïtee donationis ac proindè dos ver à num erata prœ sum itur. ( F a chin . ibîd. ch. 8 5 . ) E t si la
femme e lle -m ê m e
avoit donné des objets m o biliers,
qui ne parussent pas d’une valeur exagérée, la difficulté
de le prouver fait encore qu’elle n’y est pas obligée.
M u lie r quœ dédit augmentum dotis in rebus nw bilibus , non potest assurnere in se onus probandi reni
se m odicam dedà'se. ( M enoch. ibid.)
Basnage, sur l’article 41 de la coutume de N orm andie,
qui défend aux mariés de se faire ni donations, ni con
fe s s io n s tendantes à avantage direct ou indirect, n’en com
mande pas moins le respect dû aux reconnoissances,
quand la femme n’a pas payé elle-m êm e, et dit qu’il
seroit injuste que les femmes fussent obligées de le v é
r ifie r , et qu’on les dispense de faire ces preuves. Basnage
cite deux arrêts de 1664 et 1 6 7 1, qui ont validé des re
connoissances attaquées par les héritiers du mari. 11 en
cite aussi de c o n t r a ir e s ; mais sous des circonstances par
ticulières : dans l’u n , la femme s’étoit contentée de moitié ;
sans ce la , dit B a s n a g e , les héritiers du mari n’auroient
�( 23 )
pas été rccevables f\ contester la confession du m ari , et
la quittance qu’il avoit donnée , après tant d’arrêts qui
ont jugé de la sorte.
M ais dans les circonstances de la cause, c’est vraim ent
une abstention de raisonnem ent, que de vou loir que
M Je. de Cham pétière rende compte à l’héritière de
son m ari de la gestion que son mari a dit avoir eue,
et qu’ il a dix avoir en effet de sa dot éventuelle et de
diverses successions qui lui sont échues pendant son ma
riage , pour prouver que réellem ent c’est 41,000 francs
qu’il a touchés. N ’est-ce pas d ir e , en d’autres term es,
que c’est l’oyant compte qui doit fournir les pièces jus
tificatives à son com ptable; et par conséquent n’est-ce pas
résister aux principes les plus habituels.
« Quand pendant le mariage une femme recueille une
«succession, n’e s t-c e pas au m ari, maître des actions
« mobiliaires de sa fem m e, h faire toutes les diligences
« pour recouvrer le m obilier ? N ’est-ce pas à lui à com pter
« avec les fermiers et débiteurs, et à rapporter les pièces
« nécessaires pour fixer le m obilier échu à sa femme
« et dont la reprise lui appartient ? »
'
Ce que disoit Cocliin dans son 12 7e plaid oyer, en ton
nant contre ceux qui nicroient des principes aussi clairs,
prouve que les citoyen et dame Beinaguet ne sont pas les
premiers héritiers q u i, aveugles dans leurs prétentions,
demandent des comptes qu’ils doivent eux-mêmes; mais
prouve en même temps que Cocliin trouvoit la proposi
tion absurde , au point de 11’ajouler aucune autorité au
raisonnement.
�( 24)
M de. de Cham pétière n’a donc rien h p ro u v er, et
Yundè habu it est suffisamment éclairci par son contrat
de m ariage, et la rccounoissance elle-même.
Si elle plaidoit contre des créanciers, elle auroit une
action en recours contre sa fille, pour lui fournir les
pièces nécessaires ù la preuve de Vtmdè habuit. Si donc
elle plaide contre sn fille elle-m êm e, sa fille est garante,
à cet é g a rd , de sn propre demande.
s.
IV .
Jusqu’ici M do. de Cliam pétière a défendu sa cause,
comme si tous les moyens des appelans étoient propo
sâmes , parce qu’il lui coutoit peu de les détruire : mais
elle eût pu s’en dispenser ; car la reconnoissance des
41,000 francs est ap p ro u vée, et dès-lors il n’y a plus de
procès.
Cette approbation résulte de ce que M de. de Cham péticrc a reçu une année d’intérêts de celte somme , et
en a donné quittance. A la vérité , cette quittance n’a
été donnée que sous seing-privé ; mais il ne lui vint pas
m êm e en la pensée que ce fait put être désavoué, sans
quoi elle l’eût exigée pardevant notaires. Les citoyen et
dame de Penautier ne disent pas un mot de cette quit
tance dans leurs écrits ; mais pour leur éviter le poids
d’un mensonge , au cas qu’ils fussent capables de s’y dé
cider , M d°. de Cliam pétière leur rappello que le
payement de cette année d’intérêts a été fait eri présenco
de personnes dignes de foi j qu’ainsi elle pourroit
offrir
�( *5 )
offrir la p reu ve de ce payem ent, et sans doute cette preuve
seroit admissible; car c’est un fait et nullem ent une con
vention.
Il est à croire que les citoyen et dame de Penautier
n’éleveront pas une question de droit sur les conséquences
de ce payement ; car il est de p rin cip e, que « les débiteurs
« qui acquittent volontairem ent des dettes, que môme ils
« auroient pu faire annuller en principe , mais que l’é« quité naturelle rendoit légitimes , ne peuvent revenir
« contre cette approbation. » D o m a t , liv. 2 ,
7 , sect. 1 \
D e n iz a r t , v° payement.
M ais ce sont là de ces vérités élémentaires qu’on ne cher
che nulle p art, parce que le bon sens les rend fam ilières,
et qu’elles ne peuvent être autrement. U ne année d’in
térêts a été payée particulièrem ent ; donc la dette a élô
connue ; donc l’acte a été approuvé; et cette approbation
est d’autant plus irrévocable , que l’acte étant contesté,
l’acquiescement est une transaction de lite movendâ.
Il est impossible que les citoyen et dame de Penautier
contestent sérieusement la reconnoissance du 16 prairial j
ils n’ont de p r o je t, et ils le font dire à l ’oreille de tout
le m o n d e, que de traîner en longueur pour sauver le
capital qu’ils font semblant de croire devoir être mis en
viager : mais quel est le but de cette calom n ie, q u i , si
elle est réelle , auroit au moins la franchise de 11e pas
dissimuler que le trépas futur de madame de Cham pétière donne lieu à des calculs anticipés , comme celui de
son mari ? Si cette calomnie a pour prétexte les pertes
considérables que M de. de Cham pélière a faites pendant
la ré v o lu tio n , et les privations de tout genre qu’elle
D
�( * )
est obligée de s’imposer depuis lon g-tem p s, l ’invention
seroit adroite ; mais ceux qui raisonnent sans m alignité
se diront aussi, que M de. de Cham pétière a des pro
priétés qui ne la laisseroient pas dans le besoin d’attendre
l ’issue d’un procès ; elle ne doit compte de sa conduite
qu’à elle-m ême et à l’avenir qui la jugera. M ais comme
elle ne veut pas faire sa cour à l’opinion de ceux qui la
jugeraient comme son gendre , elle déclare que si elle a
conserve jusqu’ ici ses biens patrim oniaux en contractant
des dettes , m algré les procédés dont elle a ù se plaindre7V
elle y a tenu plus par honneur pour ses ancêtres , que
par rcconnoissance et orgueil pour sa postérité.
Signé, S c e p e a u x , veuve D
a u r e l l e d e C h a m p é tiè r e ,
L . F . D E L A P C I U E R , hom m e do lo i,
F A Y E , avoué.
T Æ
C O N S E IL S O U S S IG N É , qui a lu le mémoire ci-d e ssu s,
la consultationdcs cit. Boirot et D artis, et les pièces mentionnées *
E stim k que M 1*0. de C ham pétière ne doit pas craindre le snccca
de l’appel interjeté contre elle des jugem ens de R iom et d ’A m b e r t,
et que ces jugem ens se sont conlorinés aux principes, en validant
la rcconnoissance du iG prairial an 5 .
L ’origine de la dette se trouve dans le contrat de mariage d«
1770. L e mobilier de M dc. <1° Baglion éloit un objet dolal. A in si
le mari en a été c o m p t a b l e , et a dù le rcconnoltre , pour éviter
une action de mandat contre la succession. L ’acte du iG prairial
£5t fait près (le trois aus avant le dcccs de i\I. de Champétière y
�il n’est point d’une somme disproportionnée à la fortune des parties;
c ’est l'acte libre, obligé et juste d’un père de fam ille qui descend
dans sa conscience pour fixer ce qu’il a reçu et éviter des procès à
sa succession. Cet acte est donc infiniment respectable, surtout
pour l’héritière unique du défunt. Si sa mere fû t décédée la pre
m ière, elle auroit eu une action contre M . de Cham pétière, en
restitution de ce qu’il a dû recevoir, suivant les inventaires qu’il
a dû fa ire, ou la preuve par commune renommée. M de. de C hampétière ayant le même d r o it, n ’a pu l’exercer qu’en viduité contre
l ’héritière de son mari. M de. de Penautier ne peut donc demander
que sa mère soit tenue d’établir le versement réel de la somme
totale des 4 1 ooo francs, puisque cette preuve dépend d’un compte
qu’elle devroit elle-même. L ’unde habuit est suffisamment prouvé
par le contrat de mariage et par le fait avoué de la mort de M de. de '
Baglion. L ’acte opposé de 1793 , sérieux ou non , n ’est pas un
m oyen, parce qu’une femme ne peut valablement donner décharge
de sa dot à son m a ri, pendant la durée du mariage. L ’institution
faite à M de. de Penautier, et la loi du 17 nivôse, ne sont de même
pas des obstacles à la validité de la reconnoissance qui fait l’objet
de la contestation ; car elles n ’auroient l’effet que de la réduire,
si elle étoit une libéralité, mais elles ne peuvent porter atteinte à
un titre sincère et légitime.
D
élibéré
à R io m , le 14 prairial an 10.
G RAN C H IER, P A G E S , G A S C H ON, D E V A L ,
L . F. D E L A P C H I E R , P R É V O S T , P A G E S M EIM A C, COUHERT-DUVERNET.
A R I O M , de l'imprimerie de L a n d R i o t , seul imprimeur du
T rib u n al d ’appel.— A u 10.
�
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Title
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Factums Marie
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An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Scepeaux, Marie-Louise-Joseph de. An 10]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Faye
Granchier
Pagès
Gaschon
Deval
Pévost
Pagès-Meymac
Couhert-Duvernet
Subject
The topic of the resource
successions
partage
Description
An account of the resource
Mémoire pour Marie-Louise-Joseph de Scepeaux, veuve de Blaise Daurelle de Champétière, intimée Contre Louise-Magdelaine Daurelle de Champétière, sa fille, et Jacques Beinaguet de Penautier, son mari, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 10
An 7-An 10
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
27 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0313
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0206
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RÉPONSE
DE MARIE DEGREILS
AU
MÉ M O I R E
D E M. D E G R E L S D E M I S S I L I A C , S O N N E V E U .
V
o u s no co nc evez p a s , M . de Missiliac , que je
puisse vouloir jouir de ma fortu ne, parce que j ’a i ,
selon v o tre c a l c u l , q u a tre-vingt-dix ans. Vous m ’a
vertissez que l ’exploitation de mes biens sera a u dessus de mes forces ; e t , pour m ’alléger ce fardeau ,
vous désirez que je reste à la merci de votre g é n é
rosité , et dans votre dépendance.
P o u r inspirer à quelqu'un une telle abnégation de
i
�( 2 )
soi-même, il faudrait être plus persuasif, ou au moins
plus poli ; et vous ne m ’épargnez ni le ridicule , ni
les injures.
* .
C o m m e vous ne pouviez pas trop avoir raison en
racontant les faits tels q u’ils sont prouvés par é c r i t ,
vous avez voulu les acc om m oder aux événemens de
leur é p o q u e , et vous vous êtes fait un système.
_*_X.a„révolution , qui .est la cause ou le prétexte de
toutes les iniquités co nt emporaines , vous a paru le
m o t i f unique du procès actuel; vous l ’accusez de vous
avoir ôté une fortune immense , et vous m ’accusez
m o i - m ê m e de complicité ave c elle; car s’il faut vous
en c r o ir e , feusse é t é , sans la révolution , tenue de vivre
et mourir ave c i 5 o fr. de rente que je tenais de la
munificence de votre père; et si j ’ai ob te n u , par un
j u g e m e n t , une portion héréditaire, ce ne pouvait ê t r e ,
dites-vous, que pour la restituer à ce frère généreux.
A v o u e z , mon n e v e u , que cette histoire arrangée
dans votre c e r v e a u , pour n’être racontée q u ’à trente
lieues de notre domicile, n’a pus une grande vraisem
blance , et que ma perversité, q u i doit fa ire fté m ir
cThorreur ce u x à q u i il reste quelques idées de v ertu ,
est une chose fort in cro ya ble , a mon â g e ,
pour tous
ce ux qui m e connaissent, et sur-tout pour vous.
■,
Malheur eusement pour la foi due à votre na rra tion ,
une demande en partage, fort en règle, datée de 1786
est venue attester que je n ’avais pas attendu Immigra
tion et les séquestres pour prendre g oû t à la propriété^
qu’au lieu de ne vouloir ma portion héréditaire que
�(
3
)
pour la rendre à vofre p è re , je J’assignais avant la
rév olutio n, pour me la do nn er , et que je ne trouvais
pas alors au-des su s de mes forces de jouir par moimême.
C et exploit de 1786 qui dérangeait un peu le fil
de votre roman ^ n’a fait que vous donner de l ’h u m eu r,
sans que vous prissiez la peine de l’adapter à votre
ca d r e , autant que possible; vous n 'y avez v u q u ’un
acte extravagant qui ne devait rien produire alors
( c e qui n’est pas la ques ti on ), et je n’ai gagné à en
faire usage qu’une bien sincère félicitation de ma pré
vo yan c e à deviner la révolution, et une promesse pour
la vieille tante à Cesprit prophétique, de lui assurer une
place à côté de N ostradam us.
O u i , mon n e v e u , la vieille prophétesse (q ui vous
remercie d’avoir adouci l’expression), avait en effet
deviné beaucoup de choses avant la révolution; et pour
mériter la place auguste que vous lui assignez, elle va
vous les dire, en termes moins obscurs que ce ux de
son modèle.
• Elle avait deviné d’abord que quand une tante céli
bataire a accoutumé un collatéral à compter sur sa for
tu n e , ce collatéral s’accoutume à son tour à regarder
l ’existence de la vieille c o m m e une charge fort impor
tu n e; qu’on lui laissera bientôt entendre q u ’elle a vécu
déjà long-tems, et que le brevet de longévité, q u’il a plu
à la nature de lui donner, passe les bornes ordinaires.
Elle avait deviné que son dix-septième lustre la ren
drait le témoin de beaucoup d ’inconvenances sur les2
�.
(
4
}
quelles elle ne pourrait que gém ir * qu'il serait alors
utile aux siens q u ’elle eût quelque fortune , et q u’il lui
serait doux d ’en faire e lle-m êm e une distribution équi
table qui appelât sur ses derniers momens le respect
et la reconnaissance.
Quand on force une prophétesse à monter sur son
trépied, elle n’en descend pas toujours au gré des au
diteurs; mais tranquillisez-vous, m o n n e v e u , je n’ai
rien à vous dire d'offensant ; ce que la vieille a deviné
de plus lui restera in p etto , parce que cela lui est per
sonnellement é t r a n g e r , et q u ’ une tante bien née ne
doit pas répondre à son n eveu injures pour injures.
O u i , Monsieur de Missiliac , c ’est par pr évoyance
que j ’avais voulu sortir de la tutelle de votre père en
1 7 8 6 ; et c ’est encore par pr é v o y a n ce que j'ai voulu
sorlir de la vôtre en 1807. J e fus assez long-tems un
être inutile, et je v e u x cesser de l ’être. J e v e u x aussi
que la caducité de mon âge ne soit onéreuse à per
sonne, qu'elle tourne m ê m e au profit de ceux q u’elle
ne rebutera pa s, et que mes bienfails journaliers leur
fassent désirer plutôt la prolongation de ma vie que la
hâte de ma mort.
N e me reprochez pas cet espoir consolant qui déjà
m e dédom mage du passé. F û t - i l une chim èr e, il serait
cruel de me la ravir. Vous sentirez peut-être un jour
q u ’une illusion octogénaire est encore la plus réelle
des jouissances ; et que le premier besoin de cet âge
est de faire du bien pour croire à la reconnaissance.
Cependant il ne s’ensuit pas de ce que j ’ai dit, que
�(5 )
je prélende user d’une fortune qui ne sérail pas la
mienne. Nul autre que vous ne m ’aurait accusée de
vouloir m ’enricliir aux dépens d ’auirui, et par des voies
illégitimes. Mais vous me traduisez devant le public et
devant les tribunaux pour m ’en justifier. Cette tâche
ne sera pas bien pénible. Lés faits seuls parleront assez
haut pour démentir votre accusation.
J e suis orpheline depuis i y 35 . Louise Br ugier, ma
grand’mère demeura chargée d’administrer les biens de
la maison 5 elle avait sous sa tutelle Bertrand Deg reil
votre p è r e , nos deux sœurs A n n e et Magdele ine D e
greil, et moi.
Louise Brugier étail héritière de son mari, à la charge
de rendre l ’hérédité à Gaspard Deg reil mon père. A u
cun acte ne prouve q u ’elle lui ait fait cette remise.
L e seul où elle ait parlé, est le contrat de mariage
de votre p è r e , où se montre toute sa tendresse pour
votre père et son éloignement pour nous.
D a ns cet acte ( d e 1 7 4 7 ) elle donne tous ses biens
à votre père, en le chargeant de nous paye r i 5 o fr.
en capital pour tous droits successifs. U n oncle et une
tante ( M a g d e l e in e D e g r e i l ) lui assurent aussi toute
leur fo rt u ne; la future passait pour avoir une fortune
de 1 5 o,ooo fr.
Bertand Degreilsalla demeurer chez sa f e m m e , lais
sant sa grand’mère et ses sœurs dans la maison pater
nelle à Vigouroux. Louise Brugier mourut en 1 7 6 4 ,
et alors il se mil en possession de tous les biens.
�( 6 )
Notre aisance diminua tout d’an coup à cette époque.
V otre père, quoiqu’absent, se chargeait de nourrir mes
deu x sœurs et moi. Ce ne fut pas l'époque la plus riante
de notre vie. V o t re père nous exagérait toujours la
médiocrité de notre fortune ; il voulait nous acc ou
tumer insensiblement à croire que cela était ainsi : c e
pendant nous connaissions, dans le patrimoine de notre
père, le domaine considérable de Roupon , le domaine
de B o u s q u e t , la montagne de Trelissous , et les bâtimens, jardins et aisances de la maison paternelle.
T o u t cela était divisible entre nous par égalité, mon
père étant mort ab intestat • sau f seulement le quart
du domaine du Bou squet, q u’on pouvait nous disputer,
à cause d ’une substitution dont ~je parlerai
tout à
l ’heure.
Nous vivions dans une sujétion qui n’est pas encore
effacée de ma mémoire. Etiiin elle nous parut insup
portable , et nous demandâmes à jouir de notre for
tune. C ’est alors que tout fut mis en œuvr e pour que
la part du lion se trouvât telle , qu’ il ne nous restât
en partage que la misère.
D ’abord, nous dit votre p è r e , je dois prélever tous
les biens de Claude D e g r e il , co mme
donataire de
Magdeleine Degreil, parce qu’elle a profité (sans l ’avoir
jamais s u ) d’une substitution destinée à notre père
par un acte de 1694* mais q u ’il n ’a pas transmise à ses
enfans, parce qu'il est mort avant le donateur; 2.0 je
suis seul héritier de I i O u i s e Brugier ; et co m m e elle était
.elle-même héritière de notre grand-père , je prétends
�(7 )
q u e les biens de celui-ci sont compris dans ma do na
tion ; 3 .° j ’établirai que ce qui restera est grevé de dettes,
et qu’il ne vous revient rien.
Q u ’avaient à dire à cela de pauvres filles, habituées
dès leur bas âge à obéir, et à ignorer toutes les affaires
de la maison. L e moment était donc favorable pour
obtenir de nous un renoncement à nos droits. M o n
frère nous présenta un acte tout dressé, où il ne res
tait à remplir que nos n om s, et qui était signé à l’avance
par trois de nos parens, sans autre nécessité que celle
de nous ôter tout soupçon. Nous étions tellement per
suadées que c ’était là toute noire ressource, que , dans
notre a v e u g l e m e n t , nous reg ar d â m es, pour ainsi d i r e ,
cet arrangement co m m e une faveur.
C et acle est de i y 5 g; il y est dit que nous renonçons
à tout partage , moyenant 3 , 5 oo fr. payables en sept
ternies annuels, avec l’inlérêt, outre la jouissance via♦gère de la maison et jardin de V i g o u r o u x , et de vingt
à trente charretées de bois.
M o n frère nous promit de plus une somme de 4 5 ofr.
une fois p a y é e , à répartir entre nous , et en trois
termes. Mais ce don que vous annoncez c o m m e une
magnificence, n ’élail pas purement gé n é r e u x ; car l ’in
térêt des 3 , 5 oo fr. demeurait réduit à i 5 o francs, par
cette considération.
Voilà donc le sort brillant destiné à trois filles d ’une
maison a i s é e , et dont le frère vivait dans l ’opulence !
Bientôt votre p b v e fut plus riche en c ore; notre oncle
malernel lui donna la terre de Missiliac, mais noire situa
�C8 )
tion n’en fut pas changée ;heureu ses encore quand nous
r e c e v i o n s , de loin en l o i n , et en pelits lots, le mes
quin revenu auquel il lut avait plu de nous réduire.
Et admirez encore la prév oya nce de votre père : il
nous avait bien fait signer un acte pour lui, mais il ne
nous en avait remis aucun double, de sorte q u ’il était
de plus en plus l’arbitre de nos destinées. N ’ayant a u
cun titre pour le faire p a y e r , il eût fallu intenler un
procès à chaque besoin d ’a r g e n t , ou attendre son loisir
pour en recevoir.
Nous sûmes bientôt h quel point nous avions été
dupes. Bévoltées de l ’avoir été par un mensonge, et
nous reprochant une confiance trop a v e u g l e , nous m e
naçâmes de nous pourvoir; mais mon frère ne répon
dit à nos m e n a c e s q u ’en protestant de nous faire plai
der toute sa vie ; e t , certes, il faut se placer dans notre
situation pour sentir quel obstacle invincible devait
être pour nous la seule idée d’ un procès.
Cependant nous ne renoncions pas à l’espoir de
l ’entreprendre ; mais l ’habitude de notre sort soute
nait notre patience ; le travail de nos mains aidait a
nous procurer le nécessaire.
Enfin , la persévérance
et l’économie nous donnèrent les moyens d ’exister,
sans le secours de personne.
L e moment venait où il lallait prévoir des infirmités
qui tout h la fois nous ôteraient nos ressources et aug
menteraient nos besoins. L a terreur de cet avenir di
minua singulièrement 1 épouvante que nous avait causée
la perspective d’un procès. Nos conseils ne nous laissaient
pas
�( 9 )
pas de doute sur son issue, et notre résolution fut prise
de l’entreprendre.
Après avoir proposé des médiations à mon frère,
pou r la centième fois, nous le fîmes assigner, le 14 juin
1786, pour venir à partage de la succession paternelle,
et pour nous en abandonner les trois quarts a vec res
titution de jouissances.
J ’ignore quelles diligences fit , sur cette demande, le
procureur chargé de notre confiance. Soit q u’il eût
compté sur des propositions de p a ix , "soit que ses pour
suites ‘fussent faites 'avec l e n t e u r , la suppression des
anciens tribunaux suspendit l’effet de nos réclamations.
Vo u s s a v e z , mon n e v e u , que d’autres causes con
coururent bientôt à arrêter nos poursuites. V o t re nom
et celui 'de vôtre 'frère , mis sur la liste des é m i g r é s ,
attirèrent un séquestre général sur les biens de votre
père. Ce n ’était pas l e m o m ent de l’accabler par des
procédures ; et quoique nous souffrissions co m m e lui
de ces mesures révolutionnaires, nous sûmes attendre
avec patience, jusqu’à ce que la voix impérieuse du b e
soin nous fo rça t de reprendre les voies judiciaires.
En f in , en germinal an 4? nous donnâmes une péti
tion au département
pour
solliciter le partage que nous
avions déjà demandé. L e département ne crut pas d e
voir y st atuer, s’agissant de biens séquestrés et non
confisqués; il nous ren voy a en conséquence devant les
tribunaux , en ordonnant cependant que les fermiers
de Roupon el Trelissous verseraient en nos mains la
moitié des fermages à titre de provision.
3
�( IO )
Magdeleine ÜDegreil ma sœnr était morte en l’an 2;
■" Y
*
•
A n n e et moi assignâmes m on frère et le commissaire
du g o u v e r n e m e n t , pour adjuger les conclusions prises
en l’exploit de 1786.
Ce n’est qu’au bout de trois ans q u’il nous fut pos
sible d’avoir un jugement. Il est, à la vé r it é , par dé
faut confi e mon frère; mais toutes nos demandes furent
discutées avec chaleur par le commissaire du go u v e r
nem en t : il parvint à faire adjuger à m o n frère l’effet
de la substitution, ce qui nous ôtait un q u a rt , un n eu
viè me et un vingt-septième du domaine de Bousquet.
A u surplus, le partage des autres biens fut ordonnépou r nous en expédier les deu x tiers.
A la vue de ce jugement et de nos demandes, vous vous
écriez, M. de Missiliac, que monfrèreétait d ’accord a v e c
nous; et vous n ’avez jamais rien dit de plus vrai. I l est
très certain que le séquestre de ses biens avait singuliè
rement adouci pour nous ses procédés et son caractère.
Quand il vit que nous avions obtenu en l’an 4 la moitié
des fermages sur une simple pétition, il devint pou r
nous un bon frère, et se prêta de bonne grâce à ce que
nous obtinssions enfin ce q u e nous demandions depuis
si long-tems.
Vo u s avez voulu vous dissimuler la vérité, quand vous
attestez (page 1 0 ) , que le jugement de l’an 7 a resté sans
exécution pendant toute La vie de votre père. Car vous ave z
dans votre dossier la preuve du contraire, c ’est l'arrêté
du département du i 3 germinal an 7.
Cet arrêté prouve i.° qu’après le jugement du 2Z
�( 11 )
v e n t ô s e , voire père présenta une pélilion au départe
ment pour demander la liquidation de ses droits, en
conform ité d u d it ju g em en t ’ 2.0 que dans la déclara
tion q u ’il fit desdils droits, il ne porta que le tiers des
domaines de R o u p o n , Tretissou e!c., par le m o tif que
les deux autres tiers appartenaient à ma sœur et à moi?
en vertu d u même ju g em en t ; 3 .° que le partage fait
entre lui et la nation a eu lieu dans ce sens, toujours
en exécution de ce même jug em en t ■4.0 q u ’il déduisit
le montant des restitutions de jouissances auxquelles il
avait été-condamné envers nous , par ledit ju g e m e n t•
Voilà donc une exécution bien réelle de la chose jugée.
O ù donc tr ou vez-vou s jusqu’à présent la p r e u v e ,
l ’indice m ê m e , que dans cette procédure nous ne
demandions rien pour nous, et n ’étions que des prêténoms? Dans une première lettre sans date , où votre
père
poursuit l u i - m ê m e l’exécution de notre par
t a g e a i où il nous demande pour cela l’expédition du
ju g e m e n t ? mais il m e semble seulement que cetle
pr emière lettre prouve que votre père était plus pressé
que n o u s ; sa seconde
lettre d ’ailleurs expliquera la
p r e m i è r e , et ne se prêtera à aucune de vos équivoques.
Vo ic i au reste la première letlre en son entier.
« A u x C itoyennes R O U P O N et L A C O M B E - G R E I L S ,
A I i s s i l i a c , ce
m ard i,
M im i et Billiés arrivent d’A u rilla c ce soir; il ont remis tous
nos papiers au département. L e président leur a dit q u ’ils ne
pouvaient s’occuper du partage de nos b ie n s , sans avoir l ’ori-
4
�ginal de la sentence rendue à S a in t- F lo u r, si vous ne l’aviez
pas mise dans vos a r c h iv e s, et que vous l ’eussiez remise à
B illié s, vous m ’auriez évité la peine de l ’envoyer c h e rc h e r,
et de dépenser de l ’argent. N e faites faute de me l’envoyer par
mon exprès , afin que je l’envoye demain au département , si
nous voulons que noire p artage se fasse avant que la fatale loi
que l’on nous annonce n’arrive. Pliez cette sentence de façon
q u ’elle ne se gâte pas ; et recommandez au berger de ne pas la
perdre.
ROUPON.
Ainsi parlait m o n frère , qui visait déjà à se r e
mettre à son aise avec n o u s , quand la m ain-levé e dii
séquestre l ’aurait remis eu possession de ce que le
département nous avait permis de toucher.
Il n ’y manqua pas aussitôt que son partage fut fait :
mais pour q u ’il regardât co m m e très - constant notre
résolution de n ’être plus ses dup es, nous notifiâmes au
m é t a y e r de R o u p o n , le 4 complémentaire an 7, une
saisie-arrêt générale de tous les grains recueillis dans le
d o m a i n e , et des fromages de la m o n t a g n e , en vertu,
d u jug em en t du 22 ventôse an 7 , rendu à notre profit,
contre B ertra nd D eg teil.
Cett e saisie nous valut peu de jours après une lettre
de mon fr è r e , pièce tellement importante et pr éc is e,
q u ’il faut s’étonner d’avoir aujourd’hui un p r o c è s ,
dont tout le but est de nous opposer, que nous n ’étions
alors quq des pçê te-noms.
�C x-a )
Seconde lettre.
A M
is s u ia
Cj ce 8 vendémiaire an 8.
J e ne s a is , mes chères sœurs, qui vous a conseillé de mettre
u n e saisie sur un bien qui m ’appartient ; et je ne connais pas
les circonstances qui vous obligent à le faire. J e n e vous dis
p u te p as les d eu x tiers qu i vous ont é té accordés par la n a ti en
e t j e ne m 'op p ose p as à ce que vous en jo u is s ie z p a rticu lière
m en t. Q uant à mon t ie r s , vous n’ ignorez pas qu’ il n ’y avait de
tout tems que 18 vaches de montagne à R o u p o n ; que j ’y en
ai mis cinq du B o u sq u e t, qui sont iiôurries avec les prés que
j ’ai réunis à R oupon, et qui m ’appartiennent. Ensuite m on tiers
m ’en donne six du domaine de R oupon , et sept que j ’en fournis,
tous les ans au métnyer du domaine; c ’est donc i8 vaches q u i
m 'appartiennent. S u r trente herbages qui sont à R o u p o n , v o u s
n ’ ignorez pas que le tribunal de S a in t-F lo u r et le département
m 'en accordent d ix que j'a c c e p te p articulièrem en t. C ’est donc
huit herbages que je dois vous p a y e r , et seize des Tretissous ;
m on intention est telle. Si vous prenez sur vous de faire saisit
mon revenu , j ’ai, chargé M i m l, porteur de ma lettre , de passe«
à Roupon , pour dire au métayer de m ’apporter tout de suite
cette saisie pour y répondre. A lo rs vous déduirez, vos m oyens,
et moi les m iens; tout cela ne nous empêchera pas de vivre en
bons frères.
V o u s me marquez que votre âge et vos infirmités ne vous
permettent pas de faire des sacrifices ; le mien; et mes infirmités,
et la façon avec laquelle la nation m!a traité, ne me permettent
pas d ’en faire un grand ; je vais cependant vous faire voir que
je veux en faire u n , qui est de vous donner 600 livres de pen
sion , une charretée de b l é , prise à R o u p o n , une pièce de beurre
de 5 o livres , le bois que vous demandez , et le voyage au vin,
pendant votre-vie et la m ienne, ensuite le tiers de ce qui m ’ap-
�( 14 )
parlient à V igouroux. Si cela vous convient, vous ni moi 11’ irons
pas plus loin. Calculez bien , v o u s , ma chère sœur de R oupon,
à combien ça va , ensuite 200 livres de taille , et vous verrez
que mon tiers se réduit à rien; la grange que je serai obligé
de faire , le buron , et 100 livres d ’afferme de celle de M . de
Bassignac. Quant aux 60 livres que vous dem andez, et 60 liv.
que vous avez payées au consul , vous avez reçu trois setiers s
et demi de blé à Roupon , deux quintaux moins treize livres de
fro m age, et une pièce de beurre de 5 o livres. Si cela ne fait pas
plus que votre c o m p te , je suis prêt à vous le faire. Pour, la
taille que vous avez payée en 179 3 , je vous la rembourserai ;
et si nous fa iso n s un arrangement de j a m i l l e , pour ne p lu s y
rev en ir, j e vous rembourserai les fr a is f a it s à S a in t-F Io u r.
E n attendant votre réponse, je suis , mes clières sœurs, avec
toute l’amitié fraternelle , tout à vous ,
HOÜPON.
Rien n ’est plus clair sans doute que cette le tt re , et
quand elle ne contiendrait pas une approbation positive
et décisive du partage ordonné, elle servirait au moins
de comparaison entre le langage du père et celui du fils.
Car mon frère n ’avait pas m êm e idée de nous ren
v o y e r à l ’acte de 1769 , dont il ne dit pas un mot ; et il
entendait très-bien que nous prissions pour nous-même
la portion héréditaire qui nous était acc ordée; tandis
que vous, mon neveu , avez suppute, a part vous, q u ’il
iallait que je me réduisisse à mes i 5 o francs de re nte,
c o m m e n’ayant fait q u ’ un simulacre de procès, dont
les frais étaient payés pur moi, et dont le profit devait
être pour votre compte.
Quoiqu’il en soit, m on frère nous offrait ,p o u r ne plus
�( i5 )
y revenir, une renie bien différente de celle de 1 7 6 9 .
et encore prenait-il des précautions pour prouver que
son tiers se réduirait ensuite à peu de chose ; ses pro
positions ne fuient point acceptées. U n écrit, tout nul
q u ’il ét ait, nous avait opprimées trop long-tems pour
que nous succombassions à la tentation d ’en signer 1111
autre. J e dis à mon frère, que nous recevrions provi
soirement une somme annuelle, de sa part, à litre de
comptabilité ou de f e r m a g e , jusqu’à ce que le par
tage fût effectué , et sau f à nous à en retarder ou
presser le c o m p l é m e n t , selon que nous serions satis
faites de son exactitude à tp a y e r , ou de ses procédés
personnels.
A n n e D e g re il , ma sœur, n ’a pas survécu long-tems
à celte amélioration de notre sort; morle en l ’an 1 0 ,
elle m ’a légué une moitié de ses biens, par un testa
ment qui contient plusieurs autres legs.
}-
Ces legs vous onl paru fort insignifians et nuls; mais
ce n’est pas de quoi il s’agit ici. Il est au contraire fort
remarquable que ma sœur , après m ’avoir légué la
moiIié de ses meubles et im m eubles, a disposé encore
de 5 , 5 oo fr. par le môme testament; ce qui prouve
q u ’elle ne se regardait pas co m m e étrangère au juge
ment de l’an 7 , ni q u ’elle ne se croyait pas réduite à
la cession de 1759.
Puisque j ’en suis sur cet article , je dois vous dire
aussi que le rec eveur de l’enregistrement exigea de
moi 537 fr. 60 cent, pour le droit de succession imraobiliaire de ma sœur ; cela vous prouvera encore que je
�c
1
6
}
pensais com m e elle , et que je n ’ai p o i n t , ainsi que
vous le dites, attendu la mort de votre p è r e , pour m e
prévaloir du jugeme nt de l ’an 7 , et vous le signifier
c o m m e une cliose inconnue.
B r e f , j ’ai demandé l ’exécution de ce ju g e m e n t , et
aucune l o i , aucune circonstance ne s’opposent à son
exécution.
Vou s avez cru po uvoir en interjeter a p p e l , afin de
m e ram ener à votre soi-disant transaction ou cession
de 1 7 5 9 , que vous trouvez beaucoup plus con ven ab le,
et je n’en doute pas.
M ais le fils p e u t - î l interjeter appel de ce que le
père a approuvé et môme ex écuté?
11 l ’a approuvé : vous l ’a v e z vu par sa lettre; car il
distingue les d e u x tiers que le jugement nous attribue,
du tiers q u i ‘l ui r e s te , et il fait m êm e le compte des
bestiaux dans cette proportion.
C ett e lettre, dites-vous, a été conservée préciensemenl. Si cela était , ce ‘serait déjà une preuve que le
goût de ta propriété ne m ’est pas venu seulement à
quatre-vingt-dix ans; et que dès l ’an 8, je serrais dans
mes archives, soit les sentencesquand je les a vais payées,
soit les lettresquand elles contenaient un acquiescement,
parce que cela désoriente les chicanes. Mais détrom
pez- vo us : car ce ll e leltre enveloppait, pour que vous
le sachiez, des drogues à mon usage, au moment où
le genre de voire défense m ’a forcée do chercher avec
scrupule tout ce qui pourrait vous démentir. Beaucoup
d’mitres lettres, plus positives peut-être, ont été per
dues,
�( i7 )
due s, el je me garderai bien de vous dire ce q u ’elles
pouvaient contenir; car vous, M. de Missiliac, qui niez
le sens de ce qui est clairement é c r i l , que ne diriezvous pas pour cornmenler ce qui ne vous serait opposé
que par tradition?
. ■l
L ’approbation de votre père n ’a point é ié de sa part
un acte de son pur m o u v e m e n t ; car, en l ’an 8, il ne
pouvait plus la refuser. D é j à il avait exécuté le ju g e
ment, ave c l’administration; il avait^fail le partage, et
pris le tiers de la succession. Il avait fait m êm e le cal
cul des jouissances à nous dues, et auxquelles il était
condam né par ledit jugement. Il se les fait adjuger
c o m m e en étant comptable envers nous. Vou s avez vu
tout cela dans l ’arrêté du i 3 germinal. O r , on n ’inter
jette point appel d ’un jugement qui a été suivi d ’e x é
cution et d ’acquiescement : il a force de chose jugée.
Que de v i e n t, d’après c e l a , l’éternelle cession de 1 7 5 9 ,
que vous m ’opposez sans relâche? Eû t-elle pu au rcsle
soutenir les regards de la justice?
Des filles sans expérie nce avaient été horriblement
trompées par un frère qui avait dissimulé la succession,
ex agéré les charges , et abusé de la confiance q u ’elles
devaient avoir en lui, au moins pour l’exactitude des
étals q u’il avait à leur présenter.
Il était l’héritier de leur tutrice, et par conséquent
chargé envers elles du compte de tutelle des biens de
leur p è r e ; c ’e s t - à - d i r e , des trois quarts de sa suc
cession.
.
5
�( i8 )
Il avait géré après elle; et les papiers de la sudcession ont toujours été dans ses mains.
L ’acte de 1 7 5 9 n’avait m ê m e aucune régularitéextrinsèque. Il devait avoir plusieurs d o u b l e s , puisque ch a
cune des trois sœurs était personnellement créancièi’e
de 3 , 5 oo fr.
Maintenant cr oye z- vo u s que vous eussiez pu in vo
quer le privilège des cessions de droits, et rae d ir e ,
avec Daguesseau , ¿ncedo per ¿gnes? Mais ce grand
magistrat ne s’occupait que des actes vraiment aléa
toires, et ce n’est point sous les pus de votre père qii’ii
eût placé cvneres dolosos, s’il eût discuté l ’acte que vous
vo ud ri ez faire valoir.
Croyez-vous aussi que la demande de 1786 eût été
soumise, m ê m e en l’an 7, à la jurisprudence actuelle
de n’accorder que dix ans pour la nullité des actes viciés
par un défaut de compte tulélaire? Mais quand cette
jurisprudence serait constante et g é n é r a le ; quand elle
devrait s’étendre au passé, ce n’est point ici le cas de
s o n application; car un sous-seing p r iv é , qui doit obliger
plus d’ une personne, n ’est point un act e, si chacune des
parties n ’a pas le po u vo ir d e le faire notifieret exécuter.1
O r , on n ’a pas ce pouvoir quand on n ’a pas un
double pnr-devers soi.
V o u s m ’opposez q u’il suffisait que nous eussions un
double entre nous trois. Vous savez que nous n’en avons
jamais eu , mais supposons-le : un double seul pourrait
suffire, quand on a traité solidairement, et pour un in
térêt c o m m u n ; mais trois sœurs, cédant chacune leurs
�( T9 )
droits pour une créance séparée, peuvent ne pas toujours
vivre en bonne intelligence. Cellequi est nantiedudouble
est libre de le retenir, de le faire acheter m êm e au débi
teur; et alors que peuvent les autres sans litre?
* Vous m ’opposez encore que celui qui a exécuté de
sa part le sous-seing privé , ne peut pas opposer ce
défaut de forme.
Sans d o u t e , cela doit être ainsi, quand l ’acte est
pleinement exécuté ; c ’est-à-dire, quand dans une vente,
par e x e m p l e , l’acquéreur a payé le prix : celte exé cu
tion fait que le vende ur ne peut plus opposer le défaut
de deux doubles; en effet il n ’a plus besoin d’en avoir un.1
Mais cette exception à la règle ne peut pas s’ap
pl i q u e r , quand le capital de la créance reste e n t i e r ,
et q u ’il n’a été payé que des intérêts; l’acfe en ce cas
n ’est pas véritablement exécuté j et les motifs génér aux
de la loi restent dans toute leur fo rc e, tant que le créan
cier a besoin, pour réclamer le capital e n ti e r, d ’ uu
titre qui n’esf pas en son pouvoir.
( Si d’après vos propres &u\)^osi\\or\si{inceclo per ignés'),
toute la succession de mon père eût été absorbée par
des dettes, ne po uviez-vous pas nous dire .*«• J e ne vous
* dois rien; si vous vous croye z des d ro its , de mandez
« un partage;» quel litre aurions-nous eu à vous op
poser? A u c u n : car vous aviez en mains le seul e x e m
plaire qui existât de l’acte synallagmatique; vous aviez
les quittances que nous avions données; vous étiez donc
lo maître seul de faire exécuter la convention , ou
d’empêcher q u ’elle s’exécutât. O r , un acle n*est point
6
�(
)
exécuté par une pa rti e, tant qu’ il demeure au pou
voir de l’autre de s’opposer à cette exécution.
L a cession de I7&9 était donc bien nulle, com m e
n'étant pas un titre pour toutes les parties, et com m e
étant le résultat d’un dol manifeste,* mais quelque d é
montrée que soit ce ll e nullité, sous tous les'points de
v u e , il était véritablement oiseux d’en examiner le
mérite après un procès, après un j u g e m e n t , après une
exécution de ce jugement.
Et pouvait.-ce être de bonne foi que vous m ’op
posiez cetle cession, faite pour i 5 o livres de r e n t e ,
lorsque vous reconnaissez que votre père m ’offrait un
revenu de 600 livres, du bois, des denrées, et le tiers
des biens de Vi go uro u x ? Il regardait donc l u i - m ê m e
l ’ancien acte de 175 9 com m e anéanti.
Vou s ne vous êtes pas dissimulé toutes les consé
quences d e l à lettre de votre p è r e , mais vous c r o y e z
vous en tirer en disant que les lois existaient alors dans
toute leur rigueur, et qu'il était forcé d ’adopter tout ce
qui était f a it, jusqu’à un teins plus h e u r e u x , parce
q u ’il y avait pour lui défaut de liberté, et contrainte.
E s t - c e sérieusement que vous nous donnez avec
chaleur de semblables fa u x -fu ya n s ?S o n g ez que laleltrc
dont vous parlez n’est pas de 1 an 25 elle est de l’an 8 ;
et souvenez-vous que j étais assez vieille alors pour ne
pas confondre les phases de la révolution , au point de
placer la terreur à l ’an 8.
Mais si j ’avais oublié l ’heureux changement qui ar
riva en France à celte é p o q u e , vous m e l’apprenez
�( 21 )
v o u s -m ê m e à la page i 5 de voire mémoire ; »celle opé«• ration terminée, diles-vous (le procès de l’an 7 ) , le
« sieur Bertrand Degreil père , crut devoir se rassurer
<r sur les événemens : les lois devinrent moins rigoureu« ses. L ’année qui suivit ce jugem ent fut une époque
«• heureuse pour la France ; le héros magnanime qui
« nous gouverne parut dans toute sa gloire-». V o i l à ,
m on neveu , ce que vous a vez éc rit, et par conséquent
personne ne peut m ’aider plus que vous à prouver que
ce que vous avez dit (à la page 2 7 ) , de contrainte et de
lois existantes dans toute leur rigueur, ne peut pas s’ap
pliquer à une lettre écrite en l’an 8.
R em arq uez encore que cette lettre ne fut pas écrite
à une autorité constituée, mais à une vieille fille qui
ne pouvait pas inspirer de grandes (erreurs à sou frère.
C ’étail d’ailleurs , co m m e vous le dites très-bien, une
lettre confidentielle ,■et r i e n , ce me semble, n ’est plus
opposé à la contrainte q u ’ une confidence.
Vou s vo ulez, c o m m e votre père, me certifier encore
que la succession n’est point opulente; mais je saisaujourd’hui à quoi m ’en tenir. Vous me r e n v o y e z , pour
la valeur des biens, à ce que disait mon bisaïeul dans
un acte de 1694. Mais j ’aime beaucoup mieux consulter
l ’arrêté de l’an 7 , où votre père ne traitait plus avec
trois filles, mais avec un commissaire du gouvernement.
A u reste, si j ’ai moins , il vous restera dava nta ge , et il
vous restera assez; car si la révolution vous a ôté une
partie de vos biens, ce qui est certainement un grand
m alheu r, au moins votre père a vécu assez pour vous.
�(
2
2
)
conserver le resle ; et les dons accumulés sur vo ire tête
par plusieurs membres de la famille, vous assurent au
jourd’hui, quoique vous en disiez, une très-grosse for*
lune. Je ne vous l’envie pas; et j ’espère q u e , par r é
ciprocité , vous ne m ’envierez pas plus long-tems la
mienne.
Qu e vous importe l’ usage que je veux en faire? File
sera si modique! Vous affectez de dire que je suis dirigée
par un ambitieux. C ’est d’abord un signe de raison que
de se mettre en direction, quand on en a besoin. Mais
si c’est de votre frère que vous entendez parler, vous
savez mieux que personne que son intérêt ne le feia
point agir ; ainsi n’inspirez à personne des doutes que
vous n’avez pas vous-m ême.
Il
ne s'agit pas de faire décider si ce qui m ’a él é ad
jugé sera em ployé à marier vos filles ou celles d ’un
autre. 11 n’est question que de savoir si ce qui m ’a été
donné est à moi. O r , je crois a vo ir pr ou vé que cela
n ’ est pas douteux.
Je suis fâchée., mon neveu , que mes très-humbles
remontrances vous contrarient si lorl ; mais je vous ai
déjà dil que je n’ai point de vocation pour rester en
tutelle sous trois générations successives , et je vous prie
de le trouver bon. Vous in avez émancipée vous-même,
en annonçant à la Cour que j ai quatre-vingt-dix ans;
et comment voudriez-vous q u’elle ne ratifiât pas une
émancipation aussi peu prémalurée! Vous avez élé le
maître chez vous quand vous l’avez voulu; ainsi vous
serez assez juste pour m accorder le m êm e privilège.
�( 23 )
D'ailleurs les Magistrats interviendront entre vous et
moi pour suppléer à votre bonne volonté , et vous
déterminer à faire le sacrifice de ce qui ne vous a p
partient pas.
Sig n é D E G R E I L , f . d. p.
M . e D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M . e C O S T E S , avoué-licencié.
A
R I O M ,
D E L ’I M P R I M E R I E D U P A L A I S , C H E Z J .- C . S A L L E S .
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Degreils, Marie. An 9?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Costes
Subject
The topic of the resource
successions
ferme
partage
Description
An account of the resource
Réponse de Marie Degreils au Mémoire de M. Degreils de Missiliac, son neveu.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 9
1786-Circa An 9
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
23 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0314
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
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Roupon (domaine du)
Bousquet (domaine de)
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Saint-Martin-sous-Vigouroux (15201)
Malbo (15112)
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Domaine public
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ferme
partage
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631c96a4009084c19508b208c739610f
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Text
P
R
É
C
I
S
P O U R
P i e r r e ES P A R V I E R D ’ E S T R E S S E S , appelans;
J o s e p h
et
C O N T R E
J ea n -H ugu e s
L
SAIN T-PO L ,
in tim é .
E sieur Saint-P ol veut v e n ir sous deu x titres incom
patibles à la succession de ses bisaïeux.
Son aïeule é toit
dotée par e u x , et il a demandé sa dot après leur m ort.
V i n g t - s e p t ans après l’avo ir o b te n u e , sans alléguer
aucune vo ie de nullité ni de rescision, il a intenté un
procès p ou r demander le partage de ces mêmes suc
cessions.
P o u r l’intelligence de cette demande et des diverses
contestations qui y ont pris leu r s o u r c e , il faut a vo ir
A
�( O
sous les j e u x le tableau g énéalogique des familles Esparvier
et Saint-Pol.
François Lavolpilière,
Françoise de Volonzac,
eurent huit enfans.
r
laris.
Anne Lavolpilière eut deux maris.
2°. François Esparvier de Lodière.
Pierre Bonafos.
François.
I
Anne.
Françoise,
religieuse.
Marc-Antoine
Esparvier.
|
Joseph
Esparvier.
Charles.
Françoise,
Gabriel
Saint-Pol.
I l
I I
I I .1
Quatre de ces enfans sont représentés
par Joseph Esparvier.
Jeanne,
Fr.de Touret.
P ie rre
Esparvier.
Appelons.
Jean-Hugues.
Intim é.
Françoise E sparvier fut mariée au sieur G ab riel SaintP o l le 24 n o vem bre 1718 .
Ses p ère et m ère lui cons
tituèrent en dot 4000 francs , dont m oitié p ou r biens
paternels. L e contrat porte quittance de 1700 francs, dont
700 francs en immeubles : il fut pris des termes p ou r le
surplus.
A n n e L a v o lp iliè re avoit fait un testament le 17 mai
1 7 2 0 , par lequel elle instituoit p our héritier M a rcA n to in e E s p a rv ie r, son iils du second lit. Ce testament
ne se trouve plus q u ’au répertoire du notaire; on ignore
i\ quoi attribuer sa suppression, à moins que l’éclaircis
sement n’en vienne des faits ci-apres.
M a rc -A n to in e Esparvier alla en Espagne, et y contracta
mariage sans l’agréincnt de son p ère; ce qui. lui valut
une haine constant# > q llc François E sparvier conserva
contre lui jusqu’au toinbcau.
�( 3 )
A n n e L a v o l p i l i è r e , sa m è r e , vo u lu t faire nn second
testament la veille de sa m ort : elle fit appeler le sieur
Costerousse, v ic a ir e , et des tém oins, le n ayril 1735*,
et elle dicta un testament par l e q u e l , après quelques
legs et augmentation de dot à ses enfans p u în é s , elle
instituoit p ou r ses héritiers universels Hugues B o n a fo s,
son fils aîné du prem ier lit , et M arc-A n toin e E sparvier,
son fils aîné du second lit.
M ais lorsque le vicaire, rédacteur de ce testam ent, en
cominençoit la l e c t u r e , le sieur François E s p a r v ie r ,
instruit de ce qui se passoit , entra brusquem ent dans
la cham bre de sa fem m e , arracha le testament des mains
du vicaire, et en empêcha ainsi la clôture.
H ugues Bonafos seul rendit p la in te , et un grand
nom bre de témoins furent entendus ; ils déposèrent ce
qui vient d’être dit.
A p r è s décret et in terrogatoire, le procès fut civilisé.
O n mit en cause toutes les parties nommées au testa
ment et intéressées à ce q u ’il fût m ain ten u , c’est-à-dire,
A n n e B o n a fo s, fille à F ran çois, Charles E sparvier, M arcA n to in e E s p a r v ie r , P ierre et Joseph la V o lp iliè r e , frères
de la testatrice.
C e procès fut considérable , et défendu avec chaleur.
François E sparvier disputoit même üi M a rc -A n to in e , son
iils, le droit de succéder à sa mère à aucun titre, com m e
m arié hors de F r a n c e , et ayant perdu la qualité do
citoyen français, suivant une ordonnance de L ou is X I V .
E n fin , le 7 mars 1 7 3 6 , intervint sentence sur procé
dures respectives , q u i , « ayant égard h ce qui résulte
« des dépositions des témoins ouïs dans les inform aA
a
�( 4 )
'tions des 14 et 17 mai 173 5 , condamne François
Espai'vier de L o d iè re à se désister de l’indue possession
et jouissance par lu i faite des biens meubles et im
meubles dépendans de la succession de ladite A n n e de
L a v o l p i l iè r e , son épouse , et en délaisser la libre
jouissance audit Jean-H ugu es B onafos, sieur D alozier,
et audit M a rc -A n to in e E s p a r v ie r , sieur de B la zè re ,
fils de ladite dame, e n q u a l i t é D E s e s h é r i t i e r s ,
avec restitution des fru its, suivant l’estimation qui en
sera faite par e x p erts, sauf à faire distraction sur la
totalité des biens de ladite succession, de la légitim e
telle que de d ro it, qui doit appartenir audit Charles
E s p a r v ie r , autre fils dudit François E sparvier, et de
ladite défunte A n n e de L a v o lp iliè r e ; et attendu la
voie de fait pratiquée p ar ledit François Esparvier \
et l’enlèvem ent par lui fait du testament de ladite A n n e
de L a v o lp iliè r e ,
son
ép o u se ,
le déclare décliu et
p riv é du legs à lui fait par ledit testament ; et avant
faire droit sur les conclusions prises par lesdits P ierre
et Joseph de L a v o lp iliè re o n cles, de mêm e que sur la
part et portion prétendue par ledit François Esparvier,
sieur de L o d iè r e , en conséquence du tra n sp ort,
cession ou subrogation q u ’il prétend lui avoir été
consentie par François de L a v o lp iliè r e , il est ordonné
que les parties contesteront plus a m p le m e n t, dépens
quant à ce réservés : François Esparvier est condamné
en tous les autres dépens. »
François E s p a rv ie rd e L o d iè re m o u ru t le 7 fé v r ie r i7 3 8 ;
et pendant le procès ci-dessus , il avoit fuit un testament
olographe, ab irato ; exprès pour déclarer q u ’il déshé-
�C 5 )
ritoit M a rc -A n to in e E s p a rv ie r, son fils; il institua p o u r
héritier universel Charles E s p a r v ie r , son fils cadet.
Celui-ci se porta héritier bén éficiaire, et fit inventaire
le 28 avril 1738.
Charles E sparvier ne tarda pas à décéder ; et p ou r
dédom m ager son frère de l ’exhérédation du père com
m un , i l l’institua héritier universel, par testament du 18
m ai 1 7 3 8 , et fit à Françoise E sp a rv ier, sa s œ u r; un legs
<le 300 francs.
Com m e les biens de Charles E sparvier p e se compor
soient que de la succession de F ra n ç o is, M a rc -A n to in e
E sparvier imita son f r è r e , en ne se portant q u ’héritier
bénéficiaire ; en conséquence il fit un inventaire le io s e p r
le m b re 1 7 3 8 , consistant au récolem ent du p ré c é d e n t,
et auquel il appela notamment le sieur S a i n t - P o l ,
com m e créancier.
A p r è s la m ort de François E sparvier et A n n e L a •volpilière, le sieur Sain t-P ol auroit eu le droit certaine
m ent de demander le partage de leu r succession ; mais
il avoit aussi la faculté de s’en tenir à la dot constituée
par le contrat de m ariage de 1718.
C ’étoit une option à faire qui décidoit de la qualité
d ’héritier ou créancier; l ’une com m e l ’autre ne perm ettoit plus de varier.
Gabr ie l S a i n t- P o l , m or t en 1738 , avoit institué sa
sœur héritière fiduciaire. E n cette qualité, elle assigna
M a r c - A n t o i n e Esparvier en qualité d ’héritier de ses père
et m è r e , par exploit du 28 juin 1 7 3 8 , po u r payer la
dot constituée à la dame S ain t -P o l, en 1718.
J e a n - Gabriel S a i n t - P o l , fils et héritier de Françoise,
�( 6 )
E s p a r v ie r , loin de ré p ro u v e r ladite d em a n d e, la reprit
lu i-m ê m e , en 1748 , contre M a r c - A n t o i n e E sparvier ;
il conclut au p a yem en t, i° . de 2300 francs p ou r le
reste à payer de la dot de son aïeule ; 20. de 300 fr.
p o u r le legs à elle fait par le testament de Charles Espar
v i e r ; 3 0. au payement d ’ une provision de i 5oo francs,
sauf, a jo u ta -t-il, réserve de demander le partage.
L e 2 septembre 1749 il obtint une sentence qui con
damne M a rc - A n to in e E sparvier à lui payer lesdites
sommes de 2300 francs et 300 fra n cs, et qui lui adjuge
une provision dq 5oo francs.
M a r c -A n to in e en avoit interjeté a p p e l, com m e ne
se croyant pas tenu à payer les 2000 francs constitués par
François E sp a rv ier, dont il n’étoit qu ’ héritier bénéfi
ciaire , du chef de Charles ; mais il se départit de cet /
appel au m oyen du traité ci-après.
*
1
• L e 9 décem bre 1 7 4 9 , les parties transigèrent. M arcA n to in e E sparvier paya au sieur Saint-Pol les 5oo fr.
de p ro v is io n ; et p o u r le payement du surplus de la dot
de Françoise E sp a rv ie r, m ère du sieur S a in t-P o l, M a rc A n to in e E sparvier lui délaissa des fonds à dire d’experts,
ou moyen de quoi les parties se tinrent respectivement
quittes; et le sieur S a i n t - P o l se réserva tous autres
droits que ceux de la sentence , exceptions contraires
demeurant réservées au sieur Esparvier.
P a r une contre - lettre du même jour il fut con
ven u que le sieur Saint-P ol rendroit lesdits héritages au
s i e u r E s p a r v ie r , m oyennant le payement de la somme
u lui d u e , suivant ladite sentence.
< M a rc-A n to in e
E sp arvier m ourut en
1761 , après
�C7 )
a vo ir institué
bénéficiaire.
J o s e p h , qui se porta encore héritier
L e 12 avril 1.765 , trente ans et un jo u r après le
décès d ’A n n e L a v o lp iliè r e , le sieur S a i n t - P o l assigna
Josep h E sparvier en partage, 1°. de la succession de
ladite L a v o lp iliè i’e, son aïeule; 20. de celle de François
E s p a r v ie r , son aïeul ; 3 0. de la succession de Charles
E sp a rv ie r, son oncle.
E n 176 8 , il obtint une sentence par d é f a u t , qui adjuge
ses conclusions.
L e sieur Saint-Pol avoit vendu à un nom m é Coste
rousse , en i 759 et 1 7 6 1 , un p ré à lui délaissé par le
traité de 1 7 4 9 ; mais il avoit eu la précaution de stipuler
aussi une faculté de ra c h a t, p o u r le reprendre quand
le sieur Esparvier le demanderoit.
Le
I er.
juillet 1 7 7 8 , Joseph E sparvier demanda en
effet au sieur S a in t-P o l l ’exécution de la c o n tre-lettre
du 9 décem bre 1 7 4 9 , et le désistement de l ’im m euble
délaissé par le traité du môme jour. P o u r éviter un
circuit d’actio n s, il assigna Costerousse en rapport.
L e 6 septembre 1 7 7 9 , „il intervint une sentence q u i
condamne Costerousse à se désister, à la charge par le
sieur Esparvier d ’acquitter au sieur Saint-Pol les sommes
à lui dues en vertu de la sentence du 2 septembre 1 7 4 9 ,
en payement
desquelles ledit
p ré lui avoit
été
d é
laisse; condamne S a i n t - P o l à la restitution des fruits
perçus pendant sa jouissance et celle de Costerousse, à
dire d’expert 5 ordonne enfin q u ’il sera fait compte et
�.
.
.
.
.
(
8 '}
compensation desdites sommes, et in térêts, avec les jouis
sances , jusqu’à due concurrence.
C e désistement à eu lie u ; la sentence de 1779 a été
e x é c u t é e , et Joseph E sparvier s’est remis en possession
du p ré délaissé pignorativem ent en 1749.
L o r s de la demande de 1 7 7 8 , le sieur Esparvier avoit
pris un autre c h e f de conclusions, fondé sur un acte
étranger a u x successions jusqu’alors en litige.
Françoise E sparvier et G ab riel Saint-Pol a voient eu
Jean -G abrlël et H ugues Saint-Pol. Celui-ci ayant passé
au service d’Espagne avant la m ort de ses père et m è re ,
Jüan-G abriël S a in t-P o l rég it tous les biens.
Hugues S a i n t - P o l, revenù en F ra n c e, fit à Joseph
E sparvier une cession de droits, sous seing p r i v é , en 1760 ;
puis en 1761 il en fit une seconde à son f r è r e , par acte
notarié.
Joseph E sp a rv ier, inform é de ce stellionat, s’en plaignit
à IIu gues S a in t-P o l, qui se repentit sans doute de l ’avoir
t r o m p é , et offrit de l’en dédom m ager autant qu’il étoit
1
en lui.
E n e ffe t , il rem it à Joseph Espnrvier les billets que
lui avoit faits J e a n -G a b r ië l S a i n t - P o l , son frè re , p ou r
p r ix de 6a cession de 1761 ; il sollicita des lettres de
rescision contre cette m êm e cession, et les rem it aussi
au sieur E s p a rv ie r; enfin il ratifia à son p ro fit, par acto
notarié du z 5 avril 1 7 6 9 ,5 a cession de 1 7 6 0 , et lui céda
tous ses droits rescindans et rescisoires contre celle de 1761,
C ’est en vertu de ce dernier acte que Joseph Esparv i c r , par la demande ci-dessus, du icr, juillet 1 7 7 8 ,5 e
subrogea
�( 9 ° . ,
subrogea à la demande en nullité et rescision de Hugues
S a in t - P o l, conclut à la nullité de la cession du 9 janvier
1 7 6 1 , et au partage des successions de G ab riel SaintP o l et Françoise Esparvier', avec toute reddition de
compte et restitution de jouissances.
L e procès fut appointé en droit.
L e sieur Saint-P ol donna une écriture le 27 février
178 3 , p ou r persister dans la demande en partage q u ’ il
avoit form ée en 1 7 6 5 , des'trois successions de François
Esparvier de L o d iè r e , A n n e L a v o lp iliè r e , et Charles
E sparvier-d’Estresses ; il dit q u ’il n ’existoit aucun testa
ment d’A n n e L a v o lp iliè r e , et que quand les informa
tions de 1735 en tiendroient lie u , le testament projeté
seroit nul p ou r n’avoir pas été lu à la testatrice et aux
témoins ; il a r g u a aussi de nullité le testament de Charles
E sp a rv ie r, du 18 mai 1738 , com m e n ’ayant pas été écrit
par le notaire ; enfin il soutint n’avoir point a p p ro u v é
la destination de légitim e faite à Françoise E s p a rv ie r,
par son contrat de mariage de 1 7 1 8 , sons prétexte des
réserves insérées dans sa demande de 1748^ 20. relati
vem ent à la cession d’Hugues S a i n t - P o l , il prétendit
que celle de 1769 étoit un s t e l l i o n a t , et qu’ il n’y avoit
pas lieu à rescision contre la cession h lui consentie
en 1 7 6 1 , parce que Hugues Saint-Pol avoit approuvé
les testamens de ses père et mère.
Dans les écritures en rép o n se, Joseph Esparvier dé
montra que le sieur Saint-Pol avoit parfaitement connu
les informations de 1 7 3 5 , et la sentence de 17 3 6 , lors
qu’ il avoit traité en 1 7 4 9 , et lorsqu’il avoit réclamé la
dot de sa m è re , au lieu de demander le partage.
33
�( 1° )
A l o r s , et par requête du n décem bre 1 7 8 3 , le sieur
Saiut-Pol forma tierce opposition à la sentence du 7
mars 1736.
Il demanda en outre la vérification d’écriture du tes
tament du 18 mai 1 7 3 8 , p our établir que la minute
n’ étoit point écrite de la main du notaire; il demanda
la même vérification du testament de Françoise Espar
v ie r , sa m è re , de 1 7 4 7 , p our établir que celui-ci étoit
écrit de la main du notaire.
Cette double vérification demandée par l ’adversaire fut
ordonnée par sentence du 28 février 1784.
L es choses restèrent en cet état jusqu’au 7 prairial
an 6 , que Joseph Esparvier assigna en reprise.
L e 17 floréal an 7 , le sieur Saint-Pol cita aussi en
reprise des demandes en partage par lui form ées; mais
paroissant revenir ù des prétentions plus justes, il de
manda subsidiairement l ’exécution de la sentence du 2
septembre 1 7 4 9 , portant payement de la dot, et une
provision de 3000 franps, attendu, d it-il, q u ’au moyen
de l’éviction de Costerousse il étoit redevenu créancier du
m ontant des condamnations de ladite sentence.
M ais cette m odération ne fut pas de longue d u r é e ,
et bientôt le sieur S a i n t - P o l
prétendit mêm e s’être
trompé en ne demandant q u ’ un quart de la succession
de François E s p a r v ie r , son a ïe u l, parce q u e , d i t - i l ,
M a r c -A n to in e ayant été déshérité par le testament dudit
F ra n ço is, et le testament de Charles Esparvier se trou
vant n u l, il en i*ésultoit que la succession dudiL Fi’ançois
E sparvier devoit se partager par é g a lité , et par tiers,
entre C h a rle s, Jeanne
et
Françoise E s p a r v ie r , sans
�( 11 )
com pter M nrc - A n to in e qui n ’avoit rien à recevoir.
T e l étoit l ’état de la procédure et 'des prétentions
respectives lors du décès de J ea n -G a b riël S a in t-P o l,
arrivé en l ’an 9.
L es demandes fui’ent reprises le 20 th erm idor an 10.
11 fut question de satisfaire à la sentence de 1 7 8 4 , et
de faire procéder à la vérification requise par Jean G abriël S a in t - P o l; mais son fils notifia, le 1 5 ventôse
an 1 2 , qu ’ayant pris communication des deu x testamens
de 1738 et 1 7 4 7 , il i-econnoissoit que son père avoit
erré sur tous les deux : que le testament de Charles
E sparvier étoit écrit de la main du notaire recevant ;
mais qu ’au contraire celui de Françoise E sparvier étoit
d’ une main é tra n g è re , d ’où il s’ensuivoit q u ’il étoit
inutile de faire ladite vérification.
' P a r requête du 13 messidor an 12 , le sieur Snint-Pol
changea absolument toutes ses conclusions précédentes.
N e pouvant plus com pter sur un tiers , ni mêm e sur
un quart de la succession de François E sp a rv ie r, sonbisaïeul, il vit bien qu’ une légitim e de rigueur seroit
fort inférieui’e aux 2000 francs de dot constitués par
le contrat de 1 7 1 8 , du ch ef dudit François E sp a rv ie r;
en conséquence il imagioa qu ’il p ou vo it reven ir u n e
seconde fois sur ses pas, et déclarer qu ’il se contentoit
des 2000 francs donnés de cet estoc , sans se départir'
néanmoins du partage de la succession d’A n n e de L a v o lpilière ; en conséquence il con clu t, i ° . au partage desi
biens d’A n n e L a vo lp ilière ; 20. à être mis hors de cou r
sur les autres demandes en p artage, et à ce que Josep h
E sparvier fût condamné ù lu i payer a o o e f francs pour.
B 2
�( 12 )
la dot constituée par François E sp a rv ie r; 30. à lui payer
5 o francs p ou r le legs fait à la dame S a in t-P o l, par ledit
François E sp a rv ie r, par son testament du 3 août 173^»
4°. à lui payer 300 francs p ou r le legs fait à ladite dame
S a in t - P o l, par Charles E sp a rv ie r, suivant son testament
du 18 mai 1738.
Cette variation continuelle de conclusions et de m oyens,
et ce retour p o u r moitié à la sentence du 2 septembre 1749*
ne de vo ien t se r v ir, ce sem ble, qu ’à ramener les choses à
leu r prem ier p o in t; car cette sentence ne p ou vo it pas
être en partie chose ju g é e , et en partie chose inutile,
vis-à-vis celui-là même qui l’avoit sollicitée. Cependant
la cause ayant été plaidée au tribunal civ il de Saint-Flour,
le sieur Saint-Pol réussit dans tous les points.
L e jugement dont est ap pel, du 21 mars 1807, a besoin
d’être connu dans ses motifs , dont le grand nom bre est
une p reu ve assez claire de la peine q u ’ont prise les pre
miers juges p ou r donner quelque couleur à leur décision,
à force de raisonnemens.
C o n s id é r a n t q u e la p r e u v e d e la s u p p r e s s io n <Tun te s ta m e n t p e u t ê tr e fa ite
p a r t é m o in s , p a r c e
que c ’ e st u n p u r f a i t , m ê m e u n fa it q u i t ie n t d e la nature
du c r i m e , d o n t la p r e u v e n e p e u t ê t r e fa ite c o m m u n é m e n t q u e p a r té m o in s ;
Considérant qu’une preuve de ce genre doit être faite avec toutes les parties
Intéressées, pour pouvoir leur être légalement opposée ; qu’ainsi si celui qui
demande à faire cette preuve n’a d autre objet que d obtenir des dommagesintérêts contre l’auteur de la suppression du testament, et de le faire priver
de l’avantage que ce testament contenoit à son profit, il suffit qu’elle soit faite
contradictoirement; mais que si elle a également pour objet de faire remplacer
le testament supprimé, par la déposition des témoins, elle doit être faite avec
tous les héritiers présomptifs du testateur;
Considérant que ces principes ont été même reconnus dans l’instance, puisque
le sieur Dalozier, un des héritiers institués par le testament enlevé, appela dan*
la cause terminée par la sçütcnçc de 176 6 , non-seulement les enfans du pre-
�( i3 )
mier lit ¿ ’Anne de Lavolpilière, testatrice, mais encore 'Charles Esparvier-d’Estresses, un des enfans du second lit; d’où il suit que conséquemment au prin
cipe reconnu, il eût dû également appeler en cause, et la dame de T o u rret,
et la dame de Saint-Pol, comme héritiers présomptifs de ladite Anne de LavoJpilière, leur mère;
Considérant, sous ce rapport, que la dame de Saint-Pol n’ayant pas été
partie dans la sentence de 17 6 6 , eût été recevable à y form er tierce oppo
sition; que l’information convertie en enquête ne faisant pas foi à son égard,'
elle eût pu reprocher les témoins, contre-enquêter, demander même une nou
velle enquête; q u e cep end ant le s circon stan ces et les tem ps écoulés d ep u is
exig en t qu'aujourd'hui on ajou te f o i à la d ép o sition d es tém o in s, dès qu’à
raison de leurs dires il n’ est plus possible de les faire entendre de nouveau ;
Considérant que si la dame de Saint-Pol eût été recevable à demander tierce
opposition à la sentence de 1756, ses héritiers ont eu et ont incontestablement
le même d roit; qu’il ne peut résulter contre eux aucune fin de non-recevoir,
de ce que le sieur de Lodière , père de la dame de Saint-Pol, étoit partie
dans la sentence , soit que dans l’état a c tu e l de l’instance le sieur de SaintPol ne procède pas comme son h éritier, et s’en tient à la destination de
légitime faite à la dame de S a in t-P o l, sa fille , soit parce que la présence du
sieur de Lodière dans l’instance terminée par la sentence de 173 6 , n’empèchoit pas que la dame de Saint-Pol devoit y être appelée, celle-ci devant
l ’être comme héritière présomptive d’Anne de Lavolpilière , et le sieur de
Lodière l’ayant été pour les dommages et intérêts auxquels l’exposoit la voie
de fait par lui commise;
Considérant que si le sieur de Sain t-P ol est recevable à former tierce
opposition à la sentence de 17 3 6 , cette opposition peut être au fond bien
ou mal fon d ée, suivant que les dispositions testamentaires de la dame do
Lavolpilière, suppléées p a rla déposition des t é m o i n s , seront ou non jugées
valides et régulières;
Considérant qu’à cet égard il est juste de distinguer les formalités inobservées par le fait de l’enlèvement et suppression du testament , de celles
qui proviendroient du fait de la testatrice, ou de l’officier public chargé de
la rédaction du testament, et qui se trouveroient constatées par la déposition
des témoins; que s’il n’est pas juste que les héritiers institués souffrissent du
fait d’autrui et de l’inobservation de quelques formalités empêchées par l’en
lèvement du testament, il ne seroit pas juste non plus qu’ils se fissent un titre
pour déclarer valide un testament qui, avec l’accomplissement des formalités
empêchées, se trouveroit nul d’ailleurs par d’autres vices indépendans de la
voie de fait commise ;
Considérant qu’avant d’examiner si les dispositions testamentaires constatées
�( 14 )
par la déposition des tém oins, sont ou non valides et régulières sous' le rapport
précédemment envisagé, il convient d’examiner préalablement s i, comme le
prétendent les sieurs de Píiulhine , le sieur de Saint-Pol ou ses auteurs ont
approuvé et acquiescé á ces mômes dispositions ;
Considérant, quant à ce qu’on ne peut approuver ce qu ’on ne connoît
pas, qu’à l’époque de la sentence du a septembre 174 9, et du traité du 9
décembre de la même année, la sentence de iySG n’avoit pas été notifiée au
sieur de S a in t-P o l; qu’elle ne le fut qu’en 1779, long-tem ps après la de
mande en partage formée par le sieur de Saint-Pol ; que lors des sentences et
traité de 1749, il ne s’agissoit point d’une destination portée par le testament
d’Anne de Lavolpilière, mais de la constitution de dot faite à la dame de St.P ol, par son contrat de m ariage; qu’en réclamant le payement de cette dot,
le sieur de Saint-Pol ne donna point au sieur de Paulhine la qualité d’héritier
testamentaire de sa mère , mais la simple qualité d'h éritier et biens tenant d e
sa su ccession ; que lorsque le sieur de Paulhinc-Esparvier prétendit que la
qualité d’héritier testamentaire a lui attribuée par sentence , dont il ne donna
ni date ni copie, étoit suspendue par la voie de l’appel qu’il dit avoir in
terjeté de cette sentence, le sieur de Suint-Pol se restreignit à suivre l’effet
de la demande contre ledit de Paulhine, en la seule qualité de biens tenans
de sa succession ;
Q u’à la vérité tous le s droits du sieu r d e S a in t-P o l étant ouverts p a r le
d ècès d es père e t mère de la dame de Saint-Pol, le sieur de Paulhine eût pu
repousser sa demande, en le forçant à prendre qualité, à se dire et porter héri
tier, ou à renoncer à cette qualité, pour s’en tenir à la destination et constitution
dotale, dont le payement étoit réclam é; mais q u e , au lieu de cela, le sieur
de Paulhine, défendant à la demande par d’autres m oyens, fu t constamment
averti que le sieur de Saint-Pol n entendoit approuver aucunes dispositions
testamentaires , puisqu’il se fit constamment des reserves de se pourvoir en
partage de la succession de la dame de Lavolpilière ;
Considérant enfin que ces réserves expresses consignées dans l’acte de reprise
au g re ffe , du 6 décembre 1748» dans la requête du même jour, dans celle
du i*r. février 1749 > dans la signification de la sentence du 2 septembre
17/ff) , et encore i n d i r e c t e m e n t , dans le traite du g décembre de la mémo
année, excluent toute idée d’approbation de la part dudit sieur de Saint-Pol, d’où
il s’ensuit qu’il est r c c c v a b l c à proposer et faire valoir les nullités dont
peuvent ótre viciées les dispositions testamentaires ;
Considérant à cet égard que sans examiner si avant l’ordonnance de 1 7^5 ,
l e testament devoit ótre dicté et écrit en présence des'témoins, comme sembla
l’exiger l’arrét rapporté par H eiirys, rendu en forme de règlem ent, contre
le* notaires du F o rez, ou s’il suffisoit que les témoins fussent présens, pour
�( i5 )
tm'iir la lecture du testament, en présence du testateur, il est au moins certain
q u e, dans ce dernier cas, le testateur devoit, en présence des tém oins, dé
clarer que le testament lu étoit sa dernière vo lon té; qù’il est constant que
cette déclaration de la dame de Lavolpilière n’est attestée par aucun tém oin,
si ce n’est par le vicaire Costerousse, qui ne dit pas encore qu’elle ait été
faite après l’ expulsion et le départ des témoins; qu’il est également constant
qu’elle ne peut ê t r é suppléée par la réquisition faite par e lle au vicaire Coste
rousse, de faire lecture du testament; que cette déclaration devoit être re
nouvelée après la le cL u re , o u a u moins , dans l’espèce , a u moment où le
testament fut enlevé des mains du vicaire, comme ce dernier le donne à’
entendre dans sa déposition ;
C o n s i d é r a n t enfin que la déclaration du vicaire ne suffit pas pour constater
l’observation de cette essentielle form altié, qu’il faut encore celle de tous
les témoins ;
Considérant que ce vice n’est pas le seul dont fussent infectées les dispo
sitions de la dame de Lavolpilière ; qu’elles l’étoicnt encore du vice de prétérition, en çe que la testratrice n’avoit pas rappelé les dames de Tourret et
de Saint-Pol, ses filles; que la déposition du vicaire à cet égard est encore
contraire à la déposition uniforme de tous les autres tém oins, qui auroient
aussi bien dû retenir les legs faits aux dames de Tou rret et de Saint-Pol»,
que tous les autres legs qu ils mentionnent dans leurs dépositions; qu’au surplus y
d’après même la déposition du vicaire , le legs fait aux dames de Tourret et
de Saint - P o l, ne l’auroit pas été à titre d’institution d’héritier , à la différence
du legs fait au chevalier d’Estresses, également rappelé et par le vicaire et par,
tous les témoins ;
C o n s i d é r a n t que cette prétérition eût di\ suffire et suffit'encore pour faire
annuller les dispositions de la dame de Lavolpilière ; que dès-lors les sieurs de
Paulhine et Dalozier ont été mal à propos c o n f i r m a s ses héritiers par la
sentence de 17 3 6 , et qu’ en recevant le s i e u r de S ain t-P o l tiers-opposant
à ladite sentence, il y a lieu d’ordonner à son profit le partage de la suc
cession, comme ouverte ub intestat.
■E n ce qui touche le payement de la somme de 2000 francs pour la légi
time paternelle de Françoise Esparvier, aïeule du sieur de Saint-Pol, et du
legs de 5o francs à elle fait par le testament du sieur de Lodièrc ;
Considérant qu’outre que le sieur de Paulhine ni le sieur Esparvier do
Blazèdes n e se sont dans aucun temps légalement pourvus contre le te s ta m e n t
du sieur d e Lodière, d u 3 août 1735, ils s e r o ie n t non recevalles, comme l’eût
¿té le sieur d e Blazèdes, leur auteur, à l ’a tta q u e r de n u llit é , ledit d e Blazèdea
¿tant héritier pur e t simple d u sieur E s p a r v ic r - d ’ E s tr e s s c s , son fr è r e ; que
lui-méme avoit a p r o u v é le testament; quoiqu’il eût déclaré ne vouloir accepter1
�(i6)
l’hérédité que sous bénéfice d’inventaire, la succession à lui déférée par*
ledit testament;
Q ue les sieurs de Paulhine n’ayant pas plus de droit que le sieur de Blazèdes,
leur père et aïeul, et celui-ci que le sieur Esparvier-d’Estresscs, son frère ,
ne pouvoient, sous prétexte de l’inventaire fait à la requête dudit sieur d’Estrcsses,
en 173H, après le décès du sieur de L od ière, se prétendre simples héritiers
bénéficiaires de ce dernier, puisque lesdits sieurs d’Estresses n’ont pas usé
dudit inventaire v is -à -v is de la dame de Saint-Pol, sa sœ u r, so it pour ne
l'a v oir ap pelée à l'inventaire com m e créancière de la succession, soit pour
avoir compris dans ledit inventaire le mobilier de la succession d’Anne de
LavoJpilière , n’avoir pas distingué celui propre et personnel au sieur de
Lodière , et s’étre emparés de tout confusément ; jouissance et confusion
qui s’est perpétuée tant dans les mains du sieur de Blazèdes que dans celles
du sieur de Paulhine ;
Q ue la sentence de 1749 n’avoit condamné M arc-Antoine Esparvier, sieur
de Blazèdes, au payement de la dot de la dame de Saint-Pol, qu'en q u a lité
d ’ h éritier et bien tenant d’Anne de Lavolpilière, et ce à raison de la solidarité
d’obligation portée par le contrat de mariage de la dame de S a in t-P o l, et
qu’ elle ne prononce contre lui aucune condamnation, comme héritier du sieur
de Lodière ;
Considérant que l’effet de la condamnation portée par ladite sentence de
174 9 , n’étant plus qu’ un objet de rapport au partage de la succession d’Anne
de Lavolpilière, les héritiers de la dame de Saint-Pol ne peuvent être privés
du droit de requérir contre les héritiers du sieur de Lodière, la condamnation
tant du legs porté par son testament au profit de la dame de Saint-Po!, que de
la dot qu’il lui avoit constituée en la m ariant, et de reprendre, quant à la
d ot, l’effet de la demande qu’ils en «voient formée en 1748, dès qu’ils se dé
partent de leur demande postérieure au partage de lu succession du sieur de
Lodière.
En ce qui touche la demande en payement du legs de 3oo francs, porté par
l e d i t testament d e Charles E s p a r v i c r - d ’ E s t r e s s e s ;
Considérant que la sentence de i 74D 11 cn Pron°nce pas la condamnation ;
que sur la demande qui cn avoit été formée en 1748, elle ordonnoit, à cause
des qualités contestées, une plus ample instruction ;
C o n s id é r a n t , à c e s u j e t , q u e M arc-Antoine Esparvier d e Blazèdes n ’a y a n t
p a s f a it fa ir e d 'inventaire au décès de feu Charles Esparvicr-d’ Estresses, n’a pu
ïe d ir e e t p r é t e n d r e ê tr e s o n h é r it ie r b é n é fic ia ir e ; q u e l u i , e t après lu i les sie u rs
de Paulhine, n e p e u v e n t a v o ir d ’ a u tr e s qualiLés q u e c e lle s d ’ h é r itie r s p u r s e t
s im p le s d u d it c h e v a lie r d ’ E s trcs sc s ; q u e la d e m a n d e c n c o n d a m n a t io n c o n t r e
eux r e p r is e , à fin d e p a y e m e n t d p le g s d e 3oo francs, esi. b ie n f o n d é e , d è s
que
�C *7 )
sieur de Saint-Tol Se départ de la demande e n partage que lu i o u ses
auteurs avoient formi-e de la succession dudit d ’Estresses, sous prétexte de
nullité du testament de ce dernier; que le sieur de Saiiit-lJol ne doit encourir
d’autres peines, à cet égard, que celle des dépens mal à propos occasionnas
par ladite demande en partage.
. E n ce qui touche la demande du sieur de Paulhine, à fin de nullité de la
cession faite à Jean-Gabriël de Saint-Pol par Jean-Hugues de S ain t-P o l, son
frè re , le g janvier 17 6 1, et à lin de partage des successions de père et m ère,
frère , oncle et tante dudit sieur de Saint-Pol ;
Considérant que l’acte de 17^1 renferme l’approbation la plus expresse des
testaméns d e s père et mère dudit cédant; que la nullité du testament du père,
résultante de ce qu’il avoit été reçu par M. le curé, postérieurement à l’ordon
nance de 1735, éto if une nullité apparente, qui devoit être d’autant moins
q u e le
ignorée de Jean-Hugues de S a in t-P o l, cédant, que M arguerite de Saint-Pol,
sa sœur, femme Azalbert, l’avoit déjà fait prononcer par arrêt rendu en 1749,
ainsi que l’ont annoncé les sieurs de Paulhine eu x-m êm es; que la nullité du
testament de la mère , résultante de ce qu’il n’est pas écrit de la main du notaire
recevant, pouvoit être considérée comme une nullité cachée; mais que c’ est
ici d’autant plus le cas de l’application de l’arrêt invoqué par le sieur de SaintP o l, rapporté par Chabrol, sur l’articlc 5o du titre ta de la coutume d’A u
vergne, rendu en semblables espèces, en i 76 8 , contre un sieur de Lavolpilière,
au profit du sieur de Chambona, qu il n’est ni c o n s t a n t ni vraisemblable que
Jean-Hugues de Saint-Pol n’ait eu connoissance de cette nullité qi,ic postérieu
rement à l’acte de 176 1, soit qu’on ne s’en est pas fait un moyen dans les lettres
de rescision prises sous son nom-, soit parce qu’il avoit les moyens de consulter
les minutes, puisque la quittance qu’il avoit antérieurement fournie à son frère,
le 14 mars 1769, d’ une somme de y 58 francs, à compte de ce qui lui avoit été
légué par le testament de ses père et m ère, attestant qu’il en connoissoit, et
la date, et le nom de ceux qui les avoient r e ç u s , soit enfin que d’après les
termes de l’acte de 1761 il est évident que Jean-Hugues de Saint-Pol n’avoit pas
seulement entendu approuver et céder les droits résultans en sa faveur des testarnens, mais tous scs droits successifs, d’après les anciens principes confirmés
par le Code c iv il, l’acte de 1761 n’est pas même susceptible de rescision pour
cause de lésion ;
Considérant encore que l’acte de cession de îyfîi > comme premier en d a te ,'
oit l’emporter sur celui de 176g, nu sieur de Paulhine, par Jean-Hugues de
,aint-Pol; que ce dernier acte suppose une première cession faite au sieur de
Paulhine, sous la date de 1760, dont l’existence à cette époque est d’autant
plus suspecte, qu’oulre que rien ne la constate légalement, c ’est qu’elle préjenteroit Jcan-Iiugues de Saint-Pol comme un stcüionatairc sans pudeur, qin
C
�fi8 )
fa r trois fo ’s se scroit alternativement fait un jeu de tromper son frère, et le
ticur de Paulhine, son cousin, sans cependant qu’aucune des parties ait osé
donner une telle idée de son caractère; que si la première cession de 1760 eût
existé , le fieur de Paulliine se fût empressé de l’opposer à la demande en par
tage du sieur de Saint-Pol, dès qu’elle fut formée; qu'enfin les termes de l’acte
de 176.9, les circonstances dans lesquelles la cession qu’il renferme a été re
cherchée, l’intervention de Jean-Hugues de Saint-Pol, même après la cession
fuite au sieur de Paulhine , la modicité du prix de cette cession , comparé à
celui de la cession de 1761 , le besoin que crut en avoir le sieur de Paulhine
pour combattre et atténuer la demande en partage formée contre lu i, tout
fait présumer qu’elle fu t feinte et simulée, ou que si elle fut réelle, elle ne fut
que le fruit de la suggestion et de la captation ; d’où il résulte que sans s’arrêter
à l’ acte de 17^9, les demandes, soit en rescision de l’acte de 1761 , soit à fin
de partage de la succession de la famille de Saint-Pol, doivent être rejetées.
Finalem ent, en ce qui touche la demande en provision de 3ooo fr. , formée
par ledit sieur de Saint-Pol ;
Considérant qu’ il est certain que scs auteurs ont perçu diverses sommes à
compte de la constitution de dot de Françoise Esparvier, son aïeule, ou intérêts
d’icclles; que sous ce rapport il est censé pourvu ; mais qu’au lieu d’une simple
destination de légitim e, ayant droit au partage égal d’une succession ouverte
dès 173 5 , les sommes reçues peuvent n’être considérées que comme une pro
vision insuffisante, si les contestations qui divisent les parties doivent encore
se prolonger.
Par ces divers m otifs,
L e tribunal faisant droit aux parties, sans s'arrêter ni avoir égard à la cession
prise par Joseph Esparvier, de Jean-Hugues de Saint-Pol, le 25 avril 176g, aux
lettres de récision prises sous le nom dudit de Saint-Pol, contre autre cession
par lui faite le 9 janvier i j Gi > a Jean-Gabriël do Suint-l’ol , son frè re , ni
à la demande en entérinement desdites lettres, formée sous le nom dudit
de Saint-Pol, au ci-dcvant bailliage de V ie , et reprise en ce tribunal par ledit
de Paulhine ; sans s’arrêter pareillement aux demandes de Joseph et Pierre
Esparvier, père et fils, tant à fin de nullité des testamens de Gabriel de SaintPol du Chnyla, et de Françoise Esparvier, son épouse, qu’à fin «le partage de
leurs successions, ainsi que de celle «le Iloch de Saint-Pol, Gabriel, FrançoiscBlizabelh et Anne de Saint-Pol; de toutes lesquelles demandes, fins et con
clusions lesdits Esparvier de Paulhine, pore et fils, sont déboutés; faisant droit
sur la demande contre eux form ée, à fin de jwrtage de la succession d’Anne de
la Volpilière , aïeule et bisaïeule des parties, reçoit, en tant que de besoin,
Jean-Hugues de Saint-Pol, lils et héritier de Je«n-Gabrü:l , tiers opposant n la
sentence du bailliage de V ie , du 6 mars 1756, qui a déclaré Charles Esparvier
�C T9 )
3 e Blazèdes , et Agnès de Pdnafos-Dalozier, héritiers testamentaires de ladite
Anne de Lavolpilière, déclare quant à ce ladite sentence nulle et comme non
avenue; ce faisant, condamne ledit Joseph Esparvier, et Pierre Esparvier fils,
et son donataire , tenancier des entiers biens de la succession d’ Anne de La
volpilière, à venir à division et partage avec ledit de Saint-Pol, de tous les biens
meubles et immeubles provenus de ladite succession, savoir du mobilier suivant
l ’inventaire qui en a été fait ou dû être fait à l’épo'que du décès d’Anne de La
volpilière, sinon, suivant l’état quclesdits dePaulhine seront tenus d’en fournir,
sauf tous contredits, même toute preuve en sus, et des immeubles en nature,
dans les formes voulues par le Code c iv il, pour du tout en être fait six lots
égaux , et l’un d’eux délaissé par la voie du sort audit de Saint-Pol, par re
présentation de Françoise Esparvier, son aïeule, avec restitution des fruits
et jouissances des im m eubles, et intérêts du mobilier , depuis le décès de
ladite Anne , et intérêts d es intérêts à compter de la demande formée au
bailliage de V ie , le 12 avril 17 6 5 , à la charge toutefois par ledit sieur de
Saint-Pol de rapporter audit partage ce qui sera établi avoir été par lui ou
scs auteurs perçu, tant en capital qu’intérêts, de la dot constituée à Françoise
.Esparvier, dans son contrat de mariage avec Gabriel de Saint-Pol du Chayla',
<lu ch ef d e là dame Anne de Lavolpilière, sa mère.;
O r d o n n e que jjour parvenir audit partage, estimation préalable des im
meubles sera faite par un ou trois experts dont les parties conviendront, dans
les trois jours de la signification dtr présent j u g e m e n t ; et faute par les parties
d ’ en convenir dans ledit délai , ordonne qu’il sera procédé à l a d i t e estima
tion par les sieurs Chyrol, Daude et R od ier, experts que le tribunal nomme
dès à présent d’office; lesquels experts procéderont à la division ci-dessus
ordonnée, pour être ensuite les lots formés de la manière voulue par le Code
civil , et estimeront en outre les dégradations et améliorations si aucunes
existen t, et encore année par année la restitution des jouissances du sixième
revenant audit de Saint-Pol, et ce depuis Je décès de ladite Anne de Lavol
pilière ; qu’ il sera procédé au partage ci-dessus, devant M, Loussert, jugccominissaire nommé à cet effet; qu’ il renverra ensuite, s’il y a lieu, les
parties devant tel notaire qu’ il avisera, et qui recevra le serment des experts ;
Au surplus, donne acte à toutes les parties de ce que ledit Jean-Hugues
de Saint-Pol s’est d ép a rti d es d em a n d es en partage formées au bailliage de
[Vie , tant de la succession de François de Lodière et de Charles EsparvicrU’ Estresses ; ce faisant, déboute ledit de S ain t-P o l desdites demandes en
partage ; et statuant sur les conclusions par lui prises le 3 messidor an 1 2 ,
précédemment prises au bailliage de V i e , et sur lesquelles la sentence de
1749 avoit sursis à faire d ro it, condamne lesdits Esparvier de Paulhinc,
père et fils ,
comme h éritiers purs e t sim p les de l'rançois Esparvier i[q
�(
20
)
Lodière , par représentation de Charles Esparvier-d’Estresses', à payer audit
de S.iint-Pol, en derniers ou quittances valables, la somme de 2000 francs,
formant Ja dot paternelle constituée par ledit François de Lodière à
Françoise Esparvier , sa fille , par son contrat de mariage avec Gabriel de
Saint-Pol du Chayla , avec intérêt de cette somme depuis la demande origi
naire qui en fu t formée au bailliage de V ie ; 20. celle de 5 o francs, montant
du legs fait à ladite Esparvier, épouse de Gabriel de S a in t- P o l, par ledit
François Esparvier de L odière, par son testamant du 3 août iy 5 5 , pareille
ment avec intérêt de ladite somme, depuis la demande qui en a été formée le
l 3 messidor an 1 2 ; condamne en outre lesdits Esparvier, comme héritiers
■purs et sim p les de Charles Esparvier-d’Estresses, par représentation de M arcAntoine Esparvier de Blazère, ¿p ayer audit de Saint-Pol, en deniers ou quit
tances valables, la somme de 3oo francs, montant du legs fait à ladite Espar
vier, épouse de Gabriel de Saint-Pol du Chayla, par ledit Charles Esparvierd’Estresses, son frère, par son testament du 18 mai iy 3 8 , avec intérêt de
ladite somme, depuis la demande originaire qui en fut faite au bailliage de V ie ;
C o n d a m n e e n f i n lesdits E s p a r v i e r , père et iils, en tous l e s dépens faits tant au
bailliage de V ie qu’au tribunal civil du département du Cantal, qu’en ce siège*
moins toutefois le cinquième des dépens, depuis la première demande du
partage, formée au bailliage de V ie , jusqu’au 3 messidor an 12, époque à la
quelle ledit de Sain t-P ol s’est départi des demandes en partage des succes
sions de François Esparvier de Lodière et de Charles Esparvier-d’Estresses;
lequel cinquième des dépens , ensemble le coût entier de la sentence du
bailliage de V ie , de 1784* demeurent à la charge dudit de Saint-Pol, suivant
la taxe qui e n sera faite en l a manière ordinaire ;
E t en cas d’nppel du présent jugement , fait audit cas provision audit de
Saint-Pol de la somme de mille livres ;
Ordonne que le présent jugement sera exécuté nonobstant l’appel, et sans
y préjudicier;
S u r le s u r p lu s d e s d e m a n d e s , fin s e t c o n c lu s io n s d e s p a r t i e s , le s m e t h o r s
d ’ in stn n e e.
Sur l’iippel de ce jugem ent, la cour a confirmé la dis
position relative à la provision.
A u jo u r d ’hui le sieur S t.-P o lse trouve payé absolument
de la dot de 4000 francs et des deux legs de 360 fraucs.
E n e f f e t , i° . son aïeul a reçu 1700 francs en argent,
ou biens fonds, dont l ’adversaire est encore détenteur;
�(
21
)
2 °. Son père a reçu 1225 francs, ainsi qu ’il est reconnu
en la sentence du 2 septembre 1 7 4 9 ;
3 0. Il a reçu encox-e une somme de
5oo
francs, suivant
le traité du 9 décem bre 1 7 4 9 ;
4 0. 11 étoit débiteur de Hugues Saint-Pol de 82 0 francs;
et Hugues Saint-Pol ayant cédé cette créance à Josepli
E s p a r v ie r , c e lu i- c i, porteur des effets, a le droit sans
difficulté de les opposer en compensation ;
5°. Il étoit débiteur des jouissances du pré et cham p
abandonné en 1749 , depuis ladite époque jusqu’au désis
tement ordonné par la sentence de 1 7 7 9 ; ces jouissances,
à 200 francs par a n , se porteront à 6000 fran cs, sauf la
déduction des intérêts dûs à l ’adversaire suivant ladite
sentence ;
6°. L e sieur E sparvier est porteur de quittances ou
billets pour prêts signés p n rle sieur Saint-Pol p è r e , p o u r
la somme d’environ 700 francs.
A in s i l’adversaire est nanti d’ une somme de 10945 fr.
lorsqu’ il demande un partage.
Il demande ce partage après avoir demandé et fait
payer une dot constituée à sa bisaïeule.
Sans doute si cette sentence avoit été obtenue pendant
la vie de ceux qui ont constitué la d o t, elle ne seroit
pas une fin de non-recevoir contre l’adversaire.
Mais c’est après la m ort de ceux qui ont fixé cette
d o t , qu’elle a été d em and ée, obtenue et p ayée; dès-lors
il faudroit oublier tous les principes p our admettre le
sieur Saint-Pol à revenir par une nouvelle a c tio n , in
com patible avec la première.
�( 22 )
E n effet, quand une succession s’o u v r e , tous les enfans
du défunt ont le droit d ’y ve n ir par action en p artage,
ou par action en payement de la dot ou légitim e fixée
p a r le défunt.
Dans le prem ier cas , on est héritier et chargé des
dettes ; dans le second cas , on est créancier, et affranchi
Lde toutes charges héréditaires.
Celui qu i ne se présente que p o u r réclam er une dot
con ven tio n n elle, q u i agnovit ju d iciu m d e fu n c ti, ne peut
plus ensuite se présenter com m e héritier et demander un
partage.
Seulement s’ il prétendoit n’a vo ir p a s , dans ce qu’ il a
r e ç u , une légitim e de r ig u e u r , il pourroit la demander;
mais son action ne seroit pas changée ; car ce seroit
encore à titre de créancier q u ’il viendroit à la succession,
et la demande en partage ne lui seroit pas ouverte.
Ici le sieur S a in t-P o l, à l’époque où il pou vo it opter,
après la m ort d’A n n e L a v o lp ilière et François E sparvier,
a choisi la qualité de créancier ; il a forcé Yhéritier de
le payer.
Com m ent auroit-il p u rester lui-m êm e héritier après
cette demande ? Il auroit été son p rop re débiteur.
L e sieur Saint-Pol a donc renonce au droit d’être coh é
ritier , dès l’instant q u ’ il s’est présente contre lh é r itie r
p o u r être payé d’une dot due p a r la succession .
E n vain a-t-il fait des réserves dans des procédures où,
le plus so u v e n t, elles sont de style : ces réserves étoient
démenties par sa demande m êm e, et elles ne peuvent le
relever de son p rop re fa it, qui les rend inutiles : Facta
potentiora su n t verbis , et actu s p rotestation i cojitra riu s
tolllt protcslationenix
�( *3 )
L e sieur Saint-Pol dira-t-il que lors du procès de 17 48 ,
il ne connoissoit pas l’étendue de ses droits ?
M ais on voit par une écriture signifiée par*le sieur
S a i n t - P o l , le 12 avril 1 749, que le procès
mations de 1 7 3 5 , lui étoient conn u s, ainsi
tence de 1736.
D ’ailleurs la sentence de 1748 règle ses
so llicité e, il ne l’attaque pas. 11 l ’a exécutée
et les infor
que la sen
droits; il l’a
par le traité
de 1749 ; et ce traité lui-m êm e n ’a point été attaqué dans
les dix ans.
Ce silence du sieur S a i n t - P o l n’étoit pas un simple
oubli.
A lo r s la
succession étoit
poursuivie par des
créanciers. L e sieur L a c a rriè re , ancien adjudicataire des
biens , ne les avoit rendus qu ’à la charge d ’être rem
boursé de t o u t ; il p o u vo it se remettre en possession;
et voilà pou rqu oi le sieur Saint - P o l laissoit tous les
dangers à la charge de l’héritier. L e sieur saint-Pol étant
m êm e assigné hypothécairem ent par le sieur L a c a r r iè r e ,
com m e détenteur d’immeubles à lui abandonnés p ar
le contrat de 1 7 1 8 , assigna en recours M a r c - A n t o i n e
E s p a rv ie r, et ainsi il se mit à l’abri de toutes recherches.
C ’est seulement après que ces dangers ont passé à force
de démarches et de sacrifices, q u ’il est venu a d p a ra fa s
e p u la s , renier la qualité qu ’il avoit prise p o u r se dire
héritier.
L e sieur S a in t-P o l, qui nedisputoit pas en 1748 au sieur
E sparvier la qualité d ’h éritier en ve rtu de la sentence
de 17 3 6 , veut aujourd’hui la contester, et p o u r cela il
form e tierce opposition à cette sentence.
P eu t - il y être éc o u té , après avoir connu et discuté
cette sentence avant le traité de 1749 ?
�( M )
Est-il môme recevable dans sa tierce opposition, sous
prétexte qu ’ il a dû être appelé à la p ro c é d u re ?
Il s'agissoit de la poursuite d’ un délit; les seuls intéressés
étoient d’une part l’auteur de la suppression du testament,
et d’autre p a r t, ceux qu i étoient nommés dans ce testa
m en t et qui perdoient à sa suppression.
L a dame Saint - P o l , dotée au-delà m êm e des forces
actuelles de la succession , n ’avoit pas d’intérêt d’être
appelée à discuter cette suppression.
Sa dot étoit présumée de droit la rem p lir de sa p ortion ;
et d’ailleurs elle n’étoit pas réputée héritière tant qu’elle
ne renonçoit pas ù cette dot. Com m ent d’ailleurs le sieur
S a i n t - P o l peut-il attaquer une sentence qui a passé en
force de chose jugée v is -à -v is François E s p a rv ie r? Il a
procédé comme héritier dudit E sp a rv ie r, depuis i j 65
jusqu’au 13 messidor an 1 2 , qu ’ il a changé ses conclusions.
O r , la qualité d’héritier est indélébile.
A u x’este, quand la sentence de 1736 to m b e ro it, les
informations de 1735 sufliroient p ou r donner à M a rcA n t o in e E sparvier et à François Bonafos la qualité d’h é
ritier d ’A n n e L a vo lp ilière .
L ’enlèvem ent du testament ne peut pas ôter à l’héritier
appelé le droit q u ’ il tenoit de la volonté du d é fu n t; et
c’est ici le cas d’appliquer la m axim e : P o tiu s id quant
action est quant quod scripturn est. En eiïet, il est de
principe qu’ un titre perdu par accident ou force m ajeure,
est suppléé par la p reu ve testimoniale.
O r , les témoins de 173^ déposèrent avo ir une par
faite connoissance de la teneur du testam ent, tenorem
in strum en ti au divissc (lut percepisse ; et le nom des
héritier^
�C *5 )
héritiers fut tellement co n sta n t, qu ’ils furent confirmés
com m e tels par la justice , en grande connoissance de
cause.
L es premiers juges o n t - i l s pu , sans un arbitraire
r é v o lta n t, ôter à ces héritiers un droit aussi ancienne
ment reco n n u , et réform er aussi légèrem ent une décision
contemporaine , fondée sur des élémens de vérité que
le temps a affa ib lis, mais q u ’il n ’a pas entièrement fait
perdre ?
Rem arquons l ’inconséquence, et des premiers ju g e s,
et de l’adversaire. C ’est en 1736 que la justice donna à
M a r c - A n t o in e Esparvier la qualité d’héritier. Elizabeth
Sain t-P o l la lui confirma dans l’exploit de 1738 -, le sieur
Sain t-P o l lui-m êm e la confirma dans l ’exploit de 1 7 4 8 ,
dans la sentence et le traité de 1749.
E t cependant il est admis , soixante ans a p rè s , h se
rétracter.
Q uant aux dépositions des témoins de 1 7 3 5 , n’est-il
pns d’ un scrupule m inutieux d’y chercher si les légitimes
ont été faites à titre d ’in stitu tion ? Ces témoins ne p o u voient pas connoître des subtilités de droit q u i , au
jo urd’ hui sont proscrites du Code c i v i l , parce q u ’elles
ont été jugées n’avoir aucune importance réelle.
L es témoins ont parlé des legs; et s’ ils y avoient ajouté
quelque chose de plus scientifique, on auroit p u , avec
ra iso n , se défier de leur témoignage.
Enfin il est ridicule d ’exiger que la lecture du testa
ment eût dû être faite, parce que l ’ordonnance l’exige.
Car précisément la suppression eut lieu lors de cette
lecture , et c’est ce que l’ordonnance n’a pas p révu .
Si donc la sentence de 1736 étoit annullée , la qua*.
D
�c
2
6
}
lité ¿ ’héritier se retrouveroit dans les informations, et
aucune prescription ne s’y opposeroit; car le sieur Es par
vi er et ses en fans ont toujours joui des biens et de la
qualité d ’héritier.
Quant à la succession de François Esparvier de L o d i è r e , il est difficile de concevoir comment l’adversaire,
âpres avo ir demandé sa légitime en 1 7 3 8 , puis le par
tage en 1 7 6 5 , a pu revenir h demander la légi tim e,
après avo ir plaidé trente-huit ans p o u r le p a r t a g e , et
surtout comment il a pu faire sanctionner cette étrangô
Variation.
Ce n’est pas qu ’on lui conteste le droit de prendre la
légitime conventionnelle; mais dans le système des pre
miers j u g e s , c’étoit une inconséquence; car si le traité
de 1749 n’étoit pas une fin de n o n - r e c e v o i r , la qualité
d ’héritier une fois prise ne p ou vo it pas être répudiée
p o u r en revenir à une dot qui n’étoit sujette ni aux dettes,
ni aux charges de l’hérédité.
Cette variation du sieur S a i n t-P o l, au lieu d’être prise
au m o t , d e v o i t tourner contre lui.
A u contraire, les premiers juges en tirent parti pour
dire que le sieur Saint-Pol n'étant plus héritier de Fra n
çois E s p a r v ie r , a qualité p o u r former tierce opposition.
Ils ont encore posé en règle générale q u ’on peut tou
jours diviser une d o t , et c’est une erreur.
H o u s s e a u - L a c o m b e , v°. dot , enseigne que la consti
tution dotale est indivisible; et que l’enfant doté ne
p e u t , après la m o r t , s’y tenir pour les biens maternels,
et répudier les paternels. Il cite un arrêt du i 5 juillet
"1745. 11 p ou vo it en citer un autre du 23 févri er 1 6 3 4 ,
�( a7 )
qu’ on trouve au tome i er. du Journ al des audiences.
S o u v e n t, en effet, avec des fortunes inégales, des pères
et mèi*es ont des motifs
égalité.
p o u r constituer une dot par
Ceci a voit lieu dans l ’espèce, où plusieurs actes anté
rieurs à 1700 p rou vent que la fortune du sieur E sparvier
étoit en litige avec celle d’A n n e L a v o lp iliè re , avant m êm e
son mariage : ce seroit un chaos que de v o u lo ir aujour
d ’hui séparer ces deux successions.
A u reste, si le sieur Sain t-P o l obtient 2000 francs'
du chef de son bisaïeul, il sera soumis au com pte du
bénéfice d’in v e n ta ire , et il y auroit m êm e de l’injustice
à obliger le sieur E sparvier à payer com m e héritier p u r
et simple.
M al
propos a-t-il été dît que les inventaires ont
été faits sans appeler les créanciers. Il eût fallu les lire
avant d’alléguer ce fa it; on y auroit v u que précisé
ment le sieur Sain t-P ol a été appelé à tous deux.
✓
Il reste à parler du partage de la succession Saint»
P o l , demandé
en vertu de la succession de H ugues
Saint-Pol.
Q uand on mettroit de côté la cession de 1 7 6 0 , celle
de 1769 suffit.
A lo rs H ugues S a i n t - P o l avoit obtenu des lettres de
rescision contre sa cession de 1761 , et elles étoient
fondées.
Il
n’avoit que cinq ans au décès de son père ; il avoit
quitté la maison en bas âge : il avoit traité avec son
protuleur.
<
Il s’étoit pourvu dans les dix ans.
�( 28)
• O n dit qu ’ il a a p pro uvé le testament de sa mère.
M ais il étoit n u l d’ une nullité latente, puisqu’il n’étoit
pas écrit de la main du notaire ; et l’approbation en.
ce cas n’em pêche pas d’attaquer ensuite le testament.
L a cour l ’a ainsi jugé en thèse dans la cause des
nom m és G rangeon et A c h a r d , par arrêt du 4 pluviôse
an 10.
O n a opposé au sieur E sp arvier qu ’il n’insiste sur ce
partage que par récrim ination de la demande du sieur
Saint-Pol. E h bien ! il avoue franchem ent qu ’on a ren
contré juste. Il ne p ou vo it pas m ieux se ven ger d’ un
procès de mauvaise f o i , qu ’en se défendant avec les
mêm es armes.
^
L e sieur de S a in t-P o l veut le tracasser en demandant
le partage de la plus inextricable des successions, après
avoir accepté une légitim e conventionnelle en temps utile :
il est donc bien licite au sieur Esparvier de le tracasser
l u i - m ê m e , p o u r lui m ontrer combien de tels procès
sont o n éreu x à celui qui est forcé de les soutenir.
L e sieur S a i n t - P o l aura bientôt la conviction qu’il
a intenté un fort mauvais procès , et qu’ il s’est attiré
une demande t r è s - fo n d é e ; accident qu’il faudroit
souhaiter à la plupart des p laid e u rs, pour les corriger
de la convoitise du bien d’a u t r u i, et de la manie des
vieilles recherches.
M e. D E L A P C H I E R , a ncien a vo cat.
Me . D A U D E ,
A
RIO M , de l'im p rim erie d E T
a vo u é licen cié.
h i b a u d - L a NDR i O T ,
im prim eur d e la C o u r d'appel.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Esparvier d'Estresses, Joseph. An 10?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Daude
Subject
The topic of the resource
successions
partage
successions collatérales
mariage hors de France
déchéance de nationalité
généalogie
testaments
Description
An account of the resource
Précis pour Joseph et Pierre Esparvier d'Estresses, appelans; Contre Jean-Hugues Saint-Pol, intimé.
arbre généalogique.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 10
1718-Circa An 10
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0315
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Flour (15187)
Deux-Verges (15060 )
Rights
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Domaine public
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déchéance de nationalité
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successions collatérales
testaments
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Text
PRECIS
EN RÉPONSE,
POUR
L e sieur E S Q U I R O N - L A V I G N A C , propriétaire
à Aurillac , appelant et intim é ;
CONTRE
L e sieur R A G O U X , traiteur , habitant de la même
v ille, intimé et appelant.
P a r acte du 1
d ’A u terive
5 décem bre
vendirent
1 7 7 2 , les sieurs Croizet-
au sieur A lexa n d re - L auren t
�( o
F o r n i e r , prêtre , «ne maison sise en la rue N e u v e
de la ville d’Au'rilIac, com posée de deux corps de
logis séparés par une c o u r , çonfinée par le jardin
des vendeurs*, de b is e , e t c . , m oyennant
5,ooo
mille
livres.
I l est con ven u que l ’acquéreur pourra entrer dans
le jardin
des vendeurs , et se servir de la ruelle ,
large de trois pieds et d e m i, pour réparer sa m a iso n ,
placer des contrevents aux fen êtres, les élever 011
élargir pou rvu q u ’elles soient grillées ; com m e aussi
que le m ur scparant Ladite ruelle d u /a rd ifi, ne pourra
être é levé que de trois pieds et d e m i, sans préjudice
a u x vendeurs de pouvoir y placer des vases de fleurs;
et à la charge q u ’on ne ,pourra y jeter ni ordures,
ni eaux.
L a tnaison F orn iér a été aCqüise)par le sieur R a go u x,
qui en a fait une a u b e r g e , d e v e n u e , grâces à son
t a l e n t , la plus fréquentée d ’Aurillac.
Le
jardin
des sieurs
C roizet a passé ,
a vec la
maison dont il d é p e n d , au sieur Lavignac. L e sol de
ce jardin ,est plus é le v é que les croisées du rez-de«
(
_
f
chaussée de la maison R ago u x ; et précisémeut c ’est
a ce re z -d e -c h a u s s é e , du côté du jardin L a v i g n a c ,
q u e le sieur R a g o u x a placé sa salle à m anger prin
cipale.
C e n ’est pas le bruit de ce voisinage qui in co m m o
dait le plus le 'sieur L a v ig n a c ; m h is/ i.° les fen êtres‘du
p rem ie r;éta ge he*’sont'pàs; bhrréés 5 il’ fd lla it'q u e les
�(3)
dames de sa famille ou de sa société renonçassent à so
p ro m en er dansson jardin, ou q u ’il prît des mesures pour
faire cesser cette véritable com m unauté d'habitation.
A v a it-il le droit de se séparer du sieur R agoux par
un m u r? XI y aurait de la folie à dire absolument non;
et c ’est bien l’avis des premiers juges. M ais, à quelle dis
la n c e et hauteur devait-il faire ce m ur? voilà la difficulté.
L e sieur L avign ac n'usa pas de son droit dans toute
sa latitud e; on lui dit q u ’il pouvait bâtir à six pieds de
distance; il préféra de s’éloigner de sept pieds et d e m i,
pour é viter toute espèce de discussion avec son voisin ;
il laissa m êm e une porte à la ru elle , pour que le sieur
R ago u x pût aller réparer sa maison ^ quand elle en
a u r a i t besoin.
■ Ces précautions n ’ont rien épargné au sieur Lavignac,
et le sieur R a g o u x lui fit fa ir e , le i . er mai 18 0 6, une
sommation de cesser la construction de son m u r , que
le sieur L a vign ac ne pouvait cependant pas disconti
nuer sans de grands frais, puisque ses ouvriers étaient
reten us, et ses m atériaux à pied d ’œuvre.
Alors le procès a co m m e n cé , et le sieur R a g o u x ,
dans une re q u ê te, a manifesté ses prétentions a vec
exagération, et m êm e a vec hum eur. 11 a dit a v o ir ,
par sa vente , la servitude tout à la fois de passage
d ’aspcct et de prospect ; il a prétendu que pour éluder
la prohibition d ’élever le m ur alors exista n t, le sieur
L avign ac y en a substitué un nouveau, construit im m é
diatement après, et en quelque sorte plaqué contre te
pi entier; que déjà il dépasse de plus de douze pieds.
�(4)
Il assuré que ce m ur le prive de l ’a ir , de la clarté, et
de toute espèce de salubrité ; et là-dessus il reproche
au sieur L a vigu a c de traiter les lois et les conventions
comme les fr ê le s tissus de l ’araignée im puissante.
L e s juges d’Aurillac ont voulu savoir jusqu'à quel
point cet exposé du sieur R a g o u x était sincère; e t ,
le 9 août 1806, ils ont ordonné que des experts v é
rifieraient l ’état des lieu x; e t , après avoir dem andé
toutes les dimensions de la ruelle et des m u rs , ils
ont chargé les experts d’aller sur les lie u x , à quatre
heures après-m idi, et là de vérifier s i , malgré l’é lé v a
tion du nouveau m u r, les rayons du soleil peuvent
aboutir aux fenêtres du rez-de-chaussée de la maison.
R agou x ; dans quelle proportion, si le nouveau m ur
intercepte le jo u r des apparteniens d u re% de chaussée;
quel degré d ’obscurité il leur donne relativement à
Cusage auquel ils sont destinés ; à quelle hauteur du
m u r les apparteniens doivent recevoir le jour néces
saire. “
L e rapport des experts n'a pas confirmé ce qu'avait
dit le sieur L avign ac. Ils rem arquent qu’au lieu de la
distance ancienne de trois pieds et d em i, il y avait
sept pieds cinq pouces entre la maison R agou x et le
n o u ve au mur.
L e nouveau m u r, à partir du niveau ou accoudoir
des fen êtres, a n e u f pieds quatre pouces de hauteur
du côté du jardin, et dix pieds quatre pouces du côté
de la r u e lle , dont le sol est plus bas.
Et à partir du niveau de la ru elle, il 0, d ’un cô té,
�(5)
treize pieds, et de l ’autre douze pieds cinq pouces,
excède l ’ancien m ur de 9 pieds 9 pouces et demi.
L e s experts disent que Télé val ion actuelle du m ur
n ’em pêche pas les rayons du soleil d’aboutir aux fenê
tres du rez-de-chaussée. A deux heures et d e m ie , il a
com m encé à éclairer la façade de la maison en totalité,
à l’exceplion de la prem ière croisée de la cuisine.
A trois h eures, le soleil a pénétré ensuite dans le rezde-chaussée, par un rayon oblique de sept centimètres.
Cette lum ière intérieure a duré un q u a r t - d ’heure.
(iV. B. L a façade est au nord).
>
A quatre heures, les experts o n t,vu que les appartem ens du rez-de-chaussée recevaient le jo u r suffisan t
pour L'usage auquel ils sont destinés.
L e s experts pensent que le sieur L a v ig n a c a pu
élever davantage son mur que le premier, puisqu’il Ta
fait plus é lo ig n é ; mais ils s’abstiennent de décider
jusqu’à quelle hauteur il l ’a pu.
E n fin , com m e la prem ière visite avait été suivie d’une
médiation que rompit le sieur R a g o u x , les experts o nt (
voulu savoir quelle serait l ’obscurité de son r e z - d e chaussée dans l ’arrière-saison. E n co n s é q u e n c e , ils y
sont allés par trois fois et par un tems sombre et
n éb u leu x, les 10 septembre , 2 n o v e m b re et 9 d é
cem bre , tantôt une h eure après le lever du soleil,
tantôt une heure après son coucher. L à ayant pris
chaque fois un livre d’ un caractère assez m e n u , ils ont
lu à une certaine distance des fenêtres.
;
E n s o m m e } les experts disent bien que le m u r a
�(6)
donné de l ’obscurité au rez-de-chaussée de la maison
R a g o u x , mais qu'il entre asse% de lumière dans les
pièces de ce re%-de chaussée pour l ’usage auquel elles
sont destinées.
r
C ette relation des experts n’a pas satisfait le sieur
l l a g o u x , qui a sollicité les premiers juges de voir le
local eux-m êm es ; et on pense aisément que , dans
cette visite, il a dû exagérer le détriment q u ’il prétend
souffrir.
>
Q uoiqu’il en s o it, après cette descente non ordonnée
en jugem ent , le tribunal d’ Aurillac a condam né Ib
sieur L a vigu a c à réduire la hauteur de son mur à
neuf pieds.
-
I-es motifs de cette décision^ au nom bre de douze)
se réduisent à dire que le vendeur de 177 2 ne s’était
I;
*i! .
'*
i 'î
* ■
pas interdit la faculté de faire un mur de séparation
su r-to u t'en s’éloignant; mais q u ’il n’avait pas dû obs
curcir les appartemens d’une m anière nuisible.
:
L e sieur L avign ac a interjeté appel de ce jugem ent
3
en ce q u ’il l’oblige à dém olir une partie de son mur.
L e sieur R agoux en a aussi interjeté a p p e l, en ce
q u ’il ne condam ne pas le sieur L a vign ac à le déinolir tout entier.
M O Y E N S .
j
)
T o u t le système du sieur R agoux repose sur ce rai-
.aonuçment : J ’ai le droit de vu e { l u m i n u m ) sur
�( V)
ru e lle , e t p e u f - ê i i - e m êm e la ruelle tout entière. J ’ai
de plus la servitude d’em pêcher l ’élévalion du miir
‘ de celte ruelle (cilicàs non toLlendi). D o n c j ’ai aussi',
par une conséquence nécessaire, la servitude d ’aspect
'et prospect sur votre jardin; et vous ne p o u vez rien
changer à l’ancien élat des l i e u x p a r c e
que vous
m ’ôteriez non:seulement la ’ quantité d e 'lu m iè re que
j ’avais, mais encore l ’agrém ent que portait à m a mai
son la vue de votre jardin. C a r , dit le sieur R a g o u x ,
à moins de contester l ’é v id e n c e , il est dém ontré q u’il
a été concédé une vu e de prospect, et que la perspec
tive du jardin a été pour l ’acquéreur un m o yen de
séduction ou d’agrém ent qui a dû augm enter le prix
d e l à maison.
-
I l faut cependant que le sieur R ago u x soupçonne
que celte évidence prétendue ne soit pas sans réponse;
car il se plaint de ce que le sieur L a vig n a c ne lui a
présenté que des objections légères et dédaigneuses.
Sa fie r té , dit-il, a souffert de descendre dans l ’arêne
avec un traiteur.
C e reproche est bien dur, et le sieur L a vign ac y a
été sensible. L o in de lui tout mépris pour un art pré
cieux q u ’il honore, et dont il n’a garde de conteste^
l ’importance. S’il se fût senti coupable d’ un tel senti
m e n t, il l’aurait certainem ent dissimulé avec précau
tion. C ’est déjà un adversaire assez puissant q u ’ un
traiteur en rép u ta tio n :
tant d ’intérêts s’unissent au
s ie n , que tout ce qui peut le contrarier ou le dis
�(8)
traire, est exagéré par ce u x qui en gouffrent com m e
un e calam ité pu b liqu e, et le sieur L a vign ac ne se le
cache pas (i). Ainsi loin de se plaindre envers le S.r R a goux de sa juste fierté, fondée , plus que sa prétention,
sur des autorités précises (2 ), le sieur L a v ig n a c d é
clare en toute hum ilité q u ’il n ’a à s’accuser d’avoir
traité avec lég è re té , ni sa person n e, ni ses objections.
Il y a répondu de son mieux ; les m oyens qu'il a fait
valoir lui ont semblé très-solides; et il ne croira s’êlre
bien défendu encore q u’en les reproduisant sans les
affaiblir.
R evenons donc à la maison du sieur R a g o u x , et A
l ’arêne où il nous convie. V oyons com m ent la servi
tude a ltià s non toUendi pourra le conduire à la ser-
( 1) Pour aggraver les torts du sieur Lavignac envers ses con
citoyens, le sieur Ragoux s’est obstiné à s’expatrier jusqu’à la
fin de son procès. Mais le sieur Lavignac se liâte de dire , pour
sa justification, qu’il n’a porté aucun obstacle à un prompt ju
gem ent, et que forcé par ses affaires, de suspendre son départ,
il a mieux aimé s’abstenir d’être présent que de retarder d’un
seul instant la plaidoirie de sa cause.
» ( 2)
Faites cas de celui qui, fier de son talent,
S’estime votre égal, e t, d’un air im portant,
Près de son potager, que la flamme illum ine,
D onne, avec dignité, des lois.......dans sa cuisine.
G a str. Chant II.
?
vilude
�(9 )
Vitude de prospect, et • si elles dépendent nécessai
rement l’ une de l’autre.
E n matière de servitu d es, il n’est pas permis de
raisonner par analogie ou par simples conséquences.
Il faut trouver dans le titre qui les constitue tout ce
qu on veut exiger ou prohiber, sans que Tacle laisse
m êm e le soupçon du contraire; car les servitudes sont
de droit étroit ; et com m e elles font violence au libre
usage de la propriété du voisin, com m e la tendance
naturelle est pour l’affranchissement, il est de principe
que tout ce qui n’est pas m athém atiquem ent compris
dans la clause de servitude s’explique en faveur de celui
q u ’on v e u t,y asservir.'
C e n’est pas absolument aux lois romaines q u’il faut
recourir pour une question de servitudes urbaines. L a
coutum e de Paris était, sur cette m atière, le droit com
m un de la F ra n c e ; et qnand on compare les divisions
et subdivisions du digeste sur chaque espèce de servi
tude avec la brièveté de l ’article 686 du code civil ( i ),
on dem eure convaincu de plus en plus que l ’étendue
à donner à une servitude ne doit dépendre que du texte
liItérai et non équivoque de la clause qui la constitue.
L es lois romaines , au reste, distinguent très-expres
sément ce que le sieur R agoux veut confondre.
(i) Art. 686. Il est permis aux propriétaires d’établir sur leurs
propriétés telles servitudes que bon leur semble, pourvu que les
services établis. . . . n’aient rien de contraire à l’ordre public.
L ’usage et l'étendue des servitudes se règlent -par le litre qui
les constitue , et à défaut de titre, par les règles ci-après.
�C ro )
Il o , par son a cle , la servitude de jour (/u m in u m ),
et la servitude a ltius non toLlendi, non pas pour un
édifice en tier, ce qui est la plus fréquente supposi
tion des lois, mais bornée à un simple m u r , et pour
une distance convenue.
D e ces deux servitudes, il veut en faire quatre, car
il ajoute celle ne lurninibus officuatur, et m êm e celle
ne prospectai o jjicia tu r, qui sont très-distinctes dans le
droit, et qui portent une gên e bien différente.
A v e c sa servitude de jo u r, et sans celle a ltiu s non,
toLlendi, le sieur L avignac n’aurait eu nul besoin de
se reculer pour bâtir. Il aurait eu certainement la fa
culté d ’élever le mur ancien de sa ru elle , d ’après les
principes.
C ar la servitude de jours (lu m in u m ) n ’em porte que
nécessité de souffrir des vues droites, sans rien laisser
au prospect : il suffit de voir le c i e l , tel est le texte
des lois
et i du digeste de servit, prœd. urb. et
3
5
l'interprétation générale des auteurs.
C ’est pourquoi ceux qui veulent une gêne moins
grande à leurs vues doivent convenir de l’une ou
de l ’autre des servitudes d ’aspect; et alors ces lo is,
elles-m êm es, marquent une différence sensible au ré
sultat de ces servitudes.
Elles portent avec elles une dénomination qui en
m arque le sens ; ne lum inibus ojjiciatur exprim e a u
tant que possible , que si l ’acte porte expressément la
condition de ne pas offusquer la lum ière, on ne pourra
pas la diminuer par un b âtim en t, et çle m êm e ne p ros-
�( II
)
pectuí ojjlciatu r dénoie assez que tout ce qui ôterait
le point de v u e , m êm e dans l’éloignem en t, contrevien
drait à la convention.
T o u t le titre du digeste prouve que ces diverses
espèces de servitudes sont trè s-d istin ctes, et par con
s é q u e n t que l ’ une ne supplée pas l’autre, à moins que
sa plus grande étendue ne com porte de plein droit la
servitude moindre.
Ainsi la servitude ne lum inibus officiatur est à la
vérité comprise de plein droit dans celle ne prospectai
o fficia tu r, qui est la plus é te n d u e , parce que tout ce
qui tendrait ¿1 ôter la lumière d ’une f e n ê t r e , ôterait
bien, à plus forte raison, la perspective éloignée q u ’elle
doit avoir.
Mais on ne peut pas, com m e le sieur R a g o u x , ren
ferm er une servitude plus grande dans une servitude
moindre. Il fait beaucoup d’efforts pour prouver que
la servitude ciltiiis toLlendi em porte a v ec elle les ser
vitudes ne Luminibus , et prospectai ojjîciatur. C ’est
en effet de là que dépend toute sa défense.
V o y o n s sur quelles autorités celte prétention est
fondée : et pour ne pas m ériter une seconde fois le
reproche de,déd aign er ses moyens et ses objection s,
le sieur L avign ac va les suivre pas à pas pour y r é
pondre.
I . re o b j e c t i o n .
P a g . 16.
L es lois romaines, dil le sieur R.agoux , ne font
pas de différence e n tr ó la servitude aLtius ioL/endi,et
�( 12 )
celle ne Luminibus a u l prospectai ofjiciatur. L a loi 2 ,
a u / i D e ¿cr. pr. urb. le prouve.
RÉPONSE.
C e lte loi n’est que la série des différentes espèces
de servitudes : elle les classe et les distingue; par con
sé q u en t, elle ne les confond pas.
L e sieur R a g o u x veut lirer d’ une simple conjonction
une conséquence f o r c é e , q u’il n ’induit encore que
d’un argu m en t à c o n t r a r i o c a r ia loi parle des servi
tudes imposées par celui qui veut qu’on élève un mur
pour diminuer sa lumière. Mais cette servitude affir
m ative
ne juge ni n’indique rien pour la servitude
contraire.
U n e preuve que la servitude a ltià s non tollendi ne
ren ferm e pas celle ne Luminibus o jfîc ia tu r , c’ est q u e ,
suivant cette dernière ., il n ’est pas m êm e permis de
planter des arbres qui diminuent la v u e ; tandis que la
servitude altiiis non tollendi n'em p êch e pas de planter
des arbres à t o u t e distance. A l i u d est œ dificare, a liu d
est arborem ponere.
O11 pouvait m ô m e , chez les R o m a in s, en p lan ler,
en ce cas, au-dessus m êm e de l ’éd ifice , dont la hauteur
-était c e p e n d a n t déterm inée. Suprà eam a llitu d in em •
tandis que dans le cas des autres servitudes, cela aurait
été défendu.
II.* o b j e c t i o n .
P a g . 1 7.
Toujours la loi regarde la défense d ’élever plus haut
�(
*3
)
com m e le seul m o y e n d’em pêcher la lum ière. C àm
servitus im ponitur
ne
lu m in ib u s
o fficia tu r
, hoc
m a xim e adepti videtnur, ne j u s f i t vicitio invitis nobis
a ltiu s
æ d ifica re
, atqu.e ita rhinuere lum ina œ d ifi-
ciorum nostrorum.
RÉPONSE.
Il faut faire une inversion des termes de la lo i, pour
y donner le m êm e sens que le sieur R agoux.
Elle ne dit pas que celui qui aura la servitude a llia s
tollendi 'aura aussi celle ne Luminibus officiatur ■elle
dit, au contraire, que celui qui aura la dernière pourra
em pêcher d’élever plus haut. E t le sieur L a v ig n a c n ’a
jamais nié ce principe.
A insi, le sieur R a go u x n’a que faire de s’approprier
le minuere luminci qui term ine cette loi ; car il est
destiné à une autre espèce de servitude que celle de
son acte.
I I I .e O B J E C T I O N . P a g . 17.
L e s auteurs donnent le m êm e sens h ces lois. M . de
L am oign on a d it, en ses A rrêts, titre 20 , article 20 :
• S i, dans le litre de la servitude, il
cl
été convenu que
« l'on ne pourra obscurcir ou donner em pêch em en t
« au mur du voisin,, le propriétaire laissera les lieu x
« en l’élat où ils étaient lors de l’imposition, sans y
«< faire aucun plant d ’arbres ni bâtiniensjnouveaux, et
« sans pouvoir aussi élever les anciens biltimens-». T e l
est aussi le langage d’A u z a n e t , l e r r i é r e , L a la u r e ,
Desgodets.
�( i4 )
RÉPONSE.
A v a n t cet article 20 (qui ne s’applique toujours qu’à
la servitude ne lum inibus o jficia tu r) , M. de La moignon
avait dit ce que le sieur Rago ux a jugé à propos
d ’omettre.
Art. 19. « L e propriétaire d ’ un hé rita g e , sur lequel
« le voisin a droit de v u e , peut élever sur son fonds
* des bûlimens, et planter des arbres, pourvu qu’ il ij
« a it s ix pieds de distance entre le mur faisant sépara« tion des héritages des parties, et le bâtiment nou« v e a u , et douze pieds de distance entre le mur et
le pied des arbres ■
».
IV.e o b j e c t i o n .
P a g . 18.
11 a été dans l’intention des parties de donner à
l ’acquéreur une vue de prospect, tant qu’elle pouvait
s’ étendre; sans cela , il eût été inutile de stipuler que
le mur n’aurait que trois pieds et demi. La clause eût
. été sans i n t é r ê t , si le vende ur avait eu le droit de
. construire le lendemain un mur plus élevé à côté de
l ’aulre ; il eût été inutile aussi de se réserver la faculté
de placer des vases de fleurs. S’il n’y avait eu que l’in
tention de ne céder q u ’une simple vu e droite, on se
serait réservé le droit de construire à une distance
déterminée. L a perspective du jardin a dû augmenter
le prix de la maison.
�( i5 )
RÉPONSE.
Qu y a-t-il dans tout cela? D es présomptions.
E f c ’est par des présomptions que le s.r R a go u x veut
étendre une servitude au-delà des termes de son acte.
Il ne rem arque pas que les présom ptions, m êm e
de l ’intention des parties, se tourneraient contre lui.
L a latitude q u ’il prête à sa servitude serait une
grande injure aux sieurs d ’A u terive , et il faudrait
m ettre en problème si leur raison aurait bien.'présidé
à une convention aussi étrange.
^
5
N on conlens d ’avoir vendu pour ;ooo liv. une m ai
son qui avait deux corps de lo gis, une cour au milieu
et douze croisées d ’un seul c ô t é , se pou rrait-il q u ’ils
eussent ajouté à la souffrance de lum ière de ces d ouze
croisées, une prohibition perpétuelle de bâtir ch ez
e u x , et de n ’être, dans leur ja rd in , que sous la sur
veillance habituelle d’ une multitude d ’individus. Si
cela était supposable pour une maison de c h a m p s .»
com m ent adm ettre q u’ un propriétaire en ait m êm e
conçu l ’idée à l'égard d ’ un
d ’une ville populeuse?
jardin placé
au milieu
N e s t - il pas plus naturel de penser que le sieur
F o r n i e r , p r ê t r e , voyan t un petit m ur à trois pieds
de la maison q u ’il allait a c q u é rir, eût à l ’instant la
crainte q u’il ne fût élevé à une grande h au te u r? E t
com m e les parties doutèrent si le vendeur aurait droit
de le lever a ce lle d ista n ce, le sieur Forn ier demanda
�(
16
)
que ce m u r, si v o isin , 11e fût pas é l e v é , et le vendeur
y consentit.
Alors le ven deur n ’avait pas des projets de b â t ir ,
puisqu’il vendait une propriété. N e s’occupant doue
que de jouir de ce q u ’il avait, il ne voulut pas que
son con sen tem en t, de ne pas changer la hauteur du
m u r existant, s’opposât à ce qu’il y plaçât des fleurs,
1ant qu’il le conserverait.
V oilà la seule pensée que durent avoir les parties,
et la seule q u’il faut leur supposer, puisqu’elle est la
seule de bon sens. Voilà le vrai pacte de quo cogitatuni est, et au-delà duquel il est clair q u ’il n’y a pas
eu une ébauche de convention.
C e rte s , si les sieurs C roizet eussent le lendem ain
bâti un grand m ur à côté de l’an cien , e t , com m e le
disait d ’abord le sieur R ag o u x , plaqué contre le pre1m ie r, il eût été rép réh en sib le, parce q u ’une conven*tion ne s’élude pas a vec affectation.
Mais qui veut trop prouver ne prouve rien. Car ce
n ’ est pas en se jouant ainsi de ses engagemens, que le s.r
L a v ig u a c a bâti. Il a bâti a quatre pieds au-dela du pré
cédent m u r , c ’est à dire à 7 pieds et demi de la m ai
son Ragoux.
Sa convention n’était restrictive que parce q u ’ il était
en 1772 dans la dislance habituelle de la loi. Mais il
s’est conform e à la lo i; il a exécuté ce que dit M. do
T,amoignon ; et dès-lors, au-delà de 6 pieds, il retrouvo
le
droit
c o m m u n , par-delà lequel sa convention 11’cst
pas allé lui donner des entraves imprévues.
Co
�C 17 )
C e n’ est pas assez , dit le sieur R a g o u x , d’avoir sti
pulé q u’il ne bâtirait pas à trois pieds et dem i , il fa l
lait q u’il se réservât de bâtir plus loin.
Disons plutôt que c ’était à l ’acquéreur à stipuler
q u ’on ne bâtirait pas à une plus grande distance.
C ar c ’est lui qui avait besoin de la servitude, et par
conséquent du litre et de la clause.
O r , tout ce qui n’est pas dans la prohibition rentre
de plein droit dans la loi com m une.
C ette loi est l ’article 202 de la coutum e de P a r is ,
qui veut six pieds de distance entre les vues droites et
les murs voisins.
’
E l avec cette distance, la servitude altiics non toilen d i doit être bien moins rigoureuse que ch ez les ro
m ains, dont les maisons, presque toujours séparées en
îles, n’a v a ie n t, de distance lé g a le , que celle de deux
pieds (1 ).
V .e o b j e c t i o n .
P a g . 21.
M a i s , dit le-sieur R a g o u x , s’il y a de l ’incertitude
dans l’acte de 177 2 , elle doit s’interpréter conte le v e n
d e u r, q u i potuit legem apertiàs conscriberç.
RÉPONSE.
C ette règle de droit n ’est applicable q u’ci la r e
cherche (le la chose vendue et aux servitudes retenues
( 1 ) Si f/uis sepetn propè alienum prœdiurn fix e n t, tenninum ne excedilo. Si macerieïn, pedem relinquito y si verb do
nnait, pedes duos. L . ult. il', fin. reg.
3
�( i Q )
par le vendeur sur l’objet a lién é, mais pas du tout aux
servitudes q u’il s’impose. ;
i;
C a r d ’après la m a x im e non J i t eoçtensio in prohibitor i is , c ’est à celui qui fait constituerjla servitude à son
profit, à-lui donner plus de latitude. C ’est le vœu d e l à
coutum e de Paris, art. 216.
A v a n t de rechercher la règle de droit -1 7 2 , le sieur
R a g o u x pouvait s’arrêter à la 8 i , e qui paraît résoudre
pleiuem ent la difficulté.
Q u œ , dubitationLs toUendçe cçiusâ , contractibus in seru n tu r, j u s commune non Lœdunt. 1. 8 1 , de reg. jur.
O r com m e la convention de ne pas.élever un m ur ,
qui n ’élait alors, q u ’à trois'pieds et demi de la m aiso n ,
11e fut écrite visiblement que pour lever le doute du
droit de bâtir à cette courte distance, il ne peut pas en
résulter que les sieurs Croizet se soient abstenus à ja
mais d ’ user du droit c o m m u n , c ’est-à-dire de bâtir à
'six p ie d s , d ’après la coutume, $e Paris qui était la loi
générale.
N ’y aurait - il donc pas une injustice évidente de
forcer ainsi le sens d ’ un a c t e , au point de restreindre
une propriété à une a n n u la tio n absolue, pour le seul
avantage de donner une plus grande clarté à deux
pièces du rez-de-chaussée d’ une m aison; et si un v e n
deur étuil ainsi opprim é par le sens équivoque de sa
c o n v e n tio n , ne s e r a it- c e ' pas le cas de s’écrier a vec
la loi : iniquum . est périme pacto id de quo cogitaturn
non est, L . 9 ,
de trans.
L e sieur R a g o u x rejette fort loin l ’art, 2 1
5
de la
�I9
(
)
co u tu m e de Paris. Cependant c ’est cet article qui veu t
que le vendeur déclare spécialement quelles servitudes
il retient ou constitue tant pour Y en droit, h a u te u r ,
largeu r, que l ’espèce; autrem ent quelques espèces g é
nérales de servitudes, sans les déclarer comme dessus ,
dit l’article, ne valent.
■ Cet article est donc une preuve que la clause de
servitude ne doit pas s’expliquer par a n a lo g ie , ni
e x te n sio n , ni présom ption, mais spécialement et en
détail.
- O r Yendroit m arqué par la clause de 1 7 7 2 , est à
trois pieds et dem i : donc il n ’y a pas eu prohibition
de bâtir à sept pieds de distance.
V I.e O B J E C T I O N . P ag.
23 .
L e sieur R agoiix revient à une idée q u ’il avait aban
donnée devant les premiers juges. Il voudrait la pro-r
priété de la ru elle, parce q u e , dit-il, il est confiné(par
le jardin ; cela é t a n t , il en conclut que le sieur Lavignac ne devait au moins bâtir q u ’a six pieds au-delà
de la ruelle.
RÉPONSE.
. Voilà donc le sieur R ago u x forcé de s’em parer d’ un
m o t, pour se faire un m oyen.
E t quel m o t encore ! quel faible mot! Personne ne
l ’a m ieux évalué que lui; et il nous donne sa réfuta
tion lui m ê m e , à la fin de la page 22.
�( 20 )
Que signifierait alors la défense de je te r de l'eau oti
des ordures? 11 est clair en effet que si la ruelle eût été
ven d u e au sieur R a g o u x , il était contradictoire que
le ven deur s'occupât de ce qu’on jetterait ensuite sur
la chose vendue. C e n ’eût pas été immittere in alienum .
Ajoutons à cette réilexion : que sign ifierait a u ssi
la permission accordée au sieur F orm er de se servir
de La ruelle pour réparer sa m a ison ?
O n ne lui en a donc concédé que l’usage m o m en tané ;
et l’ usage est exclusif de la propriété.
l i e confin du jardin prouve seulement que la ruelle
était considérée com m e partie du jard in , et non de la
maison , ni m êm e com m e com m une. L a suite de l ’acte
explique parfaitement l’intention des parties, qui n e v e u lent accorder à l ’acquéreur q u ’un usage ou tolérance.
-j
CONCLUSION.
v l ia vente de 17 7 2 n e d o n n e à l ’acquéreur que le droit
de v u e et non de prospect.
" T o u te vu e droite com porte avec elle une dislance
de six pieds jusqu’au m ur voisin : et cela explique toutà-la-fois la convention dé ne pas élever un m ur alors
existant, parce q u ’il n ’élail q u ’à trois pieds et d em i, et
la faculté dem eurée au vendeur de bâtir à six pieds
de distance, par cela seul q u ’il ne s’est pas départi spé»
cia le nient de ce droit légal.
' Ainsi il a été m al jugé en ce que la hauteur du m ur
actuel a été d im in u é e , car un mur fait au-delà de la dis
tance voulue par la loi est hors d’atteinte.
�( 21 )
i
S’il y a lieu de dire que le sieur L a v ig n a c pouvait
bâtir à une distance quelconque , il n’y a pas d éra iso n
qui fusse penser que ce sera à quinze pieds, ou à d ix ,
ou à luiit, car la loi n’indique aucune variation ni ar
bitraire. Il faut donc que ce soit à six pieds.
D ’après c e la , il doit peu importer q u’il en résulte un
peu plus d ’obscurité à un rez-de-chaussée voisin ; c ’est
un mal nécessaire dans une ville. T o u t ce qui tend a
em p êch er la m itoyenneté des murs la térau x , et à peu
pler de jardins une rue p u b liq u e, ne m érite pas de fa
veu r.
.
Q u ’est-ce d’ailleurs que celte obscurité, si, le 9 dé
ce m b re , les experts ont pu lire un caractère m e n u , à
quelque distance des fenêtres, dans une salle plus basse
•que le sol d’ un jardin, par un teras n é b u le u x ?
E t c ’est pour une façade tournée au nord p l e i n ,
q u’on veut ménager les rayons du soleil pour quelques
m inutes de plus. T o u t autre croirait gagner à l ’élévation
d’ un mur à cet aspect. Mais le sieur R a g o u x avertit q u ’il
a des raisons particulières, et q u’il a intérêt d ’é g a y e r ses
commensaux par la vu e d’un jardin.
Voilà donc le secret principal du procès qu’il a sus
cité au sieur L avign ac. E n est-ce assez pour forcer le
sens d’une convention , et priver le sieur L avign a c du
bénéfice de la loi com m une.
L ’appel incident du sieur R agou x ne sert q u’à prouver
q u’il a cru en avoir besoin pour être conséquent avec
lui m ême.
Il fallait q u’il em pêchai le sieur L a v ig n a c de bâtir
�(
22)
nulle part, ou q u ’il avouât que le sieur L a v ig n ac en
avait le d r o i t , en reculant à six pieds. Alors il s’est
' donné la servitude de prospect ; et c’est là-dessus q u ’il
a fondé son appel.
M ais son titre n ’a rien qui ressemble à la servitude
de prospect ; et cette évidence achèvera de prouver que,
pour tacher d ’obtenir p e u , il dem ande beaucoup.
L ’exagération de ses plaintes et du tort q u’il souffre
sera appréciée com m e toutes les exclamations familières
aux plaideurs qui s’obstinent; ses m oyens de fortune
sont fort indépendans du prospect d’ un jardin qu’on ne
v eut pas q u’il m ontre à tout venant ; et le tems q u ’il
a perdu à plaider a dû lui être plus nuisible que ne le
sera jamais le m ur q u ’il voudrait détruire.
L e sieur L a v ig n ac , au reste, a usé de son droit par
nécessité et a v e c modération. Il fallait q u ’il renonçât à
son habitation et à son jardin, ou q u ’il y fût libre et
indépendant. Il a fait ce que tout autre eût fait et dû
fa ire; et
on
n ’est point un voisin inquiet et am b itieu x,
q u a n d , au lieu d’ usurper la propriété de son voisin, on
sacrifie à la décenc e et à son repos une partie de la
sienne.
M .e D E L A P C I I I E R , avocat.
M .c M A R I E ,
A
DE
licencié - avoué.
R I O M ,
L ’IM PRIM ERIE DU P A L A IS , CHEZ J.-C. SALLES.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Esquiron-Lavignac. 1807?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
conflit de voisinage
servitude de vue
auberges
experts
Description
An account of the resource
En réponse pour Le sieur Esquiron-Lavignac, propriétaire à Aurillac, appelant et intimé ; Contre Le sieur Ragoux, traiteur, habitant de la même ville, intime et appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1807
1772-Circa 1807
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0316
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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auberges
Conflit de voisinage
experts
servitude de vue
-
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80631803e280bd76f5f7adf63f93eade
PDF Text
Text
mtra-ü—upiaa»;3:$ytv*ç^:c7-4.-TafcB
COUR
*
i
M
E
M
O
I
R
E
D ’A P P E L
SÉANT
P O U R
A R IO M .
Les
h é ritie rs
F L O U V A T
;
C O N T R E
Jeanne
I
l
A S T A N IE R E ,
veuve
M A RCON.
est peu d ’héritiers aussi maltraités par les procès de successions,
que l’ont été les sieur et dames Flouvat. L a veuve Marcon est
depuis vingt-un ans en possession de son lot et de la presque tota
lité des autres biens; cependant, après des variations sans nombre,
elle se dit aujourd’hui leur créancière.
Quoique toutes les difficultés soient réglées entre les parties par
deux arrêts; à en juger par le mémoire que signifie la veuve Marcon
il resteroit encore à statuer sur un compte inextricable.
A Dieu ne plaise que les sieur et dames Flouvat aient le projet
d ’y fournir des débats détaillés ! Après trente-cinq ans déjà passés
en procès, le reste de leur vie n ’y suffiroit pas.
A
�(2 )
II semble que la veuve Marcon ait oublié ce règlement des arrêts,
car la base de ses calculs repose sur des systèmes nouveaux. 11 faut
encore chercher ces systèmes dans l’entassement de chiffres sous
lequel elle a affecté de les cacher, pour que la lassitude de la suivre
fit adopter en masse un compte qu’on ne comprendroit pas.
C a r, il faut l’avouer franchement, les héritiers Flouvat, épou
vantés d ’avoir à combattre un ennemi fort de soixante-dix pages
in-40. de chiffres, et d ’un errata de deux pages, ont senti toute
la difficulté de lutter contre de telles armes; et, semblables aux
E gyp tien s,
qui
se v o y o ien t
forces de résoudre, sous peine de la
vie, une énigme du Sphinx, ils ont hésité d’abord si, dans l’im
puissance de répondre à celle de la^veuve Marcon, ils ne lui lais—
seroient pas plutôt dévorer ce qui reste de leur fortune.
Cependant il étoit dur de penser que la veuve Marcon, ayant
cédé scs droits pour 4 ° ° ° livres, dans une succession estimée
27000 liv ., jouissant de son lo t, et débitrice en sus de i 3goo liv.
depuis plus de vingt ans, pût cependant se trouver libérée et même
créancière.
Cette impossibilité étoit tellement palpable qu’elle devoit résister
à tous les chiffres du monde; et quand les héritiers Flouvat se sont
un peu enhardis à considérer les détails du compte de la veuve
M arcon, ils ont vu bientôt le bout d ’oreille percer en plusieurs
endroits, et ont trouvé très-simple que la veuve Marcon parvint
à se dire créancière, lorsqu’elle fait porter intérêt a ce qui lui est
d û , et n ’en fait porter aucun ?» ce qu’elle doit; lorsque pendant
quarante ans elle s’obstine à trouver qu’un sixième revenant à sa
mère est absorbé par les charges , tandis que la moitié qu’elle y
amincie elle-m êm e se porte chaque année ù une somme consi
dérable ; lorsqu'cnfm, de son autorité privée, elle ajoute ù son
�C3 )
actif clos valeurs arbitraires, des sommes inconnues, et éteint dès
l ’origine, par une compensation à sa guise, les capitaux qu’elle
doit, pour qu’ils ne portent plus intérêt.
Voilà cependant sur quelle base est fondé un colosse de. compte
qui pourroit séduire d ’abord par l’immensité du travail et par
les précautions minutieuses qu’on a affecté de prendre dans des
tableaux explicatifs. Les héritiers Flouvat ne l’attaqueront pas
dans sa masse, ils n ’y sont pas tenus, et n ’oseroient d’ailleurs
l ’entreprendre; mais ils se contenteront de revenir à leur propre
compte, sur l’une des premières années, de le comparer à celui
que présente la veuve Marcon à la même époque, et d ’en exa
miner les points de discordance. Cela suffira pour toutes les autres
années et pour l'éclaircissement du procès.
Pour se rendre intelligibles, les héritiers
donneront
Flouvat
quelques explications sur les faits principaux qui ont précédé le
compte ; et il est surtout nécessaire que la cour ait sous les yeux
l’état de la famille des parties et les deux arrêts principaux qui
ont statue sur leurs contestations.
F A I T S .
E t i e n n e A s t a n i è r e , m ort on 1722.
M a r i e A u t EROCIIE , m orte le n m ars 1743.
I
I
I
M a r ie .
F r a n ç o is e ,
J ean a s t a n iè r e .
A n t o in e ,
J e a n -J o s e p ii,
m orte a i in te s u t.
C laU D A A u T E R O C IIE .
m ort le 27 sep-
rnoiuQ.
tem b re 1738,
r~
I
i
A s t a n iè r e ,
C la u d e M a rc o n .
I
I
M 1- C é s a r ,
M a r c - A lf .x .
M a r ie .
m ort le i 5 si-Ptem -
m ort le 22 ju in
A n to in e F lo u v a t .
bre 1739.
174 o .
|
1
�(4 )
Jean Àstaniere, par son testament de 1738, avoit institué ses
quatre enfans héritiers par égalité, sauf un préciput à César, de
5ooo livres.
César et Marc étant décédés peu de temps après, en droit écrit,
leur mère avoit recueilli une portion virile : mais elle passa en
secondes n o ces, et perdit par conséquent la propriété de cette
virile, sauf l’usufruit; elle ne conserva la propriété que de la por
tion recueillie en collatérale du chef de M a rc, dans la succession
de César, comme n ’étant pas provenue e x substantiâ patris, sui
vant la
distinction d u droit.
L a dame M arcon, héritière pour moitié dans le surplus, con
tracta mariage le 3 septembre 1743, et céda au sieur Flouvat ses
droits successifs moyennant 4000 liv ., et à la charge detre libérée
de la moitié d’une pension de 3oo liv. due à sa mère par la succes
sion paternelle.
Sa mère, présente, lui constitua de son ch e f 3ooo livres, et la
moitié de scs meubles m eublans, à la charge de ne demander
aucun compte. Cette constitution étoit conforme au contrat de
mariage de la dame Flouvat, qui avoit été instituée héritière de la
mère en 1742.
En 17 7 1, la dame Marcon se pourvut contre sa cession, 60us
prétexte de minorité.
Un arrêt du parlement de Paris, du 3 i juillet 1779, annulla
cette cession, condamna le sieur Flouvat à rendre compte des jouis
sances des successions cédées, depuis le 3 septembre 1743, avec
intérêts depuis la demande, à la charge par la dame Marcon de
. lui faire compte de la moitié de la pension de i 5o livres, et de la
somme cle 4000 livres, avec intérêts depuis les payemens.
\
En exécution de cet arrêt, les biens furent estimés par experts
�(5)
le 24 février 1780. L e sieur Flouvat présenta l’état des charges dont
les biens étoient grevés, justifia du payement des 4000 li v ., et de
quelques dettes de la succession.
L e procès sembloit toucher à sa fin : mais la dame Marcon ne
trouva pas avoir assez gagné, et elle éleva la prétention singulière
que les 4000 livres ayant été reçues par son mari ( insolvable), on
n ’avoit de recours que contre lui ; elle fit naître une foule de dif
ficultés sur les dettes payées, sur les charges, sur l’usufruit dû à
la mère, représentée en cela par le sieur Flouvat; car la dame
Marcon avoit trouvé plus lucratif de scinder sa cession, et de s’en
tenir à la dot particulière que sa mère lui avoit constituée.
Ces nouvelles difficultés donnèrent lieu à second arrêt du a 5
juillet 1781. Cet arrêt condamne la dame Marcon à payer person
nellement, i°. la somme de 4000 liv., arec les intérêts à compter
du jour de chaque payement ( Us sont de 174^, 1745 et 1746. ) ;
2". la somme de 726 livres pour quatre ans et dix mois de la pen
sion de i 5o liv.; 5°. la somme de 1000 liv. ( pour une provision
payée ); 4°*
somme de 5oo liv. ( pour autre provision p ayée) :
elle est encore condamnée à faire compte de 279 livres 5 sous de
dettes payées.
Il
est dit qu’il ne sera pas fait compte des intérêts de ces articles,
mais que les sommes seront compensées sur les jouissances jusqu'à
due concurrence.
Et à l’égard des déductions à faire sur les jouissances, des cens,
rentes, et usufruit dont les biens étoient grevés, l’arrêt porte les
dispositions suivantes :
O rd o n n e que sur le montant desdites jouissances revenante» à la fem m e
M a r c o n , seront déduites les sommes c i - a p r è s ,
�(6)
S a v o i r , i°. celle de i 56 l i v r e s , portée en l ’a rtic le i d u troisième c h e f
des conclusions de ladite d em a n d e ;
a 0. C e lle de 37 livres 2 sous , portée en l ’article 2 ;
3°.
La m oitié des arrérages de la rente de i 37 l i v r e s , pa y ée aux sieu's
Costet de C r e s p a t , à c o m m e n c e r du
3
septembre 1 7 4 s , jusques et com pris
l'é c h é a n c e de la T o u ssain t de 1769 seulem ent; le tout sauf la d é d u c tio n
des impositions royales ;
E t en outre la som m e de t i g l i v 10 sou s, faisant m oitié des 2^9 l i v . ,
payée à c o m p te par F lo u v a t fils a u d it de C r e s p a t, le 20 juillet 1774« en
sem ble la m oitié de tous autres payem ens faits par lesdits Flouvat audit
de C r e s p a t , depuis 1 7 6 9 , sous les mêmes d é d u c tio n s ;
4°. L a som m e de 997 liv . 10 s o u s , portée en l'article 4 ( dî'oït de sur
f i e de la m ère ) , sur laq u elle néanm oin s seront retenues les impositions
royales ;
5 °.
C e l l e de
55
livres 10 s o u s , portée en l ’a rticle
6°. L a m oitié des intérêts de la som me de i
25o
5
;
l i v r e s , form ant le q uart
revenant à C la u d a A u ter o ch e dans le prélegs de M ich el-C ésa r A s t a n i é r e ,
depuis le 3 septembre 1 7 4 $ , jusqu ’au 8 jan vie r 1 7 7 2 ; ensemble la moitié
de la som m e à laquelle se trouvera m o n te r , depuis led it temps , le seizième
des jouissances des biens de Jean A stan iére, qu i a appartenu à ladite C lau d a
A u t e r o c h e , du c h e f d u d it M ic h e l- C é sa r Astan iére, à titre d ’usufruit seule
m e n t , d éd u c tio n faite des intérêts, tant des charges foncières que des rentes
annuelles et autres c h a r g e s, lequel seizième sera liq u id é d ’après l’estimation
générale qui sera faite ( si fait n ’a été ) des jouissances des biens d u d i t
Jean A s t a n ié r e ;
7 0.
L a m oitié de la s o m m e à laq u elle se trouvera m onter, p o u r le temps
et d ’ après les estimations et d éd u ction s ci-dessus énoncés , le d ouzièm e
des jouissances des biens de Jean Astaniére , q u i a appartenu à ladite C lauda
A uteroch e,
à titre d 'u su fru it se u le m e n t ,
d u c h e f personnel de M a r c -
A le x a n d r e Astaniére :
P l u s , pe n d a n t led it tem ps, la m oitié des intérêts de la som m e de 4 16 liv.
i 3 sons 4 d e n ie r s, faisant le tiers revenant«! ladite C la u d a A u te r o ch e dans
le quart r ecu eilli par ledit M a rc-A le xa n d re Astaniére, du prélegs de
5ooo
liv .
de M i c h e l - C é s a r , son f r è r e ; p l u s , la moitié de la somme à laq uelle se
trouvera m o n t e r , po u r le tem ps et d ’après le» estimations et déd u ction s
c i dessus é n o n c é s , le quarante - huitièm e des jouissances des biens d u d it
Jean A siatuire , q ui a appartenu à ladite C l a u d a Au teroch e , à titre d ’usu
fruit s e u le m e n t, du c h e f d udit M a r c-A le x a n d r e , coium a a y a n t eu droit
�C7 )
de jouir d ’un tiers dans le seizième échu audit M a rc-A lexa nd re par le décès
d u d it M ic h e l- C é s a r , son frère ( * ) .
D éb ou te les héritiers F lou va t de leur demande en p a y e m e n t du surplus
de la som m e portée en l ’a rticle
3,
et en condam nation d'intérêts des sommes
portées aux sept articles ci-dessus, sauf l ’im pu tation et la com pe n sa tion
sur les jouissances , ainsi q u ’il a été ci dessus o rd onn é.
C o n d a m n e lesdits F lo u v a t à a cq u itte r et faire tenir q uitte ladite M a r c o n
de toutes dem andes et répétitions qui pourroient être formées c o n tre elle
pour raison d ’a u cun e des dettes , rentes et charges ci-dessus allouées auxdits F lou vat.
E t dans le cas où , par l ’évén em en t des imputations et com pensations
ci-dessus ordonnées , soit avec les jouissances a n n u e l l e s , soit a vec les autres
sommes particulières qui po urroien t se trouver dues à lad ite M a r c o n , elle se
trou v ero it reliquataire envers lesdits F l o u v a t , c o n d a m n e ladite M a r c o n à
p ayer auxdits F lo u va t le m on ta n t d u d it r e l i q u a t , avec les intérêts à c o m p te r
du ôo mai dernier , jour de la d em a nd e , dépens c o m p e n s é s , fors le c o û t
de l ’arrêt , q ui sera supporté par c e lle des parties qui , d ’après les im p u
tations et compensations ci-dessus ordonnées , se trouvera d éb itric e.
Après une aussi ample explication, il ne sembloit plus rester de
difficultés; mais la dame Marcon ne jugea pa6 le procès assez com
pliqué ; elle prétendit qu’on n ’obéissoit pas à l’arrêt de 1779, en
se désistant sur le champ; et cependant elle n ’adoptoil pas le rapport
d ’experts de 1780, et concluoil à un amendement : à cela elle ajoutoit plusieurs conclusions nouvelles.
i°. Elle plaidoit, en première instance, sur le partage de la suc
cession de Marie Auteroclie, son aïeule, ouverte en 1745; elle le
fit évoquer au parlement.
(■*) C e ca lcu l do fraction * se réd u it A un s ix iè m e ; en e ffe t , r ï ’ î’ T ï + 7 1
C ’e»t donc un six iè m e que la m ère a en usufruit.
P l u s , il lu i est accordé un quart et uuo m o itié dans le p réleg s de fcooo l i v r e s , aussi en
u su fru it.
l'n fin , scs d roits en propriété sont fix és i un n e u v iè m e , plu s u n tr e n t e -s ix iè m e , par
l ’arre t ci-ap rès.
�(8)
2°. Elle plaidoit sur le partage de la succession de son père et
de ses frères, quoiqu’il fût virtuellement ordonne par les deux
premiers arrêts, dès qu’on devoit lui rendre compte de moitié des
jouissances; elle le fit encore évoquer.
5°. Elle plaidoit sur le partage de la succession de Clauda Autcroche, sa mère, ou du moins de la virile à elle due, de l’argenterie,
des gains de survie et du compte de tutelle, quoique son contrat
de mariage et les précédens arrêts eussent réglé tout cela : autre
évocation, et jonction du tout.
4 °. Enfin, elle demanda les jouissances de 178 1, qui étoient de
droit, en vertu du premier arrêt.
Ces nouvelles réclamations, et les débats qu’elles occasionnèrent,
embrouillant de plus en plus le procès, il fut rendu un troisième
arrêt le 1". août 1781.
« L es F lo u va t sont co n d a m n é s à se désister d e la p o rtio n de biens cédés
» en 1 7 4 3 , a v e c r estitu tion de jouissances et intérêts depuis 1 7 7 1 .
« I l est o r d o n n é une nouvelle estim ation aux frais a va ncés de la dame
« M arcon. »
F a isa n t d ro it sur la d em ande en partage de la su ccession d e M a rie
A sta n iè r e , évoquée en la c o u r , c o n d a m n e les héritiers F lo u v a t à p ayer
à ladite dam e M a r c o n la som m e <le
livres , faisant m oitié de celle
de i 5o liv r e s , à laquelle les m eubles délaissés par M a r ie A u te r o c h e ont
été estimés par le p r o c éj
verb al de d e sc r ip tio n
fait après son décès ,
le i 5 octob re 1 7 4 S ; ensemble la som m e de 18 livres i 5 sous po ur le quart
en sus de ladite e s t im a tio n , a vec les intérêts du tout à c o m p te r d u d i t
j o u r ; ensemble la moitié de la valeur de tous autres meubles qui seront
justifiés a v o ir apparten u à ladite M a rie A u teroch e , au jo u r de sa i n o r t ,
m êm e des l i t s , ta b le s , a r m o i r e s , coffres et chaises de M a r ie A s t a n ic r e ,
que led it feu An toin e F lo u v a t a reconnu avoir eus en sa possession , sui
vant l'estimation qu i en sera faite à l'amiable entre les parties , sinon
par experts conven u s d ev an t le juge royal d 'I ssoire, que la c o u r c o m m e t ,
ou par lui pris et nomm és d'office. Q u a n t aux autres d roits de la suc
cession
de ladite M a rie A u t e r o c h e , r é s u l t a n t , soit de son
contrat de
mariage
�(9 )
m ariage avec Etien ne Astanière , d u
25
jan vier 1681 , soit (le la recon-
noissance passée pa r -d e v a n t n o ta ires , d u 16 juin 1 7 1 7 , sans s’a rrêter à
tous traités q u i auroient pu être faits au p r éju d ice de l'institution conten ue
dans le contrat de mariage de Jean Astanière , d u 16 fév rie r 1722 ;
O rd o n n e que ladite M a r c o n , p o u r sa moitié dans lesdits droits , sera
p a y é e sur les biens de la succession d u d it Jean A s t a n i è r e , de la som m e
de
3/(.o8
livres ; s a v o ir , celle de i 85o liv . à la date du z 3 jan vie r 1681 , et
celle de i 558 livres à la date du 16 juin 1 7 1 7 , ensemble des intérêts
d u tout à c o m p te r d u
A u t e r o c h e (*).
12 mars
1 7 4 3 , date du décès de lad ite M a r ie
E n c e q u i tou ch e les d em andes en partage d e la su ccessï> n d e Jean
A s ta n iè r e , père c o m m u n , évoquées en la cour , sans s’arrêter à la d em a n d e
en n u llité de la d isposition de J ea n Astanière , r elative à son m o b i l i e r ,
fo r m ée par ladite M a r c o n , la d éclare n o n -rec ev ab le dans sa d em a n d e
afin de partage des m eubles ineublans d u d i t Jean Astanière.
A l ’égard des im m eu b les autres que la maison située sur la place d 'I sso ir e ,
ord on n e que dans la q u in za in e de la signification d u p rése n t arrêt à
personne ou d o m i c i l e , il sera à l ’a m iab le , si faire se peut , sin on par
deux experts autres que c e u x qu i o n t dressé le procès verb al du 24 fé v rie r
1780 , procéd é A la v i s i t e , arpentage et e stim atio n des terres , prés
vignes et bois , proven an s de la succession
d u d i t Jean A stan ière , au
n o m b re desquels ils c o m p r e n d r o n t le bosquet ou petit bois Saussay, a ctuel
lem en t join t au p r é M o u to n par la partie seulem ent que lesdits experts
r e c o n n o itr o n t être devenué une d ép en da n ce d u d it pré M o u to n , laquelle
partie sera , par lesdits experts , mesurée et estimée avec ledit pré M o u to n .
O r d o n n e que lesdits experts procéd eron t ensuite au partage et division
de tous lesdits biens en deux lots é g a u x , autant
que faire se p o u r r a ,
lesquels l o t s , chargés de leurs soultes ou retour en d en iers, si aucunes il
y a , seront tirés au sort.
Q u a n t à la maison située sur la p la ce d 'Isso ir e, ayant égard aux demandes ,
offres et consentemens respectifs des parties , ord onn e que par les mêmes
experts il sera p ro c éd é à la v i s i t e , toisé et estimation de ladite m a i s o n ,
en distin gu a nt dans ic elle les trois parties d o n t elle se trouve actuelle*
m e n t com posée ; sa vo ir :
La prem ière p a r i e acquise par feu A n to in e Flou vat , de Jean-Baptiste
T i x i e r et sa fem m e , tenant du m id i
à la
maison de C h a b r a t , et
bise , à la seconde partie ci-après.
( * ) C o tte «omme a é té p a y é e. V o ir l ’acte de 1 7 8 3 , ci-ap rè s.
B
de
�( 10 )
L a d ite seconde partie énoncée et décrite en un procès V e r b a l et rapport
d ’experts , du p rem ier octobre 1667.
L a troisièm e p a r t i e , q u i , à c o m m e n c e r des confins de la précédente ,
suivant ledit procès v e r b a l , form e le reste de ladite maison actuelle ju s
q u ’au c o in de la maison du nom m e le l î l a n c , de bise.
Lesquels experts examineront s i , dans l ’état a ctuel de la m aison, les trois
parties qui la c om po sen t p e u ve n t se partager en telle sorte que les héri
tiers
F lo u v a t aient Ja prem ière portion
ci-dessus
d é s i g n é e , la
fem m e
M a r c o n et la ve u ve F l o u v a t , aient chacun e m oitié dans le surplus ; auquel
cas ils in d iq u e r o n t et fixeront la m anière d ’o p é r e r , au profit desdits h é r i
tiers , le partage et séparation de la prem ière po rtio n d ’a vec le su r p lu s ,
ainsi que le partage et séparation d udit surplus.
E t dans le cas où lesdits experts seroient d ’avis que ladite maison ne
p e u t se partager , et q u ’il seroit de l ’intérêt de toutes les parties ou de
q u e l q u ’une d elles de l i c i t e r , soit les trois portions de maison e n s e m b le ,
soit seulem ent les deux dernières portions , o r d o n n e qu'ils estimeront la
valeu r de ch acu n e desdites portions qui seront à lic ite r.
O r d o n n e au s u r p l u s , par rapport à la n ou velle estim ation des fruits
et jouissances c i - d e v a n t p rescrite , que par les mêmes experts il sera dç
s u i t e , et par un procès verbal sép a ré, p r o c é d é aux frais de ladite M a r c o n ,
et sauf à r é p é t e r , c o m m e d it e s t , à la nou velle estim ation du produit de
ch acu n e pièce de t e r r e ,
pré ou
v i g n e , depuis le
3
septembre
1743,
jusques et c o m p r is 1779» année c o m m u n e , eu égard aux bonnes et m au
vaises a n n é e s , d é d u c t i o n faite <les tailles , vin gtièm es et autres im p o s i
tions
royales , m êm e
de 8 livres l 3 sous
4
des cens et rentes
foncières
( autres
deniers due aux B én é d ictin s , de
3
que c e lle
livres due aux
prêtres de S a i n t e - A n n e , de trois c o u p e s fro m en t due aux mêmes , sur ]a
v ig n e a u x . C h ap elles ; desquels
cens
et
rentes les parties ont c om pté
e n t i ’elles jusqu’ en 1778 et 1 7 7 9 1 su iv an t l ’arrêt du 2,5 ju illet dernier ) ,
ensemble des frais de culture et semailles , suivant I usage des lieux , sans
a v o i r , par lesdits experts , aucuns égards à la prétention des héritiers FIouvat , dans le cas où ils prétendroient a ppliq u er à feu A n to in e Flouvat la
jouissance
à titre de percière , des objets dont
les baux à pe rcière ont
cessé pe n d a n t sa possession ; desquels obj»ts I s fruits et jouissances , à
com pter de la cessation desdits baux à percière , seront estimés pu rem ent
et s i m p l e m e n t , et suivant la d é d u c tio n ci-dessus.
C om m e aussi ord onn e que lesdits experts estimeront la valeur du prod u it
d'> c hacu n de«lits objets d ’année en a n n é e , et c e , suivant les m e r c u r ia le s ,
minages ou pancartes de c h a c u n e a n n ée, s'il
s'en trouve
po u r chaque
espèce du f r u its, e t , ù défaut d i c t l l e * , suivant la c om m u ne r eno m m ée et
�( 11 )
leurs connoissances p e r s o n n e lle s , dans laquelle
estimation
toutefois de
fruits et jo u is s a n c e s , ne sera , du consonteinen' r esp e ctif des p a r t i e s ,
com pris le prod u it du bosquet ou petit bois Saussay , joign an t le pré M o u to n .
O rdo nn e pareillem en t que lesdits experts e s t im e r o n t, c o m m e dit est , le
p r o d u it ou la valeur de tous les objets ( autres que ceux expressément e x
ceptés par le présent arrêt ) qui leur seront indiqués par l ’ une ou l ’a ulre
des p a r tie s , com m e d ép en da n s des successions d o n t il s’a g i t , et c e , sans
p r é ju d ic e du d ro it de la partie q u i se c ro iro it fo n d ée à em p êch er ladite
e stim a tio n , défenses réservées au con tra ire ;
C o m m e aussi q u ’ils estim eront les loyers q u ’o n t dû prod uire les deux
dernières parties de la m a is o n , eu égard à l ’ état dans lequel elles étoient
a va n t les réparations et reconstru ction s faites p a r feu A n t o i n e F l o u v a t ,
d éd u c tio n faite sur le m ontant desdits loyers , x°. de ceux des cham bres et
logeinens stipulés au profit de M a r ie A stan ière et de C la u d a A u t e r o c h e ,
aux termes des contrats de m ariage des i 6 février 1722 et i 5 octobre 1 7 4 a ,
po u r le temps qu’elles en ont joui ou dû j o u i r ; 20. de ceux de la m oitié de
la secon d e partie d é c rit e au procès verbal du prem ier o c to b r e 1667.
R e la tiv em en t aux dem andes des héritiers F l o u v a t , afin d 'in d em n ité des
r ép a ra tion s, n ouvelles a c q u i s i t i o n s , im penses et r econ stru ction s par eux
prétendues faites dans lesditcs deux dernières parties de maison , c o n d a m n e
ladite M a r c o n , suivant ses o ffr e s , i°. à pa yer auxdits héritiers F lo u va t la
som m e de 460 l i v . , de laq u elle ils ont d éclaré se c onten ter p o u r une in d e m
nité de la moitié des droits cédés a!feu A n to in e F l o u v a t , dans la seconde
partie de lad ite m a is o n , par Jean-Baptiste T i x i e r et Jeanne M o u r n a t , son
épouse ; a0, à leur p ayer le m on ta n t des réparations utiles et nécessaires
faites par led it A n to in e F l o u v a t ; à l ’effet de quoi ord onn e que par les
e x p e r t s , et dans le m êm e procès verbal d ’estimation des f r u i t s , revenus
et jo u issa n c es, estimation sera faite desdites rép a ra tion s, r e c o n s t r u c tio n s ,
impenses et am éliorations utiles et nécessaires.
S u r les demandes de la dame M a r c o n , afin d in d em nité des aliénations
faites p a r An toin e F lo u v a t , d ’aucuns des biens de la succession de Jean
A s t a n i è r e , d éc la r e ladite M a r c o n non recevable dans sa d em a n d e en in
d em n ité de la valeur et des jouissances des im m eubles donnés par led it
F lo u va t à M a r ie A sta n iè r e , par la transaction du
23 septembre
1744> pour
l ’a cq u it de sa légitime.
Q u a n t aux in d e m n ité s prétendues pour l ’aliénation de la p e tite inuison
de S a u v a g n a c , v e n d u e à rente au n o m m é Canassy , et de la vig n e aussi
donnée à rente à un p n rtic u lirr de S au v a gn ac , or d o n n e que par les mêmes
expert» il sera p ro c éd é à la visite, to is é, mesure et e stim a tio n , tant de
l a d ite maison que de ladite v i g n e , eu égard à le u r va leu r a c t u e l le , dé-
B a
�( 12 )
duction faite toutefois des im p e n se s, augmentations et am élioration1: qui
seroient du fait des preneurs à r e n t e , ensemble à l ’estimation des lovais et
jouissances depuis le
3
septembre 1743 jusques et c o m p ris 1779 ; et, dans le
cas où le m on tant de l'estim ation excéderoit le p r in c ip a l des rentes m o y e n
n ant lesquelles lesdites maison et vig n e o n t été a liénées, c o n d a m n e dés à
présent les héritiers F lo u v a t à pa yer l ’excédent à ladite M a rco n .
A l’égard des im m eubles qui ont pu être c o n c é d é s à aucuns p a r tic u lie r s ,
soit par ledit An toin e F l o u v a t , soit par sa ve u ve ou ses h éritiers, à titre
de pe rciére , d on ne acte auxd its ve u v e et héritiers F lo u v a t , de leurs
offres de ren d r e sans e f f e t , dans le déla i d ’un an à c o m p te r de la date du
présent a r r ê t , tous les baux à perciére qui ont pu être consentis par led it
feu A n to in e F lo u va t ou par eu x , sans au cun e garantie toutefois du fuit
des tenanciers q ui se préten d roien t en droit d ’en jouir audit titre de perc i è r e , i n d é p e n d a m m e n t desdits nouveaux baux à p e r c i é r e , et en vertu de
titres en possession antérieure à iceux.
S u r les autres dem andes respectives des parties , afin d ’estimation des
dég ra d atio ns ou améliorations prétendues fuites aux terres, vignes et p r é s,
les met hors de cour.
D e toutes lesquelles estimations de jou issa nces, répa ra tion s, r ec o n stru c
t i o n s , impenses et am éliorations et i n d e m n i t é s , sera, par lesdits e x p e r t s ,
dressé procès verbal sé p a r é , c o m m e d it e s t , lors d u q u e l les parties p o u r
r o n t faire tels dires , réquisitions et observations que bon leur semblera.
P o u rr o n t lesdits experts, à l’effet de toutes les opérations des deux procès
verbaux ci-dessus o r d o n n é s, faire telles autres o p é r a t i o n s prevues ou non
prév u es q u ’ils jugeron t nécessaires ou c o n v e n a b le s, m ê m e , en cas de par
tage e n tr ’e u x ,
c o n v e n ir d ’un tiers expert devant
le juge royal d ’Issoire ,
q u e la c o u r c o m m e t à cet e f f e t , ou en req u é rir la nom ination d ’office;
p o u rro n t aussi consulter , si bon leur semble , les voisins , ouvriers , et
autres a yan t connoissance de l ’ancien état et valeur tant de la maison d ’Is
soire que de la maison et vig n e baillees à r e n t e , meine , com m e renseignemens , les titres et papiers q u i leu r seront remis par les p a r tie s , n o ta m
m en t le procès verbal du p rem ier oc to b re 1667 , celui dressé a la requête
enfin celui du z/t février 1780.
K n ce q u i touche la d em ande en partage d rs su ccessio n s de M ic h e l-
d u d i t A n to in e F l o u v a t , le 22 avril
César et d e M arc * A le x a n d r e A s L an ière. , frères c o m m u n s , form ée par
la d am e M.ircon ,
Donne acte à ladite M a r c o n de ses offres de faire état ou payem ent en
deniers , à la ve u ve F lo u va t , de la valeur à laquelle se trouvera monter la
portion virile de C la u d a A u t e r o c h e , mère c o m m u n e , dans la succession
d u d it M a rc - Alexandre Astnnlèro ; lui donne pareillem en t acte de ce q u e ,
�( i5 )
par leur requête du 4 juin d e r n i e r , lesdits Flou vn l a cc e p te n t Iesdites offres;
en co n s é q u e n c e , c o n d a m n e ladite M a r co n à faire état ou p a y e m e n t en d e
niers , à ladite ve u ve F l o u v a t , de la m o itié de la som m e de
2 deniers , faisant le neuvièm e des
5ooo
555
livres 11 sous
livres de prélegs fait à M icliel-C é sar
Astanière , par J<;an, son p è r e , ensemble de la m oitié du trente-sixième de la
valeur à laquelle les biens d e Jean Astanière se tr ouveront monter , d ’après
l'estimation ci-dessus ordonnée , d é d u c tio n faite des capitaux tant des charges
fon cières que des dettes , ensem ble d u d it prélrgs et autres legs , si a ucun s y
a e n ; auxquels neuvièm e et trente-sixième
A u te ro c h e
le
droit de portion virile de C lau d a
, q u an t à la p r o p r ié t é , dem eure fixé p a r lu présent a r r ê t , sans
pr éju d ice de l ’usufruit de la totalité des portions viriles de ladite C la u d a
A u tero ch e , dans les successions desdits M ic h e l -C ésa r et M a r c - A l e x a n d r e ,
ses enfans , suivant q u 'il est fixé par l ’arrêt du a5 juillet dernier.
C e fa isan t, sur la dem ande en partage desd iteï su c ce ssio n s, met les partiel
hors de cour.
E n ce q u i touche les demandes relatives à la su ccessio n d e C lau d a
stu tero ch e , déboute ladite M a r c o n de sa d em a nd e en n u llité de l ’o r d o n
nance <1(1 juge d 'îs s o ir e , du 29 mai 1 7 7 3 , qui n permis à la veuve F lo u v a t de
prendre la qualité d ’héritière par bénéfice d 'in ventaire de lad ite C l a u d a
Auteroche.
Sans s’arrêter aux autres demandes de ladite M a rcon , afin de p a r ta g e ,
tant des portions viriles recueillies par C la u d a A u t e r o c h e , que de ses gains
de survie , ni à sa dem ande afin de remise de sa p a rt de l ’argenterie p r é
tendue trouvée dans la succession de C la u d a A u t e r o c h e , desquelles d em a n
des elle est déb ou tée, d on ne acte aux Flouvat de la déclaration faite par
ladite M a r c o n , q u 'elle n ’entend point d em ander le c o m p te de tutelle à
elle dû par C la u d a A u te r o c h e ; en conséquence , cond am ne lad ite ve u ve
F l o u v a t , en ladite qualité d ’héritiere b én é ficia ire ,
i ° . A payer à ladite M a r c o n la somme de
3ooo
livres à elle assurée par
ladite Clauda A u t e r o c h e , tant p a r l e contrat de mariage d ’A n t o i n e F l o u v a t ,
que pnr celui de ladite M a r c o n , sous la cond itio n de ne p.is d em a n d e r
ledit co m p te de t u t e l le , avec les intérêts à c om pter du 8 jan vie r 1 7 7 2 ,
date du décès de ladite C la u d a A u t e r o c h e ;
2 e. A d élivrer à ladite M a r c o n la moitié de tous les meubles en nature '
( autres que c e u x d e cure ) , à elle pareillement assurée par lesdits contrats
de m a r ia g e , et c e , suivant les procès verbaux d'apposition de s c e l l é s ,
reconnoissance d ’iceux et inventaire , des 8 jan vier 1772 , fi et iq j u i l
let 177S ;
5°.
A payer en mêm e temps à ladite M a r c o n ln som m e de
35o
livre*,
à laquelle la c o u r arbitre les dommages - intérêts r é s u lta n s , soit du dé-
�C *4 )
faut de jouissance desdits m e u b le s , soit d u
ép ro u v e r .
dépérissem ent q u ’ils ont pu
Sera ladite veuve F lo u v a t tenue de satisfaire aux condam nations ci-dessus,
dans deux m ois p o u r tout d é l a i , à co m p te r de la signification du présent
arrêt à personne ou d o m i c i l e , si m ieux elle n ’aime rend ra son com pte de
bénéfice d'inventaire , ce qu'elle sera tenue de faire dans le m êm e délai de
deux mois , sinon , et à faute de c e faire dans l e d i t d é l a i , et icelui passé ,
en vertu" du présent a r r ê t, et sans q u 'il en soit besoin d'autre , la déclare
d é c h u e d u d i t bénéfice d ’i n v e n t a i r e , et la répute d é b itric e pure et sim ple
d e ladite M a r co n .
L e tout sans p r é ju d ic e et sous la réserve des droits et prétentions des
héritiers F l o u v a t , c o n tre la succession de ladite C lau d a A u t e r o c h e , d é
fenses réservées au contraire.
E n ce q u i lou che l.i deirtande île ladite ATarcon , afin de jo u issa n ce pa r
m o itié , en la présente année , tle tous le s fr u its e t revenus des biens
d o n t il s ' a g i t , ensemble afin d ’ind em nité de la p riva tion q u ’elle a essuyée
d ’a ucuns
d iceu x
en 1 7 8 0 ,
nonobstan t
l ’arrêt
prov isoire
du
8 juillet
de la m êm e an n ée, ordonne que le d it arrêt sera exécuté pour la présente
ann ée
com m e
i l d ev oit l ’être po u r
1780; en c o n s é q u e n c e , que
ladite
M a r co n jouira de tous les biens des successions d on t i l s’a g it, par égale
po rtio n avec la veu ve F lo u v a t , à la charge par elle , su ivant ses offres ,
i ° . de faire état ou payem en t à la ve u ve F lo u v a t pour les années 1780
et
1 7 8 1 , d es
intérêts de
la som m e
à laquelle
se
trouvera
m on ter,
q u an t à la p r o p r i é t é , d'après les estimations ci-dessus ordonnées , la por
tio n v ir ile de Clpu d a A u t e r o c h e , dans la succession de M a r c - A le x a n d r e ,
son fils, appartenante à ladite ve u ve F l o u v a t , en sadite qualité d'h éritière
b én é firi lire ;
20, D e c on trib u er pour m o itié au payem en t des c e n s , ta ille s , v i n g
t i è m e s , frais d ’exp loitation, rentes et autres charges desdites su c c e ssio n s,
m êm e de p a v e r , à la Sain t-M artin p r o c h a i n e , aux héritiers F l o u v a t , la
som m e de 218 livres po ur intérêts des 4000 livres, d ’ une pr.rt, et 725 liv.
d 'a u t r e , allouée par l ’arrct du
25
juillet dernier, plus celle de 18 livres
répétée par les F lo u v a t p a r leur requête du
juillet d e r n ie r ; lesquelles
som m es néanmoins ladite M a r c o n demeure autorisée à retenir entre ses
m a in s , sur et en déd uction du montant des sommes par elle répétées à
titre de non jouissance pe n d a n t l'année d er n iè re, de tout ou partie d ’au
cuns des objets detdites successions ; à l'effet de quoi ord on n e que par
les mûmes experts qui procéd eron t aux opérations c i-d e v a n t ordonnées ,
la moiti» revenante à ladite M a r co n
dans les loyers de la deuxième et
Uoisiéine portion de la maison sur la place d ’Issoire , pour les années 1780
�( J5 )
et 17S1 , sera estim ée , eu égard à l ’état dans lequel étoien t lesdites p a r
ties de maison avant les réparations et r econ stru ction s faites par A n t o i n e
F lo u v a t , et d é d u c tio n faite seulement des loyers de la m oitié de lad ite
d eu x ièm e partie ; desquels loyers , ensemble du m o n ta n t d u prod u it de*
autres objets dont ladite M a r c o n n 'a pas eu la jouissance , elle pourra
im p u te r et d éd u ire la som m e sur le total de celles allouées p a r ledit arrêt
du ï.5 juillet dernier.
S u r le surplus des demandes , fins et conclusions d tsd ite s parties , les
met hors de cour.
>
C o n d a m n e les F l o u v a t , pour tous dom m ages et in t é r ê ts , aux trois quarts
des é p ic e s , v a c a t io n s , et co û t de l ’arrêt du 6 septembre 1 7 7 9 , q u i a dû être
a v a n c é par A n to in e F lou vat et sa fem m e ; c ond a m ne la dam e M a r c o n à
l ’autre quart des dépens réservés par les p r é c é d e n s arrêts; p l u s , à supporter
ou rem bourser le quart des épices , vacations , et c oû t d u d it arrêt du 6 sep
tem bre 1779 , tous les dépens relatifs
à la
nouvelle estimation réservés : c o n
d am n e la ve u v e F lo u v a t en une m oitié des autres dépens faits depuis l ’arrêt
du 6 septembre 1 7 7 g , autres q u e ceux de la cause jugée par l’arrêt d u
25 juillet d er n ie r , de laquelle m oitié ladite ve u v e F lo u va t pourra e m p lo y e r
un sixième en frais de bénéfice d ’inventaire : c o nd a m ne les héritiers F lo u v a t
en un sixième' desdits dépens, les deux autres sixièmes compensés, que la dam e
ve u ve F lo u v a t et la fem m e M a r c o n em p loiron t r esp e ctiv em e n t en frais de
partage.
E t sera le r.oùt du présent arrêt supporté po u r deux cinq uièm es par la
dame veuve F l o u v a t , qui pourra en e m p lo ye r un sixième en frais de b én é
fice d ’i n v e n ta ir e ; po ur un a u tre cin q u ièm e par les héritiers F lo u v a t ; un
c in q u ièm e dem eurant com pensé entre l a d ite veuve F lou vat et ladite M a r c o n ;
et l'autre c in q u iè m e réservé pour être répété en définitif,
11 esl aisé de voir, par plusieurs dfis dispositions de cet arrêt,
que le parlement étoit lassé de statuer sans cesse sur les mêmes
difficultés ; il donnoit tout pouvoir aux experts ; il régloit des in
demnités d ’office: et il y avoil lieu de croire qu'enfia il n’y auroit
plus de procès.
Mais les sieurs Flouvat éioicnt assez malheureux pour qu’il n ’en
fût pas ainsi. Les experts nommés pour l’amendement requis
par la dame M arcon, employèrent un rapport de neuf cent vingt
�( i6 )
pages à être divisés d’opinion ; un tiers expert estima la succession
à 27905 liv. 5 sous, et fixa les jouissances.
«
Les héritiers Flouvat purent enfin s’exécuter ; et ils prouvent,
par ce qui se passa alors, combien ils éloient jaloux de terminer
avec la veuve Marcon par tous les sacrifices possibles.
i°. L ’arrêt lui adjugeoit, dans la succession de l’aïeule, une
somme de 3408 livres; ils lui délaissèrent des fonds pour cette
somme.
20. L ’arrêt lui adjugeoit 85 liv. i 5 s. pour le mobilier de ladite
succession, estimé; plus, la moitié de celui qu'Antoine Flouvat
reconnut avoir en sa possession ( d ’après une transaction de 1756).
Les héritiers Flouvat le fixèrent eux-mêmes à i 5 o livres, lors du
premier rapport d’experts : ce qui eut lieu sans réclamation.
5°. Par traité du 12 novembre 1783 , ils délaissèrent des im
meubles à la veuve Marcon pour la payer de tout ce qui lui étoit
dû dans la succession maternelle, c’est-à-dire , de 3ooo liv. pour
sa d o t, de 1714
Pour intérêts, de 35o liv. pour dommages-
intérêls arbitrés d ’office, et pour la somme de 55o liv. pour un
quart des frais du premier rapport.
Et comme les immeubles cedes excedoient lesdites sommes de
celle de 1400 livres, il fut dit que cette somme de i/,oo livres
resteroit entre les mains de la veuve Marcon ; pour être ensuite
imputée : elle en est débitrice.
4°. Par autre traité du i y décembre 1784, la maison d ’Issoire
fut licitée entre les parties à iôfioo livres; la femme Marcon la
retint pour cette somme, et il fut réglé qu’il ne lui en revenoit
que pour 25oo liv. ( à cause des réparations et augmentations
faites par le sieur Flouvat. )
Sur le surplus, elle paya 600 liv. aux sieurs Flouvat; elle retint
eu
�( *7 )
en scs mains la somme de i 25oo liv. pour en faire le rapport. Sur
quoi elle s’obligea d’acquitter ce qui restoit dû au sieur T ix i e r ,
vendeur ( environ 800 li v .) ; et il fut ajouté qu’elle feroit compte
de Vintérêt du surplus au taux de la lo i , sans retenue.
A i n s i , la voilà débitrice de 1400 liv. depuis 1783 , et d’environ
11700 liv. depuis 178 4, avec l’intérêt au denier vingt.
D e leur p a rt, les sieurs Flouval dévoient la restitution des jouis
sances de la moitié des biens de Jean Astanière depuis 174^; mais
tout prouvoit que les charges les reduisoient à r ie n , puisque leur
père avoit donné tous les biens à jouir à sa belle-mère pour ses
reprises: fait dont la dame Marcon se fait elle-même un moyen.
T elle étoit la position des parties, lorsque le 18 mai 1785 la
dame Marcon assigna les sieurs Flouvat pour exécuter les arrêts,
et voir homologuer les rapports.
Alors les sieurs Flouvat présentèrent leur compte le 1". février
1786.
Ils divisèrent chaque année en deux chapitres ; le premier se
composoit, i°. des sommes payées à la dame Marcon , avec l’in
térêt , 20. des reprises de la mère ( représentée par eux suivant les
arrêts ) , 3e. des charges annuelles et rentes ; et le deuxième cha
pitre se composoit de la moitié des jouissances ducs à la dame
Marcon , suivant le l'apport.
Par ce com pte, les héritiers Flouvat s’établirent créanciers de
3 i 52 liv. en 1780, époque où la dame Marcon s’étoil mise en pos
session; à cela, ajoutant les provisions payées, et autres sommes
ne portant pas intérêt, plus, les ia5o liv. prix du retour de lot
de la maison, et enfin les intérêts du tout jusqu’à la fin de 1785;
il en résulta que la dame Marcon étoit débitrice de 17985 liv.
liientôt les sieurs Flouvat s’aperçurent qu'ils avoient omis dans
G
�( i8 )
ce compte quelques articles, et notamment la somme de 1400 liv.
portée en l’acte de 1783, comme restée dans les mains de la dame
Marcon : ils rectifièrent cette erreur par des conclusions.
L a dame Marcon signifia, le 17 décembre 1786, des débats à
ce compte, ou plutôt elle en présenta un nouveau, où elle se
reconnut débitrice, en compte final, de462g liv., déduction faite
des 4000 livres et des i 5ooo livres; laquelle somme de 462g livres
elle prétendit devoir rester en ses mains pour sûreté des frais par
elle faits , offrant de payer Vintérét de ladite somme de 4G29 liv.
suivant l’acte de 1784.
Comm e par ce débat la damer IVIarcon avoit fait apercevoir
quelques défauts de calcul au compte des sieurs Flouvat, ceux-ci
les rectifierent par une écriture du 6 avril 178g. Ce n ’est qu’après
celte dernière rectification que le compte fut affirmé par-devant
M . Ferrand , conseiller, le 2 juillet 178 g: après ce la , la dame
Marcon fit encore signifier de très-longs débats le 17 décembre 1790.
T e l fut le dernier état au parlement, supprimé peu de jours après.
On fait grâce à la cour du détail fastidieux d ’une foule de pro
cédures frustratoires et occultes , qui furent laites sous le nom de
la dame Marcon , au sujet du même compte. O11 avoit fait inter
venir sa fille, comme curatrice du sieur Marcon; c’est à e lle q u ’on
rendoit un compte : on y faisoit paroitre plusieurs prétendus créan
ciers, et le procureur lui-même y intervenoit sous son nom. On
faisoit trouver les sieurs Flouvat débiteurs de 57000 liv.; et on surprenoit des arrêts par défaut , auxquels , faute d ’en recevoir copie,
il n'y avoit pas eu d ’opposition. Enfin le scandale de cette procé
dure appela l’attention: un arrêt du 5o août 1786, la déclara toute
entière nulle et frustratoire, et condamna le procureur (le sieur
Golct de lilacy) aux dépens en son nom personnel.
�( *9 )
L e procès fut repris à R io m , comme tribunal choisi par les
exclusions respectives, en 1792. 11 n ’y fut rien statué; mais ce qui
s’y passa est important pour la cause.
L e 1 3 prairial an 4 , les fils Marcon, agissant pour leur mère, signi
fièrent aux héritiers F lo u vat, que le jugement du procès en reddition
de compte étoil peut-être fort éloigné, parce que le tribunal civil étoit
encombré d’affaires ( et sans doute que les assignats approchoient
de leur fin); qu’ils avoient intérêt de se libérer de trois objets indépendans du compte; en conséquence, ils firent des offres, à porte
feuille ouvert et papiers déployés ( ce sont leurs expressions), de
*999® ^v* > pour le prix resté en leurs mains des deux actes de
1783 et 1784, et pour la virile due à Clauda Auteroche, dans les
successions de scs enfans ; ils augmentèrent ces offres par autre
exploit du i 5 , et les portèrent à 21000 liv.
Ces offres ont été déclarées nulles, par jugement du a5 prairial
an 7 , attendu qu’elles dépendoient d ’un compte non réglé. Il n’y
a pas eu d’appel de ce jugement.
Enfin, le procès a été repris en la c o u r , où la dame Marcon a
fait signifier le mémoire auquel on répond.
•
m o y e n
s.
L a dame Marcon s’obstine à 11c vouloir pas suivre les formes
reçues. L ’ordonnance de 1667 dit que l’oyant compte donnera ses
blâmes et débats dans la huitaine; et c’est un compte nouveau
qu’elle a voulu présenter. Mais où en seroit-on , et comment pourroit-on s’entendre, si le comptable étoit obligé de débattre 1111
second compte? et quelle raison y auroit-il pour qu’il n’en donnât
pas aussi un troisième, sous prétexte de corriger le second? II fauC a
�( 20 )
droit bien aussi le présenter avec ses apostilles et ses preuves j et
malheur à la patience même la plus exercée, si les héritiers Flouvat
eussent voulu rectifier le second ou plutôt le troisième compte de
la dame Marcon par un quatrième compte!
L a course passera certainement de cette surcharge de chiffres;
il est même difficile de ne pas lasser son attention , par ce qui
reste à lui dire. Mais au m oins, puisqu’un soutènement décompté
est chose nécessaire, les sieurs Flouvat en abuseront le moins pos
sible, et se contenteront de prendre pour exemple la première
année 1743 , c’esl-à-dire, les quatre mois comptés de l’année 17^3 ;
de là ils parcourront
quelques
articles
d ’années
subséquentes.
Il faudroit peut-être répondre auparavant à un calcul prélimi
naire que fait la veuve M arco n, aux pages 4 et 5 de son mémoire.
Mais la plupart de ces articles sont des objets étrangers aux arrêts,
et déjà proscrits par les hors de cour : tout cela d ’ailleurs exigeroit
des développemens nouveaux; e t , dans une cause aussi compli
quée, ce seroit brouiller les idées de la cour, et s’embarrasser soim êm e, que de s’éloigner de l’objet positif du procès.
II s’agit d ’un compte de jouissances , dû à la veuve Marcon, qui
doit, de son côté, des créances réglées, et des charges. Ce compte
a été présenté, il ne s’agit donc que d ’examiner en quoi on le
dit défectueux.
§. 1". D e 1745. ( Page 8 du mémoire. )
L ’article premier est un capital de 5oo liv. pour un terme de
la dot reçue par la dame Marcon ; elle l’alloue. L ’article 2 étoit
de 7 liv. 10 sous pour les intérêts de cette dot en 174^. L a dame
M arcon, par sa requête de 178 6, allouoit 7 liv. 7 sous 9 den. ;
�( 31 )
par sa requête de 1790, elle allouoit seulement 29 sous ; et enfin,
par son mémoire , elle n’alloue rien du tout.
Cette négation parolt d’abord peu conséquente ; mais elle s’é
tend ensuite à toutes les années du compte ; et par ce
m oyen ,
la dame Marcon se dispense de payer pendant quarante ans l’in
térêt des 4000 livres qu’elle a reçues, malgré l ’arrêt de 1779.
Son moyen (qui se trouve page 10) est de dire que le capital
est éteint par la compensation de sommes antérieures au 3 septem
bre 1743, et ne peut porter intérêt.
Quelles sont ces sommes? Elle n’en dit rien. Quelles peuvent*
elles être? Aucunes, sans contredit; car les héritiers Flouvat ne
doivent rien d’antérieur.
Ils ne doivent que du mobilier de la succession de l ’aïeule : le
total étoit de 86 liv. par l’arrêt, à quoi ajoutant j 5 l i v ., suivant
le rapport des sieurs Petit et R o b e rt, on sera toujours bien loin
de compenser 5 oo liv., et à plus forte raison, dans les années
suivantes, sera-t-on éloigné de 4000 hv.
D ’ailleurs , de quel droit la dame Marcon raye-t-elle un article
autorisé? L ’arrêt du 21 juillet 1779 la condamne à faire compte
de la somme de 4000 liv. ; savoir, 5oo liv ., etc. avec intérêt à
compter de chaque payement.
Les articles 3 , 4 , 5 , 6 ont pou de différence entre le compte
Flouvat et la correction. Cette différence sera aisément rectifiée
lors de l’apurement; et
quoique
les héritiers Flouvat croient avoir
raison , il est inutile d ’en occuper la cour.
L ’article 7 , relatif au sixième revenant en usufruit a la m è re ,
est rayé par la dame M arcon; et son m otif ( page 10 ) est de
renvoyer 5 un tableau par elle rédigé, pour montrer qu’il n ’y a
rien de reste dans la succession après les charges payées, et qu’ainsi
le sixième se réduit à rien.
�( 23 )
Il y a p lu s, car nous verrons ci-après , dans le
I I , que la
darne Marcon fait supporter à sa mère le prétendu déficit qu’elle
dit avoir observé.
Cet article est encore très-important ; car il se répète à toutes
les années suivantes; et il en résulte que pendant vingt-neuf ans
( jusqu’en 1772 ) les Flouvat n ’auroient rien à prendre pour le
sixièm e des jouissances dû à leur mère : cela n’est exact que pour
très-peu d’années , et les héritiers Flouvat n ’ont pas attendu le
tableau auquel la dame Marcon les renvoie, pour diminuer, ou
rayer même les années absorbées par les charges.
Far leur
requête de
178g,
ils o n t réduit l ’article
7,
de
1743 , à
3g so u s, et ont indiqué les autres années pendant lesquelles il y
avoit des déductions à faire.
Mais la loi doit être égale, et les héritiers Flouvat prennent acte
du tableau lui-m êm e, pour en induire que la moitié de ces mêmes
jouissances due à la dame Marcon doit aussi être réduite à rien.
C e n ’est cependant pas là le calcul de la dame Marcon ; elle
raye les articles du sixièm e, et conserve ceux de moitié.
Ne nous étonnons donc plus qu’avec de tels élémens, en ôtant
tous les ans d ’une part, et augmentant de l’autre , il y ait au bout
de quarante ans une si grande différence entre les deux comptes.
Il faut rétablir l’article 7 comme les sieurs Flouvat l’avoient
réduit eux-mêmes en 178«), et il est juste de partir de celte base
pour les années suivantes, jusqu’il 1772. Les héritiers Flouvat con
viennent encore que le*kixième des jouissances revenant à la mère,
et devant être prélevé avant partage, doit n ’être compté qu’en
dernier article, c’est-à-dire, après le dégrèvement des charges.
Les articles 8 et 9 ne sont diminués que de peu de chose : c’est
encore un objet de calcul lors de l ’apurement.
�( ^
)
L ’article 10 consiste en 277 liv. i 5 s. pour le neuvième en pro
priété du prélegs de 5ooo liv. adjugé par l’arrêt du 1". août 1781.
L a dame Marcon ne rejette pas indéfiniment cette somm e; mais
il lui plaît de la transporter à l'année 1772 , comme elle le dit à
la page 10.
Ses motifs seroient assez curieux , s’ils n ’éloient contradictoires
avec ceux qu’elle emploie dans son tableau relatif à la radiation
de l’article 7. Si cela étoit p ayé, dit-elle, en 1743, la mère n ’auroit plus dû réclamer les intérêts; et il vaut mieux lui payer la
somme au moment de sa m o r t , parce qu’elle a besoin jusque-là
de son revenu.
D ’après cela, on -va croire que la dame Marcon portera tous
les ans l’intérêt de cette somme à sa mère pour la dédommager :
point du tout.
On croira au moins que, dans le tableau en question, elle lui
en fait compte, avant de la grever d ’un sixième du prétendu
déficit. Au contraire; car elle porte la moitié du prélegs en dé
duction , quoique la mère ne le prenne p a s, et il résulte du tableau
que la mère n ’a rien dans les jouissances à cause du prélegs qui
aide à les éteindre. Il résulte aussi des pages 8 et 10, qu elle n ’a
rien dans le capital de ce prélegs, à cause qu’il faut lui conserver
ses revenus.
Il
11e reste plus qu’à savoir à quelle page on lui accorde ces
revenus; mais la dame Marcon 11’en a accordé nulle part. Cepen
d a n t, dans son acte d’offres de l’an 4 , elle comptoit Gooo livres
d ’intérêts, et par conséquent elle y comprenoit ceux du prélegs
de sa mère, puisqu’il faisoit partie des trois capitaux offerts.
A u reste, comme la veuve Marcon n’est pas libre de transposer
des sommes qu'un arrêt ne transpose pas , les héritiers Flouvat
�(=4)
demandent qu’elles soient laissées à l’année où ils les ont placées,
parce que jamais on n’a vu attendre le décès d’un créancier pour le
payer.
Ils remercient la dame Marcon d ’avoir bien voulu veiller à leurs
intérêts, en disant qu’elle opéroit ainsi pour ne pas priver la mère
de ses revenus. M a is, s’ils se sont fait tort, ils s’en consoleront;
et ce n ’étoit pas la peine de refondre tout un compte pour faire
semblant de ne pas les priver d ’un intérêt qu’ils ne veulent pas.
L ’art, i i est encore renvoyé à 1779» par un semblable effet de
la complaisance de la dame Marcon. Les sieurs Flouvat n’en persis
tent pas moins à demander que la somme reste à l ’année 1742 , au
risque d’être privés des intérêts à courir.
L ’art. 12 est rejeté tout à fait par la dame M arcon; et ses
moyens ( page 10 ) sont, sur ce point, beaucoup plus étendus.
C ’est qu’aussi sa tâche étoit pénible , car il ne s’agissoit de rien
moins que de lutter contre l’arrêt du i*\ août 1781.
En e f f e t , cet arrêt dit textuellement que la dame Marcon fera
compte au sieur Flouvat de 450 livres pour indemnité à lui due
sur partie de la maison.
L a dame Mqrcon ne se le dissimule pas ; mais elle prétend
prouver que c ’est une injustice, parce que l’arret supposoit un par
tage et non une licitation.
Précisément l’arrêt prévoyoit aussi une licitation. Il fixa une
gomme d ’office pour empêcher de nouvelles contestations ; et on
croit possible de faire tomber cette fixation.
Par q u o i, au reste, est-il prouvé que la moitié de la maison, qui
revenoit dans l’origine à la dame Marcon , ait eu pour moins de
45o livres de réparations? L a dame Marcon veut-elle encore une
expertise ? Mais elle tranche la difficulté en n’allouant aucune
somme
�( ^5 )
somme. Elle veut en revenir à une transaction de 1667 , et à une
explication qui tendroit ù rejuger partie du procès. Elle convient
cependant que la difficulté étoit née lors de l’expertise et du traité
de 1784 ; m a is , dit-elle, on ne pensa pas alors à ces 45 o livres.
On pensa à tout, mais personne ne s’avisa de meltre en question si
l ’arrêt de 1781 seroit réformé lorsqu’il adjngeoit ces 45 o livres , en
mitme temps qu’il ordonnoit partage ou licitation. Les héritiers
Flouvat persistent donc à demander ces 45o livres, et les intérêts
dont ils ont iormé demande additionnelle par leur requête de 178g.
L ’art. i 3 consiste en une somme de 27g livres 5 so u s, pour les
dettes payées par Antoine Flouvat. L a dame Marcon, dans sa requête
de 1786, allouoitcet article, à la charge de produire les quittances;
aujourd’hui elle le réduit à 11 livres 18 sous , et se permet de ren
voyer le surplus à d ’autres années.
C ’est ainsi q u e , sans raison et avec le plus léger prétexte, elle
dénature un compte tout entier, et nécessite, à pure perte, des
frais plus considérables cent fois que la différence qui peut exister
entre l’intérêt d’une foible somme divisée en trois années , et l’in
térêt de la même somme porté tout à la fois.
A u reste, et ce n ’est pas seulement une inutile tracasserie qu’il
y a à reprocher là-dessus à la veuve Marcon , l’ arrêt du 25 juillet
1781 est impératif; il a ordonné qu’elle tiendrait compte de 27g 1.
5 sous sans intérêts, et par simple compensation avec les jouissances.
L a loi ne doit donc pas être dure pour le débiteur seul, qui s’est
libéré en payant la detlc du créancier. L ’arrêt n ’a rien distingué sur
cette somme; et cependant, quant aux4«oo livres, il a distingué les
époques de payeinens : il a donc fallu distinguer quand l’arrêt le
vo u lo it, et ne pas distinguer quand il ne le disait pas. Les héritiers
Flouvat ont en effet divisé la somme de 4000 livres à ses diverses
D
�(
)
époques; et quant aux 279 liv. 5 sous, ils les ont portés à la pre
mière année , ce qui est absolument sans conséquence, puisqu’ils
ne les portent que pour déduire et non pour produire intérêt. Cet
article doit donc être maintenu.
Quant à l’article i 4 > relatif aux impositions à déduire, les sieurs
Flouvat les portoient au hasard à 120 livres par an ( ce qui étoit
très-peu pour une succession de 27900 livres d ’immeubles ) , parce
qu’il leur avoit été impossible de trouver les rôles.
L a dame M a r c o n prétendit avoir élé plus heureuse , et dit qu’elle
avoit un étal général. Il
se p o r l o i t , d i s o i t - e l l e ,
à 101
livres
4 sous
pour 1743 ; e t , par une différence assez inconcevable, l’imposition
n ’éloit que de 27 livres en 1749 , quoique les biens fussent les
mêmes.
Aujourd’hui la dame Marcon fixe les quatre mois de 174$ à
10 livres, et l’année 1749 a 5 francs 77 centimes( pages 8 et 17 ) ;
et pour prouver combien tout cela est intelligible, elle dit ( page 11 )
qu’on trouvera dans trois tableaux tous les renseignemens néces
saires.
L a première chose, également intelligible dans le premier tableau,
est que la cote des biens Astaniere etoit con fondue avec celle du sieur
l ’a y o t , deuxième mari de Clauda Auteroche, de sorte que la divi
sion h en f.iire a été à la pure volonté de la dame Marcon.
Mais c’est assez s ’occuper d ’un article qui doit encore rester tout
entier soumis au calcul définitil- Si la dame Marcon a des extraits
en règle (les rôles, comprenant toute la cote <1<‘ S biens Astanière,
et qu’il soit possible de la distinguer, pas de difficulté alors h suivre
cette déduction ; sinon il faudra bien s’en tenir à celle fuite par
les sieurs Flouvat, ou la cour la fixera d’office.
�C 27 )
§ . 2. D e 1743. (
9. )
Les héritiers Flouvat n ’avoient d ’abord, dans leur compte, porté
en déduction que la moitié des jouissances au profit de la dame
M arcon; mais, par leur requête de 1786, ils ont reconnu qu’i^
falloit y ajouter le deuxième article relatif aux meubles dont ils
avoient fait omission.
Aujourd’hui la dame Marcon se fait créancière de neuf articles
au lieu de deux.
L e premier article n’est pas contesté; mais il plaît
Marcon de le porter
à i 5i
liv.
18
à
sous au lieu de 137 liv.
C ’est, dit - elle ( page 11 ) , une erreur qui s’est étendue
la dame
10
à
sous:
toutes
les autres années : aussi augmente-t-elle sa créance tous les ans ; et
sa preuve est encore renvoyée
à
un tableau.
Mais un meilleur tableau se trouve dans le rapport lui-même
du tiers expert. En 1743, il a porté les produits à 375
livres
: donc
la moitié étoit iZq liv. 10 sous; ainsi de suite dans les années
précédentes.
O r , la dame Marcon a assigné en homologation de ce rapport en
1785, aussitôt qu’elle fut nantie de 16900 liv. et de deux provisions.
T o u t est donc terminé, et il est inutile de refondre un compte
pour chercher au delà de ce qui est définitif.
L es jouissances doivent donc subsister telles qu’elles sont en
17 4 3 , et à toutes les autres années , saui au commissaire de la cour
à examiner si les sommes portées en compte par les Flouvat sont,
chaque année, la moitié exacte de la somme réglée par l ’expert.
L ’article 2 est relatif au mobilier de l’aïeule j il est fixé par le
troisième arrêt : donc pas de difficulté. Les héritiers Flouvat ont
«voué l’omission.
D 2
�( ’ a» )
De même, pour l’article 5 , ils conviennent qu’il faut déduire
cette autre partie de mobilier ; mais on ne peut diviser leur décla
ration : ils ont offert, nu rapport Petit,
1. pour moitié de i 5o 1.,
et non çp liv. i 5 sous.
Les articles 4 et 5 sont une nouvelle découverte de la dame
M arcon, fondée sur deux transactions de i y 5S et 1744*
Si elle avoit voulu lire celle de i j 5 6 , elle y auroit vu que le
sieur Flouvat s'est chargé seulement de mobilier pour
i 5q
livres,
et que le surplus avoit été vendu au sieur Payot.
Elle y auroit vu que Marie Astanière avoit la majeure partie
du mobilier par elle laissé à titre d’usufruit, et
que
cela concorde
avec l’acte de 17^8, où il n’est parlé d’autre mobilier que de celui
q u ’on lui délaisse dans une chambre garnie.
L a transaction de 175G est la dernière : donc les autres s’y rap
portent. Dira-t-on que si Clawla Auteroche a vendu à son mari
du mobilier de sa belle-mère , la dame Marcon doit le retrouver
dans sa succession à titre de prélèvement , puisque les sieurs
Flouvat en sont héritiers?
Mais précisément l’arrêt de 1781 règle tout ce qui doit appar
tenir à la dame Marcon dans la succession de sa mère : elle y demandoit plusieurs espèces de mobilier ; elle en est déboutée, ainsi
que de tonte réclamation en compte. 11 y a plus, elle est, sur tout
le reste de ladite succession , mise hors de cour.
Si dJnc il y a lieu de débattre le compte de la dame Marcon ,
et de devenir o y a n t, on soutient que les articles 4 et 5 du §. 2
doivent être rayés.
11
en est de même de l'article G , il n ’est fondé sur rien ; et ce
n ’est pas après tant de débats et de difficultés qu’il faut élever
des prétentions nouvelles. Comment la veuve Marcon , payée do
�( 29 )
la succpssion tic son aïeule, a-t-elle pu laisser en arrière le revenu
de la seule année 174^ ?
L ’art. 7 n ’est qu’une transposition de l’art. 3 du §. x". L a dame
Marcon veut déduire les vingtièmes de la pension viagère de sa mère.
Elle y est fondée , dit-elle, par son contrat de mariage : on y
lit que sa mère a une pension payable de trois en trois mois par
avance, mais il n ’est pas dit qu’elle sera sujette à retenue.
A la vérité, le contraire n’est pas exprimé ; mais une pension
est par sa nature une chose alimentaire, et ce n ’est pas une rente .
Dans ses écritures , la dame Marcon se fondoit sur Pédit de
1 749, qui parle des rentes viagères. 11 est curieux de voir appli
quer à des arrérages de 17/^3 , un édit de 1749L'art. 8 se rapporte à l’art. 7 du § . 1 " . , qui étoit relatif au sixième
îles jouissances appartenant à la mère.
Ici la dame Marcon , non contente d ’avoir réduit ces jouissances
à rien , veut que la mère lui paye à elle le déficit de ces jouissances.
Demandons lui à quel titre ; pour toute réponse elle renvoie à
l’ un de ses tableaux.
C e qu’on y voit n ’est autre chose qu’un calcul des charges qui
absorbent les revenus, en y
comprenant
merae la moitié du prélegs
que la mère n’a pas, mais qu’on n en met pas moins sur son compte.
T o u t cela n ’explique pas par quel étrange système la mère, qui
avoit droit au sixième des biens , cl qu on réduit a 11e rien prendre
pendant trente-six ans sur quarante,
est
obligée de fournir au déficit.
Q u’un hérilier paye ultra 'vires , cela se conçoit ; mais qu’une
mère, usufruitière d’un sixième, paye à l’héritière de moitié le déficit
du sixièm e, parce que la succession est épuisée par les charges ,
cela est impossible à comprendre ; et tous les tableaux du inonde
ne peuvent pas en donner la solution.
�( 3o )
E n fin , l’article 9 est aussi une nouvelle découverte de la dame
Marcon. C ’est encore la mère q u i , n ’ayant pas assez de fournir
un sixième à la succession de son m a r i , doit fournir un autre
sixième à la succession d e l’aïeule. La dame Marcon a calculé qu’il y
avoit cinq mois et demi de différence entre l’époque fixée par
l ’arrêt pour le calcul des intérêts ; et le temps où ils doivent com
mencer à cet égard.
Mais , i°. il est trop tard , encore une fois , pour élever de nou
velles prétentions ; 20. ce n’est pas à la mère à rien fournir au profit
de la succession de l’aïeule; 59. les arrêts de 1781 fixent le point
de départ général au 3 septembre 174^ : c’est donc les attaquer
que d'exiger des intérêts au delà.
D e 1744 à 1785.
L a dame Marcon n ’ayant plus jugé à propos de donner de
motifs de sa manière de calculer, et de son habitude de réduire et
rayer presque tous les articles de l’actif des héritiers F lo u v a t, il ne
sera nécessaire que de parcourir quelques-unes des années ci-dessus,
pour y faire quelques observations sur quelques articles, autant
néanmoins qu’on aura pu les comprendre.
i°. À pirtir de 174^, la dame Marcon annonce qu’elle ne
comptera plus d ’intérêt6 des capitaux de sa dot ; e t , en effet, la
cour se convaincra que tous les ans chaque article premier est
par elle rayé du compte Flouvat.
C ’est , dit-elle ( pages 12 et 14 ) , parce que les capitaux sont
absorbés par la compensation qui s’est opérée en 1743.
E t , en signe d ’exactitude, 011 voit en 1 749
C
Pa8c *7 )» fî u,°lle
ne compte pas l'intérêt de 3ooo livres , mais qu’elle le compte des
I
�( 5i )
1000 livras restantes; on voit encore (page 9 ) , qu’elle 11e se dit
créancière qu’en 1771* O r , comment a-t-elle pu compenser, trente
ans auparavant, et tant qu’elle a été débitrice, ces 4000 li\res?
Cependant elle se pcrmetde détruire la disposition de l’arrêt de 1779,
qui la condamne à faire compte des intérêts.
Voilà donc près de quarante ans d ’intérêts de 4 °oo livres à
rétablir.
2". Quelle raison donne la' dame Marcon d’une triple division
qu’elle fait à chaque année ( à son profit ) des excédans, avec ou
sans intérêt ?
Dès 17+6, elle se trouve en discordance de 2000 livres, c’està-dire , elle s’adjuge 2000 livres de plus ; car il faut s’entendre : et
on conçoit sans peine qu’avec un aussi bon commencement, et de
bonnes dispositions à ne pas le laisser péricliter , on doit aller loin.
A i n s i , il ne faut pas s’étonner de la finale de son compte.
Cependant, dans sa note sur 1745 ( page x5 ), elle laisse pei’ccr
quelque chose de son plan sur le calcul des intérêts. Elle a fait
scs imputations, dit-elle, d ’après les principes de l’arrêt du a5
juillet 1781 ; e t , par exemple, elle a éteint des capitaux par com
pensation , notamment l’article 2 , comme la dette la plus dure :
on voit la même explication à la fin de la page 2.
O r , quelle est celte detle la plus dure? C ’est justement un capital
de iooo li v ., auquel on veut bien donner un intérêt pour 1745 ,
quoiqu’il ne soit payé qu’en septembre, mais qui n ’en produit
plus pendant toutes les années subséquentes.
Voilà donc comment on s’est affranchi de cet embarras de payer
les inlérêts du prix d ’une cession, tandis qu’on la fait annuller,
et qu’on se fait rendre compte du revenu des jouissances. T o u t
cela n ’est ni juste, ni légal; mais la dame Marcon n ’en donne
�C 53 )
de raisons que par deux lignes d ’une note, ou par des tableaux de
chiffres, si on les trouve plus aisés à concevoir.
5°. Que signifie, en 17G7 (page 55 ), celte séparation d’un capital
qui ne produira d ’intérêt qu’en 1771 ? Pourquoi seulement en 1771?
Effectivem ent, en 1771 se trouve un grimoire d’excédans de six
espèces , sans la moindre réflexion ; et tout cela se perpétue jusqu’à
la fin , sans le secours encore d ’aucun tableau.
P e u t- ê tr e bien la veuve Marcon aura-t-elle pitié de ce qu’on
renonce à la comprendre; mais il vaut mieux se confesser incapa
b l e , que de raisonner sur ce qu’on n ’entend pas.
4°. L a dame Marcon ( page 49 ) déclare qu’elle a séparé du
compte sa delte de i 5Goo l i v . , quoiqu’elle y ait porté celle de
1400 liv. de l’année précédente.
Elle ne dissimule pas que c ’est une finesse de sa part pour ne pas
payer les dépens qui sont réservés pour être payés par le débiteur.
Elle a même quelque soupçon encore d ’être débitrice, car, à la
page suivante, elle appelle à son secours 629 liv. qu’elle a portées
en compte sur les 1400 livres. L e compte plus régulier des Flouvat
prouve qu’ils éloient créanciers en 1785 : et si la veuve Marcon ne
le croyoit pas elle-même, pourquoi oifroit-elle 21000 liv. en l’an 4?
Les héritiers Flouvat n ’élendront pas plus loin l’examen du mé
moire île la dame Marcon , quoiqu’à plusieurs des dernières années
il y ait bien des choses inintelligibles. Mais des doutes ne sont pas
des moyens; cl les héritiers Flouvat croient en avoir assez dit pour
démontrer que tout le travad de la dame Marcon doit être mis de
côté, et qu’il faut s’en tenir au compte qu’ils ont présenté, sauf
les corrections que la cour jugera convenables.
OBSERVATIO NS
�C 33- )
>
’
, • i»
O B S E R V A T I O N S
-r
G E N E R A L E si
Quoique la dame Marcon cherche à hérisser de difficultés un
procès déjà jugé trois fois, il est un fait certain qui parle plus haut
v >' ■
C ’est qu’elle a dans les mains la presque totalité de la succes
sion paternelle, qui est aujourd’hui la seule chose litigieuse.
que tous ses chiffres. .
.
Cette succession est estimée toute entière 27905 liv. 5 sous^non
compris une partie d e là maison à laquelle elle n ’avoit rien à pré
tendre , puisque c’étoit un acquêt du sieur Flouvat.
(J.
O r , elle a reçu en sus de la succession maternelle , et à imputer
sur la succession paternelle, 1400 liy. d ’une p a rt, et, 16600 livres
d ’autre, à la charge de payer une seule créance, qu’elle fixe ellemême à 8 i 3 livres ; elle a reçu deux provisions de i 5oo livres;
et enfin elle a encore reçu 4000 liv. pour sa d o t, dont elle n ’a
fait compte qu’en chiffres.
E lle a donc environ 22000 liv, en ses m ains, depuis a i ans.
Elle doit au moins l’intérêt de ce qui ne lui appartient pas, puis
qu’elle réclame l’intérêt antérieur de ce qui lui appartient.
C e qu’elle doit, dira-t-elle, doit être compensé. O u i, mais jus
qu’à due concurrence; telle est la convention de 1784*
O r , c ’est elle-même qui a calculé qu’à chaque année , depuis
1785 jusqu’à 177 2 , les jouissances étoient absorbées par les charges
et les reprises de la mère ( dont elle n’est pas héritière). Elle
n ’a donc rien à prendre pour ces jouissances; car si son cohéri
tier les perd , pourquoi ne les perdroit-elle pas ?
A u contraire, tout ce qu’elle a reçu en 17S3 et 1784 lui a été
donné franc et quitte; elle jouit depuis cette époque, de plus du
double de ce qui lui revient.
E
�(34)
Un second fait duquel il est fort aisé aussi de tirer des consé
quence , est l’acte d'offres, qui fut fait en l’an 4» de 21000 livres.
A qui persuadera-t-on que celui qui est créancier, se dise lui-même
débiteur, et offre de son bon gré une somme aussi considérable.
Les assignats sont en cendres; mais l’acte d’offres existe avec tous
*
ses résultats.
:
Voilà ce que Monsieur le rapporteur est supplié de prendre en
principale considération, parce que si on peut fasciner les yeux
avec des pages d ’arithemétique, au'm oins elles in’éteignent pas
l’évidence, et l’évidence préserve de l’étourdissement.
i1,
L ’étourdissement naitroit sans doute de la grande étendue que
la veuve Marcon donne à son com pte, et encore plus du compte
préliminaire qui se Jit aux pages 4 et 5. j
'
!
Car on ne peut douter a la page 4 > que la veuve Marcon veuille
entasser de nouveaux faits par sa différence des valeurs de 1784
et de 1782, par une transaction inconnue d e ri 6 g i , par des viriles
plus inconnues encore, des ventes de mobilier dont on ne parloit
pas avant les arrêts, et tant d’autres innovations.
Mais ‘il ne s’agit pas d ’un nouveau procès.
" Les héritiers Flouvat ont été assignés pour rendre un compte de
jouissances , dont les élémens sont fixés avec détail. Ils l’ont rendu;
V c s t donc lui seul qu’il faut suivre , et rejeter d’autres comptes,
'puisqu’ils ne serviroient qu’à rendre l’opération interminable.
C e ne peut pas être un travail extrêmement pénible, puisque
toutes les sommes sont connues. Les héritiers Flouvat doivent des
jouissances ; ils les doivent après les prélèvemens des reprises de la
mère, après la déduction des charges; ils doivent encore deux
’ articles du mobilier de l’aïeule.
I
’
De sa part, la dame Marcon doit l’intérêt de ce qu'elle a reçu :
�(3 5)
les deux sommes se compenseront en se rencontrant, et ensuite
il courra des intérêts pour celui qui ne devra plus de capitaux.
Déjà on aperçoit un résultat quelconque, même avant d ’arriver
au temps où la dame Marcon a reçu des immeubles ; car les
sieurs Flouvat ne lui devoient pour capitaux que la moitié d ’un
mobilier de 5oo livres , plus le quart de 7 5 livres : de sa p a rt,
la dame Marcon devoit depuis 1743 un capital de 4000 livres;
à l’égard des revenus , l’un des cinq tableaux de la dame Marcon
prouve que le sieur Flouvat n'en avoit perçu aucuns.
A u reste , les arrêts sont là pour tout ramener à la chose jugée,
et dissiper toutes les incertitudes. Les héritiers Flouvat ne pré
tendent pas qu’eux seuls ont raison. En se dépouillant de t o u t ,
sans attendre les ordres de la justice, ils ont prouvé qu’ils savoient
sacrifier à leur repos leurs droits et leur fortune. C e qu’ils désirent
principalement, est de voir la fin d ’un procès qui a été la ruine
de leur maison, et que la dame Marcon a seule aujourd’hui intérêt
d ’éterniser. •
M . C A T H O L , rapporteur.
M*. D E L A P C H I E R , avocat,
Me. F A Y E , avoué.
A R I O M , de l’imprimerie de L an d rio t , seul imprimeur de la
Cour d ’appel.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
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Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Flouvat. An 8?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cathol
Delapchier
Faye
Subject
The topic of the resource
successions
généalogie
experts
créances
Description
An account of the resource
Mémoire pour les héritiers Flouvat contre Jeanne Astanière, veuve Marcon.
Arbre généalogique.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 8
1738-Circa An 8
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
35 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0317
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0719
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généalogie
Successions
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c o ur
P
R
E
C
I
S
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’a
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p p e l
RIOM.
POUR
A n t o i n e G A R D E T aîné, intimé ;
C O N T R E
t 'I G
J a c q u e s G A R D E T j e u n e , appelant.
r
L E sieur Gardet jeune élève une des prétentions les
plus choquantes que l’intérêt personnel ait pu concevoir.
P our lui payer une légitime conventionnelle de 1oooo f.,
le ;sieur Gardet aîné lu i a expédié, en vertu d’un jugement
arbitral, des immeubles estimés à la valeur de 1789.
L e sieur Gardet jeune,, qui demande un supplément
de l égitime veut qu’on estime ces immeubles de deux
m La n i è r e
. 1S u i v a n t lvaleur
a
de 178 9 , c ’est-à-dire, 13455 f r . ,
4
A- eù y
�e ^ a c « ¿4
U v s t 't o f i r - U i m u k S / V S Î , ^
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ïM U tu l/ -fo *
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(. 2 )
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pour accroître la niasse de la succession ,..et ‘opérer.un
êc^ ééf supplément en sa faveur; ; - ;•*
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2°* A la valeur seulement de 6606 ,fr. poiu^le rapport
✓ rr
„ fictif Ciu’
i l doit
doif en.faire,,
p n fiiir n .; /i
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s a voir
vm'r •s’il
s’ il lui
l u i est
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du un
lin
Uy*/{¿U&
qu’il<
afin
dè.sa
¡^d / l ^ M a j/**1
¡11
y / , Ü Î-" ' »supplément.
L e moindre défaut de cette prétention , est d’être
(foJ\c/uuat^
contraire à la cliose jugée. Les circonstances dont le
^ a u sieur Gardet aîné va rendre compte, prouveront de plus
^
%i /A * v h i/fy
<| 'f'U S 'D d d tr*
qu’elle est d’une injustice révoltante.
Jacques Gardet et Marie -Barbarin, père et mère des
parties, ont eu cinq enfans.
Antoine Gardet, l’un d’eu x , marié le 29 avril 1783,
a été institué leur héritier, à la charge de payer, no
tamment à Jacques G ard et, une légitime de 10000 f r . ;
ils se réservent 4000 francs pour en disposer par e u x ,
ou le survivant d’e u x ,, avec condition q u e , s’ils n’en
' | \
V^ ^ ^ ' -i ' • !»1 ^ i
•
; disposoient p a s , la somme appartiendroit a - A n t o i n e
vG a rd et, institué.
Gardet père est mort en ! 7 9 2 “Et aussitôt que la loi
du 17 nivôse fut portée, Jacques Gardet profita de son
' •
.
*
(
•.y
w N''eTet rétroactif pour demander un partage pat égalité!,
' '*■"«*.: m algré l ' i n s t i t u t i o n . '
i
1
• - JJip ..
Ce partage eut lieu : mais îd riigW-e1 d ü ^ l W k>i fut
v
•
court; et après \ù 8 vendérniairfccan '4 •, ili'f1vllt>t? rttidi'e
à César ce qui appartenoit:à Gésar! " • '!
>- • *
Un tribunal de famille fut -cômpoéély et rendit un
jngemént arbitral, le 5 bruinairO''niii,4 v ,Uansî;léqiiel,|ôri
lit la disposition suivante : « En ce qui touche Jacques
« G ardet, oilicicr de santé ’ lui donne -acte d e ;la dé-
;
�( 3 )
« claradon par lui faite, qu’il s’cn tient à sa légitime
« conventionnelle de dix mille livres; lui donne pa« rreillemeht acte de la'déclaration faite par Antoine
« Gardet j héritier institué, qu?il le* tient quitte* sans
« imputation quelconque, de la somme de mille livres
« réclamée par ledit Jacques G ardet, dudit A n t o in e ,
« eu assignats, pour vente de quelques meubles.
« En conséquence, ordonne que ledit Gardet aîné
« sera tenu de lui payer ladite somme de dix mille livres
« en deniers, fonds ou effets de ladite succession, bien
«
«
«
«
«
«
«
et dûment garantis, conformément à son contrat de
mariage, bien entendu que ledit payement ne pourra
être fait qu’en numéraire métallique, s’il est fait en
deniers; et s’il est fait en biensTfon ds, ce sera suivant
la valeur de 1789, et l ’estimation par les experts ciaprès nommés : et en attendant que ledit Gardet aîné
lui expédie ladite légitime , il sera tenu de lui en
« payer l’intérêt au sou pour livre. »
E n exécution de ce jugement,1 le sieur Gardet aîné
offrit à son frère de traiter à l’amiable, et celui-ci y
accéda, en choisissant les immeubles. Les parties traitèrent
le 14 nivôse an 4 , su r Vacquittement de la légitime
conventionnelle, faite à Jacques Gardet par le contrat
de mariage de 1783, et définitivement réglée par jugement
arbitral : en conséquence’," 'Antoine Gardet, pour se li
bérer de la somme de 1 0000 francs, montant de ladite
légitim e, paya en écus 3400 fr. ; et pour les 6600 fr.
restans, il délaissa avec garantie', une maison et cinq
héritages, dit Jacques Gardet J q u i , au moyen de c e ;
déclara être satisfait et rem pli de sa légitime conven
tionnelle.
A 2
�t
W uJÙ " f y ? .
( 4 }
JltJJato*-' ■W/)'
Jacques Gardet jeune n’avoit voulu des immeubles,
'ufîtv-atM - ujOO- e t (3es immeubles p récie u x , que pou r|s’en défaire ,et
_grossir sa légitime; il vendit au nommé Pradier la maison
|.
i h JdLSttfttfiJfo 01 ci u^ venoit de lui être délaissée, 5400 francs; il vendit
——------^ d e u x vignes au nommé Besson, moyennant 1455 fr. ;
i
C[ enfin, il revendit à A ntoine G a rd et, son frè re , les
trois objets restans , avec deux héritages de peu de
t
valeui’, provenus de la succession d’un frère, moyennant
i
8400 francs ( 1 ).
4
Ces trois ventes sont: de l’an 5 ; et elles prouvent que
■
.y
Jacques Gardet, après avoir reçu une légitime de 10000f.
en immeubles, en retira dans l’année i 6855 francs, outre
les; 1000 francs de meubles qu’il avoit retenus, et qui
à l’écïîelle , valoient 440 francs.
'La mère des parties est morte en l’an, 10 ; et,quoique
sa succession ne présentât pas matière à procès, Antoine
Gardet ne fut pas m oin s. tracassé encore par ses cohé
ritiers , pour la réserve de 4000 francs dont l’électionavoit resté au- survivant des père et mère.
A lors les idées étoieut fort incertaines sur le vrai sens
du législateur , au sujet des réserves de ce genre ; la
Cour de cassation n’avoit pas rendu les deux ari’êts cé-
(¿) Le sieur Gardet jeune,,en avouant qu’il a gagné beaucoup
sur son frère par cette vente , dit que son fr è r e , en les re
vendant , gagna à son tour 3ooo francs : mais rien n’est plus
faux ; car le aieur Gardet aîné a encore dans les mains tous les
héritages qu’il a acquis de son- frère en l’an 5 , excepté une
vigne qu’il n’a vendue,que 1800 f r . , et suc laquelle par consé
quent il n’a pas pu gagner 3 ooct francs.
�( 5 \
lèbres des Grim ai et des G ra ilh e , qui ont jugé que la
faculté d’élire ayant été ôtée au survivant par la force
majeure de la loi du 7 mars 1 7 9 3 , et l’indication du
défunt ne pouvant être changée sans un effet rétroactif,
la réserve étoit due h celui à qui le défunt avoit dit qu’elle
appartiendroit en cas de non élection.
L e tribunal de Clermont, en ordonnant le partage des
biens maternels demandé par exploit du zô floréal an i i ,
ôta à Antoine Gardet la réserve que ses père et mère
lui avoient destinée, et ce jugement a été confirmé; de
sorte qu’Antoine Gardet a été forcé de se soumettre à ce
nouveau sacrifice.
Après avoir plaidé un an sur le partage de la suc
cession maternelle, Jacques Gardet imagina de demander
un supplément de légitime dans la succession paternelle,
par une requête signifiée peu de jours avant le jugement.
Antoine Gardet répondit à cette demande que la lé
gitime conventionnelle expédiée à son frère, en l’an 4 ,
excédoit de moitié les légitimes de droit accordées à ses
autres cohéritiers } par un partage judiciaire auquel il
avoit concouru.
Cependant le tribunal de Clermont ordonna, par son
jugement du i 5 frimaire an 12, que les mômes experts
chargés du partage de la succession maternelle, estimeroient les biens meubles et immeubles du p è r e , d’après
letir valeur à son décès; estimeroient aussi, d’après leur
valeur à la môme é p o q u e , les biens meubles et im
meubles donnés en Van 4 à Gardet jeune ; . . . . et dans
le cas o iiH l résulteroit de l’évaluation desdits biens
paternels, que les 4000 francs ou la valeur des objets
A
3
�( 6 )
donnés en pnyement, distraction faite de ce qu’il doit
en rapporter à la succession maternelle, ne le rempliroit
pas de sa légitime, et qu’il lui seroit dû un supplément,
les experts furent chargés d’indiquer un ou plusieurs
immeubles jusqu’à concurrence dudit supplément, et
d’en estimer les jouissances, p o u r, après ladite expertise
faite , être ordonné ce qu’il appartiendroit.
.Après l’arrêt confinnalif de la C o u r, les sieurs Mazin
et Pallet ont été nommés e x p erts, et ont été d’une
grande discordance dans leurs opérations : mais cette
discordance est assez insignifiante pour un supplément,
puisque toutes les estimations de chaque expert sont
faites dans la même proportion.
L e sieur Mazin a estimé la succession du père 1 23900 f.
et par conséquent la légitime de Gardet jeune, qui est
un dixièm e, à 12390 francs.
Il estime , i°. les immeubles délaissés à Jacques G a rd e t,
en l’an 4 , ù la somme de 13455 francs; 20. il ajoute
les 3400 francs payés en numéraire ; 3°. 44° francs
valeur du mobilier. Il en résulte donc q u e , suivant cet
expert, J a c q u e s Gardet a réellement reçu pour sa légitime
une somme de 1739^ f l’ancs‘
Mais le sieur Mazin décide à l’instant une question
de droit, et juge que Jacques Gardet jeune, au lieu de
rapporter la valeur des immeubles par lui reçus, d’après
sa propre estimation , ne doit rapporter que la somme
de 10000 francs qui lui a été constituée parson p è r e ,
et que le surplus de la valeur desdits immeubles est un
bénéfice pour lui ; en conséquence, qu’ il revient au sieur
Gardet jeune un supplément de 2617 francs, pour lequel
il lui expédie d’autres immeubles.
�C 7 )
L e sieur Pallet, autre expert, n’estime les biens pater
nels qu’à 70482 francs; et comme il réduit la légitime
et les immeubles reçus par le sieur Gardet jeune, dans
la même proportion, il résulte de son rapport que le
sieur Gardet jeune a reçu 2566 francs de plus que ce
qui lui revenoit.
Lorsque ces deux rapports ont été produits au tribunal
de Clermont, le sieur Gardet jeune a cru n’avoir besoin
que de faire nommer un tiers expert; mais Antoine
Gardet aîné s’y est o p p o sé, en faisant remarquer que
d’après le rapport même de l’expert Mazin , et en adop
tant toutes ces estimations, le sieur Gardet jeune auroit
reçu 4212 francs de plus qu’il ne lui revenoit, d’après
le propre calcul de l’expert lui-même.
C ’est ce qu’a jugé le tribunal de Clermont le 26 no
vembre 1807, en déclarant le sieur Gardet jeune non
recevable'dans sa demande en supplément de légitime,
sans qu’il fût besoin de tierce expertise, parce qu’il résultoit' tant d’un rapport-'que de l’autre', que Jacques
Gardet étoit rempli et au-delà de sa légitime de rigueur.
L e sieur Gardet jeune n’a pas voulu s’en tenir à cette
décision; il s’est pourvu en la C our, et il est parfaiteMnent de l’avis de son exp ert, qu’il doit garder dans sa '
poche les 16000 francs qu’il a retires de son frère pour
sa légitime, et ne rapporter fictivement que 10000 francs,
pour pouvoir réclamer un supplément de légitime.
. Ce n’est donc point assez pour le sieur Gardet jeune
d ’a v o i r obtenu de la bonté de son frère que pendant la
vie!'du père il tînt sa bourse ouverte pour son ét at ,
A 4
�(S )
ses deltes et scs besoins, et sacrifiât ainsi 7 à 8000 francs,
dont il n’a jamais demandé le recouvrement ; ce n’est
point assez encore à Gardet jeune, qu’après la mort du
père il se soit fait adjuger, par un premier procès, des
immeubles valeur de 1789, quoique le père ne fût mort
qu’en 1792; que par un second procès il ait aiTaché de
sou frère une réserve qui aujourd’hui ne lui seroit pas
disputée; il faut qu’il le tracasse une troisième fois, pour
obtenir utl supplément de lég itim e , lorsqu’il a dans les
mains une légitime double de celle qu’il pourroit actuelr
lement obtenir.
C est pour la première fois certainement q u ’ uni légir
timaire prétend ne pas devoir rapporter ce q u ’ il a reçu ,
pour faire vérifier s’il y a lieu à supplément de légitime.
Cette prétention résiste aux idées les plus élémentaires.
En matière de succession, le premier principe est qu'elle
«e compose de tout ce que le défunt a laissé, et que
6i des immeubles ont été .vendus , ils doivent être
rapportés au moins fictivem ent; ensuite de quoi on
déduit les dettes ces aliénant, et ce qui reste s’appelle
la succession.
.
,
/ r . •
En matière de légitim e, le premier principe.’est qu’elle
doit se prendre sur les biens méine, pars ho n ora n t, ex
substantiel p a trisj et le légitimaire a le droit de faire re
présenter par les héritiers ou détenteurs runiversalilé
des biens, afin d’y prendre son retranchement quartam .
Et si la légitime fixée par le défunt ne lui convient
pas, il a le même droit de laire rapporter tous les biens
provenus ex substantiâ paln'.s; par conséquent, s’il en
�( 9 )
possède de. cette nature, il doit lesiïiipJ)Qi’ter,lui-mêxne;
après quoi on vérifie ce qui lui; manque id qt,tod deest,
ou bien s’il a toute sa portion ,,e t s’ il n’a aucun sup
plément à demander nullam superesse repletioiiem.
La combinaison de ces termes de la loi de eo quod
deest avec c e u x -c i e x substantiâ p a t r i s po u vo it-elle
laisser un doute dans l’esprit du $ieur Gardet jeune; et
a-t-il.pu prétendre de bonne foi qu'il n ed evoit rapporter
que ioooo francs en écus, et non la légitime réelle qu’il
a obtenue en corps héréditaires ?
'
Mais les iooqo francs qu’il ¡veut rapporter n’ont jamais
été qu’une chose fictive ;! ce ne! sont point des écus qui
sont provenus de la succession du père e x substantiâ
p a tr is, mais des immeubles : par conséquent voilà ce
que le sieur Gardet jeune doit rapporter, pour savoir
s’il lui est dû un supplément de légitim e, et d’ailleurs
le mot supplément l’indique Lien assez.
Point du tout, le sieur Gardet jeune assure..( page 10
de son mémoire ) que ce n’est pas liii qui est tenu de
rapporter, puisqu’il n’est pas cohéritier;.mais que son
frère étoit obligé de faire le rapport fictif ou réel de tout
ice quircoitiposoitlla ;masse dé i la succession paternelle.
: U n principe aussi étrange ¡est cependant .honoré par
le sieur Gardet jeune du nom idc fo r t e objection - mais
sans doute il n’em n pas'médité toute l ’injustice. Il n’a
pas calculé qu’ il en - naîtrait contre Gardet aîné un
.double emploi , c’est-à-dire., unrdoijble détriment j parce
q u e , après avoir, donhé ,j pour,‘ 66 oo f r . , dcs iinméubles
que le sieur Mazin a estimés Ü3 4 5 5 ifrancs, il faudroit
qu’il rapportât du partage i 3 4 5 5 fr.-, c’est-à-dire, ce qu’il
�f( 10 )
a>perdu;--et ainsi Gai’det jeune, qui a gagné 6855 f r . ,
forceroit Gardet aîné à perdre une seconde fois, en rapportant'lè bénéfice avenu à Gardet jeune lui-même. On
ne vit jamais de proposition aussi révoltante.
Sans doute A ntoine Gardet, comme h éritier, doit
faire face à la légitime ; mais il ne doit rapporter que
ce qu’il a', ou ce qu’il auroit vendu ; il n’est point tenu
à raporter ce qu’il n’a pas, et ce qui est entre les mains
de celui-là môme qui demande ce rapport. " v
Quelque simples que soient ces id ées, le sieur Gardet
jeune veut les combattre par un principe de droit, trèsexact en lui-même , mais qu’il étoit difficile d’appliquer
plus mal à propos.
'
D a lio in solutum est ven d itio , objecte-t-il; ainsi, en
lui'délaissant des immeubles pour sa légitim e, il dit qu’on
les lui a vendus. ..
Mais où est la nécessité d’examiner cette question ,
lorsqu’il ne s’agit pas de disputer au sieur Gardet jeune
les héritages qui lui ont été délaissés? Sans doute si
après avoir payé une légitime ou toute autre dette, en
corps héréditaires, un héritier vouloit les reprendre,
en offrant en échange l’argent qu’il i de voit, ce seroit
le cas de lui opposer qu’il y a datio in solutum j et une
transmission de propriété. A u contraire, personne ne
dispute au sieur Gardet jeune ce qui lui a été donné :
il ne s’agit de part et d’autre que de rapportsfic t ifs pour
faire une évalution, un calcul, sollicités par lui-même.
Ainsi ou ne veut pas qu’il rapporte des. immeubles pour
s’en dessaisir, mais qu’ il les soumette à l’estimation de
la fortune paternelle^ puisqu’ ils eu sont provenus.
�(■11 )
Si Garclet jeune avoit obtenu la moitié dos biens pour
10000 francs, ce qui eût été fort possible, son invocation
du principe datio in so lu tu m , etc. j levconduiroit, sui
vant l u i , à disputer l’autre^moitié h l’héritier; et ainsi
il finiroit par devenir plus héritier que l u i , au lieu d’être
un simple légitimaire.
Que le sieur Gardet jeune soit^lonc conséquent avec
lui-même : il veut savoir s’il lui est dû un supplément,
et il demande qu’on estime la masse de la succession
pour le vérifier.
O r , la masse se compose de ce qui lui a été délaisé,
comme de ce qui est resté dans les mains de son frère.
L e mot rapport qui l’offusque n’est là qu’une expression
figurée et hypothétique, car il s’agit seulement d’évaluer :
et comme raisonnablement il ne peut pas vouloir que
pour estimer une succession il y ait deux p o i d s et deux
mesures, suivant son intérêt ou son caprice, il faut bien
que la succession de Jean Gardet soit appréciée par
classe et nature de fonds, comme toutes les successions
du monde.
Ainsi il est inutile de rechercher lequel des experts a
le mieux o p é r é , et si le sieur Mazin a mieux connu les
valeurs de V a y r e , que le sieur Pallet qui opéroit dans
son propre pays. L e sieur Gardet je u n e , qui reproche
h son frère d’avoir blâmé Mazin et loué P allet, ne s’est
pas aperçu que dans le même instant il trouve Mazin
fort intelligent et judicieux, tandis qu’il reproche à Pallet
une partialité dégoûtante.
Et à quel propos cette vespérie, q u a n d il est mathé
matiquement vrai qu’on peut réduire de moitié ou du
�( 12 )'
r -
quart uue estimation de succession, sans que le légitimaire ait un denier à y. perdre, lorsqu’il prend sa légi
timé en corps héréditaires?
sv
■
' 1.......1 I 1
Les experts n’ont donc été discordans dans leurs ¿va
luations, puisque cela étoit insignifiant ; et d’ailleurs
Gardet jeune n’a rien à dire, dès qu’on suit son propre
expert : ils ne sont discordans que dans leurs consé
quences et dans la question de droit que le sieur Mazin
a voulu juger, sans que la justice lui en eût donné la
commission.
L e mandat de cet expert étoit cependant d’une clarté
frappante; car non-seulement le j ugement du i5 frimaire
an 12 le chargeoit d’estimer les immeubles délaissés en
l ’an 4 à Gardet jeune, mais encore de vérifier si les objets
ainsi délaissés le remplissoient de sa légitime de droit.
C’étoit donc contre la chose jugée que Mazin vérifioît si la légitime de droit étoit remplie p ar la somme
de ioooo fr a n c s ?
^
L e sieur Gardet jeune se plaint encore de n’avoir pas
obtenu 126 francs que l’expert Mazin lui donnoit pour
supplément de la légitime maternelle.
Ce n’étoit que par suite de sa décision fa u tive, que
cet expert trouvoit encore un déficit dans cette succession;
et cela est sensible.
Comme les 10000 francs étoient pour légitime pater
nelle et maternelle, Gardet jeune se garda bien en l’an 4,
du vivant de sa mère , de ne pas s’y tenir , de peur
d’avoir moins par un partage : et ainsi , en obtenant
pour 10000 francs d’immeubles, valeur de 1789, il se
�( *3 }
trouvoit n a n ti, par anticipation, d’une part des biens
maternels* , ' )<: ■
. J
jr ) :-‘i uoitet n .
•i Aussi le jugement de l’an 1 2, en ordonnant l ’estimation
pour le supplément des objets, donnés en payement en
l’an 4 , à Jacques Gardet, dit qu’elle aura lieu, distraction
fa ite de ce q u 'il doit en rapporter à la succession m a
ternelle.
‘ 'i
L ’expert Mazin a évalué la légitime maternelle à 793 f.,
c’est-à-dire, au quinzième de la succession paternelle.
S ’il s’en fût tenu à sa propre estimation, il auroit dit
que le sieur Gardet jeune, ayant dans les mains 17395 f.,
avoit évidemment plus qu’il ne lui falloit pour être
rem pli, et des biens paternels, et des biens maternels.
A u lieu de cela , cet expert a continué de penser que
les biens maternels délaissés à Gardet je u n e , au lieu
d’être estimés en nature,, ne devoient être qu’une fraction
des 10000 fr. de légitime et des 440 fr. de m o b ilie r;,
d’où il a- conclu que Gardet jeune n’avoit à rapporter
que 667 francs.
! ’ 1.
En c o n s é q u e n c e p o u r atteindre les 793. francs-, il a
pensé qu’il falloit lui adjuger 126 francs de plus en
immeubles.
C ’est bien encore plutôt dans cette opération que rationes non concludunt j. car si’ le siéur ÎVlazin avoit aussi
le prétexte d’invoquer le principe datio non solution
est venditio, comment le pouvoit-il à l’égard d’une por
tion de biens dont Gardet jeune ne jouissoit que par
avancement d’hoirie ?
U n héritier peut bien retenir l'avancement d’hoirie
quand il le veut; mais ic i Gardet jeune demandoit le partage
�( 14 )
de la succession maternelle, et dès-lors il ne lui étoit plus
permis de rien retenir : tout étoit sujet à rapport réel;
et supposer qu’on a entendu vendre à Gardet jeune une
portion de succession non éch u e , seroit une hérésie ju
diciaire, qui ne mérite pas de plus longue réfutation.
En un m o t, tous les efforts du sieur Gardet jeune
viennent se briser contre cet unique et simple raisonnemen t :
Il avoit à réclamer, 1°. pour légitime de droit pater
nelle, d’après l’estimation de son propre expert, 1 2390 F.;
2°. pour légitime maternelle, 793 f r . ; total, 13183 fr.
O r , il est prouvé par l’estimation du meme expert,
q u’il lui a été délaissé par l’h éritier, 1 . 3400 francs
en argent; 20. 13455 fr. en immeubles; 30. 440 fr. en
m obilier; to ta l, 17395 francs.
D onc le sieur Gardet jeune, en rapportant la valeur
des objets à lu i donnés en l'an 4 , comme l’exige le juge
ment de l’an 1 2 , est rempli et a u -d e là de ce qui lui
revient ; et le tribunal de Clermont a dû proscrire sa
demande, puisqu’elle n’étoit qu’une injuste tracasserie.
M e. D E L A P C H I E R ,
ancien avocat.
M e. M A N D E T jeu n e, avoué licencié.
A RIOM , de l’imprimerie de T h i b a u d - L a n d r i o t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Février 1809.
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gardet, Antoine. 1809]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Mandet
Subject
The topic of the resource
successions
tribunal de familles
légitime
experts
Description
An account of the resource
Précis pour Antoine Gardet aîné, intimé ; contre Jacques Gardet jeune, appelant.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1809
1783-1809
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0319
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0546
BCU_Factums_M0547
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tribunal de familles
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MEMOIRE
Séant à Riom.
P O U R
F r a n ç o i s
p ro p riéta ire, h abitant de
I T I E R ,
la com m u n e du B o u c h e t-S t.-N ic o la s , A p p e la n t.
C O N T R E
J o s e p h
SO L V I G N O N , propriétaire,
habitant au P u y , Intimé.
seD arrérages de cens sont-ils exigibles, lorsqu’il n y
a aucune obligation libre qui fasse novation au profit
du ferm ier qui les dem ande, lorsque ce ferm ier n’a pour
titre que des condamnations judiciaires condamnées aux
flammes et brûlées réellem ent?.Telle est la seule question
que présente, cette cause.
t
f
a
i
t
s
TR IB U N A L
.
I l paroît que le citoyen Solvignon en qualité de fermier
A
�( o
de la cathédrale du P u y , fit assigner, le 23 février 179 0 ,
François Itie r, Pierre V igou rou x et Jacques Sallegrette,
en qualité de principaux liabitans de la commune d u B o u ch e t, pour lui payer solidairem ent, et en pagésie, un
cens de quatre-vingt seize setiers de seigle et vin gt-qu atre
raz d’a vo in e, mesure du P u y , en deniers ou quittances,
pour chacune des années 1783 et suivantes , jusqu’en
178 8 ; il obtint sentence par défaut, le 20 juillet 1790,
adjudicative de ses conclusions.
Il pavoît encore qu’en vertu de cette sentence, le cit.
Solvignon fit faire des saisies - exécutions cliez les trois
condamnés. O n ne sait pas quelle procédure fut tenue
à cet égard , dès qu’aucune ne subsiste ; mais sans
doute les meubles ne furent pas déplacés , parce q u’il
paroît que l’huissier vint faire une sommation de les
représenter : sur c e la , les condamnés form èrent opposi
tion à la sentence par d éfaut, et assignèrent en garantie
de la pagésie les nommés Antoine S u rre l, Jean B lan c,
Jean-Pierre L a c , Jean-Pierre Blanc et Louis P o rtalier,
autres principaux liabitans du B o u ch et, pour se joindre
à e u x , et supporter, en cas d’evénem ent, leur part des
condamnations à v en ir, aux offres d e n supporter euxtnémes leur portion.
L a cause fut portée à l’audience du tribunal du cidevant district du P u y , et plaidée le 20 avril 1792 :
il intervint jugement qui décida que l’opposition étant
venue après la huitaine, n’étoit pas rccevable; en consé
quence , en ’p rem ier ressort il fut dit que les opposans
étoient déboutés de leur opposition, et que la sentence de
1790 seroit exécutée. Ils furent condamnés par corps à repi;é-
�Ç3 )
senter les objets saisis; et faisant droit sur la demande en
garantie, il fut donné défaut contre les défendeurs, et
pour le p ro fit, ils furent condamnés à garantir les opposans, du montant des condamnations, sauf à c e u x -c i à
en supporter.leur portion, suivant leurs offres.
Peu de temps après ce jugem ent, les droits féodaux
furent supprimés; les titres furent briilés, et il paroît que
le citoyen Solvignon a exécuté la loi qui l’ordonnoit ainsi;
de sorte qu’il n’a plus été question de poursuivre la pagésie
des habitans du JBouchet.
D epuis peu cependant, il a cru les circonstances plus
favorables pour tenter de faire renaître cette pagésie de
ses cendres. Il a retiré une seconde expédition des deux
jugemens dont on vient de p arler, et il les a signifiés ù
Itier, avec itératif commandement de payer le montant
des condamnations.
Itier a interjeté appel des deux jugemens de 1790 et
de 1792.
M O
Y E N S.
Il est m alheureux, sans doute, pour le citoyen Solvignon
de perdre des cens , si tant est que ce soit lui qui les
perde ; mais il scroit plus m alheureux encore pour le
citoyen Itier, de payer à lui seul tout le cens du ou non
dû par tous les habitans de la commune /pendant six ans,
et cela sans avoir aucun recours contre eux. Cet inconvé
nient , plus nécessaire à éviter , qu’il n’est nécessaire de
r e s s u s c i t e r pour le citoyen Solvignon des droits léodaux
a b o l i s , a en gagé le citoyen Itier à se p o u rvo ir; il justifiera
son droit eu établissant, i ° . que l’opposition au juge
�t4 )
ment de 1790 ¿toit recevable ; 2°. qu’il ne doit pas de cens.
P B. E 31 I Ê R E
Q U E S T I O N .
E n la fo rm e, en effet, il est difficile de savoir en vertu
de quelle loi le tribunal du P u y n’a pas voulu admettre
une opposition après la huitaine; car la sentence de 1790,
¿toit en premier ressort. Outre qu’il s’agissoit d’un cens
et d’une valeur considérable, on sait qu’alors tous les
jugemens des sénéchaussées étoient susceptibles d’appel;
que les seules affaires au-dessous de 2,000 fr. étoient sus
ceptibles d’uu règlem ent de compétence au présidial; mais
qu’il falloit ce règlement de compétence p réa lab le , pour
rendre le jugement en dernier ressort. A lo rs la sentence
n ’étoit plus rendue par la sénéchaussée , mais par le
présidial. Ici la sentence de 1790 a été rendue par la séné-«
chaussée ; ainsi pas de doute qu’elle étoit en prem ier ressort.
- O r , l'ordonnance de 1667, en exigeant qu’il soit form é
opposition dans la h uitaine, ne parle que des arrêts ou
jugemens en dernier rassort. A lors m êm e les tribunaux
étendoient ce d élai, lorsque, comme dans l’espèce, les
arrêts m êm e étoient .par défaut. Peut-être dira-t-on que
le parlement de T o u lo u zc, d’où ressortissoit le P u y , suivoit sur ce point l’ordonnance ¿\ la rigueur. Mais suivre
l ’ordonnance n’est pas la dépasser ; et, lorsqu’elle ne porte
la prescription de huitaine que contre les oppositions aux
jugemens en dernier ressort, il ne faut pas étendre cette
peine aux jugemens en prem ier ressort, sur-tout rendus
par défaut; car les lois pénales ou de rigueur peuvent se
restreindre, mais jamais s’étendre au delà des cas qu’elles
prescrivent littéralement.
�(5)
L ’arrêté du 9 messidor an 4 , inséré au bulletin des lois,
dit que les appels des jugemens par défaut, rendus en
première instance , sont recevables après les trois mois*
Si donc l’appel est possible, l’opposition l’est encore plus;
si le délai peut être de trois mois pour se p o u rv o ir, à
plus forte raison doit-il être de plus de huit jours.
L e ju gem en t du 20 avril 17925 a donc mal j u g é , en
refusant d’admettre une opposition à une sentence en
prem ier ressort, après la h u ita in e/A in si, il y a lieu de
rechercher d’abord si le cens peut aujourd’hui être de
m andé, et en quelle form e pourroient être exécutées des
condamnations solidaires.
D
e u x i è m e
q u e s t i o n
.
Cette question doit se traiter par un exam en rapide des
lois rendues dans la révolution sur les droits féodaux. L e
silence du législateur et des tribunaux sur celte m atière,
depuis plus de sept an s, devroit être le seul moyen <\ em-?
p lo yer, pour faire taire des réclamations, qui ont to u tà la
fois à triom pher des lois, du p ré ju g é , de l’habitude et des
flammes ; mais le citoyen S o lvign on , paroît croire que le
préjugé déjà vaincu, lui permettra de rechercher dans la
rigueur des lois quelque fragm ent de disposition quiluisoit
favorable ; il tachera d’appeler ¿1 son secours la jurispru
dence du tribunal c iv il, dans une espèce qu ’il dira sem
blable } mais il n’est pas difficile de lui démontrer que la
législation en cette matière est très-éloignée d’élayer ses
prétentions, et ne permet pas d’hésiter ¿1 les proscrire.
Le premier coup porté à la féodalité, par la loi du
�,C6)
4 août 178 9 , sembïoit d'abord n’atteindre que les privi
lèges et les servitudes personnelles. La loi du 7 mai 179 0 ,
perm it le rachat des droits réels; mais le peuple sembloit
vouloir davantage, et l’assemblée constituante prom ulgua,
le i 5 juin 1 7 9 1 , une instruction qui marquoit ses inten
tions et ses principes.
Ce l'ésultat tardif de son exp érien ce, n’avoit plus le
pouvoir de détruire l’eiFet produit par son enthousiasme:
l’assemblée législative , en lui succédant, m on tra, par ses
premiers travau x, qu’elle alloit déclarer une guerre plus
directe, et à la m onarchie, et à la féodalité qui en étoit
l’enceinte.
Par la loi du 20 août 1792, elle supprima les pagésies
ou la solidarité des redevances, même pour les arrérages
échus : cinq jours après, elle abolit tous les droits féodaux
qui ne seroient pas établis par des titres prim itifs, en
ordonnant que les procès non décidés par un jugement
en dernier ressort, demeureroient éteints, tous dépens
compensés.
1 L a convention nationale ensuite voulut se hâter de
finir la guerre monarchique et féodale. A p r è s ja chute
dti trône, elle décréta, le 17 juillet I 7 9 3 >labolition géné
rale de toutes redevances seigneuriales fixes ou casueJles,
m ême de celles conservées par la loi précédente. Elle
ajouta que tous les procès intentés, soit sur le fon d s, soit
sur les arrérages desdits droits supprimés, étoient éteints
sans répétition des frais de la part d’aucune des parties.
P ou r ne pas laisser de vestiges des droits féodaux sup
prim és, elle ordonna ù tous dépositaires de tities constit-uiiis ou! réeç^iülîis.. desdils droits, de les déposer dans
trois m ois, pour être brûlés, à. peine de cinq années de
�( 7 )‘
fers. Enfin elle déclara com prendre dans les titres dont
elle ordonnoit le b rû lem en t, les jugemens ou arrêts qui
porteroient reconnoissance des droits féodaux, ou m ême
qui les renseigneroient.
Cependant plusieurs tribunaux saisissant mal le sens de
cette l o i , croyoicnt devoir l’appliquer aux procès de cette
nature, pendans devant e u x , en prononçant des fins de
non recevoir. Celte application même parut un attentat;
et une loi du 9 brum aire an 2 , déclara que tous juge
mens postérieurs à l’abolition, étoient nuls; que les frais
de l’instruction étoient à la charge des avoués qui les
avoient faits, et défendit aux ju g es, à peine de forfai
tu re, de prononcer sur les instances indécises.
• Jusque-là la rigueur de cette extinction n’exceptoit
personne, et les tribunaux n’avoient garde d’accueillir
des demandes qui traitassent directement ni indirectement
de redevances féodales. Cependant les censitaires qui
avoient payé en pagésie pour leurs codébiteurs, avoient
un droit bien juste de réclamer le recouvrement du
payement forcé de la dette d’autrui: la loi du 9 frim aire
an 2, leur perm it de réclamer ce payem ent; mais ajouta
qu’ils n’auroient ce droit que dans le cas où ils auroient
été obligés de payer par autorité de justice.
Il 11e semble donc pas devoir être en question sérieuse
si un fermier non plus que son seigneur, a le droit de
faire vivre aujourd’hui des procès ou jugemens relatifs
à des droits féodaux. N ’étant pas compris dans l’exception
de la loi du 9 frim aire, il reste toujours constant, par
la loi du 28 août 179 2, que les jugemens que produit le
citoyen. Solvignon , n’étant pas en dernier ressort, sont
�(S)sans effet, même pour les dépens; par la loi du 17 juillet
1 7 9 3 , que ces jugemens étant récognitifs de cens, sont
spécialement dans la classe des actes qui ont dû être brûlés,
comme ils l’ont été en effet; parce que cette lo i, bien
loin d’excepter les fermiers qui avoient une action au
nom du seigneur, saisissoit même les titres renseignant
la féodalité entre les mains de tous dépositaires. Enfin ,
il reste toujours prohibé par la loi du 9 brum aire, à peine
de forfaiture, de s’occuper de procès féodaux.
M ais, dira le citoyen S o lvig n o n , cependant le com ité
de législation, consulté en l’an 2. par le tribunal du district
de R io in , a repondu que l’action d’un fermier po ur une
rente provenant de: cen s, n’étoit point étein te, parce
qu’il avoifc payé le seigneur, et setoit fait un titre par
ticulier pour lui-même. Il ajoutera que l’année dernière
le tribunal civil du Puy-de-D ôm e a jugé que les héritiers
d’ un fermier pouvoient se faire payer du montant d’une
obligation dérivée de cens, com m e ayant de m ême payé
nu seigneur, de ses deniers, et n’ayant de recours'contre
lui que pour les cens postérieurs à 1789. Enfin, il ajoutera
que ces préjugemens sont fortiiiés>par la loi du 9 frim aire,
rendue en faveur dés-copaginaires, parce q u e , comme
eux il a payé la dette d’au tru i, et doit comme eux en
obtenir le recouvrement.
Ces trois objections n’ôtent rien, à l’application des loi»
précitées.
Il seroit peut-être suffisant de répondre à la prem ière,
que la réponse d?um com ité n’est pas une loi, et a encore
moins la puissance d’y être contraire; mais qu’on trans
form e, si ou le v e u t,.la lettre du comité de législation
mi
�(9 )
en une loi positive, elle ne prouve rien pour le citoyen
Solvignon ; il ne s’agit que d’en rappeler la cause.
U n ancien ferm ier de seigneur, créancier d’arrérages
de cens, au lieu de poursuivre son débiteur en justice,
avoit consenti de lui aliéner le capital de sa créance
•en un contrat de rente constituée. Cette rente avoit été
servie pendant longues années; et le débiteur, profitant
<3g ce que l’origine de la créance étoit énoncée au contrat
•de ren te, crut pouvoir s’affranchir du payement, en vertu
de la loi du 17 juillet 1793. L e tribunal du district de
R io m hésita m ême à prononcer sur le genre de cette
affaire, et s’adressa au com ité de législation. L e comité
répondit que le con trat.d e rente ayant été dénaturé,
n’avoit plus rien de féodal; parce que le ferm ier, en con
sentant d’échanger son action, en aliénant volontairem ent
son capital, avoit payé de m êm e volontairem ent la dette
du censitaire, et que le contrat de rente devoit avoir son
exécution.
Aucune comparaison ne peut être faite entre ce ferm ier
et le citoyen Solvignon ; il a , lu i, poursuivi en justice et
fait exécuter des censitaires pour tout le cens de la commune.
L oin d’aliéner son capital, loin de consentir 5 aucun acte
volontaire, il n’a pas m êm e voulu dans le temps, et lorsque
la division de cens etoit aisée fa ire, accepter divisément
la portion de chaque copaginaire. Son titre n’a point changé
de nature; il est une condamnation judiciaire d’arréragesde
cens, dans la même forme qu’elles ont été rendues de tout
temps. Il ne peut user de sa qualité de ferm ier; car toujours
les condamnations d’arrérages ont été aunom des ferm iers,
et il est impossible d’appliquer autrement l’article III de
B
�( 10')
la loi du 17 juillet 17 9 3 , en ce qu’il supprime les procfo
rendus sur les arrérages des droits supprimés; ni l’ar
ticle V I I I , en ce qu’il comprend les jugemens ou arrêts
quiporteroientreconnoissancedesdroitssupprim és, ou qui
les renseigneroient. Il faut donc dire que cette loi a éteint
les arrérages de cens, au moins non dénaturés par no
vation , ou qu’elle n’en supprime aucun; ce qu’il seroit
bizarre de penser.
L a seconde objection n’a absolument rien de différent de
la première ; car le jugem ent rendu par le tribunal civil
du P u y-d e-D ô m e, étoit dans une espèce à peu près sem
blable à celle décidée par le comité de législation.
Les sieurs B ravard et V a c h ie r, fermiers d’A r ia n e ,
créanciers de cens échus m ême en partie sous le bail des
fermiers leurs prédécesseurs, acceptèrent du débiteur une
obligation ; quelques années après ils acquirent des im
m eubles, dont le p rix fut en partie compensé avec le prix
de cette obligation. On obtint en la sénéchaussée d’A u v e r
g n e, le désistement de ces immeubles, et le citoyen Bravard
conclut depuis au payement de l’obligation. L e tribunal
civil pensa qu’il y avoit doublement novation de la créance,
l’une des précédens ferm iers, l’autre du ci - devant sei
gneur , et que le citoyen B ra v a rd , en acceptant volon
tairement la délégation de la dette d’autrui, s’étoit fait
un titre particulier, et n’avoit pas d’action en répétition
contre le ci-devant seigneur.
Ici encore le citoyen Solvignon ne peut s'adjuger cetto
jurisprudence; car il n y a dans ce qu’il demande au:
cune novation. Il n’avoit pas, lu i, été payé en im m eubles,
et on ne lui doit pas ua remplacement d’éviction j il ne
�( 11 J
s’est pas Tait un titre particulier et non.féodal en acceptant
volontairement une obligation ; son titre est autant féodal
que semblables titres le furent jamais ; ce sont des arrérages de cens qu’il demande, non pas en vertu de titres
à lu i,*mais en vertu des titres du seigneur. Si le cens étoit
contesté, il falloit que le- seigneiii* fût mis en cause, et
dès-lors ce n’étoit plus au citoyen’ Solvignon qu’ôn avoit
affaire 5 il a fait plus; il a usé du privilège de son com
mettant , en voulant contraindre de payer en pagésie ;
il a donc renoncé au droit de dire qu’il ne réclamoit
qu’une créance particulière due à lui-m êm e, et non féo
dale; ce seroit donc un pas bien rétrograde, que d'oser
dire aujourd’ hui que les sentences de pagésie ne sont point
un titre féodal.
- L a troisième objection n’est pas plus spécieuse; car
vouloir assimiler celui qui contraint ù la pagésie à celui
qui a été contraint, ce seroit comparer le créancier au
débiteur ; ce qui n’est pas très-aisé à persuader. Mais y
eût-il plus d’analogie entre ces contraires, un seul mot
doit y répondre ; c’est que l’article Ier. de la loi du 9
frimaire an 2, permet au censitaire de réclamer la portion
du cens qu’il a payé pour son copaginaire ; l’article II
explique qu’il n’a ce droit que lorsqu’il a payé par auto
rité do justice. L e citoyen Solvignon n’est point dans ce
cas; et sans doute comme ferm ier,.comme poursuivant
et vexant les censitaires par des exécutions et des réqui
sitions de contrainte par corps, il ne croira pas ces titres
plus recommandables que ceux des copaginaires ve x é s,
qui auroient été contraints par ses pareils, à payer seuls
la dette de toute une enclave.
B v
�Disons donc que le citoyen Solvignon n'a pas pu
recrcer des titres féodaux, pour en demander l’exécution,
au m épris des nombreuses lois qui les proscrivent. Plus
hardi m ême dans ses prétentions, pourroit-il bien faire
valoir ses jugemens de 1790 et 1792 , qui condamnent
trois individus solidairem ent à payer en pagésie le cens
dû par toute la com m une, et arrérages pendant six ans.
Supposons, s’il se peut, que la loi du 17 juillet 1 7 9 3 ,
n’atteigne pas les fermiers ; qu’elle protège en leurs mains
toutes les sentences de censive, pour conserver ce dépôt
intact aux ci-devant seigneurs, et que le brûlem ent or
donné, m ême des simples renseignemens, n’ait été qu’un
leurre pour trom per la crédulité nationale; au m oins,
faudra-t-il exécuter la loi bien claire du 20 août 1792.
L ’article Ier. , comme on l’a déjà d it, abolit la solida
rité des cens et redevances seigneuriales quelconques,
m ême pour les arrérages échus; en conséquence, est-il
ajouté, chacun des redevables sera libre de servir sa portion
sans être contraint à payer celle de ses co-débiteurs.
Si donc il falloit ex écu ter, au profit du citoyen Solvi
gn on , les jugemens de 1790 et 17 9 2 , comment en proposeroit-il l’exécution ? quelle partie des cens demandcroit-il à Itier ? com m ent se feroit la division des arrérages
portés par ces jugem ens, entre tous les copaginaires du
Bouchet-St.-N icolas? A -t-il les reconnoissances particu
lières de chaque héritage du ténement? a-t-il ses cueilloirs
ou reçus affirmés, dont la loi ordonnoit aussi le brûlement
spécial ? mais n’y aùra-t-ilpas contestation entre les cen
sitaires, pour la quotité de chacun ? alors il faudra re
mettre ces titres h des commissaires à terriers, et procéder
à un également du cens,
I
�( 13 )
V o ilà où conduiroient naturellement les prétentions
du citoyen S olvignon ; et sans doute il n a pas dû croire
sérieusement que les tribunaux s’aveugleroient au point
d’oublier les lois pour son p ro fit, et de partager ses
erreurs.
Il
n’a pu avoir qu’un b u t, et ce but étoit une subtilité;
c’étoit de dire : je signifierai mes sentences avec comman
dem ent, et alors j’obligerai Itier de se pourvoir. S’il s’a
dresse au tribunal de prem ière instance, je dirai que ce
trib un al, substitué à celui qui a rendu les jugem ens, ne
peut se réform er lu i-m êm e, et n'a à juger que les vices
du commandement. S’il s’adresse au tribunal d’a p p el, je
dirai qu’il n’y avoit pas lieu à appel, dès que le cens étoit
reconnu ; mais qu’il falloit form er opposition au com
mandement.
Ce cercle vicieux se détruit par lui-même. L ’ une des deux
objections sert de réponse à l’autre; et en effet], c’est
précisément parce que le cens n’avoit pas été contesté,
qu’il n’y avoit pas lieu de provoquer une décision du tri
bunal deprem ière instance. Ce tribunal ne pouvoit rejuger
une question sur laquelle il avoit épuisé son droifc ; et le
but d’ une opposition au com m andem ent, n’auroit été
cependant que de remettre en jugement la question du
cens. Si ensuite pendant cette discussion le délai d’appel
se fût écoulé, le citoyen Solvignon n’eut pas perdu l’a
vantage de cette prescription : il a donc fallu recourir à
l’autorité supérieure.
L e tribunal d’appel seroit d’ailleurs com pétent, par
cela seul que le jugement du 20 avril 1792 a refusé d’ad
mettre après la huitaine l’opposition à une sentence par
�.
( 14 )
défaut, par cela seul'que l’appel a été interjeté dans les
trois mois de lai signification du jugement.
N y eût-il que cette seule voie d’appel, les autres points
d e là cause étant connexes^ l’intérêt d,ës parties étant d’a
bréger leur procès, le tribunal d’appsl évoqueroit le p riii-1
cipàl , et jugeroit' dès-tors'toütfes les’ difficultés/! k' h il
-fiCette >évocation',’ loin 'd ?être- une usurpation de -corn-1
p é te n c e lo in d ’êti’e même facultative, seroit indispensable
dans.la cii’constance ; car il n’y a q u ed eu x degrés de ju ri
diction à suivre, et le prem ier est rempli. L e tribunal du
P u y a tout jugé. I/opposition au com m andem ent, dans
le sens q u elle tendroit à réform er ses jugemens', ne peut?
donc être de son attribution.
,
• /• ! \
■,'r>
Sans doute le tribunal d’appel est com pétent‘pour ré
form er un jugement dit en prem ier ressort, attaqué dans
le délai de la >loi, pour décider sur cet appel toutes" les
questions déjàiagitées eriipremière instance, et m êm e pour
statuer par évocationsur toutes celles qurseroient connexes
ou accessoires.
Mais le citoyen Solvignon e s t-il assez en règle pour
demander des arréragps de cens, quand la- loi les lui auroit
conservés ? a-t-il des! titres, a-t-il des procédures, a-t-il
des jugemens réguliers ? Il n’a rien moins que tout cela;
il ne peut établir ce qu’il dem ande, que par de secondes
expéditions retirées du greffe, et enregistrées en l’an 9;
il ne peut pas dire que ce sont de premières expéditions ,
dès qu’il dit lui-m êm e avoir signifié le jugement de 1790.
O r , n’est-il pas A présumer qu’une grande partie des
liabitans du Bouchot ont payé au moins des à-compte sur
leurs arrérages de cens? alors ces payemens ont dû être
�T Ï 5 ',)
Endossés sur l’expédition originale. Il a pu encore y avoir
des vices dans la procédure, une quotité de cens à con
tester ; l’appelant seroit donc privé de présenter tous ces
moyens d’appel. Mais un dem andeur;doitJustifier de sa
dem ande; car le plus grand’vice d’une action, est qu’elle
ne soit pas établie; il ne peut pas ôter au défendeur le
droit de présenter des moyens en la form e et au fonds.
Ainsi le citoyen Solvigon n’a pas d’action, s’il ne représente
sa procédure; il n e n a pas, s il ne représente lestitres qui
servent de fondement à sa demande ; car l’ordonnance de
16 6 7 , le commande im périeusem ent, et la sentence de
1790 ni celle de 1792 , n’énoncent pas même ces titres
qui cependant devoient y être visés.
E n vain argumentera-t-il de ce que le cens a été reconnu*
mais la quotité ne l’a pas été ; et s’il veut s’en prévaloir
s’il veut accepter l’offre subsidiaire qui fut faite par Itier*
de payer sa portion du cen s, alors il ne peut diviser cette
déclaration. Il faut donc qu’il établisse quelle est la portion
due par Itie r, et qu il l’établisse non pas par conjectures ;
car il n’est pas en' son pouvoir de faire une fixation
arbitraire.
Mais ce procédé seroit inexécutable, de m ême que de
faire droit sur le recours adjugé par le jugement de 1792:
il seroit donc chim érique de proposer des conditions au cit.
Solvignon ; car il ne pourroit en tenir aucune ; il seroit
m ême illégal de consentir judiciairement une transaction
de cette espèce. *
_
L e citoyen Solvignon a voulu essayer sur un censitaire,
s’il pourroit obtenir les arrérages deicens que la loi a
éteints. Une multitude de ferm iers, ou les ci-d ev a n t
�( 16 ) .
seigneurs sous ce n o m , attendent le résultat de cette tentative : auroit-elle un succès quelconque, alors, encore
quelques décades, et les rénovations des terriers de ce
ressort se ,com pléteroient insensiblement.
Cette mesure auroit-elle un effet louable en ce qu’elle
répareroit des injustices ? Il ne nous appartient pas de
le préjuger. Les tribunaux et les légistes ouvrent le code,
l’appliquent, et ne le corrigent pas.
Concluons donc avec la lo i, qui n’est pas obscure, que
le citoyen Solvignon. ne peut demander des arrérages
de c e n s , sur - tout en pagésie , parce que les arrérages
de cens sont supprim és; parce que ses titres sont b rû lés,
et parce que les arrérages qu’il demande ne sont dénaturés
par aucune novation.
i
D E L A P C H I E R , hom m e de L o i.
D E M A Y , A v o u é.
A R io m , de l'im prim erie de L a n d r i o t , im prim eur du
Tribunal d’appel.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Itier, François. An 5?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Demay
Subject
The topic of the resource
cens
arrérage
fermier de la cathédrale
cathédrale
ferme
Description
An account of the resource
Mémoire pour François Itier, propriétaire, habitant de la commune du Bouchet-Saint-Nicolas, Appelant. Contre Joseph Solvignon, propriétaire, habitant au Puy, Intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 5
1790-Circa An 5
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0320
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0126
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Coverage
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Le Puy-en-Velay (43157)
Le Bouchet-Saint-Nicolas (43037)
Rights
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Domaine public
arrérage
cathédrale
cens
ferme
fermier de la cathédrale
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MÉMOIRE
EN
R É P O N S E ,
POUR
Le Sieur J U S S E R A U D , intimé ;
CONTRE
La Dame DECHAZERO N et le S. A L B E R T
de B R A N C A S - D E - V I L L A R S , son mari,
appelans.
h
-
S
u.
/
A RIOM,
De l’imprimerie du Palais, chez J. - C. S a l l e s .
�MÉMOIRE
t o u r
L e Sieur J U S S E R A U D , intimé ;
CONTRE
La Dame d e C H A Z E R O N et Le S. d e B R A N CASD E - V I L L A R S , son m ari, appelans.
MADAME D e Brancas se plaint vivement de n’avoir pu faire
accueillir des demandes exagérées et extraordinaires qu’elle per
siste plus que jamais à reproduire ; le succès du sieur Jusseraud
l ’irrite, et les premiers juges eux-mêmes ne sont pas exempts de
l'humeur qu’elle lui témoigne. Mais le ton d’aigreur exige au
m oins.de la véracité, et madame de Brancas tire fréquemment
des inductions de faits peu exacts. L e sieur Jusseraud qui n’a
varié ni dans sa défense, ni dans s e s prétentions, répondra à
l ’humeur par de la modération, et à l’inexactitude par la sim
plicité des faits. Il établira sans peine que la réclamation bizarre
de 22,000 francs, dont madame de Brancas a paru concevoir l ’idée
par occasion, après plusieurs années de procès , n’est pas même
A
�( O
proposable, parce qu’elle ne peut s’en prendre au sieur Jusseraud
des accidens de la révolution : il établira aussi que la demande
en indemnité formée par lu i, ne peut être susceptible d’une
contradiction sérieuse, parce quelapremière règle en bail à Ferme
est de mettre le fermier en possession de toute la chose louée et de
le faire jouir.
»
F A I T S .
L e sieur Jusseraud prit à titre de ferme , en 17 8 1, la terre de
Chazeron de la mère de madame de Brancas, pour neuf ans qui
devaient expirer le 24 juin 1790.
L e bail lui fut consenti pour jouir de ladite terre et dépen
dances , ainsi que les précédons fermiers avaient joui ou dû
jo u ir , et par exprès le sieur Jusseraud, son père, moyennant
7 ,3 oo francs par an.
Parmi les conditions de ce bail on remarque, art. i 3 , que le
sieur Jusseraud fut chargé de faire renouveler les terriers à ses
frais par un bon féodiste, et d’en fournir une liève m odée,
dans huit a n s, sous les conditionsà ré g le ra v e cle S .1 Auzaneau
régisseur, ¿drt. 14 , que le S .r Jusseraud ne pourra prétendre
aucune diminution sur le prix de son b ail, pour inondation,
grêle, gelée, et autres cas fortuits prévus ouà prévoir, ni pour
les contestations qui pourraient etre faites par les emphjtéotes
et redevables des terres.
Cette dernière clause que madame de Brancas annonce comme
une convention n o u velle, avait toujours été de style dans les
précédens baux, et la Cour en aura la preuve : cependant le
dernier bail était à 6,000 fr. , et le précédent à 4,700 f r . , . tandis
que le sieur Jusseraud affermait à 7 ,3 oo francs , en se chargeant
encore de faire renouveler le terrier.
L'article des percières était de la plus grande conséquence :
il allait à 110 setiers de b lé , tandis que la directe 11e consistait
qu’en i 5o francs argent, 20 setiers de from ent, 3 o setiers de
seigle et 60 d’avoine.
�(3 )
Ces percières étaient en contestation avec tous les redevables’ ,
en 1781. La dame de Chazeron avait été obligée d’indemniser
les précédens fermiers qui n’en avaient pu jouir; mais elle an
nonçait que le procès était à sa Î111.
L e sieur Jnsscraud chargea le sieur Boitelet d e là rénovation
du terrier, et la première opération fut de lever des plans relatifs
a u x -percières, afin de hâter la fin des contestations. Elles n’en
t raî nèrent pas moins en longueur, et le sieur Jusseraud, ennuyé
de ne pas jouir, demanda une indemnité au tuteur de madame
de Iî rancas , qui lui répondit que jusqu’à la fin de son bail iL
n ’a v a i t
pas d’action. Les choses en ont resté là depuis, et à l’ex
ception d’un très-petit nombre d’articles, le sieur Jusseraud n’a
joui d ’aucune des percières.
A l ’égard du travail de la directe , il fallait, quoiqu’en dise
madame de Iîrancas des lettres à terrier : madame de Chazeron
ne les obtint que le 23 avril 1782, et 11e jugea à propos de les
faire entériner que le 17 avril 1783. Le travail de la rénovation
ne put commencer qu’après celte époque , et le féodiste avait
huit ans.
C epen d an t le sieur Boitelet 11e perdit pas de tems ; car il est
constaté qu’en 1788 il avait déjà reçu et fait contrôler 407 recon
naissances, ( l e précédent terrier n’en contenait que
385 ). L e
travail fut parachevé en 1 7 9 0 , et il y eutalorsoSi art. reconnus.
Suivant la police arrêtée entre les sieurs Jusseraud et Auzaneau , le féodiste devait remettre ses plans, les nouvelles recon
naissances , lièves et tables, reliées, et se soumettre à la vérifica
tion d'un nuire féodiste.
Pour cctlc vérification les parties Tirent choix du sieur Legp.y
de Fontgibaud , par aclc du 9 mars 1791- Les titres furent remis
à cet elfet au sieur Auzancau, qui les transmit hii-n icm c au
sieur L eg a y , comme on le voit par une citation dont excipe
madame de Iîrancas.
Le sieur Legay ne s’occupa point de cette vérification en 1791 ;
il fut emprisonné le 27 avril 17ÎÎ2 > e *- c es^ dans les loisirs
A a
�( 4 )
de sa prison que s’étant fait porter l'expédition du terrier
Boitelet, et celle du précédent terrier seulement, il s’occupa de
vérifier l’exactitude de l’opération du sieur Boitelet. L à il décou
vrit, dit-il, 352 articles défectueux sur 55 i.
A la vérité il finit par avouer qu’il n’a fait qu’ un travail con
ditionnel et hypothétique , parce qu’il n’a comparé le terrier
Boitelet qu’avec un seul des précédens, et qu’il n’est pas encore
a llé vérifier les plans. Il est même obligé de convenir que si les
3d2 erreurs se trouvent relevées sur les terriers antérieurs , l’ou
vrage de Boitelet vaudra mieux que le sien.
Quoiqu’il en soit de ce travail de prison, Je sieur Legay ne se
mit pas en peine d’aller le compléter, en vérifiant les plans quand
il fut lib re , ni même en se* référant aux anciens terriers qu’il
n ’avait pas vus : cependant en l’an 3 il assigna la dame de
Brancas en paiement de 800 francs pour ses honoraires; cette
demande fut dénoncée au sieur Jusseraud , et on.^ae voit pas
qu’elle ait été suivie.
L e sieur Jusseraud avait cessé d’être fermier, avons-nous dit,
en 1790 ; et il avait exactement payé ses fermages , sauf environ
2,000 fr. ; madame de Brancas n’avait eu garde de lui demander
ce reliquat , puisqu’elle l’avait renvoyé , pour l’indemnité des
percières , à la fin de son b a i l , et que le procès de ces percières
n’éLait pas encore jugé en 179°*
Cependant se croyant plus favorable en ce que la suspension
de ce procès paraissait venir de la force majeure , madame de
Brancas fit faire au sieur Jusseraud, le 24 frimaire an 7 ,1 m
commandement de payer la derniere annee de sa ferme en
deniers ou quittances ; sans réserver aucune autre action.
L e sieur Jusseraud y forma opposition, parle motif qu’il élait
créancier lui-mâme de plusieurs indemnités de non jouissances.
L e tribunal civil, sur cette opposition, accorda une surséance
provisoire.
Ces deux réclamations furent soumises à des arbitres ; le sieur
Jusseraud les récusa, et n’a nulle envie de s’en défendre ; il n’a
�(5 )
pas cru manquer à son devoir , en se conformant strictement à
la loi, et en faisant ce que lui semblaient exiger les circons
tances. Il savait d’ailleurs que si déjà un jugement arbitral eût
été rendu , il était plus fort que sa récusation. L ’événement a
justifié sa démarche : il paraît qu’il n’y a eu aucun jugement.
L a procédure fut reprise en brumaire an 10 , devant le trib u
nal de R io m ; le sieur J u sserau d réclama l’indemnité de non
jo uissance, i.° des percières de Gouzet et Roche-Touzet ; 2.° des
eaux m inérales de Chatelguyon , faute d’un bâtiment que la
daine de Chazeron devait y faire tenir en état ; 3 .° de la glandée
dans les bois; 4.0 d’un bâtiment et trois septerées de terre laissés
à un garde forestier, quoique ces objets ne fussent pas réservés
au propriétaire; 5 .° du four bannal supprimé par la loi du 4
août I7^9> 6.° de 389 fr. pour cens qu’il n’avait pu percevoir.
Après cette demande, madame de Brancas conclut à l’exécution
provisoire de son b a il, toujours sans réserve: elle poursuivit
l’audience, plaida sur cet incident', et par jugement du 4 ger
minal an 10 , le provisoire fut joint au fond, surséance tenant.
C e p e n d an t madame de Brancas, peu de jours après sa d e
m a n d e p r o v is o ir e , avait cru pouvoir neutraliser lfâ^ustes indem-
nités requises par le sieur Jusseraud , en en réclamant de sa part,
et revenant sur le procès du sieur L e g a y , oublié par elle depuis
l ’an 3 .
Ce n’était plus une simple demande en garantie des 800 liv.
à laquelle madame de Brancas entendait se borner. L e
17
ventôse an 10 , elle exposa que le sieur Jusseraud, s’étant chargé
de laire renouveler son terrier, et ne l’ayant fait que d’une ma
nière ju g é e défectueuse , il devait non-seulement lui payer les
irais de rénovation présumés déduits sur sa ferme, mais encore
l’indemniser de ses cens des années 1790» 1791 et x792 >qu’elle
n’avait pu percevoir, n ’ayant pas de titres; en conséquence,
elleconclut contre le sieur Jusseraud au paiement i.° de 10,000 1.
pour les frais de rénovation; 2.0 de 12,000 liv. pour l'indem
nité de trois aimées de cens.
�(6 )
Les parties en vin'rerit à l’audience le 14 prairial an n . L à ,
madame de Braneas eut encore quelque chose à ajouter : Crescit
eiindo. Elle réclama de plus l ’ancienne garantie des 800 liv.
demandées, en l’an 3 , par le sieur Legnv.
L e jugement dont est appel déboute madame de Braneas de
ces trois derniers articles de demande, adjuge celle de l’an 7 ,
et condamne le sieur Jusseraud ù payer 2,57") liv., pour reli
quat de sa ferme; et faisant droit sur ses demandes en indem
nité, condamne madame de llrancas à lui payer, 1 0 3 oo liv.
pour la non-jouissance du four banal ; 2.0 2,270 liv. pour la
nbn-jouissante des percières : sur le surplus de ses demandes,
il est mis hors de cam e, et tous les d.’pens sont compensés.
L e sieur Jusseraud pouvait justement se plaindre de ces der
nières dispositions, parce qu’indépendamment des non-jouis
sances de cens non perçus et d’objets distrails de sa ferme sans
être compris dans les réserves, il avait droit de regarder comme
très-inférieure à leur valeur une fixation à 2,27.) I. pour les pereiire-i qui cependant montaient à 110 setiers de blé pendant
chriciine dé.< ùcnf années de sa ferme.
Cependant, malgré ces griefs, le sieur Jusseraud ennuyé de
procès , a exécuté ce jugement ; mais madame de Braneas en a
interjeté appel, et ne veut faire grâce d’aucune de ses réclama
tions incidentes ; elle les prétend toutes londée.s, modérées même,
el de la plus exacte justice.
M O Y E N S.
Madame de Braneas s'oppose de toutes ses forces à une dispo
sition du jugement dont est appel, qu’on a passée sous silence,
parce qu’elle est absolument étrangère au sieur Jusseraud.
Les titres féodaux produits par elle ont paru aux premiers
ju g es, cempris dans la proscription de la loi du 17 juillet •7<;3)
fct ils ont cru devoir faire exécuter celle loi, comme toujours
en vigueur d’après le rcscrit du Conseil d’état. L e sieur Ju;seraud ne s’occupera nullement des moyens que madame de
�(7 )
Brancas emploie pour faire considérer cette disposition comme
monstrueuse et révolutionnaire , non nostrûm ---- tantas com ponere liles. L a Cour statuera, comme il lui paraîtra con
venable sur ce chef particulier, q u i , on le soupçonne, pourrait
bien avoir été le principal mobile de l’appel de madame de Brancas. Quoiqu’il en soit, cet appel est divisé en quatre griefs, que
le sieur Jusseraud va parcourir dans le même ordre que madame
de Brancas les a proposés.
PREMIER
GRIEF.
t: •
Y a-t-il lieu de payer 10,000 livres à madame de Brancas ,
pour vice de rénovation de son terriert
y
Pour trouver quelque chose de supportable à cette prétention,
il faut franchir une difficulté beaucoup plus ardue que la ques
tion elle-même. L e terrier renouvelé est-il vraiment défectueux,
et comment s’y prendra-t-011 pour juger sa défectuosité?
Tout cela est déjà f a i t , dira madame de Brancas ; le sieur
L eg a y a ju g é qu’il contenait trois cent cinquante-deux erreurs.
A la vérité , il d e v a it, suivant la convention arrêtée avec Boitelet, remonter aux anciens terriers. Il n’a vu que le plus
récen t, parce qu’en prison peut-être il n’avait pas l ’aisance
nécessaire pour un travail de ce genre. A la vérité encore ,
il fallait vérifier les plans , et chercher l ’application des titres
sur le local , mais le sieur Legay a déclaré, dans son procèsverbal , qu’il n’était pas encore a llé vérilier le local ; et à l ’im
possible nul n’est tenu.
Si le sieur Jusseraud trouve étrange cette maniéré commode
de vérifier le travail d’un féodiste , s’il observe que Boitelet
devait naturellement s’écarter du dernier terrier, dès qu’il y avait
eu nécessité de le refaire, on lui répondra qu’il s’est permis des
personnalités sur le sieur L e g a y , par cela seul que cet expert
avait reconnu des erreurs au travail de Boitelet.
Ce n’est vraiment qu’une réllexion ab iralo , de trouver le
�(S )
sieur L egay offensé de ce que le sieur Jus'seratuî a rappelé
qu’il était en prison , quand il s'occupa de la vérification du
terrier Boitelet. Ce fait était absolument nécessaire à sa cause;
et en se dépouillant de sa prévention , "madame de .Brancas
trouverait très-bizarre elle-m êm e, qu’un travail de géométrie;
locale, et une division de terrain en cinq cent cinquanle-im
immeubles distincts , fussent vérifiés dans les limites d’une
prison.
Pourquoi avait-on choisi un géomètre, si ce n’est pour voir
les 1¡eux, el chercher les inexactitudes sur le terrain même? A la
yerité , on ne prévoyait pas en 1791 , qu’il ne s’en occuperait
pas en 1791 , et ne pourrait jjas s’en occuper en 1792On ne doutera pas que le sieur Legay n’ait tout vérifié en.
prison. Il dit lui-mêine, dans son exploit du u brumaire an 3 ,
avoir employé à ce travail les mois de ju in , ju ille t , partie
d'août et d'octobre 1793. O r, le sieur L egay a été écroué dans
les prisons de Biom , le 27 avril 1702 ; il y a été jugé le i 3
août 1792. L e tribunal de cassation l’a renvoyé à Gueret, où
il a été traduit au mois d’octobre, et n’a été jugé qu’au milieu
de novembre de la même année 1792.
Son p r o c è s v e r b a l , clos le
septembre 1792 > n’est dono
qu’ un travail de prison , 011 plulôl qu’ une ébauche de travail ,
que le sieur L ega y lui-même a positivement déclaré n’êlre que
préparatoire , puisqu’il avoue i.° n’avoir fait sa comparaison
que sur 1111 terrier de 1686, tandis que Boitelel avait été as
treint à remonter aux p lus anciens, et qu’il y en avait deux autres
de 1488 et de 1090; z.° il avoue n’avoir pas encore été vérifier
les plans, ce qui montre clairement q u ’il regardait celle opéra
tion locale comme indispensable; 3 .° il avoue enfin que l'exac
titude de la vérification dépendait dé la comparaison avec les
terriers de 1488 et de laoo ; (pie celte vérification restait A
faire comme complément; et qu’il en pouvait résulter que les
trois cent cinquanle-deux erreurs se réduiraient à rien, et que
le sieur Boitelet aurait luit un bon ouvrage.
A in si
�C r9 )
Ainsi madame de Brancas veut trouver dans le travail du
sieur Legay une perfection qu’il n’y trouye pas lui-même. Par
cela seul, qu’elle a ce travail, elle veut y voir une vérification
de terrier, u n jugem ent qui annulle toute l ’opération du sieur
Boitelet.
Disons plutôt que le sieur Legay se promettait lui-m êm e
de voir les lieux ; que la loi du 28 août rendait son travail
inutile; q u ’ainsi il n’avait aucun motif pour aller après 1792,
s’occuper d’une opération sans but ; et qu’en l’an 3 , il essaya de
former une demande en indemnité du tems par lui em p lo yé ,
quoique la loi du 9 septembre lui refusât toute action par une
disposition expresse.
Il n’y a donc pas lieu de dire que le terrier du sieur Boi
telet soit défectueux , mais quand il serait vrai que le sieur
Legay a entendu le dire a in s i, cela est-il bien démontré aux
yeux de la Cour? Quand le sieur L egay aurait tout vu , le
sieur Boitelet, passible des vices de son trav ail, ne serait-il pas*
fondé à lui d ire , que c’est lui-même qui est dans l’erreur. IL
faudrait donc savoir qui des deux a raison.
On avait prévu dans la police de 1791 > que le sieur L eg a y
pouvait n’être pas infaillible , et loin de le prendre pour ar*
bitre en dernier ressort, il y était dit que celui qui ne vou
drait pas se tenir à sa vérification , payerait ses vacations.
Rien ne s’opposerait donc à ce que le travail du sieur Boi
telet ne fût soumis à une seconde vérification ; mais madame
de Brancas n’indique pas comment elle pourrait se faire ? si la
Cour trouve cet expédient praticable, et sur-tout nécessaire , si
elle pense que la loi du 9 septembre 1792 permet d’y recourir ,
il ne s’agira que de faire remettrè à un nouveau fé o d is te , les
terriers, les liéves , les plans et les titres de la terre de Chazeron.
Mais dit, madame de Brancas (page 16 et page 1 8 ) , les
titres et terriers n’étaient pas livres en 179 ° * sieur Jusseraud
se défendait, dans des requêtes de 1789 et 1790, en disant qu’il
n'était pas tenu de la négligence de Boitelet.
B
�( 10 )
Que signifie ce qu’on écrivait en 1789 et 1790 > si la remise
a eu lieu en 1791. Boilelet avait huit ans pour son travail ;
on ne lui remit des lettres à terrier qu’en 1783 , donc il avait
jusqu’à 1791 ; et madame de Brancas avait formé trop tôt cette
demande en remise, aussi ne l’a-t-elle pas suivie ; et son procès
actuel est à cet égard , bis in idem.
Il est très-vrai qu’en 1790, le sieur Boitelet n’avait pas fait
relier et timbrer la seconde copie de son terrier ; mais comme
le sienr Jusseraud refusa de le recevoir , alors tout fut mis
en règle et remis à A u za n ea u qui, lui-m êm e, le donna à Legay.
L a preuve que le sieur Jusseraud a remis les titres à A u zan eau ,
et non à Legay , se trouve dans l’exploit du 11 brumairje an 3 ,
où le sieur L egay expose que le cit. uduzaneau remit au requé
rant un ancien terrier sign é Besson , ensemble une expédition
de celu i, sig n é B o ite le t, et le plan sur lequel Vapplication avait
é té fa it e , avec les liéves et reçus et quelques autres documens.
Comment donc madame de Brancas qui a notifié cet exploit,
et qui en excipe, peut-elle dire de bonne foi que le sieur Jus
seraud a tout retenu, et n’a remis qu’une copie inform e du
nouveau terrier en 17 9 1, tandis que le sieur Auzaneau a porté
chez le sieur L e g a y une expédition notariée de ce nouveau ter
rier, les plans , les lié v e s , etc.
Mais dit-elle encore ce n’était pas la tout, il fallait aussi re
mettre Vinventaire des titres de la terre et les titres eux-méines,
qui assuraient la perception.
Pour montrer encore à la Cour, combien madame de Brancas
se pique de véracité malgré son ton d ’aigreur,Ue sieur Jusseraud
exhibera à la Cour le récépissé de ces titres au nombre de trois
cent soixante-dix-huit ; il lui a été fourni le 6 janvier 1792 , et
comme alors existait le procès, dont madame de Bancas excipe
encore (pages 1 5 et 18 de son mémoire) , le récépissé termine
par ces m ots, et nie départs de toutes demandes qui peuvent
avoir été formées pour la remise desdits titres.
Donc madame de Brancas redemande ce qu’elle a reçu , donc
�( ” •)
elle fait considérer comme en vigueur un procès qui n’existe plus,
Doqc encore quand madame de Brancas fonde sa demande en
paiement de 10,00© liv. sur ce que le terrier est inform e , et sur
ce que c’est la seule chose qui lui ait été remise pour la vérifi
cation , madame de Brancas dit ce qu’elle sait ne pas être.
M a is, au reste, madame de Brancas a-t-elle bien calculé le
but de sa demande sur cet article ? Par quel motif lui devrait-on
cette som m e arbilraire de 10,000 liv.? des dommages-intérêts
sont définis par la loi l’indemnité de la perte qu’on éprouve.
Si elle avait un nouveau terrier, vaudrait-il donc 'pour elle
10,000 liv. ? Mais quand il faudrait encore l’indemniser d’ une
perte arrivée par la force majeure, à qui madame de Brancas
pourrait - elle persuader, que pour refaire le terrier d’une di
recte de cent dix setiers de tous grains, et de i5o liv. a rg e n t,
il faut payer 10,000 liv. a un féodiste, indemnisé déjà par deux
ou trois cents reconnaissances à recevoir comme notaire.
Mais s’il fallait 10,000 livres, le féodisle est payé, et il n’en
coulerait donc que les frais de rectification des articles recon
nus défectueux. Les trois cent cinquante-deux articles con
damnés rappellent les cent une propositions, et prouvent que
celui, qui veut épiloguer un ouvrage quelconque, a toujours un
vaste champ pour la critique , sauf à la vérité à être redressé
lui-même. Ce serait donc se jouer de la Cour, que de sup
poser sérieusement qu’elle adoptera l’ébauche du sieur L e g a y ,
et ses trois cent cinquante-deux erreurs provisoires.
t
DEÜ XIÈME GRIEF.
E s t-il dû 12,000 liv. à madame de Brancas pour non-per
ception de ses oens, pendant 1790, 1791 et 1792 ?
10,000
liv. pour un terrier mal-fait, et 12,000 liv. pour trois
ans de cens , feraient précisément le capital de la directe de
madame de Brancas ; et ainsi les lois suppressives 11’auràient
atteint que le fermier.
B a
�( 12 )
. Ces lois ne calculent pas comme madame de Brancas ; au
contraire, elles accordent une indemnité au fermier qui n’a
pas joui de tous les cens de 1789 ; et c’est encore la position du
sieur Jusseraud.
Mais ne voyons que madame de Brancas , et écoutons-là se
fonder toujours , pour ce chef de demande comme pour le pré
cédent , sur ce que le sieur Jusseraud , en retenant ses litres ,
l ’a mise , par son fa it, hors d ’état de pouvoir se faire payer.
Toute la page 24 de son mémoire est encore consacrée à ré
péter qu’i l n’est pas douteux que le sieur Jusseraud a retenu
les titres et les terriers.
L ’éclaircissement de ce fait appartenait plutôt , à la vérité,
à la discussion de ce deuxième grief qu’au précédent, mais
le sieur Jusseraud s’est fait un devoir de suivre madame de
Brancas dans l ’ordre de ses moyens. I c i , pour ne pas se ré
péter , il se référera à ce qu’il a dit aux deux pages précédentes ,
où il se flatte avoir prouvé jusqu’à l ’évidence qu’il a remis les
terriers anciens et n ou veaux, plans , liéves et titres depuis le
commencement de l ’année 17 9 1 , puisque le sieur Legay a été
choisi par acte du 9 mars 1791 ; que cet acte suppose un rap
prochement certain et l’existence certaine et en forme du terrier
B oitelet, enfin que le sieur Legay reconnaît avoir tout reçu du
sieur Auzaneau en 1791*
Madame de Brancas voudrait-elle revenir sur ses p a s , et pré
tendre que cette remise de terriers et titres a été faite trop tard ?
Mais c’était lors du procès de 1789 qu’il fallait s’en apercevoir,
et madame de Brancas s’est départie de ce procès ; donc subla tâ causâ lo llitu r effectus.
Remarquons encore l’époque de ce département d’instance.
C ’est en janvier 1792, après que madame de Brancas avait été,
suivant scs expressions , hors d’ état de pouvoir se faire payer
pendant les années 1790 et 1791.
Si c'eût été par la faute du sieur Jusseraud, c’était le cas
au contraire d’ajouter à son procès les conclusions en indein-
�( 13 )
nité qu’elle prend aujourd’hui. Madame de Brancas, en renon
çant à ce procès, a donc reconnu en 1792 , que toutes ses pré
tentions se bornaient à la remise des titres , et qu’il lui suffisait
les avoir reçus.
Si nous trouvons dans ce récépissé une fin de non recevoir
pour les années 179° 6t I 7 9 I > ^ lie noils res^era a vaincre que
l ’année 1792 ; e t , à cet égard , la réponse est plus facile encore.
L a suppression des cens a eu lieu par la loi du 25 août 1792,
à la seule e xception de ceux fondés sur titres primitifs, et la terre
de Chazeron n’avait que des reconnaissances terrières.L’échéance.
des cens était à la St.-Julien, ou au 28 août; donc, en supposant
même toute la bonne volonté possible aux censitaires de s’ac
quitter , ils n’ont au moins pas été tenus de payer des cens, sup
primés avant l ’échéance de 1792.
Laissons encore cette suppression , il résultera au moins du
récépissé de 1792 , que le sieur Auzaneau avait tous les titres ,
et de l’exploit de l ’an 3 ; qu’il avait les terriers, liéves et plans.
Il a donc pu percevoir.
Il est, d’après cela, parfaitement inutile d’examiner si le dé
fenseur de madame de Brancas est convenu ou n o n , qu’il fallait
des lettres à terrier, et qu’elles avaient été remises au sieur
Boitelet seulement en 1783. Si ce fait était un peu plus impor
tant ,1e sieur Jusseraud rappellerait à madame de Brancas qu’elle
avait avancé (p a ge 2 de son premier m émoire) , quç lors du
bail de 179 1 , elle avait déjà obtenu des lettres à terrier, sui
vant l ’usage ; et il résulterait peut-être de cette commémoration,
que c’est mal à propos qu’elle a démenti le fait avancé à cet
égard par les premiers juges (page 26 du 2.e mémoire).
Ces lettres à terrier n’étaient point aussi inutiles que veut le
dire madame de Brancas, puisque sans elles, il n’y aurait eu
de ressource que d’obtenir un ¡jugement contre les censitaires.
L es anciennes ordonnances exigeaient cette formalité. Celle de
Blois, art. &4, et l’ordonnance de Melun , art. 26 n’en exemp
taient que les seuls seigneurs ecclésiastiques , et on lit dans le
�C h )
Dictionnaire des fiefs, v.° lettres à terrier : « Tous les seigneurs
« laïques, qui veulent faire , ou renouveler un terrier, doivent
« absolument prendre des lettres. Il n’y a que les seigneurs
« ecclésiastiques qui en soient exempts par les ordonnances ».
Madame de Brancas 's’élève avec force contre cette nécessité,
cependant elle a pris des lettres, mais en 1782 seulement. Elle
ne les a fait enregistrer qu’en 1783, donc elle a retardé les huit
ans donnés pour délai au féodiste. On n’a donc du lui remettre
ses terriers qu’en 1791 , et dès-lors si madame de Brancas n’a
pas perçu les cens de 1790 et de 1791 , elle ne peut s’en prendre
qu’à elle-même, ainsi qu’elle l ’a très-bien préjugé elle-même, eu
se départant de son procès prématuré de 1789.
Mais serait-il bien vrai que madame de Brancas a été hors
d 'état de percevoir ses cens de 1791 , faute du terrier Boitelet ? il
faut répondre négativement sur ce point comme sur tant d’autres.
Car i.° le sieur Auzaneau a donné des quittances en 1790; il en
a donné en 1791 , et ce ne sont pas des à-comptes ; 2.0 avant la
rénovation Boitelet, on n’était pas privé de poursuivre le paie
ment des cens: donc on pouvait se passer de son terrier ; 3 .° il
n’était aisé à personne de percevoir des cens après le 4 août
1789 , et la loi a prévu cette difficulté , en accordant des indem
nités aux fermiers pour les années postérieures. Madame de
Chazeron habitant alors son château , bien loin d être pressec de
se faire payer , engageait au contraire le sieur Jusseraud à no
pas poursuivre ses propres arrérages.
Comment donc, sachant ces faits , madame de Brancas a-t-elle
prétendu que c’était par le fa it seul du sieur Jusseraud qu’elle
avait été hors d’état de percevoir ses cens? Comment n’n-t-clle
pas trouvé (pie 12,000 livres et 10,000 liv. au sujet d'une directe
de 1,100 liv. de revenu étaient une demande d’une exagéra
tion singulière ? Comment enfin m ulame de Brancas a-t-elle
dit que ces sommes lui étaient dues, faute de remise <1« ses ter
riers cl du ses titres , lorsqu’elle est nantie des uns et des autres ?
�C iS )
)
TROISIEME GRIEF.
JEst-il du une indem nité au sieur Jusseraud pour la nonjou issa nce des percières ?
f ■
!
Maintenant que madame de Brancas conteste une demande ,
elle la trouve ridicule et exliorbitante. D ’abord il n’est pas établi,
dit-elle , que les redevables aient refusé le,paiement, à l ’excep
du plus petit nombre.
t . H;.
IC'
C ’est un système général adopté par madame de Brancas, de,
t i o n
tout nier; elle n’avoue pas même ce qui est de notoriété, et de
sa connaissance très-personnelle.
Il est positif, en eil'et, que la presque totalité des redevables
de percières refusait de payer depuis long tems^qu’il existait un.
procès avec eux tous ; que quelques particuliers seulement, qui
n’avaient pas voulu suivre ce procès, passèrent un jugement
volontaire en 1789 ; que tous les autres plaidaient encore en
1790 ; et le sieur Jusseraud se procurera les sentences interlocu
toires qui les concernent, pour convaincre la Cour qu’il n’en
impose pas.
Ces percières n’étaient pas un objet peu important ; elles
étaient plus considérables que la directe ; et les précédens fer
miers qui avaient aussi été empeches de jouir a cause de ces
mêmes procès , obtinrent 3,000 trancs d indemnités.
A cela madame de Brancas fait une objection qui aurait
quelque poids , si elle était applicable, mais qui peche toujours
par l’inexactitude.
C’est précisément, dit-elle; au sieur Jusseraud , pour ne pas
vous donner aussi des indemnités, que par votre bail il fu t
stipulé que vous renonciez à toute diminution pour cause de
grêle, gelée, cas fortuits prévus et à prévoir, et même pour les
contestations qui pourraient être formées par les redevables. O r ,
les procès des percières existaient avant votre b a i l, donc ils ont
¿té l’objet de cet article, et
particulière.
l’obje^ de cette convention
�( .6 )
Tout cela serait proposable si le bail de 1781 contenait
pour la première fois cette clause de précaution. Mais qu’on
lise les précédens baux de la terre de Chazerûn , on la reverra
copiée mot pour m ol : et cependant elle n’a pas empêché les
précédens fermiers d’obtenir une indemnité de 3 ,000 francs.
Rien en effet n’était plus juste , parce qu’une clause semblable
ne doit s’entendre que civ ilem en t, comme l’ont très-bien remar
qué les premiers juges , comme l’avaient aussi préjugé M M .
Verny et Touttée arbitres , en accordaht aux précédens fermiers
une indemnité pour la même cause.
Il est en-effet de principe que dans une renonciation générale,
il ne faut pas vaguement comprendre ce que le renonçant n’a pas
naturellement voulu abandonner. In generali renuntiatione
von veniunt eâ , quœ ijuis in specie non esset verisim ililet
consecuturuS.
A in s i, quand le fermier se serait chargé de tous les accidens de grêle, neiges, etc., la ldi toujours juste et prudente
distingue ce qu’il n’a pas distingué, et lui accorde d’elle-memé
une indemnité, si les dccidens de la saison ont été immodérés ,
si immoderatœ fu e r u n t, et contra consueludinem tempestaies.
L . 78. ff. de contr. empt.
Mais la position du sieur Jusseraud est plus favorable encore \
car ce ne sont pas les intempéries de l’air qu’il doit accuser de sa
non jouissance, niais madame de Brancas elle-même qui lui a
donné à bail ce qui sans doute ne lui appartenait pas.
Celui qui vend a beau stipuler qu’il ne sera garant de rie n 1:
s’il a vendu la chose d’autrui , il doit au moins rendre le prix
qu’il a reçu. De même que celui qui cède une créance sans
garantie, n’en est pas moins tenu de la garantie débitant suhcssé.
Il y aurait même quelque chose d’immoral de favoriser des
conventions contraires.
Dan-; un bail à ferme de biens ru ra u x , comprenant une sur
face connue, <nns doute on peut stipuler que la perte, même
totale, de* rcvchtl*' par 'cds fortuits sera pour le compte dn
p re n eu r,
�C
*7 )
preueur, parce que le bailleur est étranger à ces événemens. Il
a fait ce qui était en l u i , en mettant le preneur à même de jouir
de toute la chose louée.
Mais si l’étendue donnée n’est pas mise au pouvoir du pre^
neur , il en résulte que le bailleur n a pas satisfait a son obliga
tion en livrant la chose louée. Car la première obligation du
locateurest prccstandi conductori fin i h c c r c • elle est de 1 essence
du contrat de louage. C ’est par suite de ces priucipes que la loi
de 1789, ôtant aux fermiers une portion de la chose louée,
leur a accordé des indemnités , et personne n’a imaginé de
dire qu’elles n’eussent pas lieu dans les cas où le fermier s’était
chargé du risque des événemens.
On ne peut pas douter que madame de Brancas n’ait donné
a ferme les percièi’es de Gouzel et Roche-Touzet. Car, i . f elle a
afferm é au sieur Jusseraud la terre de Chazeron, ainsi que les
précédens fermiers, et notamment le sieur Jusseraud père, avaient
j o u i ou dû jo u ir . Précisément le procès avait commencé sous
leur ferme , et ils avaient été indemnisés, parce q u ’ils n’avaient
pas joui comme ils avaient dû jouir; 2.0 madame de Brancas
avait affermé toutes les perceptions de sa terre, suivant les titres
qu’elle remettait au sieur Jusseraud, portés par un inventaire;
et ces titres mentionnent expressément les percières, pour une
quantité de cent dix setiers.
Sera-t-il proposable d’oljjecter que la clause du bail porte qu’il
n’y aura pas de diminution pour les contestations qui pour
raient être faites par les redevables ?
S ’il fallait interpréter cette clause aussi littéralement que
l ’exige madame de Brancas , on n’y verrait d’abord rien qui
eut trait à un procès déjà existant, car il n’est prévu que dts
contestations futures.
:
Mais de bonne foi, avec urre telle cause, faudrait-il aller jus
qu'à dire qu’un fermier à qui on remet les titres d’une terre pour
percevoir un revenu sur quatre cents septerées de terre, est tenu
C
�( *8 )
de se contenter de cent cinquante, si le surplus lui est contesté.
Quelle raison y aurait-il pour ne pas le forcer à payer aussi
toute sa ferme, sans diminution, dans le cas où les redevables se
réuniraient pour contester le droit. L e contrat de louage pour
rait donc subsister sans l ’existence de la chose louée ; ce qui
choque les principes les plus élémentaires.
L e tuteur de madame de Brancas, procureur au châtelet, ne
prétendait pas donner un tel sens à cette clause, lorsqu’il écri
vait en 1786, dans un style simplement dilatoire, en renvoyant
l ’indemnité à la fin du bail et au jugem ent de l'arbitrage. Une
autre preuve aussi que madame de Brancas entendait bien n’en
être pas quitte pour renvoyer le sieur Jusseraud à une clause
générale et copiée sur les anciens baux , c’est qu’en se char
geant seule du procès des percières , qui autrement eut aussi
intéressé le sieur Jusseraud, elle lui notifia en septembre 1790,
q u’elle avait obtenu trois sentences contre certains des emphytéotes , pour qu’il eût à s’en faire payer. Ce sont ces jugemens
rendus de concert, déjà cités.
Madame de Brancas veut encore réduire à rien cet article
de percières ; elle a produit en première instance, dit-elle, des
baux y relatifs qui les réduisent à treize ou quatorze setiers.
II est difficile de répondre à une telle inexactitude, sans ou
blier la modération que le sieur Jusseraud s est imposée. Car
madame de Brancas sait bien que ces baux n ont de rapport
q u ’aux percières de Gouzet qui ne portent que sur quarante
septerées de terre, tandis que les percières de R o che-T ou zet
portent sur plus de quatre, cents septerées. Mais que madame
de Brancas veuille bien produire à la Cour l ’aveu et dénombre
ment dont elle a donné récépissé : c’est un acte bien antérieur au
bail du sieur Jusseraud qui s'en trouve une copie ; elle y lira :
« Plus quarante septerées de terres, ou entour, pcrcidrales,
« dans lesdites appartenances de G o u z e t ; ............ plus jouit et
« possède ledit seigneur de Cliozcron la terre de lloche*Touzet,
�C 19 )
c< dans laquelle se perçoit, commune année, q u a tre -v in g t-d ix
« seliers seigle en percières. . . lesdites percières confinées, etc.
D e tout cela le sieur Jusseraud n’a lien perçu que du trèspetit nombre de ceux qui ne voulurent pas plaider.
Cependant ces percières étaient comprises dans son bail», et
puisque madame de Brancas ne le faisait pas jouir de cette partie
de la chose louée , elle lui devait, suivant les principes, quantum
ei abest, et quantum hicrari potuit.
Ce n ’est donc qu’au sieur Jusseraud que les premiers juges
ont fait tort, en modérant à 2,275 liv. cè qui valait six fois cette
somme ; et si madame de Brancas la trouve arbitraire, il consent
très-volontiers à une estimation.
QUATRIÈME
GRIEF.
Est-il dû 3 oo liv . au sieur Jusseraud pour non-jouissance
du fo u r banal en 1790 ?
L e sieur Jusseraud a été obligé de payer cette indemnité à
ses souSTÎermiei’S par jugement du tribunal civil de l ’an 6 ; il ne
demande que la somme qu’il a payée : rien ne semble plus juste.
Cependant madame de Brancas veut encore contester cette
faible somme, et trois moyens lui sem blent la débarasser de cette
réclamation ; i.° dit-elle , c’est le sieur Jusseraud qui a été con
damné personnellement ; 2 .0 il faudrait qu’il y eût six mois de
non-jouissance, et il n’y en a que d eu x, parce que la loi de
suppression est du 24 mars 1790, et le bail finissait au 24 ju in
suivant ; 3 .° dans les 800 livres se trouvent confondues 75 livres,
allouées déjà par madame de Chazeron , et si le sieur Jusse
raud les a payées pour elle , il ferait un double emploi en les
reprenant.
Sur le premier moyen, comment concevoir que le sieur Jus
seraud ait été tenu en son nom d’une suppression féodale, tandis
C 2
�C 20 )
que la loi du i 5 mars 1790 accorde aux fermiers des indemnités,
que la loi du 28 août 1792 les leur conserve, et dit que « les fer« miers pourront se fa ir e restituer les sommes qu’ils auront
t payées aux ci-devant seigneurs, pour raison des mêmes droits
« échus depuis le 4 août 1789, et ce, au prorata desdits droits ».
Mais dit , madame de Brancas (p a ge 39) , le jugement de
l ’an 6 prononce hors de cour sur la demande en assistance de
cause contre m oi, ce qui prouve que vous êtes condamné per
sonnellement.
Toujours oubli des faits dans les choses les mieux constatées.
Si c’était le sieur Jusseraud qui eût été mis hors de cour sur une
demande en garantie formée par l u i , alors certes il ne pourrait la
renouveler ; mais c’étaient: les sous-fermiers qui avaient appelé
madame de Chazeron en assistance de cause; ils sont mis hors
de cour, donc la question reste entière pour le sieur Jusse
rau d, et le débouté ne le concerne pas.
Sur le second m oyen, les premiers juges ont constaté par l’aveu
des parties, qu’il y avait six mois de non jouissance. D ’ailleurs
le jugement de l ’an 6 rapporte aussi que les sous-fermiers n’avaient
pas joui dès avant la loi du i!> mars 1790*
Cette loi, comme on sait, n’était que le complément de celle
du 4 août 1789 , portant abolition en principe du régime féodal
et de ses effets, à la seule exception des droits fonciers. II était
naturel que les bannalités , les retraits féodaux, les droits de
chasse exclusive , et autres privilèges semblables fussent réputés
abolis, par le seul effet de la loi du 4 août 1789. Celle du i 5
mars 1790 en fut la loi organique, et ne fit que se référer a la
première. Aussi est-il de notoriété que les bannalités cessèrent
dès 1789, et madame de Brancas ne pouvait ignorer l’époque
des premiers effets d’une suppression à laquelle elle était si peu
étrangère.
D ’ailleurs calculons même comme madame de B ran cas, et ne
partons que de la loi du i 5 mars 1790 : de là au 24 juin , il n’y
�( « )
a pas deux mois, comme elle le prétend. Il y en a trois bien
comptés.
O r , la bannalité du four était sous-affermée 1,200 fr. par an ;
ce fait n’est pas contesté : c’était donc pour trois mois 3 oo fr. ,
et le tribunal civil avait supputé juste.
Enfin si par le fait le sieur Jusseraud a payé 3 o o f r ., pourquoi
les perdrait-il ?
L e troisième moyen, qui n’est plus qu’ un subsidiaire, ne
devait être proposé par madame de Brancas, que si elle avait en
main le mandement de
fr. donné par madame sa m ère, et si
elle prouvait que le sieur Jusseraud l ’a porté en compte dans
ses paiemens.
Car il importe peu que madame de Chazeron ait prom is 75 fr.
à ces sous-fermiers, si elle ne les a pas payés. Il a été dit déjà
pourquoi ces 75 fr. avaient été promis. Madame de Chazeron se
fit garder plusieurs nuits par les sous-fermiers , dans sa terre ,
lors des premières terreurs de la révolution, et leur donna en
récompense un bon de 75 francs. L e tribunal c i v i l , à qui on fit
plaider que ces rj'o fr. avaient eu aussi pour objet la non jouis
sance du four, déduisit cette somme sur les 3oo fr. d’indemnité
q u’il accorda à ces sous-fermiers.
Maintenant soit que le sieur Jusseraud ait payé cette somme
en vertu du m andem ent, ou en vertu du ju gem ent, il l ’a tou
jours payée de ses deniers , si on ne voit pas qu il a employé
le mandement dans ses comptes. Si madame de Chazeron ne le
prouve pas , il n’y a donc, dans sa derniere objaction, qu’un
double emploi imaginaire.
L e sieur Jusseraud a parcouru tous les griefs du mémoire de
madame de Brancas, qui le concernent, et il n’a eu besoin que
de développer les motifs de la décision des premiers juges, qui
porte avec elle sa pleine justification. Si la cause a été pour l’une
des parties, comme on le d i t , un objet de spéculation , le sieur
Jusseraud a l ’ayantage au moins de n’avoir spéculé que sur la
�vérité des faits et sur une constante exactitude. Ainsi madame
de Brancas n’a été victim e que de sa propre obstination; et si
ses intérêts ont été blessés , elle ne peut en accuser que l'injus
tice de ses demandes et la faiblesse de ses moyens.
M .e D E L A P CH I E R , A v o c a t.
M .e V E R N I È R E , A v o u é .
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Jusseraud. An 5?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Vernières
Subject
The topic of the resource
ferme
percière
terriers
féodiste
four banal
experts
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse pour le Sieur Jusseraud, intimé ; contre la Dame de Chazeron et le Sieur Albert de Brancas-de-Villars, son mari, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 5
1781-An 5
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0321
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0727
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53769/BCU_Factums_M0321.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chazeron (terre de)
Châtel-Guyon (63103)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
experts
féodiste
ferme
four banal
Percière
terriers
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53770/BCU_Factums_M0322.pdf
1f959743d90f37eb02b82bb3bc65be28
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Text
M
É
M
O
I
R
E
POUR
L e sieur R O B E R T
d e
L E I G E , appelant;
CONTRE
François
ASTORG
et M a r i e
VIGIER,
sa f e m m e ,
intimés ;
«
ET
CONTRE
R O T Q U I E R et J e a n - B a p t i s
L A C R O I X , son mari , intimés.
B r i g i t t e
«
«
*
«
«
t e
L orsque les parties ont stipulé que les fruits (de
l'immeuble donné à a n tichrese) , se compenseront
avec les intérêts, ou totalement, ou jusqu’à due
concurrence, cette convention s’exécute, com me toute
autre qui n ’est point prohibée par les Lois. ( C o d .
« civ. art. 2089. ) »
A
�C2 )
Ce principe de la législation acluelle, conforme aux
lois romaines , adopté par les auteurs du droit qui se
sont le plus élevés contre l ’ usure , décide la contesta
tion sur laquelle la Cour aura à statuer. U n créancier
a joui pendant dix ans avant 1 7 1 4 , un très-petit pré
pour l’intérêt légitime de sa créance. L e débiteur ren
trant dans son héritage à cette époque, a continué le
paiement de l’intérêt pendant quarante ans, et a retiré
vingt-trois quittances, parmi lesquelles sont plusieurs
arrêtés de compte. Quand on lui a demandé le capital,
il a refusé de p a y e r, sous prétexte de l ’ancienne anticbrèse, et a demandé une vérification préalable pour
savoir s i , lors de l ’antichrèse et avant mil sept cent
quatorze, les jouissances de son pré avaient été ou non
d’une valeur supérieure h l ’intérêt échu pendant leur
durée. Voilà en précis tout l’objet de la prétention des
.Astorg ; et si elle a été accueillie par les premiers juges,
c ’e stq u e la cause a été deux foisjugée par défaut contre
Tappelant.
L a créance cédée a passé en plusieurs m ains, et la
résistance du débiteur a occasionné une foule de re
cours et de procédures, qui ont occupé les tribunaux
depuis 1764. Une partie de ces demandes en recours
est encore pendante devant les premiers juges, et il
n ’y a principalement eu litige actuel que l’eifet de l’anthicrèse. L ’appelant rendra donc compte
la Cour de
la convention qui a établi celle anticlnèse, et des actes
qui l’ont suivie.
�C
F A IT S
ET
3
)
PRO CED U RES.
Guillaume Soubie était créancier de Géraud Sales et
sa fem m e d’une somme de 600 fr. en capital, prove
nant d ’une dot, et produisant par conséquent intérêt
de sa nature. Les parties traitèrent sur cette créance
le 19 a o û t i
, et elle fut stipulée payable en quatre
iermeségaux avec intérêt. Il fui convenu que, pour cet
683
intérêt, ledit Soubie pourrait jouir du pré de L a v a l;
niais cette convention n’eut pas son exécution jusques
à un autre traité de 1703. Ainsi il est inutile de fixer
l ’atention de la Cour sur ce premier acte.
Guillaume Soubie-maria Pierre Soubie , son fils , en
1689 , et lui donna ladite créance pour légitime. Celuici la céda au sieur D o u lé, curé de Noailles, par acte
du 10 septembre 16 9 5 , et ce dernier obtint sentence
contre les débiteurs, le
5 octobre
suivant. Cette sen
tence encore n’adjugeait q u ’une hypothèque indéfinie.
lies héritiers du curé de Noailles cédèrent au sieur
E m e ry -R o b e rt, leur créance de 600 fr. et le droit de
jouir du pré L a v a l, par acte du i
5 juillet
1703.
Par ce même acte on voit que Marie Sales, fem m e
Sartiel, débitrice, intervint avec ledit S artiel, son mari,
pour s’obliger en outre de payer audit sieur Robert une
somme de 194 liv. i
5 sous,
provenant d ’arrérages do
rentes, adjugés par trois sentences. L ’acte termine par
la clause suivante, qu’il faut transcrire littéralement
A 2
,
�4
(
)
parce que c’est contre son exécution que les sieurs
Astorg veulent revenir (i).
Faute de paiem ent, Ledit Robert pourra jo u ir du,
su sdit pré de L a v a l, p o u r
le l é g it im e
in tér êt
des
tant et si Longuement que lesdits mariés
seront en demeure DE r e n d r e i c e l l e s , ce qu iLs pour
dites
sommes,
ront fa ir e quand bon Leur semblera , et Jusques à ce ,
se réserve ledit Robert l ’hypothéqué précitée et privilège
de ses hypothéqués. A in s i a été convenu et promis tenir
par lesdites parties sous C obligation , etc.
Après cet acte le sieur E m e r y - R o b e r t se mit en
possession du pré L a v a l, et en jouit pendant les années
1704 et suivantes, jusques en 1714.
Alors Marie Sales était remariée à Pierre V ig ie r ,
et ce nouvel époux s’empara du p ré , sans autre lorme.
L e sieur Robert aurait pu sans doule refuser la remise
de son gage jusqu’à ce q u ’il fût p a yé: mais il était fort
aise d ’en Olre débarrassé et d ’avoir le droit de deman
der son revenu annuel ; en conséquence il assigna les
dits Pierre Vigier et Marie Sales par exploit du 18 jan
vier 1716 .
Il exposa «• que ladite Sales ne saurait ignorer être sa
« débitrice i.° de 600 fr.; 2 ° de 194 ir. i
«• causes portées par acte du i
5 juillet
5 s. pour les
1708; que pour
( 1 ) Il y a une légère différence entre l’expédition qu’en rap
portent les A storg, cote i.rc , et la copie signifiée cote 5; mais
cette différence ne change rien au sens de la convention.
�.
(5 )
v
\
« l’intérêt desdîtes sommes elle n’a'ye consenti engage« ment des fruits du pré appelé de L a v a l, duquel led.
« instant a j o u i paisiblement jusqu’au trouble *.
En conséquence il conclut à ce que lesdits mariés
Vigier fussent solidairement condamnés à lui payer * la
«‘ somme de 3p fr. 14 s. 9 d . , faisant le revenu desdites
»■sommes ‘depuis le 14 juillet 1 7 1 4 , au lieu de La non
« jou issa n ce d u d it p ré , avec condamnation de tous
dépens , dommages et intérêts ».
<
, '
fj'j
# ‘
Il prit d’autres conclusions étrangères à l ’anticlirèse,
et tendantes au paiement des arrérages d’ une renie en
grain, qu’il évaluait pour le passé à 70 liv. 2 s. 6 d.
Cette deman.le fut accueillie par une sentence non
attaquée du 26 février 1 7 1 6 .
Peu de tems après cette sentence, le sieur E m e r y Robert céda sa créance à Joseph R otquier, avec le
#
,l
» •
droit de jouir du pré L a v a l, ou de sè faire payer de
l ’intérêt de ladite créance.
' Cet intérêt fut payé p a r Vigiér , ' et ses premières
quittances prouvent, comme les postéiieures, qu il ne
s’agissait plus du passé.
. .
•'
L a première quil lan ce, du 16 mai 1 7 1 7 , est de 80 fr.
pour les non jouissances du pré de Laval engage, et ce
pour les années l'-jiiJet 1716. (Com m e ces 80 lr. excé
daient de quelques sous l’intérêt légal, lesieur Rotquier
ajouta à sa signature qù’il les i m p u t a i t sur les 70 francs
ci-dessus ).
P a r l a seconde, du
3
*
.
o juillet 1724., le sieur Rotquiér
reconnaît aroir reçu l'intérêt à Lui d u (le la somme de
�794 h'v-
*5
( 6 )
s- en lieu des non jouissances du pré Laval
pour les années 1 7 1 7 et suivantes ,ju s q u e s et compris
la présente, échu au 14 du présent.
M arie Sales décéda, laissant pour héritiers testamen
taires Pierre V igier, son m ari, el Françoise Sales, sa
sœur. Ils ne furent pas exacts à payer, el le sieur R o tquier fit des poursuites en se-servant du nom du sieur
11
E m e ry -R o b e rt, son cédant.
assigna par exploit du
11 mars 1780 lesdils Vigier, et Sales, « pour voir décla«r rer contre eux exécutoire la sentence de 1 7 1 6 , et
« payer i.° 600 liv. d'une part; 2 0 194I1V. i s. d’au« tre ; .° 70 liv. 2 s. 6 d. d’autre ; 4.0 les intérêts adjugés
5
3
« par ladite sen ten ce, et ceux échus depuis el ceux
<r qui écherront à l'avenir, sauf à tenir à compte ceux
<f que les assignés justifieront avoir payés », ( parce que
l ’intérêt des 70 liv. 2 s. 6 d. était resté en suspens).
Cette demande fut reprise en 1735 ; M arie Sartier,
fille du premier lit de Marie Sales et fem m e de Joseph
V ig ie r , fut mise en cause; et le 18 janvier 1 7 3 6 , il
intervint sentenceadjudicalive,el encore non attaquée,
laquelle condamne au paiement desdits capitaux, et seu
5
lement à l ’intérêt échu depuis le i ju ille t 1714.
Celte sentence est suivie de saisie exécution en 1787.
A u lieu de contester, les débiteurs présentent un gar
dien volontaire. Ils font plus, ils paient.
Les Astorgproduisenl sixquiltancesdonnées en 1787,
1 7 3 8 , 17 4 0 , 1741 et 17 4 4 , a compte des intérêts et
frais. Elles sont sur la même feuille.
A u bas de celte m êm e feuille on voit que les parties
�(. 7 ) ,
•.
ont arrêté compie à 88 liv. 16 s., y compris un billet
de 1 liv. ; sur laquelle somme lesV igier paient
liv.
5
53
ledit jour n avril 1746- I-a quitlancc est conçue en
ces termes : de compte arrêté entre nous de tous les reve
nus échus ju sq u 'a u 16 janvier 1 7 4 5 , d e là rente qui
m ’est due par les dénommés de l autre pari (Pierre êt
Joseph V ig ie r), il s ’est trouvé ni être d u la somme de
etc. , sans préjudice, etc.
1
Il paraît que le 28 août 1 7 4 6 , Jean et Joseph R o t
quier, père et fils, débiteurs envers Antoine Rotquier
d’une légitim e, lui cédèrent ladite créance avec pro
messe de garantir et faire valoir.
L esV igie r agirent avec ce nouveau créancier com m e
avec les précédens ; ils produisent huit quittances don
nées par l u i , à compte des intérêts pendant les années
1747 et suivantes, jusques à 1755.
!
•
' **"J
Mais 011 vint à compte le 22 novembre 1 7 5 6 , non
seulement des intérêts échus, mais encore des condamr
' '
|
nations d’une autre sentence étrangère ausieurRobert :
■
*
‘
lout fût réglé jusqu’au jour, h 241 liv. 1 2 s ., après avoir
déduit les dixièm es et vingtièmes , est-il dit, depuis que
ledit Rotquier avait droit
des
sieurs Labianche et R o t
quier, sans préjudice de La somme principale de 864*//^,
I ' ' I(
***
' ■■ *")!J•i‘ •
11 s.) et des intérêts encourus depuis {e 28 août dernier.
Ce règlement fat tellement 'définitif .que^ les lsept
quittances postérieures règlent positivement l’intérêt
annuel à une somme fixe, lantôt de 38,liv. , Jantôt de
36 liv. 1 o s. pour l'intérêt échu.le. . . ; vingtièmes clèdiutsi
^ C e s sept quittances ont toutes la m ehie fo rm u le ,
�m
depuis 1757 jusques au a janvier 1 7 6 4 , date de la
dernière.
,
'! • • I! ( '
ix:?. - 1:
est essentiel d’observer à la Cour que le com pte
de 1766 fut fait avec M ichel Vigier.
3
11
Antoine Rotquier désira être payé de son capital;
et par exploit du 4 juillet 1 7 6 4 , il forma demande en
la justice du Doignon contre ledit M ichel Vigier fils,
et héritier de Joseph et de Marie Sartier, en exécutorialité de la sentence du 18 janvier 1736 , et en
5
paiement dessommes de 600 liv. d’une part, 194ÜV. i s.
d’autre, et 70 liv. d ’autre, portées par ladite sentence.
Ledit M ichel Vigier dit en défenses « que sans ap«• prouver les sentences de 1 7 16 et 17 3 6 , contre les* quelles il se réservait de se p ou rvo ir, il devait lui
« être fait compte des jouissances du pré de Laval qui
5
11 fut engagé par contrat du i juillet 170 3, pendant
«■leur durée , pour être compensées pendant ledit
«• teins avec les intérêts des sommes qui en étaient sus« ceptibles, telles que celle de 600 liv., et subsidiaipe* ment sur le principal, pour être ensuite par lui fairiç
« des offres , etc. »
C e langage évasif d’un débiteur qui voulait éloigner
sa libération , s’est changé en un système sérieux sur
lequel on plaide depuis 1764*
On se disputa de cette manière as^e^ long-tems sous
le nom du sieur E m e r y -R o b e r t. O11 opposa à Vigier
les arrêtés de compte et les quittances. 11 résista le
plus qu’il put à Les m o n trer, en disant qu’il n ’y était
pas obligé, qu’il n’y avait aucuns arrêtés dé c o m p te ,
'
et
�( 9 )'
et que s’il avait renoncé à son droit par quelque acte
qui réglât le passé, c'était an créancier à le produire.
Enfin une sentence ordonna que Vigier exhiberait
ses quittances, et en ferait le dépôt au greffe.
Quand les sieurs Rotquier eurent assez plaidé à
l ’inscu du sieur E o b e r t , ils jugèrent à propos d’inter
venir dans leur propre procédure , et de conclure
contre le sieur Robert à ce qu’il fût tenu de les garan-lir. Cette intervention eut lieu de la part de Joseph
R o tq u ie r, cédataire de 1745.
lie sieur Robert-D eleige, successeur du sieur RobertLablanche, premier créancier, apprenant pour la pre
mière fois qu’il existait sous son nom un procès relatif
h une créance du sieur E ru e ry -R o b e rt - Lablanclie ,
conçut un soupçon bien fondé, sur une manœuvre
dont il aurait dû être informé plutôt. Il se défendit
d’abord avec quelque humeur, parce qu’on avait abusé
de son nom. 11 désavoua toute participation à la pro
cédure déjà fa it e , dit que si on s’était servi d’an
ciennes sentences obtenues par le sieur Lablanclie ,
elles lui appartenaient; et soutint dans tous les cas que
toute action était prescrite.
Mais quand on lui exhiba la cession souscrite par
le sieur R o b e rt-L a b la n c lie , il n’hésita pas en reconnaîlre l’écriture.
Une sentence du 10 juin 1766 appointa les parties
en droit, joignit la demande en recours du sieur R o t
quier à la demande principale, et en m êm e teins réiB
�( IO )
léra contre Vigier les dispositions de celle de 1764 qui
avait ordonné le dépôt au greffe de ses quittances.
Enfin le procès fut jugé par forclusion contre ledit
Vigier et contre le sieur Robert , le 9 mai 1767. L ’es
timation des jouissances du pré de Laval fut ordonnée,
5
sous la déduction des charges foncières depuis le 1 juillet
170 3, jusques et comprise l’année 1714.
L e sieur Robert-D eleige interjeta appel devant la
sénéchaussée d’Aurillac et intima, comme il led evait,
les deux parties de la cause; c ’e s t-à -d ire , les sieurs
Rotquier et Vigier.
Cet appel fut suspendu pendant vingt ans. Il fut
repris en 1787 par M arie V igier, fille de M ich e l, et
par Astorg son mari. Elle interjeta mêm e appel inci
dent de la sentence de 1 7 6 7 , fonde sur ce que les
charges, disait-elle, 11’avaient pas dû être déduites de
l ’estimation ordonnée.
L e procès fut encore jugé à Aurillac, com me il l ’a
vait été' en la justice du D o ig n o n , c ’e s t - à - d i r e , par
forclusion, et toutes les conclusions des Vigier et Astorg
adoptées le i
3 août
1790* L a sentence du Doignon fut
confirmée en ce qu’elle ordonnait une estimation des
jouissances du pré Laval ; elle lut infirmée en ce qu’elle
ordonnait que les experts déduiraient les charges fon
cières.
lie sieur Robert interjeta appel de celte seconde sen-
1ence
au parlement de Paris. L a suppression de cello
cour en déféra la connaissance au tribunal du district
�( II )
de Mauriac. L à , les héritiers de Joseph Rotquier colludant avec les Vigier et Astorg , signifièrent, dit-on ,
à c e u x - c i qu'ils acquiesçaient aux sentences de 1767
et 1790.
Pendant cçtte procédure, les Rotquier enlr’eux en
introduisaient une a u t r e ;le sieur M eilhac, pelit-filset
héritier d'Antoine Rolquier , cédât aire de Pierre et
Joseph en 174Ü , ne voyant pas rentrer sa créan ce,
quoique ces derniers eussent permis de fournir et faire
valoir, assigna leurs héritiers (parties adverses), pour
le payer eux-mêmes.
Ceux-ci mirent encore le sieur Robert en cause, on
ne sait pourquoi. Après une procédure très-embarass é e , dont il est fort inutile d’occuper la cou r, les débatsse terminèrent par 1111 jugement qui donna un délai
aux Rotquier, parties adverses, pour faire finir le procès
actuel, sinon les condamna à paj’er le sieur M eilh ac;
il fut sursis à faire droit sur. les demandes en recours
et contre recours.
Déjà , et avant ce jugem ent, le sieur R obert, pour
n ’être plus harcelé de tant de débats étrangers , avait
repris en la cour son appel de 17 9 0 , contre les R o t
quier et Vigier.
Ces deux adversaires tiennent aujourd’hui un lan
gage bien diilerent.
Les Rolquier se prétendent follement intimés , et
disent que n’ayant pus interjeté appel de la sentence
d’Aurillac, et ne voulant prendre aucun intérêt dans
la contestation, ils doivent être mis hors de cause, sauf
B a
�( 12 )
à plaider en première instance sur la demande en ga
rantie pendante. Telles sont les conclusions de leur
requête du 8 thermidor an 1 1 , répétées et expliquées
dans une écriture postérieure.
Les Vigier et Astorg se défendent plus sérieusement,
et font les plus grands efforts pour prouver qu’il y a
lieu de revenir à examen sur l’antichrèse de 1703, et
de confirmer la sentence de 1790.
M O Y E N S .
L
e
sieur Robert a intimé deux parties, et ce qu’il
y a de bizarre ce sont ceux-là même qui l ’ont appelé
au procès, et ont pris des conclusions contre lu i, qui
Veulent qu’il ait dû les regarder com m e étrangers à
cette m êm e contestation.
L es sieurs Rotquier et Lacroix qui ont pris tant de
peine à prouver qu’on aurait dû ne les compter pour
rien , mais q u ’on est forcé de compter pour quelque
ch ose, ne se sont plus souvenus que si le sieur Robert
plaide, c ’est parce que le sieur Joseph Rolquier leur
au teur, l ’a assigné en garantie , le 28 octobre 1765.
Ils ne se sont pas souvenus qu’il y avait une sen
tence rendue le 10 juin 1 7 6 6 , qui joignait celte de
mande à celle soutenue par V ig ier; el qu’ainsi après
une jonction, toutes les parties sont parties nécessaires,
tant qu’ une seconde sentence n’a pas prononcé de dis
jonction.
�( i3 )
Ils ne se sont pas souvenus que le même Rotquier
leur au teu r, était en qualité clans la sentence définitive
du 9 mai 1 7 6 7 ; qu’il était aussi en qualité sur l'appel
porté à Aurillac ; et aussi en qualité dans la sentence
cofifirmative du i août 1790. Ils en auraient conclu
3
eux-mêmes que celui qui a été partie nécessaire en
p r e m i è r e instance, et sur un premier a p p e l, est aussi
p a r t i e nécessaire jusqu’à la fin du procès.
Q u’importe qu’il ait été fait pendant l’appel actuel
une procédure additionnelle, où les Rotquier ont de
nouveau appelé le sieur Robert en garantie , et que
les premiers juges en soient encore saisis. Celte super
fétation n’est pas un m o y e n .
Ou l’objet de cette nouvelle demande en garantie
est le même que celui de 1765 , et alors la cour en
est saisie comme elle l ’est de toute cette procédure:
ou il n’est pas le m êm e, et alors les premiers juges
n ’ont retenu qu'un autre procès.
Mais qui pourrait dire que ces premiers juges ont
demeuré saisis de ce qui était de 1 attribution d e l à
cour ; ils ne le pouvaient pas.
L ’acquiescement que
les
Rotquier ont donné en 1792
seulement, aux sentences de 1767 et 1790 , n ’empêche
pas que le sieur Robert n’ait pu et dû les appeler en
cause.
Il l’a pu,' parce qu’il avait intérêt d ’avoir un juge
ment convenu ; et que quand la cour aura slatué sur
la garantie pendanle, les Rotquier quelconques ne se
ront pas assez m a l-a v isé s pour l’appeler ensuite en
�( H )
première instance, et conclure à la m êm e garantie.
Il l’a d û , parce que le parlement de Paris, et par suile
la cour., étaient saisis du procès, et n’ont pas encore
prononcé sur l’efïet de cet acquiescement.
A u reste le sieur Robert est si éloigné d’élever au
cunes contestations, mêm e douteuses , qu’il déclare
s’en rapporter à la prudence de la cour, non-seulement
sur le renvoi demandé par les Rotquier et L a c r o i x ,
mais encore sur le fonds de la garantie e l l e - m ê m e ,
s’il y avait lieu d’y statuer.
Il importe peu au sieur Robert d'être livré seul à
repousser la prétention des Y igier et Aslorg ; elle est
si extraordinaire et mal conçue, qu’il n ’y a véritable
ment qu’un avantage certain à l ’examiner pour la
combattre.
Les Vigier et Astorg ont recueilli beaucoup d’au
torités pour prouver que la convention de 1703 était
nsuraire , et que la prescription n’a pas couvert celle
prétendue usure.
L e sieur Robert n ’a pas mêm e besoin d’invoquer
la prescription ; il lui suffit de rappeler le caractère de
l ’antichrèse, pour démontrer q u e , sur-tout dans l’es
p è c e , elle a été une convention très-commune et trèslégitime.
L ’antichrèse est définie dans la glose de la loi
3 , au fT
depignoribus, un gage donné au créancier, pour q u ’il
en compense l’usage et les fruits qui eu naissent, avec
l ’intérêt de l’argent qu’il a prêté. P ig n u s quod sub
�( i5 )
hoc nomitie credilor accipit, ut ejtts itsum pro
sibi cornputet. D ’autres interprètes ont donné
u s u r is
une dé
finition plus intelligible encore, en disant que l’antichrèse a lieu quand un immeuble est donné au créan
cier , ul percipiat rei fru ctu s i n v i c e m usuratium ,
donec dcbitor pccuaiatn soLçat.
Ce conlrat aussi commun en France avant
de L a w , que les contrais de rente Tétaient
le système
avant r é
mission des assignats, avait été le sujet de beaucoup
de controverses pour ou contre sa légitimité.
Les auteurs les plus scrupuleux sur l’usure, s’accor
daient tous a justifier l’anliclirèse, quand les fruits de
vaient se compenser avec un intérêt légitime , ou dû
de sa nature; ils n’y voyaient de conlrat usuraire que
dans le cas où le créancier percevait les fruiis d’un im
meuble pour l’intérêt du prêt ordinaire, parce que les
lois défendaient de stipuler l’intérêt de l’argent.
Dans le premier cas , il y avait encore une aulre
distinction à faire , et celle-là se puisait dans les lois
romaines.
Le créancier pouvait avoir fait une stipulation évidem
ment trop avantageuse. I/immeuble pouvait produire
plus que l’inlérêt légal, et alors il était suspect d’usure.
Mais voici le tempérament que prenaient les lois ellesmêmes.
Si le créancier affermait à un autre l’immeuble im pignoré; alors, parce qu’il avait un revenu certain , il
était clair qu’il y avait usure dans l'excédant de ce
revenu au-delà de l'intérêt légal;
�( 16 )
Mais quand le créancier jouissait lui-m êm e, la loi
ne voyait aucune usure, dans le fait, même prouvé,
que les fruits de l'immeuble dussent surpasser l’intérêt
légal, à cause de Yincertitude des récoltes.
Ainsi s’expriment les lois 1 4 et 1 7 ,au code de usuris.
Les auteurs du droit français confirment pleine
ment ces principes. Le sieur Deleige rappellera le sen
timent de Cujas, et celui du Dictionnaire canonique*
pour fnontrer qu’il a choisi ses autorités parmi les plus
grands ennemis de l’usure.
Quœ conventio l i c t t a e s t etiamsL p lu r i s do/nus Locari soLeat quam ejjiciat legitimarum usurarum ratio ,
çel ut f u n d i oppigneratifructus omnes
v i c e usu raru m
credUor percipiatj quœ conventio propter incertum eçentum fructuum adm issa est, et propter incertum f r u menti pretium. Observât. C u ja cii in lib. 3, ch. 35.
Le Dictionnaire canonique au mot antichrèse, in
dique cet avis de Cujas, en l’appliquant même à l’in
térêt du simple p rê t, pro credito pigtioris usus. A la
vérité il ajoute que le droit canon ne s’y conforme pas.
Mais, a jo u te -t- il « le droit civil 11’a pas usé de la
«• même rigueur. L ’incertitude des fruits qui peuvent
« être recueillisse risque même que l’on court jusqu’à
jt la perception, d’en être privé; enfin la tranquillité
« qu’acquiert le débiteur, par cet accommodement, ont
• persuadé que cette convention n’avait rien d’illicite.
Le droit français n’a donc vu qu’un contrat aléatoire
dans une convention qui présente en e i l e t des chances
aussi incertaines. Car, à moins d’une disposition cho*
quante
�*7
(
)
quante enlre l’étendue d’un champ et les intérêts d’ une
-créance, nul Ine jpourra assurer que-le créancier sera
certain d ’obtenir en produit net l’intérêt qui lui est dû,
sur-tout pendant plusieurs années consécutives.
S’il s’agit de vig n e s, une année d’humidité ou de
brouillards peut fairè perdre un an de „culture ; s’il
s’agit d’ nn pré , un printems de,sécheresse peut aussi
r u i n e r tout espoir de récolte.); '
C ’est pourquoi un arrêt de 1 7 6 4 , rapporté par Cat e la n ,« a jugé que le contrat d’anticlirèse devait être
r observé en la cause d’une fem m e villageoise qui avait
g baillé a jouir à son créancier, une vigne h titre d’an« ticlirèse , avec celte convention, que le créancier
« jo u ira it'd es fr u its pour.les intérêts , quoique celle
« femme soutînt que les fruits; excédaient ad double le
« légitim e'intérêt. U in certitu d e'■
des fn u its , qu i est
« la raison des lois f u t une des..raisons de l'a rrêt».
Catelan , liv.
5,
ch. I.er ; et Brillon , v.° antichrbse.
•Or, Catelan qui était magistrat, pouvait, sans se trom
p e r , donner le véritable m o tif des arrêts de sa cour.
Ces auteurs citent un-autre arrêt de 1 6 5 9 , qui or
donna l’imputation de l ’excédant du légitime intérêt
sur le capital; mais jSarce que le créancier’ avait donné
la maison im p ign orée, à lo y e r , et qu’ainsi,1e revenu
étant connu, il n ’y avait plus pour lui d’incerlilûdè.
A u ro ü x , sur l ’art. 421 de la coutume de Bourbon
n a is , dit que l ’anliclirèse est un contrat très-licite
quand les intérêts sont dus jauX'créanciers.
•
L o u e t , qu’il a'.pluiaux Astorg deiçiter fcn leur faC
�( i8 )
v e u r , on ne sait pou rq u o i, vante au contraire les
avantages d e l’anlithrèse, et après avoir dit que Dum ou
lin n’admet l’antichrèse que sous deux conditions , la
i . cre que le débileur ait toujours le droit de reprendre
l ’im m e u b le ;la 2.e que les fruits n’excèdent pas année
commune le quinzième du principal, « néanmoins, dit
« Loue! , cet avis n’a été suivi au palais pour la ré« duclion des antichrèses au denier quinze. Car le do
te
«r
«
«
maine du roi a été vendu au denier douze en anticlirèse; et pour juger des actions des hommes seIon l ’ u l il i lé p u b l i q u e , l ’a n t i c h r è s e a p p o r t e plus de
commodité au débiteur que la rente constituée, et
«■est plus tolérable. L ’antichrèse est sujette aux cas
« fortuits, g rê le , g u e r r e , tem p ê te , f e u : pour telle
« année les fruits sont perdus par la violence des tems.
« S’il y auberté de fruits, le créancier jouit de cet heur;
«
«
«
«
si stérilité , il la faut supporter; s’il faut des réparalions, cela tombe sur le créancier. Les débiteurs ont
cet avantage qu’ils ne sont en arrière pour les arrérages qui est leur plus grandë ruine. L e débileur
<r n ’est grévé de cautions, etc.-« Let. P. N.° 9.
Voilà l’auteur que les Astorg ont supposé l ’ennemi
des antichrèses; ils y ont recueilli çà et là plusieurs
arrêts relatifs à des réductions de renies au laux de la
lo i, el par conséquent si dislans de la contestation que
ce serait s’en éloigner soi-même de les réfuler parti
culièrement.
L e s Astorg ont encore cité Roussonu-Lacoinbe , mais
seulement les principes qu’il fait valoir au mot usure.
�19
(
)
Ils ont. évité dë rappeler ce qu’il dit aü mot antichrbse ,
p o u r établir q u e cet acte n’est réputé usuraire que quand :J
il *a eu pour objet *dè faire porter un.intérêt illégitime à
uii.sim pie prêt d’argent, te:
V. ^ ^
v r
( ■
>
Ils citent un arrêt du 22 juillet 1 7 1 3 , du Journal des
audiences 5 mais il s’agissait d un créancier qui faisait
porter intérêt à l’intérêt de son argent, etron n’y lit
pas un seul moi d’ànticlirèse. '
. v > v/
Enfin ils citent Denizart et M .r Chabrol. L e premier
ne fait que copier Lacom be sur l’anticlirèse ; mais M .r
C h a b ro l, bien loin d’être opposé à ce genre de contrat,
dont il ne s’occupe qu’en parlant du contrat pignoratif,
fait une grande différence entre l ’un et l’autrè. Il regarde
le contrat pignoratif comme usuraire, mais il dit que les
antickreses sont plus favorables , en ce quelles n ’ont
rien de déguisé n i simulé. 11 pensé au resteique «le point
« décisif est de savoir si le créancier avait un titre qui
et liii assurât l’intérêt de son argent, ou s’il n’a fait que
c prêter son argent loïs de Fantiçhrèse »;
A la vérité, car il ne faut rien dissimuler j M .r Chabrol
d’accord en cela avec L a c o m b e et quelques autres au
teurs, pense!que l ’excédant desjfriiils ¡dè.vaitij en cas
d’anticlirèse , être i m p u t é ¡sur le capital. 5 mais dan?
'quel cas?
I-,
' •*
-uaMiU f :
’ ;r
IiNon seulement ce n’est pas quancj les partiesise
Sont
réglées volontairement lors de l’acte : encore moins
(quand elles se sont réglées ensuite jiar plusieurs arrêtés
.de compte. Mais comme dit L a co m b e : « Si én'faisant
« une année commune- derr p lu s ie u r s le s fruits excé" C 2
�( 20 )
« chiient considérablement les intérêts ordinaires, Tex
te cédant serait imputé chaque année sur le capital ».
C e que dit Lacom be est recueilli de G o d e fr o i, qui,
sur la loi 17 cletisur, ne s’occupe encore que du contrat
pignoratif, ou du cas où il y a vente : mais la G lose, sur
la même loi, s’explique d ’une manière à ne pas laisser
de doute sur la question.
M ulier obligavit m ihi vineam, et in vicem usurarum
convertit ut recipercm vindemiam. Si plus emolumentl
consecutus sim e x fru ctibu s quam etiam sit in usurâ,
an ULud revocari p ossit quœritur ? IDicitur quod non.
Q uia potueratevenisse quod tuhil provenisset , et tatneri
necesse habe 'ret stare conventtoni} et propter -incertum
non erit retractanda.
Opposera-t-on que les Romains admettaient le prêt
à intérêt, et que ce n’est pas dans leurs lois qu’il faut
chercher des principes?
Mais l’objection serait de mauvaise foi, si on l’ap
plique au cas où il s’agit d’une créance française, por
tant intérêt de sa n atu re; car alors c’est précisément
com m e s’il y avait eu stipulation permise.
Les Romains p e r m e t t a i e n t le prêt à intérêt com me
il est permis en France depuis le
3 octobre
1789; mais
bien loin de tolérer l ’usure, qui est très-loin du prêt à
intérêt, on sait que leurs lois étaient sur ce point plus
restrictives que les nôtres.
Un seul exemple le prouve. Nous soufïrons la ruine
d’ un débiteur par une accumulation criante d’intérêts.
A v e c quelques exploits, nous autoriserions que cent
�C 21 )
ans d’intérêts fussent demandés, et lesHomains ne per-'
mettaient pas que les intérêts accumulés surpassassent
le capital.
>
Les lois romaines disaient comme les ordonnances
françaises : P ro usurls stipulari nerno supra modum
usurarum licitum potest. L . 44 'J F ' d e usur'
Pourquoi donc les lois romaines ne seraient-elles pas
pour nous un règlement en matière d’anlichrèse quand
il s’agit d’y appliquer une créance portant intérêt-de sa
nature ? Pourquoi la loi citée ne serait-elle pas ici ratio
scripta, lorsqu’elle n ’est pas une loi arbitraire, lors
qu’elle est m otivée, lorsqu’elle déclare que sa décision
est fondéé sur une convention vraiment aléatoire ?
Ce n’est pas seulement dans les lois romaines qu’il
faut rechercher les principes de l ’antichrèse ; puisque
/ tous les auteurs du droit français s’en occupent, et que
si plusieurs la regardent com me prohibée dans le cas
d’un intérêt illégitime ,a u moins voit-on qu’ils se réu
nissent tous à penser que si le contrat ne présente pas
de détriment notable au débiteur, il faut l ’exécuter;
et qu’il ne faut ordonner d’imputation qu’au cas où la
convention serait évidem m ent usuraire, et les fruits
disproportionnés à l’intérêt.
-i
. Mais combieniles Astorg sonl loin de cette dernière
h ypothèse, malgré leurs exagérations ridicules sur la
valeur des fruits de leur héritage, qu’à la vérité ils
.précisent pas.
r
ne
L eu r pré de L a v a l , qu’ils ont dénaturé depuis lonr
.gîtes années parce, qu’il était rnai'écagéux ôliplein de
�( 22 )
joncs, avait en surface deux petits journaux ; et certes;
en 1703 il est bien difficile de voir dans un revenu
aussi médiocre et aussi incertain , quelque chose de
supérieur au revenu de 864 livres.
Si des expertsy étaient en vo yé s, comment fixeraientils cette année commune sur dix, que les auteurs et
Tusage veulent être le seul mode de connaître le véri
table revenu appréciable? comment sauraient-ils s’il y
a eu des années sans récoltes? la tradition ne leur rappelera que 1709. Com m ent encore sauraient-ils le prix
du foin, puisque les mercuriales n’ont fixé que celui
des grains?
Eviteraient-ils l ’erreur en estimant ce prix annuel
à une époque critique, ou la rareté du numéraire fut
la première cause de la création des billets de banque?
Les Astorg ont compté sur l’arbitraire quand ils ont
voulu une estimation plutôt impossible que difficile ;
ils s’efforcent d’y voir de la possibilité, mais leurs bases
incertaines achèvent de convaincre qu’il n ’y aurait
rien qui éclairât la justice plus qu’elle ne l’est par elle
m êm e et par les règles du droit.
S’il y a dans l ’acte de 1703 un contrat aléatoire qui
ne présente pas au créancier une chance certaine, une
chance usuraire, pourquoi ne faudrait-il pas l’exécuter
plutôt que de jet ter les parties dans le vague de l’opé
ration la plus conjecturale.
U n intérêt de dot est un vrai capital susceptible luim êm e de produire intérêt e x ojjtcio Ju d icis. A v e c ce
capital rien n’empêchait d’aifermer les fruits d’uu im-
�.
*( a 3 )
m euble pour un certain nombre d’années ; c’était une
vente de récoltes a prix fixe.
Pourquoi au parlement de Paris faisait-on imputer
les fruits sur le iprincipal, quand l’intérêt n’était pas
dû. C ’est qu’alors il n’y avait pas de vente valable des
fru its, en ce que le prix convenu n’était pas réel ; il
n ’y avait plus res, consensus et pretium , et alors pour
d o n n e r un prix aux fruits vendus, il fallait le retrouver
sur le capital, qui était la seule chose q u e l ’aclieteur
eût pu offrir dans ce contrat de vente.
Mais quand l’intérêt est légal, voilà un prix certain;
la vente des fruits est donc légale et valable, et jamais
.personne n'osa prétendre qu’entre le prix et la chose
vendue , il fallût toujours une égalité mathématique.
Si c’était un contrat aléatoire, il était toléré et il
l ’est encore. L ’incertitude des fruits a été la règle des lois et celle de la jurisprudence.
L e sieur Deleige a cité plus haut un arrêt de Cater
lan sur l’anlichrèse d’une vigne ; le journal du parle
ment de Toulouse en rapporte un autre plus r é c e n t ,
"du 3 i juillet 1 7 1 4 , qui dans le cas meme où un mou
lin, tenu à autichrèse, avait, été donné a ferme par le
créan cier, pour un prix supérieur a l intérêt de son
argent, n’a pas ordonné l ’imputation de l ’excédant sur
.le capital ; par cela seul qu’un moulin est sujet à de
-grosses réparations et à des.cas fortuits, et qu'ainsi
.malgré la certitude du prix annuel, il restait toujours
l’incertitude du vrai revenu.
f
Si les arrêts du parlement de P a ris, dans des cir-
�( H )
constances d’usure manifeste, n ’ont pas favorisé l’anlichrèse, au moins est-il certain, que dans les cas d’in
térêts légalement dus, il l’a toujours regardé com me
un contrat très-légitime. L e rédacteur de ce m ém oire
a sous les y e u x l’expédition en parchemin d ’un arrêt
rendu au rapport de M .r Dudoj^er , le
25
mai 1 7 8 1 ,
entre le sieur Geraud-M abit et les dames de Caldaguès,
lequel arrêt ne laisse pas le plus léger doute sur la ju
risprudence de ce parlement.
U ne Jeanne Découblat s’était reconnue débitrice du
sieur de Caladaguès, pour légitimes et autres objets,
de 26,3oo liv., le 5 avril 1 6 6 7 , et lui avait donné deux
domaines à antichrèse, pour en jouir tant et si longue
ment qu’il serait en demeure, de payerlesd. 26,300 liv.,
avec convention que les fruits en seraient compensés
avec l’intérêt de ladite somme.
L e sieur M a b i t , acquéreur desdits domaines, et
cédataire des D écoublat, en demanda le désistement
par exploit du 2 juillet 1774 , avec restitution de
jouissances depuis 16 6 7 , aux offres de compenser les
fruits jusqu’à due concurrence avec les intérêts qui
se trouveraient légitimement d u s, et le surplus im
puté sur les capitaux.
L ’arrêt du 26 mai 1781 a condamné les dames de
Caldaguès, à se désister au prolit du sieur M ab il, des
héritages énoncés audit acte de 1 6 6 7 , à rendre et res
tituer les fru its d'iccLix , à compter du 2 ju ille t 1 7 7 4 ,
jo u r de la demande , lesquels seront compensés jus
q u ’à due concurrence, avec les intérêts de leur créance,
échus
�(25)
échus depuis Ledit j o u r 2 ju ille t 1774. Sur le surplus
des demandes, les parties sont mises hors de cour.
L e Code civil n’établit donc pas un droit nouveau,
lorsqu’il dit, article 2089 , que l’anticlirèse doit être
exécutée comme toutes Les conventions qui ne sont pas
prohibées par les lois.
Or il y a lieu de se régler par la loi nouvelle, toutes
les fois qu’elle n ’est pas en opposition à une loi an
cienne, toutes les fois qu’elle se réfère, au contraire,
aux anciennes lois qui existent. S i nempe declaret j u s
antiquum nom constitutio ,* si declaret tantummodo
quod anteà leges caverant. Morn. I n leg. 7 , jj\ d&
Pourquoi donc ici le Code civil ne s e ra it-il pas la
loi des parties? L ’art. 2089 est la copie de la loi 17 au
code de usuris : il n’y a pas de lois intermédiaires qui
aient disposé autrement.
N
Les Astorg ont voulu établir une perpétuelle com
paraison entre le contrat pignoratif et l ’anliclirèse.
Mais personne n’ignore que par le contrat pignoratif,
le débiteur vend son immeuble sous une faculté de
rachat limitée , et qu’il
devient aussitôt son propre
fermier.
*
Ainsi non-seulem ent il court risque.de perdre son
im m euble, faute d ’argent, mais l'incertitude des fruits
tombe encore sur lui seul annuellement.
,
La différence des deux contrats prouve seule la lé
gitimité de l’un, et l’usure de l’autre.*
D ’après cela, il semble parfaitement inutile de reD
�( 2 6 }
chercher s’il y a prescription conire la prétention des
Astorg; car s’ils l’avaient élevée en 1 7 1 4 , ils auraient
été déclarés non recevables à demander une com pen
sation.
Mais en 1 8 0 4 , c’est véritablement une folie de
vouloir revenir contre cette compensation convenue
par un acte, et ratifiée surtout par tant de paiemens
postérieurs.
Quand les parties ont plusieurs fois arrêté des comptes,
soit en 1 7 4 5 , soit depuis, n’y a-t-il pas unepiésom ption
très-raisonnable, que le débiteur a alors fait valoir tous
les excédans de jouissances qui pouvaient m i e u x se véri
fiera ces époques, et que les rabais qui étaient de justice
ont été faits, s’il y avait lieu.
A cela les Astorg opposent une bien pitoyable ré
ponse. Ils n ’ont pas f a i t ni signé ces quittances, disentils; elles sont du fait du créancier, et 11e sont pas dou
bles ; on ne peut les leur opposer.
Mais ce sont eux-m êm es qui les opposent, c ’est leur
libération ; sans elles ils devraient payer 1renie ans
d ’arrérages de plus qu’ils n ’oifrent. D onc ils s’appro
prient ces quittances , donc elles sont virtuellement
doubles, puisqu’elles sont communes aux deux parties,
puisqu’elles sont pièces du procès.
L a cour a jugé le 29 brumaire an 1 1 , contre le sieur
do l’ enautier, q u ’une quittance à lui donnée desinlérêls
d ’un capital, sans réserves, valait acquiescement à la
demande de ce capital. Cependant la quittance n’était
pas double ; il n ’avait pas signé cet acquiescement.
�C 27 )
A u reste et s e u le m e n t, pour ne négliger aucun
m o y e n , quand le sieur Deleige n ’aurait pas pour lui
le point de droit , les circonstances et les réglemens
multipliés qui font entre les parties la transaction la plus
irréfragable, lien ne l'empêcherait de faire valoir la
prescription de trente ans.
I l , a prouvé que l’anlichrèse n'était pas usuraire ,
quand elle a pour objet des intérêts légitim ement dus
Cela
seul répond aux Astorg qui ne prétendaient
h Timprescriptibilité qu'en y supposant de l ’usure.
Mais encore la question n’e s t-e lle pas jugée par les
deux sentences de 17 16 et 1 7 4 5 , qui n'ont ordonné
le paiement des intérêts, et par conséquent le compte
des intérêts, que depuis 1714.
Vigier sentit si bien qu’elles étaient une fin de non
recevoir contre lu i, que par ses défenses, du
août
3
1 7 6 4 , il se réserva de se pourvoir contre ces deux
sentences.
Mais il ne s’est pas p o u rvu , puisqu’il les a exécutées.
Faut-il encore
parler
de l’appel incident des Astorg,
fondé sur ce que le juge du Doignon , en ordonnant
l ’estimation des jouissances, avait prescrit aux experts
de déduire les charges.
Les Astorg supposent que le propriétaire les p ayait,
et non le créancier.
L e prouvent-ils? ils ne s’en sont pas mis en peine;
mais ils prétendent que cela a du être ainsi.
Ainsi cet appel est fondé sur une présomption.
D a
i
�( aS )
Cependant les Astorg auraient pu voir dans les au
teurs déjà cités, que dans les antichrèses, le créancier
étant mis en possession pour un tems indéterminé pro
s u o , doit le paiement des charges. Mais cette nou
velle question est si peu importante qu’il est inutile
de la discuter en point de droit.
Celui qui jouit est présumé payer les charges, car
les charges sont une diminution des fruits annuels. Il
y a quelquefois exception pour des fermiers, mais c*est
que le propriétaire reçoit un revenu annuel par le paie
m ent de la ferm e; et d’ailleurs le bail en fait toujours
le règlement.
Le sieur Deleige ne suppose pas que les Astorg aient
opposé sérieusement, qu’ayant subi deux degrés de
juridiction, il ne doit pas y en avoir un troisième.
Si cela était a in si, il aurait fallu que l ’assemblée
constituante décrétât que tous les procès pendans aux
parlemens étaient éteints, parce qu’ils étaient au troi
sième degré de juridiction. L a loi du 19 octobre 1790,
a au contraire indiqué où seraient portés les procès
alors pendans aux parlemens. O r, celui des parties
était pendant au parlement de P aris, par exploit du
2
3 août
1790.
Il était pardonnable aux Astorg d’opposer tant de
moyens faibles et tant de prétentions bizarres dans le
désespoir de leur cause; mais quand ils taxent d 'indé
licatesse un homme qui peut s’honorer de sa probité
sans craindre de démenti de personne ; quand ils écrivent
�( 2
9
)
que Leur réveil a été commandé par la nécessité de ne
pas laisser perpétuer plus long-tems la rapine de ce
créancier altéré d ’ usure , les Aslorg ont ils cru se rendre
plus recommandables par une injure grossière, qu’ils
s’étaient bien gardés de se permettre en première ins
tance, où les deux p a rt ie s étaient connues.
L à le s ie u r de L e i g e ne s’ en serait nullement offensé ;
là au contraire il aurait félicité Astorg sur un change
m e n t de principes que l’opinion médisante ou calom
nieuse ne suppose pas; et cette opinion même éta
blissait assez de distance entre la délicatesse du sieur
de Leige et celle d ’un Astorg , pour rendre inutile de
sa part toute espèce de justification.
Quoique le sieur de Leige ne soit pas très-sensible à
l'insulte d’un tel hom m e, il ne lui est pas moins pénible
d’être accusé, loin de son domicile, du vice le plus
opposé à son caractère. Heureusement l’homme de
bien n’est pas jugé par l’injure qu’il reçoit. L a raison
évalue l’injure et en scrute l’auteur ; et quand un
Astorg a du scrupule et f a i t de la morale, l’expérience
apprend qu’il n’en fait que pour les autres, et la mé
moire rappelle l’adage de tant de moralistes. Video
meliora , probo q u e , détériora sequor.
MARCHEIX, Rapporteur.
M.e DELAPCHIE R , Avocat.
M.e MARIE, Licencié-Avoué.
M .r
A RIOM, DE L ’IMPRIMERIE DU PALAIS, CHEZ J.-C. SALLES.
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Leige, Robert de. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Marcheix
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
antichrèse
créances
Description
An account of the resource
Mémoire pour le Sieur Robert de Leige, appelant ; contre François Astorg et Marie Vigier, sa femme, intimés ; et Contre Brigitte Rotquier et Jean-Baptiste Lacroix, son mari, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1714-Circa An 11
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
29 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0322
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Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
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MEMOIRE
EN RÉPONSE
POUR
L A F O N T , *et L o u i s - A uguste
P E T A U T O N , son mari, habitant à Néris-lesBains, intimés;
C a th e rin e
CONTRE
L A F O N T J e a n -B a p t i s t e BOUR.
N E T J e a n F O R I C H O N , M a r i e et autre
M a r i e L A F O N T , leursfemmes, habitant aussi
à N éris, appelans.
G ilb e r t
;
C e n’etoit pas une assez grande douleur pour une mère
d’avoir perdu, en quelques mois d’intervalle, son époux
et son enfant; il a fallu que, pour satisfaire l'avidité de
A
COUR
D ’A P P E L
DE R I OM.
�( o
quelques collatéraux, elle fût contrainte d’entendre encore
les plus minutieux détails de ce douloureux sacrifice, et
d’en peser scrupuleusement toutes les circonstances.
Il étoit consolant pour elle de penser que sa fille avoit
eu rang parmi les enfans des hommes, et que des mains
de la religion elle étoit descendue heureuse dans le tom
beau : mais l’intérêt ne compte pour l’ien les opinions
et les mouvemens de la nature; il ne respecte pas plus la
cendre des morts que le repos des vivans.
Cependant si les tribunaux sont obligés de tolérer d’in
discrètes recherches, ce ne peut être qu’avec un sentiment
d’indignation qui force à désirer qu’elles soient infruc
tueuses ; et sans doute toute la rigueur de l’examen est
réservée à ceux qui, attaquant les actes les plus sacrés,
s’imposent la tache de les anéantir.
Cette vérité a servi de base à la décision des premiers
juges. Pour arguer de faux un acte de naissance, les
appelans s’étoient soumis à prouver que l’enfant de Ca
therine Lafont étoit né mort; mais ils n’ont présenté que
des doutes au lieu des faits positifs qu’ils avoient annoncés.
De sa part, au contraire, l’intimée a établi claii’ement la
vérité de l’acte de naissance qui faisoit son titre, et qu i,
pour faire pleine et entière foi, n’auroit eu nul besoin de
preuve auxiliaire.
Néanmoins les appelans ne se sont pas jugés vaincus;
et le secours qu’ils n’ont pu trou ver dans leurs enquêtes,
ils l’ont cherché dans des consultations de médecins dont
l’opinion auroit été sans doute bien puissante s’ils avoient
vu , mais qui ont été réduits ¡\ ne présenter que des
hypothèses et des incertitudes, et, sur lu foi de quelques
�( 3 )
faits insignifians, à -présumer que l’enfant pouvoit être
venu au inonde sans vie.
A u reste, la cour ne se rendra qu’à sa propre con
viction dans une cause entièrement réglée par les lois
civiles, et encore plus claire par les faits dont on va lui
rendre compte.
F A I T S .
Catherine Lafont épousa, le 14 brumaire an 1 o , GilbertMarie Lafont, son cousin.
Seule héritière de son père, qui lui abandonnoit dèslors tous ses biens, elle fut assez heureuse pour offrir à
son époux un sort avantageux. Quant à lui, il avoit vendu
tous ses droits successifs à Gilbert Lafont, son frère
partie adverse, pour une somme modique de 10000 fr.
Les époux stipulèrent un gain mutuel d’usufruit, en
cas qu’il n’y eût pas d’enfans survivans.
Ce mariage n’a duré que dix mois et demi; et le 27 fruc
tidor de la même année, Lafont est mort à vingt-trois
ans, laissant sa jeune veuve enceinte de six mois.
A u terme de scs couches elle appela, outre une sagefemme, des parentes ou des amies; mais, loin de sup
poser qu’elle pouvoit survivre à son enfant , plus loin
encore d’avoir réfléchi que cette survie lui donneroit
une succession , le hasard a voulu qu’elle ne s'entou
rât que de la famille de son mari : car, depuis sa dou
loureuse perte , c’éloit là sa société habituelle , pour
chercher des consolations dans ses entretiens et dans ses
souvenirs.
A 2
�( 4 )
Ses couches furent extrêmement laborieuses ; mais
n’ayant éprouvé aucune incommodité pendant sa gros
sesse, la vigueur de son âge seconda la nature, et elle
mit au monde une fille.
Il n’est que trop vrai que cette malheureuse enfant
avoit cruellement souffert de ces efforts. Ses mouvemens,
prolongés jusqu’à sa délivrance , indiquoient le besoin
du repos; car la môme fatigue qui accabloit la mèi’e dût
à plus forte raison agir sur une foible créature, qui avoit
besoin du plus grand repos pour échapper à la mort.
Mais la raison ne cède que trop souvent aux procédés
de l’habitude. On tourmente les enfans sous prétexte de
les soulager, et le souffle de vie qui les anime est quel
quefois incapable de résister à ces prétendus soulagemens.
On suivit donc pour l’enfant de Catherine Lafont la
méthode oi’dinaire. Le cordon ombilical coupé, on cher- ^
cha du vin pour lui frotter le visage et réparer ses forces;
on ne trouva que de l’eau -d e-vie, et on ne l’employa
pas moins au môme usage. Le résultat du remède ne fut
pas aussi heureux qu’on l’avoit pensé : les muscles du
visage se contractèrent, la respiration repoussée se dilata
par des soupirs , l’enfant remua les bras ; mais ce n’étoit
là qu’un dernier effort de la nature, bientôt la vie acheva
de s’é teindre.
Pendant que l’enfant luttoit encore contre la mort, le
curé fut mandé; et quoiqu’il n’arrivnt que long-temps
après l’accouchement , il ne trouva pas moins à cette
enfant des signes de vie, car il lui administra le baptême,
quoique la sage-femme lui eût rapporté l’avoir déjà ondoyée par précaution.
�(S)
Après le baptême, le curé se retira pour aller faire
l’acte de naissance ; car il étoit aussi adjoint et officier
public : il choisit, avant de partir, ses deux témoins.
Ces témoins en effet allèrent à la mairie , et on les
renvoya au lendemain. Comme alors l’enfant étoit mort,
les deux actes furent faits^ l’un à la suite de l’autre, le
21 frimaire an n .
Catherine Lafont étoit héritière de son enfant par la
loi du 17 nivôse, ce qui avoit dû peut-être exciter la
jalousie des adversaires.
Il est naturel qu’ils fussent plus occupés de cette suc
cession qu’elle-même ; et tout ce qui s’étoit passé devoit
leur être connu, puisque Catherine Lafont, comme elle
vient de le dire, avoit été entourée de la famille de son
mari, c’est-à-dire, de la famille des adversaires : la sagefemme elle-même étoit leur tante. Néanmoins, et dans
cet instant malheureux où le sacrifice de sa fortune lui eût
été totalement indifférent, aucun des adversaires n’ima
gina d’élever le moindre doute sur un acte de naissance
q u i, dans une petite commune, et d’après ce qui s’étoit
passé, n’avoit été un secret pour personne.
Trois mois se passèrent, et les adversaires laissèrent
prendre à la veuve la récolte de quelques vignes dépen
dantes de la succession : après ce temps, ils jugèrent con
venable de commencer sourdement les hostilités.
Comme Gilbert Lafont avoit acheté les droits de son
défunt frère, dont la succession étoit créancière du prix
de ces droits cédés, il se fit faire, une saisie-arrêt par scs
bcaux-irères Buuruet et Foriclion, dans lu vue u’embar-
�( 6 )
rasser Catlierine Lafont, et n’osant pas lui-même com
mencer le procès.
Gilbert Lafont, fit encore en ses propres mains une
saisie-arrêt, sans titre ni autorisation; et on en fit une
troisième ès-mains du sieur Soulier, notaire, débiteur
de la succession.
Le premier sentiment de la veuve Lafont fut d’être in
dignée d’une conduite qui paroissoit fondée sur un soup
çon injurieux pour elle; dès-lors elle ne voulut plus rien
ménager, et poursuivit ses adversaires en payement et
main-levée de saisie, le 12 ventôse an i i .Alors Gilbert Lafont fut forcé de s’expliquer, et il crut
l’intimider davantage en s’inscrivant en faux contre les
deux actes de naissance et de décès ci-dessus rappelés :
mais Catherine Lafont lui fit signifier sur le champ la dé
claration expresse qu’elle entendoit se servir de ces deux
actes, et Gilbert Lafont fut obligé de donner suite à sa
procédure. Gilbert Lafont présenta les faits par lui arti
culés, et offrit de prouver que l’enfant étoit m o rt-n é,
ayant la pâleur sur son visage, les yeux fermés, et que
tous les assistans s’écrièrent : Voilà un crifant m o rt ;
que l’adjoint n’avoit pas vu l’enfant, et n’avoit rédigé
les actes que sur la déclaration de deux témoins.
En vertu de jugement du 3 floréal an 1 1 , Gilbert
Lafont fit entendre cinq témoins. Il est essentiel de re
marquer qu’il affecta de ne pas appeler celui qui de voit
donner plus de lumières, la sage-femme. Quant à ceux
entendus à sa requête, voici ce qu’ils ont déclaré.
Lo premier témoin est le curé-adjoint, qui a admi-
�. ( 7 )
nisti’c le baptême et fait l’acte civil. Avant le baptême
il a touché l’enfant et lui a senti de la chaleur.
Le second témoin , François C orre, ne sait pas si
l’enfant étoit vivant ou mort.
Le troisième, M arie L a fo n t,fe m m e P ig n o t , la plus
proche parente des adversaires, sait tout, et a connu que
l’enfant étoit mort à l’éjection de ses excrémens. La sagefemme lui fît signe qu’il étoit mort; elle lui dit aussi de
toucher le cœur de l’enfant pour sentir qu’il battoit, mais
le témoin répondit qu’il ne s’y connoissoit pas. La sagefemme lava l’enfant, et lui mit les doigts dans la bouche*,
il ne donna aucun signe de vie. Puis la femme Corre le
prit sur ses genoux, et ses genoux tremblèrent par la
crainte qu’elle avoit de la mort de l’enfant, et ce trem
blement se communiquoit à l’enfant. Le curé vin t, le
toucha à divers endroits, et le baptisa ; puis la femme
Corre dit à son mari d’aller faire faire l’acte de naissance,
et de ne pas manquer de dire au curé ( qui venoit de
sortir) que l’enfant étoit né vivant. Après cela elle avoue
qu’elle a dit elle-m êm e à la mère que son enfant étoit
vivant, mais que c’étoit pour la tranquilliser; et que lors
qu’elle a voulu dire autrement, Louis Lafont lui a fait
beaucoup de menaces.
L e quatrième témoin, M arie B o u rn et, ne sait rien
par elle-même; elle confirme la proposition faite par la
sage-femme à la Pignot de toucher les battemens du cœur,
et la réponse de celle-ci qu’elle ne s’y connoissoit pas.
Enfin elle a ouï dire dans la maison que l’enfant étoit
vivant.
L e cinquième tém oin, Marguerite L a fo n t , v e im
�m
JBojinefoi, a vu la sage-femme inquiète, lorsqu’elle de
manda de l’eau bénite pour ondoyer l’enfant ; cependant
elle a dit plusieurs fois qu’il étoit vivant. Quand on a
frotté le visage de l’enfant avec de l’eau-de-vie, elle a
remarqué qu’il a fait un léger sou p ir , ce qu’elle a re
gardé comme un signe de vie ,• elle n’en a pas remar
qué d’autres.
Cette enquête, comme le disent très-bien les advei’saires,
étoit parfaitement inutile ; et en effet il n’y avoit rien de
moins prouvé que le faux matériel de la naissance de
l’enfant. Quatre témoins attestoient plutôt la vie que la
mort ; un seul attestoit la mort par ses paroles, et ce
qu’il a indiqué pour la prouver donne plutôt à présumer
pour la vie. Les faits du baptême et de la naissance restoient donc dans toute leur force.
Néanmoins, et par surabondance, Catherine Lafont
voulut aussi faire une enquête; et il ne faut que la par
courir pour être convaincu de la vie de l’enfant.
Le premier témoin est la sage-femme ; elle sentit les
mouvemens de l’enfant dans ses mains : elle sentit les
pulsations du CŒur, et proposa à la femme Pignot d’y
toucher. Quand l’enfant fut sorti elle ne sentit plus de
mouvement, c’est pourquoi elle demanda du vin. On lui
porta de l’e a u -d e -v ie ,' et quand elle en passa sur le
visage de l’enfant, il lit un soupir. Alors ayant à s’occu
per de la m ère, elle a remis l’enfant à la femme Corre
( quatrième témoin ci-après). Elle avoit ondoyé l’enfant;
lo curé est venu et l’a baptisé.
Le second témoin, François JDurin , a soupé avec le
curé le soir des couches. Le curé dit avoir vu l’enfant,
avoir
�C9 \
avoir touché son estomac, senti de la chaleur , cru remarquer de la viey et baptisé l’enfant.
Le troisième témoin est Marie B ournet , déjà entendue.
Le quatrième témoin, la fem m e Corre , a gardé l’en
fant sur ses genoux après que la sage-femme eut fait les
frictions d’eau-de-vie au visage ; elle a elle-même lavé
l’enfant avec du v in , lui a vu remuer les bras trois ou
quatre fois, lui a senti battre le cœ u r , a distingué des
mouvemens au visage quand on y passoit du vin , a re
marqué que l’enfant soupiroit j mais il est mort sur ses
genoux, sans qu’elle ait pu distinguer l’instant où il a
cessé entièrement de vivre.
L e cinquième témoin, Guillemin, a soupé avec le curé
quelque temps après les couches. Il dit qu’il avoit exercé
ses fonctions en baptisant l’enfant, ce qu’il n'auroit pas
*f a i t , s iln eût cru s'être assuré de son existejice, La sagefemme a dit encore au témoin que l’enfant étoit venu
au monde viva n t, et qu’elle l’avoit ainsi déclaré à son
confesseur.
Le sixième tém oin, Georges Forichon, a ouï dire au
curé qu’il avoit senti de la chaleur à l’enfant, et admi
nistré le baptême, sans pouvoir assurer qu’il fut vivant.
Il a ouï dire à plusieurs femmes que la Pignot (celle
qui a dit l’enfant m ort) avoit dit qu’il étoit né vivant;
et qu’elle-même, femme Pignot, lui avoit vu plusieurs
fois porter les bras à la tête , et avoit remarqué plu*
sieui's autres signes de vie.
L e 14 nivôse an 13 les parties en sont venues à l’au
dience où il ne s’agissoit que d’opposer l’acte de naissance
4 l’enquête directe, et même les enquêtes entr’clles. 11
B
�( 1° )
est vrai que le procureur impérial vouloit renvoyer la
décision à deux docteurs en médecine et en chirurgie,
mais le tribunal de Montluçon ne pouvoit se rendre à
cette opinion qui n’en étoit pas une; en conséquence,
après avoir pesé toutes les dépositions et la force des prin
cipes, il a fait droit aux parties par le jugement qui suit.
« Considérant que tous les actes de l’état civil font
cc foi jusqu’à inscription de faux ; qu’il est établi par un
« acte extrait des registres de la commune de Néris, que
« l’enfant de Catherine Lafont est né à trois heures et
« demie, le 21 frimaire de l’an 11 ; qu’il est établi par
« un autre acte que le même jour le même enfant est
« décédé à quatre heures apj ès m id i , c’est-à-dire, demi« heure ajDrès sa naissance; qu’ainsi il est prouvé par actes
« authentiques que l’enfant est né vivant; que pour décr truire ces deux actes, Gilbert Lafont a pris la voie
« de l’inscription en faux incident; que par conséquent
« il s’est imposé la tâche de prouver que cet enfant étoit
« mort avant que de naître ; et il s’agit d’examiner s’il
« l’a remplie; que le premier témoin par lui produit
« a senti un reste de chaleur à l’enfant, et lui a admi« nistré le baptême à telles fins que de raison, a ensuite
« interrogé, comme officier public, l’accoucheuse qui
« lui a attesté que l’enfant étoit né vivant; que le se« cond, quoique témoin dans les deux actes, a déclaré
« ne s’être pas assuré par lui-m êm e de l’existence de
« l’enfant; que le troisième a toujours regardé l’enfant
« comme mort avant que de naître ; qu’il l’a jugé ainsi
“ aux excréinens qu’il a vu tomber, aux signes que la
« sage-femme lui a faits ; que cependant la même sage-
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C ii )
femme lui a dit que le cœur de l’enfant battoit encore,
lui a proposé d’y porter la main, ce qu’il n’a voulu
faire; qu’après qu’il fut entièrement sorti du ventre
de la mère, il ne lui a remarqué aucun signe de vie,
quoique la sage-femme l’ait frotté avec de l’eau-de-vie,
lui ait mis les doigts dans la bouche, et y ait soufflé;
que le quatrième ne s’est pas assuré par lui-même si
l’enfant avoit vie après sa naissance, mais qu’il a entendu dire dans la maison qu’il étoit encore vivant ;
que le cinquième lui a vu faire un léger soupir qu’il
a regardé comme un signe de vie;
« Que de ces cinq témoins , le troisième est le seul
qui soutienne que cçt enfant étoit m ort, parce qu’il
le pensoit ainsi d’après la chute des excrémens et les
signes de l’accoucheuse ; cependant cette même accoucheuse a dit ensuite que le cœur de l’enfant battoit,
a proposé au témoin d’y porter la main, ce qu’il n’a
voulu faire, disant qu’il n’y connoissoit pas.
« Considérant que le premier témoin a senti de la
chaleur à l’enfant, a interrogé l’accoucheuse, qui lui a
attesté que l’enfant étoit né vivant; que cette même
accoucheuse l’a ainsi déclai’é lorsqu’elle a été appelée
en témoignage par Catherine Laiont; que le quatrième
témoin a ouï dire dans la maison, après la naissance.
de l’enfant, qu’il avoit encore de la vie; que le cinquième lui a vu faire un soupir qu’il a pris pour un
signe de vie; que de l’ensemble de ces déclarations il
résulte plutôt que l’enfant a vécu après sa naissance,
qu’il n’étoit mort avant que de naître; qu’ainsi Gilbert
Lafont n’a pas détruit les deux actes de naissance et
B 2
�t
( 12 \
a de décès, ainsi qu’il se l’étoit proposé; qu’on en est
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d’autant plus convaincu quand on considère que le
quatrième témoin ouï à la requête de Catherine Lafont,
à qui l’accoucheuse remit l’enfant, pour donner des
soins à la mère, a confirmé la déclaration de cette sagefemme, lui a vu battre le cœur, lui a distingué des
mouvemens dans le visage, et a remarqué qu’il soupiroit ; que d’ailleurs il paroît constant que cet enfant
étoit parvenu au terme prescrit par la nature; qu’il
n’a apporté au monde aucun vice de conformation ,
ni aucun signe de putréfaction; que ces dernières circonstances, jointes aux actes de l’état civil, aux déclarations des témoins, doivent suffire pour constater la
vie de l’enfant, ou au moins le faire présumer vivant;
de manière que Catherine Lafont, qui a été m ère,
qui en a couru les dangers, qui a perdu son enfant,
doit obtenir la consolation que la loi lui accorde.
« Le tribunal déboute Gilbert Lafont de sa demande
« en inscription de faux, le condamne en l’amende de
« 60 francs, consignée conformément à l’ordonnance de
« 1737, et aux dépens. Fait et jugé à Montluçon, le 14
« nivôse an 13, etc. »
Après ce jugement, Catherine Lafont en a obtenu un
second le 23 ventôse suivant, lequel prononce la main
levée des saisies-arrêts, et condamne Gilbert L^afont à
payer ce qu’il doit au défunt.
Quant aux Forichon et Bournet, autres parties, il avoit
déjà été rendu contre eux un jugement le 19 ventôse
an 1 1 , prononçant aussi contre eux la m ain-levée de
leur saisie-arrêt ; mais ils avoieut gardé le silence en
�' ( 13 )
attendant l’événement de l’inscription de faux que Gilbert
Lafont, débiteur, avoit seul osé hasarder. Gilbert Lafont
a interjeté appel du jugement du 13 nivôse an 1 3 ; les
autres parties ont interjeté appel de celui du 19 ventôse
an 11 : et quoiqu’ils ne se soient pas réunis en première
instance, ils ont fait joindre leurs appels.
M O Y E N S .
La jonction demandée par les Bournet et Forichon
est aussi singulière que le but de leur appel. On concevroit cette jonction, si Gilbert Lafont avoit interjeté
appel du jugement du 23 ventôse an 13, parce que ce
jugement et celui du ig ventôse an 1 1 , frappent égale
ment sur des saisies-arrêts. Mais le jugement du 14 ni
vôse an 13 prononce sur une inscription de faux à la
quelle les Bournet et Forichon n’ont voulu prendre aucune
part. Comment se fait-il donc qu’aujourd’hui ils veuillent
se rendre commun le jugement qui y fait droit ?
Dans leur appel lës Forichon ont demandé que les con
clusions par eux prises en première instance leur fussent
adjugées ; et ils n’en avoient pris aucune. Leur appel
au fait n’a aucune base , car ils n’ont pu fonder leur
saisie-arrêt que sur le faux de l’acte de naissance; et ce
pendant ce faux n’a jamais été articulé par eux.
Ces réflexions suffisent donc pour répondre à l’appel
de Forichon et Bournet. Il ne reste plus qu’à examiner
les moyens proposés sur l’appel de Gilbert Lafont.
Ils se réduisent h dire i c\ que les enquêtes p ro u v e n t
le faux de l’acte de naissance; 20. que les signes de vie
�.( I 4 )
remarqués par les témoins ne sont pas suffisans, d’après
les lois et les notions de la médecine.
Ce sont ces deux prétentions qu’il faut examiner, pour
en démontrer l’erreur.
P
r e m i è r e
q u e s t i o n
.
Les enquêtes prouvent-elles le fa u x de Tacte de nais
sance ?
Aucun acte ne mérite une foi plus grande que les
actes de l’état civil ; les ordonnances nous l'enseignent,
et la raison nous dit qu’il importe au bon ordre de ne
les détruire qu’avec la preuve claire et évidente d’un faux
matériel.
Car, comme le dit M. Cocliin, les registres de nais
sance sont des monumens publics auxquels la loi veut
qu’on donne une foi entière, comme dépositaires de l’état
des hommes.
Il ne faut pas être plus exigeant que la loi; elle se con
tente, pour la déclaration des naissances, du témoignage
du père s’il est vivant, et de celui de la sage-femme ou
l’accoucheur, si le père est mort ou absent; car l’accou
cheur a lui-même un caractère public, et seul il fait foi
de la naissance. (L o i du 20 septembre 1792, tit. 3, art 2.
Code civil, art. 56.) Il faut en outre deux témoins, mais
ce n’est pas pour attester la naissance, c’est seulement
pour attester la déclaration.
Enfin il faut que l’enfant soit porté à Vofiicier public,
ou qu’il vienne s’assurer de sa naissance. ( Loi du 20 sep-
�( i5 )
tembre, tit. 3, art.
) Voilà tout ce que la loi a exigé.
Quand elle a dit qu’un acte de l’état civil feroit foi, et
que la preuve ne seroit pas reçue contre ce qu’il énonce,
c’est une chose assez bizarre qu’on pense l’anéantir, sous
prétexte d’une inscription de faux, par la même voie de
la preuve testimoniale. Ce ne seroit qu’un pur changement
de forme, si les tribunaux, en expliquant la loi par le
sens qu’elle présente, ne pensoient que celui qui s’inscrit
en faux s’engage à quelque chose de bien plus positif qu’au
résultat d’une simple enquête, puisqu’un acte public ne
peut être anéanti par une preuve testimoniale.
Sans doute si on présentoit un extrait de naissance faux,
la justice ne devroit y ajouter foi que jusqu’à la preuve
du faux-, et c’est là le but de l’art. 45 du Code civil : mais
quand il s’agit de démentir la déclaration dont la loi s’est
contentée, sans contredit aucune preuve testimoniale ne
doit suffire pour faire tomber l’acte; ou bien il falloit
dire franchement que les actes de naissance ne faisoient
foi que jusqu’à la preuve contraire.
Ces réflexions, présentées à la prudence de la cour, ne
tendent point à éluder l’examen des enquêtes ; et pour
cela il n’y auroit qu’un seul mot à dire, c’est qu’au lieu
d’y voir la preuve de mort annoncée, on a peine à trouver
qu’un seul témoin ait certifié ce fait sans en douter luimême.
Que devoit prouver Gilbert Lafont? et qu’a-t-il prouvé ?
Ses faits de faux étoient clairs et précis. 11 se soumettoit
à établir, i°. que plusieurs personnes étoient présentes
lors des couches, et que toutes ces personnes s’écrièrent :
Voilà un enfant mort;
�(i 6 )
2°. Que la sage-femme ayant frotté l’enfant avec de
l’eau-de-vie, elle ouvrit sa bouche avec un de ses doigts,
mais que sa bouche se referma de suite; qu’il étoit pâle,
€t avoit les yeux fermés ;
3°. Que François Corre n’arriva dans l’appartement
que dans l’instant où la sage-femme plioit l’enfant pour
le faire enterrer;
4°. Que la femme Corre dit à son époux d’aller avec
Louis Lafont faire faire les actes de naissance et de décès,
qui furent rédigés dans le même instant;
5°. Qu’il n’a été fait aucune réquisition à l’adjoint de
sc transporter dans la maison où étoit l’enfant; qu’il n’a
par conséquent remarqué aucuns signes de v ie , et qu’il
n’a rédigé les deux actes que sur la déclaration de deux
témoins, dont l’un étoit l’aïeul, partie intéressée,* et l’autre
avoit seulement vu ensevelir l’enfant.
Le premier fait n’est attesté en partie que par un témoin
qui est démenti par tous les autres. Ce ne sont pas toutes
les personnes présentes qui s'écrièrent : Voilà un enfant
mort ; c’est la femme Pignot qui prétend seule l’avoir dit à
Marie Bournet, parce qu’elle a vu tomber des excrémens ;
mais Marie Bournet ne le confirme pas.
Cette Pignot qui a voulu tout dire est tombée dans le
piège ordinaire des menteurs; elle sc contredit elle-meme
sur tous les points. L ’accoucheuse lui fit signe que l’enfant
étoit mort, et cependant l’accoucheuse l’engagea à sentir
Lattre son cœur; elle refusa de s’assurer si l’enfant étoit
vivant, parce, qu "‘elle ne s y connaissait pas : cependant
elle avoit déjà dit que l’enfant étoit mort.
Ces contradictions s’accordent parfaitement ayep la dé
position
�( 17 )
position du témoin Forichon, qui a ouï dire à plusieurs
femmes que cette même Pignot leur avait attesté que
l’enfant étoit vivant, et qu’elle lui avoit remarqué plu
sieurs signes de vie. Cette malheureuse a ensuite changé
absolument de langage; et ceux qui la connoissent ne s’en
étonnent pas.
Toutes les personnes présentes n’avoient pas dit : Voilà
un enfant mort; puisque tous les autres témoins présens
ont remarqué des signes de vie plus ou moins prononcés.
L e deuxième fait n’est prouvé par aucune déposition,
si on en excepte la circonstance attestée par la même
Pignot, que la sage-femme ouvrit la bouche de l’enfant :
fait isolé, faux et inutile. Mais personne-n’a dit que la
bouche se refermât de suite, et que l’enfant eût, en nais
sant, ni de la pâleur, ni les yeux femiés.
L e troisième fait n’est encore déclaré par aucun té
moin. Corre n’a pas dit être venu seulement quand on
ensevelissoit l’enfant, mais l’avoir vu sur les genoux de
sa femme. La loi n’exigeoit pas même de l u i , comme
témoin, qu’il attestât la naissance, elle ne l’exigeoit que
de la sage-femme; et il étoit témoin de l’attestation seule
ment. S’il avoit déclaré la naissance, comme témoin ins
trumentale il feroit encore fo i, et ne seroit pas admis
à se rétracter.
lie quatrième fait étoit aussi insignifiant que le précé
dent, et n’est pas déclaré de la même manière par la
P ign ot, quoique ce soit elle qui ait dicté évidemment
les faits articulés par l’adversaire.
Il y a même quelque chose d’essentiel à remarquer dans
ce que disent Corre et la Pignot. Celle-ci assure avoir tout
vu depuis les couclics jusqu’à l’inhumation, et cependant
C
�( i8 )
Corre dit'que c’est elle qui vint le chercher à sa vigne;
elle s’est donc absentée quelque temps.
Le cinquième fait est démontré faux par tous les té
moins; car bien loin que le sieur Reynaud, adjoint, ait
rédigé ses actes sans se transporter dans la maison où étoit
l’enfant, et sans le v o ir, il dit lui-même y être venu et
l’avoir vu. Tous les témoins parlent de ce fait, et la Pignot
elle-même déclare que le sieur Reynaud toucha l’enfant
à plusieurs endroits, et le baptisa.
Ainsi rien de ce que Gilbert Lafont avoit offert de
prouver ne l’a été. L ’acte de naissance demeure donc dans
toute sa force.
Quand on ôteroit de son enquête tous les signes de vie
articulés par ses propres témoins, il ne resteroit que des
doutes sur la mort de l’enfant; et des doutes ne détruisent
pas un acte.
Ces doutes encore ne sont communiqués que par un
seul témoin qui a refusé de toucher l’enfant, et qui n’ayant
pas voulu s’éclaircir veut cependant communiquer tous
les éclaircissemens.
Il faut se méfier d’elle, puisqu’elle s’en est méfiée ellemême; d’ailleurs ses contradictions appellent aussi la mé
fiance, quand elle ne seroit pas personnellement suspecte,
comme la plus proche parente des adversaires. D ’ailleurs
c’est une chute d’excrémens qu’elle a regardée comme
signe de mort. Sur ce fait même, qu’il est étonnant qu’elle
ait pu vérifier avant la fin des couches, de quel poids
peut être un semblable témoignage? C’est là cependant
la seule preuve de la mort qu’elle donne, ou plutôt la
seule preuve que fournit l’enquête.
�C *9 )
L e cu ré auroit été un témoin important s’il avoit as
sisté au commencement des couches ; mais il a fallu l’en
voyer chercher et l’attendre : et quoique, dans ce délai
assez long, la vie de l’enfant n’ait pu que diminuer,
cependant à son arrivée il a encore senti de la chaleur;
et si l’enfant avoit été mort - n é , cette chaleur n’auroit
pas duré jusqu’alors , surtout à la fin de décembre. Ce
qu’il y a de certain c’est que le curé n’atteste pas que
l’enfant fût mort, c’est qu’au contraire il l’a baptisé comme
vivant, et après un premier baptême. O r , suivant les
règles, ce premier baptême suffisoit, n’y eût-il eu que du
danger, Canonistœ dicunt sufficere quod aliquod mernbrum baptizetur, ut sit irifans christianus .
Ainsi ce second baptême fait par un prêtre est une
présomption authentique de la vie, d’après les auteurs :
à cette présomption se joint la preuve légale de la vie
par l’acte de naissance fait par le même témoin. A insi,
quand il marqueroit les conjectures de mort les plus
fortes, jamais il n’y auroit lieu d’annuller son propre acte
public, qui parleroit plus haut que sa déposition.
On voit d’ailleurs dans cette déposition du curé une
retenue qui abrège trop les détails, et qui s’explique assez
par l’inquiétude que devoit lui donner malgré lui une
inscription de faux contre son propre acte.
Mais cette circonspection est corrigée par les témoins
Durin et Guillemin, à qui le curé a dit à diilerens inter
valles qu’avant de baptiser l’enfant il s’étoit assuré de
son existence.
Si à cela 011 ajoute les dépositions de la sage-femme
de la veuve Bonnefoi et de la femme Gorre, il n’y aura
plus à douter; car les m oum ncns de l’enfant dans la main
C 3
�( *> )
de la sage-femmè, les battemens du cœur, les soupirs ,
les bras remués trois à quatre fois, la contraction des
muscles du visage, sont sans contredit des signes évidens
d’existence.
. Cent témoins, qui diroient avoir vu un individu mort,
ne détruiraient pas le témoignage de ceux qui l’ont vu
vivant. Les apparences de la vie et de la mort sont sou
vent difficiles à reconnoître, et peuvent d’ailleurs avoir
lieu quelquefois alternativement.
S e c o n d e
q u e s t i o n
.
Les signes de vie remarqués par les témoins so n t-ils
suffisons ?
> Les lois françaises sont muettes sur cette question, et
la jurisprudence s’est toujours basée sur les lois romaines,
qui ne laissent presque rien indécis.
A peine l’enfant étoit conçu qu’il étoit compté parmi
les créatures, et réputé vivant toutes les fois qu’il s’agissoit de son intérêt.
Si cependant il mouroit avant de naître, il n’étoit pas
réputé avoir v é c u , parce qu’alors en effet son intérêt
étoit nul, et il étoit inutile qu’il eût vécu pour l’intérêt
d’autrui.
Mais dès l’instant qu’il étoit né, il devenoit capable de
succéder et de transmettre, quelle que foible et courte
qu’ait pu être sa v ie , licet i l l i c o decesserit. L. 2 , cod.
•ZJe post. hœr.
Cependant les écoles ne s’accordoient pas sur les preuves
de la v ie , lorsqu’il s’agissoit de savoir quand 1111 testa
ment étoit annullé par la naissance d’un posthume. Les
�( « )
proculeïens, qui étoient les rigoristes du droit, vouloient
que l’enfant, pour être réputé avoir vécu, eut crié, c/«rnorern erniserit. Mais les sabiniens n’étoient pas de cet
avis, et répondoient que la foiblesse ou un défaut d’or
ganes peuvent empêcher les cris de l’enfant, quoique visi
blement il existe. Justinien termina ce débat par la loi
Quod diù certatum , et dit, en approuvant l’opinion des
sabiniens, que le testament étoit rompu si l’enfant étoit
né vivan t, quand même il seroit mort immédiatement
après sa naissance, et même dans les mains de la sagefemme.
Sabiniani existim abant si vivus natus esset e t s i
v o c e m n o n e m i s i t rumpi testamentum : eorum etiam
nos laudamits sententiam , et sancim us , si perfectè natus e s t , lie et i l l i c o postquam in terrarn cecidit vel
i n m i n i b u s o b s t e t r i c i s decessit, run/pi testamentum. Loi Quod d iù , code D eposth. lib.
Cette supposition d’une mort aussi prompte, pour ainsi
dire, que la naissance, marque assez que la loi n’a pas
exigé des signes de vie bien prononcés, puisque le son
de la voix ne lui a pas même semblé nécessaire.
11 y a plus, car la loi encore a prévu le cas où un
accouchement auroit été tellement forcé et difficile que
l’enfant n’auroit pu être extrait qu’en partie. Si la por
tion qui a vu le monde est celle en qui consiste princi
palement l’existence, l’enfant n’en est pas moins réputé
avoir vécu, quoiqu’incapable de conserver la vie; et la
loi en ce cas se contente du moindre souffle.
S i non integrum anim al editum s i t , curn s p i r i t u
tam en , adeo testamenium rumpit. L. 12 ; lf. D e liberis
et posth.
�( 22 )
Ces principes ont toujours été adoptés par la jurispru
dence ; et les auteurs du droit les enseignent comme des
maximes certaines.
Lebrun se plaint avec éloquence de ceux qui veulent
pour signe de vie avoir entendu la voix de l’enfant ;
« comme si, dit-il, la nature attentive à d’autres choses,
« ne pouvoit pas, dans un petit espace de temps, vivre
« et mourir sans se plaindre : au contraire l’on peut dire,
« ajoute-t-il, que l’enfant qui se tait ainsi en naissant,
« subsiste en partie par ce silence, parce que la nature
« ménage ses forces pour prolonger sa v ie , et évite do
« la dissiper en accens superflus. » (L ivre i , chap. 4 ,
sect. 1.)
M . Domat, cité par les adversaires, s’occupe des cas
où l’enfant est né avant le terme ordinaire; et quoique
dans l’usage on n’ait jamais regardé comme viable un
enfant né avant le septième mois, M . Domat distinguo
le cas où il s’agit de son état personnel, de celui où il
est question de savoir s’il a succédé et transmis la succès*'
sion. Dans la première espèce, c’est-à-dire, cum agiturde statu e tjît qucestio statûs , M . Domat pense que l’en-r
fant, avant sept mois, n?est pas réputé avoir vécu : mais
quand il ne s’agit que de transmettre la succession à ses
héritiers, ciim agitur de transmissione hœreditatis , les
raisons ne sont plus les mêmes, et il n’importe plus que
l’enfant ait pu vivre, il suffit qu^il ait vécu; et M . Domat
cite des arrêts qui ont réputé successibles des enfans de
quatre et cinq mois, nés même par l’opération césarienne.
( Liv. 1, sect. 1, n°. 5 , p. 2. )
Remarquons qu*ici il s?agit d’un enfant venu à leruio
après neuf mois, et dès-lors légalement viable ,
�( 23 )
Henrys, cité encore par les adversaires, ne leur est pas
plus favorable que Domat; il parle d’une cause où il s’agissoit d’un enfant q u i, loin d’être regai-dé comme mort
pour avoir rejeté des excrémens, n’avoit au contraire
donné d’autres signes de vie constans. Voici littéralement
le fait l'apporté par M . Henrys lui-même. « Une mère
« n’ayant pu rendre son enfant qu’avec peine et violence,
« et cet enfant n’ayant donné d’autre signe de vie que
« par les excrémens qu’il avoit rendus, cela fit douter
« s’il avoit survécu la mère ou non. Ceux qui avoient
« intérêt qu’il fût plutôt né vivant que m ort, ne man« quèrent pas d’user de précaution, et de faire ouïr par« devant le juge la sage-femme et un médecin. Le prê
te texte qu’ils en prirent fut au sujet de l’enterrement,
« et sur le refus que le curé pouvoit faire de le mettre
« en terre sainte. Y ayant eu procès en ce siège, nous
« fûmes ouïs pour le procureur du ro i.... La sage-femme
« ne s’étant arrêtée qu’à l’éjection des excrémens, et en
« cela n’ayant pu parler que par l’organe du médecin...
« le rapport nous paroissoit précipité et affecté ; nous
« crûmes qu’il y avoit plus d’apparence d’en ordonner
« un second.... que puisqu’on n’avoit établi la vie de
« l’enfant que sur ce signe seul, les médecins en pou« voient aussi-bien juger que s’ils avoient été présens à
« l’enfantement. Nos conclusions furent suivies, et un
« nouveau rapport fut ordonné. Y ayant eu appel au para lement, la cour a cru que le premier rapport devoit
« suffire; en un m ot, que sur le doute , et dans les cir« constances du f a i t , il fa llo it plutôt juger que Tenfant
« avoit eu vie , que d'être mort-né. » ( Quest. 2 1} liv. 6.)
Enfin Acaranza, cité aussi par les adversaires, dit, au
�C 24
) *
rapport tle Bretonnier, dans son traité D e p a riu , ch. 16,
n°. 32, que le moindre signe de vie suffit s’il est certain.
Dans une cause qui dépend toute entière d’un fait pu
blic et légalement attesté, que de simples indices ne peu^
vent détruire, les réflexions des docteurs consultés par
les adversaires ne conduiront pas la cour à tout l’éclair
cissement qu’elle avoit lieu d’attendre de leurs lumières;
car ces docteurs n’ont pu se déterminer que par le vague
des enquêtes : aussi leur opinion se réduit-elle à un système.
Mais quelque brillant que puisse être un système, jamais
l’incertitude n’amena la conviction.
Le raisonnement des docteurs consultés se réduit à ceci :
La chaleur, les mouvemens de l’enfant, ses soupirs et le
battement de son cœur, peuvent avoir trompé les témoins,
parce que les genoux trembloient à celle qui tenoit l’en
fant sur ses genoux, et ce tremblement, communiqué k
l’enfant, a pu en imposer pour un mouvement qui lui fût
.personnel. Le seul soupir entendu étant un dernier soupir,
n’a été qu’un mouvement expiratoire, sans inspix*ation,
parce que les poumons n’ont pas eu la force de supporter
le volume d’air nécessaire à la respiration. Les signes de
vitalité remarqués ne sont qu’un reste de contractilité et
d’irritabilité tels qu’on les observe sur les têtes nouvel
lement coupées, sur le larynx des oies, et au galvanisme,
Tout cela 11’étoit qu’un indice de la cessation encore
récente de la vie animale.
La base de ce système est une simple possibilité : le fait
principal qui le motive n’est pas exact, et par conséquent
le système s’évanouit tout^entier,
Lo
�( 25)
Le tremblement des genoux, imputé à la femme Corre,
n’est pas attesté par elle; et sans doute sa déposition de voit
être la plus notable à l’égard d’un fait qui lui étoit per
sonnel.
_ Le soupir appelé un dernier soupir est encore une
.erreur ; car puisque les docteurs ont choisi les témoins
qui parloient de visu , ils ont dû remarquer que la sagefemme, après avoir lavé l’enfant avec de l’e a u -d e -v ie ,
entendit un gros soupir ; puis elle le remit à la femme
Corre pour s’occuper de la mère. O r, à son tour, la femme
Corre lava l’enfant avec du v in , et alors remarqua que
l’enfant soupirait, qu’il avoit des mouvemens dans le
visage, qu’il remua les bras trois ou quatre fois, et que
le cœur lui battoit.
Ces soupirs ne sont pas les mêmes que ceux entendus
par la sage-femme quelque temps auparavant. Il n’y a
donc pas, comme l’ont cru les docteurs, un seul et der~
nier soupir.
A lo rs, et sans examiner s’il est possible qu’un enfant
sortant du sein de sa mère rende de l’air par expiration,
sans en ayoir jamais aspiré, il est au moins certain que le
premier de ces soupirs, à supposer qu’il n’y en ait eu que
(deux, n’est pas un dernier mouvement expiratoire passif.
Après pette exanimation, il seroit impossible de conce
voir qu’un second soupir eût pu succéder au premier. C’est
bien assez d’admettre un premier soupir dans un nou
veau n é , si ses poumons n’ont pas eu la force de sup
porter le volume d’air nécessaire à la inspiration.
Les signes de vitalité remarqués aux têtes fraîchement
coupées ne semblent devoir rien prouver à l’égard d’un
enfant qui ne s’éteint que par foiblesse, Dans une tête
D
�( X
)
............................
coupée,la vie Surprise, pour ainsi dire, pendant sa force,
s’arrête encore dans une partie restée saine. Les muscles,
irrités ordinairémerit par la moindre blessure, le sont
bien davantage par leur section entière; et leur contrac
tion communique à tout ce qui en dépend un jeu mé
canique qui n’est pas la v ie , mais qui en est l’apparence.
A u contraire quand un corps entier s’éteint par débi
lité ou dissolution, ce mouvement des muscles ne peut
pas survivre à l’atonie de l’organisation ; à plus forte
raison dans un enfant nouveau, qui n’auroit pas eu la force
de supporter une seule a s p ir a tio n , toute contractilité et
irritabilité semble une Chose entièrement impossible.
Le larynx des oies ne répète leur cri que pendant la
durée du souffle qu’on y communique; ainsi il n’y a pas
de vitalité dans ce qui exige une fonction étrangère.
Le galvanisme peut bien, par une combinaison de mé
taux, produire sur des chairs inanimées une commotion
dont nos sens imparfaits ne peuvent pas apercevoir la
cause : mais, quelle qu’elle soit, elle est le produit d’un
appareil quelconque ; et jamais un corps n’a répété les
mouvemens galvaniques hors la présence de cet appareil.
'
Remarquons une vérité frappante. Dans leur propre
opinion les docteurs ont supposé que la vitalité même
qu’ils présumoient dans l’enfant, étoit l’indice de la ces
sation encore récente de la vie animale.
Voilà donc une présomption de mort attachée à la con
viction que l’enfant vivoit encore un instant auparavant.
O r, cet instant, où est-il ? qui peut le saisir aujourd’hui,
quand les assistons ne l’ont pu reconnoître? Gomment,
dans une matière aussi conjecturale que les signes de la
�( *7 )
mort, les docteurs assureront-ils que l’enfant de Cathe
rine Lafont, venu à terme en l’an n , soit mort avant,,
ou pendant l’extraction, ou une minute après sa ,nais
sance, avant, ou pendant son baptême, ou in manibus
obstetricis , suivant le langage de la loi.
La sage-femme l’a gardé quelque temps; après elle, la
femme Corre l’a gardé; puis le curé, mandé pour le
baptiser, est venu; et c’est après tout cela qu’on a été
certain de sa mort.
Quand il n’y auroit pas de signes de vie reconnus, rien
ne seroit plus conjectural que les signes de la mort, et
en ce cas même il faudroit seulement douter.
Car, comme le dit M . W inslow , « si la chaleur du
« corps et la mollesse des parties flexibles sont des signes
« incertains d’une vie encore subsistante, la pâleur du vi
te sage, le froid du corps, la roideur des extrémités, la
« cessation des mouvemens et l’abolition des sens externes,
« sont des signes très-équivoques d’une mort certaine....
s II est incontestable que le corps est quelquefois telle—
« ment privé de toute fonction vitale, et que le souille
« de la vie y est t e l l e m e n t caché, qu’il ne paroît aucune
« différence de la vie et de la mort. >3 ( Dissertation sur
l’incertitude des signes de la mort, page 84. )
Et c’est parce que les signes de la mort sont plus dou
teux que ceux de la vie, que les auteurs de médecine
légale se contentent des moindres indices pour présumer
la vie de reniant.
Si spirai’erit, dit Zacliias, si.membra distenderit , si
se r/éoverit, si sternutaverit., si urina/n reddat. (Quest.
m édico-lég. liv. i*?1*- tit. 5 ,11°. 123.) Cependant la plupart
D 2
�.
C ¡8 ) '
de ces cas pourroient se prendre encore plus pour de
simples mouvemens de vitalité musculaire.
Foderé marque une notable différence entre le cas où
l’enfant seroit mort dans le ventre de sa mère, et celui
où il ne meurt que pendant sa naissance. A u premier‘
cas, l’état qu’il décrit des souffrances de la mère ne laisse
pas de doute ; au deuxième cas, il indique comme signe
de mort le défaut de pulsation et de chaleur des artères
ombilicales : néanmoins i f cite encore des exemples où
ces signes mêmes ont trompé les praticiens. (Médecine
civile, tom. i , n ° . 288.)
Mahon ne pense nullement que la pulsation des artères
soit un simple indice de vitalité et de contractilité. « La
« continuation du battement du cœur et de la circulation
« du sang en général, dit-il, est un indice bien plus sûr de
« la vie de l’enfant après sa naissance. Cette fonction est,
« de toutes celles qui tombent sous les sens, la plus im« portante de la vie animale. » ( Médecine légale, tom. 2,
pag- 393 - )
Si donc nous ignorons quand est mort l’enfant de Ca
therine Lafont, au moins ne Fétoit-il pas quand son cœur
battoit encore; et si les mouvemens des bras et du visage
sont, comme les soupirs, des signes douteux de la vie, au
moins tous les r a i s o n n e m e n s de l’univers ne prouveroient
pas qu’ils sont des signes de mort.
Car il faut pour les adversaires des signes évidens de
mort, puisqu’ils attaquent un acte de naissance.
Eh ! où en serions-nous, si à chaque mort il falloit élever
autant de doutes et d’incertitudes?
Les hommes sont convenus de regarder comme l’ins-
�( ¿g ) ï
tant fixé de la mort'celui de la cessation totale de la cir
culation du sang, suivie de la roideur des membres; et
les intérêts de toutes les familles se règlent chaque joui*
sur la foi de cette croyance.
On sait bien qu’il est de loin en loin des exceptions
à cette règle, et que des personnes ont vécu, après avoir
eu tous les signes ordinaires de la mort.
Mais on ne voit pas pour cela que ces phénomènes
changent les notions de l’habitude ; et certes nul ne certifieroit vivant un homme sans pouls et sans flexibilité de
membres, parce qu’il en auroit vu vivre d’autres ayant
les mômes symptômes de mort.
Comment donc est-il possible de décider qu’un enfant,
qui conservoit du mouvement, étoit cependant m ort,
par cela seul qu’il est des exemples que des individus
morts ont quelquefois donné des signes de vie.
Cependant il ne s’agit ici que de fixer l’époque précise
d’une mort reconnue récente ; et au lieu de la rechercher
dans des possibilités et dans des hypothèses, pourquoi
ne pas supposer aussi une cause plus immédiate et plus
naturelle?
Les couches de Catherine Lafont ont été laborieuses;
voilà un fait connu.
L ’enfant a dû être très-accablé, et avoir besoin du plus
grand calme; si on l’a tourmenté on n’a pu que lui nuire :
voilà la première présomption certaine.
Mais au lieu de lui laisser du repos on lui a coupé le
cordon ombilical, on l’a frotté avec de l’eau-de-vie, puis
avec du vin.
Pourquoi donc np pas croire que ces opérations ont
�( 3° )
achevé d’éteindre une vie encore récente , plutôt q u e ’
d’assigner une époque antérieure, sans aucune certitude,
mais par simple soupçon.
'
Ici au moins nous présentons un système qui a une .
base, et cette base est assise sur une grande autorité.
« Lorsque l’enfant, dit Hippocrate, est sorti du sein
ce de sa mère avec effort, comme il est foible, il ne fautj
« pas lui couper l’ombilic qu’il n’ait crié et uriné. »
(*Hîppocr. de superf. ch. 5 . )
Et qu’on n’objecte pas que ce sont là des principes d’an*
cienne théorie; Alphonse Leroi, qui les rappelle, ajoute :
« Nous développerons ailleurs ce précepte excellent, que.
cc nous tâchons chaque jour de rétablir, » ( Alph. L eroi,
pratique des accouchemens. )
La section du cordon ombilical a donc pu nuire à un(
enfant déjà foible; des frictions d’eau-der-vie sur son
visage ont dû même lui causer une révolution qu’il étoit
hors d’état de supporter : c’est en ce moment que scs
soupirs ont annoncé le dernier effort do la nature; et
quand le spasme a arrêté le battement de son cœur, il
a résulté de cette suspension meme que c est alors seu-?
lement qu’il a cessé de vivre.
Si ce n’est là qu’une présomption, elle a pour elle les
dépositions des témoins qui ont vu des mouvemens jus
qu’après la friction d’eau-de-vie : mais d’ailleurs, dans le
doute même, la religion, la physique et les lois présument
que l’enfant a vécu.
Remarquons combien encore la présomption de la vie
pst ici plus favorable que dans l’espèce des lois romaines. L à
il s’agissait de rompre 1111 testament, et c’étoit en pure porto
�f
►
*
*t
'Cr3*
)
I
1pour le'posthum e, ;s’il mouroit■'iffïcù) 'ïn manibus ofotetricis j ici, au contraire, il s’agit de présumer la vie en
-faveur d’une mère, et de supposer que la nature a suivi
son cours ordinaire, en faisant naître vivant un enfant
q u i, venu à terme, étoit légalement viable.
1 On a articulé contre l’acte de naissance des vices de
forme, mais ils sont imaginaires, et Remporteraient au
cune peine de nullité. Le seul vice conséquent serait de
n’avoir pas porté l’enfant à la maison commune ; mais
la loi dit seulement qu’il sera présenté h l’officier public,
et l’officier public l’a vu.
On se fait un moyen de ce que Catherine Lafont a
contracté récemment un second mariage. Mais qui peut
lui reprocher ce que la loi et les bienséances autorisent:
depuis trois ans elle n’a plus le bonheur d’être épouse
ni mère, et l’obéissance qu’elle doit à son père ne lui a
pas permis de mettre un plus long terme au désir qu’il
manifestoit chaque jour de se'donner un nouveau sou
tien. Mais au reste, quelle influence cet événement peut-il
avoir pour la cause, et surtout pour infirmer un juge
ment antérieur ?
Ce n’est pas moins une mère qui réclame la succes
sion de son enfant, luctuosam hœreditatem , suivant le
langage de la loi. On a,blâmé les premiers juges d’avoir
dit que celle qui avoit couru les dangers de la maternité
méritait la préférence dans le doute ; mais ce motif, bien
loin d’être aussi absurde qu’on le prétend, est entière
ment puisé dans la nature et dans la morale, com m e il
l’est dans l’opinion des plus savans auteurs, et notamment
�( 32 )
-de Domat, qui parle de la faveur de la cause du père ou
de la mère qui survivent à leur enfant.
Cujas dit, comme les premiers juges, que la plus favo
rable interprétation devoit être pour la mère en sem
blable circonstance. Benignius est credere ordinem naturoe servasse f ortunam , ut in dubio m atri f aveam us ,
quœ in luctu est m agno , propter amissum f ilium et
m a ritu m , quàm agnatis, ( Cujac. ad leg.26
D e pact.
dot. )
A quels titres en effet seroient plus recommandables
des collatéraux, qui ne v o y a n t dans les dangers d’une
mère qu’une expectative, et dans ses malheurs qu’une
succession, veulent tout renverser pour en faire leur
p roie, e t, irrités de trouver une barrière dans un acte
authentique, osent rouvrir les tombeaux de leur famille,
pour chercher une heure incertaine, et recueillir pour
ainsi dire la vérité dans le néant ? La cour ne verra en
eux que des profanateurs avides, qui d’ailleurs, dans leurs
moyens impuissans, sont encore bien loin d’avoir satis
fait à ce qu’ils s’étoient imposés à eux-mêmes pour par
venir à renverser un acte d’ordre public, par le motif
unique de leur intérêt particulier.
M e, D E L A P C H I E R , avocat,
M e T A R D I F , licencier avoué.
A. R IO M , de l’im prim erie de Landriot, seul im prim eur d e la.
C o u r d'appel
N ivose an 14.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lafont, Catherine. An 14?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
enfant né viable
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Catherine Lafont, et Louis-Auguste Petauton, son mari, habitant à Néris-les-Bains, intimés ; contre Gilbert Lafont, Jean-Baptiste Bournet, Jean Forichon, Marie et autre Marie Lafont, leurs femmes, habitant aussi à Néris, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 14
1801-Circa An 14
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0323
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0722
BCU_Factums_M0723
BCU_Factums_G1508
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Néris-les-Bains (03195)
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Domaine public
accouchement
actes de naissance
baptême
enfant né viable
Faux
médecine légale
Posthume
sage-femme
Successions
témoins
vices de forme
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COUR
P R E C I S
EN
D ’A P P E L
DE RIOM.
RÉPONSE,
C
h a m b r e s
assemblées.
P O U R
La
veu ve
B
et les enfa n s mineurs de
a p t i s t e
M A R C O U X ,
J
e a n
appelans;
C O N T R E
B
e n o i t
M A R C O U X
M A R C O U X
C O U X ,
L
jeu n e,
a in e,
et
N
B
o ë l
e n o i t
M A R
intim és.
E S intimés ont im p rim é
un m ém oire où B enoît
M a rco u x aîné ne parle que de lui et p ou r lui. E n syn
copant ainsi les faits de la cause 7 elle se dénature
les mineurs M a rc o u x ont besoin de les rétablir.
A
et
�( 2)
Claude M n rco u x a eu sept enfans.
j|
P a r le contrat de mai'iage de J e a n -B a p tiste , il lui a
fait donation de ses biens présens et à v e n ir , à la charge
de p a yer, i° . à N o ë l, Benoît je u n e, Claudine et .Agathe
M a rc o u x , une légitim ejde 12000 fr. ; 20. à Benoît aîné
12000 f r . , non com pris 2000 fr. de son titre cléric a l;
)
/ 'C .
-3 °- à A n to in e tte , religieuse, une pension de
5o francs.
Il se réserva 12000 francs p o u r en disposer , avec
m ention que s’ il n’en disposoit p a s ,
ces 12000 francs
seroieut partagés entre le f u t u r et les quatre enfans lé g i
timés à 12000 francs ( c ’est-à-dire, que B en o ît, p rê tre ,
en étoit exclus ).
Il fut stipulé q u e si le futur vo u lo it payer les lé g i
tim es, Claude M a r c o u x , son p è r e , lui en payeroit l’in
térêt au taux de l ’ordonnance.
Bientôt après ce m a ria g e , Benoît M a r c o u x , p r ê t r e >
s’empara de l’esprit de son p ère ; et Jean-Baptiste M a r
cou x fut relégué h o rs de la m a iso n , avec 1200 francs
de rente.
Benoît M a r c o u x , fait docteur en th é o lo g ie , ne vo yo it
paç a rriver les bénéfices en aussi grande hâte qu ’il l’eût
désiré. Il n’a jamais été que simple communaliste ou
sociétaire de sa paroisse; et tout p rou ve q u ’ il persuada
à son père de grossir sa l é g i t im e , sans égard p o u r ses
prem iers e n g a g e m e n s , sous la promesse p e u t - ê t r e de
rendre un jour avec u su re , à ses n e v e u x , la p ortion
q u ’ il alloit distraire de la donation de 1779.
" Claude M a r c o u x avoit acheté une maison à SaintÉtienne , le 28 mai 1 7 8 0 , m oyennant
55 oo francs. Il
songea bientôt à eu faire don ¿1 son fils Benoît ; mais.
�( 3 )
p o u r ne pas paroître don ner atteinte à sa d o n a tio n , on
p rit la tournure de faire d o n n er toutes les quittances à
B e n o ît , prêtre.
A p r è s en a vo ir retiré-’quelques-unes, on réfléchit q u ’il
n ’étoit pas encore ém a n cip é, et que le 'ra n g de sociétaire
de paroisse n’ém ancipoit pas*, en con séq u en ce, B enoît
M a rco u x , qui g o u vern oit son p è r e , se fit 'émanciper le
28 mai 1781.
i.I
A l o r s , ët coup s u r ‘c o u p , il se fit donner une foule
de-quittances; de sorte q u ’avant <là fin k l e ‘l ’année il parut
a vo ir payé la maison et tous les ouvriers qu i l’avoient
réparée et embellie.
Bientôt ces quittances'ne p a r u r e n t ‘pas un titre assez
solide; et B enoît M a i’cou x sc fit faire par son >père , le
29 mars ¡1783, unë Obligation de 7 7 1 4 fra n cs, où on
ne manqua pas de sp'écifier^en détail toutes les quittances
qu i en étoient le m o tif : cette somm e de 7 7 1 4 francs fut
dite payable à v o lo n té ' et requête , avec h yp o th èq u e
¿ p é d a le sur ladite maison.
Cette'-maison n’eûtf'été encore qu ’ an foible d o n , si
on ne vô y o it pas que M a rc o u x p è r e , m algré sa grande
disance, absorboit des capitaux considérables, dont on
ne p e u t qu e-d evin er ^’emploi/ Enfin lorsque la r é v o lu
tion vint ôter à B e n o ît, p rê tre , tout espoir de grossir
ses revenus par des bén éfices, il ne chercha plus de
Voies inditefctes ( qui d’ailleurs s’entredétruisent en se
m u ltip lia n t) j-et »il vo u lu t faire un coup de maître en
faisant participer le donataire l u i - m e m e à sa p rop re:
spoliation.
•'
’ \
• vi.
; i: j «•!
Ly 1
Bcnôît 'M a r c o u x , p r ê t r e , ’ se fit
A 2
�( 4 )
ven dre ou délaisser par Claude et J e a n -B a p tiste M a r
c o u x , i° . la maison sur laquelle il avoit hypothèque -,
2°. un domaine appelé de P arade, m oyennant 14000 fr.
à lui dûs p ou r légitim e et titre clérical.
Il fut ajouté que ces immeubles avoient une plusvalue de 2 5 00 francs qui seroient imputés sur les Liens
m aternels ( c ’est-à-dire, sur une créance im aginaire, car
la m ère est encore vivante en 1809).
L e m êm e jour il fut stipulé par un autre acte que
la p lu s - v a lu e étoit plus (considérable encore qu ’on ne
l ’avoit d it; et B en o ît, p r ê tr e , non-seulement se départit
de l’o b lig a tio n , devenue in u tile , de 7 7 1 4 francs, il
reconnut inême être rem p li par ces,' im m eubles d u .su p
plém ent de-légitim e*
i■
_' :j;
•
'f
Ce n’est pas seulement en faveur; de Benoît M a rc o u x :
que le donateur a oublié ses engdgemens. A g a t h e M arc o u x fut m ariée avec le sieur Frotton le 14 novem bre
1787 ; et non-seulement le père hii^constitua 12000 fr.
et 2000 francs sur sa r é s e rv e , ;imais il fut:dit en l ’acte
que la dame .Agathe . M a r c o u x ( qui n’étoit pas éman
cipée et n’avoit pas quitté la com pagnie de son p è r e )
se constituoit de plus une somme de 6000 f r . , q u ’elle
dit p ro v en ir de ses ép a rg n es, et dont l ’acte porte quit
tance.
■,
1
Q u e p o u v o it faire à ¡tout cela le donataire? rie n , sans
d o u t e , que tâcher de reconquérir l’allec lion de son p ère
par une soumission aveugle à ses v o lo n t é s ,,e t lui ôter,
s’il le p o u v o it, les.¿occasions d’aliéner encore, sous p ré
texte du payem ent des légitimes.
.
'
C ’est dans ces yues que Jean-Baptiste M a rc o u x paya
�( 5)
4000 francs sur la dot d’A g a t h e , et 12000 francs potiv
la légitime de N oël.
' ’>r. UIf'-iqr, - :
•r Jean - Baptiste M a rc o u x ïnçmrut en 1794 laissant
plusieurs enfans en bas âge : il espéra, q u ’iils trouvei’oient
un appui dans leur aïeul; mais il est,resté sous la m ê m e "
dépendance jusqu’à son décès arrivé en l ’an 10. E t si
la C our p ou voit douter encore de la spoliation du do
nataire , il suffira de lui dire que la v e u v e M a r c o u x ,
rentrée.)enfin dans la maison après les-scellés et in ven
taire, n’a pas trouvé dans la dépouille, de Claude M a r
coux
un centime p o u r , lui faire rendre les derniers
devoirs.
,!
k) . ° i
, pr
^ Ses plaintes ne lui ont valu q u e . des 4ironies et ides
procédés vexa.tpires ; six cohéritiers ont-affecté de . l u i
faire notifier l e m ê m e jour ^six citations, et ensiytej.&rx
exploits de demande en payem ent des légitimes -et de
la réserve; en proclamant encore q u ’ils,ne s’en tenoient
à leur légitim e en' argent jjq u ^ p a rc e , qu ’il n ’y en avoit
pas dans la succession, et.poijL;, $ejinénagerjle plaisir de
demander ensuite Un supplém ent en<corps héréditaires.^
E n s u ite , et de peur qu’il lui restât, des ressources
p o u r .acquitter ce q u ’ ils c^ein.indoiept, ils ,on t fait des
saisies-arrêts\sur le s d éb ü eu rsret-les, revenus ,de, la' suc
cession.
ij;, ,fT ■
iririJ-.n'T - i ' '
L a veu ve'(M arco u x a; opposé,(i 1?--; ¡q«’elle ne devoit
paâ.de réserve , -surtout par la circonstance qu’elle devoit
faire, face à la légitime im p révue de la .religieuse; 2°. que
A g a th e MarcouX/idevqit/Tapporter I;le. don sim ulé qui
lui avoit été fuit de; 6000,francs ;; 3 0/ q u ’il n’y: avoit pas
�(6)
liéu dë réserver un s u p p lé m e n t , lorsque la légitim e
étoit acceptée après le décès.
!L e tribunal de M ôn tbrison a rejeté ces moyens par
jugem ent dù i i 1 fructidor an i r , ' et à adjugé toutes les
dem andes, c’ëst-à-dirë , !la lé g it im e , lü ré s e rv e , et l ’ex £ëctative d’ uri supplément.
*- Su r l’appél j la.veuvê Mai'cOux a , par ordre d’ un conseil
d é "famille, °rdilbhcé é u ÿ biens à 'venir de la d o n a tio n ,
p o u r '¿’tin 't ë n i F a ü i biëhs ■
’p résëiis, et n’être tenue des
légitimes quë ‘par rëtranchëmerit.
L a C o u r ’ü ’àppel de L y o n , par arrêt du I er. tlierm idor
an 1 3 , a ordonné , i ° . que les légitimes seroient prises
aur les: biens libre's, dans lésquels sera dotifondue la réserve
dé 12000 f r a r i d y $ a ü f 'à !teriir par rëtratichemetit sur les
biën's ’ présent ; 20. que chaque iégitim aire ïa p p o rte ro it
cë qu ’i l ' à reçu à titré de lé g itim e ,’ ce qu i excejitoit
À jgatlie, à l ’égard de.ldtj'üëllë i l ’a été dit au surplus que
Boh'contrat de iiiûi‘iâgeIsëroit éxéëuté' suivant sa form e
ct'tën eu ri ( B llë^ V ô ît-fo riiiéld éU ia n d ë seulement de ce
qüi lui jrëstoit & 'tôüdlîét de
dot. )
î; Eti ^oürsuivdnt ;la éàssdtioii dë cët arrêt > (Benoît
Mafrcoiix , p r ê t r e , ¿voit fbrt bien 'sëhti à quoi le m è h e roit lë rbppbl-t dë ce qii’ il 'oVôlt reçu à titre de légi
tim e ; aussi, prenant l ’alarme sur les suites d ’un-déÎuissëttifeht (Jüi taë l ’Ntirôit pû’s inquiété S’ il ëût été lég itim e,'
il s’étôit ëhiprësSé'Së protestér, par tfôte du -'24 fév rier
1806, qüë &i ô ii ïie rës|)ëctoit pas sa 'V th ïe Üe v j ÿ l , il
dfta^üèMît ën ^aŸÎiritië1 lëfe miriëtiVs M itr c o u x , ëo'rtïine
hM itiéré:idé ‘(Té&iirBdj^tistë , qUFel'o'it-^ia’L'tit' aüdik'iTdle. ‘
�Quoi, q u ’ il en soit , l ’arret. (3<5ri>yon a été
;• 1a
•cause :a . étéoTeovQy.^i cî^vanfcllii' ,Goin\. cjgjliionj i ¡ fit la
cause a/été iphudée. devant elle.. -.aur/f] c c o d
i'(" . ;.(,f
L es mineurs M arcoux .ont renouvelé lé^; moyens; p té r
sentes en la C o u r de L yo n -, sur lu confusion'dt* la ré
serve dans les biens à ven ir. Ils le p o u v a i e n t , parce q u ’un
arrêt de cassation n’est q u ’. une opinion , e t rn ’e$tjpoirit
une lo i; ils le d e v o i e n t , p a r c e ‘que l’arret de I-yori fut
rendu avec solennité et méditation.!
- nn
Ils ont ajoiité à cette question p r i n c i p a l que la dona
tion des biens présens ne p o u v o it pas au surplus être
g re v é e d’une réserve .de 12000 f r . , si le. père en ovpit
disposé de son vivant! directement-.,ou indirectement.
O r , il étoit incontestable que 1b p ère a vo it retranché
plus de 12000 francs des biens donnés à son fils en J 7 7 9 ,
e t par conséquent la donation ne devo it pas souffrir
un second retranchement de 12000 fr. après sa .mojt’k
i ° . Claude M a rc o u x père av.oit ven du en 1778; un
im m eu ble en la com m u n e d ’A n ié r e ; il lui restoit 4
toucher 6000 francs lors de sa donation : il. les a reçus,
après 1 7 7 9 ; et q u o iq u ’ ils aient été évidem m ent em ployas
à payer la maison acquise en 1 7 8 0 , il ne reste aucune
trace de ce capital de 6000 francs.
.1
■ - •!
:
20. Il a vendu depuis 177 9 u n e /rente¡a 11 sieur, Pierre)
R iga u d , de S a in t-E tien n e, et .a touché p o u r le capital
2400 francs.
3 0. Il s’est fait rem bourser par le sieur Jacques Biti'aloi^
une rente au p rin cipal de
5 q o o francs.:
1.
40. Il a fait un don simulé à A g a th e M a r c o u x , de
6000 frans; et il est vra im e n t im possible :en fait et e à
�r ( 8 )
droit de prétendre, q u ’une fille n o n 'é m a n c ip é e , qui n ’a
"j’ainhis ë<i> d^aUtre doifticild' q'ue - c e lu i>de; so n -p ère , ait
pu avoir 6000 francs de sesïâ œ /tîersiW à u tcsles règles
•de droit/se* réuûfesent p o u r dire< que ¿cette; sommet est
réputée légalem ent p ro v en ir e x ' su b sta n liâ p a l ris ; et par
conséquent c è s 6 o o o francs sont encore retranchés de la
"donation des biens* présens.'
!'■ V. 1 ■
■*>.-_> ,Vi. •
Jxj!5 °. lia délaissé àBenoît>M arcoux, prêtre,‘ p ou r 14000 f.,
une maison et un domaine considérables. Si on ne peut
•pas p ro u ve r sans experts que ces objets valoient 30000 f . ,
au moins est-il avo ué par le prêtre lu i- m ê m e qu ’iL y
avoit 1 0 2 1 4 francs d e plus-value.
■Ces faits étoient clairs et positifs
aussi les oncles
M a rco u x ont-ils cru plus, à propds d’y répondre par des
fins de non-recevbir. < >
Ils disent, i° . que les'ca p itau x reçus par le père ne
sont pas pris, sur la donation de biens présens , parce
qüe le donataire n’est saisi du m obilier que lorsqu’il y
a un état a n n e x é 'à l ’acte; 20. q u ’à l ’égard des 6000 fr.
d ’ A g a tlie , il y a chose jugée et m êm e acquiescée; 3 0. que
B enoît M a rc o u x , p rêtre, est p ropriétaire par délaissement
du donataire l u i - m ê m e , et que d ’ailleurs il avoit un
pécule q u a s i c a s tr e n s e , étant sociétaire de sa paroisse,
ce qu i lui donnoit un revenu de 3000 fr. depuis 1779.
- L a prem ière objection des oncles M a rc o u x est une
erreur de d r o i t , sous deux points de vu e : car d ’abord
lds rentes foncières étoient, avant le Gode c i v i l , un im
m eu b le; les rentes constituées étoient un im m euble fictif;
ci à -ce titre il ne falloit pas d’état annexé à la donation.
E u second lie u , cet état n ’est pas exig é par l’ordonnance
de
�. (
9
)
de 1 7 3 1 , p ou r les donations faites par contrat de mariage.
C ’est l’article i 5 qui exige cet é t a t , et l ’article 17 ex
cepte form ellem ent les donations contractuelles de la dis
position de l ’article i 5 . Ce p rin cip e, au reste, est enseigné
par R ic a r d , L o u e t , M . de Lam oignon en ses arrêtés, et
par M . F u rg o le sur les articles 1 5 et 17 de l ’ordonnance
de 17 3 1 . Il est donc surprenant q u ’il ait p u être c o m
battu à l’audience'de la C our.
L a deuxièm e objection est plutôt fondée sur des mots
que sur des raisons : car p o u r opposer la chose ju g é e ,
il faut q u ’il y ait tout à la fois eadem r e s , eadem ca u sa
p e te n d î, eadem con d itio p erso jia ru m .
O r , la contestation particulière qui s’étoit élevée contre
A g a t h e M a rc o u x , est chose étrangère au x intimés a c
tuels. L es mineurs demandoient à chaque légitim aire le
rapport de ce qu ’ il avoit reçu p o u r com poser sa p ro p re
légitim e et la réserve , si elle étoit due. Il a été jugé
qu’ A g a tlie M a rc o u x ne devoit pas ce ra p p o rt, parce que
son contrat de mariage devoit être exé cu té . E t en effet,
si le p ère avoit dans ses mains plus de 6000 fr. dispo
nibles , les mineurs n’avoient aucune qualité p o u r exa
m iner si les 6000 francs étoient donnés ou non.
M ais en m êm e temps la C o u r de L y o n dispensoit les
mineurs de rien payer de la réserve ; de sorte que la
chose jugée se réduisoit à dire que les 6000 fr. , pris
ou non sur la ré s e rv e , étoient une chose acquise à titre
valable.
C om m ent se p e u t - i l que les adversaires syncopent
encore cet arrêt cassé, p o u r y prendre un fragm ent de
B
�( IO))
la chose ju g é e , et rejeter le surplus? C a u sa ju d ic a ti est
in d ivid u a .
>
•
D ’ailleurs il ne s’agit pas aujourd’hui de faire rap
p o r te r ces
6 q o o francs par celle .qui les a re ç u s , et de
les lui ô te r ; mais seulement de p ro u v e r que si le père
a pu les lui donner , c’est aux dépens de sa réserve.
A in s i il n’y a pas chose ju g é e , il n’y a pas eadem ca u sa
peten d i ; au contraire, c’est dem eurer dans le^cercle de
la chose jugée elle-m êm e.
L a troisième objection est ce que Benoît M a rc o u x a
vo u lu em bro u iller le p lu s , p ou r esquiver les éclaircissemens que la C o u r lui a demandés.
C ’est sur la foi (le sa parole q u ’il assure avoir pu
payer fort aisément en peu de mois une somme de
7 7 1 4 francs; et m ê m e , s’il faut l’en c ro ire , l’argent lui
abondoit si f o r t , q u ’en 1 7 9 4 , quand tout l’or de France
étoit m étam orphosé en p a p ie r , il avoit encore une somme
de 10830 f r . , précisément ¿t la portée du député J a vo g u e,
q u i , d i t - i l , le fit arrêter et prit son argent.
Ce député là 11e démentira pas la captu re; il est m ort :
et certes il faut bien se garder de l ’exh u m er p our q u ’il
nous rév èle ce q u ’ il en est. J a v o g u e , proscrit lui-mêine
p o u r ne pas s’être born e a tuer des aristocrates, ne seroit
digne de confiance p o u r p erso n n e; et Benoît M a rc o u x
a pu en toute sûreté de conscience le charger d’ une
iniquité de plus.
Jl faut au moins con ven ir que les biens temporels
abondoient grandement chez le sieur M a r c o u x , prêtre.
Q uand son père achète des m aisons, c’est lui qui les
�( 11 )
p aye; quand tout le m onde n ’a qu e des assignats, il lui
reste encore beaucoup d ’argent.
Ce n’est pas ce que la C o u r lui demandoit ; elle vo u lo it
juger par ses y e u x de la sincérité des quittances données
sous son n o m , qui m otivoient l ’obligation de 7 7 1 4 fr. :
mais il ne paroît pas qu ’il ait vo ulu les p ro d u ire , qu oique
l’acte de 1792 constate q u ’il se les est retenues.
- D ’a b o rd , il est p r o u v é , par l’o b lig a tio n , m êm e , >quer
la quittance la plus considérable étoit ^donnée R ivant
l ’émancipation. •
'
Jusque-là B e n o ît, p r ê tr e , étoit sous, la puissance pa
ternelle ; il u ’avoit pas 'dei fonctions ecclésiastiques ca
pables d’ém anciper; il n’étoit pas s u i ju r is : la loi donnoit
au père l’usufruit des choses m êm e venues d’ailleurs que
des deniers du p ère; et si on se pénètre bien de la p o
sition de B e n o ît, il y a du ridicule à le croire capable
de payer 7 7 1 4 francs en si peu de temps.
E t que f a u t - i l p ou r juger l ’avantage in d ire c t? des
preuves? n o n , car la fraude se cache sous les apparences
de la v é r i t é , n im ia p rcca u tio d o lu s , et la parenté de
ceux qui contractent est déjà le prem ier signe que les
auteurs exam inent et regardent com m e prépondérant.
Ricard ( 1 ) , D an ty ( 2 ) , C habrol ( 3 ) , disent sur cette
matière tout ce q u ’on peut penser. I , article 9 11 du
Code N ap o léo n réunit toute leur doctrine. « T o u t e
« espèce de disposition au
(1) P. i re. , ch.
3,
profit d’ un incapable. EST
sect. 16.
(2) Chap. 7 , sur Boiceau.
(3) Chap. 14, art. 26, sect. i 3 .
)
B a
�«
nulle
( 12 )
, soit q u ’on la déguise sou s la J b r m e d ’un
« co n tra t o n é r e u x , soit q u ’on la fasse.sous le nom de« personnes interposées. »
A in s i la loi ne com pose pas; elle ne se prête pas aux
arguties q u ’on peut tirer d’une précaution plus adroite.
E lle a n n ulle.
D u m o u lin n’avoit pas dit autrement sur les ventes et
quittances d’ un p ère à son fils ou à son gendre. C o n clusurn est qu od ven ditio fa c ta j i l i o , v el g en ero , n o n
y etiarnsi n o ta riu s d ic a t p retiu m num eratum .
f u i s s e cora m se. ( P a r is , 1 2 4 , n°. 1 2 . )
D isons donc aussi que B enoît M a r c o u x , f i l s et lé g i
timante, étant incapable de recevoir au delà de sa lé g i
v a le t
tim e au préjudice du donataire déjà s a is i, n’a à son
profit q u ’ un acte N U L et sujet à rapport.
M a rcoux p ère ne p ou vo it pas lui délaisser des biensfonds en 1 7 9 2 ; il n ’en avoit pas g re v é le donataire; e t ,
p o u r payer, il faut être p ro p riéta ire de la chose donnée
en payement (1). O r , le père ne l ’étoit plus après sa
donation de 1779.
B enoît M a rc o u x se p réva u t du consentement du do
nataire; mais ¿[lie ceux qui pourroient penser qu ’ un tel
consentement est obligatoire, lisent ce que dit R icard (2)
sur cette matière , et ils ne douteront plus. U n p ère
qui sollicite le consentement de son h é r it ie r , est tou
jours un père : h n p e r io sissim u n i rogandi g e n u s , eu tu ,
q u i itnperare p o te s t, rogat (3).
•
(1) Ccd. N a p . , art.
(2) P. i re. , ch.
1238.
?
.
.
3 , sect. 17, n°. 776»
(3 ) Plia, in Traj»
.ii r .
,
;
�( i3 )
D ’ailleurs,' Jean-Baptiste M a r c o u x , donataire, n ’étoit
encore saisi de rien : sa donation de biens présens et
ve n ir étoit en suspens jusqu’.au décès du donateur ; d ’après
l ’article 17 de l’ordonnance de 1 7 3 1 , elle étoit caduque^
en cas de prédécès ; ainsi les enfans seuls ont été dona
taires/«re sua : ils ont été saisis directem ent, et l ’option
n’a pu être faite que par eu x au jo u r du d écès. ] D c l
A in s i toutes les dispositions intermédiaires d u dona-.
taire p rédécédé sont résolues. Son consentem ent n’a p u
rien ôter au droit de ses enfans; ils ont opté p ou r les
biens p ré se n s, et par conséquent c’est lors dp décès.
seulement q u ’ils ont eu le droit de faire rapporter tout,
ce q u i ma'nquoit du x biens existans e n '1779.
,,,/ ? : 0
Ces principes étoient élémentaires jusqu’à nos jo u rs,
et c’est en 1808 q u ’ ils ont reçu une p rem ière atteinte:
mais quelque respectable que soit l’opinion qui les con
teste, la C o u r examinera si elle.doit laisser lesjidées plus
long-tem ps incertaines sur ce point de d r o i t , et quelle
influence doivent avpir,l’autorité de R icard et de C h abrol,
la lettre de la loi ( au jo u r du décès ) , et une lon gue
habitude de ne jamais pfcnser autrement.
>
• Si Benoît M arçou& pe, rapportait pas le dom aine q u ’ il
a ôté à la donation de 1 7 7 9 , il
devroit a u :jmoins la
plus-value : et c’est ce q u ’enseigne Duplessis ( 1 ) , p o u r
le cas m êm e où il n ’y a pas^d’incapacité de celui qu i
reçoit. Q uan d des experts auront estimé ce :dom aine(et
la m a iso n , la 1C o u r r a u ça q u i |ujLr^u;,ajimpcçsé; sui} la
valeur.
• , : :-p - '• • ••
r J, r ; -0{.
..
■•
,-r
'
(1) Des successions ,rliy. i cr. , ch. a. (,
, <.t h
r— ■■ . ,
)j(
�CM )
B enoît M a rc o u x prétend q u e cette demande en rapport
e s t 'n o u v e lle , et doit être ren voyée devant les premiers
jfigés p o u r subir les deux degrés''de juridiction.
" M ais sous tous les points de vu e cette prétention est
mal conçu e, et un autre procès seroit chose frustratoire.
n ' i ° . G’èât Berïoît‘)'M a rc o u x qui demande lu i-m êm e *
12000 fr. de réserve : s’ il l’a'dans les m ains, il ne peut
pas la5 demander.
D o n c les conclusions en rapport ne
sont q u ’une fin de n o n -re c e v o ir.
'
2°. Ses frèresr se joignent à lui p o u r demander ces
12000 fi-ancs : si l ’ ün des demandeurs en est nanti, c’est
à lui seul qü ’ il faut s’en prendre , ou bien le défendeur
est bien fondé à conclure contre lui à ce qu ’il rapporte
l ’objet de la dem ande, puisqu’il est dans ses mains. C ’est
donc encore là une exception légale qui est inséparable
de l ’action. • :
1 i •j -
i
< J3°. E n un m ot,' il àeroit ridicule de dire à celui q u ’on
assigne : P ayez-m o i aujou rd’hui avec Votre argent, et vous
m ’assignèrez demain p o u r obtenir!de m oi la restitution
de ce que vous aurez payé.
4°. L a v e u v e M a rc o u x a toujours demandé le rapport
parl;cliâôuri de ce q u ’il-?avoit reçu à titre de légitim e :
¿¿s^ébhclusionsf6ht été m êm e adoptées. M a r c o u x , p r ê t r e ,s’én eshpìaiht'^ p ou r ne pas rappot-ter le domaine. D o n c
les conclusions actuelles en rapport et désistement ne
sôrit pas' nôiïVellesi
«J't ;«t / , t *i
u, )
.?»•
Cë : q iiî)<ést:'clhii'f,'dans celte cause ;>c’eàt que M a rc o u x
p ère a retranché de sa donation de 1 7 7 9 , un dom aine
tirurnison a “payé" la-légitime-),- et -environ 20000 fr.
en capitaux. Le m om ent ’q u ’il ipcliofei^pouiv diifiinuer
�ainsi la donation , a été lorsque'des m oulins êt'dclüse«
à saumons furent détruits par une in o n d ation , avec/une
. *
;
7
i
pertfc de^plus de 60000, fraijcs.j nu O 1:f ¿b L?iu-»;r- i:J
Si le sieur M a rc o u x père a pu prendre sur ses<;biens
des capitaux aussi considérables, ce n’a pu être que sur
les biens. , lib r e s ,' c’est-à-dire:/sur
la réserve..
.. JjL k
'
.L ' \ k—
*.
» V o ilà l’im putation de droit.
Remarquons; encore q u c jM a r c o u x fils a payé 14000 fr.
sur les légitim es, avant l’ouverture de la succession. L e
p ère lui en doit l’intérêt par c o n v e n tio n , et il n’a pu
y obliger que ses biens l ib r e s , c’est-à-dire, encore sa
réserve. V o ilà une autre im putation de droit.
T elles sont les observations auxquelles les mineurs
M a r c o u x se bornent. Ils ne donnent aucuns dévelo pp emens à la question de cum ulation de la ré s e r v e , et p o u r
le soutien de l’arrêt de la C o u r de L y o n ; un précis aussi
rapide ne peut pas en com porter l’é te n d u e , et l ’arrêt
au reste plaide assez puissamment p o u r lui-m êm e.
L es mineurs M a rc o u x se sont plaints de la réserve
d’ un s u p p lé m e n t , dont le jugem ent de M ontbrison a
donné acte. Ce supplém ent ne peut être dem an d é, lorsq u ’après le décès il dépend des légitimaires de v o u lo ir
un partage ou une légitim e. L ’option des adversaires
est p ositive, et ne doit plus laisser de matière à procès.
Ils plaident s u r la su ccession . Q u ’ ils accum ulent au
jourd’hui toutes leurs prétentions, mais qu ’ ils ne prennent
pas texte dans un procès ju g é , p ou r un procès à naître:
cela n’est ni l é g a l , ni légitime. L e procès de la su c cess 1011 ■
M a r c a u x ;doitA,ê tvc ju g é c]cnnii(iruj L e tei^iple ;de
Janus ne çloitx pas: être o u y q r t 'f p ^ .^ .r n ê m e arrêt qu i
�( 16 )
doit le fermer ; et sî les oncles M arcoux trouvent du
plais ir à se menager un appendice de procès, il est de
la dignité de la Cour de leur ôter-'cette maligne jouissance.
Me. D E L A P C H I E R , ancien avocat. '
Me. M A R I E , licencié avoué.
A RIO M , de l'imprimerie de T hibaud Landriot , imprimeur
de la Cour d appel.. — 20 Mars 1809.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. La veuve et les enfants mineurs de Jean-Baptiste Marcoux. 1809]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
successions
prêtres non émancipés
donations
prêtres
doctrine
Description
An account of the resource
Précis en réponse pour la veuve et les enfants mineurs de Jean-Baptiste Marcoux, appelans ; contre Benoit Marcoux aîné, Benoit Marcoux jeune, et Noel Marcoux, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1809
1779-1809
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0324
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
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Saint-Etienne (42218)
Parade (domaine de)
Rights
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Domaine public
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doctrine
donations
prêtres
prêtres non émancipés
Successions
-
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ba4b734a4b8c97b8e87724050ed5c875
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Text
MÉMOIRE
Pour le sieur M A B I T ,
défendeur et appelant;
C0UR
d
’ A
p p e l
Contre le sieur R O D D E de Vernière 9 demandeur;
R I O M.
E t Contre le sieur P E R R E T \ et la dame P R I N C E
son épouse, intim és .
II—
L
en
e
Sectlon*
B—
sieur M a b i t , en faisant infirmer au parl em en t de P a r i s ,
1781 , la plus mauvaise des sentences que la sénéchaussée
de C l e r m o n t ait jamais p u r e n d r e , c r o ya it a vo ir t r i o m p h é
de toutes les difficultés que le sieur de V e r n i è r e po uv a it lui
susciter.
Mais le vaincu v e u t e nc ore dicter les co nditions :
e t le sieur M a b i t pour joui r de sa v i c t o i r e , est o b l i g é de
lu tt e r encor e c o nt r e dix ou o n z e p ro cè s no u v e a u x q u ’il plaît
au sieur de V e r n i è r e de lui susciter.
A
�U )
A v a n t ce tt e entra ve in a tt en d u e , le sieur M a b i t avait prii
des en gage ments a v e c le sieur P r i n c e ; et le retard q u ’il a
é t é forcé
de m e tt re à leur e x é c u t i o n
a fait naître e nc ore
des contestations e n t r 'e u x . T o u t cela s’est m ê l é , discuté et
emb ro uillé
au p a r le m e n t ;
les parties en sont aujourdJhui
plus loin que jamai s, de ce qui les divisait d ’abo rd; de telle
s o r t e , q u ’à ne prendre que le résultat de ce qui s'est passé,
on peut dire à la lettre que jamais h o m m e ne fut plus mal
he u re u x que le sieur M a b i t d ’avoir g a g n é un bon procès.
C e p e n d a n t il faut sortir enfin de ce dédale et mettre un
terme aux prétentions toujours croissantes
des
adverfaires :
ils o n t eu le loisir de les méditer et accu m ule r depuis 17.90.
M a i s leur no mb re ne do it
pas effrayer la
C o u r ; tou te la
cause réside à l ’égard du sieur de V e r n i è r e , dans un acte de
1 6 6 7 , et dans l 'e x a m e n d ’un rapport fait en e x éc u t i o n de
l ’arrêt de 1 7 8 t . Q u a n t au sieur P e r r e t , il y a instance pen
dante sur la lésion de l ’acte qui lui do nne une act ion : mais
puisq u’il est
partie i n t e r v e n a n t e , il n’en faudra
dire un m o t de ses ré c l a m a ti o n s , devenues
pas moins
inséparables du
p r o c è s ; c e sera d’ailleurs un ensemble à présenter à la C o u r
po u r ne pas y revenir.
F A I T S , .
En
i£tfo,
un sieur Jean L a r i b e ,
bailliage de V i e
lieutenant criminel au
en C a r l a d è s , fie un testament par
le q u el
il institua J ea n n e D e c o m b l a t sa v e u v e , heritière fiduciaire:
il lég ua 2,000 liv. à ch a c u n de ses d eu x fils J ean et C h a r l e s ,
et 3,000 liv. à sa fille.
11 laissait entr’autres propriétés, trois domaines appelés
�( 3 ]
L a r i b e , le T e i l , et Besse ( ou Baratou ) ; mais il avait des
d e t t e s , et le principal créan ci er était le sieur de C a l d a g u é s ;
outre ses créances personnelles il e n acquit pour 8,822 l i v . ,
et alors il se tr o uv a créancier de 2-2,212 l i v . ; alors il p r o
posa à la v e u v e L a r i b e , de lui cé de r à antichrèse les fiefs
de L ar ib e et du T e i l , imaginant qu ’elle ne serait jamais e n
état de les racheter.
E n co ns é q u e nc e j l'ac te suivant fut passé entre les parties,
le
f
avril
1667;
il
c la u s e s , parce quelles
est essentiel
d’en
rappeler toutes
les
donnent lieu aux difficultés actuelles»
« L a dem oiselle D ecom blat tant en qualité d’héritière bénéficiaire de
» son m ari, que comme tutrice de ses enfans, confesse devoir au sieur
» de Caldagués la somme de 2 2 ,2 12 liv . ( pour les causes y détail:> lées ).
» Plus 1,600 liv . pour le titre clérical du sieur Laribe p rê tre , à la » quelle les héritages affectés pour raison d’icelui ont été estimés par
» e x p erts, et lequel titre clérical ledit sieur de Caldagués a pris sur soi
» en l ’assignant sur d’autres fonds à lui appartenant; et i 3o liv . d’autre,
» pour deux fondations faites aux prêtres de Polm inh ac; dont aussi ledit
» sieur Caldagués
s’est ch arg é , revenant lesdites
sommes en bloc à
» .¿3,942 liv.
» Pour le paiem ent de laquelle ladite dem oiselle D ecom b lat, a b aillé
» et délaissé audit sieur C aldagués, pour jouir par form e et m anière d’hy» pothèque tant et si longuem ent qu’elle sera en demeure de payer ladite
» somme p rin cip ale: savoir les héritages suivants, sis et situés aux v il» lages de L aribe et du T e il qui consistent, etc.
» Lesquels héritages ont été estimés
26 , 3oo l i v . , par François C am -
» befort et A n toin e Senezergués exp erts, suivant leur rapport de m ain
» privée du 17 m ars, et parce que l ’estimation desdits héritages excède
» la
somme de
22,942 liv.
due audit sieur de C aldagués, pour les
» causes ci-dessus; de la somme de 2 , 35 y l i v ., laquelle somme ledit
» lieu r Caldagués à promis et s’est obligé payer à Jeanne de L a r ib e ,
A 2
�’(
)
4
» femme à Jean Cam bon, pour ses droits légitim aircsj et autres à elle
y dû s, en fonds au regard d’exp erts, là. où ledit sieur Caldagués trouvera
» à propos de lui
en assign er, en faisant laquelle assignation, ladite
» Laribe présente et acceptante, autorisée dudit Cambon ci présent, elle
» sera tenue de subroger ledit sieur Caldagués et s’obliger en toute action
» de ses droits jusqu’à concurrence de ladite somme de 2,357 l i v . , à ce
» m oyen ledit sieur Caldagués jouira de tous les susdits h éritages, suivant
» l ’estimation desdits exp erts, les fruits desquels héritages pendant ladite
» jouissance, demeureront par ce m oyen compensés avec lesdits intérêts
» desdites som m es, comme ayant été estimés que la valeur d’iceux ne
» pouvait excéder le légitim e intérêt; avec p a c te , que tandis que ladite
» D ecom blat souffrira ladite jouissance, ledit sieur Caldagués ne pourra
>> la contraindre au paiem ent du p rin cip a l, car sans ce p acte, elle n ’eut
» consenti aux p résen tes.............a été convenu entre lesdites p arties, que
» si ledit sieur Caldagués trouve être pour son m ieux de stipuler vente
» pure et perpétuelle desdits h éritages, ou qu’il trouve acquéreur duquel
» il puisse retirer paiem ent de sa d ette, qu’il veuille stipuler ladite vente
» en l ’an et en l ’autre desdits c a s , ladite dem oiselle D ecom blat sera
» tenue de faire et consentir ladite vente en paiem ent dedites som m es,
» sous la réservation de tous droits d’hypothèque.
» S’est réservé ledit sieur C aldagués, le contenu en deux promesses
» consenties par ledit feu sieur de L aribe p ère, l ’une au pied de l ’autre,
» en faveur dudit feu sieur Caldagués père, des 6 octobre 1642 et 10 juin
» i 65 i , et de pouvoir reprendre la poursuite desdits criées qu’il avait faites
» audit Clerm ont sur les biens dudit sieur de L a rib e , en cas qu’il vie n » drait à être troublé en la jouissance desdits héritages: et d’autant que
» dans lesdits héritages ci-dessus baillés et délaissés audit sieur Caldagués
» se trouvent compris les héritages qui sont assignés audit sieur de L aribe
» prêtre , pour son titre p resb ytéral, ledit sieur de Caldagués lui a baillé
» et délaissé par forme d’éch an g e , pour tenir lieu du même titre presby» té r a l, un pré appelé de Bedissol par lui acquis de Jean D elcam p et
» Isabelle Cam pinhol m ariés, sis et appartenances du village de Besse,
» contenant environ six œuvres.
* Et parce que ledit pré est de plus grande v a leu r, ledit sieur de
�( ? )
» Laribe p rêtre, pour tout supplém ent, a promis et s ’est obligé de payer
» audit sieur Caldagués la somme de 600 liv . dans six a n s, et cependant
s> le revenu annu ellem ent, à raison d’un sol pour liv re à chacun joui
» et fête de Saint M ic h e l, et de plus ledit sieur Caldagués demeure quitte
» envers ledit sieur L aribe p rê tre , de la somme de 400 l i v . , procédant
» de ladite cession par lui faite cfjo u rd ’hui de pareille somme à prendre
» sur ladite
dem oiselle D ecom b lat, pour les causes d’ic e lle : et encore
» ledit sieur de Laribe prêtre, a promis d’acquitter ledit sieur Caldagués
» envers ladite communauté et prêtres de Polm inhac de ladite somme de
» i 3o l i v . , pour lesdites fondations de laquelle il s ’est ch argé, et d’en
» payer le revenu a ladite com m unauté, à laquelle promet faire a g r é e r ,
» et icelle demeure affecté et hypothéqué par exprès ledit pré de Bedissol:
» et partant lesdits héritages baillés audit sieur de Caldagués déchargés
» de ladite somme de 1 3o liv.
>> Ladite dem oiselle de Com blât pour plus grande assurance dudit sieur
» de Caldagués, tant de ladite jouissance qu’autres pactes et conventions
» ci-dessus, a consenti et consent que tous ses autres b ien s, dépendant
» des hérédités desdits feu
sieurs de L aribe lui dem eurent affectés •
» comme aussi les bestiaux qui sont à présent au domaine de B esse'
» consistant en dix vaches pleines ou g a rn ie s, et une paire de tauraux *
» pour être lesdits bestiaux provenus desdits chetels mentionnés aux» dites obligations. »
P o u r paye r Jeann e L a r i b e f e mm e C a m b o n , de la somme
de 2 , 5 J7 liv. promise par l ’acte ci-dessus, le sieur de C a l - ’
dagués lui délaissa le 11
mai 1670 par for me d ’h y p o t h è q u e
huit h é r i t a g e s , pour par elle en jouir jusqu’à l ’entier pai em e nt
de ladite somme.
B i e n t ô t un sieur P a g é s - D e s u t t e s , fermier et créan ci er d e
c e n s , fit des poursuites et m ê m e une saisie réelle contre la
v e u v e L aribe. L e
sieur C al d ag u és en prit occasion de re
prendre la sienne en
1672 pour avoir la p r é f é r e n c e , et un
sieur de Boissieux, cr éa nc ie r d ’environ 40 0 liv,., fit une
sième saisie réelle en 1678,
tr01'
�< o
C e s pr o c é du re s n’o nt pas e m p ê c h é le sieur de C a l d a g u é s , de
rester en possession de to ut le d om ain e de L a r i b e et du T e i l .
Il a m êm e j u g é à propos de s’emparer depuis du domaine de
Besse d ont il jouic e n c o r e , ou q u ’il a r é ce m m e n t vendu.
En
1 7 7 4 le sîeur M a b i t , créan ci er du sieur Jean-Joseph
de L a g a r d e de 12,000 liv. descendant et héritier des L a r i b e ,
n’ eut de ressource pour être payé , que d’ac cepter ce
que
son dé biteur était en état de lui vendre.
En
ledit sieur de L a g a r d e , par acte du 9 aoû t
1 7 7 4 , vend it au
sieur M a b i t
consé qu en ce
pour lui ou son mieux a é i i r e , ave c promesse
de garantir le fi ef et domaines de Lari be
et du
T e i l , et
autres héritages à lui appartenants, c o m m e représentant Jean
L a r i b e et Jeann e de C o m b l â t , tels q u ’ils furent délaissés à
titre
d ’h y p o t h è q u e à Jean de C a ld ag ué s par le con tra t du
y avril
\66~i.
L a d i t e v e n te
fut
faite quitte
de
toutes dettes
th èq u e s, à l’e x c e p t i o n des obits et f o n d a t i o n s ,
et hyp o
moyennant
18,000 livres.
E t e n c o r e à la ch a r g e par ledit a c q u é r e u r , de payer aux
héritie rs
Caldagués
en
principal
et
acce ss oir e,
toutes les
somm es qui leur seront dues en vertu dudit a cte d ’hypothèque
du $ a v ril
1 C6~j, après avoir préalablement
déduit et p r é
c o m p t é le m o nt a nt des jouissances des objets vendus.
A p r è s c e tt e acq uis iti on , le sieur M a b i t
demande
en
désistement
formée par
se subrogea à la
son v e nd e ur
c o n tr e
la dame de Ca ld a g ué s et le sieur de V e r n i è r e son m a r i , qui
prétendirent
faire résulter
de
l’intention
des parties, que
l a c t é de 1 6 6 7 e t ait une ve nte pu re et simple. C e système fut
�( 7 )
adopté par la sénéchaussé de C l e r m o n t q u i , par sentence du
3 septembre 1 7 7 7 , débouta le sieur M a b i t de sa demande.
M a is sur l’a pp e l, le parlement rendit h o m m a g e aux prin
c ip e s , et cond amn a le sieur de V e r n i è r e à se désister, sans
néanmoins d ’autres
restitutions de jo u i s s a n c e s , qu e celles
échues depuis la dem an de; les dispositions de c e t arrêt sont
en c or e essentielles à répéter textu el le me nt .
« Notredites Cour.... ém endant.... condamne M arie-hypolite Caldagués,
»
femme autorisée par justice de M athieu R o d e, à se désister au profit
»
de M a b it, des héritages baillés et délaissés par ledit acte à Jean de
» C aldagués, pour jouir par forme et m anière d’hypoth èque, tant et si
»
longuem ent, que Jeanne D ecom blat veu ve L a rib e , serait en demeure
» de payer les sommes principales par elle dues audit C aldagués, en
» payant par ledit M ab it, à ladite femme Rode ou à son m ari, le m ontant
» des créances dudit Jean C aldagués, liquidées par ledit acte du
5 a vril
» 1 6 6 7 , sauf h. ladite femme R o d e, à faire valoir les droits qui peuvent
»
résulter en sa faveur pour indem nités, tant des héritages donnés par
» ledit Caldagués à Jean de Laribe en échange de son titre c lé r ic a l, et
»
en l ’acquit des fondations, qui étaient assignées sur les héritages dé-
»
laissés par ladite veuve L arib e; que du paiem ent des droits légitim aires
»
de Jeanne de Laribe femme C am b on ; et encore pour paiem ent fait
»
par Jean François Caldagués, de cens et rentes, pour années antérieures,
» à l ’époque du 5 avril 1667 et des lods et ven tes, pour raison dudit.
»
acte de délaissem ent, en exécution de la sentence des requêtes du
»
palais du 27 juin 1678; défenses desdits M abit et de Lagarde réservces
»
au contraire : com m e aussi condamne ladite M arie Seneze veuve A n n e t
y> C aldagués, K se désister au profit dudit M a b it, de la jouissance des»
dits héritages énoncés audit acte de 16G7, et à lui rendre et restituer
» les fruits d'iceux à compter du 2 o juillet 177/1 >j our
demande, jus-
»
qu’au jour du désistem ent, suivant l ’estimation qui en sera faite par
»
exp erts, qui seront con ven us, ou nommés d’office devant le lieutenant
» général de la sénéchaussée de V ie en C arlad és, que notredite Cour a
» commis à cet effet; que le montant desdits fruits et ie\eaus sera com«
�( 8 )
» pensd jusqu'à due concurrence, avec les intérêt« des créances de ladite
» femme R y d e , échus depuis ledit jour 2 juillet 1 7 7 4 ; et qul
échéron^
» jusqu’au jour du p aiem en t, à faire par ledit M abit audit Rode et sa
» fem m e, en vertu du présent arrêt; condamne ladite veuve Caldagués a
» payer audit M abit l ’excédent, si aucuns y a desdits fruits et reven u s,
» après ladite com pensation, ensem ble les intérêts dudit excédant année
» par année: condamne ladite femme Rode et ladite veuve Caldagués ,
» tant envers ledit M abit qu’envers ledit de L agard e, chacun à leur égard
» aux deux tiers de tous les dépens, tant de cause principale que d’appel,
» interventions et dem andes, sommations et dénonciations, l ’autre tiers
s» desdits dépens compensé.
C o m m e le sieur M a b i t n’ avait acquis que pour recouvrer
une c r é a n c e , il ne fut pas plutôt devenu pr op ri ét air e, q u Jil
revendit au sieur P r i n c e , le 20 mai 1 7 8 2 ; par cet acte il fie
é le cti on de m i e u x , en sa f a v e u r , à la charge par ledit sieur
P r i n c e , de lui rembourser les sommes par lui a v a n c é e s ; et
de se c h a rg er du
surplus du prix de l’ac quisition, c o n f o r
m é m e n t à l ’a c t e de 1 7 7 4 et à l ’arrêt de 1 7 8 1 .
Il eût été heureux
ce tt e
pour le sieur
M ab it de
s en tenir a
première c o n v e n t i o n , puisqu elle lui évitait tout e m
barras à venir. Mais le sieur Prince plus p r é v o y a n t , l’en gagea
à prendre sur son c om pte le soin d’ex éc u te r l’arrêt et à régler
e nt r’e u x , le m o n ta n t de ce que devrait le sieur Prince pour
son acquisition. C e nouvel e n g ag e m e n t donna lieu a un acte
du 22 septembre 178 j , dont voici les dispositions.
« E n exécution de l ’élection faite par le sieur M abit en faveur du sieur
v P rin ce , par acte du 2o mai 17 8 2 , ils ont réglé et liquidé toutes les
» sommes avancées par M a b it, et celles qu’il s’était obligé de payer »
5 avril 16 6 7, p a r la vente
25 mai 1 7 8 1 , frais et faux-frais, à
» portées tan t, par le contrat d’hypothèque du
» du 9 août 1774» que par l ’arrêt du
» 1% somme de
35 , 5 oo l i y . , en ce non compris i,2 o o liv . pour le droit
de
�f
9 )
» de lods ( payé par le sieur M abit ); qui est à la charge du sieur Prince-'
» et dans le cas que contre toute apparence, il fût jugé être dû deux
» droits de lods, ledit M abit sera tenu de payer le second sans répétition,
se réservant, etc.
» Lesquelles sommes de
1
35 , 5 oo liv . d’une p art, et i,2 o o liv . d’a u tre,
» le sieur Prince s’oblige de payer audit M abit; savoir 14,000 liv. le 16
» octobre prochain, et 4,000 liv. chaque année ensuite, fora le dernier
'» terme a échoir le 16 octobre 178 8 , qui sera de 6,700 liv. avec P in » térêt qui diminuera à proportion des paiemens.
» A u m oyen desquels, et de la jouissance des domaines de Laribe et
» d u T e i l, qui appartiendra audit sieur M abit pendant les
5 premières
» années, qui comm enceront et prendront leur cours, à la Notre-Dame
» de mars prochaine; ledit sieur M abit s’oblige de délaisser à l ’expiration
» de ladite jouissance, audit sieur Prince le ch etel, outils d’agriculture
» et vaisselle de m ontagne, dont lesdits domaines se trouveront garn is,
» jusqu’à concurrence de la somme de 2,400 l iv ., dont 2,3oo liv . en
» bestiaux, et 100 liv. en outils et vaisselle, et en o u tre , de délaisser
» audit sieur P rin ce, les fo in s, p ailles, fum ier, et grains dont lesdits
» domaines se trouveront garnis, et ensem pncés; en conséquence ledit
y sieur M abit, aura la liberté pendant lesdites cinq années de prend.e
» du bois, à moins dom m age, pour le chauffage, clôture des possessions,
» et outils d’agriculture; à condition que ledit sieur M ab it, paiera foutes
» les charges, pendant lesdites cinq années, et qu’il fera entretenir les
» bâtim ens, des réparations menues et locatives, et qu’il usera du tout
» en bon père de fam ille : avec la liberté de faire exploiter lesdits do» m aines, par ferm ier, m etayer, ou domestiques; et ledit sieur Prince
» aura néanmoins la liberté de faire couper et prendre tels arbres qu’il
» jugera à propos ; immédiatement après l ’arrangement ou décision , des
» contestations a term in er, entre ledit sieur M a b it, la dame de Calda» g u és, les sieurs et dame de V ernières, ainsi et de même qu’il le pourra
» après lesdites cinq années: à l ’expiration desquelles ledit sieur M abit
y promet de remettre audit sieur Prince , lesdits contrats d’hypothéquo ,
» v e n te , arrêt et autres, qu’il pourra avoir en son p ou voir, concernant
» lesdits domaines.
B
�( <0 )
» D em eurant'expliqué que les ténem ent et m ontagne appelé de Bara»- to u , de la contenue de
53. septérées seulem ent, no fait pas partie des-
>> dits domaines ven d u s, quoique possédé par le ferm ier actuel.
» Expliqué
au ssi, que ladite vente est fa ite , avec promesse de la
» part dudit sieur M a b it, de faire jouir ledit sieur P rin c e , de l ’effet
» d’ic e lle , après lesdites-cinq a n n ées, et de le garantir et évictionner
» de tous troubles, et de le faire tenir quitte de toutes dettes, et arrérages
»• de cens du p assé, et jusqu’à l ’expiration desdites cinq années; même
» du droit de francfïef, s ’il en est dù au prorata desdites cinq années.
Il est aisé de voir., par cette c o n v e n t i o n , que le sieur M ab it
s attendait à n’avoir aucune difficulté
e t dame de V e r n i è r e :
sérieuse ave c les sieur
en e ff e t, il ne s’agissait que d’estimer
les jouissances faites depuis 1 7 7 4 . , et de les déduire sur les
3 .6 ,100 liv. ; d’après c e l a , et en supposant une ou deux années
em plo yé es à cette terminaison de p r o c è s , le sieur Ma b it pouvait
raisonnablement com pte r de jouir l u i - m ê m e
pendant 3 ans
desdits d o m a in e s , avant de les remettre au sieur Prince.
M a i s , c e n’était là qu’ un beau rêve., et le sieur de V e r n i è r e
préparait au sieur M a b i t une série de difficultés 3 qu’il avait
été loin de prévoir.
C e pe nd a nt des négociations furent entamées : le sieur L e g a y
p è r e , e x pe rt -g é o m è tr e , avait déjà fait des propositions au nom
d e la maison de V e r n i è r e ; le sieur Mabit se rendit à C l e r m o n t
ave c des fonds suffisans pour terminer. M . R e b o u l rédigea un
projet de traité qui fut ré v i sé ,
par M . res T o u t t é e p è r e , et
D a r t i s , il ne resrait que la somme à fixer : mais le sieur de
»Vernière la vo u lu t plus considérable que l’arrêt ne lui en d o n
nait le d r o it ; et le sieur Mabit fut forcé de re no nc er a un projet
de m é d i a t i o n , par lequ el il avait pr o u vé qu’il savait faire des
sacrifices.
�( I l ')
E n partant de C l e r m o n t ,
11 laissa
ses fonds en dép ôt., chez
le sieur d’A u b u s s o n , né g o cia nt ( i ) ; en faisant savoir aux per
sonnes qui avaient bien voulu s oc cu p er de c e tt e médiation y
que ces fonds seraient destinés a faire face a la dette du sieur
M a b i t , aussitôt que le sieur de V e rn i è re voudrait se borner à
des conditions que le sieur M a b i t pût adopter.
Après la rupture de cet a r r a n g e m e n t , les experts furent
no mmés par procès-verbal du bailliage de V i e , du 12 avril
1787.
Lo rs de h prestation de serment des e x p e r ts , les sieur et
dame de V e r n i è r e ann oncèrent une foule de demandes , résul
tantes des réserves qu’ils avaient fait insérer dans l’arrêt de
1781 : mais les experts ne se crurent pas autorisés à outre
passer les dispositions de c e t arrêt.
C e s experts ( R e d o u l y et T h o u r y ) , ne furent pas d’accord.
Redouly
estima les jouissances de chaque année a 1,800
liv. déduction faite des cas fortuits, des lab ou rs, s e m e n c e s ,
et réparations locat ive s; sauf néanmoins a déduire les i m p o
sitions royales et
autres charges
d é duc ti ble s, qu il n a v a i t
pu c a l c u l e r , parce que le sieur de V e rn iè re n’avait pas ju g é
à propos de remettre les extraits ni aucuns t i t r e s , quo ique
l ’expertise fut poursuivie à sa diligence.
T h o u r y estima les mêmes jouissances po ur chaque année
(1)
Ce dépôt est constaté par des pièces du procès, sous la date de
17 9 0 , et il l ’est encore plus par la consignation que le sieur Daubusson
fit de i5 ,5 o o liv. en assignats; consignation déclarée nulle par arrêt de
la Cour d’appel du 26 prairial an i 3 .
L e sieur Perret a touché cette som m e, et les intérêts (
23 ,000 liv . )
B 2
�(
h }6 ï o
12
)
l i v . , sy a n t fait les mêmes d é d u c t i o n s, sau f celles des
charges pour le m êm e motif.
..
Ils se ré unissent, a décla rer quMIs
n’o nt estimé aucuns
bestiaux ni c r o i t , parce q u ’ils n’en est pas men tion né dans
l ’antichrèse.
C e rapport est affirmé le 2 septembre
A cette épo qu e le sieur M a b i t
Vernière
178 7.
était absent, le sieur de
ne perdit pas un m o m e n t
pour obtenir un tiers
ex pe rt de son choix.
L e 1 2 du m ê m e m o i s , le sieur L e g a y fut n o m m é d’office
et le sieur M a b i t alarmé au-dela de toute expression, d ’avoir
po ur e x p e r t , celui
qui le premier en proposition
d’arran
g e m e n t , avait stipulé les intérêts de la maison de V e r n i è r e ,
se hâta de faire signifier une récusation.
L e sieur de V e rn iè re en poursuivit le dé bouté avec c h a l e u r ,
le bailliage de V i e délaissa les parties au pa rl e m e n t, ou après
une
foule
d'écritures
r e s p e c t iv e s , la
L e g a y fut confirmée par arrêt du 4 mai
nomination
du sieur
17.90.
Ma is rien ne tenait tant a c œ u r au sieur M a b i t , que de
s’ opposer à l’opération de c et expert (et les faits prouveront
b ie nt ô t s’il a calculé juste ) , il se pourvut au conseil d état
con tr e l ’arrêt qui le déboutait de sa récusation.
L e conseil était en séance pour y s a tu e r, lorsque le décret
de l’assemblée constituante lui apprit sa suppression.
La Cour
de cassation a été
ensuite saisie du
pourvoi ,
mais le sieur de V e r n i è r e } plus pressé 3 n ’avait pas m ê m e at?
�(
'3
,)
tendu pour faire opérer son tiers ex pe rt qu’on pût s a v o i r , s'il en
aurait l’autorisation ( i ) .
L e sieur L e g a y affirma son rapport le
1 6 a o ût 17^0.
II n’avait d'autre opération à faire qu’à c h e rc h e r un m o y e n
ter m e , qui fut de justice entre i ,800 liv. et 2, 6 <;o liv. s a u f la
déduction des charges foncières : le sieur de V e r n i è r e ne man
qua pas de lui f o u rn ir , à cet e f f e t , tous les titres nécessaires;
son e xp e rt de confiance ne pouvait pas être g ê n é en c e tt e
partie par l ’opinion de ses c oll èg ues à qui il avait affecté de
ne pas les confier (2).
P o u r ne pas anticiper sur les réflexions que fait naître en
fo ule le r apport du sieur L e g a y , il suffit de dire qu’il n’adopte
ni 2 , 5 5 0 liv. ni 1,800 liv. mais q u’en ex ce pt a nt de son estima-
(1) Pour ne pas revenir ensuite sur ce qui a été jugé au sujet de cette
récusation , il suffit de dire que la cour de cassation n ’a prononcé que le 3
pluviôse an 1 0 , et a rejeté le pourvoi.
L e sieur M abit ne craint pas d’avouer qu’il a fait tout ce qui était en lu i
pour n ’avoir pas un expert qu’il avait des motifs de suspecter. Il a eu la sa
tisfaction d’apprendre en 17 9 0 , par M M . les Conseillers d’état, après leur
suppression, que s’ils eussent ju g é, l ’arrêt aurait été cassé.
L e sieur de V ernière a fait sentir à cette occasion au sieur M abit qu’une
occasion de petite vengeance n ’était pas toujours à n ég lig e r; il a fait exécu
ter chez, le sieur M a b it, et vendre des lits , pendules et pincettes, pour Ie9
frais de cassation. Cependant le sieur M a b it, créancier des frais de C le rm ont et du parlem ent, n ’a pas usé de reprébailles ; on l ’a exécuté, quand
il devait croire a une compensation.
(2) C eci n ’est pas un fait simplement présumé; les extraits des cotes
sont
parmi les pièces de M . de V ern ière. sous la date du i 3 juillet 1787 ; et le
rapport des premiers experts n ’est affirmé que le 2 septembre
suivant.
�C »4 )
tion treize héritages sur vi ng t- hui t; en déduisant des charges
éteintes par l’a n t i c h r è s e , en doublant l ' i m p ô t , etc. il est par
venu à n’évaluer les joui ssa n ces , année c o m m u n e , qu’à .938 1,
6 sous 3 deniers.
P en dan t que les intérêts du sieur Mabi t étaient ainsi tr a it é s ,
les cinq ans de suspension qu’ il avait stipulés pour la mise e a
possession du sieur Prin ce s’étaient écoulés.
A l ’époque
fixe
du
mars
17851, le sieur Prin ce était
allé se présenter clans les do m a in e s, pour en prendre posses
sion et en faire constater l'état.
Su r le refus qu’il éprouva , il avait fait assigner le sieur
M a b i t le 14 juillet 1785?, devant le bailliage d ’Aurillac.
i.°
Pou r lui remettre des bestiaux et outils jusqu’à c o n
currence de 2,4.00 liv.;
2.0 P o u r lui c o m pt e r les jouissances depuis le 25- mars pré
cé de nt ;
3.0 P o u r le décharger de toutes hy po thè que s de la dame
de V e r n i è r e ;
4 . 0 P o u r faire désister ladite dame de V e r n i è r e des d o
maines à lu i vendus , aux offres par lui
de lui payer le prix
c o n v e n u , e t ce au moment ou il serait mis en possession.
S i n o n à lui rembourser les sommes par lui payées et les
l o y a u x - c o û t s de son acq u is itio n; plus 2 ^ 0 0 0 liv. de d o m mages-intérêts.
E n réponse à c e tt e d e m a n d e , le sieur M a b i t avait justifié
des diligences qu’il avait faites pour mettre le sieur Prince en
possession, et des obstacles survenus par la récusation néces«aire du sieur L e g a y .
�Néanmoins
( »s1 ) <
le sieur Prin ce obtint le y fevrier 17^0 une.
sentence par défaut adjudicative de ses conclusions.
S u r l’appel de cette sentence au par le me nt, le sieur P r i n c e
demanda l' e x é cu t io n pro visoi re, qui fit un incident appointé
à mettre et no n - ju g é .
A cette épo que e n c o r e , le sieur Prince prit occasion de sa
sentence par d é f a u t , pour faire des saisies-arrêts sur tous le s
débiteurs du sieur M a b i t , malgr é un arrêt de défense.
A u t r e procès au parlement à ce sujet: le sieur M a b i t ne
se défendait q u ’en donnant les mains à ce que le sieur Pr in ce
to uc hâ t les sommes dues par les tiers saisis, sa u f à en tenir
c o m p t e , a l ’ex cep ti on seulement de la som me de 1 5 ,5 0 0 li v.
déposée che z le sieur Daubusson., pour faire face en tant qu e
de besoin à la créan ce de la dame de V e r n i è r e .
S u r c e l a , arrêt sur productions respectives le
10 ju il le t
1 7 9 0 , qui fit ma in -l ev ée provisoire au sieur M a b i t desdits
saisies-arrêts, à la ch a rg e suivant ses offres de donner cau tio n
jusq u’a 30,000 liv. (1)
C ’est ainsi que le sieur Pr in ce harcelait le sieur M a b i t ,
pendant q u ’il avait besoin de tous ses m o y e n s , pour résister
aux efforts du sieur de V e r n i è r e , dont le but était de se main
tenir en possession.
Enfin quand le sieur de V e r n i è r e fut muni du rapport du
(1) L e sieur Prince a paralysé l ’effet de cet a rrêt, en contestant les
cautions offertes,
et lassant le sieur M abit qu’il publiait insolvable.—
D e l à sont nées des consignations, des procès et une privation pour le
sieur M abit de tous ses fonds disponibles depuis 1750.
�( I* )
sieur L e g a y , îl présenta une requête au parlement le 10 sep
tembre
17510,
par laquelle il co ncl ut
à ce que en h o m o
log uant le rapport du sieur L e g a y , le sieur Mabit fût tenu
de lui payer
i.° les 2 5, 3 00 l i v . , prix de l’antichrèse d ’après
l ’arrêt de 1 7 8 1 .
2.0
5,025
liv. pour l' e xc éd a n t de intérêts de ladite somme
sur les jouissances ;
3.0 5 , o o o liv. pour indemnité du pré Ôedissol, délaissé à
l 'a b b é L a r i b e ;
4.0 300 liv. par année pour les jouissances dudit pr é ;
10,000 liv.
pour indemnité
des héritages délaissés à
l a femme Cambon ;
5.° Les jouissances desdits héritages depuis 1 7 7 4 ;
7 . 0 721
liv. pour arrérages de c e n s , portés par sentence
'de 1578 ;
8.° 448 liv. pour les droits de Iods, payés à raison de l’antichrèse ;
p .° Les intérêts desdites deux sommes depuis
io.°
»578;
1 , 3 4 7 liv. pour les d eu x promesses r é s e r v é e s , ave c
intérêts depuis i 5 7 f .
( Nota. Ces conclusions ont été augmentés en l ’an i 3 , voyez page 2 i. )
A
peine ce tte requête fut signifiée,
agissant de c o n c er t c o m m e les dates le
senta une à son tour le
que le sieur P r i n c e ,
p r o u v e n t , en pré
du mêm e mo is, pour i n t e r v e n i r ,
c o m m e substitué au sieur M a b i t , au procès introduit par la
requête du
1 0 ; en conséquence il demanda à être mis en
possession des deux domaines en présence dudit sieur M a b i t ,
�(
>7 )
aux offres cle payer audit M a b i t , ce qu'il restait lui dev oir *
e t c e , aussi-tôt sa mise en possession: sinon et faute de c e
faire,
il
offrit
aussi de
payer
au sieur fde
Vernière
les
3 6 ,10 0 Iiv. portés par l’arrêt de 1781 et c o n c l u t , en ce c a s ,
con tr e le sieur M a b i t , à la répétition de ladite so mm e et de
Ce qu ’il lui avait déjà payé.
L e lendemain de ce tt e r e qu êt e , il en présenta une sec ond e
pour d emander l’adjudication provisoire de ses c o n c l u s i o n s }
cette demande fut appointée à mettre.
A son tour e n c o r e , le sieur de V e r n i è r e donna une nou
ve lle r e q u ê t e ,
pour
intervenir
dans la
demande du sieur
P r i n c e , c ’est-à-dire qu’il intervint dans sa propre instance.
.
A ce cahos de demandes, le sieur M a b i t ne répondait au
sieur Prince que par u n dilemme bien pressant: ou l ’acte que
je vous ai consenti en 1785 ( lui disait-il ) , est une électi on
de m i e u x , ou c ’est une vente. Dans le premier cas vous d e v e z
en me payant sans d é l a i , prendre sur votre c o m pt e toutes les
demandes du sieur de V e r n i è r e , et je n’ ai plus de procès à sou
tenir; dans le d e uxi èm e cas il y a lieu à lésion d’outre moitié.
T e l était l ’état de la p r o c é d u r e , lors de la suppression du
par lem en t: et de là jusqu’à la reprise des poursuites en l ’an
8 , il s’ est passé quelques faits intermédiaires, qu ’il suffira de
me nti on ner rapidement.
Q u a n t au sieur de V e r n i è r e demeuré en possession , il n y a
eu rien à demêler avec lui: il s’est seulement cru autorisé en
l ’an 7 à faire sur le sieur M a b i t une inscription de 60,000 liv.
L e sieur Prince assigné en 1790 pour les droits de lods de
son acte de 1783 , avait imaginé d ’assigner Je sieur M a b i t en
recours.
C
�(
*8
)
Condamné à V i e , il s’était pourvu au parlement et y avaîe
encore intimé le sieur Mabit; puis le tribunal de Figeac fut
saisi de cet appel en 17^2.
L à , le sieur M a b i t , for cé de plaider c o m m e vendeur, revint
à ce qu’ il avait demandé au parle me nt, et c o n c lu t à la réscision
de la cession par lui consentie en
1785 pour lésion d’outre
m o i t i é ; le sieur Pr in ce opposa que cette demande devait subir
d eu x degré s de j u r i d i c t i o n , et il n 'y fut pas statué.
L e 7 messidor an 7 , le sieur Prince profita d ’une circons
tance fav o ra b le , pour arriver tout d ’un coup à ce que tant de
personnes n’avaient pû obtenir; il paya les 25,300 liv. au sieur
de V e r n i è r e qui lui en donna qu it ta n ce , et l’autorisa à se me t
tre en possession des domaines de L ar ib e e t du T e i l au 2 ;
mars d e l a n S , sous réserve des bestiaux et c h e t e l , et sous la
réserve par le sieur de V e r n i è r e de répéter co ntr e le sieur
M a b i t , toutes les créances réservées par l’arrêt de 1 7 8 1 , sauf
le recours de M a b i t contre qui il avisera.
L e sieur Prince se mit do nc en possession, ne fit rien cons
tat er, et n’appela pas m ê m e le sieur Mabit.
E n l’an 8 il fut fait un c o m p r o m i s; mais le sieur Prince;
révoqua les arbitres, et il fallut rentrer en lice.
L e 25 germinal an 8, le sieur Prince assigna le sieur M a b i t
devant le tribunal de
Sai nt- Fl our . Par c e t ex ploi t qui fixe
ses con clu sio ns; il demande que Je sieur M a b i t soit cond amn é
à lui payer. i°. L es 26,300 liv. qu'il a payées le 7 messidor
an 7 av e c intérêts.
a.° Les jouissances des deux domaines depuis le 25; mars,
�( *J> )
I
culcure j
pou* Ja valeur des bestiaux et outils d'agrï-
^,p Les foins, pailles et fumier qui devaient se trouver aux
domaines en 178^;
j , ° L ’indemnité de soixante-dix-sept septerées sur le t é n e me nt de B a r a t o u , attendu qu’il n’en fût r é s e r v é ’que cinqu ant etrois , et q u Jil s’en trouve ce nt trente ;
6 ° L e s do m m a g es -in té r ê ts résultant de la n o n - jo u i s s a n c e
de la faculté de co uper du bois ;
7 ,# Les dégradations consistant dans l’éc rou lem en t d’une
maison et d ’une gran ge faute d’entretien ;
8.° L e s dégradations commises depuis « 7 8 9 ;
p.° A rapporter main-levée de l ’inscription de ¿0,000 liv.
faite par le sieur de V e r n i è r e ,
ou pa ye r ladite somme de
60,000 liv. av e c i n t é r ê t s ; payer e nc ore les dommages-intérêts
résultant de ladite inscription.
¡A u x offres faites par le sieur P r i n c e , de déduire sur le«
• om me s les moins pr ivi lé gié es, ce qu’il reste devoir au sieur
M a b i t depuis le 22 septembre 1783.
L e 2 floréal s u i v a n t , le sieur M a b i t d én on ça c e tt e de
mande au sieur de V e r n i è r e , et l’assigna en r e c o u r s , i . ° quant
au paiement des 26,300 liv. q u’il avait reçues mal à propos
avant d’en fixer la compensation ;
2.0
Q u a n t au paiement des jouissances; 5 / quant à la main
le vé e de l’inscription ; 4.0 quant aux dégradations.
L e p floréal suivant j le sieur Mabit assigna de sa part le
sieur P rin ce, pour conclure contre lui à la m ain-levée de*
Ca
�(
50
)
iJtisîes-arrêts sur lui faites a v e c d o m m a g e s - i n t é r ê t * , et pour
reprendre la demande en lésion intentée à F i g e a c , mais sur
laquelle le sieur Prin ce avait demandé à subir les deux degrés
de jurisdiction. Il soutint que toutes les demandes du sieur
Prin ce ne pouvaient être jugées en première i n s t a n c e , puis
que déjà il avait obtenu une sentence le j février i j ÿ o , de
laquelle il y eut appel au parlement.
L e tribunal civil d’Au r il la c rendit un ju ge me nt le 14 ther
midor an p , par lequel il retint la demande en paiement des
2 6 ,3 0 0 liv. et celle en indemnité du ténement de Baratou ,
et r e n vo ya la demande en lésion ; et au tr es , en la C o u r d'appel.
Mais y sur l’appel du sieur M a b i t , la C o u r , par son arrêt
du 2 6 prairial an 1 1 , infirma ledit j u g e m e n t , en ce que les
premiers juges n’avaient pas aussi r e n v o y é
la demande en
paieme nt des 26,300 liv.
L a C o u r ne re nvoya pas en première insta nc e, la demande
e n lésion par la raison seule que ce tt e demande avait été
f o rm é e à F i g e a c en de uxième ressort. L e sieur Ma bi t signifia
en ther mi dor an 1 1 qu’il sé désistait du droit de la poursuivre
en l’é tat où el'e é t a i t , sous réserve expresse de la reprendre
en première instance.
L e sieur Prin ce étant d é c é d é , la dame P e r r e t , sa fille, â re
pris les poursuites par exploit du 14. ventôse an 1 2 , où elle
a ajouté aux conclusions prises en l’an 8 , celles tendantes à
faire h o m o l o g u e r le désistement signifié par le sieur M a b i t de
«a demande en lésion , sans lui laisser le droit de la poursuivre
en premier degr é de jurisdiction.
t. D e sa part le sieur de V ernière, par «ne requête présenté«
�( 21 )
en la C o u r le a8 frimaire an 1 3 , a reno uve lé et e xpl iq ué toutes
ses préte nti ons ; il a diminué l’article 2 de ca requête du 10
septembre 1 7 5 0 , et a ajouté 6 nouveaux chefs de demande.
i.® E n paiement d’une somme de 2,000 liv. q u ’il dit avoir
été payé e pour la lé gitime de Charles L ar ib e en 1 Í P 4 ;
2.0
D e 2,000 liv. pour les améliorations par lui faites par
des burons à la m o n t a g n e , avec intérêts depuis la prise de
possession du sieur Pr in ce ;
3*° 3 j7 î>3 ü v. f sols pour les reconstructions d e s b a ti m e n s *
ave c intérêts depuis les quittances des ouvriers ;
4 .* $00 liv. pour les frais que le sieur de V e r n i è r e a é t é
o b li g é de faire pour se maintenir dans la jouissance des b ie n s ,
et en conserver la propriété à la famille L a r i b e ;
y . ° A ce que pour le paiement des sommes par lui d e m a n
d é e s , il soit autorisé à suivre l ’effet de son inscription sur les
deux domaines, et m êm e sur les autres biens des sieurs M a b i t
et Prin ce ;
. tf.® A u x c o û t des rapp or ts, et aux dépens.
M
O Y E N S .
L e dernier état de la procédure annonce à la c o u r , com
bien de délais et de lenteurs entraînerait cette interminable
a f f a ir e , s’il fallait ne pr oc éde r que pas à p a s ,
dans T o rd re
naturel qu’il faudrait suivre, pour obtenir une décision g é n é
rale sur toutes les difficultés.
D ’abord le sieur Perret ve ut faire juge r le désistement de
la lé s i o n , avant de revenir en pre mièr e in st a nc e , pour qu’il
y soie statué.
�( Ai )
Il lui reste en première instance ses eonclosicms en indem*
nité du ténement de tëaratou.
L e surplus de ses demandes en paiement des
a^ foo
liv»
joui ssan ces , c h e c e l , foins et pailles, d o m m a g e s - in t é r ê t s , dé
gradations et m a i n - le v é e , est pendant en la C o u r .
A l ’égard du sieur de V e r n i è r e toutes les contestations sont
pendantes devant la C o u r .
L ’expertise est v i c ie u s e , et c ’est en core une question préa
lable à examiner.
Ma is plus il est constant que les délais
brouillé l ’affaire
passés o n t
em
plus il est nécessaire de réunir toutes les
difficultés, pour que la C o u r soit à même de s t a t u e r , to u t
à la f o i s , sur ce qui peut être actuellement décidé , et pour
que les parties ne soient plus abandonnées à la divagation de
leurs demandes. L ’arrêt de 1781 a réservé des p r o c è s ; c ’est un
ma lh eu r:
mais si le sieur de V e r n i è r e se croit recevable à
s’en p r é v a l o i r , la C o u r jugera d’abord l ’effet de cette r é se rv e ,
en m êm e tems qu’elle statuera sur l’hom o lo g a ti on du rapport
L e g a y , et sur l’appel de la sentence obtenue par le sieur
P r i n c e en
179 0 . L e sieur M a b i t divisera do nc ses m o y e n * ,
en c e qui c o n c e r n e le sieur de V e r n i è r e et la dame Pe rre t ;
e t à l ’égard de chacun d ' e u x , il subdivisera sa défense en
autant de paragraphes qu’ils ont pris des chefs de conclusions.
Réponse
aux
dem andes du sieu r de V e r n iè r e .
,
L ’homologation du rapport le paiement des 1 6 3300 L
S. I . er
L ’ a r t i c l e des
00 liv. est aujourd’hui transporté au
�( *? )
«leur Pe rr et , et n*a d’ailleurs jamais ét é un sujet de contestation.
M a i s l ’hom o lo g a ti on du rapport du sieur L e g a y est le point
cur lequel le sieur de V e r n i è r e insiste ave c le plus de chaleur.
I l est certain que ce rapport est pour lui une p i è c e bien
essentielle ; c a r , par l ’effet du r a is o nn e m en t, c et expert e*t allé
jusqu’à pr ou ve r à c e u x qui auront la bo nté
de le croire ,
q u e deux domaines jugés par deux experts de 1 6 6 7 , d e vo ir
produire un revenu net de 1,315- liv. à c e t t e é p o q u e , n’o n t
cependant p r o d u it , cent v in g t- d e u x ans après, qu’un revenu
de P38 livres.
S i ce tte monstrueuse opération devait su b s is te r, il faudrait
rega rde r c o m m e une calamité le besoin où sont les tribu naux
et les parties de recourir à des experts : heureusement il est
permis de se po urv oi r contre leurs décisions ; et s i fo r t e raù on es non concludunty l ’équité et la jurisprudence ne pe rmet
tent pas que l’une des parties soient vic tim e de leurs erreurs.
L a C o u r se rappelle que les deux premiers experts étaient
divisés entre 1,800 liv. et 2 , 6 j o liv. de produit annuel ; tous
d e u x à la vér it é avaient laissé en arrière les impositions et
charges foncières : mais tous deux déclaraient avoir fait toutes
les autres d é d u c t i o n s , mêm e celle des cas fortuits.
L ’expert L e g a y n’avait d o n c , c o m m e tiers e x p e r t ,
q u ’à
départager ses c o l l è g u e s , et ensuite à déduire les charges d’a
près les quittances produites.
Si le sieur L e g a y eut borné son opération à ce qui était
de son d e v o i r ; si partageant m êm e l ’avis de R e d o u l y , il se
fût borné à 1,800 liv.; quelque modique que fût ce tte somme,
po ur une terre considérable j on ne pourrait au moins pas lui
�( *4 )
reprocher cette affectation ch o q ua nt e de c o nt ro uv e r des d é
ductions infinies et i n u s i t é e s , à chaque anné e de son esti
mation.
A chaque a n n é e , le sieur L e g a y , prenant le m o ye n t e r m e ,
est forcé de reconnaître que le produit annuel des biens est bien
au-dessus de 1,800 liv. sa moindre année est de 1,960 liv. la
plus forte est de 3,109 liv. toutes les autres années passent
a , 000 liv. A u total de 1774. à 1 7 8 9 , l ’année c o m m u n e est
estimée à 2,388 liv. 9 sous.
Ce rte s le sieur L e g a y ne sera pas suspect au sieur de V e r
nière , dans ces évaluations; c a r , sur vingt-huit héritages dont
les domaines sont c o m p o s é s , il en laisse treize sans estim a
tion.
A co m bi e n do nc aurait - il po rté l ’évaluation s’il eût
t o u t calculé ?
C o m m e n t le sieur L e g a y s’est-il don c do nné le droit ar
bitraire de faire ce tte omission? il a d i t , quant aux bâtimens,
g r a n g e s , v e rg e rs et ja rd in s, je fixe leur revenu à ^/"o, parce
qu e dans un domaine , ce n’est là q u u n accessoire ? V o i la toute
la raison qu’ il en donne.
I l en dit autant d’un m o u l i n ; il ne peut servir ( d i t - i l ) ,
q u ’aux personnes qui habit ent la ma ison, et si par fo is , il sert
à
quelques a u t r e s , les frais d ’entretien absorbent l e produit.
O n s’attendait qu’un bois de haute futaie , essence de chê ne
e t un bois t a il lis , auraient au moins trouvé grâce devant ce t
e xp e rt ; poi nt du to ut : il suppose qu’on n’y a rien coupé
( malgré les reconstructions articulées au procès par le sieur
de V e r n i è r e ) et il pense que ce tte nature de biens est plutôt
une jouissance p assive qu’ utile. En fin il d é co u v re une e x c e l
le nt e
�( 2? )
le nte raison pour effacer les bois de son rapport. Ils n’ étaient
pas porté s, dit-i l, aux rôles des impositions; c o m m e si le sieur
L e g a y ig n or a it , que c ’est pour la première fois, en 1 7 5 1 , que
les bois de haute futaie ont été cotisés pour leur produit, d ’après
la loi du premier décembre J7po.
L e s montagnes et herbages valaient enfin la peine d’être
comptées pour quelque c h o s e , puisque M . d e V e r n i è r e d e m a n d e
aujourd’hui ¿,000 liv. pour les améliorations q u ’il y a faites;
poi nt du tout e n c o r e , le sieur L e g a y dit qu ’elles n’ont rap
p or té aucuns revenus.
V o i l à c e p en d a n t , ave c quels élémens le sieur L e g a y a c o m
m en cé son est imation, pour l’a finir, pour ainsi d i r e , malgré
lui-même à 2,508 liv. p so ls , année com mu ne .
Mais vient ensuite le travail des déduc tio ns, et c ’est ici oti
le sieur L e g a y s’est ingénié à les multiplier; sans se souvenir
du travail de ses co nfr ère s, et sans se souvenir qu’il fallait être
con séq ue nt av e c ce qu'il vena it de dire.
i.°
A p r è s avoir porté à ^éro le produit des bâtimens et
jardins, il dit qu’il faut déduire les frais de leur entretien.
a*° D é d u c t i o n
des cen s:
c ’est la pencarte
du M u r
de
Barrés qu’il va che rche r à cinq lieues du domaine , tandis que
A u ri ll a c n’en est qu’à deux lieues; mais la mesure du M u r de
Barrés à un tiers en sus.
j . ° Déductio n des im po s ition s , et ici le sieur L e g a y
a fait un coup d’autorité qui passe les bornes de l ’exp er
t i s e ; cha rgé de déduire l ’i m p ô t , il a voulu doubler la d é d u c
t i o n , et voilà com m ent il s’y est pris: le sie u r d e C a l d a g u é s ,
a - i - i l d i t , comm e p r i v i l é g i é , n’a été imposé qu’à m i - t a r i f , il
. D
�( ai )
n’est pas juste qu’ un autre jouisse de son p r i v i lè g e ; en c o n s é
quence il faut lui rembourser le double de ce q u ’il a payé :
certes il est impossible que la C o u r ne soit pas révo lté e de
c et te manière d ’opérer. S ’il était poss ib le, en restitution de
jouissance, d ’obtenir plus qu’on a p a y é , on ferait remarquer
au sieur de V e r n i è r e que les forains privilégiés étaient ord i
nairement imposés av e c r i g u e u r , précisément parce q u ’ils g r e
vaient la paroisse par le mi-tarif; on ferait remarquer aussi que
les privilégiés payaient des ving tième s bien plus considérables
que les aut res , et que cependant le sieur L e g a y n ’a pas ju g é
à propos de réduire sur le v i n g t i è m e , dès q u ’il doublait l' i m
position. En fin le sieur M a b i t ajoutera que si
le sieur de
V e r n i è r e se fût désisté de s ui te , les d e u x domaines auraient
é t é donnés au sieur de C a l o n n e , gendre du sieur M a b i t , tout
aussi privilégié que le sieur de C a l d a g u é s ,
qui
n’avait pas
plus de privilège que le premier propriétaire, L ag a rd e .
4..0 L e
sieur
Legay a
déduit
une
fo ndation
due
aux
prêtres de P o l m i n h a c , et c ’est au moins un double emploi :
car l ’acte de 16 6 7 prouve que le sieur de C a l d a g u é s , en se
c har gea nt de payer l’abbé L a r i b e , le cha rg e l u i - m ê m e d ’ac
quitter ce tt e fond ation ; c e capital fut compris dans les 2 5 ,3 0 0
l i v . , de sorte que le sieur de
Vernière
aurait deux fois la
m ê m e c h o se ; mais comm ent le sieur L e g a y a-t-il supposé qu e
le sieur de V e r n i è r e avait p a y é , en 1774, et années suivantes,
cette
fondation annuelle? il laisse croire q u ’il a fait ce tt e
d é du ct io n sur les quit tan ces , mais on défie le sieur de V e r n i è r e
de les pr o d u ir e , car jamais la fondation
n’a é té à sa ch a rg e.
j.° Le sieur Legay déduit encore un huitième de ce qui lui
reste, pour les cas fortuits, en se fondant sur le titre d assiette
�( 2? )
des rentes de la c o u tu m e d ’ A u v e r g n e ; mais n’est-ce pas là
abuser de t o u t , après avoir supprimé tout-à-fait treize articles;
car si les produits des m o u l i n s , des b o i s , des jardins et des
bâtimens étaient des objets sujets à cas f o r t u it s , c ’était là q u ’il
f a l la i t appliquer le titre
de l ’assiette des rentes, et dé duire
un huitième ; mais quand le sieur L e g a y en a porté le produit à
%ero, parce qu ’il est fort uit , co mme nta-t-il osé ensuite réduire
un h u i t i è m e à 1 égard des produits les plus fixes et les moins
sujets à variation?
6 .° L e sieur L e g a y avertit q u ’il a eu égard en I . re l i g n e *
à ce que les bestiaux appartenaient au sieur de C a l d a g u é s ,
c ’est-à-dire q u ’il a moins estimé le produit b r u t , parce que
les domaines éta ient par ce m o y e n isolés et réduits à une
ex ploitation
é t r a n g è r e : mais il y a là un double préjudice
co nt r e le sieur M a b i t ; car en premier lieu toute la différence
devait être de ne pas estimer un croît de b es ti au x; en d e u
x i è m e l i e u , ces bestiaux se nourrissaient dans les paccages ec
m on ta gn es des domaines , que le sieur L e g a y a c o m p té pour
r i e n ; ainsi il a fait nourrir aux dépens du sieur M a b i t , des
b e st i a u x , dont le prod uit non-seulement a resté tout entier au
sieur de V e r n i è r e , mais qui e n c o r e , en vivant aux dépens des
d o m a i n e s , sont cause que le produit en est porté plus bas.
C e s bestiaux étant cotisés avant 17«?«, le sieur Ma b it ne pro
fitant pas de leur p r o d u it , il ne devait donc pas supporter cette,
imposition c o m m e le sieur L e g a y l ’a lui fait supp or ter , puis
q u ’il la double au contraire dans ses déductions.
V o i l à la justice du tiers e x p e r t ; c ’est ainsi qu’il a raisonné
e t o p é r é , pour parvenir à la vé ri té , à la solution d’un problème
D a
�( =8 )
bien difficile, dès qu'il s’agissait de rendre les revenus de 1 7 7 4
à
1785) beaucoup moindres q u ’il n’étaient en 1 6 6 7 , malgré
e n c o r e de prétendues améliorations.
L e sieur M ab it ne suppose pas m ê m e , q ue la Co u r mette
en q uesti on, si cet étr ange rapport doit être h o m o l o g u é , il
ne peut s’attendre à une injustice c r i a n t e ; en conséquence
les conclusions q u ’il a prises en am endement n’exig ent pas
d ’autre développement de sa part,
Cependant il est une voie d’abréviation que le sieur M a b it
indiquera l ui-m ê m e à la C o u r , quoiqu’il doive beaucoup y
p e r d r e ; la v o i c i :
L e sieur L e g a y , c o m m e tiers e x pe r t , a dû , suivant l’usage %
prendre un terme m o y e n , il l’a fa it: Tannée c o m m u n e de
son estimation est de 2,308 1. p so ls , sau f déduction de l ’im p ô t
et des charges.
Qu an d le sieur L e g a y a voulu faire par a v a n c e , et sans
m is sio n, l ’estimation de 1 7 9 0 , il a porté le revenu net d e
ladite an né e 1 7 9 0 , et années a v e n ir , à i , 6 o o liv.
So n m o tif a été qu ’alors, les privilèges aya nt c e s s é , il n’était
plus question de doubler l ' i m p ô t ; si donc pour le passé, il
était ridicule de le d o u b le r , le taux de 1790 peut servir d e
poin t comparatif, et alors le sieur M ab it fera une proposition
te lle m e n t modérée qu ’elle prouvera sûrement combien il désire
a c h e te r la fin du procès par des sacrifices.
Il conse nti ra, que
toutes les années
1 7 7 4 et
su iv a nt e s,
soient fixées a 1,600 liv. de produit net et franc de toutes
c ha rg es ; tmis ce co nsenteme nt est intégral et indivisible.
«Sil n’est pas nd>pté, il persiste à une nouvelle ex pe r tis e;
elle est c o m m a n d é e par la juscicei elle est d ’ailleurs néces-
�( 39
)
s a i r e , en ce c a s , pour les années postérieures au rapport des
premiers experts.
A u j o u r d ’hui il n’ y aura plus l ’in convénient des tierces exp er
tises, dès que le co de de procédure ve ut le co nc ou rs de trois
experts: leur travail sera do nc la règle invariable des par ti es,
pour toutes les années sujetes à estimation,
§.
I I.
JJexcédant de Vintérêt sur les jouissances .
E n 179 0, le sieur de V e r n i è r e demandait 6,026 l i v . , aujour
d ’hui il se borne à 4 ,^ 7 4 l i v . , parce q u ’il v e u t bien déduire
les v i n g ti è m e s , qu’il avait oubliés.
L ’arrêt de 1 7 8 1 , ne pr é vo ya it pas qu’il se tr ou vât un expert
au m o n d e , capable d’estimer après 1 7 7 4 les jouissances de
ces deux domaines au-dessous du prix de l ’année 1 6 6 7 : aussi
a-t-il condamné seulement le sieur de V e r n i è r e à payer au
sieur M a b i t l'ex céd a n t des jo u issa n c es.
L e sieur de V e r n i è r e lui-même ne le prévoyait pas davan
tag e ; car loin de demander, avant la découverte du sieur L e g a y ,
un ex céd ant d’in té rê t, il concluait le 10 avril er le 10 sep
tembre
1 7 9 0 , à être autorisé à jo u ir sans rendre co m p te, et
pour le seul revenu des 26,300 liv.
Mai ntenant que le sieur L e g a y a par lé, le sieur de V e r
nière veut absolument rendre c o m pt e et même avoir un e x c é
dant d ’ intérêt; à la vérité il s’arrête à propos, car dans sa
requ ête du 28 frimaire an 1 5 , par une inconséquence vra im en t
b i z a r r e , il demande à compenser les intérêts des 26,300 liy,
ave c les jouissances pour les années postérieures à 178$,
�(
)
L a cause de cette variation se devine a is é m e n t , et le sieur
de V e r n i è r e aime mi eux être incon sé qu ent q ue d ’y perdre,'
c ’est que L e g a y a porté ces dernières années à 1,600 liv. tan
dis que l'intérêt est de 1,515: liv. s e u le m e n t , voilà pourquoi
le sieur de V e r n i è r e offre cette fois une compensation.
L a loi est faite aux parties par l ’arrêt de
1781 , le sieur
de V e r n iè r e doit l’e xc é d a nt des jouissances, et le sieur Mabic
ne doit payer aucun ex céd a nt
Re m a rq u o ns e n c o r e , que les 26,300 liv. se c om pos ant en
grande partie d’intérêt des sommes d u e s , ne do ive nt produire
d ’autre i n té r ê t, que pour les capitaux seulement.
Si la C o u r croit devoir s’écarter des expressions de cet arrêt,
in voq ué cependant par le sieur de V e r n iè r e quand il y trouve
son i n t é r ê t , alors ce c h e f de demande doit rester en suspens
jusqu’à la no uve lle e x p e r t i s e , qui réglera toutes les estimations.
5.
III
et
IV .
U indemnité du pré B édissol.— Jouissances dudit pré.
E n 1 7 9 0 , le sieur Mab it ne pouvait répondre au sieur de
V e r n i è r e sur ce c h e f , que par l’acte de 1 6 6 7 , d’où résultait
néanmoins une réfutation suffisante.
E n 18 0 6 ,
11 a j) u t e r a
à ce tt e r é po ns e , la mention d ’un acte
du fait m ê m e du sieur de V e r n i è r e ou de c e u x qu ’il repré
se n t e , et dont il est surprenant qu’on lui ait c a c h é l ’existence.
En
1 6 6 7 , Ie
sieur de Cal dagués voulait deux
domaines
valant 2 6 ,3 00 l i v . , et il n’était c r é a n c i e r , malgr é toutes ses ces
sions , qu e de 22,21 2 liv. Il acquit don c de g r é a g ré d autres
c r é a n c e s , parmi lesquelles
était le
titre cl érical de l abb é
�( ?t
)
L a r i b s ; ce titre était du revenu de 60 liv. pendant sa v i e , dont
le capital fut porté à 1,600 l i v . ; le sieur de Cald ag ué s pouvait
les payer en a r g e n t , il pouvait aussi délaisser ceux des fonds
de la succession qui y éta ient hypothéqués.
Il
ne fit ni l’un ni l ’a u t r e , et préféra donner un sien pré
appelé de Bédissol.
C e pré valait 1,000 liv. de plus que les 1,600 l i v . , puisque
le sieur de Cal dagués eut quittance de 600 liv. d ’une part, et
4.00 liv. d ’autre.
Ce pendant c ’est à cette mêm e plus v a l u e , ainsi p a y é e , que
prétend aujourd’hui le sieur de V e r n i è r e , à la vérité en pre
n ant une tournure plus spécieuse.
\ L e mo t éch a n g e, é n o n c é dans les deux actes de 1 6 6 7 , la lui
a s u g g é r é e : il dit au sieur Mabie,y<? devois fournir à l ’abbé
L ar i b e des fonds de la succession pour 1,600 l i v ., je lui ai
do nné en éc ha ng e un pré qui vaut à présent 7,600 liv. O n
m ’é v i n c e de ce que je gardais en c o n tr e - é c h a n g e , d o n c il faut
que je trouve mo n pré ou au moins la plus value des 1,600 1.
D ’abord le sieur de Cald agués ne devait pas des fonds. U n
titre clérical emporte une h y p o t h è q u e , mais non la p r o p r i é t é ;
l e sieur de Caldagu és a donné un sien pré, pour s'acq uitt er
des 1,600 liv. et de 1,000 liv. en su s, c ’est là une vente e t
non un éch an g e, puisque le prix est in numerato\ d'ailleurs la
plus value fut payée à l ’é p o q u e , et ne doit plus l ’être.
L e sieur de V e r n i è r e , pour être c o n sé q u e n t, ne devait pas
recevoir toute la somme de 26,300 l i v ., s’il voulait garder le
droit de prétendre à une i n d e m n i t é , sous prétexte d 'é c h a n ge .
M a i s où est le con trat d 'éch an ge quand il n'y a d’une part
�( 3* )
que cîe l’argent. L e sieur de
reçue en
V e r n i è r e , outre la plus v a l u e ,
1 6 5 7 , a to uc hé les
1,600 liv. en l ’an 7 ,
puisque
cette somme est comprise dans les 26,300 li v .; il n’a do nc
rien à demander.
Jusqu’ici le sieur de V e r n i è r e persuade à la C o u r quJil est
év in cé du pré Bédi ssol, er que ne pouvant l’avoir en na tu re ,
dès que sans doute il a été aliéné par les héritiers de 1 abbé
L a r i b e , il faut lui en payer la valeur.
E h bien ! c ’est le sieur de Cald ag ué s lui-même qui
1a
vendu !
la vente est du 20 juin 1 7 1 4 , et sera produite si le sieur de
V e r n i è r e le désire; le renseignement e n v i e n t de ses propres
papiers.
Ainsi, c o m m e cela est vraisemblable, un titre clérical n’étant
q u ’une chose v i a g è r e , la rente étant seulement h y p o th é q u é e
sur les fonds de la succession, le sieur de Ca ld a g u é s ne d ut
donner à l’abbé L a r i b e , qu’ un é c h a n g e d’h y p o th è q u e : voilà
pourquo i le pré Bédissol revint dans ses mains.
Il est inutile s m s doute de répondre au m o y e n du sieur
de V e r n i è r e , que l’arrêt de 1781 lui accorde ce tte indemnité
e t les s u i v a n te s , qu ainsi c est chose jugé e.
C a r il fut inséré seulement en l’arrêt, ( e t sans doute pour le
con so ler de la perte
d’un procès par 1 ex pectative de plusieurs
autres ) ; s a u f à fa ir e valoir e t c ., défenses contraires réservéts à
M a b i t , et au sieur Lag ar de .
§.
V
et
V I.
Indemnités des héritages délaissés en 1 6 7 0 . - - Jouis
sances de ces héritages.
Cette demande est, s’il est possible, plus mauvaise encore
que
�( I? )
que la p r é c é d e n t e ; car le titre m êm e sur lequel
le sieur de
V e r n i è r e la f o n d e , est le meilleur m o y e u du sieur Ma bi t pour
la faire rejeter.
L e sieur de Cal dagués se chargea en 16 6y pour augm en ter
sa c r é a n c e , de payer à Jeanne L a r i b e , femme C a m b o n , une
so mm e de 2,3 f 7 liv.
Le
1 1 mai 1 6 7 0 , il lui délaissa des héritages à lui appar-
tenans , pour se Libérer du paiem ent de ladite somme.
Si ce délaissement se trouvait une a li é n a ti o n , il suffirait de
répondre au sieur de V e r n i è r e , que le sieur de Cal da gu és, ayant
délaissé de ses héritages pour s'acquitter d ’une som m e due et
pour faire sa condition me il le ur e, c ’est là une opération qui
était dans son intérêt seul: et il est étrange qu’il v e u i l l e , ce nt
v in g t ans a p r è s , rendre qui que ce soit responsable de ce
q u ’il a préféré payer en bien fonds.
Mais à cette ré p o n se , qui serait décisive, s’en joint une qui
l ’est bien da va nt a g e; c'est que le sieur de Caldagués ne délaissa
à Jeanne Laribe les immeubles en 1670, q t à titre d'hypothèque\
il ne les lui délaissa que pour en jo u ir ju s q u à l e ffe c tif pait~
m ent de ladite somme de 2, 3^7 liv.
D ’après cela rien n'empêcherait le sieur de V e r n i è r e , de
retirer les immeubles abandonnés en 16 7 0, rien ne l’en a em
pêché de les retirer en 1 7 7 4 ; et il est c h o q u a n t , q u ’il vienne
argumen ter de c et acte de 1 6 7 0 , co m m e d’un sacrifice f o r c é ,
po ur prétendre q u ’il lui est dû 10,000 liv. de capital, en indém.
nité de ce qu’il a perdu.
Si le sieur de V e rn iè re n’a pas ju g é à propos de rentrer da ns
ces immeubles en
1774;
c ’est <lue depuis lo n g - t e m s le sieur
E
�C
34 )
de C a ld s g u és y était rentré et m ê m e
les avait vendus en
1 7 5 ° , par acte reçu R a s t i g n a c , notaire à Ra u lh a c.
V o i là ce que le sieur de V e r n i è r e aurait peut-être dû r é
véler lors du procès de 1 7 7 4 ; au lieu de se faire des réserves
fondées sur l ’ignorance où devait être le sieur M a b i t d ’un fait
étranger.
E n un m o t , le sieur de V e r n i è r e s’est c har gé en 1 6 ^ 7 , de
payer à Jeanne Laribe 2,3^7 l i v . , pour avoir le droit de p u i r
des domaines de Laribe et du T e i l ; il en a joui pour l’intérêt
de 25,500 liv. et a reçu les 26,500 liv. ; donc il est payé en tiè
re me n t de tout ce qui a com po sé ses créances.
§.
V II.
Arrérages de cens portés par sentence de 1 6 7 8 .
L e sieur de V e r n i è r e a reçu en 1667 deux domaines impignorés pour 2 6 ,3 0 0 l i v . , il a laissé à ses débiteurs d’autres
b ie ns , et nota mme nt le domaine de Besse, dont il s est emparé
ensuite sans qu ’on sache c om me nt .
L e s titres de créa nc e, qu’il s’est procuré ensuite, lui ont bien
donné unea ct ion pour se pourvoir, paraction personnelle c o nt re
ses débiteurs, et par action hy po th é c a ire contre le domaine
de Besse; mais a-t-il pû ou voulu a ug me nte r la charge d h y p o
th èq u e des domaines
de
L ar ib e et du T e i l ? cela
n est ni
démo ntré ni vraisemblable.
E n 1 6 6 7 , il fit vérifier que ces deux domaines ne pouvaient
«uffire q u ’à faire face à l’intérêt de 25.300 liv.
Lorsqu'ensuite il a au gmenté sa c r é a n c e , il n’est pas à pré«umer qu ’il ait abandonné les biens libres pour surcharger le»
�( K )
biens grévéa: personne ne po v^ic l’y confraindr®, et les faits
p a rje n t , puisqu il s esc rnis ensuite en possession du domaine
de Bjsse.
Maintenant à l’égard du sieur M a b i t , quelle action a-t-il
pour le forcer à payer une dette étrangère à l’antichrèse?
L e sieur Ma bi t est subrogé aux Laribe pour les domaines
de Laribe et du T e l 1; il n’est o b ’igé par son a c t e , que de
paye r les sommes comprises en ce tte antichrèse, c ’est-à-dire
2 5, j c o
<
livres.
L e sieur de V e r n i è r e n'a do nc qu’une action personnelle
pour le surplus, contre le représentant de la maison L a r i b e , et
demander si bon
lui semblait l’exécutorialité de la sentence
de 16 7 8 : car on n’a jamais vu attaquer un acquéreur avant
d ’av'oir un titre personnel contre le vendeur.
D ’ail leurs, à l’égard du sieur M a b i t , et quand on le pour
suivrait par l’action hy pothécaire, l’ex ception cedendarum actionuni le garantit de toute recherche.
■ Perso nne n’ignore que la caution e ll e- mê m e est fondée à
u s e r de cette e x c e p t i o n , parce qu il est de justice qu en la
forçant à payer la dette d’autrui, on soit forcé de s u b r o g e r ;
et la subrogation n’est v a l a b l e , q u ’autant que l ’action cé d é e
par le créancier est entière et conservée.
C e s principes
anciens
sont maintenus
par l’article 2037
du c o de c i v i i , qui pro no nc e m êm e l’extinction du ca ut ion
ne me nt f o r m e l , lorsque la subrogation a u x dioits hypothèques
e t privilèges du créa n cier , ne p eut p lu s , p ar le f a i t de ce créaitc u r f s’opérer en fa v e u r de la caution.
'
O r , le sieur Mdbit dira au sieur de V e r n i è r e : quand vous
obtîntes une sentence en 1678 pour des cens, vous aviez un
E 2
�I ys )
pri vilè ge sur le domaine de B e s se , débiteur de partie de e t
c e n s:
commsnt
pouvez-vous
m’y
subroger,
puisque
ce
domaine n’est plus dans la famille? Il faut do nc que vous re
m e t t i e z , à mon é g a r d , les choses au
m êm e
état où elles
étaient en 1 6 7 8 ; il faut que vous me rendiez les biens de
la famille alors
existans
pour que
j ’y e x er c e vos
droits »
sinon vous ne po uv e z me contraindre au paiement.
C e t t e observation décisive dispense d’ex aminer la question
de sa v o i r , si la créance du sieur de V e r n i è r e est pr e s c r i te ;
il croit q u ’ ayant joui d’un g a g e il n ’a pas prescrit; mais cela
ne serait vrai que hors l’hypothèque, spéciale; car il répugne
au bon sens que c e l u i , à qui on laisserait un immeuble de.
3,000 l i v . , pour une dette de 3,000 l i v . , pût ensuite se faire
des créances de 100,000 liv. et soutenir q u ’elles n’ont jamais
pre scr it , parce q u ’il avait un g a g e de 3,000 liv.
Au reste, le sieur de V e rn i è re n'a plus ce g a g e depuis 1774,.
dès que les
domaines ont été ve nd us;
il devait don c au
moins se mettre en réglé depuis ce tte é p o q u e , et il a laissé
passer plus de trente ans, sans poursuivre les vrais débiteurs
de ce q u ’il entend récl am er; o r , il est responsable de la pres
cription courue pendant ses poursuites, ainsi que la C o u r la
j u g é les 27 thermidor an 8 et 17 messidor an 11.
Mais encore une fois, il ne f i u t pas surcharger ce tte cause,
de m oye ns inutiles; les principes veule nt que
le sieur de
V e r n i è r e ne puisse forcer le sieur M a b i t à payer
les dettes
de la maison L a r i b e , étrangères aux 26,300 l i v ., par cela seul
qu ’il ne lui a pas conservé les privilèges et h y p o t h è q u e s , exis?
tans en
1 67 B: et l’équité c omma nd e en core
plus impérati
veme nt au sîtur de V e r n i è r e de ne pas intenter des actions,.
�(
37
)
qu’il est présumé avoir éteintes depuis I o n g - t em s , dès q u ’il
s’est emparé du domaine de B e s s e , qui était le g a g e de ce qu’il
demande.
5.
V III
et I X .
L e s droits de lods adjugés par la même sentence .—
L e s intérêts*
L e sieur de V e r n i è r e demandait pour c e t article 448 liv.
en 1 7 9 0 , fondé sur la sentence de 1 6 7 8 , qui ne les liquide pas;
aujourd huy il les porte à 580 l i v ., d ’après un traité sous seingp r i v é , fait en 169 4 ave c le fermier.
C ’est ici une dette personnellè au sieur de C a l d a g u é s , et eri
effet lors de l ’arrêt de 1 7 8 1 , il n’a pas eu m ê m e idée de s’en
faire la réserve.
L e s droits de lods ne sont dus que pour les ventes ; à la v é
rité quand le titre de possession la prorogeait au-delà de dix
a ns , l’usage était d’accorder des droits de lods; mais ce n’étaic
là q u ’une indu lge nce pour les fermiers, afin d abréger le tems
d é leur surveillance, et d’empêcher les mutations frauduleuses.
Q u o i q u ’ il en soit de cet usage , la charge était imposée sur
le possesseur de dix ans; mais c ’est vraiment une idée nouve lle et
choqu ant e que d’appeler le propriétaire d ’un fo nd s, pour payer
le droit de lods de la cession q u ’il en a faite. Po ur qu o i le sieur
de V e r n i è r e n’a-t-il pas imaginé aussi de demander les loya ux
coi'ts de toutes les cessions q u ’il s’est procurées lors de l’an«
ti ch rè s e , et les loyaux coûts de J’antichrèse el le-m ême? C a r il
y a parité de moyens.
-
L ’arrêt de 17 8 1, dit le sieur de V e r n i è r e , ordonne
en quelque-
sorte c e tt e restitution; mais c ’eut été ordonner ce qu’il ne'de**
�( 38 )
mandait pas: d ’ailleurs l’arrêt n'eut fair que réserver l ’a r t i o n ,
et il est évident qu’elle n’est fond ée sur rien. L e sieur de C a l dagués entendit si b>en , dans le t e m s , que ces droits de lods le
concernaient s e u l , qu’il n’en forma aucune demande.
S.
X.
L e s deux promesses réservees en 1 66 y avec Vintérêt
depuis l 6
7 î-
L e sieur de Cald ag ué s se fit en 1667 la réserve d’un p r o c è s ,
c o m m e le sieur de V e r n i è r e e n 1781 s’en est réservé plusieurs
ai.trcs. 11 voulut faire exprimer dans l’antichrèse que deux pro
messes montant à 1,54-7 liv. n'étaient pas comprises dans ses
créances actives, parce qu’en effet il n’avait pas d ’action pour
les réclamer.
Il fallait bien en effet qu’il n’eut pas d ’a c t io n ; car o b l ’g é
pour devenir créancier de 26.300 liv. de prendre des trans
ports d ’autres cr éances, il lui eut été bien plus avantageux de
porter ses propres créances en ligne de c o m p t e : mais ces deux
promesses n’étaient .qu’un vain ti tre , et en voilà l’origine.
L e sieur Lari be avait cédé au sieur de C a l d a g u é s , une obli
gation de 1,3 j o liv. due par le sieur de P r a la t , sous la date
de 1722.
L e s biens du sieur de Pralat furent mis en snisie r é e l l e , et le
sieur de Ca ld a g u é s, après avoir fait quelques d il ig e n c es , revint
c o nt re le sieur L a r i b e , qui lui remboursa ladite som me de 13 j o
liv. au m o ye n de quoi le sieur de Calda gu és rétrocéda l ’obli
gation au sieur L a r i b e , pour en être pavé c o m m e il aviserait.
M aïs le sieur de C a ld a g u é s , ne vou lrn t perdre ni les intérêts
de son a r g e n t , ni ses frais a van cé s, fit faire d ’abord en 164.*
�(
3P
)
au sieur Laribe p è r e , un billet portant: « Je confesse devoir à
» Al. C a l d a g u é s , avo cat de C a r l a d e z , la som me de 6<jo l i v . ,
» procédant des intérêts et dépens à lui adjugés par sentence
» de 173 j , laquelle somme promets payer audit sieur, lo ts et
» au cas que j e sois colloque pour les intérêts et d ép en s, aux
» criées conduites au bailliage d ’A u r i ll a c , etc. »
N e u f ans après, c e s criées n’avaient sans doute rien pro du it ;
et le sieur de C a l d a g u é s , toujours vi g il an t , voulu t e n c or e un
titre de plus pour les mêmes in térêts, qui ne couraient plus
depuis l ’époque
du remboursement du principal.
U n nouveau billet fut fait en
i
6ji
, et il est é v i d e n t qu'on
ajouta au capital de 1, 370 liv. les intérêts calculés en 163.2;
car ce d e ux ièm e billet est ainsi co n c»u :
« Je soussigné confesse devoir audit sieur Caldagués, outre la somme
y ci-dessus et autres pour certaines causes et considérations, la somme
» de 657 liv. 16 sols procédant des intérêts à lui adjugé», contre le sieur
p de Pralat, par ladite sentence, que ledit sieur Caldagués ma fait cession,
» nonobstant qu’au m oyen de ladite cession je dusse prétendre lesJita
» intérêts m ’appartenir, et auxquels pour lesdites causes et considérations,
» je renonce en sa faveur, laquelle susdite somme je promets lui p a y e r,
» lors et au cas que j e sois colloque pour lesdits intcrets, par la senlenc»
y d’ordre et non autrement, £/c. »
T e l s sont les deux billets dont le sierr cîe Cal dagués se fie
réserve en 1 6 6 7 , ce qui prouve qu'alors encore il n’y avait
pas de collocation ; il fit assigner la veuve Laribe en paiement
de ce§, b i ll e t s, sans justifier que la cause de ce paiement fut sur
venue , et le 12 août 1 67 7 il obtint sentence qui o r d o n n e ,
que
la veuve
Laribe
défendra
p é r e m p t o i r e m e n t , sinon
et
faute de c e , la condamne au paiement d e b ite s sommes de
�( 40 )
i p o liv. et 6^-j liv. \6 sols avec in térêts, ainsi que le sieur de
Calda gu és l’avait demandé.
Cependant le sieur de Cald ag ué s s'en tint là , et ne poursuivit
pas une seconde s e n te n c e , sans doute pareequ’il y eut des dé
fenses le 9 janvier 1 6 7 6 ; d’ailleurs s’il est devenu ensuite cré
a n c ie r , il aura e m pl o y é sans doute ce tte créance vis-à-vis le
domaine de Besse, et rien ne semblait pouvoir l’emp êc he r d’en
agir ave c cette famille L a r i b e , c o m m e il le jugeait à propos.
Q u o i q u ’il en s o it , et dès que le sieur de V e r n i è r e demande
aujourd’hui des sommes qui n’étaient
dues que conditionnel-
lem en t, sans qu’il prouve l’évé ne me nt de la condition , le sieur
M a b i t , en ce qui le c o n c e r n e , s’ en tiendra à la réponse qu’il a
faite sur le §. 7 ci-dessus.
La demande ne peut être dirigée contre lui personnellement,
il ne s’est pas chargé de payer d’autres sommes que les 2 6,30 0
l i v . , il n’est pas héritier de la famille L a r i b e , et l’action h y p o
thécaire ne peut avoir lieu que quand l ’action personnelle est
entière.
L e sieur de V e r n i è r e n'est pas en état de subroger à ses pri
v i lè g e s et h y p o t h è q u e s ; les biens alors existans sont un g a g e
per du ; enfin le sieur de V e r n i è r e est garant de sa propre de
mande , tant qu’ il ne prouvera pas a quel titre il s est empare du
domaine de Be^se et Baratou : et au cas qu il en soit acquéreur ,
quelles créances il a e m pl o y ée s a cette acquisition.
S.
X I.
L a légitime payée à Charles Laribe .
Ma in te na nt ce sont des prétentions nouvelles auxquelles le
«leur de V e r n i è r e n’avait pas c o n c lu en » y p o , et qui en effet
n'étaient
�(
4l
)
n Yt a ie nt p^s dans l’arrêt de 1781 ; il ve»'t " ’avoir rien perdu
pour ar tîiidre, car il augmente aujourd’hui ses prétentions de
plu? de 8 000 liv. en capirai.
La légitime rie Cl'.rtrles Lpril e avait éré fix ée , par le testa
me nt de 1660 à 2,000 liv. et il est b:en étonnant q u e , si elle
n ’é n ï f pis p a y é i en
1¿ 6 7 , Pantichrèse n’en contînt a n c n e
mention, il esc étonnant encor e que Charles Laribe aîné . héri
tier bénéficiaire de la succession de son p è r e , ait reçu d e g r é à gré
-
une légitime d ’un é t r a n g e r , t .e n u sept ans après la m o rt de
son [ ère.
Al aissa quittance obscure et é q u i v o q u e , doit être connue de
la C o u r , pour q u ’elle y voie c o m m e n t le sieur de Caldagués
se fanait des titres, pour, envahir sans doute aussi le domaine
de Resse, qu'il v o u d r a i t retenir sans prix.
« L ’an t 6 >jy et le 2 m a i, a été présent M . Charles L arib e, diacre de
» l ’église de V ie , lequel a reconnu être content et satisfait de M . de Cal» dagues des droits paternels, qui pouvaient competer et appartenir en
» l ’hérédité de M .e Jean L a r i b e , et autres généralement quelconques, et a
» subrogé ledit sieur de Cal» agues, en son lieu et jdac.e, et ce( moyennant
» la somme entr’eux convenue, dont ledit L an be content, a quitte leuit sieur
V de Caldagués etc. »
L e sieur de V e rn i è re avait tenté ce c h e f de demande en
1 7 8 7 , co.imie on le voit par le procès-verbal de prestation de
serment des experts; mais ensuite dans sa requête de 1 7 ^ 0 , il
j î ’osa pas le reproduire.
C o m m e n t en effet voit-il là un titre pour demander 2,000
liv.? où est-il pr o uv é que le sieur de Cald ag ué s les a ( ay
?
La succession ét ut o bérée à ce que dit le sieur de V e rn ié re
lui m ê m e ; le d n i t d e s héritiers ne pouvait être réglé que sur
c e qui restait après les dettes payées.
F
�( 42 )
R i e n ne constate que Char les Laribe ait jamais rien
de
m a n d é , pas plus que sa sœur légit im ée à 3,000 l i v . , ils o n t
laissé prescrire leurs dr oit s, et rien ne prouve q u ’ils aient re
levé la prescription par aucun fait ni aucune procédure.
E t ce serait tout d’ un coup après trente-sept ans de délai,,
que le sieur de C a ld a g u é s , ave c quelque mod ique s o m m e , se
serait fait un titre de 2,000 l i v . , pour ne le mettre en lumière
que plus d'un siècle après sa date. L a raison se révolte contre
une semblable prétention.
Mais de quel droit e n c o r e , veut-il former dempnde pour la
première fois en 1 80 j cont re le s ieur Mabit ? q uan d celui ci en se
rait le débiteur p e r s o n n e l , il opposerait ave c f o n d e m e n t q u ’ il y
avait prescription de \66o à 1697 contre Char les L a r i b e , qu’ il
y a encoreprescription jusqu’en 1 7 7 4 contre le sieurde V e r n i è r e ,
et enfin que le droit eût-il été mêm e conservé j u s q u a 1 7 7 4 *
il y a prescription de 1 7 7 4 à i 8 o j .
L e sieur M a b i t
est en core fondé dans l ’ex ce pt io n ceden-
detum a ctionum } et dans les observations q u ’il a faites sur les.
chefs précédens.
f.
X II
et X I I I .
Am éliorations à une m o n ta g n e R é p a r a tio n s aux
batimens.
L ’arrêt de 178 1 n’en dit r i e n , et le sieur de V e r n i è r e se
souvient pour la première f o is , au bout de vingt-cinq a n s , de
c e qui n’aurait pas dû lui échapper quand il prenait des con~
clusions générales.
L ’objet n’était cependant pas d’un mince intérêt, car les.
deux articles se portent à ¿,763 liv.
�(
L e sieur de V e r n i è r e
4^ )
3 commencé
par l'amélioration la plus
ré c e n t e ; il prétend avoir converti en m on ta gn e très-productive
des
terres incultes et des bruyèr es, et y avoir fait bâtir un
buron et un v é d é l a t , à quoi il dit avoir dépensé 2,000 liv.
Si cela était e x a c t , le sieur de V e r n i e r e ferait la la plus
sévère des critiques contre le rapport du sieur L e g a y .
C a r cet expert a porté à tfr o le produit de cette m o n t a g n e ;
o r sans doute si on y avait dépensé 2,000 liv. pour la mettre
en v a le u r , l'expe rt
do nc fait un
tort
bien
volontaire
au
sieur M a b i t , en le privant absolument d’un revenu clair et non
con testé.
Ri^.n ie prouve que la mont ag ne ne fût pas en rapport, avant
ces prétendues a m é li o r a t i o n s , le sieur de V e r n i è r e n’a rien fait
constater; ses conclusions ne sonr fondées que sur son allégation.
Il y a plus, car il n’a rien fait constater e n c o r e , ni réclamé
en cédant les dom lines au sieur P r i n c e , il ne s’est pas m êm e
fait de réserve de ce q u ’ il demande aujourd’hui.
O ù serait d’ailleurs la jus ti ce, que le sieur de V e rn i è r e e û t
profité pendant plus d’un siècle de ses prétendues améliorations,
q u ’il n’eii rendît aucun c o m p t e , et que cependant i! vînt récla
me r toute sa d é pe n se , c o m m e s’il était au lendemain des répa
rations qu’il articule.
Il devait lo ge r les b e s t i a u x , dès q u ’ils sont à lu i; il les a
nourris sur la m o n t a g n e , pour en doubler le revenu: et sans
rien payer pour tout c e l a , son expert diminue le produit des
terres, parce que les bestiaux étaient à lui.
L e sieur de Ve rn iè re demande en suite , des réparations faites
après l’antichrèse, et il produit deux procès-verbaux de l ’état
des b i e n s , i’un de
1 autre de 1 6S6.
F 2
�(
44
)
D a n s le premier, on remarque q u ’entr’autres choses, le sîenr
de Caldagués se plaignait de ce que les granges et érables
n ’étaient pas de la longueur n écessa ire, de ce qu ’il y avait des
cheminées à refaire et des toits a réparer.
D a ns le second p r o c è s - v e r b a l , il s’agissait encore des toits
à réparer.
Un e partie de ces réparations était pour l ’aisance du posses
seu r, une autre partie était occasionnée par son défaut d ’entrerien.
R i e n ne constate qu^en \66y les bâtimens ne fussent pas en
bo n é t a t ; si le sieur de Caldag ués ne voulait pas demeurer
cha rg é des réparations à ve n i r, il devait faire dresser procèsverbal à son entrée.
C e m o y e n , qui serait valable contre un simple fe rmier, esc
bien plus décisif à l’égard d'un preneur à antichrèse; quand il
répa re, c ’est pour lui: car sa longu e jouissance lui donne le
tems de profiter de ses propres réparations.
Les deux procès -ve rbau x porteraient la dépense à moins de
2,000 li v . , ils ont encore un double e m p l o i , car si le sieur de.
C al d ag u és ent réparé les toits en 1 6 8 4 , il n’aurait pas eu à les
ré pnr er en 1686.
T o u t cela au reste n’est pas à demander à un tiers acquéreur.
L e sieur de V e r n i è r e peut se pourvoir co ntre ceux qui repré
sentent la succession et se défendre c o n t r ’eux des fins de nonre ce vo ir et de la prescription.
Q u a n d le sieur de Ve rn iè re a reçu du sieur Prince les 26,^00,
liv. en l’an 7 , il n a réservé contre le sieur M ab it que ce qui
suit: « Les créances a lui réservées par l ’arrêt de 1781 , pour:
» raison desquelles les parüesi etaient en instance au parlement
» de Paris ».
�( 4r )
Ainsi le sieur de V e r n i è r e n’a retenu aucune action pour ces
réparations, qu’il n’avait pas demandées au parlement.
C o m m e n t d’ailleurs les réclamerait-il contre le sieur M a b i r , .
sans inconséquence? il a refusé de lui faire c o m p te des dé gr a
dations.
s.
X I V .
Frais fa its pour conserver les biens à la fa m ille Laribe .
C e t t e demande n’est pas seulement nouvelle en d a te ; elle
l ’est aussi par son genrd: le sieur de C a ld a g u é s , possesseur en
1 6 6 7 , eut des pr o c è s; il lui reste de vieilles pro cédures, et il
veut q u ’on lui paye t o u t , sans savoir s'il avait tort ou raison.
Mais s’il avait raison, il a dû faire condamner aux d é p e n s ,
ce u x qui succombaient ; s ’il a e x erc é des recours contre la fa
mille L aribe, le sieur de V e rn i è re 11e peut leur demander des
dépens que s’il en a obtenus par ju g e m e n t , sinon il n’a d’autre
voie que de reprendre les instances pendantes. Voilà tout ce
q u ’il était nécessaire de dire sur ce c h e f extraordinaire de c o n
clusions.
S.
X V.
Sur Vinscription du sieur de Vernière,
I! demande à être autorisé d’en suivre l’effet sur les deux do
maine s , et même sur tous les biens des sieurs Prince et Mabic*
E v i d e m m e n t d é b i t e u r , le sieur de Ve rn iè re a fait une ins
cription de 60,000 liv. il a été pay é de son capital après ce tte
i n re ri p ti o n , et cependant il n’entend rien en déduire.
C e tt e inscription est aussi frustratoire que les conclusions
q u ’elle oc cas ionne ; car il y a des lettres de ratification du i a
a v r i l »788,
�(
4*
)
E lles sont scellées à h cha rge d’une opposition du sieur
de V ern iè re : dès-lors co m m e il n’a pas fait d ' e n c h è r e s , toute
son action se réduit à demander le rapport du prix de la vente
de 1774-, purgée par les lettres de 1788.
C ’est ici peut être le moyen le plus considérable auquel vien
n e n t a b o u t i r toutes les discussions des chefs de demande réser
vés par l’arrêt de 178 1 , mais réservée sauf défenses contraires.
Car q u m d l’arrêt de 1781 porterait des condamnations pré
cises et considérables qui grèveraient les deux domaines, la chose
j u g é e s’éteindrait devant les lettres de ratification, qui ont op éré
une pleine novation et une convention racite entre l'a cquéreur
et l'opposant. Celui-ci n’a plus eu le droit d'e xa gé rer la valeur
de l’im m e u b l e , et de vouloir être pavé de toutes ses c r é a n c e s ;
il était le maître d’e n c h é r i r , et s’il ne l’a pas f a i t , il en est résulté
de sa part l ’aveu formel que les biens ne valaient pas au-delà de
ce que portait l’acte de v en te ; dès lors ce prix est devenu tout
son g a g e , et toute action ex cédan te a été éteinte.
T e l s sont les principes et les conséquences de l’édit de 1 7 7 1 ,
e t ils détruisent tout à la f >is les quinze chefs de demande du
sieur de V e r n i è r e , quand même il aursic raison sur tous.
M ain tena nt , pour en revenir à l’i îscription , le sieur de
V e r n iè r e n’a pas pu la faire cur un immeuble purgé d hypo*thè que par les lettres de ratification, sauf l’action résultant de
son opposition ; il demande à la f ire valoir sur les autres biens
de ses prétendus d ébite urs, mais c e s t un songe qu ’il ne renou«
velle ra pas vraisemblablement ; il n’a de débiteur direct que les
L a r i b e , c ’est con tre eux seuls qu’il peut s ’inscrive. J a m a i s on
n’a vu un créancier opposant abandonner l ’effet de son oppo
s i t i o n , pour se dire créancier direct d ’un a c q u é r e u r , quand il
�( 47 )
croît que le prix de vente.ne lu i suffira pas, et qu’il a oublié
d’enchérir.
s.
XV I.
L e coût des rapports et les dépens .
L e sieur de V e r n i è r e a été condamne par l ’arrêt de 1781 à
restituer des jouissances à dire d’experts ; il soutenait ne pas les
d e v o i r , l’arrêt qui le cond amn e aux dépens a donc entendu y
comprendre ceux de l’estimation à laquelle il s’opposait.
D ’ailleurs il n’a fait aucunes o ff- es : et c e p e n d a n t , posses
seur à antichrèse » ayant dû s’attendre à c o mp te r des f r u i t s ,
au moins depuis la d e m a n d e , il était naturel q u ’il sût ce qu’il
fallait p a y e r , au moins par approximation.
C ’est don c le sieur de V e rn i è re qui doit le c o û t des premiers
rapports ; quant au coû t du trois ième, que la C o u r réformera sans
le moindre d o u t e , l'événement prouvera laquelle des parties
devra les frais ultérieurs.
R é p o n se
a u x
d e m a n d e s
d u
s i e u r
P r in c e ,
L e sieur Prin ce a long-temps poursuivi le sieur M a b i t a v e c
acharnement ; les se n te n c e s , les arrêts, les provisoires n’allaient
p a s assez vite à son g r é ; et c e p e n d a n t, débiteur de partie des
sommes portées par l ’acte de 1783 ^ le sieur Prince n'aurait eu
le droit d ’exiger du sieur Mabit l’exécution de ses e ng age m e n s , qu’après avoir rempli les siens lui-même.
A u j o u r d ’hui le sieur Perret son gendre est moins hâti f; il est
en possession des d eu x domaines depuis l ’an 7. 11 a to u c h é
2 j , o o o livres du sieur Daubusson ; il a touché ou dû to uc her
environ j o j o o o liv. de plusieurs autres tiers saisis; et il attend
�(
48
)
aujourd’hui avec patience que le sieur de V e r n i è r e et le sieur
M a b i t se soient e x p l i q u é s , pour s’expliquer lui-même.
Cependant ses demandes n’en subsistent pas m o i n s , et elles
entravent le procès , de manière que le sieur M ab it ne co m ba t
une difficulté d’un c ô t é , que pour en voir renaître d’un autre
en plus grand nombre. Ses deux a d ve rs a ir e s, au lieu de se pré
senter en même t e m p s , semblent s accorder et ne 1 attaquer
qu'alternativement. Mais il est temps de mettre une fin a cet
éternal procès, et le parti que proposera le sieur Mabit; dans son
d é c o u r a g e m e n t , ne peut erre refusé , puisqu’ il est l’adoption
des conclusions du sieur Prince.
En
1 7 8 9 , le sieur Prince a c o nc lu contre le sieur M a b i t ,
à ce que i ’acte de 178? fût résolu ave c dommages-intérêts.
Il a obtenu le f février 175)0 une sentence par d é f a u t , qui
condamne le sieur Mab it à lui rembourser les sommes par lui
reçues ave c intér êt s, et à ses dommages-intérêts, à donner par
déclaration.
Sur l’appel de cette sentenc e au parlement, le sieur Prince a
conclu au bien ju g é ; eh bien ! le sieur Mabit y donne les mains;
il adopte les propres conclusions de son adversaire. 11 se soumet
de venir à c o m pt e des sommes qu il a reçues, et a payer les
dommages-intérêts qu’évalueront des experts , au temps de sa r .
co nd am na tio n; dès-lors tour procès doit être fini entre le sieur
M a b i t et les sieur et dame Perret.
O b je c t e r a - t - o n que les choses ne sont plus nu même é t a t ,
parce que le sieur M a b i t a souffert que le sieur Prince se mît
en ’ ossession ?
D ’abord le sieur Prince ne l’v a pas même appelé ; mais quand
il y aurait de ia part du sieur M a b i t des approbations q
ii n’a
jamais
�( 49 )
jamais dofinées de cette mise de possession; elles ne seraient
que d’une bien faible c o n s é q u e n c e , lorsque les c l o s e s en sont
venues nu point qu’un procès serait r u i n e u x , et que le retour
aux premières conclusions du demandeur lui-même doit être
le but naturel de la justice , s’agissant d’éteindre de longues
contestations. Il y a d’aüleurs chose iugée par la sentence du y
février 1 7 9 0 ; l’appel est un droit facultatif pour celui qui l ’a
interjeté > et certes il peut s’en départir.
O r , le sieur Mabit s en est d é p a r t i , il acquiesce à la sentence
à condition qu’elle sera e xé c u té e telle qu’elle est rendue.
D o n c aux termes de
1art.
f du rirre 27 de l ’o r don na nce de
1 6 6 7 , cet te sentence passe aujourd’hui en force de chose j u g é e ,
et vaut c o m m e transaction entre les parties.
L a C o u r est suppliée de prendre cette offre du sieur Ma b it
en considération ; quelque long q u ’ait ét é un procès , il n’a ja
mais pu être refusé au défendeur de donner les mains à la de
mande ; car plus on s’est éloig né du premier é t a t de la cause ,
plus il importe à l’intérêt des parties d’y revenir. Q u e si le sieur
P e rr et obje ct e pour
s’en défendre des moyens nés
de son
intérêt actuel et du ch a ng em en t de la cause , la C o u r n’en
pesera pas moins dans sa sagesse le grand avantage qui résultera
pour le repos de deux f a m i ll e s , de les mettre hors d’sffaire tout
d’ un c ou p , plutôt que leur faire entretenir une foule de procès
interminables.
Il faudra, dira-t-on peut-être, une expertise pour statuer sur
les dommages-intérêts; mais elle est indispensable p^ur estimer
les jouissances que réclament les sieurs et dame Perret.
Enfin le sieur et dame Perret peuvent-ils avoir des moyens
G
�( fO )
pour s’opposer à l’adoption de leur propre d e m a n d e , et de la
sentence obtenue par leur père et beau-père.
D ’après ces offres expresses faites par le sieur M a b i t , par
des conclusions précises, il n’ en. doit pas moins, puisqu’il plaide
en C o u r sou veraine, suivre les sieurs et dame Perret dans leurs
chefs de d e m a n d e , sans néanmoins y porter toute l ’attention
qu ’ils ex ig e ra ie n t , si les sieur et dame Perret eussent voulu s’en
expliquer d a v a n ta g e , ou pl u tô t s’il n’était pas vraisemblable
que la C o u r n’aura point à y statuer.
A v a n t de suivre cette série , il est une question préalable
qui est celle de la lé si o n , à laquelle a con cl u le sieur M a b i t ;
et qu ’il devra suivre si la C o u r n'adopte pas ce qu’il vient de
proposer. C e t t e demande avait ét é fo rm ée à F i g e a c sur appel ;
mais le sieur Pr in ce a voulu d eu x degrés de jurisdiction : le
sieur M a b i t , pour ne pas contester ce qui est j u s t e , s’est départi
de cette demande c o m m e h o r s l a c o m p é t e n c e a c t u e l l e d e l a C o u r ,
sousla réserve expresse de la reprendre devant les premiers juges.
Il
n’y a point fait statuer e n c o r e , et il serait bien dans l’ordre
que ce tte action principale fût discutée la pre mi ère ; mais la
C o u r est saisie dès à présent de plusieurs demandes des sieur
e t dame P e r r e t , et le sieur Ma bi t ne peut pas en retarder la
discussion jusqu’après le juge me nt des questions préalables ,
parce que la C o u r a le droit de tout ju g e r, ec qu’il a intér êt de
ne pas diviser sa défense.
§. I . er
e t
II.
L e s 2.6,300 livres et les jouissances.
Si l'ac te de 1785 n’est pas résolu par la sentence du j f é
vrier 1 7 9 0 , ou par la lé s i o n , ce premier c h e f de d e m a n d e ne
sera pas contesté ; mais le sieur P r i n c e n ’a pas eu d’action di*.
�C
)
recte contre le sieur M abit, ou du moins elle est prématurée.
sieur Prince, a payé en 1 an 7 les 26) j 00 hv* il susit le droit
de s’en dire cr éa nc ie r, sauf à lui à rendre c o m p t e des sommes
q u ’il devait au sieur M a b i t , et de celles qu’il a reçues et pouvait
r e c e v o i r , du c ons en te me nt du sieur M a b i t , des mains des tiers
saisis; snuf e nc ore au sieur Prince à prendre à sa charge l ’é v é
nement du c om pte des jouissances que doit Je sieur de V e r n i è r e .
C a r ces créances devaient se compenser jusqu’à due co nc ur
rence ; et le sieur Prince n’a pas eu le droit de se faire une
créance particulière de ce qui était éteint par la compensation.
Les jouissances de 1789 à l’an 8 inclusivement, sont dues par
le sieur de V e rn iè re ; car c ’est lui q u i a j o u i , et le sieur Prince
ne l’a pas i g n o r é , puisqu’il a retiré les deux domaines de Laribe
et du T e i l de la main du sieur de V e r n i è r e , et de g ré à gré.
C e serait une double opération bien frustratoire que de
condamner le sieur Mabit à payer ces jouissances au sieur P e rret,
et de condamner le sieur de Vernière à les payer au sieur M ab it.
Les sieur et dame Perret n’ ont pas le droit de refuser de les
rece voi r directement du sieur de V e r n i è r e , que la C o u r c o n
damnera à les payer ; car 1 ,° le sieur Prince a traité lui- m ê m e ,
sans la participation du sieur M a b i t , et à son insçu, a v e c le
sieur de V e r n i è r e , d’un article capital qui devait 'j faire f a c e ,
2.0 il est intervenu dans le procès d’entre le sieur d e V e r n i è r e
et le sieur M a b i t , précisément pour e x e r c e r les droits d e son
p r é t e n d u d éb ite ur, de sorte qu’ il est venu au devant, lui-meme,
de la subrogation qui aura lieu en c o n d a m n a n t le sieur de
V e r n i è r e à rendre c o m p t e de ces jouissances dues aux sieur
et dame Perret depuis 1789 jusqu’en l ’an 8 , époque de leur en
tré e en possession des domaines dont s’ag it,
G 2
�'( f * y
§. I I I
ET I V .
L e s bestiaux, outils d*agriculture , f o i n s , pailles s
fum ier et grains .
L e sieur P er ret demande 2,400 livres pour le che ptel des
bestiaux et outils d ’agricultur e, promis par l’acte de 1783 ; mais
il est de fait positif que ce tt e somme n’est pas due.
L e sieur Alabit avait sur cela fait interroger sur faits et ar
ticles le sieur Prince. Mais il n’a pu en obtenir que des réponses
év asives, de sorte que pour en finir, le sieur Ma bi t défère sur
ce point le serment au sieur Perret et à son épouse.
Q u a n t aux foins , pailles et f u m i e r , la convention de 1783 a
eu son ex écution par le fait; car de sa part le sieur de V e r n i è r e , en remettant les domaines au sieur Perret en l’an 8 ,
ne pouvait emporter les engr ais, et il est constant qu’il a laissé
au sieur Perret lesdits domaines pourvus de fo in s, pailles, fu
mier et outils d’ag riculture, et la ré colte pendante par ra cines;
c e fait sera établi s’il est n i é , de sorte que l ’article ne peut être
alloué.
A l’égard des gr ains, on ne co mp re nd g u è r e à quel titre le
sieur P r i n c e , qui s’est fait céder deux domaines et les jouis«
sances ( ou grains ) échus depuis le 27 mars 1 7 8 5 , peut en outre
se croire fondé à demander les grains semés avant le 25 mars 9
e t dépendant de la ré col t e précédente.
Si ce n’est pas ce qu’il demande, il fait double emploi ave c
les jouissances de 178«?, q u ’il a demandées en l ’article premier,
et q u ’il ne peut avoir deux fois.
Enfin c ’est un chef de demande à diriger contre le sieur de
V e r n i è r e , qui aya nt pris à antichrèse le y avril 1 6 6 7 , et a y a n t
rendu le
mars 1799 a du laisser les immeubles iti statu
o r , c ’cst au sieur Mab ic qu ’il doit la dernière réco lt e.
�s. v.
L 9indemnité de 7 7 septérees de Baratou .
C e c h e f de demande, le plus ridicule de tous, ivestpas pendant
en la C o u r : il est donc inutile d’occuper ses momens d’une dis
cussion étrangère. L e sieur Ma b it sa flatte d ’avoir dém ontré à
Aur il lac q u e , ' n ’ayant cédé que ce qui est dans l ’anti chr èse , il
est inutile de chicaner sur l ’étendue de l ’e x c e p t i o n , pourvu
q u e l l e ne diminue rien de la chose cédée.
S.
V I.
Dommages-intérêts ¡p our privation de couper d u bois .
L ’acte de 178 j , portait que le sieur Prin ce aurait la faculté
de co uper du bois dans les d o m a in e s, immédiatement après
l ’arrangement ou décision des contestations à terminer entre
ledit sieur M a b i t et les sieur et dame de V e r n i è r e : le sieur
P r i n c e demande des dommages-intérêts pour n ’avoir pas usé de
cette faculté depuis 1783 jusqu’à 1789.
Si cette demande était fo ndée, le sieur de V e rn iè r e serait
seul pajsible de ces prétendus dommages-intérêts; c a r i e sieur
M a b i t n’a rien emp êché , et l ’obstacle serait venu du sieur de
V e r n iè r e .
M ais la clause mêm e de l ’acte de 1 7 8 3 , porte avec elle la
preuve d’une fin de n o n - r e c e v o i r : car le procès est encore
pendant.
S.
V I I.
Dégradations de maison et grange.
C e s dégradations ont eu lieu pendant l’antichrèse, et par con«
l é q u e n t le sieur P e r r e t , qui se considère co m m e acquéreur et
no n - su b ro g é , n’a pas droit d’y prétendre. Un nouvel acquéreur
n’a pas d’action pour les dégradations antérieures à son titre;
car il n’a acquis les choses qu’en l ’état où elles étaient alors.
�( 74 )
C e s principes sont co ns ta ns , et ont é té confirmés par un
arrêt du parlement de Paris q u ’on trouve au supplément de
D én iz a rt . La C o u r d’appel a ju g é de môme en l ’an n ,
la cause des O li va in et R o m e u f .
§.
dans
l-
V I I I .
Dégradations postérieures à 1 7 8 p .
A l’égard de c e ll e s - c i , le sieur Perret aurait eu une a c n o n
co ntr e c eu x qui les avaient c o m m i s e s , aussi en avait-il for mé
demande expresse aussi tôt après sa mise en possession, contre
le fermier , qui fut condamné à lui en faire c o m pt e .
L e sieur Perret a reçu depuis long-temps le montant de ces
dégra da tions , et s’est départi même de ce c h e f par requêce du
4. floréal an p.
5. I x.
M a in levée de l’ inscription du sieur de Vernière.
I c i , le sieur Mabit a moins à dire co ntre le sieur Perret que
co ntre le sieur de V e r n i è r e ; car c ’était une affectation presque
ridicule de faire une inscription de 60,000 l i v . , c o nt re tç sieur
M a b i t , qui ne pouvait devoir cette som m e dans toutes les sup
positions possibles. L e sieur de V e rn i è re devait bien penser
qu’en faisant semblant de s en croire cr éa nc ie r, il n y avait pas
là de quoi séduire les t r i b u n a u x , au point de les persuader qu’il
devait l’être. U n e seconde affectation a consisté à ne pas m ê m e
la d im in u e r , quoique le sieur de V e r n i c r e ait reçu 26,300 liv.
en l’an 7 , et cependant l’inscription est aussi de l’an 7.
C e t t e é n o r m e inscription a paralysé les affaires du sieur
M a b i t , et le sieur de V e r n i è r e lui devra des dommages-intérêts.
- Q - ' a n t a u sieur P e r re t, qu’il en o b t i e n n e , s’il le p e u t , c o nt re
Jouteur de l ’inscription ; mais non-seuiement i l n’a pas le d r o it
»
�d'en réc’ amer co ntr e le sieur M a b i t qui en a souffert le premiery
su contraire il lui devra lui-même des do mmages-intérêts pour
les saisies-arrêts q u ’ il a multipliées d’une manière v é x a t o i r e ,
m a lg ré un arrêt de
dé fe ns e , et en affectant de laisser tout
ignorer au sieur M a b i t , que cette conduite à mis lo ng - te m s
dans la détresse, et forcé de vendre des propriétés en assignats,
pour avoir les moyen s d’exister.
L e sieur Perret devra le c o m pt e des sommes qu’il é t a it c h a r g é
de payer d’après l’a c te de 1783 ; car le sieur Prince avait le
premier oublié ses e n gag em en s: il devait payer à termes fixes
avant 1 7 8 9 , et n’avait pas droit de suspendre ses paiemens jusqu a la tradition. C a r il autorisait au contraire le sieur M a b i t
a retenir 1 imme ubl ê jusqu au p a i e m e n t , suivant les principes;
et d’ailleurs le sieur Pr in ce l u i - m ê m e , pleinement rassuré par
des lettres de ratification et un arrêt souverain, n’était pas en
péril d ’éviction.
L e sieur M ab it n’ayant pas été assez heu re ux pour parvenir
à un arrangement à l’a m i a b l e , à cette cause, fait tous ses efforts
pour applanir les difficultés qu’elle pr é se nt e , et prévenir celles
qui pe uvent naître enc ore .
V i s- à - v i s le sieur de V e r n i è r e , il a offert un sacrifice pour
dispenser de la réf orm e inévitable du rapport L é g a y ; et, ce point
terminé, les autres difficultés peuvent être tout à la fois décidée»
par la C o u r.
A l’égard des sieur et dame P e r r e t , il s’est départi de son
appel, et a acquiescé à la cho se j u g é e ,
pour éviter les l o n
gueurs du procès en l é s i o n , et de celui de Baratou pendant
en première instance, de même que des autres chefs d’instance
pendant en la C o u r d’appel.
S i la Cour ne croit pas pouvoir adopter ces proposition
�( 5 6 )
ma lg ré leur utilité, il semble que la première opération à faire
sera naturellement de char ger trois e xpe rts , soit de reviser et
amender le travail du sieur L e g a y , soit d ’estimer les jouissances
postérieures et les objets o m i s , soit enfin d’évaluer les dégra
dations et no tamment la maison et gran ge écroulées.
P e n dant cette o pé r a t io n , le sieur Mabit fera statuer en pre
mière instance sur la lésion et sur le c h e f du té ne me n t de
Baratou, après quoi, et sur l’appel incident, s il y a lieu, la C o u r
prononcera en définitif sur toutes les difficultés, et fixera les
b ases du compte général qui aura lieu pour les créances respec
t iv e s, mais lequel c o m pt e se réduira alors à une simple opéra
tion arithmétique.
Q u o i q u ' i l en s o it , le sieur Mab it supplie la C o u r de prendre
en considération l’embarras ou l’ont placé depuis si lon g t e m s
les exagérations de l’un et de l’autre de ses adversaires, l’un le
peignit d ’abord c o m m e ayant grossi singulièrement sa fortune
par cette acquisition de
17 7 4 , l’autre
le représenta c o m m e
insolvable. A u j o u r d ’hui qu’il est vérifié que le sieur Mabit a eu
plus à perdre q u ’ à g a g n e r , ils sont d’accord tous deux pour
c o n s o m m e r sa ruine. C e t t e position doit mériter quelque intérêt
aux ye ux de la C o u r , lorsqu’elle sera co nvaincue sur-tout que le
sieur Mab it n’é lè ve aucune contestation d é p la c é e , et n’ a rien de
plus à c œ u r que d ’obtenir prompte justice.
M. e D E L A P C H I E R , A v o c a t.
M. e C O S T E , Avoue licencié.
À R IO M , D E
L ’IM P R IM E R IE
DE
Mr
DÉGOUTTE.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Mabit. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Coste
Subject
The topic of the resource
successions
créances
experts
Description
An account of the resource
Mémoire pour Pour le sieur Mabit, défendeur et appelant ; Contre le sieur Rodde de Vernière, demandeur ; Et contre le sieur Perret et la dame Prince, son épouse, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de M. Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1781-Circa An 13
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
56 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0325
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0329
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53773/BCU_Factums_M0325.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vic-sur-Cère (15258)
Laribe (domaine de)
Teil (domaine de)
Besse (domaine de)
Baratou (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Créances
experts
Successions
-
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b87c237863031fd8c9f10d2276f606cc
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M E M O I R E EN RÉPO N SE ,
POUR
i
C a t h e r i n e M O L I N , et les S .r et d a m e V E N D R I E Z
et B O R N E , i n t i m é s
1
CONTRE
J e a n et. autre J e a n
CIIOUVENC ,
appelans.
Q U E S T I O N S .
i.° L a procédure des appelans a-t-elle été périmée de plein
droit dans le ressort du parlement de Toulouse ?
2.0
S i elle n'est pas périm ée, peu ven t-ils, comme tiers acqué
reurs., repousser l'action des intim és par la prescription de
d ix ans , dans le même parlement ?
3.° S 'il n'y a pas prescription , les appelons sont-ils recevables en ladite qua lité d'acquéreurs d'un cohéritier, à form er
tierce opposition à des jugem ens en dernier ressort, rendus
sur appointem ent, entre leur vendeur et ses autres cohéritiers,
pour le règlement de leurs droits respectifs à la succession
com m une ?
4.° Thérèse M ol in a-t-elle eu 10 ou 3o ans pour se pourvoir
contre une renonciation surprise en m inorité par des protuteurs,
dans l ’ignorance de ses droits et sans être informée que les testamens de ses père et mère étaient nuls ?
Cette question doit-elle être décidée par une jurisprudence
autre que celle du parlement de Toulouse ?
5 .° Catherine Mol in a-t-elle p erd u , p a r la prescription de 30
A
�c o
ans, le droit de demander le partage, pendant sa cohabitation
dans la maison paternelle ?
6.° L e testament de Catherine Ferrapie , sans signature ,
ou déclaration négative de la testatrice, et sans lecture à ladite
testatrice , est-il valable? Que résulte-t-il pour ou contre sa
validité de ce qu’il est antérieur à la publication de l'ordon
nance de 1735 ?
7.0
L a première substitution q u il c o n tie n t, est-elle Jidéicommissaire ou jid u cia ire ? L a seconde e st-e lle u n e substitution
pupillaire ? Est elle valable? A -t-elle transmis la succession à
Marie Mo lin , dernière appelée ?
8.° L e testament de Pierre Mo/in , qui a simplement légu é
une légitime à ses enfatis puinés , est-il nul pour vice de prétérition ?
T P e l l e S sont les questions importantes et nombreuses qui
divisent les parties et qui ont occupé la Cour pendant plusieurs
audiences. Une expédition infidelle du testament de Catherine
Ferrapie, rapporfée par les Chouvenc , contenait deux expres
sions, dont ils abusaient en faveur de leur cause. La Cour s’est
vue forcée d’ordonner une collation vidimée de la minute de cet
acte; aujourd’hui la nouvelle expédition est rapporiée, et les
intimés se verront enfin en possession de leurs droits successifs,
après avoir plaidé 22 ans, et subi, pour faire juger un simple
partage, quatre degrés de juridiction.
F A I T S .
Tierre TWoîin avait, dit-on, pour frères Marcelin, Biaise , et
Ignace Molin. Toi,is , excepté le dernier , s**>nt inutiles à la
cause; et pour ne pas l’embrouiller, les intimés se c o n t e n t e n t
d’en rappeler les noms , pour passer à la descendance de Pierre,
marié a Catherine Ferrapie. Ils ont eu six enfans.
�C3 )
Pierre Molin , mort en 174)5.
Catherine Ferrapie, morle en 1735.
2.
3.
I
____ !____
Marie Molin.
Marguerite ,
Pierre ,
1 e r m ari,
N .. Chambarliac.
morte s. p.
né le 2 mai
en 1741.
i ? 3r ;
2.c marij
4.
<
^
;
*>
JL
Catherine , J ea n n e ,
intimée.
m. s. p.
Thérèse.
Louis Borne.
I
en I770.
N ... C cjoux.
mort s. p.
Jeanne B o rn e ,
3 .e mari ,
le 3 novemb.
C la u d e -L a m b e rt
Lacroisière.
L ouis Vendviez >
1748.
intim és.
L e 20 mars 17 3 5 , Catherine Ferrapie fit son testament. Elle
légua à ses six enfans leur légitime de droit, à titre d’institution.
.Voici les dispositions et la forme de ce testament:
Catherine FeiTapie institue pour ses héritiers universels Ign ace
M olin , curé de Chambon, son beau-frère, et Pierre Boyer, son
oncle, « à la chargede remettre, quand bon leur semblera, ladite
« hérédité à P ierre, fils de la testatrice, et au cas que ledit Pierre
« Molin vînt à mourir sans pouvoir disposer, ou sans avoir
«
«
«
«
«
«
«
«
a
«
«
recueilli ladite hérédité, elle lui substitue Marie. Ladite testatrice fait ladite institution sans distaclion de quarte et sans
qu’ils soient obligés de rendre aucun com pte des fr u its de
ladite hérédité, et à la charge de faire entretenir et élever ses
enfans__ Fait et récité audit T e n ce , dans la maison d’autre
sieur Pierre Molin, en présence d e .............témoins soussignés.
Ladite testatrice ille de ce enquise et requise............ »
L e 20 mai 1743 , Pierre Molin père, lit son testament : « il
institue pour son héritier Pierre Molin son fils. . . . Il donne
et lègue à ses cinq autres enfans leur légitime de droit;
et attendu le bas âge de son héritier, il prie Ign ace M olin,
curé de Chambon , son frère, et M a rie, sa fille , de régir et
« administrer ses biens , jusqu’à ce que son héritier soit en état
A 2
�U )
« de le faire......... Fait et récité à Tence , maison du testateur»;
Pierre Molin mourut le 21 du même mois de mai 1748. Alors
Ma rie Molin , majeure, et mariée dans la maison paternelle ,
s’empara des deux successions. Ignace Molin était curé de Cham
bón , Pierre Boyer était mort en 1740; et Pierre Molin , appelé
aux deux successions, s’engagea aussitôt qu’il en eut l ’âge. Il
mourut à Lille le 3 novembre 1748, et on fut long-tems dans la
famille à douter de sa mort.
Quelques années après, on trouva l’occasion de marier la plus
jeune sœur, Thérèse Molin, avec le sieur Borne , d’ une province
étrangère, moins capable par conséquent d’avoir l’œil aux aiïaires
de la maison , et par le contrat de maringe du 5 juin 1755 , le
sieur Chambarliac lui constitua 1,900 IV. de dot, en bien expri
mant que c’était pour les successions du père, de la mère, de
la sœur décédée, et même on ajouta celle du frère , quoiqu’on
n’eût pas de nouvelles de la mort. Thérèse Molin, m ineure, re
nonça à toutes successions, et s’obligra de la confirmer et raliJier à sa majorité. On ne s’ est jamais avisé de lui demander cette
ratification. Mais , indépendamment de cela , malgré son éloi
gnement, elle aurait cherché à se pourvoir, sans l’apathie du sieur
Borne son mari, et si encore sa famille, flattée de l’alliance du
sieur Chambarliac, n’eût toujours persuadé que Marie Molin
était l’héritière de ses père et n ère. Çi-nnd le sieur Chambar
liac décéda, elle passa ende secondes noces avec le sieur Dejoux,
puis en de troisièmes, avec le sieur Lambert-Lacroisière, qu’elle
institua héritier universel , et qui a ch e va , a peu de chose p rès,
de dissiper la succession.
Thérèse M olin , veuve, revint habiter près de sa famille, et
ne connut qu’alors l ’étendue du sacrifice qu’on avait extorqué
de son inexpérience. Le 22 janvier 1783, elle assigna Marie Molin
et Lacroisière, son iroisième m a r i , en partage des successions
de sus père, mère, frère et sœurs, pour lui être délaissé sa por
tion aderante.
Après cette demande, elle fit donation de scs biens à la dame
�( 5 )
Vendriez, sa fille , qui intervint. L e procès fut appointé à T en te ,
et le 2 novembre 1784, il intervint sentence qui ordonna le par
tage du chef de Jeanne seulement ; et avant faire droit sur le sur
plus , ordonna une estimation préalable des biens des père et
inère communs.
L es deux parlies interjetèrent appel de celte sentence ; les pro
cédures se conîinuèrent en procès par écrit jusqu’à la révolution.
L e tribunal du district du Pay fut choisi pour connaître de cet
appe!.
Ce tribunal rendit son jugement le 26 janvier 1793, sur pro
ductions respectives, et jugea dans ses motifs :
i.° Que le testament du père était nul par prétention; z.° que
la substitution, portée dans celui de la mère, avait saisi Pierre
Moün de la succe-s'on , et que ledit Molin étant mort après
quatorze ans, les substitutions s’étaient alors éteintes.; 3.° que
la renonciation de Thérèse Molin était n u lle, comme n’étant
dirigée ru profit de personne , comme faite par une mineure ,
ave-, ronvtut on de ratification non effectuée, et comme dirigée
au pi 'fil d’une piolut'ice , et que l’action avait duré trente ans.
En conséquence, ce tribunal ordonna le partage desdites suc
cessions, pour être délaissé à la dame Vendriez sa portion, expli
quée et calculée audit jugement.
]>(■son còlè, Catherine M olin, sortie de la maison paternelle
à la mort de sa sœur, en 1788 , avait assigné Lambert-Lacroisière, son héritier, le 27 novembre delà même année pour venir
à partage, • t lui expédier un cinquième clu chef de son père, et
seulement un douzième, du chef’ de sa mère, parce qu’elle avait
aussi vécu dans !,i croyance , que Marie Molin était héritière
par des testamens qu’elle n’avait jamais vus ; elle demanda éga
lement les successions collatérales.
Une sentence du 17 août 1790 ordonna ce partage , pour être
expédié un douzième des biens de la m ère, un dixième des biens
du père, et dans les mêmes propulsions pour les successions col
latérales.
�,
( 6 )
ueux parties interjetèrent encore appel ; Catherine Molía
alcirs ayant eu connaissance du testament de sa mère, rectifia
ses conclusions, et demanda un seizième du ch ef maternel.
L e Puy était aussi saisi de cet appel qui s’instruisit en
procès par écrit par plusieurs écritures, et il était sur le point
de recevoir sa décision, lorsque fut rendu le jugement ci dessus,
du 26 janvier 1793.
On présume sans peine que Lacroisière, succombant vis-à-vis
Marie - Thérèse Molin , en dernier ressort, n’avait garde de
plaider plus long-tems contre Catherine, devant le même tri
bunal. Il demanda accommodement ; les parties traitèrent , le
19 fév rier 1793 , et comme on le voit , en grande connaissance
de cause.
Lacroisière, par cet acte , dit qu’il adhère au jugement , en
dernier ressort, du 26 ja n v ie r, et consent que des experts fassent
le partage des portions revenant à Thérèze Molin.
Il y consent aussi vis-à-vis Catherine M o lin , mais avec con
vention qu’elle ne réclamera les jouissances que depuis 1788.
II est convenu que les experts expédieront d’abord la maison
qu’il occupe , un domaine et un jardin, et déduiront les créances
qu’ila’acquittées envers Jean-Antoine M olin, à la décharge de tous.
É t comme évidemment ces biens ne suffisaient pas, il apprend
qu’il a vendu aux nommés Chouuenc , Graisse, C u o q , B o y e r ,
B eléa g e , et laisse à Catherine et Thérèse M olin , à se pourvoir
contre eux , ainsi qu’elles aviseront.
E n fin , celles-ci font le sacrifice de tous leurs dépens, tant des
causes principales que d’appel.
L e 26 février 179^, les intimés signifient à ces tiers acquéreurs,
uon-seuleinent ce traité, mais encore le jugement du 26 janvier,
pour qu’ils l’attaquent s’ils s’y croient fondés.
L e 11 avril, ils les assignent tous en désistement et jugement
commun; la plupart acquiescent à la demaude. L e moyen des
Chouvcncn’était pas alors d’attaquer le jugement du 26 janvier
1790 , mais de dire qu’ils avaient des lettres de ratification.
�^( 7 )
L e 19 prairial an 2 , un jugement ordonne le désistement en
expliquant que les intimés épuiseront, 1 les biens libres, 2.°ceux
abandonnés par les acquéreurs , qui ont acquiesces avant d ’en
venir aux Chouvenc. Ils sont condamnés à rapporter les jouis
sances , seulement depuis la demandé comme acquéreurs do
bonne foi.
Depuis cette époque le tems de la pérémption s’accomplit : ce
n’est que le 9 vendémiaire an 8, que les Chouvenc
l’ex
ploit de l’an 4 à Catherine IVlolin seule, pour assister en la cause.
L;; 16 g e n r r n a l an 9 , les i nt i mé s ont a ss i g n é les C h o u v e n c en
la c o u r , p o u r se v o i r d ém e t t r e d e l e u r a p p e l .
1 ..
C ’est en la cour , seuhment pour la première fois , que les
Chouvencont imaginé d ’attaquer lejugement du 26 janvier 1793,
par tierce opposition. Lt ui^ résistance soutenue est fondée sur
l e u r prétendue bonne foi : cependant il s ont acquis d’une’. cohé
ritière qui a v a i t une sœur dans la m a i s o n ; ils ont fait plus, ils lui
ont payé le prix de la vente, quand elle était séparée de biens.
M O Y E N S .
Si, quand les intimés ont plaidé avec le sieur Lar'roisière, ils
avaient'éu le moindre'soupçon de la Vente laileaux Chouvenc,
le même procès aurait tout terminé: et certts, en voyant toute
la résistance du sieur Lacroisière , et combien le tribunal du Pu y
a approfondi les questions de ce proc<'-, ¡1 est aisé de voir que les
moyens des Chouvenc n’auraient rien c hangé à sa décision. Quand
ils ont été appelés devant les tribunaux de la Hante-Loire et de
L ’Ardêche, l’idée 11e leur est pas même venue d’attaquer le ju
gement du 26 janvier 179.3 , et de faire rejuger un procès qui
leur était étranger , et dont l’issue eût indubitablement été la
même; mais à R io m , une diversité, ou plutôt une innovation
de jurisprudence a changé leur plan. Les Chouvenc veulent au
jourd’hui faire tout remettre en question; mais avant d’aborder
le fonds , ils sont arrêtés par des questions préalables qu’il
»’agit d’examiner.
�T
P R E M I È R E
Q UE S T I O N.
P--
i'VV. '■ L a procédure des appelons est-elle périm ée?
-?ï. ;
v.
.
„
Jp.i 'P.i;opcrandurn et l'ordonnance de Roussillon veulent
que tous les procès'soient promptement jugés ou entretenus par
des:procédures, sinon l’instance est déclarée périe.
u
L e parlement de Paris avait modifié ces lois par un arrêt de
règlement! de 1692 , qui voulait que la péremption n’eût lieu
qu’après; une ¡demande ; mais cet arrêt n’a eu d’efïet que daîîs son
ressort. Au parlement de Toulouse, au contraire, i’ordonnance
de.Iloussillon était suivie à la rigueur; la question de savoir si la
procédure avait été entretenue sans discontimmtion , était môme
devenue, un formulaire dans le dispositif des sentences; la pé
remption y a toujours eu lieu de plein droit, et le juge la suppléait
si on ne la demandait pas.
Cette jurisprudence a dû se maintenir, et s’est maintenue en
effet en la Cour. Quand des questions de péremption se sont pré
sentées pour l'ancien resâôrt de Toulouse, la Cour a jugé, notam
ment les 18 pluviôse an.t i,et 12 nivps.e an 12, que-la péremption
avait eu lieu de plein droit, même pendant la révolution , et la
suppression des avoues.
On objecte que les intimés ont couvert la péremption en anti
cipant le 16 germinal an 9.
. Mais i.° cet exploit assigne les.Chouvenc pour se voir démettre
de leur appel, et cette e x p r e s s i o n générale et indéterminée com
prenait toutes les voies légales qui pouvaient conduire à cette
démission d’appel ; il serait donc bizarre de dire que celuMà ap
prouve un a p p el, qui assigne l’appelant aux fins de s’en voir
démettre. Il faut bijen que la péremption même soit'prononcée
en justice, et personne n’osera exiger que celui qui la prétend
acquise, soit obligé de s’en tenir à ce moyen seul ; car en Cour
d’appel il n’y a pas d’exceptions sur lesquelles il faut statuer préa
lablement , comme l’exige, en première instance, l’ordonnance
�(9)
de 1667.. On sait assez qu’il faut, en Cour souveraine, proposer
tons ses moyens à la fois.
2.0
Cette question a été discutée par M .r le procureur géné
ral Merlin, en ses nouvelles questions de droit , v.° a p p e l, §. 9,
avec sa profondeur ordinaire, et il décide que d’après le système
de l’ancienne et de la nouvelle législation, la péremption est un
moyen de droit public tendant à l’abréviation des parties , et
qui ne se couvre pas. Les ordonnances , dit-il, le veulent ainsi,
les anciens arrêts y sont conformes, et la loi du 14 octobre 1790,
qui s’est occupée de la procédure des justices de paix, dit qu’a
près quatre m ois, Vinstance sera périmée de droit et Vaction
éteinte ; donc, a jou te-t-il, le juge doit déclarer la péremption
acquise, lors même que la partie intéressée n’y conclurait pas.
M .r M erlin, en sa discussion, ne s’occupe pas, comme 011
pourrait le croire , des péremptions de quatre mois, qu’il ne cite'
que pour compai'aison. L ’ordonnance de Houssillon lui semble
aussi claire, toutes instances discontinuées pendant trois ans
sont éteintes et péries. Avant son arrêt de 1692 , le parlement
de Paris le jugeait ainsi. On trouve deux arrêts précis des 27
juillet 1604, et 27 août 1610. Menelet et Bouchel enseignent les
mêmes principes.
« L a péremption, dit B o u c h e l, une fois acquise, ne se couvre
« point par une procédure volontaire , depuis faite en l’instance
« péiie, ensorte que nonobstant qiton ait repris celte instance].,
« on peut faire juger la péremption...............L ’ordonnance de
« Houssillon porte que toutes instances sont éteintes et péries.
« C est un droit public auquel on ne peut deroger».
Par une fatalité attachée aux lois humaines , les auteurs con
temporains les trouvent ordinairement très-décisives et sur-tout
très - respectables ; mais à la longue ce respect s’aflaiblit singu
lièrement. De là vient que les auteurs du i6 .e siècle voyaient, dans
l ’ordonnance de 149^, ce que nous ne voulons pas y voir; tandis
que par une inconséquence bizarre, nous trouvons la loi du 14
octobre très-impérative, quoique ces deux lois disent positive
ment la môme chose.
�C 10 )
A u reste, il s’agit ici de suivre la jurisprudence du parlement
de Toulouse; la péremption y était jugée de plein droit t et c’est
dire assez qu’elle y était un moyen de droit public.
Les Chouvenc ont cru trouver une interruption dans le chan
gement de personnes; mais c’est un rêve de dire que Jeanne
Borne n’ait pas été en cause avant l’an 8; elle était en qüalilé dans
le jugement de 1793. Quant à Chouvenc fils , il lui a plu d’inter
venir comme donataire, sur l’appel, mais son père est toujours
en cause, et s’il a laissé accomplir la péremption, elle n’en est
pas moins bien acquise contre le légitime contradicteur.
D E U X I È M E
QUES TI ON.
L e s appelons , tiers acquéreurs , peuvent-ils invoquer, à T ou
lo u se, la prescription de d ix a n s?
Les Chouvenc font des efforts incroyables pour l’établir, et
pour forcer à être de leur avis les auteurs même du parlement
de Toulouse qui, sans exception, sont d’un avis contraire.
Cependant les Chouvenc débutent par convenir (pag. 9 de leur
m ém oire), que Marie M olin ne pouvait pas vendre la portion
de ses cohéritiers , qu’ il est c e r t a i n que ces cohéritiers avaient
TRENTE ANS UTlEES pour réclamer contre toute v e n t e f a it e par
l'u n d'eux.
M a is , continuent-ils, la question concerne l acquéreur ; on
leur demandera d’abord c o m m e n t il est possible d’avoir trente
ans pour se pourvoir contre les ventes, et de 11e pas les avoir
contre Vacquéreur ; comme ce serait inexplicable , il vaut mieux:
dire que les Chouvenc ont été forcés de reconnaître l ’évidence
du principe.
A u reste , en examinant la question en elle-m êm e, ce n’est
pas dans le Code civil qu’il faut la chercher, car dans une grande
paille de ses articles, et notamment sur les prescriptions, il a
adopté tantôt le pur droit romain, et tantôt la Coutume de Paris.
Mais pour ne pas faire de confusion à l’avenir, et respecter le
�C I* )
passé, l ’art. 2281 lermine le Code par dire que les prescriptions
commencées seront réglées conformément aux lois anciennes.
Il faut donc chercher ailleurs que dans le Code, s’il y a lieu
à la prescription de dix ans; et même si nous trouvions de l’obs
curité dans les lois romaines qui régissaient les parties , il fau
drait dire avec la Cour de cassation que Yusage est l ’interprète
le plus sûr des l o i s , et s’en référer à ce qui a été jugé de tout
tems sur ce point par le parlement de Toulouse.
Mais la loi n’est nullement obscure, et si on trouve au
Code une loi qui établit la prescription de dix ans en faveur
du tiers possesseur, on voit aussitôt après l’authentique malce
fid e i qui l’ explique et la commente, en déclarant que les dix
ans n’ont lieu, que quand le vendeur a été de bonne foi. Malce
ji d e i possessore a lién a n te, cessât longi temporis prescriptio ,
si verus dominus ignoret ju s suum et alienationem factam .
Si ce commentaire de la loi elle-même ne paraît pas assez clair,
si comme les Chouvenc le disent, il y avait moyen d’en torturer
le sens en présumant que les intimés ont connu la vente, nous
trouverons la suite de l’authentique dans la novelle d’où elle est
tirée, et il sera très-clair alors que ce 11’est que la bonne foi du
vendeur qu’il faut considérer. S i autem ignorât verus alienatarum rerum dom inus , non aliter hune excludi nisi per triennalem prescriptionem : non valente dicere eo qui res hoc modo
possidet quia ipse bond fid e p ossid et , quandb ipse à mald jid e
possidente hoc accepit. Novell. 119, ch. 7.
Puisque la loi est si claire et si positive, il faudrait donc s’é
tonner que le parlement de Paris jugciit pour la prescription de
dix ans, en faveur de l’acquéreur, si nous ne savions que la Cou
tume de Paris en a une disposition expresse, et que dans les moin
dres doutes, elle était la règle pour ce parlement.
Quant au parlement de Toulouse, tous les auteurs de son res
sort attestent, sans exception, que la prescription de dix ans 11’y
est admise que pour l’hypothèque, et que le tiers possesseur ne
prescrit que par trente ans.
�( 12\
Eoutaric , page 182 , a , sur ce su jet, une discussion très-ap
profondie. Serres, page
annonce la seule prescription de
trenfe ans comme un principe n'on contesté. Graverol et Larocheflavin, p. 5 io; Catelan , p. 5oy, disent « que le parlement
« de Toulouse n ’a pas reçu cette usucapion de dix ans , que
« Juslinien même avait transformée en prescription de trente
« ans; qu’ainsi le tiers acquéreur purge l’action hypothécaire
« par dix ans , et non le droit de propriété pour lequel il faut
« trente ans ».
Furgole , en son traité des testamens , tom. 3 , pag- 4*7? s’explique ainsi : « Au parlement de Toulouse , on ne connaît d’autre
« prescription pour l’acquisition ou la perte des droits person« nels ou réels que celle de trente ans. Ainsi un héritier pourra
« demander pendant trente ans, même à celui qui possède avec
« uii titre, lequel 11’est pas capable de lui attribuer la propriété,
« comme ayant été consenti à non domino.
Ces principes sont élémentaires dans les parlemens de T o u
louse, A ix , Bordeaux et Grenoble. On peut consulter là dessus
encore Catelan , livre 7 , chap. 21 ; Lapeyrère , lettre P , n.° 83 ;
Montvalon , page i o 5 ; Decormis , tom. 2 , col. 589 ; Bretonier ,
v.° prescription ; M .p M erlin, v.° hypothèque, §. i 3 , et la
ïnaximfe est tellement devenue triviale dans les parlemens du
droit écrit, que suivant Dupérier , » la prescription de dix ans,
« en ce cas, n’est plus maintenant que pour les écoles ».
Cela peut paraître étrange dans un parlement qui ne s’y con
formait pas ; le docte Domat y avait réfléchi lui-même , et ne
s’en étonnait pas : « Les lois, disait-il, qui marquent le terus des
« prescriptions ne sont (pie des lois arbitraires, car la nature ne
«
«
«
«
k
fixe pas quel tems il faut pour prescrire. . . . Il se règle dilféremment en diverses provinces , et il y a même de celles qui
se régissent par le droit écrit où l’on n’observe pas les divers
t e m s de prescription du droit romain. Il y en a ou elles ont été
réduites à une seule prescription de trente ans. »
Nous verrons sur la 4.« question , que la Cour de cassation a
�( i 3 )
consacré, par trois arrêts, la nécessité de suivre la jurisprudence
du parlement de T ou lou se, et expressément sur la matière des
prescriptions.
Concluons dnnc que les Chouvenc ne peuvent invoquer la pres
cription de dix a n s , dans un ressort où on ne citerait pas un seul
arrêt ou jugement q u i, en semblable Ctis , l ’ait jamais admise.
Dans leur propre système , il faudrait les supposer de bonne fo i,
et il est impossible qu’ils le fussent.
L a loi, au reste, n’est nullement en leur faveur, et ce n’est
que surabondamment qu’il y a lieu d’invoquer l ’invariabilité
de la jurisprudence.
T R O I S I È M E
QUESTION.
L a tierce opposition des appelans est-elle receuable ?
« Pour être reçu tiers opposant, disent les auteurs, il nesuiTit
« pas d’avoir intérêt de l’attaquer, il faut avoir été partie
«
saire dans le
néces-
j rocès jugé. »
Les Chouvenc étaient-ils donc parties nécessaires dans le
procès d’en Ire les intimés et le sieur Lacroisière, de quoi s’agissnit-il ? d’un partage.
Mais un partage de succession ne pouvait être fait qu’entre
cohéritiers, A c tio ■familiœ erciscundæ salis hœredibus com -
p etit.
Les questions d’un partage sont tellement élrangères à tous
autres, que quand un tiers achète la portion d’un cohéritier ,
les autres peuvent l’expulser en le remboursant , pour l’empê
cher de pénétrer les secrets de la famille. Aussi en droit, l’ac
tion en partage 681-0116”, par sa seule définition , exclusive de
toute admission étrangère : A c tio fa m iliœ erciscundæ est actio
civilis quâ cohœredes
dividundâ.
in te r s£
ag a n t de commun i hœreditate
Jusque-là un acquéreur n’est pas partie nécessaire dans un
partage ; il a suivi la foi de son vendeur, et quand la novelle
119 le répute acquéreur de mauvaise f o i , par cela seul que ac-
�C «4 )
cepit à viald Jide possidente, il est bien plus difficile encore de
supposer que deux cohéritiers ont nullement et inutilement
procédé pour avoir omis d’appeler un tiers possesseur, quand
toutes les affaires de la maison leur étaient inconnues.
Les Chouvenc n’ont pas dû être assignés nécessairement•
L ’ordonnance de 1667 d’ailleurs ne donne pas la faculté de
tierce opposition à ceux qui ont été condamnés par eux-mêmes,
ou leurs ayant-cause.
Or comment expliquer l’étendue de ce mot ayant c a u s e , ce
sont, disent les auteurs, ceux qui représentent le condamné à
titre universel ou à titre singulier, pour la chose litigieuse. Ainsi,
dit R o dier, un créancier, 1111 acquéreur sont des ayant cause.
Nons allons voir encore que le Droit romain les place sur la
même ligne.
A u 1F. des appels et au code des évictions , les lois entendent
si bien que le créancier et l’acquéreur soient des ayant cause du
propriétaire ou vendeur, et qu’il a pu être condamné hors leur
présence, qu’elles lui acccordent ledroitd’interjeteri/^tf/, comme
condamnés eux-mêmes en sa personne
Si emptor de proprietate victus e s t , eo cessan te, auctor ejus
appellare polerit ,• item si auctor egeiit et victus s i t , non est
deneganda emptori appellandi facultas. . . . I d q u e ità constitulinn est in persond creditoris. L . 4. ff. de appellat.
L ’acquéreur et le créancier sont donc identifiés avec le procès
du vendeur ; et quand c e l u i - c i a lui-meme interjeté a p p el, la loi,
toujours juste , permet encore à l’acquéreur d’intervenir au
procès, si le vendeur paraissait suspect dans les moyens qu’il
propose. Quin e lia m si auctor ap pellaverit, deindè in causcv
dejensione suspectus visu sest, penndè de/ensio causæ ctnylori
comniittcnda est, atijue si ipse appellasset. L . ead.
L e Code civil s’est conformé à ces principes, sur-tout en ma
tière de partage, et bien loin de vouloir que des cohéritiers soient
passibles d’aucune résistance étrangère , après le partage con
sommé , il n’admet les créanciers qu’à intervenirà leurs frais ,
�( i5 )
sans pouvoir ensuite attaquer le partage autrement que s’il y avait
été statué au préjudic e d’une opposition par eux formée (art. 08a).
31 y 3 plus ; car si , par l’eil'et du partage , un seul cohéritier
avait obtenu tout l’immeuble commun , à titre de licitation ,
envain tous acquéreurs ou créanciers des autres cosuccesibles
tenteraient de l’évincer , l ’art 883 lui répondrait « que chaque
u cohéritier est censé avoir succédés«// et immédiatement à tous
« les effets compris en son lo t , ou à lui échus par licitation. »
Ainsi Thérèse et Catherine Molin o n t, dans la portion qui
leur est attribuée par un jugement en dernier ressort, une pro
priété qui leur est transmise ex causa antiquâ, et qui est réputée
leur appartenir depuis l'ouverture des successions. Ainsi les
Chouvenc, qui n’étaient pas parties nécessaires au procès relatif
au partage, mais qui pouvaient seulement y intervenir, trouvent
aujourd’hui un mur d’airain dans la chose ju gée, et ne peuvent
plus faire juger avec eux seuls une demande en partage , de
successions qui leur sont étrangères.
Si, après s’être pénétré de toute la puissance de ces principes,
il fallait en venir à la jurisprudence, les arrêts abondent en faveur
des intimées, et on n’en citerait pas un seul qui fût favorable
aux Chouvenc.
Parmi le grand nombre d ’arrêts qui se trouvent dans tous les
livres, nous ne puiserons que dans des sources indubitables ,
pour qu’on ne puisse pas même présumer que l’espèce de ladécicision n’a pas bien été saisie.
i.° M .r Cochi» , en ses notes alphabétiques, tom. 5, pag,
dit ; « jugé par anêt du 3 i mai 1726, en faveur des sieur et dame
« Massol contre M .r le président Amelot et le comte de Tavanes,
« que le tiers détenteur , assigné en déclaration d’hypothèque
« par ceux qui ont obtenu des arrêts contradictoires contre son
« vendeur , ne peut y former tierce opposition, quoique son
« acquisition y soit antérieure. »
z.° M .r Merlin , au répertoire, v.° tierce opposition , cite
deux arrêts. Par le premier, « la dame de Couilans était en procès
�( 16 )!
avec un seigneur voisin pour mouvance de fief. . elle vendit
sa terre. . . . on continua de plaider avec elle. . . . elle perdit
son procès par arrêt de 1728 . . . son acquéreur ayant réclamé
des droits seigneuriaux, l’autre seigneur lui opposa cet arrêt. . .
l’acquéreur y foîrna tierce opposition , on lui répondit qu’il
devait s’imputer de n’être pris intervenu : par arrêt du 3 i
mai 1742, il fut déclaré non recevable dans sa tierceopposition.»
Par le 2.° arrêt, « le marquis de Lusignan vendit, en 1720 ,
« des terres au sieur Dauriac. . . . Les héritiers de la dame de
« Monriquet firent, en 1727, confirmer , sur a p p el, une sentence
« de 1718 , contre le marquis de Lusignan seul. M .r Dauriac
« soutint qu’on aurait dû l’appeler, et forma tierce opposition....
« On lui répondit qu’il devait intervenir. . . . qu’il était censé
« avoir été partie dans l’arrêt par son vendeur , qu’en cette
«
«
«
«
«
«
«
« partie il était l ’ayant cause du marquis de Lusignan. Par arrêt
« du 6 septembre 1750 , il fut déclaré non recevable. »
3 .° L e B u lletin officiel de cassation rapporte un arrêt du 12
fructidor an g , dans lequel , pendant un bail à ferme , de
forges, moyennant 122,400 f. , le s .r Forestier se fit envoyer en
possession de ces forges, par jugement en dernier ressort et par
défaut du 3 janvier 1792. . . Godet, créancier, forma tierce oppo
sition , et dit que cette dépossession était le fruit d’une collusion.
Néanmoins l’arrêt, « vu les art. 5 et 11 du titre 27 de l’ordon« nance de 1667, et l’art. i . er du titre 35. . . . Attendu que la
« reserve du droit des tierces personnes, ne concerne que celles
« qui n’ont pas été parties appelées ni représentées.. .. que le
« sieur Godet , comme créancier de Lessart , était à cet égard.
« son ayant cause. . . . que Lessart a été a p p elé ., . . que Godet,
« en qualité de son ayant cause , n’aurait pu être r e c e v a b l e à
« attaquer ce jugement, qu’autant qu’il eût été justifié que Les
te §art a u r a i t été lui-même admissible à se pourvoir. . . . q u e les
« juges de C a n , en admettant la tierce opposition du cit. G odet,
« ont violé l ’art. 5 de l ’ordonnance concernant l'autorité de la
« Chosç ju g é e , et ont contrevenu formellement à l’art. i . er du
titre
�(
«7
)
<< titre 35 , qui ne permet de rétracter, autrement quepar requête
« c iv ile , les jugemens rendus en dernier ressort , avec ceux
« qui y ont été parties, ou leurs ayant cause.................. Casse
« et annulle etc. »
Voilà donc la pleine confirmation de la loi 4 fï. de appellationibus et du code civil. L ’acquéreur ou le créancier peuvent
intervenir s’ils suspectent ; ils peuvent même attaquer la chose
jugée, par la voie de l’appel, aux risques et périls du vendeur ,
si le jugement est en premier ressort; par la requête civile , s’il
est en dernier ressort.
Tout cela encore ne serait pas accordé contre un partage , s’il
n’y avait eu fraude évidente. Aucuns de ces arrêts 11e sont dans
l’espèce d’ un procès de succession. S olis hæredibus competit.
D eu x autres moyens résistent à l’admission de la tierce oppo
sition des appelans. i°. Les tiei'ces personnes ne sont admises in
définiment à s’opposer, d’après l ’ordonnance, que par la raison
bien naturelle qu’ils ne connaissent pas le jugement. Mais il a
été signifié aux Chouvenc en 1793; et ils n’ont formé tierce op
position qu’après dix ans. 2°. Dans les circonstances d elà cause,
c’était de leur part une action principale, et ils devaient épuiser
les voies de conciliation.
Les Chouvenc objectent qu’ils ignoraient le procès. Cepen
dant ils veulent que les intimés aient connu leur vente, bien plus
occulte sans doute qu’un procès , qui a duré depuis 1783 à 1793,
dans une petite commune. Quand ils voyaient Catherine Molin
dans la maison paternelle, pouvaient-ils bien acheter de bonne
foi sans sa participation? quand ils l’en ont vu sortir; quand
Thérèse est revenue de l’Ardèche dans son pays natal, n’ont-ils
pas dû présumer qu’elles allaient intenter un procès, ont-ils pu
se défendre de l ’inquiétude naturelle à celui qui a acquis une
chose indivise, et qui sur-tout en a payé le prix capital à une
femme séparée de biens.
A u reste, s’il y a de l’inconvénient pour un acquéreur d’être
cqjndamné sans être en cause, n’y en aurait-il pas un plus grand
C
\
�( 18}
encore, d’exiger en règle génén e , que 'ont cohéritier dût sa
voir s’il y a des acquéreurs, avant derechercli r ses dro‘ts, c’està-dire lut tenu de connaître les forces ue iu succession , lors
qu’au contraire il a le droit de les puiser dans un inventaire, ou
dans une preuve de commune renommée.
Si les acquéreurs étaient parties nécessaires dans une action de
partage , serait-ce donc pour en discuter toutes les questions et
*ous lés actes de la famille? Une telle prétention résiste à toutes
Jes notions reçues ?
»
!
Q U A T R I È M E
QUESTION.
Thérèse M ulin avait-elle d ix ans ou trente ans pour se pour
voir contre sa renonciation ?
Cette question doit-elle être décidée par une jurisprudence
autre que celle du parlement de Toulouse ?
L a nécessité de discuter ces deux points ne marque que plus
fortement tout le danger qu’il y aurait d’admettre les Chouvenc
à pénétrer, par une voie d’intrusion, dans une famille étrangère,
pour dire à des cohéritiers : vous avez péniblement obtenu un
règlement de vos droits, on. a ajinullé deux testamens: J e m ’y
o p p ose; je veux faire rejuger tout cela; je veux scruter vos
testamens, vos.contrats de mariage, tout ce qui s est passe dans
votre maison depuis i y 35 jusqu’en 179^' ^ os cohéritiers n’y
seront pas même appelés, car il y a chose jugee avec eux , et
c’ est rr.oi seul qui veux faire régler, avec vous tous , vos droits
successifs, je suis à présent, dans la succession de vos ancêtres,
la seule partie légitime.
Si ce s y s t è m e des Chouvenc, qui cependant est toute la base
c’u procès a c tu e l, ne révolte pas au premier aperçu ; s’il faut
trouver en eux le seul légitim e contradicteur, voyons donc par
quelle jurisprudence la chose ju g ee et remise en litige doit être
rejugee .
Thérèse Molin s’était pourvue en 1783, contre une renoncia-
�C T9 )
tion de 1755. Elle y a été recevable, parce que dans tout le par
lement de Toulouse , et pendant plusieurs siècles , on n’a pas un
seul exemple que les actions en nullité aient été prescriptibles par
moins de 3o ans. Nous avons vu sur la 2.e question que toutes les
actions y étaient réglées à celte durée, à la seule exception de
l’açtion hypothécaire.
Les Chouvenc ayant leur pi’ocès en cette C o u r, ont été séduits
par une innovation de jurisprudence , qui n’a même pris quelque
consistance que depuis le Code civil et par induction de l’un de
ses articles; jusques là, la Cour d’appel ne s’était pas prononcée^
et on trouverait même dans l’un deses arrêts que les anciens prin
cipes en celte matière n’étaient pas oubliés.
Mais quand cela serait autrement,. 11’est-ce pas une folie des
Chouvenc de penser que la Cour d’appel, par un nivellement
désastreux, ramènera à sa jurisprudence, même la.chose ju g é e,
même des questions nées en iy 83 , dans un parlement étranger,
et à une époque où la Cour d’appel aurait indubitablement jugé
comme lui. *
Qui donc ne verrait pas le danger incalculable qui en serait la
suite, et non-seulement dans le cas de la chose déjà ju gée, mais
encore quand elle serait pleinement en litige? Soumettre brus
quement un vaste pays à une jurisprudence qui jusqu’alors lui
était inconnue, serait sans doute porter le trouble dans des
familles, dérouter tous les gens d’affaires qui n’auraient plus désor
mais que des conseils vagues à donner aux autres, et une marche
incertaine à tenir pour eux mêmes.
Les lois ne sont pas un ordre donné au peuple ; elles sont
réputées être émanées de lu i, par le pouvoir que lege regid
il en a donné au prince. En les exécutant, il les explique, et la
manière d’expliquer les lois par l’usage , dit V in n iu s ,
d’après un auteur latin, vaut mieux que ce qu’on lit dans la loi
elle-même. P lu s valcre leges quœ moribus comprobalce su tit,
qïiam quœ scripto con stan t, vérité biçn plus marquée encore
par la maxime si connue, que la jurisdrudence est le meilleur
C a
�I
(
20
)
interprète des lois. Consuetudo est legum optima interpres.
L a jurisprudence en effet qui n’est pas seulement un mode de
juger, mais d’après la définition de Vinnius , JustitL v habitus
praclicus , n’a pas cessé d’être une espèce de législation impcrative, depuis que les anciens ressorts des Cours sont confondus.
Quand Rome n’avait pour règle que la loi des 12 tables, les dé
cisions des jurisconsultes responsa prudentum fixaient la ma
nière de les interpréter, et cette jurisprudence devint une législa
tion additionnelle; et lorsque des Proconsuls et des Préfets furent
envoyés dans les provinces, il leur était prescrit de soumettre les lois
à la jurisprudence et de respecter les usages. Præses provinciœ ,
probalis bis (/i/æ in oppido, frequenter in eodem controversice
gen ere, servata s u n t, causé cognild statuit. L . 1. cod. quce s.
long. cons.
L a Cour d’appel donne tous les jours cet exemple, en décla
rant dans ses arrêts qu’elle est déterminée par la jurisprudence
du parlement de Toulouse.
L a Cour de cassation que l’on pourrait croire, par le but de
son institution , plus attachée à la lettre de la loi qu’aux diverses
jurisprudences, s’est souvent prononcée de la manière la plus for*
melle sur la question qui nous occupe.
« Considérant ( por-îe un i . er arrêt du 2 messidor an 11 ) , que
« les dispositions du droit romain ne font loi dans les pays même
« qu’elles régissent, que dans les points et selon le sens qui ont
«< été adoptés par la jurisprudence ; qu’il est constant que, par
« une longue suite d’arrêts semblables, le parlement de Tou« louse a jugé., etc.» ( S ir e y , page 809).
' 2.0 Dans une autre cause, du 5 floréal an 12 , la Cour de cas«
saiion a dit: « Considérant que quoique en générai on puisse par
v
«
*
«
•
«
le droit romain acquérir les servitudes par 10 ans entre présens, et 20 ans enlre absens ; cependant, d'après la jurisprudence du parlement de Toulouse constatée par divers arrêls,
les servitudes discontinues ne pouvaient s’acquérir que par la
possession immémoriale , et que c'est ainsi q u 'il a entendu la
lo i t etc. casse et aimulle, etc. *~^Lullctin, u.° 52).
�(
21
)
3.° Un arrêt du 2.1 du même mois a jugé de même, « que la
« jurisprudence des arrêts rendus par une Cour souveraine, non
« étrangère au pouvoir législatif, pouvait être considérée comme
« fixant le sens des dispositions législatives. » ( Sirey, p. 267).
Si donc la Cour admet les Chouvenc à discuter les questions
qui ont été agitées au Puy avec Lacroisière, elle ne les jugera
évidemment que par la jurisprudence du parlement de Toulouse.
Thérèse Molin a renoncé en 1755, cela est vrai; mais, 1.« elle
était mineure , et la convention porte qu’elle sera tenue de con
firm er et ratifier à sa majorité. Elle n’en à rien fait. Il n’y a doue
pas de partage final là où il y a lieu de le confirmer en majorité;
ce n’est jamais qu’une mesure provisionnelle.
2.0 On fit renoncer Thérèse Molin à tous droits et supplément.
Il est évident qu’on lui fit entendre en minorité qu’elle n’avait
qu’une légitime de rigueur. Donc on la trompait. Sa renoncia
tion d’ailleurs n’est dirigée au profit de personne.
3 .° Si on suppose qu’elle a approuvé lestestamens, une appro
bation tacite ne suffisait pas; car il fallait les connaître. Celui-là
seul prescrit le droit de réclamer contre u n e destination de légi
time , qui agnovit ju d iciu m defuncti. Tels sont les principes
invariables comme la Cour l’a
souvent
jugé, et notamment les
21 thermidor an 8, et 4 pluviôse an 10.
4.0 L e testament de 1705 a été e x p é d i é par le notaire, avec
des expressions qui en changeaient le sens. C ’était donc induire en
erreur les parties intéressées. T h é r è s e Molin pouvait croire Marie
Molin substituée, puisque la condition du décès de Pierre, sans
avoir rem is, était remplie , tandis q u e celle de son décès, sans
avoir re cu e illiy ne l’était pas. O r, non videnlur qui errant consentire , et la prescription ne court que du jour de la découverte
de la vérité.
5 .° Thérèse Molin i née en 1733, avait deux ans au décès de sa
mère , et dix ans au décès de son père en 1748. Marie Molin
alors avait vingt-cinq ans ; car elle était née au mois de lévrier
�c 22} .
1718. L e père l ’avait chargée de régir et administrer conjoinletement avec Ignace Molin, curé de Chambon; et les Chouvenc
qui connaissent plus d'actes de la famille que les intimés n’en ont
jamais connus, nous apprennent que ledit Ignace Molin parle
dans son testament de ses droits légitimaires sur les biens de ses
père et m ère, dont jo u issa it Marie M olin,
L a voilà donc évidemment protutrice , ou au moins compta
ble depuis 1743, envers une sœur de dix ans, qui naturellement
ne pouvait se mêler des affaires de la maison. L e frère n’avait
que douze ans, et s’absenta quand il put s’enrôler. L a chance
était donc bien inégale, lorsqu’il fut traité en 17^5 , entre Marie
Molin qui, pendant douze ans, avait connu toutes les forces de
lç succession et le vice des testarnens, et Thérèse Molin qui
ignorait tout.
. O r, le parlement de Toulouse n ’a jamais hésité d’admettre en
pareil cas le renonçant non visis tahu lis, à se pourvoir pen
dant trente ansl Q u ’on consulte May'nard , liv. 2 , chap. 99 et
100 ; D olive, liv. 4, chàp. 16; Càtelan, liv. 8 ; Brefonnier, v.°
restitution ; ou plutôt qu’on parcoure tous les. auteurs de ce
parlement, ou ceux qui mentionnent su jurisprudence , on ne
trouvera nulle part que l’art. 134 de l’ordonnance de 1639 ait
été jamais appliqué à cette espèce.
L e parlement de Paris, après l ’ordonnance de i539 , jugea
long-tcms , comme le p a r l e m e n t de .Toulouse a toujours ]uge
Les auteurs du tems môme de cette ordonnance , notamment
M .f D u v a l, de rebus dubiis , enseignaient qu’il n’y a contre les
actions on nullité que l ’action trentenaire. Quarante ans après
lo parlement de Paris changea sa jurisprudence', mais enfin il la
c h a n g e a do nouveau après l ’ordonnance dé 1667; et il a inva
riablement jugé depuis que l’art. 184 de l’ordonnance de i5o9
ne s ’ a p p l i q u a i t qu’aux actions rescisoircs.
Cette j u r i s p r u d e n c e c o n s t a n t e s ’est m a i n t e n u e j u s q u au Code
civil. O n a v u e n c o r e , dans les di s cus s ion s s u r c e C o d e , les efforts
des sections r é un i ç s de la Cour d ’a p p e l de P a r i s , p o u r faire m a i n -
�C *3 )
tenir l ’action de trente ans, et on n’y voit d’opposition que dans
les deux Cours d’Orléans et de Liège.
L e tribunal civil du Puy-de-Dôme commença par suivre les
anciens principes. Il jugea le 28 pluviôse an 4 , entre les
Cliatnpomier et Sezel, que l ’action en nullité avait duré trente
ans, en. floréal an 5 , à la vérité il changea de jurisprudence.
Cependant la Cour de cassation ne lui donnait pas cet exemple;
elle avait jugé en thèse le 3 messidor an 4 , que Gilberte Laporte
avait été recevable pendant trente ans à se pourvoir contre sa
renonciation faite par son contrat de mariage, en faveur de son
beau-frère, et voici les motifs bien précis de son arrêt.
«
«
«
«c
« Attendu que l ’art. i 3 i de l’ordonnance de i 53c), déclare
nulles toutes dispositions en faveur des tuteurs ou administrateurs. etc. directement ou indirectement, avant le compte
rendu , et qu’une vente , faite par une mineure en faveur d’une
personne qui administrait ses b iens, présente un avantage
« indirect ;
« Attendu qu’en pareil cas l ’action subsiste pendant trente ans,
« parce que suivant l’art. i . er, tit. 29 de l’ordonnance de 1667,
« le comptable ne cessant de l ’être que par la reddition de son
« compte, c’est le compte seul qui peut éclairer le mineur sur
a ses intérêts;
« Attendu que l’art. i 34 de l’ordonnance de 1539 fIu^restreint
« le délai à dix ans , n’est relatif qu’aux actions rescisoires,
« qui n’ont rien de commun avec celles en nullité qui durent
« trente a n s , et pour lesquelles il n’était pas besoin de lettres f
« casse et annulle , etc. »
II est même remarquable que le Bulletin officiel ju sq u 'à ce
jo u r ne mentionne aucun arrêt qui contrarie le précédent.
L a Cour d’appel de Hiom ne s’est prononcée, pour les dix
ans , pour la première fois, que le 18 prairial an 11 , c’est-àdire, depuis le Code civil, et p ir induction de l’article 475. On
verrait m êm e , dans un arrêt du 25 nivôse an 10 , que la pre
mière section avait admis une femme pendant trente ans, et jugé
�C*4 )
encore que l'action n’avait couru qu’après le décès du père, qui
avait constitué la dot maternelle par le contrat attaqué. Mais si
cet arrêt ne juge pas la question isolément et en thèse, il paraît
au moins certain que la Cour n’a jamais jugé en faveur de dix;
a n s, avant le Gode civil.
Comment donc concevoir que la Cour pût infirmer le juge
ment du Puy qui a admis Thérèse M olin, après dix ans , lors
que ce tribunal a jugé comme son parlement , comme le par
lement de Paris , comme la Cour de casation elle-même.
!
)
C I N Q U I È M E
Q U E S T I O N , .
Inaction de Catherine M olin est-elle prescrite par trente ans t
quoiqu’elle ait cohabité la maison paternelle ?
Les Cliouvenc se sont attachés singulièrement à établir cette
prescription par des citations qui n’ont pas la moindre analogie.
i.° Dargentré qu’ils invoquent sur l’art. 276 de Bretagne , ne
s’occupe pas de la question. D om at, au tir. 7 du liv. 3 ne s’en
occupe pas davantage. L e Code c i v i l , art. 2243 se contente de
dire qu’il y a interruption naturelle, quand ce possesseur est
privé pendant un an de la jouissance de la chose. Enfin , L a peyrère , bien loin de vouloir la prescription, dit expressément
ce qui suit : « Tant que les enfans sont nourris sur les biens de
« l ’hérédité, la prescription de la légitimé ne court point contre
« eux». Son annotateur ajoute « idem , en matière départagé»;
et il se fonde sur Coquille , en la question 259.
M ais, outre Lapeyrère, on ne voit pas d’auteurs qui aient
traité la question , s’être expliqués autrement, et si on en cite
plusieurs autres, c’est seulement pour convaincre les Cliouvenc
q u ’ils n’ont pas voulu chercher la question où ils l’auraient
trouvée.
Dolive en fait une question expresse au chap. 3 i du liv. 5 ,
et décide que « si les enfans vivent en commun sur les biens de
« l’hérédité , cette prescription ne court pas contre eux , en cette
« rencontre,
�C r f)
«
«
«
«
rencontre, depuis la mort de leur père , mais depuis seulement qu’ils ont cessé d’être nourris sur ses biens , parce que
recevant journellement leur nourriture sur le patrimoine du
défunt, ils sont censés être en possession. »
Dolive cite deux arrêts des 10 janvier i 63o et 26 août i 636.
Cette opinion est encore enseignée par V e d e l, liv. 2 , cliap. 36;
Serres, pag. 294; Dunod , p. ¡101; Despeisses, to m .2 , p. 3 i 3 ;
et L e b ru n , liv. 3 , des successions. C ’est aujourd’hui un principe
incontestable, dont la raison et la justice prescriraient l’observa
tion, si les auteurs ne l ’enseignaient pas.
L a Cour d’appel vient très-réceminent de prononcer, dans
un arrêt du i 3 ventôse an i 3 , le motif suivant :
« Attendu que l’habitation d’Antoine et Pierre Vescham be,
« dans la maison paternelle , a constamment réclamé la con« servation de leurs droits. »
Ainsi Catherine Molin qui a habité la maison paternelle jus
qu’en 1788; qui n’en est sortie que pour former la demande,
n’a pas un instant de prescription à redouter. Ce fait a été éclairci
dans le procès contre Lacroisière, qui soutenait alors, comme les
Chouvenc le font aujourd’h u i , que la cohabitation n’avait pas
empêché de prescrire.
Les Chouvenc veulent que cette prescription ait couru à
leur égard , quand elle n’aurait pas couru contre Lacroisière,'
il est difficile de concevoir sous quel prétexte, à moins que ce 11e
soit pour en revenir à la prescription de dix ans , qui a déjà été
démontrée être sans application dans la cause.
Il est plus difficile de concevoir encore sur quoi serait fondée
la différence q u ’ils veulent établir entre les portions de Catherine
et J ea n n e , et celles de Marguerite et de Pierre Molin ; car l’ac
tion d’un cohéritier se compose de tous les droits partiels, q u i
ad hœreditalem ven iun t; et comme les portions advenues à
Catherine Molin par le décès de ses sœurs , se sont accrues à
la sienne, aussitôt leurs décès, en vertu de la règle, le mort
9aisit le v i j , Catherine Molin a été, dès ceLle époque, proD
�C
26
)
priétaire d’une quotité plus co n sid éra b le, et n’en a pas plus
perdu une fraction que la totalitéT
S
i x i è m e
Q
u e s t i o n
.
I .e testameut de Catherine Ferrapie est-il valable?
« U n testam ent, dit R ic a rd , est un acte dont toute la valeur
« est dans sa solennité, et dont toute la solennité est dans ses
« foi mes. »
E n effet , dans cet acte si im p o rta n t, il faut que toutes les
formalités aient été ostensiblement remplies : elles sont toutes
de rigueur d ’après les ordonnances.
L e testament de 1735 est vicié par deux nullités textuelles : 1.0
il est dit f a i t et récité en la maison de Pierre Mo lin ; mais rien
ne constate que la lecture ait été faite à la testatrice.Cependant
la loi l ’exige impérieusement; et il est bien indispensable qu'un
testament soit lu à celui qui l’a d i c t é , pour q u ’il soit certain
que ce sont là ses véritables intentions;
2.0
11 n ’est fait aucune mention de la signature de la testa
trice ou de sa déclaration de 11’avoir su ou pu signer , car on y
lit seulement : « L adite testatrice ILLE de ce enquise. »
O r , l’ordonnance de 178b dit que « les notaires écriront les
« dernières volontés du testateur, et lu i en leront ensuite lec« ture , de laquelle il sera fait une mention expresse.... A près
« quoi le testament sera signé par le testateur , le notaire et les
« témoins ; et en cas que le testateur déclare q u ’il ne sait ou ne
« peut sig n e r, il en sera fait mention ( a r t . 2 3 ) à peine de
« nullité ( art. 47 )• »
M u s , disent les Chouvenc , le
testament de Catherine
Ferrapie est antérieur à l'ordonnance de 1735 : cela est vrai.
M ais cette ordonnance ne fait que répéter en cette partie les
dispositions des ordonnances d’Orléans et de Blois.
« Et on cas que les parties ou témoins ne sauront point
« s i g n e r , les notaires fe r o n t m ention de la réquisition par eux
�( 27 )
« faite aux parties ou témoins de sig n e r, et de leur réponse
« qu’ils ne savent signer. » Ordonnance d’Orléans , art. 84 ;
ordonnance de Blois , art. i 65.
Ces ordonnances exigent donc du testament une réponse
d ’une manière plus expresse encore que celle de xy 35.
E t les auteurs qui ont écrit avant l’ordonnance de 1735 ,
enseignent que cette réponse ne peut être suppléée par ce que
dit le notaire en son nom. ( L e Maitre , sur Paris , article 14,.
chapitre i . e r ; R a v io t, question 164; Maillart , sur Artois t
art. 74 ).
On cite souvent Ricard, comme ayant rapporté un arrêt de i 65z
validant un testament où il était dit : « Lequel n’a pu signer t
a interpellé de le faire. » Mais on pourrait voir que Ricard le
désapprouve, en disant que cela est un peu subtil , et qu’il y a
grande apparence'que la faveur des dispositions dont il s’agissait
contribua à faire rendre cet arrêt.
Aussi Ricard , n.° i 526 , citant un arrêt qui validait un testa
ment où le testateur a déclaré ne savoir signer , sans que le
notaire eût dit l’avoir interpellé , ajoute : « Il en serait toute« fois autrement , si le notaire déclarait de son nom que le
« testateur n’a pu signer , parce qu’encore le testament ne fait
« foi , ni de l’interpellation du notaire , ni de la réponse du
« testateur.... Car le notaire, dit Ricard , au n.° i 568 , ne doit
<c contribuer d’autre chose que de son oreille et de sa main ,
« dans la rédaction du testament. »
t- L a jurisprudence s’est conformée à cette rigueur; et on trouve
dans Denizart un arrêt du 3 septembre 1768, qui a annullé un
testament du Bourbonnais , dans lequel il était dit que le tes
tateur n’avait pu signer à cause de sa faiblesse, de ce enquis.
L e tribunal civil du Puy-de-Dôme a jugé deux fois de la
même manière , le 17 ventôse an 6 , sur appel du Cantal et
le 23 pluviôse an 7 , entre les héritiers V a ch ier, d’Arlanc.
L a question ne paraît pas s’être encore présentée en la Cour»
mais l’art.. 973 du Code civil veut aussi que si le testateur ddD 2
�. ( 2 8 )
clare ne savoir signer, il soit fait mention expresse de sa décla
ration ; ainsi la loi n’a pas c h a n g é , et la cause actuelle fixera
sur ce j:oint la jurisprudence.
Les Cliouvenc se sont imaginé cpie les ordonnances d'Orléans
et de Blois n’avaient pas été enregistrées au parlement de T ou
louse ; mais on leur demanderait comment il se fait que tous
les auteurs de ce parlement s’y réfèrent et les citent comme lois,
sans dire nulle part que leur parlement ne les adopte pas.
A la vérité D >!ive dit que de son teins on n’était p is rigou
reux sur les signatures de testamens , et que même on n’exan iuait pas si le testateur avait signé; mais Serres, Boutaric
et F u r g o l e ne disent rien de p a r e i l . Furgole dit au contraire'
que les form alités que les lois prescrivent, pour la validité des
testamens , sont de droit public , et qu’un testament doit porter
la preuve avec lui-même; que toutes les formalités de la loi ont
été religieusement observées.
Dans le testament de Catherine Ferrapie , il n’y a pas même
1 1 j reuve que le notaire ait parlé des causes de la non signature
de la testatrice ; car le mot ille ne signifie rien. Les Cliouvenc
se sont efforcés de persuader qu’///<? veut dire il/itéré , puis
i[u illile r é veut dire ne sait écrire, puis enfin que les mots ne
sait écrire équivalent à la réponse ou déclaration voulue par
les ordonnances.
Mais d’abord quand cette pénible graduation pourrait mener
à quelque chose , il y aurait toujours une autre irrégularité ,
en ce qu’une formalité rigoureuse aurait été substituée par une
simple abréviation.
Un arrêt de règlement de i 685 défend aux notaires d’ user
d’aucune abréviation ou interligne dans toute espèce d’actes. Si
elles ne touchent pas à l’essence de l’acte, elles sont seulement
elles-mêmes considérées comme nulles.
T
Vinnius et la loi nous apprennent que dans les testamens sur
to u t, cpii sont testatio mentis , il faut éc.rire en toutes lettres
et d’une manière intelligible sans user de simples notes ou abré-
�( 29^
viations. Ccvterum Htteris iisque usitatis et legibilîbus scribenduin esse p la c u it , non sig n is, obscurisve n o u s , l. G , § . ult.
de bon. p o ss.
L e mot illilé r é , au reste , ne se trouve , ni dans le dictiounaire de l’Acadéinie, ni dans le dictionnaire de pratique de Ferrière, ni dans le glossaire de Delaurière ; 011 n ou veau diction
naire de Trévoux le mot M étré, signifiant celui qui ne connaît
pas les belles lettres. A u reste quand ce mot signifierait quelque
chose , if n’y a pas dans le testament illité r é , il y a ille , et par
conséquent ce serait mépriser évidemment la loi que de trouver ,
dans ce mot biznrre , une déclaration de la testatrice, qu elle n a
pu ou su signer. Allons plus loin nieine , le mot illitcre ne lu
remplacei’ait pas.
SEPTIÈME
QUESTION.
Q u elle est la nature de la substitution du testament de 1735 ?
a-t elle transmis la succession à Marie M olin ?
Quand ce testament serait valable en la forme , il ne produi
rait pas encore l’effet de réduire Thérèse et Catherine Molin à
une légitime de rigueur.
Car le système des Chouvenc à cet égard , est fondé unique
ment sur une erreur de principes, qu’ils accréditaient encore plus
par iine expression infidelle de l’expédition, qu’ils avaient d’abord
produite, de ce testâmes.
Les héritiers inslitués, disaient ils , etaient Ignace Molin et
pierre Boyer. Ils étaient chargés de r e n d r e la succession à Pierre
Molin quand bon leur semblerait. Pierre Molin est mort en 1748,
et Marie Molin était appelée à la substitution, dans le cas où
ledit Pierre Molin décéderait sans avoir remis la succession ; or
il est décédé sans l’avoir remise , donc , en vertu de la maxime
substitutus substituto est substituías instituto , Marie Molin a
recueilli l’hérédité directement des deux héritiers institués.
D ’abord il est prouvé par l’extrait vidimé du testament de
�( 3° )
1735 , fait en exécution de l’arrêt de la C o u r , qu’au lieu du
mot remis il y a recueilli. Cela p o sé , voyons maintenant quel
est le sens de la substitution ?
L e testament d’une mère qui , ayant des enfans , instituerait
des étrangers , serait évidemment inoflicieux et susceptible de
contradiction ; mais les principes y ont pourvu en faisant une dif
férence entre la substitution fidéicommissaire et la substitution
fiduciaire.
L a première fait passer réellement la succession sur la tête du
grevé : l’autre ne lui transmet qu’un dépôt à titre de confiance,
et le grevé d’un fiduce ne compte pour rien dans les degrés de
la substitution.
Péi’égrinus, qui a fait un traité sur les fidéicommis, le définit
ainsi. F iduciarius est hœres q u i, non sut contem platione sed
alterius gratiâ institutus , eidem reslituere hereditatem ,p o st
diem certam vel incertam , rogatus proponitur.
« Ces substitutions, disent ïïenrys et Bretonier, sont corn
et munes dans les pays de droit é crit, sur-tout en faveur du sur
et vivant des époux , pour maintenir les enfans dans le respect
«c et l’obéissance hoc consilio ut parenti obsequerenlur.........
« Quoique le tems de la restitution, contiuuent-ils , ne soit pas
« marqué dans le testament, néanmoins on doit présumer que
« son intention a été que le survivant ierait bon usage de cette
« liberté , et n’attendrait pas jusqu’a sa mort pour en faire la res*
« titution. . . .
« On doit penser, dit ailleurs le même auteur, qu’un père
« chérit plus ses enfans que leur mère ; qu’il vise plutôt à leur
« utilité, et n e l’avantage qu’à leur considération ; qu’ainsi il ne
« l’a instituée que parla nécessité de leur bas â g e , non ut /¿lus
minoribus obesset , sed potius ut eis consu/eret. » ( henr. t.
i . c r , p. 736, t. 3 , p. 69 ).
Tous les auteurs ont adopté cette distinction , et donnent
d’autres signes du fiduce, qu’on retrouve tous dans le testament
de 1735.
�C 3f )
i .° Catherine Ferrapie avait un ills et des filles ; cependant
elle paraissait instituer deux oncles ;
2*0 Ferrapie chargeait ces oncles de remettre l'hérédité à son
fils, sans distraction de cpiarte. Ces prétendus héritiersn’avaient
donc l’espoir d'aucun droit , de leur c h e f, à la succession ; car
tout héritier grevé de fidéicornmis a le droit de retenir la quarte
trébellianique ( 1. i . cr §. 5 , ad treb. ) ;
3 °. En remettant l’hérédité à Pierre , ils étaient dispensés par
la testatrice de rendre aucun compte des fruits. Si donc ils eussent
été de véritables héritiers , jouissant pro suo , les fruits leur
eussent appartenu de plein droit , sur leur propre chose , sans
aucune stipulation ;
4.0 Enfin ils étaient institués à la charge d’élever les enfans :
le but de la testatrice était donc de maintenir seulement ses
enfans dans l’obéissance envers deux oncles , ut parentibus
obsequerentur. A cela près, elle exigeait les mêmes soins pour
eux, que si elle eût été vivante , sed potius ut eis consuleret.
Ainsi disparaissent Pierre Boyer et Ignace Molin , simples
dépositaires, pour faire place à Pierre Molin , impubère , véri
table héritier en premier degré de la succession de Catherine
Ferrapie.
Pierre Molin , propriétaire de la succession, l’ayant recueillie
dès 1735, était à la vérité grévé lui-même de substitution envers
Marie Molin } mais seulement au cas q u 'il vint à mourir sans
pouvoir d isposer, ou sans avoir recueilli ladite hérédité.
On voit dans cette clause tous les caractères de la substitution
pupillaire , qui consistent comme on sait à faire soi-même le
testament de l’enfant impubère , si non extiterit hœ resJilius ,
aut si irnpubes decesserit ( instit. ).
Pierre Molin n’est pas mort sans pouvoir disposer ; car
en pays de droit écrit le mineur avait testamenti fa ctio n em
aussitôt qu’il avait atteint sa puberté. Or , Pierre Molin , né
en 1731 , était pubère en 1746 , et il n ’est décédé qu’en 1748.
Si ce moyen 11’était pas péremptoire , on opposerait aux
�C 30
Chouvenc que la mère ne pouvait pas faire une substitution
pupillaire ; car il faut pour cela avoir la puissance paternelle ,
comme l ’enseignent les institutes , is substituere p o iesi liberis
inipuberibus q u o s IN p o t e s t a t e h a b e t , cùm ejus œtatis sint
in quâ ip si lestamentum fa cere non possunt.
, Il ne reste donc que l ’institution de Pierre Molin , sans charge
de substitution envers Marie. A u surplus elle serait éloignée
«ncore par le principe enseigné par Cujas sur cette matière ;
c’est que la règlesu b stitu tu s subslilulo n’a pas lieu en la subs
titution pupillaire , et le substitué au pupille n’est pas censé
l ’héritier du testateur. (C u ja s, ad j. 41. de vul. et pnp. su b.)
A insi le testament de
, valable ou non , a transmis la
succession maternelle toute entière à Pierre Molin. Il est mort
pubère ; il est mort ab intestat-, donc ses sœurs lui ont succédé
par égalité , et ont de son c h e f recueilli cette succession.
H U I T I È M E
Q UE S TI ON.
L e testament de 1743 e st-il n u l?
Il
est évidemment n u l, mais cette nullité 11e change rien à
l’ordre de succéder dans les biens paternels ; et on ne s’en occupe
que parce q u ’elle a été agitée lors du jugement de 1793.
Pierre Molin,père a institue son (ils héritier , et a seulement
légué une légitime à ses filles ; or les institutes nous disent que le
père de famille doit instituer tous ses enfans héritiers, ou les
exhéréder nominativement, aut hæredem in s titu a i, aut exhœTedem nomi/iatim f a c ia t , ahocjum inutilitcr testabitur.
Cette disposition a etc répétée dans l’art. 5o de l'ordonnance
de 1735, qui dit que, dons les pays de droit écrit, ceux qui ont
droit de légitime , seront institués héritiers , au moins en ce que
le testateur leur donnera.
M us l'héritier, institué par le testament de 174^ >étant décédé
ab in testa t, il importe.peu que ses sœurs viennent de son chef
ou
/
�( 33 )
ou ju r e suo , à la succession de leur p ère, il n’est pas moins vrai
de dire qu’elle doit être partagée entr’elles par égalité'.
Les Chouvenc terminent leur mémoire par demander, i.o
q u ’on estime les biens de la succession Molin ; 2.° qu’on accorde
«à Marie Molin leur venderesse , les prélèvemens qu’elle aurait à
l'aire, notamment trois qu’ils indiquent ; 3.° qu’ils leur soit ac
cordé un compulsoire pour chercher des quittances, s’il en existe.
A l’égard des deux premiers articles, le jugement dont est
appel, y a fait d r o it, en ordonnant que tous les biens seraient
épuisés pour former le lot des intimés, avant d’en venir aux
Chouvenc.
Ainsi les Chouvenc assisteront à la formation des lots pour
veiller à leurs intérêts ; c’était tout ce que les premiers juges
devaient et pouvaient faire, pour conserver l ’intérêt de toutes
les parties ; ce que demandent les Chouvenc appartient donc à
à l’exécution du jugement dont est appel.
A lors, seulement ils pourront s’occuper des prélèvemens et de
l ’estimation des biens, sans laquelle le partage serait impossible..
Quant au eornpulsoire , c’est encore à cette époque qu’ils au
ront droit et intérêt d’en requérir, s’il y a lieu , et il ne leur
sera pas refusé ; mais leur réclamation actuelle n’est qu’une
inquiétude tracassière , fondée sur une simple possibilité de
fraude qu’ils n’ont pas le droit de soupçonner sans motif; car
la fraude ne se présume pas.
Tout prouve dans cette cause que c’est Lacroisière qui souille
encore un troisième procès, après en avoir perdu deux , et les
exclamations des Chouvenc, pour crier à la collusion , ne sont
q u ’une finesse de plus ; ils sont venus à l ’audience avec une
foule de papiers de la famille Molin , qu’ils ne pouvaient tenir
que de lui. Tout ce qu’ils ont expliqué sur cette famille avec
tant de détails, 11e peut être de leur science personnelle, et il
s-t remarquable qu’ils n’ont jamais demandé en communication
E
�(
3 4
)
les pièces du procès par écrit jugé en 1793 , quoiqu’il soit le
siège principal des difficultés qu’ils élèvent.
Mais tel est le résultat fréquent des tierces oppositions for
mées par les ayant cause; elles ne sont qu’un piège tendu aux
tribunaux et une voie tortueuse de la chicane pour éprouver la
variation des jurisprudences. A u reste , si la Cour veut statuer
sur les questions d ’un partage, avec l ’acquéreur d’un cohéritier;
si elle veut examiner le bien jugé du jugement en dernier res
sort de 1793 , elle reconnaîtra que les dispositions de ce juge
ment étaient sages et légales, et n’y trouvera rien qui mérite
censure et réformation.
M.* D E L A P C H I E R , avocat.
M .e D A U D E , avoué.
A
R I O M ,
D e l ’imprimerie du Palais, chez J.-C. S A L L E S . ( A n X I I I )•
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Molin, Catherine. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Daude
Subject
The topic of the resource
successions
tutelle
prétérition
prescription
testaments
coutume de Paris
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse pour Catherine Molin, et les Sieur et dame Vendriez et Borne, intimés ; contre Jean et autre Jean Chouvenc, appelans.
Arbre généalogique.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1735-Circa An 13
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0326
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0624
BCU_Factums_M0729
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Le Chambon-sur-Lignon (43051)
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prescription
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Successions
testaments
tutelle
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PDF Text
Text
PRECIS
COUR
D ’A PPEL
P O U R
DE RIOM.
L a dame D E M A R I O L , et les sieurs D E
V É N Y et D E R I B E Y R E , enfans et
héritiers de la dame D E V
il l e m o n t
appelans;
,
C O N T R E
L e sieur R I X A I N , intimé.
L e sieur R ixain , fermier de la dame de V illem ont, lui avoit
fait souscrire, en l’an 2 , une obligation de 26000 fr. Légitime
ou n o n , cet engagement auroit été respecté par les appelan s ,
si le sieur Rixain se fût borné à suivre le sort de son propre
titre : mais l’obligation étant en assignats, le sieur Rixain a pré
tendu qu’elle avoit une cause antérieure à leur émission ; e t ,
pour le prouver, il a fallu qu'il reproduisit tous ses payemens
A
�r
2
)
et objets de répétition. Ce nouveau compte établit clairement
aujourd’hui que le sieur Rixain n’a payé que quatre années de
ferme au lieu de six ; et les héritiers de Villemont réclament les
deux années qu’il-doit. Voilà ce qui semble au sieur Rixain ex
trêmement injuste. Il ne prouve pas cependant q u ’il ait payé; m ais,
il se retranche sur l’acte de l ’an 2 , qui n’expliquoit rien , et q u i,
expliqué et dénaturé par son fait, n’est plus un titre pour lui-méme.
FA IT S .
Le 26 mai 1787, la dame de Villem ont donna à ferme an
sieur R ixain, pour n euf ans à compter du i cr. mars 1788,
les trois terres de V illem ont, T eix et M ontrodès, moyennant
17600 francs.
L e même jour il fut d it, par une contre-lettre , que la dame
de Villem ont résilieroit le bail de la terre de Villemont si ses
enfans lui payoient ses reprises, et que l’indemnité seroit de
1200 fr. par chaque année à courir.
Le i avril 1789, le bail fut résilié pour la terre de T e ix , et
il fut dit que Villem ont resteroit affermé 8000 fr. et Montrodès
pour 4000 francs.
Le 26 février 1793»
dame de Villem ont, remboursée par
ses enfans, signifia un congé au sieur Rixain , et lui offrit
4800 fr. pour l’indemnité de quatre ans.
Les parties com prom irent; et par jugement du 7 juin
les arbitres , jugeant le congé venu à tard, déclarèrent le bail
résilié au i cr. mars 1794 5 et condamnèrent la dame de V ille
mont à payer
oo fr. pour trois années de non-jouissance ; ils
ordonnèrent une plus ample contestation sur des demandes contre
le sieur R ixain , pour dim es, dégradations, e t c . , dues à la dame
de Mariol et au sieur de Teix.
Ce jugement fut signifié au sieur Rixain , avec commande
ment de payer à la dame de Mariol et au sieu r de Ih e ix .
Le a ventôse an 2 , le sieur Rixain iit à la dame veuve de
5
36
3
�C 3 ).
somme
5
36oo
et
Villem ont sommation de payer la
¡de
fr. ,
ré
clama de plus 28632 liv. 2 sous den. par lui surpayés, dit-il,
après avoir payé les six années de sa ferme ; to ta l, 32262 liv.
2 sous
deniers.
Le 4 messidor an 2, il fut fait arrêté de compte dans lequel
on fait dire à la .dame de Villemont qu’après avoir examiné le
dit compte , et discuté tant à raison du dédommagement par
elle dù des objets supprimés par les décrets qu’autrem ent, elle
a trouvé un excédant de 6262 liv. 2 sous
deniers.
En conséquence de quoi la dame de Villem ont se reconnut
.débitrice de 2G000 fr. pour solde de tout compte.
Il fut ajouté qu’elle avoit fait compte à Rixain de la nonjouissance de Montrodés pour trois ans , et q u e , comme ses
sous-fermiers refusoient, dit-il, de payer, à cause des suppres
sions féodales, il étoit autorisé à faire avec eux des ventilations,
après quoi il se payeroit par ses mains de sa créance, en receyant de ces sous-fermiers ce qu’ils devroient.
Cette dernière clause annonçoit assez combien la dame de
Villem ont se méloit peu elle-même des comptes du sieur R ixain,
et le laissoit maître de tout régler lui-méme. Quoi qu’il en soit,
le sieur Rixain dit ayoir traité avec ces sous-ferm iers, et reçu
5
5
^972 francs..
La dame de Villemont étant décédée en l’an 4 j le sieur Rixain
assigna, en l’an 6, ses héritiers en payement des 26000 francs,
montant de l’obligation , et des arbitres furent nommés. Ils ren
dirent un jugement arbitral le 21 pluviôse an G. Comme il est
la base du procès actuel , il est important d’en connoitre les
détails et les dispositions.
Les héritiers de Villem ont, voyant un règlement fait par leur
jnère, contenant obligation, à la date de l’an 2 , en demandoient
la réduction.
Le sieur Rixain répondit que tout ce qu’il avoit payé étoit
antérieur aux assignats, et qu’il étoit prêt à l’établir par les
ancien? comptes et pièces qui étoient en son pouvoir.
A
jL
.
2,
�En conséquence,
( 4sa3 réclamation, les arbitres re
et d’après
viennent à un compte général sur le vu de trois comptes des
i er. juillet, 20 décembre 1790, et 2 janvier 1791; et le nouveau
compte donna le résultat suivant :
i°. Le sieur Rixain a payé, d’après ces trois états, 62263 f. 46 c,
Sur quoi il d evo it, pour quatre ans de ferm e
alors échus..........................................
48000
d>
Donc il étoit alors créancier de. . . . . . . . .
14265
20. Il a payé, depuis ladite époque de janvier 1791
jusques au mois de mai 1793 , 804$ fr.
Ces 8045 fr. sont réductibles, et valent............... £¡982
5°. Il reste,
36
pour atteindre l’obligation,
y i fr.
Cette somme est rédu ctib le, et vaut.....................
T o t a l de
1110
ce qui est dû au sieur Rixain.............. 2 1 355
46
>v
35
81
497
Sur quoi il a reçu des fermiers
2 fr. ? et il a payé 268 fr,
au notaire, pour frais de l’obligation de l’an 2.
Et d’aprés ce compte nouveau, les arbitres, n’ayant à juger
que l’obligation , condamnent les héritiers Villem ont à payer
cette somme de 2i355 fr. 81 cent. , et néanmoins à déduire
4972 fr. imputables sur les intérêts et sur les 268 fr. payés au
notaire.
Le sieur Rixain interjeta appel de ce jugement ; mais , sur
l ’a p p e l, le jugement arbitral fut confirmé le i pluviôse an 8.
Le 29 ventôse su iva n t, les héritiers de Villem ont firent si
gnifier ces jugemens , et , en se reconnoissant débiteurs de
21
f r . , ils d ir e n t que cette somme étoit compensée et au
delà, i°. avec les
2 fr- re Çus par Rixain; 20. avec 24000 ir.
par lui dûs pour deux années de sa ferme , non c o m p r is e s au
compte ; et lui firent sommation de payer l’excédant.
Néanmoins le sieur Rixain jugea à propos, le 6 n iv ô se an 10 r
de faire aux héritiers Villem ont un c o m m a n d e m e n t d expro
priation. Il* en demandèrent la n u llité, de même que la main
5
355
497
�(5)
levée d’une inscription par lui faite en l’an 7 , de 54200 francs.
Par jugement du tribunal de Riom , du 6 floréal an 13, con
tradictoire seulement avec deux d’entr’e u x , ils furent déboutés
de leur demande.
'
M O Y E N S .
L e sieur Rixain n’en a qu’un s e u l, et il le reproduit sous
toutes les faces possibles : c ’est aussi sa réponse à toutes les
objections.
J’a i, d it-il, une quittance finale du 4 messidor an 2.
Cela est v ra i, ou plutôt cela étoit vrai. Mais il l’a lui-même
annullée en exigeant un nouveau compte.
Sans doute il pouvoit s’en prévaloir ; et quoique ce fût un
acte d’aveuglem ent, né de l'aspérité des temps , il auroit eu
le droit de se prévaloir de son obscurité m êm e, et de réclamer
eCooo fr. , s’il se fût borné à les vouloir à l’échelle.
Mais le désir d’avoir davantage l’a forcé à représenter toutes
ses pièces comptables pour vérifier les époques de tous ses payemens et objets de répétition quelconques : et alors les arbitres,
mentionnant ce qu’ils ont v u , transcrivant le résultat de ses
propres com ptes, ont écrit qu’il 11’avoit payé en total que 62263 fr.
dans tout le temps de sa ferme.
D ’après cela il est aisé^le savoir si les six années de cette ferme
ont été payées. Les arbitres ont très-clairement porté en conqjte
quatre années, et s’ils en avoient porté deux autres, on les trou•yeroit également.
Il faudroit sans difficulté que ces deux années fussent com
prises dans les 8045 francs ou dans les 3691 francs ; mais cela
est impossible. Dans la première somme sont les
oo francs
portés par le jugement arbitral du 7 janvier 179^ : le sieur Rixain
l ’avoue ; il dit avoir payé le surplus.
Quand il l’auroit p a y é , ce ne pouvoit être qu’à compte des
deux années de sa ferme. C a r , quoi qu’il puisse d ire , il faut
36
�(
...
.
,
bien , dans un compte où il porte tout ce qu’il a p a y é , tout
ce qu’il a à répéter , ¿quelque titre que ce soit, qu’on trouve
tout ce qu’il devoit.
O r, on voit que la masse de ses payemens et autres objets,
est composée de trois articles ; et on ne voit sur le total qu’une
seule déduction de 48000 francs pour quatre années de ferm e:
donc deux années sont oubliées.
M ais, dit le sieur R ixain , si les arbitres n’ont pas dit que ces
deux ans sont payés , ils n’ont pas dit non plus qu’ils ne sont
pas payés.
Ce n’est là q u ’ u n jeu de mots ; car un fermier qui devoit six
ans de ferme , et qui porte en compte t o u t ce qu’il a payé en
six ans, tout ce qu’il prétendoit réclam er d’ailleurs, devoit dé
duire les six ans de sa ferme avant de se dire créancier. S ’il
n’en a déduit que quatre, il n’en a payé que quatre ; et par con
séquent c ’est avoir dit suffisamment qu’il en doit deux.
A cette démonstration le sieur Rixain objecte que les arbitres J’
en déduisant les 48000 fra n cs, n’ont parlé que des quatre ans
échus en 1791.
Mais qu’importe l’écliéance, lorsque les deux années suivantes
ne se trouvent pas mentionnées. C a r , encore une fo is , si elles
ne sont pas comprises au com p te, le sieur Rixain les doit.
Le sieur Rixain , qui ne s’est pas dissimulé la nécessité de
retrouver ces deux années, veut les laisser apercevoir 'dans une
prétendue indemnité dont le compte des arbitres 11e parle pas;
et avec raison.
J’a i , d it-il, açquité ces deux années par compensation aveo
les indemnités qui m’étoient dues pour 1791, 1792 et 1793. E t,
pour établir quelques données sur ce moyen , le sieur Rixain
calcule quelques produits des terres de Villem ont et Montrodés.
En un seul mot l’obscurité qu’il a voulu jeter sur cette partie
se dissipe : il devoit iîîooo fr. par an ; qu’il suive son propro
calcul, et il verra qu’il est encore loin d’avoir payé deux an$
par compensation.
�/
7}
Au fait, cette Indemnité n’étoit presque rien. Villemont devoit
beaucoup de c e n s , et le sieur Rixain les a gagnés. En 1791 il
n’a perdu que les banalités s’il y en a v o it, car les autres droits
féodaux n’ont été supprimés qu’en 1792. Il avoit même été
formé contre lu i, en 1793, une demande en indemnité de la
dlrne, fondée sur la loi du 14 avril 1791.
En l’an 2 il a déciaré avoir été payé^de_ l’indemnité pour
Montrodès ; et il est de principe que les déclarations contenues
en un acte annullé subsistent.
A u lieu de prendre tant de peine pour persuader que les
deux années omises sont dans le compte arbitral, sans qu’on
les y ap erçoive, le sieur Rixain n’avoit qu’ une chose à faire ,
c’étoit de reproduire ses acquits de 1791 à 1795. Car il a tout
exhibé aux arbitres , et il est encore nanti de ce qui peut
prouver qu’il a payé. Un galant homme doit toujours être prêt
à revenir à compte.
Forcé d’avouer que le jugement arbitral de l’an 6 est a u
jo u r d ’h u i le seul titre de la ca u se , le sieur Rixain y cherche
encore une objection; il dit aux héritiers de Villemont : Si vous
étiez créanciers, pourquoi vous borniez-vous à demander une
réduction à l’échelle?
Mais ce n’est-là q u u n cercle vicieux pour remonter à l'acte
de l ’an 2. O r, on le répète au sieur Rixain , c ’étoit à lui k
adopter cette restriction ; et s’il a couru le hasard de vouloir
un nouveau compte , il ne peut s’emparer de deux chances ,
et revenir à ce qu’il a détruit.
Quand les arbitres ont lu ses pièces et refait un compte ,
les sieurs de Villem ont ne pouvoient qu’en attendre le résultat,
et n’avoient pas le droit de se mêler à la délibération des ar
bitres, pour prendre des conclusions sur le résultat même de
leur jugement.
Mais aussitôt qu’ils ont vu , par ce jugem ent, que le compte
nouveau ne portoit en compte que quatre ans de ferm e, ils
�C8 )
ont réclamé les deux ans restans, par la signification même du
jugement confirmatif.
Rien n’est donc m ieux établi que leur droit de s’opposer à
une expropriation commencée pro non debito. Il est de prin
cipe qu’après un compte les omissions donnent droit à une ré
clamation postérieure, sans qu’il soit besoin d’attaquer le pre
mier compte qui contient l'omission. ( V . la loi 1re. ff. quæ
sent, sine appell. , et l’article 21 du titre 29 de l’ordonnance
de 1667. )
La compensation s’est opérée de plein droit avec la créance
du sieur Rixain. Son bail est exécutoire contre lu i, et il n’a pas
f a llu f o r m e r u n e d e m a n d e ju diciaire.
Quant au com m andem ent, il est nul en la forme contre la
dame de M ariol, qui n’avoit de domicile de droit que celui de
son m ari, à M ariol, et q u i, assignée à C lerm on t, ne l’a été
à personne ou domicile.
L ’arrêt de cassation invoqué pour éluder cette nullité , ne s’y
applique pas. Un cohéritier, poursuivi seul, ne pouvoit exciper
du droit d’autrui ; et c ’est pour cela que l’expropriation faite
contre lui fut jugée valable. Mais ici on a mis en cause la
dame de Mariol ; et dès-lors elle a droit de se prévaloir des
nullités qui la concernent.
M e. D E L A P C H I E R ,
M°.
G O U R BEYRE,
avocat.
avoué,
<
il'
A R IO M , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul i m p r i m e u r de la
Cour d’appel. — Janvier 1806
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Mariol. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Gourbeyre
Subject
The topic of the resource
bail
contre-lettre
indemnité pour congés
ferme
assignats
Description
An account of the resource
Précis pour la dame de Mariol, et les sieurs de Vény et de Ribeyre, enfans et héritiers de la dame de Villemont, appelans ; contre le sieur Rixain, intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1787-1806
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0327
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0742
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Villemont (terre de)
Teix (terre de)
Montrodeix (terre de)
Clermont-Ferrand (63113)
Saint-Genès-Champanelle (63345)
Orcines (63263)
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assignats
bail
Contre-lettre
ferme
indemnité pour congés
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|
M
E
M
O
I
R
E
POUR
ftys
-
G
uillau m e
M A IG N O/ L f ils, habitant à Bon-
lieu, canton d’E v au x, appelant ;
c o n t r e
,
A n t o i n e G U I L L A U M E maréchal a P on
taumur, intimé ;
ET
C O N T R E
,
G ilb e r te M A IG N O L , P ie r r e L E G A Y
mari
A n to in e
-
M A IG N O L
, son
G ilb e r te
veuve Paneveyre, et autres, héri
Pierre M a i g n o l , d e Landogne, intimés;
M A IG N O L ,
tiers
EN P R É S E N C E
,
D e G u i l l a u m e M A I G N O L père habitant au
lieu du Cheval-Blanc, commune de Condat, ap
pelé en assistance de cause.
U
n
acte sous seing p r i v é , synallagm atique, est-il nul
s’ il n’a pas été fait double ? Peut-il être opposé à un dona
taire contractuel s’il n ’a de date certaine que postérieure
ment à sa donation ? E n fin quels caractères d ’exécution
A
’
,
�faut-il à cet acte p o u r q u ’il soit obligatoire m algré les
nullités qui le vicient ?
Telles sont les questions que présente cette cause, en
supposant qu ’ un acte sous seing p r i v é , produit par les h é
ritiers M a ig n o l, soit une vente. C a r , en p oin t de fait,
l’appelant démontrera que cet acte n’est qu’un ti^re de
possession,
*
F A I T S . '
. v
'
•
*•
P a r acte du 16 mai 1^ 5 5 , M ic h e l L en o b le donna ¿1 bail *
em pylitéotique à des nomm és C liefd eville, un p ré situé
près de L a n d o g n e , m oyennant 90 francs de rente annuelle.
C ’est ce p ré qui fait
1’objet
de la contestation.
L e m êm e j o u r , L en o b le vendit ladite rente de 90 fr.
îi G uillaum e M a ig n o l, du C h e v a l-B la n c , p o u r le payer
de 1800 francs qu ’il lui devoit.
L e 16 juin 1 7 7 7 , C h efd eville subrogea ledit G uillaum e
M a ig n o l, du C h e v a l-B la n c , audit bail em p yhtéo liq ue ;
de sorte q u ’il lui céda la p ro p riété du pré.
Ce pré étant situé près de L a n d o g n e , étoit désiré beau
coup par le s ie u rP ie rre M a ig n o l, notaire audit lie u ; et il
paroît q u ’il chercha les m oyens d’en devenir propriétaire.
Il étoit créancier dessieui’s L a rfe u il d’une rente de 56 f. ?
au principal de
2800 francs, créée en 1 7 2 0 , due p o u r
m oitié par les héritiers de Jean-Franeois L arfeuil.
L e s L a rfe u il ayant vendu en rente un petit domaine à
Jean Gastier, P ierre M a ig n o l, de L a n d o g n e , avoit obtenu
contre lui une sentence hypothécaire en 1 7 6 6 , portant
permission de se mettre en possession ou faire vendre.
D e son c ô té , G uillau m e M a ig n o l, du C h e v a l-B la n c
,
�( .3 )
seigneur féodal dudit d o m a in e , et ayant acheté de l’ un des
L arfeu il la m oitié de la rente due par Jean G a s tie r , lA
poursuivoit p our être payé des cens , lods et arréragés de
rente, et se tro u vo it empôclié par ladite sentence de 1 7 6 6 ,
en ce que son vendeur l’avoit chargé de payer à P ie rre
M a ig n o l la p ortion de la rente de 1720.
Cette procédure fournit à ce dernier l ’occasion de faire
des
propositions à G uillau m e
M a i g n o l , du
C h e va l-
Blanc , et de profiter de son ascendant, en lui faisant
entendre que rien n’étoit plus aisé p o u r lui que de de
ve n ir p ropriétaire de ce petit domaine ven du à G a stier,
lequel étoit parfaitement à sa bienséance, puisqu’il jo i—
gnoit ses propriétés du Clieval-Blanc.
Il paroît que P ierre M aign o l proposa à G uillau m e de
faire par ce m oyen un échange de ses droits à ce d o
maine , avec le p ré venu de L e n o b le , assurant sans doute
q u ’il n’y avoit plus qu’à se mettre en possession dudit d o
maine , au m oyen de sa sentence de 1766.
Cependant le sieur M a ig n o l, du C h e v a l - B l a n c , ne
donna pas pleinement dans le piège. Il fut passé un acte
entre les parties, le 2 octobre 1779* M ais cet acte ne
contient pas de v e n t e ; sa contexture m êm e p ro u v e que
le sieur M a ig n o l, du Cheval - B la n c , entendoit stipuler
toute autre chose q u ’ une vente , et ne vo u lo it que
laisser le sieur M a i g n o l , de L a n d o g n e , jouir du p ré
L e n o b l e , jusqu’à ce q u ’il y eût quelque chose de certain
p o u r lui-mêrne au sujet du domaine Gastier. l
E n e f f e t , on lit dans cet acte, du 2 octobre 177 9 ■
>que
P ierre M a i g n o l , de L a n d o g n e , cède à G uillau m e M a i
g n o l la rente de 28 fran cs, au principal de 1400 francs
A
2
�( 4 )
faisant moitié de celle de 1 7 2 0 , due par les héritiers de
Jean - François
L a r f e u i l ,' ensemble les arrérages
éclms
J
O
depuis 1 7 5 8 ; p l u s , il cède audit G uillaum e M a ig n o l ,
du C h e v a l- B la n c , l ’efiet de la sentence de 1 7 6 6 , p ar lui
obtenue contre Gastier.
Le
p r ix dudit transport est fixé
entre
les parties
à 2000 fran cs, p o u r l’acquit de laquelle somme M a ig n o l,
du C h e v a l- B la n c ( propriétaire cependant du p ré L e n o b l e ) , cède seulement à M a ig n o l, de L a n d o g n e , le c o n
trat de renie de 90 francs à lui dû par les héritiers de
P ierre L e n o b le , suivant l ’acte du 16 m ai 1 7 5 5 ; la quelle
rente est -payable, est-il d i t , p a r les jo u is s o n s du p ré
appelé P r é ■■Grand y s u r le q u e l elle e st sp écia lem en t
affectée.
E n co n sé q u e n c e , au m oyen de la rem ise que fera
G uillaum e M a ig n o l des titres co n stitu tifs de ladite rente
de 90 francs, ensemble des titres de créances y énoncés ,
il demeurera quitte de la somm e de 1800 francs: et quant
h la somme de 200 fra n c s, P ie rre M a ig n o l reconnoît
l ’avoir reçue en d élivran ce de promesse de ladite somme.
D e sa p a r t , P ie rre M a ig n o l remet à G uillaum e la sen-*tence de 1 7 6 6 , obtenue contre G astier; et néanmoins il
se réserve le contrat de rente de 1 7 2 0 , p ou r p ou rsu ivre
le payement de la m oitié qui lui re s te , et m ê m e , d it -il,
les arrérages de la m oitié v e n d u e , antérieurs à 17^ 8 ;
enfin les parties se cèdent respectivement les droits rescindans et rescisoires qui peu ven t résulter des contrats cidessus énoncés.
Il paroît aujourd’hui un acte sous seing p riv é , de la
m êm e date que le transport ci - dessus, assez diilicilc à
�( 5 )
accorder avec les clauses dont on vient de rendre com pte,
du moins dans le sens que les adversaires lui d o n n e n t ,
mais qui p rou veroit assez, s’ il étoit réellem ent de cette
date, que le sieur M a ig n o l, de L an d o gn e, n ’avoit cherch é
à extorquer un écrit quelconque du sieur M a i g n o l , du
C h e v a l-B la n c , que p o u r tirer parti un jour de son obscu
rité. Il est néanmoins évident q u ’il ne s’agissoit alors que
de lui laisser les jouissances du pré L e n o b le p o u r 90 fr.
par a n , afin de le payer de l ’intérêt des 1800 francs cidessus stipulés, jusqu’à ce que l’occupation réelle du do
maine Gastier perm ît de faire un échange définitif.
Q u o i q u ’il en soit, et en attendant que cet écrit jus
q u ’à présent inconnu soit mis sous les y e u x d e là c o u r , et
discuté, il s’agit de continuer l ’ordre des faits. L e sieur
M a ig n o l, du C h e v a l-B la n c , eut bientôt à s’ap plaudir de
n ’avoir pas entièrement cédé aux assurances du sieur
M a ig n o l, de L a n d o g n e ; car huit jours après l’acte du 2
octobre 1779 , ayant pris possession notariée du domaine
G astier, en vertu d e l à sentence de 1 7 6 6 , qui venoit de
lui être c é d é e , ledit Gastier loin de se rendre à une
expropriation v o lo n ta ire , c o m m e l’avoit prom is le sieur
M a ig n o l, de L a n d o g n e , alla au contraire traiter avec l’ un
des L a r f e u i l , ses v e n d e u rs, qui offrit de payer le sieur
M a i g n o l , et conclut à ce qu ’il fût déchu de ses demandes.
En e f fe t , par une sentence de la sénéchaussée d ’A u
v e r g n e , au rapport de M . F a y d it , G uillaum e M a ig n o l
fut d é b o u té , à la charge d ’être payé des cens à lui dûs per
so n nellem ent, et seulement de la moitié des arrérages
de rente par lui acquise de L aurent L arfeuil.
Cette sentence ne dit rien de la m oitié de rente cédée
par P ierre M a ig n o l à G uillaum e , q u o iq u ’elle fût de
�(6 )
m a n d ée , et que la sentence de 17 66 en portât condam
nation; de sorte que par le fa it, G uillaum e M a ig n o l, du
C heval-B lanc, n’a pas t o u c h é ,à ce qu ’ il p a ro ît, un denier
de ce qui lui a été vendu par M a ig n o l , de L a n d o g n e ,
le 2 octobre 1779
tandis q u ’on élève la prétention de
s’a p p r o p r ie r , sans bourse d é lier, un p ré q u ’ il n’a pas
vendu.
Cependant P ierre M a ig n o l, de L a n d o g n e , s’étoit mis en
possession dudit p r é , et les fruits devoient lui en rester
p o u r la rente de go francs , suivant la clause du traité, tant
que le sieur M a i g n o l , du C h e v a l - B l a n c , ne préféreroil pas
jo uir lui-m êm e en payant ladite rente.
O n pense bien que le sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e ,
s’arrangea p ou r faire'durer cet état de choses encore lo n g
temps , et q u ’il ne manqua pas de rév eille r de loin en
loin l ’espoir de son cousin de devenir p ropriétaire du
petit dom aine G a s tie r , qui étoit si fort à. sa bienséance.
L e sieur M a ig n o l, du C h eval - B l a n c , éloigné du p ré
L e n o b le , ne mettoit pas un grand pi’ix à en jouir lu im êm e , et peut-être lui en exagéroit-on les inconvéniens ;
peut-être aussi le sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e , sayoit-il
tirer parti d’ une espèce de dépendance dans laquelle il
avoit su tenir son parent.
L es choses restèrent en cet état jusqu’en l ’an 7 , que
le sieur M a i g n o l , fils de G u illa u m e , donataire universel
de son père par son contrat de m ariage, se mit en pos
session de ses biens en cette q u a lité , et demanda à son
père des renseignemens sur le résultat de l’acle de 1 7 7 9 ,
et d e là prise de possession du dom aine G a stier, que son
père lui rernettoit avec d’autres titres. C ’est alors que le
sieur M a ig n o l père expliqua à sou fils que si, à la v é r it é }
�(7 )
il ne jouissoit pas du domaine G a s t ie r , il restoit maître
du p ré L e n o b le , q u ’il reprendrait quand il v o u d r a it , et
que lu i, M a i g n o l p è r e , n’avoit pas encore ré c la m é , parce
q u ’on l ’avoit toujours bercé d’un vain espoir , et parce
q u ’il devoit au sieur M aignol, de L a n d o g n e ,p o u r un procès
de fam ille; ce qui l ’avoit em pêché de le contrarier.
M a ig n o l fils vo u lu t avoir une explication avec le sieur
M a ig n o l, de L a n d o g n e , qui lui refusa toute com m unica
tion sur ce poin t, et ne lui répondit qu ’en pressant le paye
m ent d ’une créance étrangère au procès actuel. M a ig n o l
fils paya le 2
5 nivôse an 9 ,
et se crut dès-lors autorisé à
reco u vrer ses droits.
I/acte de 1779 qui lu i avoit été remis n’énonçoit que
l ’acte de i r/ 5 5 ) lequel ne donnoit la p rop riété du p ré q u ’à
Ch efd eville : il s’agissoit donc de rechercher la vente que
C hefd eville avoit dû faire au sieur M a ig n o l, du C h evalBlanc. Mais l ’acte en avoit été reçu par le sieur M a ig n o l,
de L a n d o g n e , et il étoit difficile de se le p rocurer ; il l’avoit
refusé plusieurs fois. Enfin M a ig n o l fils, étant p arvenu
à trouver la date de l’enregistrem ent, étoit p rêt à p o u r
suivre le sieur M a ig n o l, de J/andogne, lorsqu’il décéda.
A lo r s il demanda une expédition au n o t a ir e , son suc
cesse u r, q u i , en cherchant avec l u i , ne trouva pas la
m inute de l’acte dans la liasse de 1777? n * au répertoire.
A l o r s , p o u r éviter toutes difficultés, M a ig n o l fils p rit le
parti d’acheter du m êm e C h efd eville, le 14 fructidor an 1 1 ,
une ratification de la vente q u ’ il avoit consentie en 1 7 7 7 .
M u n i de cette p ièce , M a ig n o l fils informé que le pos
sesseur du pré L en o h le étoit A n to in e G u illa u m e , de P o n t à u m u r , le fit citer ch désistement, par cédule du 3 ven
démiaire an 12.
�C8)
G uillau m e ne vo u lu t pas plus donner d ’explica lions que
le sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e , et ne com parut au bureau
de p aix que p o u r o b éir à la loi. Ensuile il se défendit
par des réquisitoires de qualités et de titres ;'et après cela,
il demanda la nullité de l ’e x p lo it , sous p rétexte que les
confins du p ré n’y étoient pas én o n cés, q u o iq u ’ils le fussent dans la cédule.
Il succomba justement sur cette ch ican e, par jugem ent
du 4 pluviôse an 12 , lequel néanmoins réserva les dépens
p o u r y'étre fait d r o it , en statuant au fond.
Enfin il plut à G u i l l a u m e de r é v é l e r q u ’ il étoit acqué
reur du sieur M aig n o l , de I,an dogn e, par acte du 29 ven
tôse an 6 , et il assigna son vendeur en garantie.
L e sieur M a ig n o l, d e L a n d o g n e , étoit décédé dans l ’in
tervalle; ses enfans in t e r v in r e n t , et en rendant com pte
des faits, ils se contentoient d ’abord de dire que leur père
étoit propriétaire en vertu d ’un acte , sans l’indiquer. Ce
pendant il falloit ne pas s’en tenir à des mots ; et les h éri
tiers M a ig n o l produisirent enfin un acte sous seing p r i v é ,
sous la date du 2 octobre 1 7 7 9 , enregistré seulement depuis
le p r o c è s , et ainsi conçu :
« J e soussign é, subroge M e. P ierre M a i g n o l , bailli
« de L a n d o g n e , ù l’effet de la vente du bail em phytéo« tique , appelé P r é - G r a n d , que M e. A n n c t C h efd eville
« m ’a consentie devant M a ig n o l, n o ta ire, le six juin m il
« sept cent so ixa n te-d ix-sep t, p o u r p a r lu i j o u ir dudit
« pré ainsi q u ’ il avisera bon ê tre , m oyennant la somme
« de deux cent quatre-vingts liv r e s , dont deux cents livres
a demeurent compensées avec pareille somme de d e u x
« centslivrescom prise en la cession que ledit sieur M a i g n o l
« m ’a faite d e v a n t A lle y r a t cejourd’h u i , d ’ un cont rat de
« rente
�(
a
cc
a
«
9)
rente sur les sieurs de L a r fe u il, et les quatre-vingts livres
restantes me seront déduites sur les arrérages réservés
par l’acte ci-dessus daté. Fait ce deux octobre m il sept
cent soixante-dix-neuf; et s 'g n é M aignoJ.
« Enregistré à R i o m , le 24 nivôse an 13 : reçu
fr.
5
c e n t ., etc. »
Les héritiers M a ig n o l com prirent bien qu ’ils ne p o u voient pas opposer cet acte à M aign o l fils , com m e ayant
cc 6 0
une date certaine antérieure au procès. E n conséquence,
pou r a vo ir plus de droits vis-à-vis M a ign o l p è r e , ils de
mandèrent sa mise en cause , qui fut ordonnée par juge
ment du 6 therm idor an 12.
XiC sieur M a ig n o l, du C h e v a l-B la n c , ainsi assigné en
garantie par les adversaires, dit en défenses q u ’il reconnoissoit sa signature, mais que l’écrit q u ’on lui représentoit ne contenoit de sa part aucune convention synallagniatique qui l’eût p riv é de la prop riété de son pré.
L a cause en cet état portée à l’audience du tribunal
d ’arrondissement de R i o m , le 23-ventôse an 1 3 , les h éri
tiers M a ign o l s’efforcèrent de jeter de la défaveu r sur
G uillaum e M a ig n o l p è r e ; et le sieur L e g a y , l ’ un d ’e u x ,
qui avoit écrit com m e scribe la m inute de l’acte du 2 oc
tobre 1779 , alla jusqu’à dire, en désespoir de cause, q u ’il
avoit écrit aussi un double du sous-seing p riv é p o u r être
remis au sieur M a i g n o l , du Cheval-Blanc.
Q uelque défiance que dût inspirer au tribunal une mise
en fait de cette im p o rta n c e, venant d’une partie intéressée
à la fin d’ une seconde p la id o ir ie , elle ré u s s it, et le t r i
bunal ordonna la comparoissance-des parties en personne
ppur être questionnées sur ce fait.
B
�( IO )
A l ’audicncc du 6 floréal an 1 3 , tout le m onde com
parut ; le tribunal fit plusieurs questions h M aign ol père
et à M a ig n o l fils. L e sieur L egny lui-m em e fut admis à
rép o n dre sur le fait par lui allégué , et le tout fut consigné
dans le jugement en form e d’interrogatoires.
M . le p rocu reu r im périal fut pleinem ent d ’avis que
l ’acte sous seing p riv é 11’avoit pas eu p ou r objet une vente
qu ’il n’ énonçoit pas, et q u ’il étoit d ’ailleurs nul com m e
n ’étant pas double. Cependant le tribunal y vit une ven te,
et qui plus est, une vente va la b le; en con séq u en ce, il
déboula M a ig n o l iils de ses demandes (1).
(x)
J u g e m e n t
d o n t
e s t
a p p e l
.
Entre Guillaume Maignol fils.......... Antoine Guillaume.............
Marie-Gilberte M aignol, et sieur Pierre L e g a y , son m ari; A n
toine M aignol, Gilberte M a ig n o l, yeuve P a n e v e y re , et autres.. . .
et Guillaume Maignol père.........
Interrogatoire de G uillaum e M a ig n o l pùre.
A lui demandé si à l’époque de l’acte n otarié, du 2 octobre
1 7 7 9 , il a été fait le mémo jo u r, entre les mêmes parties , un
acte sous signature privée. — Répond qu’il y a eu en effet un acte
sous seing privé. — D cm . Par qui les doubles ont été écrits, et
s’il reconnoit le double sous seing privé qui lui est représcnlé
et rapporté par les parties de M c. Mayet. — Rép. que ledit acte
avoit été écrit de sa main. — D em . Qui est-ce qui a dicté les co n
ventions. — Rép. que c ’é lo itle sieur Pierre Maignol. — Dr/n. Si
ledit sieur Pierre Maignol avoit écrit quelque chose. — Rép. que
non , et qu’il est très-mémoralif qu ’il n’y a pas eu d’autre double
écrit du sous-seing privé, que celui qui lui est représenté
D cm . Quel a été le but de cet acte sous seing privé? — Rép.
�L e sieur M a ig n o l fils a interjeté appel de ce jugem en t,
et ses m o y en s, p ou r le faire accueillir , sont fondés sur
les principes les plus constans et sur la plus exacte justice.
que c ’étoit pour céder au sieur Pierre Maignol la jo u issa n ce du
pré dont est question , ju s q u ’il de nouveaux arrangemens entre
eu x. — D em . L e sieur Pierre Maignol ne devoit donc pas avoir
cette jouissance par l’acte notarié ? — Hép. que non ; qu’il n’y
a que l’acte sous seing privé qui la lui délaisse. — A lui demandé
s’il ne fut pas question entr’ eux de chercher à éviter les droits
de lods. — Rép. qu’il ne sait pas ce que le sieur Pierre Maignol
pensoit ; que pour lui ce m otif n’est entré pour rien dans cet
acte. — D em . S ’il a été question de la propriété du pré. — Rép.
que non , que ce n ’étoit pas son intention , et que ce ne pouvoit
être non plus celle du sieur Maignol. — D em . Pourquoi, n ’ayant
été question que de la jouissance, l’acte sous seing privé ne fait
aucune m ention de cette jouissance. — Rép. qu’il a écrit sous
la dictée de M. Maignol. — D em . Si son fils étoit présent à c e t
acte. — Rép. que non ; mais qu’en ayant eu connoissance peu
de temps après , il lui en avoit témoigné son mécontentement.
— D em . Q uel ¿Ige avoit alors votre fils? — Rép. environ seize
ans. — A lui demandé si le sieur Maignol, ayant intention de
se soustraire aux droits de lods , n avoit pas aussi l’intention de
devenir propriétaire au lieu de simple jouissant du pré. — A
répondu que M. Maignol a bien pu avoir cette intention ; mais
qu’il n’a pas été question de la propriété entre les parties. —
D em . Lorsque vous avez fait donation de tous vos biens à votre
fils , aviez-vous alors la jouissance du pré? — Rép. que M. M ai
gnol en jouissoit alors. — D em . Avez-vous donné le pré dont il
s’agit? — Rép. qu’il a donné en général tous les biens qu’il avoit.
_D em . Avez-vous eu connoissance de la vente du p r é , faite
le 29 ventôse an 6 par M. Maignol à Guillaume ? — Rép. que
cet. objet pouvant se re n d ro , il ne s’est pas mis en peine dü
B 2
�( 1* )
M O Y E N S .
L es premiers juges se sont occupés de l’acte sous seing
s’ informer de ce que le sieur Maignol feroit relativement à cette
affaire. — D em . S ’il a^su la vente. — Rep. q u ’il en a eu connoissance quelque temps après ; et ensuite a ajouté affirmati
vem ent qu'il l’avoit sue quatre à cinq mois après. — D em . S ’il
avoit d’autres éclaircissemens à donner. — Rép. qu’ayant appris
la vente du pré par P ierre M aign ol à Antoine G u i lla u m e , il a
voulu se procurer l’acte de vente de 1 7 7 7 , dont la minute étoit
chez ledit sieur Pierre Maignol ; il 11’avoit pu se le procurer
d abord. — D em . Si le sieur L c g a y , notaire, a écrit un autre
double de l’acte sous seing privé. — Rép. que non.
Interrogatoire du sieur M a ig n o l fils .
D em . S ’il avoit eu connoissance des affaires faites par son père
avec le sieur Pierre Maignol, en 1779. — Rép. qu’il n’en a eu co n
noissance que depuis qu’il a été à la tète de la maison ; qu’a
vant , son père lui avoit parlé des arrangemens faits avec le sieur
Pierre M a ig n o l, en lui disant qu’il espéroit rentrer dans le pré.
•— D em . Rappelez-vous ce que vous a dit M. votre père à l’égard
de l’acte notarié et du sous-seing privé. — Rép. qu’il lui a dit
avoir consulté MM . P a g è s , Andraud et Grenier sur l’acte sous
seing p rivé, et qu’on lui avoit dit qu’il étoit n u l , pour n ’avoir
pas été fait double. — D em . M. votre père avoit donc cet acte
alors? — Rép. qu’il ne l’avoit pas, mais qu’il se rappeloit de son
contenu ; que son père lui a toujours dit qu’il n ’ y avoit pas eu
de double de c e t acte. — M. Maignol père i n t e r p e l é s’il est
vrai q u ’ il a consulté les trois jurisconsultes s u s - n o m m é s . — Rép.
qu’o u i, qu’il n ’avoit pas l’a c te ; mais que sur c e qu il en avoit
rapporté, M. Andraud l u i ayoit assuré que la c t é étoit nul. —
�3
( i )
p riv é dont les adversaires font leur titre , com m e si cet
acte étoit souscrit par le demandeur lui-m ém e ; ils ont
D em . à M. Maignol fils, s’il a vu entre les mains de son père
un écrit sous seing privé. — Ré p. n’en avoir pas vu , et que
son père lui a toujours assuré qu’il n’avoit pas été fait de double.
— D em . Si lors de la donation à lui faite par son p ère, celuici lui avoit aussi donné le pré. — Rép. que son père disoit tou
jours qu’il avoit droit de se remettre en possession dudit pré,
mais qu’il lui donrioit pour prétexte q u ’il n’avoit pas le titre
qui établissoit la propriété de ce pré , la minute de ce titre étant
entre les mains de Pierre Maignol. — D em . Avez-vous eu connoissance que M. L e g a y , notaire, eût fait un des doubles du
sous-seing privé de 1779? — Rép. qu’il a ouï dire par son père
que le sieur L egay avoit été le scribe de l’acte notarié, et non
du sous seing privé.
Interrogatoire de M e. A n to in e Bouyon.
D em . A v e z -v o u s eu connoissance qu’il eût été fait un acte
double sous seing privé? — Rép. n’avoir eui,connoissance et
n’avoir entendu parler de cet acte que depuis l’affaire dont
s’agit.
Interrogatoire de M e. P ierre L eg a y.
D em . Avez - vous eu connoissance qu’il eût été fait un acte
double sous seing privé? — Rép. que se trouvant a Landogne,
M. Maignol , de L a n d o g n e , qui étoit dans son cabinet avec
M. M a ig n o l, du Cheval-Blanc , l’appela , et l’invita à écrire un
double sous seing privé , contenant subrogation de rente , et
n o t a m m e n t contenant aussi cession d'un pré de la part du sieur
M aignol, du Cheval-Blanc , .au profit du sieur Pierre M aignol,
de Landogne. — D em . Etes-vous mémoratif si l ’acte que vous
écrivîtes étoit sur papier. timbré ou sur papier libre?,«*- Ilép.
�( I 4 )
confondu les moyens de M a ig n o l fils avec ceux de M a 'g n o l
p è r e , sans donner de motifs de cette résolution princi-
qu’il ne se rappelle pas sur quel papier il écrivit. — D em . Q u e l
qu’un écrivoit il ave c v o u s ? — Rép. qu’il ne s’en rappelle pas
très - positivement ; que néanmoins, sans pouvoir bien le c e r
tifier , il croit que M. M a ig n o l, du Cheval-Blanc , écrivoit avec
l u i , et que M. M a ig n o l, de L a n d o g n e , leur dictoit. — D n n . Lors
que vous eûtes fini d’écrire , qui est ce qui signa? — Rép. qu’il
ne s’en rappelle pas. — D em . S’il n’écrivit qu’un acte , et s’il
n’en écrivit pas deux. — Ilép. qu’il est mémoratif d’en avoir
écrit un seulement. — D em . M. M aignol, de L an d o g n e , écri
vit il en même temps que vous? Rép. que non; que c ’est lui
qui dictoit.
Après ces différens interrogatoires, M. le procureur impérial
a porté la parole ; et après un résumé de l’affaire , il a été d’avis
de déclarer nul l’acte sous seing p r i v é , du 2 octobre 1779»
parce qu’il n’avoit pas £té fait double ; a conclu à ce qu ’Antoine Guillaume fut condamné à se désister du pré dont il s’a g i t ,
en faveur du sieur Guillaume Maignol père , ou quoi que ce soit
Guillaume M aignol, son fils et donataire, avec restitution de
jouissances, et aux dépens. Il a pareillement conclu à ce que
les parties de M ayet fussent tenues de garantir ledit Antoine
Guillaume des condamnations contre lui prononcées.
Les débats terminés , le tribunal a ordonné que les pièces
seroient mises sur le bu reau , pour en être délibéré en la chambre
du conseil.
1 L a cause de nouveau appelée en cette a u d ie n c e , il en est
résulté les questions suivantes à résoudre.
Q
uestions
.
Quels effets doivent avoir les actes des iG mai xjS'j , 6 juin
1)777, l’acte notarié, du ¿1 octobre *779 , et l’acte sous seing
�5
( i )
pnlc ; et cependant ce iféto it pas une m édiocre difficulté
que celle de savoir jusqu’à quel point un fils, donataire
p riv é , du même jour deux octobre 1779} intervenus dans la
famille des Maignol?
L ’acte sous seing privé, du 2 octobre 17 7 9 , n’énonçant pas
qu’il a été fait double , cette irrégularité doit-elle le faire dé
clarer n u l, lorsque cet acte a r e ç u , du consentement de celui
qui veut l’attaquer, une exécution complète pendant plus de
vingt cinq ans?
*:
’
E n ce q u i touche la demande en désistement, formée contre
le nommé Antoine Guillaume', du pré dont il s’a g it;
Attendu que cette demande est subordonnée à l'effet que
doivent avoir différens actes qui ont été consentis entre les
Maignol , relativement au pré en question.
En ce qui touche la validité de ces actes ;
Attendu qu’il est établi que par le contrat du 16 mai 17 5 5 ,
Guillaume Maignol père a acquis la propriété de la rente fon
cière de go francs , assise sur le pré dont il s’a git;
Attendu que par contrat du 6 juin 1777, le même Guillaume
Maignol père étant devenu propriétaire de ce pré , a réuni par con
séquent dans sa main la rente , et le pré qui étoit asservi à cette
rente; que dès-lors il y a eu en sa personne confusion des qua
lités de créancier et de débiteur, ce q u i a opéré nécessairement
l ’extinction de ladite rente ;
Attendu que le contrat du 2 octobre 1779? consenti par G u il
laume Maignol père à Pierre M a ig n o l, so n p arè n t, n’a pu avoir
réellement pour objet la cession de la rente qui n’existoit p l u s ,
et 11e peut se référer qu’à la cession de la propriété du pré;>
Attendu que l ’acte sous seing privé du même jour 2 octobre
jy y g , intervenu entre les mêmes Guillaume Maignol p è r e 1,
et Pierre Maignol, a subrogé ledit Pierre Maignol à la cession
consentie à Guillaume Maignol p a r l e contiat du 6 'juin 17^7;
�(i 6)
par acte authentique , p o u v o it être tenu de l ’effet d’ un
acte sous seing p r i v é , n’ayant de date certaine qu’après sa
donation.
que cette subrogation générale des effets de l’acte de 1777 ,
ne peut s’entendre que de la propriété du pré dont il s’a g i t ,
puisque cet acte de 1777 étoit uniquement translatif de la pro
priété du m êm e pré ;
Attendu que quoique cet acte sous seing privé , du 2 octobre
1779, ne fasse aucune mention qu’il a été fait double entre les
p a r t ie s , G u illa u m e M aignol p è r e , ni G u illa u m e Maignol fils,
ne p euvent, dans,les circonstances où se trouvent les parties,
e xciper de cette omission , parce qu’il résulte des réponses
faites par lesdits Maignol pére et fils, lors de leur comparution
h l ’audience, qu’ils ont connu la possession publique de Pierre
Maignol, et après lu i, du mommé Antoine G u illa u m e, tiers dé
tenteur ; qu’ils ne se sont pas mis en devoir de réclam er contre
cette possession ; qu’ils ne se sont pas mis en devoir non plus
de réclamer contre l’acte du 2 octobre 1779, quoique cet acte
fût présent à leu r esprit , et du fait personnel de Guillaume
JMaignol père ; .
Attendu que cette exécution donnée à cet acte sous seing
p rivé, du 2 octobre 1779» forme une fin de non-recevoir contre
G uillaum e M a ig n o l, d ’après l’article iSaü du Code civil ;
Par ces m o tifs ,
L a tr ib u n a l, p a r ju g em en t en prem ier resso rt, ayant a u
cunem ent égard à ce qui résulte des réponses faites par les
dits Maignol père et fils, lors d e leur comparution à l'audience
dudit jour 6 du présent mois de floréal, déclare G u i l l a u m e et
autre Guillnume Maignol , père et fils , non r e c e v a b l e s dans
l e u r demande en désistement du pré dont il s ’a g i t . Sur le sur
p l u s d e toutes les demandes en recours et contre recours, e t
iiutres demandes, met les parties hors de cause ; compense les
Une
�C *7 )
U ne donation contractuelle ne peut subir aucune dim i
nution ; car c’est sous la foi de cette promesse que deux
familles se sont unies. Q uand la donation contient tous les
biens p résen s, elle doit se composer de toutes les actions
qui résultent des titres remis par le donateur au dona
taire; caries actions sont aussi des meubles ou des im m eu
bles, suivant l ’objet qu ’elles tendent à recouvrer.
Gomment donc admettre que les droits assurés à des
futurs et ù leurs descendans, par leur contrat de m ariage,
puissent être diminués sous aucun prétexte par des sousseing privés , d’ une date à la v é rité a n té rie u re , mais non
constatée par l’enregistrem ent? Il en résulteroit souvent
que deux fam illes, après a vo ir com pté sur une fortune
conséquente et prop o rtio n n ée, sur le vu de plusieurs titres,
n’auroient cependant fait q u ’un calcul in u tile , et que l’ un
des ép o ux se tro u ve ro it, après ses noces, n’avo ir que la
moitié de la fo rtu n e 'q u ’il avoit établie et justifiée en se
mariant.
C ’est p our p réven ir de tels mécomptes que les lois pros
crivent les contre-lettres aux contrats de m a ria g e, et q u e ,
dépens entre ledit Antoine G u illa u m e , ledit Antoine Maignol
et consorts ; et condamne lesdits Guillaume et autre Guillaume
M a ig n o l, père et fils , en tous les dépens faits tant à l’égard
dudit Antoine Maignol et consorts és-dits noms , qu’en c e u x
qui ont été compensés entre lesdits Antoine G u illa u m e , A n
toine Maignol et consorts ; et aux c o û t, expédition et significa
tion du présent jugement.
Fait et prononcé publiquem ent, à l’audience du tribunal civil
de première instance , séant à Iliom , par M M . P a r a d e s , p rési
dent ; D a n i e l , A s t i e h et M a n d o s s e , ju g es , le 18 floréal an i 3.
C
�( 18 )
dans les donations de biens présens et à v e n i r , il est permis
aux ép o ux de s’en tenir aux biens présens, p ou r que leur
contrat ne souffre aucune dim inution dans la fortune alors
p rom ise, et qu ’ils demeurent entièrement hors de la dé
pendance du donateur.
Certes le sieur M a ig n o l fils n’entend en cette cause élever
aucune sorte de soupçon contre la sincérité de l’écrit de
son p è r e ; mais il n ’est ici que le c h e f de sa fam ille, et
il plaide p o u r le maintien d’ une donation qui a saisi aussi
ses descendans. Son contrat de m ariage a été com pté p our
r ie n , et c’étoit l ’acte qui devoit l ’em porter sur toutes les
autres considérations. D e vagues recherches sur l ’ inten
tion des parties, et sur la connoissance que M aign o l fils
avoit pu avo ir à seize ans de l ’existence d’ un sous-seing
p r i v é , ne pou vo ien t conduire les premiers juges que des
hypothèses à l’abstraction , et de l ’abstraction à l’erreur.
A quoi p ou voient tendre en effet les questions faites au
sieur M a ig n o l fils, s’il avoit eu connoissance de l’écrit sous
seing p riv é en 1779 , ù un âge où on n’a que faire de s’oc
cuper des petits détails d’une fortune dont on ne jouit pas ?
L e sieur M a ign o l père avoit dit a son fils qu il avoit signe
un acte nul et non d o u b le , p o u r ceder au sieur M a ig n o l,
de L a n d o g n e , les jo u issa n ce s d’un pré. U ne consultation
d’avocats en porta le mêm e jugem ent; et dès-lors on pense
bien que cette décision qui sans doute tranquillisa le p è re ,
11’ occupa bientôt plus le fils. Il a fallu ensuite l’im por
tance et les débats d’un procès p ou r lui rappeler un fait
presque effacé de son souvenir.
Toutes les précautions q u ’ont prises les prem iers juges
�C r9 )
p ou r chercher la pensée des sienrs M a ig n o l père et fils dans
leurs réponses , et les mettre en défaut par des questions
inattendues, ne p ouvoient donc changer l ’état de la cause.
Il y avoit un point de vue certa in , qui conduisoit à une
simple question de d ro it, et dispensoit de se perdre dans
le vague des conjectures.
Po u v o it-o n opposer à M üignol fils, donataire contrac
tuel en l ’an 7, demandeur en désistement en l’an 11, un acte
sous seing p r iv é , enregistré en l ’an 1 3 ? C e sous-seing p riv é
étoit-il une vente et une vente valable du p ré conten
tieu x? La jouissance dudit p r é , q u ’avoit eue le sieur M a i
g n o l , de L a n d o g u e , supposoit - elle nécessairement une
vente , com m e l ’ont décidé les premiers juges ?
Q uand m êm e il auroit été possible de dim inuer par
une vente sous seing p riv é l ’e0et d ’une donation c o n
tractuelle , au moins au roit-il fallu que cette vente fût
p a rfa ite , et que l’acte duquel on ve u t la faire résulter en
eût tous les caractères et toutes les formes.
A u contraire, on ne vo it dans le sous-seing p r iv é , du 2
octobre 1 7 7 9 , et en le supposant a cette d a te , q u ’ un
acte obscur et é q u iv o q u e , dont l’intention n’a pas m êm e
pu être bien exp liqu ée par ceux qui s’en font un titre.
Si l’on se reporte aux circonstances qui ont p récédé et
accompagné cet a c t e , on est bientôt convaincu que le
sieur M aign o l, du Cheval-Blanc, n’entendoit céder son p ré
L en o b le , que dans l’expectative du domaine Gastier ; et
q u e , jusqu’à ce qu’ il pût être propriétaire lui-m êm e ,
il n’entendoit pas vendre.
Sans cela , com m ent exp liquer cet amalgame d’actes
C 2
�( 2° )
in u tile s, et en quelque sol’te inintelligibles et incompa
tibles ?
M a ig n o l père étoit propriéta ire du pré L e n o b l e , di
sent les adversaires , puisqu’il avoit acquis la rente en
l y S ô , et l ’effet du bail em phytéotique en 1 7 7 7 , par acte
passé devant M a ig n o l, de L a n d o g n e , lui-même.
Cela est certain ; et c’est précisément parce que M aignol,
de L a n d o g n e , étoit le rédacteur de l’acte de 177 7 , q u ’il
ne p ou voit pas ignorer que le sieur M a i g n o l , du ChevalBlanc , propriétaire du domaine utile et direct du pré
I,enoble , n ’avoit qu ’ un mot à dire p our le vendre , sans
u ser d’autant de détours e t de circonlocutions.
Si son intention eût été de v e n d r e V pourcfuoi donc
a uroit-il'ven du une rente de 1755 , qui n’existoit p lu s ,
et q u ’ il créoit sur lui-m êm e en d’autres te rm e s, en don-^
nant une plus ancienne hyp oth èqu e ?
P o u rq u o i auroit-il fait deu x actes au lieu d’ un seul ?
p o u rq u o i a u r o it-il pris des précautions p o u r valider un
acte absolument inutile, et n’en auroit-il pris aucune p ou r
la rédaction du seul acte qui eût un sens et un résultat ?
A qui persuadera-t-on que le sieur M a ig n o l, de L a n
dogne , bailli de sa justice, et notaire intelligent, se fût
contenté de tels actes, s’ il eût voulu devenir réellement
et solidement p rop riétaire? ou p lutôt, qui ne sera pas p er
suadé , à la lecture de ces deux actes du mêm e jour ,
que le sieur M a i g n o l , de L a n d o g n e , a vo ulu enlacer le
sieur M a ig n o l, du C h e va l-B la n c, par des clauses e nt or
tillées et peu intelligibles , qui présentassent au besoin
un sens favorable à l’intention de ce d e rn ie r, lequel dût
en effet s'y laisser prendre.
�C ar ne percions pas de v u e que le sieur M a i g n o l , de
L a n d o g n e, a d icté ( on l’avoue ) l’acte sous seing p riv é ,
du 2 octobre 1779. ^ étoit donc bien le maître de d icter
une vente, si telle étoit l ’intention de M aignol père. D èslors s’il n ’en a pas dicté une claire et non é q u iv o q u e , il
est clair que l ’acte doit être interprété contra eum in
cu ju s potes ta te era t legern apertiùs dicere.
O r , le sieur M a ig n o l , de L a n d o g n e, s’est fait subroger
à l’effet d’une vente de bail em phytéotique d’ un p r é , p o u r
p a r lu i jo u ir d udit p ré ainsi qu ’ il avisera bon ê t r e ,
moyennant 280 francs ; et cela ne ressemble nullem ent
à la vente franche et simple dudit pré.
11 est bien plus clair q u ’il ne s’agissoit que de jouis
sances, et l’acte notarié le p r o u v e ; car la rente de 90 fr.
créée ou renouvelée par M a ig n o l, du C h eval - Blanc ,
étoit payable par les jo u is s a n s du pré. O r , peut-on à
présent se m éprendre à l’intention des parties ? L ’acte
notarié étoit un prem ier pas vers une convention plus
importante. L es parties .prévoyoient que M a ig n o l , du
C h e v a l-B la n c , auroit le domaine Gasticr , et alors tout
auroit été consommé. Jusque-là il devoit une rente ; et
cependant il stipuloil q u ’elle seroit payée par ceux qui
jouiroient du pré.
S’il eût jo u i, il devoit payer lu i-m ê m e ; mais le sieur
M a ig n o l, de L a n d o g n e , devoit j o u i r , et alors il se payoit
par ses mains, d’après la clause, comme jo u is s a n t ; il lui
falloit donc un nouveau titre p o u r jo u ir du p ré : voilà
donc le m otif exact et visible du sous-seing p riv é.
Cette interprétation si facile n’a point échappé aux
�héritiers M a ig n o l, à qui il auroit peut-être été nécessaire
de demander aussi à quoi avoit pu être utile de faire deux
actes p ou r un. Il est vrai qu ’ ils a voient p ré v u l ’objec
tio n , et y avoient répondu d’avan ce; c’é to it, dirent-ils
d 'a b o r d , p o u r éviter les droits d’enregistrement.
M ais , d ’après le tarit'de 1722 , qui étoit suivi en 1 7 7 7 ,
une vente d’ immeubles payoit un droit de 1 fr. p our
les premiers roo f r . , et 10 sous p ou r choque 100 francs
suivans. A in s i , c’étoit 36 sous p ou r 280 francs ; et à
supposer , com m e l’entendent les adversaires , que le p rix
eût été de 2000 fran cs, c’eût été 10 liv. 10 sous; tandis
que Pacte notarié , du 2 octobre 1 7 7 9 , a Pay é un droit
de contrôle de 14 liv. 12 sous; ce qui encore ne dispensoit pas du contrôle du sous-seing p r iv é , quand il y au
roit lieu de le produire.
A u ssi n’est-ce plus là la cause q u ’ont donnée depuis
les adversaires; c’é to it, ont-ils d i t , p ou r éviter le paye
ment des droits de lods.
Sin gulière raison p o u r le bailli de la justice, qui ne
pou voit p is être traité bien rigoureusement en iiscaliLc.
A u reste, le droit le pins ordinaire étoit de 2 sous 6 de
niers p our livre. Ce q u ’il appelle son contrat de vente
portoit un p rix de 280 fr. ; c’étoit donc 35 fr.
q u ’ il
s’ agissoit d’éviter.
Dira-t-on encore que cette somme n’étoit pas le p r ix
réel ? Mais , si le sieur M a i g n o l , de L a n d o g n e , 11e faisoit
un sous-seing p riv é que p o u r ne pas payer des lods , ce
n’étoit donc pas la crainte de ce droit qui lui faisoit dis
simuler le p rix : convenons plutôt que si au lieu du p rix
imaginaire q u ’ il a lait écrire dans ce sous-seing p riv é , il
�( *3 )
avoit inséi'é un p rix ap pro xim atif de la valeur de l ’im
m eu b le, il auroit excité la défiance du sieur M a ig n o l, du
Cheval-B lanc ; et c’est ce q u ’il vo u lo it éviter. R e m a r
quons encore q u ’avec cette version, les adversaires sont
forcés de donner p our prétexte de l’illégalité d’ un acte ,
une fraude que leur père vouloit co m m ettre , et dont
cependant ils veulent s’adjuger le profit.
Com m ent donc v o ir une vente de prop riété dans ce
sous-seing p r i v é ? Com m ent concevoir q u ’il ait une exis
tence com patible avec l’acte notarié du mêm e jo u r ? A u
contraire , en ne vo ya n t dans le sous-seing p riv é qu ’un
p o u v o ir de jo u ir du p ré p ou r la rente de 90 fra n cs, et le
lé g e r supplém ent convenu , on entend alors parfaitement
l ’existence simultanée des deux actes ; et 011 conçoit com
m ent le sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e , créancier d ’ une
rente payable par les jo u is s a n s du pré , eut besoin d ’un
second litre qui le rendît jo u is s a n t lu i-m ê m e ?
D e cette m a n ière, il n’ étoit plus nécessaire que l ’acte
sous seing p riv é fut double ; car si le sieur M a ig n o l, du
C heval-B lan c , avoit v o u lu demander les jouissances du
p r é , le sieur M a ig n o l, de L an dogne, lui auroit ex h ib é son
é c r it, portant qu ’il avoit eu le droit d’en jouir. Si h son
to u r ce dernier avoit demandé les arrérages de rente ,
l ’autre auroit répondu q u e , comme jo u is s a n t du p r é , il
se les de voit à lui-m êm e.
L a cause est donc claire dans ce sens; mais si on veut
v o ir une vente dans ce sous-seing p r i v é , alors non-seu
lement tout est in e xp lica b le, com m e on vien t de l’o b
s e r v e r, mais encore les_principes s’opposent absolument
à ce que cet acte puisse contenir une v en te va la b le.
�C 24 )
L es actes translatifs de p rop riété sont des actes trop im-
portans à la société, p ou r q u ’on puisse les dispenser avec
trop de légèreté de la rigueur des formes légales. Ce que
la loi a v o u lu , a dû être la règle com m une ; et si quelques
exceptions tolèrent par fois l’arbitraire, dont il faut tou
jours se tenir en défiance, ce ne peut être que p o u r venir
au secours de l ’ignorance qui a traité avec bonne fo i, et
qui ne doit pas en demeurer victime.
M ais un notaire éclairé com m e le sieur M a i g n o l , de
L a n d o g n e , pou vo it-il ig n ç rer que tous les actes synallagmatiques doivent porter m in u te, s’ ils sont notariés, et
doivent être faits do u b les, s’ ils sont faits sous seing p r iv é ?
L a raison le d i r o i t , si les premiers élémens du di’oit ne
l ’enseignoient com m e un principe.
C ’est mêm e la plus usuelle des maximes ; car tous les
jours 011 fait de pareils actes, et les moins expérim entés
n ’oublient pas de v o u lo ir en retenir une copie. Cela arrive
p o u r les actes les plus simples ; et com m ent un notaire
qui eût dicté une vente l’auroit-il oublié p o u r lui-m êm e ?
L a nécessité do rédiger en double écrit les actes synallngma tiques d érive évidem m ent de la nature mêm e de
ces actes ; car si p o u r la validité d ’ un acte de ce genre
il est requis que chacune des parties soit obligée envers
l’autre; si p ou r la validité d ’ une vente il est nécessaire que
l’un consente à ve n d re, et que l’autre consente à acheter,
il faut dès-lors, par une conséquence fo rcé e, que chacun
puisse avoir dans ses mains la p reu ve que l’autre a co n
s e n t i; sans cela , il seroit au p o u v o ir de l’une des parties
de détruire l’acte, ou de contester son existence.
T o u s les auteurs enseignent ces p rincipes, et prou ven t
par
�( 25 3 ,
par une foule d’arrêts, qu ’ils ont été consacrés p a rla juris
prudence la plus constante.
U n arrêt du 6 août 1740 déclara nul un acte par lequel
l ’archevêque de Reim s s’ étoit soumis à acheter l’ hôtel de
Conti m oyennant 450000 fr. L ’acte n ’étoit pas fait double ;
mais les héritiers du prince de Conti opposoient que l’acte
n’avoit pas dû être d o u b le , parce q u ’il n ’étoit obligatoire
que pour l’archevêque qui l ’avoit signé. L a m êm e chose
fut ju gée par arrêt du 29 n o vem bre 1781 , entre le sieur
F o rg et et le duc de G ram m o n t : il y avoit m êm e eu m en
tion de l’acte et réparations commencées ; néanmoins le
sieur F o rg et obtint que les lie u x seroient remis en leur
prem ier é ta t, ou des dom m ages-inlérêts en cas qu'ils ne
pussent se l’établir.
U n autre arrêt du 23 juin 1 7 67 a jugé la rigueur du
principe dans des termes plus lorts encore. D e u x co h é ri
tiers a voient fait un partage sous seing p r iv é , et l’ un d ’eu x
devoit payer p o u r retour de lot à l’autre 240 fr. L ’acte
fut déposé chez le curé du lie u ; chacun jouit de son l o t ;
et dans un contrat de mariage postérieur, un des copartageans se constitua, en présence des autres, le lot à lui échu.
L ’un des coh éritiers, après plusieurs ann ées, demanda
un p a rta g e , et soutint que l’acte q u ’on lui présentoit éloit
nul p ou r n’a vo ir pas été fait double. O n lui opposoit le
dépôt en main tierce , sa prop re exécution pendant six
a n s, et des coupes d ’arbres dans son l o t , sa présence m êm e
au contrat de mariage ci-dessus, et l’adhésion de tous les
autres héritiers,
Ces moyens avoient réussi en prem ière instance en 1764rnais sur l’appel à A m ien s , la force des principes p réD
�( *6 )
valut. U n e sentence de 1766 prononça la nullité de l ’acte,
et ordonna un nouveau partage. Sur appel au parle
m ent, cette sentence fut c o n firm é e, après une plaidoirie
très-d éb a ttu e, dit l’arrêtiste, et l’appel fut mis au néant.
Enfin 011 conuolt l ’arrêt cité par L é p in e de G rainville.
U ne vente avoit été faite en deux doubles; mais il n ’étoit
pas fait mention dans les deux écrits q u ’ils eussent été faits
doubles : ils étoient représentés tous d e u x , et cependant
l’acte fut déclaré nul.
C e u x qui ne veulen t v o ir dans les procès que des cir
constances to u jo u r s variables, et ces apparences fugitives
de bon ou mauvais d r o it, qui s'évanouiroient souvent le
le n d e m a in , si 011 les exam inoit sous un autre point de
v u e , c e u x -là , d iso n s-n o u s , p ou rroien t s’étonner d ’ une
telle jurisprudence, sans songer que si le sum rnum ju s a
par fois ses inconvéniens, l’arbitraire en a m ille fois davan
tage. Ils peu ven t lire dans L é p in e de G ra in ville les motifs
qui engagèrent le parlement à se décider p o u r la nullité
dans l’espèce ci-dessus, et peut-être cesseront-ils de penser
que le juge doit rester le maître de son o p in io n ,q u a n d il
en vo it le d a n g e r , et quand il peut se gu ider par les
principes.
L ’article 1325 du Code civil les rappelle , et devoit
em pêcher les premiers juges de faire autant d'efforts p ou r
rechercher s’ il avoit été fait un double du sous-seing p rivé
du 2 octobre 1779? (l lli ? par son style et son c o n t e x t e ,
p ro u vo it cependant assez par lui-m êm e q u ’il n’avoit pas
dû être fait double.
« L es actes sous seing p r i v é , dit le C o d e ,q u i contien« lient des conventions syuallagmatiques, ne son t valables
�C 27 )
« q u ’autant q u ’ils ont été faits en autant d’originaux qu’il
« y a de parties ayant un intérêt distinct.
« C h a q u e originalàa\\. contenir la m en tion du nom bre
a des originaux qui en ont été faits.
« Néanm oins le défaut de m ention que les o rig in au x
« ont été faits doubles, ne peut être opposé par celui qui
« a exécuté de sa part la convention portée en l ’acte. »
A i n s i , quand il eut été vi*ai que le sieur I-egay eû t
écrit un double sous la dictée du sieur M a i g n o l , de L a n
dogne -, quand il seroit aisé de con cevoir que celui-ci eut
de sa part signé un écrit par lequel il auvoit dit ; J e s o u s
s ig n é
, subroge M e. P ie r r e M a ig n o l ( c’est-à-dire, lui-
même ) , à F e ffe t, ctc. ; quand celte rédaction insensée
sei’oit vraisem blable, un tel acte n’en vaudroit pas m ie u x ,
parce que ch a q u e orig in a l ne contiendroit pas la m en
tion q u ’ il a été fait double.
M a is , s’écrient les héritiers M a ig n o l , au moins êtesvousdans l’exception du Gode que vous citez vous-m êm e;
car vous avez la issé jo u ir le sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e :
donc vous avez e x é c u té la vente.
O n pou rro it d ’abord répondre que le Code civil peut
être in v o q u é p ou r le passé , quand il est conform e aux
anciens p rin c ip e s , si Jiempè déclarét jus avtiquum nova
constitutio , mais q u ’il ne faut pns le suivre lorsqu’il s’en
écarte ; que d ’après cela il y avoit lieu de le citer p o u r
le déiaut de mention du m ot fa it double , parce que les
arrêts y étoient conformes ; mais que les arrêts n’atlachoient. aucune im portance à l ’exécution d’ un acte nu]
dans son p rin cip e , com m e on le vo it notamment par l’arrêt
D
21
�(
2
8
)
de 176 7 ; car ce seroit donner un effet rétroactif à la l o i ,
ce qui n’est pas dans l ’intention du Code.
M ais passons encore légèrem ent sur ce moyen, et voyons
s’il y a réellem ent une e xécu tio n de l’acte sous seing p riv é
dans le sens de l’art. 1 3 2 5 , c’est-à-dire, si le sieur M a ig n o l,
du C heval-B lan c , en la issa n t jo u ir le sieur M a ig n o l, de
L a n d o g n e , a nécessairement entendu ex é cu te r un acte
de vente.
Sans doute , si j’achète un p ré et que je paye le p r ix
c o n v e n u , j’exécute la convention ; de m ê m e , si je vends
un p ré dont j’étois en possession h ier , et qu ’après en
avo ir touché le p rix je le liv re dem ain, sans autre cause
de tradition , et sans é q u i v o q u e , j’exécute encore le
m arché. V o ilà bien ce q u ’a vo u lu dire le Code : pas de
difficulté sur ce point.
M a i s , si l’acheteur s’empare de l’objet vendu , ou s’ il
a un autre titre de possession que la v e n t e , alors l’équ i
v o q u e du m ode de possession p roduit l ’éq u iv o q u e du titre,
et le vice du titre renaît dès l’instant q u ’il n’est plus pos
sible d’être convaincu que l'occupation de la chose vendue
soit l’effet n écessa ire de l’acte de v e n te , com m e la preuve
certaine de son exécution.
O r , revenons à la position des parties en 1779. Sans
d o u t e , s’ il n’existoit d’autre acte que le sous-seing p r i v é ,
et si le sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e , n’étoit en posses
sion qu'en vertu de cet a c t e , il seroit difficile de p ré
tendre q u ’il n’a eu aucune exécution.
M a is , i° . q u ’on supprime tout à fa ille sous-seing p r iv é ,
et on concevra encore d ’après l’acte notarié du 2 octobre
1779 ,q u e le sieur M a ig n o l; de L a n d o g n e , a eu qualité
p o u r jouir.
�( z9 )
E n e ffe t , com m e le disent les adversaires , il fit créer
en sa faveur une rente qui n ’existoit plus. L e sieur M a ig n o l , du Cheval-Blanc , ne stipuloit pas q u ’il la payeroit,
mais il disoit qu’elle seroit payée p a r les jo u is s a n s du
pré. D o n c le sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e , ch erchoit un
titre de jouissance, p o u r em pêcher de transporter cette
jouissance à d’autres : donc s’il a joui ensuite, c’est d’après
sa prop re convention p o u r le pa yem en t de sa rente. Sa
jouissance n’est donc pas la p reu ve certaine de V exécu tion
d’ un contrat de vente.
2°. Cette prétendue vente est encore si obscure, que ce
n’est en vérité pas la peine de vio le r une loi p o u r elle.
U n notaire qui veut acheter p o u r être p r o p r ié ta ire , ne
se fait pas subroger à un bail em phytéotique p o u r jo u ir .
U n notaire qui dicte une vente p o u r lui-m êm e, la dicte
com m e celles q u ’il rédige p o u r les a u tre s , et ne fait pas
écrire un b arbo u illage, ou astucieux, ou vide de sens.
M ais enfin les adversaires qui ne veulent v o ir que l ’e x
ception du Code c i v i l , parce qu ’elle leur est fav o ra b le,
et que rien n’a plus de latitude au gré des plaideurs que
les exceptions des lo is ; les adversaires, disons-nous, ne
rem arquent pas qu’ il faut cependant entendre la loi dans
un sens raisonnable ; car c’est bien là au moins l ’inten
tion du législateur.
L a nullité ne peut pas êlre opposée par celui q u i u
e x é c u té de sa p a rt la convention : voilà l’exception du
Code.
P o u r appliquer cette e xce p tio n , fa u t -il une exécution
a c t iv e ? faut-il une exécution en tière ?
J e vends aujourd’hui un im m euble par acte non don-
�( 33 )
Lie , et je le livre. Si au terme on ne me paye p a s , je
ne puis me servir de ma vente , cnr je n’en ai pas. J'aurai
bien une action en désistement qui forcera l ’acheteur à
s’exp liq u e r : mais si la vente lui est onéreuse , il se
désistera ; s’ il la trouve avantageuse, il la produira ; et
je ne pourrai l’em pêcher d’être maître de sa c a u s e , parce
que j’aurai e x é c u té de m a p a ît la convention. A in s i
une convention syn a lla g m a tiq u e m'aura obligé s e u l:
voilà l’abus des interprétations forcées d’ une loi qui n’a
rien voulu de pareil.
L es di fie rentes parties de l’article 1 3 2 6 , doivent s’e x
p liq u er l ’une par l’autre , de manière ù être entendues
e n se m b le , et sans s’entredétruire. L e Code a vo ulu que
V exécu tion fût un m oyen contre le d éfa u t de m en tion
que l ’acte ait été fait double : mais si chacune des parties
est obligée envers l ’a u tr e , il est bien toujours néces
saire que celle qui a encore un in térêt distinct à l'e x é
cu tio n de l’a c te , ait pardevers elle le double qui force
l ’autre à T exécuter de sa part.
Sans d o u te , quand le Code civil ôte toute action à
celui qui a e x é c u té de sa p a r t , c’est lorsque par cette
pleine exécution il n ’a plus un intérêt à l’exécution qui
reste à faire de la part des autres : voilà sans contredit
l ’ unique sens que la loi puisse présenter, en l’expliquant
par scs propres expressions.
A c c i a les adversaires répondent que le sieur M a i g n o l ,
du C h e va l- B la n c , étoit payé , et 11’avoit plus d ’intérêt à
a voir un double.
D ’abord c’esL une erreur de fait. L e sous-seing privtî
�C 31 )
p ro u ve lu i-m êm e le contraire; car si le p r ix supposé à la
vente est de 280 francs , il en resterait dû plus du tiers, dès
que 80 francs dem euraient à im puter sur des arrérages de
rente , dont le prétendu vendeur ne p o u vo it pas de
m ander la compensation sans un double.
20. Les adversaires supposent que le vrai p r ix de la
cession étoit les 2000 francs cédés par la rente des L arfeuil ; mais le sieur A îaignol père , qui a remis les titres
de cette rente à son donataire , lui a attesté n’en a vo ir
jamais touché un denier ; celui-ci n’eu a rien reçu non
plus : il falloit donc un double p o u r réclam er en rem
placem ent un p r ix de v e n t e , ou p our en demander la
résolution.
3 0. Une circonstance non moins sensible p ro u v e encore
la nécessité d’avo ir un double de vente, si c’en étoit une.
L e sieur M a i g n o l , de L a n d o g n c , p ou vo it être é v i n c é , ou
perdre son pré par force m ajeure; alors en supprimant
son double il retrou voit l’acte notarié du m êm e jo u r , et
demandoit au sieur M a ig n o l, du C h e v a l-B la n c , le paye
ment d’ une rente de 90 francs.
V o ilà quelle étoit la position du prétendu v e n d eu r;
et voilà précisément les motifs de cette jurisprudence sé
v è re q u i , en sacrifiant quelques intérêts particuliers , faisoit la leçon aux citoyens, et les préservoit de l’abus de
ces actes p rivés q u i , à l’économ ie p r è s , sont le plus sou
vent une occasion de surprises et une source de procès.
L a cou r doit juger ici la valeur d’un acte équ ivoqu e et
suspect. Si donc la rigueur de la loi fut jamais ap pli
cable , c’est sans doute dans une circonstance où il s’agit
�( 32 )
d’une prétendue v e n te , q u i , qu oique dictée par un no
taire, ne contient aucune des clauses d ’usage, aucune des
formes extrinsèques les plus c o m m u n e s, et à l’égard de
laquelle on ne donne aucune de ces excuses que la bonne
foi fait adm ettre, ou que l’ ignorance fait tolérer.
M e. D E L A P C H I E R ,
avocat.
M e. V E R N I È R E , avoué,
A R I O M , de l’imprimerie de L a n d rio t , seul imprimeur de la
Cour d ’appel. — Juin 1806.
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Maignol, Guillaume. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Vernières
Subject
The topic of the resource
rentes
ventes
bail emphytéotique
interrogatoires
donations contractuelles
conflit de lois
donations
bail
Description
An account of the resource
Mémoire pour Guillaume Maignol fils, habitant à Bonlieu, canton d'Évaux, appelant ; contre Antoine Guillaume, maréchal à Pontaumur, intimé ; et contre Gilberte Maignol, Pierre Legay, son mari, Antoine Maignol, Gilberte Maignol, veuve Paneveyre, et autres héritiers de Pierre Maignol, de Landogne, intimés ; en présence de Guillaume Maignol père, habitant au lieu du Cheval-Blanc, commune de Condat, appelé, en assistance de cause.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1755-1806
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0328
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1605
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pontaumur (63283)
Landogne (63186)
Condat (15054)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
bail
Bail emphytéotique
conflit de lois
donations
donations contractuelles
interrogatoires
rentes
ventes
-
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PDF Text
Text
MÉMOIRE
EN R É P O N S E ,
P our J e a n n e et M a r i e - G a b r i e l l e N O Y E R , P i e r r e
et J o s e p h G R E L I C H E , leurs m aris, habitant à
M o z u n , intimés ;
Contre J o s e p h N O Y E R - D U B O U Y , habitant à
Chamaliere, appelant ; en présence d ’'A n n e N O Y E R L A G A R D E avoué au Tribunal civil de Clermont,
intimés.
�M
É
M
O
I
R
E
EN R É P O N S E ,
Pour J e a n n e e t M a r i e -G a b r i e l l e N O Y E R , P ie r r e
et J oseph G R E L I C H E , leurs m aris, habitant à
M ozun , intimés ;
,
Contre J oseph N O Y E R - D U B O U Y habitant-à
Chamalière, appelant; en présence d ’A n n e N O Y E R L A G A R D E avoué au Tribunal civil de Clermont,
intimés.
,
E citoyen N oyer-Dubouy crie au vo le u r, pour qu’on
ne le soupçonne pas; il se plaint de tout le monde: il
ne veut pas tout-à-fait, comme Harpagon , faire pendre
la ville et les fauxbourgs, mais après avoir mis une foule
l
de personnes à l ’index de sa colère, il va grondant
encore contre ceux qu’il ne désigne pas. Son mémoire
est un acte d’accusation contre son p è r e , ses frères,
ses sœurs , ses beau-frères, le juge de paix et assesseurs
de M o zu n , les juges, le commissaire et le greffier du
A
�( a )
tribunal civil de Clerm ont, le magistrat de sûreté, etc.
Il ne s’agil rien moins que de v o l , bris de scellés , pré
varication ; et véritablement son procès semble être la
matière d’une conspiration vaste,m éditée depuis l’an 5,
et dont les ramifications sont sans nombre.
Ces personnalités si multipliées, mêlées à des moyens
présentés cependant avec talent et adresse , doiventelles ajouter plus de persuasion en faveur de la narra
tion du citoyen N oyer-D ubouy, et convaincre davantage
de la sincérité des'faits qu’il avance? non ; la vérité
plus simple et plus naïve n’a pas pour escorte des in
jures et des accusations. Les dames Greliclie diront au
citoyen D u b o u y , avec moins d’aigreur et plus de fran
chise , qu’il a voulu les faire ses dupes ; qu'elles résistent
de tout leur pouvoir à le devenir ; et que c’est là tout
le secret de ses plaintes et de la contestation : qu’après
avoir fait régler ses droits dans les successions confon
dues des père et mère , il a voulu faire distinguer la
succession de la mère pour s’en créer de nouveaux ;
et sur une réponse équivoque au bureau de paix , il a
bâti l’édifice gigantesque de ses prétentions toujrturs
croissantes, et du procès interminable qui menace de
dévorer toute la succession.
Dans ce calios de faits, de débats minutieux et de
procédures, s’il y avait un point de départ positif, il
faudrait s’en emparer pour se rendre plus promptement
intelligible ; mais malheureusement la cause le serait
moins, si les détails en étaient omis, si rensemble en
était rompu ; car le système du citoyen N oyer-D u bou y
�C 3 )
.
est fondé principalement sur la procédure; il faudra
donc la parcourir toute entière. Il s’attache aussi à
prouver que sa mère a laissé une succession opulente;
il sera donc nécessaire d’en examiner la consistance.
' ' ii* .
F A I T S .
Jean-Baptiste-Josepli Noyer épousa, en 1760, Fran
çoise T i x i e r , fille de Marien T ixier , commis-greffier
de la cour des aides.
Marien T ixier , marié à Jeanne L e y m e r ie , qui lui
porta 5 oo livres de d o t , avait de son ch e f une petite
maison , un jardin de deux œuvres, une vigne de huit
à dix, une terre de trois quartonnées ; lout cela était
imposé , à son décès, pour un revenu présumé de 168
livres. Il avait trois enfans.
lie contrat de mariage de 1760, a des clauses pro
portionnées à cette richesse ; i.° la future porte un
trousseau estimé 35 o liv. ; 2.0 elle est instituée héritière
par égalité avec Gabrielle sa sœur, sauf un préciput
de 1000 liv. ; 3.° ses robes, ses bagues et joyaux font
un total de 120 liv.; 4 ° riche douairière, la future a
l ’expectative d’un gain de survie de 120 liv. en capital.
Marien T ixier, qui dans sa qualité était commis au
paiement des gages de la cour des aides, mit de la
négligence dans ses comptes. A sa m ort, en 1760, il
avait été condamné à plus de 80,000 liv. de contraintes
ou d’amendes. Sa succession se trouva en outre débi
trice de sommes assez considérables envers une seconde
femme.
A a
�( 4 )
L e fisc s'empara de la succession; le mobilier fut
vendu publiquement, et produisit 1269 livres; il fallut
.
en distraire 264 liv. de frais, et le surplus fut déposé
au greffe.
L a dame N oyer et sa sœur répudièrent au greffe ,
le 14 avril 1760. Jean Giraudias fut nommé curateur.
L e sieur N oyer avait acquis les créances de la veu ve;
il en donna l’é t a t , de m êm e que des siennes, par une
requête du 16 avril. L e total de ses demandes se por
tait alors à 5029 liv. 5 sous, h prélever sur la succession.
L e curateur fit faire le bail judiciaire des immeubles.
Beaucoup d’enchérisseurs se présentèrent ; des remises
furent ordonnées; l’adjudication fut faite à
livres.
Cependant le citoyen N oyer fit des démarches pour
l’honneur de son beau-père et pour sauver quelque
chose de sa succession ; il fit des voyages à Paris ,
sollicita des modérations, et enfin obtint, le 29 mai
1764 , un arrêt du conseil qui réduisit les droits du
fisc à 2000 livres, chargea le citoyen Noyer de payer
cette somme au trésor public , outre ce qui serait dû
au sieur de P ille, procureur à la chambre des comptes
(il paraît que c’était 1200 liv. ), au moyen de quoi le
citoyen N oyer fut subrogé aux droits du fisc contre la
succession.
Cette liquidation néanmoins n’engagea pas la dame
N oyer à se rendre héritière. On voit qu’ un autre cura
teur fut nommé après Giraudias , et que ce curateur
vendit h M .r Reboul la petite maison T ix ie r , moyen
nant 3 i2 o liv r e s, dont 2000 livres furent déléguées au
�( 5)
trésor, et io o o liv. à. M .r de Pille. M .r Reboul voulut
la garantie du sieur N o y e r, créancier principal, qui in
tervint pour la donner.
L e même jour le sieur N o y e r, tou jours comme person
nellement créancier, obtint la main-levée de deux saisiesarrêts, faites sur les deniers consignés au greffe, sur
le sieur Berard de Chazelle, débiteur de 1400 liv., et
sur le sieur de Vichy-VarVas , débiteur d’une rente de
2.5 livres. On ne voit pas s’il toucha ces deux sommes.
E n 1 7 6 7 , il vendit le jardin au sieur R e y m o n d ,
chirurgien , à la charge de payer une rente de 2 5 liv.
et moyennant 748 liv. (M arien Tixier l’avait a ch e té ,le
6 avril 17 4 2 , moyennant 35 liv. de rente ). Quant à la
vigne et à la terre , le citoyen D ubouy dit que son père
les a aussi vendues.
Françoise T ix ie r, femme N o y e r , n’était pas seule
hérilière de Marien , elle avait une sœur religieuse ;
l’autre était Marie-Gabrielle, vivant avec elle.
Quand la succession du père fut liquidée, celle-ci
voulut y avoir part, et demanda un com pte, non à sa
sœur, mais au cit. N o y e r, qui, comme créancier, oc
cupait la succession. Il fut, à ce sujet, fait entre eux un
traité, le 27 décembre 1767. L e citoyen Noyer y rend
compte d elà succession fixée à 11,088 liv.; sur quoi il
dit qu’y ayant pour 5,689 liv. ^ sous de dettes, ilresle
net 5 ,399 liv. 5 sous ; que Françoise Tixier ayant un
prélèvement de 1,000 liv ., il reste à Gabrielle T ixier
à prendre la moitié du surplus, c’est-à-dire 2,200 liv .,
à quoi le cit. N oyer ajoute 7 00
qu il a touchées pour
�m
sa belle-sœur sur d’autres affaires; de sorte qu’il se re
connaît son débiteur de 2,900 liv ., pour laquelle il crée
une renie raclieiable de 145 liv.; et comme Gabrielle
Tixier avait projet de rester près de sa sœur, il est dit
qu’en cas d'incompatibilité, elle pourra demander rem
boursement des 700 liv.
Y eut-il séparation? La rente fut-elle rachetée? on
l’ignore ; mais ce qu’on rem arque, c ’est qu’en 1766 et
1 7 6 7 , Gabrielle T ixier acheta une maison et des im
meubles dans le village de Provarel prèsSermentizon,
par trois ventes, moyennant 658 liv. On remarque aussique par acte du i 5 janvier 177^ , elle revendit tous ces
héritages au cit. N oyer son b e a u - fr è r e , moyennant
600 liv. dont elle lui donna quittance.
Ainsi ces immeubles s’effacent de sa succession, qui
consisterait tout au plus dans ses vêtemens et dans la
rente de 145 liv., s’il n’est pas jugé que les ventes qui Font
suivie de si près, en prouvent le remboursement.
Les sieur et dame N oyer avaient cinq enfans, trois
maies et deux filles; le tems était venu de les établir;
niais la forlune de la mère élait toujours incertaine,
ou plutôt elle était réputée entièrement nulle, puis
qu’elle 11’avait pas r é v o q u é sa répudiation.
Pour ne pas jouer un rôle tout-à-fait neutre lors de
rétablissement de ses enfans, on voit qu’elle sollicita
de son mari une reconnaissance de
lut faite le 8 novembre 17 7 6 , pour
touchés de la succession de son père,
11011 compris ce qui serait porté par
5,000 liv., qui lui
deniers, est-il dit,
et prix des ventes ;
quittance donnée
�( 7)
par Annet T ard if audit défunt T ixier<L a dame Ncryer
accepte cette reconnaissance.
Elle avait cinq enfatis; la générosité de son mari la
m e t t a i t à même de leur donner à chacun i,o c o liv. On
voit en effet par les contrats de mariage de ses enfans ,
et notamment de ses deux filles mariées aux deux ci
toyens Greliche, en 1776 et 1777 , qu'elle leur promet
de son c h e f une somme de 1,000 livres, payable après
son décès.
Gabrielle T ixier étant décédée, il paraît que la dame
N o y e r, sa sœ ur, fit assigner son mari en 17 8 3 , pour
obtenir une moitié de la succession de ses père et mère,
comme héritière de sa sœur, attendu que cette succes
sion lui était paraphernale. Elle reprit celte demande en
178 8 , et on ne remarque dans l ’un ni l’autre des ex
ploits qu’elle se plaignit de la reconnaissance de 1 7 7 5 ,
ni aucun des faits que son fils D ubouy lui fait dire six
mois après, dans un testament.
Ce testament, daté du 20 juillet 1 7 8 9 , qui n’est
revêtu d’aucunes formes, ne mériterait pas les regards
de lu justice, si le cit. D ubouy ne s’en faisait positive
ment un titre. Mais il en argumente expressément, il
en fait une pièce de sa production ; il huit donc en
rappeler le contenu.
La dame N oyer institue le cit. D u b o u y , son héritier
universel; elle prie son époux de lui reconnaître ce qui
lui est dù en conscience et probité.
Autant que je puis m ’en souvenir, dit-elle, mon mari
a reçu , i.° 7 à 8,000 liv. déposées chez M .r Reboul.
�C-8 )
2.°.Environ 2 5 o louis d’or de 24 lîv. que ]e^Tis moi-même
dans l’armoire démon père, à ¿’instant de sa mort. 3 .° Les
Jbiens qu’il a vendus...... Je n’ai de reconnu que 5,oooliv.
Je prie mon époux de reconnaître Le surplus, en con
science et probité, à Jean-Joseph Noyer-Dubouy, mon
héritier,
q u e j e p r i e d ’é v i t e r l a
r e c h e r c h e d e mes
DROITS P A R COMMUNE RENOMMÉE.
Qui ne v o i t , dans ce testam ent, une c o p ie , une
caricature du légataire universel ?
On devient certain de la captation, quand on re
marque que le citoyen N o yer-D u b ou y s’est marié un
an après, en 1790 , sans que la mère ait répété celte
institution.
Par son contrat de m ariage, on voit que son père
lui lègue les biens du B o u y , pour lui être remis après
son décès et celui de sa fem m e, la jouissance desquels
leur demeure réservée: ledit legs fait pour lui tenir lieu
de sa porlion héréditaire quand elle sera échue.
A la charge de p a yer, après le décès desdits sieur
et dame N oyer, 2,000 liv. h chacune des dames Grelic h e , pour pareille somme qui leur sera due par la
succession desdits sieur et dame Noyer, pour reste de
leurs dots, à elle faites par ledit sieur N oyer et sa femme;
plus 2,000 livres aux héritiers de droit, faisant au total
6,000 livres.
La mère ne paraît à ce contrat de mariage, que par
un fondé de pouvoir, ayant charge d ’autoriser le ma
riage; mais elle n’institue pas. L e legs est évidemment
fait pour tenir lieu des deux successions.
Le
�( 9)
L e cil. N oyer père, fut mis en réclusion h Billom ;
le n e u f iliermidor ne l’en délivra pas. U n chagrin
profond, dont il est inutile de dire les causes, fer
mentait dans son ame. 11 mourut le huit fructidor
an deux.
Quinze jours avant sa mort, il avait fait un testament
en présence des citoyens Girodias , L asteyras, M artinGibergue , B o m p a rd , Fournier et Q u esn e, détenus
comme lui ; en présence des citoyens Reynaud et
Bouchardon, commissaires du comité de surveillance,
et de Voltaire-Lausset, concierge de la maison de ré
clusion.
La loi du 19 ventôse devait lui inspirer des craintes
de confiscation. Il était encore fortement occupé du
projet de diminuer le legs, qu’il avait fait au citoyen
D u b o u y, de son principal im m euble, et la loi du 17
nivôse ne le rassurait pas assez. Dans celte double
occurence J e parti le plus prudent était de tenter une
reconnaissance au profit de sa femme; il déclara donc
luidevoir 12,000liv.pour le prix des ventes des meubles
et immeubles de son beau-père et de sa b e lle -sœ u r,
sans préjudice à d’autres reconnaissances.
A lout événem ent, il lui légua l'usufruit de ses biens,
et institua ses cinq enfans héritiers par égalité.
Cependant le district de Billom décida sagemenl et
légalement, le 11 fructidor, que les biens d’un détenu
mort et non ju g é , n’étaicnL plus susceptibles de con
fiscation ni de séquestre ; il permit aux hériliers N oyer
de faire lever par le juge de paix , les scellés niiî
B
�( 10 )
par le comité de surveillance, lors dé l’arrestation (i).
Les droits de la dame N o y e r , sur la succession de
son mari, étaient plus confondus que jamais dans la
succession du père, par le legs d’usufruit à elle fait par
le testament. A la vérité, ce legs ne devait être que de
m oitié, et il restait des difficultés pour liquider ses droits
sur l’autre moitié.
^
Ces difficultés, elle voulut les applanir toutes de son
vivant, pour ne laissera ses enfans aucune semence de
discorde. Elle les réunit tous pour leur céder ses droits
etreprises, moyennant unepension viagère de i , 5 ooliv.,
son logem ent, la jouissance d'un jardin, et moyennant
le délaissement de deux vaches, et tous les comestibles.
Cette pièce est rappelée au jugement du zb ventôse
an 5. Folio 5 , II0.
Ce traité liquidait entièrement la succession pater
nelle; les cinq héritiers en firent vendre tout le mobibilier. M ary Noyer aîn é, vendit sa portion à ses frères
et sœurs, moyennant 16,000 liv ., sous la réserve du
mobilier qui se trouverait chez sa mère, à son décès,
c ’est-à-dire, de ce que les uns et les autres entendaient
par la succession effective. A u moyen de quoi le partage
fut fait par quart ou par égalité , comme le voulait le
père par son testament.
( i ) Cette expression de scellés prouve que le comité n’avait
pas fait un inventaire général, comme le prétend le cit. P u b o u y ,
pour ajouter qu’on l’a soustrait; si quelqu’un est
su spect
de cette
soustraction , ce ne peut être ceux d ’entre les parties qui n’ont
haute les comités révolutionnaires que comme supplians.
�( lï )
Les deux dames Greliclie eurent les biens de Moznn.
Les citoyens Noyer-Lagarde et Noyer-D ubouy eurent
indivisément le domaine du B o u y , que l’intimé a au
jourd’hui seul.
L a dame N oyer ne survécut pas lo n g -te m s à ces
arrangemens de famille: elle décéda le 8 messidor an 3 ;
et comme ses héritiers supposaient toujours que sa suc
cession n ’élait que dans son mobilier, il en fut fait un
partage sans réclamation.
Mais bientôt advint le rapport de l’effet rétroactif
de la loi du 17 nivôse ; et malgré le testament de son
père, leciloyen N o y e r-D u b o ù y se crut autorisé à pour
suivre ses frères et sœurs, au moyen de son contrat de
mariage. Il 11e perdit pas un instant.
L a loi qui permettait de revenir à partage élait du
4 vendémiaire an 4. 11 commença les hostilités le 28,
par faire poser les scellés sur une armoire du père com
mun , dans laquelle restaient des papiers de sa succes
s io n , de même que d’autres objets restés indivis.
Il est à remarquer que dans le procès-verbal du juge
de paix, il signe N oijer-D uboujj, requérant seulement
Capposition des scellés , en qualité d ’acquéreur et de
légitim aire, conformément a son contrat de mariage.
C ’est qu’en effet, il ne prétendait pas alors que cette
armoire contînt des papiers si précieux pour la suc
cession maternelle; ¡1 était nanti de ces titres lui-même,
et savait que celte succession n’était rien.
On y voit que la clef de cette armoire était au pou
voir *du citoyen Noyer-Lagarde.
B 2
�( 12 )
C elle hostilité fut le signal des procédures. L e cit.
I<agarde,qui avait vendu à D ubouy sa moitié du do
maine du B o u y, et qui sans doute en était m écontent,
assigna ses cohéritiers en partage.
A u bureau de paix, le citoyen D ubouy dit qu’il s’en
tenait à la donation faite par son contrat de mariage,
et qu’il entendait seulement venir à partage des biens
de sa mère , sauf ses droits, dans le cas où il se trou
verait un titre qui le rendrait héritier.
A l’audience, il ne s’occupa plus de cette succession
maternelle, parce qu’il savait bien que tout était con
fondu dans le domaine du B ouy: et par jugement du
2 5 ventôse an 5 , les ventes faites par M ary Noyer
et par N oyer - L a g a rd e , de même que le partage du
22 fructidor an 2 , relatif aux biens paternels , lurent
nnnullés, comme prenant leur source dans l’effet ré
troactif de la loi du 17 nivôse. 2° L e domaine du Bouy
fut délaissé au citoyen N oycr-D u b ou y comme dona
taire contractuel; 3 .° le partage de la succession pa
ternelle fut ordonné entre les quatre autres enfans
N o y e r; 4.0 il fut réglé ce que chacun devait payer à
l ’autre, soit D ubou y h ses frères, pour les réserves de
la donation, notamment les 6,0001. dont il était tenu, et
pour ce qu’il avait touché en mobilier, soit les doux frères
à D u b o u y ,p o u r ce qu’ils avaient touché de leurs ventes.
Ce jugement tout avantageux qu’il était au citoyen
D u b o u y , était un règlement de famille; les quatre
cohéritiers appelés au partage nouveau, ordonné par
ledit jugem ent, s’empressèrent de l’exécuter.
�( 13 )
Ils avaient besoin pour cela des papiers de famille
et effets paternels, contenus dans l’armoire où étaient
les scellés du 28 vendémiaire an 4 ; le juge de paix
était sans doute tenu de les lever , sur la représenta
tion du jugement du ¿5 ventôse : mais avec le cit.
D u b o u y , il fallait des précautions.
, Les copartageans l ’assignèrent donc le 5 germinal
an 5, pour être présent à la rém otion, sans que cela
fût bien nécessaire ; le 6 germinal au so ir, en son
absence, il fut fait un inventaire.
L e juge de paix était à la vérité beau-frere des beaufrères des copartageans; mais quand un juge de paix a
mis des scellés sur les titres d’une succession, il n’y a
pas de p r é v a r i c a t i o n , quand un juge de paix les lève
sur la réquisition de ceux indiqués par un ju gem en t,
pour partager seuls cette succession.
L e juge de paix et ses assesseurs firent un inven
taire , contenant quatre-vingt-dix-sept cotes de titres.
Cet inventaire n'est pas une pièce occulte, le citoyen
D ubouy en a une expédition.
A la suite de l’inventaire les copartageans, voulant
éviter d’autres frais, firent un partage en deux lots d©
la succession N oyer ;N o yer-L ag ard e, pour lui et M ary
N o y e r , eut à son lot les 6000 liv- à prendre sur NoyerD u b o u y , en vertu de la donation de 179 0»
du juge
ment de l’an 5.
L e cit. D u b o u y, favorablement traité par la justice,
trouva dans cette opération les matériaux d’un procès
bien plus lucratif que le premier. Il fit citer ses colié-
�C 14 )
ritiers pour être condamnés à réintégrer le mobilier
enlevé. Il demanda en outre pour dommages-intérêts
60.000 livres écus, quoique les écus ne fussent pas alors
Irès-communs. Il prétendit qu’on avait soustrait l ’o r,
l’argent, les titres, les bordereaux des ventes , et le
testament du 20 ju ille t 1789. (M en teu r! il est dans ses
pièces, cote 14 de sa production).
On pense bien que sur une telle d em an de, la séance
du bureau de paix dut être orageuse (18 floréal an 5 ).
Com m e D ubouy voulait faire représenter les effets
d ’ u n e succession qu’il n’avait pas voulue^onlui demanda
en quelle qualité il entendait agir ; il répondit : que
c ’était comme héritier universel de sa mère, aquéreur
de ses frères, et légitimaire de son père.
Alors les citoy ensGreliclie, faisant pour leurs femmes,
lui disent qu’ils en étaient bien aises, parce qu’ayant
1.000 liv. du clief maternel par leur contrat de mariage,
et ne sachant où les prendre , puisque la mere avait
répudié à la succession de ses père et m ère, ils lui de
mandaient chacun ladite somme de 1,000 liv.
N o y e r - D u b o u y , qui en savait plus qu eux ; quoiqu’il
les accusât d’avoir pris tous les titres, répondit qu’il
acceptait la renonciation qu’ils faisaient de la succession
maternelle, et qu’il se chargeait de les p a y e r , si la somme
leur était due.
Les citoyens Greliche alors, quoiqu’ils ne
soupçon
nassent pas un piège, dirent qu ils n’avaient jam ais
renoncé h la succession maternelle, com m ele prétendait
le cit. D u b o u y, mais qu’ils acceptaient les 1,000 liv.
�( i5 )
A u surplus ils répondirent que s’ils avaient fait lever
les scellés, ils en avaient le droit, en vertu du jugement
du 16 ventôse.
Voilà le précis exact de ce procès-verbal du 1 8 floréal
an 5 , sur lequel le cit. D ubouy a basé toutes ses pré
tentions, pour ruiner la succession ab intestat de son
père, par la recherche de celle de Marien Tixier son
aïeul.
Cependant le cito}re n N o y e r-D u b o u y avait interjeté
appel du jugement du 2 5 ventôse. Il prétendait ne de
voir pas rendre compte de la majeure partie du mobilier
qu’il avait retiré de la succession paternelle, parce qu’il
l ’avait, disait-il, acheté en vente publique , et payé à
ses cohéritiers, c’e st-à -d ire, mis en dépôt dans Carmoire scellée.,
L e 11 ventôse an 6 , cet appel fut jugé au P u y , et
le jugement de Riom fut infirmé dans l’objet de la con
damnation ci-dessus rappelée.
L e cit. N o y er-L a g a rd e, qui dans tout le procès a pris
mal à propos bien des choses sur son com pte, déféra
le serinent décisoire au cit. D ubouy , qui en consé
quence fut autorisé à retenir le m obilier, à la charge
d ’affirmer.
Comme la levée des scellés lui avait fait naître l’idée
d’obtenir le partage des droits maternels , il plaida for
tement pour l'obtenir; mais il ne put obtenir que la
réserve de son action, qu’on ne pouvait lui refuser, et il
est même essentiel de remarquer qu’il no plaidait pas
pour être héritier universel ; car i.° il ne dit rien de la
�( i 6 )
prétendue répudiation du 18 floréal ; 2.0 il fait dire au
premier m otif que la succession de la mère est divi
sible en cinq.
L ’affirmation ordonnée fut un autre sujet de discorde
entre les frères Noyer. I^e citoyen D u b o u y fut accusé
d ’avoir soufflé les copies de signification du jugem ent,
pour faire son affirmation incognito. L ’huissier fut mis
en prison ; mais les choses se pacifièrent : M ary-Noyer
déclara par-devant notaires avoir reçu sa copie; l’huis
sier fut mis en liberté. Enfin lé cit. D ubouy a affirmé,
et on-ne lui dira pas par récrimination qu’il a volé ce
m obilier; car res ju d ica ta pro veritate habetur.
L e cit. D ubouy reprit sa demande relative à la suc
cession m aternelle, le 7 prairial an 6. Il cita au bureau
de paix ses frères et sœurs pour lui remettre la succes
sion , les papiers, le testam ent,-etc ., comme étant seul
héritier, à cause de l’abdication faite le 18 floréal, si
non à lui payer 60,000 liv. (1). A u bureau de paix 011
( 1 ) Il faut être bien osé pour motiver des conclusions aussi
exagérées , sur le fait présumé que les titres, relatifs à la succes
sion de la m ère, ont été enlevés , lorsqu’on les a soi-même.
L e cit. D u b o u y est porteur, 1.° de l'o rig in a l du contrat de
mariage de sa m è r e , expédié à elle-même, cote i . re de
duction ; 2.0 du traité o rig in a l de 1765, cote 4 ;
3 .° de
sa
pro
l ’expédi
tion originale de la reconnaissance de 1 7 7 6 , cote n ; 4 -° c^es
orig ina ux d ’exploits donnés à la requête de la mère contre son
m û r i, en 1787 et 1788 , et du petit d é fa u t, délivré au greffe , sur
ces exploits , cote i3 ; 5.° du testament de sa mfcre; du 20 juillet
178 9, toujours en o rig in a l, cote 14.
ne
�C 17 )
ne dit rien. L e cit. D u b o u y expliqua sa citation par son
assignation du 18 thermidor, et demanda i.° le mobilier
suivant l’inventaire; 2.0 5,ooo liv. pour la reconnaissance
de 1 7 7 3 .° 12,000 liv. pour celle de l’an 2; 4.0 43,000
cli v. pour les autres.reconnaissances énoncées dans celle
de l’an 2.
« ■ ,
Sauf à déduire 4,000 liv. dues; savoir: 1,000 livres à
-Mary N o y e r, lesquelles lui resteront,comme son aquér e u r , et 3,000 livres aux citoyens Greliche et N oyer-Lagarde.
.1
Il saisit en ses mains 4,000 liv. (il avait écrit 6 ) , par
lui dues en vertu de sa donation ; ladite somme prove
nant de La succession du père} l ’huissier lui fait défenses
de s’en désaisir.
;
j .
Cette demande' ne put être jugée ¿1 Riom • il la reprit
en l’an 8 , devant le tribunal de Clermonl ; là il pré
senta une pétition pour demander 6,000 liv. de provi
sion ; puis il augmenta même ses conclusions principales
et demanda 3,900 livres de plus, par un exploit du 9
fructidor an 8 , pour la succession de Gabrielïe T ix ier,
comme échue à sa mère en parapliernal.
L e cit. D ubouy se croyait si bien prêt, à obtenir ces
sommes imaginaires, qu’il fit des saisies arrêts, des
inscriptions au bureau dos hypothèques, etc.
t.
Q ui donc est le voleur ?
Mais il a avoué avoir eu une clef lors des scelle's', et L a garde
une autre. Peut-être voit-on là 'p o u rq u o i il veut absolument
"persuader que Lagarde collude avec tous les autres , et pour
quoi il le signale'com m e son ennemi déclare'.
C
�( 18 )
La translation du proccs de Riom à Clermont semble
peut-être une chose très-ordinaire et indifférente au
procès; elle n ’est cependant rien moins que cela; car
on pressent bien que le cit. L a g a rd e, étant avoué à
C lerm on t et partie lui-même en son nom dans la cause,
dut naturellement en suivre l’instruclion. Elle l’inté
ressait d ’ailleurs seul en quelque sorte ; car il plaidait
pour conserver les 6,000 1. échues à sou lot, par le par
tage du 6 germinal an 5.
L a copie d’exploit était posée à son domicile ; il pou
vait donc se présenter sa n s en attendre d’au 1res. Il
n ’avait nul besoin de procuration, et il n ’en demanda
'pas; ce} qu’il y a de certain, c’est qu’il a toujours agi
seul et à sa guise.
Il paraît vrai qu’il y eut sur la demande provisoire
de D ubouy une plaidoirie, non pas le i 5 fructidor, mais
le 2 vendémiaire an 9, et qu’il fut rendu un jugement qui
joignit le provisoire au fonds. Ainsi ilétait inutile de nom
mer et placer les juges et les auditeurs, de crier tollé
contre le greffier qui a dû faire son devoir. L e tribunal
sera indigné de ces injures qui n’avaient pas d’o b je t ,
et qu'il fallait au moins appuyer par un certificat. Mais
c ’était perdre l’occasion de dire que le jugement fut
inotivé sur, la répudiation • ce qui est faux.
L e cit. Lagarde étant dans la cause avoué pour luim êm e, et procurator in rem suam pour ses beau-frères,
ne s’en tint pas à l’instruction ordinaire de sa cause; il
fit donner, le 2,5 ventôse.an 9, une a s s ig n a t i o n à sa re
quête et à celle des citoyen et dame Greliclie ^pour con-
�( T9 )
d u re le citoyen D u b o u y , i.° au paiement de 1,000 liv.
pour chacun en sa qualité d’héritier dela mère ; 2.0 à la
radiation des inscriptions par lui faites; 3.° en 12,000 1.
de dommages-inlérêts.
Certes ce ne sont pas les cit. et dame Gì eliche qui
firent pour cet exploit ; i.° ils habitent M ozun , et l’huis
sier est de Clermont; 2 ° c’est le cit. Lagarde qui.s’y
constitue avoué ; 3 .° il est écrit en entier de la main du
cit. Lagarde; mais jusques-là il n’y avait pas de répu
diation, et cet exploit n’en ferait pas une. A u reste-,,
quand les citoyens D u bouy et Lagarde ont pu se par- /.
lager des titres, ils ont bien pu aussi arranger un ex
ploit entre eux.
L e 6 floréal an 9 , le cit. D ubouy se. laissa condam-,
ner par défaut, et par conséquent il se laissait, débouter.,
de ses demandes ; mais aussi il se faisait, condam nera
payer les 1,000 liv. en qualité d ’héritier. C ’était là son
but et son piège. L a collusion est-elle donc tout-à-fait
imaginaire?
■
<
D u b o u y , dans son appel, déclara expressément
acquiescer au ju g e m e n t, en ce qui concernait la répu
diation et son acceptation de la qualité d’héritier.
Beaucoup plus urgent sur l ’appel, parce qu’il croyait
avoir atteint son b u t, il donna ses causes d’appel quinze,
jours après son exploit ; c’est là que jouissant de son
adresse, il appelle le citoyen Lagarde, praticien trèss u b lil,e i le raille, en feignant le louer ou le crainduei
11 argumente du testament de sa mère pouç prouver
l’opulence de la succession T ixier; il dit que Jç; traité,
�( 2<> )
fait avec elle, est une démission de biens, révocable
et inutile , qui ne l’a pas empêché de transmettre sa
succession h ses héritiers, et par conséquent à lui seul,
puisqu’il est reconnu seul héritier maternel.
L e citoyen T a r d if, constitué avoué pour tous les
intimés, tenant sa correspondance et les pièces du ci
toyen Lagarde, y vo}7antles citoyens et dame Greliche,
en qualité, étant dès-lors suffisamment autorisé de faire
sa procédure , et n ’ayant ni ne pouvant avoir aucun
sujet de méfiance dans celte affaire, donna sa réponse
à causes d’appel , et ne put qu’écrire en faveur du
jugem ent, attaqué pour en obtenir la confirmation.
L a cause avait été au rôle de l’an 9; le cit. D ubouy
surprit un jugement par d éfa u t, sur ce même rô le ,
le 11 ventôse an 10. Il se fit adjuger les deux recon
naissances de 1775 et de l’an 2. Mais il n’osa pas sans
doute conclure aux 43,000 livres pour les reconnais
sances présumées ; le jugement ne lui adjuge ,
cet
égard, que des dom m ages-intérêts à donner par dé
claration , de même que pour le mobilier.
Il signifia sa déclaration en exécution de ce juge
m en t, et ne parla que du mobilier.
Les citoyens et dame Greliche ne se doutaient guère
qu’il se fit en leur nom une telle procédure; mais ils
avaient peine à croire que le citoyen D ubouy les eût
laissés si l o n g -teins sans procès. Dans leur m éfiance,
ils s’informèrent, et quand ils eurent appris la vérité,
ils se hâtèrent de réparer ce qui avait été fait en leur
nom ; leur seule voie légale et juste était un désaveu.
�( 21 )
Ils ne pouvaient ni ne devaient le proposer contre le
citoyen Tardif ; sa procédure était régulière et de bonne
foi. Tout partait du citoyen N o y e r-L a g a rd e ; c ’éiait
donc lui qu’il fallait désavouer.
En vertu de leur déclaration le désaveu fut mis
au
greffe de Clerm ont, l’assignation pour le voir statuer,
fut donnée non seulement au citoyen L agard e, mais
au citoyen D u b o u y , pour qu’il y veillât à ses intérêts;
et n’eût pas le prétexte de crier à la collusion. L e 20
prairial an 1 0 , le désaveu fut prononcé par défaut;
le citoyen D u bo u y a interjeté appel de ce jugement.
Dans cet intervalle encore, survint un nouveau pro
cès; le citoyen Lagarde se plaignit de ce que les 6,oool.
qui lui avaient été cédées par le parfage du 6 germinal
an 5 , ne lui étaient pas payées, et il cita les citoyens
et dame G reliclie, au bureau de p a ix , le 2b prairial
an 1 o.
C e u x - c i lui répondirent qu'ils n ’entendaient plus
rien aux chicanes qui s’élevaient journellement sur la
succession ISoyer. Qu’ un jugement de R io m , et un ju
gement du P u y y condamnaient le citoyen D u b o u y ,
et qu’il n’y avait qu’à les exécuter. Il fat donné as
signation néanmoins par le citoyen Lagarde aux cit.
Greliclie qui la dénoncèrent au citoyen Dubouy.
Ainsi se termine cette éternelle procédui-e ; l’appel
du désaveu a été instruit de part et d’au tre, et joint
à l’opposition pendante,sur la demande du cit. D ubouy
L a cause a été plaidée sur le tout, le 14 fructidor an 10
et le tribunal a prononcé un appoinlement.
�( 22 }
M O Y E N S .
L e cit. D u b o u y , dans son m ém oire, prétend que le
désaveu n’est pas recevable, parce qu’il est couvert par
désapprobations suffisantes, et que l ’opposition au ju
gement du 11 ventose an 10, n’est aussi pas recevable.
Il ne s’occupe que par subsidiaire du fonds de la con
testation. Pour suivre son plan d’a tla q u e , il faut éta
blir comme lui plusieurs questions. L a première sera
de savoir si le désaveu du cit. Noyer-Lagarde doit être
reçu; la deuxièm e, si l ’opposition au jugement du n
ventôse an 10, doit être admise, quoique la cause ait
été au rôle ; la troisième, en quoi consiste la succes
sion de Françoise T ixier ; la cinquième , quel est le
droit des parties sur ladite succession.
P R E M I È R E
QUESTION".'
L e désaveu doLtril être reçu ?
Ce désaveu a été prononcé par défaut, le 20 prairial
an 10; le citoyen D u b o u y en est appelant; ainsi il ne
devait avoir rien à combattre que la demande. Mais le
citoyen D u bouy s’attache à tout, et il trouve un vice
de forme dans lé jugement du 20 prairial, comme non
motivé. Mais il n’a pas bien lu sa propre copie, car
elle porte un m otif et la loi n’en exige pas un plus
grand nombre. D ’ailleurs attaquer le jugement dans sa
forme ne serait pas faire tomber la demande; le tri
bunal d’appel n’en jugerait pas moins le fonds, ainsi
✓
�( 2 3 }
le premier moyen est tout à la fois inexact el mutile:
passons donc au désaveu en lui-même.
Pour qu’il ait l i e u , dit le citoyen D u b o u y , il faut
que ce que l’avoué a fait, l’ait été hors de ses pouvoirs,
sans consentement et sans approbation postérieure. Or
y ayant eu instance avec les dames Greliche , le cit.
Lagarde en étant l ’avoué , y ayant eu plaidoirie et
jugement en fructidor an 8 et le 6 floréal an g , les
dames Greliche les ont approuvés, et par conséquent
l ’avoué et la procédure. Or encore le citoyen Lagarde
avait plusieurs pièces pour constater son p o u v o ir, i.° le
procès-verbal du 18 fructidor an 5 ; 2.° l’exploit du 21
ventôse ; 3 .° la signification du 21 floréal an 9. Enfin
le citoyen D ubou y oppose que le cit. T a rd if, avoué
des dames G relich e, au tribunal d’ap p el, n ’est pas
désavoué pas plus que les huissiers Chassaing et Massis
qui ont signifié des actes de la procédure.
Sans doute, s’il y avait une approbation postérieure
du citoyen Lagarde , elle équivaudrait à une procu
ration précédente,carralikabltLo mandalo comparatur:
mais peut-on raisonnablement vo ir, dans des actes faits
sous le nom des citoyens et dame Greliche, des appro
bations de la procédure du citoyen Lagarde.
Il était, dit-on, nanti de la copie d’exploit et du
procès-verbal du 18 floréal an 5. Et certainement on
ne peut pas nier qu’une copie d’exploit et procès-verbal,
contenant des dires, ne soient un pouvoir suffisant à
un avoué pour se présenter, et répéter les mêmes dires
en jugement. Mais le cit. Lagarde n ’avait pas besoin
�( 24 )
de la copie posée aux citoyens Greliche ; il avait la
sienne, car il était partie au même exp loit, et il s’est
présenlé pour tous.
Les dires du procès - verbal ne l ’autorisaient pas à
répudier , car ce procès - verbal du 1 8 flo réa l, porte
au contraire que les citoyens Greliclie n entendent pas
répudier.
D ’ailleurs, c’était une succession parapliernale ou
verte aux dames Greliclie. Les maris, exclus parla loi
de jouir même les parapliernaux , ne pouvaient pas
disposer de la propriété de ces parapliernaux. Ils ne
l ’eussent pas pu davantage, quand la succession aurait
été dotale, parce que le mari n’a que Y adm inistra
tion de la d o t , et n’a aucune qualité pour répudier
une succession ouverte au profit de sa femm e ; car ce
serait aliéner.
• L e cit. N oyer-Lagarde ne pouvait ignorer ces prin
cipes; ainsi quand même il aurait eu une procuration
pour occuper, il ne devait pas répudier en jugement ,
si la procuration n’en portait le mandat exprès, et
n’était donnée pour cela par les dames Greliche ellesmêmes.
L e jugement d j fructidor an 8 , est un être imagi
naire. Lors du jugement du 2 vendémiaire an neuf,
il paraît qu’on attaquait les reconnaissances, ce qui
est l’opposé d’une répudiation ; enfin le j u g e m e n t do
lloréal an 9, est précisément l’objet principal du désaveu.
L ’exploit du 21 ventôse fait partie de la procédure
suivie par le cit. I/ngarde. Il l’a fait donner pour fixer
les
�( *
5 .)
les conclusions prises dans l’instance, et s’y est consti
tué avou é; il paraît mêm e qu’il est écrit de sa main.
L a signification du 21 floréal ne fait qu’un avec le
jugement du 6 , qui est la principale pièce désavouée.
E t tout le monde sait bien , que quand un avoué ins
truit une procédure, dans laquelle ily a lieu de faire des
significations, c ’est lui qui charge l’huissier de les faire.
Si don c, il fallait désavouer aussi l ’huissier, ce serait
un cercle vicieux , car l’huissier dirait : je tiens mon
pouvoir du cit. Lagarde , et ce serait h celui-ci qu’il
faudrait revenir.
E n fin , et par les mêmes raisons, le citoyen D ubouy
ne peut pas argumenter de ce que les dames Greliche
n ’ont pas fait aussi un désaveu contre l’avoué qui a
occupé pour elles, au tribunal d’appel. Elles se sont
bien donné garde de faire cette injure h l’exactitude
et la délicatesse du cit. T ard if qui a été induit en erreur
par le c. Lagarde. A v e c l’expédition du 6 floréal et la copie
d’a p p e l, il était en règle et à l ’abri de tout reproche;
il aurait même eu une action en dommages-intérêts.
T oute la question du désaveu consiste donc dans les
déclarations qui ont pu être faites en ju stice, à Clermont; car dans les pièces précédentes, rien n’autori
sait le cit. Lagarde à répudier pour les dames Greliche.
L e procès-verbal du 18 floréal devait au contraire l’en
empêcher.Il s’est donc exposé à un désaveu, et comment,
sous prétexte d’une collusion qu’il plaît au cit. D u b o u y
de supposer, ce désaveu serait-il rejeté s’il est fondé.
N ’y aurait-il pas plutôt lieu de croire que cette
D
�( *6 )
collusion a eu lieu entre le citoyen Lagarde son ven
deur, et lui. Quand on mit les scellés, l ’un d’eux prit
la clef de l’armoire , et l ’autre la porte du cabinet,
cela est avoué au mémoire Dubouy. L e cit. Lagarde
a dans son dossier tous les titres de la succession du
père ; et le citoyen D ubouy a dans le sien tous les
titres originaux de la succession de la m è r e , quoiqu’il
se fasse un m oyen de n ’avoir pas assisté à l’inventaire
du 6 germinal. E n fin , le citoyen Lagarde fait des dé
clarations en jugem ent, et le citoyen D u bou y se laisse
condamner par défaut pour les accepter- incontinent.
A la v é r it é , il serait difficile de croire à ce que ces
deux frères fussent en bonne intelligence, lorsqu’on
lit tout ce que le citoyen D u bou y exprime aux pages
21 et 22 de son m é m o ire, pour insinuer fraternelle
ment que le cit. Lagarde s’est mis dans le cas d ’une
destitution. Mais qu’il ne fasse pas tomber l ’odieux de
ce danger surles cit. Greliche ; car dussent-ils encourir en
core le reproche de collusion, ils déclarent qu’ils auraient
fait les sacrifices les plus grands, si l’insidieux analhême
du cit. D ubouy eût dû être le résultat de leur demande.
Ils déclarent aussi que lorsqu’ils ont fait , amère
ment peut-être, au citoyen Lagarde le reproche d’avoir
usurpé leur confiance et d’avoir sacrifié leurs intérêls,
le citoyen Lagarde lenr dit avoir agi d’après une, con
sultation des citoyens B e rg ie r, Boirot et D a r l i s , par
laquelle ces jurisconsultes étaient d’avis que toute la
succession maternelle élait confondue dans celle du
père ; par le traité de l’an 2 j qu’elle ne consistait que
�C 27 )
dans ce que la mère a laissé en m o b ilie r, après son.
décès, et qu’ainsi il avait vil plus d ’avantage à la laisser
toute entière au citoyen D u b o u y , pour qu’il payât
les sommes promises par les contrats de mariage.
Que le cit. D u b o u y trouve inconséquent ou non de
rapporter un fait qui disculpe le citoyen Lagarde , les
dames Greliche n’en ont pas moins cru de leur devoir
de ne pas le taire. Mais tout en reconnaissant que le
citoyen Lagarde a pu agir de bonne foi et même avec
précaution , elles n'en sont pas moins fondées à dire
qu’une consultation n’est pas un m andat, et que le
cit. D u b o u y , en faisant une procédure et des décla
rations sans pouvoir, s’est mis dans le cas d’ un désaveu.
C e n’est pas que ce désaveu eût été absolument né
cessaire, puisque la succession de Françoise T ixier est
à peu près nulle, comme on l’établira sur la troisième
question. Il aurait p e u t-ê tre même été plus avanta-r
geux aux dames Greliche d’adopter ce qui a été fait
en leur nom; car une répudiation conditionelle doit être
acceplée, comme a voulu la faire le renonçant, ou toutà-fait rejetée. Mais la ténacité du cit. D u b o u y , à vou
loir ruiner la succession de son père par celle de sa mère*
a fait que les dames Greliche, venant pour la première
fois en cause, ont voulu s’y présenter sans l ’entrave
des faits d’autrui. N e pouvant préjuger l’opinion du
tribunal, elles auraient véritablement débuté avec té
mérité et en dupes, si pour ménager le cit. Lagarde ,
elles avaient ratifié sa procédure. L e désaveu a été
pour elle un acte pru d en t, nécessaire, et quoiqu'en
D a
�.
c
28
)
dise le cit. D u b o u y , il ne peut être rejeté , parce qu’il
ne s’agit pas ici d’une simple instruction de procédure,
qu’il y a répudiation en jugem ent, et que pour cela
seul il fallait un mandat spécial.
D E U X I È M E
QUESTION.
L ’opposition, au jugem ent du 11 ventôse an 10, est-elle
recevable ?
T o u t e s les prétentions du citoyen Noyer-D ubouy
sont nouvelles et singulières. Aucun autre que lui n’a
vait im agin é, depuis 1790, de rappeler un article de loi
qui ne peut plus s’adapter aux formes actuelles, et on
peut dire,presqu’avec certitude, qu’il n’est pas de journal
parmi ceux qui rapportent depuis long-tems la jurispru
dence du tribunal de cassation etdesautrestribunauxde
la république, qui contienne aucun jugem ent, ni même
aucune'tentative pareille. Mais le cit. Noyer-Dubouy
veut être m odèle, il veut faire juger la question : on n’a
pas le droit de l’en empêcher. Cependant cette oppo
sition est antérieure au désaveu; ainsi la question n’in
téresserait les dames Greliclie , que dans le cas où le
désaveu serait rejeté. Elles ne vont donc s’en occuper
que par subsidiaire, et pour répondre à tous les moyens
opposés par le citoyen Dubouy.
Il est très-vrai que l’ordonnance porte en l’art. I I I
du titre X X X V , que les parties ne peuvent se pour
voir, par opposition, contre les jugemens en dernier
ressort, quand ils ont été rendus à tour de rôle.
�( f9 )
Il est très-vrai aussi qu’une loi ne tombe en désué
tude que tacito omnium consensus et il était assez inu
tile de transcrire un plaidoyer de Merlin pour corrobo
rer ce principe, et appliquer à la cause toutes.lés au
torités qui y sont rapportées. Il ne s’agissait, dans ce
plaidoyer, que d elà fin de non recevoir de l’opposition,
après La huitaine, mais non à tour de rôle ; et le cit.
Merlin n’y a recueilli des extraits des arrétistes de plu
sieurs parlemens, que pour établir que la jurisprudence
du parlement de Paris, d’admettre les oppositions après
la huitaine, n’était pas uniforme dans le royaume.
Ces citations ne peuvent rien sur la question de
l ’opposition aux jugemens pris à tour de rôle , car il
n’y a pas parité de raison ; c’était uné jurisprudence
particulière au parlement de Paris, et dans quelques
autres, d’admettre l’opposition après la huitaine; mais
le parlement de Paris ne l’admettait pas, quand la cause
était venue à tour de rôle. Il y avait donc une dis
tinction à faire, et cette distinction même juge la ques
tion qui nous occupe.
A vant la révolution, on faisait une différence entre
les causes venant sur p lacet, et les causes appelées à
tour de rôle. Celles-ci étaient placées au rôle bien longtemsavant d’être appelées. L e rôle était public, à Riom,
deux fois dans l’a n n é e , à la St. Martin et à la St.-Jean,
et tous les mois au parlement. L a lecture publique des
causes prévenait les parties long-teins ¿1 l ’avance ; et
comme la loi était précise, et l’ usage des tribunaux
constant sur ce point, il fallait bien se tenir prêt au
�c 3 0 }
tour de rôle; ce qui, au reste, n ’était pas très-urgent ;
car la m ulliplicité des placets occupait la majeure partie
des audiences.
Aujourd’h u i, toutes les causes doivent être placéesau rôle, sans distinction, d’après la loi du 24 août 1790,
et la loi du 21 ventôse , relative aux droits de greffe.
Ainsi il est contraire aux principes reçus, qu ’une loi
rigoureuse qui ne s’étendait qu’à une partie des causes,
s’étende aujourd’hui tacilement à toutes les causes ; car
les peines ne peuvent être que restreintes, mais non
étendues au-delà de leurs strictes dispositions; et certes
la fin de non recevoir d’une opposition, est bien une
peine prononcée contre le plaideur en retard.
Si le tribunal de cassation a jugé que l ’article de l’or
donnance n’était pas tombé en désuétude pour l’op
position après la huitaine, c ’est que dans la révolution
la fin de non recevoir avait été presque généralement
prononcée par les tribunaux : mais il n’en est pas de
même de la fin de non recevoir des causes venues à
tour de rôle. Aucun jugement conforme au système du
cit. D ubouy ne peut être cité par lui depuis 1790 ;
et comme le mode d’appel des causes a changé à cette
époque, il est clair que ce changement a fait tomber
en désuétude l’article de l’ordonnance tacito omnium
consensu. L ’usage universel a expliqué la loi du 24 août
1790. En cette partie, tous les tribunaux ont admis l’op
position aux jugemens en gén éral, pourvu qu’elle fût
formée dans la huitaine. Ainsi il ne s’agit plus de re
chercher la loi ancienne qui permettait aux parties de
�( 3i )
mettre au rôle les causes qu’il leur plaisait, puisque
la loi nouvelle ôte cette liberté -, et y assujettit toutes
les causes. L e mode d’interprétation de ces lois est donc
suffisamment justifié par quatorze ans de jurisprudence;
car consuetudo optima est legum interpres (i).
Mais au reste.le cit. D ubouy est non recevable luimême à demander la fin de non re c e v o ir, par deux
motifs ;
i.° L ’opposition au jugement a été formée le 18
ventôse an 10; elle a été suivie de la procédure du
désaveu dont D u b o u y a interjeté appel.
, , ,.j ■
O r , par requête du 28 thermidor an 10, il a conclu à
ce que son appel du désaveu fût joint à La cause pen
dante sur Copposition.
Il a donc reconnu que cette opposition était rece
vable , puisqu’elle faisait une cause. Ainsi il a couvert
la fin de non recevoir qu’il oppose.
2.0
L a cause a été contradictoirement plaidée sur
le f o n d s , le 14 fructidor an 10 , quand le tribunal a
appointé. L a fin de non recevoir devait encore y être
proposée à limine litis ,* elle est donc couverte, et le
cit. D u bou y doit, malgré lu i, plaider le fonds.
( 1 ) D ep uis la rédaction de ce mémoire,, le tribunal de cassa
tion a ju g é la question en thèse. Il a casse', le
3 pluviôse
an 12,
un jugement du tribunal de Neufchâteau , qui avait déclaré une
opposition à un jugem ent en dernier ressort non recevable ,
parce qu’il était rendu à tour de rôle.
V o y . le J o u rn a l des audiences de c a s sa tio n , par D en evert,
an 1 2 , p a g e 212.
�( 3a )
T R O I S I È M E
QUESTION,
JE'n quoi consiste la succession de F r a n ç o is e T i X i e r ?
Françoise T ixier n ’a traité avec ses enfans que pour
éviter que cette question se présentât après elle.'
Toussesenfans étaient ses héritiers par égalité, même
avant le 17 nivôse, puisqu’elle n ’en avait avantagé au
cun. L a forclusion de ses filles était abolie depuis le 8
avril 1791.
A la vérité, le cit. D ubouy dit : Je suis donataire de
mon père ; et après le prélèvement de ma donation ,
mes cohéritiers ont partagé le surplus sans moi : mais
je dois prélever aussi sur le surplus ma portion, ail
moins des biens de ma m ère; ainsi il faut connaître sa
succession.
Mais le cit. D u bou y ne veut pas se rappeler que par
son contrat de mariage , son père , en lui léguant le
domaine du Bouy après son décès et après le décès de
Françoise T ix ie r , en le chargeant de payer à chacune
de ses deux sœurs 2,000 liv. qui leur resteraient dues
alors, par la succession des sieur et dame Noyer, a dou
blement marqué par ces expressions que les deux suc
cessions étaient confondues , et que les dettes de la
mère devaient se payer indifféremment par la succes
sion du père, qui les englobait toutes deux. Aussi la
m ère, qui se fait représenter à ce c o n trat, ne donne
rien.
L a mère n’a donc fait que ratifier en quelque sorte
cette
�( ( 4*33 ) )
Ycette confusión' Sos deux'snccessi'ons", en'traitant avec
^ses enfaná, tóúnís-en'Kan d èu x(i). A laivérité otupeut
¿objecter': qu’alors les circonstances n ’étaient plus les
¿mêmes, parce que <la'loi du 17 nivôse voulait un parJ tage par égalité. Maisice^ne sont Ipas les ènfans seuls
-qui ontttraitéien, vertu de çetteloi ; la mère elle-même,
que-la. loi n’obligeait pas, est <venu'e:traiter ayec'eu x
pour ses droits et reprises; et qu’a—t-elle fait autre chose
, :que de des confondre dans la succession du père j conime
odéjà ils l'étaient respectivement àiNoyer-Dubouy:i:>
o . A i n s i ¿ q u e'là loi du 17 nivôse soit ou ne soit pas;, il
( 1 ) L e cit. D u b o u y conteste , à la page 41 de son m é m o ire ,
l ’éxis^èrice de cet acte comme 11011 vérifie ni, enregistré. Il le
produisait d’abord lui-même j’-'il en arg u m en tait, ‘ét ‘il l'il saris
doute retiré de ses pièces. Mais il produit, sous la cote 18, un
acte du même jo u r, quoique aussij n<fn enregistré, et il y a
souligné lui-même ce qui suit : Convenu en outre que dans la
présenle cession sojit com pris.les droits cédés p ar notre.m ère
'c o m m u n e , par acte de céjourd*liui ^ 2.° dans ses causés d'appel,
cole 40 , 'il excipé plusieurs fo iiclu tVa'itd' lait ehtre l^ in ère et
les enfans , et il le idate* à clitiqîne lois j dil*2a fructidor a n >2;
3.°
il en assure encore l ’existence a la page 7 de son mémoire ;
,4.0 on lit dansée jugement du-aÜ ventosean
5)
folio
5
II.0, ce
qui suit : « ¿4près que tous Les 'héritiers eurent pris des arran-
o. .
Mi •/ ;
.■
¡r
gc'.mens avec I r a n ç o is e T ix ie r le u r jn e r e , relativem ent à sa
con stitu tion de d o t, gains , avantages m atrim on ia ux'et autres
créances q u e lle avait à répéter contre la succession de son
m ari , etc. » Ce traito est donc: un acte constant au procès. L e
çit. D u b o u y , qui en a toujours excipé, ne peub donc.rçfyser de
le remettre dans sa production-
* t
v.
‘*
•^ ÍV
J «': .
E
�: ( c 34 ) )
'
,
cn’en esfpasrmoins vrai que J e .ôi l. I)ubhriy nfcrjHuoa’
prendre que le'domaine du Bo'uyij) après lefdücès.£/e.jBi
père et. mère, h la charge de payer '6roooJiy.' dus. pà/iles
deux successions ;e t les a u Ires liérit ier&ont eu à prendre
, ces 6,000 livres,, et le surplusdeabienstdomme f o i r a n t
,la succession ab.itileita t, plus Jes/bestiaubc; .et comes
tibles qui furent laissés à=la mère itor# d e L'arrangement,
et pris sur la succession paternelle.:-: îo ..!*■ .!: ' i ' ;
. C ’est ainsi que toutes les partiesiToht entendu non
seulement en l’an 2 , mais lors du jugement ,de Ventôse
an 5 , puisqu’ elles laissèrent toutes ordonner lé partage
de la succession du père, sans demander celui de la
mère ; puisque le cit. D,ubouy se laissa notamment con
damner à rapporter le s^ o o q ji^ . dues par la supcpssion
du père et de la mère „ sains proposer de compensation
ide celte somme avec les prétendues reprises1qu’il de
mande aujourd’h u i, et qu’il fait frapper sur la succes
sion paternelle.
Celte intention,des parties est claire; elle était fon
dée suî ,1e?. actes . de .famille, à Inexécution desquels
chacun se rendait; aucun ne doutait alors que la suc
cession dô la mère ne fût composée seulement de son
mobilier tel qu’il était ¿péciiié par le traité de l ’an 2 ;
et si l’appelant a varié au P u y , c*èst que la levée des
* 1v
\
C
V
'
scçllés lui avait donné le prétexte de se créer une nou
velle source de réclamations et de procès. ■
,.»
Ce n ’est pas tout que les parties l’aient entendu ainsi,
car c’est aussi1de cette manière qu’elles devdieni T’en
tendre; les actes les y obligeaient.
�C
35
)
CiiFrançoise •Tifcier:ayait-elle: le droit de traiter avec
ses enfans en l ’an 2? ebpeutVon appeler J’dcte qu’elle
a fait, un partage anticipé d’une succession qui.s5ést>
ouverte de nouveau à son décès ; car voilà le s.ÿstêi’n e
actuel du citoyefm Dubouy; on oo L. :: >ç
rr n \
* L es principes; sur les; démissions rie s?appliquent;pas!
à la cause ; ce n ’estpas ici un-abandon fait parilne. m.èréde-ses.biens m eublesjetim m eubles jiévidens ^connus; 3
desquels elle se.désaisisse pour leu x/ et;quc?ils>parlagent!
ensa^présence. <&[ i-iialb Im’:1
îu ' :iil'i
Il ii’y a rdans ^espèce ni biens connus, ;ni désaisissemerii effectif, ni partage actuel.. Ge. n ’est d on c pas ce;
partage anticipé dont excipe le cit. D ubou y com m et
moyen principal j iL n’y à donc pas: de. démission.
>
C ’est un .traité sur des droits inconnus!;, litig ie u x ;,
c ’est une vente ii fonds*pèrdu de ces mêmes droits,.autorisée par ltariiclë!26 derknloi du 17 nivôse , ;qui •
était encore en Vigueur au décès-deila mère. ^ uj >•. . c
: Dans le cas même où làm ereaurail prévu ^rétablisse
ment des actes de sa famille et lé rapport-de la loi du
17 nivôse dans son effet .rétroactif , là.cession qu’elle
faisait était valable; car le citüDuboüy.devait.s’ëirtenir'
à son d om ain e , et alors s e s reprises frappaient sur la
succession ab intestat} c’est-à-dire y contre les ¡autres
héritiers.
, .
•<>' Eh b ie n , elle vend ses reprises à fonds perdmà ceux-
ci ; et comme il fallait, suivant la loi, que les autrcsq
successibles y consentissent et y intervinssent),Me cit.
D ubouy y est intervenu et ¡y a consenti. L e vœuide laloi a donc été rempli.
�( 35 )
.■vIl’.iTe^ira; pas Cfue'c’e&t-iün •à’cte,»forcérpar^la 'craîlîte
révéreniièlle; car }a loiai’admet puis ce :m o y e n <
',iloils-~.
qu’èllèi,exigé, le consentement des successibles y isans'»
distinction.' fUipv urj ¿ 'oV) :ioa i; m.vuum -S üVwtvjo
A u reste , quand ce ne seraif pas! lfV une .'vente l’à'i
fonds: perdli ,uôn demanderait) en' vertu, de)¿quçlle*loi
ib peut être défendu à 1unei mère-’4&-trailer<avec>seS*
enianspsur des droits.susceptibles) dtuplus. grande litigô-;->
les loi&’prptègept les;transactions com ibe l’a'cte le;plus'
utile à la société , puisqu’il éteint les .procès et se^
pourrait-il que les procès, entre une m^re etkles enfutis,
fussent une cliose nécessaire et, non, susceptible-d’ar-i
rangement ? ':u/7 .
m
ir '.b V.;-. ij\.i
'~çy - ’
Ce système cho'que; car si Erancôtsç ' T ixi er pouvait •
agir et plaider ; sansi contredit bll©'pouvait transige!* ;
car ila ’transaction• a lie u 'd e LLl& m o tâ .a iit movendâ.
O r qui contestera ài<ï’ranç6is(i-Tixier le droit de de
mander ses droits etoi’eprisds en l’an 2;?'Mais>parce que
rienih’était pliisicortiusietiinextricable que ses droits;
parce quTelle savait elle - même que son m a ri, en lui i
donnant l’ usufruit de; moitiés, n’avait, puîrèconnàître
12,00a liv. a u - ’delà. de la) quotité disponible
qui elle savait qu’il faudrait prouver
parce \
kabuit de .
la .première -reconnaissance., Françoise .Tixier a fait. ,
avec ses enfans, une transaction, que la nécessité et son
intérêt l’auraient obligée de,faire ayec les étranges; .les
plus divisés d ’intérut a.vec elle; cti^fesl là (Cette transac
tion qu’on veut,confondre avec-une démission, avecune simple libéralité dictée par la tendresse maternelle,
�( 37 )
spontanément-, sans nulles circonstances; et pour la? seule
utilité do'ses'en fans. ):
r
, Si la mère a traité avec tous, il.n Jy a là que de la
ressemblance avec une démission, parce que la mère
était bien:obligée de traiter avec tous ceux qui avaient,
un procès à soutenir contr’elle<> i;
Ainsi,, vouloir que cette réunion nécessaire de tous
les enfans change la nature de l ’a cte , ferait retomber
dans lecsysiême qu’on ne peut'transiger avjec.ses'enfiins.
'Lorsque le filsdiisiéür de L a n g h a c(i) a demandé par
deux fois, au tribunal de cassation, la nullité d’ un traité
fait avec son père pour ses droits m aternels, il n ’osait
pas même plaider qu’on ne peut pas traiter .avec son
père; il faisait valoir des moyens rescisoires,’et cepen
dant le traité à été maintenu..Ulne transaction peut donc
êlre à l’abri, même d e là puissance paternelle. Préten
dre que le rapport de l’effet rétroactif de la loi du 17
nivôse a annullé le ,1railé fait avec, Françoise T i x i e r ,
c’est vouloir oublier ^qu’elle n ’avait que faire de la loi*
du 17 nivôseü G a n d ’une part, elle traitait pour ses rc.r;
prises, et !de l ’autre, pour un usufruit qui n ’en a pas
été moins mainleilU'par les lois postérieures.
F ran çoiseT ixierij’aldonclaissé de succession que dans
son mobilier et non-dans ses reprises; etlen partant de ,
cette vérité la plus évidente, la plus naturelle , le liibunal clague toutes les autres questions du procès. Car
le cit.D ubôu ya pris sa portion du mobilier, il n’a pas eu
idée de prétendre,qu’on en eut volé : il a donc toul son lot.
( 1) Journal de SiREy. Jugement decassation du 25 frim.rc nn 10.
�(
38
)
¡¿Tout conduit h penser, que telle a.toujours étéT;in-.
tenlion et le but des parties, et que c’est là la plus exacte
jusliceà leur rendre. Mais pour suivre le cih D ubouy
dans ses prétentions , et s’il pouvait faire composer la:
succession de Françoise-Tixier de ses droitslet;reprises/
voyons quel en serait le résultat.) "■
>' Vr:.-?, i;
' :-'.j
Q u’aurait obtenu Françoise Tixier^ si elle eût voulu
plaider en l’an 2?
' u-:..»
• i'
- Ses droits étaient-ils fixés:pardesudeux; reconnais-)
Sances, ou par.la consistance réelle dé; la succession de
son père et de-sa» sœ ur?i‘
’
n
1: •
" ' »
Pour cette explication* il faut se;basér: s u r quelquès*
principes.
•
r
oî •
v %'i^ba*!;' <• 1
r
¡Toutes les reconnaissances.que fait le'riiari , après le^
mariage , sont réputées; des.libéralités j si la femme ne
prouve undè habuit; et alors ces libéralités n’ont d’efiet
que pour la portion dont le mariipouvait disposer. ConJessio de dot&\ recep ici-fada. 'per mdritum 3 constante
matrimonio y valet iti vim doriationis. Et il faut, comme
dit Coquille , enquérir et prouver la vérité du fait, si
on veut faire valoir la reconnaissance a u - d e l à de la
portion disponible. Ainsi l’enseignent encore Ricard et
Furgole. Ainsi l’a iju g è le tribunal, le 21 prairial an 10,
en ordonnant l ’apport d e l’inventaire d ’une succession
indiquée com m e1 Y undè h a b u it, dans une
reconnais
sance semblable.
Il est encore de principe,' qu’en pays de droit écrit,
où le sieur N oyer était domicilié, le mari et la femme
ne peuvent se faire de donations pendant le m ariage,
�v( 39 >)
et cela p^r une prévoyance de la 'lo i, /ze matuoamore
1
^•
, inler se., invicem spoUentur.
1
, A la vérité ces donations prennent leur effet par
la m o rt, si elles n’ont pas é té ( révoquées auparavant.
Mais parce iqu’ellesrne fo n t ;qu’une donation à cause
-de m ort, éllçs se règlent par la quotité disponible qui
a lieu 'àil’ouverture de la succession.
O r , au»décès du sieur N o y e r , la loi du 17 nivôse
régissait toute la république; et si elle effaçait les prohi
b itio n s du droit-écrit, en donnant toute latitude aux
.dispositions;entre ép o u x, au'moins elle les restreignait,
-quand il y avait des enfans, àT u su fruit des choses don
nées, si elles n ’excédaient pas; la moitié des biens. (Art.
. î i 3 et 14).
>
: Ainsi Françoise T ixier devait prouver en Fan 2 la
-consistance 'de la succession.liquidée de son père.
Il fallait fair,e estimer les biens vendus non par le
curateur, mais par le sieur N oyerfen son nom ; non
¡pas suivant 1^ évaluations ridicules, que le cit. D u b o u y
leur donne au taux actuel, mais à la valeur de 1760.
,11 fallait établir la .consistance du mobilier, et ensuite
i.déduire des, charges et les dettes. Ces dettes sont con
sidérables, puisque le seul article des reprises du sieur
N o y e r , justifiées par k requête du 16 avril 1 7 6 0 , se
porte à une somme de 5,029 liv. 1.6 s., outre les 2,0001.
payées au tréspr public, 1,200 liv. au sieur D epille, et
89 liv. 7 s. au sieur Dufraisse. D é jà , par la compurai-son de celte s.eule dette avec les biens, il est évident
en simple aperçu., que si le sieur N oyer fit une recon-
�/ C 4° 0
naissance de 5,o o o à sa fem m e, c ’éfait pour qu’elle no
fût pas humiliée de n’avoir rien à donnera ses ënfans,
lors de le u r ’établissement, et pour la mettre à môme
de donner à chacun 1,000 liv:.
i;
«
-- • J ■
Mais quand il ÿ aurait quelque excé d a n t, tout ce
que Françoise T ixier n'auraît pas justifié lui apparteten ir, dans les reconnaissances , devenait simple libé
ralité, et alors combien de diminution cette libéralité
" n ’éprouvait-elle pas?
«
:
' J
D ’abord le cit. D u b o u y faisait passer, avant t o u t ,
le don o u legs du d o m a i n e , puisqu’il lui était assuré
par son contrat de mariage, et puisque les reconnais
sances ne prenaient effet ¡qu’à la mort.
‘‘f
Les deux reconnaissances de 5,ooo liv. et de 12,000 I.
ne valaient eu l’an 2 que pour l’usufruit de ces deux
sommes, mais cet usufruit était confondu dans l’usu
fruit de moitié qui était aussi légué par le sieur N oyer
à sa femme ; il absorbait toute la «quotité disponible.
T^es deux reconnaissances devenaient donc nulles' et
sans effet.
'
M
Non seulement l’usufruit de moitié absorbait tout ,
mais il ne pouvait avoir lieu concurremment avec le
don du dom aine, sur lequel l’ usufruit ne frappait pas ,
q u ’a u t a n t que la légitime des puînés devait rester in
tacte, et sans charges suivant les principes, ce qui ne
se pouvait pas. Françoise T ixier n’était donc p;is fon
d é e à p l a i d e r pour obtenir les1deux reconnai ssances .
Il est inutile d’occuper le tribunal de la demande ridi
cule que le sieur N oyer avait formée de 48,000 l i v . , pour
représentation
�(
4*
)
représentation des reconnaissances supposées enlevées,
et du testament de sa mère (q u o iq u ’il en soit nanti) ;
il a abandonné cette demande qui d’ailleurs ne méri
tait pas qu’on s’occupât sérieusement de la combattre.
. Françoise T ixier était encore héritière de sa sœur,
mais les droits de celle-ci étaient liquidés par un traité
dont le cit. D u bouy n'a demandé le prix qu’en l’an 8.
O r ce traité ne donne pas une somme exig ib le , mais
une rente qu'on ne peut forcer à rembourser : et tout
prouve qu’elle avait été remboursée par le cit. N oyer
p è r e , puisque sa belle-sœur acheta des immeubles pour
à peu près ce qui lui était dû.
Ces immeubles ne font pas partie de sa succession,
puisqu’elle les a revendus au sieur N oyer père ; ainsi
quand cette succession ne serait pas confondue dans le
traité, elle n’en serait pas moins absolument nulle.
Voilà donc à quoi se réduit la prétention du citoyen
D u b o u y , si le tribunal veut faire discuter, à grands frais,
le mérite des reconnaissances; et si, en les approfondis
sant de plus en plus , il ne se trouve pas encore plus
fortement convaincu , que Françoise T ixier a fait une
transaction respectable et nécessaire, et qu’en traitant
avec ses enfans, ut a frater no certamine eos prœservarebj elle a prudemment calculé leurs intérêts et le sien.
Q u e l est le droit des parties sur la succession T i x i e r ?
L
e
citoyen D ubouy a un testament de sa mère qui
le fait héritier universel. Ce testament est olographe, et
F
�(
4
2
3
daté de 1789 : mais il n ’est pas enregistré, ainsi ce n’est
pas une pièce à produire.
Ce testament, dicté évidemment p a r le cit. D u bo u y,
semble tacitement révoqué par son contrat de mariage
qui est postérieur, et dont les clauses semblent con
traires à ce testament, au lieu d’y renouveler l’institu
tion , il serait aussi annullé de droit par le traité de
l ’an 2. Car un testament est ultimœ voluntatis testatio.
Or un acte de 1789 n’était pas la dernière volonté de
Françoise Tixier.
Mais à quoi servirait ce testament, dès que la succes
sion de la mère ne consiste que dans son mobilier ;
il est partagé ; et voilà ce qui faisait prendre au mot
le cit. D u b o u y , lorsqu’il se disait seul héritier d’une
succession nulle , parce que cette nullité m êm e rendait
illusoire la promesse de 1,000 livres, que la mère avait
faite h ses filles lors de leur mariage.
Il ne servirait à rien encore si le tribunal voulait
annuller le traité de l’an 2, et fixer la succession de la
m è re , car le pis aller serait d’adjuger la reconnaissance
de 5 ,ooo liv. la seule que son époque puisse faire res
pecter; et alors les dames Greliche y auraient 1,000 liv.
chacune, dès que cetle somme leur est promise avant
le testament. Ce serait donc à leur égard un partage
par égalité, malgré l ’institution.
Mais soit que la succession malernelle se compose de
mobilier, ou de ces 5,000 l iv ., ou de loute autre chose,
le cit. D ubouy doit toujours rendre compte des 6,000 1.
qui sont une charge de sa donation, ce qui est Iota-
�( 43 )
lement distinct du procès a c tu e l, et ce qui est jugé.
- Il a cherché jusqu’à présent à retarder le paiement
de cette somme , et il y est parvenu , en plaidant qu’il
fallait attendre la décision relative au partage de la
m ère; le moment est donc ven u, non pas d’y rapporter
ces 6,000 liv. mais de les payer, car il n’est donataire
qu’à cette condition.
j Ainsi ce procès si compliqué par les conclusions si
souvent changées du cit. D ù b o u y , se simplifie extrê
m em ent, et se réduit à des points certains.
1
L ’opposition au jugement par défaut est recevable;
ainsi le jugement surpris par le cit. D u b o u y est com me
non avenu.
L e désaveu estfondé au cas qu’il ait été nécessaire;
mais quand les sieurs Greliche auraient répudié au
bureau de p a ix , et même en jugem ent, une succession
parapliernale à leurs fem m es, celles-ci ne sont pas liées
par cette répudiation ; c’est une nullité viscérale; les
maris n’ont promis aucune garantie. S’il y avait enga
gement de leur p a r t , ce serait le sujet d’une action
particulière à diriger contre eux; mais cela ne produi
rait pas une répudiation.
r
•'
D ’après cela, le partage de la succession de Françoise
Tixier doit être ordonné entre toutes les parties ; mais
cette succession se réduit au mobilier, puisque les droits
litigieux et incorporels, dont elle pouvait se composer,
sont: vendus par transaction.
Si le tribunal annullait cette transaction, alors la suc
cession de Françoise Tixier n’en serait pas moins réduite
F a
�( 44 )
à rien, soit parce qu ’elle egt décédée sans avoir révoqué
sa,répudiation de 1760 , soit parce que les recouvreinens des biens de son père sont absorbés par les dettes ;
soit parce que sa soeur ayant acquis des biens1, pour le
p_yix de sa cession de droits, les a revendus,
r Si le tribunal donnait effet aux reconnaissances sans
les compenser avec les reprises du cit. N o y e r p è re , il
annullerait sans, doute'celle de l ’an 2 , com m e1n ’étant
qu’un avantagé in d ir e c tt e n d a n t à surpasser la quotité
disponible par la loi d u ^7 nivôse, et ne donnerait effet
qu’à, celle de 1775.
L a succession de Françoise T ixier une fois connue,
se régie aisement ; il est à. peu près égal que le citoyen
•Dubouy en soit*-héritier: ou ne' le soit pas; mais le tri
bunal ne peut avoir égajrd au testament de 1 7 8 9 ,puisque
i.° il n’est pas enregistré; 2 ° il est annullé par le con
trat de mariage de 17,90 > et le traité de l’an 2.
Il £dul donc en revenir aii point d’où on est parti,
c ’esl-ti-dire , a u jugem ent du a 5 ventôse an 5 ; tout est
réglé par l u i , et le tribunal n’a pas de guide plus sûr;
car le cit. D ubouy avait tout demandé alors, comme
011 peut le voir par le procès-verbal du i . er pluviôse
p ré cé d e n t, et ce fait n’est pas détruit par de simples
réserves qu’il a faites au P u y postérieurement et dans
d ’autres circonstances. Ces deux pièces du procès mar
quent assez que les parties entendaient faire terminer
toutes leurs contestations à cette époque, et celte in
tention fait crouler toutes les procédures, toutes les
conclusions, toutes.les injures du cit. N o y e r-D u b o u y ;
�(4 5 )
car il devait alors bien expliquer ses prétentions, et il
les avait expliquées; toutes les considérations ont été
pesées alors, et il ne p e u t , sans mauvaise foi a faire
renaître un procès d'un autre procès, et exiger que la
Justice partage avec lui ses embûches et ses cavillations.
M.r MARCHEIX , Rapporteur.
L . F. DELAPCHIER, Homme de loi.
F A Y E , Avoué.
A RIOM, DE L IMPRIMERIE DU PALAIS, CHEZ J.-C. SALLES.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Noyer, Jeanne. An 12?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Marcheix
Delapchier
Faye
Subject
The topic of the resource
créances
successions
captation d'héritage
prison
contre-révolution
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse pour Jeanne et Marie-Gabrielle Noyer, Pierre et Joseph Greliche, leurs maris, habitant à Mozun, intimés ; contre Joseph Noyer-Dubouy, habitant à Chamalière, appelant ; en présence d'Anne Noyer-Lagarde, avoué au Tribunal civil de Clermont, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 12
1750-Circa An 12
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
45 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0330
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chamalières (63075)
Mauzun (63216)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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captation d'héritage
contre-révolution
Créances
prison
Successions
-
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1bd43f3645f46a0594c332b403565beb
PDF Text
Text
M ÈMOI R E
POUR
É
tie n n e
»C O N T R E
Et
TRIBU N AL
P R U G N A R D et M a r i e D E M U R A T ,
s a femme, Intimés.
J e a N B a p t i s t e G R A N E T > Appellant,
contre
A U D I G I E R y Notaire
,
.
Intervenant
L a p rin cip a le q u e s tio n , qui d ivise les parties , est c e lle de sa vo ir si le
cito y e n G ra n et , qui s ’est m is à la tête de la m aison G en d rau d e n 1 7 6 3 ,
et en
a
fait toutes les affaires com m e m ari ,
doit la co m m u n ication
à ses co h éritiers d ’une acqu isition qu’il a faite ju d icia irem en t p en dan t
l ’instance du partage , com m e pou rsuivan t p our la s u c c e s s io n , et sans
bourse délier.
L es autres questions sont relatives aux rapports et prélèvem en s à fa ire
au partage ordonné en tre les parties , et sur leq u el il n ’y a pas de con
testation.
Pour l ’in tellig en c e de la difficulté p rin cip a le , il est nécessaire de re*
m on ter à des f a it s , antérieurs à l ’o uvertu re des successions d iv isib les,
F
A
I
T
S
.
M ic h e l et autre M ic h e l M e rc ie r , fr è r e s , v iv a n s au m ilieu du d ix-sep
tièm e siècle ,
achetèrent en com m un un m o u lin app ellé B o tte,
et d eu x
jardins y attenans ; il p aro ît que l ’aîn é y am andoit deux cinquièm es , et
le cadet trois cinquièm es.
C elu i-ci se fit M e un ier ,
acte de 1659 ,
e t garda tout le m ou lin ; i l s ’o b lig e a par un
de donner à son frère pour ses deux cin q ièm es in d iv is
deux setiers de b lé et dix sous d’arg en t par année.
K
D'*ppBI
d e r io m .
�C O
M ich el M e rc ie r, aîné , avoit laissé deux fils ; L a u re n t, qui fut Curé en
Dauphiné ; et M agdelaine
qui fut m ariée à L eger G e n d ra u d ,
souche
de la famille de cu/us.
P our form er le titre c lé ric a l de L au ren t M e r c ie r , M ag d e la in e M e g e , sa
m ère , lu i constitu a ces deux cinquièm es du. m ou lin et appartenances , un
b a n c sous la h a lle de R o c h e fo r t, u ne m aison et jardin , un pré et une b u ge.
L au ren t M e r c ie r , ren o u vela lu i-m êm e en i6t)2 , a r e c Jean M e r c ie r ,
fils
de M i c h e l , je u n e , les arrangem ens pris par son père en 1659 ; e t
i l fit d on ation en 17 2 6 à la fem m e de- L e g e r G e n d ra u d , sa soeur.
de
tout ce qui lui a vo it été constitué par son titre clérica l.
Jean M ercie r, d étem pteur du m ou lin in d ivis étoit alors-décédé, laissant
deux enfans , dont A n n e C h a rd o n , sa ve u v e } ;étoit tu trice. L e g e r G e n
draud
et sa fem m e la firent assigner ,, en cette q u a lité , p o u r p a ye r lès-
arrérages de ferm e des deux cinquièm es du m o u lin , l e 26 m ars 17^ 7.
C e tte poursuite fut suspendue pendant b ien des ajinées ,. à cause d e r
ch an gem en s qui su rvin ren t dans la fam ille G en draud ,
dont il faut s ’o c
cu p er m ain tenant.
M ag d e la in e M e g e éto it m orte en 1 7 * 0 , laissan t un seul e n fa n t , L a u
ren t G endraud ,
qui fut m arié à A n to in ette M a lle t ,
et qui décéda lu i-
m ém e en 17 3 5 ; L e g e r , soir père , ne décéda qu’en 1742.
L au ren t G en draud et A n to in e tte M a lle t , eu rent trois enfàns ; sa v o ir ,
Jacq u elin e , M a rie et C atherin e ; il n e p aroît pas que cette dernière ait.
eu de la postérité;
Jacq u elin e fut m ariée à A n to in e D em u rat ; ils m oururent peu de tem*
après leu r m ariage , laissan t trois enfans ; savoir , A n to in e tte , m ariée à
A n to in e F o u r n ie r j M a r i é , fem m e P ru g n a rd , intim es > et A n t o i n e , qui
est représenté par lesdits P rugnard.
A p rè s la m ort d ’A n to in e D em u rat e t de sa fèm m e ,. A n to in e tte M a lle t ,
habitan t d am la m aison de R o ch efort a vec les enfans d e sa f i l l e , y faisoit
un p etit com m erce , et v iv o it dé ce produit , et de c e lu i des h érita ges de
la fam ille
G e n d ra u d , réunis par la d onation de 1 7 2 6 .
M a rie G e n d ra u d , sa f i l le , étoit allée en con d ition ch e z M . dé C h azerat „
et ch ez le C . D . m arquis
dè L in iè re .
E lle partit d elà en 175 8 , après*
avo ir em prunté trente lou is du C u isin ier de l'a m aison p o u r fa ire le cobxtm erce k R o c h e fo r t , où sa m ère d evo it lu i céd er son. magasin*.
�( 3)
A u ss i-tô t qu ’e lle y fût arrivée , v o y a n t dans la m aison de petite* nièce»
qui a vo ien t le m êm e
droit q u ’e lle , e lle a v is a , e n fille
qui
a v o it
vu
le m onde , aux m oyen s de tou rner les choses à son bénéfice exclu sif.
E lle présenta requête ,
pour n ’h abiter la m aison p ate rn elle ,
perm ission de la justice. E lle répudia le
q u ’a v e c la
i . er m ars 175 9 à la su ccéssion
de son père ,
et le 3 , e lle se fit consentir par sa m ère , m oyen n an t
cin q liv res u n
b a il de la m aison pour
une
déclaration qu’il n ’y a vo it pas d ’autres bien s.
ann ée ,
a v e c la
fausse
.
M a rie G ra n et > après toutes ces précautions , vo u lu t b ie n dem eurer
à R och efort deux ou trois ans ;
après cela ,
e lle a lla , o n n e sait e n
q u elle qualité , dem eurer à C lerm o n t ou à C h a m a lière ; et c ’est là , que
le 2 i m ars 17 6 3 , e lle co n tracta m ariage a v ec le cito y e n G r a n e t ,
alor*
ch iru rg ien .
Il est dit dans le co n trat que la future se con stitu e ses biens e n dot ;
i l est dit aussi qu’en cas qu’e lle p ré d é c è d e , le futur g agn era ses m e u b le s,
tels qu’ils seront désignés , par un acte qu ’ils se p rop osen t de passer e n
sem ble ; et la jouissance de scs biens présens , d ’un reven u de cinquante
liv re s , à la eharge de nourrir et entretenir sa mère ; la q u e lle , de son
côté
sera ten u de lu i d on n er ses petits travaux et soin s ; ce qui p rou ve
déjà que la m ère n e g o u vern o it pas.
E lle gou vern a b ien en core m oins , quand le cito yen G ra n et fut établi
dans la m aison. Il n ’éto it pas attiré à R o ch efort pour l ’ex ercice de son
é t a t , puisqu’i l le
a v o it
quitta bien tôt pour
en trer dans la gab elle. M a is il j
là u n e m aison , u n p etit c o m m e rce , des im m eubles et des créan ces ;
c ’ éto it de quoi com m en cer une fo rtu n e , ou trou ver du m oins so n existen ce.
Il a été dit plus h a u t , que Jean M e r c ie r , détem pteur du m oulin B o tte ,
a vo it laissé deux e n fa n s, appellés A n to in e et L ou is ; A n to in e étoit mort
lors du m ariage de G ra n e t , laissant aussi deux enfans ; savoir , A n to in e
et M agdelaine.
L e citoyen G r a n e t , e n son n om et celu i de sa fe m m e , sans s o ccu p er
des enfans D e m u r a t, fit a s s ig n e r, le 14 ju in 176 6 lesdits enfans de J e a n
M e rc ie r , en reprise de l ’ex p lo it du 26 mars 17 2 7 . Us ren o n ceren t à la
»uccession de leu r pere.
^
A u m oyen de cette rép u d ia tio n , la succession de Jean M e rc ie r n elan t
o ccu pée par aucuu
individu de la b ran ch e de M ic h e l, jeu n e , son p ère ;
�(4)
toute la lign e étant décédée , excep té les deux ren on çan s , il est clair
que les biens de cette lig n e re v e n o ie n t de d ro it à la b ran ch e de M i c h e l ,
aîné , et que la créan ce se con fon doit dans la succession. M ais ce n ’éto it
pas le co m p te1 du cito y en G ranet. Il aim a m ieu x supposer l a su ccession
vacan te ; i l y fit nom m er un curatcur.
Il co n clu t co n tre ce
curateur , à la reprise du m êm e e x p lo it de 17 2 7
co n ten an t dem ande des arrérages du blé dû pour la ferm e des deux c in
quièm es du m ou lin B o tte , et au partage dudit m ou lin et jard in . C es con
clusions furent adjugées , par sen ten ce du 3 septem bre 17 6 7 .
C ette sen ten ce ordonna le partage du m o u lin , perm it au cito y e n G ranet.
et à sa fem m e de se m ettre en possession du m o u lin et autres im m e u b le s,
jusqu ’à extin ction de leurs créanecs , ou de faire ven d re sur placard.
L o rsq u ’il fa llu t faire exécu ter cette sen ten ce , le
cito y en G ra n et s ’ap -
p erçu t que le sieur de C habanes-d e-C u rton , C . D . seig n eu r de R och efort,,
éto it en possession
de tous le s im m eubles de la bran ch e de J ea n M e r
c ie r , à titre d ’acqu isition de L o u is M e rc ie r , ou par hypothèque. Il le fit
assigner en 176 8 , toujours com m e m a r i , d ’abord en d éclaration d ’hypo
thèque ; sur ,. i . ° u n pré à faire sept chards de foin ; 2 .° un pré de trois
chards ; 3 .° u n jard in d ’une quartelée ; 4 .0 u ne terre de trois septérées.
E n su ite i l ch an g ea ses con clu sion s , et d e m a n d a , o n n e sait p o u r q u o i,
le f artage co n tre lu i e n 1769..
U n e sentence de la sén éch a u ssée, d u 6 se p te m b re , adju gea ces dernières
C o n clu sio n s, ordonna le partage des bien s de J ean M e r c ie r , pou r en être
délaissé u n sixièm e au sieu r de C u rto n , com m e acquéreur de L ou is M e r
cie r ; et cinq sixièm es au cito y en G ra n et et sa fem m e a vec restitu tion
de jouissan ces depuis
176 9.
L e sieur de C u rton in terjetta
firm ée por arrêt de
appel de cette sen ten ce ,
qui fut co n
17 7 7 . D es exp erts lu i attribuèrent l ’article quatre de
la dem ande de 1 7 6 8 ,
e t le surplus aux G ran et. II3 fixèrent la restitu
tio n des jou issan ces, depuis 175 9 jusqu’à 1 7 7 8 , à
1,4 2 5 liv .
L e cito y en G ran ot reçu t ces 1,42 5 liv re s , sur lesq u elles il d é d u isit, à
çe q u ’il d i t , 569 liv . de cens. Il reçu t aussi le m on tan t des frais de R iom
et du Parlem ent.
A p rè s a vo ir ainsi term iné a v ec le sieur de C u rto n , il rep rit ses d ili
g en ce * contr« le curateur de la successiou M e rc ie r > fit liq u id e r 1« 4 a v r il
�(i )
178 0 , les arrérages de jou issan ces du m o u lin Boite , ju squ ’à 1 7 2 7 , seu
lem en t à 408 liv . 1 3 sous
6 deniers ; e t o b tin t un exécu toire de dépens
de 246 liv . 18 s. 4 den.
L e cito yen G ran et dut se m ettre en possession en 17 7 8 . C a r on v o it
sur l ’expédition de la sen ten ce d ’h o m o logatio n du rapport ,
que M . de
C u rton n e paya les jouissan ces que ju squ ’en 1778 ; l ’év ic tio n éto it p o u r
su ivie et obtenue par G r a n e t , c ’est donc lu i qui se m it en possession alors.
C ep en d an t , le 6 ju in 178 0 ,
de sa fem m e et la s i e n n e ,
son et un jardin jo i g n a n t ,
il fit saisir sur placard ,
sur le
c u r a te u r ;
à la requête
i . ° u ne m a iu re de m ai
d ’une quartonnée j
¿ .° ,
3 .°
et 4 .0 les
deux prés et le jardin ou ch en evière , m en tion n és en l ’e x p lo it de 1 7 6 8 ,
* 5 .° une terre d’une ém in ée , sise au terro ir de la croix-p en d u e ; 6 .° u n e
terre d ’une ém in ée , sise à g rig n o l.
Le
3o août 1 7 8 0 ,
ces h éritages
fu ren t adjugea , au sieu r A c h o n »
p ro cu reu r des poursuivons , m o yen n a n t i , 2 o q liv res ,
qui d em eu rero n t,
est-il d i t , en tre les m ains de l ’a d ju d icataire, à com pte de SES créances.
L e sieu r A c h o n fit sa d éclaratio n de m ieu x , et dit que son m ieu x éto it
le cito yen G ran et
L e cito y en G ra n et prit possession le 2 7 se p te m b re , tant en son nom r
qu'en qualité de mari de A larie Gendraud , sa fem m e , de lui autorisée. Il
ré p é ta q u e le s h éritages lu i a vo ien t été adjugés pour i,2 o o liv . , à com pte
de SES créances.
O n s ’étonne , sans doute , de n e plus en tendre p arler dans cette lo n g u e
procédure des deux cinquièm es du m ou lin Botte et des deux jardin s. L e
sieur de C u rto n avoit ven d u ces o b je ts, à ce qu’il p a ro it, au nom m é L a s sa la s , et le cito y en G ra n et avo it fa it assigner ce d ern ier en d é siste m e n t,
le 14 juin 176P.
Sans doute , il éto it n atu rel de faire effectuer ce d é sistem en t, en m êm e
tem s que celu i du sieur de C u r t o n , le succès en auroit été en co re plu*
sûr. M a is les cio yen s G ra n et pen sant que leurs cohéritiers perd ro ien t la
trace
de cet o b je t , avo ien t traité pour leu r com pte avec L a s s a la s , le 16
ju in 17 7 8 ,
et lu i a vo ien t cédé leurs
droits sur le m o u lin e t jard in
attenant. D e sorte que v o ilà u n o b je t perdu p eu t-être par la p rescrip
tio n et par leu r faute , a vec les jouissances depuis
.T e lle
¿toit la
17 2 7 jusqu’à présent.
manière d’administrer, de« citoyens G ranet ,
oubliant
�(« )
toujours qu’ils a vo ien t des c o h é r itie r s , et qu 'ils éto ien t leu rs comptables^
Ils a vo ien t
encore en 1768 assigné u n nom m é A n n e t G iraud , en dé
sistem ent d ’une ch en evière , app elée ch a m p m ia le t, a v ec restitu tion de
jouissances. Ils traitèren t a v ec l u i , le m êm e jou r 16 ju in 1 7 7 8 . R en tra n t
dan3 la c h e n e v iè r e , ils reçu ren t 18 liv .p o u r f r a is , m ais firent g râ ce do
toutes les jou issan ces , pour raisons à eu x connues.
P end ant ces d iverses p r o c é d u r e s, le cito y en G r a n e t, d even u capitain e
de g a b e lle , éto it a llé a v ec sa fam ille dem eurer à E b reu il ,
m ais il y
a v o it em porté les m archandises , et sur-tout les papiers.
P ru gn ard et sa fem m e se disposoient d’assigner les citoyen s G ra n e t en
partage , lorsque ceu x-ci im aginèrent dele3 p réve n ir , po u r se rendre plu»
favorab les : ils form èrent eux-m êm es la dem ande en p artage co n tre les P ru
g n ard , en 1776.
L a fem m e G ra n et décéda en 178 0 , laissan t u n e fille unique ; alors
G ra n et reprit la d em an d e, com m e lég itim e adm inistrateur , e n la séné
chaussée , où le procès fut appointé.
L e s P rugnard d iren t po u r défenses , que b ie n lo in de con tester le p ar
tag e ,
ils y co n clu o ien t eu x-m êm es ; m ais que G ra n e t s ’étant em paré de
to u t, le u r d evo it le rapport du m o b ilie r , su ivan t l ’in v e n t a ir e , et les jou is
sances , à dire d’experts 5 q u e , s’il éto it de bo n n e foi , il n ’avoit qu ’à dé
cla re r ce qu’il avo ît p r is , et qu’i l n ’y auroit plus de procès : ils co n clu ren t
aussi à u n e p rovision .
G ra n et refusant toujours de s’exp liq u er ,
fut si lon g-tem s à produire ,
qu’il laissa rendre p ar fo r c lu s io n , le 2 ju ille t 178 3 , la sen ten ce dont est
a p p e l, qui ordonne le p artage des successions ,
de L e g e r G e n d ra u d , M a -
gd ela in e M e rc ie r et L au ren t G endraud , auquel G ran et rapportera le m o
b ilie r et jo u issa n ce s, y fera procéder dans le m o is ; s in o n , et en cas d’ap
p e l , il est fait p ro visio n aux P ru gn ard de 2oo liv .
L e cito yen G ra n et în terje tta appel au Parlem ent. D a n s ses
griefs
du
i 3 d écem bre 178 4 ? i l se défendoit de d evo ir n i m o b ilie r , n i jou issan ces ,
en disant que sa b e lle -m cre s’étoit em parée de tout ;
créa n ce M e rc ie r ,
et à l ’égard de la
i l reco n n o is3 o it, qu’ayant agi pour la su c c e ss io n , il
fero it le rapport des biens adjugés en 173 0 ; et il o ffroit ce r a p p o r t, à
la ch arge d ’ôtre indem nisé de ses frais et fau x-frais.
Il répétoit cette offre dans une requête du 2o décem bre , et co n clu o it
lu i-m êm e au partage de ces im m eu bles adjugés.
�7)
(
D ’après cula , si les choses eussent restées- en c e t é t a t , il n ’y aurait
plus de d ifficu lté entre les parties sur cet objet m ajeur dans la cause. M ais
u n e m ain infidèle et am ie des p ro c è s, a bâton né , tant dans les g riefs que
dans la r e q u ê te , tout ce qpi a vo it rapport à cette offre de partage , pour y
substituer ce lle en rapport de i,2 o o l i v . , p rix de l ’adju dication .
11 est aisé de v o ir que les co rrectio n s fu rent faites , parce que G ra n et
ch an gean t d ’avo cat en 178 5 , fut in d u it à croire q u ’il p o u vo it refuser ce
partage. O n n ’osa d’àbord in terca ler dans la co p ie prise en com m u n ica
tio n , que l ’offre du partage
du p r ix
et on fut o b lig é , par u ne requête
des b ien s , pou r n e rie n effacer ;
du 18 juin i ?85 , de rectifier ces p ré
tendues co n clu sio n s , en offrant la totalité de la créan ce M e r c ie r , au
lie u de
i,2 o o liv .
G ra n et produisit par cette m êm e requête une
tra n sa ctio n , du 9 ju in
178 2 , de laq u elle il résultoit que les F o u r n ie r , co h é ritie r! de Prugnard.
a vo ien t traités, a v e c
lu i pour
la
quitte de leu r portion, pour 600 liv . ;
le s d iies
pas
créan ce
M e rc ie r ,
P a v o ie n t
ten u
et lui a vo ien t laissé in sérer dan*,
de l ’acte tout ce qu ’il lu i a vo it plu ,
p our p rou ver qu’il n ’é to it
débiteur. Il e n in d u iso it que les P ru gn ard d evo ien t
adopter
cette
transaction..
' L es P ru gnard répon d iren t par une é c r itu r e , dit 7 septem bre 178 5 , que
cette transaction le u r étoit étrangère ; et n e co n n oissan t dans la créa n ce
M e r c ie r , que ce qu’ils en a v o ie n t lu dans l ’écritu re de G r a n e t, ils so u tin
ren t qu’ayant poursuivi une créan ce com m une ,
il d evo it le rapport en
nature des biens qu’il avo it retires.
L e p ro c è s s’est continué au P arlem en t jusqu’en 1 7 8 8 , «ans beaucoup plu»
d ’exp licatio n sur le m ode du partage. E n Pan
2 , G ra n et a vendu le v
deux pré» provenan s du placard au cito yen A u d ig ie r , m o yen n a n t 1,70 0 l i v . ,,
a y e c ch arge de payer aux P rugnard le u r portion de la créan ce M e rc ie r j;
« Et
attendu ,
a^t-il dit , qu ’il y a contestation
pour raison
de cette
» créan ce et autres prétentions i led it G ran et subroge A u d ig ie r , tant à
$ l ’effet du procès , qu ’à tous le s droits, en résultans pour lu i ; A u d ig ier. e s t
y ch argé d’en reprendre les poursuites, et de faire p ron on cer sur l e to u t» ..
P rugnard qui ig n o ro it cette cession litig ie u s e a rep ris le procès en
cqj
t r ib u n a l, le 10 floréal an 9 , con tre le cito y en G r a n e t ,, com m e u su fru i
tie r s e u l e m e n t a t t e n d u le d écèi de sa fille..
�..
.
.
\
(8 )
Audigier est intervenu le 23 pluviôse an
11 , et fidèla au plan de
v a cilla tio n qu’il a trouvé dans la procédure de P a r is , il a com m encé par
dire qu ’il d evoit le tiers de la créan ce M e rc ie r , m on tan t à
l 3 $ous y sur qu oi i l a v o it à se reten ir ;
i . Q pou r frais
1,4 6 6 liv .
et faux-frais
600 liv . ; 3.° pou r une créa n ce payée à u n nom m é E p in erd 240 liv re s ;
3.° pour réparation 1 1 6 liv . ; 4 .0 pour la p rovisio n 2oo l i v . ; total de»
retenues i , i 56 liv . ; de sorte q u ’il co n sen tait de p a ye r le
plus , a vec les
tiers du sur
intérêts.
et par une requête , du 5
M a is bien tôt il a tro u vé qu’il offroit trop ;
g erm in a l an 11 ,
il a dit qu ’au lie u de 1 ,4 5 6 liv . , il n e d evoit que le*
408 l i v . , portées par la liquid ation de 1 7 8 0 , a v e c'le 3 intérêts depuis 17805
«ubsidiairem ent en su ite i l a offert 1,200 liv . ; enfin il a dit que si cette
dim inution étoit a d o p tée, il co n sen to it de n e déduire que 2 o o liv . au lie u
de 5oo liv . sur les fau x-frais.
D ès qu’A u d ig ie r paroissoit se m êler de tout , il n e sem bloît pas que le
cito y en G ra n et eût à s ’in g érer davantage dans cé débat ; cependant il est
v e n u a son tour , dans u ne écritu re , du 4 fr u c tid o r , faire de n o u vea u x
calcu ls , qu ’on n e répétera p a s , de peur d’a ch eve r de rendre cette partie
de la cause com pliqu ée et .obsçure ; car il d im inue en core sur A u d ig ie r /
a v e c leq u el il collu d e.
’>
Il éta b lit un systèm e n ou veau pou r lui-m êm e. Q uan t
au com p te de*
jouissances , il dit , pour la prem ière fois , après 28 ans de p r o c è s , q u e '
c ’est A n to in e D em u rat qui a tout g éré dans la m aison G endraud. Il ex
p liq u e divers prélèvem en s à faire de sa part. T e l est le dernier état de la
procédure.
'
M
O
Y
E
N
S
.
Il n ’y a pas de difficulté sur le p artage en lui-m êm e ; il n ’y en a que
sur les raports à faire ,
et peu im porte qu ’ils soien t faits par le cito y en
G ra n et , ou par le cito y e n A u d ig ie r , qui n ’a vo it que faire de ven ir se
m ê le r dans u ne caus« déjà assez em barrassée, pour qu’il n e fût pas b esoin
d ’y m u ltip lier les procédures. Q u o iq u ’il en soit , les intim és s ’occu peron t
de fixer les rapports qui d oiven t être faits au partage , et après ce la ,
d ’en d éterm iner la form e. A in s i , la discussion se , réduit aux questions
suivantes. i . ° L e s citoyen s G ra n et et A u d ig ie r d oive n t-ils le rapport de*
biens
�<$ )
bien« provenan* des Mercier ? 2.° Subsidiairemept, quel rapport de?
Y ro ien feiU , rela tivem en t à cette créa n ce ? 3.° G ra n e t d o it-il le rapport
du m o b ilier et des jouissances ? 4 .0 Q u els p rélèvem en s son t dus à G ran et
et A u d ig ie r ? 5.° Q u e lle doit ê t r e , d’après les exp licatio n s c i-d e s su a , la
form e du partage ? 6 ° . Q u i doit, les dépens ?
I.°
Granet et A u d ig ier, doivent-ils le rapport des biens venus des A ltrcler ?
C ette question dépend m oins du d roit rigo u reu x , que du fa it e t de*
circon stan ces.
L a demande en partage étoit pendante depuis 4 a n s, lorsque les citoyens
G ran et firent saisir les biens sur le curateur.
A lo r s l ’effet de la sen ten ce de 1 7 6 7 , qui o r d o n n o itle p artage du m ou lin
B o tte , et perm ettoit de se m ettre en posséssion des b ien s M e r c ie r , éto it
un accessoire in séparable de la dem ande en p a rta g e . L e s condam nations
obtenues , éto ien t tout à la fois une chose h éréd itaire ,
e t sous la m ain
de la justice.
A in s i , de m ôm e que le co h éritier ne peu t ven d re u ne p o rtio n de la
su ccession in d ivise , si ce
pendente , pars rei communis ,
aussi , et
par parité
n ’est ant'e intcntatum judiciirm s
catcris invilis ,
alienari
eo enim
nequit. D e m ôm e L . z. et 3. Cor
de droit , un co h éritier ne p eu t faire sa co n d i-
tio n m eilleu re aux dépens de la chose com m une , en détournant
°m’ dlvvim
à son
profit seul , l ’effet d’une sen ten ce lu cra tiv e pour la succession.
O n n e peut pas o bjecter que les bien s M e r c ie r , autres que le m o u lin ,
n ’éto ien t q u ’ une sim p le hypothèque dans la succession G endraud ; quand
c e la seroit > l ’hypothèque n ’en tom boit pas m oins dans la m asse com m un e e t d ivisib le , suivan t le te x te de la lo i : Pignori res data in fam iliœ erciscundæ ju d iciu m venit. E n g én éra l , tout ce qui a pour o rig in e la su ccès- ^ ^
sion J en tre daus le partage. Res hcrreditaria omnes 1 sivi in ipsd hcere~
ditate inventa sint s s i r i i
e j v s occasione
acqvjsitæ
' ^erisc. ^
.
M a is que répondra le cito y e n G ra n et à la circon stan ce im portante ; .
que par la répudiation des enfans d ’A n to in e M e rc ie r , et par la d éfaillan ce
de toute la lig n e de M ic h e l M e r c i e r , je u n e , les seuls h éritiers du san g
étv ie n t
le» G e n d ra u d ,
descendant
de M ic h e l
M e rc ie r j
aîn é ,
11
in-
.1
�.
( 10 )
aiqués par la lo i , com m e successible3 par la règle de la représen tation .
C o m m en t don c adopter qu’un protuteur ait abusé
de la m ain - m ise
gén érale qu ’il a v o it faite sur la su ccession com m une , au point de faire
m ettre en ven te jud iciaire , sans nécessité , des h éritages advenus à cette
su ccession , pour les acqu érir lui-m ém e à v il prix ? 1
' ^
L a justice m ain tien d ra-t-elle cette opération frauduleuse , d ’un hom m e
qui d evo it g ére r de bonne foi pour to u s , et qui n e p ou voit rie n dénaturer ?
L e cito y en A u d ig ie r , se p révau t d ’une con su ltation de juriscon sultes
estim és , auxquels il n ’a
eu garde de soum ettre les pièces du procès ,
m a is ' seulem en t un m ém oire à
co n su lter , où il a posé-la question lu i-
m êm e : C ’étoit de savoir , si en g én éra l le m ari qui achète a v e c les de
n iers de sa fem m e , a ach eté uxoris nomine , ou pour lu i-m êm e. M a is ce
n ’e s tp a s -li la d ifficu lté , et .le cito yen A u d ig ie r n ’a pas obtenu u ne solu
tio n pour la cause.
'
x
'•
Il seroit : peut-être d ifficile de fo rcer le cito y e n G ra n e t .à donner com
m u n ication
d’une acqu isition1qu’il auroit. faite , m êm e a vec les deniers
com m uns
sij.cette ^ a cq u isitio n a vo it été faite expressém ent p our
son
com pte particu lier , et d’un objet tout-à-fait étran ger , et indépen dant de
la su ccession com m une.
. M a is , c ’est au nom de la' su ccession ,
-'- •-'qu’ il p o u rsu ivoit la
et pour une dette com m une ,
ve n te ju d iciaire ; c ’est com m e
protuteur ,
ou au
m oin s j negotiorum gestor , qu ’il a conduit la procédure ju*qu’à exp rop ria
tio n ; et qu’il a fait adju ger les im m eubles au procureur des poursuivons ,
et par suite à lu i-m êm e , en cette qualité.
C e qu !il a fait adjuger , éto ien t des im m eubles de la succession G e n d ra u d , pou r laq u elle il auroit pu s’en m ettre en p o ssession , so it à titre
d ’h éritier , soit d’après la sen ten ce de 17 6 7 ;
Il
en
étoit réellem en t en
possession lu i-m êm e , d ’après la sentence du 10 décem bre 1778 ; et la •
succession
y auroit trou vé un gage suffisant , n o n seulem en t des arré- >
rages du m ou lin , antérieurs a 1 7 2 7 , auxquels il lui a p lu de s ’en t e n ir ,
m ais en core des arrérages échus , depuis 17 2 7 , jusqu ’en 1780 , q u ’il a
m je u s aim éip a ro ître abandonner po u r son avantagé particu lier.
Cent.} •• ch.yi.
C e p e n d a n t, com m e dit L ep rêtre ,
l ’on tie n t p our m axim e au p alais ,
que ce que l ’un des co h éritiers, retire ou achète •, q u ia été dependant de la
succession c o m m u n e ,
l i e n que ce soit en son nom p articu lie r , p eu t être
�( Il )
n éanm oins réclam é par tous les autres co h éritie r# , p o u r être partagé en
co m m u n , en le rem boursant.
T e l est aussi le vœ u de la, lo i, Colurredes debent inler se^communicarç L.rg.ff./àipif.
CQmmoda et incommoda, E t c ’est l e : d evo ir du ju g e ., d it-e lle ailleu rs , de
t!
i
v e ille r à ce qu ’un co h éritier n e fasse 'pas seul sa co n d itio n m eilleu re a v e c
les
deniers com m uns ; Frcspicere debet ju d e x ut qued unus cxhœredibus ex re
httreditarià percepit , stipuïatusve est , non ad ejus solius lucrum pertineat.
Ces prin cipes n e son t n u llem en t in com patibles a vec ceu x rappélés dans
la consultation du cito y en A u d ig ier. L e tuteur peut a ch eter en ju stice le»
biens du pu pile , o u i , cela est quelquefois vra i ; m ais il ri’a 'p a s poursuivi la
v e n te pour acheter ; e lle a été au contraire p ou rsuivie contre lu i ; m a is
il
a fallu , avan t d ’exprop rier , que la nécessité de vendre fût c o n s ta té e ,
e t qu’il n ’y eût pas d ’autre v o ie
de lib éra tio n . Ici ,
G ra n e t p o u vo it se
• m ettre en p o sse ssio n , il auroit co n servé un g ag e suffisant pour répondre
d ’une créan ce qui n ’est co u verte qu ’en u ne fo ib le partie.
L e m a r i , peut ach eter pour lu i-m êm e a v e c les deniers d o ta u x , sans que
la ven te soit pour sa fem m e , cela est vrai en core en g én éra l ; m a is , c ’est
q u ’il est le seu l m aître de la d o t , a v e c laq u elle il a fait l ’a cq u isitio n , et
le citoyen G ra n et n ’étoit pas le seul m aître de la créan ce M e r c ie r , dont
i l a pris prétexte pour se fa ire -a d ju g e r.
x
'
...
Il sero it difficile , après avo ir-lu la procédure ', de phteer G ra n et dans
la classe d’un m ari qui achète a vec les deniers dotaux. D ’a b o rd , la dot de
sa fem m e consistoit dans ses droits su ccessifs‘ u n iv e r s e ls , a vec p ou voir de
‘ le s rech erch er. E n secon d lie u , le C ito y e n G ra n et a exécu té ce m an d a t,
e n faisant les poursuites , co n cu rrem m en t avec 3a fem m e ; ce qui p rou ve
qu ’il ne co n sid érait pas la dréance M e rcie r
com m e u n iqu em en t m o b i-
l ia i r e .ll a fait faire la saisie aux m êm es nom s. Il a eu so in 'd e faire in sérer
que l ’adjudicataire retien d ra it le p rix , à com pte de scs créances. E n fin ,
après la ven te , au m om ent de p arler en son nom s e u l , s ’il vo u lo it que
les
poursuivans et l ’adjudicataire n e fussent pas la m êm e c h o s e ,
- pris possession des biens , tant en son nom ,
fem m e n ’étoit don c pas étran gère à
nécessaire à la tradition.
il a
qu’e n 1 qualité de mari. Sa
la vente / puisqu’il l ’a c r u e .p a r tie
•- ï
O n pourroit don c jllr e ^ a v e c fondem ent que le cito yen G ra n e t a vou lu
a ch eter pour la succession.., ou dum oins uxqris nomine. C ar dans le cas
. m ém e.o ii la lo i dit^en g én éra l ^ que^ tv m^ri n ’acqu iert ;pae pour U fc im a e ,
e' isc:^
’1*
’V '
Ibid.
�( 12 )
L. Penuîr. C . eIIe d!t ausâi qU>11 faut que la
Com.utr. ju d jr a d ita fu erit possessio.
Cochïn
t 'd
traJitw n ait é té faite à lu i-m ê m e . S i ei
- ^ e$t G n sein blable espace , que C o ch in argu m ente de la qualité prise
nH , p f i 3 i ^ P a r^e m ir ‘ ^ans les^ p ou riu ites, à.,|U..jvérité d ’une licita tio n . M ais ce qu’il
î i 6-
à la cause , pour l ’om ettre. « S i le m ari se rend adju div ca ta ire , on n e peu t pas dire que ce soit à lu i p erso n n elle m en t que l ’adjudi» ca tio n est faite ; il ne change p as de qualité au m oment de l ’adjudication ;
» et co m m e ju sq u es-là il n ’a procédé q u ’en qualité de m ari i ot pour fa ir e
z S> valoir les droits de sa fe m m e ; de^ m ôm e ,
dans l ’adjudication , ce n ’est
» que, pai/r e/k.qu’iL se ren d adjudicataire ».
.
,
A u reste , le cito yen G ra n e t, après avo ir si b ie n ex p liq u é en q u elle qua
lité il s’é to it rendu adjudicataire , a vo it d o n n é une ex p licatio n plus positive
e n co re dans ses g r ie fs , et sa requête , des 18 et 2o décem bre 178 4 . Il ;se
. ren d o it ju stice ,
en
offrant le
p a r ta g e ,
i l y co n clu o it lui-m êm e. F au -
d ro it-il don c que des co h éritiers , qui ont eu u n protuteur dans sa per
so n n e .,. et qui n ’ont jam âis eu ni pu avo ir un seul p ap ier de
sio n , fussent victim es
d ’une infidélité , qui
la su cces
a em pêch é les parties de
s ’accorder sur le point p rin cip a l. L e s in terlig n es ajoutées n e son t pas de
la m êm e .plum e. O n lit e n co re dans
cito y en G r a n e t ,
ce
qui a été bâton né ,
l ’aveu du
q u ’il a acquis p o u r sa fem m e e t ses co h éritiers un b ien
de leu r . fa m ille , et qu’il e n id o it la com m u n ication , m oyen n an t ses
reprises. E n fin , si G ra n e t n ’avo it pas acquis pour ses co h éritiers , il au ro it au m oin s, d ’après sa prise de p o ssessio n , acquis pou r sa fem m e. A lo rs
le pis a lle r pour le s intim és sero it d’attendre son d é c è s , puisqu’il est usu. fruitier. M a is il est cla ir que le cito y e n G ra n et ,
d o it.la com m un icatiqn
de ce q u ’il a a cq u is, parce que les lo isjn e v e u le n t pas qu’il se soit e n rich i
aux d é p e n s de ses coh éritiers , a vec une créan ce com m une , dont il s ’éto it
e m p iré s e u l; il la d o it,p a r c e que c est a tort qu’il a regardé la succession
com m e vacante. ; lu i qui étant de la fa m ille , ne peut s ’autoriser du p rétexte
de sa b o n n e f o i , com m e un étran ger ;
il la d o i t , p arce qu’il n ’a
m ôm e entendu acheter en, son nom seul ;
pas
il la doit enfin , parce q u ’il
l ’a v o it offerte lu i-m êm e,
, . ,,
1 I-°
’
"
Quels rapports d evroith citoyen G ra n et, hors :les biens-fonds des M ercier ,
et pour en tenir lieu.
‘
S’il falloit décider cette question subsidiaire,
par le s propositions
�(
1 3
q u ’ont faites les adversaires , il n ’j
}
auroit •certain em en t
rie n de
plu»
difficile , car ils n e son t pas d ’accord en tr’eux à ce t égard ; b ien plu3 , ils
n e le sont p a s , chacu n a vec lui-m êm e,
r
G ra n et o ffroit le p rix de l ’adjudication en 17 8 4 ; puis la créa n ce M e r
cie r e n 1785. 11 a revu et co rrigé tout cela en l ’an 1 r.
A u d ig ie r o ffroit d’abord un tiers de 1,4 5 6 liv . ,
a v ec l ’in térêt depuis
'. 1 7 2 7 . E n su ite il offre le t ie r s d e 4 ° 8 liv . > a vec l ’in térct depuis 1 7 8 0 ..E t
le
cito y en G ra n et , charm é de cette d im inution est ven u par delà e x p li-
? quer qu’il n e fallo it payer que deux neuviem es au lie u d ’un tiers.
.
A quoi donc s’en ten ir dans cet em barras ? à rien de ce qui est prop osé,
Q u ’éto it G ra n et dans la fam ille G endraud j un p r o tu te u r , bans doute;
i l éta it
m ajeur au
décès du père de la fem m e P ru gn ard , c e lle -c i éto it
.a lo r s au berceau ; G ra n et s ’est em paré des biens. P ru gnard e t ,P e m iu a t ; ^ ^ ^
i l n ’a don c pu jouir que com m e p rotu teu r. Ç a r
pro
tiftore ■
gerit ■qui quip rotuu
muñere tuions fungitur in re impuberis , siv'e se putet tutorem , sivè non esse i
Jingil tamen esse.
.
.
, M a is si G ra n et n ’éto it pas p r o tu te u r , il n e con testera pas au m oins
q u ’il n e fût vis-à -vis de la fem m e P ru gnard , negotiqrum gestor.
,
L .9 .denegoi.
o L e s procès M e rc ie r , de C u rtoh et autres ; les traités d e ^ 7 7 8 , n e p e r -
f>est'
•.m ettent pas d ?en douter. A in s i abrégeon s la discussion . à cet; égard.
O r j le negoliorum gestor est com ptable de la faute lég è re e t d ’une exac. titude scrupuleuse. Spondet solertiam et cxactissim am diligenliam .
Voyons
s ’il a tenu cet en gagem en t.
ln st- * obllg.
1U<X tx quasi
cont. nasc.
.
L e cito yen G ra n et s ’étant em paré des poursuites de 17 2 7 ,¡a fait rendre
en 1 7 G7 une sen ten ce
qui ord on n oit un p a r ta g e , et. cond am n oit à des
arrérages de ferm e , antérieurs à
17 2 7 .
M ais pourquoi n e co n clu o it:il pas
aux arrérages échuâ jusqu’à J 7 6 7 ?
P ourquoi en 1 7 8 0 , en reprenant ses poursuites , n e c o n c lu o it-il pas aux
arrérages postérieurs ; il ne d eyo it .pas cra in d ie la prescription , i l i ’a vo it
r e le v é e en 1 7 6 7 .
!
.
A in s i j il a fait tort à .la succession, com m une de ces a rrérag es,
D ir o it-il que c ’éto it la
r
m êm e ch o ?e; de faire ordonner le p artage du
m ou lin ; m ais ici plus grande n é g lig e n c e , et m êm e in fid élité. C a r au lie u
. d ’y faire procéder depuis 1 7 6 7 , il a vendu ses droits p erso n n els ,
et a
laissé prescrire la portion de ses coh éritiers ; dem eurant néan m oin s n an ti
de tous les titres et diligence».
�•
-,
) .
P ou rqu oi encore ,
après avoir demanda un désistement au iieu r de
C u rto n , à1t - il ch a n g é ses co n clu sio n s pour aa born er à un p artage ? *11
co n sen ta it de lu i laisser la p o rtio n acquise de L o u is M e rc ie r 5 niais c ’-éto it-là cutpa lata. C ar P h ypoth cqu e des G en d rau d éto lt assise sur les b ien s
.de l'a ïe u l et du père de L o u is M e r c ie r , depuis i6 y 2 . A i n s i , lou is M e r
c ie r n ’a v o itp a s pu ven d re sa portion h éréd itaire franch e d ’h y p o th èq u e}
pas plu s que
de C u rto n ,
le surplus des bien s , dont cep en d an t o n é v in ç o it le sieur
à rcausc de la m êm e h ypoth èqu e.
■
C ette dem andé en partage , n ’é to it-e llâ pa3 e lle -m ê m e un e x e rc ic e des
droits successifs des M e rc ie r , à cause des répudiations. Q u o iq u ’il en s o i t ,
p a r l ’effet du partage demandé par G r a n e t , il a perdu doux septérées et de
m ie de
,j
terre , plus les jouissan ces
, k ..1 ’ en core u n e
•*J*
’• î
depuis
1 7 % jusqu ’à présent. V o ilà
d édu ction co n sid éra b le dans le g a g e d’une créan ce , que les
adversaires ' cfepëriâant disputent
k qui m ieux m ieu x ,
s ’ils
d o iven t la
réduire au tifcrs , ou aux deux n euvièm es de 408 liv . en p r in c ip a l,
sauf
çn co re des dim inutions exagérées et rid icu les.
'
"
Sans d o u te , le cito y en G ra n et ne p réten d p a s , de bo n n e f o i , avo ir traité
de tous ces droits ou créances à sa' guise et à sa plus gran d e u tilité , .et
cependant
d ’en être quitte aujourd’hui pou r d ir e , v o ilà les t it r e s ; vous
adopterez ce que j ’ai fait pou r v o u s , et je garderai ce que j ’ai fa it pour
m o i;
cette p réten tio n n e sero it pas so u ten ab le.
!
Il est juste que celu i qui a été nan ti pendant /¡o ans de tous les titres
d ’une
fam ille ,
qui a retardé pendant 27
dem andé lu i- m ê m e ,
ans un partage
qu’il
a vo it
qui s ’est établi au m oins le negoiiontin gestor de la
L fa m ille , rende en tières les actions héréditaires dont il s ’est e m p a ré , jus
tifie au m oins qu ’elle s
p lo y é
exactissimam
so n t dim inuées sans sa faute ,
diligenliam .
de vo u lo ir reten ir pour lui-m êm e
fa m ille Prugnard ,
S in o n ,
il
seroit
et qu’il y a em
absurde de sa part
des b ien s devenus héréditaires
ou qui é to ie n t .au m oins
le
gage
à
la
d ’une créan ce
considérable.
E n fin , pour résum er ce subsidiaire , le cito y e n G ran et doit rapporter au
p artage , s’il retien t les biens à lui adjugés ; i . ° les i,2 o o liv . > p rix de
son ad ju d icatio n , qu ’il doit aux créan ciers , a v ec l ’in térêt depuis la v e n te ;
I
2.0 la som m e qu’il a tou ch ée du sieur de C u r to n ,
a vec l ’interôt depui*
le paiem ent.
!
•
�( i5
î
Voilà, d’abord ce qu’il doit , sans d ifficu lté , parce qu ’il n e retien t cela
que pour le com pte de ses cohéritiers.
E n second lieu , il doit le rapport fictif des deux cinqMièmes du m o u lin ,
e t des jouissances depuis 17 2 7 ; faute par lu i d’a vo ir p o u rsu iv i la sen ten ce
^ d e 17 6 7 . ( E t c e l a , i l l e doit dans tous les ca s, outre les biens saisis en 178 0 ).
L a lo i y est expresse. Debet rationem reddcre de eo quod gessit et de eo quod
non g e ssit, aut ut non oportuit. . . . Qui tamen negolium aliquod suscepit non neg. geji.
IMPUNÈ negotium periturum deserit.
P ar cette sen ten ce , les M e rc ie r éto ien t condam nés au rapport des jou is
san ces depuis 17 2 7 . A in s i , leu rs biens possédés par G ra n et d evo ien t ré
p o n d re de cette condam nation. .
A lo r s , si le cito yen G ran et n ’é to it pas tenu d e1ces jou issan ces e lle s m êm es , il d oit représen ter leu r g a g e ,
acquis ,
saces ,
pour
c ’est-à-d ire , le s b ien s par lu i
être hypothéqués à ces condam nations , a v ec les jouis-
â com pter de 177 8 ; et en outre , la te rré laissée au sieu r de
C u rton ,
par le partage fait a v ec lui en 17 7 8 , a v ec les jouissances de
puis 1 7 5 9 , faute d ’avo ir aussi ex ercé les droits de la su ccession sur cette
t e r r e , parce qu’elle étoit hypothéquée aux m êm es créances.
'
■
L e cito yen G ran et doit rapporter aussi les dépens faits e n 'î 7 2 7 ,
a du faire com prendre dans son exécu to ire
Sur ces dem an les
qu’ib
du i . er m ai 1750.
en rapp ort , il faut p réve n ir deux o bjections , que
fera peut-ôtre le cito y en G ra n e t.
i° .
D ir a - t-il , j ’ai obtenu des lettres de ratification ‘sur l ’adjudicatiôrt
du 5o août 178 0 j don c j ’ài p u rgé vo tre hypothèque. Je ne dois , d ’après
l ’éd it de 17 7 r , que le rapport du p rix de l ’adjudication.
L e s lettres de ratification , il est vrai , p u rgen t les hypothèques h l ’é
gard de toutes les créances des vendeurs. Ici > le -v e n d e u r et
l ’acq u éreu r
sont la m êm e personn e. Ici , celu i qui demande?.l’ex tin ctio n .d o l ’hypothùque éto it dépositaire des titres constitutifs de cette m êm e hypothèque. N e
sero it-il don c pas m onstrueux de p rétend re qu ’il a pu l ’éteind re à son profit.
L e dépôt com m e le g a g e o b lig e celu i .qui s ’en ch arg e , de le rem ettre
e n nature et sans a lté r a tio n , au m oin s de
son fait ; sub lege ejusdem in
specie rcslitucndx. C om m en t don c co n ce v o ir que le citoyen G ranet ,, q uj
éto it nanti 011,1767 et 1780 , de tous le s titres constitutifs d ’une ç r é a n c e ,
d evan t produire ce
qui est dit c i-d e s s u s , ait le- d ro it.d ’é tein d re.p a rtie de
cette c r é a n c e , et néanm oins de reten ir les im m eu bles qui p o u vo ie n t en
i
�( i G)
répondre, C 'eet com m e i l le porteur d 'u ne procu ratio n g én éra le se falsoî»
u n e o b lig atio n à lu i-m ê m e .
L e cito y en G r a n e t , dépositaire des titre» d ’une créa n ce de ses c o h é r i
tiers , n ’a pu v a la b lem en t p ren d re pen dant son n an tissem en t des lettre»
de ratification ;
e lle s
son t n u lle s et de n u l effet à Içur égard 5 il n ’a pu.
rie n in n o v er à le u r é g a r d , en co re m oin s locupletari, eoruni detriment q. II*
d o iven t retro u ver le u r créa n ce et l ’hypothèque de cette c ré a n ce , au m ém eétat qu’avan t le n an tissem ent du cito yen G ran et.
E n fin , les b ien s M e r c ie r é ta ie n t d even u s partie de la su ccession P ru g n a r d ; o r les lettres de ratification ne p u rgeo ien t pas la prop riété.
2 .° Il objectera que Lassalas est détem pteur du m o u lin B o tte j,
le
et que
p a rta ge n e peu t en être ordonné qu’a v ec lu i.
M a is le m ou lin est h ors la fam ille M e rc ie r depuis 17 6 9 . L a se n te n c e
qui o rd o n n o it le partage
est b ie n de 17 6 7 ; m ais e lle n ’est pas rendue
a v e c Lassalas , n i le sieu r de C u rton. A in s i , L assalas p ou rroit op p oser la
prescrip tio n . L e cito y en G ra n e t savoit b ien cette o ccu p atio n de L assalas ,
p u isqu ’il l ’avo it assigné en 17 6 6 ,
et q u ’il a traité a v e c lu i e n 177 8 . Il
é t o it , lors de ce t r a it é , com m e à p ré se n t, n an ti de la sen ten ce de 1767511
a d on c laissé p érir par sa fa u te un effet de la s u c c e s sio n ; il en est com pta
b le ; d on c il
en
doit le rapport com m e s ’il e x is ta it, sauf à le faire
éch eo ir à son lo t. S ’il prétend qu’il n e l ’a pas laissé prescrire , c ’est à
lu i à en p o u rsu ivre le reco u v rem e n t ; et le s intim és
lu i o ffren t tou te
ju b re g a tio n de le u r part.
I I I.°
. Qui doit le rapport du mobilier et des jouissances ?
Si on s ’en rapportoit aussi à ce qu’a écrit le cito yen G r a n e t, et K un
dossier qu’il a in titu lé « p r e u v e de l ’in d igen ce d ’A n to in ette M a lle t » , il
n e doit rien.
Sa fem m e et sa b e lle-m ère o n t déclaré par plusieurs a c te s, copiés l ’un
sur l ’a u tre , avant son m a r ia g e , que toute la succession consistoit en u ne
m aison délabrée ; et le cito yen G ra n et rapporte dans le m ôm e dossier une
espèce d’en q u tte à fu tu r, du 3
ju ille t 1 7 8 7 ,
o ir 'd e s tém oins par lu i ‘
m e n d ié s, ee disoient cependant ferm iers de quelques parcelles d ’héritages.
11 y avoit* don c quelque chose. Q uan t au m o b ilie r , on y fait dire que le s
créancier*
�(
17 )
créan ciers l'a v o ie n t fait ven d re ; mai» pour é v iter de plus lo n g s débats , les
in tim és offrent de p rou ver qu’il y avo it notam m en t ,une ju m e n t p o il B a y ,
que le cito y en
G ra n et a vendue i 5o francs ; tre ize ou q u atorze b reb is ,
u n e petite boutique de m ercerie , en v a le u r à peu près de 800 fr a n c s, que
les citoyen s G ra n et ont em porté en a llan t d em eu rera E b r e u il; enfin q u ’a
près son départ de R o c h e fo r t, le cito yen G ran et y reven an t de tem9 à
a u tr e , a ven d u du m o b ilie r , et notam m ent une arm oire de frên e à deux
battans , au nom m é Joseph H ugon , cordonnier.
E n v o ilà a sse z, sans d o u te , pour dém entir le cito y e n G r a n e t; a lo r s ,
com m e un m en teu r ne doit jam ais être c r u , cela suffira pour faire ord on
n e r la preu ve de la consistance du m ob ilier par com m une renom m ée.
Il en est de m êm e des jouissances. L es intim és offrent aussi de prouve^
que G ra n et se m it en p o ssessio n , aussitôt après son m a r ia g e , de la m aison
de R o ch e fo rt, du jard in en d é p e n d a n t, du ban c de la h a lle et de deux te r
res , sises au lieu de Chedias. Il a jo u i du to u t, soit par lu i-m êm e à R o
c h e fo rt, soit par des colons quand il a été à Ebreuil.
L e traité de 1 7 7 8 , fait a vec G ira u d , p rou ve l ’existen ce d ’une autre t e r r e ,
et que le cito y en G r a n e t , pen dant son séjour à E b r e u il, con tin u o it de
rech erch er et jou ir ce qu ’il savoit appartenir à la succession de son b eau père. A cet égard il doit le rapport des jou issan ces, m êm e antérieures à
1 7 7 8 , puisqu’il en a fait rem ise de son a u to r ité , et.pour raisons à lui
connues.
D e sa p a rt, P rugnard rapportera les jouissances depuis l ’an 7 , de deux
terres , dont il a év in cé la com m une de R och efort qui s ’en éto it em parée ;
plus le s jouissances de la m aison depuis qu ’il, l ’a v e n d u e , car auparavant
i l ne s ’en est jam ais m is en possession.
A u reste, si G ra n et persiste à n ier cë qui est de son fa it, une p reu ve
»uppléera. aux raisonnem ens qui p o u rroien t co n vain cre le tr ib u n a l, qu ’un
gendre n ’éto it pas a llé s ’établir à R o c h e fo r t, pour laisser tout en tre le s
m ains d ’une b elle-m ere d e 61 a n » , ‘re m a r ié e , et pour ne se m ê le r lu i,
m êm e de rien.
L e cito yen G ran et a prétendu pour la prem ière fois en l ’an 1 1 , qu’Antoin e D em urat avoit été l ’adm inistrateur des biens jusqu’en 1 7 5 s ; m ais n ’y
a-t-il pas de TincoriVéqüeiïce à prétendre qu/A ntoinette. M a lle t éto it à la
tête de sa m aiso n , après 1765 , et cep end an t qu’e lle éto it en" quelque sorte
e n tutele iô ans auparavant.
ç
�08
1»,
t
)
'-l :oJ fculq ; *• v
I y .0 . i ' • V • 1 . :
}'• ; <-, »;
!...
i; i
PfctèveTïiens rcclames p a r le citoyen Gra.net ou par Àudigicr,
1 .° U s le n a n d e n t 5 >o fr. po u r le j fa u x -fra is em p loyés dans les p o u r
suites dès procèsi
1
11 e s t a s s e s bizarre- que le cito y en G ra n e t prétende être payé pour des
affaires dbtit it* ne" véut pas. com m un iquer le' bénéfice, lis offrent le tiers
ou les deu x-neuvièm es de 408 fr. et ils osent dem ander 5 o o fr. de faux•
‘ ^
s
frais-'; cela eSt rid icu le. A la vé rité ils ont eu h on te eu x-m êm es de le u r
p r o p o s itio n , et o n t réduit hypoth étiqu em ent les 5oo fr. à 2oo fr. ; m ais
dans l ’un com m e dans l ’autre cas , f et pour év ite r les discussions in u tiles ,
cet a rticle dépend dil sort d ’un autre.
Ou ilÿ seront condam nes à com m un iquer l ’adjudication , ou non .
D a n s le p rem ier c a s , ayant fait les affaires co m m u n e s, les intim és
.
.
*
‘
offrent d ’a llo u er ce qui sera rég lé p ar le trib u n a l, s ’il y a lie u .
D au s le second c a s , G ra n et n ’ayant pas l ’actio n mandati contraria, n e
peut répéter que, ce qui est p o rté 'en ta x e ,
p ayer.
et il a eu soin de s ’en faire
'
Jnsùt. ob'ig. ’ ‘ L e procureu r'fon dé a b ie n , quand il a a gi de bo n n e fo i, une action pour
quti ex quasi I,-,n Je m nité de ces faux-frais : m ais le ncgotiorum geslor n ’a actio n que p our
cvmraci.nasc.
_
.
.
.
les frais utiles qu ’il a faits. Rcpelit sumptus quos UTII.ITKR f e c i t .
2 . ° Ils dem andent 240 fr. pour u ne créan ce F.pinard : e lle n ’est pas éta
b lie ; nuand e lle le se ra , les intim és n e la con testeron t p a s , si e lle est
i, . .
' ■
:l '
»
lé g itim é .
t
•
5 .° Ils dem andent 222 fr. p o u r réparations à la m a iso n ; m ais on n e
p arle que d’un devis estim a tif, et on ne rapporte aucune quittance qui éta
blisse le paiem ent de la som m e ; .e lle n ’est donc pas due.
4 .0 Ils dem andent les 3 oo francs de p rovision s ; pas de difficulté.
6 .° G ra n et dem ande i2 o francs payés a J o sep h G iro n : on p o u rr o itle s
co n tester ; "mais les intim és s ’en rap p ortent à la prudence du tribunal.
C.° Il p arle d ’une dette payée à Battu , d ’après u ne sen ten ce co n su laire
de 1 7 6 6 ','s'ans cependant y co n clu re. Il n ’est donc pas question de la dis
cu ter ; d ’ailleu rs c ’est une créa n ce p e rso n n e lle à la fem m e G ra n et 3 U n e
peut en être question au p artage.
,
�(
»9 )
yo
Quelle
;
doit être la forme du partage f
L e s rapports et prélèvem en s étant co n n u s, cette question n ’est plus que
le co rro laire des précédentes.
.
L a masse doit être com posée de la m aison et jard in de R o c h e fo rt; 2 .°
des deux te r re s , sises au C h ed ial ; 3.° de c e lle retirée de G iraud ; 4 .0 du
b a n c de la h a lle ; 5.° des deux jardins qui ont été retirés de la com m une
de R o c h e fo r t, par les P rugnard ; 6 .° des h éritages portés p ar la sen ten ce
d ’adjudication du 3o août 1780 , et su bsidiairem en t des rapports à faire
p ar les citoyen s G ra n et et A u d ig ie r , d ’après le §. 2 ci dessus; 7 .0 du m o b i
lie r de la su ccessio n ; 8.° des jouissances à rapporter par ch acu ne des par«
ties , su ivan t qu’il a été éx p liq u é au § . 3 .
D an s le cas où les deux dern iers h é r ita g e s ,
én on cés e n la sen ten ce de
1 7 8 0 , n e fero ien tp a s double em p loi a v ec ceu x c i-d e ssu s, le cito y e n G ran et
e n devra aussi le rapport à la m a s s e , a v ec Je3 jouissan ces 5 car il a d éclaré
p ar u n e x p lo it du 16 septem bre 1 7 8 0 , qu ’ils éto ien t de la fa m ille G endraud
e t avo ien t été com pris m al à propos au placard.
’
A p rès la m asse ainsi co m p osée, le s adjudicataires p rélèv e ro n t ce qui a
été dit au §. 4 , et les P rugnard p rélèvero n t leurs créances au procès co n tre
la m u n icipalité de R o ch efort et autres 3 s ’il y a lieu .
L e surplus doit être partagé d ’abord en deux p o r tio n s , dont l ’une de
m eu rera en usufruit a u ‘cito yen G r a n e t , pour être réunie à l ’a u tr e , après
son
décès ; l ’autre form era le lo t de Jacqu elin e G e n d ra u d , et sera sou-
divisée en trois.
D e u x parts de cette so u s-d ivision seront allouées aux P ru gn ard , tan t
pour eux ,
que com m e représentans A n to in e D e m u rat ; la troisièm e sera
d é la iss é s, pou r form er le lo t de la fem m e F o u r n ie r , sauf au cito y e n G ra n et
à s ’arranger a v e c e lle , po u r ce qui co n ce rn e le résultat de sa tran saction
de 178 2.
y i.°
Qui doit les dépens ?
•' L e cito yen G ra n et y a été condam né
par la eénéchaussdç j c’étoit à
�(
20 )
juste titre. Il refusa constamment de s ’e x p liq u e r, ni communiquer acucune
pièce , quoiqu’il fût nanti de tout.
Il
a in terjette appel ,
et n ’a cessé de v a rier
dans ses m oyen s et ses
c o n c lu s io n s ; cette incertitu d e a o ccasio n n é le p lus de f r a is , il d o it,le s
supporter.
S ’il est ju g é q u ’il d oive un rapport de m o b ilie r et de. jou issan ces , i l
d o it les depens par cela seul , car c ’éto it le m o tif unique de son appel.
E n fin , il a jetté dans le procès une tie rc e partie , qui n ’a in térêt q u ’à
p laid er et à con tester sans m oyen term e ; car il lu i a v e n d u , et le d roit
de p laid er , et ce qui éto it le g a g e de la p aix. Ce n o u veau ven u a rem p li
sa
tâche ; et certes , il sero it de la d ern ière in ju stice de reje te r sur la
m asse ce su rcroît de dépens in u tiles et
em barrassans pour la cause.
A u reste , le s dépens son t la p ein e la plus juste de ceu x qui soutien
n e n t de m auvaises contestation s ; et c ’est b ie n la m oindre qu ’on p uisse
in flig e r à celu i qui résiste à un p artage ,
d epu is
dont la dem an de est form ée
2 7 ans.
C ertes ,
ce n ’est pas le cito y e n G ra n et qui m érite de la faveu r dans
cette cause , c ’est en co re m oins le
cito y e n A u d ig ie r : ca r c e lu i q u i a
vo u lu ach eter n o m in a tiv em en t un p r o c è s , ce lu i qui s ’est classé parm i ces
ergolabos , litium redemptores , que la lo i reprou ve el; d écrie , n ’est d ig n e
d ’aucun succès dans ses prétention s , pour peu qu ’e lle s soien t douteuses ;
e t s u r to u t quand e lle s sont com battues par des considérations d ’équité »
q u i , de tou te m anières ,
m ériten t la p référen ce.
M A N D E
T ,
D E L A P C H I E R ,
Rapporteur
H om m e
de lo i,
D e m a y , A voue.
• • "
A
Chez
MARTIN
R
I
O
D É G O U T T E ,
'
c
1I
4
'*
M,
Im p rim eu r-L ib raire ,
la F on tain e des L ig n e s , ( 1804 ).
vis-a v is
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Prugnard, Étienne. 1804]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Mandet
Delapchier
Demay
Subject
The topic of the resource
moulins
indivision
cessions litigieuses
meuniers
successions
Description
An account of the resource
Mémoire pour Étienne Prugnard et Marie Demurat, sa femme, intimés. Contre Jean-Baptiste Granet, appellant. Et contre Audigier, Notaire, Intervenant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1804
1659-1804
Avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0331
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Rochefort
Rochefort-Montagne (63305)
Chamalières (63075)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53779/BCU_Factums_M0331.jpg
cessions litigieuses
indivision
meuniers
moulins
Successions
-
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3ff6cde508731ba2c137ebd5b88fe555
PDF Text
Text
M
E
M
O
I
R
E
EN R É P O N S E
A CONSULTATION SIGNIFIÉE,
POUR
Antoine-Am broise,
J e a n -B a p tiste
et
F r a n ç o is PÉRISSEL, B o n n e t t e PÉRISSEL,
le cito yen M O R T I L L E T , son mari, e t M a r
g u e r i t e PERISSEL, intimés ;
/
„
Ck^'' ii ' iwi{ùJv/'tUA,( ÙI /
CONTRE
A
nnet
'
P E R I S S E L , avoué au tribunal d'appel
de Riom appelant.
L citoyen Périssel est héritier contractuel de ses père'
E
et mère. Il a joui de leurs biens depuis 17 9 1, et en a
vendu plus des deux tiers. Maintenant, pour ne pas payer
à ses frères et sœurs leurs légitimes conventionnelles, il
A
�(
2
)
veut les forcer ù venir à partage avec lui de ces mêmes
Liens , qui se composeront en ce cas, i°. du tiers qui
lui reste; 2°. d’autant de procès qu’il a fait de ventes.
Libre en 1792 de n’être pas héritier, il a traité pour
le redevenir. Libre de nouveau en l’an 2 , il a traité
encore. Quand il a pu partager, il n’a pas voulu de par
tage : le désir ne lui en est venu qu’après avoir tout
innové et dénaturé.
(
Vaincu par les circonstances, le citoyen Périssel a
voulu dissimuler ou affoiblir au moins les plus déter
minantes. Il le falloit sans doute pour obtenir un avis
favorable de jurisconsultes célèbres, (1) qui, s’ils eussent
eu tous les actes de la famille au lieu d’un mémoire
infidèle, n’eussent pas basé leur décision usurpée sur
des lois que le citoyen Périssel s’est lui-mcme rendues
étrangères.
Les légitimâmes Périssel ne s’effraieront donc pas de
cette nouvelle arme de leur frère; ils osent croire au
contraire qu’ils la neutraliseront dans ses mains, en rap
pelant les faits avec plus de détail et d’exactitude.
F A I T S .
Pierre Périssel et M iclielle Labry, père et mère des
parties, ont laissé huit enfans.
( 1 ) 11 étoit peut-être inconvenant de la part du citoyen Férissel,
de signifier au lieu de causes d ’appel, une consultation imprimée
des citoyens Bigot - Préarneneu, G renier, Favard cl Iicrgier. 11
sem ble que ce soit vouloir capter les suffrages par le poids des
signatures. Le respect du aux tribunaux ne perrnettoit pas autre
fois de signifier des consultations comme un acte de procédure.
�( 3 )
Gilberte fut mariée au citoyen Colange, en 1767 :
Marianne avec le citoyen Coudert, en 1773. Toutes deux
furent dotées effuso sermone, et forcloses, mais sous fa
culté du rappel. Les autres enfans sont les parties qui
plaident.
L e 20 septembre 1786, le citoyen Périssel père vendit
à Annet Périssel, appelant, son office de procureur en
la sénéchaussée d’A u vergn e, pour la somme modique
de 14,000 francs. L ’acte porte quittance de 6,000 francs;
et il fut dit que l’acquéreur seroit dépositaire des 8,000 fr.
restans jusqu’au décès de son p ère, pour les rapporter
à sa succession.
L e 4 mai 1789, Annet Périssel se maria avec Gilberte
Albert.
Il fut institué héritier universel de ses père et mère,
sous réserve de 2,000 francs, à la charge de payer les légi
times suivantes : i°. à chacun de ses trois frères, 12,000 fr. ;
2°. à Bonnette, sa sœur, 10,000 francs-, 30. k M arguerite,
autre sœur, 8,000 francs; 40. à la dame Colange, un sup
plément de ,ooo francs; ?. à la dame Coudert, un
supplément de 4,000 francs.
Ces sommes furent dites payables, moitié deux ans
après le décès du père, et moitié dans l’an du décès de
la mère; et si celle-ci décédoit la première, moitié après
le décès du père, et moitié un an après le premier
payement. Enfin, il fut dit que dès le moment du décès
du sieur Périssel père, le futur se mettroit en possession
de l’universalité des successions de ses père et m ère, à la
charge de payer à sa mère une pension viagère convenue.
L e sieur Périssel père est mort en 1790. A ses derA a
5
5
�(
4
)
mers momens il eut une inquiétude : son héritier-, en
achetant à très-bas prix un des meilleurs offices de pro
cureur de la sénéchaussée, avoit toujours espéré que
son pèi'c lui donneroit quittance des 8,000 francs qu’il
avoit en dépôt; et c’est alors qu’il renouvela plus sérieu
sement ses tentatives. Un de ses raisonnemens principaux
auprès du père , étoit la charge trop considérable des
légitimes, et la menace d’abandonner l’institution pater
nelle, pour faire perdre les supplémens des deux filles
fo rclo seset pour que les légitimes qui étoient faites ejfuso
sermonc 11e fussent pas imputées sur les biens de la mère.
Cette menace frappa peut-être trop le mourant, qui
voulut consolider son ouvrage. Il fit un testament le
29 septembre 1790, par lequel il légua aux dames Golange et Coudert les mêmes sommes de ,000 francs et
de 4,000 francs qu’il leur avoit promises ; et prenant tout
à fait à la lettre ce que lui avoit dit son fils, il ajouta
que s’il abdiquoit l’institution d’héritier, et si cette abdi
cation diminuoit les légitimes de ses puînés, les deux
legs qu’il venoit de faire souffriroient une diminution
proportionnelle.
L e père mourut cinq jours après ce testament. Annet
Périssel, s’abusant toujours sur l’imputation des légitimes,
voulut abdiquer l’institution paternelle. En effet, il déclara
lors d’un inventaire du 24 mai 179 1, qu’il abdiquoit reflet
de l’institution contractuelle faite à son profit par son père,
pour s’en tenir à sa portion héréditaire dans les biens pa—
lcrneïs, se réservant l’ellet de ladite institution pour lesbiens maternels : cette déclaration fut acceptée par ses frères
et sœurs, sous la réserve de leurs moyens contre la retenue
que leur frère entendoit faire des biens maternels.
5
�(
5
)
L e citoyen Périssel ne tarda pas à se désabuser du sys
tème faux qui l’avoit engagé dans une démarche dont
il se repentoit. Il proposa aux puînés de rétablir les
choses comme elles étoient avant son abdication» ; et
comme il y avoit des mineurs , comme il vouloit
redevenir héritier avec sûreté, il assembla un bureau
de famille composé de six hommes de loi et de deux
experts. Ce bureau rendit une décision arbitrale le 28
janvier 1792 : cette décision fut adoptée par les parties,
et homologuée le 7 avril.
On y voit qu’Annet Périssel ayant proposé à ses frères
et sœurs de laisser les choses dans leur premier état,
c’est-à-dire, de laisser subsister sur sa tête l’institution
faite en sa faveur par ses pèi*e et m ère, aux mêmes
clauses, charges cl conditions portées par son contrat
de mariage ,• sur cette proposition les parties nomment
un bureau de famille.
L e bureau entend le rapport des citoyens M aneville
et Savarin, et s’occupe de former la masse tant des biens
de la succession de M e. Pierre P é r is s e l, que de ceux
de dame M ichelle L abry ; après cela, pour la sureto
de l’appelant contre les mineurs, le bureau dit que, toutes
charges déduites,.il revenoità peine à l’héritier une por
tion égale h celle de ses frères et sœurs; qu’un partage
seroit long et difficile, en raison des reprises delà m ère,
compensations, et rappel des filles forcloses..
E t v u , est-il dit,, le consentement par écrit donné
par dame Michelle Lnbry, à ce que ledit Annet Périssel
exécutât, tant à son égard qu’à celui de ses frères et sœurs,
les clauses et conditions de son contrat de mariage j le
�'
.
(6 )
bureau, pour le bien général des cohéritiers, est d’avis
que les offres fa ite s par A n n et Périssel à ses fr è r e s et
sœ urs, soient par eux acceptées comme avantageuses.
Eu conséquence, leslégitimaires déclarent qu’ils accep
tent lesdites çffres ; consentent que leur frère exécute
toutes les dispositions portées par son contrat de mariage,
à condition d’être renvoyés indemnes de toutes charges
des biens des père et m ère, sans qu’en cas de recherche,
de la part de quelqu’un d’eu x, ledit Périssel puisse se
dispenser d’exécuter les engagemens portés par son con
trat de max-iage, vis-à-vis des autres.
A u moyen de qu oi, l’abdication faite par l’intimé,
et l ’acceptation d’icelle, dans l’iiiventaire, demeurent
comme non avenues.
Voik\ donc Annet Périssel en possession des biens de
ses père et m ère, aux charges de son contrat de ma
riage; et loin d’avoir du regret, comme il le dit, d’être
redevenu héritier, il se trouva fort bien de jouir de tout,
de vendre ç;\ et là des immeubles, et il craignit, au con
traire, que la révolution ne lxii ôtât la qualité dont il veut
aujourd’hui se dépouiller lui-même.
La loi du 17 nivôse ordonnoit le partage, par égalité,
de toutes les successions ouvertes depuis 1789 ; et dès - lors
venoit fort à propos le relever de ses engagemens, s’il
les eût Irouvés onéreux : deux années de jouissance lui
avoient donné le temps de s’en apercevoir.
Il fit donner une citation à ses frères et sœurs, le 7 ger
minal an 2, sous prétexte de se concilier sur le partage
par égalité voulu par la loi; mais, au fait, pour les faire
réunir et consentir de nouveau qu’il demeurât héritier.
�7
C )
Il conviendra, sans cloute, qu’il les a engages à souscrh’e à ces arrangemens , en leur dictant, lui-m êm e, des
procurations en blanc, pour consentir, soit au partage
des biens des père et mère tout à la fois, soit au main
tien des précédentes conventions.
Il fut passé un second traité, le 4 prairial an 2 , en
présence de deux hommes de lo i, pris pour tribunal de
famille.
Pour satisfaire à la loi du 17 nivôse , il falloit parler
de partage et d’égalité, avant de convenir d’autre cliose.
L ’acte contient, à cet effet, deux parties très-distinctes,
que le citoyen Périssel veut empêcher d’apercevoir.
Les arbitres reconnoissent, d’abord, qu’il paroît pres
que impossible de faire un partage égal des biens du
père , parce qu’ils sont confondus avec ceux de la mère.
Sur cela, ils pensent que les parties doivent inviter leur
mère à consentir que ses biens se partagent en même
temps. Michelle Labry intervient, et dit, que pour main
tenir l’union entre ses enfans, et leur témoigner son
attachement, elle souscrit à ses propositions, pourvu que
le partage se fasse par égalité entre ses enfans.
Après cet hommage rendu à la loi du 17 nivôse, les
arbitres se sont occupés, disent-ils, en présence de toutes
les parties, et après la fixation faite de la valeur des
biens paternels et maternels, et composer la portion
revenante à chacune.
D ’après cette opération, est-il d it, les parties s’étant
convaincues que l’institution d’héritier, faite en faveur
d’Annet Périssel, ne leur étoit point préjudiciable, clc.
les parties traitent et transigent comme il suit :
�(
8
)
Annet Périssel s'oblige de payer à ses frères et sœurs
le montant des légitimes, telles quelles s ontfix é e s par
son contrat de m ariage, dans les termes y stipulés,
sans, qu’en cas de recherche par quelqu’un d’e u x , il
puisse se dispenser d’exécuter tous les payemens portés
par son contrat, vis-à-vis les autres..L e s légitimaires
ratifient, à cet effet, Tinstitution portée par ledit con
trat de m ariage, ainsi que la sentence du tribunal de
fam ille, du 7 avril 1792; se départant, en tant que de
besoin, de toute propriété sur lesdites successions, vou
lant que leur frère en jouisse et dispose : ce q u i est
accepté par lui.
_ M ichelle L a b ry intervient encore à cette nouvelle
convention, et consent aussi qu’Annet Périssel, son fils,
jouisse et dispose, comme il Ta f a i t jusqu i c i , x'atifiant,
à cet effet, le délaissement de la propi'iété et jouissance
de ses biens, tel qi£il est porté par le contrat de ma
riage de 1789.
L e citoyen Périssel avoit bien ses raisons, lorsqu’il
étoit en l’an 2 moins difficile qu’aujoui-d’liu i, pour rester
héritier : le moment étoit opportun pour vendre et
liquider la succession.
L ’objet le plus considérable des biens de la mère, étoit
un domaine appelé de la Barge; il le vendit au citoyen
Larue, moyennant la somme de 33,000 francs, environ.
Laruc, pressé de payer, avoit consigné le prix de son
acquisition. L e danger étoit urgent; il falloit, pour écarter
l’effet de celte consignation, une tournure quelconque.
Comme la mèi'e étoit vivante, elle seule p o u v o i t arrêter
L arue, cil l’assignant, comme propriétaire du domaine,
II
�*
(
9
)
Il falloît une occasion aussi im pérative, pour l’engager
à s’y prêter : sans cela, le scrupule de sa conscience lui
eût fait rejeter toute proposition de x*evenir conlre ses
engagemens, même en apparence. A vec un peu plus de
mémoii’e , le citoyen Périssel eût dit ce qu’on vient de
dire ; avec un peu plus de bonne fo i, il eût ajouté , que
l’intervention de Miclielle L ab ry, dans cette affaire , fut
si peu sérieuse, que c’est de l’un des légitimâmes qu’il
en reçut le conseil.
Quoi qu’il en soit, M iclielle L ab ry, avant d’assigner
L a ru e , signa un acte préalable du 29 prairial an 4 ,
portant, qu’elle révoquoit le consentement par elle
donné , à ce qu’Annet Périssel jouît de ses biens.
En même temps, elle assigna Annet Périssel, pour
voir déclarer valable ladite révocation.
En même temps, elle assigna Larue en désistement du
•domaine de la Barge.
Comme la première demande n’éloit que pour la
forme, elle a demeuré impoursuivie; mais celle du citoyen
Larue a été suivie d’un jugem ent, par lequel M iclielle
Labry a été déboutée de sa demande. Annet Périssel
a payé à Larue les frais de cette procédure.
Malgré cet échec, la demande n’en avoit pas moins eu
’eiTet qu’on s’étoit promis. La chûte du papier-monnoie
a eu lieu avant la libération de Larue, et la valeur réelle
du domaine.de la Barge a été fixée par une expertise.
Annet Périssel, comme on le pense bien, n’avoit pas
cessé de jouir des biens de sa mère, malgré l’acte du 29
prairial an 4 5
continué celte jouissance sans la moindre
innovation, aux mêmes charges de la pension via°-èr<j
1
B
�( ÏO )
stipulée par son contrat de m ariage, jusqu’au décès deM iclielle L a b ry , arrivé le floréal an 8.
La succession de M ichelle Labry étoit beaucoup
moindre que celle de son.mari ; et comme Annet Périssel'
devoit payer alors l’autre moitié des légitim es, il s’est
persuadé qu’en abdiquant cette succession, il se dispen
serait de payer cette moitié. En conséquence, il a fait
cette abdication au greffe, le 14 prairial-, et a attendu
patiemment qu’on l’assignât, sans cesser de jouir.
Les légitimantes l’ont fait citer en l’an 9 , et les parties
sont d’abord convenues de s’en rapporter à des arbitres
dont le choix distingué ne devoit pas laisser croire qu’au
cune d’elles préférât un procès à leur décision : mais
précisément cette décision étant connue du citoyen P é
rissel , n’a pas eu «on approbation, et il a fallu plaider.
L e citoyen Périssel a donné aux légitimaix-es une assi
gnation , le 26 messidor an 9 , pour voir déclarer valable
son abdication, et venir à partage de la succession de la mère.
A u moment de l’audience, il a conclu par requête à la
nullité des deux traités de 1792 et de l’an 2. Il sembloit
dès lors qu’il faisoit revivre l’abdication du père, et il le
dit ainsi à présent : mais sa requête ne contient nullement
l’offre de partager lôs biens du père; au contraire, il a
conclu au partage des biens maternels seulement. Et en
plaidant, son défenseur s’est attaché à faire valoir la
nécessité d’imputer une moitié des légitimes sur les biens
maternels, persistant toujours à retenir les biens du père
pour l’autre moitié.
Par le jugement dont est appel, du 2 nivôse an 10 , le
tribunal d’arrondissement de jRioxu a pensé qu’au moyen
5
�Périssel et des ventes par lui faites, les choses n’étoient plus
entièi*es; que les conventions faites entre les parties étoient
-corrélatives et indivisibles ; qu’ainsi il n’étoit pas au pouvoir
de l’une des parties de rejeter les clauses qu’il trouvoit oné
reuses : qu’il n’y avoitdans ces actes ni traité sur la succession
d’une personne vivante, pui&qu’Annet Périssel jouissoit
de tout comme propriétaire jax\§ vœu de mort prochaine,
puisque la mère avoit donne son consentement-, et d’après
ces motifs présentés avec un développement très-clair et
une force de raisonnement qu’il a été plus aisé de critiquer
que d’affoiblir, le tribunal de première instance, sans
s’arrêter à l’abdication d’Annet Périssel , a ordonné
■
l’exécution de son contrat de m ariage , et des traités de
1792 et an 2; a ordonné qu’Ambroise Périssel, un des
légitimantes, feroit déduction sur sa légitime de la valeur
d’un immeuble par lui vendu; et à l’égard des citoyens
Colange et Coudert, le partage est ordonné avec eux ,
parce qu’ils y donnoient les mains.
Annet Périssel a interjeté appel de ce jugem ent, et
prétend toujours que les actes qu’il a passés en 1792 et
en l’an 2, sont nuls, comme traitant sur la sticcession d’une
personne vivante. En désespoir de cause, il offre maintenant le partage des deux successions de ses père et mère>,
et dit que'sH 11 faîTïïes ventes ,"~éïïes_ne changent rien
à la position des légitimaires, parce qu’on mettra iictivement les objets vendus j^son lot, suivant l’usage.
T el est le système de défensëTcle l’appelant : son seul
mérite est d’être défendu par des opinions respectables;
son moindre défaut est d’être inexécutable.
B a
�C 12 )
M O Y E N S ,
'
Les intimés n’auront de plan dans leurs m oyens, que
de suivre les objections proposées contre eux ; et en y
répondant, ils se flattent de prouver que les traités de
1792 et de l’an 2 , ne sont nullement contraires aux lois;
que les circonstances en rendent le maintien nécessaire,
et que l’ajjpelant a rendu un partage impossible..
Il est très-certain qu’on ne peut pas vendre la succession
d’une personne vivante, et que dans ce cas non seulement
il manque une des conditions nécessaires à la vente', qui
est la chose ; mais encore , qu’une telle vente est contre
les bonnes mœurs, comme injurieuse à la personne de
qui on vend la succession futureMais n’y a-t-il pas une grande différence de ce qui s’est
passé entre les parties, à la vente d’une succession future T
et ne semble-t-il pas qu’il étoit presque inutile de recher
cher si une telle vente est nulle en droit, dès que le
citoyen Périssel qui se plaint des traités, n’a pas vendu
la succession de sa mère. Si cela est évident, les lois citées,
dès-lors ne le concernent pas.
L a consultation du citoyen Périssel semble confondreen sa faveur le titre du digeste, de hœreditate vel actione
vendita, et le titre du code de pactis : c’est peut - être
une erreur*
lia dénomination de ces titres annonce une diversité
de matière; les lois qui s’y trouvent pour la cause portent,
aussi une diversité de législation.
A n if. de hœred. vel act. vend, la loi première dit eu
�3
( i )
général que la vente de la succession d’une personne
vivante est n u lle, parce que ce n’est pas une cliose vénale.
Mais la législation s’cn tenoit à la prohibition de
vendre; et il paroît que l’école césaréenne se faisoit des
doutes sur plusieurs genres de conventions qui étoient
faites sur l’espérance des successions futures : ces doutes
donnèrent lieu à une application portée par la loi der
nière au code'de pactis.
Cette explication prouve que le législateur ne con
fond oit pas les ventés et les pactes ; il ne confondoit pas
le cas où un héritier pressé de succéder, vend incognito
son espoir à la succession , avec le cas bien différent où
le pacte est un arrangement de famille fait soùs les yeux
de la personne dont la succession est l’objet du traité.
La consultation du citoyen Périssel dit en principe
général que toute espèce de conventions sur les successions
futures-, étoient odieuses et dévoient être anmillées, parce
-qiie cètteioi porte omnes hujus modipactiones odiosœ....
»s-ancimus'omni modo repelli, n is i, etc.
M ais, au milieu de cette règle générale , étoit une
explication limitative qu’il étoit peut-être essentiel de
laisser à sa place ; car le législateur ne déclare pas nulles
toutes les conventions faites sur la succession de personnes
vivantes, mais seulement les conventions faites à Finsu
de celui auquel on doit succéder.
Ce n’est donc pas une nullité générale et indéfinie ; car
il faut lire omnes hujus modipactiones odiosœ..- QUODAM
V I V E N T E E T I G N O R A N T E , DE REBUS E J U S . . . . Sancimus
om ni modo repelli.
La loi ajoute que le consentement de celui de cujus
�C 14 )
valide de telles conventions : nisi ipse de cujus hœreditate
pactumest, voluntatern suam accomodaçerit et ad cxtremuni vitœperseveraverit .Elle termine par des expressions
qui ne permettent pas d’équivoque ‘ tune enim sublatâ
acerbissimâ spe, licebit eis , illo sciente et juben te,
Jiujus modi pactiones serçare> Quod etiani anterioribus
constitutionibus non erat incognitum. Telle étoit la
position des parties : ainsi les ti’aités de 1792 et de l’an 2,
sont déclarés valables par ce texte bien clair et doublement
répété.
L a consultation du citoyen Périssel répond à cette loi,
i ° . qu’elle n’est pas admise dans le droit français, d’après
Godefroi, D o m at, Louet et Potliier; 20. que la dame
Périssel a révoqué son consentement.
Comment Godefroi auroit - il dit expressément le
contraire de la loi même qu’il commente, lorsqu’il com
mence sa note par ces expressions, eo de cujus successione
. agitur, sciente , jubente, adde et nequidem in mortis
articula reçoeante de ejus hereditate , lie et viventis,
pascisci possumus. Godefroi, dans ce qui suit, ne fait que
donner un raisonnement tendant à prouver que les contractans ne peuvent s’obliger envers lu i, parce qu’il 11e s’oblige
pas envers eux ; pasciscens non obhgatur, ergo nec
,pasciscentibus consentire. On voit donc que le raisonne
ment de Godefroi est relatif seulement à l’intérêt qu’^
au traité celui qui y donne son consentement, ci non
aux contractans entre eux; ce qui le prouve, c’cst
lin de sa note : So/çe hoc nostro casu qui consentit
hœreditatern suam , non promittit absolutè, ciim ante
.jnorteni suam voluntatern reçoeare possit. Cet auteur
�. c i5 ,}
nya donc pas commis l’inconséquence de détruire dans le
milieu de sa note, les expressions approbatives du com
mencement.
Il eût d’ailleurs été le seul commentateur de son opi
nion : Cujas , Accurse , Voetius, approuvent la loi ;
Coccéius y ajoute la réflexion que la nullité n’est pro
noncée qu’en faveur des vivans, et qu’ainsi ils peuvent y
renoncer par leur consentement : nam cùrn hoc in favorem viventium constitutum s it, Mi suo fa vo re renuntiare possunt.
Domat est cité comme disant qu’un héritier ne peut
pas renoncer à une succession, sans savoir le décès de celui
de euju s , et son aptitude à succéder. Ce n’étoit pas, ce
sem ble, le consulter dans la partie de son excellent
ouvrage , la plus applicable à l’espèce;
Dom at, après avoir dît au tit. er. sect. j y ? des conven
tions, qu’un héritier peut traiter avec ses cohéi’itiers, detous ses droits en là succession , pour préférer un parti
certain à l’attente incertaine des événemens , ajoute la
note suivante.
« Il faut prendre garde dans l’usage de cette règle,.
» de ne pas l’étendrc à des cas qui blesseroient les lois
» ou les bonnes mœurs. Com m e, par exemple, si deux
» héritiers présomptifs traitoient entre eux sur la succès-» sion future de celui à qui ils doivent succéder ; car
» cette convention scroit illicite, si ce n èst q u e lle fû t fa ite
par la volonté expresse de celui de la succession de q u i
» on traiteroit. »
A u tit. Ier. section I I I , des héritiers, Domat regarde*
comme incapable de succession celui qui auroit disposé.-
1
,
/
�(i6)
des biens d’une personne à qui il devoit succéder, avant
sa m ort, et sans son consentement. Il se fonde sur la
loi S i quis v in I G N O R A N T I S ; if. de his quœ ut ind.
Dans son Legum delectus, au titre D e pactis, Dom at,
qui réduit les lois à leur sens exact , rapporte la loi
dernière ci-dessus rappelée, en ces termes,circa jid u ra m
viçentis successionern pascisci illicitum , eo non consentiente vel ignorante. Il ajoute en n ote, quod s i consen~
se r i t , semper tamen revocare pote st. Ainsi Domat est
tout à fait contraire au citoyen Périssel qui l’a cité.
L ouet, lettre H , n°. 6 , cite un arrêt de 1630 et non de
173°? ( ce
pouvoit se confondre dès qu’il étoit d it, édi
tion de 1772 ,) qui ne semble nullement avoir jugé en
tlièse, qu’un traité quelconque fait sur une succession fu
ture, étoit nul malgré le consentement de cujus bonis.
Car d’abord il s’agissoit d’une vente d’hérédité : ce n’est
pas l’acquéreur qui se plaignoit.
En, second lie u , il paroît que celui qui.avoit donné
spn consentementl’avoit révoqué, et avoit pris des lettres
de rescision pour cela. Car Louet dit que les lettres
lurent entérinées, la révocation de la vente et du con
sentement déclarée bonne. 11 n’y a donc à cet arrêt rien
que de naturel et juste, puisque la loi cilée permet do
révoquer le consentement qui seul validoit l’acte.
. Enfin , il pouvoit y avoir une contrainte dans cette
vente d’hérédité, démontrée par le vendeur.
Louet peut d’autant moins avoir entendu fixer la règte
générale qu’on suppose, qu’il seroit en contradiction aVCC
lui-même sur ce qu’ il dit lettre R , n°. 9.
« On tient pareillement que le consentement qui sur
vient
�. ^ 17 ^
» vient après coup,' valide la convention sur le rappel ou
» autre (convention) fa ite sur fu tu r e succession. » Il cite
à cet égard Dumoulin sur Alexand. liv. 6. con. 113.
P o th ier, invoqué pour le citoyen Périssel, ne lui est
pas plus favorable ; car au lieu cité , il ne parle que de
la vente des successions, et lorsqu’il dit que sa décision
sur la vente est conforme à celle des jurisconsultes romains
qui ont condamné toutes sortes de conventions sur les
successions futures, d’après les lois 19 et ult. de partis,
cet auteur renvoie à ce qu’il a dit au n°, 132 du traité
des obligations.
O r , voici ce que dit P otliier, à ce n°. 132, en rap
pelant les mêmes lois. « Ces lois proscrivent, comme
» indécentes et contraires à l’honnêteté publique, toutes
» les conventions par rapport aux successions futures.....
» à moins que le tiers n intervînt et ne donnât son
» consentement à la convention. »
Aucun des auteurs cités en faveur de l’appelant, n’a
donc pensé que la loi citée ne fût pas admise en droit
français.
Rien ne seroit plus aisé que de citer une foule d’autres
auteurs, qui rappellent les mêmes principes. Henrys,
Ricard, Lebrun, M eynard, Rousseau la Combe, etc. ne
pensent pas, non plus, que cette loi soit abrogée ; mais il
suffit d’en trouver l’approbation dans les auteurs même
cités pour le citoyen Périssel ; et lorsque Domat a classé
cette loi dans son Legum delectus, il ne faut pas d’autres
preuves, sans doute, que le droit français ne la rejette pas.
La législation actuelle la rejette encore moins ; car l’art.
26 de la loi du 17 nivôse, porte que les donations ou
-
G
�. c 18 1
ventes h fonds perdu, faites en ligne directe ou collatérale,
a l’un des héritiers présomptifs, sont interdites, à moins
que les autres cohéritiers n'y interviennent et y con
sentent. Cet article n’e s t-il pas une imitation de la loi
dernière de p actis, et ne permet-il pas y comme elle
de traiter sur une succession future.
L e tribunal de cassation n’a pas été de l’avis de la
consultation du citoyen Périssel, dans un jugement du
premier brumaix-e an 10; car quoiqu’il ait maintenu la
nullité d’une cession de succession à échoir, ses motifs
prouvent qu’il se fût décidé par la l o i , si la loi eût été
suivie.
D eux frères Falcimaigne firent un traité, en 1790,
par la m édiationjï’tm arbitre. L e père étoit vivan t, et
les parties, à cause des reprises du p ère, vouloient pro
céder au partage, conjointement, tant des biens de la
mère m orte, que du père vivant.
L ’aîné délaissa certains objets au cadet, pour ïa valeur
d’un sixième, garanti de toutes dettes, et les parties se
tinrent quittes pour les deux successions. L e père donna
ison approbation au bas de l’acte.
L e cédant se pourvut contre cet acte , ét demanda le
partage , qui fut ordonné par jugement du tribunal civil
du Puy-de-Dôm e, du 8 frimaire an 6 , sur appel du
Cantal. L ’aîné se pourvut en cassation, et fit valoir lf?
consentement de son père. L e défenseur du cadet n’alloit
pas j u s q u ’ à prétendre que la loi ult. départis fût abi*ogéej
niais il disoit que le traité étoit contre les bonnes nicc'>u^s >
et nul, étant fait hors la présence du p ère; qu’ensuite
le consentement ultérieur du père ne yalidoit Pas 1111
acte nul.
7
�C *9 )
L e tribunal de cassation adopta ces moyens, et rejeta
le p ou rvoi, par les motifs qui suivent.
« Attendu que Falcimaigne, père, n’est pas intervenu
» dans le traité du 9 novembre 179° » attendu qu’a
» défaut de cette intervention, Tacte est n u l, aux termes
» des lois romaines , sous l’empire desquelles vivoient
» les parties : » donc, par argument a contrario , si
Falcimaigne père étoit intervenu dans l’acte, le traité
fait entre ses enfans eût été valable.
Donc la loi dernière depactis est en vigueur en France,
et les traités passés entre les frères et sœurs Périssel, en
1792 et en l’an 2, sont valables; car M iclielle L ab ry,
leur mère, est intervenue dans ces traités et y a donné
son consentement.
Mais , ajoute le citoyen Périssel, ce consentement a ét(é
révoqué par elle, par l’acte du 29 prairial an 4 ; c’est
comme s’il n’existoit pas , et la loi n’est plus applicable.
Ce moyen, d’abord, n’est pas de bonne foi ; car p e r
sonne ne sait mieux que le citoyen Périssel, que sa mère
ne se prêta que pour la form e, à l’acte du 29 prairial
on 4 , pour .le tirer d’embarras, et éviter le payement
que La rue vouloit lui faire en assignats.
Les circonstances le prouvent, puisque le même jour
elle donna une assignation, et à l’intimé pour la formç,
et à Larue pour 6C désister.
Elles le prouvent encore p lu s, puisque l’assignation
donnée au citoyen Périssel resta sans poursuites, d’après
lui - même ; et en effet il a continué de demeurer eji
possession des biens, et de payer la pension de la mère.
Qu’est-ce donc qu’une révocation d’acte, quand elle no
C 2
�( 20 )
consiste que dans les m ots, et que Pacte prétendu révoqué
continue d’avoir son exécution. On ne juge pas de l’in'tention des parties par ce qu’elles écrivent, mais parce
qu’elles font, surtout quand l’intention des parties se reconnoît ; c a r , c’est une règle de droit q u e, de contrahentium mente ubi apparet ea debetpotiüs attendvq.uàm
'verba. L . 2 19 , de verb. signif. C’en est une autre que,
' in contractibus semper id sequimitr quod actitrn est.
I<e citoyen Périssel, pour augmenter ses moyens à cet
égard, d it, que le consentement donné par sa m ère,
étoit une démission de biens qui étoit révocable ad
nutum y et que ce consentement d’ailleurs n’a pas été
exécuté, puisqu’elle ne l’avoit donné qu’à condition
d’un partage par égalité , tandis qu’on avoit fait tout le
contraire.
Quelque indifférent qu’il soit à la cause, de savoir si
les consentemens de la dame Périssel étoient une démis
sion, puisqu’elle n’a jamais été réellement révoquée,
il est difficile de trouver dans les divers actes de la famille
les caractères d’une démission de biens.
« La démission de biens, dit Lebrun ( liv. 1er. cj1> ]er )
» est un acte par lequel, par une anticipation de succession
7) on abandonne à tous ses héritiers présomptifs, la pro» priété ou l’usufrit de ses biens. »
« Je n’estime pas, continue cet auteur, qu’elle puisse
» être faite en faveur de quelques-uns des héritiers na5) turels, à l’exclusion des autres, à moins que la coutume
» n’eu dispose autrement.... Celui qui se démet en faveur
» d’un ou de deux, au préjudice des autres au meme
» degré, est réputé donner, et la démission sera sujette a
» l’insmuation. »
�( 21 )
Boulenois, question deuxième, est du même avis. « L a
» démission de biens, d it-il, doit être faite aux héritiers
» présomptifs ; mais ce n’est pas assez, elle doit etre faite
» à tous ; car sans cela elle n’imite pas la loi en la pré» venant, et ne sera pas une démission de biens. »
L a dame Périssel n’a pas fait de démission par les actes
de 179-3 et de l’an 2 , car ils se réfèrent tous deux au
contrat de mariage de 1789, dans lequel elle instituoit
l’intimé seul héritier universel, consentant qu’il jouît de
'sa succession aussitôt le décès de son p ère, à la charge
d’une pension.
Cet acte n’étoit pas une démission , d’après Lebrun ;
’ il étoit une donation h rente viagère, ainsi que l’appelant
l ’a dénommée dans le procès devant les arbitres, la disant
irrévocable pour cette cause; et en effet, elle l’est même
d’après l’article X V I de la loi du 17 nivôse, puisque les
cohéritiers du degré égal sont intervenus pour y consentir,
après que cette loi l’a permis.
Quant à l’objection, que le consentement de la dame
Périssel n’étoit donné que pour un partage par égalité ;
il est bien étonnant qu’elle soit présentée comme une
vérité, lorsque l’acte de l’an 2 la dément formellement.
Il y a dans cet acte deux consentemens de la dame
rissel; l’un, pour le partage, quand ses enfans paroissoient
d’abord vouloir partager pour satisfaire à la loi du 17
nivôse ; le deuxième ensuite , pour maintenir toutes les
clauses du contrat de mariage, et laisser ses biens à l’intimé
seul qui les avoit déjà : c’est ce dernier consentement qui
termine l’acte, et qui est exécuté; le premier étoit donc
un simple projet. Ainsi de bonne foi falloit-il en faire un
�( 22 )
moyen ? II en résultait même un moyen contraire; car si
la mère vouloit un partage par égalité , ce n’est donc pas
elle qui gênoit l’appelant. Pourquoi donc ne profitoit-il
pas de cette volonté , pour vouloir lui-m êm e ce qu’il
demande à présent ?
Mais que signifie encore cet acte de l’an 2, lorsque celui
de 1792 existoit ; les vices du second n’annulleroient pas
le premier , et il resteroit toujoui-s entre les parties le
traité de 1792, fait en grande connoissance de cause entx*o
toutes les parties, par lequel l’intimé a accepté la ratifica
tion d’abandon de la part de sa m ère, du consentement
de.ses cohéritiers, et s’est obligé dii*ectement de leur payer
leurs légitimes conventionnelles, du consentement de la
mère. Rien sans doute n’est plus irrévocable que cet acte.
Les autres objections proposées ne sont pas plus fondées
que les précédentes.
•La consultation du citoyen Périssel combat les motifs
du jugement dont est appel, et pense qu’ils sont vicieux
en ce qu’ils sont appuyés d’abord sur l’indivisibilité des
institutions, et sur ce qu’il avoit toujours exécuté les
traités, joui et vendu.
L a confusion d’idées imputée aux quatre premiers
motifs de ce jugement,est un reproche d’autant plus injuste
qu’ils sont très-clairs etméthodiques, et que les expressions
substituées pour les épurer, n’en rendent rien moins que le
sens; ou plutôt elles 11e sont que l’extrait du dernier m o t i f j
et nullement des trois autres. L ’indivisibilité des institu
tions n’est point du tout ce qui a décidé les juges dont est
appel ; mais bien l’indivisibilité des c o n v e n t i o n s libres
faites entre les parties, l’exécutioii de ces conventions
�/
2 3
)
pendant huit ans, et l’évidence que les choses ne peuvent
être remises en leur premier état.
. A lors le citoyen Périssel vouloit ne partager que la
succession de la m ère, quoique la consultation dise qu’il
offroit les deu'x partages; et c’est cette erreur, peut-être,
qui a fait trouver de la confusion où il n’y en avoit pas.
Cependant le jugement même rendoit compte des efforts
faits par l’appelant pour prouver qu’il pouvoit retenir
l ’une des deux institutions, en payant la moitié des
légitimes.
Les auteurs de la consultation ont laissé entrevoir que
ce système leur sembloit fondé en principe ; mais à la
vérité, en glissant légèrement sur cette erreur, et pour se
servir de leurs propres expressions , marchant sur des
charbons arde?is. Car sérieusement les termes de paye-*
ment des légitimes étoient pour la commodité de l ’hé
ritier , et nullement pour la division des estocs. L é
principe que partes non diçisœ censentur œquales est
pour tout autre chose que pour des dots ou légitimes
faites effuso serm one, si ce n’est dans les-pays de com
munauté ; car il répugne à la raison , comme le dit le
Commentateur de notre coutume, qu’une femme qui a sou
vent beaucoup moins de fortune que son m ari, contx-ibue
pour moitié aux légitimes. Aussi la jurisprudence veutelle qu’en ce cas, la contribution des estocs soit fixée par
une ventilation.
Aujourd’hui cette discussion devenoit oiseuse, puisque
le citoyen Périssel veut bien offrir un partage gén éral,
qui u’est pas plus acceptable ; mais en ce cas, il devenoit
également oiseux de chercher à établir que la nullité
�S 24)
des actes attaques devoit avoir lieu pouf la succession
futui’e seulement. Les deux autorités citées, Brodeau et
L ebrun , ne seroient d’ailleurs pas applicables à la cause ,
s’il étoit encore question de la division à laquelle le citoyen.
Périssel renonce.
Cet abandon que fait le citoyen Périssel de ses premiers
moyens ne le rend pas pour cela plus favorable; car il
faut toujours qu’il fasse tomber les actes de 1792 et de
l ’an 2 , et il faudroit encore qu’il remît les choses en
leur premier état, ce qui est devenu impossible par son
fait.
L a validité de ces actes a été déjà établie en elle-même,
fit le citoyen Périssel n’a pas même la ressource de dire
que son consentement ait été gêné, car toujours il a été
»le moteur des conventions qui ont eu lieu.
S’il n’existoit que son contrat de mariage , peut-être
bien argumentant de la crainte révérentielle, pourroit-il
dire que l’engagement qu’il a pris de payer les légitimes ,
étoit extorqué par ses père et m ère, ne pejus J'acerent p
.comme il l’a fait valoir en première instance, et encore
lui opposeroit-on l’édit si quis omissa causa tesiamenti,
le sentiment de L ebru n , liv, I I I , cliap. I I , n°, 40, et
celui de Dom at, liv, I I I , tit. Ier. sect. Y . n°. 17.
Mais c’est après la mort de son p è re , c’est après avoir
d’abord abdiqué , qu’il est venu ratifier ses engagemens
en toute connoissance de cause, proposer lui-même cette
ratification, et agir depuis en véritable propriétaire , par
une jouissance exclusive de huit ans , et par un grand,
nombre de ventes ; enfin traiter une seconde fois.
P eu t - il donc se dire gêné par le consentement de sa
mère
�*5
(
)
mère ? Il y auroit à cela de la mauvaise f o i , car elle n’est
venue le donner que quand il l’a appelée pour cela, et
pa rce qu’il avoit intére t de l’avoir.
La crainte révérentielle n’est pas un moyen d’annullation adopté légèrement. Lapeyrère , lettre R , n°. 4 1 ,
dit qu’on 11e l’admet pas pour le fils majeur. Il excepte le cas
où il auroit fait des protestations secrètes, pour constater
qu’il n’a pas été libre , à supposer encore qu’il y eût de la
lésion. Henrys et Bretonnier, question 175 du liv. I V ,
sont du même avis. Ricard désire aussi ces protestations.
I c i , où sont donc les pi’otestations du citoyen Périssel,
et où est la lésion ? Bien loin de protester , il a au
conti’aii-e confirmé ses premières conventions par de
nouvelles ; et la libex*té qu’il avoit de faire en l’an 2
ce qu’il demande à présent, est la meilleure preuve qu’il
n’a fait alors que sa volonté.
Q u’a donc de commun la position de l’appelant avec
les pi’incipes rigoureux q u i, dans le sens même adopté
pour lu i, annullci'oient indistinctement toutes les conven
tions relatives à des successions futures. Voit-on ici ce
que les autcui’s appellent corvina conventio, cette soif
de la succession d’un vivant que la loi appelle acerbissimani spem , ces dangei’s que comporte ce désir de
succéder trist/ssimi et pericnlosieçentûs? Tout est effacé
par le consentement que donne la dame Périssel à chaque
ratification ; et ain si, comme ledit Despeisses, ( des suc
cessions et testamens, tit. Ier. sect. I I I ) : « On ne ci’oit
5) pas que ce soit le désir de capter l’hérédité d’autrui, qui
» ait fait faire detelles conventions;et 011 présume, dans
» ce cas, que celui de l’hérédité duquel il s’agit, a bien
D
�{**)
» reconnu la prud’homie et fidélité de ceux auxquels
» il permet de pactiser de son hérédité de son vivant. »
La position du citoyen P érissel, lors des actes qu’il
attaque , n’a en effet rien qui tienne de la contrainte ,
du dol, ni’de Terreur ; les jurisconsultes qui lui ont donné
des m oyens, reconnoissent (page 2 ) que ceux-là ne
doivent pas décider la contestation. G’étoit cependant les
moyens sur lesquels en première instance il fondoit tout
son espoir; en les abandonnant, il se retranche sur ses
hésitations et variations, et sur ce qu?il traitoit sur de&
objets qu’il ne pouvoit connoître.
Mais comment ses variations peuvent-elles être un
moyen pour lu i, lorsqu’elles prouvent au contraire qu’il
a eu toute la liberté possible^ d’ètre ou de n’être pas
héritier. Après son abdication , il a proposé de redevenir
héritier : n’est - ce pas en connoissance de cause ? Après
avoir joui deux ans de to u t, il pouvoit partager par
égalité, en vertu de la loi du 17 nivôse : ses frères enétoieiit d’accord. Point du tout : il reste héritier. Mais
alors il n’y avoit plus de nécessité présumée ;,et s’il a opté
pour l’institution , à qui donc peut-il s’en prendre ?
A cette époque de l’an 2, peut-il dire de bonne foi que sa
mère n’eût pas été bien aise de jouir elle-même de ses biens
fonds, au lieu d’avoir une pension de cent pistoles en
assignats ?
Quand il dit qu’il ne connoissoit pas le testament de
s o n père, c’est un jeu sans doute;mais à quoi p e u t s e r v i r
ce testament dans la cause. Dabord i l n ’a u g m e n t e ni ne
diminue les droits des parties. I/appelant
p r é v a u t d une
supposition d’abdication, et cela est d ’ a u t a n t plus sans
5
s ’ y
�7
( f2 \
objet, que le père ne le prévoyoit que pour sa succession,
tandis que ce n’est précisément pas celle que le citoyen
Périssel a voulu abdiquer.
Les biens , d i t - i l , étoient insuffisans pour acquitter
les charges ; mais, si cela étoit, pourquoi les reprenoit-il
en 1792? Pourquoi les reprenoit-il en l’an 2 ? Comment
se fait-il qu’il ne se soit avisé de cela qu’après huit ans de
jouissance ?
Plus on lit les traités faits à ces deux époques , plus
on se pénètre que personne moins que l’appelant ne peut
les attaquer , et qu’ils sont irréfragables pour lui. Mais
suivons son système jusqu’au bout : supposons que le
partage qu’il demande soit ordonné, soit pour u n e , soit
pour deux successions ; il est clair que ce partage est
devenu impossible par son propre fait. Cette démonstra
tion prouvera ce que les intimés ont dit dabord, que les
■circonstances ont rendu le maintien des deux traités
nécessaire.
La succession de Pierre Périssel étoit composée en
•immeubles ] i° . de deux maisons ; 2°, de deux septerées
de terre à Couriat; 30. de onze œuvres de vigne à la
V aye ; 40 de sept septerées de terre à Mariolle ; °. d’un
.jardin près Mozac.
La succession de Miclielle Labry étoit composée,
i° . du domaine de la B arge; 2°. d’un p ré-verger à
Mozac ; 30. de dix-sepL œuvres de vigne au même lieu.
Annet Périssel a vendu les trois premiers objets de
la succession du p ère, moyennant 27,200 francs : il ne
lui reste que sept septerées de terre, et un jardin.
Il a vendu le domaine de la m ère, à La rue, ce qui
D a
5
�C *8 )
a donné lieu au procès dont il a été parlé ci-devant. Ce
domaine, vendu 35,000 francs d’assignats, a été estimé
•20,800, sans les bestiaux. La succession du père y avoit
'une reprise, mais qui se réduisoit en argent.
Il a encore vendu le pré-verger de la même succes
sion , pour 4,000 francs ; il ne lui reste que les dix-sept
•œuvres de vigne.
M aintenant, qu’il explique quels objets il présente à
partager? il ne lui en reste que trois, qui sont les moindres.
Sans doute , il ne veut pas prétendre que la moitié
des légitimes qu’il a payée, partie en assignats, vaille
pour la moitié de la portion héréditaire-, car, dès qu’il
offre le partage de tou t, il est de droit que les immeubles
seraient partagés par égalité, sauf le rapport, par chacun,
de ce qu’il a touch é, de même qu’il rapporteroit, de
son côté, les 8,000 francs restant du prix de l’office de
son père, le mobilier qu’il a usé, et les rentes dont il a
reçu les remboursemens.
Il y a huit enfans, il ne lui reviendroit donc qu’un
huitième, et en mettant, par aperçu, les immeubles à
80,000 francs, il ne lui en reviendroit que 10,000 francs.
Cependant il en a vendu pour plus de ,ooo francs. Sa
demande a donc pour objet de donner à ses cohéritiers,
non pas des immeubles à partager , mais des procès ; et,
ce qui est in ou i, sa demande tend à créer des procès
contre lui-m êm e, car tous les acquéreurs se pourvoiroient contre lui.
Les auteurs de sa consultation ont donc été induits en
erreur, lorsqu’ils ont cru trouver, à ces ventes, le l’emede
ordinaire de faire échoir les objets au lot du vendeur.
52
�29
(
)
Mais s’il lui revient 10,000 francs, on ne peut lui en faire
échoir
. En sachant cela ils n’eussent pas dit : « que
» les cohéritiers sont désintéressés par le rapport de
» la valeur de l’ob jet, comme par le rapport de l’objet
» môme. » C'ir alors , ce prétendu principe eut été une
.très-grande erreur ; on ne peut mobiliser la portion d’un
copartngeant, et l’empêcher d’avoir sa porlion de tous
les immeubles.
A ces moyens devoit s’en ajouter un autre plus im
portant encore ; c’est que, quand les légitimaires seroient
suffisamment indemnisés par les procès que l’appelant
leur cèderoit contre ses acquéreurs, en échange de leur
légitim e, ces acquéreurs ne manqueraient pas d’opposer
qu’ils ont traité avec le vrai propriétaire, et de pré
tendre qu’on ne peut les évincer.
En effet, Annet Périssel avoit qualité pour vendre;
il étoit héritier universel et jouissoit de tous les biens.
Les légitimaires se sont contentés de leurs légitimes con
ventionnelles ; ainsi, d’après cette option, ils n’ont plus
eu d’action pour troubler les acquéreurs des immeubles.
Comment donc le citoyen Périssel peut-il leur rendre
cette action, lui précisément qui a ven du, et qui est
obligé de garantir. Cette proposition de sa part est même
bizarre et choque le bon sens.
L ’acquéreur du domaine de la Barge, Larue, a prouvé,
même en plus forts term es, que sa vente devoit sortir
effet; car il l’a fait déclarer valable par jugement , contre
Michelle Labry elle-même, et ce jugement a été exécuté.
La conséquence de ce jugement est frappante. Si les
légitimaires étoient réduits k chercher leur légitime en
52
�3
( ° )
assignant les acquéreurs de leur frère , Larue leur opposeroit la chose jugée ; et comment pourroient-ils, eux
‘héritiers de leur m ère, faire tomber un jugement rendu
contre elle.
Ces entraves évidentes suffiroient, seules, pour pros
crire les propositions inacceptables du citoyen Périssel.
Les choses ne sont plus entières, et c’est par son fait;
c’est lui-même qui , dans une manutention de huit ans,
'a tout dénaturé, tout bouleversé; et il veut que les choses
se remettent dans leur premier état, quand il l’a rendu
impossible. Il reste quelques biens fonds qui suffiront,
à peine, pour la portion de ceux qui ont donné les mains
au partage des biens de la m ère, ou même pour la
légitime de ceux qui auraient droit de la demander en
biens fonds, d’après la loi du 18 pluviôse.
Mais il est effrayant de calculer où mènerait la néces
sité de recomposer, en entier, les deux successions ; car
les ventes, l’office, le m obilier, les rentes remboursées
et l’abolition de la forclusion , rendraient un partage la
•chose du monde la plus inextricable et la plus ruineuse;
la famille l’avoit pensé ainsi, lors des traités, et que seraitce donc maintenant que rien n’est à sa place!
Ces moyens ne sont pas simplement déconsidération,
car des cohéritiers doivent partager une succession et non
pas le simulacre d’une succession ; ils doivent trouver
des biens fonds en masse, et non des procès. Une c a u s e
de cette nature s’étoit présentée au tribunal civil de c c
département, entre le sieur de Bassiguac, d o n a t a i r e de
son père, des biens présens et à venir, et ses s œ u r s , envers
lesquelles il étoit grevé de légitimes conventionnelles. 11
�(30
avoit aussi joui de tout, du vivant de jo n p è r e , e jja it
plusieurs ventes ; cependant, après sa m o rt, il disoit dç
môme, que ce qu’il avoit fait, pendant la vie de son père,
n’avoit pu l’obliger, et il vouloit abdiquer sa donation.
M ais, par jugement du^i6 prairial an , il fut jugé
que les choses n’étant plus entières, il devoit exécuter
ses engageinens. IA u î des motifs de ce jugement mérité
d’ètre transcrit, à cause de sa grande analogie à la con
testation actuelle.
cc Attendu qu’il a aliéné une partie des biens donnés,
33 que les acquéreurs ont traité de bonne f o i, et ne peu33 vent pas être valablement dépossédés ; que respecti33 vement à eux, l’exercice de l’abdication est impraticable, _
33 et que, par conséquent, cette même abdication, qui
33 ne peut pas avoir lieu à l’égard des acquéreurs, ne
33 peut pas être admise par rapport aux citoyennes de
» Bassignac. 33
Ce jugement a été confirmé sur appel. ^
Ge n’est donc pas une chose aussi aisée que le dit la
consultation du citoyen Péi'issel, de faire rapporter au
partage tout ce qu’il a aliéné ; car les acquéreurs d iroient qu’ils ont acquis valablement, et Larue surtout,
opposeroit un jugement qui seroit une barrière insur
montable.
Ainsi les prétentions du citoyen Périssel sont contraires
tout à la fois aux principes et aux circonstances. Il étoit
tenu par son contrat de mariage de payer des légitimes
que scs père et mère n’avoient pas aggravées par inofficiosité,puisqu’ils le faisoienl héritier univei’sel. Il a prouvé
lui - même qu’il ne trouvoit pas cette charge excessive,
5
�( 32 )
puisqu’il a ratifié son contrat de mariage par deux fois ,
qu’il a joui de tout pendant huit ans sans abdiquer, et
qu’il a vendu les deux tiers des biens pour mieux montrer
qu’il n’entendoit pas revenir sur le passé. Il étoit majeur
et versé dans les affaires, il a traité et vendu en connoissance de cause. Aujourd’hui les choses ne sont plus en
tières ; au lieu des formes ordinaires d’un partage, il n’y
auroit qu’entraves, procès et difficultés. Il faut donc en
revenir aux traités faits entre les parties, dont les con
ventions devroient être validées par nécessité et par pru
dence, quand il n’auroit pas été démontré qu’elles sont
adoptées par les p rincipes, et qu’elles ont été de la part
du citoyen Périssel, le résultat de l’expérience et de la
réflexion.
L . F. D E L A P C H IE R , homme de loi.
C O L A N G E , avoué.
A R I O M , de l'imprimerie de L a n d r i o t , seul Imprimeur du
T ribunal d ’appel. — A n 1 0
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Périssel, Antoine-Ambroise. An 10?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Colange
Subject
The topic of the resource
successions
bureau de famille
tribunal de familles
partage
égalité des héritiers
offices
ventes de biens successoraux
doctrine
jurisprudence
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse à consultation signifiée, pour Antoine-Ambroise, Jean-Baptiste et François Périssel, Bonnette Périssel, le citoyen Mortillet, son mari, et Marguerite Périssel, intimés ; Contre Annet Périssel, avoué au tribunal d'appel de Riom appelant.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 10
1767-Circa An 10
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0332
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
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Riom (63300)
Mozac (63245)
La Barge (domaine de)
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Bureau de Famille
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O B SE R V A TIO N S
P O U R
Les Q U A Y R U T ,
T H O M A S
T RI B UN ,
et V I L L E M A U D ,
in t im é s ;
d
'a pp ej i
de Rion:
C O N T R E
A n t o in e
Q U A Y R U T ,
a p p e la n t
C h arles Q uay r u t a-t-il été comptable envers A ntoine, M arie et Magdeleirie
Q u ayru t, ses frère et sœ urs? ,
A n toin e, qui soutient aujourd’hui qu’il ne l’étoit pas , a dit le contraire deux
fois ; 1°. par un exploit du 2 5 nivôse an 5 ; 20. par l’exploit même de sa demande.
Aujourd’hui il objecte que Charles, n'étant pas majeur au décès de son père,
n ’a pas été protuteur ni comptable , d’après la jurisprudence d’un jugement
du 1 3 nivôse an 10 ; que ses sœurs ont reconnu en majorité avoir perçu leur por
tion de mobilier à l'échéance de chaque succession, avoir donné leur consente
ment aux actes passés par Charles, et avoir joui chaque année en commun;
q u ’ainsi elles ne peuvent s ’élever contre leur fait ; qu’enfin Charles les a ins
truites suffisamment lors de leurs cessions dé 1789 et de l’an 6.
Ce qu’il y auroit de plus fort dans ces objections seroit la jurisprudence du
tribunal, si elle étoit applicable.
.
Mais le jugement opposé étoit dans une autre espece : c étoient des frères e t
sœurs qui avoient habité ensemble, et il n ’y avoit pas d’actes faits par un seul
pour tous; il n’y avoit que la présomption de jouissance exclusive par l’a îné, à
cause de son âge plus avancé.
Aussi les motifs du tribunal sont assez précis, pour qu’on ne puisse pas abuser
d e sa jurisprudence : « A tten d u , est-il dit, qu’ il n’y a pas de preuve de gestion
exclusive. » L e dernier m otif prouve aussi qu’il ne s agissoit que de simple
jouissance.
T
L e tribunal a si peu entendu fixer pour jurisprudence qu’il falloit être indiqué
pour tuteur par la coutume , au moment du décès du p è re , pour être protuteur
et comptable, qu’il a jugé depuis, le 18 ventôse an 10 , dans la cause des Rey et
R o u gie r , qu’un b e a u -frère,. demeurant dans la maison, avoit été comptablé
envers les frères de sa femme, mineurs au décès du père, par cela se ul qu’étant
mineurs quand il étoit majeur, il étoit présumé avoir joui pour e u x .;L a cession
q u ’ils lui avoient consentie, et même une ratification, ont été déclarées nulles
comme non précédées d’un compte.
■i
Comment donc Antoine Quayrut1 a-t-il osé prétendre que , par un renversement
total.de la jurisprudence constante et des principes, le tribunal vouloit à l’avenir
I
�(
2)
adopter des actes suspects de fr a u d e , contre le texte précis des ordonnances de
j (j et de 1G 6 7 ?
il n 'y a eu diversité d ’opinions que sur la question des d ix an s, com battue
entre l’ordonnance de i ç) et les m axim es de l ’arrêt de 1 7 0 6 ; m axim es adoptées
par Je parlement tant q u ’il a régné. L a jurisprudence en est revenue aux dix
ans ; mais les principes sur l ’incapacité des comptables n ’ont reçu aucune atteinte.
Personne ne conteste que la première règle dans les ventes est de savoir ce
qu on v e n d ; que dans le cas m ême où la chose vendue étoit distincte, il y avoit
^ action rescisoire; et que dans le cas où elle n ’étoitpas distincte, com m e dans les
droits successifs, il falloit que l'acheteur et le vendeur eussent fait le jtictum retis ,
c est-à-dire, que l’un n ’eût pas su plus que l’autre ce qu’ il y avoit dans le filet.
H o r s de cela il y a fra u d e , on n ’en a jam ais d o u té ; et ja d is , dans ce c a s ,
les cessions faites étoient nulles : aujourd’hui encore le C od e civil ne valide que
celles qui sont sans fra u d e. ( L i v . III, art. C L X X I X . )
C o m m e n t donc contester de bonne foi que Charles Q u ay ru t ait été com ptable,
depuis 17 7 8 jusqu’à l’époque des cessions qu’ il s ’est fait consentir? tous les actes
écrits de la gestion des affaires sont de son fait.
C o m m e n t concevoir que 6es sœ u r s , et m êm e A n to in e , partie a d v e rse , aient
.joui et géré en c o m m u n , com m e on le leur a fait d éclarer, lorsque dans tous
.les actes, les traités, les ventes et acquisitions, on ne voit toujours que C harles
Q u ay ru t se u l?
V eu t-on dire que c ’étoit pour éviter les frais d 'u n e p ro cu ration ? mais les actes
faits dans le lieu m ême n ’en avoient pas b e so in ; il falloit appeler les sœ u rs, si
on les comptoit pour quelque chose.
Charles Q u a y r u t , allant en A n jo u acheter les droits de son onelr» contre la
succession c o m m u n e, étoit chargé de payer 200 fran cs à ses sœurs : il ne leur
en a jam ais dit un m ot. Il y a là d e u x procédés d ’infidélité et de fraude.
Il a traité en 17 8 2 sur la succession personnelle de cet o n c le ; il n ’ a jamais
dit ù ses sœurs le résultat de ce traité : cela seul annulleroit la cession faite. C a r
com m ent o n t - e l l e s pu connoltre lu chose v e n d u e , m ême par approxim ation?
S ’il y a frau d e et nullité quant à la succession de l’o n c le , il y a nullité pour le
t o u t ; car ki vente est pour un seul prix.
D an s la cession de 17 8 9 il n ’a rien dit de la créance M andon ( / p liv. 1 4 s. )•
D a n s le traité de l’an 6 il Pa réduite à 2/(o francs on principal et intérêts.
Il n ’a parlé
dans l’une ni dans l ’autre d ’ un traité fait avec
,
. les T h o m a s , en
1 7 8 8 , portant établissement d \m e servitude pour i o francs q u ’il a reçus.
55
53
5
5
1
L ’inventaire, fait après son décès, mentionne, i°. un échange qu’il a i\.it on
1 7 7 8 ; 2*. plusieurs ventes d’immeubles à son profit; f>°. une sentence consulaire
par lui obtenue en t 7 7 9 ï 4°* UT1f! procédure suivie en son nom dans le même
tem ps; f>°. une quittance par lui donnée en 1781 ;■(?. une obligation de i7^/>> rtc.
1
C es actes, connus de adversaire s e u l , qui en est dépositaire, et q ,M 8 J'st tout
ap prop rié-au décès du frère c o m m u n , achèvent de prouver tout à la lois que
Charles Q uayrut g é r o il, plaidoit et recevoit s e u l, sans que ses sœurs lussent
jam ais comptées pour r i e n , m ême dans les p r o e î s ; ils prouvent encore (juc
Charles Q u a y ru t, en faisant les affaires de la mai so n, les iaisoit au moins Ircsbien pour son c o m p te , puisqu’il achetait des im m eu b les, m ême avant sa nui-
�( 3)
jo r i t é , tandis que scs sœurs n'ont e u , en se m a r ia n t, que ce q u ’il a bien voulu
leur donner. E t qui croira que des filles, généralem ent plus économes que des
jeunes g e n s , n ’eussent fait aucune épargne, si elles eussent pris la moindre part
dans les jouissances, le m ob ilier, les ach ats, les ventes des b e s tia u x , etc .?
„ D an s tous les procès où des cessions étoient attaquées, on n ’a p e u t - ê t r e
jamais réuni autant de preuves écrites d ’une gestion exclusive.
M a is , dit l’adversaire, vous avez reconnu, en m ajorité, avoir joui en c o m m u n ,
avoir pris le mobilier à chaque ouverture de succession, avoir consenti à ces actes.
R em arquons d ’abord que si l’acte pèche en lui-même par le défaut d ’un com pte,
toutes les déclarations pèchent aussi. Elles étoient en effet une précaution néces
saire, l ’ouvrage du comptable plutôt que celui du cédant, com m e dit C h ab rol.
( T o m . i , pug. 1 * )
avant de mériter une pleine c ro y an c e, le com ptable
devoit instruire, et non exiger des déclarations tendantes à la décharge im plicite
du compte, pour nous servir des expressions littérales d ’un jugem ent du tribunal
d e cassation, rendu en semblable espèce. ( messidor an 4> l)ull. )
C om m en t ici encore, ajouter foi à ces d éclarations, lorsqu’ elles sont démenties
p a r des faits évidens , et d 'u n genre absurde?
D ém enties par les faits. D epuis 1 7 7 8 jusqu’aux cessio n s, on voit Charles dans
tous les actes c o n n u s, on ne voit pas une seule fois ses sœurs. Charles stipuloit
pour tous ses cohéritiers sans les appeler, donc il n ’y avoit pas gestion com m une.
.Ainsi la fausseté de la déclaration contraire est prouvée par écrit.
D ’un genre absurde. E n effet les deux sœurs ont dit avoir pris leur portion
de mobilier , à l’échéance de chaque succession. O r au décès du père ( 1 7 7 2 ) ,
l'une avoit trois ans et l’autre huit : au décès de la m ère ( 1 7 7 5 ) , l’une avoit
s ix ans et l ’autre onze. E lles ont dit avoir consenti à l’ acte im portant de 1 7 8 5 ,
où Charles ralifioit une cession de sa mère , après un procès gagné , après un
-jugement qui annulloit cette cession ; m ais alors elles étoient m in eures, la cadette
avoit quinze ans et demi. O r qui croira qu’on ait cherché le consentement de
d eu x filles mineures pour une vente d ’im m eu b le s? E t en quoi ce consentement
avoit-il de la v a le u r?
T o u t se réunit à vicier les deux cessions de 17 8 9 et de l’an 6 , m algré les
fausses déclarations y insérées par le notaire , ho m m e de confiance des frères
Q u ay ru t, à tel point q u ’ il s’est attaché aux.audiences du trib u n a l, sur la cause
44
3
qu'il y
com m une.
Charles Q uayrut a été évidem m ent comptable envers ses sœurs , com m e
envers son f r è r e , quoiqu’il ne le prétende plus aussi po sitivem ent; il l’a été au
titre d ’ administrateur ou p ro lu te u r, et de negotinnun gestor.
Il a été adm inistrateur, a y an t ou n ’ayant pas le consentement de ses sœ urs;
c a r , dans les àct'es-qu’il a prfâsés., .il sfcst fa it fort pour elle s; il a promis leur
faire agréer cl ratifier.
. ,.
A in si dans les actes qu’ il «‘ com m encés en m a jo r ité , il n ’ a plus d ’/’mf/o ins
pecta à in v o q u e r, ces actes 11’étoient plus une suite nécessaire de sa gestion en
m in o r ité ; il g éro it, m a j e u r , , pour des sœurs m in eures, non emancipecs.
�D é sig n é p a r la coutum e, com m e le premier dans l ’ordre des tutelles, c’est lui
q ui au ro it été nom m é s ’il eût convoqué la fam ille ; il a m ieux aimé gérer et passer
des actes im p o r ta n s , sans m êm e faire ém anciper ses sœurs ; donc l’obligation
q u ’il a contractée en se faisan t fo rt pour ses sœ urs, est une obligation de com p
tab le, de pro tuteur ( f f . qu i pro tutore gerunt ).
C e m oyen paroît pu issan t, et ne se détruit par aucun des faits de la cause.
L e premier acte des filles devenues m ajeures a été de vend re, sans q u ’elles aient
pu connoitre un seul instant ce q u ’elles vendoient.
Charles Q u ay ru t a été negotiorum gestor, puisqu’il n ’avoit pas de procuration
éc rite, et q u ’il ne pouvoit pas m êm e en avoir de ses sœurs non émancipées.
Or le negotiorum gestor est tenu de l ’action en reddition de com pte, com m e
le tuteur ; il doit, com m e le tu te u r, actus sui rationes red d ere, suivant les
expressions de la loi qui s o n t , com m e on v o i t , les m êmes que pour le tuteur.
( L . 2 , f f . N eg. gest. ) Il doit les rendre a d ex a c tissimam diligentiam. ( Inst. de
o b . q u ae ex quasi contr. nasc. )
L ’ordonnance de 1667 déclare tout adm inistrateur c o m p ta b le; l ’ordonnance
de 1 5 5 9 défend toutes dispositions au profit des tuteurs et administrateurs, avant
q u ’ils aient rendu le compte q u ’ils d oiven t; et c’est sur le m o t if de cette ordon
n a n c e , que le tribunal de cassation , se c on form an t en cela à une jurisprudence
de deux siècles, a annullé une cession faite à un com ptable, qui cependant n ’étoit
pas tuteur , par cela seul q u ’il y trouvoit la décharge im plicite a e son compte.
L ’arrêt même de 17 0 6 étoit dans les termes de la cause ; c’étoit un fondé de
p o u v o ir, étran ger, qui en co re avoit rendu un c o m p te , m ais qui n ’y avoit pas
donné assez de d étail; il fut jugé que n ’a y an t pas suffisam m ent instruit ceux à qui
il devoit ce compte , il n ’avoit pu valablem en t traiter avec eux sur ce q u 'ils ne
connoissoient pas aussi-bien que lui. A in si ubi eadem ratio , etc.
»
C e que dem andent les intimés ne tend pas à obtenir une reddition de compte
coûteuse et difficile ; c ’est au contraire pour empêcher q u ’ il n ’en soit rendu un
à l’appelant qui le d em ande, quoiqu'il se soit ingéré dans les a f f a i r e s , com m e
cela est prouvé par quelques quittances. A ntoine Q u ay ru t ne s ’est absenté que
pendant cinq à six ans , et pour quelques mois seulement. A son retour il participoit aux a ffa ir e s , qu an d s es. sœurs gardoient les troupeaux. C e q u ’il veut
obtenir laisseroit les parties dans un long prôctis, tandis nue la dem ande des
intimés ne tend q u ’a obtenir un égal d r o it, pour tout c o n fondreiet compenser
dans la succession de C h a r le s Q u a y r u t, dont chaque-partie est héritière, et à la
quelle il s ’agira seulement d ’ajouter en rapport les som m es reçues par chaque
cohéritier.
.
A in si les premiers juges ont été conduits par la loi, et par un m o y e n p u issant
de considération , à adopter un mode d e juger qui amène la fin des procès entre
les parties, et q ui tend à l’égalité, considérée de tout temps com m e l'a m e des
partages.
D E L A P C H IE R homme de
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A R I OM-, de l'imprimerie du L a n d r i o t s e u l i m p r i m e u r d u t r i b u n a l d 'a p p e l
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Quayrut. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Mandet
Subject
The topic of the resource
successions
abus
tutelle
Description
An account of the resource
Observations pour les Quayrut, Thomas et Villemaud, intimés ; contre Antoine Quayrut, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1785-Circa An11
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
4 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0333
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0735
BCU_Factums_M0241
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MÉMOIRE
POUR.
L a dame E
P
léonore
h il ip p e
R O L L A T , épouse de F
r a n ç o is -
C O U R B Y habitant à A igueperse.
A . ucune situation n’est com parable à la mienne. Mon époux
est accusé d’un crim e horrible dont je n’ose prononcer le nom :
son honneur et le m ien , le sort de ses enfans, seront bientôt dans
la balance de la justice; et ses persécuteurs s’agitent, quand luim é m e , accablé de sa situation , il fuit la calomnie sur un sol
étranger.
Lorsque pour la prem ière fois cette nouvelle épouvantable
vint jusqu'à m oi, toute ma conviction de l’innocence de mon
époux ne m’em pécha pas de résister à ses résolutions, et de les
ébranler par mon désespoir. O u i , et je m ’en confesse co u p ab le,
je l’importunai de mes larm es, je séduisis son courage , et sa
fuite fut un effort de sa tendresse; maintenant je me demande
avec effroi si sa présence ne lui eût pas été plus u tile , et si son
danger, au contraire, n’est pas né de ma terreur.
Dans cette cruelle anxiété, que ne puis-je appaiser de mon
sang c e u x qui sont altérés de celu i de mon époux ! Que n’ai-je
A
�( a )
du moins le droit de me présenter pour lui en jrgem o n t, pour
confondre ses accu sateu rs, pour le défendre....... ? Q ue dis-je?
me défendre m o i-m ê m e ; car jusqu’au tombeau ma destinée
n ’est-elle pas attachée à la sienne?
Mais la rigueur des lois me repousse du tribunal qui va juger
ma propre cause. Ainsi la nécessité me dicte mon devoir. J'ap
prendrai à mes juges une partie de ce que mon époux auroit pu
leur d ire, ou du moins quelques-unes des circonstances que des
témoins auroient pu attester.
Je ne me suis point dissimulé com bien de difficultés j’aurois
à vain cre, quand je n’aurois à opposer que mon foible langage
à des combinaisons préparées par la m échanceté même. Car
telle est îa condition d’ un m alheureux accu sé, que déjà la ca
lom nie a jeté de profondes ra cin e s, alors m ême qu’il peut en
treprendre de la com battre. Q ue peut sa voix plaintive contre
les cris précurseurs de cette astucieuse ennemie? E t lorsqu’enlin
on consent à l’entendre , com bien ne faut-il pas encore qu’il
dévore l’humiliation de la défiance qu’il excite ? car la p réven
tion du mal est m alheureusem ent celle qu’on s’obstine le plus à
conserver; et les esprits m êm e les plus raisonnables semblent
trouver plus com m ode de croire le crim e que d’en méditer les
invraisem blances.
Ces réflexions portoient le découragem ent dans mon ame ,
quand le souvenir de mes enfans a vaincu ma répugnance, et m’a
élevée p o u r a i n s i d i r e au-dessus de m oi-m ême. O u i, m e suis-je
é c rié e , je l’entreprendrai cette tâche pénible. La timidité de l’é
pouse cherchera des forces dans l’amour m atern el, et ces deux
titres prêteront peut-être à mon récit un intérêt que mes foibles
accens n’auroient pas eu la prétention d ’espérer.
C ’est à des ju g e s , au reste, que je veux m ’adresser, et ceux-là
ne repousseront pas mes paroles avec l’ennui de les entendre; leur
terrible ministère ne leur donnera de défiance que co n tre la pré
vention qu’ils craindroient trouver en eux-m êm es. Mes récits se
ront donc écoutés com m e une explication n é c e s s a i r e , par c e u x
�( 3
)
que la loi a armés de sa puissance ; ca r ils trem bleront, sans d o u te,
de l’idée seule qu’ils pourroient condam ner une fam ille honnête à
l’in fa m ie , et un innocent à la mort.
Les relations de mon époux avec la maison de M urol ne furent
pas de ces liaisons soudaines et fortuites , qui ne donnent pas le
temps de s’a p p récier, ou de concevoir de justes défiances. C ’est
depuis son enfance qu’il connoît le sieur de M urol fils ainé , ayant
été élevé avec lui dans le m êm e pensionnat, à Lyon.
Cette habitude de se voir a continué dans un âge plus avancé;
mais l’historique de ces prem ières liaisons n’a rien d ’essentiel à
rem arquer, et je me hâte d’en venir à des époques plus récentes.
Jusques à l’année d ernière, je n’avois vu à Aigueperse que le*
sieurs de M urol fils , et leur père m’étoit absolument inconnu. Il
m e paroissoit même que C ourby le connoissoit à peine , et ne vivoit avec lui que sur le ton du respect et des convenances de
société.
N ous ignorions entièrem ent ses affaires, et ne connoissions
celles de ses fils que par ce t extérieur d’o p u le n ce , qui fait illusion
au vulgaire tant qu’on a des ressources pour le soutenir.
C ependant, un jour de l’été d ern ier, le sieur de M urol p è r e , se
trouvant seul chez son fils cadet avec C o u rb y, fit tomber la con
versation sur la situation de ses fils , et sur le m écontentem ent
qu’il éprouvoit de leurs dépenses excessives.
Cette ouverture pouvoit n’étre que le désir secret d’ un père de
faire parvenir ses plaintes à ses fils, par un organe qu’il supposoit
plus persuasif peut-être. Mais le sieur de Murol père ne se borna
pas là. Soit hasard, soit que la prem ière idée lui en fit naître une
s e c o n d e , il confia bientôt à Courby qu’il méditoit pour son fils
ainé le projet d’une grande alliance, mais qu’il étoit retenu par
des dettes pressantes, dont l'éclat alloit ruiner toutes ses espé
rances.
A lo rs, comme par réflexio n , il demanda à Courby s’il ne pour
rait pas lu i faire trouver de l’argent.
A
2
�(4)
Un jeune homme ne pouvoit être qu’embarrassé à eette brusque
proposition. Courby fu t Forcé de lui avouer son im puissance de
lui être utile. « J ’ai des dettes m oi-m ém e, lui dit i l , sans avoir à
» m e reprocher un excès de dépense ; mais j’ai eu la foiblesse de
» cautionner les effets d’un homme que je eroyois incapable de
j> m e trom per; il a fait faillite, et m ’a laissé beaucoup à payer ;
53 et dans ce m o m en t, je cherche m oi-m ém e 18,000 fr. pour finis
» de m ’acquitter.
Q u ’importe ce que vous m ’o b je c te z , lui répondit M. de
» Murol ; vos ressources pour avoir de l’argent ne tiennent sans
» doute qu’à une signature de plus; je vous offre la mienne pour
» les 18,000 fr. dont vous avez besoin, et à votre tour, vous m e
» donnerez la vôtre pour m e procurer l’argent que je ch erch e;
» elle me sera u tile , parce que vous êtes d’une fam ille d e
« n égo cian s, et que par m oi-m ém e je ne trouve plus à ern» prunter : de cette m a n iè re , nous nous serons rendu un service
■
j} mutuel. »
J’ignorai dans le temps cette conversation ;^st C ourby m ’a avo u é
depuis que quoiqu’il y eût un côté avantageux pour lui dans la
proposition du sieur de M urol, ces combinaisons d’emprunt et de
signatures brouilloient ses idées , et confondoient son inexpé
rience ; qu’il s’étoit contenté en conséquence de bégayer un co n
sentem ent évasif, et avoit trouvé un prétexte de se retirer sans
rien terminer.
Mais le sieu r de Murol père n’abandonna pas ainsi son plan. L e
20 a o û t, je le vis à Aigueperse. Il parut fâché de ne pas y trouver
C o m b y , q u e je l’engageai à attendre. Courby 11e revint pas le soir,
et M. de Murol 11e partit que le lendemain après dîner. Je ne cher
chai point à savoir le m otif de son voyage ; je m e contentai de le
recevoir avec honnêteté et empressement.
C ’est dans son chem in qu’il trouva Courby ; il le pria de rétro
grader jusqu’à Clerm ont, et ne le quitta plus jusqu’à ce q*ie ^e®
billets fussent souscrits. Je fus informée de tout cela au retour
de mon époux. Jusqu’alors il in’avoit dissimulé l’embarras où
�( 5 )
I avoit jeté sa com plaisance pour un fau x am i ; il me montra pour
18,000 fr. de b ille ts, qui suffisoient pour le libérer.
Bientôt il s’occupa de placer ces billets à T h iers; et le sieur
de Murol l’ignora d’autant m o in s, que Courby prit plusieurs fois
un cheval chez lui ( à la Borde ) pour y aller, et je crois môme
un domestique.
D ans le courant de septem bre, je vis M. de M urol père une
fois à Aigueperse : il parut y être venu pour consulter M. Lagout
sur sa santé, craignant, disoit-il, être atteint d’hydropisie. A son
retour il ne dit rien de la consultation ; et cette réserve m ’ayant
étonnée, j.’en demandai la cause à Courby qui l’avoit accom pagné.
II me répondit q u e , sur les questions de M. L a g o u t, M. de
M urol avoit avoué qu’une gale traitée avec trop de précipitation
avoit depuis dix ans dérangé sa santé ; qu’il lui se m b lo it, de
loin en lo in , sentir une nouvelle invasion de cette m aladie, et
que sa santé alloit toujours en em pirant; que M. Lagout lui avoit
ordonné une certaine eau , dont la recette ou l’adresse étoit
contenue dans un petit imprimé qu’il lu i remit.
M. de M urol partit, engageant Courby à aller le voir les der
niers jours de septem bre, à la B orde, où ses fils devoient venir
faire une partie de chasse.
C ’est au 29 ou 3o septembre qu’on place l’épouvantable a c
cusation qu’ont répandue les sieurs de Murol contre le m alheu
reux Courby. Hélas! ils l’accabloient encore de démonstrations
d’a m itié , quand déjà leurs affreu x soupçons le signaloient en
public com m e un vil crim inel; et le poison qu’ils lui préparoient
étoit bien plus dangereux et plus subtil que celu i........ Mais à
quoi tendroit une plus longue réticence ; il faut bien m ’avouer
à moi-méme que Courby est accusé d’un empoisonnement.
C ’e st, dit-on, en mangeant des pèches que le sieur de Murol
père aperçut au fond de son verre un sédiment ép ais, dont le
goût lui fut désagréable, quoiqu’il eût mangé sans répugnance
les pèches qui avoient été saupoudrées de la m ême matière. Il
vom it beaucoup , éprouva des douleurs a ig u ë s, eut des ulcères
�( 6; )
dans la b o u c h e , et dit à ses a m is, le len d e m a in , qu’il croyoit
avoir été empoisonné.
V oilà ce qu’a répandu la fam ille de M urol, en ajoutant m êm e
que C o u rb y, présent, disoit en confidence aux assistans: Il n’en
reviendra pas.
Ic i toutes les époques deviennent précieuses, car les événemens postérieurs portent avec eux des conséquences pressantes.
L e jour m êm e de cet é v é n e m en t, et le lendem ain , les fils
M urol, leurs am is, et C ourby, firent la partie de chasse projetée.
L e ^6 o c to b re , C ourby retourna à la Borde : M urol fils ainé
lui emprunta huit louis pour payer des impositions ce m êm e jour.
L e sieur de M urol père étoit p résen t, et dit qu’il en faisoit son
affaire.
L e m êm e jour , M urol ainé engagea Courby à aller avec lui
voir le curé de B eauregard, et le sieur P a rrica u d , qu’il n’avoit
pas vu , d it-il, depuis son retour de Paris.
L e 10 o cto b re, M. de M urol père envoya son domestique à
A ig u ep erse , avec une lettre d’invitation à C ourby pour aller à
la Borde le dim anche su iv a n t, manger un cochon de lait avec
le curé de Beauregard.
En e ffe t, le dim anche su iva n t, n o ctob re, Courby alla dîner
à la B orde, fit le soir une partie de piquet avoc M. de Murol
et le c u r é , et ne revint à Aigueperse que le lendemain.
L e 21 octobre, M. de M urol père vint à Aigueperse avec le
nommé C lm pus, dom estique de son fils. C ourby étoit à Gannat,
et j’engageai M. de M urol à diner.
Q uand j’allai donner des ordres à la cuisine, nies domestiques
m e recom m andèrent de ne pas laisser toucher mes enfans par
M. de M u ro l, parce que Chapus leur avoit dit qu’il étoit plein
de gros boutons, depuis un rem ède que M. Lagout lui a v o it
donné.
En attendant le d în er, M. de M urol alla chez M. L a g o u t,
où Courby de retour alla le chercher.
T ém oin de la prem ière conversation, on ne lui cach a pas la
�( 7 )
seconde , et i l entendit M. de M urol causer avec A3. Lagout de
l’effet de son remède. M. de M urol se plaignit d’avoir eu des
coliques, des vomissemens, et une salivation incom m ode q u i lui
avoit fait naître de petits ulcères dans la bouche. Il termina
cependant par rem ercier M. Lagout du rem èd e, parce que ta
santé é to it, d it-il, beaucoup meilleure, depuis quelque temps.
M. Lagout avoua ne pas connoître la composition de l’eau qu’il
n’avoit conseillée qu’en le déclarant ainsi, et sur l’approbation
que sembloient y donner ses confrères. Il ne s’étonna pas des
accidens dont lui avoit parlé M. de M u ro l, parce qu’il soupconn o it, d it-il, que le rem ède contenoit du mercure.
M. de M urol partit le soir, et recommanda beaucoup à C ourby,
s’il venoit à la Borde dans'la sem ain e, de ne pas traverser l’A llier
qui a vo it, d it-il, grossi beaucoup, et où il s’exposeroit.
Il laissa à Aigueperse une charrette couverte d’ un drap , et em
prunta de Courby une carriole pour faire un voyage àM ontluçon.
L e 29 ooptomWe, le sieur de M urol père vint à Aigueperse
avec un de ses fils, pour rendre la carriole qu’il avoit empruntée ,
et reprendre la sienne avec un cheval de selle que son fils avoit
prété à Courby depuis deux mois.
Ils parurent désirer reprendre les effets de 18000 fran cs, si
C ourby ne les avoit pas négociés; et Murol fils sem bloit seul y
m ettre quelque hum eur. Courby avoit négocié pour 16400 fr.
d’e ffe ts , pour ses propres dettes ; et il répondit à M. de Murol
p è re , que si la proposition faite par lu i-m êm e ne lui convenoit p lu s, il étoit prêt à lui souscrire des effets équivalens; et
il en signa en effet pour 19352 francs , ce qui com prenoit un
intérêt sans doute assez considérable; et je souscrivis moi-même
ce s nouveaux effets dont les sieurs de Murol sont aujourd’hui
porteurs.
U n mois se passa ensuite sans que j’eusse rien de com m un
avec cette famille. T o u t d’un coup , au mois de d é c e m b re ,
j'appris l’horrible nouvelle que le sieur de Murol accusoit hau
tem ent C ourby de la v o ir em poisonné, et qu’une procédure cri
�(
8
)
m inelle étoit provoquée par ses fils et lu i, non qu’ils eussent osé
accuser en leur nom , mais à la diligence du magistrat de sûreté
de C lerm o n t, qui les faisoit tous entendre com m e témoins.
Ce c rim e , ces com binaisons, mes idées acca b la n tes, un retour
de comparaison sur les temps cruels des délations et des éch a
fauds , tout cela m’ôta le discernem ent et la réflexion. Je ne
voulus entendre celles de personne. Mon époux partit, et je m e
trouvai seule à la vue de ces indifférens qui soupçonnent tou
jo u rs, et ne réfléchissent jamais.
Quoi qu’il en soit, le temps qui s’est écou lé depuis le mois de
décem bre a permis à la justice de faire d’exactes recherches. L e
sieur de Murol p è re , ¿îgé de près de quatre-vingts a n s / a été
atteint d’une maladie épidém ique inflam m atoire, à laquelle s’est
jointe une hydropisie. Il s’est m is alors dans les m ain s d’un c h i
rurgien ignorant, et il est m ort dans les premiers jours d’a v r il,
ayant survécu par conséquent plus de six mois à son prétendu
empoisonnement.
Je n’ai jamais désiré la mort de personne ; mais je le confesse
sans ro u g ir, la m ort de cet homme a ôté de mon cœ ur un far
deau bien pesant. C e n’est pas que j’eusse, com m e de V itelliu s,
de la joie à considérer le cadavre d’un ennem i ; loin de moi ce
sentim ent de vengeance. Mais je n’ai pu m’em pêcher de dire:
C ’est là qu’étoit cachée la vérité ; c’est là que le triomphe de
l’innocent sera écrit par les mains m êm e de la Providence.
Q ue mes lecteurs me pardonnent ce t aveu d’un m ouvem ent
que je n’ai pu vaincre. Il faut avoir été dans ma position cru elle,
pour sentir qu’elle justifieroit m êm e un sentim ent moins légitime.
M e voici donc devant mes juges , incertaine maintenant de
ce qu’il me reste à leur dire; car quand toute la procédure me
seroit co n n u e, je ne puis sans ridicule me jeter dans la carriè re
polémique d’une discussion de droit crim inel.
Ma is la défense de mon époux sera plus dans la
c o n v ic tio n
de
ses juges que dans mçs efforts. Je n ’ai voulu que révéler des
faits
�( 9 )
faits de tna connoissance , et sans doute ite vaudront m ieux que
mes réflexions.
Un crim e ne se com m et pas sans être nécessaire. C ourby ,
nanti d’effets signés de M. de M urol , n ’avoit pas besoin de s«
défaire de lui pour les retenir. O n est bien plutôt capable d’un
vol hardi, et sans danger , qu’on ne l’est d’un empoisonnement.
Si le sieur de Murol pére est venu tant de fois après le 29 sep
te m b re à Aigueperse , et s’il a continué d’appeler Courby à la
Borde, qui pourroit se défendre d’étre convaincu qu’il n’ a pas
cru être empoisonné par lu i ; ca r eût-il cherché la société de
son assassin ?
Cependant c ’e s t, dit-on, le fo u r même du déjeuner des pèche«,
que le sieur de M urol se crut empoisonné ; c ’est le lendem ain
q u ’il fît part de ses craintes à ses amis.
S ’il eût soupçonné d ’autres personnes , on pourroit se rendre
raison de cette continuation de confiance ; mais le sieur de
M urol a dit encore avoir vu C ourby saupoudrer les pèches de
la m atière b la n c h e , qui ne lui répugna qu’au fond du v e rre , et
qui lui causa à l’instant m êm e des douleurs et des vomisseinens.
L ’idée de l’em poisonnem ent, et de son a u teu r, se seroit donc
liée sans intervalle dans son im agination; et alors com m ent con
cevoir cette suite de fréquentation jo u rn alière, ces repas m ul
tipliés, qui auroient rendu aisée la consommation du c rim e ,
et qui n’ont cependant donné lieu au soupçon d’aucune tentative
nouvelle ?
Com m ent concevoir encore qu’un hom m e se croyant em poi
sonné le 3o septembre , se disant tourmenté des douleurs ordi
naires de c e m al, consulte un m édecin le ao octobre , et ne lui
dise pas un mot de ses m a u x , ni de ses terreurs?
L à , au contraire , les vomissemens sont attribués, par le ma
lade lui-m ém e , à une autre cause. Ils ne l’inquiètent point du
to u t, puisque l’am élioration de sa san té, et le rem erclm ent au
m édecin , sont le seul objet de sa visite.
' Cette bonne santé se soutient pendant quatre mois consécutif*,
B
�( 1° )
f-t il tomba enfin malade. Est-il mort d’hydrôpisie ? est-il mort
d une inflammation dans le ventre ? O n dit l’un et l’autre. O n
dit aussi qu’il a été traité de l’hyd rop isie, et que la ponction lui
a été laite deux fois dans le mois qui a précédé sa mort,
i Je n’entends rien en m édecine.: mais les effets de l ’arsenic
sont connus de tout le m onde; il passe pour le plus mortel et
le plus prompt des poisons.
Si son action' est brûlante et corrosive, si le prem ier contact
produit des ulcères dans l’instant m êm e , com m ent concevoir
qu’un hom m e,hempoisonné devienne lentem ent hydropique ;
qu’une surabondance d’eau exige deux ponctions ; qu’il ne se
m anifeste d’inflammation que dans le bas-ventre,sans lésion'des
viscères supérieurs ? '
L e c a d a v r e a été v u , d it-o n , par des docteurs délégués par
la cour crim inelle. Je n’ai garde de supposer qu’ils se soient
livrés à des con jectures; ils n’avoient p o in t, com m e les Arusp ic e s , à consulter les entrailles d’une victim e pour présager
l ’avenir. L eur tâche plus facile a été de cherch er dans le corps
d’un h o m m e , m ort h yd rop iq u e, si des traces de poison étoient
visibles , et de vérifier les corrosions qu’auroient dû receler
l’estomac et les prem ières voies.
Si le poison n’a pas été visible à leurs yeu x , le sera-t-il à la
conscience du juge?
On prétend que C o u r b y , au lieu de donner du secours à M. de
M u ro l, les 29 et 5o sep tem b re, a dit à plusieurs valets de la
maison qu’il étoit vieu x et ca ssé , qu’il ne guériroit pas ; et de
com m entaires en com m entaires, on va presque jusqu’à y voir
un aveu de son crim e. C ’est ainsi que la m alignité interprète
les expressions les plus indifférentes. Mais com m ent ne pas voir
qu’un coupable, dans cette position, auroit au contraire affecté
ce qu’il ne sentoit pas , et m ultiplié ses soins pour n’étre pas
soupçonné.
Il a , dit-on encore , demandé à un pharm acien , a p r è s 1 em poi
sonnement-, et dans la rue > si l’opium étoit un poison qui fit
�(
II
)
souffrir long temps. Autre arme de la m échanceté / pour en tirer
une conséquence à charge. J’ignorois ce fait , et j’ai m êm e des
raisons de suspecter ceu x qui l’ont accrédité. En cherchant dans
le passé à quelles époques j’ai vu mon époux attristé de l’embarras
subit où la faillite d’un ami l’avoit jeté , je n’ai pas trouvé dans ma
mémoire qu’il ait eu jamais des instans de désespoir, ou du moins
il n’en a pas manifesté en ma présence. Il savoit d’ailleurs que je
viendrois à son secours ; et je suis hum iliée que pour 18000 fr. et
surtout pour une dette d’honneur, on puisse croire que mon
époux se trouvât réduit à attenter à ses jours.
*
Q uant à toute autre version, je la dédaigne. Q uel insensé concevroit l’idée qu’il pourroit faire avaler de l’opium à son ennem i,
c ’est-à-dire, la plus am ère des potions, sans qu’il la refusât, ou
qu’il pourroit la glisser à dose suffisante parmi ses alimens?
C elui qui pour se défaire d’un homme veut l’empoisonner, a
pour prem ière pensée d'ensevelir en lui-m ém e le secret de son
crim e. S ’ad resse-t-il à un pharm acien , il est le premier qu’il
trompe; et à moins de croire l’empoisonneur sans bons se n s, on
ne supposera jamais qu’il ait parlé de la mort au pharm acien à qui
il demandoit du poison.
Mais qu’aura gagné la calomnie à tout cet amas de faits incohére n s, et de petits détails exagérés par la passion, ou grossis par
les circonstances? ca r, s’il n’est pas constaté qu’il y ait empoison
nem ent , il n’y a pas de coupable à chercher.
V aut-il m ieux abandonner ce qui se présente à l’idée la plus
sim ple, et substituer des fictions ou des conjectures , à ce qu’on
conçoit avoir été un effet de l’ordre naturel des choses ?
Et parce qu’un vieillard , d’un tempérament u s é , est mort à
près de quatre-vingts ans, faudra-t-il s’obstiner à croire qu’il n’a
dû mourir que d’une m ort violente?
S’il n’étoit mort que du plus subtil des poisons, auroit-il résisté
six mois? auroit-il surtout passé quatre mois dans le m eilleur
état de santé qu’il ait eu depuis dix ans?
Certes, je n’ai pas cru un instant qu’aucun homme au monde
B 2
�(
12
)
put dire en son âme q u ’il est convaincu de la réalité du crim e,
et que Courby m érite la mort : je l’ai cru encore moins de ses
ju g e s, pour qui le prem ier devoir est de ne se rendre qu’à l’évi
dence. Mais il m ’importoit aussi de détruire jusqu’à l’apparence
d’un crim e dont l’idée seule m ’accablera jusqu’à c e que le soup
çon m êm e en soit détruit pleinement.
Je ne sens que trop de quelle influence ce t événem ent sera
pour ma destinée future ; car le m alheur d’ un aussi cruel soupçon
ne peut se réparer qu’à la longue ; et j ’ose croire que les c ic a
trices de la calom nie ne seront point ineffaçables. L a conduite
à venir de mon époux se ré g le ra , je l’espère , sur les circo n s
tances dans lesquelles sa mauvaise étoile l’a placé.
Je puis donc voir encore le bonheur renaître dans mon asile ;
et si c ’est une illu sio n , que du moins un si flatteur horoscope
pe soit pas enlevé à une m ère : mon ép o u x, rendu à sa fa m ille ,
ne verra dans son infortune passée que le devoir sacré d’en effacer
jusqu’au souvenir. Il peut en co re, malgré la calom nie, transmet
tre à ses en fans un nom sans ta ch e, et vivre avec honneur dansi
leur mémoire.
C O U R B Y , née R O L L A T .
�CONSULTATION.
L e c o n s e i l s o u s s i g n é , qui a lu le m ém oire de la dame
R o lla t, fem m e C ourby ,
, d ’après les faits contenus audit m ém oire, que si les
m édecins délégués par la cour crim inelle pour exam iner le ca
davre du sieur de M u ro l, n’ont pas trouvé de traces de poison,
E s t im e
ou s’ils n ’ont pas exprim é une opinion certaine et fondée sur ce
genre de m ort, il paroit impossible qu’un ju ry se déclare con
vaincu que le sieur C ourby est coupable.
O n n’a pas accusé le sieur C ourby d'une simple tentative d’em
poisonnement , mais bien d’un empoisonnement effectué avec de
l’arsenic jeté sur des pèches. Par conséquent il ne faut pas se
borner à exam iner s’il y a preuve de la ten tative, mais il faut
savoir s’il y a un empoisonnement et un coupable.
L a question préalable d’une instruction crim inelle est de cons
tater le corps d’ un d é lit , de m êm e que la prem ière chose à exa
m iner par le jury est de savoir si le délit est constant.
Car il n’est pas besoin de chercher s’il y a un co u p a b le, lors
qu’il n’y a pas certitude qu’il y a e u un délit : D e re priusquàm
de reo inquirendum est; e t , comme le dit D om at en son T raité
du droit public : « C ’est le prem ier et le plus indispensable des
« devoirs. Cette preuve est m êm e tellem ent essentielle, qu’elle
« ne peut être suppléée ni par les dépositions des témoins , ni
« par des con jectures, ni même par la confession de l’accusé. »
D ’après c e la , peut-on bien dire que le corps du délit im puté
au sieur C ourby, est con stan t, et qu’il est certain qu’il y a eu
empoisonnement ? Rien ne paroit au contraire moins prouvé.
�. (
1 4 }
A ucun rapport de m édecin ou chirurgien ne paroit avoir pré
cédé la mort du sieur de M urol : lui seul a eu quelques soupçons
que rien n’a vérifiés. Ainsi , jusque-là aucun corps de délit n’est
constaté.
Après la mort du sieur de M u ro l, la cour crim inelle a bien
fait ce qui étoit en elle pour constater le corps du d é lit , puis
q u ’elle a com m is des hommes de l’art pour visiter le c a d a v re ,
et en décrire l’état. L e rapport qui a dû en être fait sera soumis
au ju r y , s’il est antérieur à l’acte d’accusation ; et c ’est là où
le ju ry puisera principalem ent les idées qui appelleront sa con
viction sur le fait de savoir s’il y a un d é lit , c ’est-à-dire , s’il
est constant que le sieur de Murol père est mort empoisonné.
Sans doute la présence du poison 11’est pas toujours visible ;
mais son effet n’en est pas m o i n s marqué par des signes exté
rieurs , surtout quand le malade en a été victim e, et quand il
s’agit d’ un poison aussi violent que l’arsenic.
A ucun auteur n ’a m ieux décrit les effets de ce poison , et les
signes auxquels on peut les connoitre , que M. Mahon , en son
T raité de m édecine légale ; et c ’est le m eilleur guide qu'011
puisse avoir pour raisonner sur une m atière aussi grave et épi
neuse.
'
Les poisons corrosifs, dit cet auteur, tuent très-prom ptem ent,
et leurs effets s'annoncent avec une rapidité qui 11e permet guère
de douter de leur emploi. ( T om e 2 , p. 276. )
L ’arsenic est soluble dans tous les liquides ; c ’est le plus in
domptable des poisons : il ne peut être m itig é , ni masqué en
aucune manière. ( Page 276. )
Quand il y a soupçon d em poisonnem ent, tout m édecin , avant
d’inspecter le corps , doit s informer soigneusement de l’àge*
du sexe , du tempérament , des forces , du genre de vie du
défunt , s’il étoit sain ou malade , com bien de temps il a
vécu depuis, de quelles incom modités il s’est p l a i n t , «juelle
espèce de régim e ou conduite il a observée a p r è s , s’il a été
secouru par un médecin expérimenté ou par de> ignoians,
( Page 26G. )
�( i5 )
Après c e la , l’inspection clu cadavre consiste à exam iner l'état
des parties extérieures et les signes intérieurs du corps.
Quand l’arsenic n’est pas conservé en nature dans quelques
viscères , ce qui arrive fréquem m ent , fa présence est au moins
manifestée par, des traces de lésion et de corrosion assez rem ar
quables dans toute la route qu’il a parcourue (1) ; son action va
môme jusqu’à se manifester au-dehors (2); et quelque nom breux
encore que soient ces sig n es, le m édecin , com m e le ju g e , ne
peuvent se croire convaincus que par leur ensemble.
Ici il faut d’autant plus de circonspection , qu’il s’agissoit d’ un
su jet vie u x , et dont la santé paroissoit altérée depuis long temps.
D es douleurs internes et des vomissemens sont, d it-on , le seul
indice de poison qu’il a rem arqué lui-méme (3). Mais une foule
(1)« 2°. L ’érosion inflam m atoire, gan grèn e, taches éparses dans l’ œ sophage,
I’cstoiTiac, le p y lo re , les intestins, le sphiicèle de ces parties. — Q uelquefois l'estom ac p e rc é, — le sang coagu lé, — le péricarde rem pli d ’ un fluide jaunâtre ou
c o rro m p u , les autres viscères ramollis et com m e dissous, parsemés d’ hydatides,
de pustules, de taches; le coeur flasque et com m e racorn i; le sang q u ’il co n tien t,
noir et presque solide; le foie noirci, ou livide „o u engorgé. » (M a h o n , png. 272.)
« On voit en fin , tant extérieurem ent q u ’intérieurem ent, des vessies disper
sées ça et là , remplies d’ une sérosité jaune ou ob scu re, et presque toujours d ’ une
odeur désagréable. » ( Ibid. png. 273. )
(2) « Distension excessive de l’ab d om en , au point d’ en m enacer la ru ptu re ;
_taches de différentes couleurs sur la surface du corp s, surtout au dos, au x
pieds, à l’ epigastre; — la prom pte dissolution, quand la personne est m orte du
poison. O n peut trouver dans la dissection du cadavre des indices certains d ’em
poisonnem ent: — la roideur des m em bres, la tum éfaction du v e n tre , rie sont
pas des signfcs constans ; — mais ce q u ’il y a de constant dans les cadavres des
personnes q u io n tp é ri d’ un poison âcreou cau stiq u e, c’ est de trou ver l’oesophage,
l’ estomac cl les intestins grêles, atténués, enflam m és, gangrenés, rongés et sou
ven t percés.... Il suffit de résum er ces signes, pour être convaincu de la néces
sité de ne jamais se décider que par leur ensemble. » ( Ibid. p. 270, 2 7 1 , 307. )
' (5) « Quand on n’a pas été à temps d’exam iner la nature du vom issem ent, que
les symptômes sont passés, que le malade est guéri , peut-on tirer des indices
Suffisans de l’assertion du plaignant, et de celles des personnes qui l’ônt assisté?
— Je ne le pense pas. » ( Ibid. pag.
3o 6. )
1
�(
}
d’ alim en s, m êm e très-sains, peuvent fournir les mêmes résul
tats (1).
1
6
Il paroit que le sieur de M urol avoit été m al traité d’une
gale. L es em piriques ont pour ces sortes de m aux des remèdes
dont la promptitude séduit le m alad e, mais dont l’effet double
m ent funeste consiste à faire rentrer dans la masse du sang une
hum eur vicieu se, dont la nature ch erchoit à débarrasser le corps:
et s’ajoute à c e mal r é e l, le mal plus grand peut-être du rem ède
lui-m ém e. Aussi est-il constant qu'une éruption rentrée suffît
seule pour agir m ortellem ent sur l’individu, et laisser des traces
presque sem blables à celles du poison (2).
L ’opiuion qu’a pu avoir le sieur de M urol lui-m ém e sur son
é tat, ne doit pas être d’un très-grand poids; car on sait com
bien un m alad e, et surtout un vieillard , est sujet à se frapper
l ’imagination : pour peu que ses craintes soient accréditées par
quelque soupçon, il 11e trouve plus rien que d ’extraordinaire dans
son éta t, et il s’obstine à ne pas croire que des m aux naturels, ou
la caducité , puissent être l’unique cause de son dépérissement.
Cependant la plupart des maladies vives s’annoncent par une
invasion soudaine; e t cette rapidité m êm e sem ble jellem ent inex-
( i) « Q u ’ u n hom m e ait m angé des alim ens difficiles à d ig é re r , ou faciles à
«ntrer en p u tré fa ctio n , il peu t a rriver que qu elqu e temps après il se trou ve
très-m a l, et q u ’il ait tous les sym ptôm es du poison, jusqu’à m ourir.
» J’ai vu une châtaigne r ô lie , avalée toute e n tiè re , don ner tous les signes
de l ’ em poisonnem ent. Les têtes et pieds de v e a u , les ¿crevisses, les h u ître s,
les v in j troubles et avariés, ainsi que les vins frelatés, on t très-souvent aussi
prod u it ce t effet. » ( M a lio n , Pag- 299. )
{*) « Certaines maladies laissent sur les cadavres des traces peu différente*
des signes ordinaires du poison. »
« U n e éru ption re n tré e , une affection scorbu tiqu e très-a v a n cée , une bile
très-Acre, etc, — M ais par une contem plation réfléchie des sym ptô m es, et la
com paraison qu e le m édecin en fera avec les signes que porte le c a d a v re , il
distinguera aisément les restes d’ une maladie v io le n te , d ’avec les caractère* de
l'em poisonnem ent. » ( Ibid. png. 3 i 3. )
p lic a b le ,
�C 17 )
p lica b le, qu’on repasse alors dans sa m ém oire jusqu’aux moindres
détails qui ont précédé ; les choses qui étoient auparavant les plus
simples se grossissent, la crédulité s’en empare. P o s t h oc, ergo
propler h o c , sc d it-011; et ce raisonnement de l’ignorance n’en
séduit pas moins quelquefois les personnes les moins prévenues.
U n soupçon alors, né du plus léger in d ice, acquiert bientôt de
la consistance, à tel point que les explications les plus naturelles
sont dédaignées ; le préjugé l’emporte sur l’expérience ; et on ferm e
les yeu x sur les exem ples plus frappans, qu’on a eus souvent sous
les y e u x , des bizarreries de la nature, et desaccidens d e là vie (1).
Car en cette m atière , dit le docteur C o c h in , et quand il s’agit
de juger des poisons, les conjectures les plus vraisemblables ne
sont souvent que des illusions (2).
• L e célèbre auteur Zacchias avoit été consulté sur un événe
m ent presque semblable à celu i du sieur de Murol. Un individu
avoit fait un ample diner avec un a m i, et ne tarda pas à éprouver
de grands malaises qui furent suivis d’ un prompt dépérissement.
Il devint subitement pâle et e x tén u é , perdit la raison, et mourut.
L e dîner ayant été son dernier acte de san té, les soupçons s’é
levèrent contre celu i qui l’avoit partagé ; il fu t mis en prison.
L e cadavre fut ouvert, et Zacchias y trouva les intestins trèsenflés, le sang coagulé dans les ventricules du cœ ur, la substance
m êm e du cœur d’une couleur dégénérée, la téte et les lèvres
grosses, les poumons livides et ad hérens, le foie corrompu.
T o u t cela pouvoit paroltre des signes de poison. Mais ce docte
i
____________ _____________
(1) « Il est une infinité de maux, sourds, qui augm entant insensiblement en
in ten sité, p eu ven t avoir affligé un hom m e depuis longues années, sans q u ’il
s’ en soit lui-m êm e beaucoup a p erçu , et q u i, éclatant tout à c o u p , paroissent
inconcevables à ceu x qui ne sont pas au fait des divers accidens de la v ie , et
Ibid. pag. 317. )
(2) Quest. du poison, t. Ier. , pag. 4. Recherches sur les signes anatomiques
et judiciaires des signes d’empoisonnement, par M. de Retz.
qui ont l’im agination préoccupée. » (
G
�C 18 )
m édecin ne chercha que dans son art et dans son génie des con
séquences que la prévention auroit dénaturées, s’il se fû t aban
donné aux fausses impressions de l’opinion publique.
D ans une consultation très-m éthodique et très-savante, Zacchias suivit pas à pas tous les symptômes décrits; et il fit résulter
de leur ensem ble, que l’homm e étoit mort de la jaunisse.
Il ne jugea pas possible que ces sym ptôm es fussent nés du
p oison , puisque la nature n’avoit pas fait un effort continuel et
sans re lâ ch e , pour se débarrasser de cet ennem i dangereux (1).
Il y avoit eu un vomissement soudain ; mais il avoit cessé ; mais
il n’y avoit pas eu de ces douleurs opiniâtres et de ces angoisses
toujours croissantes, qui dénotent une prochaine dégénération
des solides iz).
La corruption du foie et l’adhérence des poumons avoit paru
de quelqu’iinportance a Z a cch ia s; mais il pensa que si la cause
en fût venue du poison, l’estomac et le cœ ur auroient dû être
lésés et corrodés auparavant (5).
D ’après cela Zacchias n’hésita pas à prononcer que le m alade
n’étoit pas mort de poison, mais d ’une maladie naturelle (4). *
L es auteurs qui ont écrit sur le droit crim inel ne conseillent
pas une moindre circonspection dans les jugem ens qu’on peut
porter sur de semblables matières.
^1) « jáccidentia, si ex veneno adminístralo superveniant, solcnt, cum
Ímpetu (fuodum, ac veliementia appare re, non tolerante natura virn im
provisa m ipsius vene ni. » (Zac/i. Consil, 16. )
(aj « Vomitus indesinens, molestia intolerabilis, dolorespernecabiles,
lipothymia , syncopis , et alia, » ( Ibid, )
(3) « Primo et antequám hepar ladatur, necesse est leedi stomachum
atque etiam cor. » ( Ibid. )
(4) « lgitur ex prctdictis patet N... d propinato veneno nonfuitse
Une tum , sed potiüs á morbo e¡uodam naturali,» ( Ib id .)
�( i9 )
« Plus l’accnsation de poison est grande, dit M. P ré v ô t, cé « lèbre crim inaliste, plus on doit exam iner avec soin si elle est
u fondée. La mort est tous les jours accom pagnée de symptômes
« qui en imposent sur cet article. Ainsi il faut user de beau« coup de p ru d en ce, observer avec soin si les accidens dont
« se plaignent les personnes qu’on dit empoisonnées sont ab« soluinent les suites du poison : si la personne empoisonnée
« est m o rte, l’ouverture doit apprendre et constater le poison ;
« il se manifeste clairem ent par les premières v o ie s , etc. »
ÇPrincipes sur les visites e t les rapports, pag. 226. J
Il y auroit donc bien du danger à s’en tenir à de simples
soupçons, ou à des indices équivoques, dans une m atière d’aussi
grande conséquence. Car il suffit que d’autres maladies pré
sentent des signes semblables à ceu x du poison, pour que dans
l ’incertitude il faille juger qu’il n’y a pas de preuve d’empoi
sonnement (1).
Car qui pourroit, en m atière crim inelle, juger par de simples
indices , lorsque les lois elles-mêmes exigent des renseignemens
certains , des indices indubitables , et des preuves plus claires
que le jour (2)?
• Mais que peut-on entendre par ces indices indubitables? L es
criminalistes prennent encore la peine de les signaler de ma
nière à ne pas s’y tromper. Il faut que l’esprit du juge en soit
frappé et même contraint au point de ne pouvoir pencher pour
l’opinion contraire. C ’est la situation de 1a m e , dans laquelle
(1)
« Non d ic itu r probaium ven en i crim en t e x probatione concm m
vom itns , v e l e x livore co rp o ris, aut spum is e x ore ß lu e n t ib n s , yitia
licec signa possunt etiam e x pestij'erä f e b r e , aut acuto m orbo, citrä
veneni causam orire. » ( Iuirinac. tjuast. 2 , n°.
,
«M u n ita t i t a p e r tis s im is
,
3 a , prax. crim . )
d o c u m e n t is v e l in d i c i is a d p r o b a tio -
tio n e m in d u b ita tis e t lu c e c la r io r ib u s . »
(L . S c i a n t , c o d .
D e p r o b a t .)
�(
20
)
l’esprit se repose sur le parti qu’il vient de prendre com m e sur
une découverte assurée et satisfaisante, sans revenir jamais à
hésiter dans la conviction qu’il vient d'acquérir (1).
Ces maximes sont puisées dans la loi elle-m êm e, qui ne veut
pas qu’on puisse condam ner un individu sur de simples soup
çons (2), parce qu’en effet l’ expérience prouve que celui qui
com m ence â soup çon n er, ne voit jamais com m e il doit voir (3);
ce qui a fait dire à M. D om at que le juge doit se défier de la
prem ière impression qu’on lui donne dans une affaire , parce
qu’elle est malgré lui le m obile de sa cond uite, et qu’il ram ène
tout à cette opinion (4).
Si d’après l’exam en de tous ces principes gén érau x, il faut se
form er une opinion, le conseil n’hésitera pas à dire que s i , com m e
on paroit le croire , les m édecins délégués par la cour crim inelle
n’ont pas attesté avoir trouvé dans le corps du sieur de M urol
des traces de p o iso n , il est impossible de penser qu’il y ait ni
conviction de culpabilité, ni m êm e conviction d’empoisonne
m e n t; c a r , com m e le dit la dame Rollat dans son m ém o ire,
si le poison n’a pas été visible pour les m édecins , com m ent le
seroit-il pour un ju ry?
Il n’y aura pas de corps de délit , et par conséquent il sera
inutile de chercher un coupable.
L es circonstances qui ont précédé et suivi l’événem ent , ne
sem blent pas m êm e donner lieu à des soupçons bien fondés ; et
(x) « Indicium indubitatum est quod coarctat mentent jtidicis ita ut
omninà cr'edat, nec possit in contrarium ificlificirp, Est demonstratio
rei per signa sufficiently- per tjuas animus in aliquo tant/itam existente
quiescit, et plus investigare non curat. » ( Farinac. qucest. 36 , »°. 35. )
(2) « Ne suspicionibus quemquam damna ri oportere divus Trajanus
scripsit. » ( L. A b s. ff- Pccnis. )
(3) « Qui suspicutur plus se videre putat. » ( Extra de testib■)
(4) Tr. du droit public.
�C
)
le résultat achève même de détruire la prem ière impression qu’une
semblable accusation ne manque jamais de répandre.
L e sieur Courby. étant dépositaire d’effets signés du sieur de
M urol p è r e , quelle qu’en fût la som m e, 1envie de se les appro
prier a bien pu faire croire que l’empoisonnement avoit été un
m oyen d’y parvenir. Mais rien n’em péchoit le sieur C ou rby de
garder ces e ffe ts , et de s’en dire le maître : l’ usurpation des
billets étoit m êm e plus solide sans crim e.
L a conduite am icale du sieur de M urol envers le sieur Courby,
depuis le 29 septem bre, est le m eilleur témoignage que ce der
nier puisse avoir; et si le sieur de M urol a dit à la justice avoir
eu des soupçons dès le jour m ê m e , ou il a été bien inconsé
quent , ou ses soupçons ne m éritent pas une grande confiance.
O n ne voit pas que le 29 septembre il ait appelé à son secours
aucun hom m e de l’art ; par conséquent il ne faut pas croire qu’il
ait eu d ’aussi grandes souffrances , ni une aussi grande terreur
q u ’il a pu le dire a p rè s, lorsqu’il étoit atteint d’une maladie
chronique.
(
'
Bientôt au contraire il reprit son régim e accoutum é. L ’es
tomac paroit avoir fait ses fonctions com m e auparavant ; et il
est bien difficile de concilier cet état de santé parfaite avec la
dégénération progressive qu’auroit dû opérer la présence de l’ar
senic , en quelque petite quantité qu’on le suppose.
Il faudroit m êm e adm ettre que le poison a été pris à grande
d o se , si les pêches en étoient saupoudrées , puisqu’elles ont été
avalées entièrem ent avec le vin , et que le sieur de Murol n’a
répugné au poison que pour la portion dem eurée au fond du
verre. L e véhicule auroit donc été suffisant pour porter une
grande quantité d’arsenic dans les premières voies.
O r , il est impossible que les effets de ce poison eussent cessé
tout d’un coup , et n’eussent laissé aucunes traces.
L e fait articulé , que le sieur de Murol a subi deux fois l’o
pération de la p a ra cen tè ze , ou ponction ^ p ro u ve qu’il a été
�(2 2 )
considéré comme atteint d ’hydropisie ; et c e traitem ent achève
de détruire toutes les incertitudes.
Il
y a donc lieu de conclure que les soupçons du sieur de
Murol n ’ont eu aucun fondem ent réel ; qu’à soixante-quinze
a n s , et avec les circonstances qui ont accom pagné sa m o rt,
elle n’a eu rien que de très-naturel.
D élibéré
à R io m , le 16 juin 1807.
L . F. D E L A P C H IE R , avocat ; B A R T H E L E M Y , doct. m èd. ;
A N D R A U D , avocat; C H O S S IE R , doct. mèd. ; P A G È S M E IM A C , avocat ; G E R Z A T , doct. mèd. ; P A G E S ( de
Riom ) , avocat ; M A L B E T , doct. mèd.
A lUOJVÎ , de l’im prim erie de
L a n d r io t ,
seul
Cour d’appel. — Juin 1807.
im p r im e u r
de U
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Rollat, Eléonore. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Barthélémy
Andraud
Chossier
Pagès-Meymac
Gerzat
Pagès
Malbet
Subject
The topic of the resource
abus de confiance
prêts
empoisonnement
Murol (famille de)
homicides
Description
An account of the resource
Mémoire pour la dame Eléonore Rollat, épouse de François Philippe Courby, habitant à Aigueperse [suivi de ] Consultation.
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De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
1807
1804-1814 : 1er Empire
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The nature or genre of the resource
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22 p.
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An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0334
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
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A language of the resource
fre
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BCU_Factums_M0613
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Aigueperse (63001)
Clermont-Ferrand (63113)
Thiers (63430)
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Abus de confiance
empoisonnement
homicides
Murol (famille de)
prêts
-
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dd89adb7e8b3fe301fdb23317d377d61
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Text
M ÉM OIR E
-
EN R É P O N S E ,
sieur J e a n - J a c q u e s , - M a r i e R O C H E F O R T -
Pour
D A L L Y , habitant à Ar tonne, intimé ;
C on tre
sieur C l a u d e B E L A V O I N E , du lieu d’E c o le ,
mairie de B r o u t
appelant;
E n présence du sieur D E C O M B E , des Morelles ,
, ■
maire de B rou t, a u ssi intimé.
‘j :
Le sieur Belavoine a jeté un dévolu sur un b ois de
trois cents septérées, dépendant de la terre de L a ffon t.
Toutes
les années de la révolution ont été employées
à préparer celle conquête ; mais le hasard a voulu que
le sacrifice ne fût pas consommé, au moment où il a été
permis de ne plus rien céder à l’épouvante. Cependant
le sieur Belavoine n’en a pas moins cru le propriétaire
i
�( o
do L a f o n t , dans l ’impuissance absolue de se défendre.
To u s les titres de celte terre avaient été brûlés avec
scrupulej et le sieur B e la v o i n e , qui n’a pas brûlé les
siens, produit aujourd’hui une ou deux, pièces équi
voques , sur lesquelles il fonde le principal espoir d e
son usurpation.
Mais un titre essentiel s'est retrouv é, el cette appa
rition inattendue a fait un effet extraordinaire sur la
sieur BelîSBine ; sentant bien q u ’il lui faudrait des
titres contraires , et ne sachant où en p r e n d r e , il a
fait des querelles à tous ceux qui ne lui en fournis
saient pas. Il est venu aux pieds de la cour erier à la
collusion et à l ’injustice ; il a promené un notaire de
B i o m à. Brout, et de Brout à E c o l e , pour verbaliser,
instrumenter, pour fouiller toutes les paperasses par
lui indiquées , e t , au d em eu r an t, ne procurer aucun
résultat de tout cet a p p a r e i l , co m m e il Favait bien
prévu. En fin , le dénouement de cette comédie a été
plus sérieux 5 le sieur Belavoine a dénoncé à la cour
le maire de Brout co m m e prévaricateur, pour ne pas
lui avoir fourni des titres quelconques, et pour ne
pas avoir voulu plaider dans le m êm e sens que lui.
En. so m m e, que veut le sieur B e la v o i n e ? un bois
qu’il prétend être la propriété des habitans de Brout.
A-l-il un titre? aucun. Mais il combat celui du sieur
de R o c l ie f o r t , en disant que la propriété du bois ne
lui était reconnue qu’à cause de sa terre et ju s tic e de
L a fo n t ; et il croit avoir lu dan« les lois féodales de
la révolutio n, que les bois dépendans des terres seir
gneuriales ont été concédés aux communes..
�(
3
)
C e principe barbare ne se trouve nulle aut re part
- que dans l'imagination du sieur Belavoine ; et toute
la défense du sieur de Rocliefort consistera à dém on
trer que son litre lui suffit, tant q u’on ne lui opposera
pas des titres de propriété contraires.
'Si cette affaire exige d ’autres développemens , ce
"ne sera que pour redresser un peu la narration du
-sieur Belavoine , en ajoutant quelques explications à
*ce q u ’il a cru 'de son intérêt de dire trop b riè v e
m e n t ou de passer sous silence.
t
FA IT S.
- L a terre de L a fon t-d e-S t.- M ageran t, située en la
co m m u n e de Brout, fut vendu e le 21 juillet i 58 a ,
au siéur Alexandre de Caponi , l’un des ancêtres du
sieur ‘de 'Rochefort.
La
com m un e
de Brout était divisée
en
quatre
parties ou collectes, dont trois dépendaient de la terre
de Lafont ; la quatrième ([Ecole) dépendait de M. le
duc d’ Orléans.
( L e seigneur de L a f o n t avait beaucoup de bois taillis;
les un s, plus rapprochés-de son habitation, ne pouvaient
convenir q u ’à lui se ul, et il était naturel q ü ’il n ’y
souffrit l'introduction
d ’aucun pacage. L e bois des.
Brosses , 'le plus considérable de t o u s , était sur les
limites de la terre.
' C o m m e il était d’usage général, dans les tems reculés,
de faciliter aux censitaires l’éducation de leurs bestiaux,
�U
)
pour la culture de leurs héritages, le seigneur de L a f on t
avait toujours permis aux liabitans des collectes dépen
dantes de sa ju sti ce , de venir pacager.
E n indemnité de cette concession, le seigneur était
en usage de percevoir un droit de blairie , à raison
d’une coupe de blé seigle, pour chaque paire de bœufs.
Plusieurs titres des i 6 . e et 17.®siècles le réglaient ainsi;
ce n ’étaient pas seulement des terriers, mais des sen
tences et des transactions, q ui, à la vér ité, ont été la
proie des flammes , mais qui se trouvent mentionnés
a vec détails, dans une dernière transaction du 22
février i y 55 .
C elte transaction fut passée entre dame Gabrielle
de C a p o n i , et le sieur Marien Maréchal , son mari
seigneurs de L a f o n t , d’ une p a r t , et Jean Belavoine
( père de celui qui plaide aujourd’hui ) , faisant tant
pour lui , que pour Bornât , R o y et T o u z a i n , ses
métayers, An d ré Bonamour, François Bonamour,autre
François Bon am our pour lui et pour Gabriel son frère,
Gilbert Bourdier et Jacques R o u gie r , ious liabitans des
divers villages de la paroisse de B r o u t , (1) d ’autre part.
On y expose q u’il y* avait eu procès avec le père
dudit B elavo in e, depuis 1 7 2 8 , pour le droit de blairie,
et q u’il 11’y avait été condamné que pour un seul
d om aine, par sentence de 1 7 2 4 , dont il y avait eu
a p p e l ; q u ’il y avait eu une autre sentence en 1 7 4 ° .>
( 1 ) Tous voisins du bois des Brosses , et n’ayant intérêt
à traiter que pour pacager dans celui-là.
�_ ( 5 )
Contre les autres individus qui avaient été condamnés
contradictoirement, et qui avaient interjeté appel au
parlement : lequel appel avait resté indécis par la négli
gence du tuteur de la dame de Caponi.
C ’est en cet état que lesdits habitans, ayan t appris
que ladite dame avait fait la recherche de ses titres et
allait poursuivant le procès, demandèrent à prendre
connaissance desdits titres, pour transiger, si le droit
était fondé.
v .rllors l’acte constate que les sieur et dame Maréchal
communiquèrent auxdits liabitans et à leurs conseils;
i.° trois litres de i 5 i o , i 53 o, i 5 yo et 1648 5 2.0 un
échange de la terre fait en 1 5 7 2 , entre le sieur de
Beaucaire et Jeau de B a y a r d j 3 .° le conlrat de vente
de la m ê m e terre
consenti au sieur Alexandr e de
C a p o n i , le 21 juillet i 5 8 2 ; 4.0 trois ave ux et dénom breniens de 1 6 0 9 , 1664 et 172 6 ; 5 .° une sentence
du 20 mars
i
6 3 i , qui condamne tous les habituas de
. la lerre , du nombre desquels était François V i a r d , à
p aye r le droit de blairie audit sieur de Caponi ■6.° une
transaction passée entre ledit François Viard et le sieur
Gilbert de C a p o n i, portant reconaissance du droit de
blairie par ledit V i a r d , pour le droit de pacage de ses
métayers et locataires ; 7.0 un reçu affirmé du i . cr sep
tembre 1 6 7 0 , par D u m o u l i n , f erm ie r , qui déclare
avoir reçu le droit de blairie et pacage de tous les j u s t i
ciables ayant bestiaux ,* 8.° quatre sentences rendues
en 1 7 1 7 ? et nombre infini d’autres sentences, qui con
damnent les justiciables au droit de blairie, sans appel
n i opposition*
�m
E t après avoir v a ces l i t r e s , l ’acte porte que Iesdiis
Belavoine et autres les jugeant suffisans, et ne pouvant
opposer la prescription à cause des minorités arrivées
dans la famille C a p o n i , et prévoyant bien que quand
ils gagneraient leur procès, ils se trouveraient privés,
c o m m e les forains et amendables, s'ils n ’étaient afTorestés, du droit de pacager dans un téne ment de bois,
dont la propriété appartient à ladite d a m e , vulgai
rem en t appelé le bois des B rosses, qui se coniine, elc.
dans lequel bois des Brosses lesclits seigneurs de L a fo n t
:ont ¡de tout tems laissé pacager les bestiaux de leurs
justiciables, à cause de la perception faite par “lesdits
seigneurs‘ dudit idroit de blairie.
A prè s ces préliminaires , l ’acte porte que lesdits
•Belavoine et autres liabitans ont'ofiert de payer doré
navant ledit droit de b l a ir i e , mais q u ’ils ont supplié
les sieur et dame Maréchal de leur faire remise de tous
les fra is. En co n s é q u e n c e , les-parties traitent et tran
sigent par transaction sur pr oc ès , ainsi q u ’il suit:
«• Savoir est que lesdils justiciables comparans, tant
«■p o u n e u x que pour leurs successeurs à venir, se sont
a volontairement et u n a n i m e m e n t , chacun en droit
« soi, soumis et obligés de p a y e r , servir et porter, îï
<r chacun jour de saint Ju lien , au mois d ’a o û t , audit
« château et baronnie de L a f o n l , l e susdit droit de
« blairie sur le pied ci-dessus fixé d ’une-coupe de'blé
« soigle, mesure Saint-Pourcain, par chaque paire de
a bœufs ou vaches lubourant, et deux sols six deniers
« pur chaque maison.de journaliers ou locataires tenant
�(7 )
« fea et besliaux non la b oura nt, dans l ’étendue de
«• ladite justice; et ce , pour tenir lieu de la fa c u lté de
«. pacage, ci-devant expliquée : le tout ainsi accepté par
a ladite dame sous l ’autorité dudit seigneur son mari;
<r Lesquels seigneur et d a m e , en conséquence, ont con«. tinué d'accorder a u x d its Justiciables comparons ,
« pour e u x et les le u r s, ledit droit et fa c u lté de p a «. cager dans son su sd it bois des B rosses, ci-devant
« confiné, à la charge néanmoins par lesdits justi
ce ciables de se conform er à l ’ordonnance des eaux et
«. f o r ê t s , et sans pouvoir par lesdits justiciables faire'
« pacager leurs dits besliaux dans les autres bois, plants,
« terres, hernies et vacans, vu que lesdits judiciables
« n ’y ont aucuns droits ni d'usage généralement quel« conque appartenans et dépendans de ladite baronnie,
<
*■¡tout lequel surplus de bois, de quelque* espèce que
«■ce. pu isse, places et terres, hermes et vacans dé
te.meurent expressément réservés à ladite dame pour
« jouir et disposer co mme elle avisera ; et quoique
« ledit étang_de ris se trouve placé dans ledit ié ne m en t
» des Brosses, et en faire partie, ne pourront lesdits justiciables comparans y retenir leurs bestiaux de garde
« f a i t e , tel qu’il fut décidé par la susdite transac tion
k
« du i l septembre i 6 8 3 , et ainsi q u’il a toujours été
d ’ usage , et par -condescendance de la part desdits;
« seigneur et dame comparans , pour leurs sujets et
« justiciables comparans, ils leur ont accordé : Que lors« que ledit bois se trouvera en état de coupe, pour la
«• facilité desdits justiciables, el pour leur procurer .une
�(8 )
« continuité de liberté de pacage dans ledit bois, lesdils
« seigneur et dame leurs successeurs et a y a n t- c a u s e
« ne pourront en faire exploiter que la moitié à la
« fois au plus, et la coupe con li gu ë, de façon q u’en
« tout tems il ne puisse y avoir que la moitié desdits
«• bois en défense , et l ’autre moitié libre pour le pa
ir ca ge , et m ê m e veulent rien encore, qu’ après l ’exploi« tation de la première moitié, ne puisse être coupé
« et exploité que cinq ans après l’exploitation de
«r ladite première m o i l i é , pour être ainsi observé à
« jamais successivement à chaque ouverture de coupe
« desdits bois, ce qui aura lieu dès la présente année;
« que Lesdits seigneur et dame feront diviser lesdits
« bois en d e u x parties, pour demeurer La m oitié d'¿ceux
« en défense pendant cinq a n s , quoiqu’ils n’en fissent
a pas faire l ’exploitation; et l ’autre moitié demeurera
« libre pendant ledit tems, pour être ensuite en défense
r- pendant les cinq ans qui suivront ladite première dé'« fense, et ainsi successivement, co m m e dessus; font
« remise des frais q u’ils étaient en droit de répéter
« contr’eux ; se sont lesdits seigneur et dame compa<r rans réservé de poursuivre , faire reconnaître ou
« amender tous autres leurs justiciables absens et non
« comparans pour raison dudit droit de blairie, et dé« laissent le sieur Larbaud , ci-devant fermier de ladite
« baronnie,
se faire paye r des arrérages dudit droit
« de blairie co mme il avisera b on; et au m oye n de tout
« ce que dessus les parties demeurent hors de cour et
« de procès sans dépens. Fait cl passé, etc.«
Le
�(9 )
L e 6 mai 1 7 5 5 , six autres individus se préservèrent
pour adhérer a ladite transaction.
L e 20 décembre 1 7 5 7 , elle fui encore approuvée et
rendue com m un e à six habitons.
- L e 9 janvier 1 7 5 9 , il y eut encore acte de ratifica
tion par quatre autres habilans.
-Ces transactions terminèrent toutes les difficultés, et
furent pleinement e x é c u t é e s ; s’il y eut quelques vols
commis par des individus autres que ceux qui avaient
traité, ils furent réprimés par des procès-verbaux des
gardes.
- E n 1 7 7 9 , la maîtrise de Monmarault fit une dé
m a r c h e ' q u i , à supposer qu’elle ne fût pas provoquée
par le sieur Belavo in e, éveilla au moins son attention,
et lui donna l’idée de la tourner entièrement à son
profit.
L e 14 avril 1 7 7 9 , le procureur du roi de cette m aî
trise donna un réquisitoire portant qu'il avait été in
formé de beaucoup d ’abus et désordres qui avaient lieu
dans les bois de plusieurs com m unauté s, notamme nt
celles de B r o u t, Saint-Pont et T o r i g e ; que la collecte
de Brout, située en la justice de L a f o n t , était en pos
session de deux bois appelés Bois-Dieu et S e r v o i r o n ,
à l ’égard desquels aucunes règles n’étaient établies,
ni aucunes dispositions de l’ordonnance de 1 769 suivies;
que ces b o i s ‘ étaient exposés au pillage des habilans,
qui exploitaient en tout tems de l’année sans demander
aucune délivrance ni laisser aucun canton en réserve.
E n c o n s é q u e n c e , il demanda permission d ’assigner
3
�( 10 )
B o n a m o u r , sy nd ic, pou r procéder à ¡’arpentage et
bornage des bois, prés et c o m m u n a u x , pour en êlre
mis un quart en réser ve , et jusque là être défendu de
couper.
L e m êm e jour intervint une ordonnance du lieute
nant particulier qui permit d’assigner, et fit des dé
fenses aux liabitans de Brout de faire aucune coupe.
A v a n t que cette requête fût signifiée, il paraît que
le sieur Belavoine fit faire une assemblée d ’habitans,
le vingt-trois mai 1 7 7 9 , par laquelle il fut délibéré
qu’on le nommait sy nd ic, et qu’ il serait chargé de d e
mander le partage du bois des Brosses et du bois Servoiron. En eflèt , il paraît que , sous le nom desdits
liabitans, il fui présenté requête en la maîtrise de M onmarault pour demander ce partage.
Cela fut fait avec plus de précipitation que les dili
gences mêmes du procureur du roi j car ce n’est que le
dix juin 1780 qu'il donna assignation à Belavoine >
syndic, aux fins de sa requê te, et pour être condamné en
une amende de mille francs , résiliante des malversa
tions qui avaient été commises dans les bois ci-dessus.
Jusque là tout se passait à l’insçu du propriétaire de
ces bois. Mais si on en croit le sieur Belavoi ne, et des
copies d ’actes q u ’il a fait extraire, il paraîtrait que le
sieur M a r é c h a l , simple usufruitier de la terre de L a
font , com m e tuteur Légal de son fils, demanda, en la
m êm e maîtrise, le triage de trois cantons de bois énon
cés en sa requête.
L e g r a n d - m a î t r e des eaux et forêts donna, le .25
�(
):
juillet 1780 , un mandement porlant qu'il serait dressé
procès-verbal de l’état des lieux, et q u ’il serait fait rap
port des litres en vertu desquels les liabitans prélendciient des droits sur lesdits bois.
■
Ce
procès-verbal fut dressé par le lieulenant de M on -
m a r a u l t , l e 20 septembre 1780. Il vérifia, i . ° q u e S e r voiron était composé de quarante a r p e n s , et que tout
le bois était détruit; 2 ° que le Bois-Blanc était composé
de quinze arpens, et que le bois en était de m ê m e dé
truit ; 3 .° que les Brosses était composé de trois cents
arpens ; que la superficie en était bien couverte de
ch ênes, dont la moitié était en bon éla te t l’autre moitié
dévaslée , parce qu étant p lus à 'la proxim ité des d o
maines , elle était p lus exposée au pillage des d élin
quants et a u x bestiaux.
Il ne paraît pas q u e , lors de ce procès-verbal, Belav o in e , synd ic, se fut mis en devoir de rapporter au
cune espèce de titres réclamés par le mandement du
grand-maître.
L e 20 janvier 1 7 8 1 , le procureur' du roi donna assi
gnation au sieur Marien M a r é c h a l , et au syndic des
liabitans de Brout , à comparoir, le 2 mars su iv a nt,
afin de rapporler leurs litres pour en être dressé procèsverbal, ainsi que des dires des parties.
Dans cet intervalle, G il b e rl-H e n ii Maréchal devint
majeur de c o u t u m e , et eut pour curateur le sieur Gil
b e r t -Françoi s
de Caponi son oncle. Il comparut au
procès-verbal du 2 mars : il produisit les titres q u ’il
avait dans cet instant en sa possession ; et ce procès-
4
�C 12 )
ve r b a d u 2 mars 1 7 8 1 , que le sieur Belavoine a produit,
comme lui étant avanta ge ux , et dont le sieur de R o cliefort rapportera les expressions textuelles, va prouver
deux choses bien essentielles : la première, c'est que
le sieur M aré ch al fils , seule partie capable de prendre
des conclusions pour la terre de La font , y réclame
expressément la propriété exclusive des bois co nten
t i e u x , et ne dit pas un mot du tirage ; la seconde., c ’est
que le sieur B e la v o i n e , qui fait aujourd’hui une que
relle au maire de Brout , en ce qu’il ne rapporte pas
des litres de propriété relatifs au bois des Brosses, n’eu
produisit lùi-mêm'eaucun, lorsqu’il était assigné, co m m e
s y n d ic , pour en produire.
On voit dans ce procès-verbal du 2 mars 1 7 8 1 , qu e
M . Palrocle Camus , procureur du sieur Maréchal fils,
produisit plusieurs titres, sentences et b a u x à c e n s ,
dans le terroir m êm e du bois des Brosses : « de tous
«• lesquels titres produits et rapportés par ledit seigneur
« de L a f o n t , ledit M. C a m u s ,s o n procureur, a re m on
te tré pour l ui, qu'il résultait que la propriété foncière
« du bois des Brosses et B o i s - B l a n c a de tout tems
«r appartenu audit seigneur de L a f o n t - S t . - M a g e r a n d ,
« co m m e faisant partie de ladite terre, et aux droits
« inséparables de sa justice, et que les habilans domi« ciliés dans [l’étendue de la justice de ladite baron« nie de L afon t n ’y ont jamais eu d ’autres droits q u e
« la faculté de la vaine pâture pour leurs bestiaux,
« q u e leur ont accordés leur-seigneur, ainsi que dans
.« les autres places, terres, hernies ou vacans, situés
�C 1 3' )
«• dans la circonscription de la m ê m e juslice.........
Qu&
« q u a n d les seigneurs leur ont accordé cette même
«■f a c u l t é , de laquelle ils jo u isse n t encore , ils n ’ ont
« point, entendu donner atteinte à leurs droits de pro
ie priété particulière ; q u ’ils se sont au contraire touce jours conservés, ainsi que le démontrent les actes
« ci-dessus p r o d u i t s ...... Que quand les justiciables se
« sont aidés du pâturage des susdits bois, ce n ’a été
«■
’ que par le droit de pure f a c u l t é , et non par dr oi t
« de servitude ou foncier , d’où il ne peut résulter
r aucun droit réel en leur faveur.......... Q l i e > sans ces
« concessions, lesdits habitans ne pouvaient envo ye r
« pâturer leurs besliaux dans les bois et autres places,.
«• te rr es , hermes et vacan s, sans s’y exposer à une
« amende envers le seigneur propriétaire du fonds
«- desdils b o is , places, terres, hermes et vacans.........#
cc Qu e le seigneur de Lafont a l u i - m ê m e un étang
« provenant du bois des Brosses ; cet étang étant dans
« ledit b o is , et c e , de tant d’a n c i e n n e té , q u’il n’est
« mémoire du contraire.......... Si les seigneurs de L afon t
« avaient entendu concéder à leurs justiciables un droit
« de propriété exclusif sur le bois des Brosses et autres,.
« dans lesquels ils avaient bien voulu leur continuer
« seulement la faculté de la vaine pâture, auraient-ils
« pris, et auraient-ils eu le droit de
fa ir e
des conces-
«■
’ s ions de partie d u d it bois des B rosses, à cens et
«-censives emportant toute directe et seigneurie; s’ils,
« n’en avaient pas été les seuls propriétaires, leurs
« justiciables n’auraienl-ils pas formé opposition à ces,
�( I4 )
« concessions, ainsi q u ’à rétablissement dudit étang... ?
« Q u ’aiasi les seigneurs de Lafont n’ont jamais entendu
« accorder à leurs justiciables aucun droit de propriété
« dans lesdils b o i s , ni partager le droit de propriété
«r a vec e u x ........ Que la transaction de 1 7 5 5 a ach ev é
« de convaincre de la propriété exclusive des seigneurs
<r de L afon t sur le bois des Brosses et autres..... . Que
« les justiciables ne prélendaient pas alors que lesdils
« bois des Brosses fussent c o m m u n a u x , q u ’aulrement
« ils n’auraienl pas manqué de se conformer à l ’or«• donnance ; qu ’ils n ’auraienl pas m anqué non plus
et d ’en fournir la déclaration au roi, et q u ’ils seraient
ce
imposés au rôle des vingtièmes, pour raison des pro-
cc
duils et revenus desdits bois.... Q u ’ils n’avaient eu jus
te
q u ’à présent d ’autreambition que de se maintenir dans
te la faculté de la vaine p ât u re, et que ce lle intention de
leurpart est pleinement manifestée dans la transaction
te de 1 7 5 5 , où ils bornent m êm e leurs prétentions au
te seul droit de pacager dans le bois des Brosses».
Ce procès-verbal annonçait au sieur Belavoine que
le sieur Maréchal était disposé à défendre sa propriété,,
et à avoir les. y e u x ouverts pour se garantir de toute
usurpation; aussi ne p a r a î t - i l aucune pièce posté
rieure à 1 7 8 1 , et les choses restèrent co m m e elles
étaient auparavant.
'
S’il y eut des dégâts, il y eut des procès-verbaux de
gardes, autant du moins q u ’il était possible de s’appercevoir de ces dégâts qui étaient si faciles à des métayers
voisins d ’ un grand bois, et fort éloignés de toute sur-
�( 15)
veillance; mais il est ridicule de d ir e , c o m m e le sieur
B e la v o in e, que les habilans de Brout continuèrent de
jouir du bois des Brosses.
Ici le sieur Belavoine p lac e, e x abrupto, un procès
auc onse il du ro i, sans dire comment la maîtrise, inc om
pétente à la v é r i t é , mais saisie, aurait cessé d ’être
le juge des parties. Il croit m ê m e qu’il y a eu arrêt du
c o n s e i l , et, c o m m e on s’y attend b i e n , que cet arrêt
condamnait entièrement le sieur Maréchal : ce conle
n ’a pas m êm e le mérite de la vraisemblance.
On lui a assuré dans les te m s , d i t - i l , q u ’il y avait
eu arrêt au profit des habitansde Brout; puis il ajoute
q u ’on demandait une somme très-considérable pour
le lever. Il semble d’abord que le sieur Belavoine a
simplement ouï dire ce q u’il a v e n t u r e , puis il parle
c o m m e s’il était certain ; mais sans doute il devait l ’êt re ,
car il était le s y n d i c , et c ’est à lui q u ’on devait s’adresser
pour ce procès ; il ne fallait donc pas biaiser pour dire
positivement ce q u ’il a dû savoir, ni inspirer des doutes
sur un fait qui sera démenti dans un instant.
L a révolution est su rv en ue, et tout ce que le sieur
Belavoine en dit , c ’est q u ’après avoir nom m é des
arbitres, en exécution de la loi sur les c o m m u n a u x ,
le sieur Maréchal iinit par rendre ju stice aux habilans
de Brout, et renonça à ses prétentions sur le bois des
Brosses.
Mais cette époque ne doit pas être passée si rapi
dement ; et puisque le sieur Belavoine a pris la peine
de retirer de la mairie de Brout touteslespiècesrelatives.
(
�. ( i 6 )
à ce qui s’est passé depuis 1 7 9 0 , à l’occasion du bois des
Brosses, il semble qu’il faut un peu s’occuper de ce qui
a préparé ce prétendu renoncement du sieur Maréchal.
A peine les lois de 1789 eurent - elles porté la pre
mière atteinte aux droits des seigneur s,que les prin ci
p a u x habitatis de Brout s’occupèrent sérieusement de
s’approprier le bois des Brosses. O n com m en ça par le
faire cotiser c o m m e co m m un al, alin de ne plus s’e x p o
ser à l ’objection sérieuse qui avait été faite au procèsverbal de 1781. ( C e p e n d a n t il paraît que le sieur
Maréchal fut aussi cotisé pour les Brosses).
E n s u il e , com m e le village de Brout était devenu une
des 45,000 municipalités de F ra n c e , il y eut une con
vocation du c o n s e i l - g é n é r a l , le 24 octobre 179 0; le
procureur de la c o m m u n e exposa q u ’il fallait délibé
rer sur le défrichement des com m un aux dts Brosses,
Servoiron et Bois-Blanc. Mais , sur cette m o tio n , lej
maire observa que la municipalité ne pouvait y sta
t u e r , attendu q u’il y avait instance pendante en La
'c o u r de M onm araulb, avec M. Maréchal. En consé
q u e n c e , il y eut renvoi au district; le district, à son
t o u r , renvoy a à la municipalité pour donner son avis,
sous huitaine. On assembla les liabitans pour délibérer:
un maçon et un tailleur furent à peu près les seuls qui
votèrent pour un partage à faire le plutôt possible.
L e 11 décembr e 1791 , les principaux liabitans de
Brout ayant jugé le lems plus opportun, firent une
autre convocation; 011 y délibéra, i.° q u ’il fallait véri
fier les usurpations, et que le sieur Maréchal avait
usurpé
�( i7 )
usurpé deux cent cinquante boisselées; z.° que le par
tage des trois bois devait avoir lieu , parce qu'ils étaient
inutiles, et q u ’il conviendrait de les mettre en cu ltu re ,
à cause de la disette des grains,, et pour em pêc her les
liabitans de pâlir. Ce procès-verbal fut signé BeLavoine,
‘ maire.
L e 14 janvier 1 7 9 2 , il y eut une autre assemblée
pou r délibérer le partage; mais il n’y avait à cela que
deux petites difficultés auxquelles M. le maire n’avait
pas pensé ; la p r e m i è r e , c ’est que jusqu’alors aucune
loi n'avait autorisé le partage des com m u naux , à
supposer que ces bois fussent tels q u ’on les dénom
mait; la seconde , c ’est q u ’on arrangeait tout cela sans
'le sieur M a ré cha l, qui avait fait valoir des réclamations
auxquelles on n’avail encore su que répondre.
•
Bien lot arrivèrent les lois des 28 août 1792 et 10
juin 1 7 9 3 ; et alors, il faut en convenir, un seigneur
n ’aurait p e u t-ê l r e pas eu trop beau jeu de réclamer
ce que des communes lui disputaient.
Il y eut une
convocation où le citoyen Bonainour fit un discours,
po ur prouver «• que dans le partage des c o m m u n a u x ,
« il ne fallait pas que les collectes de Lafont abandon« liassent leurs frères de la collecte d’Ecole; que lds
« pauvres co m m e les riches avaient tous les mêmes
« droits, et q u’il ne fallait pas admettre l’ancien ré« g i m e , etc. En co nséq uence , l ’assemblée arrêta avec
a sagesse (,i ) q u ’on se réunirait pour le partage des
( 1) L e procès-verbal le dit ainsi.
�( i8 )
« irois bois et de ce ux d ’E c o le ; que tout serait porté
a à une m êm e masse pour être partagé par tê te , sans
« distinction de s e x e , ni âge».
Cependant tout cela ne dépossédait pas le proprié
taire, et encore fallait-il lui dire un mot de ce q u ’on
voulait faire ; enfin , pour se conformer à ce q u ’exi
geait la l o i , dans le cas où la propriété était contentieuse, l ’agent de la com m un e écrivit au sieur M a r é
chal, le 19 nivôse an 2 , la lettre dont voici l’extrait:
« Cito yen républicain............L a com m un e a n om m é
« deux arbitres et deux experts : il s’agit d’en nomm er
« deu x autres.........; il faut que les droits respectifs
« soient confirmés par un jugement définitif et sen« tence arbitrale, etc. » ( O n ne voit pas p r é c i s é m e n t,
par cette l e t t r e , ni par d ’autres p ièce s, quel était le
mandat donné par l’agent à ces arbitres et experts).
L e 24 du m êm e mois, le sieur Maréchal répondit
q u ’il n o m m a it , de sa part, les sieurs, Destermes et
Bequ emi.
C e n’était pas trop ce qu’on entendait, et quand on
vit le sieur Maréchal disposé à faire valoir ses droits,
on fit jouer les ressorts ordinaires de la te rre ur; elle
réussit, et le sieur Maréchal écrivit à la commune.
« L a loi ne défend pas de régler ses procès ¿1 l'a
rc miable : j ’offre à mes frères, de quatre-vingt-dix à
« cent arpens du bois des Brosses, en propriété ,
«■g r a tis, à prendre du côté de...... (11 indiqua le con« fin ci côté du sieur Belavoine). J ’offre tout Servoiron
« et tout B o i s - B l a n c ; plus, j ’assure à mes frères le
« pacage g r a tis , dans le surplus des Brosses».
�'( i 9 )
Quand un aristocrate avait donné un signe de p e u r ,
toute capitulation avec lui était inutile, car il n’était
plus en son pouvoir de rien refuser. U n personnage
important de cette époque , alla dire en confidence
au sieur M a r é c h a l , que deux représetitans d u peuple
’ arrivaient a Moulins, pour prononcer sur le sort des
suspects; que les anciens censitaires publiaient haute
m ent qu’il était un modéré égoïste ,■et q u e , si cette
•terrible qualification allait jusqu’aux-oreille? des repré
s e n t a i , il était perdu.
•
Aussitôt l ’épouvante s’empara de l ’a (ne du sieur
M a ré ch al : il prit la plume incontinent, et écrivit à
l ’agent de B r o u t, le 24 germinal an 2 , ce qui suit :
- a Citoyen..........J e te prie de dire à tous mes con « c ito ye ns , que je ne suis point égoïste , et q u ’ils
» peuvent prendre les Brosses ».
V oilà la pièce importante que le sieur Belavoine
appelle un abandon de propriété.
- L a terreur'sommeilla quelque tenis en l’an 3 , et
le sieur M a r é c h a l , un peu e n h a r d i , f i t , à ce q u ’il
paraît, quelques démarches pour en revenir à ses pré-y
tentions ; car on voit par 'une lettre de l’a g e n t , en
date du
22
pluviôse an 3 , qu’il écrivait au sieur
Maréchal : « N ou s sommes forcés de vous dire que les
« lois, concernant les c o m m u n a u x , seront .inévitablece mont à l ’avantage de la c o m m u n e .........Vous pour» rez apporter vos titres, le jour q u ’il vous plaira, et
» vous expliquerez vos moyens ».
Peu de tems après survint la loi de sursis au par-
6
�(
)
tage d^s co m m unaux ; l ’agent en donna la nouvelle
au sieur M a r é c h a l , le 3 o prairial an 4 , en ajoutant :
'«• Vous connaissez l ’esprit turbulent des habitans , je
« crains qu’ils ne se portent à quelque e x c è s ; il est
« inutile de vous rendre ici ■
».
Les choses en restèrent donc où elles en étaient ;
les habitans de Brout ne purent pas partager le pr é
tendu c o m m u n a l , à cause de la loi du sursis, et par
conséquent le sieur Ma ré chal n ’en fut pas dépouillé.
Personne n ’a eu idée de se prévaloir d’ un simulacre
de donation arrachée à la terreur d ’un vieillard ,
simple usufruitier, et d’ailleurs non revêtue d ’aucune
espèce de formes.
L a terre de L a f o n t , co m m e il a été déjà dit, ap
partenait au sieur G i l b e r t - H e n r i Maréchal , fils de
Marien , q u ’on tourmentait en l ’an 2 , pour lui faire
donner ce qui n ’était pas à lui. L e sieur Maréchal
fils a vendu ses droits au sieur de Rocliefort , son
bea u -f rè r e , qui est propriétaire actuel de la terre de
L a f o n t , et par conséquent des bois qui n'ont jamais
cessé d ’en faire partie.
E n l ’an 1 0 , on avertit le sieur de R oclie for t, que
les métayers du sieur Belavoine commettaient des dégâts
journaliers dans le bois des Brosses;que sous prétexte
d ’ y introduire des bestiaux, pour les y faire pacager,
ils coupaient des arbres, et en arrachaient les souches;
en con séq ue nce , le 24 nivôse an t o , il assigna le sieur
Belavoine au tribunal civil do Gannat, pour voir dire
q u’il serait maintenu au droit de propriété dudit bois
�( 21
des Brosses, avec défense audit B e l a v o i n e d ’y faire paca
ger, couper des arbres, et arracher des sou ch es , et pour
être condamné en 1,200 fr. de dommages-intérêts.
Belavoine demanda copie des titres sur lesquels était
fondée la demande ; on lui signifia la transaction de
1 7 5 5 , et il se laissa condamner par défaut , le 18
avril 1806.
Il forma opposition à ce j u g e m e n t , en disant, i.°
.en la f o r m e , que la demande était nulle, co m m e ne
contenant pas les lenans et aboutissans; 2.0 au f o n d s,
que l ’acte de 1 7 5 5 était un titre féodal; qu’il n’avait
pas été homologué au conseil.
. A v a n t le jugement par d éfau t, et le 7 f évrier 1806,
le sieur Belavoine sentant bien qu'il inspirerait plus
d ’intérêt, au nom d ’une c o m m u n e , que pour lui s e u l,
alla exposer au conseil municipal de B r o u t, que le
m oment était venu d ’obtenir enfin le bois des Brosses
si on voulait le seconder ; qu’il était muni de tout ce
q u ’il fallait pour réussir, et qu’il se chargeait de suivre
le procès, et faire toutes les ava nce s, pourvu q u’on
lui donnât l ’autorisation de plaid er, au nom de la
commune. E n conséquence de ces offres si génér eu
ses (1 ) , le conseil de la commune arrêta q u’il prenait
le fait et cause du sieur Be lavoine; nomma le sieur
B on am ou r, membre du conseil, pour agir de concert
(1) L e sieur Belavoine a aujourd’hui dix domaines ou locateries avoisinant le bois des Brosses ; aussi ce bois n’a vraiment
d ’intérêt que pour lui seul.
�( aa )
avec lui; et donna pouvoir iant audit Belavoine q u ’au
.
.
dit Bonamour de défendre à la demande du s.r R o c h e fort, former demandes incidentes , etc. L e sieur Bela
voine se chargea expressément de faire les avances.
Cet arrêté fut en effet homologué par le p r é f e t , qui
autorisa le m aire, ou Les fo n d é s de pouvoir, nommés
par le conseil, à plaider devant les tribunaux.
M u n i de cet arrêté, le sieur Belavoine commença par
signifier une écriture, le 12 mars, en son nom particu
lier; puis, au lieu d ’user l u i- m ê m e de son mandat , il
assigna le sieur D e c o m b e , m aire , devant le tribunal de
Gaunaf , pour être tenu de prendre son fait et cause;
et faute de ce f a ir e, être condamné en ses dommagesinlérêts à donner par déclaration.
L e maire répondit en défenses que cette demande
endommages-intérêlsétaitfort indiscrète;que Belavoine
attaqué n ’avait q u’à faire valoir ses moyens ; que la
co m m une n’avait pas contracté l ’engagement de faire
des frais pour l u i , et que quand on lui disputerait ses
droits à elle-même, elle saurait se défendre.
Sur toutes ces demandes, intervint jugement à G a n nat , le 21 novembre 1806, qui maintint le sieur de
Rocliefort dans la propriété du bois des Brosses, et
ordonna néanmoins , avant faire droit sur les dommages-intérêts, que le sieur de Rocliefort ferait preuve
des dégradations, par lui articulées, contre le sieur
Belavoine , en coupant des arbres ou arrachant des
souches. IiC maire de Brout fut renvoy é de la demande
formée contre l u i, avec dépens.
�(
23} ,
,
Les motifs de ce j u g e m e n t , à l ’égard du sieur de R o
chefort , sont fondés : i.° en la f o r m e , sur ce que le
sieur Belavoine n’avait proposé la nullité de l’exploit
q u ’après avoir donné des moyens au fon d, et sur ce
q u ’il n’y avait qu'un seul bois des Brosses; 2.° au fond,
sur ce que la transaction de i y 55 prouve que la pro
priété réside sur la tête du sieur de R ochef ort , puisque
ses auteurs concédaient le droit de pacage; que le père
du sieur Belavoine est partie audit act e, qui ripest q u ’un
traité sur des intérêts p r i v é s , et lion sur ceux de la
c o m m u n e ; et enfin , que cet acte de i y 55 n’est pas
entaché de féodalité.
L ’enquête ordonnée eut lieu ; elle ne parut pas con
cluante aux premiers j u g e s , qui renvoyèrent le sieur
Belavoine de la demande en do mmages -in térêfs, par
jugement du i 3 mars 1807. U n e chose essentielle à
remarquer dans ce j u g e m e n t , c ’est que le sieur Belavoine
ne voulait supporter aucuns dép en s; et pour cela, il
fit plaider qu il n avait f a i t aucune d ifficulté au sieur
da R ochefort sur La question de propriété, et que le
procès n’avait eu lieu que pour les coupes d’arbres à
lui imputées.
L e sieur Belavoine a interjeté appel de ces deux j ugemens, et a intimé aussi le sieur D e c o m b e , maire. Ii
parait m êm e que le sieur Belavoine a spéculé princi
palement sur l’acharnement q u’il mettait contre le sieur
D e c o m b e , p o u r se rendre plus intéressant, et persuader
à la cour que s’il n’a pas de titres à produire, c ’est que
le maire ne veut pas les communiquer.
�( 24 )
Dans une première plaidoirie du 23 novem bre 1807,
le sieur Belavoine s’est attaché à présenter à la cour
les défenses données par le sieur Decornbe devant les
premiers juges, et à tirer parti des expressions les plus
éq u ivo q u es, pour en induire que l ’intérêt de la com m un e
était compromis, et se montrer l u i- m êm e co m m e obligé
de disputer une propriété c o m m u n a l e , sans pouvoirs et
sans titres.
L a cour a cru devoir ordonner , par son arrêt du
23 novem bre 1 8 0 7 , que les liabilans de Brout s’assem
bleraient de nouveau pour s’expliquer sur lesdites d é
fenses et a autorisé le sieur Belavoine à faire la re
che rc he de tous titres et procédures q u ’il pourrait d é
c o u v r i r , e t notamment de ce qui pouvait être dans les
archives de Brout.
L e 22 février 1808 , le sieur Belavoine mène un no
taire de R io m chez le maire de B r o u t ; c e l u i - c i lui
présente des liasses et papiers. L e sieur Belavoine veut
autre ch os e; on verbalise, et il paraît que rien n ’est
inventorié. D e l à , on va chez un adjoint de la mairie:
il n ’y a rien. .
,
.
L e 20 mai 1808, le sieur Belavoine o b ti e n t, contre
le'.maire , un arrêt par défaut portant q u e , dans trois
jour s, il déposera au greffe une liasse cotée n.° 4 , et
une lettre du sieur de Rochefort.
L e maire y a formé opposition en se plaignant de
ce que dans le procès-verbal du notaire il y avait deux
erreurs notables; l ’ une en ce q u’ il avait dit avoir lu
sur la liasse n.° 4 '.tra n sa ctio n , piece importante ,* ce
qui
�( 25 )
q u i n’était pas ainsi ; 2.° en ce q u ’il avait dit n’avoir
trouvé
aucune
pièce dans ladite liasse, tandis q u e , de
toutes celles énoncées sur l ’enveloppe , il ne manquait
que la transaction (1).
T e l est l’état actuel de la cause. L e sieur Belavoine
la divise en deux chapitres. Il prétend, dans le pre
m ie r , que la demande est mal dirigée contre lui, parce
q u ’il s’agit d’une propriété communale , ‘appartenant
•à tous les liabitans , et que d’ailleurs il n 'y avait lieu
qu'à reprendre le procès pendant en la maîtrise de
üVlonmarault, en 1780 , et pendant devant des arbitres
en 1793. Il p r é t e n d ’, dans le deuxième chapitre, que
le’ siëur de Rocliefort ne rapporte aucun titre de pro
prié té, i.° parce que la transaction de 17 5 5 n ’est q u ’ une
(1 ) L a comtnunicaiion qui vient d ’étre prise de cette liasse
n.° 4 , porte en intitulé: P a piers rela tifs a u x com m unau x ,
dém arcation avec S a in t-P o n t ; i.° procès-verbal de dém arca
tion , h om olo g u é au. départem ent, du 26 germ inal an 4 ; 2 ° ar
r ê té de radm inistration co m m u n a le, des 26 pluviôse et 4 prai
ria l an 9 , date de la demande de cédule du ju g e de p a ix .
O n a ajo u té, d ’ une autre plume , au-dessus de cet intitulé :
Com m unaux de B r o u t , les B rosses, B o is - B la n c , S a in t-P o n t,
avec transaction
1 Au-dessous de cela, on lit: Procès-verbal de démarcation ,
p ièce importante.
r .Cette pièce importante est dans la liasse, et ne contient pas
même mention du bois des Brosses.
L a lettre du sieur de Rochefort contient une proposition de
faire des sacrifices pour vivre en bon voisin avec la com m une;
mais en déclarant qu’il a toujours élé propriétaire du fonds, et
avec réserves contre le sieur Belavoine.
7
�( ^ )
copie de copie ; 2.° parce q u ’elle n’est passée q u ’a v e c
des particuliers, et ne peut obliger les habit ans; 3 .° parce
q u’il résulte de cet acte de i y 5 5 , et de lousles titres pro
duits par le sieur B e la v o i n e , que les Brosses sont une
propriété comm unale ’*de Brout ; 4.0 que ledit acte de
1 7 5 5 n ’a été passé q u ’avec des particuliers, et ne peut
obliger des habilans ; 5 .° parce que cet acte n’attri
buait le bois des Brosses au seigneur de L a font, q u ’à
causô de sa justice, c o m m e tous autres liermes et va cans, et que les lois de 179 2 et 1793 rendent ces pro
priétés aux communes. L e surplus du mémoire du sieur
Belavoi'ne est dirigé contre le sieur Decombe.
11 s’agit de parcourir ces divers m o y e n s , et de les
discuter dans le m ê m e ordre.
M O Y E N S .
L a demande du. sieur[R ochefbrt esL-elle bien dirigée ?
Si elle ne l ’était pas, il serait un peu tard pour s’en
app er cev oir; car le sieur Belavoine a donné des dé
fenses au fond en l ’an 12 et en 1086 , sans conclure
préalablement à la fin de non-recevoir.
A la vérité , il a bien dit dans ses défenses que le
bois était c o m m u n a l , e t que d’après cela il fallait mettre
en cause le corps commun des liabitans. Mais ce n’était
là q u ’une prétention fondée sur un fait à éclaircir, et
ce n ’est pas ce que la loi exigeait de lui s’il voulait atta
quer la demande.
L'ordonnance de i 6 6 y porte que dans les excep-
�C 27 )
lions ou défenses, il faudra d’abord proposer les d é clinatoires, nullités d ’ex p l oi t, et autres fins de norirecevoir , pour y être préalablement f a i t droit,
L e sieur Belavoine n’ayant donc pas pris des c o n
clusions préalables en.fins de n o n - r e c e v o i r , el ayan t
au contraire défendu au f o n d , ne peut plus aujour
d ’hui repousser la. demande c o m m e mal dirigée.
D ’ailleurs, n ’est - ce pas un abus de raisonnement
que de vouloir q u ’ un propriétaire ne puisse pas attaquer
celui qui viole sa propriété , sous prétexte q u’ une c o m
m un e pourrait avoir des prétentions sur le.local conten
t i e u x ? E s t- c e au propriétaire à provoquer ou deviner
ces prétentions? Et quelle serait 1’élrang.e action q u ’il
aurait, dans ce cas., à intente r? Il serait difficile de
l ’indiquer.
Ev idem m ent le sieur de Rochef ort ayant à se plaindre
d’ un trouble de la part du sieur Belavoine., n ’a eu
d’action que contre l’auteur du trouble. Si c e l u i - c i ,
en une qualité que lco nq ue, prétendait avoir droit au
l o c a l , c ’était à lui à le faire valoir seul, ou à mettre
en cause ceux qu’jl aurait cru avoir un droit égal au
sien. C ’est précisément ce qu*a fait ie sieur Belavoine.
Il.es! donc bien singulier q u’il vienne aujourd'hui cri
tiquer sa propre procédure.
,
Quant ii la litispendance que le sieur Belavoine dit
(pag. 2o),exister entre le seigneur de Lafont et la c o m inuneide B r o u t , d’abord en la maîtrise de M onm arault,
avant la révolution , et puis devant des arbitres, en
8
�(
2
8
}
exécution de la loi du 10 juin 1 7 9 3 , le sieur B elavo in e,
sur ce poin t, ne s'entend pas bien avec lui-même.
Il disait d’abord que le dernier état des choses, avant
la rév o lu tio n , était un procès au conseil, ainsi q u’il
résultait d’ une consultation signée Cocliu.
A i n s i, lequel des procès faut-il reprendre ? co m m ent
le r e p r e n d r e , et à quoi conclure ? car aucune des
parties n'a de pièces , et personne ne sait quel était
le dernier er rement , ni les conclusions réglées.
Est-ce le triage q u’il faudrait demander aujourd’hui
pour obéir au sieur Belavo in e? M a i s , cette action est
éteinte par les lois, et les procédures sont déclarées
c o m m e non avenues.
Cette abolition au reste n’ôte pas les droits des pro
priétaires, seigneurs ou non. L a loi a bien considéré
que plusieurs seigneurs avaient pu être dans le cas du
sieur Maréchal , c ’est-à-dire, q u ’ennuyés
des dégâts
commis par leurs usagers, ils pouvaient avoir préféré
un triage pour s’exempter de toute servitude , et il
aurait été injuste de prendre droit du sacrifice q u ’ils
voulaient faire , pour leur' ôter m êm e leur propriété.
C ’est pourquoi la loi du 27 septembre 1790 a donné
idée a u x ' s e i g n e u r s , de remplacer l ’action en triage
par une autre demande.
« Il n’est nullement préjudicié, par l ’abolition du
« triage, aux actions en cantonnement , de la part des
« propriétaires contre les usagers de bois, prés, m a « rais et terrains vains ou vagues, lesquelles continue« ront d’être exercées co m m e c i - d e v a n t , dans les cas
�( *9 )
«r de droit, et seront portées devant les tribunaux de
« districts*. (A rti cle 5 ).
Si donc la loi, en abolissant le tr i a g e , a permis aux
propriétaires d ’agir en c a n t o n n e m e n t, par action n o u
v e l l e , elle leur a permis aussi par la m êm e raison d ’a c
tionner les prétendus usagers pour les dégâts par eux
commis , lorsque les propriétaires ne jugeraient pas à
propos de demander le cantonnement.
Ain si, quand le sieur M aré chal, simple usufruitier,
et tuteur de son fils , aurait pu compromettre ses droits,
et conclure à un triage , cette demande n’existe plus,
et ne devait pas être reprise.
, ,
Elle n’existait plus m êm e en 1 7 8 1 , puisque le procèsverbal du 2 m a r s , prouve que le sieur Maréchal fils
articulait expressément être propriétaire exclusif du
bois des Brosses, et ne consentait à laisser aux liabitans,
dénommés en la transaction de 1 7 ^ 5 , q u ’ un droit de
pa c a g e , moyennant redevance.
Il y avait , dit le sieur Belavoine , procès à M011marault, sur la propriété du bois des Brosses.
• L e fait est controuvé; ce procès n existait pas, et
ne pouvait pas exister.
• C e procès n’existait pas : car on ne voit aucunes
conclusions, ni d e l à part des liabitans contre le sieur
M aré ch al, ni d e l à part du sieur Maréchal contre les
liabitans; il n’y en avait que de la part du procureur
du roi qui était d e m a n d e u r ,
et chacune des autres
parties n’était appelée que pour répondreà sa de m a nde,
et justifier de ses titres.
�( '3 ° ) >
C e procès ne pouvait pas exister; car l ’ordonnance
des eaux et forêts, art. 10 du lit. i . er, « d é f e n d aux r
« maîtrises de connaître de la propriété des eaux et
« bois appartenant aux communautés ou particuliers,
« sinon q u ’elle sera nécessairement connexe à un fait
« de réformalion et visitation , ou incidente et propo« sée pour défense à une poursuite ».
Ainsi la niaîtrise de Monmarault aurait bien pu.
connaître de la propriété alléguée contre la demande
du procureur du ro i, mais non de la propriété entre
le sieur Maréchal et les liabitans, parce q u ’elle n’é l a i t
pas l ’objet de la dem ande; et l’article prouve -même
q u e , si le procureur du roi avait intenté son a ctio n ,
pour faire juger celt e pr opriété, la maîtrise aurait été
par cela seul incompétente.
Il n’y avait donc pas lieu à reprise du prétendu
procès de la maîtrise de Monmarault.
»
Est-ce encore le procès du conseil qu’il fallait repren
dre? Mais si la maîtrise n ’a rien j u g é , et si la contes
tation élait ven ue de piano au co n s eil , une semblable
procédure est nulle de plein droit. Car la loi du 27
septembre 1790 compte pour rien les arrête du con
seil, rendus en première instance sur des questions de
propriété entre les seigneurs et les com m unautés d 'h a b ila n s,• et veut que le procès soit rec om m en cé devant
les tribunaux de district.
C ’est donc un procès de 1793 q u ’il fallait repren-
�( 3i )
dre; mais, où sont encore les demandes et les conclu
sions prises? L e sieur B elavo in e, qui a ioul fait copier ,
n ’eu a trouvé aucune. C ep endant, pour reprendre un
procès, il faut nécessairement fonder la reprise sur les
conclusions déjà existantes; car c ’est en elles seules
que le procès consiste.
O n ne voit en 179 3 que des lettres missives, portant
nomination d’arbitres; et on n’intente pas un procès
per epistolarn, aut per nuntiuqi.
D ’ailleurs, q u’y a - t - i l de co m m un entre les arbitres
forcés de 1 7 9 3 , et la demande intentée en l ’an 10, par
le sieur de R o c h e f o rt?
C e n’est pas le sieur de Rochef ort qui est non-recevable pour avoir mal dirigé sa demande; c ’est le sieur
Belavoine qui est non-recevable à contester sur l ’appel
ce q u ’il ne contestait pas en première instance, c ’està-dire , la propriété du bois des Brosses.
C ’est lui qui signifia le jugement du 21 novem b re
1806, par lequel le sieur de Rocliefort est jugé proprié
taire exclusif du bois des Brosses.
A v an t d ’interjeter a p p e l , il p l a id a , le treize mars
1807 , q u’il ne devait a u c u n s dép ens, parce qu il a avait
f a i t aucune d ifficu lté sur
la
p r o p r ié té
d u sieur de
Rochefort. Comm ent après c e la , le sieur Belavoine a t-il pu interjeter appel du premier j u g e m e n t , pour con
tester en la Cour celle m êm e propriété?
L e contrat judiciaire est formé ave c lui sur le point
le plus essentiel; donc il ne peut être r év oq u é. En vain
�v
dirait-il que ce consentement n’a pas été accepté avant
(
3
2
}
son appel. «• L ’acquiescement, dit M. P i g e a u , n'a pas
« besoin d ’être accepté. L ’ un demande , l’autre c o n «• sent la demande. Ces deux opérations suffisent pour
» former le contrat judiciaire et lier les parties».
O a a vu des plaideurs de mauvaise foi nier leurs
dires, et prétendre qu’ils n’auraient fait f o i , com m e
contrat judiciaire, que s’ils avaient été signés. Mais la
cour de cassation a décidé que cela était i n u t i l e , et
qu'un acquiescement porté par un jugement de justice
de p a i x , était un contrat judiciaire suffisant. Pur arrêt
contradictoire, du 4 octobre 1808, elle a cassé un juge
ment du tribunal civil de C a e n , qui avait jugé le con
traire.
A in si , le sieur B e la v o in e, au lieu d’avoir à proposer
des fins de non-r ec ev oir , est lu i- m êm e non-recevable
dans son appel pour la question de propriété
et ne
peut faire valoir que l’appel du dernier ju g em e nt, m o
tivé sur une simple condamnation de dépens.
.L a transaction de 1 7 55 est-elle produite en form e
probante?
1
L e sieur Belavoine avertit q u ’il ne propose de moyens
au fond que subsidiairement , parce q u ’il compte beau
coup sur le précédent. Puisqu’il a jugé cette pr écau
tion nécessaire, elle sera com m un e au sieur Rocliefort,
%
qui a plus de raison de compter sur un acquiescement
formel. Cependant le sieur de Ilochefort 11’a nul besoin
do
�.
c
33 ?
.de fins de non-recevoir; car il ne lui sera pas difficile
.de prouver que ses lilres sont en r è g l e , el q u’ils sont
<3es tilres de propriété suffisans.
Ce que le sieur Belavoine appelle une copie de copie,
est une expédition d ’ une grosse originale, de la transac
ti o n de 1755. C elle grosse originale existe chez le no
taire H u e , qui l ’a expédiée; et le sieur Belavoine, qui a
fait vidiraer tant de choses pour le procès ac tuel , était
fort le niaîlre de faire vidimer aussi ce titre, s’il avait
quelque chose à y suspecter.
: L e sieur de Roc hefort avait cette grosse ori ginale ,
et il a dû par prudence la déposer chez un notaire,
puisque la minute en avait été b r û l é e , ainsi que les
deux premières expéditions. Son grand-père ne lui avait
pas laissé ignorer la joie q u ’eut le s.r Belavoine lors du
brûlement de ces deux premières expéditions, ne soup
çonnant pas q u ’il eu existait une troisième qui survi
vrait à la proscription, et qui se retrouverait un jour.
Si donc le sieur Belavoine a du soupçon de la fidé
lité de l ’expédition du sieur H u e , quoiqu’il ait jusqu’à
présent regardé ce titre com m e sincère, il peut d e
m an d e r, à ses frais, le rapport de la grosse originale
qui existe, el qui est un titre aussi authentique que la
minute m ê m e , d ’après l’article i 355 du Code civil.
Quand l’expédition, signée H u e , ne serait pas prise
sur la grosse, elle ferait certainement foi, aujourd’hui
que le brûlement des tilres rend impossible la produc
tion des originaux
.. D ’ailleurs, les ratifications de 1 7 6 7 , 175 8 et 1 7 6 9 ,
9
�( 3 4 .}
qui sont des expéditions originales, rappellent la tran
saction de 1 7 5 5 , et attestent la sincérité de l'exp éd i
tion Hue.
Mais encore une fois ces considérations deviennent
inutiles , puisque la troisième expédition qui existe est
prise sur la m in u t e , et fait la m êm e foi que l ’original.
E s t - i l prouvé, par les titres énumérés par le sieur B ela
voine, que le bois des Brosses est un com m unal? i
C ’est ici où l’imagination du sieur Belavoine est en
grand travail, et où sa logique a eu fort à faire; car ce
n ’était pas une mince entreprise que de vouloir prou
v e r par les titres m êm es de la terre de L a f o n t , que le
seigneur avait eu la bonté de convenir que le bois des
Brosses était un com m unal des habitons, tandis qu’il
s’occupait de se le conserver com m e propriété dépen
dante de sa terre.
L e fondement de moy en du sieur B e la v o i n e , est
pris dans la transaction m êm e de 1 7 5 5 ; et il est c u
rieux de voir d'où procède sa découverte.
«■Remarquons, dit-il, les termes dont on s’est servi
» pour parler du bois des Brosses : après avoir concédé
« le pacage dans ce b ois, il est ajouté : Sans pouvoir
« par lesdits ju sticia b les pacager dans les autres b o is,
«■plac(S, terres, hernies e t v a c a n s , appartenans et d é« pendans de ladite baronnie, tout lequel surplus de« meure réservé à ladite darne. Ces m o t s , dit le sieur
« Be lavoine, et autres bois, etc. conduisent à la pensée
�C 35 )
a que le bois des Brosses n’était pas une propriété par« ticulière à la dame Maré ch al, et q u’elle n’y avait droit
« que co m m e dame de la terre de Ijafont >?.
Et quelle différence y a-t-il, entre avoir un bois,
c om m e particulier, ou co m m e dame de Lafont ?
Est-ce que l ’acquéreur d’ une seigneurie, qui paye
ce q u’il a c h è t e , tout ainsi et de m êm e q u ’ un acquéteur d’ un fonds roturier, ne devient pas propriétaire
du terrain compris çlans son acquisilion ; est-ce qu’il
a uniquement une possession p r é c a i r e , par cela seul
q u ’il doit jouir comme seigneur.
En
v é r i t é , voilà d’étranges difficultés. Mais sans
doute quand il y a des bois dans une seigneurie, ils
sont au seigneu r, co m m e son château et son jardin ,
à moins qu’il n’y ait titre contraire qui en fasse la
propriété d’un voisin; c a r , alors ils ne dépendraient
plus de la.seigneurie ; ils dépendraient du voisin.
C om m en t le sieur Belavoine a-t-il pu donner une
interprétation aussi renversée de la clause q u’il a sou
lignée; lorsqu’il venait de transcrire ( page 22 ) la
partie de ce même acte où son père a reconnu que
La propriété du bois des Brosses appartenait à la dame
M a r é c h a l , et que son père n’y avait eu de tout tems
que la permission du pacage.
Cependant le sieur Belavoine n ’a encore q u ’ une
présomption que le bois des Brosses était co m m un al;
mais il la fortifie par d’autres circonstances, ou plutôt
par trois preuves bien comptées.
10
�(36)
L a première résulte, suivant lui, du procès-verbal
de 178 0, parce q u’il constate que le bois des Brosses
était en mauvais é ta t, ce qui dépose haute m ent, dit-il
que c’ est un communal.
Voilà ce que le sieur Belavoine appelle pr ou ve r
invinciblement ; on conviendra au moins q u’il faut peu
de chose pour le contenter.
A
supposer que la cour pût penser, com m e l u i ,
qu’ un bois
en mauvais
état v e u t
dire nécessaire
ment un bois c o m m u n a l , le sieur dp Rochefort rap
pellera que le procès-verbal de 1780 n’a dit en m au
vais état, q u ’ une moitié du bois des Brosses, c ’est-àdir e, la partie la plus exposée au pillage des voisins.
L a seconde pr euve consiste
en ce que le sieur
Belavoine a v u , page 45 du procès-verbal de 1781
que le seigneur de Laf on t parle d’ un certain c o n fia ,
sous le nom des terres et broussailles vagues dudit,
seigneur, appelées les Brosses.
C e n ’est pas qu’il ne soit parlé du bois des Brosses
en dix endroits de ce procès-verbal, et que toujours
le procureur du sieur Maréchal ne prétende en avoir
la propriété foncière et ex clu siv e, co m m e la cour a déjà
pu s’en convaincre. Mais ce n’est pas là que le sieur
Belavoine a voulu cher cher, c ’est dans un confin.
Et quand ce confin serait la seule mention , faite
en ce procès-verbal, du bois des Brosses, n’y a-t-il pas
�( 37 ')
im aveuglement sans exemple d ’y trouver, q u ’en par
lant des terres et broussailles d u seigneur, c ’est avoir
avoué que ces terres et broussiiilles sont un c o m m u
nal des habita us.
L a troisième p r e u v e , toujours invincible, ,du sieur
Belavoine, il la puise dans l ’élat actuel du bois des
Brosses qui est, dit-il, totalement à v i d e , com m e l*a
attesté un sous-inspecteur, le 4 avril dernier.
E n v é r i t é , plus nous avan çon s, plus il y a lieu de
s’émerveiller de la solidité des preuves administrées
par le sieur Belavoine. E h ! q u ’a donc de com m u n
l ’état actuel d’ un bois ave c une question de propriété ,T
disputée depuis v i n g t - c i n q ans? Et quelle influence
peut avoir un tableau statistique de 1 8 0 8 , avec un;
titre de 1 7 5 5 ? Si le bois des Brosses a été dévasté
dans les tems rév olutionnaires, entre-t-il dans l ’idée
de qui que ce soit, qu’il résulte de-là un titre de pro
priété pour les dévastateurs?
L e sieur Belavoine ne nie pas ces dévastations;
au co n trair e, il en prend droit pour conclure quV/
n y a qu’ un bois com m unal q u i ait pu* être tracté ainsi.
Quand le sieur Belavoine aurait dormi pendant
toute la révolution , il ne serait pas excusable de
vouloir persuader q u’il a une aussi bonne opinion de
ce qui se passait à cette époque. A qui v e u t - i l faire
cr oire , par ce ton de bonté , que les propriétés des
seigneurs étaient nécessairement respectées, et que
�( 38 )
leurs ci-devant censitaires ne faisaient des dégâts que
sur leurs propres com m un aux .
'
Quoique le sieur Belavoine ail appelé l’at lent ion
sur ces trois preuves, en les disant invincibles, il a
encore quelque chose de plus fort à y a j o u t e r , ce
sont ses titx'es, ljopinion des anciens tribunaux , les
démarches du sieur Maréchal en 1780 et en l’an 3 ^
la correspondance du sieur de R o c h e f o r t , et les m e
sures récentes de l’administration. V o y o n s
en quoi
consiste cette masse de preuves subsidiaires.
A l ’égard des titre s, le sieur Belavoine au moins
n ’en exagère pas le mérite. Q uant a u x titres , dit-il
je n ’en a i plus de très-précis ; mais il se dédom mage
de cette privation , , en ajoutant que qua nd it était
s y n d ic , il en avait de fort concluans.
E t D ie u sait ce que c ’était que ces titres ! Encore
un confin , où le seigneur de L a fon t disait, les bois
com m uns de ladite f o n t , appelés B o is-D ie u . M a is, si
ces bois étaient de L a fo n t , cela ne signifiait pas e n
core une fois q u’ils fussent les bois des habitans de
Brou t.
C ’est dans une copie de consultation à lui donnée
en 1 7 8 2 , que le sieur Belavoine a fait ce lle décou
verte; mais quand cette copie mériterait quelque con
fiance, on ne sait pas si d ’autres passages de ces pré
tendus titres n ’expliquaient pas le fragment isolé, que
l ’avocat au conseil avait jugé propre à sa défense..
�(
3
9
}
Serait-il au reste bien étonnant q u ’ un seigneur, en
donnant le détail de ses bois, eût voulu distinguer ceux
qui étaient assujétis à une servitude envers tous ses jus
ticiables, de ceux qui n’étaient destinés que pour lui
seul. L ’expression dont il se servait, pour en marquer
la différence, ne faisait pas un titre contre lui , puis
q u ’il avait soin d’ajouter que les uns et les autres étaient
de L a / o n t, et que d’ailleurs ce titre n’était contradic
toire avec personne. Si ces titres étaient si probans,
pourquoi donc le sieur Belavoine ne les avait-il pas pro
duits au procureur du roi de la maîtrise , qui l ’avait
assigné exprès pour en produire, au lieu de les garder
pour M e C o c h u , qui les a perdus bien à propos, puis
que le sieur Belavoine tire plus d ’inductions de cette
perte que si les titres étaient dans ses mains.
Cependant le sieur Belavoine s’est consolé de la perte
de ces deux titres à confins; il en a trouvé récemment
trois autres, qui, à la v é r i t é , ne parlent plus du bois
des Brosses. Mais quoique ces titres soient m uets, le
sieur Belavoine les trouve encore très-probans ; car il
est satisfait de tout.
L ’ un est un aveu et dénombrement de 1 60 9, qui*
ne comprend pas le bois des Brosses parmi les terres de
Lafont. Ce n’est pourtant pas que les bois n’y abondent,
car il y en a vingt-sept dénom m é s; et comment savoir
si les Brosses, qui ont encore aujourd’hui deux noms
nu moins, n ’en avaient pas alors
un autre oublié
�( 4© )
P e u t - o n croire q u ’en 1609, de m êm e qu'à l ’époque
des actes énoncés-en la copie de la consultation Cocliu,
le seigneur de l a f o n t ne se regardât pas co m m e pro
priétaire des Brosses, lorsqu'on voit par les actes pro
duits au procès - verbal de 1781 , que
dès l’année
i 52 o , ce seigneur faisait des concessions de cens dans
le territoire du bois des Brosses ?
L e deu xième litre découvert p a r l e sieur Belavoine,
est un procès-verbal de tous Les bois de la terre de Lafont en 1 7 5 3 ; et il n’y est pas parlé du bois des Brosses.
C e récit du sieur Belavoine e s t - i l bien fidèle? L e
procès-verbal fut-il dressé de tous les bois de la terre?
Il ne faut que le lire pour être convaincu du contraire.
On y voit q u ’un sieur L a r b a u d , fermier de L a f o n t ,
avait commis des dégradations dans n e u f cantons de
b ois , et autres cantons de bois épars ; c ’est peurquoi
le sieur Ma ré chal demanda qu'il fût dressé procès-verbal
du dégât commis en iceu x par ledit sieur Larbaud. En
efTet, le procès-verbal n’a lieu que sur treize bois, tan
dis que le sieur Belavoine vient de fournir la preuve
par l ’acte de 1609 , que la terre de Lafont en avait
.vingt-sept.
'
•
Il est difficile do croire en efTet que le sieur L a r b a u d ,
en coupant des arbres, eût voulu q u ’aucun des bois de
la terre, éloignés ou n o n , ne fût exempt de ses dégâts,
pas mêm e un hois soumis à un pacage journalier, où
il aurait eu cent témoins de son infidélité. Si cependant
il n’est pas allé dégrader dans celui c i , il était inutile
q u ’on allât y dresser un procès-verbal.
�( 4* )
C om m en t croire encore que le sieur M aréchal ne sa.
regardât pas com m e propriétaire du bois des Brosses,
dans le tems mêm e où il soutenait un grand nombre
de procès pour conserver cette propriété?
L e troisième titre est une transaction passée ave c
le sieur V i a r d , en i 6 8 3 , où ce sieur Viard prétendait
avoir le droit de faire pacager dans les co m m unaux
de ta ju s tic e de L a / o n t , en payant le droit de blairie.
Quelle induction le sieur Belavoine veut-il tirer de
c e dernier titre m u e t , si ce n’est une induction contre
lu i- m êm e?
L e sieur Belavoine invo que , après ses litres, l ’opi
nion des anciens tribunaux sur la nature de ce bois.
C ’est sa n s’doute de la maîtrise de Monmaraull q u ’il
veut parler, mais elle n’a manifesté aucune opinion.
Les maîtrises s’occupaient beaucoup des réserves et
aménagernens, que l ’ordonnance de 1669 prescrivait à
l ’égard des bois de communauté , et dont elle leur
donnait la surveillance. L e procureur du roi de Montm a r a u l t , qui pctil-êlie pensait, connue le s.r Belavoine,
que tout b o is , un peu pi l lé , est réputé co m m u n a l ,
voulut s’en éclaircir et demanda des titres- Mai s, au
lieu de montrer une opi nio n , ce qui aurait été fort
é t r a n g e , on voit au contraire q u ’il assigna , tant le
sieur Maréchal que le s y n d i c , pour produire leurs titres
respectifs, et justifier des droits q u ’ils prétendaient avoir
aux bois Servoiron et les Brosses.
11
�( 42 )
L e sieur Belavoine se fait un mérite des démarches
faites par le sieur M a r é c h a l , en 1780 et en 1792.
S ’il a demandé un triage en 1 7 8 0 , ce qui n’est pas
é t a b l i , il a déjà été r e m a rq u é , i.° que co m m e usu
fruitier et tuteur il ne pouvait disposer de la propriété
d ’autrui; 2.0 que les pièces antérieures à 1780 prouvent
que ces conclusions ont été réformées et abandonnées;
3 °. q u ’ une demande en triage n’est pas un aveu de la
propriété d’a utrui, mais un désir de sacrifier une por
tion de terrain à la servitude pour en affranchir l’autre;
4 0. que quand cette demande aurait seule existé , il n’a
pu être question ni de la reprendre ni de la désavouer,
puisqu’elle serait abolie depuis 1790.
Quant à ce que le sieur Ma ré chal a fait en l’an 2 ou
l ’an 3 , 1e sieur Belavoine ne veut pas en conclure sans
doute qu’ il a fait un abandon du bois des Brosses.
Car le sieur Maréchal n’a pas pu le faire, et l’agent
de la com m une n ’a p a s pu l ’a cc ep t er; l ’un parce que
la propriété n’était pas à lui ; l ’autre parce q u ’il lui
fallait une autorisation, et q u e , suivant la jurispru
dence de la cour de cassation, le défaut d ’autorisation
est d’ordre p u b l i c , de manière à produire une nullité
viscérale; et celle nullité peut être proposée dans tous
les cas et dans tous les lems (A rrê t s des i 5 prairial an
1 2 , 10 nivô>e an i 3 , et 2 mai 1808).
A u reste l’abandon de l’an 2 n’a pas m êm e été con
so m m é; il a été questi on ,e n l’an 3 , de production de
titres; et certes le sieur M a r é c h a l , en voulant céder
un bois, n’entendait pas juger la question de propriété:
�( 43 )
il cédait à la p e u r , qui était le dieu du moment.
A 1’égord de la correspondance du sieur de Roc liefort,
il fallait en dire le contenu , plutôt que d ’annoncer à la
C our que cette pièce était tenue cachée parce q u ’elle
contenait des aveux précieux et une reconnaissance des
droits de la commune.
L a Cour jugera mieux les conséquences de cette
l e t t r e , en la lisant tout entière.
• .
A rtonne,
M.
de R o c h e f o r t - D
‘ ¿4. M . Le M
aire
ally,
le 21 avril 1807.
.
.
de La Commune de Brout.
t
f
M
o n s ie u r
,
r
- « J
e
m’empresse de répondre à votre lettre du quatorze du
« co iira n t, par laquelle vous m ’annoncez l’autorisation que vous
« a déléguée votre conseil municipal pour traiter avec m oi, re« hâtivement à notre différent sur les Brosses. V o u s me laites
k
part des conditions que vous a dictées ce meine conseil m u-
« nicipal.
« J ’ai toujours témoigné le plus grand désir d ’assoupir une
« telle affaire. Il n’est point de sacrifice que je n’aie proposé, et
« il est certain que les retards que j’ai éprouvés m ’ont occasionné
«' de grandes pertes.
« J ’ a v a i s remis au sieur Morand un projet d'accommodement
« duquel je 11e m ’écarterai en aucune manière.
« Il appartiendra à la commune toute la partie des Brosses qui
« se trouve à l'aspect méridional de l’allée qui va de l’étang de
« R is au bois des Arcis; duquel tellement il en sera défalqué l’é-
12
�( 44 )
« lang des Ris tout ainsi et de même q u ’il existait anciennement.
« A cet effet il sera planté des bornes pour en fixer les limites ;
« to'us les fossés, le long de l’allée , seront récurés et entretenus
« par la commune ; et ladite a llé e , servant de limite entre la com« mune et m o i, sera réparée et rendue bien praticable aux frais
« de ladite commune. T o ute la partie des Brosses, au nord de
« ladite a llé e , m ’appartiendra en propre sans que personne
«. puisse y prétendre aucun droit quelconque. L a partie égale« ment prétendue anticipée me demeurera irrévocablement. L es
« frais de l’acte de transaction seront tous supportés par la cora«
«
o
«
m u n e , qliisera tenue de m’en fournir une expédition en forme.
Il sera fait deux plans géométriques du bois des Brosses ; la
partie de la commune y sera figurée ainsi que la mienne avec
détail de la contenue de chacune. Ces deux plans seront signés
« et approuvés par les parties ; et chacune d ’elles en retirera un.
« Il en sera dressé un troisième pareil au xd eu xa u tre se tre vê tu d e s
« mêmes formalités , qui demeurera annçxé à la minute de la
« transaction, le tout aux frais de la commune. I l y aura garantie
« réciproque entre les parties contractantes pour la sûreté de la
« propriété que chacune d’elles possédera à l’avenir; il lui sera li«
«
«
a
bre de jouir, vendre, échanger, aliéner sa portion, ainsi qu’elle
avisera. 11 me restera réservé, dans la partie delà commune, ma
part et portion, comme propriétaire, avec les autres habitans
de Brou t. D ans le cas où il serait fait un rôle ou tout autre
« taxe pour payer les frais auxquels a donné lieu la présente dis« cussion , ainsi que le traité d’arrangement, p la n , arpen tage, et
« autres, je n’y contribuerai en rien , et ce sera réparti sur la
« masse des autres propriétaires ou habitans de la commune.
« A v a n t que de faire recevoir notre acte par-devant notaire, ,
« je crois p ru d en t, pour vous comme pour m o i , de le consulter
« à de bons avocats afin qu’il n’y ait plus aucun procès a l’avenir.
« V oilà , Monsieur, mes intentions : elles sont à peu près égales
« à ce que vous me proposez. V o u s devez voir que je ne veux
« rien à votre co m m u n e , et qu ’au contraire je lui abandonne
�(45 )
« les deux tiers environ d ’ une propriété dont le fonds m’ap« partient. C ’est pour mettre fin à toutes discussions, main« tenir la paix et l’ union , et éviter à frais, que je fais de sem« blables sacrifices. Il est impossible que l’on me dispute viclo« rieusement mon droit de seul et unique propriétaire des Brosses.
« Depuis long-tems ce procès dure. J ’ai souffert considérable« ment de sa lenteur, et de l’efTet de la révolution. Je le ferai
« terminer d’ une manière ou d’autre; et pour cela je ferai va« loir mes moyens dans le cas où nous ne traiterions pas de
« suite.
« V e u i lle z , M onsieur, me faire part de vos réflexions , afin
« que je sache à quoi m ’en tenir, pour diriger dorénavant ma
« conduite ».
* « E li attendant votre réponse, j’ai l ’honneur d’ê tre , Monsieur,
V o tr e se rv ite u r,
ROCHEFORT - D ALLY.
II sera nécessaire q u e , par l’acte , je me-réserve mes droits
« contre le sieur B e lla va in e, à cause des frais faits jusqu’à ce
k
« jo u r , pour notre procès dont il a interjeté appel ».
Quelle induction y a-t-il donc ci tirer de cette p r o
position du sieur de R oc hefort , si ce n’est q u’il v o u
lait éviter un procès, et q u e , co mme tous ceux qui
ne sont pas obstinés , il offrait des sacrifices pour nef
pas plaider. L oin de donner prise contre s o i , par une
telle proposition, on mériterait au contraire la faveur
de la justice, si elle pouvait en accorder.
l i e sieur de Rochefort , en offrant de céder une
partie du bois, avait d ’ailleurs intérêt d’aflranchir de
�.
u
6
}
toute servitude ce qui lui resterait, et c’était sa co n
dition expresse. Enfin personne ne peut tirer moins
d ’inductions de cette lettre", q u e , l e sieur B e l a v o i n e ,
puisque les droits à faire valoir contre lui sont réservés.
L e s mesures prises par l’administration forestière, et
dont le sieur Belavoine s’est fait un m o y e n , ont con
sisté, à ce qu'il dit, à nomm er un garde, et à c o m
prendre le bois des Brosses dans la statistique des bois
c o m m u n a u x de Gannat.
Mais que signifie l'administration forestière à une
question de propriété déjà pendante devant les tribu
na u x depuis l’an 1 0 ? elle fait ses opérations adminis
tr ativement, et par conséquent elle s’adresse aux co m
munes pour avoir des états et des renseignemens. Si
elle eût demandé ces renseignemens au sieur de Rocliefort , il aurait compris le bois des Brosses parmi les
siens; elle s’est adressée à la municipalité de B r o u t , qui
n ’a pas manqué de s’adjuger le m êm e bois. Sans doute
après c e l a , on lui a présenté un g a r d e , et elle l ’a
n om m é. Mais c ’est véritablement abuser du raisonne
ment que de présenter tout cela co m m e 1111 préjugé
contre les litres de propriété, que l'administration fores
tière n’a jamais vus.
L ’acte de i y 55 e st-il un titre pour Le sieur de R och efo r t et pour le sieur Belavoine, q uoiqu'il ne soit pas
f a i t avec tous les ha bita n s?
C e l le question ne peut pas être faite sérieusement
�^ ( 47 )
par le sieur B e la v o i n e , héritier de Jean B e la v o in e,
partie en la transaction de i y 55 .
C a r , quand la com m un e aurait raison, le sieur B e la
voine et tous les autres conlractans ont eu le droit de
Irailer sur leur intérêt particulier; et ne serait ce pas
une comédie ridicule que de leur accorder, sous un nom
vague et collectif, ce qu’ils sont convenus, en leur nom
’ p ropre , ne pas leur appartenir.
Si Belavoine et autres avaient dit en i y 55 : «Nous r e« connaissons que le bois des Brosses est un co m m u n a l
« de nos villages, et néanmoins nous l’abandonnons au
« sieur Maréchal » , l ’acte ne serait peut-être pas fort
régulier; mais au contraire il est reconnu par eux q u e
le bois des Brosses est une propriété fon cière et exclusive
de la dame de Caponi. Par conséquent , il y a tran
saction très-valable à l ’égard de tous ceux qui l ’ont
consentie, parce que tout prétendant droit à la co
propriété ou au pacage , était bien le maître de traiter
sur son intérêt particulier; il pouvait restreindre son droit
com m e il pouvait l’augmenter , et s’exclure m êm e en
tièrement du pacage.
L e sieur Belavoine propose donc ici un moyen a b
surde , quand il croit pouvoir se jouer d ’une transac
tion signée par son p è r e , en alléguant, plus de cin
quante ans après , q u ’il s’agissait alors d’un co m m u n al,
et que son père a eu torl de transiger.
Quand il pourrait se jouer des engagcmens de son
pè r e , sur quoi fonde-t-il sa prétention? Est-ce sur des
titres de propriété qui assurent le bois des Brosses à la
�( 48 )
c o m m u n e ? Il n’en a pas; et cependant il voudrait que
la Cour jugeât aujourd’hui le procès intenté en 1 7 2 3 ,
autrement que les parties les plus intéressées le déci
dèrent en transigeant le 22 février 1755.
Mais si dans les quatre transactions qui existent, au
cun deshabitans ne se crut en état de prouver au sieur
Ma ré ch a l que les bois des Brosses était un communal
de B rout, croira-t-on que la Cour commencera par le
décider ainsi? Il faudrait en effet com m en ce r p a r - l à
pour en venir à juger que Belavoine et autres n’ont
pas pu transiger en i y 55 .
E t sur quelle loi encore serait fondée ce lle incapa
cité , quand il s’agirait d ’ un co m m u n a l ? Les habilans
n ’y ayant droit q u’à telle ou telle condition ne sont pas
réellement propriétaires en masse, et chacun de ce ux
qui y pr élen den t, peuvent aussi bien y abandonner leur
droit particulier, q u ’ils peuvent se priver, par le fait, de
toute participation. D e m ê m e , si l ’ un d ’eux est troublé,
il peut certainement se plaindre, sans attendre l ’exer
cice de l’aclion à intenter par la communauté , qui
souvent serait fort insouciante au tort fait à un seul.
« Il y a , dit le nouveau Denisart, une distinction à
«■faire, quant aux actions des communaulés d’habitans.
« Celles qui ont pour objet des droits ou avantages
« qui ne profitent pas à c h a c u n , co m m e pour les biens
<r patrimoniaux ou oclrois, doivent être suivies par le
« corps entier des habitans.
« S’il s'agit, au contraire, d ’objets dont chaque par« ticulier profile com m e com m un aux , chemins , e l c . ,
« 1111
�(49 )
« un seul habitant peut agir ou répondre à l’action qui
« lui est intentée. Il n’a besoin pour cela d ’aucun consen«• tement de la commune. Mais alors l ’avantage q u ’il
« en r etir e ra, s’il n ’est de nature à n ’être pas néces« sairement communiqué à. d’autres, ne profilera q u ’à
« lui; co m m e aussi lui seul supportera le poids des con« damnations s’il vient à succomber ( t. 4 p. 735 ). j«
C ’est par suite des mêmes principes, que la Cour
de cassation a jugé q u ’il y avait lieu à action possessoiré, relativement à un c o m m u n a l , parce qu’ un c o m
munal étai t 3 c o m m e toute autre propriété, susceptible
de possession et de prescription. ( Bull. off. arrêt du
i . er avril 1806 ).
Embarassé dans son m o y e n , le sieur Belavoine dit,
que par la transaction de 1 7 5 5 , il n ’est pas obligé
c om m e h a b ita n t, mais q u ’à la vérité il l’est com m e
héritier de son père.
Encore une fois l ’action du sieur de Rocliefort a été
intentée contre le sieur B ela vo ine, co m m e Be la voine,
011 fils de Belavoine , et point du tout co m m e habi
tant. Celui qui plaide pour sa propriété, assigne l ’usur
p at eu r, sans s’enquérir en quelle qualité il a voulu
commettre l’usurpation.
Si la com m un e de Brout plaide collectivement pour
réclamer un c o m m u n a l , il s’agira alors d’examiner
ses titres, car elle devra en produire co mme deman
deresse. M a i s , en ce m o m e n t , il ne s’agit ici que d ’un
procès intenté contre le sieur Belavoine; il conteste la
propriété du dem andeur, et celui-ci lui oppose un titre
i3
�(
5
0
. }
de propriété , sign é Belavoine. Par conséquent il est
ridicule de dire que Belavoine h a b ita n t, et Be lavoin e,
héritier, sont deu x personnages étrangers l’un à l’autre,
quand il ne s’agit en som me que d ’un seul individu.
L a transaction de 1765 est elle annullée par les lois
de la révolution ?
L e sieur Be lavoine croit l ’avoir rem ar qué ainsi dans
les lois des 28 août 1792 et 10 août 1793. D ’abord
ce n’est pas le sieur Belavoine qui peut faire l’appli
cation de cette l o i ; il y est no n-rec ev able , soit par
la transaction de 1 7 5 5 , soit parce que c'était ¡aux
co mmun es seules à réclamer.
L'art. 8 de la loi de 1792 dit que les communes
qui ju stijie r o n t avoir anciennement possédé des biens
ou droits d 'usage quelconques , dont elles auront été
dépouillées par les seigneur s, pourront se faire réin
tégrer, à moins que les seigneurs ne représentent un
litre authentique d’acquisilion.
. Mais le sieur Belavoine n'a pas pesé les expres
sions de cet article. C a r , avant t o u t , il aurait fallu
prouver la possession ancienne de la commune.
O r , q u’e s t - i l prouvé au procè s? L es habitans de
Broul avaient-ils avant 17 5 5 la possession exclusive
d u b o is, ou seulement la possession de V usage? Sans
doute le sieur Belavoine ne croira pas avoir justifié
que la c om m u n e a it anciennem ent possédé le bois ;
passons q u ’il soit justifié q u e l l e ait anciennement pos-
�( 5i )
sédé l ’usage ou plutôt le pacage; mais les liabitans de
Brout n’ont pas été dépouillés de ce p a c a g e , par la
transaction de
i y 55 ; donc
l ’article est sans appli
cation.
Quand les communes ne justifient pas avoir ancien
nem en t possédé une propri été , même les herme s et
vacans , qu’arrive - 1 - il ? L ’article suivant va nous
l ’apprendre.
Ar ticle 9. Les terres vaines et vagues, liermes, va
cans , etc. dont les communautés ne pourraient pas
justifier avoirs été anciennement en possession, sont
censées leur app arten ir , à moins que les c i-d e v a n t
seigneurs ne p rouven t, par titres ou par possession
e x c lu s iv e , continuée paisiblement et sans trouble pen
dant quarante ans, qu'ils en ont la propriété,
i L e sieur Belavoine a souligné avec soin les mots :
Possession e x c lu siv e , pour en conclure que le sieur de
Rocliefort ne l ’avait pas. Mais c ’est une erreur, parce
que les droits de simple pacage n ’emportent nulle
m en t la possession du fonds, et sont inutiles h la pres
cription; d ’où il suit que le sieur M aréchal a eu seul la
possession exclusive du bois, car on l’a m êm e pendant
l ’ usufruit d’une tierce personne.
L e sieur Belavoine n’ajoute pas que la m êm e loi
exige que les communes exercent leur action dans te
d éla i de cinq ans.
L a loi du 10 juin 1793 d it , en l ’article premier,
que « tous les biens c o m m u n a u x en généra l, connus
« sous les noms de terres vaines et v a g u e s , etc. a p 14
�( 5* )
« partiennent de leur nature à la généralité des h a * bilans , dans le territoire desquels ces co m m una ux
« sont situés
I-e sieur Belavoine n ’a pas manqué de souligner
encore les m o t s , terres vaines et vagues} et les mots,
appartiennent de leur nature.
'
Il fallait aussi souligner le com m en ce m en t de l ’ar
ticle
j
tous les biens com m u n a u x en général. Car cette
loi n’a voulu donner aux communes que ces sortes de
bie ns, et nullement les bois des seigneurs.
I/invocülioii perpétuelle du procès-verbal de 1 7 8 1
est de si mauvaise f o i , que le sieur de Rochefort a été
obligé de l ’extraire en entier dans le narré des f a i t s ,
pou r montrer combien peu il était vrai que le sieur
M aré ch al eût regardé ce bois, tantôt co m m e un v a
c a n t , tantôt c o m m e un com m un al de B r o u t, ainsi
que le sieur Belavoine l ’atteste toujours.
C e n’est pas par quelques mots isolés q u ’il faut juger
un a c t e , mais par son ensemble, et la cour s’est co n
v a in c u e , par l’ensemble de ce procès-verbal, que le
sieur Maréchal fils se prétendait propriétaire exclusif
du bois des Brosses, loin de convenir que c ’était un
vacant ou un communal.
N ’e s t - i l pas encore plus de mauvaise foi d’appeler
ce bois un vacant en 1 7 8 1 , lorsqu’ un procès-verbal de
la maîtrise constate q u ’il était bien planté dans une
moitié à peu près , et que l ’autre moitié seulement
était pillée et dégradée à cause du voisinage des do
maines.
�( 53
L ’ art. 8 de la loi du 10 juin 179 3 porte que la
possession de quarante ans, exigée par la loi de 1792,
pour justifier la propriété des seigneurs sur les terres
vaines et vagues, etc. ne pourra suppléer le tilre l é
gitime d ’acquisition.
L e sieur Belavoine trouve encore l'application de
cet article, en soutenant toujours que le bois des Brosses
était une terre vaine et vague ; mais pour faire cesser
tout d ’un coup sa prétention à la nullité de l ’acte de
1 7 5 5 , on abondera dans son sens, en supposant avec lui
que ce bois a été autrefois une terre vaine et v a g u e , un
ancien comm unal m ê m e , si cela lui plaît mieux. M a l
gré cela la transaction de 17 5 5 doit avoir tout son effet.
/
P o u r prouver ce m oyen décisif, et qui pourtant
est superflu, il ne s’agit que «le rappeler un seul fait,
et de citer deux arrêts parfaitement conformes à l ’es
pèce , rendus par la cour de cassation en l ’an 12 et
en 1808.
D ’abord la cour n ’a pas perdu de v u e , que lors du
procès-verbal de 178 0, le bois des Brosses a été cons
taté être planté en arb re s , dont une moitié en bon
état, et l’autre moitié dégradée.
11 n’y avait d ’inculte que le bois Servoiron et le
Bois-Blanc.
D ’après cela , voyons si le titre de 1 75 5 sera suffi
sant au sieur de R o c l i e f o r t , ou si, d ’après la loi du 10
juin 1 7 9 3 , il faut nécessairement représenter un titre
d ’acquisition. C ’est la l ’objet des deux arrêts de cassa-
�( 54 )
lion. Voici l’espèce du p r e m i e r , transcrit du.bulletin
officiel,page 33 7.
« A u mois de décembre 1 7 9 2 , les liabitans de Bellenod et Dorign y avaient formé contre le sieur D a m a s ,
leur c i - d e v a n t seigneur, une demande en revendica
tion de plusieurs h éri ta ges, et notam me nt d’ u n b o i s
situé sur le territoire de cette dernière c o m m u n e , sous
le prétexte q u ’ils en avaient été dépouillés par un abus
de la puissance féodale.
« Pour établir leur ancienne possession de ces héri
tages , ils avaient produit un acte en form e, de lu tran
saction passée entr’eux et leur seigneur, le 20 ,mai
i 583 .
« Elle avait été précédée d ’un procès alors pendant
aux requêtes du palais du parlement de D i j o n , dans
lequel ledit seigneur avait conclu à reconnaître et à d é
clarer que tous Les bois et broussailles ex ista n s sur ces
d e u x territoires, Lui appartenaient en tout droit de barialité, et fa isa ie n t partie de son dom a in e, sous La seule
charge d ’un droit d ’usage,don\ il convenait q u ’ilsélaient
affectés envers ces deux communes.
« L e s liabitans prétenda ie nt, au contraire, que lesdits bois et broussailles leur appartenaient en tout droit
de com m unaut é , et q u ’en celte forme ils en avaient
gardé la possession , saisine el jouissance, non-seule
ment pour les dernières années, mais encore de teins
immémorial.
« Par ki transaction ci-dessus é n o n c é e , une po rtio n,
�( 55 )
de ces mêmes bois fut adjugée au seigneur , pour en
jouir à l’avenir j m j oute propriété ( i ) ; et il fut dit que
tout l’excédant appartiendrait aux deux communes.
« A vue de ce titre, le sieur Damas a soutenu q u ’il
ne prouvait pas l’ancienne possession antérieure, telle
que l ’exigeait la loi de 1 7 9 2 , puisqu’elle était contes
tée par l ’ancien seigneur.
« Cependant un jugement du tribunal civil de la
C ôte -d ’O r , du 19 ventôse an 4 , a fait droit à la d e
mande en revendication , formée par les deux c o m
munes ; et sur a p p e l , il a été conlirmé par arrêt du
19 messidor en 10.
« Sur le pourvoi, etc.
Ouï M . Co cb a rd , rapport eur; les observations des
avocats des parties, et les conclusions de M. le procu
reur-général impérial >
« Attendu que les habitansde Bellenod et Dori gny
n ’ ont en aucune manière ju s tifié de leur ancienne pos
session des bois situés sur leur territoire, antérieure
à la transaction passée entr’eux et leur s e ig n e u r , le
20 mars 1783 ;
« Que cette même transaction ne p e u t , sous aucun
rap port, servir à la preuve de l’établissement de cette
ancienne possession; puisque l’on y voit que ledit sei( 1 ) L e'ili’oit de pacage conservé aux. habitans sur ladite por
tion réservde nu seigneur ( C e lle clau se r i est pas transcrite au
bulletin ; m ais le titre est rapporté p lu s au lo n g dans les ques
tion s de droit de M. M e rlin , et c e lle clause s'y trouve).
�( 56 )
gn e u r , avec lequel les habitans transigèrent, loin d’en
convenir et d ’en faire l’a v e u , soutenait et maintenait,
au contraire, que la propriété exclusive des bois con
tentieux lui a v a it , ainsi q u ’à ses prédécesseurs, tou
jours app a rt enu e, sous la charge d’ un droit d ’usage,
dont il les reconnaissait affectés envers ces derniers ;
Que, pour justifier leur ancienne possession, il aurait
fa llu que lesdits habitans s’étayassent de la production
de quelques titres antérieurs à ladite transaction, q u i Les
eussent déclarés p r o p r i é t a i r e s et possesseurs paisibles
des mêmes bots, mais que n’en ayant produit aucun ,
et ladite transaction ne pouvant établir en leur faveur
une possession légale et non contestée, puisque tout au
contraire elle était réclamée par leur ancien seigneur, il
en résulte q u ’elle n’a statué que sur un fait douteux et
incertain , ce qui formait précisément l ’objet du litige
terminé par cette vo ie; cl on il suit que la cour d’appel
de Dijon, en prenant pour base de sa décision, la m êm e
transaction dont il s’a g it, e t , en supposant q u ’elle attri
buait auxdils habitans une possession antérieure à icelle,
a fait une fausse application de l’art. 8 de la loi du 28
août 1792.
« Par c e s considérations , la cour casse etc. »
;
l
Parmi la multitude d’arrêts rendus sur cette matière,
le sieur Belavoine conviendra bien q u ’on lui a choisi,
tout d’ un coup , celui qui s’appliquait le m ieux; car il
avait précisément à statuer sur un titre où abondaient
toutes les expressions féodales quo le sieur Belavoino
a
�îi
C 57 )
parsemées dans soti mémoire en lettres majuscules/
L à , le seigneur parlait aussi de broussailles ,'e t il pré
tendait, com m e le sieur M aré ch al , que tous les bois et
broussailles existant sur deux territoires dépendaient de
son d o m a i n e , en tout droit de b a n a lité, ce qui était
bien plus féodal que la transaction de 1755. Cependant
ce titre, que le sieur Belavoine jugerait fort incivique,
a trouvé grâce devant la cour de cassation.
L ’espèce du deu xième arrêt est plus favorable encore
a u sieur de Rocliefort ; car déjà les habitans s’ étaient
partagé co m m e communal le local contentieux.
L a dame Blosseville possédait la ferre de Clairfeuille.
Dans l’étendue de cette terre , se trouvaient des
côtes et pâtures, situées dans le territoire de la com m un e
de Montrosier.
, Ap rès la loi du 28 août 1792 , cette com m un e s’en
em p a ra , sous prétexte que ces terrains étaient co m m u
naux , de leur nature ; et en l ’an 2 , elle les partagea.
Ap rès la loi du 9 ventôse an 1 2 , la dame Blosse
ville se pourvut devant les tribunaux contre les divers
détenteurs, produisit des titres, etc.; plusieurs habitans
a dhérèrent à la d e m a n d e , et se désistèrent.
Mais huit habitans soutinrent que les titres produits
par la dame Blosseville ne lui donnaient pas la pro
priété des biens q u ’elle réclamait, et que d’ailleurs ces
titres étaient proscrits par les lois des 28 août 1792 et
10 juin 1 7 9 3 , co m m e étant émanés de la puissance
féodale ; ils ajoutaient que les biens en litige étaient
i5
�' C 58 )
des terres vaines et vagues, qui, de leur nature, appar
tenaient, d ’aprèskrloi de 1793, à la c om m un e de Montrosier, sur le territoire de laquelle elles étaient situées.
L e tribunal civil de Neuchatel maintint les liabitans
dans leur possession en adoptant leurs moyens. Ce juge
ment fut confirmé par la cour d ’appel de Rouen.
.
Mais l’arrêt de cette cour à été cassé , le 27 avril
1808 , par les motifs qui suivent :
«• Atte ndu que l ’art. 8 de la loi du 28 août 1 7 9 2 , ne
permet de réintégrer les communes que dans les biens
et droils q u’elles justifieraient avoir anciennement pos
sédés, et dont elles auraient été dépouillées par les
ci-devant seigneurs; que l ’art. 9 de cette loi n’adjuge
aux co m m u n e s , sans exiger la justification d ’ une an
cienne possession, que les ferres vaines et vagues, gastes,
i a n d e s , biens, liermes ou vacans et garigues : ce qui
ne peut s’appliquer qu’à des biens incultes; et encore
sous la condilion quelles en formeront la demande
devant les tr ibun aux , dans le d éla i de cinq a n s; que
la distinction faite par ces deux articles n’a pas été
annullée par la loi du 10 juin 1 7 9 8 ; attendu q u ’il est
constant au p r o c è s , et reconnu par les défendeurs,
qu’au m oins une partie des fo n d s dont il s’agit était
en culture lorsque la commune s’en est emparée, de son
autorité et sans ordonnance de justice, et q u ’elle l’était
aussi lorsque les lois de 1792 et de 179 ^ , sur les biens
c o m m u n a u x , ont été rendues; que la preuve de ces
laits résulte etc...........Et attendu que la cour d ’a p p e l ,
en adjugeant aux liabitans de Montrosier des fonds qui
�(
5
9
}
'étaient en culture, sans exiger la pr euve d’ une ancienne
‘possession de ta commune , et sans que ladite c o m
m un e eût formé aucune demande à ce sujet devant les
tribunaux, et , en appliquant à des fonds de cette na
tu re , les règles établies pour les terres vaines et vagues,
et autres biens incultes, par l’art. 9 de ladite l o i , et
par les art. 8 et 9 de la sect. 4 de la loi du 10 juin
1 7 9 3 , a fait une fausse application desdites lois, et a
violé l ’art. 3 de celle du 28 août 1792 ; casse, etc. «•
Que deviennent maintenant les preuves invincibles
‘du sieur B e la v o in e, et sa découverte de féodalité?
11 a fait remarquer a u contraire, par l’exemple de ces
arrêts, i.° que quelques habitans peuvent transiger ou
être assignés pour un terrain prétendu par eux être un
co m m u n a l , et mêm e partagé co mme tel; 2.0 q u ’une
comm une n’a pu revendiquer un terrain, c omme usurpé
par un acte féodal, q u’à la charge d ’exercer sa demande
dans les cinq ans de 1792; 3 .° que si lors d’ une tran
saction, il était contesté ou douteux que le terrain ap
partînt aux habitans, la transaction 11’a rien de féodal,
et doit être exécutée.
Concluons donc que le sieur de Rochefort n’a besoin,
en cette cause, que des actes de 1 7 5 5 , 17 5 7 et 1 7 5 9 ,
pour assurer sa propriété, et que ces actes sont un titre
irréfragable contre les successeurs de tous ceux qui y
ont été parties.
C ’est là tout ce q u ’il s’agit de savoir dans le m o
ment actuel; car il n’exisle pas de procès entre la com -
�(6 o )
m u ne de Brout et le sr. de R o c h efort , et il ne peut y en
avoir sur app el, et sans les deux degrés de jurisdiction.
N e perdons pas de vu e aussi qu'il n'est question au
procès que du bois des Brosses, qui était en produit
à l ’époque de la révolution, et nullement du bois Servoiron ni du Bois-Blanc, à l ’égard desquels on aurait
pu tout au plus élever la difficulté de l’application des
lois de 1792 et 1793.
Il
ne resterait maintenant à s’occuper que de la
partie du mémoire du sieur B ela vo ine, dirigée contre
l e sieur D e c o m b e , mais ce n’est point au sr. de Rochefort à y répondre. L a gravité des inculpations faites au
sieur D e c o m b e ne touche au procès actuel que par des
moyens si obliques, q u’il est plus court et moins oiseux
de ne pas en scruter les vrais motifs.
L a c o n testat ion a été déjà assez compliquée par la
multitude d ’actes et de mots dont le sieur Belavoine
a voulu tirer parti. Et cependant de quoi s’agissait-il ?
U n fils qui plaide contre la transaction de son p è r e ,
avait-il quelques m oy en s à chercher dans de prétendus
titres datés d ’ un siècle ou deux avant
cette tran--
saction? Voilà cependant toute la question de la cause ;
ainsi pour la discuter, il n’était besoin ni d ’injures ni
de voies extraordinaires, pas plus que la Cou r n'aura
besoin de consulter les titres de la com m une de Brout
ni les lois féodales , pour en trouver la solulion.
De
ROCHE FR O T-D A LLY.
M . e D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M e T A R D I F , avoué-licencié.
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Rochefort-Dally, Jean-Jacques-Marie. 1809?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
communaux
droit de blairie
droits féodaux
pacage
Caponi (Alexandre de)
triages
vaine pâture
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour sieur Jean-Jacques-Marie Rochefort-Dally, habitant à Artonne, intimé ; Contre sieur Claude Belavoine, du lieu d’École, mairie de Brout, appelant ; En présence du sieur Décombe, des Morelles, maire de Brout, aussi intimé.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1809
1582-Circa 1809
Avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
60 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0335
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Artonne (63012)
Broût-Vernet (03043)
Combrode (63116)
Lafont-de-saint-Magérant (terre de)
Le bois des Brosses
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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Caponi (Alexandre de)
communaux
droit de blairie
droits féodaux
pacage
triages
vaine pâture
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79b63085dad7a5ee8d728960b3a11e20
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___
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\<Uf. pjijïfùvy ül^
\kue£. /C'f-K*~fcïCrf*7
caj^.
MEMOIRE
POUR
Le sieur ROCHEFORT-D’A IL L Y , intimé;
CONTRE
L e sieur C A V Y , appelant.
Ce
n’est pas pour expliquer sa cause, que le sieur
Cavy a imprimé ses moyens ; elle étoit en effet si peu
importante : il le déclare lui - même ; mais il a voulu
apprendre au public, sous la garantie de sa signature,
qu’ il étoit, lui Cavy, un agriculteur intelligent, un fer
mier bien au-dessus du maître, un propriétaire considéré,
faisant de grandes spéculations.
Il pouvoit, sans inconvénient, se donner la jouissance
de publier ainsi ses vertus par la voie de l'impression ,
sans y ajouter l'affectation d’accabler le sieur d’A illy de
personnalités et d’injures.
Le sieur d’ A illy ne se juge pas lui-même , et ne se dit
au-dessus de personne. Il réclame franchement ses droits
À
�( 2 )
et les tribunaux n’ont pas encore jugé qu’il fît de mau
vais procès. Il est possible qu’un jeune homme qui n’a
pas les goûls de son âge , ne plaise pas aux faiseurs de
grandes spéculations, du moins dans le sens qu’ils l’en
tendent ; mais les devoirs de la société n’exigent pas
qu’on soit dupe ; et si le sieur Cavy ne l’enlend pas de
la même manière, si ses grandes spéculations sont déran
gées par des jeunes gens n’ayant'pas les goûts de leur
âge, il en résultera seulement que tous les dix ans il ne
doublera pas sa fortune, et qu’il se désabusera à la longue
de la bonne opinion qu’il a de lui-même.
F A I T S .
L a terre de la Font, appartenante au sieur Maréchal,
aïeul du sieur d’A illy , fut affermée au sieur Cavy, le 27
brumaire an 6, pour neuf ans.
L e bail porte la clause suivante : « Les étangs seront
« empoissonnés aux frais du preneur, et le produit, à
« chaque pêche, sera partagé par moitié entre le bailleur
« et le preneur »
Ces étangs étoient jadis au nombre de cinq; les étangs
de l’A r c h e , Chapot et la P ip e , ont toujours resté en
rapport ; mais ceux connus sous le nom de G irou x et
Tiroisau , ont été mis à sec il y a environ cinquante
ans ; depuis cette époque il y est né des arbres que le
sieur Cavy a exploités.
Quand la loi du 14 frimaire an 2 ordonna le dessè
chement des étangs, le sieur Maréchal s’étoit contenté
de faire uter la bonde de l’étang Chapot, et les eaux
�(
3 )
s'écoulèrent. Il n’y: avoit môme pas lieu d’exécuter la loi
autrement ; car un grand cliemin a été pratiqué sur la
chaussée, et il eût été intercepté, si la chaussée avoit été
détruite.
Une loi du n thermidor an 3 ayant rapporté celle
du 14 frim aire, tous les propriétaires d’étangs non dé
truits n’avoient eu qu’une bonde à replacer, pour que
l’ancien volume d’eau y fût retenu. Tout prouve que
c’est ainsi que le sieur Maréchal avoit rétabli l’ancien
état des choses, lorsqu’il donna sa terre à ferme au sieur
Cuvy, et stipula que les étangs seroient empoissonnés
p a r le p r e n e u r , à ses frais.
Il seroit indifférent, d’après cette clause, que ces étangs
fussent déjà empoissonnés en l’an 6 , puisque s’ils ne
l’étoient pas, le sieur Gavy étoit chai'gé de cet empois
sonnement. Mais c’est un fait constant que les étangs de
l’A rch e et de la Pipe furent péchés peu de mois après
le bail de l’an 6 , et que l’étang Chapot fut péché en
l’an 7.
L e sieur Gavy ne nie pas la péclie des deux premiers
étangs; il n’ose pas même la nier pour l’élang Chapot\
mais comme cet aveu le condamne, le sieur Cavy fait
des efforts surnaturels pour prouver que cette pêche n’est
pas une pèche, et que l’étang n’est pas un étang.
A le croire, des métayers y ramassèrent un peu d’eau
avec des molles, après une sécheresse, en l’an . Celte
eau , destinée à abreuver les bestiaux et à faire rouir le
chanvre, produisit bientôt le prodige de féconder un
ancien frai qui avoit demeuré dans la vase depuis l’an 2 ,
et de procréer des carpes tellement disposées à réparer
A 2
6
�(4 )
Te temps perdu, qu’elles se trouvèrent, au bout de quel
ques mois, peser une livre et demie, et furent en état
d’être pêchées et partagées en l’an 7. (M ém oire Cavy,
pages 3 et 4. )
INous examinerons bientôt le degré de probabilité dece système du sieur C avy; mais pour continuer le récit
des faits, les étangs de l’A rch e et de la P ip e , pecliés
en l’an 6 , le furent de nouveau en l’an 9, suivant l’ordre
périodique des pèches; et l’étang Cliapot péché en l’an
7 , devoit l’être en l’an 10.
Le sieur Maréchal mourut le 1 1 thermidor an 9. Le
sieur d’A illy , son petit - fils et son héritier , eut des
comptes à apurer avec le sieur Cavy. Il alloua des sommes
considérables sans quittances, et le sieur Cavy dût alors
lui trouver les goûts de son âge. Bientôt le sieur d’A illy
trouva dans les papiers de son aïeul d’anciens comptes,
et états du sieur Cavy. Il y vit la nécessité d’examiner
sa gestion de plus p rès, et se convainquit bientôt que
son système dominant, comme il le dit lui-m êm e, est
de fa ire de grandes spéculations, sans s'arrêter aux
de ta ils min utieux.
Les.conditions du bail n’étoient exécutées en effet que
pour les grands articles de production. M ais, i°. le sieur
Cavy s’étoit obligé de planter soixante-dix œuvres de
vigne. Cela eût produit fort-peu el, dépensé beaucoup:
il l’a voit oublié* 2°. L e sieur Cavy 11e devoit pas faire
de défricheinens; mais cela produit beaucoup, et le sieur
Cavy avoil défriché. 30. Il ne devoit employer les en
grais qu’aux terres et vignes des domaines ; il les avoit
détournés pour $011 compte. 40. Le sieur Cavy ne devoit
�C5 )
exploiter les bois que suivant les périodes ordinaires; il
les avoit devancées, etc., etc.
Peut-être bien eût-il été plus louable à un jeune liomme
de fermer les yeux sur les opérations du spéculateur.
Malheureusement pour le sieur C avy, le jeune homme
fut assez mal avisé pour voir clair, et pour faire dresser
en effet plusieurs procès verbaux de mésus, les uns pour
poursuivre sur le champ, et les auti’es pour conserver
une action en fin de bail.
T el fut le conseil de gens sages et prudens. L e sieur
Cavy sentit qu’il étoit alors plus urgent de se tirer
d’affaire que d’exlialcr son courroux ; il vint prier le sieur
d’A illy de se relâcher de scs droits ; et celui-ci fut plus
généreux qu’il ne devoit l’être. Il se départit de tous
dommages - intérêts pour les défriclicmcns, les bois, la
non plantation de vigne, etc., et, par une amnistie gé
nérale pour ce qui étoit en litige, il consentit de ne plus
rechercher le sieur Cavy pour les faits antérieurs de la
jouissance, sous réserve de tout ce qu’il pourroit faire
dans la suite de contraire aux clauses de sou bail. Telles
furent en précis les conventions du traité du ie«1. ven
démiaire an ro.
Il ne pouvoit pas être question dans ce traité, ni dans
les débats qui le précédèrent, de la pêche de l’étang
Chapot, puisqu’elle ne devoit avoir lieu que dans le
courant de l’an 10 : le sieur d’A illy n’avoit même pris
à cet égard aucunes informations positives. D ’ailleurs, il
y a moyen de pêcher un étang quand on veut, en y jetant
du poisson assez gros; et le sieur Cavy sait par expérience
comment cela.se pratique. Le sieur d’A illy l’invita à tenir
A3
�( 6 )
ses engngemens sur ce point, et l’objet en valoîtla peine y
puisque l’étang Chapot a cinq mille deux cent soixantequatre toises de superficie.
Sur son refus, il l’a assigné le 9. thermidor an 1 1 ^
I,0. pour lui payer une somme de 1200 fr. en indemnité
de la pêche dudit étang Chapot pour l’an 10 ; 2°..pour êtrecondamné à l’empoissonner afin de le mettre en état;
d’être péché en l’an 13.
L e sieur Cavy a d’abord dit au bureau de paix que
cet étang n’est plus en produit depuis la loi sur le des
sèchement des étangs; qu’il n’avoit pas de poisson quand
il l’a pris, et n’a pas fait partie des objets affermés.
Dans, ses défenses ensuite , craignant les résultats de
la pêche de l’aa 7 , et obligé d’en convenir, il a imaginé
d’expliquer la cause, de cette pêche, comme il a été cidevant rapporté.
L e tribunal de Gannata fait justice de ces moyens, et,,
par son jugement du 19 prairial an 1 2 , il a adjugé la de
mande, si mieux n’aimoit le sieur Cavy payer à dire
d’experts.
L e sieur Cavy s’est figuré de trouver devant, la cour
un plus grand degré de crédulité, pour faire adopter le
système par. lequel il veut avouer et nier tout à la fois
que l’étang Chapot ait cessé d’être à sec depuis l’an 2 ;
il s’agit de le détromper,,et de justifier le jugement qu’il;
attaque.
M O Y E N S . .
Les griefs du sieur Cavy se bornent à deux , non com
pris le chapitre des. injures, qui n’est pas le moindre;'
�,
t 7)
10. le traité de ï’an ïo est, dit-il, une fin de nôn-réCè=voir contre la demande ; 2°. l’étang étoit à sec lors du
bail de l’an 6 : ainsi, la charge d’empoissonner ne s’.y
appliquoit pas.
R
é p o n s e
à u
p ï i ë m i e r
m o y e n
.
L e traité du premier vendémiaire an ïo , dit le sieur
Cavy pour la première fois sur l’appel, est une transac
tion sur procès , ayant pour but d’éteindre id de quo
'cogitatum f u it.
Adoptons la définition, elle le condamne.
Souvenons-nous que le sieur C avy, dans le début de
ses injures, a dit que le sieur d’A illy ne mar'ehoit qu’avec
des notaires et huissiers ; il donne une plus ample expli
cation de ce qui a précédé le traité, à la page 4 de son
mémoire, alinéa 3.
jLe sieur M aréchal est décédé ,• son -petit-fils s’est
présenté avec des vues hostiles j tous les jours nouvelles
querelles ; c’est un baliveau moderne que Cavy a coupé j
procès v e rb a l, e x p e r tis e s .... ce sont des vignes m al
plantées ,• procès verb a l, expertise , etc. . . » . . JEnjîn ,
dix-sept procès verbaux dressés p a r des notaires, signi
fié s p a r des huissiers , sont entre les m ains du sieur
Cavy, . . . . On parvient à rapprocher les parties, et le
prem ier vendémiaire an ï o il fu t passé un traité, etc.
Nous devons donc trouver inévitablement, dans ccs
dix-sept procès verbaux, quelles étoient les difficultés
sur lesquelles les parties voulurent traiter; c’est-à-dire,
id de quo cogitatum est.
A 4
�( 8 )
L e sieur Cavy dit avoir entre les mains ces dix-sept
procès verbaux; qu’il les exhibe, et il aura raison de dire
que le traité comprend le défaut d’empoissonnement d&
l’étang Chapot, s’il y a eu un procès verbal relatif à cet
étang, si de eo cogitaturn est.
L ’étang Chapot a cinq mille deux cent soixante-quatre
toises de superficie ; son empoissonnement valoit sans
doute la peine d’un procès verbal, pour un homme qui
ne marche qu’avec des notaires, et qui fait des procès
vevbnu'x pour les moindres volailles de la cour. L e sieur
Cavy sera-t-il donc réduit à dire q u e le sieur d’A illy a
regardé ce mésus comme une chose trop minutieuse ; mais
ce seroit une inconséquence ?•
Mais il n’y avoit pas lieu à procès verbal pour l’étang
Chapot. L e sieur d’ A illy n’avoit rien ù voir dans l'em
poissonnement ; il n’avoit intérêt qu’à la pêche ; et certes
s’il eût fait des procès verbaux avant l’an 10 , le sieur
Cavy n’auroit pas manqué de dire, avec plus de raison ,
que cette précaution prématurée étoit une pure tracas
serie.
Déjà le sieur Cavy ayant négligé d’empoissonner un
autre étang, a fait ce qu’il auroit pu faire pour l’étang
Chapot : il est allé acheter du poisson assez gros pour
être bientôt péché, et, par là , il a prévenu toute diffi
culté. Si donc le sieur d’A illy n’a pas dû faire çle. procès
verbal avant l’an 1 0 ; si, dans le fait surtout, il n’y en
a pas, 011 11’a pu traiter le premier vendémiaire an 10 ,
sur la privation de la pêche, sur une chose à venir y sans
une stipulation positive, et qui s’y rapportât expressément..
Puisque la transaction n’étoit pas faite de lite rnuici „
�( 9 )
dès qu’il n’y avoit pas de litige antérieur, il est sensible
que, pour induire de l’acte que les parties voulurent tran
siger de lite movendâ , il falloit une explication claire
et précise de l’objet de ce litige.
Mais quand il scroit prouvé qu’il y a eu des sujets de
contestation pour l’étang Ghapot, ne seroit-ce pas extorquer un département d’action, que de l’induire d’une
expression généi'ale qui n’y avoit pas un rapport im
médiat et nécessaire.
On a parlé dans ce traité de bois coupés, de défri-,
chemens faits, de vignes non plantées , et on n’y voit
pas un mot de l’étang Chapot, plus important que la
plupart des choses exprimées.
Si donc après avoir spécialement traité des divers objets
en litige, il est ajouté une clause générale qui absout le
sieur Cavy de tous faits de jouissance antérieurs, le motif
en est sensible ; c’est que toutes les coupes de bois, tous
les défrichemens pouvoient n’être pas constatés. L e sieur
d’A illy auroit pu opposer ensuite qu’il n’avoit traité que
sur ce qui étoit constant à cet égard ; et il y eut sur ce
point quittance finale. Mais il seroit bizarre de lui donner
pins d’extension que les parties elles - mêmes ne l’ont
voulu.
Les lois, en favorisant les transactions, n’en font pas
un piège ou une chose aléatoire ; elles ne disent pas que
la transaction comprendra tout ce qui sera présum é, mais
c e qui sera p r o u v é avoir été le sujet de l’accord. Tan
tum in his interpositum pactum nocebit, de quibus
ùiter eos action esse p r o b a t u r . L . 9 , if. D e trarisact.
La même loi ajoute qu’il seroit injuste d’éteindre une
A 5
�c io y
action par un traité, si celui qui en excipe ne prouve
pas qu’il y en a été question. Injustum est perimi pacto
id de quo cogitatum non docetur . L . 9 , ibid.
L e Code civil est plus positif encore. « Art. 2048, Les
« transactions se renferment dans leur objet : la renon« dation qui y est faite à tous droits, actions et pi’éd tentions , ne. s’entend que de ce qui est relatif au dif« férent qui y a donné lieu. »
Il faudroit donc que le sieur C avy, on le répète, prou
vât clairement qu’il y a eu différent sur la pèche de l’étang
Cavy. Ses dix-sept procès verbaux , ses dix-huit procès
ne le prouvent pas.
M ais, fallût-il même abonder dans son sens, rien encore
ne seroit réglé pour la contestation actuelle, quand l’étang
Chapot seroit comprisdans l’art. 12 du traité qu’il invoque.
L e sieur Cavy s’est abstenu de le rechercher pour aucun
fait antérieur de sa jouissance, sous toutes réserves pour
l'avenir.
Mais que peut-on entendre par la jouissance d’un do
maine ou d’un étang? ce n’est autre chose, sans doute, que
la perception des fruits qui en proviennent. On ne jouitpas en semant, on jouit par la récolte.
Qu’un propriétaire donne quittance à son métayer de
toute sa jouissance jusqu’au jour, en résultera-t-il que la
quittance ôte au propriétaire le droit de se plaindre lors
de la récolte suivante, s i, par la faute du m étayer, il
n’y a rien h cueillir? Personne, sans doute, ne s’avisera
de le prétendre.
O r, la pêche d’un étang en est la récolte; et il n’y a
pas moins de singularité à vouloir que le sieur d’A illy x ■
�( ; 1 1 y* ’
par un abandon de la jouissance passée, ait aussi aban
donné la jouissance à venir.
E n fin , le sieur Cavy s’est jugé lui-même relativement
à l’étang la P ip e , pour lequel il y a eu un procès dont
il sera parlé ci-après, (pag. 1 8 ) ; il a été assigné après le
temps de la pêche passé, en l’an 1 2 , il n’a pas même eu
idée de -prétendre que le traité de l’an 10 l’eût dispensé
d’empoissonner. Il a reconnu sa négligence, il a été con
damné. Sa défense explique donc le traité de l’an 10.
La plus sûre interprétation est celle qu’il en a faite luimême.
r é p o n s e
a u
d e u x i è m e
m o y e x
L e dessèchement de l’étang Chapot, en l’an 2, ne signifie
rien à la cause, puisqu’il nefalloit, pour le remettre en pro
duit, pas plus d’embarras que pour les étangs de l’Arche '
et de la P ip e , toujours péchés depuis l’an 3 ; c’est-à-dii*e ,
qu’il n’étoit question que d’y replacer son ancienne bonde.
Remarquons encore que dans le bail de l’an 6 , le sieur
Cavy s’est soumis à une clause qu’il ne veut pas enten
dre. Il n’est pas dit qu’il profitera d’une pêche déjà prête
à prendre*, il est dit qu’il empoissonnera les étangs, pour
en partager la pêche ; c’est-à-dire, il semera pour par
tager la récolte.
Ainsi il importeroit fort peu qu’il y eût du poisson
dans l’étang Chapot en l’an 6 ; s’il n’y en avoit pas , il
devoit y en mettre : voilà son obligation positive,,
Mais il y avoit du poisson en l’an 6 , puisqu’il y a eu
une pêche en l’an 7. Dans la vérité elle fut abondante et
�( 12 ) ,
réelle ; au reste , ce n’est pas de son abondance-qu’il ré
sulte rien. Adoptons, si l’on v eu t, qu’il n’y eût que des
carpes d’une livre et demie , il est toujours avoué qu’il
fut péché du poisson en l’an 7 , et c’est tout ce qu’il s’agit
'de' savoir.
' 'r
■ ............2 '
L e sieur Cavy ne s’est pas dissimulé toute la puissance
de ce fait, et toute la conséquence de ses résultats. Aussi
‘ a-t-il tourné de ce côté tous ses efforts, et nous avons rap
pelé, dans le récit des faits, l’explication étrange qu’il a
'donnée de cette” pêche de l’an 7.
Son moyen se réduit à un système nouveau qui bat
en ruine toutes les notions élémentaires sur la génération
des poissons.
"
'
Fut-il jamais concevable que de l’eau ramassée en l’an 6,
après une sécheresse, et retenue parqüelques mottes pour
l’abreuvement des bestiaux, ou le rouissage du chanvre,
oit pu créer du poisson sans empoissonnement, et hâter
sa croissance au point de faire, pour l’an 7 , des carpes
d’une livre et demie ?
Cependant le sieur Cavy ne se contente pas d’alléguer,
il certifie que son système est fondé sur l’expérience. On
a v u ,,d it- il, naître du poisson dans un étang desséché
depuis vingt ans, parce que la vase a conservé le fra i, et
que l’eau y étant revenue en a développé les germes.
Si les choses se passent de cette manière , la physique
jusqu’à présent s’est étrangement abusée, en enseignant
que la chaleur est le premier agent de la reproduction
des êtres; et l’histoire naturelle ne nous nuroit ' pas
moins induits en erreur , en nous apprenant que c’est la
’ chaleur de la vase qui fait éclore le frai du poisson.
�( *3 )
Quand un étang est mis à sec , le frai , qui sous son
enveloppe visqueuse étoit roulé dans les ondes, a dû se
reposer sur la vase après leur écoulement ; et dans cette
position naturelle , trouvant bientôt une plus grande
chaleur , la vase a dû en mûrir les germes , par cette
espèce de dissolution qui prépare le développement et la
génération (i)„
Mais quand le poisson est ainsi prêt à naître, la nature
q u i a favorisé sa création se trouve privée d’un autre
agent élémentaire ; la chaleur n’a fait que dissoudre ; l’eau
étoit nécessaire pour conserver. Ainsi le frai n’a pu passer
de la corruption à la vie ; la seconde opération de la
nature lui a manqué ; il a resté dans le néant (2).
L e sieur Cavy a donc présenté le système que quelque
chose pût être créée de rien. E x hoc lato nascantur,
a-t-il dit ; mais ce commandement n’étoit pas en sa
puissance; et nul ne sera persuadé, par sa prétendue
expérience, que des poissons soient nés sans empoisson
nement, après dix et vingt ans , dans un étang desséche.
Mais, ù ce premier miracle, le sieur Cavy en a ajouté
»
•»
»
»
»
»
(1) « Les femelles se portent en foule vers les Lords de l’ctang,
traînent leur centre sur la terre........ L e Jjut de la nature, danscelte opération, est d’obliger le poisson à déposer ses œufs dans
un endroit où il y ait peu d’eau, afin que la clialetir des rayons
du soleil la pénètre, l’écîiauffe, ainsi que la ierre qu’elle recouvre. Cette chaleur suffit pour faire éclore les œufs douze ou
quinze jours après. » ( Cours d’agriculture, p ar Vabbë llo zicr,
tome 4 , p»ge
34*
3. )
(2) « Si l’eau ne recouvre pas toujours le frai, il est perdut sc;
» putréfie sur le b o rd , et' sc corrompt. ».
�( H )
un second ; scs germes développés dans de la vase, après
•line sécheresse de l’an 6 , ont produit des carpes d’une
livre et demie en l’an 7 ; ce qui n’est pas moins impos
sible. La marche de la nature est plus lente. On sait que
le poisson d’étang a besoin de plusieurs années pour
arriver au temps où il doit être péché , ce qui est fondé
sur une constante expérience (i).
, L e sieur Cavy ne veut pas s’en tenir î\ ces invraisem
blances -, obligé de.convenir qu’il a été fait nne pêche
en l’an 7 , il ne peut nier dès-lors qu’il y avoit de l’eau
en l’an 6 , et il cherche e n c o r e ù en c h a n g e r la desti
nation. Ge n’est plus pour une pêche que cette eau est
retenue dans l’étang ; c’est pour abreuver les bestiaux ,
c’est pour rouir du chanvre.
O r , on sait que le» bestiaux allant boire dans une
marre ou dans tout autre lieu , y pénètrent autant qu’ils
peuvent s’y avancer, et foulent tout aux pieds; ce qui
n’est pas très-propre à conserver le poisson (2).
( 1) « L a première et la deuxième armée ce petit poisson n'étant
» grand que comme une feuille de saule, est nommé feuille.
» Quelquefois, lorsque le fonds de l’étang est bon , ayant passé
» deu x étés, il a quatre pouces, et pour lors, quoique feuille, on
» commence à lui donner le nom d ’alevin ; mais il ne le mérite
» pas encore. » ( ]Maison rustique, tome 3 , page 587. )
» On appelle alevin le petit poisson qui a cinq pouces; il n’est
» ordinairement de cette grandeur qu’après trois étés : c’est l’alevin
» dont on se sert pour empoissonnement. On pêche les étangs de
» trois en trois ans, après qu’011 les a alevinés. » (¿tornare, tome 3,
page 5(j4 , édition in -lf. )
(a) «11 ne faut pas se mettre en peine si ce petit poisson trouvera
�c r5 )
On sait encore- que rien ne corrompt plus les eaux
stagnantes qu’un routoir ; rien par conséquent de plus
incompatible avec le poisson qui ne peut y vivre.
Il reste donc une chose pour bien constante , et que
rien n’affoiblit ni ne dément c’est qu’il y avoit de l’eau
dans l’étang Chapot en l’an 6 ; c’est que cette eau a été
donnée au sieur Cavy en état de produire une pêche en
l’an 7 ; c’est que cette pêche a été partagée entre le sieur
Cavy et le sieur Maréchal.
Voilà dès-lors l’exécution pleine et entière du bail ;
voilà surtout l’explication parlante de ce que le sieur Cavy
veut esquiver.
Si l’étang Chapot n’ctoit pas de la comprise du bail ,
et si le sieur, Maréchal n’avoit pas entendu que le sieur
Cavy fût tenu de l’empoissonner, comment se Faisoit-il’
qu’il partageât une pêche où. le sièur Cavy n’avoit rien à
voir?
Si au contraire l’étang desséché étoit affermé sans charge
de l’empoissonner, et si tout le produit de la terre devroit
appartenir au sieur Cavy, à compter de son bail, pourquoi'
lui-même se croyoit-il interdit en l’an 7 , de s’emparer
seul de ce poisson qu’il dit fortuitement né ? pourquoi's’est-il cru obligé'de le partager avec le sieur Maréchal,,
si le sieur Maréchal n’y avoit rien à-prétendre ?
Qui ne voit, dans cette conduite, l’éclaircissement positif
de toute la( cause ! et certes les tribunaux, dans l’obscurité» de quoi vivre ; il n’y a qu’à avoir soin qu’il n’ÿ manque pas d’eau,,
» qu’ il n’y ait aucun brochet qui on Ire dans la carpière, n i aucun:
», bétail qui y fréquente.. » ( M aison rustique, ihid. \
�C 1« )
<lcs discussions , n’ont pas toujurs un guide aussi sûr ;
car il n’y a plus à chercher une simple intention vague
et isolée de toutes circonstances. Ici le fait est venu au
secours de la présomption : la clause est donc expliquée
par son exécution ; et personne n’ignore, en point de
droit, que de toutes les interprétations c’est la meilleui’e.
Mais on le répète au sieur Cavy qui s’obstine à offrir
une preuve inutile ; il est absolument indifférent qu’il
y ait eu du poisson ou même de l’eau en l’an 6 dans
l’étang Chapot. Son bail l’obligeoit à empoissonner pour
fournir moitié de la pêche : voilà au moins une obliga
tion qui n’est pas ambiguë'.
L ’étang Chapot étoit sans doute un étang tant que la
chaussée n’en étoit pas détruite ; un grand chemin l’avoit
conservée : ainsi, toute la peine à prendre étoit de replacer
la bonde qui avoit dû i*ester dans les batimens d’exploi
tation pendant le court espace du dessèchement. Quant
à la grille, il n’y en avoit jamais eu.
Supposons donc que cette bonde ne fût pas à sa place
en l’an 6 ; le sieur Cavy , en s’obligeant à empoissonner,
devoit faire stipuler qu’elle y seroit remise. En vain ditil que c’étoit au sieur Maréchal à y pourvoir , parce
que ce n’étoit pas une réparation locative ; c’étoit au
contraire à lui Cavy à le mettre en demeure.
L e sieur Cavy, en prenant les étangs à ferm e, et s’obli
geant de les empoissonner , étoit censé , suivant les prin
cipes , les avoir reçus en lion état, faute d’avoir fait cons
tater qu’ ils ne l’étoient pas, comme l’ont justement dit les
premiers juges.
Quand le sieur Cavy met sur la même ligne l’étang
�C r7 )
Clin pot et les étangs de G ¿roux et de Tiroisau , pour
faire croire que ce sont trois étangs abandonnés par le
propriétdirè depuis l’an-2 ,( page 1 1 du mémoire ),; il
y a impudeur et mauvaise foi dans cette allégation ; eau
les étangs de G iroux dt Tiroisau sont détruits depuis
5o ans, une route passe au travers, des bois y croissent,
et le sieur Cavy pouvoit d’autant moins l’ignorer qu’il en
a fait lui-même l’exploitation.
Voilà douq. le degré de confiance qu’il mérite ; et c’est
avec un tel mensonge qu’il viendi’a crier à l’injustice, et blâ
mer le tribunal qui a jugé suivant les titres et les principes.,
■
f
.?*,!) • - R é
*ponses
1 ■
a u x
i n j u r e s
..
o
■'
: Il ne'falloit pas compter pour rien^ce point essen
tiel des moyens du sieur Cavy , puisqu’il en a ‘fait la
batterie principale de son agression. Suivons-le donc dans
scs rftproclics , pour savoir s’il y aura été plus exact qu’à
l’égard de l’étang de Tiroisau.
-.1
D
j* 1
fr . J
l 4*
i °. Le sieur Cavy a accuse, le sieur d’A illy ’de procès
'iilo.j , • •)!. •
J
1 1
-,
verl)aux faits pour un four, une huche, un chenil, des’
qrbres morts. Le sieur d’Ailly ignore absolument, sur tous,
ces. objets, ce que le sieur Cavy a voulu dire.
2°. Il accuse 'le* sieur d’Ailly de lui avoir fait dixhuit procès. Il y a dans cette seule calomnie quatorze;
mensonges; car, 'mitre'le procès terminé en l’an iopar un traité, le sieur d’A illy a plaidé, i ° . pour des
v i g n e s ; ,0e procès est pendant; 2°. pour le défaut de
pêche de l’étang de la P ip e , et il a gagné son pro-
�co s(i); 3 0. il ne reste que la cause actuelle , où le sieur
d’A illy a encore obtenu justice. '
3°. Il est tout aussi faux que le sieur d’Ailly ait eu^
des* procès avec ses métayers-, quoiqu’il eût eu occasion
d’en avoir. Il a préféré des sacrifices.
Voilà donc encore la véracité du sieur Cavy. On jugera
maintenant de>quel côté est la passion et la tracasserie.
L ’homme passionné est celui qui parle et agit-contre sa
conscience ; l'homme tracassier est celui q u i , ayant perdu
des procès où il devoit se'rendre justice, s’obstine encore
à plaider contre ses conventions.
4°. Le sieur d’A illy est accusé d’avoir fait faire dixsept procès Verbaux. A supposer qu’ il y ait dans ce
deuxième fait plus d’exactitude, le sieur d’A illy en ignore
la plupart. Mais il a un garde forestier dont l’état est
(
i
8
)
( i j Ce procès de l ’étang la Pipe prouve beaucoup en faveur de
la cause actuelle du sieur d ’A illy.
#t
L e sieur d ’A illy a assigné, en l’an 1 2 , le sieur C a v y , 1°. en
dornmages-inlérèls, parce (jue l’étang n ’éloit pas pèclie; 2°. pour
être tenu de l’empoïssonner, afin d'être pèdié en l ’an i 5.
L e sieur C av y a répondu qu’ il y avoit. des réparations h faire;
niais q u e, faute par lui tl’avoir fait constater V(Hat des lieux., il
avouoit Sa négligence. 11 a été condamné en iqG fr. de dotnmagrsihtérèts par'des experts. L e sieur Cavy a été moins récalcitrant
pour l’étang la Pipe, parce qu'il n’a que cinq cents toises : l’étang
Cliapot en a cinq mille.
L e j ugement dont est nj’ipo] ne condamne le sieur C avy qu’A
1200 fr. de (Joinrnagrs-’intén ts. A dire d ’espéris,’ e l , dims la pr<i-r
portion ci-d essu s,-ileù t été condamné à njfio J'r.
1
�( 19 )
de parcourir ses propriétés pour y constater les vols et
les dévastations. Si ce garde a été exact dans scs fonc
tions , le sieur d’A illy ne peut pas l’en blâmer ; tant pis
pour ceux qui se seroient trouvés dix-sept fois en con
travention visible.
5°. Après s’être peint comme victime , le sieur Cavy
veut encore se donner comme généreux. 11 a fai t, dit-il,
des voyages pour le sieur d’A illy ; il s’est sacrifié et n’a
pu être payé qu’après un procès, et avec un jugement
arbitral. (Pages 2 et 9. )
Autre allégation pleine de fausseté et de mauvaise foi.
L e sieur Cavy est expressément défié de produire aucune
procédure, aucun c o m p r o m i s , aucun jugement arbitral.
11 a fait un voyage à Lyon pour le sieur M aréchal,
cela est v rai; mais il n’étoit pas seul, et n’a pas dépensé
une obole.
Quoique défrayé de tout, le sieur Cavy réclama 5oo fr.
pour ses journées. Cette somme étoit exhorbitante, mais
elle lui a été payée sans la moindre diminution.
Voilà encore la véracité, toujours la véracité du sieur
Cavy. Il meut , il injurie : cela dispense de meilleures
raisons. 11 signale le sieur d’A ilfy comme processif, et il
a lui-même plusieurs procès où sa bonne foi est mise en
grand problème. Le sieur d’A illy pourroit en donner les*
détails ; mais ils sont étrangers à sa défense ; et pour ne
pas imiter ce qu’il blâm e, il ne récriminera pas.
En se renfermant donc dans le seul objet de sg cause,
le sieur d’A illy répète avec le tribunal de première
instance, i ° . que le sieur Cavy s’est obligé d’empois
sonner, et qu’il a dû le faire sans alléguer le prétexte
�(20
)
d’un défaut de réparation démenti par toutes les circons
tances , et d’ailleurs non constaté; 2 °. que l’aveu d’ une
pèche partagée en l’an 7 interprète la cause que le sieur
Cavy dit obscure , et dispense de tout autre examen ; 3 0. il
répond à l’objection nouvelle du sieur C avy, que le traité
de l’an 10 n’a pas plus éteint, pour un étang que pour
l’autre, l’action en partage de la pêche; que d’ailleurs
rien n’établit que cet objet fût alors en litige; et que,
s’agissant d’ une chose à venir, tout prouve au contraire
que les parties ne s’en occupèrent pas.
M e. D E L A P C H I E R , avocat.
Me.
T A R D I F , avoué.
A r i o m , de l'imprimerie de L a n d ri o t , seul imprimeur de la
Cour d ’appel.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Rochefort d'Ailly. An 12?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
ferme
pêche
bail à ferme
étangs
assèchements
bail
Description
An account of the resource
Mémoire pour le sieur Rochefort d'Ailly, intimé ; contre le sieur Cavy, appelant.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 12
1797-Circa An 12
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0336
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0626
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53784/BCU_Factums_M0336.jpg
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La Font (terre de)
Chapot (étang)
Saint-Rémy-en-Rollat (03258)
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Domaine public
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bail
bail à ferme
étangs
ferme
pêche
-
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Text
PRECIS
EN R É P O N S E
POUR
T h é o d o r e et J u l e s d e V E Y R A C , in ti m és;
CONTRE
M ar ie
G I N O U X , Veuve de J
ean
- J acques de
V E Y R A C , appelante.
E s t - c e
bien d’elle-m êm e que la veuve V e y ra c a
voulu parler, quand elle imprime qu’elle ne désire que
la paix et le repos., qu’elle a toujours voulu être juste,
et qu’usant de tous les ménagemens q u ’exigeait sa
qualité de seconde m ère, elle en a rempli les devoirs
avec bienséance?
Il faut donc que les enfans V eyrac oublient que
depuis neuf ans elle relient la fortune de leur p è re ,
z
�v.
(a )
«ans qu’ils aient pu toucher aulre chose que quelques
minces revenus, arrachés en partie parties saisies-arrêts,
qu’elle a su encore neutraliser.
•
!
Il faut donc qu’ils oublient quatorze jugemens ou
arrêts qu’il a fallu obtenir contre elle , dans lesquels
elle seule a été condamnée aux dépens, et trois fois
en son nom personnel.
Il faut donc qu’ils oublient l ’expoliation m éditée,
sous son n o m , par un certain Lam bert, que la coup
a.condamné à restitution.
'
Il faut donc qu’ils oublient les calomnies et les li
belles qu’elle a plps d’une fois répandus contre une
famille respectable, à l’égard de laquelle elle devait
effectivement user de ménagemens, parce qu'indépen
damment même de ses chicanes, elle avait beaucoup
de choses à faire pardonner.
son
v i s a g e , et étudiant un rôle nouveau, a cru se rendre
plus recommandable en la cour, les enfans V eyrac ne
M a i s si la v e u v e V e y r a c , c o m p o s a n t a u j o u r d ’ h u i
sont point dupes de cet astucieux travestissement. Sa
conduile soutenue, pendant huit a n s , leur a prouvé
qu’une belle-mère n’est , le plus souvent, qu’un être ,
incorrigible et malfaisant, dont il ne faut attendre ni
procédés ni contrilion.
Ainsi la veuve Veyrac peut cesser la contrainle qu’elle
s’est imposée, et reprendre son caractère. Ceux qu’elle
a si long-iems outragés lui pardonneraient tout, si les
larmes dont elle se dit a b reu vée, étaient celles de la
�( )
3
pénitence ; mais quand des larmes ne font qu’un moyen
de procès , elles ne séduisent p o in t, et ne sont que
ridicules.
L ’objet principal de la contestation était terminé
entre les parties, après toutes les chicanes qu’il était
judiciairement possible de susciter aux enfans Veyrac.
Il était jugé qu’ils auraient 10,000 francs de rente
perpétuelle sur la succession de leur a ïe u l, outre les
droits de leur mère, et la succession d’un oncle.
L e tribunal du P u y , la cour d’appel, la cour de
cassation avaient décidé que cela serait ainsi ; mais la
veuve V eyrac a médité un m oyen de paralyser une
décision aussi bien consolidée; et cette attaque indirecte
de la chose jugée , est aujourd’hui l’objet du procès
pendant en la cour.
C ’est dans le contrat de mariage de François-Camille
de V e y ra c , et dans la clause même jugée p a rla cour?
que la veuve V eyrac puise ses moyens d’attaque.
Par l ’article 2 de ce contrat, du 19 janvier 1 7 8 5 ,
Jean-Jacques de V e y ra c , donne et constitue à Fran
çois-Camille de Veyrac son lils (père des intimés), d ix
mULe Livres de rente annuelle et perpétuelle, avec son
hôtel au P u y , et la moitié de ses meubles.
lui assure
de plus la moitié des biens dépendans de la succession
de la dame de Maison-Seule, mère du futur, pour en
11
j°uir après son décès; et enfin il lui donne la faculté
prendre dans ses bois celui nécessaire a l’ usage de
sa maison.
2,
�3
«
«
«
«
«
«
'
.
.
(
4
}
L'article
est ainsi conçu : <rDans la donation et
constitution ci-dessus de 10,000 francs de rente est
comprise la substitution faite au profit du futur par
le sieur de V eyrac de Maison-Seule son aïeul, dans
son testament. Comme aussi le fu tu r ne pourra point
rechercher ledit, seigneur son père, relativement à
l’inventaire de M. son oncle le chevalier de Veyrac*.
A rticle 4. «rLes autres biens dudit sieur de V eyrac,
«■en quelques nalures qu’ils soient , terres , contrats
« et autres, lui demeureront réservés, ainsi que les
« fruits des autres biens propres du fu tu r , desquels
« ledit seigneur son père a droit de jouir en vertu de
« sa puissance paternelle ; lesquelles clauses ont été
« expressément requises par ledit de Veyrac père (1)».
.Après le décès de François-Camille de V e y r a c , en.
l’an 6 , la famille, présidée par l’aïe u l, lui-m êm e, crut
devoir déférer la tutelle au sieur de G laven as, le beaufrère et le meilleur ami du défunt.
( 1 ) Ce contrat de mariage a une clause dé réversion, stipulée
au cas où le futur ayant des enfans, ils décéderaient. L a veuve
V e y ra c a jugé à propos (p ag. 6 de son mém oire) d’y lire : dé
céderait ; ce qui ôlerait aux enfnns de Camille tout l’effet du
contrat de mariage de leur père : cependant elle n’y insiste pas.
Mais elle devait dire à la cour que celte découverte n’est pas
nouvelle de sa part ; q u ’elle proposa ce moyen en l’an 7 , et
rendit nécessaire un compulsoire de la minute du contrat de
mariage. Il fut reconnu qu’il y avait ils décéderaient , et alors
la clause est devenue sans effet, parce que les enfans vivent. L a
veuve s’est tue depuis cette époque. Comment donc revient-elle
sur ses pas, quand tout est ju g é ?
�( 5 >
.
.
- Ce n’est pas sans adresse et sans mauvaise foi que
la veuve V eyrac parle de manœuvres employées par
la famille pour contrarier le vieillard sur ce point ;
elle sait mieux que personne que tout se passa de son
a v e u , parce qu’il partageait sincèrement les craintes
de toute la famille sur l’avenir que préparait sa seconde
femme aux enfans de son fils. Elle sait encore que le
sieur de Glavenas n ’ a c c e p t a , pour ainsi dire que malgré
lu i, une tutelle onéreuse; et les mineurs V eyrac se
plaisent à déclarer que sans lui ils n’auraient pas eu les
moyens de vivre, malgré leurs 10,000 fr. de rente, puis
que, pendant les interminables procès, suscités par leur
marâtre, elle a trouvé le secret de retenir leur fortune.
Voilà l’explication de l’une des calomnies de la veuve
Ve37rac : revenons maintenant aux premières causes du
procès, avec la b riévelé que com porte une cause , dont
tous les détails ont été rappelés dans des imprimés précédens , et qui n’a besoin que d’être réduite au seul
point de vue sous lequel elle se présente en la cour.
Jean -Jacques V eyrac é ta it, avant sa m o rt, livré
exclusivement aux volontés de sa femme et de ses con
seils. Contrariée de ce qu’il n’avait pas voulu la tutelle,
elle l1engagea à ne rien payer de la pension des mineurs,
ou plutôt elle refusa pour lui : et le tuteur se vit obligé,
plus d’un an après son entrée en exe rcice, d’obtenir
Une sentence le 2y thermidor an 7, pour se procurer le
paiement de la rente de 10,000 f r ., et faire régler ce
�•
( 6 }
,
dont le sieur de V eyrac père ne s’était pas retenu
l ’ usufruit.
Mais il est faux de dire que les saisies-arrêts furent
accumulées sur le sieur de Veyrac pour le priver de
tous ses revenus , et qu’il passa ses dernières années
dans un dénuement absolu. Ces faits sont de la pure
invention de Marie Ginoux; aucune saisie-arrêt n’eut
lieu pendant la vie du sieur de V eyrac ; on l’a défie
d’en produire une seule.
A compter du décès du sieur de Veyrac ( i . er bru
maire an 8 ) , il a fallu se résoudre h plaider avec la
v e u v e , pour ainsi dire, jour par jour.
Verbalisations sans fin à tous les actes et inventaires;
refus de délaisser le mobilier même des mineurs ; oppo
sitions sur oppositions h toutes les procédures et à toutes
les saisies-arrêts5 offres de payer tantôt les arrérages de
la renie de 10,000 fr. , tantôt le capital, puis révoca
tion de ses offres et désaveu : opposition à des jngemens passés en chose jugée , et appel de ceux qui la
déclaraient non-recevable : voilà en bref comment
s’est passé l’an 8.
I/an 9 fut employé h des discussions plus sérieuses,
mais moins rapides. Les mineurs avaienl pris des con
clusions générales pour le règlement de leurs droits j
la v e u v e , à la vérité , contesta tout > forma des de
mandes incidentes, mais sans concevoir même l’idée
de répéter les sommes énormes qui font le sujet de
sa demande actuelle.
�.
( 7 }
.
Cependant c’était alors le m om ent; car les mineurs
avaient conclu au paiement de toutes leurs reprises dans
tous les estocs de la famille de Veyrac.
Condamnée par défaut le 21 nivôse an 9 , la veuve
V eyrac forma opposition, et fut déboutée par jugement
du 14 germinal suivant; elle en interjeta appel.
L ’an 9 fut encore consacré à l’épisode de L am b ert,
qui ne dut pas préparer la cour à être très-favorable
à la veuve Veyrac.
L e jugement du 14 germinal an 9 fut confirmé par
la cour, le 28 pluviôse an 10 ; et la veuve V eyrac fut
condamnée aux dépens de la cause d’a p p e l, en son
nom personnel, et sans répétition, comme elle l ’avait
été déjà au P u y , pour les dépens de l’opposition. Elle
s’est pourvue en cassation, où elle a encore succombé.
Les points principaux du procès étaient jugés, ce
pendant il restait sept articles non éclaircis ; mais la
veuve V eyrac n’entendait pas se contenter d ’un aussi
petit nombre de difficultés ; aussitôt après son appel,
elle présenta requête au P u y , pour plaider en même
tems sur plusieurs nouvelles prétentions de sa part.
A v e c cette découverte inopinée, la veuve V eyrac a
trouvé le secret de prolonger la contestation pendant
près de sept ans; c’était là tout son but.
Car elle a eu la satisfaction de dire qu’avec tant de
j ugeniens et d’arrêts, les mineurs V eyrac ne sont pas
plus avancés en 1808 qu’en l’an 8.
�( 8 )
^
Ceci paraîtra sûrement une fable ; cependant rien
n’est plus réel> et voici par quel secret la veuve Veyrac
est parvenue à paralyser les arrêts de la cour.
•
En faisant donation de 10,000 fr. de rente à son
fils, M. de V eyrac père dit que dans La donation,
est comprise La substitution faite au profit du futur
par son aïeul,
' C'est là où la veuve V eyrac a pris son texte; elle
a dit aux mineurs V eyrac : « A y e z votre rente, j’y
« consens, puisqu’on m’y force ; mais dans votre renie
«
«•
«
«
est une substitution. D a n s cette substitution, se trouvent des dettes; et non-seulement ces dettes se com
posent des dots et légitimes que vous d e m a n d e z,
mais vous me devez vous-m êm e une foule d’arti^
* d e s , notamment la dot de votre bisaïeule, etc.»
C ’est dans ce raisonnement que le procès actuel a
pris sa source. Il est inutile de rappeler tous les chefs
de demandes décidés p arle jugement du P u y ; il suffit
de dire que les mineurs V eyrac s’en sont tenus de leur
part aux articles restés indécis en l’an 9.
Elle a formé six nouveaux chefs de demande qui
sont de prétendues dettes dé la substitution , et qui
sont au reste énumérées dans son mémoire (page 17).
L e tribunal du P u y a statué sur le tout, le 26 prai
rial an 12; il a pensé que les mineurs devaient avoir
leur rente franche et quitte, et en outre les succes
sions dont leur père ne s’était pas départi par son con
trat de mariage.
�.
(
9
}
A vant de suivre la veuve V eyrac dans ses demandes
et moyens, il faut d’abord savoir ce qui a été demandé
et jugé entre les parties avant ce procès, pour éviter
la confusion, et mettre la cour à portée de vérifier
tout d’ un coup ce qui a été jugé ou préjugé.
En Tan 9, les mineurs Veyrac demandèrent, i.° acte
de leur option de s’en tenir aux 10,000 fr. de rente ;
2.0
j oo fr. pour la moitié de la dot et reprises de la
38 5
3 5
dame Morges leur mère ; .° ,ooo fr. pour moitié de sou
mobilier ; 4.0 la moitié du mobilier délaissé par Jac
ques-Antoine de V e y ra c , bisaïeul; .° 22,000 fr. pour la
5
légitime de Jean-Hugues de V eyrac; 6.° l’exéculorialité du jugement du 27 thermidor an 7 , pour ladite
rente de 10,000 fr., paiement des arrérages et conti
nuation du paiement à ven ir; 7.0 le partage de la suc
cession deM arie-Anne Belut de Trinlinliac leur aïeule;
8.° la moitié des sommes reçues par Jean-Jacques
V e y ra c , pour les biens aventifs de la dame de Morges,
aïeule des mineurs; 9.0 la distraction définitive du m o
bilier de leur père; io.° i o fr. montant d’un billet
fait au tuteur pour vente d’un cheval ; n . ° la faculté
de prendre du bois à perpétuité , conformément au
contrat de mariage.
5
Loin de proposer aucuns moyens de compensation
conlre ces demandes, voici les conclusions que prit la
y^uve V e yra c, telles qu’elles sont consignées dans le
jugenQent définitif du 14 germinal an
A- ce qu’il lu i
3
�( IO )
fu t donne acte de ce que sur les articles i , 4 et 10, elle
s’ en rapportait à La prudence du tribunal, ainsi que
sur le paiement de la rente de 10,000 fr. et de ce quelle
consentait leur délivrer des à présent les titres en bonne
form e d ’ une créance de 2 ,000 fr . en capital} due par
la maison V o g u ié; sur le surplus des demandes à ce
que les mineurs en fussent déboutés, attendu qu’elles
n étaient pas établies.
5
E n expliquant ces conclusions, elle fit plaider sur
l’art. 2 des demandes, que si les mineurs établissaient,
par des quittances, que le défunt eût reçu 70,000 fr.
de la dame de Morges, elle ne ferait aucune difficulté
sur ce ch ef de demande; elle dit la même chose sur
l ’article .
3
Sur l’art.
5, elle objecta qu’on
11e justifiait ni le tes
tam ent, ni la consistance des droits de Jean-Hugues ,
et que d’ailleurs François - Camille de Veyrac avait
répudié à ladite succession.
Sur l’art. 6 , qu’elle ne contestait pas le paiement
de la rente de 10,000 fr. mais que les arrérages anté
rieurs à l’an 7 étaient surpayés.
1
Sur art. 7 , elle pretendit que la succession Trin tinhac était bien assurée pour moitié au père des
mineurs , par son contrat de m ariage, mais que ce
mot n’opérait pas une donation, sur-tout en D au phiné. Cet article fut au reste discuté par elle; en
point de droit, avec une extrême longueur.
�(II )
Sur l’art.-8 , elle dit qu’il fallait prouver que Jean
Jacques V eyrac avait donné des quittances.
Sur l’art. 9 , elle soutint que le père des mineurs
s’était emparé de la maison du P u y 5 et en avait dis
sipé la majeure partie.,
Sur l’art, i i , elle prétendit que la faculté de pren
dre du bois était personnelle au père des m ineurs, et
qu’il était ridicule de vouloir qu’elle s’étendît à sa
postérité.
¥
Voilà tout ce qui fut soumis aux premiers juges, et
par suite à la cour d’appel.
.
1
Les mineurs obtinrent la rente de 10,000 francs , a
faculté de prendre du bois, le partage des immeubles
Trintinhac, et une partie du mobilier. U n e preuve
fut ordonnée à l ’égard d’une autre partie dudit m o
bilier , et sur tout le surplus, il fut ordonné plus
ample contestation.
Comment donc la dame V eyrac , après des con
clusions et une plaidoirie aussi précises, a-t-elle pu
se démentir elle-même, au point de prétendre ensuite
. que la remise de la substitution mettait, sur le compte
de François - Camille de V e y r a c , toutes les dettes de
son ^aïeul?
Si cela eût été ainsi, comment donc la veuve V eyrac
a~t-elle consenti à subordonner le paiement de plu
sieurs deües à un simple rapport de quittances; c’était
■
4
�(
12
)
îë cas au contraire de soutenir qu’ elle ne devail rie n ,
et d’opposer des compensations.
Les demandes pendantes en l’an 9 présentaient le
cadre général de toutes les prétentions respectives; les
mineurs, qui n’avaient rien, étaient demandeurs, et
avaient réuni tous leurs chefs de demande. La tutrice
était défenderesse contr’eux, et demanderesse en par
tage conlre l’interdit ; elle avait aussi présenté à la
fois toutes ses prétentions.
Ses demandes ultérieures formées après Leju g em en t'
d é fin itif, où elle emploie quarante rôles à faire valoir
ses m oyens, sont donc des prétentions de mauvaise
f o i , et non-recevables?
Elle ne les présentait, disait-elle alors, que parce que
te jugem ent était exécutoire nonobstant Cappet. Elle
n'avait donc d’autre but que de paralyser des créances
Certaines par des prétentions imaginaires : et ce qu’elle
ne mettait en a v a n t. que comme une chicane a vo u é e,
elle le soutient aujourd’hui avec obstination.
Mais qu’est-il besoin de lins de non-recevoir contre
des demandes aussi déplorables? Suivons les moj^ens
de la veuve V e y r a c , et quelques réflexions suffiront
pour montrer qu’elle ne peut pas être de bonne foi
elle-même dans sa découverte.
La principale question à traiter n’est pas de savoir
si le contrat de mariage de 1787 contient La remise de
la substitution de l’aïeul, par Jean-Jacques V e y r a c , à
�( 13 ) _
.
son f i l s , mais si au contraire il ne contient pas la
remise de cette substitution par le f ils t au-profit du
père (i).
L a clause du contrat en effet ne laisse pas d’équi
voque, comme le dit fort bien la veuve de V eyra c
(page 39 de son mémoire),' «le sieur de V eyrac ne
«• donne 10,000 fr. de rente à son fils que pour s’ ac« quitter envers lui. Nemo liberalis, n isi Liberatus ».
Il est difficile d’être plus d’accord sur les principes,
et de l’être plutôt. Car les mineurs V eyrac adoptent
parfaitement celte première et fondamentale pensée
de leur adversaire.
Que résulle-t-il en effet de la clause du contrat, qui
ne peut pas s’interpréter de deux manières? C ’est que
Jean-Jacques de V e y r a c , grevé ou débiteur d’ une subs
t i t u t i o n , s’ e n est acquitté p a r le moyen du contrat.
C ’est là le contrat do ut des ; et comment conce
voir que celui que la veuve V eyrac dit acquitté par
le moyen d’une rente, qui est le prix de sa libération,
11’ait pas retenu pour son compte la chose même qu’il
payait de son argent?
Il faut encore ajouter, avec la veuve V e y r a c , que
sans cet arrangem ent, et si François-Camille V eyrac
n’avait pas eu droit à la substitution, son père ne lu i
aurait pas fa it une constitution aussi forte.
s
(0
T_.es motifs du jugement dont est appel, sur cette ques-
tl0" , sont au mémoire de la veuve V e y r a c , page a 2 , dernier
alinéa; \Q dispositif est page 3 z.
�(
*4
)
‘
.
L e p è r e a donc bien entendu s’ acquitter tout à la
fois des droits de son fils à,1a substitution, et de sa dette
paternelle pour l’établissement de ce fils ; c’est-à-dire,
qu’il a entendu payer ces deux objets.
;
Et de quelque terme qu’on se soit servi pour expri
mer cette intention, n’est-il pas de principe qu’elle se
détermine par la nature de l’acte, plutôt que par les
expressions dont on s’est servi. Potiùs id quod actum ,
quàrn quod dictum est.
'
I c i , ce qui a été convenu n’est obscur pour personne.
L e père s’est acquitté de la substitution en la payant
par une rente. L e fils y a consenti • et par conséquent
le père n ’a plus été grevé de cette substitution.
S’il n’en a plus été g r e v é , le fils a cessé d’y avoir
des droits; et dès-lors la mutation s’est opérée par cet
échange entre une rente et les droits dont il .donnait
quittance au père.
Si donc il y a dans cette convention res, consen
sus et pretium, comment s’obstiner à vouloir que celui
qui est devenu le propriétaire libre des biens substitués,
en ait cependant laissé toutes les charges à un autre?
Il serait inutile, d’après ces observations, de suivre
la discussion à laquelle s’est livrée la veuve V eyrac
pour prouver, par des lois romaines, qu’on peut faire
une restitution anticipée de fidéicommis, et que dès
cet instant les dettes de l’hérédité ont passé sur la tête
du propriétaire des biens substitues.
Certainement tout cela est incontestable; mais ou
en est l’application?
'
�( i5 )
Toute cette discussion est fondée sur un seul mot,
restitution anticipée des biens substitués; et ce mot est
de la pure invention de la veuve V e y r a c , car il n’est
pas au contrat de mariage.
A u contraire, il en résulte que le père a retenu pour
lui les biens substitués; et la veuve V eyrac en jouit.
Il suffit donc de lui rétorquer ses propres citations,
et de dire avec elle que les dettes et charges de l’h é
rédité sont à la charge de celui qui est devenu proprié
taire des biens substitués.
Jean-Jacques V eyra c fut libéré de la condition de
rendre; dès-lors les biens substitués ne sont restés dans
ses mains que deducto œre alieno.
C ’est une idée bien étrange que celle de la veuve
V eyrac : lorsqu’elle ne peut plus résister à payer la
r e n te , elle veu t la couvrir par des dettes. Elle prétend
que le donateur de la rente a sous-entendu que le
donataire resterait son débiteur d’une somme inconnue,
et que la chose donnée en resterait grevée. Conception
véritablement sans exemple.
■
Et si les dettes des biens substitués se fussent portées
à 240,000 fr., il en résulterait que le s.r de V eyrac aurait
donné la somme de 240,000 fr., sur laquelle il aurait
retenu 240,000 fr. ; c’est-à-dire, qu’il aurait donné zéro.
Si la veuve V eyra c avait transcrit (pag. 39) la fin
de l ’article 2 du contrat de mariage, cette fin aurait
évité le sens forcé qu'elle y donne. Comme aussi le
fu tu r ne pourra rechercher Ledit seigneur son père pour
�C 16 )
C inventaire de son oncle : cela suppose nécessairement
que si quelque chose est sous-entendu, c’est la répétition
de la même convention pour ce qui précède ; c’està-dire, q u il ne pourra rechercher son pere pour les
biens de la substitution.
L a veuve V eyrac a bien copié cet article 2, en la
page 5 ; mais les mots comme aussi y ont été négligés ;
cependant ils expliquent toute r i n t e n t i o n , et ils ôtent
absolument l’équivoque qu’elle a voulu faire naître
d’une remise anticipée de la substitution.
Il y aurait encore bien des choses à dire pour for
tifier cette démonstration \ mais ce ne serait que ré
péter ce qu’ont dit les mineurs, dans leur mémoire
publié en première instance (pag. 18 et suivantes), et
ce qu’a dit le curateur de l’interdit, en son mémoire
3
(pag. i ); il suffit d’y renvoyer. L a cour y appercevra
un fait très-important, c’est que la succession du substi
tuant a été évaluée à 867,499 livres ; ce qui faisait
pour la substitution 433,749 liv. 10 sous, que le père
des mineurs a abandonnés pour une rente de 10,000 fr.
Il pouvait aussi demander les fruits faute de publica
tion ; de sorte que son père ne lui donna pas même le
produit net de ce qu’il lui devait.
La veuve Veyrac criait ¿1 la collusion contre le cura- 1
leur de l’interdit , parce qu’il ne voulait pas être de
moitié dans s e s paradoxes. Mais le curateur lui répondit
qu’avant de plaider comme elle au hasard, il avait
consulté trois anciens jurisconsultes de Toulouse (mes
sieurs
�( 17 )
/■
.
sieurs G a r y , Lespinasse et L aviguerie), qu ils avaient
décidé en faveur des mineurs , et que cela faisait loi
pour lui, parce qu e, en le nommant curateur, on lui
avait recommandé d'être circonspect , et de ne pas
élever de difficultés déplacées. (Cette recommandalion
avait été faite aussi à la veuve V e y ra c , en la condam
nant trois fois aux dépens en son nom 5 mais elle n’en
a pas été corrigée.)
Les premiers juges ont donc déclaré qu’il ne résul
tait de la donation de 10,000 fr. de rente, aucune
charge de payer les dettes de la substitution au dona
teur. En conséquence , ils ont mis hors de cour la
veuve V eyrac sur tous ses chefs de demande, qui ne
prenaient leur source que dans ladite prétention.
Ainsi les mineurs V eyrac ne s’occuperont plus de
ces chefs de d em a n d e , que la veuve Veyrac a ren
voyés à la fin de son mémoire (pag. y ) 7 et qu’elle
5
ne fonde sur aucun moyen.
\
La première conséquence que tire la veuve V eyrac
de la démonstration q u ’elle croit avoir faite de la
remise de substitution , est de dire (pag. 46) que toutes
les demandes relatives à la restitution de la dot de la
dame de Morges (première femme de Jean-Jacques
V e y ra c ), s’écroulent, d’elles-mêmes.
Ceci était en effet très-conséquent. Mais la veuve
Veyrac avait, oublié que, lors du jugement de Tan 9 ,
e^e avait soumis ces chefs au rapport des quittances.
-
5
�( i8 j
: Aujourd’hui'ces quittances sont rapportées ; donc les
mineurs ont droit de réclamer cette dot, parce que
leur père ne s’est pas départi de la succession de sa
mère.
Il importe peu que les quittances aient été données
par Jean -Jacques V eyrac ou par son p è re , puisque
c ’est là une succession dont aucune l o i , ni aucune
convention ne prive les mineurs. Mais si cela impor
tait, il faudrait rectifier la citation que fait la veuve *
V eyrac : Pater pertes quetn est adm inistrado prœsumitur totum récépissé. Dumoulin dit : V ir penès
quem , etc. A la vérité, il ajoute une comparaison re
lative au père qui s’oblige avec le fils, c’est-à-dire, le
fils sous La puissance paternelle, comme la femme sous
la puissance maritale; et ce qui le p ro u v e , c ’est que
Dumoulin ajoute qu’il parle des femmes dont les biens
sont dotaaoc, et q u’il en serait autrem ent si elles étaient
communes.
Après avoir contesté la dot de la dame de M orges,
la veuve V eyrac dispútele trousseau (pag. 47 ) , parce
q u e , d it - e ll e , le mari l ’a gagné par sa survie, à la
charge des funérailles, ce qui est, si on l’en croit, une
une règle de droit commun.
L a veuve Veyrac ne se serait-elle point accom
modée en cela de la coutume d’Auvergne? Mais cette
coutume est étrangère à la cause : c’est le droit ro
main qui régit les parties; et il ne donne pas le trous-
�19
(
)
v
seau au mari. L a novelle 1 1 7 exprime les cas ou un
mari a quelque chose à espérer sur la succession de
sa femme ; mais il n’y est question ni de trousseau, ni
d’enterrement.
L a veu ve V eyra c combat le gain de survie de 7,000 f.
stipulé au profit de ladite dame de Morges. Ici c’est
dans une loi romaine qu’elle puise le principe que les
donations entre époux, quoique faites entre-vifs, sont
révocables, et qu’il faut la survie de 1 époux.
Cela est très-vrai pour les donations faites pendant
le mariage, constante matrimonio j mais quand il s’agit
d’ un don fait par le contrat de mariage l u i - m ê m e ,
tout est perpétuel et irrévocable , sur-tout quand on
en est ainsi convenu.
O r , le contrat de m ariage porte que le sieur de
V e y ra c donne à la dame de Morges la somme de
7,000 f r ., qui Lui appartiendra, et dont elle pourra d is
poser à sa volonté,
qu ’e l l e
s u r v iv e
ou p r é d é c è d e
,
qu’ il y ait des enfans ou non.
'
L à le m otif de prohibition des lois contre les dona
tions"^ conjugales n’existe plus, rie mutuo amore sese
invicem spolientur. D ’ailleurs, ce qu’a voulu une loi
générale cède à une convention sous la foi de laquelle
un mariage a été contracté, legem contractus d ix it.
1
/
Nous ne suivrons pas la veuve V eyrac dans sa dis
cussion sur divers articles des biens aventifs de la dame
f
6
�( 20 )
.
'
de Morges (pag. 49 et o)- les premiers juges s’en sont
retenu la connaissance ( pag.
).
. Elle adopte le legs de 10,000 fr. fait à la dame de
5
35
Morges , et offre de payer sous déduction d’un neu
vième. C ’est précisément ce qu’ont décidé les premiers
juges (pag. 3 4 ).
.
Quant au ch ef relatif à la légitime du chevalier de Veyrac, l ’adversaire la contesté par deux moyens; i.° parce
que c’est une delte de la substitution ; 2.° parce qu’il est
à présumer qu’elle a été payée,, et qiCelle croit être
certaine que la quittance est dans les papiers de la suc
cession. ’
D éjà il a été prouvé que ce premier moyen était
un songe, et le second est de la même nature.
C a r ia veuve Veyrac n ’a pas encore, donné assez de
gages de sa véracité, pour qu’on doive la croire sur pa
role dans ses simples présomptions. N ’a - t - e l l e pas eu
assez de neuf ans pour chercher dans les papiers de la
succession ?
•
'
Il s’agit d’une légitime due et non prescrite : il n'y
avait donc de griefs à proposer qu’avec une quittance?
C'est bien assez que les premiers juges n’aient pas
adjugé les 6,000 fr. demandés de plus. Mais si la veuve
a osé nier l'écriture du défunt, l ’interlocutoire qu’elle
a rendu nécessaire ne lui aura valu, que le plaisir de
plaider un peu plus long-tems, sans lui épargner une
condamnation.
�( 21 )
Faut-il la remercier de ce qu’ elle ne dispute pas
53
la condamnation de 75 fr. (page
); il semble qu elle
se fait violence en ne contestant pas cet objet ; mais
il est constaté par un billet du défunt.
L a veuve Veyrac se plaint d’être condamnée aux
intérêts des intérêts (page
) ; et elle prétend que
c’est un anatocisme, à la vérité adopté par le Code civil ,
54
mais qui en cela établit un droit nouveau.
,
C’est au contraire un bien vieux principe en F ra n c e ,
l
t
que les intérêts qui courent, ex natura rei, peuvent en
produire eux-m êm es, du jour de la demande : et pré
cisément les dots et les légitimes sont de ce nombre.
En cela les intérêts qui courent sans demande, ne
sont , à proprement parler , que Les fru its dus à la
fem m e et au légitimaire, du jour de l’ouverture de leurs
droits; et il n’y a pas d’anatocisme à ce que des fruits
produisent des intérêts.
'
Ce n’est point assez à la veu ve V eyrac de gloser
contre le jugement dans ce qu’il d it, il faut encore
qu’elle le blâme dans ce qu’il ne dit pas. » Les prê
te miers juges, d it-e lle (page
), ont bien imaginé
« de condamner la veuve Ginoux solidairement et
«■hypothécairement. Entre cohéritiers, il n’y a pas
55
. ff d’action solidaire ; mais on a pris à tâche de l’accacc hier par les condamnations les plus injustes».
/ *»
v
lamentation aurait dû être réservée pour un
�(
22
)
cas plus réel. Car précisément les premiers juges n’ont
pas condamné la veuve V e yra c solidairement.
Ils l’ont condamnée pour m oitié, et hypothécairement pour le tout. Cela est ainsi répété trois fois dans
le ju g e m e n t, c’e s t - à - d i r e , à chaque condamnation
(pages
,
et 37).
34 36
Cette disposition n’est-elle pas conforme aux anciens
principes, et à l’art. 873 du Code civil? la veuve Veyrac
a moitié dans la succession; donc elle doit supporter
les dettes personnellement pour sa part et portion , et
hypothécairement pour le tout.
L a veuve V eyra c n’a point encore assez d’un adver
saire, et elle rompt encore une lance contre l ’interdit,
parce qu’il a obtenu une condamnation d’intérêts de
puis le 28 août 1792.
Mais la veuve V eyrac, qui le met en qualité dans son
m ém oire, com m e intim é, n ’a point interjeté appel
contre lui. Sans doute elle l’avait oublié, ou elle s’en
repent ; et pour se consoler, elle crie dans le désert.
Théodore
de
VEYRAC.
M. e D E L A P C H I E R , ancien A vocat.
M. e G A R R O N , L icen cié-a voué.
A R I O M , D E L ’IM P . D U P A L A I S , C H E Z J.-C. S A L L E S .
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Veyrac, Théodore de. An 12?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Garron
Subject
The topic of the resource
successions
rentes
contrats de mariage
substitution
droit romain
anatocisme
Description
An account of the resource
Précis en réponse, pour Théodore et Jules de Veyrac, intimés ; contre Marie Ginoux, veuve de Jean-Jacques de Veyrac, appelante.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 12
Circa 1785-Circa An 12
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0401
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Puy-en-Velay (43157)
Rights
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Domaine public
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anatocisme
contrats de mariage
droit Romain
rentes
substitution
Successions
-
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Text
PRÉCIS SUR DÉLIBÉRÉ
SEANT
P O U R
F r a n ç o i s
.
R O C H E ,
D ’APPEU
A RIOM.
a p p ela n t ;
C O N T R E
A n t o i n e F A U R E , J o s e p h P I T O U , et B e n o i t
M A N D E T , intimés.
propriétaire réduit à la mendicité par une friponnerie,
fait un dernier effort pour inspirer, en faveur de ses malheureux
enfans, un intérêt qu’il ne réclame pas pour lui-m êm e, et que
les circonstances de sa cause forcent assez de sentir.
T o u s les élémens de la résistance semblent conjurés contre sa
misère; e t, chose inouie peut-être, c’est après avoir prouvé.clairement qu'il étoit volé , que pour la première fois il doute du
succès de sa réclamation.
E t d û t , cet aveu , paroitrc étrange lui-même , il n ’en contras
tera que davantage avec la conviction intime de cette foule de
témoins appelés par la cour pour l ’instruire de la vérité.
Roche, forcé par un enchaînement de faits connus de la cour,
A
�Co
de vendre sous un nom em prunté, consentit, le i 3 messidor
an 10, une vente simulée de tous ses biens , sans exception,
à F au re, moyennant 16000 fran cs, à employer à ses dettes; et
il fut fait une contre-letlre portant que Faure, en les revendant,
auroit pour indemnité de ses engagemens 3ooo francs de bénéfice,
moyennant qu o i, et après le prélèvement des igooo francs et
des frais , tout l ’excédant a p p a r t ie n d r o it à Roche.
C e l homme infidèle, se voyant maître d abuser de la confiance
d ’un a m i, proposa à ses beaux-frères d’acheter ces biens a vil prix,
à condition de l’associer lui-même dans le bénéfice; mais ils reje
tèrent Celle offre avec indignation. V oyant qu’il n’y avoit pas de
fripons dans sa fam ille, il fit la proposition a d’autres qui refu
sèrent encore : enfin, la totalité des biens de Roche a été vendue,
le
brumaire an 11
aux sieurs Pitou de illo m , et IVÏandet
de Domaise , par un acte passé dans une auberge de Billom ,
devant un notaire de Saint - D i è r , et un notaire de Cunlhat,
moyennant 20/^00 f . , qui couvrent assez exactement les iqooo f.
et les Irais et taux frais ; de sorte que l’excédant revenant à Roche
se rédiûl à zéro.
L e s d e u x a c q u é r e u r s , à qui l a c o n t r e - l e t t r e étoit connue, comme
la cour n ’en doute plus, semblèrent d’abord ne vouloir pas lutter
contre l ’indignation publique, et se contenter d ’un bénéfice. T on
bien t’appartient, dirent-ils à R o ch e, nous nous arrangerons :
mais ils vouloient 6000 francs ; Roche offrit 100 louis, puis 200;
13
toutes les personnes honnêles du pays s'intéressèrent à cet arran
gem ent: les acquéreurs ne se relâchèrent pas.
lis avoient mieux connu la valeur des biens. Un domaine à
la Valette , dont Faure lui-même avoit offert 3/,000.francs; des
biens à la Chapelle-Àignon, pour plus de 20000 francs, toul cela
biens patrimoniaux, leur paroissoit une assez belle proie. Ils signi
fièrent leur venle à R o ch e, qui notifia une protestation ; mais en
verlu d une ordonnance il fallut déguerpir.
■
Roche a donc élé obligé de plaider conlre cette usurpation. L e
{*) L e Jour mémo où ou (ut vrtvsau '¡ue llo ch e arrivait (lü l'a ris, et ou il arriva eu effet.
�( 3 )
.
f
tribunal de Clormont lui a refusé la preuve du dol ; mais maigre
tous les efforts des Faure et consorts, pour soutenir que cette
preuve n'étoit pas admissible, la cour n ’a pas pensé que les lois in
terdissent l’éclaircissement de la fraude, et la preuve a été ordonnée.
Cette preuve consistait à établir, i°. que Faure avoit toujours
dit n ’être pas sincèrement acquéreur de Roche , mais prête-nom ;
2°. qu’il avoit offert lui-même 24000 francs du seul domaine de
la Valette ; 3°. que lors de la vente faite à F a u re , il proposoit un
prix de 35ooo fra n cs, que Roche vouloit réduire à 16000 f r . ;
4°- qu’il avoit proposé à ses beaux-frères de leur vendre et les as
socier au bénéfice des reventes , malgré sa contre-lettre ; 5°. queles
sieurs Pitou et Mandet avoient eu connoissance de cette contrelettre; enfin qu’il avoit tenu le propos qu’ils étoient trois associés,
ayant chacun 8000 francs à gagner.
T rois enquêtes ont été respectivement faites; et dans une ma
tière o ù , comme le dit C oquille, tout est occulte , où les parties
s’étudient avec soin à cacher la fraude sous les apparences de
la vérité ; dans une matière où la loi se contente de simples pré
somptions , ces trois enquêtes prouvent, certes, bien plus que la
cour ne pouvoit s’y attendre.
L a vérité ne s’y cache p a s , on y voit sans détour et sans
ambiguité tout ce qu’ il faut savoir. Jamais peut-être un abus de
confiance n’a été plus à découvert. U n fourbe consommé rougiroit de n’avoir pas su rendre sa fraude plus occulte; mais de bons
Auvergnats ne sont improbes qu’en se faisant violence, et le
naturel perce malgré eux : ce qui prouve combien il est aisé d’éviter
la contagion de l’exemple par une sévérité bien entendue.
?Ce Faure, qui se disoit obligé de vendre, le lendemain de la
foire de Clerm ont, parce que Roche avoit fui à Paris , qu’il devoit à la veuve Cossandois , et que lu i, F a u re, étant sans res
sources, alloit être arrêté pour les dettes de R o ch e..,, ce Faure
cependant savoit du sieur Nicolas que Roche arrivoit. ( V . les
20c. et I2e. témoins.) Roche ne devoit pas un sou à la veuve Cos
sandois ; le sieur P rad ier, à quji il dçyoit, venoit de donner du
A
a
�.
(-4 }
tenips^, et Faure venoit d’em prunter, pour le compte de1R oche,
yooo francs le jour même de la vente. ( V . les Ier- et 2e. témoins
de l ’enquête Pitou . ),
C e F a u re , qui prétend avoir été acquéreur légitime, et avoir eu
la fa cu lté de vendre ou de ne pas vendre , a dit à qui a voulu
l'entendre, qu’il n’étoit que le préte-nom de Roche. ( V . les 6 v ,
io ''. , 120. , i 3e. et i 5e. témoins■de Venquête , et le 2e. de la
continuation. ) A d'autres il a dit qu’il étoit le maître de le duper;
qu’il le tenoit.
Faure avoit, disoit-il, acheté les biens par une vente sincère ,
et à toute leur valeur, pour 16000 francs ; et il a cependant
oitert lui-meme 24000 francs du seul domaine de la Valette*
( V . les 7e. , i 5" . , 22e. témoins de Venquêté directe; le 2eï
de la continuation. ) Ce domaine se u l, ont dit plusieurs témoins ,
valoit plus dé 3oooo francs; et son impôt le; prouve. L e bail
à ferme actuel va, en denrée ou argent, à g 5o francs,, sans-les
impositions. Les biens de la Chapelle, vendus ou à vendre, iront
à plus de 18000 francs.
L e troisième fait 'interloque est prouvé de même. Lors de la
vente fictive de l’an 10 , Faure proposoit un prix fictif de 35ooo f . ,
et Roche ne vouloit qu’un prix de 10000 francs, puisque, disoit-il,
il ne s’agissoitpas de vendre. ( V . les témoins Roche et Laver roux.)
Faure, qui devoit vendre pour des prix d ’accord avec R o ch e ,
(¡V. la déposition du sieur Pradier. ) qui ne devoit avoir que 3ooo f.
et laisser à Roche tout l’excédant ; Faure cherchoit à vendre
à; bas prix«, et à se faire associer par l’acquéreur dans les
bénéfices des reventes: il l’a proposé à trois personnes avant de
vendre aux sieurs Pitou et M andet. ( V . les 20. , i 3e. , i 4e**
17e. témoins de l’enquête directe; les i et- et ac. de la continuation,
le 5.0 témoin de Venquête P ito u .)
Qui donc pourra douter dfc bonne foi de l'infidélité de ce F a u re,
q u i, sachant ce que valent les biens de R o ch e, s’ arrange pour,
vendre de manière h ne rien laisser de cet excéd a n t convenu, et
cherche des complices jusqu’à ce qu’il en ait trouve ?
.
�' T o u t cela semble étrangér aux sieurs Pitoü et’ Mandet',- q u i,
moins parleurs que F aure, n ’ont pas fait autant de confidences,
et qui se retranchent à dire qu’ils ont acquis de‘ bonne foi1 parce
qu’ils ont une vente.
‘
L a cour se rappelle qii’à la première audience ils soutinrent
n’avoir vu que la vente consentie à F au re, et n ’avoir jamais connu
la contre-lettre; la copie de cette contre-lettre même ,' disoit Faurë
pour leur prêter son'secours,«n’étoit sortie de chez le'n o taire que
depuis le procès.
,
1
T o ü t cela est' mensonge; le clerc qui écrivit la contre-lettré’ en.
fit à l’instant deux copies: On a voulu équivoqüer sur leut desti
nation ; mais plusieurs' témoins disent que Faure étoït*nanti de la
siérine longtemps avant la seconde vente. ( V . les iô T. ,
, i 5' . ,
ï8 \ ,• tém. de Venq. directe, et lé 2*. de\l’eriqi P ito u .)
D ’autres témoins attestent avoir parlé eux-mêmfcs de la cdntre-r
lettre a u ‘ sieur M andet', avant cette vente. L ’un des' notaires 1qui
l’a reçue déclare qu’il en fut questionî
Iss
. et i8*’ tém. ).
Q uand'on est surpris à m entir, on fait to n n e contenance: les
sieurs.Pitou et M andet disent aujourd’hui que la connoissahce dè
cette contre-lellre ne les rend pas de mauvaise foi. A qui croientils donc en imposer? Com m ent auront-ils pu- v o ir\ dans cette
contre-lettre, qu'après avoir prélevé igooo francs et les frais , tout
l ’excédant appartiendra à Roche , sans croire qu'il dut y avoir un
excédant? comment auront-ils pensé que Roche faisoit à Faure un
don de 3ooo fra n cs, pour vendre ses biens de manière à ne pas
lui laisser un sou? ont-ils pu lire là'contre-lettre sans voir qu’il
- étoit’ impossible de vôir dans cette vente'une mutation sincère?
Les sieurs Pilou H Mandet prétendent être tout' à fait exempta
decollusion , parce qu’elle n ’est pas; disent-ils, clairement prouvéei
M ais comment expliqueront-ils ce propos de F a u re:N o iis sommes
trois, et c’est pour nous un bénéfice d e '8ooo francs chacun?
{ V . les 17*. et 210. tém. de l ’e n q ., et le 1" .d e la continuation.)
.
Comment se débarrasseront-ils de cette déposition'de V achier,
leur propre notaire, q u i, au moment de la vente ; et quand ou
�(
6
)
connolt la contre-lettre, rappelle Vultimatum de Faure? Je v e u x
que le p rix couvre les 3ooo francs qui me reviennent, avec les frais
et fa u x frais ; et en effet 20400 francs couvroient tout cela exac
tement.
j Com m ent expliqueront-ils ce hasard étonnant, qu’un homme
de Tours vende à deux personnes de B illom et de Dotnaise, des
biens situés à Oliergues et à la Chapelle-Aignon, par-devant un
notaire de S t.-D ie r et un notaire de Cunlhat, quoique la réunion
eut lieu dans une ville populeuse?
Quel sens donneront-ils à ce propos de l’u n .d 'e u x , à R o c h e ,
après la vente : Ton bien t’appartient? avoient-ils donc la con
viction d'être acquéreurs sérieusement et de bonne fo i?
’
. .N o n , il faut le dire avec cette profonde conviction que la vérité
inspire, tout cela n’est pas de la bonne foi. D e tels actes ne sont
pas des conventions sincères, et que là loi doive protéger.
II n’y a de prouvé, d it-o n , que le consiliumfraudis : y a-t-on
bien réfléchi, et n ’est-ce pas une sorte d’ironie contre un malheu
reux dépouillé de tout? et certes, si quelque chose est clair, c ’est
X’eventus fraudis p l u t ô t même q u e le c o n s iliiim . L ’u n est l ’e f f e t ou
le résultat ; car le dépouillement existe. L ’ au tre en est la cause
présumée. Si donc on avoue qu'elle existe, comment séparer l’effet
de la cause ?
Faure étoit forcé de vendre, d it-o n ; des huissiers le poursuivoient pour les créances de Roche. Ce n ’étoit que pour ses propres
créances, car c’étoit la Cossandois, créancière de Faure, et qui
a donné un certificat de ne l'avoir jamais été de Roche. Pradier,
seul créancier de celui-ci, avoit donné du temps. Faure savoit
que Roche étoit en route ; et il arriva en effet le même jour de
la vente. Faure venoit d’emprunter 7000 francs pour Roche : il
ne vendoit donc pas par nécessité, mais par suiLe de ses recher
ches d’associés, avec lesquels il partagea la dépouille de Roche.
Yoilà ce qui étoit plus évident que tant de présomptions de bonne
i;’oi qu’il faut chercher dans la charité chrétienne, et non dans les
enquêtes, où l’on ne voit que dol et mauvaise foi à toutes los lignes.
�La cour les a voulues, ces enquêtes ; seroit-il possible qu'elle les
comptât pour rien , quand leurs frais considérables ont achevé
d’épuiser un malheureux qui eût appelé toute sa contrée en
masse pour tout expliquer, et dire aux magistrats que ses enne
mis même partagent encore Tindignation générale contre, ses
spoliateurs?
..
Une seule chose est aujourd’hui à examiner. Résulte-t-il des
enquêtes que.Roche est volé?
On ne peut douter alors que les sieurs Pitou et M andet ont
colludé avec F au re; et il seroit dès-lors injuste de leur laisser
une propriété qui ne fut jamais celle de leur vendeur.
Mais s’il étoit possible que ces acquéreurs fussent m aintenus,
est il même douteux que Faure dût être tenu à indemniser R o ch e,
lui qui cherchoit des associés au vol qu’il m éditoit, lui qui est
démontré fourbe par tant de témoins? L a seule idée de son impu
nité révolte; et cependant il est aussi sur les r a n g s pour partager
la d é p o u ille de R o c h e , et re ce v o ir la r é c o m p e n s e de son infidélité.
E n résultat, les sieurs Pitou et Mandet auroient pour 20400 fr.
deux corps de bien qui valent, suivant les témoins, 5oooo francs.
Quand ils ont voulu traiter de gré à gré, ils offroient 18000 fr.
de plus; ils avoient même payé un à-compte et accepté une quit
tance avec réserves : ils en conviennent, et cependant ils n ’ont eu
garde de la représenter.
Mais on dit à Roche que l’acte par lui consenti donne tout pouvoir
à F a u re, et que Faure a pu se considérer comme propriétaire , et
vendre; tout cela étoit le moyen qui devoit empêcher les enquêtes;
la cour a jugé que le droit de Faure dépendoit de l3intention des
parties, et non de la simulation de Facto.
l L...
Cette décision de la cour étoit pleine de moralité et de justice :
la règle générale que les conventions des hommes font leur loi ,
n ’est exacte que par la supposition préexistante d’un consentement
libre et d'une intention conforme aux clauses. Mais quelle loi pour
voit dire à celui q u i , dupe de son imprudence, s’est exposé
à manquer de tout : cela sera parce que vous l’avez voulu? L a
�)8(
lo i, qui .n’a pu prévenir .cette imprudence, le protège encore, s’il
réclame son secours. Jamais l’être qui se noie n ’a été repoussé du
rivage j et quand il a été jeté au malheureux Roche une planche
dans son naufrage, quand elle lui a été si utile, est-il proposable
de l'avoir appelé au port pour le rejeter dans l’abîme.
■r
. ..
M e D E L A P C H I E R , avocat.
M e M A R I E , licencié avoue'
A R IO M , de l ’im prim erie de L a n d r io t , seul im p rim eu r de la
C our d ’appel. — F ru c tid o r an 13.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Title
A name given to the resource
[Factum. Roche, François. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
contre-lettre
prête-nom
ventes
domaines agricoles
Description
An account of the resource
Précis sur délibéré pour François Roche, appelant ; contre Antoine Faure, Joseph Pitou, et Benoit Mandet, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1802-Circa An 13
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0402
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0736
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Rights
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Domaine public
Contre-lettre
domaines agricoles
prête-nom
ventes
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38ad8af82bce89f9a30818146c136184
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CONCLUSIONS
CO UR
Séant Riom
MOTIVÉES,
IIe
POUR
M .e
'
J
a c q u e s
S E R I E Y S , sous-doyen des notaires
de la ville d’ Aurillac , intimé et appelant;
CO NTRE
Sieur J e a n -B a p t is t e T E R N A T , propriétaire,
f ils à J o seph , et son héritier, appelant ,
intimé et demandeur en garantie ;
ET
EN
PRÉSENCE
DE
Dame M a r ie L A C A R R I E R E , veuve de M r
F O R T E T , conseiller, et sieur F r a n ç o i s
Jo s e p h - M a r ie F O R T E T , son f i s et son
donataire, défendeurs en recours ;
Tous habitans de ladite ville d'Aur illac.
A
ce qu’ il plaise à' la C o u r :
E n ce qui
1
touche
l’appel
7 8 6 , interjette par T e r n a t ,
à re s ti tuer la somme
A tt e n d u ,
de
de la sentence
en ce
quelle
du
3
Mars
le condamne
1 0 0 0 francs.
que l ’instruction du procès donne
D ’ APP
L
E
la
preuve
A
S E CTIO N
�f
.
. ( 2 ?
évidente que* le sieur Serieys n ' a pas
reçu cette somm e. .
Attendu , que la dame de Fortet a déclaré, par requête du
14 Avril
1785 ,
ne pas l ’a vo ir
donnée
au sieur S e r i e y s ,
maîgré rénonciation du contrat de ve nt e , ce qui se trouve
confirmé par la première contre-lettre
du même jour.
Attendu , que le sieur T er na t a dit dans sa requête du
8 Juillet 1 7 8 5 , et a déclaré dans son interrogatoire qu’il
a payé
ladite somme
à la dame
de
Fortet ;
qu ainsi
s’est mis en opposition f o r m e l l e , non-seulement
dame
de F o r t e t , mais encore a v e c
première contre-lettre.
Attendu , que
a ve c
la vente et
il
la
a ve c la
' y
l’objection
faite
par T ern at
à
Serieys,
( page 6 de son dernier mémoire ) d ’avoir avoué par deux
actes la réception de ces mille francs", n’est fondée
que
sur un jeu de mots , parce que la simple lecture de l’o b
jection elle-même prouve que Se ri eys a sommé T er na t de
p a y e r 3600 francs indépendamment des
que
1 0 0 0 f r a n c s , puis
¿a -première somme seule était payable a u x
créanciers
indiqués.
A t t e n d u , que le sieur Se rieys ne pouvait pas avo uer les
2 8 ' M a r s et premier Ma i
1786,
avoir reçu 1 0 0 0
francs,
et que T er na t ne devait pas les lui r e m b o u r s e r , puisqu’il
venait de le faire condamner à les lui restituer, par sen*te nce du 3
Mars pr é cé d e nt , et qu’il poursuivait l’exécution
de ladite sentence.
A t t e n d u , que si la
seconde
contre-lettre , du
5 Ju i n
1 7 8 2 , énonce que le sieur Se ri eys a reçu de T ern at ladite
somme de
1 0 0 0 francs, c’est par suite et complément de
l ’usure projettee par T e r n a t , qui aurait manqué son b u t ,
s’il , eût dit autrement.
/
�Attenduque
'
( 3 )
c’ est pr éci sé me nt, parce que les
contre-
lettres contiennent cette fausse mention , que le sieur S e ri e y s
a assigné T er nat en restitution et l ’a fait condamner*, qu’ ainsi
il n’y
a pas lieu de chercher une preuve dans les actes
même qui sont l’objet du ptocès.
E n vce qui touche l’appel interjette par le sieur S e r i e y s ;
de la même sentence , en ce qu’elle l’oblige à une affir
mation dont le sens est invoqué par T e r n a t , c om m e m o y e n
en sa faveur.
Attendu , que cet appel
que
de
repousser
le
surabondant n’a d’ autre intérêt
moyen
de
rectifier les expressions de ladite
ladite affirmation.
Ternat,
et
de
faire
sentence relativement à
'
Atten-du } que cet appel est re cevab le , et qu’il ne peut
résulter
de la signification de la sentence , aucune appro-
t bation , puisqu’il s’ agissait d’exécuter une disposition f a v o
rable au sieur Serieys.
A t t e n d u , que toutes les
explications
données
dans ses
requêtes précédentes, montraient le sens qu’il donnait l u i '
même a 1 acquittement de 3600 francs ; que , regardant cette
. somme c o m m e acquittée, au moyen des délégations , le sieur
Se ri eys-de vait croire que le sieur T er na t en faisait la même
interprétation , tant qu’il ne réclamait pas
contre
ce qui
avait été dit à cet égard.
Attendu , que l’affirmation offerte étant dans
s e n s , ne peut
le
même
offrir d’approbation qui soit opposée à ce
qui avai t été déjà dit
et n o n d é s a v o u é ;
que ledit sieur
Serieys n’a dû changer de l a n g a g e , et n’en a c h a n g é , en
que lorsque T e r n a t a é lev é^ pour la première f o i s ,
des doutes sur la sincérité de la seconde contre-lettre.
A z
�( 4 )
_
Attendu , que dès-lors la signification de la sentence du
3 Mars , faite par le sieur S e r i e y s , n’a pas pu être approb 3tive d ’une difficulté non encore é l e v é e , et que dès l ’instant
que T e r n a t
pius
a fait des
réclamations , le
offert son affirmation,
sieur Seriey s n’a
et a resté en cet état jusqu’à
son appel.
Attendu, que ce ne sont pas les expressions, mais le fait
de la chose jugée qu’il faut e x a m i n e r ; que tout l ’objet du
procès de 1 7 8 5 , étant de re couvrer
1 0 0 0 fr a n c s , l'affir
mation du sieur Serieys ne pouvait avoir pour objet r é e l ,
que de déclarer s’il avait ou non reçu cette somme.
.
A tt e n d u , que le premier juge n’a dû mettre
aucune im
portance dans le fait de réception des 3 6 0 0 fr an cs , puisque
aucun débat ne s’était élevé devant lui à cet é g a r d , et qu’ainsi
la sentence du 3 Mars 1 7 8 6 , ne peut fournir aucun m o y e n
à T ernat
contre
le sieur Se rieys.
Attendu au f o n d s , que les réclamations de T er na t contre
la seconde contre-lettre , quoique seulement élevées depuis
son
a p p e l , exigent
que l’affirmation
ordonnée par ladite
se nt e nc e, soient précises et réduites à l’objet unique qui était
en contestation , c ’est-à-dire au fait de la non réception de
la somme de
mettre
1 0 0 0 f r a n c s , si mieux n’aime la C o u r per
de la part du sieur S e r i e y s , de donner
affirmation
les
explications
contenues
en
en ladite
ses
écritures
précédentes.
E n ce
qui
touche l’appel interjette par le sieur Serieys
de la sentence par dctau^ du
23
Juin
1786,
qui
déclare
la seconde contre-lettre du 5 Jui n 1 7 8 Z , f a u s s e et supposée.
�( 5 )
Attendu 9 que T e r n a t n’a montré dans toute, sa
f
conduite
à cet- égard que des inconséquences et une hésitation dont
il est aisé de sentir le motif.
A tt e n d u , qu’ après
précédent, pour
av o ir
attendu le jugement du procès
demander par acte extra-judiciaire une e x
plication de ce qu’ il avait lu et relu dans toutes les requêtes,
le sieur T er na t a débuté par conclure à ce que
la seconde
Contre-lettre fût déclarée fausse et supposée, et a fait ensuite
tous ses efforts pour empêcher même une vérification.
Attendu , que le sieur S e r i e y s , à qui il reproche d’avoir
évité
ses premiers j u g e s , en
se
laissant
c on da mn er par
défaut , n’a eu évidemment d’autre but que de ne pas plaider
en deux tribunaux à la fois ( i ) ; tandis que T er na t avait affecté
d ’attendre le sort de la
première décision pour éviter la
décision des premiers ju ges , en feignant d’y recourir ensuite,
et sur-tout pour lasser et décourager le sieur Seriéy s , qu’il
savait poursuivi à outrance par ses c r é a n c i e r s , c o m m e
le dit page
21
il
de son dernier mémoire.
A t t e n d u , que la demande en déclaration de faux
de la
seconde contre-lettre, exigeait de la part de
T e r n a t , qu ’il
■sollicitât lui-même une vérification ou qu’il
passât à l’ins
cription de faux , tandisqu’ en refusant la seule v o i e légale
d’éclaircir sa prétention , il a continuellement agi et plaidé
contre sa propre demande.
A tte n du , que dans les huit ou dix écritures qu’ il a données
au parlement et même dans le procès-verbal
saire ( 2 ) nommé pour
( 1 ) A rrê t du ü
du C o m m i s
la vérification , par arrêt contra-
A v r i l 17 8 8 qui ¡o in t les d eu x a p p e l s , , ap p o in te an conseil
demandes eil j t0;t et j0 jIlti
( - ) M. Lan;bctt-Deicbam ps-de-M otel, conseiller en la Grand-chambre.
A 3
l
sur les
�.
<
6
}
d ic to ir e , sut appoîntement à mettre du 3 Mars 1 7 8 8 , T er na t
a affecté de se retrancher dans des prétendus a v e u x , ce q u ’il
n’a cessé de cop ier et recopier ju s qu a ce jour.
A t t e n d u , que si ces aveux avaient été aussi décisifs qu’il le
s u p p o s e , il n’avait
judiciaire du 27
nul besoin de notifier son acte extra
Mars 1 7 8 6 .
A t t e n d u , que si , c om m e il
le d i t , aucun créancier
de
Serieys ne s’ adressait à lui , si au contraire le sieur Seriey s
était vive men t poursuivi sans rien dénoncer, il est difficile
de comprendre à quelle intention T s r n a t a intenté un procès
tendant à ne p a y e r aucune de ces créances.
Attendu que la seconde contre-lettre a tous les caractères
de la sincérité ; qu’elle ne doit pas être plus
suspecte que
la première et que »plus l’usure de T er na t exigea d ’obscu
rité et de simulation
dans les
clauses d e . l a v e n t e , plus il
.falut d’explications et de contre-lettres
pour
ramener les
parties à leur véritable intention.
Attendu , que la dame de
mière contre-lettre
laquelle
elle
pour
semblait
se
'
Fortet ayant exigé
rendre
étrangère
participer par
nécessairement une seconde
une pre
l ’usure
la vente , il
contre-lettre entre
à
fallait-
T er na t
et
Seriey s s e u l s , d’après les circonstances.
Attendu,
que le prêt particulier et,indépendant de
500
francs fait par Ternat ( et dont il se fait un m o y e n
aux
pages 16 et 1 7
térêt qu’ il eut
de son dernier m é m o i r e ) prouve seul l’in
lui-même d ’exiger un emploi , tel qu’il est
spécifié dans la seconde contre-lettre.
A tt e n d u , que la*quittance d’And ré Serieys n’est que la
�\
( 7 ^
,
stricte exécution de ladite contre-lettre , et que cette quittanct
est du fa it même de Ternat.
s* A**' y yto A *)
Attendu e n f i n , que T er na t ne nie pas sa signat ur e, et
—
que la fable par lui imaginée pour créer une présomption*
ne peut pas détruire un acte de son fait.
Attendu,
que
s’ il
avait
eu lui-même
confiance en
sa
_
propre fable , il aurait été le premier à presser la vérifi
cation
devant
les écrivains
ex p é ri m e nt é s,
choisis
par le
P a r l e m e n t , au lieu de verbaliser pour les empêcher d’e xa
miner avec
lui les signes de faux qu’il indique.
E n ce qui touche l’objection présentée par T e r n a t ( page
^
2 de son dernier mémoire ) que Se ri eys ne justifie d ’aucune
diligence de ses créanciers énoncés dans la seconde contrelettre.
A t t e n d u , que T e r n a t se répond à lui-même ( page 9 ) ,
en disant qu’après la seconde contre-lettre les créanciers
de Serieys ccntinvièrenc leurs poursuites.
Attendu,
que dans sa
3 7 8 6 , il avait dit que
requête introductive
Seriey s était
contraintes par corps.
A t t e n d u , que
du 6 M a i
écrasé de frais et de
>
'
les poursuites et saisie-arrêt de
L ib e t et
M a n h e s , prouvent qu’ils étaient cré a nc ie rs , et que T e r n a t a
reçu une saisie-arrêt dont lui seul peut
en la produisant.
justifier
la
date
A t t e n d u , que si les dernières poursuites de ces créanciers
datent de 1 7 8 6 , ce n’est pas une
sont postérieurs à . ^ 1 7 8 2 .
E n ce qui touche
p reuve que leurs titres
l’objection ( p a g e
seconde contre-lettre est
détruite
1 0 et 1 1 )
par les
a ve ux
q Ue la
qu’a fait
Serieys au procès de 1 7 8 5 * d’avo ir reçu les 3 6 0 0 francs.
1
�.
Attendu,
que
Ç.8 >est
Serieys n’ en
con ven u
qu ’a vec
des
explications- 'et réserves que T e r n a t a toujours fait semblant
de ne pas
entendre,
et qui
sont cependant la copie de
cette seconde contre-lettre.
A t t e n d u , que si les réserves de la première requête ne
sont pas sur
la
copie,
elles sont très-nettement et
sans
renvoi à l’original signé du Rapporteur et signifié.
Attendu , qu’elles sont répétées dans les autres requêtes et
sur les copies.
A tte nd u, que la signification du premier Septembre 1 7 8 5
annonce à T ern at quau- moyen de la première contre-lettre ei
autres conventions , Serieys sera, créancier au lieu d'are débiteur.
A t t e n d u , que
dans
la requête
du
9
Déce mbre 1 7 8 5 ,
transcrite par T er nat lui-même en son mémoire ( p a g e 1 2 ,
alinéa 5 ) le sieur Serieys déclara a vo ir reçu les 3 60 0 fr an cs ,
et s il dit que c était en deniers effectifs , i l àjouta, ou par
secondes conventions par la rétention du p rix des acquisitions ,
payable aux créanciers ou légitimaires à indiquer par Serieys «
A tt e n d u , <que s’il a plu
à
T er na t
d ’imprimer le
mot
deniers effectifs s e u l , pour y trouver un a v e u , l ’explication
qui suivait immédiatement , donne à cet aveu un sens bien
c l a i r , que T ern at ne pouvait pas m éco nn aî tre , et qu'il n’a
pas pu d é s a v o u e r , puisqu’il n ’y a pas répondu.
Attendu e n f i n , que
lors de l’interrogatoire sur
faits et
a rt i c l e s , Serieys a demandé.par article non signifié,, [ar t. 9 ]
que T ernat fût interpellé de repondre, si outre la vente et
la contre-lettre , sur lesquelles il venait d’être interrogé , il
11 avait pas fait d'autres conventions particulières avec Serieys.
A t t e n d u , qu’ au lieu de s ’expliquer
franchement, T ern at
ne fit que des réponses évasives qui le convainquirent de
�.
,
( 9 -)
.
;
.
mauvaise f o i , tellement que le J u g e d’ Aurillac lui o b se r v a , ’
proprio m otu , qu’il ne disait pas la vérité.
A ttenduj que dès-lors Serieys n’a rien avoué à son p r é - ,
judice , et que , dans tous les cas > on ne détruit
pas
un
titre par des dires qui n ’ en énoncent pas même la date j
que le procès de
1785
était étranger aux 3 6 0 0 fr a n c s , et
que Ternat ne dit même rien qui tendit à accepter les a ve ux
dont il a voulu depuis se faire un m o y e n
En
principal.
ce qui touche les inductions que T e r n a t veut tirer
de la délégation du z i A v r il 1 7 8 3 ( page 1 5 et suivantes).
Atten du, que
l ’affectation qu’il
d a t e , et l’affectation plus
par deux
fois
copie ou
met
grande
à en souligner la
encore
d’en
communication par
demander
la
v o ie
du
greffe, n’ont pour but que d’appeler la défiance de la C o u r
sur une pièce pour l’étendre à une autre.
Attendu , que T ernat ne peut demander de bo nne foi
la
copie
ou
communication
d’une pièce
imprimée
lui ( page 15 ) et qui n’a été faite et signée, que
par
pour lui
être à l ’ instant remise en 1 7 8 3 .
Attend u, que
le soupçon qu’il veut élever sur la date,
seflace par les reçus postérieurs qui la mentionnent de n o u
v e a u , et qui sont d’une époque
antérieure aux procès.
Attendu , que les longs raisonnemens que fait T ern at à
1 égard du prêt de 500 francs, relatifs à la dé lég ati on , pour
tirer avantage de ce q ù il ri y a pas eu d'usure cette fo is
sa part, ( p a g e
usures
de
1 6 ) n’ont rien de c om m un avec les autres
qu’il a commises
par le résultat des deux contre-
lettres , et ne font au contraire qu’en confirmer la conviction.
En ce qui touche l’objection ( p a g e 2 3 , 24 et 25 )
que
dans la seconde contre-lettre, le papier est tourné au verso
et 1 écriture plus lâche
d’un côté.
'
�( 10 )
A t t e n d u j que quand cela serait v r a i , personne ne s’avise
en se
de
servant d’une demi
quel
côté
il
c o m m e n c e , et sur-tout
ne soupçonne pas que
des
observations
feuille pour é c r i r e , d’examiner
celui
qui écrit
celui a v e c qui il traite présentera
aussi
misérables
com m e
des
nullités
d ’or donnance.
A tte nd u, que le m o y e n de T er na t que l’ écriture est plus
serrée au recto act uel, est démenti par lui-même ( page 2 4 )
lorsqu’il dit que cette première page de la seconde contrelettre
est
remplie de
phrases
inutiles
et surabondantes}
parce qu’en les a b ré g ea nt , on aurait eu besoin de serrer moin s
Attendu , que tous les sophismes
suspecter
la
seconde
contre-lettre ,
de T er n a t pour faire
s’évanouissent
devant
cette seule considération, que si Serieys en eût été le fa-j
bri ca teu r,
il
aurait eu pleine liberté de la
manière à éviter tout procès
p ou r les
rédiger d’ une
îoco
fr an cs,
et à
éviter aussi la délégation de 1 7 8 3 .
A tte nd u en e f f e t , que le sieur S e r i e y s , n ’aurait pas man
qué de déclarer que les
1000
francs
n’étaient
pas payés
par T e r n a t , au lieu de c on ven ir de ce paye men t simulé et
u su r a i re , qu'il n’aurait pas
légitime d’André
manqué encore de
son frète à prendre sur
les 3 6 0 0 francs
au lieu de reconnaître que les 500 francs de
sont
des
un prêt
particulier fait par
déléguer la
cette légitime
T e r n a t , indépendament
3 6 0 0 francs.
Attendu enfin , qu’un
écrit signé et appprouvé n’ a pas
besoin d’être fortifié de raisonnemens.
Attendu, le principe actori onus probanJi incumhit , et que
Ternat
ayant intenté une demande pour conclure à ce que
la seconde
contre-lettre fut jugée fausse et
pas établi sa demande.
supposée, n’a
�Attendu ,
par
une
( ïO
f
que dès-lors il doit en être débouté, et que
conséquence
a vo ir son plein
forcée ,
effet.
contre-lettre
doit
.
Par ces motifs , faisant
T er na t de la
ladite
^
droit
sentence du
3
sur
l’appel
interjette par
M a rs 1 7 8 6 , dire qu’il a été
-v.
bien jugé par ladite sente nce , en ce que T e r n a t a été c o n
damné à rembourser la somme .d e 1 0 0 0 francs à S e ri ey s,
et en ce que
reçu ladite
que
ce
dernier
somme,
est
tenu
d’affirmer n’avo ir pas
mal et sans cause a p p el é , ordo nne r
ladite sentence sortira son
plein et entier effet, c o n
damner l’appelant en l’amende.
Faisant droit
sur l’appel
incident interjetté par le sieur
Se ri eys de la même s e n t e n c e , et le restituant en tant que
de besoin surabondamment contre toute approbation , dire
q u ’il a été mal jugé par ladite sentence en ce qui touche le
m od e d’affirmation ordonné par icelle , bien appelé quant à
ce émendant , ordonner que l’aifirmation prescrite par ladite
sent en ce, sera réduite à la non reception des 1 0 0 0 f r a n c s ,
'
si mieux n’aime la
C o u r ordonner que ladite affirmation
sera faite avec l’addition des réserves et explications c o m
prises dans les requêtes y v is ée s , ordonner
sera rendue.
Faisant
que l ’amende
droit sur l’appel interjetté par le sieur Se ri ey s de
la sentence du 23 Juin 1 7 8 6 , dire q u ’il a été mal jugé par
ladite s e n te n c e, bien a p p e l é ,
émen da nt, débouter T e r n a t
de sa demande en nullité de
la seconde
contre-lettre du
5 Juin 1 78 z , ordonner que ladite contre-lettre sfera exécutée
selon sa forme et ten eur , et qu’en c on séq ue nce , T e r n a t sera
tenu de rapporter dans le mois
quittance des créanciers à
lui indiqués, jusqu’à concurrence de la so mme de 36 0 0 francs,
�( 12 )
et des intérêts depuis ledit acte , sinon et faute de ce faire,'
le con damner à p a y e r et porter
ladite somme et intérêts
audit S e r i e y s , c o m m e aussi aux dommages et intérêts de ce
dernier,
suivant l ’état
qu’il en
donnera,
ordonner
que
l ’amende sera rendue.
Faisant droit sur la demande portée par requête du 20
Novembre
1 7 8 9 , ordonner
outrageans qui se
que
les
termes injurieux et
trouvent consignés
dans les requêtes et
procédures de T e r n a t , seront
su ppr im és ; faire défense à
T e r n a t de récidiver et injurier à l’avenir le sieur Seri eys ,
con da mne r T er na t en tels dommages intérêts q u ’il plaira à
la C o u r fix er, ordonner que l’ Arrêt de la C o u r sera quant
à ce affiché au
nombre de 500 exemplaires , tant dans la
ville d’Aurillac que dans les autres v illes du ressort d e la
C o u r , aux frais dudit T e r n a t ; cond amn er ledit T e r n a t aux
dépens faits tant
contre
lui que
contre la dame
Fortet
des causes principales et d’appel.
Signé
M r. C O I N C H O N L A F O N ,
S E R I E Y S.
Rapporteur.
M . D E L A P C H I E R , Avocat.
M .c DAUDE-VERNIO LES, A vo u é- Licencié.
A
Chez V
i a l l a n e s
A U R I L L A C ,
,
p è re
et Fils, Imprimeurs-Libraires,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Serieys, Jacques. 1788?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Coinchon-Lafon
Delapchier
Daude-Vernioles
Subject
The topic of the resource
contre-lettre
Description
An account of the resource
Conclusions motivées, pour Maître Jacques Serieys, sous-doyen des notaires de la ville d’Aurillac , intimé et appelant; contre Sieur Jean-Baptiste Ternat, propriétaire, fils à Joseph, et son héritier, appelant , intimé et demandeur en garantie ; et en présence de Dame Marie Lacarrière, veuve de Mr Fortet, conseiller, et sieur François-Joseph-Marie Fortet, son fils et son donataire, défendeurs en recours ; Tous habitans de ladite ville d'Aurillac.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Viallanes, père et fils (Aurillac)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1788
1786-Circa 1788
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0403
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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Contre-lettre
-
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318ba25d97722bae3842a8f9dece20a3
PDF Text
Text
J
M a r g u e r i t e S O B R I E R , v e u v e D a u d i n , a p p e la n te ;
C O N T R E
Sieur F r a n ç o is C A P E L L E , intimé et appelant;
EN
P R É S E N C E
D 'A n t . D E S P R A T S , et d'E l é a za r d R O S T A N G D A U D I N , appelans et intimés,
L
A dam e Daudin vouloit oublier tout ce qui tient à une vente
qu'elle a signée en 1 7 8 2 . L e sieur C ap e lle , qui l’a trompée, veut
obtenir contr’elle une garantie ; il faut lui démontrer qu’il ne lui
en est dû aucune,
.
L e sieur D escaffres, par son testament du 7 avril 1 7 7 3 , institua
Eléazard Daudin , son petit-neveu , pour son héritier ; il légua à
Marguerite Sobrier, sa mère, le mobilier et l’usufruit de ses biens ,
et la désigna exécutrice testamentaire, avec pouvoir de vendre pour
le paye ment de ses dettes,
Elle avoit vendu quelques objets avant 178 2 , et ne voyoit pas de
nécessité d’en aliéner encore, lorsque le sieur Capelle concerta avec
Daudin fils , m in eu r, le projet de se faire vendre le domaine du
Y ern et, dépendant de la succession Descaffres.
• Daudin fils, épris d'une passion violente, avoit résolu d’aller se
marier à Avignon ou en Italie ; et, pour cela, il cherchoit de l'ar
gent: un négociateur du sieur Capelle lui proposa la vente de ce
domaine.
(
A
�(
2
)
-
- ‘
M ineur, et n ’ayant pas le pouvoir de vendre, Daudin fils y
décida sa mère , qui fixa le prix à 21600 francs. En eût-elle voulu
demander le double, il n ’y a voit pas d ’obstacles, puisque le sieur
Capelle avoit déjà son plan.^
^
Il feignit d’adopter le prix de ¿16 0 0 francs , exigea que le contrat
portai quittance, au moyen des billets qu’il devoit faire ou céder.
En effe t , par acte notarié du 1 " . mars 17 8 2 , la veuve Daudin lui
vendit avec garantie , moyennant 21600 francs , le domaine du
V e rn e t, tous les bestiaux ët outils d’agriculture, ensemble cin
quante setiers de blé à prendre sur la récolte pendante, et le quart
du surplus de ladite récolte.
~
M ais ce prix , bien sérieux pour la dame Daudin , n ’étoit que
fictif pour le sieur Capelle ; déjà il avoit arrêté, avec Daudin fils,
que le prix du domaine ne seroit que de i 58oo fran cs, sur lequel il
devoit compter à peu près 4000 francs pour le voyage d’Italie, et
le surplus étoit délégué sur une maison de commerce d’Aurillac.
L a prévoyance fut portée plus loin; D audin, m ineur, pouvoit
réclamer un jo u r, et le sieur Capelle se munit d'une ratification
générale , dont la date fut laissée en blanc. 11 paroit meme qu elle
étoit fabriquée avant la vente ; c a r, dans I incertitude du mode de
mutation , le sieur Capelle y fit ratifier tous les actes passés à son
profit ( et il n’y en a qu’un seul ). Daudin fils écrivit tout cet
acte, excepté la date : le sieur Capelle avoue qu’elle est d'une autre
main.
On comprend d’avance que les articles secrets de cette capi
tulation étoient subordonnés à la reprise des billets signés le jour
de la vente. Daudin fils lés enleva, et disparut.
L a dame D a u d in , justement irritée, rendit plainte en soustrac
tion des billets de 21600 francs, et en outre, de divers blancs
seings. Sur le vu des inform ations, le bailliage de Vie rendit une
sentence, le 18 juillet 17 8 3 , qui condamna Daudin fils à restituer
à sa mère 21600 fran cs, permit de faire des saisies-arrêts , et
annulla les blancs seings q u i, en e ile t, n ont plus reparu. Ces
informations sont perdues, et on ignore qui a eu le crédit de les
/
�( 3 )
supprimer: la sentence seule existe, et le sieur Capelle d it, clans
son mémoire , qu’il en est porteur.
Il est à croire que ces informations secrètes , suivant 1 usage ,
contenoient des révélations qui seroient aujourd’hui b i e n utiles;
car le lieutenant général de V ie ( le sieur Sistrières ) , qui se trouvoit seigneur féodal d’une partie du domaine du Ver n e t, exerça
le retrait contre le sieur Capelle, et soutint que le prix réel n’étoit
pas de 21600 francs.
«.
Alors Daudin fils étoit de retour; le sieur Sistrières l’interrogea
ou le fit interroger; mais Daudin fils peu rassuré encore , et
pudori sito par cens , fut fidèle à son m entor, et répondit de ma
nière à mériter ses éloges : il se hâta de s’en glorifier par une
lettre du 10 août 17 8 5 , que le sieur Capelle a la bonté de produire.
■ « J ’ai subi interrogatoire pour savoir ce que j ’ai reçu de y o u s
» Sistrières croit que vous n’ avez fait de billets que pour quatorze
y> mille frarj.es ; j’ai dit que vous en aviez fait pour tout le con
» tenu au contrat, ce qui l’interloqua fort. Quoi qu’il en so it, je
» ne vous nuirai jamais , parce que vous nS avez paye ce que
» vous tn*aviez promis.' »
L e procès Sistrières ditfa quelques années encore, et fut terminé
par un traité du 5 mai 1789 , dans lequel les parties se contentent
.
de dire que, parfaitement instruites de leurs droits, elles se sont
respectivement départies de leurs prétentions.
T ous ces résultats mystérieux étoient ignorés de la dame Daudin,
qui se consoloit de ses chagrins précédens par le retour de son fils.
L a révolution a amené pour elle d’autres terreurs et d’autres sacri
fices : elle a été enfin obligée de faire plusieurs ventes ; et le sieur
Capelle, qui ne conçoit pas que les fortunes puissent diminuer, lui
en fait un crime. Elle a réglé ses affaires avec son fils pour la suc
cession Descaffres ; et n’ayant plus que le souvenir de son ancienne
aisance, elle étoit loin de s’attendre, sur la fin de sa carrière, à
être accusée de collusion et de complots de la part de l’homme à
qui elle pouvoit en reprocher si justement.
Daudin fils a cédé ses droits à Desprats , qui a cité le sieur
A 2
�4 )
Capelle en désistement du domaine du Vernet en l ’an 8. L e sieur
Capelle a produit la ratification, qu’il a datée de 17 8 8 ; et alors
D a u d i n ',’ mis en cause par D esprals, a commencé une procédure
en inscription de faux contre la date de cette ratification.
L e tribunal d’ Aurillac en a ordonné le dépôt au greffe; le procès
verbal mentionne que la date est d’une autre'main, et d’une encre
plus noire, qu’on a repassée sur plusieurs lettres du même acte. Le
sieur Capelle se défendoit d’abord par des nullités contre cette
procédure; mais il a fini par la rendré sans objet; en déclarantqu’il reconnoissoil la date de la ratification pour être d’une autre
main. • .1
”
'
•
...
- L e sieur Capelle, qui sentoit bien toute la difficulté qu’il avoitde faire usnge désormais de cette ratification, a cherché à élaguer'
tout à lait Daudin fils, s’il le pouvoit; d’abord il le; reconnoissoil
pour héritier Descaffres ; ensuite il a attaqué le testament de nul-,
lité , et'a prétendu que la mère étoit héritière'(*),
. ... . „
Sa défense s ’est basée principalement sur ce moyen il a , de
p lus, crié à la collusion, et s’est.tourmenté, par^un appareil d’in-r.
terrogatoires, pour se donner l’apparence d’u n e \iclirne de Ja raau-,
vaise foi. En concluant à la garantie contre la dame Daudin , il
a affecté de dire qu'il ri’ auroit pas cependant de ressources contre
elle, s’il perdoit son procès. L e sieur C ap elle, p a r . jugement du i 5,
germ inal an 1 1 , a été débouté,de sa demande en nullité du testa-j
ment de 17 7 3 ./La vente du i " , mars' 178 2 , et la ratification de
178 8 , ont été déclarées,nulles. L e sièur Capelle a été condamné
à se désister du domaine du V ern et. L a daine Daudin a été çonrfamnée à le garantir et indemniser, et à lui payer non-seulement
21600 francs , mais: encore'ses dommagc^-intérèls. Daudin fils est
condamné à rembourser 1 38oo francs', et les améliorations, U
£st ordonné que , sur une demande en garantip solidaire formée
par Capelle contre les sieur et dame Daudin , les parties contesC
(* ) A u jo u rd’hui il se juge lui-m ém c ; ca r, pendant l ’impression <Ie cc m é m o ire , il vient do
conclure contre Dcspr^ts à la m l'rog.ition légale. Jist-ce un propriétaire qui achète «a propriété I
c it-c e ua acqu éreur, prc.t à vtre c v iiic é , qui achète le fo n d i u procès i rem sibi necessariam.
�( 5 )
f
teront plus amplement. L a dame Daudin est condamnée aux dépens.
Toutes les parties ont interjeté appel de ce jugement.
M O Y E N S .
_
L a vente de 1782 est annullée; et cependant la dame Daudin
est condamnée à garantir le sieur Capelle , et même en des dommages-interèts considérables : n’y a-t-il pas à cela de l’inconséquence?
Une telle décision se conçoit, si le sieur Capelle a acquis loya
lement et de bonne foi ; car alors la garantie qu’il a fait stipuler
ne peut pas être illusoire.
Mais s’il a voulu tromper celle qui lui vendoit, il répugneroità toute justice qu’elle seule fû t grevée, et qu’il profitât au con
traire de sa propre fraude.
■
O r, il est indubitable que le sieur Capelle atrompé la dam eD auin,
et il doit en résulter non-seulement qu’il n’y a pas lieu à garantie,
mais même qu’il n’y a pas de vente.
i°. Il n’y a pas de vente ; car le consentem ent en fait le prin
cipal caractère , el il fau t qu’ il intervienne sur la chose et sur
le prix , sans cela il n ’y a pas de vente.
. Ce ne seroit qu’une subtilité de dire qu’il a dans la vente de
1782 un.prix quelconque, parce que si ce prix n’est pas réellement
celui dont les parties sont tombées d’accord , il n’y a plus véritable
consentement; surtout quand c’est l'acheteur qui veut donner une
somme moindre : tels sont les principes.
» L e consentement, dit Pothier, doit aussi intervenir sur le
prix. Ce consentement ne se trouve p oin t, si l’un compte vendre
» pour uïie sommé plus grande quecelle pourlaquelle l’autre compte
» acheter. Il n’y a donc pas de contrat de vente, faute de consen
ti tement. h ( T raité du contrat de vente.', pâg. y . i n\ 36. )
E t ce n’ est là que la copie de la loi elle-même : S i in pretio vel
in re errent, vel dissentiant, conlractus erit imperjectus. L . 9
ff- D e contr. enipt.
^ A. quoi la glose ajoute : Quod si minus emptor , majhs venditor
p u tw it, impeditur conlractus.
t a loi a donc voulu pourvoir aux surprises, et il n’importe que,
�,( 6 )
dans l'espèce , la vente ait été exécutée, parce qu’il est évident
que la même erreur , qui président au contrat, devoit en proléger
l’exécution.
. ,
L e principe est général ; et si l’acheteur a le secret de persuader
au vendeur qu’il est cl’accord sur le prix , il est certain qu’il y
aura le simulacre d’une vente, jusqu’à ce que le vendeur soit certain
qu’il a été trompé ; alors , si par les circonstances on peut juger
qu'il s ’est opéré une nouvelle convention , celle-là seule aura quel
que considération, plutôt que la première qui étoit vicieuse.
Si donc on pouvoit reprocher à la dame Daudin qu’elle n’a pas
réclamé plutôt, elle répondroit avec raison que la collusion de son
fils et du sieur Capelle contre elle-même a entretenu son erreur; ’
qu’elle a si bien cru le sieur Capelle innocéttti; qu’elle n'a accusé
que son fils, comme il’l’observe lui-même- : elle a si bien cru avoir
stipulé pour prix de vente 21600 fran cs, qu’elle a fait condamner
son fils à lui payer 21600 francs.’ <
Quel intérêt auroit-élle eu d’ailleurs-à faire un procès pour ce
dom aine? il ne lut appartenoît pas. L e principal intéressé étoit
son iils; mais il colludoit, et il étoit condamné à son égard.
Les éclaircissemens d’ ailleurs ne sont nés que du procès actuel,
des variations du sieur C apelle, et de la lellre de 1783 qu’il a
produite.
!
Ses variations ctbierit frappantes : i°. il diçoit, quant au testament
Descaffres, qu’il a voit été rassuré, en achetant, par le pouvoir que ce
testament, dont il avoit connoissance, donnoit à la dame Daudin
de vendre. Ensuite^, il a dit qu’on lui en avoit caché l’existence
il en a demandé la nullité, et il répète encore aujourd’hui qu’il l’a
méconnu.
V
>
■ :
2°. Quant au prix de la vente, le sieur Capelle disoit d’abord
que l’enlèvement des b i l l e t s étoit un conte; que la vente faisoit fo i;,
que les 21600 francs avoient été payes comptant, ce qui exclut
toute idée de soustraction d ’effets : et, aujourd’hui, il est obligé de
changer de langage , et de dire qu’il n’a'p ayé que Gooo francs
com ptant, et fait des billets pour le-surplus.
-,
L a lollrq de iy 83 a rendu'nécessaire cette esnèo.e de confes-
�.
^ 7 ^
.
.
,
sion forcée ; car , comment répéter qu’il n’y avoit pas eu d’effets ,
lorsque Daudin (ils écrivoit : J ’ai dit que vous en avçz fa it pour tout
le contenu au contrat ; et le sieur Capelle,avoit excipé de cette lettre.
Mais , c’est delà que naissoit la révélation essentielle pour la
dame Daudin : elle étoit forcée d’y lire tout à la fois la surprise
qui lui avoit été faite, et la sujétion de son fils pour la tromper
encore a p r è s son retour. Vous m ’ a v e z payé ce que vous m’avez
promis ; je ne .vous, nuirai jamais : donc il résultoit de ces deux
phrases qu’il y avoit un prix autre que les 21600 francs : donc le
sieur Capelle a voit payé directement à Daudin fils ; vous m ’ a v e z payé.
■ E t dès-lors quelle poignante réflexion pour la dame Daudin î
Jusque-là elle avoit pu croire que son fils, ayant enlevé des billets,
avoit couru chez les banquiers pour s’en faire payer avant pa fuite ;
et il a fallu voir dans cette lettre que le sieur Capelle avoit payé à
tin fils de famille rebelle, à un mineur, des billels enlevés, et après
une information d’un genre aussi peu ordinaire.
L a dame D audin avoit bien aisément été trompée. Son erreur a
duré jusqu’à ce que son fils , détrom pé lui-m im e sur le compte du
sieur C ap elle, a fait la cession qui adonné lieu au procès. A lo rs ,
attaquée elle-même, elle a eu intérêt d’examiner ce qu’elle eût mieux
aimé ignorer toujours.
11 n ’y a pas de vente, disons-nous , puisqu’il n’y a pas de consen
tement sur le p rix , dès que le sieur Capelle avoit machiné le projet
de n ’aclieler que i 38oo fr. un domainequ’il feignoit payer 21600 fr.
Mais encore moins , y a-t-il lieu à garantie , et cette proposition
est fondée sur les principes les plus constans.
' On peut vendre la chose d’autrui , dit le sieur Capelle , et par
conséquent on peut garantir une telle vente : cela est vrai ; mais
alors il y a au moins dans l’acheteur bonne foi dans la garantie qu’il
fait stipuler.
Dans l’espèce, le sieur Capelle n’étoit pas plus de bonne foi dans
cette garantie que dans la vente; caria garantie éloit une coud ilion
du prix de 21600 fran cs; si donc il savoit qu’à son égard le prix
¿toit moindre , H y avoit dol dans la garantie qu’il exigeoil.
�( S )
» L e dol, dît le Code c iv il, est une cause de nullité de la con
» vention , lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties
» sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre
» partie n’auroit pas contracté. » ( A rt. 1 1 16. )
O r , personne ne doute que la dame Daudin n’auroit pas vendu
et encore moins garanti au sieur Capelle, s’il l’avoit prévenue qu’il
iïiachinoit avec Daudin fils le projet de n’acheter que pour i 38oo f r .,
et même de fournir ce prix à un jeune homme qui fuyoit sa fam ille,
penturo.
En général, l’acheteur qui sait le vice de la chose vendue sciens
rei gravamen , ne peut pas demander de garantie; et à plus forte
raison celui qui a coopéré à ce vice, et qui plutôt l’a créé lui-même,
en sous-entendant un prix que le vendeur ignoroit et n’adoptoit pas.
E t, à cet égard, il faut remarquer un double principe; c’est que,
i°. la garantie même de tout troubles et évictions ne peut s’entendre
que d’une cause d’éviction qui existât avant la vente, et que le
vendeur pouvoit ou devoit savoir ; 2°, que si la cause d’éviction
résulle de la vente elle-même, quant à sa forme ou sa substance,
il faut que l’acheteur se fasse garantir expressément de ce vice connu.
y> L e débiteur, dit l’article u 5o du Code civil, n’est tenu que,
» dos dom mages-intérêts qui ont clé p révu s, ou qu ’on a pu prévoir
» lors du contrat ; » et cet article s’applique à la garantie d’évic
tion , d’après l’article i 63g ,
.
C ’est en vertu de ce principe que la cour d’appel de Paris, par
arrêt du 27 messidor an 1 0 , déchargeoit de la garantie un ven
deur qui s’y étoit soumis solidairement; mais à l’égard de-Pim-*
meuble d’un interdit, qui ne pouvoit êlre vendu sans form es;
» Considérant qu’on n’entend par garantie d’évictions et troubles,,
» que ceux étrangers au contrat, et dont il y a une cause e x is
tí tanle au temps du contrat....... Qu’on n’entend point par cette
>) garantie l’éviction dont les vices du contrat même sont la
» cause. » ( J. palais, n°. 1 7 1 , )
Dans l’espèce, la vente de 1782 a deux vices : l'u n , que lachóse
vendue étpit à autrui : le sieur Capelle n’ignorolt pas le testament;
�( 9 )
.
.
il l ’a avoué, et sa précaution anticipée de prendre une ratification
en blanc , le prouve d’avantage. >,
Le second.vice, radical en ce qu’il attaquela substancede 1 a c te ,1'
étoit connu de l’acheteur seul, et cette circonstance est bien plus
décisive-que celle de l ’arrêt de Paris. L e sieur Capelle savoit seul
que le prix exigé par la dame Daudin n’étoit pas le prix qu'il vouloit payer, et la dame Daudin qui garantissoit ne le savoit pas.
A-t-ellç donc donné un consentement valable à la garantie? Non*
car non videntur qui errant consentirez
» 'L é troisième ca s, dit Potliier, auquel il n ’y a pas lieu à la
» la garantie , est celui d’un acheteur q u i, ayant connoissancede.
». la cause qui donne-,lieu à l’éviction , l ’a cachée au vendeur qui
». l’ignoroit, et de qui il a stipulé la garantie : comme en ce cas
». c’est l’acheteur,qui,a induit en erreur le vendeur, en stipulant
» de lui une garantie qu’il n ’auroit pas promise ..... le vendeur
» parolt fondé à l’exclure de son action de garantie par l’excep» tion du d o l, en lui offrant seulement de lui rendre le prix
»' qu’il a reçu. »_ Contr. de vente , pag. i , n°. 191*
- : O r , la dame D audin n ’a rien-reçu , et le sieur Capelle le sait
mieux que personne. D audin fils avoue avoir reçu les i 5£oo francs J
il en a offert le remboursement, et dès-lors la veuve Daudin doit
rester au£si neutre dans cette malheureuse affaire, qu’elle l’eût
toujours été sans les manœuvres du sieur Capelle.
Répétera-t-il que tout est controuvé dans ce qu’il appelle une
perfide calomnie? la dame D audin, qui n’a eu intérêt de s’informer
de la vérité que depuis qu’on l’attaque, offre de prouver à la cour
que, par le dql du sieur Capelle, le prix exigé par elle fut fixé à une
somme beaucoup moindre entre lui et Daudin , alors âgé de
dix-neuf ans j qu il n’y eut pas, comme il le dit, pour i 56oo fr,
d’effets tirés sur la maison Lespinat et D om ergue, et que cette
maison n ’en a acquitté que pour 10000 francs au plus.
Mais qu’est-il besoin d’une preuve testimoniale, quand tout est
clair par des écrits, et qu’il y a plus de matériaux qu’il nVn est
nécessaire pour asseoir les présomptions que la. loi exi^e seules ert
matière de fraude.
.
�( 10 )
Que le sieur Capelle explique, s’il le peut, com m ent le prix réel
de sa vente étoit de 2 1 6 0 0 fra n c s , lorsque la lettre qu ’il produit
porte : V o u s
m’avez payé ce que vous m’avez promis, je ne vous
n u ir a i p a s .
Q u ’ il explique comment il a payé 6000 francs en argent, et le
surplus en effets, lorsque la lettre porte : Vous en avez fa it pour
tout le contenu au contrat ; lorsqu’après une plainte en soustrac
tion dos Billets, Daudin fils est condamné à payer à sa mère
vingt-u n mille s ix cents livres.
Qu’il explique dans quel temps il a payé ces billets, faits à divers
term es; est-ce au banquier? il avoit une saisie-arrêt; est-ce à
Daudin fils? Mais un magistrat pouvoit-il acquitter des billets
volés , à l'auteur du v o l, m ineur, après l’éclat d’une information?
Que sont devenus ces billets qu’aujourd’hui il avoue? Acquittés
par lu i, il doit les avoir.
N on, ce ne sont pas là les signes de cette loyale franchise
qu’il faut toujours retrouver dans les transactions sociales.
L e sieur Capelle a obligé la dame Daudin à s’instruire de ce
qu’elle s’efforçoit d’ignorer, et à voir ses derniers momens em
poisonnés par la conviction d'une trame qu’elle eût été plus heu
reuse de ne pas aussi pleinement acquérir.
Cette conviction même ne l’eût engagée à aucune démarche ;
car leur éclat même eût rappelé des chagrins que le cœur d’une
mère sait dissimuler. Mais le sieur Capelle lui envie cette paix
et sa neutralité j il ose demander à la dame Daudin une garantie
surprise par des manœuvres sans lesquelles il est évident qu’elle
n ’auroit pas contractée. Une telle demande n’est donc que le pro
duit de la turpitude ; elle est proscrite par les principes : car nemini
f r aus sua patrocinari debet ,
Me
D E L A P C H I E R , avocat.
M r.
FA YE,
avoué.
A R IO M , de l’imprimerie de L a n d r io t , seul imprimeur de la
Cour d’appel.— Therm idor an 1 3.
�
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Title
A name given to the resource
[Factum. Sobrier, Marguerite. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Faye
Subject
The topic of the resource
successions
ventes
domaines agricoles
consentement
Description
An account of the resource
Mémoire pour Marguerite Sobrier, veuve Daudin, appelante ; contre Sieur François Capelle, intimé et appelant ; en présence d'Ant. Desprats, et d'Eléazard Rostang-Daudin, appelans et intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1773-Circa An 13
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0404
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
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Vic-sur-Cère (15258)
Vernet (domaine du)
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Successions
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MEMOIRE
TRIBUNAL
d ' A
p p e l
Séant à Riom.
P O U R
P ie r r e
T O Ù Z E T ,
T O U Z E T , R é g is
P ie r r e
B U IS S O N -
et L o u is C E L E Y R O N ,
C O N T R E
J e a n - J o s e p h C H O U S S Y - D U P I N , homme
de loi , habitant ci - devant à St. - GermainL h erm, maintenant, au P u y , appelant.
Q u a n d on est convenu qu’une chose étoit vendue
a u p r i x qui Seroit fixé,par un tiers, si ce tiers l'a fix é,
« la loi v eu t, quel qu’il soit, que l’acquéreur paye ce prix
« tel qu’il a été déterminé, et que la vente soit consommée...
Si le tiers n’a voulu, ou n’a pu faire le p rix, alors
l a loi ne veut pas qu’on conjecture si les contractans
o
tentendu s’en référer à une personne certaine, ou
n
A
�.
.
( 2
}
.
.
.
« à l’arbitrage indéfini ; elle croit impossible, et prohibe
« d’ajouter à la convention des contractans ». Loi dernière
au code de contrahenda emptione.
L e citoyen Choussy a vendu une propriété à dire d’ex
perts ; il en a choisi deux et dirigé le choix d’un troi
sième : ces experts ont fait leurs opérations en sa présence;
il les a sommés de déposer leurs rapports; ils lui ont obéi :
maintenant il prétend qu’il y a lésion dans le prix; il
demande une nouvelle expertise', ou une résiliation ,• voilà
la cause.
Jugée par le droit , elle eut été trop simple. L e citoyen.
Choussy a voulu l’enchevêtrer de faits et de circonstances.
Noircissant d’un trait de plume acquéreurs , experts et
juges ; Vojtafefc te 'pcvhifté ******* t\v* i
, il
s’est persuadé que ses calomnies aborderoient plus ai
sément à un second tribunal j éloigné de la localité et
des personnes.
Mais c’est déjà p ou r l u i u n assez gran d succès d’avoir
obtenu la plum e d’un jurlsconsulte' célèbre, pour accré
diter ses prétentions captieuses,; et aviver par le prestige de
l’éloquence ses diatribes mensongères. Il pouvoit tromper
son conseil sans obstacle : ici il trouvera l’obstacle de la
vérité, celui du droit sainement appliqué à la cause ; l'un
et l’autre se réuniront pour le contraindre â exécuter une
convention lib re , consommée, et que la justice ne peut
sans violence modifier ni dissoudre.
‘
F A I T S.
■
'Féolgaux, qui est l’objet de la contestation, est une
propriété Voisine dela'G haise-D ieu, composée ¿’un petit
�•
.
(3 )
■. .
.
'domaine de montagne, semant env.iron 14 sçtiprs de
7séiglej et d’un bois de sapins d’environ 100 septerées,
partie en rapport, partie en landes. Situés au milieu de
hautes montagnes, dévastés par les moindres ouragans,
éloignés de toutes communications commerciales, ces bois
ne deviendront une propriété productive , que si le gou
vernement se charge à grands frais d’ouvrir des routes
aboutissantes; sans cela les ventes seront toujours rares
et difficultueuses. L a cause même en fournit un exemple.
L e citoyen Ghoussy avoit à vendre des chablis gissans
'depuis l’an cin q , et il dit que plus de 1 5o pieds de ces
arbres sont encore dans le bois.
L e cit. Dulac étoit précédent propriétaire de Féolgoux
' qu’il habitok, et dont il portoit le nom ; il -le „vendit au
citoyen Choussy, moyennant 49,000 livres, par acte du
19 novembre 1785. L e c i t o y e n Ghoussy y a joint un étang
national , qui lui a coûté 4,063 livres. F é o lg o u x étoit im
posé en l’an sept, à 593 ^ i 5 ^ de contribution foncière.
L e citoyen Choussy s’est pourvu en sur-taxe; e t, par arrête
du i 5 ventôse an h u it, après une expertise, il a obtenu
que la contribution pour l’avenir, ne seroit portée qu’à
-336"* 8 J.
* Les bois de F éolgou x, après avoir souffert quelques
dégradations pendant les premières années de la révo
lu tio n , furent horriblement dévastés par un ouragan en
la n cinq. Le citoyen Ghoussy nous apprend lui-même (1)
qu’il fut légalement vérifié qu’il y avoit 5,723 pieds d’arbres
déracinés ou rompus.
C1) Page 38 de son mémoire.
�.
(
4
)
C’est depuis cet accident que le citoyen Choussy, dé
goûté de sa propriété, a cherché des acquéreurs : une lu
crative expérience ne lui laissoit pas même supposer qu’il
dût vendre Féolgoux à sa valeur réelle. Préparant des
calculs, mais certain qu’on ne les croiroit pas, il voulut
les fortifier par le travail d’un expert à sa main. Le cit.
Dupré fit donc par ses ordres le toisé et le plan deFéolgoux,
en y ajoutant une estimation portant sur tous les objets de
détail, et exagérée en toutes choses.
Alors le citoyen Choussy, ayant jeté les yeux sur les
citoyens Touzet et Buisson, fit plusieurs voyages à Ambert,
pour louanger devant eux, comme par hasard, tous les
avantages qui résulteroient de cette acquisition ; n’omit
rien pour leur persuader que cette propriété alloit les
enrichir excessivement, et finit par leur proposer ses
conditions. Le prix fut fixé par le citoyen C h o u ssy, à
i i 5,ooo livres. Les citoyens Touzet et Buisson n'y accédoient que sous beaucoup de clauses , sur lesquelles on n’a
jamais été d’accord. L e citoyen Choussy envoya cependant
un projet de vente sous seing p riv é , à sa manière; le
citoyen *1 ouzet le copia, et c est alors seulement que les
parties entrèrent en pourparler sérieux, que les acqué
reurs virent par eux - mêmes toute la dégradation de la
fo rêt, exigèrent que tous les arbres abattus par l’ouragan
fissent partie de la vente, et cela fut réellement convenu.
Mais bientôt ceux qui s’intéressoient à eux les empê
chèrent de faire une sottise. Ils déclarèrent au citoyen
Choussy que sa p rop riété étoit beaucoup trop chère, et
qu’ils ne vouloient plus acquérir.
Cette explication est donmfe parce que le cit. Choussy,
�dans son mém oire, a voulu tirer de grandes inductions
de cette première fixation de prix à n 5,ooo livres } mais
alors même il y avoit en sus un mobilier que le citoyen
Choussy disoit valoir 6,000 livres} alors il y avoit un pre
considérable qu’il a vendu depuis} alors; tous les arbres
déracinés par l’ouragan, faisoient partie de la vente par
la dernière convention des parties ( i) , et le cit. Choussy en
portoit la valeur dans ses lettres, à 2.6,000 livres \ alors les
propriétés foncières de ces montagnes, malgré la prétendue
influence du 18 fructidor; alors les bois, et c’est un fait
.notoire, avoient une valeur vénale infiniment supérieure
à celle du temps présent.
'
Quoi qu’il en soit, la négociation de vente de Féolgoux
fut rom pue, au grand regret du citoyen Choussy q u i,
pendant trois ans de recherches, n’a pas trouvé d’autres
acquéreurs , et qui , pai' une suite de correspondance
entretenue de loin en loin , sous les plus légers prétextes ,
n’a cessé de remontrer en cent manières au citoyen
T o u zet, qu’en refusant d’acheter F éolgou x, il perdoit
une fortune.
E nfin, dans l’été de l’année dernière, le cit. Choussy
venu à A m b ert, fit au citoyen Touzet des ouvertures
plus pressantes -, et celui - ci lui avoua, en tranchant le
m o t, qu’il se défioit de toute affaire avec lui ; qu’il craignoit dêtre dupe , et qu’il n’achèteroit qu’après avoir
bien connu ce qu il achetoit : alors le citoyen Choussy,
entre-voyant une autre voie d’en venir à ses fins, proposa
de vendre, à dire d’experts, et cela fut ainsi accordé.
( 1 ) Gela est prouvé par plusieurs lettres du cit. Choussy.
�•
.
-
( 6 )
.
■
.
O n pense bien que le citoyen Choussy voulut désigner
son expert D upréqui déjà avoit estimé Féolgoux : Touzet
l’ignoroit. L e citoyen Choussy demanda même qu’on,
adjoignit à' Düpré un autre expert des lieux même 5 il
dit beaucoup de bien du citoyen Langlade ( 1 ) , expert
et juge de paix de la Chaise-Dieu, supposant déjà qu’il
seroit entièrement dans la dépendance du citoyen D upré,
plus âgé que lui. Les choses en effet furent arrêtées ainsi.
11 fut convenu qu’il seroit déduit 10,000 *** sur le prix
de l’estimation. L e citoyen Touzet associa à son marclié
les citoyens Buisson et Celeyron frères. Le citoyen Choussy
fit lui-même le projet de vente; il fut soumis à la correc
tion d’un conseil commun ; et dès le même jour le cit.
Choussy publioit q u e, s’il avoit rabattu 10,000 livres,
ses acquéreurs payeroient ce rabais plus cher qu’ils ne
croyoient.
.
L ’acte de vente fut reçue par Pon chon , notaire, le 12
messidor an 8 ; il p orte que « le citoyen Choussy vend
« aux citoyens Touzet, Buisson et Celeyron frères , le bien
« de FéolgouXj domaines et bois en dépendans, sis en lk
« commune de M alvière, canton de la Chaise-D ieu, et
« les subroge à l’adjudication de deux étangs nationaux,
cc moyennant, savoir, pour les étangs, le prix de l’adju« dication, suivant l’échelle; et pour le domaine et bois,
te m oyennant le p rix et somme auxquels le tout sera estimé
------------------------- -
■
- -
■
-¡T—
1
( 1) Le cit. Choussy a avoué devant les premiers juges, que
c’est lui qui a désigné Langlade. Cela est prouvé encore par une
lettre antérieure au procès, dont il argumente, et où il est dit que
c’est lui qui a indiqué cet expert.
*
�(
7
)
f
*
« en numéraire par e x p e rts .. . . nom m es, savoir.........
«les citoyens D upré , expert - géom ètre, habitant de la
« Chaise-Dieu, et le citoyen Langlade, juge de paix de
« ladite commune ; et au cas que lesdits experts soient
« divisés dans ladite estimation, en ce cas les acquéreurs
« «t vendeurs veulent qu’ à leu r in su , lesd. experts puis
s e n t prendre un tiers pour les départager; lesquels
* experts seront tenus de déposer leur rapport d estimation
« ès mains de Ponchon, notaire, le plutôt possible, avec
« convention que sur le prix total de leur estimation, led.
« Choussy sera tenu de diminuer la somme de i o 3ooo
« et le surplus après lad. déduction composera le prix
• de vente dudit domaine........... lequel p r ix , ainsi que ^
•»celui de lad. subrogation, seront payés aud. Choussy,
« savoir, un quart dans deux ans, du jour du dépôt dud.
« rapport d’experts ; un autre quart dans t r o is ans, du
« m ê m e j o u r , à la charge de l'intérêt, exempt de retenue,
« à compter du dépôt dudit rapport.........l’autre moitié
« du prix formera un capital que le citoyen Choussy aliène
« en rente viagère à 10 pour 100 aussi sans retenue ; le
« tout comme condition expresse du rabais de 10,000 liv. :
« le tout payable de six en six mois , du jour du dépôt
« dudit rapport.
«• L e citoyen Choussy se réserve les arbres abattus ou
« rompus par les ouragans, desquels arbres il déclare avoir
« fait vente dans le temps, et les acquéreurs pourront les
« retirer dans les temps prescrits par lesdites ventes.
»‘I l se réserve aussi le m obilier, même les glaces;
«dépendant e s bestiaux et outils d’agriculture feront partie
�*
C8 ) :
cc de la ven te, et seront sujets à l’estimation des experts.'
, «II se réserve-la faculté de rachat, pendant trois ans,
« à com pter de la remise ou dépôt ;du rapport d’experts,
« dans le cas où il ne seroit, pas payé en numérairel ’ '
et Sous ces conditions et réserves, le citoyen Choussy'
« se départ des-à-présent et pour toujours, de la pro
p r i é t é possession et jouissance des objets ci-dessus
«vendus, avec toutes clauses translatives de propriété,
« requises et nécessaires, voulant et consentant n’en pou^*
« voir jouir à l’avenir qu’au nom et titre de précaire.
* Il est dit enfin que les acquéreurs payeront tous les
cc frais de l’estimation, fourniront au citoyen Choussy une
cc expédition de la vente et, du rapport qui contiendra
« ladite estimation ».
r
. ; - s.
..r‘>
• • •' •
Les citoyens Dupre et !Langlade s’occupèrent de' suite
de l’objet de leur nomination; ils se.transportèrent sur,
les lie u x , les parcoururent, et le citoyen Dupré produisit,
un plan par lui fait à l’avance pour -le citoyen Choussy : >
cela est constaté par les rapports.
.
5
Ce plan ainsi tombé des nues, le verbiage impératif,,
du citoyen Choussy, l’air de. déférence du cit. D u p ré ,,
donnèrent de la méfiance aux acquéreurs ; mais ennemis^
des chicanes, et liés par leurs propres conventions, ils
laissèrent opérer les experts, avec le plan du citoyen
D upré, et eurent même la patience d’entendre toutes les;>
exagérations du citoyen[Choussy, pour décupler, s’il Tavoit»
pu,' la .valeur(Cde ses immeubles.
«
¿ , 11 , . i, . -. . .• » » **•». ,t „•*
. Cependant, ne se croyant pas encore assez fort de toutes
cçs préparations, le citoyen Choussy voulut faire appeler erj,
auxiliaire
�( 9 K
. .
auxiliaire un marchand de bois de sa plus intime con
naissance ( i ) ; il les mena tous dans les parties de bois qu il
savoit les plus en valeur, se confondit eri éloges de chaque
arbre, n’oublia pas de mesurer les plus gros, voulut qu’on
appréciât le surplus par comparaison, ou qu’on comptât
tous les1arbres >et fit cè qu’il put pour intimider le citoyen
Langlade qui avoit voulu hasarder quelques réflexions
lui disant à chaque mot qu’il n’y entendoit rien. •
■
Le citoyen Langlade ne dit plus rien ; il tenoit la plumey
il écrivit tous les prix qu’on voulut, mais il mit a cote
le rabais qui lui paroissoit juste,'pour en conférer avec
son collègue. Ce fait nous est appris par le cit. Choussy
lui-même. ( 2)
Pendant toutes ces opérations, les experts furent hé
bergés chez le citoyen Choussy , qui ne manqua qpas ,
comme on le pense bien, d’exagérer encore la valeur de
tous ses arbres-, jusqu’à ce qu’ayant pris jour avec eüx
pour .déposer leurs rapports , il crut que toute sa
persuasion auroit eu son effet, et que le citoyen Langlade
seroit assez complaisant pour porter,com m e le citoyen
D u pré, à 120,000 livres en l’an h u it, un bien q u i, avant
la baisse des immeubles, n’avoit été estimé que 1 1 5,ooo liv .
ayant un mobilier considérable et 5,723 pieds d’arbres
de plus.
.•
,
( 1 ) Le citoyen Mannet, qui fut appelé sur la réquisition du
citoyen Choussy, non pas pour tiers expert comme le citoyen
Choussy l’avoit absurdement prétendu en première instance -,
*nais comme indicateur, ainsi que le disent les premiers rapports.
Êa> Ei* son exploit de demande du 8 fructidor an 8, pag. 2.
B
�( IO )
L ’em pressem ent du citoyen Ghoussy de faire aller ses
experts à Ambert pour faire courir, comme il le répète
si souvent, un intérêt de 30 livres par jo u r, ne permit
pas sans doute au citoyen Langlade de faire à son collègue
toutes les observations qui naissoient de la différence des
prix qu’il avoit mis pendant l’opération à chaque article.
Leurs évaluations, en grand et par aperçu , avoient bien
paru faites en commun sur les lieux, mais sauf les rabais
mis par le citoyen Langlade ; de sorte que le citoyen
D upré avoit fait à l’avance un rapport commun aux deux
experts, croyant n'avoir pas plus de difficultés à le faire
signer au citoyen Langlade, qu’il n’en avoit eu à faire
adopter ses plans.
Mais le citoyen Langlade trompa l’espoir des 30 liv.
par jour :• il réfléchit, avec raison , qu’on avoit voulu
estimer une foret en détail, comme on estime quelques
arbres qu’on va livrer à des acquéreurs, tandis que les
acquéreurs de dix mille arbres ne se trouvent qu’à la
longue , ou en vendant au quart de la valeur.
Il réfléchit, par comparaison, que tous les arbres abattus
par l’ouragan de l’an 5 , n’étoient pas encore vendus à
la fin de l’an 8 , et que cette lenteur forcée ne supposoit pas une facilité de vendre pour des sommes appro
chant de 30 livres par jour.
Ces motifs , et beaucoup d’autres très-judicieux, que
le citoyen Ghoussy a trouvé plus aisé de critiquer par des
sarcasmes que de com battre par de bonnes raisons, en
gagèrent le citoyen Langlade à faire un rapport séparé,
dans lequ el, disant que les premiers calculs faits sur les
lieux n'étant qu’hypothétiques et par simple aperçu, il
�èn revient à une évaluation particulière de tous les objets
soumis à son estimation ,• et appliquant alors à chaque
article tous les rabais que le citoyen Choussy déclare lui
avoir vu écrire lors de la visite des lieux , il est résulté
de son estimation , que les''objets vendus sont en valeur
de 73,001 f. 70 cent.; cë'qu i, en faisant la déduction de
10,000 livres, eût donné un prix de vente de 63,001
francs 70 cent.
L e citoyen D u p r é , de son c ô t é , fait le m êm e jo u r un
ra p p o rt, peut-être celui préparé à l’avance , dans le q u e l,
sans réflexions sur son travail i ne donnant aucunes bases,
ne calculant aucuns cas fo rtu its, qu oiqu ’ il eut v u dans
le bois m êm e les vestiges encore récens d’un ouragan
terrible , omettant m êm e , com m e il le reconnoît en
suite ( 1 ) , de déduire aucunes charges d’entretien ; il estime
F éo lgo u x à là somm e exliorbitante de 130 ,132 francs
centimes.
■
' Lé citoyen D u p ré, au reste, quoique son rapport soit
au pluriel, suivant l’habitude, entendoit si peu avoir voulu
exprimer que le citoyen Langlade étoit 'd’abord de son
• avis, que les expérts ont sur leur discordance un colloque
qui; précisément est dans le rapport de Langlade.
Là celui-ci donne les causes de sonévaluation inférieure,
et Dupré intervient à la suite;;dé ce rapport, pour dé
clarer;qu’il persiste dàns:iison opération.
.
~‘ Cette discordance, raisonhéè'entre les experts , est donc
entièrement indépendante des causes honteuses auxquelles
le citoyen Choussy a trouvé'bon de les attribuer.
‘M l
(0 t)ans lé troisième rapport. '
1
B 2
�( 12 )
La parenté du citoyen Langlade , par alliance avec la
mère des citoyens Celeyron , morte il y a douze ans,
le citoyen Ghoussy la connoissoit avant l’estimation. Il l’a
reconnu au procès.
Les repas donnés aux experts l’étoient plutôt pour le
citoyen Choussy, à qui on devoit une représaille ; les
deux.experts ne se sont pas quittés, le citoyen Choussy
ne les a pas quittés ; et d’ailleurs les négocians de cette
ville de Cadis et de Lacets étoient assez simples pour
ignor.er jusqu’à présent qu’une probité fût vénale, et que
des festins en fussent le prix.
. ,
:
Quoi qu’il eu soit, les deux rapports étant faits sépa
rément, il fut nécessaire de nommer un tiers-expert, et
il devoit l’être ¿1 F insu des parties ; car c’est ainsi qu’elles
l’ayoient youlu.
.
..
.
Mais le citoyen Choussy ne crut sans doute avoir fait
des conventions que pour en régler le mode. Ne pou
vant désigner un expert à sa fantaisie, il pensa qu’il par
viendront au m ôm e b u t, en en récusant plusieurs.
,
Il eut.m êm e l’insidieuse précaution, après avoir promis
de dîner avec toutes les-parties le dernier jour, après s’être
fait attendre très-long-temps, de signifier sa récusation
pendant ce dîner (i).
Il venoit d’apprendre que les experts avoient nqmmé
le citoyen Couchard, très-étranger à toutes les parties;
quoique cette nomination.fut cgnsée.faite a l insu des par~
.
•
.
,----------------------------------------1
- ------------------ —
r—
-------- --------------
^
(i) Le citoyen Choussy ne cite pas ce fait dans son mémoire ;
mais les intimés , qui ne craignent dans leur conduite ni les
écluircissemcns, ni l’opinion, n’ont interet de riencacber.
�( x3 )
_
v .
ties *, les experts venoient même de lai écrire, pour 1 invi
ter à accepter sa commission de tiers-expert, le, citoyen.
,Choussy se crut permis de récuser n o n -seulement cet
.expert, qui eut le désagrém ent de faire ^n voyage inu^
.tile , mais encore les citoyens F aurot,'G ctrnier , Jourde
et P ic h a t, comme ayant déjà estimé Féolgoux ; ce qui
.prouve qu’aucun d’eux ne l’avoit estimé comme le cit.
D u p ré , ou comme il convenoit au citoyen Choussy ; ce qui
prouve aussi que ce n’est pas le citoyen Couchard qui a
refusé d’accepter, comme le citoyen Choussy a cru à
propos de le dire (i).
,
Il est essentiel de remarquer que , par cette récusa
tio n , qui est du 10 therm idor, le citoyen Choussy fait
sommation aux citoyens D upré £t Langlade.de nommer
un tiers-expert, et de déposer , chacun séparément,
leurs rapports, p o u r en être d élivré des expéditions a
lu i et au tiers-expert.
L e droit d’élection d'un tiers-expert, d’abord n’excluant
personne, puis infiniment circonscrit par les cinq récu
sations du citoyen Choussy, eut enfin son eifet. Les experts
cherchant dans toute la contrée quelqu’un qui put ne pas
lui déplaire, nommèrent le citoyen T a rd it, ancien ami
du citoyen Choussy (2), et le citoyen T ard if fut assez heu
reux pour être agréé.
r
'■
>
L e citoyen Choussy fut même si satisfait de cette nomi
nation , qu’il chercha à prévenir cet expert, à lui faire des
' (1) Page i 5 du Mémoire, ligne dernière.
(a ) Cette qualité ne sera pas niée par le citoyen Choussy,,
�C X4 )
*
représen tation s, à lui écrire plusieurs lettres, comme il
le dit lui-même dans son exploit de demande.
L e tiers-expert prit jour avec ses collègues, pour se
transporter sur les lieux , débarqua à Fé'olgoux où le
'citoyen Chôu'ssy l’attendoit, y fut hébergé, et. sans doute
travaillé comme ses prédécesseurs, fut pressé de faire sori
‘ opération par le citoyen Choussy, qui vouloit lui servir
d’indicateur, sans que les acquéreurs eussent le temps de
s y rendre, termina enfin sa tierce-expertise, de concert
avec les citoyens D upré et Langlade, et se rendit avec
eux à la Chaise-Dieu, pour se concerter avec eux sur la
rédaction et le dépôt du rapport.
A peine ces trois experts furent à la Chaise-Dieu , qu’il
leur fut fait un acte instrumentaire par le citoyen Choussy.
Cette pièce est très-essentielle dans la contestation. Il est
indispensable d’en rapporter le précis.
L e citoyen Choussy signifie à T ard if :
'
« Attendu qu’il a terminé son opération de tiers-expert,
« de vouloir bien, dans le jour, ou au plus tard dans celui
« de dem ain, déposer son rapport estimatif entre les mains
« de Ponchon, notaire à Ambert ; de profiter pour cela
« de la présence des premiers experts, qui ont été divisés
(<après avoir été d’accord ; de prendre en très - grande
« considération, que s’il attend la commodité de Langlade,
a cjui1 demande un délai de dix jours, pour'faire un
««'voyage, lui Choussy q u i, depuis la ven te, ne jouit
«■
.plus, qu’au contraire les acquéreurs jouissent ( i ) , il sera
.
( i ) Il a fallu deux jugemens depuis cet exploit, pour les
mell re en possession.
.
.
�.y
. , A
^ l5 ^
.
«privé de ses intérêts, qui ne courent que du jour du
« dépôt du rap port....... C om m e c’est son rapprot de lui
« T a r d i f , qui^fixe définitivem ent le p r ix de la v en te,
« et que les deux premiers rapports des premiers experts
« sont insignifïans pour fixer le jour du cours des intérêts,
« lui Tardif n’est pas obligé d’attendre pour ledit d ép ô t,
« que les rapports des cit. Dupré et Langlade l’aient pré« cédé • toute sa commission se réduisant, après ses opéra« tions terminées, de faire clorre et déposer son rapport. »
De là l’huissier se transporte chez les citoyens Langlade
et Dupré.
« Il leur est déclaré que dans le cas où d’après la somma« tion du io thermidor, ils n’auroient pas déposé chacun
»■leur rapport estimatif du bien de Féolgoux,etoù, faute de
«lavo ir fait, il seroit apporté du retard dans la clôture
« du rapport du tiers-expert, et dépôt d’icelui.... il proteste
« contr'eux , etc. »
« A cela Dupré répond qu’il est prêt à partir, qu’il offre
« de signer le rapport du tiers et d’assister à la clôture. »
« Langlade dit qu’il a un voyage a faire à Brioude, qu’il
« demande jusqu’au 28. »
'
« Choussy lui réplique qu’il a le temps le même jour
« d’aller à A m b ert, que s’il ne l’a pas, il peut donner une
« procuration dont on. payera les frais, faire déposer son
« rapport par Dupré ou Tardif, et que rien ne l’empêche
«de signer ici le rapport de T a rd if, dont le dépôt seul
«en attendant finira l’époque du cours des intérêts. »
Enfin , l’impatience du citoyen Choussy eut son terme :
les trois rapports furent déposés le 29 thermidor.
Celui du citoyen Tardif n’a pas répondu aux vues du
�C 16 )
cîtoyeri Choussy. On pense bien que depuis cet instant,v
T ard if prévenu, Tardif en correspondance, T ard if hé
b e r g é , prôné et choyé, n’a plus été qu’un rustre incapable,
gagné aussi par des festins, suspect, et ne pouvant faire
foi en justice.......
* T.<e rapport de Tardif est disserté et signé'par les trois'
experts:' “ ^
!
' Tardif annonce d’abord qu’il s’est rendu à JFéolgoux,
sur l’invitation des citoyens Langlade et'D u p ré; que là
il s’est réuni à eux.
Ensuite il leur demande des explications sur plusieurs
points des précédens rapports. D upré, entr'autres choses,
avoue avoir omis de déduire les frais de garde.
Après ce colloque il est dit que Choussy requiert de
commencer l’opération , offrant d’y être présent, pour
faire toutes les indications nécessaires, répétant toujours
qu’un retard lui est préjudiciable, l’intérêt devant courir
du jour-dü dépôt du rapport
Il est dit que T a r d if, D u p r é , Langlad e et Choussy vont
sur les lieux. On procède à la vérification, et il est ajouté :,
« Après avoir pris les renseignemens convenables, pris
« enconsidération’les situations et localités, la stagnation
é<. du commerce des b o is, le peu de valeur 'du bois dé
« chauffage dans les environs de la Chaise-Dieu et de
« Féolgoux, et la difficulté de Texploitation des bois de
« fayard et boulaux, nous estimons ...total, 85 ooi fr. yo ci
« de quoi ôtant ioooo fr. reste à la somme de yôooi francs
« 70 c. laquelle somme form era le prix principal de la
« vente. »
1
‘
Ce rapport est- terminé ainsi : « Tout qiîoi est notre
rapport,
�.
( !7 ) '
.
«rapport, que'nous ayons clos à S ain t-A m ant, en îa
« demeure du citoyen Tardif.. Et- avons signé avec les’
a citoyens D upré et Langlade. » .
'
-Ensuite le citoyen D upré apposant sa signature , a
ajouté, pour ne pas se compromettre, les mots conmia
-présent.
. . ' ••\'r 5r.
‘
‘
Dès le même jour, le citoyen Choussy fit citer les acqué
reurs au bureau de paix ; e to u b lia n t qu’il avoit menti
en disant qu’ils jouissoient, oubliant que, par sa vente,
ils avoient droit de jo u ir, il leur fit, de son chef, défenses
de se mettre en possession.
“
1
Le 8 fructidor il les assigna devant le tribunal civil
d’Ambert ; et, après un débordement de mots , de gros
sièretés et de contradictions, noyés dans huit pages de
minute , il conclut : i°. à ce que , sans s’arrêter au rap
port sépare dé L a n g l a d e , a t t e n d u q u e M a n r i e t fut appelc
com m e indicateur et tiers-expert, et que les experts n’ont
pu en nommer un second; sans s’arrêter de même au
rapport de T a r d if, comme sans droit ni pouvoir , le rap
port de Diipré soit hom ologué, pour être exécuté suivant
sa forme et teneur , et le prix de vente fixé à 120,123 1. ;
2°. subsidiairèment à ce que , sans s’arrêter aux rapports
de Langlade et T ard if, et même à celui de M annet, il
soit ordonné un amendement de rapport, et procédé à
"une nouvelle estimation des objets vendus, par de nou
veaux experts ¡probes,{intègres et éclairés., dont les parties
conviendront, sinon pris et .nommes d office par le tri-;
bunal, même un' tiers, non par lesdits experts, mais par
le tribunal ; duquel amendement il offre les avances ?,sauf
son recours.
: .'
*
�.
( 18 )
.
.
.
Cette cause fut pïaidée très-contradictoirement au tri
bunal d’A m b ert, et on imagineroit difficilement les nom
breuses et minutieuses recherches du citoyen Choussy,
pour se faire des moyens de tout, et suppléer à la qua
lité par le nombre.
'
. .- .
Ayant fouillé les registres de l’état civil, pour découvrir
des parentés, soit aux experts , soit à ses juges, afin d’en
user au besoin, il avoit découvert que de femmes en
femmes la trisaïeule du citoyen Buisson avoit été parente
d’une bisaïeule de la femme du citoyen T a r d if, ou du
moins que des ressemblances de noms très-communs dans,
la contrée faisoiënt présumer cette antique alliance. Il
attendit le jour de l’audience pour augmenter , par de la
surprise, l’effet de cette découverte ; et elle fut réellement
une grande surprise pour le citoyen Buisson et sa fam ille,
qui ne coimoissoient pas cette parenté, même par tra
dition.
Cependant, se confiant peu dans ce moyen , le citoyen
Choussy en chercha d’autres dans les expressions du rap
port de Dupré , pour le dire d’accord avec Langlade,
dans l’indication de Mannet, dans la clôture des premiers
rapports un jour de décade j dans la loi sur les tiers-arbitres,
dans les contributions calculées à sa m anière, jusque
dans la probabilité qu il ne devoit pas vivre long-temps.
Pour faire croire qu’il n’avoit pas d’intérêt à tenir à
ses conditions, il démandoit-enfin la nullité de la ven te,'
quoiqu’il rj’y eût pas conclu.
-' •
Malgré tant d’efforts pour parvenir à ses 30 liv. par
jou r, le tribunal d’Ambert rendit, le 8 brumaire an 9 ,
le jugement dont la teneur suit :
.
••
�( x9 ^
.
.
.
.
.
'« Attendu qu’il ne s’agit point d’expertise judiciaire j
» que les parties-se sont fait la loi à elles *■inerties par
» un acte authentique, et que leurs consentions ont été
.............
*> exécutées} -, . ' . ’i .->i i ■ -, \ ..
si A ttendu ’q ü e les récusations du citoyen Ghoussy contre
» les ekperte n’ëtoiént proposables-qu’avant:le,dépôt de
h
leurs rapports , et qu’au côrittai're il a. approuvé leurs
â opérations par sa présence, et leurs rapports par ses
» réquisitions écrites de les déposer chez le notaire qui
» a reçu la vehte ;
'
• >> Attendu que cette Vente réunit le consentement, la
chose et le p r ix ; que ce prix^pst fixé par le rapport
? du citoyen T a rd if , ainsi que ,1e citoyen Ghoussy Ta
»
écrit hii-^mê me par la sommation du 19 therm idor; qu’il
» ne peut aujourd’hui revenir contre! cet écrit et contre
» sa Convention, clairem ent é n o n c é e , audit acte de vente ;
L e trib u n a l , par jugem ent^n prem ier ressort, ayant
» égard au rapport .du citoyen T a rd if,, tiers-expert, et
» icelui homologuant ,d éb o u te le citoyen Ghoussy de sa
». :derüande ^ ordonne que la vente du 4 messidor an 8
» sera exécutée suivant sa fo rp ie etr,teneur, moyennant
» le prix fixé par ledit rapport »,à 763001 francs 70 cen t.,
» d’après la déduction de, ,10^009 livres de remise accor
* dée par ledit contrat de y ente ; fait main - levée aux
» défendeurs; de la d é f e n s e de jouir ’ à eux faite par le
» citoyen Ghoussy , en sa citation du 8 fructidor an 8 ;
»' leur permet deijse mettre enjjjossessipn d.es objets ven
» d u s , avec défenses au citoyen Ghoussy de les troubler,
# aux peines de droit ; condamne le citoyen Ghoussy aux
» dépens ; et attendu que les défendeurs sont fondés en.
Ca" 1
�C 2° )
» titre , ordonne que lè présent jugement sera exécuté,
» nonobstant l’appel et sans y préjudicier ».
'
L e citoyen Choussy s’est pourvu contre ce jugement,
et sa première démarche a été de vouloir encore empêcher
les acquéreurs de se mettre en possession. L ’incident qu’il
a élevé pour obtenir des défenses d’exécution du pre
mier jugem ent, la répétition qu’il a faite à l’audience
de tous les moyens qu’il avoit présentés à Am bert, n’ont
pu 1:empêcher de succom ber encore sur ce provisoire.
L e jugement rendu le 6 pluviôse dernier est motivé encore
sur ce que les parties se* sont fait des conventions qui
doivent être exécutées.
1
‘ ' ' «;<
Ce mauvais succès du citoyen Choussy eût dû lui faire
présumer que le tribunal maintiendra un tel principe.
Mais il a fait une dernière tentative. Il a ém is, dans le
même jou r, un mémoire dfe qüarante-quatfe pages d’im
pression, et des causes d’ap]5"el signifiées",'en''dix-sept
pages de m inute, sur grand papier.
'■
1 r'
f
L es m oyens sont les m êm es; les demandes diffèrent.
Dans le m ém oire, il laisse aux acquéreurs la faculté
d’annuller la vente du 4 méssidor. • :
'
.... ■
Dans les)!causes d’ap p el¿il conclut à cette nullité ;'et,
seulement par subsidiaire-, à ùne nouvelle expertises.
Les acquéreurs discuteront ‘d’abord les moyens du
mémoire. Ils en viendront‘ensuite aux conclusions des
causés d’appel.
‘ ,j -•
^ a'} t V ,fK •• ‘
Dans son mémoire , le citoÿèri'Choussy propose trois
inoyens principaux.'1 k/ •
5 n'
1
" - ,J‘-> «
Les intimés en ont üri seul j c’est leur convention, H
doit prévaloir.
' j
;
�.
( 21 )
Les faits ont répondu d’avance aux moyens que pro
pose le citoyen Choussy. Un examen particulier sur cha
cun. achèvera de les détruire (i).
„
P R E M I È R E
QTJES
T' I 0 tf.
L e rapport du citoyen T a r d if est-il n ul pour cause de
parenté avec Vun des acquéreurs ?
,
• Cette parenté, si elle existe, est d’une assez rare espèce.
Depuis la souche qui remonte au dix-septième siècle à un
A rtaud, il y a e u , de générations en générations, jusquau citoyen T ard if, cinq changemens de noms.
Dans ces alliances successives q u i, venues d’Ambert ont
passé à Marsac , de-là à Saint-Amand, comment croire
que les enfans par alliance des cousins issus de g e r m a i n ,
alliés e u x - m ê m e s , a ie n t c o n s e r v é l ’h a b i t u d e d e la parenté ,
si dégénérée dans nos mœurs, à travers cette variation
de familles, de noms et de demeures? Dans la réalité,
les uns et les autres l’ignoroient \ ils en doutent encore.
Mais cette parenté ne mérite pas de recherches plus
profondes ; le temps est passé de les faire : le citoyen
Choussy ne peut plus s’en,faire un moyen de récusation,
parce que tout est consommé; ainsi, il seroit oiseux de
lui disputer le mérite matériel de sa découverte.
I Un juge peut être récusben tout état de cause, c’est(iV Les intimés eussent voulu dire moins de choses ; mais le
citoyen B oiro t, ordinairement si concis , en a dit beaucoup :
il y auroit de la présomption à traiter légèrement les objections
gué ce jurisconsulte a crues proposables.
, -
�C 22 )
.,
à - d i r e , avant qu*il ait prononcé ; voilà le principe, on ne
le conteste pas.
_
'
Mais doit-il se récuser lui-m em è, quatid ÎÎ ne cottnoît
pas les motifs de^ récusation ; ou sil-ne le fait pas, rendil une décision nulle ? voici en quoi les intimés combat
tront le fcitoyen Chouèsy ; ils soutiennent là négative. .
L ’article Ier. de l’ordonnance de 1667, dît: « que les
« récusations seront valables en matière civile, si le juge
« est parent de l’üne des parties , jusqu’aux degrés de cou« sins issus de germain';.... et néanmoins il pourra demeu-*
« rer juge si toutes les parties y consentent par écrit».
La récusation, est donc simplement valable ou Jucul->
tative j elle n’est donc pas de droit. Il n’y a donc plus lieu
de la proposer, quand les parties ont consenti que le juge
connût de l’affaire. ,
E n supposant, comme le citoyen Clroussy l’entend, que
le citoyen T a r d if ait êxêrfcé les fonctions d’arbitre (1) ;
non seulem ent il l’a requis de p ro c é d e r, mais après son
opération il la requis par écrit de déposer son rapport.
L ’article II dit : « que le jugç pourra être récusé en
« matière criminelle, s’il est pâvent où allié jusqu’au cin
« quième degré ; et s'il porte lè iiont, et qu’il soit dé la'
« f a m i l l e ; .. . .. il s’abstiendra en quelque degré icjue”cer
« puisse être, quand la patenté ou alliance1sera coït*
« nue par le ju g e, ou justifiée Jjar l’ une des partrês;
.
-------«nonobstant le consentement, etc. » •
?'II. est donc des cas où la parenté,peut n’être pas connue
(1). p»ge 24.
�( 23 )
.
par le ju ge, et remarquons ici qu’on ne lui ordonne de
s’abstenir, que quand il porte le n o m , sans cela la récu
sation peut seulement être proposée, et devient comme'
au civil facultative.
, L ’article X V II dit : que le juge qui saura des causes va
lables-de récusation est tenu de les proposer.
'
A in si, il faut qu’il soit constant qu’il les ait sues.
L ’article X X I d it , que celui qui voudra récuser pourra
le faire en tout état de cause, en , affirmant que les
causes de récusation sont venues depuis peu à sa connoissance.
•
L e citoyen Choussy dans son mémoire s’approprie fort
à son aise les dispositions de cçt article.
Il offre son affirmation que les causes • de récusation
ne sont venues à sa connaissance que depuis l’opération
du citoyen T a rd if: ce n^est nullem ent le cas de s’en ré
férer à cette affirmation. Les intimés s’applaudissent que
le succès de leur cause n’en dépende pas.
La récusation étant proposable en tout état de cause;
le citoyen Choussy qui voudroit affirmer, dit que ces
expressions le concernent, et qu'il est encore en causer
Mais dix lignes plus bas il prétend que T p d i f exer-r
çoit le ministère d’arbitre : o r , si cet arbitre a pro
noncé le 29 therm idor, les parties ne sont donc plus
en état de cause devant lui.
,
•
La cause actuelle est étrangère à la cause dé l’arbitre j
il étoit' inutile de chercher des autorités pour appliquer
à l'expertise de T ard if, le titre des récusations de l’o r
donnance de 1667. En expertise comme en arbitrage,
la récusation devoit être proposée pendant sa durée 3
elle n’étoit plus proposable après la décision.
�( H jr
.
Jousse sur les mots: en tout état de cause, dît ju s
qu’au jugement définitif.
t ,
Despeisse (i) explique q u ela récusation doit être pro
posée avant la contestation en cause èt que si les causes
n’en sont connues qu’après, on sera reçu à récuser, en
affirmant, jusqu’au jugement du procès ; « pourvu, ajoute« t - il, que le juge qu’on veut récuser n’ait pas opiné;
« car après avoir donné son suffrage, il ne peut pas être
«récusé, sinon qu’il l’ait'donné, après avoir lu la requête
« de récusation ». 1
'
."‘
L a loi apertissim i, au code de ju d ic iis , dit;même"
qu’on ne peut récuser le juge que dans le cours du' procès
pendant devant lu i, en lui signifiant mie récusation, et
qu'après sa décision, il ne peut être récusé. L icea t ei
q u i suspeçtum judicem p uta t, atttequam lis ihcphetu r, eum recusàre 3 ut ad'alium curratur, xhbello rëcüsationis eip o rtectd .
■
....
L e citoyen Tardif eût-il été récusable, comme on le
prétend , le citoyen Choussy devoit lu i notifier à luirnéme ses motifs de récusation. La loi précédente le dit
ainsi; l'ordonnance de 1667 plus explicative en prescrit
le mode en l ’article X X IIÏ ; elle veut en l’article X X V I ,
que la récusation soit communiquée au ju g e , qui sera
tenu de déclarer si les faits sont véritables ou non.
On n’opposera pas sans doute, que l’ordonnance en
parlant des causes'de récusations que les juges ou les parties,
sont censés ne pas connoître d’abord, ne concernent pas
la parenté ou alliance. L ’article II suppose que les juges
.
( 1 ) Titre I V , de la récusation, tome 2, page 641.
-
•
* peuvent
�V _
C ^5 )
_
peuvent l’igriorér; l'articlet X IX enjoint aux parties de
déclarer les causes de récusation i pour parenté ou
alliance, et de les proposer, lorsqu’ils les connoîtront.
Les causes de. parenté ou alliance contre le citoyen
,Tardif ont doncdvi être proposée s par le citoyen Choussy
en état de causé 'r c’est-à-dire, avant la décision de ce
tiers-expert.
'
i
,
' A u contraire, loin d’en proposer avant cette décision,
il a en' tout état de cause assisté à l’opération ; il a requis
le citoyen T ard if, par ides lettres ; et, après sa décision
m êm e, il l’a requis par sa'signification du 19 thermidor,
de déposer cette décision,. ¡j
p
u , .
. Ainsi il est dans le cas de l’art. Ier.;de l’ordonnance. Il a
donné par écrit des consentement, formels ; et n’e u t-il
qu’assisté volontairement au travail du citoyen T a r d if , il
seroit par cela seul aujourd’hui non recevable à s’ea
plaindre.
-frll ajété ju g é , dit le commetitateur de l’ordonnance,
«par un arrêt ,du 23 ievrier ,170,8, rapporté au journal
« des audiences, qu’une partie qui avoit procédé volontai«rententdevant un jugé, ne-pouvôit plus ensuite le récu
s e r , quoique-ce ju g e ;eût connoissânce de la cause qui
« .donnoit liqu)à lai contestation
• a'. ;• 1 ...
‘ Cet arrêt est^dans’.ùne especé moins favorable que celle
•de la cause. «:
jôovù •<! Ji'-';
. ; -. oCar,fcien)ine)pjroùvé que ¡Tardif, et- Buisson se crussent
pa'rens^;T,o;ut i'jjroûveiaiü.cpntraiçe:.<ï1\ l ’ignoroient. Les
plus anciens de leur farnillo frssurfcnt encore que non.
' Il r$Ste-)àr dir£ surice. moyen ,■que si la' récusation du
citoyen :Tavdif éfcpit, eiiCQre^prap’osable après sa décision,
elle ne l'annulleroit pas.
.-oi
'if.-h j'j D ’
t
�t *6 )
' L ’ordonnance dans aucun article rie parle de nullités. Or}
Jes nullités ne se suppléent pas.
T ;
L a loi du 4 germinal an a , fait la différence des lois an
ciennes et de celles postérieures à ,1789.
Elle veut qu’on n’applique la nullité aux premières’,
que dans le cas des formes prescrites y à peine de .nullité.
Mais l’ordonnance ne pouvoit pas s’occuper.de Ja nullité
■que propose le citoyen Ghoussy , sans l’établir; car elle
n’admet les récusations que jusqu’à la prononciation du
juge. Ainsi il né peut'y avoir Ü€!ti à nullité ,q u e si/lejuge
«voit passé outre , aprèsuneré^usation,
’ : 1 ,
C’est par ces motifs que le tribuhàl d’Anibert s’est décidé;
ils étoient écrits d a n sla îo î.ll a doric légalement homolo
gué le rapport. Il n y & donc pas -lieu de réformer sa
décision. * / - *“ • ■
■ 1
■
■
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L
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B E ï ï ’XlÈ' ffiE' hltr’ES'TlOTî. '
r a p p o r t
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c i t o y e n
q i t u t i
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r d r f e s t- il n u l , c o m
s e u l - p a r l e s ‘t r o i s
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e x p e r t s
/•) -
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& f t é ’â è v t i n t
•r é u n i s
,i
,
■
? '
.
Q u a n D-le: citoyen Æhoussy signifioit oüxicitoyenfe'Dupré
Langlade ; de fairfe «t à é ^ m t r ^ V p / i a c u h ' ‘A é p a i c ë m e n t ,
leurs rapports; quand ilsign i’fiofct-»ai0)’c itbÿdfii'Tâi*iif que
Son rapport -devait $ & ü h ôxér Je ‘-prix:de4a v^ente), -et qu’il
étoit inutile qu’il attendît le dépôt des deux premiers:rap
p o rts, il>ne fprôvoybitipas^ ¿qu’après rex^cution de ses'ore t .
-dres*, >il trouverait phis>séwrittqu’til ;n?eût 'dû ÿ-&vo ir qu?un
ra p p o tt‘-CQinimtrnJ,'>d t e > t r o i & > J1,
ar->r,iu,
, •
A ujourd’hui., dans: [Si sagesse; il'prétend'■qu^ilfalloit
-que cela fût ainsi^ ertiijse «fonde -sur les5conventions des
parties, et sur la loi.
. ;
�...
.
(■h î
>
.
..
• L a vente du 4 messidor, dit q u e , si les experts ne sont
pas d’accord, ils: choisiront un tîers pour les départager,et parle en plusieurs endroits d’un rapport d’experts quicon tiendra ^estimation, mais non pas’ de plusieurs:
5
S’il y aVoit à cela de 1?atnph ih 01ogi e, ‘le citoyen Chouçsy
nous aex^UéJuélui-même dans ses sigftife&tionsr le sens qu’il
donrioit à sa convention. Alors il étoit sincère' ,rparce qu’il;
ne cherchoit pas un moyen.
'
'
Il nous a appris que, si les premiers experts étoient d’ac><
cord, un seul rapport fixoitlp prix,que 3’ils hè Tétoierit pas,
un seul rapport lé fixôit encore; cela est-très-vrai’. Dansr
tous les cas il n’y a donc qu’un rapport unique à considérer
Dans l’espèce, les deux premiers rapports pouvoiént
ctre ou n’être pas déposés, cela iinportoit p e u ; et comme
la signifié lie citoyen Choüàsy^ ils devenoient inutiles dès
qu’il s’en faisbit un. troisième. IVlai'S'il étoitbon de’les rédi
ger ; et tel est l’usage général des expertises ; car c’est parlà que le tiers-expert prend connoissànce des points de
division des premiers.
1
•
En quoi donc le dépôt des trois rapports est-il- répré
hensible ? Si cela ne nuit pas, si tel ‘est Tüsage, si sür-tout
les experts ont obéi aux injonctions du citoyen’ Choussy,
de quoi peut-il se plaindre ?
.
' 11 invoque encore la lo i, non pas pour dire qu’elle a
plus de poids que la convéntion des parties, mais pôùr
prétendre qu’elle avoit réglé là même chose. '
Pour citer des lois , il falioit se créer une application ; le
citoyen Choussy avoit appelé les tiers~experts, des experts^
pendant les 26 premières pages-dé son mémoire. Mais
cela le gênoit, et il en fait des arbitres.. • .
'..
D i
�c 28 )
Ce n’est pas par une expression générique de latinité
qu’il peut le prouver. Arbitrium signifie une décision quel
conque 5 et dans les mernes lois,' il est employé d’autres
expressions pour dire la même chose (1). Le nom d'expert
appartient à notre langue seule ; celui d’arbitrium bon i
viri est le seul qui y réponde, et cependant, quand le
préteur y renvoyoit une contestation, il n’entendoit pas
nommer un arbitre, et lui céder toutes les fonctions
judiciaires.
; ; vCette définition pourroit s’approfondir davantage, mais
elle est oiseuse, et ce n’est pas dans ces nuances de mots
que git.la contestation.
.. '
• ' i; •
Ce qu’avoit dit le citoyen Choussy, étoit pour en venir
à la loi du 18 thermidor an trois, qui veut: « que le tiers
« arbitre, nommé en cas de partage , ne puisse prononcer
« seul en faveur de l’un des deux- avis, mais.qu’il se
« réunisse aux arbitres pour délibérer et juger.
.
O r , le citoyen T a r d if, expert ou arbitre, a fait, quoi
qu’on en dise, tout ce que cette loi prescrit aux arbitres
de faire: ' •
■
'.
Il s’est réuni à eux; il a discuté, délibéré et prononcé
avec les citoyens D upré et Langlade ; ils ont signé son
rapport.
Q u’importe que le citoyen Dupré ait ajouté à la signa»
ture comme présent ? si cela signifioit qu’il n’approuvoit pas l’opération, ,en est-elle moins valable ? s’eston moins réuni avec lui ? mais s i , dans un tribunal, l’un
(1) Par exemple il est dit: Secundùm ejus estimationem, vendis
tionem ad ejf'ectumpervénire*
'
�.
.
.
( 2
9
.
des juges vouloit écrire au plumitif qu’il n’est pas àe l’avis
du jugement, sans doute cela ne l’annulleroit pas.
Qu’importe encore que le tribunal d’Am bert ait dit dans
Je jugement dont est appel, ayant égard au rapport du
citoyen T a rd if, et icelui homologuant : il falloit bien lui
donner un n o m , et il ne pouvoit pas d ire , le rapport
des citoyens Du p ré , Langladeet T ard if, c’eût été les ho
mologuer tous.
,
■ L e citoyen Choussy avoit voulu que les deux premiers
fussent faits séparément; il avoit donc rendu nécessaire
qu’on distinguât le dernier rapport des deux autres , et
on ne pouvoit lui donner que le nom du tiers - expert
chargé de départager les autres, en se réunissant à eux.
Un sénéchal donnoit son nom aux sentences, et cela ne
signifioit pas qu’il les eût rendues seul.
C e que le citoyen T a r d if a dit au singulier dans ce tiers
rap p o rt, bien loin de prouver contre la réunion des
experts, comme le citoyen Ghoussy veut le persuader en
scindant isolément quelques phrases, prouve tout le con
traire. En effet, dans le commencement du rapport qui
doit être un procès-verbal, T ard if partant de chez lu i,
allant à la Chaise-Dieu, et demandant à ses collègues le
sujet de sa convocation , ne peut pas parler au nom de
tous; il eût été inintelligible:il dit donc3je suis allé, etc.ja
les ai invités, etc. L e cit. D upré m'a observé, etc., parce
. qu’alors il distingue ce qu’il fait et ce qu’il dit ; mais lorsqu’ensuite il va s’occuper de l’opération, il dit: nous
sommas transportés à Féolgoux avec les citoyens D upré
et Langlade, y avons trouvé le citoyen Choussy , q u i
nous a requis, de commencer nos vérifications , offrant
�t 3d )
de nous accompagner e tfa ir e toutes les indications né
cessaires , et de terminer n o s opérations, etc. ( i ) avons
procédé , etc* estimons , etc.
Voilà dorlc T ard if ne parlant plus seul, et cette diffétenèe même de langage prouve que sans être obligé de'se
conformer à la loi du i8thei-midor, il en a suivi les dispo
sitions. Ï1 lui suffisoit de se réunir à ses collègues ; il a fait
plus , il a fait toute son opération en commun. On voit
inême parles signatures, que l’un est de son avis, et que
l’autre n’en est pas. Il y a donc m ajorité, et elle n’étoit
pûs nécessaire.
;
L e dtoyen Choussy se confie si peu en ses moyens, que
polir en augmenter la masse, il veut tirer parti de ce que
le notaire qui a reçu l’acte de dépôt des trois rapports, a
appelé le troisième celui du citoyen Tardif» Mais il suffit de
lui demander comment, en ayant exigé trois, il eût pu
l'appeler lui-m êm e?
,
• •
'
Il a vu aussi que darts la lettre des premiers experts à
Gouchard , ils le convoquent pour revoir notre estima-»
tion et rédiger tous trois notre rapport.
Mais le' citoyen Choussy ne remarque pas que si les
experts efttendoient alors n'en faire qu’un seul, c’est luiinême qui y a mis obstacle en les requérant d’en déposer
deux, chacun séparémènL II a donc voulu ce qu’il blâme^
Les intimés l’ont trouvé bon ; ainsi y ayant accord entre
les parties, quelle correction y a-t-il à y faire ?
'
L e citoyen Choussy sent si bien cette conséquence, qu’il
(t) Il eût au moins dit, notre opération, s’il eût entendu par
ler an pluriel pour lui seul.
�(
3 1
)
t
.
.
v
.
se bat les flancs pour atténuer la signification qu’il a faite
le 19 thermidor; il ne vouloit, dit-il, qu’éviter au ci
toyen T ard if, comme au citoyen Langlade, les délices
de Capoue ( i) : il étoit impatient de perdre ses intérêt?
de 30 fr. par jour. A in s i, tout çe qu’il a dit dans sa juste
impatience, ne peut pas être pris pour des règles donr
■nées aux experts, qui vajoute-t-iJ, trouvoient ç^es règles
dans la loi du 1$ th erm idor,et dans Ja convention synallagmatique du 4 messidor.
'
. C ’-est sûrement pour le citoyen Çhoussy une biep puis
sante excuse, que le chagrin de perdre un intérêt de
30 fr. par jou r: 30 fr. ! ! et pour Féolgoux , q u i, année
commune j n’a jamais rapporté net ,2-000 f r . , en y com
prenant même Jes ventes de bois .réglées >et habituelles (2).
Mais c’est un peu .tard, pour ^expliquer des arrière-penfees qui ne détruiront pas des cçritg : ü&étoijt ¡pas prohibé f
par Jæ ypnie du 4 messidor, de fair^ ¿plusieurs rapports.
¡Ainsi, en soi-même , il.n’y auroit rien (d’irrégulier ; à plus
forte raison, quand les parties y ont cons<?rçt.i .exprçsr
sèment.
On contracte en jugement .çomnje par-^ejrçaiftt notâmes;
(1) Ainsi cette obscure cité, tout à l’heure, ne florissant que
par ses cadis et ses lacets, est devenue une Capoue attractive.
Elle s’énorgueilliroit de cette prompte métamorphose , si bien
t ô t , la changeant‘en Caprée honteuçe, le citoyen Glioussy ne
•Juiumputoit une facilité de.corruption .qu^il croit,possible^ que les
acquéreurs ne .s’étonnent pas qw’il croie possible; niais,dgf»t np
tribunal.honnête doit s’indigner.
(2) Cela est prouv.é par .des expertises, jointes au procès.
�.
(3 0
.
^
et si dans'le cours d’une contestation, l’une des parties
requiert et l’autre ne conteste pas, dès-lors le contrat
judiciaire est formé. L e citoyen Choussy, qui veut si
obstinément que l’opération des experts soit et ne soit
qu'un arbitrage ordinaire, récusera-t-il ce principe et,son
application?
’
’
<£
' Quoi qu’il en dise, lié par sa convention , voulant y
chercher de l’obscurité pour la dissoudre, il a lui-même
dissipé cette obscurité par ses réquisitions; il a expliqué
aux experts ce qu’ils avoient à faire : ils s’y sont conformés.
A in si, ses moyens actuels sont des argumens contre luimême.-•
•1
■ i
•'
* Il veu t, pour soutenir ces moyens, que lés experts
aient été des arbitres, et leur estimation un arbitrage.
D ’après lui,les tribunaux ne seroient pas compétens; car
la loi du 24aoiit 1790, dit que les décisions arbitrales sont
rendues en dernier ressort. Nos constitutions veulent, de
plus , qu’on ne puisse les attaquer,' même par le recours
en cassation.
•
..
.
T R O I ‘ S I E WT E
Q U E S T I 0 N.
J
Y a - t-il lieu (Tordonner un amendement de rapport,
,
, . ou la vente est-elle consommée ?
.
f.
-i '
.!
1
. ;
L e s arbitres de la question précédente sont redeyçnus
des experts pour donner au citoyen Choussy la facilité
de*prétendre qu’il y a lieu à. un amendement > r
-;
Pour le p ro u ver, il s’entoure de moyéns de considé
rations: jls sont nuls contre une'vente j de quelques auto
rités ,
_
�(C
33
)
•rités, elles sont foibles et hors1 la cause; de quelques
fragmens de lo i, ils sont inapplicables. .
■
Des autorités, claires èfc puissantes ’, une :loi unique et
décisive seront'opposées : la >cause. y est écrite; .
Ce n’est pas nominativement une action en lésion qu’a
intentée le citoyen Choùssy, il;la savôit supprimée;:mais
il y a conclu sous une autre forme: : >; .!
!
• Prétendant que.Féolgôux vaut le doublé de l’estimation
qui fixe le prix de vente, demandant que des experts
nouveaux vérifient cette p r o p r ié té , pour savoir si elle
vaut plus ; et en ce cas, concluant à ce que le supplément
soit payé par les acquéreurs, ou que la vente soit résiliée,
voilà bien certainement toute l’essence de l’action , en
lésion ; et si l’on en croit le citoyen Choùssy, cette lésion
est énorme.
•
, • <-• * ' '
■
Ingénieux dans ses calculs, il rappelle l’estimation qui
fut faite de 5723 pieds d’arbres que l’ouragan de l’an 5
déracina , à 48,000 fr., dit-il, s'ils eussent été sur p ied ,
€t 16,000 fr. en l’état où ils étoieril. Les dégâts étoient
dans un dixième de la forêt ; ainsi, dans la même pro
portion , les neuf dixièmes auroient , selon lu i, valu
400,000 fr.
'
.
Mais qui ne sait pas’ qu’un ouragan qui déracine
5723 arbres, ne hisse pas intacts neuf dixièmes d’une
fo rê t, qu’il dévaste tout arbre qui présente une grande
surface ; et qu’ainsi n’ayant fait de dégât que dans un.
dixième de la fo rê t, cela prouve que dans le surplus il
y avoit très-peu d’arbres d’un volume à offrir de la
résistance au fléau. O r , vouloir faire estimer les parties
stériles ou dépeuplées sur lç meme pied» peut bien etre
�'(
34
)
; l’idce d’un spéculateur >qui postule 30 fr. d’intérêt' par
jo u r, mais n est aux yeux de là justice qu’une proposition
captieuse d’ùne mauvaise foi révoltante.
•
L e cit. Choussy donne une autre base d’estimation , qui
est celle faite par les citoyens Garnierët Faurot, experts (1),
nommés par l’administration de la Chaise-Dieu , sur une
demande par lui formée en l’an 8 , en réduction de ses
rimpôts ; ils o n t, dit-il,estimé Féolgôüx à 1 i 1,322 fr. 60 c.
'•au .bas p rix , ajoute-t-il, qu’on a coutume de donner à ces
sortes d’évaluations. '
c> ;
’
•
Ceci seroit mieux trouvé, si le citoyen Choussy disoit
4out; mais semblable à celui qui présenteroit pour titre
un jugement de première instance , réformé sur l’appel,
-■il montre l’opération; de deux premiers experts, mais il
ne dit pas qu’il s’est pourvu par appel devant l’adminis'tration centrale Comme d’iméestimation exhorbitante, que
'de nouveaux experts (2 ) ont estimé Féogoulx presqu’à
-moitié moins, et que lé dernier rapport de ces experts a
été séul hom ologué- p ar l ’adm inistration cen tra le , par
■arrêté du i 5 ventôse an 8 : ainsi, le citoyen Choussy pré
sentait une pièce rejetée, ce qui n’ëstpas délicat, et taisoit
une pièce admise.
La première convention' d’acheter Féogoulx, faite à
‘ il5 ,o o o f r ., est fort loin de lui être un moyen; car,
quoique les sous-seings privés lui fassent réserve des chablis,
il est de fait, et on le prouveroit s’il le n ie , qu’ils devoient
( 1 ) Deux de ceux qu’il a récusés dans son exploit du 10
thermidor.
(2) Les citoyens Jourde et Pichat qu’il a aussi récusés.
�.
.
C 35:3
faire partie de la ven telorsq u e les-acquéreurs surent qu il
y en avoit un grand nombre. Malgré delà, ils'ont résilié,
trouvant Féolgoux trop cber'!à cette somme ¿ quoiqu’il y
eût alors un. mobilier considérabley'eiü ces -chablis’ portés
par le.citoyen Choussy, dans ses-lettr'es, à 26,000 fi\‘ ’
•; A.cette>époqùe encorë les'propriétés avoient'une valeur
bien plus considérable qu'aujourd’hui ; et si leîi8 fructidor
produisit d abord quelque resserrement d’argent chez les
capitalistes, sans doute il ne fit pas un effet aussi subit dans des
pays agrestes! j dans, lesquels les révolutions n ont quune
lente influence ; peutrêtre aussi la crainte alors accréditée
d’un retour au papier monnoie donna-t-elle plus de valeur
aux propriétés foncières. Quoi qu’il en soit, nous recher
chons des effets et non des causes, et il est de notoriété que
nonobstant tous autres résultats de fructidoretde brumaire,
les biens-fonds , les bois su r-tou t,valoien t en l’an 5 et 1an 6
beaucoup plus qu’en l’an 8 , non-seulement dans le canton,
de la Chaise-Dieu, mais dans toute l’étendue des départemens du Puy-de-Dôme et de la Haute-Loire.
Les réflexions du citoyen Choussy, sur la facilité de la
vente des bois, sont de même purement systématiques,
comme la plupart des idées d’économie publique. Depuis
plusieurs siècles on se plaint de la rareté des bois , et ce
que les conseils de département ont dit 1 année dernière,
Louis X IV le disoit aussi dans le préambule de son ordon
nance de 1669. Tout cela ne prouvera pas que le bois de
Féolgoux vaille davantage; les ventes darbres n y sont
pas plus communes, pas plus que dans les nombreuses
forêts plus rapprochées encore des ports de l’Allier.
L ’aspérité des chemins de traverse, la difficulté de l’ex■
£ 2
�A
(. 36 )
p lo ita tio n , empocheront long-temps ce bois d’avoir une
valeur. L'ouvèrtute; des communications ne peut être
payée que par le gouvernement : mais espérera-t-on qu’il
s’occupe de routes nouvelles et particulières avant d’en
tretenir celles qui existent ? Si les conseils généi-aux ont dit
que les bois de la Chaise-Dieu ne suffisoient plus à construire
les bateaux, le citoyen Choussy, qui les cite, pouvoit plus
que personne les désabuser de cette grande erreur ; car
lui-m êm e, depuis l’an 5 , n’a pu vendre encore tous les
arbres que l’ouragan avoit déracinés, et qui dépérissent
nécessairement faute d’acquéreurs (1).
(1)
Ce Fait est déclaré au procès par une requête du citoyen’
Choussy, du 3 ventôse.
Le citoyen Choussy parle souvent de sa bonne foi dans cette
affaire; en voici un échantillon. L ’ouragan de l’an 6 avoit déra
ciné beaucoup d’arbres, d’autres étoient rompus à 5 ,1 0 et 12 pieds
de hauteur : c’est ce qu’on appelle piquets. Un grand nombre
d’autres arbres étoient seulement épointés très-foibleinent à perte
de v ue. S e p t jours après la v e n t e , C h o u s s y se hâta de vendre
ces derniers arbres, pensant bien que les experts n’iroient pas
croire qu’ils faisoient partie des arbres rompus que Choussy avoit
réservés comme déjàvendus. En effet, lorsque les experts vinrent,
Choussy voulut qu’on estimât tous les arbres droits en général,
( cela est prouvé par la déclaration des experts, de Dupré luimême, en un acte instrumentaire, du 14 ventôse an 9 ); Choussy
fit même comprendre dans l’estimation les piquets pour une
somme de 40 fr. (cela est prouvé par les trois rapports ). Pour
être plus libre de consommer cette petite escroquerie , il chassa
le garde de bois, qui étoit a Féolgoux lors de la vente, et qui
étoit agréé par toutes les parties. Les acquéreurs ne jouissant
pas, n’ont pu avoir l’œil sur ce qui s® paasoit dans le bois j ils
�C 37 )
Il seroit plus raisonnable, sans doute, aux intimes, de
présenter de leur p a rt, pour moyens de considération,
cfette stagnation de commerce, constatée par cet engorge
ment de bois pendant quatre ans ; ce qui ne leur promet
pas pour l’avenir des spéculations heureuses; la rareté du
numéraire telle, qu’à moins de dégrader promptement
pour ven d re, à quelque prix que ce soit, ils ne pourront
payer au citoyen Choussy des capitaux à termes rappro
chés, outre un intérêt considérable; l’accident nouveau
d’un ouragan terrible, qui vient encore de diminuer la
valeur des plus beaux arbres en dégradant ceux qui res
tent ; enfin le taux des impositions de tout Féolgoux à
336 fr. 8 s. (1) ; ce q u i, à l’égard d’un propriétaire forain
ne l’ont appris que par le procès-verbal de leur prise de pos
session; ils ont tr o u v é le bois p le in d e scieurs de long , et ont VU
q u e par un genre d e précaution fort inusitée, le bois coupé plus
récemment est hors la forêt, tandis que celui exploité avant la
vente y est encore gissant; aussi le citoyen Choussy se jacte
d’avoir au port 22,000 toises de bois, non compris ce qu’il a
vendu. On peut conjecturer combien cet entassement paralysera
pour long-temps les ventes que les acquéreurs pourroient faire.
Ce mésus a donné lieu à]un incident qui n’est pas encore jugé,
parce que le citoyen Choussy a mis au rôle la cause principale,
pour faire disparoître ce débat secondaire par de plus grands
intérêts; cependant il sera jugé en même temps que le fonds.
Les intimés pourroient donner à leur discussion, sur cet inci
dent , une plus grande latitude ; mais il est inutile de grossir ce
mémoire.
' (x) Fixation d’office, par arrêté de l’administration centrale.
En l’an 4, Féolgoux payoit en principal et sous additionnels 232 1.
2 s. 2 d. Que l’on ne dise pas que la cote des bois doit Être très-
�(38 )
sur-tout, doit donner une idée suffisante de la valeur ap proximative de cette propriété.
Mais des moyens de considérations ne doivent pas juger
la cause ; ainsi, abandonnons ce qu’a dit le citoyen Choussy,
sur ce point, et ce qui nous resteroit à dire, pour en venir
à l’examen des moyens particuliers qu’il a cherché à faire
valoir.
Il critique le rapport de T ardif et celui de Langlade,
sur ce qu’il s'est fait déduction des charges, et il s’étonne
qu’on ait entendu acheter un bien franc et quitte de
charges ; il auroitsûrement raison si c’étoitde toutes charges
foncières; car nul n’en est exempt : mais des réparations,
des frais de gardes de bois, etc., dont on n’entend pas
s’exempter non plus, n’en sont pas moins des objets à
prendre en considération par des experts qui estiment le
p rix vénal d’une propriété. Car plus il doit en coûter
de frais d’entretien , moins il y a de revenus, et c’est par
le calcul des revenus réels que s’estiment les capitaux.'
lie citoyen Choussy se plaint encore que L an glad e ait
laissé le soin à T ard if d’apprécier ces charges ; car, dit-il,
nemo unus cogendus est sententiam dicera. L ’expression
cogendus suppose de la nécessité, de la contrainte, et
non pas la simple prière de l’un des experts à un autre ,
d’expliquer luirm êm e ce qu’il n’entend pas bien. Cette
déférence n’exclut pas ensuite 1 examen de l’explication,
et rien ne prouve que Tardif ait décidé seul ce point
foible; cela étoit ainsi lors des lois de 179° : niais Part. 70 de la
loi du 3 frimaire an 7 veut que les bois soient taxés, pour touto
leur valeur, à deux et demi pour cent.
�,
.
.
( 39 )
de Texpertise, puisqu’au contraire le reste du rapport est
rédigé en commun. Déjà nous avons fait observer la diffé
ren ce *qui existe dans ce rapport, entre les colloques du
' préambule et le rapport lui-mêm e; ce n’est donc pas par
un fragment de cette conférence qu’il faut juger le rap
p o r t, c’est par le dispositif de la décision en elle-même.
O r cette décision est faite en com m un, et elle est signée
des trois experts : ainsi ce rapport n’est nullement dans
le cas de la loi citée.
<
Ce que dit Pothier d’une estimation manifestement ini
que yn’est pas un moyen pour le citoyen Choùssy, puisqu’il
pré-suppose que cette iniquité est déjà manifeste, et c’est
là la question. L ’auteur du recueil de jurisprudence donne
-l’explication de ces expressions dangereusement obscures,
. dont cet auteur ne se défend pas toujours. P a r exem ple ,
dit-iL , si un im m euble en valeu r de 1,000 livres étoit
estimé 24 livres; alors il seroit clair qu’il y auroit une
injustice évidente contre laquelle les parties seroient au
torisées à réclamer.
Sans doute c’est ainsi que l’a entendu P o th ier, qui
en cela a raisonné par ses propres idées, sur le juste et
l’injuste, ne se, basant sur aucune loi. D om at, encore
cité par le citoyen Choùssy, n’a rien dit d’assez précis
sur la contestation, pour balancer des autorités plus po
sitives , et encore moins les lois qui la jugent. L ’espèce
de faculté qu’il laisse aux contractans de revenir contre
. leurs conventions, si contradictoire aux principes que cet
auteur enseigne aux pages précédentes, suppose comme
P o th ier, que les bornes de la raison et de l’équité soient
violées, et que l’on n’ait pas nommé des personnes de
�C 40 )
-
probité et qui s’y connussent, dès qu’il ne veut annuller
que ce qui sera arbitré contre cette règle.
O ù est donc ici la violation des bornes de la raison;
où est la violation de l’équité, si ce n’est plutôt celle de
la cupidité du citoyen Choussy. A -t-il indiqué un seul
fait d’improbité contre les experts; ce nést donc que de
l’ignorance qu'il leur suppose, et c’est depuis l’expertise
seulement qu’il s’en est avisé.
O ù est encore l’application de la loi 76 du if. pro socio ?
O ù est cepravum arbitrium ? cette manifesta iniquitas
que cette loi exige pour refaire l’arbitrage de société qui
ne nous concerne pas ?
Il falloit donc expliquer par quelles règles devoit être
décidée la question préalable de ce praçwn arbitrium ;
à quels signes le tribunal dont est appel avoit dû le re
connoitre ; si l’estimation à 85 ;ooo livres d’un bien qui
paye 336 livres d’im pôts, présente au détriment du ven
deur une évidente iniquité.
Les arbitrages de société exigent une pondération d’in
térêts respectifs infiniment égale, parce qu’il répugne ù
l’essence de l’association, qu’aucun des associés ait un
bénéfice supérieur à la portion qu’il doit en avoir. Mais les
contrats de vente ne sont pas assujétis aux mêmes règles,
et l’erreur de croire que l’idée du vendeur d’être grevé
p a rle p rix , lui donne droit de s’en plaindre, est corrigée
par la loi si voluntate au code de rescindenda venditione,
qui lui reproche d’ignorer la substance du contrat d ac
quisition, qui n’adm et pas de telles plaintes.
La loi 22 au if. lo ca ti, enseigne q u ’il est de droit naturel
d’acheter au moindre p rix , et de vendre au plus haut prix
qu’on
�( 4 i.)
quon le puisses Quemadmodùnv in emendo et vendendo
naturaliter convessum est quod pluris s it , m inons
emere'f et qiaodlminoms siL, plurùs■
vendere., etinvicem se
ciicunvscrihere.\ . ,
i :
......
T e lle , en effet, doit être la--latitude des; transactions,
libres;et'du; coxnimercc des immeubles ÿ d’ailleurs: , comme
le;dit Dumoulin avec sera; énergie;ordinaire (;r) : « L ’égalité
» entre le prix et la1 valeur de; la chose vendue ne con
» siste pas en un point indivisible' y elle n est pas; une
» égalité mathématique ».
‘
. Il est bien constant que; l’acte du 4 messidor est une
vente librement consentie entre m ajeurs, et librement
exécutée en la forme convenue. T o u t y est obligatoire
et sacramente]., Féolgoux est vendu , c’est la chose ; le
citoyen Choussy- se démet de la p rop riété ; voilà le con
sentem ent et la tradition', conroborée même par le constitut de précaire qui y est exprimé. Le prix est laissé à
l’arbitrage de deux experts; q u i, en cas de discordance,
doivent s’en choisir un troisième à l’insu des parties : tout
cela s?est littéralement exécuté.
‘ Les deux experts ont été discordara (2) ; ils en ont pris
1(1) Trait, des cont. usur., quest. i 4 r n°., 171.
(2) Le citoyen Choussjr revient souvent sur cette discordance,
pour dire qu’elle n’eut lieu qu’au retour des experts de la ChaiseDieu; mais il nous prouve lui-même que Langlade n’ctoit pas,
sur les lieux, de l’avis de Dupré. i°. En disant, dans son expertise
du 8 fructidor an 8, que Langlade écrwoit toujours à côté un
prix différent ; 20. dans ses causes drappel du 23 ventôse der
nier , que Langl'ade « avoit médité (Tavance le projet de ne signer
F
�/ C 42 )
un troisième, agréé comme eux par le citoyen Choussy.
L e prix de vente a été réglé en sa présence ; le rapport
fixant le prix a été déposé : et dès-lors les trois condi
tions qui constituent le contrat de vente sont remplies.
T o u t est donc consommé. ’
- L e prix de vente fixé par les experts est précisément
la même chose que si elles en fussent convenues ellesmêmes. On ne trouvera aucun auteur qui établisse en
cela la moindre différence. Ils se réunissent, au contraire,
à dire que le prix ainsi fixé par experts est absolument
semblable au prix volontaire. Or , sans doute, si le cit.
Ghoussy fut convenu de vendre pour le prix qui a été
estime, en vain proposeroit-il ses systèmes sur les chances
politiques et sur la rareté du bois j il n’auroit aucun moyen
pour obtenir davantage.
N ’est-ce donc pas s’abuser, que de proposer à un tri
bunal de rectifier une expertise qui n’a point été judiciai
rement ordonnée , et qui n’est point du ressort judiciaire?
La nom ination des experts qui ont opéré tient essentiel
lement à la substance d’un acte volontaire, à la partie la
plus délicate du contrat de ven te, au consentement si
incompatible avec toute espèce de contrainte. Si les acqué
reurs se trouvoient lésés, que pourroient-ils dire , quelle
voie eussent-ils eue pour se délier de leur consentement ?
La loi cependant doit être égale. Autrefois, à la vérité,
l’acquéreur n’avoit pas la voie de la lésion \ elle étoit pour
« le rapport commun , que dans le cas où Dupré seroit assez
» foible pour consentir à une estimation dont le prix avoit sans
» doute été arrêté de concert avec les acquéreurs ».
�( 43 )
le vendeur seul;*mais le citoyen Choussy assure que ce
n’est pas cette action qu’il a voulu diriger.
Comment donc lui accorder un droit que les acqué
reurs n’ont pas ? S’ils ne nomment pas des experts, ce
-sera donc à la justice a'emnommer d’office ? Mais alors,
'que devient le*consentement des parties , essentiel pour
le contrat de vente ? Uri consentement forcé le suppléerat - il, quand une vente synallagmatique libre sera méta
>morphosée en une vente judiciaire ?
L e citoyen Choussy, qui a bien senti que sa prétention
appeloit ce renversement de principes, a cherché à cor
riger cette incohérence. Il offre de résilier la vente. Mais
les acquéreurs auroient-ils le droit de le lui offrir ? peutil donc dire : ou on fera ce que je v e u x , ou il n’y aura
pas de vente ? Mais il- ne dit pas qui doit payer au m oins
6,000 liv. de prem iers frais que les acquéreurs ont déjà
déboursés. . ’■
La raison dit qu’une deuxième expertise ne peut avoir
lieu ; la loi aussi le veut expressément ; elle a déjà été
rappelée, et en voici le texte :
'
S i q u is rem ita com p a ra çerit u t res vendita esset
q u a n ti T itiu s œ stim a çerit....... Sancirnus u t s i qu id em
■ipse q u i n om in a tu s est pretium d efin ierit o m n i m o d ò
secundùm ejus œ stim ationem et pretia p ersolvi et ven• àition em ad effectum pervenire..... S i h u ju sm o d i pre
tiu m cù m in scriptis f u e r i t redactum ....... P e r o m n ia
com pletum eta b so lu tu m s ii; sin autem ipse T itiu s n olu er it vel non p o tu eritp retiu m d efin ire, tune prò n ih ilo esse
ven dition em ..... N u llâ con jectu râ s e rv a n d â , utrù m in
personam ce rta in , an in b o n i v ir i a r b itr iu m , respicien-
F a
�tes conirahentes adhc&cpacta venerint, hoc impossîbile
credentes expellimus (i).
Ce respect de la loi pour le maintien d’une convention,
libre est digne de remarque ; elle ne veut pasque le juge
prenne sur lui de rien conjecturer, nullâ conjecturâ serr
V a n d â elle ne veut pas qu’il ordonne, en aucun cas,
une nouvelle expertise, in boni viri arbitrium expelli
mus ; et cela par le seul doute que les contractans aient! eu
en vue d y consentir, an respicientes contrahentes ad
hœc pacta venerint.
■ Cette loi si formelle, u'nique.sur la m atière, a été répétée
aux mstitutes,, comme contenant les principes élémen
taires du droit (.2). La .même expression omnimodô y
consacre encore que l’estimation des experts, quelle quelle
>$oit, ne doit point être réformée. ,
. ■
C e mot omnimodô., est commenté par J^innius y en ces
termes: Ergo eüam si multo pluris aut minoris rem
-estimaçerit ( Titius ) quàm valet.
JDespeisses (3) dit, que si l'expert choisi a fait le p rix,
quel qu’ il soit, la vente:est banne j et doit avoir lieu pour
Je prix fixé par cet expert; « quoique, ajoute-t-il, ce prix
c ne soit pas le juste prix, et même qu’ïly ait lésion d’outre« moitié ». Cet auteur ajoute, que la loi ci-dessus, prohi
bant toute nouvelle expertise, montre pleinement que son
•intention par le mot omnimodô, est que le prix soit défi
nitif.
(1) Loi dernière, cod. de contrahcTidcL entphone.
(2) Inst., liv. 3 , tit. 24, de emptione et venditione.
(3) Page première, scct. 3.
�I
( 4$)
.
.
’ ' Rousseau de'la Combe ( ij dit de -même, que si le prix
a été déterminé par un tiers, la vente est valable ; « soit que
le prix soit juste ou injuste ». Ce sont ses expressions.
• L a jurisprudence s’est 'conformée à -ces principes, et
nous en avons ;un exemple asseztnouveaufl ¡même .dans ce
¿département.
; *
:
L e citoyen Costilles avoit vendu un domaine au citoyen
. Coiffier, à dire d’experts; le «citoyen Coiffier le prétendit
r exhorbitant, et opposa même que l'immeuble venant delà
femme Costilles, ce qu’il disoit .avoir ignoré jen acquérant,
¿il seroit en péril d’éviction. [Plaidant emla ¡sénéchaussée
d’ Auvergne , la loi si quis lui:fut opposée : la sénéchaussée
ne crut pas pouvoir rien changer à iune- convention, et le
• citoyen Coiffier ne put obtenir ni la résiliation de la vente,
'•ni un amendement. La sentence fut rendue,1e 7 _mars 1 7 8 6 ,
-et confirm ée par arrêt de ¡la grand -,chambre, du 6 mars
1789 (2).
.
'
^
N on , il n’y a pas lieu à amendement: cette décision est
écrite tout au long par le citoyen Choùssy, et de sa propre
main, dans l’acte instrum entais , du 1 9 ■thermidor. Il y.a
d it, après avoir su que les premiers experts étaient divi
sés, et avoient fait deux rapports séparés, que le rapport
(1) N°. vente.
(2) Cette sentence est citée dans une consultation donnée pour
la cause, sur le vu de toutes pièces, par les citoyens Dartis,
Toultée, Deval, Pagès , Andraud, Prévôt et Maugue. Ces juris
consultes ne supposent pas -que le citoyen. Choùssy mérite plus
de faveur que le citoyen Coiffier, et nonobstant ses moyens, ils
'■trouvent la cause jugée par sa convention, par ses écrits et par
-les principes.
, ,
�.
.
(
4 6
>
• du citoyen T ard if devoit seul fixer le prix de la vente. II
étoit donc surabondant de rechercher d’autres autorités
que la sienne.
Tout est consommé; la vente n’est plus susceptible d’au
' cune formalité; les experts ont rempli leur tâche, et si
quelqu’un avoit à s’en plaindre, ce n’est pas le citoyen.
' Choussy qui ne les a pas quittés.
'
:
‘ >
Il ne peut critiquer leurs qualités. Us sont nommés,
- avoués et requis, soit par la ven te, soit par-tous les écrits
qu’il a répandus dans la cause;
- ' ■
N i leur droit d’opérer ; il a reconnu par les mêmes écrits,
ses lettres et ses prévenances ;
.
' •
Ni leur travail ; il étoit présent à toiit ; ni même .leurs
rapports ; il les a rendus nécessaires par ses notifications.
Telle est la conséquënce de l’assistance d'une partie au
travail d’un exp ert, quelle la rend non recevable à pro
poser les m oyens, même les plus fondés. En voici un
exem ple:
'
•
D ans un p ro cès, en exécution de la loi du 10 juin 1793,
■qui enjoint aux arbitres de nommer des experts pour faire
' les vérifications nécessaires, les arbitres nommés se trans
portèrent eux-mêmes sur les lieux, firent l’expertise, et
ensuite l’arbitrage.
Le tribunal de cassation a toujours cassé de semblables
jugemens; le norrimé Morisot se pourvut devant lui. Mais
par jugement du 18 vendemiaire an 5 , la demande en cas
sation fut rejetée, p a r le motif, que M orisot avoit assisté
les arbitres dans leurs opérations.
L e citoyen Choussy a cru qu’en offrant de payer les
frais d’un amendement, il parviendroit plus aisément .à
�.
(
47
)
.
.
'
persüader que cet amendement ne nuiroit à personne;
mais il n’a pas remarqué que ce n’est point ici un rapport
d’ instruction et du ressort judiciaire, qu’il ne s’agit pas
de vérifier une propriété contestée, mais qu’on demande
à faire augmenter un prix de vente.
O r , le citoyen Choussy qui a dit tant de choses contre
les premiers experts, q u i, après en avoir récusé cinq, se
plaint de deux autres. N ’est-il pas bien inconséquent de
vouloir recourir de nouveau à un art aussi conjectural?
Mais calculons un peu à quoi cela mèneroit les parties.
Si deux autres experts étoient encore divisés, il en faudroit
un sixième, et si celui-là se trouvoit de l’avis du citoyen
D u p ré , alors les voix seroient égales ; car chaque partie en
auroit trois en sa faveur.
, Faudrait-il donc sanctionner plutôt cette deuxièm e e x
pertise que la px-emière ? M ais ce seroit une injustice , dès
que le nombre d’opinions seroit égal pour et contre. L e
tribunal alors n’hésiteroit sûrement pas à ordonner encore
une nouvelle vérification, dont le résultat seroit peutêtre encore aussi bizarre, ou plus obscur.
Tout cela peut arriver, et la justice doit tout prévoir.
Des acquéreurs qui jouissent sous la foi de leur conven
tion , doivent compter sur un prix qui ne dépende pas
de nouveaux hasards.
Ce prix est fixé;, il l’est comme les parties l’ont voulu;
elles n’ont pas entendu laisser à aucune d’elles la faculté
d’en requérir un nouveau. A in si, n’y eût-il pas tout le
danger , tout l’inconvénient dont on vient de donner une
idée légère, la convention des parties n’en seroit pas moins
prohibitive de tout règlement nouveau ; dès lors un amen-
�(
C 48 )
dément, en les jetant dans de nouvelles incertitudes, vîole*
roit cette prohibition.
Q u a t r i è m e
Q} u e, s t i o. m.
L a vente du ^messidor est-elle n u lle?'’
’
C e t t e prétention singulière, contrastant"& tout ce'
que le citoyen Ghoussy a dit et écrit, n’a pas été jugée par
fauteur de son mémoire digne d’être émise; mais le citoyen
Choussy n’abandonne pas1 aussi aisément le faisceau des
quatre conclusions diverses qu’il1avoit prises err première ■
instance':■il;sait trop bien qu’on simplifie une bonne cause1,
mais qu’iïfaut l'embrouiller quand elle est mauvaise. Certes,
on ne peut s’empêcher de lui rendre la'justice , qu’il a1 fait
tout ce qui étoifc en lui pour ne pas s'écarter dè cette
méthode;
C ’est encore peut - être un grand sacrifice dû. citoyens
C h o u s sy , de ne plus insister à v o u lo ir faire considérer
M an n et com m e tiers--expert. Ce M an n et, appelé com m e
indicateur pour une partie seulement de l’expertise , muet
dans les rapports , n’ayant) rien signé, ne sachant peut-être
pas lire, pouvoit-il décemment être dit tiers-expert? Telle
fut cependant la première des conclusions prises par le
citoyen Choussy en son exploit de demande.
Quoi qu’il! en soit, le moyen de nullité de la vente,
jeté en désespoir de cause, ne mérite un examen que parce
qu’il est proposé ; c a ry pour qu’une vente soit nulle , il
faut qu'elle manque de Fane des trois conditions qui cons
tituent ce genre de contrat.
O r, lai chose-vendue- est bien désignée : c est Féolgoux.
Le
�( 49)
L e consentement est donné , l’acte du 4 messidor l’ex
prime ; le prix a été définitivement fixé par le rapport du
citoyen T a rd if, ainsi que le citoyen Choussy l’a décidé
par écrit dans son acte du 19 thermidor.
• Ce qui achève de constituer la vente, c’est la tradition ;
elle est effective : les acquéreurs sont en possession. Elle
étoit déjà promise et acceptée dès l’acte du 4 messidor ;
car le citoyen Choussy y déclare se départir dès à présent,
et pour toujours, de la propriété, possession et jouissance
des objets vendus, et consent n’en jouir à l’avenir qu’au
seul titre de précaire.
Cette translation stipulée et réelle, n’exige aucune dis
cussion: le fait répond à tout; il achève même de con
vaincre que les parties remettant leur sort entier à une
première expertise , ne vôuloient se réserver aucun moyen
rescisoire, puisque dès-lors elles déclaraient la vente con
sommée dans des expressions aussi sacramentelles. .
'
'
:
C O N C L U S I O N .
4
L e citoyen Choussy a vendu Féolgoux à dire d’experts
nommés par la venté ; ces experts devoient nommer un.
tiers en cas de division : ils l’ont fait; le tiers-expert a été
agréé par le citoyen Choussy.
Toutes les parties ont assisté à la première expertise : le
citoyen Choussy seul a assisté à la seconde; il l’a requise,
il l’a pressée pour y être seul ; quand elle a été terminée,
il 3 requis par écrit le tiers-expert de déposer son rapport
pour fixer seul le prix de la vente.
'
T o u t est d o n c -consommé, des récusations frivoles ne
G
�C 5o )
sont plus proposables; un amendement ne l'est pas davan
tage : la justice supplée aux conventions, et ne les détruit
pas.
Les moyens de considération sont en plus grand nombre
contre le citoyen Choussy. Une propriété qui paye 336 fr.
de contribution foncière, séparée de toutes communica
tions commerciales, est très-chèrement achetée à 65,000 fr.
non compris des frais et faux frais excessifs : les calculs
usuraires du citoyen Choussy ne détruiront ni des-faits ni
son propre ouvrage (i).
>. '
'
Des moyens de considération ne jugent pas une question
de droit ; des personnalités méprisables ne doivent pas la
juger non plus. L e citoyen' Choussy ne s’opposera pas à ce
qu’on juge plutôt la cause que les personnes.
Il
se plaint d’etre trompé ! qui persuadera-t-il ? aucun
de ceux sans douté qui jamais entendirent prononcer sonnom. Mais par qui trom pé? par quatre jeunes gens,dont
le plus âgé n’a pas trente-trois ans, et dont le plus jeune
est de l'âge de la réquisition : Choussy trompé ! ces deux
mots sont étonnés de se trouver ensemble.
- D isons m ieux, il vouloit trouver des dupes ; il est irrité
de n’avoir pas complètement réussi. Pourquoi donc la
force de l’habitude lui fait-elle croire que manquer de
(1) Le citoyen Choussy ,'qui évalue son bois seul à 400,000 fr.,
n’a pas voulu entendre une proposition qui lui fut faite, audience
tenante , à Ambert. Ses acquéreurs lui proposèrent de résilier'Ia
vente, s’il vouloit leur donner à chacun c e n t louis de bénéfice;
ils l’ont proposé encore après le-jugement et certes, celui qui
doit gagner 100,000 écus,’neles cède pas pourio,ooo fr./ Y
�dupes c’est l’être lui-même ? qu’il ait cru vendre Féolgoux
beaucoup plus , cela se présume ; mais parce qu’il
ne l’a vendu que ce qu’il vaut, il n’y a pas de quoi être
inconsolable.
En un m ot, la cause appartient à une convention; cette
convention est exécutée et légale. Les choses ne sont plus
entières, la vente est consommée ; la ressource conjecturale
d’une nouvelle expertise auroit beaucoup d’inconvéniens
et aucun avantage. Ces m otifs, concluans et précis, exprimés dans le jugement dont est appel par le tribunal
d’Ambert pour valider la vente, embrassent toute la cause,
et suffisent pour prouver la nécessité de maintenir ce
jugement.
DEM A Y ,
L . F. D E L A P C H I E R ,
A v oué.
A
R
io m
,
de
Homme de lo i
l'imprimerie de L
a n d r io t ,
Tribunal d’appel. An 9.
imprimeur du
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Touzet, Pierre. An 9?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Demay
Delapchier
Subject
The topic of the resource
experts
acquisitions
Description
An account of the resource
Mémoire pour Pierre Touzet, Pierre Buisson-Touzet, Régis et Louis Celeyron, habitans de la ville d'Ambert, intimés ; contre Jean-Joseph Choussy-Dupin, homme de loi, habitant ci-devant à St-Germain-Lherm, maintenant au Puy, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 9
1785-Circa An 9
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
51 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0405
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0155
BCU_Factums_M0156
BCU_Factums_M0157
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ambert (63003)
Saint-Germain-l'Herm (63353)
Le Puy-en-Velay (43157)
Propriété de Féolgoux
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
acquisitions
experts
-
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ece0c7764bb8b76052bb1b9ef2ac74e9
PDF Text
Text
P
R
E
C
I
S
POUR
Jean
V
E S O L , Appelant d’un jugement d'Aurillac ;
CONTRE
J o se p h L A T O U R N E R I E y P i e r r e
JA R R IG E
et sa fem m e, et R ose J O N Q U I E R E , veuve de
P i e r r e P E Y R I N , intimés
.
iimiiirmu.—
L es parties plaident pour une prise d’e a u , une ser
vitude de passage, et une usurpation de terrain.
Au bas du village de la Maletie sont les batimens
de Vesol. Les aisances de ces batimens sont closes de
murailles à l’aspect de jour, qui les séparent des champs,
et ouvertes du côté du cou ch an t, c’est-à-dire du côté
des autres maisons du village.
i
�( 2 )
Derrière ces m u rs, et dans un champ appartenant
h V e so l, naît une source considérable : il la conduit à
t r a v e r s lesdits murs, pour en faire une fontaine qui
jaillit dans des bacs placés entre ses bâtimens.
Il était naturel que les habitans usassent de ces eaux
pour leurs besoins domestiques; Vesol s’y est prêté sans
difficultés.
Au-dessous des bâtimens de Vesol sont des prés; le
prem ier, appelé d e v a n t L ho s ta lui appartient; le se
cond pré est celui de Jarrige; le troisième pré est celui
des Latournerie; le quatrième est celui de la v.e Peyrin.
Com me les eaux sont abondantes, et que Vesol n'a
besoin que de son propre arrosement, l’ usage s’est intro
duit insensiblement de jou ir de ces ea u x, chacun à son
tour; c ’était le meilleur moyen d’éviter les petites ra
pines que l’adresse sait mettre à profit, et les débats où
la loi du plus fort prévaut sur la propriété. L a distribu
tion de ces eaux n’était pas toujours faite d’ une manière
bien équitable, mais comme il y en avait assez, on ne
s’en plaignait pas.
Il y avait une égale tolérance pour le passage qui
originairement n’était dû qu’à un seu l, car les trois prés
et les terres en dépendantes, étaient jadis à un seul in
dividu; Vesol n’avait pas même attaché une grande im
portance à ce que les intimés c o n t i n u a s s e n t d’en user de
m êm e; les trois prés s’exploitant aux mêmes époques, il
n ’y avait d’inconvénient pour personne ; car chacun por
tait sesfumiers,et faisait ses travaux, aux mêmes époques,
soit en automne, s o i t à la f i n de l’hiver, ensuite les prés
�( 3 ) '
étaient fermés pour tout le monde; et lorsque le pre
mier pré avait levé ses foins, il n ’éprouvait aucun dom
mage du passage des chards, pour la récolle de l ’autre.
Mais bientôt les intimés n’ont répondu à ces procédés
de bon voisinage, qu’en tracassant Vesol de toutes les
manières.
Latournerie notamment, a une terre h côté de son
p ré; il y a fait un autre pré de mauvaise qualité, qu’il
s'imagine rendre bon en y travaillant toujours; et quoi
que la terre adjacente joigne un chemin p u b lic , plus
court que celui qui traverse le pré V esol, il s'est obstiné
depuis peu d’années à ne vouloir passer que cbez V esol,
même pour ce nouveau pré ; de manière qu’il n’y avait
plus ni clôtures, ni époques qu’il jugeât h propos de'
respecter.
Il en faisait de même pour les eaux; non content de
les prendre à son tour, il se permettait depuis quelques
années de venir faire des rases profondes dans le pré
V esol, sous prétexte de faciliter le cours de l’e au , de
sorte que les terres et les engrais de Vesol suivaient la
rapidité de l’eau, et rendaient un pré fertile aux dépens
de l’autre.
. Peyrin et Jarrige, de leur côté, voyant cette acti
vité de leur voisin, et ne voulant pas lui en laisser tout
le profit, l’imitaient de leur m ieux, de sorte que le pré
de Vesol n’aurait pas tardé à devenir plutôt le bien d’au
trui que le sien, s’il avait eu une plus longue patience.
*
Jarrige lui avait donné de plus un autre sujet de
mécontentement ; il a fait un jardin dans une te rre ,
s
i
2
�(4 )
limitrophe da pré Vesol, et quoique ce jardin fût sé
paré par un tertre et une haie, Jarrige a trouvé le
m o y e n de faire disparaître la haie, de cultiver la terre
jusqu’au-delà du tertre; et sous prétexte de suivre son
terrain, il a planté une autre haie dans la nouvelle
ligne qu’il a jugé à propos de se tracer.
Vesol était assez p e u s o i g n e u x de ses propriétés, parce
que attiré par un commerce en E spagne, il y passait pres
que tout son tems ; mais lorsqu’il a vu qu’on abusait de
son absence et de sa facilité? pour dégrader son pré de
toutes les manières , il s’est décidé h se pourvoir. En
conséquence, par exploit du 1 6 prairial an 12 , il a
assigné les Latournerie, Jarrige et P e y rin , i.° pour être
condamnés à venir à partage des eaux,, en proportion
de la contenue des prés de chacune des parties, faire
fixe les dimensions de la rigole qui traverse le pré de
Lhostal, et se voir faire défenses de fossoyer le terrain,
s o u s prétexte d ' é l a r g i r ladite rigole j 2.0 pour voir dire
que lesdits Latournerie et autres seront tenus de passer
sur leurs propres fonds, pour le service de leurs prés,
et qu’il leur sera fait défenses de traverser le pré Lhos
tal; 3.° condamner ledit Lajarrige à enlever les buissons
plantés hors la ligne séparative de ses héritages, rendre
le terrain usurpé, et planter des bornes.
Quelque modérée que fût cette demande, elle a été
contestée sur tous les points par les adversaires 5 et le
tribunal d'Aurillac , par jugement du 3 juin 1808, a (
débouté Vesol de toutes ses réclamation , sans autre
examen.
�( 5 } .
L a Cour pensera-t-elle de même? cela est difficile ¿1
croire; car il est d’intérêt public que les propriétés soient
comptées pour quelque chose, et véritablement on peut
dire' que le tribunal d’Aurillac a compté les droits de
Vesol pour rien.
L ’eau "cependant naît dans le champ Voisin de sou
p ré, de-là elle arrive à sa basse-cour, et de-là ¿1 son
pré, sans aucun intermédiaire. O r, n ’est-il pas révol
tant que le propriétaire de l’eau en ait beaucoup moins
que ceux qui la tiennent de lui?
En e f fe t , le pré de Vesol a aujourd’hui sept jour
naux deux tiers (trois hectares sept cent soixante-deux
centiares ) ; le pré de Jarrigé a un journal ( quarante
ares douze centiares); le pré de Latournerie a un jour
nal et demi (soixante ares dix-huit centiares). Cepen
dant les intimés ne veulent accorder Feau à Vesol que
pendant trois jours de la semaine, et les deux autres la
garderaient quatre jours.
L e jugement ne le dit pas positivement ainsi, mais
il s'appuie sur une convention ancienne que rien ne
constate; il suppose un aveu de V esol, qui ne pouvait
parler que des derniers tems où on ne cessait d em
piéter sur ses droits; et après avoir vaguement dit que
la jouissance des eaux, faite un certain nombre de jo u rs
par chacun, faisait présumer un ancien partage : ce
jugement déboute sans fixer les droits de personne (1).
(1)
« A t t e n d u q u ’il esl constant et a v o u é d a n s la c a u s e , q u e les
« e a u x de la d ite fon tain e sont p e r ç u e s , p o u r l’a r r o s e m e n t des prés
�(
6)
C elle décision blesse évidemment l ’équité et les prin
cipes; car si Vesol, plus modéré que la plupart des
plaideurs, s’est borné à demander un partage de l’eau,
quoiqu'elle fût sa propriété (pour éviter les frais énor
m e s, et l’issue toujours incertaine des expertises et des
enquêtes), il ne fallait pas en conclure qu’il se condam
nait lui-m êm e, et le débouter de la plus équitable des
réclamations.
En effet, quand l’eau ne serait pas née chez Vesol,
au moins on ne lui conteste pas que son pré fournil ,
dans une longueur de soixante-cinq toises, la rase qui
la conduit chez.les adversaires. O r, où serait donc la
justice que ce p r é , qui a le triplé d’étendue des autres,
ne reçut l'eau, pour ainsi dire, qu’en transit, et fût le
plus inégalement partagé.
On dit à cela que c’est l’usage des parties:mais d’abord
c’est la plus mauvaises des bases dans celle matière;
car les eaux des arrosemens étant une chose publique,
destinée par la nature à Futilité de lous, elles se règlent
a r e s p e c tif s des p a rtie s , un n o m b r e de j o u r s , d é t e r m in é p o u r
« c h a c u n ; q u e ce r è g l e m e n t est e x é c u t é , sans a u c u n e c o n te sta « t i o n , d e p u is u n tem s i m m é m o r i a l , et n o t a m m e n t d e p u is p lu s
« d e tren te ans ;
« A t t e n d u q u e cette jo u is s a n c e s é p a r é e , et la p e r c e p tio n des
« e a u x , faite p a r toutes les p arties a u x j o u r s et h eures d é te rm i« nés p o u r c h a c u n e d ’e l l e s , a n n o n c e n t un a n c ie n p a r t a g e ;
« A t t e n d u q u e l ’e x is te n c e de ce p a r ta g e se p r é su m e e n c o r e p a r
« la c ir c o n s t a n c e , q u e les d é fe n d e u r s sont dans la n é c e s s it é , p o u r
« r e c e v o i r les e a u x , p o u r l ’arrosernent d e le u r s p r é s , de la c o n
te d u i r e à tra v e rs le p r é d u d e m a n d e u r .
�(
7)
par le nombre et l’étendue des prés voisins, et sont
soumises à des variations continuelles, S'il n5}^ a que
deux prés aujourd'hui, le voisin qui en fera un demain
ne doit pas être privé d’arrosement, et jamais la pos
session n’a été un-titre pour ceux qui avaient arrosé plus
ou moins.
:‘
Dans une cause plaidée, le 24 novembre 1 8 0 8 , en
la 2.e chambre de la Cour , il s'agissait d’un partage
d’eau ordonné entre deux voisins. Le frère de celui qui
avait succombé formait tierce opposition , parce qu’il
avait trouvé un titre ancien, qui réglait les jours et
heures de Farrosement. M. le Procureur-gén éral, en
rappelant les principes de la matière j enseigna que les
litres limitatifs des arrosemens n ’empêchaient pas de
réclamer u n e a u t r e d i s t r i b u t i o n d’eau toutes les fois
qu'elle était nécessaire.
Cet avis était parfaitement conforme à l’art. 645 du
code Napoléon, qui/après avoir tracé des règles géné
rales sur les cours d’e au , termine par inviter les tri
bunaux à concilier l'intérêt de l'agriculture avec le res
pect dû à la propriété.
A in s i, un titre m êm e, opposé à Vesol, ne l ’empê
cherait pas de demander une quantité d’eau propor
tionnée aux besoins de son pré. A plus forte raison ne
Veut-il qu’ une chose ju ste, lorsque c’est lui quia le titre;
lorsqu’encore, comme premier riverain , il aurait le
droit.de garder toute l ’eau, parce qu’elle traverse son
héritage, sauf à la rendre à son cours ordinaire à La
sortie de son pré (Art. 644 )•
*
�( 8)
On lui oppose qu'elle naît dans un com munal, et
qu’il ne l’a pas désavoué; mais le fait parle plus haut
que ces poinfilleries inutiles : la source n5a pas changéde place, et il sera aisé de convaincre qu’elle naît chez
lui. Mais à quoi servirait un aveu ou désaveu, lorsqu’au,
lieu de faire usage de la loi prœses ; lorsqu’au lieii d ’in
voquer le cam sit duruniy etc., Vesol se bornait à de
mander un partage de cette eau.
11 n’y a en faveur des intimés,, ni titre, ni équité,
ni principes; et au contraire, il y a en faveur de Vesol',"
une loi expresse qui dispense d’examiner, si l’eau est à,
lui, ni si elle traverse son[ héritage.
C ’est la loi 2. 5 , au digeste, De seru¿tuí¿bus'y ^\úy en
s’occupant des sources aides voisins, ne s'informe pas'
lequel d’eux a pu avoir la possëssion de plus ou moins
d’heures ou d'années. Elle veut que la division de l’eau
soit faite pro modo juger uni.
'
L e droit de passage contesté par V e s o l, n’était pas
u n e réclamai ion juste. Plusieurs propriétaires font fouler
'
aux pieds de leurs bestiaux 1 herbe de son p ré, tandis
qu’ils peuvent passer sur leurs propres fonds, pour ar
river à un chemin public aussi court et aussi facile.
Un seul
des
adversaires (Lajarrige) est forcé de passer
chez L alo u rn erie, mais seulement sur un espace de six
à dix toises, tandis qu’il traverse soixante cinq toises
du pré de Vesol. O r, comme les prés et terres de tous
les intimés viennent du meme propriétaire, et portent
le môme nom , Lalournerie doit le passage plutôt que
Vesol. Au reste , le pis aller serait pour Vesol la ser
vitude
�(9 )
vitude d’un seul pré qui est le moindre de tous.
Quant à Peyrin, on dit aussi que son pré est enclavé,
sans avoir une issue, par d’autres fonds à lui. Mais il
y a lieu de lui faire la même réponse qu’à Jarrige. D ’ail
leurs, il n’est séparé du chemin que par un autre petit
pré et terre de Vesol;, et celui-ci lui offrira subsidiairement le passage, de ce côté, pour éviter la longue tra
versée de son pré de Lhostal.
On naccusera pas Vesol d<? mettre de l ’humeur à cette
offre; car Latournerie y gagnera l’exemption du passage
de Peyrin , qui traversait son pré dans toute sa longueur
pour arriver à celui de Lhostal.
Quant à Latournerie, qui est le plus incommode de
tous p,q>ur le passage , il n’a aucun m otif plausible pour
vouloir s*y maintenir ; car sa propriété va jusqu’au
ch e m in .
,
Les motifs du jugement à 9A urillac (i) sont bien faibles,
(2)
« A t t e n d u q u e le p ré a p p a r te n a n t à L a j a r r i g e , et c e lu i a p
te p a rte n a n t à R o s e J o n q u i è r e , v e u v e P e y r i n , n ’on t a u c u n e issue,
à soit sur le s p rop riétés desdits L a j a r r i g e et v e u v e P e y r i n , soit
cc s u r le c h e m i n p u b l i c ; q u e p o u r l’ e x p lo ita tio n d e ce s p r é s , i l
« n ’ existe d ’a utre p a ss a g e q u e c e lu i q u ’ ils p r a tiq u e n t d ’a b o r d s u t
« le p r é d e J o s e p h L a t o u r n e r i e , et en su ite s u r c e lu i d e d e v a n t
« L h o s t a l , du d e m a n d e u r ;
« A t t e n d u q u e , de l ’a v e u d u d e m a n d e u r , ils o n t la possession
« i m m é m o r i a le de p a s s a g e , à travers son p r é , p o u r l ’e x p lo i t a « tion du l e u r ;
j
« A t t e n d u ( q u a n d il serait v r a i q u e l ’o n n e p e u t a c q u é r i r , p a r
« la p o s se s s io n , la se r v itu d e du p a s s a g e s u r l’h é r ita g e d ’a u t r u i ,
« l o r s q u ’o n p e u t se s e r v ir p a r son p r o p r e fo n d s ou p a r u n c h e -
3
�quand ils parlent de possession trentenairesur cette ques
tion; car des principes surs? et sur lesquels il n’y avait
jjàs'lieu d’exprimer un doute, font considérer la m a
tière des servitudes comme liée aussi à l ’intérêt de l’asriO
cullurè; d’où il résulte que les servitudes nécessaires
sont les seules que la jurisprudence ait voulu maintenir.
«
«
«
«
Mazuer dit que « si ’celui qui derii&nde chemin et
passage par la plus prochaine terre, le peut avoir
d’ailleurs , il n’y doit être reçu, encore qu’il fût plus
long et fâcheux (Traduction d e ‘F onfanon, titre 39,
n.° 2.)-».
• ) lif ; ’
-' .
Legrand dit la même chose sur l’art. i 3o de la cou<r tunie de T royes, n .° 34; il cite un arrêt du parlement
«* dé'Toulouse, qui ju ge q u e le voisin n’était pas* tenu de
«* donner passage par son’ pré , même en p a y a n t, si le
« voisin qui le demande peut passer ailleurs, quoi« qu’avec de très-grandes difficultés??.
L ’ a r r ê t des C l i a b a n i e r a jugé c o n f o r m é m e n t à ces
p r i n c i p e s ; et D e n i z a r t , V . ° servitude, en cite un autre
du i . cr septembre 1 7 6 1 , qui a jugé de m êm e, en sup
primant la servitude de passage, quoique le chemin
fût difficile, et même dangereux; car il s'agissait de
passer sur de fausses grèves de la Loire : cependant le
^
_______ ■
___ t '
« m i n p u b l i c ) ; q ue J e a n V e s o l , p a ssant su r l’h é r ita g e d e J o s e p h
« L a t o u r n e r i e , q u i n e s’en p la in t p a s , et cette servi!ucle de p a s« sage r é c i p r o q u e éta n t s o u te n u e p a r une possession p lu s q u e
« tr e n te n a ir e , fait p r é s u m e r une a n c ie n n e d e s lin a tio n du p ère de
« f a m i ll e , ou u ne c o n v e n t i o n q u ’ il ne d é p e n d p as de Y e z o l d e
.« d é t r u i r e , en r e n o n ç a n t a u p a s s a g e dont il a use j u s q u ’il présent».
�( II j
demandeur avait une possession de trente ans; et c’était
dans la coutume d’A n jo u , qui porte que le droit des ser
vitudes rurales s’acquiert par trente ans de possession.
Cette jurisprudence, qui n’a pas changé encore au
jourd’hui, prouve que les tribunaux n’ont pas atlendu
les conseils du code civil pour concilier l ’intérêt de l’agricullure au respect dû à la propriété.
Enfin, et si la Cour dans sa sagesse ne croyait pas pou
voir refuser le passage à tous les intimés, Vesol deman
dera au moins que ce passage soit prohibé pendant la
clôture des prés, c'est-à-dire; depuis le 2 5 mars jusqu’à
la levée dés foins, et ensuite jusqu’à la levée des re
gains.
C ’est ainsi que la Cour l’a jugé dans la cause de Veyssière contre V eyssière, le i . er juin dernier, quoiqu’un
titre exprès donnât le passage àdrayeet charrette, à tra
vers un pré. Il n’a pas paru à la Cour que ce titre pût
autoriser à passer jusqu’après la levée des foins et des
regains.
L e dernier ch e f de la contestation ne mérite aucun
développement, et il suffit de remarquer à cet égard que
le tribunal d’ Aurillac n’a pas attaché une grande impor
tance à rendre justice ; car il a débouté d’une demande
non éclaircie, sans s’informer si elle était mal fondée (i);
( i ) « A t te n d u q u e l’i n n o v a t i o n , q u i a été r e p r o c h é e a u x d i t s L a » j a r r i g e et c o n s o r ts , est d é s a v o u é e , et ne p r é se n te a u c u n i n té « r ê t , et q u e les h érita g es sont b o r n é s p a r un tertre assez é l e v é ;
« q u e dès-lors toute o p é r a tio n , te n d a n t à u n n o u v e a u b o r n a g e
•
•
« serait in u tile et f r u s t r a l o ir e ;
O
*
�( 12 )
il s’agissait d’ une empiétation, et par conséquent si elle
était déniée par Lajarrige il n’y avait de voie légale et
juste que d’ordonner une vérification.
M .e D E L A P C H I E R , ancien Avocat.
M .e C O S T È S , Licencié-Avoué.
:
A RIOM,
D E L ’I M P R I M E R I E D U P A L A I S , C H E Z J .- C . S A L L E S .
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Vesol, Jean. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Costes
Subject
The topic of the resource
conflit de voisinage
servitude de passage
jouissance des eaux
bornage
poids et mesures
Description
An account of the resource
Précis pour Jean Vesol, appelant d'un jugement d'Aurillac ; contre Joseph Latournerie, Pierre Jarrige et sa femme, et Rose Jonquière, veuve de Pierre Peyrin, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1808
1804-Circa 1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0406
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Tournemire (15238)
La Malétie (village de)
Jarrige (pré de)
Latourneries (pré des)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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bornage
Conflit de voisinage
Jouissance des eaux
poids et mesures
servitude de passage
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53791/BCU_Factums_M0407.pdf
810cbd07c98a0078fd86b0cb3c26ca6c
PDF Text
Text
SUR
UNE
CONTESTATION
RELATIVE
A LA
P O S S E S S IO N
ET
P R O P R IÉ T É
DE MINES A CHARBON.
A RI OM,
de
l ’im prim erie
IMPRIMEUR
de
de
l a
L A N D R IO T ,
cour
A oût 1804
d ’a p p e l .
se u l
�MEMOIRE
COUR
D ’ AP P E L
EN R É P ONS E ,
SÉANTE
A RIOM.
POUR
P
ierre
- J
ean
- B
aptiste
T R E IC H
LA
P L E N E , a p p e la n t;
CONTRE
.
,
T R E I C H - D E S F A R G E S veuve
Lachaud 9 Jean
COUDER , et L é o
n a r d CHA DE N I E R , intimés
M a r ie
A v e c des titres de propriété , et la garantie des lois,
le sieur Treich a été jusqu’à présent à la merci de tout
‘le monde. Un ancien vendeur qui se croyoit intéressé
A
�(2)
à lui faire un procès y associa deux autres individus
absolument étrangers à ce débat ; et pendant que les tri
bunaux en étoient occupés, pendant l’appel d’une sen
tence qui n’a besoin que d’être lue pour être condamnée,
un intendant disposa du sujet de la querelle au profit
d’un inconnu. Bientôt c e lu i-c i trouva en son che
min la révolution , qui lui ôta sa p ro ie, et la remit
aux mains du possesseur, sous la surveillance adminis
trative. M ais, dans la rapide succession des surveillans,
ceux du lendemain détruisirent la volonté de ceux de
la veille; et, après un cahos d’arrêtés administratifs con
tradictoires , la confusion alloit devenir d’autant plus
gran d e, que le procès sur la propriété étoit encore en
suspens devant les tribunaux. Une cour d’appel pro
nonça sur cette propriété : m ais, comme si c’étoit un
attentat d’avoir éclairci la difficulté , ou fit un crime à
son arrêt d’avoir confondu l’accessoire avec le principal;
et, ce qui doit le plus éto n n er, la cour de cassation, étourdie
sans doute par cette Babel de décisions et d’incohé
rences , a adopté ce système et cassé l’arrêt comme in
com pétent, non pas quant au jugement delà propriété,
mais quant à celui de la possession , qui néanmoins étoit
aussi en litige. Quoi qu’il en soit, cette multitude d’ar
rêtés ne peut, plus aujourd’hui embarrasser la cause;
le ministre de l’intérieur les en a écartés ; et il s’agit
simplement de savoir si le vendeur d’une inine, qui l’a
vu exploiter pendant 45 ans sans y rien prétendre,
a p u , après ce long espace, et sous prétexte que dans
sa vente il existoit une réserve dont il n’a jamais fait
usage , réclamer uue c o p ro p riété contre un tiers déten-
�( 3
)
teur ; si encore il le* p e u t, après avoir vendu le surplus
de ses droits sans aucune mention de ceux qu’il veut
faire revivre. Gomme cette cause est tout entière dans
les faits; que les intimés nient aujourd’hui une posses
sion qu’ils ont avouée dans d’autres temps ; et qu’ils se
fondent sur un seul acte qui' estj détruit par plusieurs
autres actes et circonstances ; l’appelant est obligé de pré
senter ces mêmes faits avec un certain détail absolument
nécessaire à l’intelligence de ses moyens.
*
'
•J ‘
'
■■• F AI T S .
*: )
■
„
A u village de là P le a u ’, dans le département de la>
Gorrèze , sont des mines de houille ou charbon de
terre appartenantes à divers particuliers. Je a n T re ic h ,
père de l’appelant, en étoit le p rin cip al propriétaire.
En 1747 , il'acquit de Pierre Beynes sa portion dans,
la terre appelée improprement le communal de la Pleau,
parce qu’elle appartenoit à quatre propriétaires. '
L e 25 mars i j 5 5 , il acquit du même Pierre Beynes
tout le terrein où étoient ses mines et carrières à charbon,
dans lequel fut comprise la terre appelée la Charoulière
qui fait l’objet de la contestation. Ledit héritage vendu,,
est-il dit j tant pour ce qui concerne les mines et car
rières à charbon ? que pour les bois , terres et buges qui
sont au-dessus , moyennant 3000^; Il fut1dit que l’ac
quéreur entretiendroit un marché fait avec le maréchal du,
lieu pour sa provision de charbon , et que le vendeur
auroit lui-même sa provision annuelle dans les carrières
vendues,
A 2
�(4)
Cette terré de la Charoulière, qui a en surface trois
septerées , ayoit été vendue audit Pierre Beynes par
François Beynes, aïeul d’Antoinette, femme Chadenier*
sa vo ir, deux septerées avant 1736 ? par un acte que
l’on ne connoît pas ; l’autre septerée fut vendue avec une
autre terre par acte du I er. décembre 1736; et cette
septerée vendue y est confinée de jou r avec autre partie,
de la même terre , ci-deçant délaissée par ledit vendeur
audit acquéreur.
On y remarque encore la clause suivante : « Sous
« la réserve expresse que fait ledit vendeur, du consen
ti tement dudit acquéreur, de la moitié de tout le char« bon qui pourra se creuser dans ladite terre appelée la
« Charoulière, une des deux ci-dessus vendue, à la charge
« que les frais et dépens qui conviendront faire pour
« le déterrement du charbon , se répartiront également
« entre ledit vendeur et ledit acquéreur. »
M ais to u t p ro u v e que cette charge fut rédim ée b ien tô t
a p rè s , in dépendam m ent encore de ce qui résulte de l’acte
ci-dessus de i j 55.
Antoine Beynes, fils et héritier dudit François, tant en
son nom que comme cédataire de ses frères et sœurs, vendit
à Marianne la P lè n e , veuve dudit Jean Treich (mère de
l ’appelant ), par acte du 29 août 1768, un terrein appelé
Cliazalas, « confrontant de toutes parts avec le chemin
« de T u lles, les carrières communes dudit village de la
« Pleau, avec autres carrières et terrein de ladite de« moiselle la P lè n e , etc. ,* ensemble les carrières A cliar« bon de pierre, pratiquées et à pratiquer dans ladite
« pièce de terrein} etc. \ comme aussi a vendu à ladite*
�m
derpoisdle-la rP5lène.jla pai:tf.et-portion .appartenante
« -audit vendeur^,çsdiiesrqualités ^$ur,les*camères. situées
« dans* le;,communal, jdç.Plpau ?re t c . fsans par. Je yendeun
- « se faire, aucune réserve de.sa portionjdans leditçom « munal ;jetc. ; derneure chargée ladite ac.quéreu^e.d’exé« guter.les ^conventions portées au contrat dA29„septem« bre 1766 , )etc. ^ de jn êm e aussi sera obligée ladite ac« rquéreu?e:>de délivrer, au vendeur et^auxf siens-la quan« tité de soixante quartes de charbon annuellement,
« tant et si longuement qu’il se recueillera du charbon
« dans lesdites «carrières ci-dessus vendues , à* la charge
que le vendeur}ou
les siens
seront-tenus
de
les creuser ,
•‘
S
-'
.) \
A V« eux-mêmes; ou faire\ creuser à leurs dépens, etc. ,»r
Cet, acte de 1766 { lequel seul Antoine Beynes voulut
rappeler’) étoit ,un traité p a r lui fait avec B ern ard ü o d e t
pour;extraire le|charbon de ladite terre, Chazalas, con
frontant-, disoit-il lui-.m êm e haudit,acte, d’une part la
charbonnière commune , et d’autre part la charbonnière,
des héritiers• du J'en ysieur Treich le cadet. - •
• Antoine Beynes n’avoit guère d’autre ressource que sa
rente 4e soixante 7quar tes de cjiarbon , qu’il fit. valoir,
quelque, temps ,Lsans ayoir g^rde de réclamer aucun autre
droit en yerÇu.de l’act^ de^S^.'jIlla.,vendit le 6 janvier
1771 , et Marianne la Plène latremboi^rsa par actç du 27'
du même mois.
.T o u t se..rgiinissoit donc à séparer, entièrement les in
térêts de .JViarianne la Plène d’avec ,çeux dudit Beynes,
lorsque Marie Treiçh-D ersfarges.? par jalousie de voisi
nage , à cause de la charbonnière duicommunal dont elle
avoit acquis une partie depuis quelque temps ,• après avoir
�n, ........ .,.C6)
essayé de faire à Marianne ld Plène-/en 1 7 7 5 , un pro
cès ériminel qu’elle fut forcée ¿ ’abandonner , découvrit
i’acte dé 1736, et, ne pouvant en user ellè-m êm e, elle
eut recours à un moyen jusqu’alors inconnu pour chi
caner un voisin. Elle se fit associer par ledit Beynes ,
en' 1777 /avec J e a n C ouder, à la ¿faculté de creuser
dans là t e r r e d e la Charoulière eh entier, et en échange
on associa ledit Beynes au charbon à recueillir dans le
co?nmu?iah
A la vérité on ne supposa pas tout à fait que le droit
de Beynes fût bien certain ; car il fut ditque si ledit Beynes
riavoit pas ce droit de creuser dans la terre de la Cha
roulière/la société ( évaluée à 4 **“) n’auroit aucun effet.
Les trois associés se mirent en œuvre âu mois d’août
1781 , firent une fouille dans le communal, où la veuve
Desfarges avoit une portion, et de là ils poussèrent leurs
travaux sous la terre de la Charoulière, qui domine ce
communal.
M arie la Plène aussitôt présenta une requête, de
m anda le transport du juge de S ain t-A n gel, lequel fit sur
les lieu x, le 8 août 178 1, un procès verbal qui fixa les
prétentions des parties, et qu’il est essentiel d’analiser,
parce que les intimés feignent d’iguorer comment le
premier juge a constaté des dires qu’ils désavouent à
présent.
Les Desfarges, Beynes et Couder, qui d’abord ne semb lo ien t se défendre qu’en soutenant que leur fouille
n’avoii pas pénétré sous la C h aro u lière, essayèrent néan
moins le ton offensif, et d éclarèren t audit procès verbal
qu’ils pm ioient les démarches de la veuve la Plène pour
�(7)
un trouble*à leur-propriété ; que les .causes., dont se ser,voit et «y'etoit ci-devant-servie ladite demoiselle la Plène,,
pour tirer du charbon d e l à .terre de la Charonliere,
portaient.un préjudice notable audit Be'^rieç et autres^ au
droit de retirer du*charbon-de ladite terre, et que ladite
i .
'
\\ ' •> ■'
7 ‘ .1
j : , ou
demoiselle la Plène ne pou voit ^empêcher de leur faire
compte de la m oitié de.ce charbon depuis le temps qu'elle
m o ü acquis.
ui., - , I10(i,
Ils ajoutèrent la demande .qu’il leur,.fut donné-acte de
leurs .réquisitions, et réclamations , f sous, réserve. de la
restitution de la m oitié.du charbon çi-devaiit retiré de
la Charouliere par la demoiselle la Vlene depuis so?i
acquisition , et autres que de d r o i t •
D e son côté, la demoiselle la Plène se plaignit de ce
,qu’on avoit fait un chemin souterrein, pour venir, par cette
peinte adroite, dans sa charbonnière ouverte ,* mais qu’on
ne pouvoit s’aider du titre de 1736, parce qu’il n’avoitpas
d’application, et que, d’ailleurs il étoit doublement
prescrit.
Pendant cette première'diligence les intimés ne se-, liâtoient pas moins de fouiller le charbon , ils avancèrent si
rapidement, et avec si peu de précautions, qu’ils pensèrent
se trouver pris sous la galerie de la veuve la P lèn e,
parce qu’ils ne se doimoi.ent pas .la, peine de mettre des
étais. La veuve Desfarges crut faire ,une heureuse diver
sion en rendant plainte., . . # .
. L a veuve la Plène et scs ouvriers furent décrétés de
soit ouï, et interrogés; mais la veuve Desfarges en fut
.pour su tentative, et la procédure fut civilisée.
On continua le, procès.civil; et les intimés prirent, le
�( 8 ).
20 novembre 1781, les conclusions qu’ils avoiént annon^
cées lors du procès verbal, c’est-à-dire, i°. qu’à Vavenir
le charbon fût partagé par moitié ; 20. que pour le passé
la demoiselle la Plène fût condamnée à leur restituer
6000 cartes du charbon qtfelle a retiré et f a i t ' creuser
sous le champ de la Charoulière, et ce pour leur
m oitié, à quoi ils se restreignent ; 30. à la moitié dudit
charbon retiré de ladite terre depuis Vinstance] 40. en
¿000
de dommages-intérêts.
L e 17 mai 1782 intervint la sentence du premier juge,
qui déclare les intimés propriétaires de moitié des car
rières de charbon qui sont dans la terre dé la Charou
lière , et de moitié de celles du communal de la Pleau
(qui n’étoient pas en litige) ; mais, attendu, est-il dit, que
les intimés n’ont pas réclamé dans le temps contre Yex
ploitation de charbon faite avant Vinstance par la de
moiselle la Plène , \publiquement et ouvertement, en
v e rtu de son contrat de i j 55 , au vu et su dudit Beynes et
de ses associés, sans réclam ations, la veuve la Plène est
renvoyée de la demande en décharge de tout compte du
charbon extrait, et ils sont renvoyés eux-mêmes de toute
demande. L e surplus de cette sentence règle le mode
d’exploitation pour l’avenir.
Les Beynes, Couder et veuve Desfarges n’ont point
attaqué ce jugement.
La veuve la Plène en interjeta appel en 1782. Cet appel
fut instruit en la sénéchaussée de T u lle : elle étoit sur
le point d’obtenir justice.
M ais, 'Sic vos non nobrs, un nommé 'Saint-Victour
profita do ces querelles pour persuader que l’explôitation
de
�;(• 9 ).
de ces mines étoit en mauvaises mains ; il en obtint
d’abord de l’intendant de Limoges la concession pour
«un an; puis il fit valoir ses dépenses, l ’excellence de son
administration, son utilité, etc. Il-obtint en 1783 une
concession de quinze ans..
;
i La loi du 28 juillet 1791 expulsa xe .Saint-Victour,
qui néanmoins ne fut pas décourage, et qui, dans toutes
les phases d e 'la révolution, se tint aux avenues des
administrations et des ministères, pour solliciter quelquesr
uns des arrêtés ci-après, et en venir de .longue, main à
réussir.
r
•'
‘
Les mines étant seulement sous la surveillance admi~
nistrative , les propriétaires .de Pleau obtinrent , le
6 novembre 17.91, un arrêté du département de la Goi>
rèze, q u i les remettoit en possession de leurs carrières.
Saint-Victour intrigua et prétendit que lui seul avoit mis
les charbonnières en état de produit il fallut des enquêtes
pour le vaincre. E n fin, en 179 3, il parut céder, et fit
faire par Bettinger, son associé, un traité avec Pierre-;
Jean Treich appelant, lequel 'concédoit, h prix fixe,
audit Bettinger, l’exploitation de ses mines pendant vingt
ans. L e département homologua ce traité le 19 juin, 1793.
D ’autres cliangemcns.amenèrent d’autres intrigues. On
fit écrire au ministre de l’intérieur «par le ministre,de la
m arin e, pour les mines de Pleau; on eut des ¿ivis de,.la
commission des mines, d’autres de celle des travaux pu
blics. On fit ordonner quelles propriétaires exploiteroient en commun.
L e département de la Corrèze p rit, les 5 et i 5 plu
viôse an 5 , deux arrêtés qu’il crut etre en c.onforinité
.
!
\ B
�(io)
de ces règlemens ; mais ils furent cassés par le ministre
de l’intérieur, le 8 floréal an 5.
Les propriétaires des mines se réunirent, le 24 nivôse
an , pour organiser une exploitation en com mun, sous
la direction de Mazaud. On pressent que Treich appe
lant, et principal p ro p rié ta ire , ne pouvoit y participer à
cause du traité qu’il avoit fait avec Bettinger.
Un autre obstacle s’opposoit à cette union. Les arrêtés
6
des 6 novembre - 1791 et I 9 j11*11 I 793 subsistoient
en core, et étoient exécutés.
Mais le bien général ne permit pas sans doute à l’ad
ministration de la Corrèze de se laisser guider servile
ment par des décisions sous la foi desquelles on avoit
traité , et de se laisser maîtriser par des considérations
particulières. L e plus difficile ne fut donc pas de vaincre
ce léger empêchement :
JDiruit, cedificat, mutât quadrata rotandis.
lie département de l’an 6 cassa , le 23 ventôse, les
arrêtés du département ou plutôt des départemens
de 1791 et de 1793. L ’union de la compagnie Mazaud
fut hom ologuée, et il fut enjoint à Treich de déclarer
sous quinzaine s’il entendoit s’y réunir, sinon il étoit
censé avoir renoncé à son droit.
Treich se pourvut près des autorités supérieures ; il
osa même élever sa voix jusqu’au chef de l’état; et
bientôt nous verrons qu’il n’a pas supplié en vain.
Cependant cet arrêté de l’an 6 étoit le dernier état
des choses, lorsque l’appel de T re ic h , fils et héritier
de Marie la Plène , fut porté à T u lles, comme tribunal
choisi par les parties : il fut ensuite dévolu à la cour
d’appfel de Limoges.
�( ÏI )
■
Les a d v e rsa ire sfo rts d e là décision administrative,
contestèrent d’abord la compétence judiciaire : mais
comment un arrêté auroit - il pu suspendre un appel
pendant ? .D ’ailleurs l’arrêté ne régloit rien sur la pro
priété des parties : la cour de Limoges retint donc la
contestation.
•
i Les parties plaidèrent : au fond ; et le 28 -germinal
an 9 intervint l’arrêt suivant :
■
. « Considérant qu’il résulte du contrat du i^\ dccein« bre 1736 -une vente pure , simple •et parfaite de
« l’entier fonds.de la portion de la terre la ¡Charoulière,
« qui fut vendue par cet acte ; que la réserve énoncée
« à la suite de cet acte , même du consentement de
« l’acquéreur, n’y est apposée que comme un su p p lé
ée ment du prix déjà stipulé ; q u ’ainsi cette clause n’avoit
« point fait retenir au vendeur la »propriété de la
« moitié de la mine de charbon existante sous le ter« rein aliéné ; qu’il n’en dérivoit contre l’acquéreur,
« qu’une simple action en réclamation de cette moitié
« de charbon ; que cette action en soi est prescriptible
« comme toutes les autres , par le laps de trente années;
« que les intimés ont avoué et soutenu, au procès , que
« n i François Beynes , auteur à!Antoine , n i ledit
« A ntoine lui-même , navoient jam ais jo u i de la mine
« à charbon , depuis ledit contrat de 1736 , ju sq iien
0 1780 ; ce qui embrasse un espace de quarante-quatre
« ans , plus que suffisant pour prescrire ;
« C onsidérant que cette action est prescrite par le
« non-usage; que Jean Beynes, premier acquéreur,
« Jean Treicb, père de l’appelant; et l’appelant lui-même,
B 2
�( 12 )
«- ont possédé ladite moitié de m ine, avec titre suffisant
« pour en acquérir la propriété avec bonne foi et sans
te interruption pendant plus de trente ans; qu’ainsi cette
« prescription se trouve acquise en faveur de l’acqué« reur ; que dès-lors l’exâmen et la solution des autres
« questions agitées au procès deviennent inutiles, etc.
« L e tribunal dit qu’il a été mal ju g é ;.... garde et
« maintient l’appelant au droit et possession de jouir
« des mines à charbon existantes dans la terre la Cha« roulière ; ... le relaxe* de l’accusation et plainte;...
« condamne les intimés à lui rendre le charbon par
« eux perçu dans ladite terre ,... depuis le trouble jus« qu’au jou r.... de l’arrêté du 23 ventôse an 6 ,... et'
« 100
de dommages-intérêts ,.... sans préjudice à la
« restitution en temps et lieu , s’il y éch et, du charbon
cc perçu depuis ledit jour 23 ventôse an 6 , etc. »
Les intimés se pourvurent en cassation sur quatre
moyens. Celui de l’incompétence fut rejeté à l’unanimité*'
en la section des requêtes. L e prétexte de la minorité de
Beynes , qu’il ne prouvoit encore pas régulièrement ,
fit réussir l’admission. La section civile rejeta à son
tour ce moyen , et s’attacha à l’incompétence : il en est
résulté que l’avis de huit juges l’a emporté sur celui de
vingt-trois.
Quoi qu’il en soit, les deux arrêts de Limoges ont été cas
sés le 14 nivôse an 1 1, pour avoir statué sur la possession
en même temps que sur la propriété, parce q u e, dit
l’arrêt, la possession dérivoit de l’arrêté du 23 ventôse
an 6
et cependant cet arrêté avoit été respecté à Lim o
ges comme une barrière insurmontable. Les parties sont
�( 13 ) '
. _,
renvoyées à faire statuer sur leur appel én cette cour.
Les intimés se figurèrent que cet arrêt de cassation étoit '
un triomphe définitif, et ils allèrent.de suite se mettre en
possession des mines de Charoulière : ils y disposentJ
aujourd’hui en maîtres.
•
Mais bientôt les plaintes que Treicli avoit portées au
pied du trône ont été fructueuses. L e ministre a donne
ordre au préfet de la Corrèze de casser l’arrêté du 23 ven- ’
tôse an 6. Cela a été effectué par arrêté du 27 flo ré a lJ
an 12 , qui permet pour un an à Treich et autres d’ex
ploiter chacun dans sa p ropriété, à la charge de s’expli
quer dans ce délai pour régler le mode d’extraction u "
venir.
N ’y ayant donc plus d’em pêchem ens adm inistratifs ,
l’appel a été suivi en la cour. Les intimés ne voudroient ‘
y plaider que sur la propriété ; ils prétendent que leur *
droit est im prescriptible, et qu’il ne s’est pas écoulé de ‘
prescription , soit à cause de la clandestinité , soit quant
au délai suffisant pour prescrire.
M O Y E N S .
Ce n’est pas un très-grand malheur qu’une bonne cause
soit remise en jugement après avoir été gagnée en der
nier ressort , lorsque la cour suprême n’a blâmé cette
décision que dans un très-petit accessoire. Mais 011 ne
peut s’empêcher de s’étonner grandement que l’arrêt
d’ une cour d’ap p el, reconnue compétente pour le fo n d
du procès et pour la majeure partie des accessoires, ait
été pleinement cassé, sans que cet arrêt, au fon d , soit
suspect d’aucun vice.
�( M )
A u reste, le sieur Treich se consolera aisément de
celte vicissitude , q u i, en jugement comme en adminis
tration , n’épargne pas les choses les plus irréfragables \
car si son arrêt de Limoges a été cassé, il a au moins
l ’avantage que le moyen de non-prescription, sur lequel
les intimés avoient insisté davantage, n’a pu être accueilli
ni à la section des requêtes , ni à la section civile , et
que l’arrêt de la cour de cassation, dans tous ses motifs,
n’attaque aucunement l’arrêt de Limoges dans les ques^
tions de la propriété, et même de la possession antérieure
à l’an 6 , mais seulement pour s’être mis en opposition
à l’arrêté du département, du 23 ventôse an 6,
Les motifs de cassation font naître une idée bien na**
turelle : car ils sont fondés, non pas sur le droit qu’avoit
la compagnie Mazaud à la possession, mais sur la pos
sibilité qu’elle y eût droit, quand le gouvernement auroit
ratifié l’arrêté de l’an 6,
- O r , Mazaud n’ayant plus ni arrêté ni expectative , nô
faudroit-il pas dire que sublatâ sausâ tollitur effectus ?
et que la cassation étant fondée sur une condition nonsuivie d’événement, il n’y a aucun obstacle à ce que l’arrêt
de Limoges subsiste.
On répondra qu’il y a chose jugée ; mais on se demanderoit laquelle ? et cette réponse même nous con
duira au moins h être persuadés que ç’est bien sans
nécessité, et surtout sans motifs existans , que le droit
des parties est remis en litige.
. D ’Argentrédéploroitla misère des plaideurs et l’éternité
des procès : M iseri litigantes ! de quitus m liil certi est
cotislitutmn , et qitôd ab arbitrio cujttsqiie et opincttione
potiàs pend e t, quàrn àcertis regulis, Mais qu’a uroit-il dit
�( i 5 .)
si, outre les tribunaux, il eût fallu parcourir un cercle d’ad
ministrations sans être plus certain le lendemain que la veil
le, et sans que ces administrations le-fussent elles-mêmes?
Quoi qu’il en soit, supposons, car il faut bien le sup
poser , que les choses sont au même état que lors de la
cassation, et par conséquent qu’il existe un arrêté du
23 ventôse an 6.
Si cet arrêté subsistoit aujourd’hui, la cour auroit à exa
miner encore la même question de compétence relative
ment à la possession des mines; et il seroît bien difficile,
on ose le d ire , qu’elle se conformât mieux que la cour
de Limoges à la démarcation des pouvoirs; car pourroitelle faire plus, que d’arrêter ses condamnations à l’époque
où l’administration avoit disposé de l’avenir ?
>
Mais , dans tous les sens possibles, le passé étoit dans
le domaine judiciaire ; les jouissances de 1781 à 1791
étoient en litige par la sentence de S ain t-A n gel, et par
l’appel de la veuve Treich.
Les jouissances de 1791 à l’an 6 étoient encore l’objet
de l’a p p el, et on ne peut pas invoquer l’art. i cr. de la
loi du 28 juillet 1791 ; car s’il place les mines sous la
surveillance administrative, il n’ôte pas le fait de la pos
session , et d’ailleurs elle étoit autorisée par deux arrêtés
de 1791 et de 1793.
Ces deux arrêtés n’ont été rapportés que le 23 ventôse
an 6 ; mais jusque-là ils avoient eu leur exécution , et ce
dernier arrêté ne les rapporte aussi que pour l’avenir.
Ainsi Lim oges, loin d’être en opposition à des arrêtés
administratifs, s’y étoit au contraire entièrement con
formé : ainsi la cour, en statuant de m êm e, s’y conforineroit encore.
�( 'i 6 )
Mais elle n’a pas même l?empêcliement de cet arrête
de l’an 6 ; e t , quoi qu’en disent les intim és, rien ne
s’oppose aujourd’hui, à sa pleine compétence ; car l’arrêté
du préfet, en cassant celui de l’an 6 par ordre du mi
nistre, n’a pas borné cette infirmation à un seul ch ef,
comme ils le supposent. L ’arrêté est cassé.
A u reste ? il est toujours vrai que la compagnie Mazaud
n’a plus le privilège exclusif. L e droit d’exploiter est
rendu à chaque propriétaire, au moins provisoirement\
et d’ailleurs encore il est véritablement oiseux de recher
cher quel reste d’existence a l’arrêté de l’an 6 ; car si les
intimés ont joui avant l’an 6 , ils ne doivent rien à la
compagnie Mazaud , qui n’existoit p as, mais à T r e ic h ,
qui avoit le droit de jouir. L a question de propriété
emporte donc avec elle la question des jouissances.
A in s i, bien loin de se restreindre à moins que n’a jugé
L im oges, il semble que la cour n’a aucun empêchement
à adjuger même les jouissances postérieures à l’an 6 5
car la com pagnie Mazaud n’a jamais eu de droit ni de
possession sur les propriétés de l’appelant, seulement elle
y avoit une expectative au cas que Treich ne réussît pas
dans sa réclamation auprès du ministère. Mais l’arrêté de
l’an 6 n’est plus. La compagnie Mazaud r d’après même
les intimés ( page 14 de leur mémoire ) , n’a plus de
droits ; et s’il est vrai que la possession des mines ait
besoin d’une autorisation ? le sieur Treich l’a encore
obtenue. Ainsi reflet le plus immédiat de cotte. obtenT
tion doit être que ceux qui posséderont dans ses pro
priétés malgré lui , doivent lui rendre compte.
A u reste , il s’agit ici de com pétence, et par consé
quent
�C *7 )
quent d’ordre public : la cour y statuera dans sa sagesse.
Il suffit à l’appelant de rentrer dans ses propriétés *, et:
il n’y voit d’autre ' obstacle que l’obstination de ses1
adversaires:
* ' /
• . t. '
■ * "i
* Soit que la cour juge toute la possession, ou seule
ment une partie de la possession , il est au moins cer
tain qu’il n’y a de vrai litige que sur la propriété.*
D ’après cela, si l’arrêt de Limoges est cassé, même pour’
ce qu’il avoit compétemmènt jugé , le sieur Treich ne
sera pas plus embarrassé de prouver à Riom- qu’à
Limoges qu’il est seul propriétaire* de la Charoulièreet des mines qui en dépendent. Ses preuves à cet égard
ne sont pas équivoques.
’ i° . Il tient cette propriété de Pierre Beynes. Elle
est vendue sans charges.
.
f •
2°. Son titre est fortifié par le fait même du pre
mier vendeur , q u i, achevant d’aliéner ses propriétés
adjacentes et droits de m in es, ne s’est fait aucune
espèce de réserve.
*
3°. Il a joui plus de io ans avec titre et bonne foi :
il a joui même plus de 30 ans sans trouble ni récla
mation.
40. Cette jouissance est constante au procès.
Les intimés ne se sont pas dissimulés toute la puis
sance de ce dernier moyen -, aussi' ils s'efforcent de la
diminuer par des négations.
Ils n’ont jamais avoué, disent-ils, que M arie la P lèn c,
C
�( i8 )
veuve T reich , ait jo u i, et ils ne trouvent aucunes traces de
cet aveu ; et l’appelant, au contraire , a toujours d it,
suivant eu x , au bureau de paix , et dans ses écritures,
n’avoir ouvert de carrière dans la terre de la Charou
lière que depuis dix-huit mois.
A u bureau de paix ? les parties n’y sont jamais allées.
Pans les écritures de l’appelant ? il a toujours d it, ab
ovo , qu’il y avoit jouissance et prescription. C’est donc
dans les interrogatoires? Mais de quel interrogatoire a-t-on
voulu parler ? est-ce de celui de 1775? est-ce de celui de
1781 ? car la veuve Desfarges est armée de deux procès
criminels qu’elle a soin de produire avec son procès civil.
L e premier interrogatoire est vraiment une pièce
curieuse; e t, s’il faut juger la sentence de 1782 par les
interrogats de 177^ , la comparaison ne sera pas trèsavantageuse par la sentence. L e juge demande à la veuve
la Plène s’il n’est pas vrai qu’elle est propriétaire de
moitié du communal, et autres carrières ; ..... s’il n’est pas
vrai qu’elle tient sous son joug les liabitans du village; ...
s’il n’est pas vrai qu’elle a coutume de lasser les parti
culiers qui ont essayé de creuser du charbon, etc. Elle
répond qu’elle est propriétaire de moitié du communal,
et de plusieui's autres carrières particulières ; ... qu’elle
n’empêche pas les particuliers de creuser où ils ont droit,
mais qu’elle a toujours fait ses efforts pour les empêcher
de creuser dans ses fonds.
Ce ne sont là que des pauvretés , cela est vrai; mais,
au lieu d’y trouver une preuve que la veuve la Plène
ne joirssoit pas, on y voit au contraire qu’elle eu (.en
duit très-bien jouir seule doses carrières, envers et contre
tous ; elle ne s'en défendoit pas.
�C *9')
* Sont-ce les interrogatoires de 1781 ? Cai* il'est parlé
de dix-huit mois dans rinterrogatôire de Martin Bêynës
et dans celui de sa fem m e, qui ont rendu compte de la
derniere excavation qui donnoit lieu à la plaintè; Mais la
veuve la Plène explique, dans son interrogatoire du
même jo u r, que cette carrière n’est qu’une continua
tion de creusement ; et plus loin! elle parle encore de
ce nouveau creusement.
Comment la veuve la Plène auroit-elle , én effèt, menti
à' la" vérité contre elle-même ,- lorsqu’on lit dans les écri
tures de ce même procès de' 1781 , qu’elle a toujours1
joui. « Les contrats de ven te, dit-elle ( dans là requête
« copiée à la suite de ces interrogatoires dans les pièces« des intimés ) , ont toujours été suivis d?exécution
« par la jouissance paisible et tranquille que là stip« pliante a eue seule des fonds ÿ mentionnés, notam« ment de la terre de1 la Charoulière , à l’exclusion dé;
« tous autres, et sans opposition. »
Non-seulement la veuve la Plène a parlé de sa pos
session constante , mais les intimés ne l’ont jamais désa
vouée en première instance. Leurs* réquisitions au procèî
verbal du 8 août 1781 , leurs conclusions dans la-requête’
du 20 novembre suivant, qui en font le complément,*
ne laissent aucun doute à cet égard. L ’appelant ne les
rappellera pas, parce que“la coïir a dû së convaincre, par^
le seul récit des faits, que ce point de jouissance exclu
sive étoit constant dans la cause.
* Q u ’y a-t-il encore de plus exprès et de plus concluant
que la fin de la sentence de 1782, pour prouver que cette
G a
�( 2° )
possession a eu lieu au vu et su des adversaires, publi
quement et sans réclamation.
Ils n’ont pas interjeté appel de cette sentence ; donc le
débouté, motivé sur la jouissance exclusive à leur vu et su 7
demeure inattaquable : le motif et le dispositif ne peuvent
se séparer. Enfin, peut-on douter de la possession constante
de T reicli, après avoir vu les aveux faits devant la cour
de Lim oges, et rappelés dans les motifs de son arrêt?
Ainsi la jouissance des Treich est constante; ainsi les
Beynes n’ont jamais joui ni fait de réclamation de la
réserve qui se tx*ouve au contrat de 1736. O r, avec ces
points de fait, il sera aisé de prouver que l’appelant
doit être tranquille par la prescription, indépendam
ment des moyens qui résultent des actes de 1768, 1769
et 1771.
V e u t-o n considérer Antoine Beynes isolément, et
comme s’il plaidoit contre Pierre Beynes son acquéreur?
alors, à la vérité, il faudroit une prescription de trente ans.
O r , cette prescription s’y trouve, car Antoine Beynes
n’a jamais articulé avoir joui ; et , de l’époque de sa
vente en 1736 jusqu’à 1781, il y a prescription, comme
l ’a jugé la cour de Lim oges, car il y a quarante-quatre
ans.
Les intimés essayent d’en diminuer la durée en disant
qu’Antoine Beynes étoit mineur. D ’abord, outre qu’il
11’éloit pas seul héritier du vendeur, il n’y pas moins
trente-deux ans utiles sur sa tête; et si les intimés, dans
leur mémoire (pag» 11 )? veulent trouver neui ans de
moins, c’est qu’ils ne comptent pas rintervaile de 1736
à 1755.
�( 2Í )
Pour justifier cette déduction, ils disent que c’est en
1755 seulement que la cause de la possession a été changée. '
Mais il n’est pas nécessaire de changer la cause d’une pos
session pour prescrire par trente ans; car cette prescrip
tion n’exige aucune autre condition que là possession à
titre de propriétaire; neque bona fides requiritur, sed sola
possessio per tricennium. Le Gode civil encore rappelle
sur ce point les anciens principes.
« On peut prescrire contre son titre, en ce sens que
« l’on prescrit la libération de l’obligation que l’on a
« contractée. » (A rt. 2241.)
Nous avons considéré la prescription du côté de Beynes
vendeur, et elle est acquise par trente ans; mais il reste à la
considérer du côté de Treich acquéreur en 1^5 5 ; et, sous
ce point de vue, il suffit de dix ans de prescription.
L a loi comprend expressément dans la prescription de
dix ans les charges auxquelles le fonds est asservi, et
personne ne doute que, dans la plupart des pays de droit
écrit, cette prescription n’ait été constamment admise.
L e parlement de Bordeaux, d’où il paroît que ressortissoit l’ancien Limousin , admettoit la prescription de dix
ans en faveur du tiers possesseur, ainsi que l’enseigne
Lapeyrère, lettre P , n°. 83.
A la vérité , son annotateur inconnu prétend que Bor
deaux n’admet que la prescription de (rente ans. Mais la
cour jugera lequel des deux mérite d’être préféré, nu
cas qu’il y eût lieu d'aborder cette question secondaire.
Lapeyrère «avoit d it, au n°. 60, que la prescription
s’ilcqnéroit par dix ans au tiers possesseur, suivant arrêt
de règlement de 1626.
�( 22 )
• Mais , au reste , deux moyens prouvent qu’elle doit
avoir lieu dans la cause.
'
'
- i Q. Tous les parlemens qui ont refusé d’admettre la
prescription de dix ans se fondent sur l’Authentique M alœ
J id e i, et en tirent l’induction que la bonne foi ne se
présume pas contre le propriétaire, parce qu’on ne peut
pas présumer qu’il ait connu son droit et n’ait pas réclamé.
Cessât longi temporis preescriptio, si verus do m inu s ignoret ju s suum et aliénationem facta?n, Dans ce
cas il n’y a que la prescription de trente ans.
Mais comment ne pas voir qu’ Antoine Beynes n’est
point dans le cas de cette lo i? Il n’a pas ignoré son droit,
puisque l’héritage vient de lui-m êm e, puisque ce droit
est porté par un titre de son fait.
Il n’a pas même ignoré la vente de i j 55 , car en 1766
et en 1768 il reconnoissoit les héritiers Treich pour
propriétaires des carrieres voisines et du ténement de la
Charoulière.
E n second lieu , l’A u th e n tiq u e Ma?ce fidei ne se rap
porte qu’à la vente d’un immeuble; et les parlemens qui
la reçoivent ont néanmoins continué d’adopter la pos
session de dix ans quant aux charges et hypothèques
dont l’immeuble lui-même est grevé, et que D unodm et
sur la même ligne quant à la prescription de dix ans.
O r , la réserve dé partager le charbon à extraire,
énoncée en l’acte de 1736? qu’est-elle autre chose qu’ une
charge, une servitude, un droit h des fruits temporaires ?
E t 11’étoit-il pas ridicule que le juge de Saint-Angel
appelât ce droit une propriété, et jugeât que les intimés,
même Couder et la veuve D esfarges, étoientpropriétaires
�< * 3 '?
pour, m o itié, comme si après une vente le vendeur demeuroit propriétaire ;, et comme si dans un fonds il y avoit
deux propriétés, l’une du tréfonds et l’autre de la super
ficie.
.
M ais, dans tous les cas, il est superflu de remonter à
cette réserve de 1736, parce que Jean Treich ayant acquis
en 1755 , sans qu’elle fût mentionnée, a joui avec bonne
f o i, au vu et su du vendeur, qui connoissoit son droit ;
ainsi l’appelant a prescription suffisante.
. Les intimés répondent que la .prescription n’a couru
dans l’espèce par aucun laps de temps; d’abord, parce que
c’est un droit de pure faculté ; en second lieu , parce quç
s’agissant de possession sous la terre, il y a clandestinité.
. Autant vaudroit avoir dit etia?n per jnille aniios ,
comme le dit Dumoulin sur le T itre vicieux. Cependant,
il faut en convenir, il seroit un peu dur de songer quq
de vieux titres portant réserve d’un droit peuvent tom
ber des nues à la vingtième génération, et dessaisir ceuxlà même qui ont pour eux le titre et la bonne foi sans
s’attendre à 'aucun trouble.,
L ’espèce de Cancérius,rapportée par D unod, parmi les
exemples qu’il donne des droits de pure faculté, est déjà
contraire à l’un des faits principaux de la cause; c’est que
si le propriétaire d’un château ruiné n’a pas perdu la fa
culté de le faire réparer par les habitans, c’est parce qu’il
ne l’a pas réparé sans eu x; sans quoi le droit seroit pres
crit. O r , ici Beynes avoue qu’on a joui sans lui.
M ais, à la page suivante, Dunod explique la c¿mse d’une
manière à épargner à l’appelant une discussion plus éten
due sur les droits de pure faculté.
�( H )
' « 11 faut distinguer entre la pure faculté, qui a son
« fondement dans la nature, dans le droit public commun
c< à tous ou à plusieurs d’une même société, et dans la
« liberté de faire ou de ne pas faire certaines choses,
« sans aucune préexistence ou mélange de titre, de
« convention ou d’action; et celle qui vient d’un titre,
« qu i tire son origine d'un co n tra t, qui est propre à
« celui qui a le titre, qui résulte d’un droit form é, qui
« produit une action , et qui peut être déduite en ju
te gement.
« La première de ces facultés n’est pas sujette à la pres
et cription, tant qu’elle n’est pas intervertie. M ais la se« conde se prescrit sans interversion , parce qu’elle dé« rive d’une convention et d’une action qui sont pres
et criptibles et dans le commerce ordinaire, à moins
a qu’elle ne tombe sur des choses qui sont d’une condi« tion à ne pouvoir être prescrites. » (D unod , pag. 90.)
' Ces principes s’appliquent sans effort à la cause. L e
vendeur de 1736 avoit son droit dans son propre titre;
il a pu le faire valoir ; il avoit une action : donc sa ré
serve étoit prescriptible, comme l’avoit jugé la cour d’appel
de Limoges.
Remarquons d’ailleurs qu’en cette partie les moyens
des intimés s’enlredétruisent. Ils prétendent que Beynes
a eu le droit, non pas seulement d’attendre qu’on creusât
pour partager , mais de creuser lui-même.
La preuve, c’est qu’il a associé pour creuser ; la preuve,
c’est qu’on a creusé soi-même, et plaidé pour soutenir
qu’on en avoit le droit.
La preuve enlin , c’est que la sentence de 1782 adjuge
ce
�( *5
) ) ...............................................................
en droit; c'est qu’elle déclare les intimes propriétaires de
la moitié de la mine.
*
Une propriété n’est donc pas une pure faculté ; et
concoit-on un propriétaire qui conserve son droit sans
prescription, quand un autre en jouit d’après lui-même
exclusivement?
.
’ 1 ■\-p1 >pv *.> ,
.
! -- --
•
"
tj ■
■'**> t
.
V
■
Mais cette jouissance, dit-on, a été clandestine.
A cela il n’y auroit qu’un jnot à répondre ; c’est
que la; sentence de 1782 dit que la jouissance a eu lieu
au vu et su d’Antoine Beynes. O r , cette sentence n’est
pas attaquée par les intimés. Dira-t-on que cette, sentence
est annullée par l’appel ? Mais il n’y a appel nécessaire
ment par celui qui perd son procès, que pour la partie où
il le perd.
<
D ’ailleurs, il est de principe que les, aveux consignés
dans un acte subsistent malgré son annullation , comme
l’enseigne Cochin , tome 5 , page 274, et comme l’a jugé
la cour de cassation le 29 floréal an 7.
Ce qui vient d’être dit s’applique à l’arrêt de Lim oges,
qui mentionne l’aveu de la possession.
Mais rappelant 11e veut pas écarter ce moyen de clan
destinité seulement par une fin de non-recevoir. Car ici
les parties sont loin de ce qu’on peut appeler une posses
sion clandestine : il n’y en a ni dans le fait ni dans le droit.
Dans le fait, aucun habitant de la Pleau n’a mieux su
que Beynes tous les tours et détours des.charbonnières ;
et quand il se fait un moyen de ce que la Charoulière
n’a pas eu d’excavation verticale, il sait bien qu’à la Pleau
D
*
�àn n’a'jamais.--comme en Flandre / exploité ces mines
par des puits.
X^a montagne ou est la houille est en cône régulier ;
par conséquent, pour creuser dans une surface, il faut
creuser par une tranchée1 horizontale au pied du plan
incliné. Par ce m oyen, qui est le seul usité à la Pleau, rien
n’indique mieux où se dii’ige la fou ille, et il est impos
sible de s’y tromper.
La procédure1prouve d’ailleurs que c’est dans un 'tertre
de la Charoulièrd quéi se trouve l’une des ouvertures ;
d’autres*- sont au com m unal, mais au pied de la Charouliêre y et' en direction~de cette mine.
!
/ .i i
•
.
A u x termes du d ro it, une possession clandestine sup
pose le dol ; c’est-à-dire , l’intention de cacher ce qu’on
fait à celui qui a intérêt'de le saVoir. Il n’est pas besoin,
pour l’étirblir, d’aller rechercher d’autres principes que
ceux-là même consignés au m ém o ire des intim és :
Clàtii possidere eum die ¿m us , qui f u r t i v e ingressus
est possessionem , i g n o r a n t e e o queni sibi controversiam facturum s u s p ic a b a t u r j et ne facerct t im e . jja t . L. 6 , fï‘. D e acq, P o s s .
V oilà donc trois choses qu’il faut regarder comme
constantes: i°. que M arie la Piène ait \ox\\fu rtivem en t,
2°. qu’elle ait craint une action de la part d’Antoine
Bcyncs; 30. qu’Antoine Beynes ait ignoré la possession.
La sentence de 1782 répond 'à tous ces faits, en disant
que Marie la Plèrie a joui publiquevidnt. La plainte de
177^ prouve aussi qu’elle ne craignoit pas les mauvaises
�C 27 ?
contestations ; et enfin les écritures des intimés, ci-dessus
rappelées, contiennent la meilleure réponse à leur moyen.
• Mais quand tout cela n’existeroit p a s, vit-on jamais
Appeler clandestine la possession de celui qui a un titre ?
La clandestinité n’est réprouvée que pour celui qui a
voulu prescrire par 4e seul secours de la possession , et
parce que sans possession publique il n’a vraiment pas,
de possession.
'
" Mais celui qui a un titre n’a besoin d’avertir per
sonne qu’il joùit ; car c’est en vertu de son titre qu’il pos
sède , et le vice de clandestinité ne lui est point appli
cable.
•
i !
Dunod , invoqué par les intim és, après avoir cité la
loi 6 , dit à la page suivante : « Celui qui a joui en vertu
<< d’un titre ne p e u t être regardé com m e possesseur clan« destin , son titre le faisant supposer de bonne; foi dans
« le commencement; ce qui suifit pour prescrire suivant
« le droit civil. »
*. '
L e Code civil répète que la bonne f o i , quand il .y a
un titre , est toujours présumée , et que c'est à celui qui
allègue la mauvaise foi à la prouver. ( Art. 2268. ) .•
Les intimés disent qu’on devoit avertir Bcynes pour
fouiller le charbon ; mais ils conviennent au moins que
l’usage n’étoit pas de le fa ire 'par écrit : et d’ailleurs, on
le rép ète, ils se sont dits copropriétaires.
‘ Il n’y a donc aucun obstacle à ce que la prescription
ait eu son cours; et Treich ayant un titre e t’ bonne foi
depuis 1755 , a valablement prescrit contre les entreprises
des associés de 1777*
Ce n’est pas que la prescription lui soit un moyen néD 2
�( 28
}
cessaire ; c a r, indépendamment de la présomption Lien
fondée , que la reserve de 1736 a du être rachetée comme
l ’a été celle de 1768 , par un acte que Treicli avoit dés
espéré de trouver; il doit demeurer, ce semble , pour
chose absolument évidente, quAntoine Beynes a renoncé
à cette réserve de 1736 par tous les actes qu’il a passés
ensuite.
Com m ent, en effet, Antoine Beynes, qni a toujours
habité le village de la P leau , qui a passé sa vie dans les
mines de l’endroit ( et on peut en offrir la preuve ) ;
Antoine Beynes , qui en 1766 faisoit un traité pour ex
trade du charbon dans ses propriétés, auroit-il manqué
d’y comprendre la Charoulière, s’il y avoit eu le même
droit d’extraction ?
Comment Antoine Beynes, qui vendoit en 1768 tous
scs droits aux mines, en se réservant du charbon, 11’auroit-il pas rappelé l’ancienne réserve ? T out prouve donc
qu’elle n’existoit plus, ou qu’il y renonçoit.
L ’appelant avoit proposé un subsidiaire à Limoges ,
et il étoit fondé; c’est q ue, dans tous les cas , n’y ayant
qu'une septerée de la Charoulière, vendue en 1736 , et
cette terre ayant trois septerées, la réserve ne pouvoit
frapper que sur la terre alors vendue, ci non sur celle
qui l’avoit été depuis long-temps : car les conventions 11e
se réfèrent qu’à l’acte présent, s’il 11’y a stipulation con
traire ; e t , dans le doute , l’interprétation se feroit contre
le vendeur, in euju s potestate f u it Jegeni apertiùs diccre. La sentence de Saint-Angcl étoit donc encoye vi
cieuse, même sous ce rapport.
Cette défense se résume en peu de mots. La propriété
�( 29 )
de la Charoulière est sans difficulté à Jean Treich. Les
actes qu’il a passés avec les Beynes , prouvent que cette
propriété est affranchie de toutes charges. Il est constant
d’ailleurs qu’Antoine Beynes n’a jamais joui , depuis
1736 , du droit qu’il réclame. Il est constant que T reich
et M arie la Plène ont joui exclusivement et publique
ment , au vu et su dudit Beynes, sans réclamation de
charges ni de copropriété.
Ainsi Beynes a -perdu son d ro it, soit contre son acqué
reur , soit contre le tiers-détenteur, par une possession
de trente ans.
Ainsi Treich a acquis la franchise de la terre la Cha
roulière, par la possession de dix ans entre présens, comme
acquéreur ; et même surabondamment, en ajoutant sa
possession à celle de son vendeur , comme il a droit de
le fa ire, il peut invoquer la prescription de trente ans.
Conséquem ment, sous tous les points de vue possibles,
la prétention des intimés n’est qu’une-tracasserie , et la
sentence de Saint-Angel avoit été justement infirmée par
la cour de Limoges.
M . B A R R E T - D U C O U D E R T , rapporteur.
M e. D E L A P C H I E R , avocat.
M e. M A R I E , licencié-avoué.
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Treich la Pleine, Pierre-Jean-Baptiste. 1804]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Barret-Ducoudert
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
mines
Description
An account of the resource
Mémoire sur une contestation relative à la possession et propriété de mines à charbon. Mémoire en réponse pour Pierre-Jean-Baptiste Treich la Plène, appelant ; contre Marie Treich-Desfarges, veuve Lachaud, Jean Couder, et Léonard Chadenier, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1804
1747-1804
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
29 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0407
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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fre
Relation
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BCU_Factums_M0249
BCU_Factums_M0740
BCU_Factums_G1306
BCU_Factums_G1307
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Domaine public
Mines
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MEMOIRE
EN
RÉPONSE,
POUR
Le sieur S O U T E Y R A N , ancien avocat au
P u y, intimé ;
CONTRE
Le sieur S A U Z E T -S A IN T -C L É M E N T et
la dame S A L V A IN G D E B O IS S IE U ,
son épouse, appelans.
L E père du sieur Souteyran acheta en 1791 un domaine
du sieur Saint- M a rce l , aïeul de la dame Sauzet. Il le
paya; il s’en mit en possession. Son fils en jouit encore.
A
�( 2 3
L e sieur Sauzet a prétendu faire résulter du contrat
de mariage de son beau-père que cette vente est nulle,
parce que le sieur Saint-M arcel ayant tout donné à sa
iille (sauf réserve de vendre ce domaine et plusieurs
autres, jusqu’à concurrence de ses dettes, à juste prix
et sur le pied de l’estimation), ne devoit rien en 1 7 9 1;
qu’ainsi il n’avoit pas dû vendre, et qu’il y avoit d’ailleurs
vilité de prix.
Rien n’étoit plus simple que cette discussion; elle dépendoit des clauses d’un contrat de mariage, et du fait
de savoir si le sieur Saint-Marcel avoit épuisé le droit
de vendre en 1791.
Les premiers juges ont pensé que non : mais quoiqu’il
V eût une estimation , ils en ont ordonné une seconde,
%
>
/
contradictoire avec le sieur Sauzet, pour vérifier s’il y
avoit vilité dé p r ix , comme il l’a prétendu.
L e sieur Souteyran ne s’en est pas plaint : le sieur
Sauzet avoit bien moins s’en plaindre, puisque c’étoit
lui donner le moyen de prouver qu’il n’avoit pas menti.
C e p e n d a n t il a interjeté a p p e l , et il en étoit fort le
maître, puisqu’il avoit à parcourir deux degrés de ju
ridiction.
Mais a-t-il cru suppléer à de bonnes raisons, par un
torrent d’injures, prodiguées sans ménagement à un
homme mort? à un homme dont la probité n’eut .point
été aussi indiscrètement attaquée devant les premiers
juges, parce qu’ il avoit emporté leur estime au tombeau.
C’est pour la cour que le sieur Sauzet avoit réservé
des diatribes mensongères , une accusation directe de
rapine et d’ infidélité , qu’ il a cru luire résulter de la
�(3 )
seule circonstance que le sieur Souteyran père étoit
'procureur.
O u i, il étoit procureur : il en remplissoit les devoirs
pénibles avec zèle et délicatesse. Son fils s’honore de lui
appartenir , et se fait un devoir sacré de venger sa
mémoire.
Que quelques classes de la société saisissent les occa
sions d’attaquer les individus attachés au palais, ce bour
donnement de frelons ne peut incommoder que ceux
qui ont des reproches à se faire. Dans le temps de
M olière ? il étoit du bon ton d’attaquer les médecins.
A près eux on s’empara des procureurs ; et dans la mo
notonie des cercles, le plus insipide conteur est encore
sûr de suspendre les bâillemens de la multitude, s’il a
quelques sarcasmes à renouveler sur ce chapitre. On se
croit vraiment du mérite ? q u a n d on a dit son mot sur
cette classe laborieuse; et il n’est pas d’oisif qui n’ait
là-dessus sa provision de rebus dans la mémoire. C ’est
à la vérité une excuse pour son inutilité ; l’amourpropre la lui suggère : et il faut bien laisser quelque
chose h dire a ces oisifs-là, puisqu’ils n’ont rien retenu
de plus essentiel.
Mais quand devant une cour supérieure, un juge de
p a ix (i) attaque directement un procureur d’avoir abusé
de son ministère envers son c lie n t, pour envahir une
propriété par un acte f r a u d u l e u x quand il veut faire
rougir son fils d’avoir dans les mains un bien mal ac(i) L e sieur S a u z e t-S a in t-C lé m e n t a toujours pris au procès la
qualité de propriétaire ; mais il est juge de pai x c l at/oemr
A 2
�.(4 )
quis ( i ) , ce juge de paix doit savoir que les magistrats
auxquels on soumet cette grave accusation , ne la re
garderont point comme un quolibet de société, et qu’il
s’engage à avoir à la main la preuve de ce qu’il avance.
O r le sieur Souteyran nie formellement que son père
ait été le conseil du sieur Saint-Marcel, et que celui-ci lut
son client. Quand il l’auroit été, il eût pu acquérir un
immeuble de gré à g r é , sans sortir de la ligne de ses
devoirs.
L a famille de Boissieu a-t-elle resté dans la ligne des
siens, quand elle a abreuvé d’amertume toute la vieillesse
d’un père, d’un bienfaiteur?
L e sieur de S a in t-M a rc e l avoit réduit l’une de ses
filles à une légitime , pour enrichir l’autre. En se dé
pouillant pour elle, il s’étoit réservé la faculté de vendre
cinq domaines; il n’en a pas vendu la m oitié, et encore
n’a - t - i l pas fait une seule vente sans être inquiété y
tourmenté, réduit à se voler pour ainsi dire lui-même,,
afin de vivre dans l’aisance. Et ainsi quarante ans. de sa
vie se sont passés à lutter contre une interdiction de
fait, à laquelle on vouloit le réduire.
Maintenant qu’on est enrichi de sa dépouille, on le
peint comme un être foible et inutile, qui n’a vendu que
par caprice ou co n tra riété, qui a dépouillé son h é ri
tière d’une fortune considérable par trente-trois ventes
arrachées à la fa ib lesse de ce vieillard nonagénaire.
(i) Toutes cos injures sont du fait p erso n n e l du sieur SauzetSaint-Clémont : le jurisconsulte auteur de son mémoire a exigé
sa signiHim;*
.
�(S )
Et trente-deux de ces ventes étoient faites avant 1788.
La trente-troisième l’a été en 1791.
Et le sieur Saint-Marcel a survécu quinze ans à cette
dernière vente.
Et il n’a été nonagénaire qu’à l’heure de sa mort.
V oilà cependant avec quelle exactitude le sieur Sauzet
appelle l’aniraadversion de la cour sur le sieur Souteyran
dès les premières lignes de son mémoire.
L e sieur Souteyran dédaigneroit ces injures pour luimême ; mais il y est justement sensible , puisqu’elles
attaquent un père dont il respecte avec raison la mémoire.
Si les sieur et dame Sauzet l ’eussent imité , il n’y
auroit pas de procès.
F A I T S .
L e sieur Brunei de Saint-Marcel, etla dame A rcis, son
épouse, ont laissé deux filles : Claire-Thérèse qui épousa
le sieur de Saint-Julien, et Marie-Louise qui épousa le
sieur Salvaing de Boissieu, père de la dame de SaintClément.
Par le contrat de la dame de Saint-Julien, du 17 fé
vrier 1 7 5 9 , ses père et mère lui constituèrent une dot
de 40000 francs ; le contrat porte quittance de i 5ooo fr.,
et il est stipulé que 10000 francs sont payables dans
l ’année du premier décès des père et m ère, et i 5o o o fr.
dans l’année du dernier décès.
L e contrat de mariage de la dame de Boissieu est
du 8 juin 1762 ; et comme c’est dans les clauses de cet
acte que le sieur Saint-Clément veut puiser Ieskmoyens
�C6 )
de nullité de la vente consentie an sieur Soufeyran, il
importe d’en analiser les clauses avec ordre et exactitude.
i ° . lies père et mère de la dame de Boissieu lui font
donation de tous leurs biens présens et à venir , s a u f
les réserves ci-ciprès.
2°. Ils se réservent la jouissance des Liens donnés ,
pendant leur v i e , réversible de l’un à l’autre , et un
capital de 12000 fr. pour s’en servir dans leurs besoins,
et en disposer tant à la vie qifci la mort , à leur
p laisir et volonté , en fa v e u r de qui ils jugeraient à
propos ; réversible également de l’un a l’autre, a prendre
sur les biens à venir s’il en échoit, et subsidiairement,
sur leurs biens actuels.
30. Les père et mère de la future lui constituent en
avancement d’hoirie, une somme de 20000 fr. et 19 marcs
2 onces argenterie : l’acte porte quittance de 11000 f r . ,
et de l ’argenterie.
4 0. Les sieur et dame Marcel déclarent n’avoir aucuns
deniers en mains pour le payement de la somme restante
de 9000 f r a n c s , ni pour acquitter la dot de la dame
Saint-Julien, dont il reste dû 12600 f r a n c s , nonobstant
la quittance insérée dans son contrat de mariage de 1769,
a in si que les ternies ci éch o ir , et pour acquitter leurs
autres dettes passives ; en conséquence il est convenu
et accordé qu’il sera libre aux sieur et dame SaintMarcel de vendre et aliéner les domaines de R o ch a rn a u d , M ons et O r z illa c , les champs et vignes de
C o u ch â t, les fonds dépendans du domaine de P o u za ro l,
les prés situés au terroir de C e y ssa c, et finalement le
domaiuc de C h a sp u za c, à leur juste valeur, et sur le
�:
(7 ^.
pîccl de l’estimation, pour servir au 'payement àesdites
créances, concurrem m ent a u x susdites constitution s, et
autres dettes connues des parties intéressées, ensemble
p our remplir la réserve de 12000 / r ., si les donateurs
sont dans le cas de s’en servir; le tout suivant le payement,
et délégation qui en sera faite : à l’effet de quoi il sera
fourni au sieur de Boissieu un double de la quittance
du produit desdites ventes.
5°. Il est ajouté que Vexcédant du susdit p r ix de vente
au-delà desdites créances et réserves , sera placé , du
consentement du sieur Boissieu et son épouse, chez des
personnes solvables, pour le revenu en être payé aux
donateurs pendant leur vie, sans les acquéreurs pouvoir
être recherchés sous quelques façons et manières que ce
puisse être, en rapportant néanmoins un légitime emploi
de conformité à l’état connu des parties.
6°. Il est dit enfin que le sieur de Boissieu lui-même
pourra vendre aussi les autres biens après le décès des
donateurs, à leur juste v a le u r, excepté un moulin et une
maison , sauf encore le cas ou il en trouveroit un prix
avantageux.
L e même jour dudit contrat, du 8 juin 176 2 , il fut
fait entre les sieur et dame S a i n t -M arcel un état double
des dettes dont il est parlé dans le contrat, lesquelles se
portent à 49600 francs, ¿1 quoi il est ajouté une somme
de 4000 francs; ce qui porta le montant desdites dettes
î\ 63600 francs.
Il paroît que les sieur et darne Saint-M arccl ne tav-
�(8 )
dèrent pas à commencer les ventes de quelques-uns des
objets ci-dessus réservés: il y en eut trois dans Humée 1762,
et environ v i n g t - c i n q dans les années 1 7 6 3 , 176 4,
1765 1766 1767 1768 1769 1770 1 77 2 1773
177 6 , 1781 , 1782 et 1788.
D ’après l’état notifié par le défunt, le total desdites
ventes se portoit, en 1788, à 49440 francs.
Suivant le même état , il avoit payé à ladite époque
de 1788, pour 53246 francs de dettes, et il avoit besoin
de vendre encore , i°. pour une somme de 3806 francs, '
pour être au pair de ses payemens; 20. pour iôooo francs
encore dûs à la dame de Saint-Julien ; 30. pour 12000 fr.
dont il s’étoit réservé la faculté de disposer.
T elle étoit la position du sieur de S a i n t - M a r c e l , lorsque
la création des assignats vint lui inspirer des craintes pour
,
,
,
,
,
,
,
,
l ’avenir; soit qu’il ne voulût que se reposer sur lui-même
du soin d’assurer à la dame de Saint-Julien, sa fille aînée,
la somme intégrale qu’il lui avoit promise; soit que dès
que la défiance p o u r le sieur de B o i s s i e u , son g e n d r e ,
ne lui fît craindre q u ’il s’a c qui tte r oi t envers elle avec
une monnoie dont il avoit vu jadis une épreuve désastrueuse, le sieur de Saint-Marcel publia le projet qu’ il
avoit de vendre ce qu’il s’étoit réservé par le contrat de
mariage de 1762.
Il proposa le domaine de Chaspuzac au sieur de Sou
teyran, qui lui en offrit le prix le plus avantageux. Si l’un
avoit besoin de v e n d r e , l’autre avoit besoin d’acheter. Car
la dame Souteyran venoit de recevoir 16000 francs d’ une
succession du sieur O b r ie r , son oncle, et vouloit les
placer. X,c sieur Saint-Marcel crut faire un acte de bon
père
�(9)
père de famille, en vendant ce domaine de Chaspuzac ,
situé dans un pays montagneux et aride, plutôt que le
domaine d’Orzillac, bien plus considérable, et situé dans
un pays de vignoble.
L a convention avec le sieur Souteyran étoit terminée
lorsque le sieur de Boissieu , qui , à ce que disent les
sieur et dame Sauzet, étoit en correspondance avec son
b eau-p ère, sur plusieurs difficultés d’in té rê t, se mit en
tête d’empêclier les ventes que le sieur de Saint-Marcel
avoit droit de consentir. Il fit savoir hautement qu’il entendoit s’y opposer, et menaça même de son courroux
ceux qui oseroient acquérir.
Il poussa plus loin ses projets d’opposition ; car le 31
mars 1791 , il fit signifier au sieur Souteyran qu’il avoit
appris sa négociation avec le sieur de Saint - Marcel :
mais que la propriété du domaine de Chaspuzac appartenoit à sa femme et à lu i, et non au sieur de SaintM a rc el, et qu’en conséquence ils étoient opposans à la
vente que ledit sieur de Saint-Marcel étoit sur le point
de consentir.
Il faut avouer que cette notification ne donna pas du
goût au sieur Souteyran, et que ne voulant rien avoir à
démêler avec le sieur de Boissieu, il rompit les conventions
qu’ il avoit faites.
Plusieurs mois se passèrent, et le sieur de Saint-Marcel
les employa à persuader au sieur Souteyran qu’il ne devoit
pas plier sous la tyrannie du sieur de Boissieu, honnne
connu pour être aux expédions, et qui n’avoit fait une
hostilité que dans l’espoir de laire acheter son conseuB
�C 10 )
tement : il alla même jusqu’à faire un point d’honneur
au sieur Souteyran de l’obligation où il étoit de ne pas
rompre un engagement sur lequel lui , Saint - M a rc e l,
avoit com pté; et il ne lui dissimula pas qu’ il ne regarderoit que comme une rupture fort volontaire le pré
texte que prendroit le sieur Souteyran de l’opposition
du sieur de Boissieu , puisqu’il etoit bien évident qu’il
avoit le droit de vendre.
L e sieur Souteyran ne voulut pas sedédire, et consentit
d’acquérir ; mais il y mit pour condition que le sieur
S a in t-M a rc e l feroit cesser l’opposition de son gendre.
En conséquence, par acte du 25 octobre 1 7 9 1, les sieur
et dame Souteyran achetèrent du sieur Saint - Marcel le
domaine de Chaspuzac, moyennant 21100 francs, dont
16000 francs furent payés par la dame Souteyran , et
5 io o francs par le sieur Souteyran, son mari.
L e contrat porte que la vente est faite en exécution
des clauses du contrat de mariage delà dame de Boissieu ,
du 8 juin 1762, pou?' p a y e r se s d ette s p a s s iv e s , acquitter
la somme de 1200 o fr a n cs q u i reste due de la dot fa ite
à son autre fille Claire-Thérèse S a in t-M a rce l, veuve
du sieur Suret - S a in t- Ju lien , et se retenir et disposer
de 1200o fra n cs par lu i réservés dans ledit contrat de
mariage.
L a dame de Suint-Julien intervient au contrat pour
recevoir ladite somme de 12000 francs pour le resle de
sa dot, et subroger l’acquéreur à scs privilèges et h ypo
thèques.
Quant aux 9100 francs reslans , le sieur de Saint-
�C 11 )
Marcel déclara les avoir reçus à compte de sa dite réserve
de 1 2000 francs, ou autres hypothèques par lui acquises3
suivant l’état par lui tenu.
Cette vente étant consommée, le sieur Souteyran n’eut
rien de plus pressé que d’engager le sieur S ain t-M arcel
de tenir à son tour sa parole.
Il lui signifia en conséquence l’opposition du sieur de
Boissieu, et lui donna assignation le 19 décembre 1791.
L e sieur Saint-Marcel, de sa part, la dénonça à son gendre
par exploit du 13 décem bre, avec assignation en main
levée.
Pendant qu’on plaidoit sur cette opposition , le sieur
de Boissieu continuoit ses menaces , et ne dissimuloit
pas que son'moyen unique de faire tomber la vente du
25 octobre , étoit le défaut d ’estimati on stipulée en son
contrat de mariage.
Comme le sieur de Souteyran n’avoit point à redouter
cette estimation, il la réclama lui-même du sieur de SaintMarcel ; en conséquence, par acte notarié du 25 avril
1792 , les parties convinrent que pour ôter tous pré
textes au sieur de Boissieu , elles dérogeoient au prix dé
terminé par l’acte du 2 5 octobre 1 7 9 1; elles stipulèrent
que ladite vente du domaine de Chaspuzac sorti roi t son
plein et entier effet pour le prix et valeur qui en seroit
fait par le sieur R e co u l, expert-féodiste au P u y , et que
les parties seroient tenues d’acquiescer à ladite estimation
sans pouvoir revenir contre. Ce fut une faute peut-être
de ne point appeler le sieur de Boissieu à cette estimation ;
mais le contrat de mariage ne le disoit pas.
En exécution dudit a cte , le sieur Recoul fit son estiB 2
�__
( 12 )
-mation le 14 mai 1792. On y remarque tous les immeubles
estimés en détail à la somme de 2142-7 francs.
Cette estimation fut approuvée par le sieur SaintMàrcel et par les sieur et dame Souteyran; ce qui étoit
assez inutile, au moyen de l ’acte précédent; et le sieur
Souteyran paya l’excédant de 427 francs, outre les frais
de l’acte du 23 a v r i l , et moitié des huit journées em
ployées par l’expert pour ladite estimation.
A p rès ces formalités les procédures furent reprises*
lies sieur et dame de Boissieu, dégoûtés sans doute de
leur opposition inconsidérée , signifièrent que par le
contrat de mariage de leur fille avec le sieur Sauzet-SaintClément, ils lui avoient fait une donation universelle, et
q u ’en conséquence le procès la regardoit seule à l’avenir.
Un jugement de jonction étant intervenu le 22 ju in ,
le sieur de Boissieu, plus accoutumé aux procès que tous
les procureurs dont son gendre le suppose intim idé, in
terjeta appel dudit jugem ent, et fit une exclusion de tri
b u n a u x . Cet a p p e l fut porté à I s s e n g e a u x , et p a r jugement
du 28 octobre le sieur de Boissieu fut déclaré non recevable.
L a cause étant revenue au Puy 7 fut appointée en
droit par jugement du 30 avril 1793; et depuis cette
époque le sieur de Boissieu et sa femme, les sieur et dame
Sauzet-Saint-Clément, déjà mis en cause, avoient abso
lument abandonné cette affaire par un silence de plus de
dix ans.
Ils n’avoient cependant pas
employé
cet intervalle sans
Ils attaquèrent, en l’an 1 0 , un autre acquéreur
du sieur S a in t- M a r c e l , et conclurent au désistement et
plaider.
�( 13 )
à la nullité de la v e n t e , comme faite à non domino :
mais par un jugement de l’an 13 il fut juge « que le
« sieur de Saint-Marcel s’étant réservé de vendre pour
ce faire face à 74600 fv. de dettes, y compris 12000 fr.
« qui éloient pour le donntaiveœs a lien u m , on ne pou« voit reprocher audit sieur Saint-Marcel d’avoir vendu
« sans cause ». D ’après q u o i, et par lesdits motifs, les
sieur et dame de Saint-Clément furent déboutés de leur
demande en désistem ent,
L e sieur de Sain t-M arcel est mort en l’an 1 4 , et les
adversaires ont répudié à sa succession, de même qu’aux
biens à venir de la dame A r c i s , s’en tenant aux biens
présens qui existoient en 1762 ; ils ont cru par là se
donner un titre positif de donataires universels, môme
des biens réservés.
L e 26 juillet 1806, les sieur et dame Sauzet-SaintClément ont repris leurs poursuites contre le sieur Souteyuan iils.
Leurs moyens étant les mêmes que ceux du sieur de
Boissieu, il est inutile de les rappeler; et il suffit de dire
que par jugement du 12 mai 1807, les sieur et dame de
Saint-Clément ont été déboutés de leur dem ande, en
obtenant néanmoins l’avantage de faire procéder à une
nouvelle estimation du domaine , s’ils le prétendoient
vendu au-dessous de sa valeur.
Les motifs de ce jugement s e réduisent à d ire, i ° . que
d’après le contrat de m ariage, et l’état du même jo u r,
il y «voit de la part des donateurs, reserve de vendre
pour la somme de S4600 francs ; 2Q. que d’après les
�( 14 )
états pro luits , le p rix total des ventes ne s’élevoit pas
à beaucoup près à cette som m e, lors de la vente de
Chaspuzac ; qu’ainsi le sieur de Saint-Marcel étoit au
torisé à vendre ce domaine; 30. que quand il se seroit
trouvé de l’excédant sur le prix de ladite vente , elle
n’en seroit pas moins valable , puisque le vendeur
n’auroit été obligé qu’à faire un e m p lo i, ou à placer
cet excédant en des mains sûres, du consentement des
donataires; 40. que rien n’empêchoit d’anticiper les termes
de la dot de la dame Saint-Julien, puisque les donateurs
s’étoient réservé de vendre jusqu’à concurrence de
ces 2Ôooo francs; 5°. que l’opposition du sieur deBoissieu
n’avoit pu annuller une vente que le sieur de SaintM arcel étoit suffisamment autorisé à faire , sauf à re
quérir une nouvelle estimation.
Cette faculté d’estimation n’a point satisfait les sieur
et dame de Saint-Clément : ils se sont pourvus en la
cour ; et ce n’est v é r i t a b l e m e n t q u ’e n d é na t ur a nt le
contrat de 176 2, et en changeant leur position, qu’ils
ont pu dire quelque chose de spécieux, pour soutenir
que lé sieur de Saint-M arcel, leur aïeul, n’avoit aucun
droit de vendre.
A les en croire, ils ont une donation entre-vifs, irré
vocable et dotale de tous les biens meubles et im
meubles, présens et à v e n ir, des sieur et dame SaintMarcel , ce qui emporte dessaisissement actuel de tous
les biens présens.
Il faut bien en venir cependant à la réserve de vendre,
stipulée au contrat de 1762 j ruais cela n’embarrasse pas
�( i5 )
les sieur et dame de Saint-Clém ent; c’est, disent-ils,
une faculté exorbitante qui doit être largement inter
prétée* pour e u x , parce qu’elle est dans leur contrat de
mariage. Cette faculté de vendre est d’ailleurs limitée
à des objets spécialement désignés, et à des dettes an
térieures ou présentes.
O r , d isen t-ils, si on pouvoit entendre qu’il y eût
faculté de payer le premier terme de la dot de la dame
de Saint-Julien , au moins ce ne pouvoit pas être le
terme payable au décès du survivant.
Il falloit délégation, et il n’y en a point; juste valeur,
et il y a vilité de p r ix ; légitime em p loi, et aucun ac
quéreur n’y a veillé.
lia première dette à payer étoit 9000 francs au sieur
de Boissieu ; ils ne le sont pas. L e domaine d’Orzillac ,
devoit être vendu le premier, il n’est pas vendu encore;
Chaspuzac devoit être vendu le dernier, et il a été
vendu plutôt.
L ’état des ventes et payemens n’est pas e x a c t, conti
nuent les appelans; il faut en distraire 4000 francs qui
ont été mal à propos ajoutés dans le jugement, par l’état
double.
Enfin la vente ne pouvoit avoir lieu au profit du sieur
Souteyran, parce qu’il étoit un p ro cu reu r, et m ê m e ,
ajoute-t-on , le conseil du sieur de S ain t-M arcel ; elle
étoit litigieuse, parce qu’il y avoit opposition de la part
du sieur de Boissieu.
Telles sont en résumé toutes les objections proposées
par les sieur et dame de Saint-Clément. V oyon s si elles
�(i 6)
suffiront pour déposséder un acquéreur après seize ans
de possession.
M O Y E N S .
C ’est une erreur de la part des sieur et dame SauzetSaint-Clém ent, de supposer que le contrat de mariage
de 17 62 p o rte, de la part du sieur de Saint-Marcel, une
donation entre-vifs de tous ses biens présens et à v e n ir ,
avec dessaisissement actuel de tous les biens présens. Il
est aisé de concevoir qu’en se mettant si fort à l’aise sur
l’éteudue d’une clause principale, ils aient pu tirer des
conséquences fort à leur avantage.
Mais le père de famille qui fait une donation de tout
son bien, sous réserve de cin q d o m a in es, ne fait point
une donation de tous ses biens présens • car ce qui est
réservé n’est pas donné.
Il faut donc commencer par supprimer tout d’ un coup
des m o y e n s des sieur et d a m e Sauzet la q u a l it é de dona
taires universels qu’ils se sont donnée de leur chef si
gratuitement.
Il 11e faut pas plus s’attacher A la proposition des sieur
et dame Sauzet d’interpréter largement cette réserve en
leur faveu r, sous prétexte qu’elle est par contrat de ma
riage : car c’est encore pour se donner la licence d’en induire
de larges conséquences. 11 est au moins bien étrange que
des héritiers institués appellent la réserve de Pinstiliiant
une (acuité exorbitante , comme si tous les biens n’étoient
pas à lui , et comme s’il n’étoit pas plus vrai de dire que
tout
�( J7 )
tout doit être entendu, dans le d o u te, en faveur de celui
qui a fait la libéralité.
C ’est en effet un principe enseigné par R ica rd , que s’il
y a quelque chose d’ambigu dans une donation, il est
permis au donateur d’expliquer lui-même les bornes qu’il
a entendu mettre à sa libéralité, sans quoi il faudroitdire
qu’il est donateur malgré lu i; ce qui résiste à la plus
simple définition de ce genre de contrat : D o n a tio est
liberalitas quœ dam quœ nullo ju re cogenle conceditur.
Ici le sieur de Saint-Marcel a non-seulement expliqué
lui-même l’étendue de sa réserve, mais encore cette étendue
est tellement claire et précise, qu’il faut seulement lire
avec attention l ’acte lui-m êm e, pour être certain qu’il ne
faut aucune interprétation.
L e sieur Saint - M a r c e l s’est r é s er vé de v e n d r e cinq
domaines, et en o u t r e des cham ps, vignes et prés ; et
déjà il a annoncé, par l’étendue de cette réserve, que son
héritière n’auroit pas le droit de le tracasser tant qu’il
n’auroit point vendu tous ces objets. 11 lui a annoncé
encore que tous ces objets n’étoient point nominative
ment compris dans la donation et dans la tradition effec
tive qui en étoil la suite.
A la vérité le sieur Saint - Marcel exprime pourquoi
il a intention de vendre; mais à supposer que cela veuille
dire qu’il s’impose des conditions à lui-même pour ne
vendre q u ’ u n e portion des objets réservés, il est au moins
certain que tout ce qu’il a destiné à être rempli par cette
réserve , doit être épuisé sur la réserve elle - m ê m e , et
q u e , jusqu’à cet épuisement, l’héritière n’a nulle espèce
de droits sur aucune portion de ladite réserve.
Il s’agit donc d’examiner si le sieur Saint-Marcel avoit
C
�( 18 )
éteint en 1791 les objets qu’il avoit retenus dans ses
propres biens, et toutes ses dettes passives; à tout quoi
les biens à vendre devoient faire face : car voilà toute
la cause.
O r , il résulte de l ’état double fait entre le sieur St.M arcel et son gendre , le même jour du contrat de
mariage, que ces dettes se portoient à 49600 f r . , à quoi
le sieur de Boissieu ajouta 2000 fr. dûs à lu i-m êm e, et
2000 fr. dûs à un sieur IDadiac, ce qui lit ¿3600 francs.
20. L e sieur Saint-Marcel s’étoit réservé 12000 francs
pour en disposer ainsi qu’il aviseroit, et cette somme
ajoutée à la précédente, porte la réserve à 656oo francs.
30. L e sieur de Saint-M arcel déclara dans le temps
avoir oublié quatre sommes par lui dues; savoir, 400 fr.
au sieur Ladevèze , p r ê tr e ,.p o u r un billet de 17 5 7 ;
957 francs, pour arrérages de cens dûs au sieur Gaillard;
800 francs pour les intérêts de la légitime du sieur SaintM arcel, cu ré ; et 562 francs dûs au sieur Im bert, son
p r o c u r e u r ; tout q u o i avoit été p a y é lors des diverses
ventes consenties par ledit sieur S a in t-M a rce l, suivant
plusieurs quittances bien antérieures à 1790.
40. Il restoit dû au sieur de Boissieu lui-m êm e plu
sieurs sommes non payées de l ’avancement d’hoirie cons
titué à la dame Saint-M arcel, son épouse; et il résulte
des diverses quittances par lui données audit sieur St.M a rc el, qu’ il a reçu après 1762 une somme de 11000 fr.
provenante de diverses ventes.
Ainsi en récapitulant les dettes acquittées par le sieur
Saint-M arcel, de 1762 à 1788 , époque de la dernière
vente antérieure à celle faite au sieur Souteyran , 011
trouve que le sieur Saint-Marcel a payé, d’après son état,
�( *9 )
i°. A u sieur D adiac.................. . . . . . . . . . .
2000 fr.
2°. A u sieur Gaillard, pour censives, suivant
sa quittance de 1766..............................................
967
3 °- A u x religieuses de V a is .........................
2000
4 °* A la ca th éd ra le .........................................
2000
5°. A u sieur Farenge, prêtre.......................
1800
6°. A u sieur Sain t-M arcel, curé, pour sa
légitim e, suivant quittance du 4 décembre
1 7 7 2 ...........................................................................
6800
' 7°. A u sieur Lad evèze, suivant quittance
du 30 juin 1 7 7 1 .....................................................
400
80. A u .sieur Imbert, suivant quittance du
8 octobre 1 7 8 4 .......................................................
562
9°. A u x sieur et dame Saint - Julien , en
onze quittances....................................................... 26600
io°. A u sieur de Boissieu, en cinq quittan
ces . . . . ....................................................................
11000
53119 fr.
Il lui restoit à payer 12000 francs à
la dame Saint-Julien, et il avoit encore
sa réserve personnelle de 12000 francs,
}
s
j
24000
77*19 fr.
Venons maintenant aux ventes consenties par le sieur
de Saint-Marcel.
L e sieur Saint-Clément, à la page 21 de son m ém oire,
les porte ¿1 trente-deux, montant à 51918 francs.
D ’abord les articles 3 et 4 font double em ploi, parce
que le domaine entier de Mons fut vendu au sieur R e ym on d , p rê tre , qui ensuite en aliéna deux héritages à la
C 2
�( 20 )
veuve Galien ; et comme la vente du sieur Reymond
n’étoit que sous seing p r iv é , il pria la dame Arcis de
vendre en son nom à ladite veuve Galien. L e prix de
cette dernière vente fut de 2000 francs, et 25o francs
d’épingles, que le sieur Reymond reçut en déduction des
8000 francs par lui dûs.
A cela près nous supposerons que toutes les autres
ventes sont exactes, quoiqu’elles ne soient pas toutes jus
tifiées; nous admettrons même les deux dernières, que
le sieur Sauzet-Saint-Clément n’auroit peut-être pas dû
oser porter en compte ? car elles font partie des honneurs
funèbres du sieur Saint-Marcel, qui avoit trouvé prudent
d ’y pourvoir par lui-même.
Nous ne porterons donc en déduction des 51918 francs
ci-d essu s, que 2260 francs pou r’ le double em ploi; ce
qui réduit les ventes à 49668 francs.
lie sieur Saint-Marcel étoit donc en avance, avant 1791,
de la somme de 34Ôi francs , outre les 12000 francs dûs
à la dame de Saint-Julien, et sa réserve personnelle de
12000 francs.
Il avoit donc le droit de vendre encore jusqu’à con
currence de 27451 francs.
Cependant il n’a vendu que jusqu’à concurrence de
21427 francs.
A in s i, quand il faudroit s’en tenir même à l’état des
trente-deux ventes désignées par le sieur Sauzet-SaintC lém ent, il resteroit toujours une somme excédante; et
le sieur Saint-Marcel, en vendant en 1 7 9 1 , n’auroit pas
même rempli toute la somme qu’ il avoit droit d’atteindre.
Cette démonstration est si claire, qu’elle rend à peu
près inutile de répondre à la plupart des objections du
�( 21 )
sieur Saint-Clém ent contre la vente faite au sieur Souteyran.
L e défaut de délégation et d’emploi étoit déjà démenti
par la vente elle-même.
L a négation du sieur Saint - C lém en t, d’avoir reçu
9000 francs qui restoient dûs de l’avancement d’hoirie du
sieur de Boissieu, est encore démentie par l’état ci-dessus,
et par les quittances données au sieur Saint-Marcel. L e
sieur de Boissieu a même reçu 11000 francs; ce qui
complète les 9000 francs ci-dessus, et les 2000 francs du
b ille t, qu’ il fit ajouter à l’état des dettes.
L e sieur Saint-Clément ne peut pas pardonner à son
aïeul d’avoir payé la dame de S ain t-Ju lien de toute sa
dot ; ce qu’il appelle avoir payé par anticipation , et
contre la convention de 1 7 62., au moins pour une moitié
qui n’étoit payable qu'après soji décès.
Mais cette objection même porte avec elle sa réponse :
car qui devoit payer?
A la vérité , lors du mariage de la dame de SaintJulien , il fut pris des termes éloignés , qui alloient
jusqu’au décès des sieur et dame Saint-Marcel.
11 en résultoit que le dernier terme n’étoit payable que
p ar les héritiers desdits sieur et dame Saint-Marcel.
Mais lorsque ces derniers, en mariant leur fille cadette,
en 1762, se réservèrent cinq domaines pour payer leurs
dettes, parmi lesquelles fut comprise la dot de la dame
de Saint-Julien, cette clause précédente fut dénaturée.
Car on ne peut pas entendre sans doute que les sieur
et dame Suiut-Marcel payeroient les 2Ôooo francs de dot
après leur d écès, puisqu’ils avoient stipulé qu’ils vendroient pour payer eux-m êm es.
�( 22 )
Il suffit donc de remarquer que la dot de 25 ooo fr. est
comprise dans les dettes pour lesquelles le sieur SaintÏVIarcel s’étoit réservé de vendre. Cela seul justifie la vente
qu’il a consentie pour achever le payement de cette dot.
D ’ailleurs les assignats, le danger de laisser ce payement
à demander au sieur de Boissieu, justifient encore mieux
le sieur Saint-M arcel, qui avoit bien eu assez des tra
casseries personnelles qu’on lui avoit fait éprouver, sans
en léguer d’autres à la dame de Saint-Julien.
Faut-il parler du moyen du sieur Sauzet, fondé sur
le mot fin a lem en t? Il prétend que Chaspuzac étant le
dernier nommé des cinq domaines, il auroit fallu vendre
les autres auparavant.
O n n’a pas vendu Orzillac qui étoit le premier in
diqué, et le meilleur : il s’en plaint.
Ainsi il tire parti de tout. Vendre lui fournit un
moyen ; ne pas vendre lui en fournit un autre.
Une des objections du sieur Sauzet ( page 45 ) , est
dirigée c ont re les pr em ie r s juges e u x - m ô m e s . 11 les ac
cuse d’avoir laissé insérer dans le jugement Vaveu des
-parties, qu’il y eut 4000 francs ajoutés à l’état des dettes
de 49600 francs. C ’est, d it- il, une erreur ou une sur
prise, parce que ces 4000 francs n’étoient pas dûs ; et
il faut effacer cela du jugement.
Eh bien ! le sieur Sauzet l’a très-hautement avoué à
l ’audience, et il ne pouvoit pas le nier.
Car l’addition fut faite et signée par le sieur de Bois
sieu, pour son propre intérêt. En effet, sur 4000 francs il
y avoit 2000 francs dûs à lui-même : et il n’a pas manqué
de les toucher, comme on le voit en l’état du sieur SaintMarccl.
�( 23 )
Il reste à dire un mot , un seul mot du reproche
fondé sur ce qu’un procureur ne peut pas acheter des
droits litigieux.
Cela est très-exact en principe. Mais où le sieur Sauzet
a-t-il puisé qu’un immeuble, un d o m a in e, fût un droit
litigieux ?
La loi P e r diversas, qu’il invoque, dit q ui redim nnt
libídine v ili actiones litigiosas.
Mais à supposer qu’un exploit insensé pût produire un
litige, le sieur Souteyran n’aclietoit pas une simple action;
il n’aclietoit pas le droit de poursuivre une liquidation
inconnue. Il achetoit une propriété certaine, et il en
obtenoit la tradition dans l’instant même.
L ’objet de l’acte étoit donc déterminé et connu. Il n’y
avoit rien d’inconnu au vendeur, et dès-lors tout le motif
de la loi^cesse, parce qu’elle n’a voulu prévenir que l’abus
de confiance qui résulteroit du cas où un procureur, plus
au fait que son client de la valeur d’ une action litigieuse,
l’achèteroit à vil p r i x , en le trompant.
Cette méchanceté du sieur Sauzet-Saint-Clément est donc
sans application ; et elle étoit d’autant plus de mauvaise
foi , qu’ il sait bien que le sieur Souteyran père n’étoil
point le procureur du sieur Saint-Marcel.
F a u t - i l ne pas omettre encore la correspondance du
sieur Saint-Marcel aux sieur et dame de Boissieu, qu’il
menaçoit d'un hom me de loi q u i les m eneroit dur ?
Ce n’est pas cette correspondance qui fera le plus d’honneur
à ceux à qui elle est adressée : car ce qu’on voit de plus
clair dans le peu que le sieur Sauzet a jugé à propos d’en
extraire dans une écriture, c’est que le sieur Saint-Marcel
avoit de grands reproches à faire à son gendre et à sa iille.
�( 24 )
Ce respectable vieillard avoit de grands regrets d’avoir
réduit la dame de Saint-Julien, sa fille, à 40000francs ; les
procédés de son héritière le navroient de douleur , et
il s’en plaignoit amèrement. Q u’il menaçât son gendre
de s’adresser à des hommes de loi pour cesser d’être
opprimé par lui , cela étoit fort naturel dans la position
du sieur de Saint-Marcel. Il a plu au sieur Sauzet d’ad
juger cette menace au profit du sieur Souteyran p è r e ,
quoiqu’il sache fort bien que ce procureur-là étoit moins
à craindre que le sieur de Boissieu. Mais tout cela n’est pas la cause. L e sieur Souteyran a
acheté un domaine du sieur Saint - Marcel : il en a eu le
droit. Il pouvoit payer en assignats, il a payé en argent;
ceux qui l’ont vu existent.
Il exigea une estimation plutôt par délicatesse que par
nécessité ; et il paya à dire d’experts. A u jou rd ’hui une
seconde estimation est ordonnée : le sieur Souteyran eût
p u s’en plaindre ; mais il n’y a vu que le moyen de jus
tifier son p è r e , en p r o u v a n t qu’il n ’a p o i n t acheté à vil
prix. L e sieur Sauzet au contraire attaque un jugement
qui lui permet d’établir qu’il a dit la vérité ; mais il trouve
plus commode d’insulter le sieur Souteyran, que de laisser
éclaircir s’il n’en impose pas.
M e. D E L A P C H I E R , avocat.
M e . B E A U D E L O U X , avoué.
A R IO M , do l’imprimerie de T h ib a u d - L ANDRIOT, imprimeur de la Cour d’appel.
�
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Souteyran. 1807?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Beaudeloux
Subject
The topic of the resource
contrats de mariage
réserve héréditaire
donations
abus d'autorité
créances
assignats
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour le sieur Souteyran, ancien avocat au Puy, intimé ; contre le sieur Sauzet-Saint-Clément et la dame Salvaing de Boissieu, son épouse, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1807
1759-Circa 1807
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0408
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Puy-en-Velay (43157)
Rocharnaud (domaine de)
Mons (domaine de)
Orzillac (domaine d’)
Couchat (vignes de)
Pouzarol (domaine de)
Chaspuzac (domaine de)
Ceyssac (43045)
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Domaine public
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donations
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8fdf9e816ae66a8ae42b472d0456cdb5
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Text
M É M O I R E E N RÉPONSE
POUR
A
n t o i n e
VARAGNE,
et a u t r e s ;
intimés;
CONTRE
P i
erre
-I
srael
R O L A N D } Toi
n et te
-G
a b r i elle
R O L A N D , et Le sieur G R O S son m ari, appelans.
L
e
père du sieur Roland avait trompé les mineurs
Varagne et les avait dépouillés de tout leur patrimoine;
le sieur Roland et la dame Gros se plaignent aujourd'hui
de ce qu'un Varagne les a trompés à son tour pendant
qu’ils étaient mineurs, et a repris ses biens. Si cela était
vrai, il faudrait remonter à la source et ne tromper
personne ; mais ce n’est pas ainsi que les adversaires l'en
tendent; ils veulent bien rétrograder jusques avant la 2.
époque, mais non jusqu a la premiere, c est-à-dire,qu’ils
veulent retenir ce que leur père avait pris. A la vérité
ils sont obligés de convenir que son usurpation n’était
A
�( 2 )
.
pas la chose du monde la plus solide; mais au moyen
de quelques prescriptions et pérempiions ils espèrent la
légitimer, il laul croire au contraire qu’une œuvre d'iniquite et de tenèbres ne prévaudra pas contre une transac
tion sage et prudente qui en effaçait la turpitude; et la
publicité même que les héritiers Roland ont voulu
mettre à cette cause, ne prouvera que mieux à la Cour
qu’ils n’avaient pas mûrement réfléchi, quand ils ont.
voulu blâmer ce qu’avait délibéré leur famille, pour cou
vrir le passé et leur rendre justice.
F A I T S .
L e 18 septembre 1747, le sieur Pierre Roland avait
vendu à Géraud Varagne un domaine appelé de Fleu
ra c, moyennant 12,000 francs.
fut dit que Varagne
demeurait quitte du prix, au moyen de ce qu'il créait
11
et constituait au proiit du sieur Holanc! une rente de
5oo fr. par année, payable en deux termes, jusquesau
remboursement des 12,000 fr.
Géraud Varagne mourut en 1762, laissant trois enfans
mineurs, Antoine, Marianne et Sébastien.
11 avait payé
5
la rente de oo ir. avec la plus grande
exactitude, et 011 serait hors d’état d’établir qu’il eût
laissé pour un sou de deltes. Ses enfans devaient donc
être à l'abri de l’inquiétude.
Mais le sieur Roland îegrctlait singulièrement le
domaine de Fleurac q u ' i l a v a i t vendu , disait-il, ;i trop
bas prix , el que le bon étal où l'avait mis l ’acquéreur
�( 3
}
lui faisait encore envier davanlage. La mort de cet ac
quéreur lui fournit le prétexte de se reme!tre en pos
session en expulsant ses enfans. Abandonnés de tout le
✓
monde, ils ne pouvaient l’en empêclier, et d’ailleurs ils
n'ont jamais été informés des diligences qu’il pouvait
faire; c'est seulement après sa mort et par la remise
qu ’on leur a faite de ses procédures, qu’ils ont connu
celles dont ils vont rendre compte.
L e sieur Roland fit nommer un tuteur aux deux
puînés; et comme Antoine Varagne avait déjà 16 ans,
il le fit émanciper, c’est-à-dire, on présenta sous son
nom une requête au juge de Fleurac , le 20 décembre
1 7 5 2 , pour demander son émancipation (1).
Après cela, le 16 février i y
, le sieur Roland as
signa ledit A n t o in e V a r a g n e et le tuteur de ses frère et
sœur , pour lui payer s o fr ., la seule somme à lui due
pour le terme d’une demi-année de sa rente, échue
53
5
depuis La mort de Géraud Varagne.
Une sentence par défaut, obtenue le i .er mars 1753,
adjugea ces conclusions, et condamna les mineurs à dé
clarer de suite s’ils entendaient ou non être héritiers
de leur père.
Cette sentence était sans doute bien inutile pour moliver l’usurpalion du domaine, et le sieur Roland le
sentit bien. Il chercha à persuader Antoine Varagne
( 1 ) A i n s i il n’étnit pas ma ri é a va nt la mo rt de son p e r e , et
é m a nc i p é p a r le m a r i ag e > confine le disent les Adversaires ù Ici
f in de la p ag e 1 7 de leur m é m oi re .
A 2
�qu'il n’avait pas d’intérêt à conserver un bien où il pas
serait sa jeunesse pour partager ensuite son industrie
avec deux enfans en bas Age ; un jeune homme de
dix-sept ans n’est pas bien difficile à séduire. Deux cenls
francs que le sieur Roland lui promit, achevèrent de lui
tourner la tête: il promit tout ce qu’on voulut.
En conséquence le 24 mars 1753, le sieur Roland
1 assembla cinq cultivateurs sous le titre d’une assemblée
de parens, auxquels le jeune Varagne représenta, à ce
qui y est dit, que le domaine de Fleurac lui serait plus
onéreux que profitable, que son père Favait acheté
1rop cher, n’avait pas même pu payer les droits de lods,
qu’à la vérité il avait acquitté la renie, mais que c’était
en contractant plusieurs dettes passives, et que son père
en avait conçu un v if chagrin, qu’il croyait avoir été
cause cle sa mort, que même , en m ourant, il lu i avait
conseillé de supplier le sieur lio la n d de reprendre son
domaine ; d'après quoi il voulait suivre ce conseil, et
renoncer à la succession de sondit père.
Après cet acte de piété liliale, dans lequel le souf
fleur se fait assez remarquer, il était question de pren
dre l’avis de trois parens paternels et trois maternels
qui avaient été a s s i g n é s la veille ; leur délibération 11e
doit pas être passée sous silence.
lies trois parens maternels votent pour tout ce qui
est demandé, c’est-à-dire, 1 abandon et la répudiation,
quoique l’un lut l’opposé de l’autre 3 mais le sieur
lioland ava il voulu tout prévoir.
Des trois parens paternels,, l’un ne vint pas; parce
�( 5 )
que, clit-on , il était malade ; les autres deux, indignés
de ce qui se passait , et ne voulant pas participer à
l ’expoliation de leur neveu , déclarèrent qu’ ils n'en
tendaient pas qu’ il abandonnât Le domaine , ni qu il
répudiât. Celle réponse est consignée en Fade.
Cependant le juge, considérant que les parens ma
ternels étaient en plus grand nombre, homologua la
délibéra lion desdits trois parens maternels, et homo
logua même celle du curateur qui n avait rien dit.
Comme Antoine Varagne avait bien rempli son
r ô le , le sieur Roland lui donna le lendemain, non
pas précisément la somme promise, mais un billet de
200 francs, payable dans huit ans seulement, c’està-dire , à sa majorité , afin que si alors il voulait
se pourvoir, le sieur Roland pût au moins sauver
l ’argent.
Muni de cette homologation, le sieur Roland crut
en avoir assez fait pour mettre son usurpation en évi
53
dence , et par acte du 27 avril 1 7 , il donna à ferme
à un étranger le domaine de Fleurac ; et, s’il faut en
croire les adversaires, il poussa le nimia precautio jus
qu’à fiiire signer comme témoins , le curateur et le
mineur de dix-sept ans.
'
Cependant le sieur Roland ne pouvait se dissimu
ler qu'il avait fait une mauvaise procédure, et que
les pupilles Varagne, n'étant pas même nommés dans
l’avis des trois parens , auraient 1111 jour h réclamer
contre lui des restitutions de jouissances; il s’agissait
donc de porter remède ¿1 ce danger. Depuis plus de
�(
6
)
trois ans il était en possession du domaine, et avait
trouvé lout en bon état ; mais une vieille grange
lui sembla un prétexte suffisant pour ce qu’il avait a
faire.
L e tuteur étant mort, le sieur Roland en fît nom
mer un second le 24 mars i j d , et présenta une re
quête dans laquelle il exposa que les enfans Varagne,
ayant déserté le domaine , avaient laissé le tout en
très-mauvais état ; qu'il avait été forcé de préposer
des gens pour la culture, afin d’éviter le dépérisse
ment , que Le nouveau, tuteur ne prenait non plus aucun
soin pour jouir du domaine.
En conséquence il demanda permission d’assigner
Antoine Varagne et le tuteur, savoir au provisoire
pour faire constater Yétat de la grange, procéder au
6
bail a rabais des réparations, et au fonds , pour voir
dire que la vente de 1747 serait résiliée, et q u il serait
autorisé à reprendre la propriété dudit domaine , et
aussi pour être condamnés à payer ta rente de oo f ,
jusqu'à, ce q u il sera rentré en ladite propriété.
5
Le
5
mai il obtint une sentence provisoire qui lui
permit de faire constater les réparations; et aussi pro
digue de formalités pour celte inutile précaution, qu’il
en avait été avare en s’emparant de tout, 011 compte
dix-neuf pièces de procédure, affiches ou exploits entre
sa requête, et une sentence du i .cr juin qui adjugea
le rabais h 1,246 fr.
Ces réparations, comme on le vo it, n’avaient été
nécessaires que pour 1111 seul des batimens, et il était
�(
7 )
singulier qu’après trois ans d’usurpation, le sieur Roland
s'avisât de s’en prendre aux Yaragne qui n’avaient joui
que de 1747 à 1752.
Quoiqu’il en soit, après celle sentence provisoire,
le sieur Roland en oblint une seconde le 29 septem
bre 1756^ qui, adjugeant les singulières conclusions
de sa requête * déclara La vente de 1747 résolue, lui
permit de rentrer dans la propriété, et condamna les
Yaragne au paiement des arrérages ju sq u a sa rentree.
Cependant les collecteurs, plus justes que l u i , s’obs
tinaient à ne pas vouloir changer la cote d’impositions,
malgré son bail à ferme et sa nouvelle procédure ; en
conséquence, avant de laisser terminer le répartement
de 1 7 5 7 , le sieur Roland présenta une requête 11 l’i n
tendance pour se plaindre de celle insubordination 5
et comme il avait une charge à privilèges, il demanda
une cote d’oflice, modérée suivant le produit du bien,
qui à peine s’élevait, disait-il, d’après son bail, h cinq
cent cinquante francs : aveu, qui, en matière de sur
taux, où on n’exagère pas, fait assez voir combien
peu Varagne, cultivant par ses mains, avait dû être
grévé en payant 5 00 fr.
Sans doute, Antoine Yaragne , devenu majeur, 110
voulut pas accéder aux propositions qui lui furent
faites; car le 23 décembre de la même année, le
sieur Roland le lit assigner, ainsi que le tuteur, pour
voir déclarer lc?s sentences du i . er mars 1763 çt 29
septembre 1766 rendues contre eux-mêmes , en con
séquence , e s t - i l dit, se voir condamner à payer.,
�5
(
8
)
33
i.° 2 o fr. portés parla première, et
fr. de dixième;
2.0 1,246 fr. pour le montant du bail à rabais. Le 20
février 1768 , il surprit une sentence adjudicative.
Varagne en interjeta appel.
Cet acte imprévu dut déconcerter le sieur Roland,
qui sans doute chercha à renouer raccommodement,
et à gagner du tems. Ce qui le prouve, c’est que na
turellement le plus pressé, parce qu’il était créancier
et demandeur, il se contenta de se présenter le 19
avril 1768, et garda le silence pendant trois ans.
Après cette époque, il dressa le 18 juin 1771 un
exploit de demande en péremption , et il est démontré
par écrit qu’il n’y eut pas de copie remise, ou si on
Veut que l’huissier ne la donna pas. Aussi ne fut-il
pas difficile au sieur Roland , de surprendre , le 28
août 1 7 7 2 , une sentence par défaut qui déclara l’ap
pel périmé. Mais cette péremption, comme on voit,
était pe u i m p o r t a n t e , puisque la sentence de 1768
ne portait que des condamnations pécuniaires , et
ne disait rien de la résolution, déjà prononcée en
1756.
A peine Marguerite Varagne fut-elle majeure, que
le sieur Roland , toujours inquiet sur sa procédure,
chercha à obtenir d’elle un acquiescement aux sen
tences, et par acte du 16 février 1773, il paraît qu’il
lui extorqua cet acquiescement, sans prix.
Iiü sieur Roland mourut le i juillet de la mémo
a n n e e , et toute la peine qu’il avait prise pour êiro
rie I10
3
�'(
9
)
riclie ne l'empêcha p a s , ¿1 ce que disent les adver
saires, de laisser des dettes. Il avait fait un testament
par lequel il instituait celui de ses en fa l i s qui serait
élu par un conseil de famille.
Antoine Varagne ne redoutant plus le sieur Roland
mort, avait déjà annoncé qu’il allait interjeter appel
de la’ sentence de 17 ^ 6 , s’inscrire en faux contre
l’exploit de 1771 , et réclamer les restitutions de jouis
sances de vingt-un ans, tant de son chef que comme
cédataire de Sébastien son frère, et même du chef
de Marianne sa sœur , en se faisant subroger.
Cette réclamation était si peu difficultueuse , que
le conseil de famille, composé des hommes les plus
éclairés, ne trouva rien plus expédient que de rendre
le domaine , et de tâcher d’obtenir la remise des
jouissances.
En conséquence, Antoine Varagne traita le o oc
3
tobre 1773 avec le tuteur des enfans Roland, auto^
risé du conseil de famille. Après l’exposé de ses pré
tentions , l’acte porte qu’il reprendra le domaine,
vendu en 17 4 7 , et que le prix principal delà vente ( 1)
demeure fixé comme alors à 12,000’ francs et 72 fr.
d ’étrennes. Varagne paya de suite 2,472 fr. , et le
surplus fut dit payable à termes annuels de 1,600 fr.1
et de 1,000 fr. sauf l’intérêt jusqu’au paiement. A n
moyen de quoi le tuteur remit a Varagne les pro-
( 1) Les appelans avaient dit r e n ie , pag. 8 de leur mémoire:
erreur qui influerait sur les moyens de résolution. '
B
�( 10 )
cédnres et sentences , et le subrogea à l’acte passé le
16 février précédent avec Marianne Varagne, à ses
risques et périls. Et com me le sieur Roland pouvait
avoir déjà démembré le domaine, le conseil de famille,
toujours prévoyant, fit stipuler, pour éviter les recours,
que s'il y avait des ventes au-dessous de oo francs,
Varagne n’aurait rien à demander; mais que si elles
excédaient cette somme , il répéterait le surplus du.
prix seulement.
3
En vertu de cet acte, Antoine Varagne se mit in
continent en possession de son domaine , et paya ré
gulièrement deux à-comptes au tuteur ,■dès la pre
mière quittance, on vérifia quelles ventes le sieur
Roland avaient passées, et elles se trouvèrent d’un
pré de trois journaux, et de partie d'un autre pré.
Comme les deux actes ne portaient de prix que 778 f.
Antoine Varagne, suivant sa convention, n’eut qne
478 fr. à déduire.
Bientôt le sieur Pierre-Israël Roland devint ma
jeur, et (ce qu’il ne disait pas jusqu'à ce que les V a
ragne l’aient découvert) le même conseil de famille
s’assembla le 4 décembre 1777 pour l’élire héritier
universel de son père, à la charge de payer les légi
times portées par son testament.
Ledit sieur Roland prit des arrangemens avec ses
frères et sœurs, en se mettant en possession de toute
la succession ; il s’obligea vraisemblablement à payer
leur légitime qui était assez considérable, el il avoue
aujourd lmi qu’il les représente tous à. l ’exception de
la dame Gros.
x
�( II )
En 1 7 7 7 , ü éfaîl: échu un terme de 1,000 fr. sur
le traité de 1773; et le sieur Roland, aussitôt qu'il fut
héritier, n'avait pas manqué, à ce qu’il paraît, de
prendre connaissance de cet acte. Car non-seulement
il demanda à Varagne le terme échu , mais il l’en
gagea même à avancer le terme suivant , pressé sans
doute d’acquitter les légitimes.
En effet on voit par quittance du 27 juillet 17 7 8 ,
que le sieur Pierre-Israël Roland , avocat en parle
ment, reçut d’Antoine Varagne 2,000 francs, savoir
1,000 fr. pour le terme échu h la Toussaint de 1777?
et 1,000 fr . par anticipation pour Le terme a échoir
à La Toussaint de 1788, porté au traité passé devant
Le notaire soussigné, entre son tuteur, les conseillers ci
la tutelle et ledit V^aragne.
Dira-t-on que c’était Varagne qui s’empressait d’avoir une ratification d’un majeur; mais elle n’est pas
la seule ?
Quatre ans après, et lorsque le sieur Roland eut eu
le loisir de méditer l’actif et le passif de la succession
de son père, le surplus des 12,000 fr. était é c h u , et
Varagne paya par quittance du 11 juin 1782, audit
sieur R o la n d , avocat, la somme de 4,000 francs pour
tout reste et fin a l paiement du prix de la vente et
délaissement du domaine de Fleurac ayant appartenu
au x auteurs dudit sieur R o la n d , et délaissé audit
Varagne par traité reçu par le notaire soussigné, de
laquelle dite somme de 4,000 fr. ensemble du prix
entier de Ladite vente, Ledit sieur R oland c l promis le
faire tenir quitte envers et contre tous.
�( I2 )
Antoine Varagne mourut, après avoir ainsi liquidé
sa fortune; il laissait sa veuve tutrice; et l’un de ses
fils, ayant été m arié, laissait aussi une veuve tutrice,
le sieur Roland trouvait là une bien belle occasion
pour marcher sur les traces de son père, et repren
dre ce qui 11e lui appartenait plus. La crainte de trouver
de 1*obstacle en son nom seul lui fît emprunter le
nom de ses frères et sœurs pour former sa demande,
et cacher soigneusement la qualité d’héritier universel,
dont il avait cependant usé en prenant tout le prix
de la vente.
En conséquence, par requête du
février 1788,
il fut formé demande devant le juge de Salers, en
25
nullité du traité de 1 7 7 3 , et désistement, ¿1 la requête
des sieurs Pierre-Israël R o la n d , avocat, Jean-Marie
Roland curé de Salers , G u y Roland , prêtre corrimunaliste, Louis-Israël Roland, prêtre, et ToinetteGabrielle Rol an d , contre Catherine Lape }Tre , en
qualité de tutrice des enfans d’Antoine Varagne père
son mari, Marguerite Chaumeil, aussi tutrice des en-
3
fans d’Antoine Varagne fils son mari, et Jean V a
ragne fils.
Les Varagne qui ne voulaient pas plaidera Salers,
se laissèrent condamner par défaut le 10 juin 1788,
et interjetèrent appel en la sénéchaussée d Auvergne.
La cause fut appointée au conseil, et le sieur Ro
land comprenant tissez que sou systeme d envahisse
ment n’y ferait pas fortune , v o u l u t se rendre un
peu moins défavorable. 11 reconnut qu’il avait mal
�13
(
)
à propos demandé le désistement lot al , et que Sé
bastien Varagne aurait eu droit de rentrer dans le
domaine; en conséquence il se départit de sa demande
pour un tiers. A l’égard des deux autres , il soutint
que son tuteur avait été trompé, et qu’après le traité
de février 1 7 7 3 , et les sentences de 1768 et 1 7 7 2 ,
Marianne et Antoine Varagne avaient perdu toute
propriété, de sorte que le traité de-novembre 1773
contenait une aliénation de biens de mineurs contre
laquelle ses frères et lui pouvaient réclamër pendant
trente ans.
Mais les tutrices Varagne, pour repousser ces moyens,
firent des recherches dans les études de notaires, et
trouvèrent les quittances de 1778 et 1782 , le testa
ment du sieur Roland père, et l ’élection de 1777.
Ces pièces, jointes aux circonstances de l’acte de
1773 , .étaient si décisives que la sénéchaussée d 'A u
vergne, par sentence rendue au rapport de M :r Bidon,
le
3 septembre
1790 , n’hésita pas à infirmer celle par
défaut de Salers , et à débouler les sieurs Roland do
leur demande.
A leur tour les sieurs Roland ont interjeté appel
de celle sentence au parlement de Paris; ce n’est
qu’en l’an 10 qu’ils en ont repris les poursuites de
vant la Cour.
ne reste plus qu’à rendre compte
des moyens respectifs et à répondre à ceux proposés
par les appelans dans leurs écritures et leur mémoire.
]1
�(
)
M O Y E N S .
système des appelans est, comme on le prévoit
sans peine , fondé tout entier sur l’état des choses
subsistant avant la transaction de 1 7 7 3 ; alors disentils aux Varagne , votre expropriation était légalement
consommée, vous deviez une rente foncière que vous
ne payez pas, ainsi il y avait heu à résolution ; vous
avez déguerpi les biens, et vous le pouviez, quoique
mineurs, avec le décret du juge. Ainsi rien n’était
plus légitime que les sentences de 1753 , 1756 ,'et
1768; d’ailleurs c'était chose jugée à cause de la pé
remption prononcée en 1772 contre Antoine Varagne,
et quant à Marianne elle avait tout approuvé par un
L
e
traité contre lequel il n’y avait pas lieu h retrait, dès
qu'il ne s’agissait que de résolution; ni à subrogation
légale, puisque ce traité acquérait au sieur Roland
rem sib'i necessariam.
Si donc, disent les adversaires, nous étions proprié
taires incommutables en 1 7 7 3 , notre luleur n’a pu
aliéner notre propriété sans formes et sans nécessité.
Nous nous sommes pourvus dans le tems, et les quit
tances du prix ne sont pas une approbation.
Quoique cet ordre de moyens soit une inversion de
questions, et que naturellement la première chose ¿1
examiner dût être la fin de non recevoir , cependant
les intimés suivront cette série des rno}rens présentés
parles adversaires, puisque leur but est d y répondre.
Ils examineront donc i.° si le sieur Roland avait re-
J
�5
( i )
couvré la propriété du domaine de Fleurac, lorsqu’il
s’en empara en 1753 ; 2.0 si au cas qu’il ne fut pas alors
propriétaire, il Test devenu par les sentences de 1 7 , ;
1 7 5 6 , 1768 et 1772 , et si elles étaient chose jugée
en 1773, tant contre Antoine que contre Marie V a
ragne; .° si la transaction du o octobre 1773 était
nue aliénation des biens des mineurs Roland; 4.0 si,
en ce cas, les adversaires se sont pourvus en tems utile;
53
3
5.°; enfin
3
si les quittances de 1778 et 1782 produisent
une fin de non recevoir.
P
r e m i è r e
q u e s t i o n
.
L e sieur R oland pere avait-il recouvré la propriété
du domaine de Fleurac, lorsqu’il s’en empara en 1753
L e sieur Roland avait vendu ce domaine en 1747 ;
ainsi sans difficulté Geraud Varagne en était proprié
taire ¿1 son décès en 1752.
Mais quelle était la nature de cet acte de 1747 ? car
de cet examen préalable dépend la discussion relative
aux moyens proposés de déguerpissement et de réso
lution.
Souvenons-nous qu’en 17 4 7 .le sieur Roland avait
vendu un domaine moyennant 12,000 fr. ,pourlaquelle
somme l’acquéreur avait constitué une rente de oo fr.
Ainsi d ’après les principes celle renie 11’élait paspuremem foncière ; c’était une simple renie constituée,
assise sur un immeuble avec privilège spécial.
5
�( x6 )
Par conséquent le bailleur n'avait pas retenu le do
maine direct ;dèslors c’était une aliénation pure et simple
de sa part , ce qui changeait totalement le droit qu’il
s’est arrogé de s'emparer du fonds, comme s’il 11’eût
délaissé que la propriété utile.
Cette différence à faire entre les ventes h charge do
rente constituée, ouïes baux à rente foncière, nous
est enseignée par les auteurs du nouveau Denizart au
mot arrérages : «-Unhéritage, disent-ils, peut être vendu.
« moyennant une rente de telle somme, ou bien le prix
« de l’héritage peut être fixé d’abord ¿1 telle somme,
c< et ensuite les parties convenir par le même acte que
rr la somme formera le capital d’une rente constituée
«
«
«
«
entre les mains de ¡’acquéreur. Dans le premier cas
nul doute que la rente ne soit foncière ; mais au second,
la rente renferme une véritable constitution de rente
à prix d’argent >3.
Sans doute cette opinion ne sera pas taxée d'innova-»
lion; car on la retrouve dans Loyseau en son traité du
déguerpissement. «Toutefois, dit-il, en toutes ces renies
« foncières, il y a une signalée précaution, et unere'«■marque de grande importance , c’est quesi le contrat
« est fait en forme de vente , auquel le prix soit parti« culaiisé et spécifié, pour lequel prix soit constitué
* rente à la suite du même contrat, alors, à bien en« tendre , telle rente ne doit pas être estimée foncière,
c< mais simple rente constituée, (f. 1 • ch. . n.° 14e! 17).
L e même principe est enseigné par Bas 11âge sur l’aiv
ticle
de Normandie, par Pothier au traité du con
trat
5
5^5
�( 17 )
'
trat de constitution de re n te , n.° 1 3 3 , par divers arrêts
de cassation de Tan 9 et Tan 1 1 , et par un arrêt de
la Cour de l’an i 3.
Cela posé, on ne voit plus où s’appuient les deux
moyens des adversaires, fondés sur ce que les enfans
Varagne avaient pu déguerpir le domaine, pour ne pas
payer la rente, et sur ce que, ne payant pas la rente,
la résolution était de plein droit après trois ans.
L e premier moyen ne semblait pas trop raisonnable,
parce que dans les faits ci-dessus rapportés, on ne voit
rien qui ait beaucoup d analogie avec un déguerpisse
ment. Mais les adversaires prétendent que le simple
fait d’abandon du domaine équivaut dans l’espèce à
un déguerpissement, par la raison, disent-ils, que d'a
près L o y se a u , les mineurs peuvent aussi déguerpir
pourvu qu’il intervienne décret du juge pour le leur
permettre, après un avis de parens. Or, ajoutent-ils,
cette autorisation judiciaire se trouve dans la délibé
ration des parens qui avaient autorisé les mineurs à
abandonner le domaine et même à répudier la suc
cession.
‘Erreur dans le fait et dans le droit.
Dans le fait ; car celte délibération n’autorisait pas
les mineurs, mais l’émancipé seul; et loin d’être com
plet te, on voit que les parens paternels eurent l’énergie
de s’indigner bâillement de ce qu'on méditait contre
un enfant, et que les parens maternels accédèrent seuls
à ce qui était demandé.
Dans le droit ; car ce n'est pas cette délibération
C
�( i8 )• •
qui aurait produit un déguerpissement, elle y auto
risait seulement Fémancipé, et cependant il s'en est
tenu à cette démarche, déjà même le sieur Roland
s^était emparé du domaine; et quand il sollicitait une
répudia lion, il est clair qu’il exigeait deux choses con
tradictoires , parce qu’un déguerpissement était une
adition d’hérédité.
Un déguerpissement n’est pas un acte tellement sans
conséquence qu’il puisse avoir lieu par accord verbal,
car il est une aliénation, et non midis pactis dominicu
transferuntar.
D ’abord il n’est pas très-certain qu’un tel acte soit
permis a des tuteurs, même avec le décret du juge;
la loi s’y oppose formellement ; prœdia vendi, v e l
7
i p s j s c a r e r e permitti non debet, et si permis sam s it
nulla est venditio, rmllumque decretam. (L. si æs. ff.
de reb. eor. etc.)
Cependant admettons qu’ un tuteur puisse déguerpir
avec le décret du juge; au moins faut-il, quand le
décret est intervenu ; qu’il y ait un déguerpissement
formel.
Loyseau , invoqué par les adversaires, dit
déguerpissement doit être fait en jugem ent,
qu’on ne confonde pas celle expression, il
c’est-à-dire en L'audience de ju stice, les plaids
*
«
«
«
*
que le
et pour
ajoute,
tenant-
car, continue cet auteur, le respect ,1a majesté du
lieu où la justice est exercée, la présence des magistrais, la fréquence des assislans donne a cet acle
plus d’autoriié , parce que le déguerpissement est
un acte d’importance. (Liv. .)
5
�9
( i )
Si donc il y avait eu lieu à déguerpissement, les
adversaires ne pourraient en invoquer aucun , car il
n'y en a d’aucune espèce. Mais ce n ’était pas le cas
dès que la rente n’était pas foncière. Car, cdmmë dit
Chopin sur l ’art. 109 de la coutume de Paris, « en
« rente rachetable sous un principal exprim é, n’y a
« lieu à déguerpissement, cum sit ootiàs emptor, quàm
« conductor pretii vectigalis ».
Opposera-t-on qne ces principes sont en faveur du
bailleur et non contre lui : mais dès que le déguer
pissement est une aliénation , il faut que le contrat
soit bilatéral ou synallagmatique, et jamais il ne sera
possible de penser que des mineurs sur-tout aient fait
un déguerpissement valable, sans aucun acte, même
hors jugement et par le seul fait de leur dépossession.
Quant à la résolution, faute de paiement par trois
ans, elle n'avait pas lieu en rente constituée; mais
3
ce serait devancer les adversaires que d’examiner
ici cette question, .car ils ont été forcés de recon
naître q u e , d’après leur propre syslê'me, il n’y avait
pas lieu à résolution quand leur père s’empara du
'domaine en iy’ ; parce que la sentence du r.er mars
de ladite année ne portait condamnation que d’ un
demi-terme de la rente de oo francs, échu encore
depuis la mort de Géraud Varagne.
Ainsi, sur celte première question, il est constant
que sous aucun point de vue , le sieur Roland n’é
tait propriétaire du domaine de Flenrac lorsqu’il s'en
empara, et le donna h ferme le
avril 1753.
53
5
^5
C 2
�( 20
DEUXIÈME
)
QUESTION.
L e sieur R oland est-il devenu propriétaire du do
maine de Fleurac par les sentences de 1 7 5 3 , 17^6,
1768 et 1772 ?
Ces sentences étaient-elles passées en force de chose
jugée en 1773 , tant contre Antoine V^aragne que
contre Marianne sa sœur ?
L a sentence de 1753 ne signifie rien pour la pro
priété, cela est convenu; elle n’était qu’un achemi
nement aux autres, et eût été elle-même irrégulière,
puisque le sieur Roland a dit Géraud Varagne mort
en novembre 17 52 , et que depuis cette époque jus
qu’après les trois mois et quarante jours il n ’avait pas
d’action, d'après l’ordonnance de 1667 , renouvelée
par le Code civil.
En 1756, il y eut deux sentences, mais la première
11e parle que de bail à rabais et non de propriété ;
c'est la seconde seulement, du 29 sepiembre, qui pro
nonce la résolution de l ’acte de 1747*
On ne peul pas douter que le juge n’ait été sur
pris lors de cette sentence , puisque l ’exposé de la
requête, sur laquelle elle est rendue, suppose que le
sieur Roland n’était pas encore en possession du do
maine de Fleurac. Il demandait j u s q u e s - l à les arré
rages de la renie de oo f r . ,, et cerles c’était abuser
étrangement du silence forcé des mineurs Varagne;
car s'il eût conlessé au juge, que depuis plus de trois
5
�(
)
ans il percevait les fruits du domaine, sur lequel la
dite renie était assise, le juge au lieu de lui adjuger
sa demande, l'aurait éconduit, quoique par défaut.
Cette sentence, il est vrai, quelque mauvaise qu’elle
fût, disposait de la propriété du domaine; mais elle
était susceptible d’appel pendant trente ans d’après la'
jurisprudence; et dès-lors en 1 7 7 3 , elle pouvait être
attaquée.
Ce n’est pas ainsi, à la vérité, que les adversaires le
supposent. Ils soutiennent, au contraire, qu’il y avait
chose jugée en 17 7 3, et que tout espoir de retour était
ôté contre la procédure précédente, sauf néanmoins
les droits de Sébastien Varagne qu’ils reconnaissent
entiers. A l’égard des deux autres, ils séparent Antoine
Varagne de Marianne sa sœur.
Antoine Varagne, d ire n t-ils, avait bien interjeté
appel de la sentence<de 1768; mais cet appel avait
été déclaré péri, et la péremption emportait le bien
jugé de cette sentence, et dès-lors de celle du 29
septembre 1766.
Mais les sieurs Roland confondent aujourd’hui ces
sentences, qui avaient un objet très-distinct en 1772.
L a sentence de 1768 n'avait pas pour objet de
faire déclarer les précédentes exécutoires contre les
Varagne , puisqu’elles étaient rendues contre eu x mêmes:; si le mot y fut employé ce n’était que par un
vice de style; car le but très-clair de la demande était
d’obtenir le paiement de 1,246 fr. prix apparent du
�( 2* )
bail à rabais, dont le S.rRoland n'avait pas encore obtenu
de condamnations. On voit en effet parla lecture de la
sentence de 1768, qu’elle ne porte que des condamna
tions pécuniaires, et ne dit pas un mot de la résolutiou.
La sentence de 1772 prononce la péremption de
l ’appel de celle de 1768, et est encore plus étrangère que
toutes les autres à la propriété du domaine de Fleurac;
car, quand la péremption serait irrévocable, l’effet de
la sentence de 1768 ne s’étendrait pas au -d elà des
condamnations qu’elle prononce.
A in si, quand les sentences de 1768 et 1772 auraient
passé en force de chose jugée en 17 7 3 , au moins la
sentence du 29 septembre 1706, la seule qui pronon
çât la résolution de la vente de 1747, était-elle évidem
ment susceptible d’appel en 1773.
Mais si, par impossible, la Cour pouvait considérer
dans la sentence de 1768, une résolution que celte sen
tence ne prononce pas , comme alors celle de 1772 au
rait une plus grande influence, c’est alors le cas d’exa
miner la validité de l'exploit de 1 7 7 1 , sur lequel cette
sentence a été surprise.
Il est démontré que la copie de cet exploit a été souf
flée. La lecture de l’original le prouve. Et en vain les
adversaires ont-ils ouvert une longue discussion surdes
mots écrits 011 ajoutés , on voit clairement que leur
père , ou le rédacteur de l'exploit a eu deux pensées
l ’une après l'autre, et que la deuxième a corrigé la
première ; mais ce n'est là disputer que sur le genre
d’inlidélité ; car l e s adversaires sont obligés d’avouer qu’il
�(
2 3 }
y en a une. L ’huissier au moins n’a pas porté la copie;
l'assigné, qui ne i’a pas reçue, soutient l'exploit nul, et il
l ’est sans difficulté. Si donc il n’y avait pas de demande
en péremption, il n’y avait pas de péremption; alors
l’appel était recevable en 1773. Toute la faveur eut été
pour cet appel, et toute la défaveur pour une péremp
tion extorquée par un faux évident.
Du chef deMarianne Varagne, Antoine eût été, disentils, moins reccvable encore, puisqu’elle avait tout ap
prouvé par le traité du 16 février 1773 , ainsi personne
ne pouvait réclamer pour elle.
Pourquoi donc ses frères n’auraient-ils pas eu d’action
en subrogation légale , si M ari anne avait cédé un droit
litigieux et universel ? Ce tte prétention paraît choquer
les adversaires; mais c’est qu’ils partent toujours de cet te
idée fausse, que leur père avait conservé la propriété
directe du domaine, et alors ils se croient dans l ’ex
ception de la loi exceptis cessionibus quas ¿s qui possidet pro tuiliorie sucî accipit.
Cela est très-bien quand, avec un titre légitime pour
une partie , on possède tout, et que, pour confirmer sa
possession , 011 achette rem necessariam.
Mais quand on n’a que la portion d’un cohéritier par
usurpation, il est clair qu’on ne cherche pas à y rester
pour éviter un procès; mais qu’on se prépare à en sou
tenir un contre les cohéritiers.
Suivant le système des adversaires, et en interprétant
juduïquemenl l’excepliou de la loi, rien ne serait plus
�24
(
)
facile que de l’éluder. L ’acquéreur d’un droit de copro
priété ou d’ ùn droit successif se mettrait d’avance en
possession d’uri objet, et ensuite il en serait quitte pour
dire qu’il est dans l ’exception de la loi, parce que
possidetis, pro tuitione accepct.
Pourquoi encore les frères de Marianne Varagne
Sauraient-ils pas eu une action en retrait; car s’il est
certain que le domaine de Fleurac a resté dans la famille
Varagne, il est clair que Marianne Varagne était pro
priétaire d’une portion , par la règle Le mort saisit le vif.
Mais, disent-ils, un retrait n’a lieu qu’en matière de
vente ou d’acte équipolent à vente.
L ’objection même les condamne; car dès que l’acte
de 1 747 était une vente, Marianne Varagne, propriétaire,
n ’a pu s’en départir que par unacteéquipolent à vente.
En vain oppose-t-on qu’elle a cédé son droit par une
transaction. Une transaction n’est qu’ un acte indéfini
qui admet toutes les espèces de conventions, et qui
dèslors retient elle-même le nom le plus analogue à
son objet principal. Ainsi quand , par l’effet d’une
transaction, l’immeuble d’un contractant passe h un
autre, l ’acte est toujours une vente, puisqu’il en a les
caractères; car la qualité des actes ne doit pas se juger
par les noms qu’on leur donne, mais parleur substance.
Si Marianne Varagne n’avait eu que ju s ad rem> il
est possible que la transaction ne lïit pas considérée
comme une vente, dès qu’elle n’aurait cédé qu’une
simple prétention litigieuse ; mais il est clair qu'elle
avait ju s iti rcy et qu’étaul propriétaire au décès de
son
�25
(
)
son père, aucun acle ne lui avait ôté celle propriété.
Son abandon était donc une vente pure et simple.
Or, sans se jeter dans un long examen sur les cas
où le retrait était admissible, les adversaires ne nie
ront pas qu’en vente d’immeubles il ne fût admissible
au profit d'un frère.
Ils ne nieront pas encore qu’il n’eût été même ad
missible quand Marianne n’aurait abandonné que j u s
ad rem; car il est de principe enseigné par Polluer
d’après Dumoulin, Duplessis et autres auteurs, que la
vente d'un droit réputé pour héritage suffit pour
donner ouverture au retrait.
L e même auteur dit plus clairement à la page pré
cédente, que la créance qu’on a pour se faire livrer
un héritage, est sujette à r e t r a i t si elle est cédée: et
cette doctrine n’est qu’une conséquence du principe
que actio ) qtiœ tendit ad aliquid immobile ; est im
mobiles .
Dans la circonstance sur-tout, et après la conduite
du sieur Roland père , lorsqu’il venait d’y mettre la
de rnière main en ôlanl le patrimoine d’une jeune fille
sous prétexte des dangers d'un procès, il n’est pas
de tribunal qui eût refusé d'admettre un retrait qu’au
rait exercé Antoine ou Sébastien Varagne ; parce que
c’était la voie la plus légitime pour tout rétablir en
son premier état, et qu’il ne s’agissait que d’arrêter
une usurpation.
Mais, objectent encore les adversaires, qu’aurait pu
fane Antoine Varagnep tant pour lui que pour sa,
D
�( 26 )
sœur, quand il aurait pu exercer les droits de l ’un
et de l'autre, et interjeter appel de la sentence de
1*756? cet appel aurait été non recevable au fonds,
parce qu’une résolution prononcée est inattaquable.
Sans doute, une résolution Légale est inattaquable,
et il était inutile de rappeler tout ce que dit sur cette
question M.r Chabrol : car ce n’est pas le principe que
contesteront les V a ra g n e , mais bien l’application, qui
est véritablement choquante sous toutes les faces.
D ’abord M.r Chabrol parle des rentes foncières , et
ici il ne s’agit que de rente constituée.
Il aurait fallu cinq ans d’arrérages dans ce dernier
cas; il eût fallu trois ans, si c’eût été une rente fon
cière. Or , ici il n’y avait que six mois d’arrérages.
Pour que la résolution soit légale , il faut que la
sentence, qui condamne au paiement, porte un délai,
sinon la demeure peut toujours être purgée. L a sen
tence de 1 7
56
n ’en portait aucun.
Ce n’dst qu’après la sentence et le délai que le
bailleur peut se mettre en possession; ici, le vendeur
usurpait depuis trois ans. L e motif de résolution em
ployé par le sieur Holand était même mal-honnete:
loin d’y parler d’un abandon inutile fait par des pu
pilles chassés du domaine, il prenait pour prétexte le
défaut de paiement des arrérages. Il trompait donc
la justice, car il demandait ces arrérages, et cepen
dant il jouissait : il avait ôté par son propre fait aux
mineurs Varague toute possibilité de les payer.
�(
’
r
«
-1
TROISIÈME
L a transaction du
i
3o
)
*
—•
/.
QUESTION.
octobre 1773 éta it-elle une
aliénation des biens des mineurs R oland ?
r
•
,
r
citations des adversaires, pour,montrer qu’on
ne peut vendre sans formalités le bien des mineurs,
ne sont pas plus applicables, que n’est fondé le re
L
es
proche fait à la sénéchaussée d’Auvergne de les avoir
méconnues.
. .1
Il est très-vrai que le tuteur ne peut de gré h gré
et sans nécessité vendre les immeubles de ses mineurs.
Mais ici, c e 'qué cédait le tuteur 11’était pas un im
meuble de ses mineursj et il y avait nécessité.
Ce n’était pas un im m e u b l e des mineurs Roland,
puisque leur père l’avait vendu ; que l’acte de 1747
n’étant pas un bail à rente, il s’était départi, de la
propriété ,utile et directë , puisqu’eùfin il n’ÿ avait
eu ni pu y avoir de résolution valable.
;
Il y avait nécessité, puisque les parties allaient enIrer en procès, et que ce procès ne pouvait pas être
d’une solution difficile.
• -f
Ccir des mineurs dont un seul avait trente-cinq ans,
se plaignant d’un mode d ’usurpation qui eût crié ven
geance, n'avaient pas à craindre une résistance bien
sérieuse.
Quand le faux de l’exploit de 1771 n’eût pas fait
tomber la péreinplion, elle ne sc fûl ra p p o rte qu’à
la sentence de 1768, et le pis-aller eût été de payer
D 2
�( 28} ,..
mal à propos 1,246 fr., si les héritiers Roland avaient
établi avoir employé celle somme. Mais de sa part,
Antoine Varagne aurait eu à répéter les jouissances
de vingt-un ans à dire d’experts.
O r , les adversaires ont prétendu que le domaine
valait o,ooo fr. • et en né fixant les fruits qu’à 1,000 fr.
par an, ils eussent été débiteurs de 21,000 fr.
A la vérité il eût fallu déduire moitié pour la
rente de oo fr. plus les 283 fr. de la sentence de
1 7 5 3 , et si on veut les 1,246 francs; mais, comme
on v o i t , les mineurs Roland auraient toujours été re
liquat aires de 9,000 fr.
3
5
Ils avaient doncplus d’intérêt à traiter que Varagne,
puisqu’ils obtenaient le sacrifice de cette somme, au
lieu de faire'eux-mêmes celui des réparations, comme
ils essayent de le persuader. .
Leur tuteur avait sans difficulté le droit de transiger,
puisqu’il né s’agissait que de terminer un procès. En
vain dirait-011 que ce procès n'était pas commencé 5
car il est de principe que transactco f i t de Lite rnotâ,
aut movendâ.
L ’exposé de la transaction prouve les difficultés qui
allaient naître : au lieu d’assigner et de plaider, on
transigea. .
Si quelque chose devait ajouter à la faveur due à
un acte aussi respectable qu’une transaction, ce serait
de connaître les personnes qui composaient le conseil
do famille, et qui en ont été les auteurs. Car que
Maigne, tuteur, fui ou non un chapelier el un homme
�(
2
9
3
peu intelligent, l’acte n’était pas purement de son fait,
il était le résultat des réflexions d’une famille distin
guée, ¿1 laquelle les adversaires devaient plutôt d e là
reconnaissance que des reproches ; reproches d'ailleurs
d’autant plus aisés à multiplier, que les intimés n’ont
aucun intérêt d'en vérifier la sincérité.
QUATRIÈME
QUESTION.
Les appeians se sont-ils pourvus en tenis utile contre
La transaction ¿/e 1773?
O u i, disent-ils, par deux motifs ; le premier c’est
qu’elle n’a été passée que par notre tuteur; le second
c’est que vous avez retenu les pièces, et que le délai
pour nous pourvoir ne court que de leur remise.
La réponse ¿1 ce premier motif pourrait être ren
voyée h la question suivante, parce qu’au moins les
quittances de 1778 et 1782 ne sont pas du fait du
tuteur; mais pour suivre exactement les moyens des
adversaires, il suffit quanta présent de leur rappeler
ces quittances.
Il est aisé de voir le but de la distinction à faire entre
les actes des mineurs, et ceux de leur tuteur.
Souvent il serait injuste de les déclarer non recevables
après 10 ans, à l’égard de ces derniers actes, parce que
peut-être ils en auraient ignoré l’existence; et la pres
cription n’est qu'une peine imposée par la loi ¿1 celui
qui néglige d’agir.
Mais toutes les fois qu il est certain que le mineur a
�( 30 )
connu l'acte , toutes les lois sur-tout rqu'il l’a adôplé ,
c ’est alors que le fait du tuteur étant le sien, le mi
neur a à s’imputer de ne pas se pourvoir.
- Or, par cela seul que le sieur Israël Roland, hériiier deTson père, a connu et adopté en 1778 l ’acte de
1 7 7 3 , et sans examiner reflet de son approbation, il
a dû se pourvoir.
Comme, dès 1778, il connaissait la date de ce traité
de 1773, il devait savoir qu'à supposer qu’il eût droit
de l’attaquer, il ne le pouvait que jusqu’en 1783, parce
qu’il se l ’était approprié; cependant il n’a formé de
mande qu'en 1788.
Alors non-seulement il y avait plus de dix ans de*
puis le traité de 1773, mais le sieur Israël Roland avait
plus de trente-cinq ans.
L e deuxième moyen des adversaires sur cette ques
tion annonce l'embarras d’en proposer de meilleurs;
C a r , contre^quel acte devaient-ils se po u rv o ir ?
Est-ce contre la transaction? Est-ce contre les pièces
y visées ?
Sans doute ce n’est pas contre les sentences y énon*
cées, puisqu'ilsenexcipent. C ’est donccontrela transac
tion; mais ils n'articulent pas sans doute que Varagne
l'ait retenue.
A vec un système comme celui qu’ils hasardent, il
faudrait dire que tout traité d’après lequel on aura
remis des pièces à une partie (ce qui arrive tous les
jours) sera attaquable à perpét uité; et, comme dit Du^
moulin pour les choses précaires, eUa-niper mille antios,
�(
3 1 7
D ’abord les adversaires pouvaient très-bien voir dans
la transaction , que leur père avait vendu un domaine,
et l’avait ôté ensuite à des mineurs par abus de leur
faiblesse, mais que ces mineurs l'avaient repris ; c'était
là tout le secret des pièces remises à Varagne.
Or, comme la transaction n’était pas retenue, si
les adversaires voulaient se pourvoir, rien ne les en
empêchait; et alors, comme aujourd’hui, ils auraient
redemandé toutes ces pièces., qu’on ne leur cache pas.
Outre la faiblesse de ce moyen, il n’a de prétexte
que la mauvaise foi; car les adversaires ont prétendu
que les sentences de novembre 1756 et de 1772 n’é
taient pas énoncées dans le traité, de 1773, de même
que le traité du 16 février, pour leur en- cacher l’exis
tence. Cette allégation leur a même paru si impor
tante qu'ils y ont employé les pages 7 , 8 , 49, 5o, 53
et 54 de leur mémoire.
L ’omission supposée de la sentence de novembre
1756 n'est qu'une misérable équivoque. La sentence
de novembre 1756 était au moins visée et énoncée
dans celle de 1768 , puisque les adversaires préten
dent que celle dernière renouvelait en entier celle
de 1756.
En second lieu , on voit à la fin des dires de V a
ragne au traité, que parmi ses moyens contre la pro
cédure il disait qu’il était recevable à lenir les encragemens de son père
que l a
sentence
dans
La c i r c o n s t a n c e s u r - t o u t
qui or d o nn e
la
Ré s o l u t i o n
jde
�3
( a )
LA v e n t e n’enlève cette faculté qu’après o ans, etc.
Or , où est donc cet le sentence, si ce n’est celle
du 29 novembre i y
?
^
3
56
On n’a donc pas caché aux mineurs qu’il existait
une sentence prononçant une résolution.
Quant à la sentence de 1772 , l’équivoque est en
core plus sensible ; on nous a c a ch é , disent les adver
saires, qu’il y eût une sentence prononçant la péremp
tion (pag. 8 et 9).
Mais , en parlant de la sentence.de 1768 , on ajoute
que Varagne s3était rendu appelant, mais que la sen
tence avait passé en force de chose jugée comme n ayant
pas fa it diligence sur son appel pendant trois ans con
sécutifs.
N ’est-ce donc pas se faire des moyens de tout que
de ne pas voir là le synonime d’une péremption ; et
que les expressions ci-dessus expliquaient môme mieux
le droit des mineurs: dès-lors on ne voulail pas écarter
ce qui leur aurait donné trop de lumières.
Enfin à l’égard du traité avec Marianne Varagne,
comment les adversaires ont-ils encore osé dire qu’on
le leur avait caché.
L a transaction porte que le sieur R o la n d , par acte
!»
(
#
reçu V alette, notaire, Le 16 février dernier, contrôlé
le 2 , a réglé avec Marianne Varagne, sœur dudit
jinloine.
Plus loin, Antoine dit qu’à l’égard de Facto passé
avec
5
1
�33
(
)
Marianne Varagne, il était dans le cas de demander
La subrogation.
L ’acte est donc énoncé, visé et daté. L e règlement
avec la sœur ne*peut supposer qu’une cession de sa
part, puisque le frère veut s’y faire subroger.
Ainsi les adversaires sont obligés d’en imposer à la
Cour pour se rendre favorables, et il est de la plus
grande évidence que rien ne s’opposait à ce qu’ils ré
clamassent dans les dix ans contre le traité-de 1 7 7 3 ,
s’ils cro}raient y être recevables, ce qui va être enfin
examiné.
C I N Q TJIEJVEE
QUESTION.
L es quittances de 1778 et 1782 produisent-eLLes une
J in de non recevoir contre La demande?
P
ie r r e -Isra el
R
oland
venait d’être élu héritier
universel de son père en 1777 ^lorsqu’il reçut le prix de
la vente de 1747, en vertu de la transaction de 1773.
Si l’ouverture de la succession 11’était pas en droit
écrit, au moins le domaine de F le uracy était-il situé5
Israël Roland était donc seul maître du procès y re
latif. D ’ailleurs , en coutume comme en droit écrit,
les légataires sont les maîtres d’accepter le legs porté
parle testament; or, le sieur Roland ne s’est pas mis
en peine d’établir que ses frères et sœurs aient répudié
leur legs pour réclamer leur légitime, quoiqu’on lui
ait fait souvent cette interpellation.
•Antoine Vuragnc ne pouvait donc s’adresser qu’à
E
�3
( 4 )
lui seul pour p a y e r , et la Cour a bien remarqué que
le sieur Israël Roland agissait aussi comme seul héritier
puisqu’il reçut la première fois tout le terme échu, et
la seconde fois la totalité aussi des quatre termes restans.
Mais , dit le sieur Roland, forcé par la conséquence
de son propre f a i t , l'approbation d’un acte nul ne le
valide pas, parce que qui cotifirmat nihil dat d’après
Dumoulin , en second lieu je serais relevé comme
mineur initio inspecte, puisque^ l’acte étant commencé
pendant ma minorité; ce que j ’ai fait en majorité n'en
est qu’ une suite.
La première objection n?est fondée que sur des prin
cipes absolument inapplicables. L e passage de Dumou
lin ne s'applique qu’aux actes radicalement nuls, et
lion à ceux simplement sujets à restitution.
Or, ce serait pour la première fois qu’on soutien
drait que la transaction faite par un tuteur, m ê m e a v e c
aliénation, fût nulle d'une nullité radicale, et ne fût
pas susceptible d’une simple ratification de la part du
mineur devenu majeur.
Au lieu de citer la loi si sine decreto qui ne peut
s’appliquer que par argument à contrario, les adver
saires eussent dû voir la loi 10 au if. de rebus eoru/n
qui sub lu tela sunt sone decreto non aUenandts , dont
la disposition expresse décide î:i difficulté dans les plus
fort.s termes. Car après avoir prohibé les ventes’du bien
des pupilles, (ailes sans décret du juge, cette loi dit
que si néanmoins le tuteur en a employé le prix dans.
�(
3 5 }
son com pte,et que le mineur l’ait reçu en majorité, il
ne peut plus revendiquer l ’héritage vendu. Prœdio pupiU illicite venundato , œstimatione solutâi vindicatio
prœdii ex œquitate inkibctur. A quoi la glose ajoute non
tam aspere tractanclum est ju s prokibitœ alienationis
prœdiorum pupilariorum , ut et solutâ œstimatione ci
tu tore in eniptorem pupilus summo jure experiatur.
• A plus forte raison quand le mineur reçoit directe
ment le prix du débiteur lui-même , e t , comme le dit
le profond Voétius sur la même loi , ’le paiement, même
la demande, même encore la simple approbation du
prix après la majorité empêchent la réclamation. Si
sine decreto alienata ponerentur tninoris bona , tune
¿mm subsecuta post majorennitatem impletarri solutio,
çeL exa ctio, vel petitio , veL acceptatio œstim ationis,
necessariam tacitœ ratihabiùonis inducit conjecturant.
Userait difficile de rien ajouter à des autorités aussi
claires, et c’est d’ailleurs un principe universellement
reconnu que l’on approuve une vente quand on en
reçoit le prix.
D ’après cela il est inutile de peser les expressions
employées dans les quittances de 1778 et 1782, puis
qu’il ne s’agissait pas de confirmer un acte radicale
ment nul. D ’ailleurs, en lisant les quittances, on ne
peut pas douter que le sieur Roland ne connût la
transaction aussi bien que Varagne, puisqu’il savait le
«montant de chaque terme, leur échéance, et ce qui
restait à payer. Il Scivait que c était pour le domaine
•d,e Fleurac, et il savait encore que ce domaine prove-
�36
(
)
nait de ses auteurs. Son consentement à recevoir le
prix d’un domaine transmis par ses auteurs à Varagne
aurait donc valu seul une vente nouvelle, car on y
trouve res, consensus et pretium. Ajoutons que c’était
un avocat qui traitait avec un cultivateur.
L e second moyen des adversaires est tiré du para
graphe scio qui , comme le dit Lebrun , a fait errer
plus de jurisconsultes que la mer n’a égaré de pilotes.
Mais cette loi a aujourd’hui un sens bien déterminé,
et n'égare que ceux qui veulent lutter contre la ju
risprudence.
L e mineur, qui a imprudemment accepté une suc
cession à la veille de sa majorité,, ne renonce pas tou
jours aussitôt qu’il est majeur; et comme chaque jour en
ce cas il continue de faire acte d’héritier , la loi examine
si ces actes ne sont qu'une suite de ce qu’il a com
mencé en minorité , et alors elle l ’en relève.
La difficulté de distinguer la nature de ces actes
donne lieu à tous les majeurs, qui se trouvent dans
ce cas, de prétendre que ce qu’ils ont fait est une
suite de la première immixtion. Maison examine tou
jours si le mineur était obligé de faire l’acte nouveau,
ou s’il pouvait s'en empêcher.
« Car, si le mineur, dit Lebrun, pouvait
» de mettre la dernière main à l’afíaire ;
« après favoir achevée en m a j o r i t é , il ne
(f cire relevé. »
Les adversaires s’emparent d’une partie
s'exempter
en ce cas,
pourra pas
de ce pas-
�. (
37
)
sage, et disent aussitôt que la transaction était com
plète pendant leur minorité, et que Lebrun à été mal
appliqué.
: ;
Mais un peu plus loin ils eussent trouvé que L e
brun lai-même enseigne que le cas seul où le nouvel
acle ne produit pas une fin de non recevoir, est seu
lement quand ce nouvel acle a une conséquence né
cessaire avec ce qui s’est fait en minorité , et préci
sément Lebrun prend pour exemple quand L’affaire
ayant été a c c o m p l i e en minorité
jorité par quelque nouvel acte.
se
confirme en ma
Remarquons que pour employer ce m o y e n , les
adversaires s’approprieni la transaction de 1773, comme
étant de leur fait par le moyen de leur tuteur, el c’est
de leur part une inconséquence qui marque assez leur
embarras.
D ’ailleurs, en quelque'position qu’ils se placent, ils
ne peuvent invoquer Yinitio inspecto, puisque les quit
tances ne sont certes pas une suite nécessaire d’un acte
qu'ils disent nul, et sur-tout d’un acte qui n’était pas
de leur propre fait.
JSec silentio prœtermittendum, dit encore Voetius sur
le même titre (tu digeste, alietiatiqnes illas, quce i n i t i o
inspecto
nullœ erant, tanquam .contra senatusconsultum factce, subindè est post/ado confirmari posse
prœsertlm si minor j a m major fa ctu s alienationem
ratam lia buer it , sive expresse s i p ^e t a c i t e .
La question de Yinitio' inspecto s’est présentée de
�(
38
)
vant la Cour dans une espèce biçn plus favorable pour
le réclamant. Un mineur ayant fait acte d'héritier
était poursuivi pour une rente ; à peine majeur ( de
21 ans seulement) le créancier lui fit faire une rati
fication. II se pourvut presqu'aussilôt après, et fit va
loir son ignorance absolue des forces de la succession,
ayant eu un tuteur encore comptable, et il exposa que
l ’adition d’hérédité emportait nécessairement le devoir
de payer les rentes; mais par arrêt du 4 floréal an 10,
la Cour proscrivit sa prétention, attendu que sa rati
fication n’était pas une suite nécessaire de l’aditioft
d’hérédité.
Les adversaires ne se dissimulent pas la faiblesse de
leurs moyens contre la fin de non recevoir , et en
désespoir de cause ils observent que la dame Gros ne
peut en être victime, n’ayant pas donné ces quit tances,
D é j à les V ara gne ont répondu à ce m o y e n par le
défi d’établir qu’aucun des puînés Roland ait répudié
le legs du .testament de leur père pour demander leur
légitime. Une autre réponse va se trouver dans un
arrêt de la Cour de cassation.
En 1791 , Marie Eordenave fille aînée, avait été
instituée héritière par le testament de sa mère.
Elle vendit un domaine en minorité en 179 3, en
Vertu d’autorisation; et après des oilres réelles, elle
reçut partie du prix en majorité.
Elle demanda la nullité en l’an 4 > e l ses sœurs so
�9
‘( 3 >)
.
joignirent à elle. L e tribunal de 'Pau avait adjugé la
demande; mais, sur l’appel, celui des Hautes-Pyrénées
avait déclaré Marie Bordenave non recevable'à cause
de sa quittance, et ses sœurs aussi non recevablesparce
qu’elles pouvaient réclamer leurs droits sur1 lei' Autres
biens.
*
.r
:
Ai *’
Sur le pourvoi des trois sœursj la Cour de cassation
a rejeté la demande par arrêt du 4 thermidor an 9,
par ce' seul motif qui embrasse tout : « Attendu que
« Marie Bordenave , héritière( universelle , a ratifié la« dite vente par la quittance qu’elléla donnée en ma" jorité, de la portion qui restait à payer à l’époque à
, « laquelle elle est devenue majeure.«
Il
semble que ce motif soit fait exprès pour la cause ;
la fin de non recevoir des deux adversaires y est écrite,
sans qu’il soit besoin d’y changer un seul mot.
Les fins de non recevoir sont souvent odieuses parce
qu’elles tendent h priver une partie d’user de son droit.
Mais ici, il est difficile d’en proposer une plus favorable ;
car elle n’a pas pour but de priver le sieur Roland de
ses moyens au fonds, mais bien de l’empêcher lui-même
.d^opposer d’autres lins de non recevoir plus odieuses.
Ce 11 est pas que tous ses arrière-moyens fussent très
¿1 craindre, parce que son père , trop pressé d’usurper
n ’a rien fait de bon; mais il est toujours agréable de
vaincre un adversaire avec ses propres armes, et de
neutraliser une injuste attaque. A u reste le’moyen pria-
�4
( ° )
cipal de la cause n’est pas une simple fin de non re
cevoir et n’en a que le nom. Car le procès a été éteint
par une transaction ; le sieur Roland en l'adoptant a
voulu aussi éteindre le procès, et a véritablement fait
une transaction nouvelle, contre laquelle il ne doit pas
être admis à se pourvoir.
M .r T I O L I E R , Rapporteur.
M .e D E L A P C H I E R , Avocat.
M .e T A R D I F , Licencié-Avoué.
A
RIOM,
P e rimprimerie du Palais , chez J. - C. S
a l l e s
#
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Title
A name given to the resource
[Factum. Varagne, Antoine. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Tiolier
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
abus de tutelle
conseils de famille
fraudes
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Antoine Varagne, et autres ; intimés ; contre Pierre-Israël Roland, Toinette-Gabrielle Roland, et le sieur Gros son mari, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1747-Circa An 13
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0409
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0741
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conseils de famille
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PDF Text
Text
M É M O I R E
POUR
ANNE NAZO,
V E U V E DU GÉNÉRAL DESTAING,
CONTRE
LES HÉRITIERS DESTAING.
A RIOM,
D e l ’I mfrimeme du P a l a is , chez J.-C. SALLES.
A v r i l i 8ii.
�MÉMOIRE
POUR
Anne
N A Z O , veuve de J a c q u e s - Z a c h a r i e
D E S T A I N G , général de d iv isio n ,
en son n o m ,
et com m e tutrice de M a r i a D E S T A I N G , sa
fille , intimée;
CONTRE
Les sieurs et demoiselle D E S T A I N G
,
appelants.
L ocuti sunt adversùm me linguâ dolosâ , et sermonibus
odii circumdederunt m e, et expugnaverunt me gratis .......
E t posuerunt adversùm me mala pro bonis , et odium pro
dilectiotie med Ps. 108.
Uen Egyptienne, jetée hors de sa patrie par un concours
d événemens que toute la prévoyance humaine n’aurait pu maî
triser ni prévoir, plaide depuis huit ans pour conserver un nom
qui lui fut donné avec solennité sur les rives du N il, et qu’elle
a toujours porté avec honneur.
�( 2 )
Tout ce que la capitale de l’Egypte avait d’illustre , fut le
témoin de son mariage. Les fêtes qui l’accompagnèrent sont
restées dans la mémoirede tous les héros de l’armée d’Orient,
qui l’attestent : PEmpereur lui-même, convaincu de la réalité
de ce mariage, fit donner une pension à la veuve d’un général
qu’il avait estimé. La famille Destaing, plus convaincue que
personne, et plus intéressée à l’être, s’était fait un devoir d’ap
peler, d’accueillir, de présenter aux liabitans de leur ville cette
femme malheureuse, comme flattée de lui appartenir.
A insi, du moins, cette étrangère qui n’ aborda les rivages de
France que pour apprendre la mort de son époux, avait la con
solation d’exhaler sa douleur parmi ceux qui avaient à pleurer
une perte commune. Sa fille j née au milieu des tempêtes de la
m er, se tr o u v a it dans un asile assuré au sein d’une lamille qui
désormais était la s ien n e . T e l l e fut la situation de la dame
Destaing, pendant une année, après la mort de son mari. Tout
ce que les lois de France prescrivent pour rattacher une orphe
line à ceux sous la protection desquels elle est placée, fut exécuté
par la famille Destaing, comme si la providence avait voulu lui
ôter les moyens d’être injuste; et déjà à Aurillac, comme au
Caire , une n o t o r ié té h o n o r a b l e a s s ig n a it dans la société, à M a
dame Destaing et à sa fille, le rang auquel elles avaient droit de
prétendre.
Quel démon jaloux a troublé cette harmonie, et a pu réduire
la dame Destaing à chercher les preuves de son état, après en
avoir eu la possession légitime aussi publiquement et sans effort?
Quel événement inopiné a transformé tout d’un coup une famille
douce et hospitalière en une horde d’ennemis acharnés, cherchant
d ’équivoques calomnies jusque dans le secret d’une correspon
dance tronquée, outrageant la mémoire de celui qui illustra leur
nom, et disputant avec mauvaise foi contre tous les signes de
vérité qui les confondent ?
L ’or! cette divinité des nations, a brillé aux yeux des héritiers
Destaing. La succession du général leur a semblé une proie qu’il
�3
.
(
)
fallait disputer avec une opinicitre constance; et dès cet instant
sa veuve et sa fille ne leur ont semblé que deux êtres importuns ,
qu’il fallait rejeter et méconnaître.
A lo rs, par une brusque inconséquence, la dame Destaing
présentée à une ville entière comme une sœur; son enfant placé
dans tous les registres d'Aurillac , comme héritière légitime du
général, n’ont plus été que des aventurières inconnues, introduiles par une astuce criminelle dans une famille étrangère.
Ce n’était point assez, pour une femme faible et sans défense,
d’avoir pour elle l’opinion publique et la conscience de la vérité.
Que peut la vérité contre une calomnie soutenue avec éclat et
persévérance? Le vulgaire, qui aime le merveilleux, commence
à douter, aussitôt que des fables injurieuses ont été préparées
pour donner à sa curiosité un autre aliment.
Mais Ce n’est point au tribunal de l’opinion que d’aussi grands
intérêts sont soumis ; la dame Destaing est placée sous l’égide
des lois; et si elle est forcée de gémir des lenteurs de la justice,
du moins elle pourra se féliciter de ce que toutes les formules
exigées d’elle ne laisseront aucun léger doute aux esprits les plus
incrédules.
Cependant la dame Destaing n’a nullement le projet de se
renfermer dans des moyens judiciaires, et de dédaigner l’opinion
qu’on peut avoir d’elle; il lui importe, plus qu’à-personne, de
donner de la publicité à sa conduite, et de proclamer les témoi
gnages honorables de ceux qui ont été à portée de la juger. Elle
veut de l’estime; et rien, dans ses actions, ne lui a ôté le droit
d’en obtenir.
F A IT S .
Tous les faits de cette cause sont liés aux grands événemens
de l’histoire.
Une armée de héros, une colonie de sa vans allèrent en l’an 6
porter en Egypte la gloire du nom Français.
On se souvient de la rapidité de cette conquête. Alexandrie
�(4
\
fut prise d’assaut le lendemain même du débarquement. Les
Mamelouks furent vaincus dès leur première apparition , et la
capitale ouvrit ses portes^ l ’armée victorieuse.
Cette armée n’était point au Caire comme dans une ville con
quise. Son premier élablissement fut rinstitut des sciences et
arts, chargé de donner des plans d’amélioration pour les canaux
du Nil, r'agriculture et le commerce.
Cependant les héritiers Destaing, ramenant tout à leur idée
dominante, ne veulent voir dans les chefs de cette armée, que
des conquérans licencieux, qui, comme dans un vaste sérail,
appelaient à eux toutes les victimes qu’il leur plaisait de choisir,
ou plutôt n’avaient qu’à attendre celles que les pères de famille
eux-mêmes venaient leur présenter, par politesse et pour prix de
la victoire.
Laissons cette atroce calomnie à la réflexion des lecteurs in
formés des usages de l’Orient, et poursuivons un récit plus véri
dique.
Quoique le but de l’expédition d’Egypte fût caché dans ces
vastes conceptions qu’il n’appartient pas au vulgaire de péné
trer, tout prouve que le premier projet du grand homme était la
fondation d’une Colonie française. Au reste, l’établissement de
l ’ a r m é e e n E g y p t e d e v i n t b ie n tô t u n e nécessité. L e m a l h e u r e u x
d’Aboukir, et la perte de la flotte achevèrent d’ôter aux
Français débarqués tout espoir prochain de retour.
com bat
Il fallut donc tourner toutes ses idées vers cette terre étran
gère , s’y créer un centre d’affection, s’y faire une patrie.
E t, certes, voilà quelle a dû être, quelle a été en effet la dis
position des esprits, ubi benè, ibi patria : rien n’est plus fran
çais que cette maxime; et bientôt les vainqueurs de l'Egypte se
regardèrent comme naturalisés sur les bords du Nil.
L e mariage seul pouvait resserrer les liens entre les deux na
tions. Les généraux français en donnèrent le premier exemple;
ils devaient ce gage à la confiance qu’ils voulaient inspirer. Ce
pendant ils surent allier à leurs vues politiques les combinaisons
�¿l’intérêt que les chances de l’avenir ne leur permettaient pas
d’abandonner.
L e général en chef Menou épousa une jeune et riche musul
mane, fille du maître des bains d’Alexandrie. Les généraux Lantin , Delzons et Bonnecarrère épousèrent des filles de négocians
établis à Rosette; plusieurs autres généraux et militaires français
suivirent cet exemple.
Les pères de famille d’Egypte n’étaient donc pas différens
de ceux des autres régions. Ils attachaient de importance au
mariage de leurs filles ; ils veillaient à leur bonheur et ne les
1
prostituaient pas.
Joanni Nazo, ancien officier au service de Russie, et élu com
mandant du bataillon des Grecs par le général de l ’armée
française, avait, à cause de ses fonctions, des relations habituelles
avec le général Destaing, q u i, de la province de Cathié, ou il
fut envoyé d’abord, vint commander la ville du Caire.
S o p h i e M i s c k , é p o u s e d e J o a n n i N a z o , a v a i t , d ’ un p r e m i e r
m a r i a g e , d e u x f i l l e s , d o n t l ’a în é e ( A n n e ) a v a i t d ix -s e p t a n s.
Le général Destaing demanda la main d’Anne Nazo ( née
Trisoglow * ) ; il l’obtint, et regarda cette alliance comme un
grand avantage. Joanni Nazo avait alors beaucoup de fortune.
Il n’était pas, comme les héritiers Destaing se sont plu à le
dire, un marchand d’ea u -d e -v ie; Nazo était fermier-général
des droits imposés par le Grand-Seigneur sur les liqueurs spiritueüses de tout genre : on sait que les Musulmans, à qui lekoran
les défend, ne font en Egypte que la moindre parlie de la p o p u
lation. Tous les c o m m e r c e s y sont au pair, et les rangs ne s’y me
surent que par la fortune. Il faut bien dire tout cela aux héritiers
Destaing, pour qu’ils cessent leurs railleries amères contre une
famille à laquelle en Egypte on accordait quelque distinction, et
qu’ils soient soulagés du moins du poids d’une mésalliance.
*
En Egypte, le second mari donne son nom aux eufans de sa femme,
en sigue de la puissance paternelle qu’il a sur eux.
1
\
�( 6 )
A n n e N a zo , promise au général Destaîng, fut conduite par
sa famille clans l’église grecque de Saint-Nicolas , où elle fut
reçue par le patriarche, qui daigna lui-même se charger de la
célébration.
On demande, depuis huit ans, à une jeune épouse, dans
quelle forme légale fut constatée cette cérémonie, et si les
prêtres de sa religion tiennent des registres publics. Quelle est
l'européenne qui, ayant eu toute l’instruction et toute la liberté
dont d’autres mœurs ont privé les femmes de l’Orient, serait bien
en état de rendre compte de l’observation des formes légales qui
ont accompagné son mariage? Sans doute la dame Destaing a
conservé le souvenir de la cérémonie auguste de l’église. La
couronne sacrée mise sur sa tête , la bénédiction et l ’échange
des anneaux, les paroles saintes du patriarche qui demandait en
vain a Dieu, pour les époux , une longue suite d’années : tout
cela s’est gravé dans sa mémoire ; et elle sait très-bien cju’il n’y
a point eu d’autres formalités.
Accompagnée par sa famille et par ses esclaves dans la maison
du général, elle fut présentée par lui au général en chef et à un
grand nombre de convives distingués, appelés au repas nuptial
et à un bal européen. Mais après ce premier hommage aux
mœurs françaises, tout r e n t r a d a n s l ’o r d r e a c c o u t u m é , et s a u f
quelques exceptions, le général Destaing se conforma dans l’in
térieur de son ménage aux habitudes égyptiennes.
Ainsi se passèrent plusieurs mois dans le calme et sans événemens. Bientôt des révoltes fomentées par les Mamelouks,
donnèrent aux épouses des généraux français de vives et justes
alarmes. C ’est alors que leur tendresse inquiète veillait à préserver
du danger ceux qui n’étaient plus pour elles des étrangers et des
usurpateurs, mais des époux et des frères.
Peu de tems après, on apprit qu’une armée ottomane s’avançnit vers la Syrie, tandis qu’une îlot le anglaise entrait dans la
Méditéranée.
Les Français allèrent sur-le-champ attaquer ces armées jusque
�7
(
)
dans leurs retranchemens; mai§ que peut la valeur contre le
nombre? Séparés en forces inégales, les généraux français ne
voulurent se confier qu’en leur courage, et ne recevoir aucune
loi du vainqueur.
La dame Destaing a v a i t conjuré son époux de lui apprendre
le succès de ses armes. Blessé grièvement et enfermé dans la
place d’Alexandrie, le général ne put écrire lui-même; mais il
fit donner de ses nouvelles à la dame Destaing, par un arabe,
son domeslique, pour la rassurer sur 1 état de sa blessure.
La dame Destaing était alors a la citadelle du Caire, ou le
général Béliard, qui y commandait, avait fait préparer des logemens pour les épouses des généraux français , et celles de
quelques officiers de marque, parce que les armées ennemies
étaient aux portes du'Caire.
Trois lettres arabes furent adressées à. la dame Destaing, à la
citadelle du Caire*. Les héritiers Destaing n’ont pu les attaquer
que du côté du style , qui, certes-, n’est pas académique .- niais
aurait-on cru que les formules épistolaires de France fussent
d’obligation pour les nations étrangères, et pour un domestique?
Aussitôt que le général put tenir la plum e, il écrivit lui-même
à son épouse, dans une langue que son oreille entendait moins
aisément, peut-être, mais.que son cœur sentait bien mieux.
« A lexand rie, le i
5 prairial an 9.
« I l y a long-tems, ma chère am ie, que je 11'ai pas de tes
« nouvelles ; je désire que tu te portes aussi bien que moi.
*
Ces lettres ont pour adresse : à M adam e A n n e , fem m e Destaing.
Elles sont datées, l’ une du mois doul hadeh ,P a u tre du mois doui hid.jeh. ,
de. l’année I2i5 de l’hégire, répondant aux mois de germinal et floréal
an 9. Il n’y est question que de la blessure du général Destaing, d’assu
rance de revenir bientôt, et de complimens pour Joanni Nazo. Elles sont
jointes aux pièces avec la traduction de M. Sylvestre de Sacy, professeur
de langues arabe et persaue, et membre de l’Iostitut.
�( 8
?
« J o a n n i, qui est chez le général B élia rd , devrait savoir »
« quand il part des détachemens pour A lexa n d rie, et en proa filer pour nCenvoyer des lettres. Cependant, il ne Va pas
« fa it la dernière fois : il fa u t le gronder de ma part, pour
« qu 'il soit plus exact à Tavenir. On m'a dit que tu étais
« grosse; j e suis étonné que tu ne m’en aies rien écrit : éclaircis
« mon doute à cet égard. Sois assurée que j e t'aime toujours,
a et qu’il me tarde beaucoup de te revoir. E n attendant, je
« t'embrasse, ainsi que ta mère et ta sœur, sans oublier la
« bonne vieille. Le général D e s t a i n g ».
Cette lettre , la seule* que le hasard ait fait conserver à la
dame Destaing, semble réunir en elle les rapports de sa fai mille entière avec son époux ; elle est restée comme un monu
ment , pour confondre les calomnies principales des héritiers
Destaing, et leur prouver qu’ils se mentent à eux-mêmes quand
ils feignent de croire que le général n’avait jamais cru a v o i r
avec une jeune grecque que ce qu’il leur plaît de nommer,
dans leurs idées licencieuses, un arrangement oriental.
L e siège du Caire fut prolongé pendant plus de trois mois;
enfin le général Béliard capitula avec le major Hutkinson, en
messidor an 9. Un article portait , que l’armée anglaise fourni
rait des vaisseaux de transport pour 'conduire à Marseille les
Français et ceux déjà attachés à leur fortune. Les dames reti
rées à la citadelle avaient la faculté de rentrer dans la ville du
Caire.
Mais le général en chef Menou ne voulut point ratifier cette
capitulation ; les portes de la ville restèrent fermées, les per
sonnes comprises dans la capitulation, la garde d’honneur choisie
pour leur escorte, la dame Menou elle-même, furent obligées
de continuer leur route jusqu’à Alexandrie. L à , le général Des
taing, craignant encore pour son épouse les dangers d’une ville
assiégée, lui donna ordre de se rendre en France, où il devait
incessamment la rejoindre.
Joanni Nazo , compris comme commandant de la légion
grecque,
�9
(
)
grecque, dans la capitulation du Caire, devait partir avec la
dame Destaing et le reste de sa famille. Le général leur écrivit
de l’attendre à Marseille, ainsi que nous l’apprennent les héritiers
Destaing.
Un vaisseau grec ( le Saint-Jean), dans le plus mauvais état,
se trouvait dans la rade d’Aboukir pour recevoir cette famille
et son escorte. Plusieurs autres Egyptiens s’y jettèrent pour ne
pas retomber sous la domination musulmane.
Tout ce que les relations de voyages ont recueilli de con
trariétés et de périls était destiné à ce frêle navire. Incapable de
résister à la moindre agression des pirates de l’A rchip el, hors
d’état de tenir la mer sans des réparations urgentes et considé
rables} il ne se mit en route que pour louvoyer d’îles en îles,
poursuivi par des corsaires, et assailli par des tempêtes.
Un long séjour dans l’île de Pathmos fut nécessaire pour
radouber le vaisseau. L a dame Destaing, extrêmement souf
frante , croyait s’y reposer et attendre l'époque de ses couches.
~ M ais, tout à coup , on fut a v e r t i du danger que couraient
des Français et des Grecs d’être la proie des Turcs en croisière
dans cette mer. On leva l’ancre à l’instant : mais après un long
trajet, le vaisseau fut repoussé jusqu’à l’île de Céphalonie, qu’il
avail déjà dépassée. C’est là que la dame Destaing accoucha à
bord. Un prêtre grec, desservant une chapelle voisine du rivage^
baptisa l’enfant sous le nom de Maria d’Estaing, tenue, sur les
fonds baptismaux, par Sophie Misck, sa grand’mère, et par le
sieur Nassilïi, officier de l ’ e s c o r t e .
Deux jours après, le tems propice permit de remettre à la
voile : mais une autre tempête attendait le vaisseau dans le
canal de Messine; rejeté en arrière de o lieues dans la mer '•
Ionienne, il parvint à un port de la Calabre , d’où, après de
nouveaux dangers , dont il serait minutieux de donner le détail,
et forcé de changer de route, il aborda à Tarente, dans le gou
vernement de M. le général Soult (aujourd’hui maréchal de
Empire et duc de Dalmatie ).
•
5
1
3
�( 10 )
C ’est ainsi qu’ une famille malheureuse, jouet des vicissitudes
de.la terre et de la mer, errait de plages en plages pendant six:
mois entiers. Eniin elle était sous la protection française; et dès
cet instant il y eut une trêve à ses malheurs.
M. le général Soult, iniormé de l’arrivée <lu vaisseau , et
de la qualité des passagers, eut la bonté d’offrir lui-m êm e à
Madame Destaing, de la part de son épouse, tout ce qui pouvait
être nécessaire à sa santé et aux agrémens de son séjour.
Les lois maritimes exigeant de tous les vaisseaux une quaran
taine, M. le général était obligé d’abord de borner ses attentions à
de simples offres de services. Il écrivit au capitaine du vaisseau,
le 22 frimaire an 10.......... « V eu illez, je vous prie, renouveler
à madame Destaing les offres de services que mon épouse et
moi lui faisons de tous les secours qui pourraient lui être né
cessaires y elle nous obligera infiniment dûen disposer. SouLT».'
Qui donc avait pu informer M. le g é n é r a l Soult du nom de
la dame Deslaing, et l’intéresser à elle? le voici : Pendant cette
longue et périlleuse traversée du vaisseau le St.-Jean, l’arméefrançaise avait évacué Alexandrie ; les généraux Menou et Destaing
avaient fait voile pour Marseille, où depuis long-tems ils croyaient
leurs épouses arrivées ; dans leur route ils s’informaient de la
destinée de ce v a i s s e a u ; il paraît m ê m e q u ’ils é c r i v ir e n t à M. le
général Soult, et voilà ce^qui valait à madame Destaing des at
tentions aussi flatteuses.
M. le général Soult ne s’en tint pas à des offres ; il insista
pour que Madame Destaing allât se rétablir dans sa maison de
campagne, et l’invita ensuite à habiter son propre palais.
Après un mois de séjour, Madame Destaing, remise de ses
souffrances, voulut partir de Tarente, mais en marquant une
grande répugnance pour continuer son voyage par la Méditéranée.
M. le général Soult porta la bonté jusqu’à lui tracer, lui-même,
une route pour aller par terre jusqu’au premier port de son
gouvernement, de là traverser l’Adriatique, et continuer par
terre d’Ancone à Lyon.
�( v u ) .
Tout cela s’exécula de point en point, et sans le plus léger
accident. M. le général Soult voulut encore donner sa voiture
à Madame Deslaing jusqu’au port de Barletta. Il lit chercher
une nourrice pour sa fille, et chargea M. Desbrosses, officier
français, de raccompagner jusqu’à Lyon.
Voilà comment et sous quels auspices est venue en France
celle que les héritiers Deslaing accablent de dédains et d’op
probres.
Madame Destaing s’arrêta quelques jours à Lyon pour se
reposer et attendre des nouvelles de son mari. Joanni Nazo partit
sur-le-champ pour aller le joindre à Paris.
On peut se représenter l’impatience d’une jeune.épouse de
* retrouver celui pour, qui elle s’était exposée à tant de périls.
Hélas! il -était dans sa destinée de ne plus le revoir. Joanni
n’était arrivé à Paris que pour être en quelque sorte le témoin
du convoi de son meilleur ami.
L ’a c c u e i l a f f e c t u e u x d u g é n é r a l n ’a v a i t p a s p r é p a r é Nazo à
ce malheur. Le ré cit mutuel de leurs aventures depuis leur
séparation ; l’empressement du général de revoir sa femme
et d’embrasser son enfant pour la.première fois; leurs projets
pour l'avenir avaient occupé le peu d’iristans qu’ils passèrent
ensemble....... La mort en disposa autrement.
L a dame Destaing ignorait à Lyon qu’un coup mortel venait
de la frapper elle-même. Elle comptait les instans, et se croyait
heureuse, lorsqu’un sieur Bordin , chapelier à Lyon , se présenta
chez elle avec une l ettre du sieur Destaing père, qui invitait
ce sieur Bordin à accompagner sa fille à Aurillac, en lui laissant
entrevoir une partie de son malheur.
Combien elle allait être à plaindre , celle qui, tombant tout‘à-coup des illusions riantes de sa pensée dans la certitude d’un
isolement affreux , allait se trouver sans époux et sans patrie
, parmi des êtres dont la demeure , - les habitudes, la langue
meme lui étaient inconnues. Que celui qui a pu se faire une
idée des fantômes de bonheur qui naguères remplissaient son
4
�âme , se représente s’il se peut l’horrible situation de cette in
fortunée Egyptienne, au milieu du cahos où son imagination
épouvantée dut la placer.
Cependant la dame Destaing fut reçue par son beau-père et
sa belle-mère avec toute l’affabilité et la tendresse qui pouvaient
la rassurer.
L a famille entière, il faut le dire, lui donna les mêmes
marques d’amitié et d’intérêt. Cette conduite généreuse la toucha
jusqu’au fond de l’âm e, et la dame Destaing trouve du plaisir
à en marquer sa refconnaissance. Un odieux intérêt n’était point
venu encore empoisonner ce premier élan de la nature. Chacun
avait alors à pleurer un fils, un époux, un frère. Les liens du sang
se resserraient davantage par un besoin mutuel d’épanchemens
et de consolations.
Cependant la famille D e s t a i n g c r u t néc ess ai r e de remplir
les formalités légales pour la succession du général. Les scellés
avaient été mis à Paris dans l’hôtel Méot qu’il habitait le jour
même de sa mort ( i floréal an 10 ).
Il s’agissait de les lever, et pour cela il fallait faire connaître
les héritiers de la succession.
C ’est la f a m i ll e D e s t a i n g qui e n p r i t l ’i n i t i a t iv e ; u n conseil
de famille fut convoqué devant le juge de paix d’Aurillac, le
messidor an 10. L à le s.r Destaing, père du général, juge au
tribunal de première instance, exposa : «que Jacques-Zacharie
« Destaing , son fils , général de division, était décédé à Paris ,
« laissant uneJîlle unique, âgée de cinq mois, nommée M a r i a ,
« provenant de son mariage avec ulnne jNazo , grecque d'ori« g in e, laquelle avait besoin d’un tuteur, attendu la minorité
« de sa mère
D ’après cela le conseil de famille * délibérant, choisit pour
5
5
*
Delzons, père, le même qui avait toute la confiance du général
Destaing à ses derniers momens , et M . Delzons, général de brigade 3 marié
aussi en Egypte, sont membres de ce conseil de famille.
�3
( i
)
tuteur de Maria Destain g, M. Destaing, son aïeul; fixa à 1,000 fri
le douaire annuel de la dame veuve Destaing ; lui alloua des
habits de deuil pour elle et pour une négresse qu’elle avait à
son service ; et s’occupa encore du salaire de la nourrice qu’elle
avait amenée de Tarente à Aurillac.
.
Le sieur Destaing père déclara accepter la tutèlle de sa petitefille , et fit le serment ordinaire d’en remplir fidèlement les
fonctions.
Voilà donc les qualités réglées; l’état de la mère et de l’enfant
placé sous la protection de la loi, et leurs intérêts remis entre
les mains de celui à qui * sans taucun doute, lé1 défunt les
aurait confiés lui-même.
.• .
’ >
.
') :
Le lendemain une procuration fut envoyée; les scellés furent
levés à Paris, et suivis d’un inventaire. Dans tous ces actes on
agit constammènt au nom du sieùr Destaing père , tuteur de
Maria D e s t a i n g , J i l l e e t u n iq u e h é r itiè re du g é n é r a l D e s t a i n g 1
L ’inventaire ne p o u v a i t c o n t e n i r q u e ce q u ’ o n laisse dans un
appartement d’hôlel garni; des vêtemens , des armes, quelques
papiers de portefeuille *, et deux rouleaux de o louis. On y
^consigne ce fait, que le-général avait remis, péu de jours avant
5
sa mort, à M. Delzons père, législateur, 18,000 fr. qu’il avait
touchés à la trésorerie, -pour qu’il les fît passer à Aurillac.
Pendant ces tristes opérations, la dame Destaing vivait à
.Aurillac, quelquefois dans les sociétés où onia présentait, et
qui voulaient bien s’accdutumer à sa tristesse, le plus souvent
retirée chez elle , occupée de sa fille , et presque heureuse de
vivre parmi ceux q u i , en lui apprenant leur langue, lui parlaient
de son époux.
Une grande satisfaction pour elle fut d’apprendre que Sa
Majesté avait eu la générosité de la faire placer sur le tableau
*
11 y avait une lettre du lieutenant Latapie , et une lettre de Joanni
Nazo , toutes deux écrites de Tarente. Ces lettres avaient été supprimées
depuis, et n’ont pu être communiquées qu’ en vertu d’un arrêt de la Cour.
�4
( i
)
des pensions, comme veuve du général D e sta in g , i jours
après sa mort *.
Cet état de quiétude dura environ une année. Mais les'frères
et sœur Destaing, prévoyant que la fortune du général, qui leur
avait procuré une augmentation d’aisance, leur serait retirée dans
peu de tems , changèrent insensiblement le bon accueil qu’ils
avaient.faità leur belle-sœur; et une petite persécution commença
sourdement conlr’elle.
La mélancolie de la d a m e Destaing lui faisant préférer la so
litude, on la représenta comme un être farouche qui méditait
des procès. Si, de loin en loin, quelques âmes sensibles venaient
du dehors pour la distraire , on supposait de l ’intrigue et des
conseils. La dame Destaing, sa belle-mère, ‘fut séduite la pre
mière par ces in s in u a tio n s désintéressées en apparence : enfin
à force de persévérance v i s - à - v i s - le s ie u r D e s t a i n g , o n p a r v in t
à inspirer de la défiance à ce respectable père de famille : on le
rendit tout dilïerentrde lui-même.f
. -r ,
L e premier résultat de cette défiance prit d’abord une direction
toute différente de celle qu’on avait voulu lui donner : le bon
tuteur n’avait point des entrailles de collatéral pour Reniant d<?
son fils ; et la seule p u n it io n q u i lu i v i n t e n i d é e c o n tr e la mère^
fut de faire enlever l’enfant pour le cacher à la campagne, en
prenant des précautions pour que la dame Destaing 11e découvrît
5
pas sa retraite.
,
Mais ce n’était pas là le compte de la petite faction ennemie,’
qui comprenait bien que ce procédé consolidait l’état de Tentant
au lieu de le détruire.
Alors on parut compatir à la douleur d’une mère justement
alarmée. La dame Delzons (égyptienne, et jusqu’alors très-liée
avec la dame Destaing), écrivit d’Aurillac à Joanni Nazo ce
qui-se passait. Nazo partit sur-le-cham p; ses plaintes furent
vives de part et d’autre , il s’y mêla de l’aigreur. La dame
* Le brevet de celte pension est du 29 floréal an 10.
�5
( i
)
Destaing quitta Aurillac avec Nazo pour aller joindre sa mère
à Marseille; mais le sieur Destaing, son-beau-père, ne voulut
jamais que Maria Destaing partît avec eux.
Joanni Nazo, personnellement maltraité dans une famille qui
ne lui semblait avoir ce droit envers lui sous aucun rapport,
suivit peut-être un peu trop son premier mouvement. D ’après
les conseils qui lui furent donnés, il fit rédiger un1acte de noto
riété, par lequel les réfugiés Egyptiens qui avaient traversé la
mer avec la dame Destaing, certifièrent qu’elle était mariée au
Caire, et qu’elle avait donné le jour à une fille baptisée à Céphalonie, sous le nom de Maria ;:;et muni de cette piece, il fit
adresser un mémoire à l’Empereur pour réclamer Maria Destaing.1
Sa Majesté daigna y répondre par une note de sa main; et Son
Exc. le Grand-Juge en ayant donné avis au sieur Destaing pèrej'
celui-ci ne mit aucun obstacle à rendre l’enfant qu’il avait retenu.
Mais aussitôt ses idées et son système changèrent. Ses enfans
p r o fit è r e n t de ce tte c ir c o n s t a n c e p o u r s’e m p a r e r -'e n tiè r e m e n t d e
son e s p r i t , et l’ e n v e n i m e r c o n tr e la m a l h e u r e u s e ét r a n gère qu’il
avait j u s q u ’ a lo r s c h é r ie c o m m e sa f ille . T e l l e a été la s o u r c e du
procès.
*
L a première*hoslilité vint des^frères et sœui* Destaing, et cela
était bien dans l’ordre. Ils .firent saisir, entre les mains de leurpère, le mobilier et revenus'de la succession du général, comme
prétendant être ses seuls héritiers.
I l eût été plus n a t u r e l d’assigner la veuve, dont ils ne pouvaient
pas méconnaître au moins les prétentions et la possession qu’elle
avait eue de son état dans leur propre maison. Mais cette lenteur
eût été trop douce; il fallait tout d’ un coup , par une saisie, lui
enlever les ressources que lui donnait la délibération du conseil
de famille. La dame Destaing fut donc forcée de prendre les v o ie s
judiciaires: elle assigna, le 27 nivôse an 1 2 , le sieur Destain«
pere ( au tribunal de la Seine, lieu du décès), pour demander,
remise de la succession , et une provision pour ses alimens, dont
on avait ailecté de la priver,
�( i6 )
Cette privation était inhumaine ; mais la dame Destaing a été
heureuse de la souffrir. Dans le moment de sa.plus grande dé
tresse, elle reçut de la munificence de Sa Majesté Impériale le
brevet d’une pension de 2,000 fr. au lieu de 520 fr. qu’elle était
jusqu’alors *.
Croirait-on que les héritiers Destaing ont attribué cet acte de
bonté à leur conseil de famille, qui, disent-ils, avait donné par
erreur, à Anne Nazo, une qualité dont elle fit usage pour ob
tenir une pension ! Remarquons seulement que ce conseil de
famille est du 5 messidor an 10, et que déjà le premier brevet
de pension était donné à Anne Nazo, comme veuve D estaing,
plus d'un mois auparavant.
Au lieu de répondre à la demande de la dame Destaing,
ses adversaires introduisirent à Aurillac une procédure obscure,
qui prouve que tous moyens leur étaient bons pour multiplier
contr’elle les incidens et les ennemis.
Les frères et sœur Destaing assignèrent leur père à Aurillac,
en remise de la succession du général, comme s’ils ignoraient la
demande déjà formée par leur belle-sœur. Il répondit qu’Anne
Nazo prétendait à la même succession, et sur cela sa mise en
cause fui ordonnée. Cependant le jugement ne fut signifié qu’au
sieur D e s t a i n g père, le m o in s in té r e s s é à le c o n n a îtr e ; et la dame
Destaing n’en a appris l’existence que long-tems après.
On lui laissait, pendant ce tems-là, obtenir un jugement à
Paris ; et ensuite on se pourvut en règlement de juges. Le procès
ne fut renvoyé ni à Paris ni à Aurillac : il le fut au tribunal de
Mauriac ; tout cela dura près de trois ans; et enfin la dame Des
taing recommença son procès à Mauriac, où elle était renvoyée.
3
* « Ministère du trésor public . — Paris, i pluviôse an 12».
«Art. i . er L a pension de 520 fr. accordée par arrêté du 29 floréal an 10 , à
K Anne Naz>o, née en Egypte, veuve du, s.r Jacqucs-Zacharie D estaing ,
K général de division, mort le i 5 floréal an 1 0 , est portée à 2,000 fr. >».
« Art. a. Les Ministres de la guerre et du trésor public sont chargés, etc. ».
« Signé N A P O L E O N ».
Là
�17
(
)
Là on fit dire an sieur Destaing père, qu’il révoquait Vaveu
qu’il avait fait de Cétat et possession de la veuve Destaing et
de sa fil Je. Il prétendit que c’était à elle à prouver son mariage et
la. naissance de-J’enfant ; que les certificats de Marseille étaient
suspects et;ne prouvaient rien. Il termina par dire qu’il ne con
naissait d’autre enfant de son fils, qu'un-enfant naturel, né
avant son départ pour l’Egypte ( que l’on disait tantôt né aux
Pyrénées, tantôt d’une femme de Paris). Puis il demanda à Ja
dame Destaing une caution pour être admise à plaider, comme
étrangère.
Voilà.-ce que les héritiers Destaing osèrent suggérer à leur
père y sans égard pour 4a mémoire du général ; et ainsi leur
animosité était telle contre sa veuve, qu’ils aimaient mieux ap
peler à la succession un inconnu, sans nom, et auquel la loi
ne donnait ni titre ni qualité.
r •!, ■' t 0’ ?uj •»[
*
Cependant la dame Destaing voulant ne laisser aucune sus
picion sur son c e r t if ic a t d’égyptiçns, et p o u v a n t f o r t aisément
le suppléer par des témoignages français, réunit devant le juge
de paix de Paris, en la forme légale des,actes de notoriété,
sept citoyens distingués qui s’étaient trouvés au Caire en l’an 8,et
eiVl’an 9; i.° l’ordonnateur en chef de l’armée; 2.0 l’inspecteurgénéral aux revues; .° lè' chirurgien en chef de l’armée; 4.0 un
général de brigade; 5.° le trésorier-général d e là couronne;
6.° le directeur-général de l ’imprimerie impériale; 7.0 un prêtre
égyptien, professeur .de langues orientales.
« Ils attestèrent qu’Anne Nazo avait été unie religieusement
« au Caire} suivant les rites du pays, et en légitime mariage
« avec le général Destaing , dans le courant de l’an 8 , par le
« patriarche d’Alexandrie. Que l’acte de célébration n’en avait
« pas été rédigé, parce que ce n’était pas l’usage : mais que ce
« mariage n’en était pas moins constant, ayant été célébré en
« présence d’un grand nombre de militaires français , et ‘de la
tf plupart des déclarant Que depuis cette célébration Anne
3
�( i8 )
« TSfnzo n’avait pas cessé d’habiter en Egypte avec son m a ri,
« q u i l’a toujours traitée comme son épouse légitim e ».
La dame Destaing avait été privée de faire entendre M. le
général en chef de l’armée d’Egypte, et M. le général Dupas,
alors absens; le premier, comme gouverneur des départemens
au-delà des Alpes; le second, comme gouverneur du château
•de Stupinis; elle leur fit écrire pour leur demander la déclaration
de la vérité sur son mariage, et reçut deux certificats attestant
avec la même force la connaissance personnelle que ces deux
généraux avaient de son mariage *.
L ’acte de notoriété fut homologué par le tribunal civilde la
Seine, sur le rapport d’un juge, et sur les conclusions du
ministère public.
■
>
Munie de celle pièce importante, de son brevet de pension
et de l’acte de tutelle, la dame Destaing crut son procès fini,
et se présenta à l’audience de Mauriac. Mais combien elle se
* «Je déclare, au nom de la vérité et de l’honneur, que, lorsque je com
mandais l’armée d’Orient, en E gypte, M. le général Deslaing s’est inarié
en l’an 8 avec mademoiselle Anne Nazo.................L e général était venu»
m'en faire part................ Je m’engageai à y assister, ainsi (jji’au repas
qui eut lieu après le mariage. Je remplis nia promesse. Tout s*y passa
avec la plus grande régularité sous les rapports civils et religieux ».
« A T u r in , le 18 juillet 1806 ».
« L e général M e n o u ».
lr
*
«Je certifie qu’ étant chef de brigade, commandant la citadelle du Caire
sous les ordres du général Destaing , f a
de son légitime mariage
avec mademoiselle A n n e Nazo............ J ’atteste
avoir eu des liaisons particulières
guées qui m’ont dit
i eu parfaite et sure connaissance
av e c
beau cou p
de persounes très-distin
avoir été présentes à ce mariage^ qui fut.célébré
publiquement.................. ».
«Paris, le 3o juillet 1806».
« L e général D u p a s ».
�( *9 )
trompait! La cause eut été trop simple a v e c le sieur Destaing
père; les frères et sœur voulurent plaider aussi; mais il sera
inutile de les suivre dans leur intervention, leur tierce oppo
sition, leur saisie, leurs incidens de toute espèce : il suflit de
parler du jugement de Mauriac, du i août 1807, dont il est
nécessaire de préciser les dispositions pour les comparer avec
l ’arrêt postérieur de la Cour d’appel.
. ' <
•' < "
3
Le» tribunal de Mauriac ne crut pas devoir s’arrêter aux preuves
existant es; il les jugea insuffisantes, et ordonna que la dame
Destaing p r o u v e r a i t , i . ° « Qu’i^n’est pas dusage au Caire et à
« Géphalonie de tenir des registres et faire des actes de* mariage
« et de naissance; 2.0 qu’elle.a été mariée au Cairér, en l’an 8,
« avec le général Destaing, par le patriarche d’Alexandrie, avec
« les cérémonies usitées dans le lieu ; .° qu’elle a cohabité de« puisiavec le générai.Destaing jusqu’à son retour en France);
a et que daias tout ce tems elle a été publiquement reconnue
a . pour épouSe du généi'al D e s t a i n g ; 4.0 qu’elle est accouchée à
« Céphalonie, en nivôse an 10 , d’une fille provenue de ce ma« riage , laquelle a tété nommée Maria Destaing ». * ,
3
Tl y e u t , d’e *p a ri:Je d’â ü ttié^7ajj^el d e’oé jugement';'là dame
Deslaing ^én-plaigriair, paï’be'cju^iï l’assüjëtissait â^une preuve
non-'seulement’ déjà- faite ; mais-qù’elle 'crut inulUk^ puisqu’elle
avait une possession d’ëtàt'émanée de^la famille Destaing ellemême. Les héritiers Dest&îng S’en plaignirent'aussi’, en ce qu e,
disaient-ils , le Gode civil ne jjéririèt de prôavet les mariagers que
par éci'it et par les registres de1l’état civil. 'ff!' : c' M ); ; ’
h
?
*»
•
:
, ,1
1 1
> i
.. *i !
»
Le^n était point assez d’avoir accable de calomnies la dame
Destaing à Aurillac, Mauriac^ et Paris, les héritiers Destaing
lui réservaient pour la Cour d’appel des imputations plus dures
encore. A les’croire, elle n’était qu’une prostituée de la plus
vile classe , offerte au général par sa propre famille avant même
qu’il eût sur ce point montré aucun désir'; une grecque aiiifi-
6
�( 2° )
cieuse et rusée, qui avait su en imposer quelque tems à une fa-?
mille crédule ; ensuite, et pour avoir le droit d’jnsister sur la re
présentation d’un acte civil, ils la transformaient en musulmane
échappée d’un harem, et la sommaient de représenter l’acte de
mariage que le Cadi avait dû rédiger.
La Cour d’appel, par arrêt du n juin 1808 , a cru devoir,
dans une matière aussi importante , laisser subsister la preuve
ordonnée, mais avec des motifs bien précieux pour la dame
Destaing, et qui prouvent que les magistrats, convaincus comme
hommes, ont seulement voulu ne négliger aucun moyen légal de
découvrir la vérité.
•
.
'
Cependant la preuve ordonnée à Mauriac n’a point été exigée
par la Cour avec autant d’étendue. « La Cour dit qu’il a été bien
« jugé en ce que la preuve testimoniale a été ordonnée, et néan« moins, réd u isa n t V in te r lo c u to ir e , o r d o n n e q u e d a n s six mois
« Anne Nazo fera preuve, tant par titres que par témoins, de« vant les premiers juges, que pendant que le général Destaing
« était en activité de service au Caire, elle à été mariée avec lui
« publiquement et solennellement par le patriarche d’Alexan« drie, suivant le rit grec et suivant les formes et usages obser« vés dans le pays ; V a u to r ise à f a i r e en ten d re le s p a re n s , tant
a d’elle que du général Destaing , ainsi que toutes les personnes
« qui ont déjà donné des attestations par forme d’acte de no« toriété, à Marseille et à P aris, ou des c e r tific a ts dans la
« cause, sauf toijs autres reproches de droit qui pourront être
« proposés, et sur le s q u e ls les premiers juges statueront, sauf
« preuye contraire ; ordonne que les frères et sœur Destaing
« rapporteront les deux lettres mentionnées en l ’inventaire
« du 24 messidor an 10 ».
Les héritiers Destaing menaçaient de se pourvoir en cassation,
parce qu’ils attendaient la décision d’une cause semblable sur
laquelle il y avait pourvoi contre Néphis David, Géorgienne,
�(
21
)
mariée en Egypte avéc M. le général Faultrier * ; aussi ont-ils
retardé l’exécution de l ’arrêt par mille chicanes plus absurdes les
unes que les autres. , ^
A Paris ils arrêtent brusquement l’enquête, en disant que le
président de Mauriac n’a pas pu donner une com m ission rogatoire. L e jugeTCommissaire ne voulant pas ju g e r ce grave procès,
le renvoie à Mauriac, et Mauriac le renvoie en la Cour. L à ,
Taincus dans leur misérable incident par la simple lecture du
texte de là lo i, ils osent bièn s’opposer à une prorogation du
délai qu’ils ont consumé eux-m'êriiès en chicanes; m ais la Cour
en fait ju stice , et, par arrêt du 12 décembre i 808 , elle autorise
lè président de Mauriac à donner les com m issions nécessaires,
renouvelle le délai d’enquête, et punit les héritiers Destaing
par une condamnation'des dépens faits à Riom , à Mauriac et à
Paris. Pendant tout ce délai, ¡les témoins appelés à Paris ont été
renvoyés sans être entendus.?;1, 1:
Enfin les e n q u ê t e s se f o n t , l ’ u n e à M a r s e i l l e , une autre à
Paris, une a u tr e à Aurillac , et une dernière à Mauriac > mais
l ’obstination des héritiers Destaing ne se lasse pas. L ’enquête de
Paris est remarquable, suivtout par la verbalisation continuelle
dejl’unjdes héritiers Destaing, qui, sans exagération , y parlait
plus que les témoins et le juge ; à chaque mot il avait des’ obser
vations à faire écrire, ou des questions nouvelles à adresser aux
*
L a Cour de Metz avait ordonné que Népliis rapporterait seulement
Un acte de notoriété, constatant que lés chrétiens grecs ou romains q u i se
marient à G iz é , près le C aire, ne sont pas dans l’ usage de faire constater
leurs mariages sur des registres publics.
Les héritiers attaquèrent cet arrêt par le motif que des ordres du jour
publiés en E gypte, en l’an 6 , exigeaient que tous les actes, entre Français
et Egyptiens , fussent reçus par les commissaires des guerres.
L a Cour de cassation a décidé que ces ordres du jour étaient sans ap
plication ; que l’acte de notoriété était suffisant, et avait été légalement
ordonnéj en conséquence, le pourvoi a été rejeté le 8 juin 1809.
�'( 22 )
témoins; et quelles '¡questions encore!.'... (Si en-Egypte il n’est
pds reçu qu’on se marie pour un terris.i.Vj S’ilcn’est pas vrai que
les T u r c s coupent la tête aux femmes q u i ont commerce avec
les Européens,.... etc.!, etc.)'• - 'j ; m
.
Eh bien, toutes ces billevesées sont fidèlement'écrites dans l’en
quête de Paris., renouvelées ad libitum , et suivies à chaque
nouvelle déposition deiquestions pi ils absurdes encore. M. le
juge-enquêteur avait’ la:bpntéde tout entendre.
A Marseille, il n y avait pour lès héritiers Destaing'qn’uri
fondéde pouvcoir.;ie.t soitf qu’il ri’asât ¡pa'sise permettre toute cette
verbalisation*, r‘soit que les' juges*méridionaux soientimoins^paiiens quejceux dè là capitale^ l’enquéteVest faite'en lalforme ordi*
naire, et ce sontJès'témoins qui y occupent la plus grande place.
Cependant à-Marseille,’ côm'me à Paris, on ne manque pas
de fhire: insérer des 'reproches)îcoritrè: tliaquô ¡parent,¡et.» contre
chaque témoin qui déjà avaient donné des attestations (malgré
l’arrêt de la Cour, qui autorise expressément’ kuivdéposiiioirs).
; ¡ Malgré toute cette* obstination lesi'ënqûêtés'se-paraehèvenf
des témoins distingués rendent Acompte de ce qu’ils ont vu et
entendu. Il résulte deleuTS déposiiàons une preuve a ussif complète
qu'il était possible;de-l’attendrç après ce'quï avaitîétéiproduit?
avant les interlocutoires;/; • • •' £ ■ > { •>! h ; ¿ ' : .]
g,-jfq
Les deux enquêtes; de la-dame Destaing sont composées :de
dix-sept témoins entendus à Paris, et dix entendus à Marseille.
Pour ne pas être diffus, en suivant le détail d'un aussi grapd
nombre de dépositions , il .faut ¡le? rapporter à tfois.,faits.prin-^
cipaux : i.° lia ,fête nuptiale ;.,a,° la cérémonie de l’église.; ,° la
notoriété du mariage.
. ^
i
i’.° MM. les généraux L a grange, Duranteau et Bertrand ,*
MM. Sdrldlon, secrétaire-général du ministère de la guerre;
M arcel, directeur-général*de l’imprimerie impériale; Clément,
négociant ; Larrey, médecin ; A n a a Obadani, ancien commis
saire de police au C a ire , ont déposé avoir assisté au repas de
3
�*3
(
)
noces: les sieurs D u fé s , Tutungi et 'MiscTc, parens.d’Anjie
N azo, le déposent aussi. Ces témoins y ont vu encore M. le
général en chef Menou (décédé pendant.le procès ) , et plusieurs
prêtres grecs. M .tD aure, commissaire: des guerres, dit y avoir
été invité , mais que son)service le retarda, et qu’il vint après le
dîner. On ajoute que ce fut la fê te la plus solennelle qu’on eût
vue dans le pays.
' >\ »
2.0 L a célébration ecclésiastique est l’objet de treize déposi
tions. Le général; Destaing avait communiqué, son mariage à
tous les dignitaires,de son armée. Il y avait.eu des billets d'invi»
tation ; et M. Sartelon dit même qu’i l croit avoir v u l’annonce de
ce mariage dans la gazette du Caire. MM. 'Lagrange et Larrey
déclarent avoir reçu une.invitation du général Destaing.’ Leur
service les empêcha d’arriver assez tôt. M .Larrey dit qu’il arriva
lorsqu’on sortait de l'ég lise, et qu’il's’eXcusa auprès du général
sur son défaut d’exactitude. JDçn M pnacjiis, l;es.s.rs T a k et V id a l
déposent que plusieurs témoins,oculaires , qu’ilsuomment, leur
ont dit avoir assisté à cette célébration dans Véglise SaintJNicolas. L e sieur. C/j «/rc, ancien interprète de M. le prince de
Neufchâtel, déclare avoir vü les préparatifs de la fête sur la
place Atabel-elzZarguavlLeS sieurs* O b a d a n i commissaire de
police; R o sette, bijoutier, étaient présens à la célébration du
mariage, fa ite par le patriarche d*Alexandrie, dans la même
église. Les sieurs Joseph D u fé s , Joseph Tutungi, Ibrahim
Tuturtgi, Sophie Misck et- Joseph Misck ..déposent également
avoir assisté à cette célébration fa ite par le patriarche, avec
les rites observés par lestGrecs, le jour des rois dejl’église.grecque,
o u >1.7 janvier; ils ajoutent que le colpnel Nicolas Papas Qglou
étaiüe parrain de la mariée, suivant l’usage. Le sieur Barthélemî Serra dit avoir élé invité à cette cérémonie par le général
Destaing, mais, n’avoir pas accepté, parce, qu’il était brouillé
avec la f a m i l l e N a z o i l ajoute que le général Dçstaing lui dit ,
avant son mariage, qu’il, serait célébré sjijvfint le rit g r e c , et
qu’ensuite il lui dit que son mariage avait été célébré par le
�( H )
'patriarche g rec, selon le rit grec; qu’il avait voulu se conformer
à l’usage du pays.
.° Quant a la notoriété, il serait oiseuxd’énumérer les té
moins qui'déposent que le mariage était public au Caire; il est
plus sûr de dire, sans craindre de se tromper, que tous les té
m oins, sans exception , attestent ‘que toute la ville du Caire
regardait ce mariage comme légitime ,* et précisément tous ces
militaires français , qû’on a peints comme ne s’occupant .des
femmes que pour les déshonorer, sont ceux qui attestent le,plus
fortement que personhe ne doutait, au Caire et à l\armée j de,
ta légitimité de cé'rhàriüge. \ ■
' v
t ' ; ■, - \v
Les héritie'rs'Destaing ont fait de leur côté deux enquêtes ,
l’une à Aurillac, composée de trois témoins, et l’autre à Mau
riac, de deux témoins.
»
A A urillac, ce so n t le sie u r D e l z o n s p è r e et la dame Delzons
Sa belle-fille, cousins des héritiers Destaing, et une demoiselle.
3
Françoise Gronier. L e sieur Delzons père, qui n’a rien vu , rapii
porte seulement deux conversations : un jour, à P aris, le géné
ral Destaing causant avec sa belle-fille, lui disait que sa femme
pouvait être mariée, mais que'lui'ne l’était pas ; le sieur Del--’
z o n s a jo u t e q u ’ il fit c e s se r c e lt e p la is a n te r ie J U n a u tr e j o u r , à
Paris, lé général Delzons\ son Jils , lui dit qu’il y avait eu
dans la maison Nazo une cérémonie religieuse 'à laquelle il
avait assisté.
•
,■ ' .
‘L a dame'Delzons, née Varsy, déclare n’être arrivée au Caire
que le o nivôse an 9 , et ori lui dit que la veille on avait conduit
Anne Nazo chez'le général/'à l’entrée de la nuit, sans cérémonie
ni f êt e; qu’il y eut unefête ensuite, mais pour le baptême de son
enfant, et qu’Anné Nazo y occupait la place de maîtresse de la
jnaison. Elle ajoute que cependant elle a ouï-dire que le jour
qu’Âiine Nazo!aVait été conduite chéz le g é n é r a l Destaing, il y
aOait eu une' cérémonie rèllgieuse qui avait été fa ite par le
patriarche d*Alexandrie, à laquelle peu de personnes avaient
assisté.
3
Jusque
�25
(
)
Jusque-là on voit que la dame Delzons se tient en mesure
pour ne dire que le moins possible. Mais le juge l’interroge sur
son opinion particulière, et elle termine par dire qu’ elle croit
qiùon regardait au Caire Anne Nazo comme épouse légitime
du sieur Destaing, et que pour e lle , elle la croyait fem m e du
général D estaing, et lui rendait les honneurs attachés à ce
titre.
La demoiselle Gronier, fille, à ce qu’il paraît, fort curieuse, et
qui n’oublie rien, dépose s’être trouvée à Lyon lorsque le général
I)estaing arriva d’Egypte : elle dîna avec lu i.L occasion de parler
de son mariage venait si naturellement, qu’elle ne la laissa pas
échapper. Elle ouvrit donc la conversation, comme c’était tout
simple, et parla de cette belle Grecque qu'il avait épousée, que
tout le monde le disait, que sa famille en était instruite, etc. L e
général, qui avait perdu en Orient l’habitude de cette locjuacité
d u se x e , lui r é p o n d i t seulement : E lle est passée cCuïi côté et
moi de Vautre. P u i s il se tut sans m is é r ic o r d e . M a i s la demoiselle
Gronier t i r a , à ce qu’elle dit, plusieurs conjectures du mouve
ment de ses doigts , quand il indiquait deux côtés1opptTsés ; e t ,
?ïie pouvant plus rien dire sur cefchapitre, elle p'arla suii?d’autres
'q u ’elle juge inutile Jd’être racontés.'Lofsqu’en'süfte la d'ame
Destaing f u t venue à Àurillac , la'demoiselle Gronier (par une
prescience du procès actuel), poussa le scrupule jusqu’à demander
à la dame Des laing s'il y avait des registres de mariage a u C a i r e ,
et la dame D e s t a i n g lui répondit encore qu’elle'croit avoir vu le
prêtre écrire dans un gros livre. Enfin, passant aux ouï-dires, la
demoiselle G r o n i e r a e n te n d u déclarer , par madame D e lz o n s,
femme du général, qu’Anne Nazo avait été mariée , e t q u e s o n
m a r i {le général D elzon s ) y é t a i t p r é s e n t . (V o ilà l’abrégé
de la déposition de la demoiselle Gronier, que les héritiers Destaing p ré te n d e n t leur être fort avantageuse).
Les deux témoins de Mauriac disent fort peu de choses, quoiqu ils fussent dans la maison du général, lors de son mariage.
L ’un était son palfrenier au Caire; le cuisinier lui dit qu’on
7
�(26),
avait mené une femme chez le général : et il n’en sait pas
d a v a n t a g e pour ce jour-là. Ensuite il a v u un grand repas où
ét ai ent le général Menou et tout Cétat-major. Cette femme y
était aussi, il l’a entendu appeler Madame Destaing.
L ’autre était un militaire travaillant comme menuisier chez le
général. On lui dit aussi qu’on menait une femme, et il courut
pour la regarder : mais il ne vit pas sa figure, parce qu'elle
était voilée; elle était accompagnée par une autre femme; et il
vit plusieurs esclaves de son escorte, restés dans la cour; alors,
craignant d’être aperçu, il se retira.
Il paraît que ce n’était pas pour ces détails-là qu’on avait
appelé ces témoins; mais, pour que leur témoignage ne fût pas
tout à fait inutile, les héritiers Destaing leur font demander s’ils
ont vu des m a r i a g e s e n E g y p t e . Tous deux déposent en avoir
vu un : la mariée était sous un d a i s , p r é c é d é e d e m u s i c i e n s
montés sur des chameaux.
Voilà en total le résultat des enquêtes; et on voit que l’en
quête contraire ne fait que confirmer pleinement l ’enquête
directe , loin de la détruire.
Aussi les héritiers Destaing, comprenant fort bien que, sous
ce point de vue, leur cause devenait insoutenable, ont-ils voulu
tourner tous leurs efforts du côté de l’acte civil du mariage.
En rendant compte de l’enquête de Paris et de Marseille,
on n’a pas dit qu’à chaque déposition les héritiers Destaing
faisaient expliquer les témoins sur la tenue des registres de
l’état civil en Egypte, quoique cet article fût exclu de la preuve
par l’arrêt de la Cour.
Mais plus cette partie était obscure, et plus les héritiers
Destaing y ont fondé d’espérances. Cependant ils n’ont eu rien
à y gagner dans les enquêtes; car si quelques témoins ont dit
qu’il existait des registres, c’est avec l’explication très-lumi
neuse de la différence des églises. Ainsi les héritiers Destaing
n’avaient encore rien éclairci qui ne leur fut contraire.
L e procès des héritiers Faultrier leur a fourni d’autres rest
�( 27 )
sources; ils ont su que cette famille avait fait venir du consul
d'Egypte des certificats sur la tenue des registres civils, et aussitôt
ils s’en sont procuré une copie légalisée à Metz.
Ces certificats émanent, à ce qu’ils disent, du préfet et du
patriarche des prêtres grecs catholiques, et du supérieur de la
mission.
La dame Destaing, qui n’avait jamais ouï parler au Caire
des personnes dénommées en ces certificats, et qui avait de
grandes raisons d’en suspecter la véracité, n’a eu à consulter
aucune personne plus sure et plus instruite que don Raphaël
Monachis, l ’ u n des témoins de son enquête , prêtre grec
catholique romain / appelé de l’Egypte par Sa Majesté Impériale
pour être professeur de langues orientales à la bibliothèque
impériale.
Don Monachis avait été envoyé d’Egypte à Rome pour faire
ses études. Revenu au couvent des Druses, sur le M ont-Liban
(résidence du seul patriarche grec, reconnu par l’église de Rome),
il reçut la mission d’aller au Caire, remplir les fonctions de curé
catholique, ou premier vicaire du patriarche grec catholique,
jusqu’à ce qu’il en eût obtenu la permission de venir en France.
Ce lettré a parfaitement expliqué aux conseils de la dame
Destaing l’équivoque que ces certificats pouvaient produire aux
yeux de ceux qui ignorent la différence qui existe entre les
prêtres latins ou catholiques, et les prêtres grecs schismatiques.
Les prêtres catholiques qui ont reçu de l’instruction tiennent
en Egypte des registres qu’ils signent pour eux seuls, parce que
l’Etat ne les reconnaît point, et encore cet usage est-il récent ;
mais les prêtres du schisme grec élevés dans le pays , et n’y
recevant aucune espèce d’instruction, ne tiennent jamais de
registres.
,
Voilà ce qu’a dit don Monachis dans une attestation notariée,
que les conseils de la dame Destaing ont désiré obtenir de lui
comme^garantie d’un simple fait historique, qui eût pu paraître
apocryphe dans la bouche d’une partie intéressée.
3
�(
2
8
)
C ’est ainsi qu’il fallait être en garde contre les embûches sans
cesse renaissantes des héritiers Destaing. Enfin ayant épuisé
toutes leurs ressources, il ne leur restait que celle de faire tomber
les enquêtes, et ils ont bien osé conclure devant le tribunal de
Mauriac à ce qu’il se désistât de Vinterlocutoire ordonné par
l ’arrêt de la Cour. Ils ont reproché les témoins de Marseille
comme transfuges et incapables de témoignage , et ils ont pré
tendu avoir prouvé qu’il existait des registres de mariage en
Egypte, d’où ils ont conclu que la dame Destaing ne pouvait
se dire épouse légitime tant qu’elle ne rapporterait pas l’acte
civil de son mariage. Et enfin ils ont demandé qu’elle res
tituât les objets à elle fournis pendant la tutelle de leur père ,
avec défenses à elle et à sa fille de porter le nom Destaing à
l ’avenir.
Ces derniers efforts de la chicane expirante ont eu le sort qu’ils
méritaient ; et, par un jugement du 14 août 1810 , parfaitement
m otivé, le tribunal de M auriac, convaincu de l’extrême évi
dence des preuves, a reconnu Anne Nazo pour épouse légitime
du général Destaing, et Marie Destaing pour l’enfant légitime
né de ce mariage.
La voie de l’appel était encore ouverte aux héritiers Destaing,
et ils ne l’ont pas négligée. Veulent-ils encore se venger de la
vérité par des outrages ? Mais il n’est plus tems de répéter un de
ces romans diffamatoires , dont l ’imagination fait tous les frais ;
qu’elle arrange avec art et prestige pour que l’incertitude soit
forcée d’hésiter entre le mensonge et la réalité. A u j o u r d ’h u i tout
ce qui s’est passé au Caire est connu ; les faits, les noms, les
qualités , les usages , sont constans ; la dame Destaing aurait
donc rigoureusement rempli sa tâche , en faisant un détail
exact de ce qui résulte d’un aussi long procès ; mais elle est
forcée de parcourir encore le cercle des objections dans les
quelles les héritiers Destaing ont semblé mettre encore un peu
de confiance.
�(
29.5
MOYENS.
Lorsqu’ un étranger se dit malheureux dans une patrie qui
n’est pas la sienne, les esprits durs ou superficiels sont quelque
fois disposés à lui reprocher d’avoir abandonné le sol qui l’a vu
naître; on scrute les causes de son émigration , on les voit rare
ment du meilleur côté, et on se roidit contre ses plaintes. C ’est
ainsi qu’une sorte de prévention nationale repousse l ’étranger
en réclamation jusqu’à ce que l’évidence de ses droits soit en
traînante, et alors l’indifférence même se sent portée à consoler
l ’être malheureux qui a eu tant de peine à iaire apercevoir la
vérité.
Mais si cette vérité est si lente, le vulgaire, dans sa curiosité
d’un moment, a-1-il toujours le tems de l’attendre? Avide de
tout ce qui rompt la monotonie de ses habitudes, l’esprit du
in o n d e s’e m p a r e des é v é n e m e n s e x t r a o r d in a i r e s p o u r les juger
avec la p r o m p t i t u d e qui c o n v ie n t à la mobilité de ses sensations.
Si l’art a mis quelque adresse à arranger une calomnie avec des
élémens merveilleux et tant soit peu vraisemblables , malheur à
la victime, car le monde a une prédilection marquée pour ce
qui s’éloigne du cours ordinaire des actions de la vie. Enfin le
tems ramène tout à la conviction et à la justice ; car lui seul est
la puissance capable de dévorer la calomnie et d’éteindre la
curiosité.
Cependant ce bienfait du tems n’est pas toujours un résultat
assuré. Le nuagede la calomnie est quelquefois tellement épais que
l’opinion ne cherche plus à le percer. Heureusement les magis
trats ne se décident point comme le vulgaire; fermant les yeux
au prestige qui pourrait les persuader sans les convaincre, dé
daignant les narrations intéressées qui pourraient les séduire, eux
seuls appellent le tems au secours de là vérité, et forcent l’opi
nion à proclamer qu’elle n’avait été crédule que par lassitude ou
indifférence.
�( 3o )
C ’est une grande consolation sans doute pour la dame Des*
taing, d’avoir pu prouver son état avec plus de clarté qu’elle
ne pouvait l’espérer à un aussi grand éloignement de sa patrie;
mais qu’elles ont été longues ces années de procès ! et qui jamais
la dédommagera de la cruelle anxiété où une ligue obstinée s’est
plu à la tenir depuis l’an n ? Le vaincu, n’en doutons pas, s’ap
plaudira encore intérieurement du mal réel qu’il aura fait, alors
même qu’il sera réduit à l’impuissance de l’agraver.
Cependant les hostilités n’ont point cessé encore; l’évidence ne
peut arracher aux héritiers Destaing l’aveu de leur conviction:
ils s’écrient encore qu’il n’y a point eu de mariage; que les en
quêtes doivent être rejetées, et qu’il faut des registres de l’état
c iv il, parce qu’ils disent avoir constaté leur existence.
Les enquêtes d o i v e n t être rejetées! Voilà bien le cri forcé d e
la crainte; et p o u r q u o i le se rai ent - el l e s , si la C o u r les a jugées
nécessaires ?
L a loi, disent les héritiers Destaing, ne s’oppose pas à ce que
le juge s’éloigne de son interlocutoire; cela est vrai, lorsque des
preuves écrites sont venues éclaircir ce qui était d’abord douteux.
Mais quelle lumière nouvelle ont donc apportée les héritiers Des
taing? q u e l le s p r e u v e s in a t t e n d u e s m o n t r e n t - il s de la fau sseté d u
mariage que tant de témoins attestent ? Aucune ; absolument
aucune : la cause est donc dans le même état qu’elle était lorsque
lai Cour a ordonné une preuve. Ainsi on ne peut comprendre
quel esprit de vertige les a poussés tout d’un coup à demander
à un tribunal de première instance le rejet d’un interlocutoire
ordonné par arrêt de'la Cour.
L ’arrêt subsiste, et il est pleinement exécuté : la preuve est
complète. Une foule de témoins du premier rang parlent de la
célébration du mariage et des fêtes données pour le rendre
plus solennel : les uns étaient témoins oculaires des fê te s , les
autres témoins oculaires de la célébration » d autres etaient in
vités et n’ont pu être présens à tout; d’autres enfin ont seulement
ouï attester la célébration ; mais cette attestation leur avait été
�( 3i )
-
donnée par des personnes -présentes qui n’ont pu être appelées
à l’enquête. Ce 11e sont point là de ces ouï-dires vagues dont
la source est inconnue , et qui ne méritent aucune confiance :
ajoutons les attestations de MM. les généraux Menou et Dupas,
et de tant d’autres témoignages précieux dont la dame Destaing
a été privée. Gomment la passion empêcherait-elle ses adversaires
eux-mêmes de convenir qu’il résulte de cet ensemble un corps
de preuves tellement parfait, que la mauvaise foi peut seule
feindre un doute qu’elle n’a pas?
On ne peut pas dire que ce corps de preuves soit altéré le
moins possible par les enquêtes contraires. I l fa u t dire plutôt
que ces enquêtes aident à la conviction ; elles indiquent ellesmê nés que le général D elzons * était présent à la célébration
d i mariage, et achèvent de démontrer combien l’opinion, sur la
légitimité de ce mariage, était certaine pour ceux-là même qui,
d a n s l’a r r a n g e m e n t de leu rs d é p o s i t i o n s , m a r q u a i e n t l a v o l o n t é
d ’être f a v o r a b l e s a u x h é r i t i e r s .D e s t a i n g .
Ils le comprennent parfaitement ; mais ils osent attaquer une
enquête enlière, pour la faire tomber en masse par la plus au
dacieuse des tentatives. L ’enquête de Marseille est composée
d’Egyptiens qui y habitent depuis le retour de l’armée ; et les
héritiers Destaing ont osé dire que ces transfuges élaient inca
pables de témoignage.
Cette injure irréfléchie pouvait-elle s’adresser à des individus
qui vivent depuis dix ans sur le sol Français, et avec des pen
sions du gouvernement? L ’Empereur a-t-il mis sur leur front
un sceau de réprobation qui les avilisse, lorsqu’au contraire il
leur accorde asile et protection? et cette protection auguste
ne les met-elle pas au pair des autres citoyens ?
Comment ont mérité cette dure qualification des hommes qui
*
Aujourd’hui indiqué par les héritiers Destaing comme ayant démenti
par écrit ce qu’il a dit à son père et à sa femme.
�(
3a
)
'
n’ont été coupables que d’attachement à la France? Vivant
sous un joug de fer en Egypte, à cause de la différence de
leur religion, ils avaient dû regarder les Français comme des
libérateurs, et s’étaient prononcés pour leur cause. Pouvaient-ils,
au départ de l’armée, se livrera la vengeance des Ottomans?
et la France n’acqiiitle-t-elle pas une dette sacrée en leur
donnant un asile? Elle ne leur a imposé aucune condition. Ils
étaient Français en Egypte : pourquoi ne le seraient-ils pas enFrance? Sont-ils donc des transfuges, ceux qui, séparés de leurs
familles, et accoutumés par des mœurs simples à l ’a mou r de la
-patrie *, pleurent encore l’Egypte où ils n'ont plus l’espoir d’aller
mourir?
Nos lois sont hospitalières, et on les calomnie. L ’art. i du
Code Nap. dit : que « l’étranger qui aura été admis par le gou« vemement à é t a b li r son d o m i c i l e en F r a n c e , y j o u i r a des
« droits c iv ils, tant qu’il continuera d’y résider ». Or, suivant
3
25
l ’art.
, on n’est incapable de porter témoignage que lorsqu’on
a été privé de ses droits civils. Une législation aussi claire
devait fermer la bouche aux héritiers Destaing, et épargner
aux Egyptiens, devenus Français, un reproche brutal, et d’autant
plus inutile à la c a u s e , que L’ a r r ê t de la Cour avait supposé ces
réfugiés capables de témoignage.
C e n’est pas tout encore pour les héritiers Destaing de récuser
par un moyen général tous les témoins d’une enquête; il en reste
*« Lorsque M. Maillet était consul au Caire, les Jésuites persuadèrent
« à la cour de France de faire venir à Paris dès enfans de Cophtes pour
« les élever aux collèges de Louis-le-Grand. On devait les instruire dans
« la fo i, et les renvoyer convertir leur nation schisinatique. A force d’ar« gent on obtint le consentement de quelques pères extrêmement pauvres:
« mais lorsqu’il fallut se séparer, la tendresse se réveilla dans toute sa
« force,, et ils aimèrent mieux retomber dans la misère que d’acheter ün
« état d’aisance par un sacrifice qui coûtait trop à leur cœur ». ( Savari,
sur l’Egypte, lettre 14).
un e
�33
(
)
une autre composée de généraux et d’hommes respectables, qui,
ayant la confiance du gouvernement, ont contenu les héritiers
Deslaing dans leurs apostrophes. '
Mais leurs ressources ne sont pas épuisées.
Nîî trouvant pas de témoins qui voulussent dire qu il n y avait
pas eu de mariage, les héritiers Destaing ont conçu lidée de se
faire écrire une lettre qui leur racontât de point en point, et ab
ovo, tout ce qui s’était passé au Caire , h Tarente, à L y o n , a
•Aurillac et à Paris.
Mais de quel nom se servir pou^r cette lettre? Ils n en ont pas
vu de plus convenable que celui du général Dèlzons., leur cousin,
ancien ami du général Destaing , qui certainement a tout vu ,
niais qui depuis l’an 10 avait gardé une neutralité dont aucune
des parties ne pouvait le blâmer.
C ’est de lui qu’on produit une lettre de six grandes pages, si peu
d’afccord avec la loyauté de ce militaire, q u ’ i l est difficile decioiie
à sa réalité. P l u s on la l i t , et p l u s on est convaincu que c’est une
véritable injure faite à ce général, de lui imputer un écrit pareil.
On lit dans cette lettre, datée du 17'janvier 1809 (e t qu’on a
signifiée comme pièce du procès ) ^ que M. Delzôns s’accuse
d’avoir introduit Anne 'Nazo dans l a ’ maison‘ du sieur Destaing
père, .après la mort du''général, pour reàewôir lès secours hospi
taliers dus au malheur ; mais qu’il est faui qU’il y ait eu aucun
mariage entr’elle et le général Destaing.
Cette lettre atteste qu’il n’y a eu entr’eux qu’wrc arrangement
oriental ou un mariage à tems
L ’auteur s’y rappelle parfaite*
Les enquêtes prouvent que les mariages
musulmans. L e
avec la femme
engagemens de
Mahomet, qui
à teins n’ont lieu qu entre les
Cadi vend une permission de vivre pendant un tems donné,
que l’on a choisie ; la police exige cette formalité : et les
ce genre sont en parfaite concordance avec la religion de
admet la pluralité des femmes. « Employez vos richesses à
« vous procurer des épouses chastes et vertueuses. Donnez la dot promise
« suivant la loi. Cet engagement accompli, tous les accords que vous ferez
« ensemble, seront licites ». ( K o r a n , ch. 4, v. 29).
9
�(
34 )
ment du jou r et de Y heure ou Anne Nazo est entrée chez le gé
néral D e s t a i n g , et du jour de sa sortie (au bout de dix ans).
P u i s v i e n t une plaidoierie en forme sur le résullat des ordres du
jour de larmee, relativement a la tenue des registres prescrits
aux commissaires des guerres. Tout y est avec ses dates et des
exemples. La lettre est terminée par un'démenti formel au cer
tificat du général en chef Menou, p o u r avoir dit que lui Menou
avait assisté au mariage, et que tout s'était passé avec la plus
grande régularité, sous les rapports civils .et religieux.
Non ,1111 général français n’a point écrit cette lettre; on abuse
de son nom pour tromper la Cour.
'
Un général français n’a point démenti son chef, qui a donné
un certificat au nom de la vérité et de Vhonneur. Il n’eût point
attendu la mort de ce chef, pour faire à ses mânes la plus san
glante des injures.
Non , le général Delzons n’a point écrit qu’il n’y avait eu
qu’un arrangement oriental fait avec l ’accord des parens Nazo;
lorsque vingt-cinq témoins disent le contraire, lorsque M. Del
zons, son père, a déposé que LE GÉNÉRAL D e l z o n s , SON FILS ,
lui
avait
dit
qu'il y avait eu une cérémonie religieuse,
A L A Q U E L L E IL A V A I T
A S S I S T É ; l o rs q ue F r a n ç o i s e
Gronier a
déposé que madame Delzons ¡fem m e du général, lui avait dit
qu'A nne Nazo avait été\mariée avec le général D estaing, et
QUE SON MARI Y ÉTAI T PRÉSENT.
L e général Delzons a encore moins écrit qu’il s’accusait
d’avoir introduit Anne Nazo dans la maison de son beau-père-,
à A u rilla c , pour recevoir des secours hospitaliers ; ca rie gé
néral Delzons est membre du. conseil de fa m ille , du messidor
an io , qui défère à l’aïeul la tutelle de Maria Destaing, comme
5
fille légitime de son fils.
C’est dans ce procès-verbal que le général Delzons a dit la
vérité ; là il a écrit et signé que le général Destaing a laissé
une f i l l e lég itim e provenant de son mariage avec A n n e Nazo.
Voilà seulement ce que le général Delzons a dit en présence
�(.35
)
de la justice et d’une famille entière; et cela est incompatible
avec ce qu’on suppose émané de lui, après dix ans de neutralité
et d'un oubli inévitable des faits , des dates et des détails. La
lettre qu’on lui attribue n’est donc qu’une injure farte à la loyauté
de ce général, qui la désavouerait, n’en doutons pas, s’il était
instruit qu’ôn abuse ainsi de son nom.
Mais c’est trop s’arrêter à une'pièce qui n’est au procès que
pour attester que les héritiers Destaing emploient toutes sortes
de voies pour calomnier et persuader ; comme s’ils s’attendaient
que la Cour , après avoir rejeté une masse d’attestations authen
tiques, aura plutôt confiance dans le certificat intéressé, informe
ét isolé, fait sous le nom d’un parent qui luî-même avait attesté
légalement le contraire de ce qu’on lui fait dire.
Les enquêtes restent donc dans toute leur force, et il 'serait
superilu de s’y appesantir : léur simple 'lecture’'opère u n e c o n
v ic tio n t e lle m e n t e n tr a în a n te , que le s c o m m e n t e r s¿irait les
a ffa ib lir .
. r
~ C’est à ces enquêtes seules que la Cour a réduit toute la cause,
en modifiant l’interlocutoire ordonné parles premiers juges, qui
avaient exigé cle plusda‘ preuve de Peiisi'étlce ou non existence
f
1
des registres de l’état civil au greffe.- ï il0a
' u '
1 r:
' Cependant les héritiers Destaing se confient'encore dans cette
partie de'-leurs objections.*-Ils n'ont pas perdu l’espoir de faire
adopter par la Cour ce qu’elle a rejeté, et ils veulent astreindre
la dame Destaing à rapporter un acte de mariage tiré des registres
de l’état civil.
”v - - 1 f; •1 ,)li 11 ‘
Car, disent-ils, il existe des registres en Egypte : nous le
prouvons à l’aide dés certificats délivrés aux héritiers Faultrier.
D ’ailleurs les ordres du jour’ de l’armée exigeaient que tous les
actes fussent reçus par les commissaires des guerres, pour être
valables; vous avez dû vous y conformer.
'
Que sont les ordres du jour de l’an 6 et de l ’an 7? Leur'début
( Varmée est prévenue, etc. éprouve seul qu’il ne s’agissait pas'
d’une loi générale pour l’Egypte. Et comment oser sans ridicule"
10
�(
36
)
supposer que la légitimité des mariages et le sort d'une'province
a u r o n t été réglés au son du tambour par une proclamation faite
s u r une place d’armes, vraisemblablement fort peu fréquentée
des indigènes?
Qu’on ouvre les journaux du tems, et ils apprendront que
l’Einpereur allant vaincre comme César, laissait au vaincu ses
lois, ses usages et sa croyance ; parlant du Christ aux Grecs , et
du Dieu de Jacob aux Musulmans, tout, excepté son épée,
été concorde et tolérance.
Ses successeurs ont suivi son exemple et ses ordres. « Nous
« avons respecté, dirent-ils aux Egyptiens, en se préparant à
« les quitter, vos mœurs, vos lo is } vos usages.. . . » Et le
Divan du Caire a remercié officiellement le premier Consul, en
l’an 9, de ce respect poux* les mœurs de l’Egypte, en lui expri
m ant, avec l’élévation orientale , une juste reconnaissance.
Des ordres du jour n’ont donc pas été une Joi générale, faite
pour changer les habitudes de l’Egypte sur la forme des ma
riages. C ’est, au reste , ce qu’a expressément jugé l’arrêt de cas
sation des héritiers Faultrier , et ce qu’avait déjà préjugé la Cour
en n’exigeant de la dame Destaing que la preuve de son mariage
suivant les formes de son pays. .
,
Que sont encore ces certificats, égyptiens présentés par les hé
a
ritiers Faultrier, et que les héritiers Destaing s’approprient ? Il
suffirait de leur répondre que ces copies sont dans le procès actuel
une pièce étrangère, et que n’étant pas prises sur l’original, dans
lus formes légales, elles ne peuvent faire aucune foi en justice ,
suivant l’article i
du Code Napoléon.
Qu’a de commun le procès de îa Géorgienne Népliis (achetée
comme esclave par le général Faultrier, présentée, à la vérité,
à Metz , comme son épouse, mais méconnue aussitôt qu’il fut
mort), avec le procès d’Anne Nazo, appelée en France par son
époux, reçue, accueillie par sa famille, après sa mort, et ayant
eu une possession d’état légale et publique, consignée dans les
registres judiciaires et dans ceux de la maison impériale ?
336
�_ ( 37 )
Mais admettons ces certificats comme sincères et authentiques ,
tout prouve que ceux qui ont cherché à se les procurer n’ont
voulu que surprendre la justice par une équivoque.
On sait que toutes les religions sont tolérées dans les états du
Grand-Seigneur, quoique l’islamisme y soit la religion domi
nante. On sait encore que Mahomet I I , vainqueur de Constantinople, jura de respecter le christianisme; et ses successeurs
ont gardé son serment.
'
A la vérité, un serment de fidélité et un tribut fort onéreux
sont exigés des évêques et des patriarches ; h cela près rien ne
s’oppose à ce que les prêtres latins, grecs et arméniens, exercent
leur culte publiquement dans les états du Grand-Seigneur; e l
les minarets seuls y distinguent les mosquées des églises chré
tiennes.
L ’Egypte, l’un des berceaux du christianisme , l’un des pre
miers asiles des fidèles persécutés, n ’a v a it point échappé au
schisme des Grecs , et toute tolérance cessa quand celle secte
se sentir assez forte pour disputer de domination; l’église latine
fut long-tems proscrite par les Grecs , mais sans perdre jamais
l’espoir de ramener ses enfans égarés à l’unité religieuse. De
tout tems la cour de Rome a entretenu dans ces déserts de laJ
Thébaïde, si grands en souvenirs, des prêtres catholiques qui,
semblables aux persécutés de toutes les révolulions religieuses,
conservaient le feu sacré de la foi pour des lems pins prospères.
C ’est ainsi que sur la montagne des Druses, dans la chaîne du
Mont-Liban , de pieux ecclésiastiques, soumis à tous les dogmes
de l’Eglise romaine, et sous son obédience, se répandent dans
les villes de l’Egypte, soit sous le titre de missionnaires, soit
sous le titre de curés 3 ou tout autre caractère qui leur est donné
par leur chef.
Ce chef est connu parmi eux sous le nom de Patriarche
d’Alexandrie, non pas celui qui, prêtant serment de fidélité au
Grand-Seigneur, se regarde comme indépendant de Rome , et
�(38
)
de l ’Eglise d’Orient , mais un patriarche dépen
dant du Pape, et vivant dans l'unité de l’église catholique.
Maintenant, il faut rappeler que la daine Destaing n’est pas
née dans la religion grecque la tin e, mais dans celle connue en
France sous le nom de schismaliquegrecque. Le patriarche grec
et les prêtres ou papas, exerçant le culte public grec au Caire,
sont donc les seuls qui eussent pu donner des attestations dignes
de foi sur le rit de leur église.
Mais ce n’est pas d’eux qu’on rapporte des certificats ; il paraît
que les héritiers Faultrier en ont demandé aux prêtres latins. Cela
était indifférent dans leur cause ; car l ’arrêt de Metz , du
fé
vrier i o , confirmé par la Cour de cassation, exigeait seule
ment un acte de notoriété des prêtres de la religion chrétienne
grecque ou romaine , établis à Gizé. Et en effet, on ne voit pas
si Néphis David a prétendu avoir- été mariée à Gizé par un
prêtre du schisme grec. Peut-être aussi a-t-elle de son côté rap
porté un acte de notoriété de l ’église schismalique grecque y
pour satisfaire à l’arrêt de Metz. Mais on ignore pleinement les
détails-de son procès et le genre de sa défense.
Quoi qu’il en soit, les héritiers Destaing se sont emparés des
certificats donnés aux héritiers Faultrier. Voyons maintenant
ce qu’ils disent. Le premier est ainsi conçu :
•.
.
*
« Je soussigné, Préfet des prêtres grecs catholiques , en
« Egypte, déclare que tous les mariages qui sont célébrés, soit
« par m oi, soit par les prêtres grecs catholiques qui sont sous
« ma dépendance, sont inscrits sur un registre, etc., écrit par
« le père Constantin H adad, vicaire de Son Eminence le
« Patriarche grec en Egypte. Au Caire, le 7 du mois eclibat
chef suprême
83
25
« ( 7 février 1809 ).
Le suivant atteste qu’il n’a pas trouvé dans les archives de
son église le mariage du général Faultrier. Il est signé : Benediclus de JXledicina, missionnaire apostolique, curé et vicaire
sup ci leur de la mission d’Egypte• A u Caire, le 20 février 1809,
�3
( 9 )
Ces deux certificats sont de l a ’main même de ces ecclesias
tiques. Le premier est en arabe, et le second en latin : ils sont
traduits par un interprète du Consul de France.
Le troisième n’a aucune signature, ni même le nom du certJicateur. II consiste à dire qu’aucun prêtre de notre dépendance
ne peut célébrer de mariage entre des personnes de différentes
religions. Il ajoute que si le mariage est fait entre des personnes
de la même religion, il faut la permission du patriarche, et on
l’inscrit sur un registre.
k L ’original de cette pièce est en italien ( ce qui est fort éton
nant ). La copie produite par les héritiers Destaing commence
ainsi : « I l y a en tête une ligne de caractères majuscules en
« arabe ou cophte ». A la fin du certificat , on dit : « Suivent
« des signatures en caractères étrangers ». Puis le Consul fran
çais ajoute que ces signatures sont celles du patriarche grec et
du prêtre à qui les registres sont confiés.
S’il fallait met Ire plus d’importance à ce dernier certificat, on
se,demanderait pourquoi les premiers sont donnés au C a ire,
l e ........, et celui-ci en Egypte , l e ..........? Pourquoi celui-ci est
fait en italien , dans une langue que les signataires 11’enlendaient pas ? Et pourquoi enfin le secrétaire interprète du Con
sulat , qui a fort bien traduit de Varabe le certificat du père
Constantin Hadad, n’a pas su dire la valeur des mots composant
les signatures et l’intitulé du troisième acte, et n’a pas même
compris si tout cela était arabe ou cophte?
Quelle foi ajouter à un certificat où celui qui écrit la pë'nsée
d’un autre ne parle pas la même langue que le signataire, et où
le traducteur se contente de dire que les signatures sont en ca
ractères étrangers ?
Il fallait qu’on demandai aussi à ces prêtres latins si les re
gistres qu’ils tiennent sont des actes de l’état civil, dans une
contrée régie par les lois turques; ils auraient répondu que de
pauvres prêtres, soutenus par leur zele, au milieu de la bar-
�(
4°
)
barie et des obstacles, n’aspirent qu’à la propagation de la foi,
et tiennent de simples notes pour reconnaître le petit nombre cîe
prosélytes que l’JEglise de Rome a conservés dans cette terre de
persécution *.
Mais , dans cet entassement de bizarreries , il ne faut pas s’oc
cuper des détails et des objections sans nombre q u i s’élèveraient
contre la forme de ces actes ; il suffit de reconnaître qu’ils ne sont
pas émanés des prêtres de la religion de la dame Destaing, et
alors on n’a pas pu les lui opposer.
Les prêtres de sa religion n’ont donné aucun certificat. Com
ment le pourraient-ils ? Il est constant qu’ ils ne tiennent aucun
registre ; leur éducation ne se fait pas en Europe; on les instruit
des dogmes de leur foi ; Je patriarche les ordonne prêtres ou
papas, sans exiger d’eux d’autre instruction; à peine quelques-
*
Les missionaires de Rome n’ont jamais cessé clans ces parties du monde
de s’employer à faire des prosélytes; en conséquence, ils ont fondé avec
beaucoup de peine et à grands frais, parmi ces sectes, des sociétés qui ont
reconnu la doctrine et la juridiction du Pape. On sait que parmi les Grecs
qui vivent sous l’empire Turc , plusieurs ont embrassé la foi et la discipline
de l’église latine, et sont g ouver nés par des prêtres et évêques de leur
nation, mais confirmés par le pape. Il y a à Rome un collège exprès, fondé
dans la vue de faire des conversions parmi les Grecs, et d’ajouter de nou
veaux sujets à l’église romaine. On y élève un certain nombre d’étudians
Grecs. (Histoire de l’Eglise, par Mosheiin , tonie , page 272.)
5
Rien ne caractérise plus la religion des Grecs que leur aversion invincible
pour l’église de R o m e , qui a fait échouer jusqu’à présent toutes les ten
tatives du saint-siège et de ses nombreux missionnaires, pour les réunir
aux Latins. Il est vrai que les docteurs romains ont fondé quelques églises
dans l’Archipel : mais ces églises sont pauvres et peu considérables; et les
Grecs ou les T u r c s , leurs maîtres, ne veulent pas permettre aux mission
naires de Rome de s’ étendre davantage. ( lb ld . page 260.)
Etat de l'E glise Grecque , par Cow el , tome i . or, page irsS.
'Lettres Edifiantes , tonie 10 , page 828.
uns
�u o
uns savent écrire, suivant le témoignage de tons les voyageurs *.
Il n y a de lettrés parmi eux.que les prêtres latins, qui n’ont
qu une portion très-exiguë du peuple attachée à leur croyance,
et q u i, perpétuellement poursuivis par la haîne des G recs, et
osant a peine faire des prosélytes **, ne se soutiennent que par
leur zèle et par la pitié des Francs, mais sont à peiné connus pour
prêtres par les Egyptiens, parmi lesquels ils vivent.
Mais il est impossible de mieux expliquer cette partie de la
cause , que ne l’a fait don Monachis dans son attestation , qui
perdrait beaucoup d’être simplemont extraite, et qui ne peut
que jeter le plus grand jour sur la seule objection dans laquelle
les héritiers Destaing semblent placer leur dernière confiance.
(
« Par-devant M .e Massé et son confrère, notaires impériaux
« à Paris, soussignés, est comparu Don Raphaël de Monachis,
« ancien premier curé g r e c c a t h o l i q u e r o m a i n au grand C a i r e ,
« en Egypte, ou p rem ier v ica ir e de so n é m in e n ce le p a tria rch e
« g r e c c a th o liq u e r o m a i n , résidant au couvent de St.-Sauveur
*
« Que voyait-on dans cette terre natale des sciences et des arts? Tout
ce qu’on voit chez presque tous les peuples esclaves : un clergé superstitieux
et ignorant, etc. ( Coray. Mém. sur l ’ ètcit de la civilisation, des Grecs).
« Par-tout domine encore un clergé ignorant....... L e couvent de Neamoni
nourrit plus de o moines, dont 4 ou disent la messe j pas un seul ne sait
l ’ancien grec, et une douzaine au plus savent lire et écrire le grec moderne...
A u couvent de Megaspision , leur ignorance surpasse encore, s’il est possible 3
celle des moines de Neamoni. Je doute qu’il s’en trouvât 4 ou ( s u r o o ) ,
sachant lire et écrire ». (Bartholdi, Voyage en Grèce , en i o , t. 2).
45
5
5
83
3
** « L e clergé grec ne cesse d’exciter le peuple à la haîne des autres reli
gions, et sur-tout de la catholique romaine........ La haîne des Grecs et des
Romains est si forte dans plusieurs île s , que tous moyens leur sont bons pour
se nuire. M. de P a w est très-fondé à avancer que le premier usage , que
les Grecs ne manqueraient pas de faire de leur liberté, serait d’allumer une
guerre de religion........ Il est interdit aux Romains de faire des prosélytes''
parmi les Grecs, au lieu q u e ceux-ci peuvent en faire parmi les Romains.
( Ibid. tom. 2. )
11
�C 42 )
« sur la m o n t a g n e des Druses , dans le Mont-Liban , ancien
« m e m b r e du Divan et de l’institut d’Egypte, actuellement
« professeur de langues orientales à la bibliothèque impériale,
« à Paris, y demeurant, rue du Chantre, n.° 24,
« Lequel} sur l’invitation de madame Nazo, veuve du général
.« Destaing, et après avoir pris lecture de la copie de trois cer« tificats qui paraissent avoir été délivrés au Caire par des prêtres
« grecs catholiques romains, les 7 , 10 et 20 février 1809, con« cernant le mariage du général Faultrier avec une Géorgienne ,
« et pour faire cesser les doutes et les erreurs qui pourraient
« résulter desdits certificats,
« A fait l’exposé des faits suivans :
« Avant le concile de Florence, les églises orientales étaient
cc réunies par la foi, et soumises à l’église de Rome, dite église
« occidentale. Mais après le c o n c i l e , les d e u x églises orientale
« et occidentale furent divisées, faute de se trouver d’accord
« sur cinq dogmes de la foi, dont l’un était de reconnaître le
cc Pape comme chef suprême de toute l’église chrétienne ; en
cc conséquence, les quatre patriarches de Constantinople, d’An« tioche, d’Alexandrie et de Jérusalem se séparèrent du saint« siège de R o m e , qui les c onsi déra et les consi dère encore
a comme schismatiques. De cette nouvelle secte s’en sont formées
cc d ’autres, telles que les hérétiques, mais qui sont demeurés
te en plus petit nombre que les schismatiques.
cc Depuis environ 1 2 0 ans, un archevêque de Damas, grec
cc schismatique, ramené a la foi par un Jésuite, renonça au
cc schisme, et rentra dans la religion grecque catholique romaine;
cc mais ne pouvant pas rester à Damas, à cause des persécutions
cc des grecs schismatiques , il se retira sur la montagne des
« Druses, dans le M ont-L iban, avec une suite de quelques
« prêtres de la même opinion que lui. Us s’y établirent sous la
« protection des Français qui se trouvaient en grand nombre
cc dans les villes.de T y r et de Sidon. Alors le Pape Innocent X I ,
cc sur la demande des peuples qui avaient embrassé la foi, le
�43
(
)
« nomma patriarche par intérim ( c ’est-à-dire, jusqu’à ce que
« quatre sièges d’Orient , ou l’un d’e u x , fussent revenus à la
« foi), de tous les Grecs catholiques romains qui se trouvaient
cc répandus en Orient dans les pays occupés par les Grecs
« schismatiques.
« Depuis cette époque, le patriarche de tous les Grecs catho« tiques romains a résidé et réside encore au couvent Saint« Sauveur, sur la montagne des Druses.
« L e déclarant, au sortir des collèges de Rom e, ou il a fait
« ses études, fut envoyé au couvent de Saint - Sauveur , pour y
« être ordonné prêtre par le patriarche de son rit. Après y être
« resté quelque tems, il fut envoyé dans la ville du grand Caire,
« par son éminence le patriarche A gapius Matac> qui existait
« alors, et qui vraisemblablement existe encore aujourd’hui,
« pour y remplir les fonctions de premier curé, ou premier
« vicaire du patriarche, en Egypte.
« Avant son d é p a r t , il r e ç u t l ’o r d r e du p a t r i a r c h e de se con« former à l’usage des Européens, en tenant des registres pour
« constater les naissances, mariages et décès; en conséquence
« de ces ordres, le déclarant fut le premier qui commença ces
<c registres en Egypte, pour constater l’état des Grecs catholiques,
« et les lit tenir par les cinq prêtres grecs catholiques, sous ses
« ordres, qui sont les seuls qui existent au Caire pour le rit
« grec catholique romain.
« Les actes étaient de simples notes signées du curé , et
« jamais par les parties.
« Le déclarant exerça les fonctions de premier vicaire jusqu’à
a son départ de l ’Egypte pour la France, où il fut appelé par
« le premier Consul, par l’intermédiaire du général Sébastiani,
« et d’où il n’est parti qu’avec permission de son patriarche.
« Après son départ, il fut remplacé par le père Jean Nassere;
« et celui-ci, depuis décédé, a été remplacé par Constantin
« Iladad, qui exerce encore aujourd’hui les fonctions de prê
te mier curé de l’Egypte, ou premier vicaire de son éminence
J2
�(
44
)
« le patriarche grec catholique , résidant à la montagne des
« Druses ; l e q u e l Constantin Hadad a délivré les certificats ci« dessus mentionnés.
« En conséquence, Don Raphaël déclare que Constantin
« Hadad, son successeur, n’a déclaré que la vérité, en certifiant
« qu’il est tenu des registres de l’état civ il, au Caire, par les
« prêtres grecs catholiques , sous ses ordres : mais qu’il faut
« bien disiinguer de ceux-ci, qui sont en petit nombre, les grecs
« schismatiques, qui sont bien plus nombreux, et dans la re« ligion desquels la dame Destaing a été mariée par le patriarche
« qui réside à Alexandrie.
« Qu’à l’égard des Grecs schismatiques et de toutes les autres
« sectes qui sont sorties de celle-là, ils n'ont jam ais tenu de re
ts. gis très de naissances, mariages et décès, en Egypte; et que
« la raison s’en tire naturellement de l e u r défaut d’instruction
« qui ne se trouve pas chez les Grecs catholiques , dont les
« prêtres, en partie, font leurs études à Rome.
« Laquelle déclaration mondit Don Raphaël de Monachis a
« affirmée sincère et véritable, pour servir et valoir ce que de
« raison ».
« F a i t et passé à P a r i s , e t c . , etc. ».
Il est donc prouvé, jusqu’à l’évidence, que la validité des
mariages des Grecs, en Egypte, ne dépend pas de leur inscrip
tion sur un registre civil, parce que ces registres n’existent pas
en Egypte comme en Europe : aucun voyageur ne dit que cette
formalité y ait lieu ; au contraire , M. le sénateur comte de
Yolney, dans l’ouvrage qui lui a fait une si grande réputation
littéraire, et qui sera le modèle perpétuel des voyages, atteste
la répugnance des Turcs pour les dénombremens de population
dans les états de leur obéissance*.
*O u
souvent des questions sur la population du Caire., Si l’on veut
en croire le douanier Antoine Faraoun, cité par le baron de T o t t , elle
�4
'
(
& )
A quoi tient donc cette obstination des héritiers Destaing, à
ne vouloir reconnaître la dame Destaing comme mariée 7 que
si elle rapporte une preuve écrite et légale de son mariage?
Que d’exclamations on eût faites, si elle se fût présentée avec un
acte de mariage pour elle, et un acte de naissance pour sa fille.
iVoyez, eût-on dit, cette Grecque artificieuse, qui, pour s’intro
duire dans une famille étrangère, a pris la précaution insolite de
se munir de pièces impossibles à vérifier, et qu’elle a évidemment
fabriquées en Afrique ou au milieu de *Archipel !
Eh bien ! la dame Destaing n’avait ni médité des artifices ni
prévu les machinations insidieuses , desquelles elle aurait à se
défendre, Partie du Caire par ordre de son époux , changeant de
patrie pour suivre sa destinée, c’est pour lui seul qu’elle avait
souffert, c’est de lui qu’elle attendait des consolations. Son époux,
sa fille, étaient pour elle ses pénates et son avenir : avait-elle
donc des preuves ù chercher pour des êlres qu’elle ne connais
sait pas ?
La dame Destaing a toujours été si rassurée sur son état et
celui de sa fille, qu’elle n’avait pas même fait des démarches
pour rechercher à Céphalonie si le baptême de sa fille avait été
constaté ; et il y avait d’autant plus lieu de le croire ainsi, que
cette île européenne devait avoir un clergé grec plus éclairé que
celui de l’Egypte.
Mais les recherches de ses ennemis allaient faire pour elle des
tentatives dont le but uniforme était toujours de lui opposer une
1
approche de 700,000 âmes y compris Boulâq , faubourg et port détaché
de la ville : mais tous les calculs de population, en Turquie, sont arbi
traires, parce qu’ on n’ y tient point de registres de naissances , de
morts ou de mariages. Les Musulmans ont même des préjugés supersti
tieux contre les dénombremens. Les seuls chrétiens pourraient être recensés
au moyen des billets de leur capitation. ( Voyage en Egypte et en S y rie,
3
par M. de V o ln e y , 4.« é d itio n , 1807, tome i . cr /?. ao . )
�(
46
)
tenue des registres avec laquelle on croyait la confondre, si le
baptême de sa fille ne s’y trouvait pas.
Pendant que les députés des îles ioniennes étaient à Paris,
madame Destaing reçut l’acte qui suit :
,
,
« Du douze novembre dix-huit cent sep t à A r g o s to li île
« de C éphalonie , sont comparus, par-devant nous notaire sous« signé, le révérendissime papas, M. A n dréM azarachi d ’A n « z o lo , desservant de l’église solitaire de Saint-Constantin , qui
« est dans le voisinage et sur la rive dépendante des villages
« d’A d ilin a ta et iïA r g a ta , situés dans l’île de Céphalonie, et
« M. Jean L a v ra n g a , lequel prêtre sus-nommé a baptisé , en
« Vannée dix-huit cent deux au mois de ja n v ie r , ne se sou«t venant pas en quel jour du mois, un enfant du sexe féminin}
« fille de madame A n n e Nazo et du général D esta in g , laquelle ,
« suivant la déclaration faite, à lui prêtre comparant, par les sus« nommés, était née de légitime mariage, et a été nommée Marie y
« et elle a été tenue sur les fonds de baptême par M. Jean
« Lavranga et le capitaine Siffi, Fanchiote, lequel ne se trouve
r« pas présentement dans cette île; le présent sera affirmé avec
« serment p a r les susdits p r e tre et s ie u r L a v r a n g a ; ils déclarent
« en outre que, dans cette église, située dans ce lieu solitaire,
« on ne tient poin t de registres baptistaires ni mortuaires. La
,
« présente est donnée pour rendre témoignage à la vérité ; et les
« comparans se ressouviennent parfaitement d’avoir administré
« le sacrement susdit, ce qu’ils affirment comme témoins.
« Signé A n d ré M azarachi , prêtre, j’affirme avec serment;
Jean Lavranga , j’affirme avec serment; Jean Ç lin si , témoin;
« Spire Cacurato , témoin ; D im itri Caruso , notaire. A la
« suite du présent original est une traduction italienne, signee
« Dimitri Caruso, notaire; et une légalisation en même langue,
«
“ dont la traduction suit :
« E m p i r e F r a n ç a i s . — Son Excellence Savio A n n in o ,
�47
(
)
« administrateur du gouvernement de Céphalonie,' certifie que
« le susdit M. Garuso, notaire public, est tel qu’il se qualifie,
« et que l’on peut avoir pleine et entière foi à ses signatures.
« Donné en l’administration de Céphalonie, le dix-neuf novembre
« mil huit cent sept. Signé Savio ¿Lnnino, administrateur; et
« Jedn-Baptiste Tipaldo Pretteiulavi, chef de bureau »,
Cet acte fut présenté à M. Marino M aiura, principal député
des îles ioniennes , q u i , au grand étonnement de Madame
Destaing, lui apprit que c’était lui-même qui avait fait rediger
cet acte de baptême, à la demande de l’un des aides-de - camp
de M. le maréchal Marmont, qui le réclamait de la part de
M. le général D elzons (employé en Dalmatie).
L a famille Destaing, qui faisait rechercher ce fait aussi loin,
9n’en a plus fait usage lorsque le renseignement a été contraire à
■ses prétentions.
Et peut-être l’honnête ecclésiastique , .informé par ces re
cherches des vexations suscitées à une malheureuse étrangère, se
sera fait un devoir de charité chrétienne de fui envoyer cet acte,
• de son propre mouvement, pour rendre hommage à la vérité.
L e tribunal de la Seine a ordonné, par jugement du juillet
1809 , que.cet acte serait transcrit>dans les registres de l’état civil
de Paris, pour servir d’acte de naissance à Maria Destaing.
C’est'ainsi que ce qui était sollicité pour nuire à la dame
Destaing n’a été utile qu’à elle.
Mais continuons l'a réfutation des objections que continuent de
lui faire les héritiers Destaing:.
Il est impossible, disent-ils, de croire au mariage d’un général
français qui n’a pas été célébré de la même manière que ceux
de ses frères d’armes. O r, les mariages des généraux Delzons,
Lantin, Menou et Bonne-Carrère ont été reçus par des com
missaires des g u e r r e s . Telle était donc la forme, et pourquoi
Anne Nazo ne l’a-t-elle pas suivie? pourquoi, au moins, n’y
5
\
�48
(
)
a-t-il pas été accompagné des fêtes d’usage, dans les rues du
Caire ?
Les généraux Delzons, Lantin et Bonne-Carrère épousaient
les demoiselles Varsy, filles d’un ancien négociant français,
établi à Rosette, ville presque européenne à cause de son com
merce. L à , certainement, un catholique, mariant ses trois filles
avec des Français, devait se soumettre aux lois françaises, et ne
devait aller chercher ni le C a d i, ni les prêtres d’une autre re
ligion. Aussi ne dit-on pas un mot de la cérémonie religieuse
de ces trois mariages qui a dû être faite par un prêtre catholique,
ou régularisé en France au retour de la famille Varsy.
Le général Menou épousait une musulmane : son mariage
a d u etre lait devant le C a d i. Son épouse d u t être promenée dans
les rues sous \in d a i s , e n t o u r é e d e ses parens et de ses esclaves,
au son des instrumens. C a r tel est l ’ u s a g e à l ’é g a r d des m a r i a g e s
musulmans *, qui, dans la religion dominante, ont seulsle pri
vilège de l’éclat et de la publicité.
Mais Anne Nazo, de religion grecque, mariée à un Européen,
de religion laline ou romaine , n’avait pas le droit d’en rendre
la c é r é m o n ie p u b l i q u e , ni par des fêtes religieuses, ni par
aucune in s c r ip tio n d a n s des registres, ni p a r u n e promenade
dans les rues, sous un dais, comme les Musulmans.
C ’était bien assez que sa famille eût vaincu à cet égard les
préjugés de sa nation, en la donnant à un Européen, à un catho-
*
«C ’est ordinairement le soir que la marche commence î des baladins
la précèdent; de nombreux esclaves étalent aux yeux du peuple les effets,
les bijoux destinés à Pusage de la mariée ; des troupes de danseurs s’avancent
eu cadence au son des instrumens ; la jeune épouse paraît sous un dais
porté par quatre esclaves; un voile la couvre entièrement; une longue
suite de flambeaux éclaire le cortège ; de tems en tems des chœurs de
Turcs chantent des couplets à la louange des nouveaux époux». ( Savari,
tome 3 , lettre 3 ) .
'
'
lique
�liqne romain, à un militaire * ; la famille Nazo avait ail moins
dicté la loi sur le point principal, en exigeant que la célébration
fût faite avec les cérémonies du rit grec.
On demande ensuite à la dame Destaing pourquoi son mariage
a été fait sans contra t. Mais en France même il n’est nécessaire
que quand il y a des intérêts à régler. En fallait-il plutôt en
Egypte où le Koran est le Gode universel et supplée à tout. L e
général Destaing allait s’allier à une famille opulente. Qu’avait-il
en échange à offrir? Sa fortune dépendait de son épée. Ses revenus
étaient fondés sur la loi du plus fort. Dans un pays où l ’industrie
et le commerce sont tout, des chances aussi frêles ne présentaient
à la famille Nazo rien que de fort aléatoire.
On se plaît à représenter les Nazo comme une famille sans
fortune et sans considération, et Joanni Nazo comme un aven
turier de la lie du peuple. Sur tout cela les héritiers Destaing
o n t b e a u je u d e m e n t i r , m a i n t e n a n t q u e le p lu s l iq u i d e de la
f o r t u n e N a z o est da n s le u r s m a in s . M a i s les témoins ne donnent
p a s d ’e u x l’idée qu’on veut en suggérer. On voit dans les enquêtes
que Joanni Nazo, à l’occasion de son mariage avec Sophie Misck ,
dépensa o,obo écus.
5
On se plaît encore à jeter du ridicule sur ce que la mère d’Anne
Nazo répudia Barlhélemi pour épouser Joanni Nazo ; et là-dessus
on se récrie sur de telles mœurs, comme si une famille africaine
avait dû prévoir qu’il faudrait rougir de ce qui est toléré dans sa
nation , et s’en justifier un jour aux yeux des sieurs et demoiselle
Destaing, d’Aurillac.
Si la prétention des Européens est de blâmer ce qu’ils blâment,
et de louer ce qu’ils louent, il faut qu’ils donnent le droit de re
présailles aux nations étrangères, et ils auraient beaucoup à y
perdre. En Egypte , le lien du mariage est plus sacré qu’en
* «Les parens (G rec s) ne font aucune difficulté d’accorder leur fille à
* uu T u r c, pourvu q u ’ il soit riche et puissant, tandis qu’ils refusent opi»
« uiâtrément de l'accorder à un catholique.
(Baitlioldij tome 2.)
�(
5o
)
France , tant qu’il dure ; mais il n’est pas indissoluble. Si la reli
gion se prête à des injustices, ce sont ses ministres qu’il faut en
accuser *, mais non les époux mécontens, qui n’ont agi que sous
leur direction.
Barthélémy était catholique; Sophie Misck était grecque, et
les prêtres de son culte prononçaient anathême contre un lien
qu’ils n’approuvaient pas.
C ’était pour eux un acte religieux que la rupture de ce mariage,
pour en contracter un second plus orthodoxe : la religion grecque
le v eut, et le gouvernement le tolere.
A u reste, que Sophie Misck ait été ou non l’épouse de Barthé
l é m y , on ne voit pas comment Anne Nazo en serait plus ou moins
l ’ épous e du g é né r a l Destaing.
Enfin on porte le dernier coup à la dame Destaing; et déses
pérant de lui ôter le n o m d ’ é p o u s e , o n v e u t du moins en em
poisonner les souvenirs, et tâcher d’effacer dans son cœur le
respect qu’elle doit aux mânes de son époux. Ce n’est plus une
lettre étrangère qu’on lui oppose,'ce sont deux lettres de son
époux lui-même, écrites à son père, q u i, dit-on, fournissent la
preuve qu’il n’y a pas eu de mariage, et qu’il l’a désavoué.
L ’ u n e est é c rite d u C a i r e ; et l e g é n é r a l p a r l e d ’ un arran
gement oriental avec une jeune grecque qui fait les honneurs
de sa maison.
L ’autre est datée de Paris. Le général marque à son père qu’il
n’a pas dû plus croire à la lettre de Latapie qu\ï la sienne **;
*
« L e clergé ( grec) ne cesse d’exciter le peuple à la liaîne des autres reli
gions, et sur-tout de la catholique romaine, en accordant très-libéralement
des absolutions à ceux qui ont trompé les membres de cette religion, ou qui
se proposent de le faire » (Bartholdy, t. 2).
** Les héritiers Destaing avaient imprimé plutôt au lieu de p lu s , parce
que cela changeait le sens. Il en résultait que le général avait voulu que
son père crût à sa Lettre
yrai.
9 tandis
qu’il avoue lui-mêine qu’il n’a pas dit
�5
(
i )
qu’ il ne se serait pas marié sans l’en prévenir ; mais qu’à la
véi'ilc il a d'autres liens qui pourraient bien amener celui-là.
Remarquons, et déjà la Cour l’a remarqué elle-même dans
son arrêt interlocutoire *, que ces deux lettres étaient dans les
mains du sieur Destaing père, lorsqu’il a reçu Anne Nazo ,
et qu’après un mois de méditations il lui a donné un rang dans
sa famille, en se rendant le tuteur de son enfant.
Il a donc jugé ces lettres en père clairvoyant; et ce n’est pas
là qu’il a cherché la vérité. L ’une s’ excusait à ses yeux par la
licence des camps; les jeunes Français, fussent-ils aux confins
de la terre, ont la manie de tout métamorphoser en bonues
fortunes : mais un vieillard sait à quoi s’en tenir. L ’autre lettre lui
semblait une justification embarrassée d’un fils soumis encore à
l ’autorité paternelle; il y devinait la vérité; et bientôt elle ne
lui fut plus cachée, lorsque la dame Delzons, égyptienne, lui
eut r a p p o r t é q u e lle é ta it l ’o p i n i o n u n a n i m e du C a i r e et de
l’armée , sur le m a r i a g e de son fils ; lorsqu’encore le général
Delzons, qui y avait assisté, vint lui en apprendre les détails.
C ’est donc par pure méchanceté , et sans besoin , que les
héritiers Destaing, ont publié ces’ lettres. L ’ honnenr le leur dé
fendait, puisqu’elles n’étaient point à leur adresse. La bienséance
le leur défendait encore; car une confidence licencieuse, que leur
père avait jugée fausse, ne devait pas être reproduite.
* «Attendu que le litre d’ épouse et celui de mère ont été reconnus par
la famille du général Destaing..................Q u’ un mois après son arrivée à
A urillac, Destaing père9 ne doutant pas du mariage et de l’avis et con
sentement de ses proches parens, s’est rendu tuteur.................... Que cette
reconnaissance et cette acceptation de tutelle paraissent d’autant plus con
sidérables, qu’on pourrait les regarder comme la suite d’ un examen -appro
fondi , et de certitudes acquises par le père, puisque deux lettres de son
fils, l’ une datée d’Egypte, l’autre écrite de P a r is , lui donnant tout le sujet
de douter de ce mariage, ou même de ne pas y croire, il n’en avait pas
moins consenti l’acte en question , et que ses proches p areils y avaient aussi
concouru ». (a.e motif de l’arrêt du n juin 1808).
�( , 5 .2 }
Mais cette méchanceté n’était pas sans b u t , et on le voit
dans l’afïbctation que les héritiers Destaing ont eue à recueillir
la déposition des sieur et clame Delzons, à qui le général disait
çp? A n n e Nazo était mariée 3 mais qu’il ne Vêtait pas. On
aperçoit maintenant que la lettre est présentée pour être en
ha rmonie avec cette conversation si souvent répétée par eux.
Si celte conversation était vraie, il est cruel pour la dame
Destaing d’en comprendre le sens : mais elle ne serait d’aucune
influence pour sa cause.
Que les Européens, dans l’immoralité de leurs théâtres,
mettent en scène des malheureuses abusées par toutes les appa
rences d’un mariage réel, et cependant dupes des artifices d’un
homme qui s’est joué de la religion et de la probité, 011 ne
s’étonnera pas que ce scandale dramatique obtienne quelques
applaudissemens. M a i s q u i oserait produi re dans le monde une
semblable atrocité comme un événement réel, pour s’en appro
prier les conséquences ? qui même oserait repousser de soi la
victime d’un artifice que le voile de la religion aurait ennobli
pour elle?
Quelle que soit l’intention des héritiers Destaing, en laissant
croire que le g é n é r a l a v o u l u t r o m p e r la famille N a z o par le si
mulacre d’un mariage nul à ses yeux , la perfidie de cette sup
position serait en pure perte pour eux ; car la loi viendrait au
secours de celle qui aurait clé dupe des apparences. En eiïet la
bonne foi de l’un des époux suffit pour la validité de son mariage
et la légitimité des enfans *. Mais la dame Destaing se hâte de
dire que les cérémonies publiques qui eurent lieu au Caire, les
lettres de son époux, sa conduite soutenue envers elle, le justifient
pleinement de l’inculpation dont on a voulu le flétrir. La légéreté
de sa nation, peut-être la crainte d’être blâmé par son père, ont
pu lui dicter quelques mots é q u i v o q u e s 5 mais son cœur fut
* Code Napoléon, articles 201 et
202,
�53
(
)
innocent d’une telle lâcheté; elle était indigne, de lui, et toulës
ses actions la démentent, r. -¿.j
Ceux-là seuls sont coupables , qui n’ont pas rougi d’exhumer
de la tombe de leur frère ce qui ne pouvait être utile à leur intérêt,
qu’en imprimant une tache sur sa mémoire. Mais c’est .trop s’arrêter à des réfutations pénibles et inutiles.
Ce ne sont point des cendres éteintes qu’il faut interroger pour
la recherché de la vérité ; tout la révèle , tout l’atteste; et l’in
crédulité ne peut plus être que le masque'hypocrite de la dis
corde qui ne s’avoue jamais vaincue.
^Ihest tems qu’on cesse de disputer à une,épouse malheureuse
un nom qu’elle a acheté assez cher , et qui seul aujourd’hui doit
l’indemniser de tout ce qu’elle a perdu. Elle l’a reçu en Afrique ,
aux pieds des autels ; elle l’a porté publiquement dans sa patrie,
sur les mers , et dans toutes les villes d’Europe que sa situation
l’a forcée de parcourir. S es adversaires e u x - m ê m e s n’eurent pas
même la pensée de lui en donner u n autre; ils l ’apprirent à
ceux qui l’ignoraient ; et c’est après une possession d’état, ainsi
émanée d’eux , qu’ils ont voulu déshonorer et méconnaître celle
qu’ils avaient accueillie et protégée, L a dame Destaing n’a jamais
supposé que cet avilissement put l’atteindre : elle ne tire aucune
vanité d’appartenir aux héritiers Destaing, plutôt qu’à une autre
famille; mais le titre sacré d’épouse, mais les droits plus sacrés
encore de l’orpheline qui lui doit le jour, lie pouvaient pas être
vains à ses yeux.
Sa fille, seule, au milieu de tant de contrariétés, a soutenu son
courage; la dame Destaing n’avait pas d’héritage plus précieux
à lui laisser qu’un nom qui ne fût pas déshonoré; et elle-même
ne devait point rougir aux yeux de son enfant du vice de sa
naissance.
Pouvant attendre sans crainte l’examen du présent et du passé,
la dame Destaing a pu se soumettre sans murmure aux lenteurs
de la justice, sachant bien que l’intérêt privé pouvait élever des
'
14
�( &4 )
les formes de son mariage , mais que la malignité
n’en hasarderait aucune sur la pureté de ses actions.
• Un jour peut-être les héritiers Destaing seront honteux de ce
procès , et s’enorgueilliront de celle qu’ils voulaient avilir et
proscrire. Mais si la passion ne leur permet pas aujourd’hui
d’être justes,la dame Destaing n’en doit pas moins aux mânes
'de son époux de ne pas se croire en guerre éternelle avec ceux
qu’il lui désigna comme des protecteurs et des frères, et qui
partagent avec elle la gloire de son nom.
doutes
sur
M.e D E L A P C H I E R ,
M.e T A R D I F ,
c. •*.
.
.
ancien avocat.
avoué-licencié.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire pour Anne Nazo, veuve de Jacques-Zacharie Destaing, général de division, en son nom, et comme tutrice de Maria Destaing, sa fille , intimés; contre les sieurs et demoiselle Destaing, appelants.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
An 6-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
54 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0410
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Le Caire (Egypte)
Rights
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Domaine public
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contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
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87b55140fa8b5b2c672c573c1960951d
PDF Text
Text
M
É
M
O
I
R
E
PO U R
G asp ard -R och
M OM ET,
propriétaire à P a r is ,
in tim é ;
CONTRE
J ean -J oseph C R O Z E , sous-préfet de Brioude,
appelant ;
E N
P R É S E N C E
D'IGNACE B EA UFOR T- M O N T B O IS SIER
D E CANILLAC, appelant.
un b ien et le p a y e r , s’o b l i g e r et r e m p lir
ses engagemens , sont des opérations tellement vulgaires
qu’il n’y a nul mérite à les concevoir ; mais garder en
ses mains pendant dix ans la moitié du prix de son ac
quisition , susciter à son vendeur procès sur procès, le
forcer à payer
ooo francs le domaine qu’on a acheté
de lui 36000 francs, et cependant lui soutenir qu’il a
vendu un second domaine s a n s l’avoir su , et sans en avoir
jamais été propriétaire; enfin répondre à une somma
tion de payement par dix chefs de demandes incidentes P
A
C
HE T E R
65
�C2 )
voilà une conception grande et instructive, un coup de
maître qui décèle le génie et les grandes inspirations.
Il en coûte singulièrement au sieur Momet de désigner
le sieur Groze comme coupable d’une .telle conduite •,
mais réduit lui-même par le sieur Groze à se justifier de
n’avoir pas vendu le bien d’autrui, le sieur Momet est
dans la dure nécessité de dire la vérité à la cour, pour
sa propre défense.
F A I T S .
Par acte passé devant Deloche, notaire k Paris, le 30
vendémiaire an 4, le sieur de Canillac vendit au sieur
Momet le domaine dit de Chassaigne,
« Consistant en maison de chef, cou r, jardin et dépence dances, ensemble les bâtimens nécessaires à l’exploitac< tion , le tout contenant cinq septerées deux quarte« ronnée;
« Plus soixante septerées trois quarteronnées de terres
« labourables ;
« Plus vingt-une septerées de prés ;
« Plus cent vingt septerées de bois ;
« Plus deux septerées deux quarteronnées de vigne \
« Plus cinq septerées une coupée de terres incultes;
« Ge qui forme au total deux cent dix septerées une
c< quarteronnée de terrain, ainsi que le tout se poursuit
« et comporte , sans réserve, même le mobilier vif et
« mort qui se trouvera dans ledit domaine appartenant
« audit vendeur, qui entend vendre audit acquéreur tout
« ce qu’il possède ; et les droits qu’il a et peut avoir dans
�(3)
« ledit domaine et dépendances, à dix arpens près, en
« dehors ou en dedans. »
La vente est faite moyennant 600000 francs de prix
apparent, dont l’acte porte quittance.
11 est dit que le domaine vendu appartient audit sieur
de Canillac, comme lui étant échu par le partage des
biens du sieur Pierre de Canillac, son oncle, et que le
vendeur s’oblige de remettre à l’acquéreur un extrait
dudit partage, de l’inventaire fait après son décès, du
contrat de mai’iage de lui Canillac, et du contrat de vente
de la terre de Beaumont.
Il est dit enfin que l’acquéreur se réserve les fermages et
produits de l’année 1794? et que l’acquéreur sera tenu
d’entretenir le bail ou traité fait avec le fermier dudit
domaine, pour Tannée courante seulement ( i j g ô ) .
Le sieur Croze, domicilié à Brioude, habitant alors Paris
comme membre du conseil des cinq cents, ayant eu connoissance de cette acquisition, pi^oposa au sieur Momet
de lui vendre ce même domaine, dit de Chassaigne,
avant que ce dernier sût même en quoi il consistoit. L ’ac
cord eut lieu moyennant 36000 francs. Mais le sieur Croze
n’ayant pas la moitié du prix qu’il étoit convenu de payer
comptant lors de la signature de l’acte de vente, demanda
six semaines pour se le procurer, ainsi qu’une vente sous
signature privée, laquelle lui fut consentie pour le seul
domaine de Chassaigne. Le sieur Croze ne désavouera
certainement pas ce fait.
Le sieur Croze alla à Brioude chercher ses fonds, et bien
probablement visiter l’objet qu’il avoit acquis; dès-lors il
A
2
�(45
conçut le projet de faire englober dans sa vente devant
notaire le petit domaine de la Védrine, qui était voisin de
celui de Chassaigne. De retour, il convint de passer la
vente devait notaire, le 27 prairial an 4; mais il pria le
sieur Momet de lui donner en môme temps une procura
tion générale pour gérer, administrer, même vendre ce
domaine de Gliassaigne, sous prétexte qu’il ne vouloitpas
encore faire connoître sur les lieux son acquisition; ce que
le sieur Momet ne crut pas devoir lui refuser.
En conséquence le sieur Momet remit à M e. Deloche,
notaire du sieur Croze, le double du sous-seing privé, et
une expédition du contrat à lui passé parlesieurdeCanillac,
pour qu’il rédigeât la vente et la procuration conformément
aux actes qu’il remettoit. Ils le furent en effet*, et le 27 prai
rial, jour pris avec le sieur Croze, M e. Deloche vint chez
le sieur Momet, muni de ces deux actes rédigés, et littéra
lement conformes au contrat de vente que lui avoit passé
M. de Canillac. Le sieur Croze fit dire qu’il ne pouvoit
venir ce jour-là , mais qu’il viendroit le 29. N é a n m o in s
comme il n’était nullement n é cessa ire de la présence du „
sieur Croze pour signer la procuration convenue, le sieur
Momet en signa ce même jour, 27 prairial, la minute,
qui ne faisoit mention que du seul domaine de Chassaigne,
ne contenoit aucun renvoi, et l’approbation ne constatait
que trois mots rayés.
Le 29 , M e. Deloche et le sieur Croze se rendirent en
semble chez le sieur Momet pour la signature du con
trat de vente. Du 27 au 29 , la minute n’avoit éprouvé
aucun changement, ne contenoit aucun renvoi, et ne
faisoit toujours mention que du seul domaine de Chas-
�(5)
saigne. Ce fut' h la lecture de cet, a c t e q u e l l e sieur
Croze;parvint à taire mutiler la première rédaction r et
à faire ajouter quatorze renvois, tous plus insidieux les
uns que les autres. Bientôt la .cour en reconnoîlra paj;
elle-même toute l’astuce et la perfidie, •
v; ,,
D ’abord ce ne furent que de'simples corrections clq
quelques m ots, puis quelques changemens de sens ;
enfin , des phrases entières à rectifier. Il étoit dit , par
exemple , que les fruits lui appartiendroient depuis les
dernières échéances : il prétendit que cela étoit vague,
quoique correspondant à la première vente , et s’expli
quant par elle; il voulut faire substituer 1796 et 1796.
Iln ’avoitparsa vente qu’une quittance sans numération,
et il voulut faire ajouter la numération d’espèces. Le no
taire eut la complaisance d’ajouter cette numération ; et il
est constant aujourd’hui qu’il ne paya alors effectivement
que moitié de son prix.
Il prétendit n’être pas assez sûr de la propriété de
M. de Canillac ; il voulut une remise de titres : que ne
vouloit-il pas ? Enfin , le sieur Groze aborda une clause
plus épineuse. Il prétendit que le domaine de Chassaigne,
quoique ne portant que ce nom , comprenoit un petit
domaine ou locaterie, appelé de la V éd rin e, qui en
étoit une dépendance; qu’autrefois ces domaines étoient
distincts, et séparés; mais que depuis long-temps ils n’en
faisoient plus qu’un, parce que dans l’un des deux do
maines les bâtimens d’exploitation étoient écroulés.r(L e
domaine de la Védrine, dit-on, contient seul cent trente
septerées de terre. )
. Ce lait pouvoit être exact. Le sieur Momet n’en a^oit
�(6)
auciine cônnoissance, et disoit seulement : « Je ne puis
a vous vèndre que ce que j’ai acheté : puisqu’il n’est
« pas question de ce domaine dans mon contrat , je ne
« puis en parler dans le mien; s’il fait partie de mon
« acquisition, il fera partie de la vôtre. » Alors le sieur
Croze se retrancha à demander que , pour éviter
toute difficulté, et ne pas compromettre le sieur Momet,
il fût fait mention du domaine de la Védrine , comme
désigné seulement dans le contrat fait par le sieur de
Canillac au sieur M omet, sous le seul nom du domaine
de Chassaigne. Le notaire fut d’avis de cette rédaction de
clause; parce que, disoit-il, vous réféi’ant en tout à votre
contrat, si Passertion du sieur Croze est vraie, vous ne
vous engagez à rien ; si elle est fausse, vous ne vous
engagez pas davantage. Vaincu par ce raisonnement
v ra i, le sieur Momet voulant en finir et toucher l’a
compte que le sieur Croze lui donnoit, consentit à cette
rédaction.
Il en fut de même de la clause p a r l a q u e l l e , après
celle de la garantie formelle qui est la même que celle
portée au contrat du 30 vendémiaire, le sieur Croze
exigea que le sieur Momet renonçât à tout excédant de
mesure, à quelque quantité qiCil puisse monter. Le sieur
Croze et son notaire dirent au sieur Momet : N’entendezvous pas vendre tout ce que vous avez acquis ? Il en
convint : donc, dirent-ils, cette clause ne vous engage
à rien.
Ainsi successivement furent vaincues les répugnances
du sieur Momet, q u i, habitant de Paris , ne connoissoit
pas ce qu’il vendoit, traitoit avec le sieur Croze ; do-
�7
(
)
#
’
micilîé de Brioude, qui connoissoit parfaitement ce qu’il
achetoit, et toute l’étendue du contrat de vente faite au
sieur Momet, dont il avoit sous les yeux une expédition,
et depuis long-temps une copie.
La prévoyance du sieur Croze fut telle , qu’en deman
dant successivement les corrections ci-dessus , il étonnoit
d’autant moins le sieur M om et, que s’il lui eût pré
senté à la fois quatorze renvois à ajouter ; ce qui lui
ôtoit toute idée d’exiger, comme alors il l’auroit fait,
sans doute, une refonte entière de l’acte, pour dévelop
per les additions faites , et expliquer des clauses équivo
ques qui n’étoient ainsi écrites que pour s’identifier à la
première rédaction.
Il fut inséré dans ce contrat quittance des 36000 fr.
et le sieur Momet, qui n’a rien dissimulé dans cette cause,
s’est empressé de convenir qu’il n’avoitreçu qu’une partie
de ce prix ; et qu’après le contrat, il fut fait un billet
de dépôt de 19650 fr. 7souscrit par le sieur Croze au profit
du sieur Momet, daté du i prairial an 4. ( C’étoit alors
le seul mode valable pour stipuler en numéraire, )
Quoi qu’il en soit , pour que la cour ait sous les
yeux le résultat de ce qui vient de lui être d it, et voie
par quel arç on peut surprendre un citoyen sans défiance ?
voici l’image de la minute de la vente du 29 prairial
an 4 , d’après le vidimé oi’donné ;
5
Nota. T o u t ce qui se trouve entre deux crochets dans l'acte ciaprès, ainsi que dans la procuration, a été rayé dans les minutes.
�2.) Prairial 4-
(8)
P
ar - d e v a n t les notair es
r u s t i c s au département
et à la résidence de P aris, soussignés,
Fut présent Gaspard-Roch M om et, citoyen fran
çais, demeurant à Paris, place des Victoires-Nationales, section de la H alle au L ié, n°. 5 ,
Lequel a par ces présentes, vendu, cédé, quitté
et délaissé, dès maintenant et à toujours, et a promis
de garantir de tous troubles, dons, douaires, dettes,
hypothèques, évictions, substitutions, aliénations, x
empéchemens généralement quelconques,
A u citoyen Jean-Joseph C roze, homme de lo i,
demeurant à P a ris, rue des Saussayes, n°. 124^,
section de^- [Rou] Champs-Elysées , à ce présent et
acceptant, acquéreur pour lu i, ses héritiers et ayans
cause,
* et autres
f domaines de Chassai-
L es -J- domaine dit de Chassaigne, district de
gne et de la Védrine, dé
signés seulement, dans le
contrat qui sera ci-après
énonce, sous le seul nom
du
Brioude , département de H aute-L oire, consistant
en une maison de’ ch ef, bâtie à la.m oderne, co u r,
jardin et dépendances, ensemble les bâtimens néces
'% •
S
saires à l’e x p lo ila tio n , le tout c o n te n a n t cin q septerées
trois q u artero n n ées [de terre la b o u ra b le ] ;
Plus soixante septerées trois quarteronnées de terre
labourable ;
Plus vingt-une septerées de j^rés ;
Plus cent vingt septerées de bo is, tant taillis que
haute futaie, situées dans la commune de Chassaigne
et dans celle de Sansac ;
Plus deux septerées deux quarteronnées de vigne ;
et enfin cinq septerées une coupe de terrain inculte:
ce qui forme au total deux ce n t, dix septerées une
qyarteronnée de terrain, ¡ainsi que le tout se poursuit
et comporte, sans aucune exception ni rcser\e, même
le mobilier v if et m ort, de quelque nature qu’il soit,
qui se trouvera dans ledit domaine et dépendances :
garantissant
�(
9
)'
garantissant en outre audit acquéreur les deux cent
+| par ledit vendeur repéter c^x sopterées une quarteronnée, à dix arpens près,
contre Vacquéreur l’ excé- [en dehors ou en dedans,] sans pouvoir +1 [répéter
dantdesdites terres, à quelcéd an t. ]
que quantité qu’ il puisse
P ° ur Par ledit Croze, ses héritiers et ayans cause,
monter.
jo u ir, faire et disposer dudit domaine en pleine propriété , et comme de chose leur appartenante , à
compter de ce jour, et en commencer la jouissance -+X notaires à P aris,
[& compter des dernières échéances, de manière que
de réc°lte des fermages et autres produits
dudit domaine appartiendra audit acquéreur;] ledit
*+• par les revenus et fer- vendeur se réservant seulement les fermages de l ’année
mages des années mil sept mil sept cent quatre-vingt-quatorze ( vieux style ).
cent quatre-vingt-quinze et
L e domaine présentement vendu appartient audit
nul sept cent quatre-vingt- cit. M om et, comme l'ayant acquis du cit. Ignace
seize, vieu x style ;
Beaufort-Canillac, par contrat passé devant D eloche,
Gn a ^
ct son c o n f rè re , x le tren te ve n
d ém iaire d e rn ie r, en registré à P a ris le m êm e jo u r.
A à lu charge
L a présente vente est faite A par ledit acquéreur,
@
(JUi S,° WiSe > l °mde W er et acquitter les droits d’en
registrement et frais de contrat auxquels la présente
vente pourra donner lieu ; 2°. la contribution foncière
/. I an trois et l an quatre, à laquelle ledit domaine peut être imposé pour /t [la
présente année] et les années suivantes; 5°. d’entre
tenir le bail ou traité fait [pour la présente année seu
lem ent] avec le citoyen fermier dudit dom aine, si
aucun il y a.
Etenoutre cette venteestfaitem oyennant lasomme
de tren te-six mille livres de prix principal, francs
deniers audit vendeur; laquellesom m eledit acquéreur
T nombrées et réellement a P ^ en lcm en t payée audit citoyen M o m et, qui ]e
délivrées à la vue des no- rcconnoit- cn esPeces, sonnantes 0 et monnaie ayant
tairessoussignés,
C0UtS’ comPtées + - dont 11 ost “ n ien t, eu quitte et
¿¿y.
f* d’ or et d’ argent,
�( IO )
décharge ledit citoyen C ro ze, et de toutes choses re
latives au prix de ladite vente.
A u m oyen de quoi ledit citoyen M om et a présente
ment cédé et transporté, sous la garantie ci-devant
exprimée, tous droits de propriété qu’il a et peut avoir
sur ledit dom aine, de quelque nature qu’ils soient,
même tous droits rescindans et rescisoires, mais sans
aucune garantie à l ’égard de ces derniers, voulant qu’il
en soit saisi et mis en possession par qui et ainsi qu’il
appartiendra, constituant à cet e ffet, pour son pro-t- d’opposition à l’ entrée cur.eur ’ le Porteur donnant pouvoir.
en possession dudit doH sera loisible audit acquéreur d’obtenir à ses frais, •
main e, +|
sur le présent contrat, dans le délai de quatre m ois,
¿Wï
toutes lettres de ratification nécessaires; et si, au
sceau desdites lettres, il y a ou se trouve des oppoou de troublefo n d é dans s^ioris procédant du lait dudit vendeur ou de ses •
la possession et jouissance
ledit cit0J en Mornet s’oblige de les faire
dudit domaine présente- Iever et cesser’ ct d ’en rapporter audit acquéreur
ment vendu, le cit. M o m e t les mainlevées et radiations nécessaires, quinzaine
promet et s’ oblige d’en in- aPrès Ia dénonciation qui lui en aura été faite à son
demniser ledit cit. Croze dom icile, le tout aux frais dudit vendeur; de manière
en lui fournissant, cîans '["<•
acquéreur ne soit tenu que du coût des
V
. j „ // simples lettres de ratification.
Varrondissement des der
.
r i i- i
partemens de la HauteEn cas d CVICt,on’ ^ Cdudlt dom a,neprésentement
LoireetduPuy-de-Dôm e, ven d u > le cit- M om et Promet de rendre ai,dit cit.
des terresformant corps de C roze,dans les departemens etreonvoisins, des terres
ferm e, et c e , à dire d’ e x - Pour la méme ïa le u r' ,ct ce> à dlre d’cxperts, et non
perts, sans pouvoir par le- la somme (ïu’11 ,Tient de « cevo ^ .]
dit vendeur offrir, pour
^ o n n o l t ledit cit. Croze que ledit cit. M om et lui
l’ indemnité, le rembourse- a P a i e m e n t remis une expédition en papier du
ment du prix de lad. vente,
et contraindre le cit. Croze
h Vaccepter
.
contrat de ïcn te susdat<; ct <5n0nce’ fa,t audlt c,t*
M om ct ; P,us ^ d U i o n en papier de la transac^on en f ° rme ^e partage, taite entre ledit citoyen
Canillac et [la dame] sa sœur, passée devant M ony,
qui en a gardé m inute, çt son confrère, notaires i\
�Paris, le
( 11 )
sept juin m il sept
cent quatre-vingt-qualre,
d o n t d éch arge.
x incessamment
A l’égard d’un extrait de l'inventaire fait après le
décès du père du cit. Pierre B eaufort-C anillac, de
celui du contrat de mariage dudit vendeur Canillac
avec la citoyenne son épouse, en ce qui concerne le
douaire ; de celui du contrat de vente de la terre de
Beaum ont, en ce qui concerne ce moine douaire,
]e
]V[omet s’oblige de les remettre x audit cit.
+| et Varrêt d’ enregistrenientf qui ont été obtenus
sur la transaction dudit
jour sept juin mil sept cent
quatre-vingt-quatre.
vau,
Croze, avec toutes autres pièces au soutien de ladite
propriété, que pourroit lui remettre ledit cit. C anillac,
aussitôt que ce dernier les lui aura remises, et jiotamment les lettres patentes -H [les lettres.]
Enfin le citoyen M om et s’oblige, au besoin, d’aider
l’acquéreur, à sa première réquisition , des diverses
quittances des payemens par lui laits pour le citoyen
-4- et de luijustifier des su- Canillac
différons de ses créanciers privilégies o u '
bromations portées ès-dites hypothécaires sur les biens présentement ven d u s,-4quittances , jusqu’ à due le tout à peine de tous dépens, dommages-intérêts. A
concurrence de la somme
Pour l’exécution des présentes, les parties élisent
de quatre cent mille livres domicile en leurs demeures à P a ris, ci-devant déassignats;
signées, auxquels lie u x , nonobstant, prom ettant,
A Enfin le citoyen Momet obligeant, renonçant.
s’ oblige de remettre aussi
Fait et passé à P aris, en la demeure du vendeur,
incessammentaud.acqué- l'an quatre de la république française, une et indireur toutes les pièces qui visible, le vingt-neul prairial, après m id i, et ont
lui seront nécessaires pour signé ces présentes, où quatre-vingt-quatre mots sont
se faire mettre enposses- rayés comme nuls, (i) Ainsi signé M om et, Croze,
sionréelle dudit domaine, Fleury etD elo ch e, ces deux derniers notaires, avec
d?ici au p r e m i e r fructidor paraphes. Au-dessous est écrit : Enregistré à Paris,
prochain, et obtenir celles bureau du Contrat-Social, le 6 messidor an 4 , F . 117,
qui pourraient lui man- ^ol- 10 ; R . quatorze cent quarante livres, valeur fixe
querm
en mandats, sur
ooo liv. Signé Grou.
56
G
u il l a u m e .
^
(1) Ce sont les mots rayés à la plume dans le cours de l’acte.
D
e l o c iie .^
^
�( is )
Après cet acte , il restoit encore à retoucher à la pro
cu ra tio n à laquelle on n’avoit pas pensé ; mais pour cela
on n’eut pas besoin du sieur Momet : et au lieu de porter
le renvoi ( et de la V'édrine ) , en marge , on en fut
quitte pour le placer au bas de la première page, en le
faisant aboutir au paraphe du sieur Momet ; ce qui est
prohibé par la loi du n ventôse sur le notariat, et par
les lois précédentes ( i) . Il paroît nécessaire de mettre
aussi cette procuration sous les yeux de la cour.
2T] Prairial 4.
P a r - d e v a n t l e s n o t a i r e s p u b l i c s au département de la Seine
et à la résidence de P aris, soussignés,
Fut présent Gaspard-R ocli M om et, citoyen français, demeu
rant à Paris, place des Victoires-Nationales, n°.
H alle au blé ;
3,
section de la
Lequel a fait et constitué pour son procureur général et spécial
le citoyen Jean-Joseph Croze, homme de lo i, demeurant à Paris,
rue des Saussayes, n°. 1243, section des Cham ps-Elysées, auquel
il donne pouvoir d e , pour lui et en son n o m , régir, gouverner et
(1) Le notaire a dit, au procès verbal du vidimé, que le renvoi avoit été
approuvé dans cette procuration par les paraphes du sieur M omet, du notaire
en second, et de l’enregistreur. Le sieur Momet désavoue ce fait, et il vient
de se pourvoir extraordinairement à Paris, contre le sieur Deloche.
Mais ce qui prouve que le renvoi n’a été mis qu’après l’enregistrement,
et hors la présence du sieur M omet, c’est que la copie légale de l’enregistre
ment de cette procuration, levée par le sieur M omet, ne porte mention que
de la gestion du srul domaine de Chassaigne , et ne constate aucun renvoi,
quoique la formule des registres l’exige, s’il y en a; et au contraire on voit,
dans l’extrait de l’enregistrement de la vente, que la minute y est dite avoir
quatorze renvois ; enfin la cour verra par des s a jo u t é s , par les ratures non
approuvées des mots de Chassaigne, qu’il n’étoit question que d’ un domaine
seulement,
�( 13 )
administrer les domaines de C hassaigne-t-, situés dans le ci-devant
district de Brioude, département d e là H aute-L oire, consistant en
terres, m aison, bâtimens et vignes; recevoir de tous locataires,
fermiers et autres personnes qu’il appartiendra, soit en nature ou
autrem ent, les loyers échus et à échoir ; compter avec tous débi
teurs , débattre, clore et arrêter lesdits comptes, en fixer et recevoir
le reliquat ; de tous reçus donner bonnes et valables quittances et
décharges ; accepter tous transports et délégations pour le payement
de toutes sommes dues par quelques débiteurs ; louer ou vendre, soit
en totalité ou en partie, le domaine dont il s’a g it, à quelques per
sonnes que procureur constitué jugera £i propos; laire lesdits baux
ou ventes aux p rix , charges, clauses et conditions qui lui paroltront le plus convenables; faire faire môme toutes dém olitions,
[reconstructions] et augmentations qu’il jugera nécessaires ; nom
mer et convenir de tous architectes, entrepreneurs et autres gens
de b â tim e n s ; c o m p te r avec tous fo u rn isse u rs, les payer, s’en faire
rem ettre q u itta n c e s ; to u ch e r m ô m e , en to ta lité ou autrement, le
prix des ventes qu’il pourroit fa ire dans ledit dom aine; de tous
reçus donner bonnes et valables quittances et décharges; faire régir
môme le jd iti domaines [de Chassaigne] par qui bon lui semblera;
lui donner pour cela, à celui qui acceptera ladite charge, tous
pouvoirs nécessaires. Dans le cas où quelques débiteurs se refuseroient à payer au constituant les sommes qu’ils lui doivent, et qu’il
surviendroit quelques difficultés avec qui que ce soit, faire contre
qui il appartiendra toutes poursuites, c o n tra in te s [et d ilig en ces] et
diligences nécessaires; comparoitre devant tous juges de paix , soit
en demandant ou défendant, s’y concilier, si faire se peut; à défaut
d’arrangem ens, comparoitre devant tous tribunaux com pélens, y
plaider, ou bien nommer et convenir de tous défenseurs officieux
en causes; les révoquer, en substituer d’autres; obtenir tous jugemens, les faire mettre à exécution ou bien en appeler; faire toutes
H- et de la Védrine
�\
( 14 )
exclusions de tribunaux, former toutes oppositions, donner tou tes
m a in le v é e s , consentir radiation, traiter, transiger, composer ^
substituer ès-dils pouvoirs, et généralement faire tout ce qui sera
nécessaire, promettant l’avoir pour agréable.
Fait et passé à P aris, en la demeure dudit citoyen M om et, Fan
quatre de la république française, une et indivisible, le vingt-sept
prairial; et a signé.
Hayé trois mots nuls.
Signé M om et, avec Fleury et D eloclie, ces deux derniers no
taires, avec paraphes. A u bas est écrit : Enregistré à P aris, bu
reau C ontrat-Social, le messidor an ; R* vingt sous assignats.
Signé Grou.
5
G
u i l l a u m e
4
.
A»
D
e l o c
Cependant le sieur Momet se croyoit tranquille, et
assuré surtout de toucher au temps convenu les 19650 fr.
qui lui étoient dûs ; mais il en étoit encore bien loin.
Quand il fut question de payer, le sieur Croze parla
des créanciers du sieur de Canillac, et voulut des lettres
de ratification. Q u o iq u ’il eût été convenu q u e ce seroit
son contrat qu’il feroit purger, et non celui du sieur
M om et, il pria ce dernier de souffrir que ce fût la pre
mière vente, par la raison qu’elle présentoit un prix
inférieur, et qu’il lui en coûteroit moins, s’en chargeant
pour son propre compte , et promettant d’indemniser
de tout le sieur Momet qui , cette fois encore , s’en
rapporta au sieur Croze, dont le caractère de député étoit
fait pour mériter sa confiance.
Le contrat du 30 vendémiaire an 4 fut donc mis ,
par les soins du sieur Croze , au bureau des hypothè
ques du Puy. Par les soins encore du sieur Croze, il y
�5
( i )
eut des enchères qui portèrent ce domaine de Ghassaigne
à
ooo francs numéraire.
Il n’y avoit pas à balancer; le sieur Momet s’étoit obligé à
faire jouir, il fut obligé de retenir le domaine en parfou unissant les enchères; et la mère du sieur Croze fut,
à l’insçu du sieur M om et, caution du parfournissement.
Les lettres de ratification furent scellées, à la diligence
du sieur Croze , pour
ooo francs au profit du sieur
Momet , le 14 brumaire an 7.
A in s i, voilà déjà le sieur Momet obligé de payer un
domaine ooo francs en numéraire, outre les frais mon
tant à 3600 francs, après l’avoir vendu 36000 francs, et
n’en avoir touché que 18000 francs.
Par l’inspection de ces lettres de ratification , si sa
correspondance ne le prouvoit pas , on reconnoîtroit
que tout est L’ouvrage du sieur Croze ; on verroit qu’il
s’est torturé pour arriver à y faire comprendre indirec
tement, il est vrai, tout ce qui se trouvoit à Ghassaigne,
en y faisant qualifier ce domaine de terre-domaine, quoi
qu’il se fît expédier des lettres sur le contrat du 30 ven
démiaire, qui ne porte que le nom de domaine.
Ces lettres furent frappées des oppositions de q u a tr e
créanciers de M. de Canillac , quoique le sieur Momet
n’eût cessé de prier le sieur Croze de les désintéresser avant
les lettres ; mais cela eût évité les sur-enchères , et le
sieur Croze n’auroit pas eu un prétexte pour ne pas payer.
Enfin , quatre ans se passèrent : le sieur Momet réclama
de nouveau son payement.
Alors il lui fut signifié, le 11 floréal an 1 1 , une de
mande en ouverture d’ordre ? à la requête du sieur Labas-
65
65
65
1
�( ,i6 )
tide , de B r io u d e , l’un des créanciers Canillac. Le sieur
Croze sign ifia cette demande au sieur Momet.
P o u r lever cet obstacle, le sieur Momet chargea le
sieur Fabre de payer au sieur Labastide 2700 francs ,
montant de sa réclamation, ce qu’il fit ; et le sieur
Labastide donna quittance le 12 messidor an n . Cepen
dant le sieur Croze, débiteur déplus de 18000 francs,
avoit mis le sieur Momet dans le cas de payer le triple de
son acquisition , et laissé faire pour plus de 3600 francs de
frais, nonobstant toutes les remontrances des créanciers,
notamment du sieur Labastide, l’un d’eux, poursuivant,
qui, indigné, en écrivit au sieur Momet.
Il ne devoit donc plus y avoir de prétexte pour le
sieur Croze ; mais bientôt un autre incident le mit plus
à son aise.
Par exploit du 13 fructidor an 1 1 , il paroît que le
sieur de Canillac fit assigner le sieur Croze en désistement
du domaine de la V édrine, comme ayant été par lui
u su rp é .
Aussitôt le sieur Croze saisit et arrêta en ses propres
mains, sans aucune permission de justice, ce qu’il
au sieur M om et, et lui dénonça cette saisie arbitraire.
Le sieur Momet fut forcé alors de prendre les voies ju
diciaires, et il fit citer, le 13 nivôse an 12, le sieur Croze,
en payement en deniers ou quittances du billet de 19660 f.
et en mainlevée des inscriptions qu’avoit faites ledit sieur
Croze pour sa garantie; il le somma de faire ti’anscrire sa
vente.
Au bureau de paix on remarque, de la part du sieur
Momet, une longue explication de tous ses moyens. Quant
au
devoit
�(17 )
au sieur Croze , il reconnut son écriture du billet, offrit
de payer sans intérêts, à la charge des demandes ci-après.
Sur le surplus, il refusa toute explication, et dit que sans
se nuire ni se préjudicier sur ce qu'il peut avoir d it, il
pense qiùau m oins, quant à présent, il n'y a lieu ci con
ciliation.
Assigné le 30 pluviôse en payement, il forma à son
tour dix chefs de demande contre le sieur M om et, par
exploit du 8 floréal an 12.
i°. A ce que le sieur Momet fût tenu de faire cesser la
demande du sieur Labastide.
20. A ce qu’il fût tenu de faire cesser aussi la demande
formée par le sieur de Canillac, en désistement.
°. A ce que la saisie-arrêt faite par lui-même en ses
mairis fût confirmée.
40. A ce que le sieur Momet fût condamné à lui payer
les fermages de la terre de la Chassaigne, échus depuis 1795
jusqu’au jour de la demande.
°. A ce que le sieur Momet fût condamné à rapporter
mainlevée de toutes oppositions et inscriptions existantes
sur les biens vendus.
6°. A ce qu’il fût tenu de lui remettre tous les titres de
pi'opriété des biens vendus.
70. A ce qu’il fût tenu de prouver avoir payé pour
400000 francs de dettes à la décharge du sieur de Canillac,
suivant les contrats de vente, et justifier des quittances.
8°. A ce que le sieur Momet fût condamné à payer
sieur Croze 2873 francs pour voyages et dépenses qu’il a
faits pour ledit sieur M omet, en vertu de sa procura
tion du 27 prairial an 4*
3
5
audit
C
�(i8).
9°. A ce qu’il fût tenu de lui représenter et remettre
les titres de créance qu’il dit avoir contre ledit sieur Croze.
- io °. A ce que, faute de justifier de quittance avec su
brogation pour 450000 francs, le sieur Momet fût con
damné à lui fournir, à dire d’experts, des terres de même
nature et valeur que celle de la Chassaigne, et à lui rem
bourser ce qu’il a touché du prix.
Le sieur Croze n’oublia pas ensuite de demander la
jonction de ses conclusions à celles du sieur Momet, et la
jonction fut ordonnée par jugement du 23 prairial an 13.
Eu réponse aux demandes du sieur Croze , le sieur
Momet ne dissimula pas que le billet de 19660 francs par
lui réclamé comprenoit i o francs d’intérêts*, aussi se
borna-t-ilréclam er seulement lesintérêtsde 18000 francs;
il offrit de remettre, audience tenante, tous les titres de
propriété du sieur de Canillac, comme il s’y étoit obligé par
la dixième clause de la vente ; il justifia d’un certificat de
65
n o n -in s c r ip t io n sur lu i et son v e n d e u r ; et d ’ a b o n d a n t, offrit
encore de r a p p o r te r la mainlevée de toutes inscriptions,
aussitôt que le sieur Croze auroit fait transcrire et les lui
auroit notifiées ; et il soutint que le surplus des demandes
du sieur Croze n’étoient pas fondées, et que notamment,
à l’égard de sa garantie, il étoit évident que le sieur Momet
n’avoit pas vendu ni entendu vendre plus qu’il n’avoit
acquis lui-même.
Le sieur Croze répondit à la demande du sieur de
Canillac, en le sommant de justifier s’il étoit réintégré dans
son état civil, attendu qu’il avoit été émigré; puis il lui
opposa qu’il étoit insolvable, et demanda caution judicatum
A l’égard du sieur Momet ; il lui objecta que
�19
(
)
si le sieur de Canillac faisoit juger que la Védrine étoit un.
domaine séparé de la Chassaigne, le sieur Momet devoit
lui remplacer cette éviction en un autre corps de domaine,
d’après leur convention, parce que le sieur Momet lui avoit
vendu et garanti distinctement les domaines de la Chas
saigne et de la Védrine.
Sur ces moyens respectifs, le tribunal de Brioude rendit,
le 21 messidor an 13, entre toutes les parties, un juge
ment dont il importe de faire connoître littéralement les
motifs et les dispositions.
Jugement dont est appel.
Entre le sieur de C a n illa c ................le sieur M o m e t...................
et le sieur C ro z e ...............
E n ce qui Couche la demande récursoire dirigée contre le sieur
Momet par le sieur C ro z e , au sujet de la demande du sieur L a
bastide ;
Attendu qu’il est prouvé par acte reçu Grenier , notaire, le i3
messidor an 11 , que ce dernier a été désintéressé; qu’il avoit été
justifié de cet acte audit sieur Croze , lors du procès verbal de nonconciliation , du 29 nivôse an 12; que ce chef de demande devenoit
dès - lors inutile , et que d’ailleurs il a été justifié de cet acte à
l ’avoué dudit sieur C roze, par acte du 22 prairial dernier; qu’ainsi
ce chef de demande ne présente plus de difficulté.
E n ce qui touche la demande principale formée de la part du
sieur Canillac, au désistement du domaine de la V édrin e;
. A ttendu que les terres de Chassaigne, Cusse et Lacougeat sont
échues au sieur Canillac par le partage, et qu’il n’y est nullement
fait mention du domaine d e là V édrine, dont il a cependant tou
jours joui, ou par lu i, ou par ses représentons, comme étant an
n exé, et form ant une dépendance du domaine de Chassaigne,
dont l’exploitation étoil au lieu de la V é d rin e, et non à Chassaigne ;
C 2
�3
4
A ttendu que lors de la vente du o vendémiaire an > les do**
maines de Chassaigne et de la Védrine étoient affermés à un seul
ferm ier, et sans distinction du prix; que par ladite ven te, ledit
sieur Canillac autorisa son acquéreur à toucher en totalité le prix
du ferm age, ce qu'il n'auroit pas fa it, s’il avoit entendu ne vendre
que le domaine de Chassaigne seulement ;
Attendu que lors de la procuration du sieur C a n illa c, dudit
jour ig germinal an 6 , il n'est nullement fait mention de faire
aucune réclamation au sujet du domaine de la V é d rin e, et s’il
n'eût pas été dans son intention de vendre la V éd rin e, comme
une dépendance de Chassaigne, il n'auroit pas négligé>de s’en occu
per lors de cette procuration.
E n ce qui touche la demande récursoire formée contre le sieur
M o m et, au sujet de cette même demande en désistement;
Attendu que, dès que d’après les motifs précéderas la d em an d e du
sieur Canillac doit être rejetée, il devient dès-lors inutile d'exa
miner si cette demande récusoire est bien ou mal fondée.
E n ce qui touche la saisie-arrêt faite par le sieur Croze entre
ses m ains, comme des biens du sieur M o m et;
Attendu que le sieur Croze est lui-même débiteur du sieur
M o m e t; q u ’il n ’ a pas pu fa ire saisir en ses m a in s sans u n titre
contre celui-ci ; que le prétendu péril d’éviction résultant de la
demande en désistement formée contre lui n’étoit pas un m o tif
suffisant pour autoriser cette saisie; que d'ailleurs le sieur Momet
a offert de donner caution pour sûreté du payement qu'il réclam e,
conformément aux dispositions de l'article 1623 du Code c iv il, et
que dès-lors cette saisie ne sauroit être confirmée.
E n ce qui touche la demande en payement des fermages de 1795,
formée par ledit sieur Croze contre ledit sieur M o m e t ;
Attendu que ce dernier, en autorisant le sieur C ro z e , par la sus
dite vente, à percevoir lesdits fermages,nes^estpaslui-memechargé
de faire des poursuites pour le recouvrement d'iceux; qu'il n'a fait
que.m ettre à cet égard le sieur Croze à son lieu, droit et place,
çt que c’est au sieur Croze à les réclamer contre ceux qui les doivent
�( 21 )
ou qui les ont perçus ; qu’il est de fait que le sieur Momet n’a rien
to u ch é, et qu’il ne sauroit être garant de ce que lesdits fermages
sont retenus par le fait d’une force m ajeure; que d’ailleurs le sieur
Croze ne fait apparoir d ’aucunes diligences faites de sa part pour
la répétition de ces mêmes fermages.
•En ce qui concerne la demande en mainlevée des inscriptions
subsistantes sur les biens vendus au sieur Croze par le sieur M om et ;
Attendu que celui-ci a obtenu des lettres de ratification sur
son contrat de vente, le 14 brumaire an 7 , scellées, à la charge
des oppositions ;
Attendu qu’il a établi par le rapport des actes énoncés au procès
verbal de non - conciliation , du 29 nivôse an 1 1 , que le sieur
M om et a désintéressé la dame C ensat, le sieur L abastide, et les
autres créanciers opposans au sceau desdites lettres ; qu’il a justifié
à l’audience qu’il n’existoitque deux inscriptions contre lu i, à Fépoque du 27 p lu viôse an 12 ; q u ’il n ’en est p oin t survenu d'autre jus
qu’au 27 du présent , et que ces inscriptions ont été radiées par
le conservateur des hypothèques de cejourd’hui ; ce qui est prouvé
par trois certificats de ce dernier, des dates sus-énoncées ;
Attendu d ’ailleurs que le sieur Croze n ’a point lui-même obtenu
des lettres de ratification , ni fait transcrire son contrat, et qu’aux
termes de la vente sus-énoncée, il ne peut forcer le sieur M om et
à lui justifier d ’aucune mainlevée, avant d’avoir fait transcrire
son titre et d’avoir dénoncé les inscriptions qui peuvent subsister
contre lui ; qu’ainsi ce chef de demande doit être rejeté.
E n ce qui touche la remise des titres réclamés par le sieur
C ro z e , en vertu de la neuvième clause dudit contrat de vente ;
Attendu qu’il n’a pas désavoué avoir reçu les lettres patentes et
l’arrêt du 7 juin 1784, et que le sieur Momet lui a o ffe rt, audience
tenante, la remise des autres actes énoncés en ladite clause ;
qu’ainsi ce chef de demande devient dès-lors sans objet.
En ce qui touche la demande en remise de titres et quittances,
avec subrogation constatant que le sieur M om et a payé en dé
charge du sieur de Canillac, pour 00000 francs de créances hy
pothécaires ;
4
�C 22 )
Attendu que cette clause du contrat n’est point impéralive ;
que le sieur Momet ne s’est obligé que d’aider au besoin ledit
sieur Croze des titres et quittances; que ce besoin n'est point
constaté; qu’il nepourroit l’être qu’autant que le sieur Croze leroit
transcrire son titre, et qu’il existeroit des inscriptions procédantes
du fait dudit Momet ou de ses auteurs; et que dès que le sieur
Momet se soumet de rapporter la mainlevée de toutes les ins
criptions qui pourroient exister, le sieur Croze n’est point fondé
sur ce chef de demande , puisqu’il y est dès-lors sans intérêt.
E n ce qui touche le payement de la somme de 2893 francs
réclamé par le sieur C ro z e , pour voyages, dépenses par lui faits
en vertu de la procuration du 27 prairial an 4 ;
Attendu qu’il a été soutenu par le sieur Momet que cette procu
ration n avoit été donnée que le jour même de la vente, quoique
datée de deux jours avant, et pour servir de titre apparent au
sieur Croze ;
Attendu que cette procuration ^ relative à la gestion et à l ’admi
nistration, au louage et à la vente du bien y énoncé , a d’ailleurs
été révoquée par la vente qui est survenue deux jours après; que le
sieur C roze, à l’époque de cette vente, ne pouvoit avoir rien fait
en vertu de cette procuration, et que s’il a agi postérieurement,
ce n’a pu être que pour son compte et son intérêt personnel; qu’il
n ’établit pas d’ailleurs ce qu’il a fait pour le compte du sieur M om et,
en vertu de cette procuration, et que dès-lors ce chef de
demande
doit être rejeté.
E n c e qui touche la demande en rapport du prix de ladite vente,,
touché par le sieur M om et, et le remplacement en im m eubles,
faute de justification desdits titres de créances et quittances ;
Attendu que le sieur Croze est en possession et jouit paisible
ment des biens à lui vendus; qu’il n ’a point éprouvé d’obstacles à
son entrée en possession ; qu’il n’est point troublé dans sa jouissance,
et que ce n’auroit été que dans ces cas qu’il auroit pu réclamer
l’exécution de la clause du contrat de vente; qu’ainsi il est encore
mal fondé dans ce ch ef de demande.
�(< 2 3 )
E n ce qui touche la demande en payement de la somme de 19660 f.
montant du billet daté du i5 prairial an 4, quoique fait réellement
le 29 dudit mois, etdes intérêts du montant de la sommede 18000 f .,
depuis ledit jour 29 prairial an 4> sous la déduction de tous payemens , et sous la déduction sur les intérêts, depuis ladite époque,
de la somme de 1620 fra n cs, compris pour intérêts dans ledit
billet ;
Attendu que quoique lors du procès verbal de non-concilia
tion le sieur Croze n’eût pas voulu s’expliquer sur la vraie cause
dudit b ille t, il est cependant convenu, lors du jugement contra
dictoire du 23 prairial d ern ier, qu’il avoit eu pour cause réelle
le restant du prix de la vente dudit jour 29 prairial an 4 ;
Attendu que quoique fait sous la forme d ’un dépôt, ce billet
ne dérive pas moins du restant du prix d’une vente d’im m eubles,
pour la som m ede 18000 francs , et que sous ce rapport les inté
rêts de cette som m e so n t dûs de d r o it , depuis la d ate de la vente ,
d’après les disposition s de l ’article i
du Code c iv il , . qui ne
sont que confirmatives du droit ancien, fondé sur les dispositions
de la loi au code D e actione empti et venditi ;
Attendu que quoiqu’il ait été soutenu par le sieur M om et que
dans ledit billet de 19660 francs il avoit été compris les intérêts
de ladite somme de 18000 francs , jusqu’à une époque fixée entre
les parties, ce fait n’a point été formellement désavoué par le sieur
652
C ro z e ;
A tte n d u qu^il est p ro u vé par une lettre du sieur C roze, d u 7
fructidor an 6 , en réponse à une autre que le sieur M om et lui
avoit écrite peu de jours avant, dans laquelle celui-ci se p la ign o it
du retard que le sieur Croze mettoit à se libérer, que celui-ci
convint qu’il n’est en arrière de payer que depuis deux mois huit
jo u r s , et qu’ il ne souffrira pas que ledit sieur Momet soit en
perte ; d’où il suit la preuve non équivoque qu’il y avoit réelle
ment un terme convenu entre les parties pour le payement dudit
billet, et que le sieur Croze a promis de ne pas souffrir que le
sieur Momet fû t en perte; qu’ainsi, sous tous les rapports, les in-
�(
24)
térêls de la somme de 18000 francs sont dûs depuis l’époque de
le u r ven te.
E n ce qui touche la demande en ratification d ’inscriptions faites
par le sieur Croze contre le sieur M om et;
Attendu que le sieur Croze a la faculté, par son titre d’acqui
sition , de purger les privilèges et hypothèques dont les biens à lui
vendus peuvent être grevés ; que le mode de. purger lesdites hypo
thèques et privilèges, est établi par l’article 2181 et suivant du Code
civil, et qu’il ne dépend que du sieur Croze d ’en user ;
Attendu qu’aux termes de son contrat d’acquisition les frais de
la transcription d ’icelui sont à sa charge, et que s’il ne veut pas
faire transcrire son titr e , il ne peut pas le dispenser d’accorder
la mainlevée des inscriptions subsistantes de sa part contre ledit
sieur M om et ;
/
. Attendu qu’aux termes de l’article 2160 du C o d e , la radia
tion d ’inscription doit être ordonnée, lorsque les droits de privi
lèges et hypothèques sont effacés par les voies légales, et que si le
sjeur Croze ne veut pas profiter du hénéfice de la loi dans un délai
fixe, le sieur M om et doit obtenir Ja radiation des inscriptions
que ce dernier a faites contre lu i, ne pouvant pas être, par le fait
du sieur Croze, privé du droi£ d ’ exercer ses actions contre les ac
quéreurs de ses biens.
Par tous ces m o tifs, le tribunal, jugeant en premier ressort,
D éclare le sieur de Canillac non recevable dans sa demande en
désistement de la partie de domaine dit de la V éd rin e, garde et
maintient ledit sieur Croze dans la possession et jouissance de ladite
partie de dom aine, comme annexée et form ant dépendance du do
maine dit de la Chassaigne ; et faisant droit sur tous les autres
chefs de demande formés réciproquement de la part desdits sieurs,
M om et et C r o z e , le tribunal donne acte audit sieur Momet de
ce que ce dernier reconnoit avoir reçu l’arrêt d’enregistrement
e.t les lettres patentes sus - énoncés , et de pe que ledit sieur
M om et lui a o ffe r t, audience tenante, et a jnis sur le bureau de
l’audience les autres titres réclamés par ledit sieur Croze, en vertu
de
�(
25
)
de la dixième clause dudit contrat de vente; lui donne pareillement
acte dé ce qu’il offre de rapporter la mainlevée de toutes les
inscriptions prociédantes1de son fait ou de celui d esès auteurs, sur
les biens vendus, des q u e ‘ledit: sieur' Croze aura fait transcrire
son titre de propriété, et dénoncé audit sieur M om et lesdites inscrip
tions ; et ayant égard âuxçlites o ffre s, faisant droit sur les con
clusions prises par ledit siéur M om et, condamne le sieur Croze à
payer audit' sieur M om et, en deniers‘’ou quittances valables , la
somme de 19650 francs, montant dudit b ille t, avec les intérêts
de la somme de 18000 fra n c s, depuis la date de ladite vente
jusqu’au payem ent, sous là déduction néanmoins de la sommé
de i o francs comprise dans ledit b ille t, pour intérêt de ladite
som m e, lesquels payemens qui ont pu être faits seront imputés
d'abord sur les intérêts^ et ^stibsidiairement sur le principal ; et
ordonne que ledit sieur Crozè sera tenu, dans le délai de deux
m ois , à compter de cc jo u r , de faire tra n scrire son titre d'acquisi
tion ; faute de ce f a ir e , et icelui passé, sans qu’il soit besoin d'autro
jugem ent, le tribunal fait pleine et entière mainlevée en faveur
dudit sieur M o m e t, des inscriptions faites contre lui de la part dudiÇ
65
sieur C rozd, et notamment de celleà faites au bureau de Paris %
vol. 18, n \ 674,* en celui de Corbeil, vol.
583
3 \ n\
5o3 ; en celui
de D ieppe, vol. 11 , n°.
; ordonne que sur la remise qui*sera
faite par ledit sieur M om et, \ chacun des conservateurs desdits bu
reaux des hypothèques, de l'expédition par extrait du présent juge
ment , ils seront tenus de radier lesdites inscriptions ; quoi faisant
ils en demeureront bien et valablement déchargés; fait pareille
ment mainlevée audit sieur M om et de toutes autres inscriptions
faites contre lui de la part dudit sieur C ro ze, et ordonne qu'elles
seront radiées par tous conservateurs qui pourroient les avoir faites,
ainsi qu’il est dit ci-dessus; et enfin fait mainlevée de toutes
saisies et oppositions faites par ledit sieur Croze, contre ledit sieur
M o m e t, et ordonne qu’à la remise ou payement de tous les ob
jets ou sommes saisis, tous gardiens seront contraints, sur la re
présentation du présent jugem ent, par les voies de d ro it; quoi
D
�(
26)
faisant ils demeureront bien et valablement décharges- envers ledit
sieur C ro s e ; sur le surplus des autres fins *et conclusions, prises
respectivement par les parties, le tribunal les met hors de cour et
de procès; condamne ledit sieur Croze en tous les dépens faits par
ledit sieur Momet sur ladite demande en payement du susdit billet >
lesquels ont été taxés, et liquidés, d'après Favis du commissaire
taxateur de la chambre des avoués, à la somme de 562 fr.
cent, j
le condamne pareillement en tous les autres dépens faits par ledit
sieur M o m et, tant en défendant que dem andant, sur les.autres de
mandes , lesquels ont été taxés et liquidés comme dessus, à la
somme de 29g,francs 11 centimes, et condamne ledit sieur Canillac
aux deux tiers des dépens faits par ledit sieur Croze,. suivant la taxe qui
en sera faite,, et même aux deux tiers des derniers.dépens adjugés
ci-dessus, audit sieur M o m et, le tout non compris, l’expédition et
signification du présent jugement,, qui. se ro n t su p p ortées par ledit
55
sieur C ro ze, sauf à lui à en répéter les deux tiers contre ledit sieur
de Canillac , auxquels deux tiers celui-ci est pareillement condamné y
et quant: à la condamnation prononcée contre ledit sieur Croze en
payem ent dudit b illet, le tribunal ordonne que cette partie du pré
sent jugement sera exécutée nonobstant tout appel, et audit cas
à la ch a rg e de do n n er c a u tio n , atte n d u que ledit. sieur M om et esl:
fondé en titre à cet. égard*.
3
Fait et ju g é , le 21 messidor an i '..
Le sieur Croze ayant interjeté appel de ce jugement,,
Te sieur Momet voulut,. d’après ses dernières dispositions ,
le faire payer, en donnant caution ; mais le sieur Croze
demanda des défenses à la cour, et insista pour en obtenir;
malgré l’article 5652 du Code civil. Cependant, par arrêt
du
il fut débouté de sa demande, mais à là
charge par le sieur Momet de donner caution jusqu’à,
concurrence de 3 6 0 0 a francs.
�( 2? )
C’est en cet état qu’il s’agit de répondre aux moyens que
lé!1sieur Croze propose sur l’appel.
i
m o y e n s
.
L ’objet principal de la cause est de savoir si le sieur
Croze peut être fondé à retenir ce qui reste à payer duprix de la vente du 29 prairial an 4 ,'soit à cause du trou
ble qu’il éprouve par une demande en désistement, soit
sur le fondement de ses propres inscriptions, soit enfin
sous prétexte que le sieur Momet n’a p'as achevé de rem
plir les conditions auxquelles il s’étoit soumis.
Pour abréger beaucoup la discussion de tous les chefs
de co n clu sion s re sp e c tiv e s , le sieu r M o m e t passera ra p i
d em en t sur ce u x q u i p résen ten t p eu d ’i n t é r ê t , afin de ne
demander l’attention de la cour que sur les points les plus
importans de la contestation.
!
Le i er. chef des conclusions- du siéur Croze formoit
double emploi et n’a plus aujourd’hui d’intérêt ; il demandoit que le sieur Momet fît cesser les poursuites du sieur
de Labastide ; mais personne ne savoit mieux que le
sieur C ro ze que ces poursuites étoient éteintes par un
acte antérieur au procès. Le sieur Momet avoit payé la
créance du sieur Labastidè.
Le 3e. chef des mêmes conclusions est décidé par les
premiers juges, conformément aux principes. Le sieur
Croze n’ayant pas de titre, ne pouvoit faire une saisiearrêt'sans autorité de justice. A u reste le payement du
billet dui sieur Croze est l’objet d’une demande, et ses
moyens sur ce point seront examinés ci-après. ' p '
D 2
�( 28 )
L e 4e. chef a pour objet les fermages de 1795 et années
suivantes. A cet égard c’est la clause du contrat qu’il faut'
consulter. « P ou rra, le sieur Croze, disposer du domaine
« comme de sa chose propre, à compter de ce jour, à
« commencer la jouissance et fermages parles années 179$
« et 1796, le vendeur se réservant seulement les fer« mages de 1794, qu’il n’a pas même touchés. »
A in si, faculté ppur le sieur Croze, réserve pour le sieur
Momet.
Il faudroit donc que le sieur Croze offrît de prouver
que le sieur Momet a reçu au delà de sa réserve ; et il
ne l’articule pas même. C’est donc à lui à se poui’voir
pour cet objet; car le sieur Momet lui a seulement dit à
cet égard qu’il se départoit des fermages passés, et renoncoit
à les recevoir.
o
Le 6e. chef est sans objet. Le sieur Momet auroit
pu objecter au sieur Croze qu’il devoit seulement lui
fo u r n ir les titres d e p r o p r i é t é , aussitôt que le sieur de
Canillac les lui auroit remis ; néanmoins il a déjà donné
les titres les plus importans au sieur Croze, qui les a
dans son dossier ; il a offert le surplus à Brioude , en
jugement.
Les e. et 7e. chefs n’ont de même plus d’intérêt. Le
sieur Momet s’étoit obligé à justifier des quittances des
créanciers de Canillac pour 400000 francs ( assignats ) ;
mais il pourroit dire encore que cette clause étoit liée à
la faculté qu’avoit le sieur Croze de purger son contrat, et
de demander mainlevée des oppositions du fait du sieur
Momet ou de ses auteurs. Mais le sieur Momët rapporte
des quittances excédant de beaucoup la somme promise ;
5
�9
( 2 :;)
il rapporte aussi la mainlevée de toutes les inscriptions.
Le 9e. chef des conclusions du sieur Croze est encore sans
objet; c’est même une demande extraordinaire. Il veut que
le sieur Momet soit tenu de lui représenter et remettre
les titres de créance qu’il peut avoir contra luù Mais
ces titres de créances sont le billet de dépôt. L e sieur
Croze n’en désavoue pas l’existence ; il en a même saisi le
montant en ses mains. Ainsi le titre de créance du sieur
Momet lui sera remis sans difficulté aussitôt qu’il l’aura
payé.
Maintenant il est aisé de réduire le surplus delà cause.
Le sieur Momet a formé deux chefs de demande, qui sont
le payement du billet de ig o francs avec intérêts, et la
mainlevée des inscriptions du sieur Croze. Le sieur Croze
répond à cette demande : Je vous payerai quand vous
aurez fait cesser la demande du sieur Canillac, ou que
vous m’aurez fourni des immeubles d’égale valeur au do
maine de la Védrine ( 2 e. et 10e. chefs de demandes.) ;
quand vous m’aurez payé 2873 francs pour le temps que
j’ai employé au sujet de votre procuration ( 8e. chef. ) ;
enfin je ne puis vous donner mainlevée de mes propres
inscriptions , parce que vous me devez une garantie.
Ainsi ce qui reste à discuter présente les questions sui
vantes : i°. Que doit le sieur Croze au sieur Momet?
20. Le sieur Croze est-il fondé à retenir ce qu’il doit,
comme prétendant à une garantie de la demande formée
par le sieur de Canillac? 30. Est-il dû au sieur Croze 2873 f.
pour dépenses faites comme fondé de pouvoir? 40. A-t-il
droit de maintenir les inscriptions par lui faites sur le
sieur Momet ?
•
•
65
�Que doit le sieur Croze au sieur Momet ?
Il lui doit le montant du billet de 19660 francs, causé
poiir dépôt, sous la date du i prairial an 4 ; il le doit
en deniers ou quittances. Ainsi, au cas qu’il représente,
comme il le d it, des preuves de payemens faits pour près
de moitié de la somme, il n’y aura pas de difficulté à cet
égard, sauf que les imputations se feront d’abord sur les
intérêts.
Mais , dit le sieur Croze, je ne dois pas d’intérêt, parce
qu’un dépôt n’en produit pas ; le billet d ’ailleu rs n’est q u e
de 18000 francs en principal et i o francs pour intérêts
de deux ans. Si vous voulez que ce soit un simple billet,
alors, comme c’étoit un temps d’assignats ou mandats,
votre capital sera réduit à l’échelle de dépréciation, et je
vous p a ye ra i des in térêts.
A l’échelle de dépréciation ! Le sieur Croze a-t-il osé
sérieusement le proposer, quand les lois de l’an 6 sont
formelles, et quand déjà il a acheté à si vil prix ?
Il prétend que 600000 francs, de vendémiaire an 4, ne
valoient que 8000 francs numéraire. Que yaudroient donc
19650 francs en'prairial suivant?
Il veut persuader que le sieur Momet a gagné beaucoup
sur lui, tandis que le domaine acquis en apparence en assi
gnats, a coûté au sieur Momet 68600 francs, malgré lu i,
quoiqu’il ne l’eût vendu au sieur Croze que 36000 francs.
Le sieur Croze confond ses propres idées, quand il dit
que le billet du 1 prairial est un dépôt, pour en refuser
5
65
5
�(30
Pintérêt; car précisément il en a fait line saisie-arrêt,
comme d’un prix de venter A u reste le fait est aujourd’hui
reconnu» *
Le billet cependant n’a en capital que 18000 francs;
le sieur Momet se fait un devoir d’en convenir : mais
l’intérêt de cette somme sera dû après le terme fixé entre
les parties ; et les principes à cet égard sont assez certains
pour ne pas exiger de discussion.
On sait que tout prix de vente porte intérêt de sa
nature, s’il n’y a stipulation contraire *, car le capital
représente un fonds qui produit des fruits annuels. L ’ar
ticle i
du Code civil n’a rien changé sur ce point aux
lois précédentes..
652
f. I L
L e sieur Croze est-il fondé à retenir ce qi? il doit, comme
prétendant à une garantie de la demande ' formée
\par le sieur de Ganïllac ? est-il fon d é à demander un
remplacement, en immeubles T du domaine de la
Védrinel.
Sur cette question , le sieur Momet ne disputera pascontre les principes ; ca r, si réellement il est garant du
désistement ,, il n’auroit pas d’action jusq.ù’à ce qu’il l’eût
fait cesser, ou fourni une caution..
Ce n’est pas que le sieur Croze ne lui ait contesté,
même en ce cas , le droit de réclamer son payement,
moyennant caution. Cependant l’article 1653 du Code
civil en a la disposition expresse , et les lois romaines y
étoient conformes. Dom inu quœstione rnotâ emptorpre—
�32
(
)
tium solvere non cogitur, nisijidejussores idonei prcestentar.
’
•
Mais le sieur Croze a-t-il prouvé que le sieur Momet
fût son garant ?
Souvenons-nous que le sieur de Canillac demande le
désistement d’un domaine appelé de la Védrine, qu’il pré
tend distinct et séparé de celui de la Chassaigne , d’après
des baux et d’autres actes. Le sieur de Canillac a arti
culé que le domaine seul de la Chassaigne contient en
terres, prés et bois , les mêmes surfaces qu’il a vendues
l pour deux cent dix septerées.
Si le sieur de Canillac le prouve , et s’il obtient le dé
sistement qu’il demande, comment le sieu r C ro ze pourro it-il assurer avec pudeur que le sieur Momet lui a
vendu un second domaine?
Avant de répéter cette coupable prétention, que le sieur
Croze jette donc lesyeux sur la forme de l’acte qu’il a si fort
dépecé et dénaturé , mais dont la vérité sort malgré lui.
S ’il a eu le p ro je t d ’en lacer u n cito yen sans d é fia n c e ,
en méditant de si loin les moyens qu’il emploie aujour
d’hui , il n’en est pas encore à Yeçentus fraudis ; car il
est singulièrement resserré dans les clauses qui restent,
et qu’il ne peut effacer.
Dans une vente, il ne faut pas chercher l’intention
dans des équivoques, surtout pour ce qui regarde la
chose vendue ; car c’est là la substance principale de l’acte;
et dès-lors les mots ne sont plus rien pour désigner l’objet
vendu , quand il est matériellement exprimé.
En effet, que je vende un terrain d’une surface donnée
ou avec des confins constans, sans difficulté l’erreur sur
la
�( 33 )
la dénomination ne prévaudra pas, parce que la cliose
vendue sera constante.
O r , ici est-il possible de se méprendre ? et par quelles
équivoques le sieur Croze voudroit-il persuader que le
sieur Momet lui a vendu deux domaines, quand même
il n’en auroit acheté qu’un?
Le sieur de Canillac vend à Momet des bâtimens et
jardins ayant cinq septerées cinq quarteronnées ; et le sieur
Momet vend à son tour au sieur Croze des bâtimens et
jardins de la même surface , avec les mêmes expressions
copiées mot pour mot.
. En terres, en prés, en b o is, en vignes, en terrains in
cultes , on voit encore dans les deux ventes les mêmes
détails de contenue, sans la plus légère différence.
Le sieur de Canillac termine par énoncer que le tout
se porte à deux cent dix septerées une quarteronnée ; et
le sie.ur Momet ne manque pas de recopier aussi la même
redondance,-comme s’il eût voulu mieux avertir qu’il
avoit le projet marqué de s’asservir à transcrire en toutes
lettres tout ce qui concernoit l’étendue et les surfaces de la1
chose vendue.
Enfin ? le sieur de Canillac garantit les deux cent dix
septerées une quarteronnée, à dix arpens près; le sieur
Momet encore garantit la même étendue, et ne garantit
pas un pouce au delà.
Il avoit le droit de limiter sa garantie : il en a
sagement usé. O r , tant que le sieur Croze ne sera pas
fondé à dire au sieur Momet : Je n’ai pas les deux
cents septerées que vous m’avez garanties, il n’a à cet
égard^ aucune demande à former contre lui ; car ce ne
E
�( 34
\
peut être-qu’après avoir prouvé ce déficit, et si dans le
seul domaine de Chassaigne il ne trouve pas les deux cents
septerées, mesure du lieu , qu’il pourra former une de
mande en supplément contre le sieur Momet. Mais le
sieur Croze qui a fait arpenter Chassaigne, sait bien que
les deux cent dix septerées s’y trouvent.
Quel seroit donc l’interprète astucieux q u i, trouvant
ainsi la chose vendue désignée avec tant de détails ,
s’obstineroit à la chercher plutôt dans des mots et dans
des circonlocutions ?
En effet, sortons de cette partie claire et précise du
contrat , nous ne trouvons plus que de l’obscurité ou des
pièges.
Ces ratures nombreuses , ces quatorze renvois, ces
laborieuses corrections font naître tant d’idées pénibles,
qu’il vaut mieux ne pas se jeter dans le détail des obser
vations qu’il y auroit lieu de faire à chaque ligne.
U n e seule r é fle x io n ju g e cette vente. Si le sieur Croze
n ’a pas prévu et p r é p a r é sa d éfen se du p ro cès actuel ,
alors le deuxième renvoi n’est de sa part qu’une précau
tion contre le sieur de Canillac, et il n’a pas d’action
contre le sieur Momet.
Si au contraire il veut trouver dans le deuxième renvoi
une action et une précaution contre le sieur M om et,
alors il sera clair pour tout le monde que le troisième
renvoi est une précaution en faveur du sieur Croze ; et
nul homme de bonne foi ne se défendra d’y voir le
consilium fraudis le plus évident, et le motif radical
de toutes les autres corrections.
Que cependant le sieur Croze ne suppose pas que cette
�35
(
)
option lui soit laissée ; car il ne s’agit pas d’interpréter
ce qu’il a voulu faire, mais ce qui a été fait. Les règles
d’interpi-étation des actes, sont, d’après les lois, toutes
favorables à la bonne fo i, sans jamais se prêter à pré
férer même le sens littéral
l’intention connue. Co/ztrahentium voluntatem potiùs qucim verba spectari
plaçait : principe rappelé par l’article 1 1 du Code civil.
Que le sieur Croze cesse donc de placer sa confiance
dans son troisième renvoi, où il a cru insérer un do
maine ; car des paroles vagues ne créent pas une vente;
et il verra encore dans l’article 1163 du Code que les
termes généraux doivent toujours se restreindre à l’objet
positif de la convention.
Si ces principes ne jugent pas toute la question , si
déjà l’intention de la vente n’est pas assez claire par le
détail minutieux de la chose vendue , on peut suivre
encore le sieur Momet dans la tradition qu’il effectue.
Qu’abandonne-t-il au sieur Croze ? tout droit de pro
priété qu il a et peut avoir sur ledit domaine. Comment
déclare-t-il en être propriétaire ? comme îayant acquis
du sieur Canillac ^par acte du 30 vendémiaire an 4.
Quels actes lui demande le sieur Croze pour ses titres
de propriété ? les titres de la fam ille de Canillac.
A in si, le sieur Momet ne vend évidemment que ce
qu’il a acheté par Vacte du 30 vendémiaire an 4; il en
fournit une expédition notariée au sieur Croze : conséquemment il n’emploie le mot vente au lieu de subro
gation , que pour ajouter sa garantie à celle du sieur de
Cnn illac.
1617
161
four-
à
56
Enfin , les articles
et
8 du Gode civil
E z
�o s y
nissent au sieur Momet un moyen de droit qui le fait
s’applaudir d’avoir été assez soigneux pour détailler toutes
les mesures de la chose vendue.
Car le maximum de l’excédant seroit d’un vingtième
en sus ( ce qui se rapporte aux dix arpens en plus ou en
moins Mais cent ti’ente septerées à englober de plus,
ne sont pas le vingtième de deux cent dix (i).
(i) Pendant l’impression de ce mémoire, deux actes ont été déposés au greffe
de la co u r, à la diligence du sieur de Canillac, et leur existence est très-im*
portante pour la cause.
Il paroit que le sieur Croze avoit des craintes sur sa propriété, à cause de
l’émigration du sieur de Canillac ; et sous prétexte de lui être utile dans les
diligences à faire pour les séquestres, ou môme p eu t-être de lui dem ander une
ratification de la vente du 3o vendémiaire an 4 , il conçut le projet d’arranger
les choses de manière à éviter les difficultés. En conséquence, au lieu de de
m ander directement une ratification au sieur de Canillac, le sieur Croze ne
voulut qu’une procuration : le plus adroit étoit de se la faire adresser par le
sieur M om et, pour pouvoir dire, à tout événement, que c’étoit son ouvrage ;
et il en vint à bout, soit par ses instigations, soit par le canal d’un des commis
du sieur M omet, avec lesquels il étoit e n r a p p o r t , ainsi qu’il résulte des lettres
du sieur C roze, des 8 brumaire an , 27 prairial et 11 messidor an 6 , fort
curieuses, et qui montrent avec quel art le sieur Croze enlaçoit le sieur
M om et, tantôt par des prières, tantôt par des menaces.
5
P a r-d e v a n t.......... a été présent le cit. Ignace B ea u fo rt-C a n illac, lequel donne pouvoir
à ........ de réclam er le m obilier saisi sur lu i p a r........... et le prix de celui vendu par l ’admi
nistration.........de réclam er les fermages échus depuis 1789, et qu’il n ’a pas cédés au sieur
M om et, dont en tant que de besoin il ratifie la vente f ; donner quittan ce, etc. F ait le 19 ger
minal an
6.
■f portée en celle de C hassaigne, qu’il donne pouvoir de ratifier, si besoin est.
Le sieur Croze, muni de cette procuration qui n'expliquoit rien, voulut
la faire expliquer plus clairement; en conséquence, après l’avoir remplie du
nom du sieur Cailhe., il se fit donner par lui l’acte suivant :
P a r-d e v a n t........ a été présent le cit. J e a n -R e n c C a ilh e .......... fondé de pouvoir du sieur
de C an illac, par acte du 19 germinal an 6 .........le q u el, en ladite qu alité, ratifie, confirme
4
et approuve, et même renouvelle, si besoin e s t , la vente faite par e-cit. de C a n illa c... . . .
�E st-il dû au sieur Croze 2873 fra n cs pour dépenses
fa ites en vertu de la procuration du sieur Momet ?
Il
est étrange que le sieur Croze ait osé former une
demande de cette nature, sous prétexte qu’il y a eu un
intervalle du 27 prairial au 29 , et qu’il a été fondé de
pouvoir avant d’être acquéreur.
Mais s’il est clair que le sieur Croze n’a jamais pu
des domaines de Chassaigne et dépendances, S O U S ZE N O M DE L A V É D R I N E , ou toute autre
3
4
dénomination........par contrat reçu D e lo c h e , du o vendémiaire an ......... L a présente ratifi
cation acceptée P O U R le cit. Momet P A R le cit. Jean Croze , homm e de l o i , demeurant à
B rio u d e , présent et a ccep tan t, tant pour ledit cit. M om et, et comme fondé de procuration
gén érale, que personnellement pour lui-méme, comme acquéreur des mêmes b ie n s, suivant
le contrat du 29 prairial an > etc. F a it le 16 prairial an 6.
4
Ainsi peut-on être surpris que le sieur Croze ait abusé de la confiance du
lieur Momet avec qui il traitoit, lorsqu’il abuse de la bonté d’un honnête
homme qui n’a aucune raison d’être en défiance contre lu i, au point de lui
faire exprimer des clauses qui sont hors de sa procuration?
Certainement le fondé de pouvoir n’a pas deviné si le domaine de la Védrine
étoit compris dans la vente du 3o vendémiaire an 4; il falloit que l’auteur dé
cette divination y eût plus d’intérêt que le fondé de pouvoir ; Is f e c i t , oui
prodest .
Le sieur Croze a encore très-justement calculé qu’il falloit faire trouver la
veilte det la Védrine dans la vente du 3o vendémiaire an 4 , pour îa faire
résulter de la vente du ¿9 prairial; et voilà pourquoi la ratification ou vente
renouvelée de la Chassaigne et la Védrine est acceptée par lui pour le sieur
Momet; voilà pourquoi encore, dans les lettres de ratification prises l’année
suivante sur la vente du o vendémiaire, qui comprenoit le domaine de la
Chassaigne, le sieur Croze ne put s’empêchpr de faire mettre la terre-do
maine. Ce nimia precauùio juge tout à la fois ses intentions ou ses calculs;
et personne ne se défendra de dire qu’en achetant loyalement et franchement
une propriété qu’on connoît, on la fait désigner sans équivoque, au lieu ¿’em
ployer autant de détour».
3
�( 3 8 )
7 user de cette procuration avant la vente, il en résultera
q u ’alors la procuration donnée par le propriétaire du
domaine de la Chassaigne, pour le régir , gouverner ,
administrer et vendre, sera annullée de plein droit par
la vente. Car alors le sieur Croze n’a plus eu à i égir,
administrer ni vendre pour le compte du sieur Momet,
ce qui lui appartenoit à lui-même.
O r, la procuration n’a été enregistrée à Paris que le
messidor an 4, par conséquent après la vente du 29 prai
rial. Il n’a donc pas été au pouvoir du sieur Croze de faire
usage de cette procuration avant d’être acquéreur.
Dira-t-il que lu procuration portoit aussi autorisation
de régler les loyers échus et à échoir, débattre et arrêter
les comptes? Mais par sa vente du 29 prairial, il a eu soin
de faire délaisser au sieur Momet son droit aux fermages
antérieurs : conséquemment, si le sieur Croze a fait des
poursuites, c’est pour lui ; s’il a réglé des comptes, c’est
pour lui. Il seroit donc bien commode qu’il eût une ré
pétition de 2873 francs contre un autre, pour avoir fait
ses propres affaires.
5
§. IV ,
L e sieur Croze a-t-il droit de maintenir les inscriptions
qiCil a fa ites sur le sieur Momet ?
Le sieur Croze avec des inscriptions aura des procès ;
avec une transcription il n’en aura pas. Cependant depuis
dix ans il ne veut pas transcrire.
Mais si le sieur Croze aime mieux des procès que sa
tranquillité, le sieur Momel aiine mieux sa tranquillité que
�( 39 )
des procès ; et il ne doit pas être victime de ce goût par
ticulier au sieur Croze. On ne vend pas pour être gêné
perpétuellement dans ses affaires, et pour être toute sa
vie esclave de son acquéreur. Cette gênea été, etest telle,
qu’elle a opéré successivement la ruine du sieur M om et,
qui ayant fait, depuis l’an 7, nombre de ventes, 11’en peut
toucher la totalité du prix; et d’après des reventes faites
par plusieurs de ses acquéreurs, il a été exposé aux pour
suites les plus x-uineuses pour le rapport de la seule main
levée du sieur Croze, ou des sommes qui lui avoient été
payées. Les plus honnêtes se sont contentés , ne pouvant
toucher eux-mêmes leur prix déposé, de toucher du sieur
Momet les intérêts de ces sommes ; intérêts qui depuis
long-temps montent à 7496 francs par an. Le sieur Momet
peut donc avec raison dire qu’il eût été bien heureux
pour lui de n’avoir jamais connu le sieur Croze.
A la vérité un acquéreur a une hypothèque sur les
biens de son vendeur pour la sûreté de sa garantie ; mais
il a en même temps une voie ouverte pour éviter les re
cherches des créanciers qui ont aussi hypothèque sur l’im
meuble ; c’est de faire transcrire.
Aussi les lois sur les hypothèques parlent des oppositions
ou inscriptions faites en vertu de créances, et ne disent
rien de celles qui n’ont pour but qu’une garantie; ce qui
prouve que le législateur a entendu que la voie de la trans
cription y suppléeroit; car l’acquéreur n’est pas un créan
cier. La loi a voulu une inscription d’office pour le ven
deur, s’il lui restoit dû quelque chose; mais elle n’a pas eu
la même précaution pour l’acquéreur, quoique la garantie
soit une clause tellement d’usage, que la loi la supplée
�C 4° )
si elle n’est pas exprimée, et s’il n’y a clause contraire.
Les acquéreurs qui s’obstinent à vouloir faire des ins
criptions disent ordinairement que s’ils ne craignent pas
les créances, au moins ils peuvent craindre les demandes
en éviction, qui souvent peuvent survenir au bout d’un
très-long-temps, à cause des minorités qui se succèdent.
Mais , sous ce prétexte, on seroit forcé de maintenir des
inscriptions pendant des siècles; et avec cette terreur pa
nique , celui qui vendroit une seule propriété auroit le
reste de ses biens en séquestre, sans pouvoir en disposer.
Aussi la jurisprudence a-t-elle restreint sur ce point les
prétentions des acquéreurs, en les obligeant à purger leur
vente , pour forcer leur vendeur à faire radier les inscrip
tions , sans qu’ils pussent eux - mêmes en conserver une
après la mainlevée de toutes les autres.
C’est ce qu’enseigne M. Grenier, tribun, en son Com
mentaire de l’édit de 17 7 1, page 2Ô2 de la seconde édi
tion. Il cite à cet égard un arrêt conforme, rendu au parle
ment de Paris, entre le sieur deM âconetla dame Gironde,
le 3 mai 1785. Le parlement de Rouen avoit jugé de
le 18 mars 1779, et le
de
31
1784.
C’est encore ce qu’ a jugé la seconde section de la
c o u r, le
prairial an 11 , entre les sieurs Choussy et
Gardelle. Ce dernier vouloit maintenir une opposition
faite par lui pour sa garantie, et prétendoit que le sieur
Choussy n’ayant plus d’immeubles, il avoit intérêt de conserver ses droits sur celui qu’il avoit vendu le dernier.
Mais le sieur Choussy vint à l’audience avec la mainlevée
des oppositions qui avoient frappé les lettres obtenues sur
sa
parlement
25
même
Toulouse le août
�C 41 )
sa vente, et la cour lui accorda la mainlevée de l’oppo
sition de garantie formée par le sieur Gardelle.
Ainsi le sieur Momet répète au sieur Crose-: Faites
transcrire à vos frais votre contrat, comme vous en avez
la faculté ; notifiez-moi les inscriptions, s’il en existe : tant
que je seraien demeure d’en avoir mainlevée, vous aurez
droit de maintenir vos inscriptions ; sinon vous n’êtes
pas le maître delà faire durer éternellement, en ne faisant
jamais transcrire.
C’est là ce qu’a jugé le tribunal de Brioude, et il est
clair dès-lors qu’il s’est parfaitement conformé à la juris
prudence : ce n’e$t pas seulement en point de droit qu’il
a bien jugé, car, par le fait, le sieur Momet a établi qu’il
n’existoit plus d’inscriptions sur le bien de Cliassaigne ;
Ainsi le sieur Croze n’a de motifs de précaution que dans
son désir de ne pas payer, et dans son projet bien con
duit de consommer la ruine du sieur Momet.
Si la justice a atteint le sieur Croze dans sa propre ville,
et si ses concitoyens même ont été indignés des horribles
chicanes qu’il renouvelle sans cesse depuis tant d’années ,
pour s’approprier, au plus vil p rix, une belle propriété
qu’il voudroit accroître encore , à combien plus forte
raison doit-il s’attendre à ne pas se jouer de l’intégrité de
la cour. I^e sieur Momet pourroit mériter quelqu’intérêt,
par la dure position à laquelle le sieur Croze, en gênant
toutes ses affaires, est parvenu à le réduire ; mais il se
contente de gémir en lui-même du malheur de l’avoir
connu, et il n’osera solliciter de la cour que la plus rigou
reuse justice. 11 ne plaide ici que-cfe dûmno vitando $
F
�(40
et loin de rien dissimuler ; il se présente avec des pièces
o rig in a le s qui doivent seules éclairer et convaincre ; car
ses intérêts ne seront jamais mieux défendus que lors
que la cour sera à portée de tout voir, et de prononcer
en plus grande connoissance de cause.
Signé M O M E T ,
Me, D E L A P C H I E R , avocat.
Me C R O IZ IE R , avoué.
A R IO M , de l'imprimerie de L à n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d'appel.'— M ai 1806.
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Momet, Gaspard-Roch. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Croizier
Subject
The topic of the resource
fraudes
ventes
abus de confiance
notaires
Description
An account of the resource
Mémoire pour Gaspard-Roch Momet, propriétaire à Paris, intimé ; contre Jean-Joseph Croze, sous-préfet de Brioude, appelant ; en présence d'Ignace Beaufort-Monboissier de Canillac, appelant.
Extrait de minutes du contrat de vente. Extrait de jugements.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1795-1806
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
42 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0411
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Brioude (43040)
Paris (75056)
Chassaigne (domaine de)
Rights
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Domaine public
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Abus de confiance
fraudes
notaires
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MÉMOIRE
POUR
leM A I R E etlesH
abitansdeVic-le-Com
te
;
C O N T R E
Le Sieur N A T E Y ? de N yon , m Helvetie.
i
L e sieur Natey veut dépouiller la commune de V ic
de trois communaux , qui lui ont été dispulés jadis par
tous les Seigneurs voisins, mais qu’elle a su conserver
malgré leurs efforts, par des transactions et un arrêt
souverain.
Une possession immémoriale se réunit à d’aussi puissans titres : la commune de V ic n’a jamais plaidé qu’en
défendant.
L e sieur Natey 'commençant un nouveau procès,
n’a pas voulu en attendre le résultat: il a fait planter
et défricher une partie des communaux de V ic , par
voie de fait, et sans en demander l’autorisation à la
justice.
A
�( * )
L ’instant qu’il a choisi, pour renouveler des pré
tentions jugées et abandonnées depuis 160 ans, est
remarquable.
C ’est sous l’empire de la loi du 10 juin 1793? qui
assura et restitua même aux communes les propriétés
de celle nature ; et le sieur Natey n’est lui-même
acquéreur de Chadieu que depuis cette loi.
Cependant c’est sous de tels auspices, et contre ses
propres titres , que le sieur Natey a tenté des innova
tions brusques et attentatoires, dont ses prédécesseurs
n ’avaient même jamais marqué l’intention dans le plus
lia ut point de leur splendeur.
Les liabitans de Vie ont un intérêt majeur a repous
ser ces prétentions, et leur défense ne sera pas un
essai. Les armes qui ont fait succomber les Canillac, sont
encore dans leurs-mains; et si le sieur Naley est plus
opiniâtre qu’e u x, il est à croire qu’il ne sera pas plus
invincible.
F A I T S .
La commune de V i e - l e - C o m t e est séparée de
Chadieu, Autezat et Chalus-les-Bussière, par la rivière
d’Allier.
Entre Chadieu et la rivière est un pacage appelé
La Vergiere.
Entre Chadieu et Chalus, sur le bord de la même
rivière , est un autre pacage appelé Le grand Gachier,
aliénant, de jour, à la Vergière, séparé du territoire
de Chalus par le ruisseau appelé de Charlet. Enfin ce
�(3)
même pacage se prolonge de l'occident à l'orient ; et
la parlie orientale , séparée de la première par un
chemin, s’appelle Le petit Gcicliier, toujours resserré
en ire le terri loire de Clialus et la rivière.
L e ruisseau de Charlet a toujours été la limite de
la paroisse de Vic-le-Comte ; et s'il paraît extraordi
naire que le territoire d’une commune franchisse une
rivière, la position topographique des lieux peut en
faire soupçonner la cause. Jadis l’Allier dut avoir son
cours à l’extrémité méridionale et occidentale des Gachiers et de la Vergière. Après une inondation qui couvrit
ces pacages de grèves encore existantes, le fleuve, chan
geant son lit, laissa la majeure partie de ces pacages sur
la rive gauche, et cet atterrissement considérable ne dut
pas être abandonné par les habitans de Vic-le-Comte.
Il est aisé de concevoir cependant combien cet acci
dent pouvait leur nuire. Les Seigneurs voisins allaient
être jaloux de ne plus être limités par la rivière, et le
moindre mal devait être une promiscuité de pacage,
qu'alors il y avait peu d’intérêt d’ëmpêcher.
Une première transaction du 2 juillet i 5 i i , atteste
quelles étaient alois les prétentions du Seigneur de
Chadieu (Anioine Debord).
Il avouait bien que le grand Gachier et le petit Gachier
étaient situés l’un et l’autre en la justice et châtellenie
de Vic-le-Comte; mai; il prétendait en être investi par
M M les comtes de Boulogne et d’Auvergne, seigneurs
de Vic-le-Com te, offrant le justifier.
D e leur côté les consuls et habitans de Vic-le-Comte
A 2
�(4 )
prétendaient que lesdits Gachiers leur appartenaient en
toute propriété et seigneurie, et qu’ils en avaient: joui
de tout tenis. Ils prétendaient encore empêcher le
seigneur de Chadieu d’y faire pacager ses bestiaux ^ vu
qu’il était habitant en autrui ju stic e , c'est-à-dire, en
la justice d’Aulezat.
Sur quoi deux procès étaient nés pour raison desdits
droits de propriété et de pâturage.
L e seigneur de Chadieu * ayant déjà perdu son pro
cès devant le premier juge, et encore sur appel en la
sénéchaussée, était appelant au parlemen t lorsqu’il tran
sigea j et voici les termes de la transaction :
« C ’est à savoir que dudit grand Gachier ci-dessus confiné
lesdites parties jouiront comme on a accoutumé par com m un,
par ensemble, et y faire pâturer tout bétail, testons, pourceaux et
oyes que l’une partie ni l ’autre n’y pourront faire pâturer en
moins que ce soit et est leu et permis èsdits habitans de V ie ,
le tenir en deff'ense de tout .bétail quelconque depuis NotreDame de mars jusqu’au 16 du mois de may ou autre tems plus
ou moins lo n g q u i l sera avisé par ladite commune de V ie
sans que durant ledit tems un ni l’autre y puisse faire pâturer
chacun b é ta il, si ce n’est après ledit tems deffensable passé et
selon la délibération de ladite commune et en telle qualité que
lesdits habitans de V ie estimeront : sera permis èsdits seigneurs
de Chadieux en jouir et user comme dit est : et au regard du p etit
Gachier lesdites parties en toute saison de l’an avec leurs bes
tiaux quelconques soit bouine, chevaline et pourceaux , oyes
et autres quelconques comme pâturage commun entre les par
ties sans ce que lesdits consuls et habitans de V ie le puissent
mettre en deiïense ni limiter quant auxdites qualités de bestiaux
®i hon ne semble èsdits seigneurs de Chadieux. Toutesfois ne
�( 5 ’)
pourront lesdits Seigneurs ni leurs métayers faire palurer èsdits
Gachiers ni aucun d’eux autre bétail que ceux qui appartien
nent èsdits seigneurs de Chadieux ou que lesdits métayers
tiendront à cheptel d’eux sans aucune fraude sans que lesdits
y puissent mettre bétail c£autrui demeurant a u h e ju stice que
dudit V ie ou celui que leurs métayers tiennent à cheptel d’eux
ou à leur profit. Et au regard du tail et arbres desdits Gachicrs
qu’est du pied demeurera et appartiendra en propriété et pos
session et seigneurie èsdits seigneurs de Chadieux sans que lesdits
consuls et habitans y puissent prétendre aucune chose, et par ce
moyen seront y ceux seigneurs de Chadieux payer la censive
cleube à cause de ce chacun an à la dame comtesse de Boulogne
et d’Auvergne. Et ne pourront lesdits seigneurs de Chadieux
planter èsdits Gachiers de nouvel aucun arbre, vrai et que
aucun des arbres anciens'de pied planté ou qui ont été plantés et
ci-devant, soit morts et arrachés, pourront replanter d’autres
arbres sans y faire aucun autre plant nouvel,.etc. Fait le 2 juillet
f l 5 i 1, etc. »
Ainsi le lot de chacun est bien expliqué ; par cette
transaction, le seigneur de Chadieu a pâturage dans
les deux Gachiers, et la propriété des arbres existons,,
sans pouvoir en planler d’autres.
Tous tes actes de propriété et d’empêchement res
tent aux habitons de Vie-le-Comte (1).
En 1 536 , le sieur Jacques de Beaufort, seigneur en
partie de Chalus-les-Bussières, voulut se permettre de
retirer des épaves flottantes dans la rivière d’A llie r, de
(0
Ic i le sieur N a t e y place un acte a p o c ry p h e de i 63 i , qui étend la justice
de M o u t o n , C h ad ie u et C halu s jusqu’ à P A I l i e r , et qui réduil les habitans de
V i e , de leur consentem ent, au pacage dans leurs propres c o m m u n a u x ; cet acte
d ém e n ti par tout ce qui va suivre , sera rapporté c i - a p r è s , pages 22 et
�( 6 )
laquelle il e s t séparé parles deux Gachiers, comme nous
l ’avons dit.
L e procureur-général du comté d’Auvergne le fit
assigner , sur le m olif que M. le comte d’Auvergné
était seigneur et possesseur de toute la rivière d’Allier,
.d’un côté et d’autre, tant que dure ledit comté.
De sa part, le seigneur de Chalus prétendait que la
limite de ses justices des Martres} et en partie de Chalusles-Bussières,, s’étendait jusqu’à la rivière d’Allier qui
en était la séparation.
Sur quoi, les parties ayant compromis transigèrent
le 8 décembre 1542, et il fu t convenu q u au comte
cVAuvergne demeurerait et appartiendrait l’entière j u s
tice, haute, moyenne et basse de Ladite riçière d A llie r ,
d
’u n
côté
et
d ’a u t r e
.
Cette transaction, passée à B iom , fut honorée de
signatures bien respectables , MM. M ich el B r a n d o n ,
lieutenant-général, J ea n de Sirm ond et A n n e D u bou rg
.
Après cette transaction qui réglait tout à la fois le
territoire du seigneur de Vic-le-Comte et celui des liabitans, il ne paraît pas que pendant un siècle il y ait
eu de procès.
Mais le i 3 décembre 1 6 2 7 , François BeaufortCanillac acquit du sieur Laguele la terre de Chadieu,
et bientôt les procès recommencèrent.
Cependant son propre contrat d’acquisition était
bien limitatif et bien clair.
�(7 )
Il achète le lieu de Chadieu« consistant en nn domaine; con
te finé par le pacage de V ic -le -C o m te , appelé la Vergière ,
« de jour ;
« P lu s, un pré au terroir Darson , confrontant au G a ch ier,
de bise ;
«
«
«
«
« Plus, un autre pré jouxte audit G a ch ier, de bise;
« Plus, le droit de pacage dans les susdits Gachier et Verg iè r e , et quantité d’arbres connus sous le nom de pibles et
autres, étant le long de k fiivière d’A llier, depuis le bois de
Macliont jusqu’au bateau de B r o la t, lesquels appartiennent
audit Cliadieu ;
« Plus, un pré dessus ledit Gacîiier, jo u x t e ledit G a ch ier,
« de bise ;
' ■
,
Voila donc exactement ce que le prédécesseur du
sieur Natey acheta, et ce qu’il n’acheta pas.
En i 6 3 3 , le sieur de Canillac, plus jaloux des com
munaux depuis son acquisition de Chadieu1., voulut
faire de nouveaux efforts, en qualité de seigneur, haut
justicier de Monton; et malgré la transaction de 15 4 2 ,
il envoya ses officiers de justice tenir assises sur le com
munal des Gachier.
Les officiers de Vie ignorèrent cette hostilité furtive ;
ils tinrent aussi des assises dans le me me local, en i6327
comme ils en avaient tenu depuis et comprise l’année
I 474 *
Mais en i 6 3 6 , le sieur de Canillac fit saisir les bes
tiaux de deux habitans de Vic-le-Gom te, et un procès
s'engagea.
En 1637,
dame Peloux? veuve Beaufort, tutrice
�.
.
( 8 ')
de ses enfans, obtint une sentence en la sénéchaussée
d’Auvergne, qui lui accorda la possession et saisine dii
grand et petit Gachiers, tant pour le droit de justice,
que de pacage. 11 y eut appel de cette sentence et des
assises , au parlem ent, où le procès fut appointé au
rapport de M. de Benoise, le i 3 août 1640.
> '
L à , les habitans de Vie se plaignirent de ce que la
dame Peloux , qui intentait un procès à cause de sa
justice de Mon ton et les Martres , ressort de Riom ,
avait affecté de les assigner devant une sénéchaussée,
intéressée au procès à cause de son ressort , et avait
obtenu line sentence, au préjudice des récusations.
Les habitans de Vie soutinrent être propriétaires des
Gachiers,, d'après la transaction de
i 5 ii
’ et d’après
le titre même d’acquisition de Chadieu en 1627 , qu’ils
opposèrent à la dame de Canillac, auxquels titres ils
ajoutèrent la possession paisible qu’ils avaient des pâ
turages ¿ et le droit de les rendre déferisablès.
Enlin ils firent remarquer que les officiers de Monton n’avaient exercé aucun acte de justice sur les com
munaux, si ce n’est depuis le procès intenté ou ¿1 la veille
des’intenter ; et dirent que si quelques témoins, justicia
bles du sieur de Beaufort, avaient déposé que sa justice
s’étendait jusqu’ci la rivière'd’Allier, ces dépositions,
détruites d’ailleurs par les titres des appelans et par
leur enquête, n’étaient dues qu’à l’autorité du sieur
de Beaufort , sénéchal de la province, gouverneur de
Vic~le-Comte et de tout le comté d’Auvergne.
�( 9 >■’
Sur ces moyens., publiés dans un facium imprimé, là
dame de Beaufort ne se dissimula pas les conséquences
de sa propre acquisition de 1627.
En conséquence, elle prit le 11 août 1 6 4 0 , des lettres
de rescision contre cette vente, et en demanda l’en
térine ment.
Pour n'être pas isolés^ et sans protections, les habitans de V ic-le-C o m te intéressèrent à leur procès le
sieur de la Rochebriant, seigneur de la Chaux, à qui
ils concédèrent pour cela quatre-vingts pieds d’arbres
des Gacbiers ; le seigneur de la Chaux intervint au
procès, il réclama le droit de pacage dans les Gachiers,
comme ayant son fief dans la justice de Vic-le-Comte?
et il réclama aussi les arbres à lui concédés.
L e 17 mai 16 41, arrêt définitif ainsi conçu :
Entre les consuls et habitans de V ie - le -C o m te , appelans ,
d’ une part ;
« E t Marie de Peloux, veuve de François de Beaufort de
. « C a n illa c, seigneur de M onton, les Martres, Chalus-les-Bus« sières et Chadieu, tutrice de leurs enfans , d’autre part ;
« Et Annet de Larocliebriant, seigueur de la C hau x, dénian
te deur en intervention , à cause de sa terre de la G liaux, sise en
« la justice de Vic-le-Gomte.
« V u etc. lettres de nous obtenues par ladite P e lo u x , le i r
« août 1640, pour être relevée des clauses apposées dans le
« contrat d’acquisition fa ite par ledit Beaufort son mari , de
« ladite terre de C hadieu, le i 3 décembre 1627;
Notre dite Cour, par son jugement et arrêt, faisant droit, tant
sur le procès par écrit, intervention, q u ’appellations verbales desd.
consuls, desd. jugemens des i 5 m a i, 4 juin 1687>e* de toutce cjui
s’en est suivi, e n s e m b l e des assises tenues par lesofliciers de Mon-
B
�(. IO )
to n , des 21 mai i 63 s et 16 mars 1 638 , et dudit de Larochebrianf,
de ladite sentence du 5 juin 637 >sans $ arrêter auxdiles lettres
des i i août 640 et 20 avril dernier , a mis et met les appella
tions , sentence , et ce dont a été appelé, au néant, sans amende ;
en émendant, a maintenu et gardé, et maintient et garde ïesdits
consuls et Larocliebriant en la possession, saisine et jo u issa n ce
des grand et petit G a chier, tant pour le droit de justice, que
de pacage ; ordonne que lesdits consuls pourront tenir ledit
Gachier en défense de tout bétail depuis le 25 mars jusqu’au i 5
mai ou autre iems plus ou m o in s, sans que les uns ni les autres
en puissent jo uir, sinon après le teins défensable expiré , dans
lesquels grand et petit Gachier , ladite dame de Chadieu et de
Chalus-les-Eussières et ses métayers pourront sans fraude en
voyer pâturer leurs bestiaux ,* et sur les appellations verbales de
ladite Beauiort, a mis et met les appellations au néant ; ordonne
que ce dont a été appelé sortira effet • condamne ladite B ea ufo r t aux dépens de la cause principale , sans dépens desdites
lettres et causes d’appel, et sur le surplus de Vintervention du
dit de Larocliebriant, concernant le reta il et coupe des arbres
sis au grand Gachier , les parties articuleront plus amplement
leur demande par-devant le juge de JRiom, autre que celui dont
est a p p e l, escriront, produiront, bailleront contredits et salvation , pour le tout vu et rapporté, être ordonné ce qu’il appar
tiendra pour raison , sans dépens de ladite intervention pour
moitié le surplus réserve, la taxe des adjugés à notre dite Cour
réservée, si mandons , etc. D onné-à P a r is, en notre parlem ent ,
le 17 mai 1641, signé Guyot ; collationné h l’original, par moi
conseiller-secrétaire du roi et de ses finances, signé Henry.
Cet arrêt jugeait donc ce qui élait de l’intérêt des
habitons de V ic - le - C o m t e ; car quant au retail des
•arbres, qui n’avait élé qu’un prétexte d’intervention*
il leur importait peu qui du sieur de la Chaux, ou de la
dame de Beauiort en demeurai le maître.
�( ÏI )
Les habit-ans de V ie, restés propriétaires, payèrent
le droit d’amortissement, aussitôt après l'arrêt de 1641.
- Vingt-quatre ans de tranquillité prouvèrent que les sei
gneurs de Chadieu étaient forcés de respecter cet arrêt.
.Mais en i 665 ces vexations féodales, qui appelèrent
pour l’Auvergne l’attention du, Souverain , n/éparN gnèrent pas les habitans de Vic-le-Comte, et ce que
le sieur de Canillac n’avait pu obtenir de la justice, il
essaya l’arracher par la violence (1); il voulut chasser
(1) D écla ra tion du, R o i , d u 3 i ao û t i 665 , pour Rétablissem ent des
grands jo u r s en Auvergne» « L O U I S , etc. N o u s som m es avertis que le
« mal est plus grand dans les p r o v in c e s éloig nées de notre C our de P a r le m e n t,
« que les lois y sont m é p risé e s, les peu ple? exposés à toutes sortes de vio« lences et d ’oppression^ que lesg eutilsliom m es abusent souvent de leur c rê
te dit ; -que'la-faiblesse des officiers de justice est si g r a n d e , q ue po uvant
» résister à leurs ve?iation s, les crimes d em e u ren t i m p u n i s , etc.
R èglem ent p u b lié à C lern ion t , le i . er octobre i 665 . « L O U I S , — L e
« principal fruit que nous espérons de l’ établissement de notre C o u r des grands
« jom àest le soulagemeut-de nos sujets q u i, pendant la licence des g u e rr e s, se
« sont trouvés accablés sous l’autorité et violen ce des p lu s p u issa n s de la
« province , non-seulement p a rla n églig en ce ou la faiblesse des prem iers juges,
« mais en core par la m alice des a c c u s é s , qui se sont servis de toutes sortes
« d’artifices pour rendre les p r o c é d u r e s , faites contre eu x , im m oi telles 5 . . . .
^ détournent et égarent les p r e u v e s , etc.
A rrêt de règlement du 9 ja n v ie r 1666. « Sur ce qui a été rem on tré qu’ il
« se com m et dans la prov in ce d’ A u v e r g n e plusieurs a bus..........L e s seigneurs
v réduisent les r e d e v a b le s à l’im possibilité ; . . . . les contraignent à la banna« lité
sans forme de justice exigent des am end es ; . . . et quand il y a plainte,
« font payer l’am en d e , et f o n t cesser les poursuites . . . à tous lesquels désor« d r e s i l était nécessaire de p o u r v o i r , etc.
N o ta . Procès-verbal. . . . « M . le marquis du P on t-d u -C h â tea u de la m aison
* de C a n i l l a c , suivi d’ un gros de gentilsh om m es de m a r q u e , tous à c h e v a l , se
« présente , après avoir mis pied à te rr e , devant le carosse de m onseigneur le
« président, et lui fit c o m plim en t. ( C ’ était J a c q u e s de B e a u fo rt , (ils de la dam a
« de P e lo u x ).
B a
�( 12 )
les habitans de V ic - le - C o m t e de la rive gauche de
¡ ’Allier. ,
Ceux-ci en portèrent leurs plaintes à MM. les commis
saires des grands jours ; une des premières opérations de
cette Cour fut de décréter le s.r Beaufort de Canillac de
prise de corps, et sa femme d’ajournement personnel.
L e 3 o janvier 1666, un arrêt des grands jours les
mit en liberté provisoire 3 mais à la charge de se re
présenter à la première assignation, faute de quoi, leurs
biens seront saisis et annotés. Mais les grands jours
cessèrent deux mois après; et le sieur de Canillac, pour
se venger, accusa les habitans de Vic-le-Comte d’avoir
tenu des assemblées illicites, et d’avoir coupé les arbres
des Gachiers, seule propriété qu'il se crût en droit d'y
réclamer.
Sur cette plainte, le sieur de Canillac fit décréter
quelques habitans de Vic-le-Comte, mais ils se pour
vurent par appel au parlement.
L e 19 avril 1666, arrêt du parlement qui ordonne
que dans le mois, le s.r de Canillac et sa femme seront
tenus de se représenter a u x pieds de La Cour, pour
être procédé au jugement du procès, faute de ce faire
dans ledit délai, seront pris au corps, et conduits pri
sonniers en la conciergerie du Palais, si appréhendés
peuvent être, sinon ajournés à son de trompe, et leurs
biens saisis et annotés; et cependant a mis et met Les
habitans de V ie-L e- Comte en La protection et sauve
garde du R o i et de La Cour.
Les vexations du sieur de Canillac eurent donc leur
�( i3 )
térme ; la Volonté d'un gouvernement ferme devait
être respectée , et cent ans de repos pour les habitans de Vic-le-Comte furent l’heureux résullat de cette
sévérité.
'
Non-seulement ils ont joui cent ans sans trouble*
mais à chaque fois que l’occasion s’est présentée de
maintenir leurs droits, ils les ont fait valoir et ont su
les conserver.
En 1730 , une femme décéda à Chalus-les-Bussières,
et voulut être enterrée à Vic-le-Comte. .
Son curé porta le corps ju sq u 'a u ruisseau de Charlet
(qui borne les deux Gachiers, et qui leur est donné
pour limite dans la transaction de i 5 i 1 ); et le curé de
Vic-le-Comte vint le chercher à ce ruisseau.
L'acte mortuaire dit que le corps fut enlevé au bord
du ruisseau, voisin de ladite maison (Clialus), Limite
desdites deux paroisses.
En 1 7 3 6 , un troupeau de moutons du domaine
Darson, dépendant de Chadieu, fut saisi par des ber
gers de V ic - le - C o m t e ; les régisseurs de Chadieu en
demandèrent la m ain -levée, offrant de prouver que
ces moutons ne pacageaient pas dans les Gachiers ,
mais bien dans ta justice de Chadieu.
En 17 6 5, les bergers de Vic-le-Comte saisirent en
core des moulons appartenant à des propriétaires de
la paroisse d’Autezai (qui comprend Chadieu); ceuxci demandèrent main-levée des moutons pris, disent-ils,
�( )
I4
dans le pacage des Gachier appartenant a ladite ville,
aux offres de les représenter, et de payer les frais de
pâture.
Cependant si les habitans de Vic-le-Comte n’étaient
point inquiétés par le propriétaire de Chadieu, leur
tranquillité était mënacée par une sourde intrigue dont
ils n’ont découvert les traces que cinquante ans après.
L a maison de Tanne possédait Chadieu et Menton.
Sans doute les transactions et arrêts des siècles précédenslui ôtaient tout espoir de succès dans une attaque
directe; mais que iit-on?
M. le le duc de Bouillon avait acquis le comté d’A u
vergne par échange de sa principauté de Sedan.
L e sieur dé
de demander
Comte, et de
ensuite on lui
Tanné proposa aux agens de ce prince
le tirage des communaux de V ic-lese "faire adjuger les Gachiers, lesquels
céderait par arrangement (i).
( i ) C e r e n seign em en t résulte d ’ un rapport lait en 1774, au conseil de B o u illo n ,
dans lequel 011 rend com pte de toutes les préteutioas des seigneurs de C h a d ie u
aux c o m m u n a u x des G a c h i e r s , sur les pièces qui furent sans doute fournies
par la maison de T a n n e .
On y m en tion ne une lettre écrite le 4 octobre 1750 , par le sieur de T a n n e ,
qui disait que M . le d uc de Bouillriiv aurait ce terrain q uan d il v o u d r a it;
que rien 11e lui serait plus facile que d’ obtenir un arrêt du c o n s e il, et que
dès que son A lte sse en aurait la p r o p r i é t é , il s’en acco'mmod#rait et céderait
quatre-vin gt-dix septlers de b lé qui lui étaient dus dans la terre de V i c le-C om te ou de M irefleur. I l ajoutait « il s’en faut des d eu x tiers que le terrain
« dont est question v a ille l’offre que je fais ; mais j’aurai l’ho n n e u r de vous
« dire n a t u r e l l e m e n t , que de v o ir les bestiaux de C6 S ccinciillGS pacager à la
« porte de mon, c h â t e a u , m e d é p l i a i t infinim ent ».
D a n s une lettre du 10 d é c e m b r e s u i v a n t , le sieur de T a n n e d is a it , « c e
« qu’ il y 4 de certain , qu elqu e ch ose jqn’il puisse y a voir , la c o m m u n a u té ne
« saurait refuser le tievs de ces p a cag es, tout S eign eu r étant en droit de prendro
« son tiers des c o m m u n a u x situés dans sa justice».
�f( i5 ')
• Sans doute cette intrigue réussit Vcar le' 29*janvier
-i 7 5 2 ? il fut/obtenu? sous le nom de M. de Bouillon,
nne commission pour assigner les habitans de Vic-leC om té/ à.l’effet de-venir h partage des communaux
:et Gachiers^-pour lui en être délaissé tin tiers à son
choix, -y. '
■: - ■
» • • ‘ *• '
•
' Mais le conseil de Bouillon fut sans doute détrompé,,
et cette demande n’eut pas de suite.
î ; Quand le sieur de Tanne fut bien certain jque M.
de Bouillon ne voulait pas plaider sous sa direction
il se décida à attaquer lui-même les habitans de V icle-Comte.
1
) ,
< .
Son agrèssion à la vérité fut un peii oblique; c’est
au .Seigneur de la Chaux y qu’il s’en prit pour faire ter
miner avec lui le procès de 1641 /resté indécis, entre
e u x , à l’égard des arbres.
> II assigna au parlement, le 14 août'1766, le sieur
Vassadel, Seigneur de la Chaux , .pour voir dire q u e ,
■
faute par lui d’avoir articule plus amplement les faits
contestés-lors de l’arrêt de 1641 , il serait déclaré nonrecevable, et demeurerait déchu de tous droits et coupe
;sur lesdits 'arbres\ ensemble sur ceux qui seraient rem
placés à Tavenir , sans préjudice (et dans celte offre
généreuse et équivoque gissait Tas tu ce de Fin te ni ion),
sans préjudice audit Seigneur de la Chaux et aux habi
tans de la Chaux et Vic-le-Comte de faire pâturer leurs
bestiaux dans les grands et petits Gacliiers, hors le tems
de défense, tant qu’ils seront en vaine pâture, et dans
�•(
)
uii élât non prohibé p a rla Coutume. Par le même
exploit, il assigna les habitons de V ie -le -C o m te en
arrêt commun.
L e sieur Vassadel se laissa condamnér f>ar défaut le
5 mars 1768 ; mais les habitans de ¡Vic-lerCom te ne
furent pas dupes du rôle accessoire et désintéressé, qu’on
voulait leur faire jouer; ils donnèrent une requête le 6
juillet 1768, dans laquelle ils exposèrent qu’ils étaient
seuls et véritables propriétaires du communal dont il
s’agit. Ils conclurent à' ce que le sieur de Tanne fût
déclaré à leur égard non-recevable dans leur demande;
à ce que l'arrêt de 1641 fût exécuté suivant sa forme
et teneur, en conséquence à être gardés et maintenus
dans le droit de propriété et jouissance du grand et
petit Gachiers, et même des arbres y plantés, sans prér
ju d ice (dirent-ils à leur tour), au sieur de Tanne d’y
faire pacager les bestiaux de Chadieu et Chalus hors
Le temÈ de défense, qu il plairait auoc habitans jic c c r
tant que lesdits Gachier seraient en vaine pâture. Enfin
ils conclurent à ce qu’il fût plante des bornes entre
,
lesdits Gachier et les propriétés conliguës du sieur de
Tanne.
Déconcerté par cette résistance, le sieur de Tanne
transigea avec le sieur Vassadel seul, le 22 février 1769.
Ce dernier se désista de sa demande en coupe et retail
des arbres, et néanmoins exigea qu’il fût mentionné
dans l’acte sa réserve expresse de tous les droits des
habitans de Vic-Le-Com le, et du droit de pacage.
Quant à la demande formée contre les habitans, il
y
�( )
*7
y eut arrêt d'appointement en.droit, le 8 mars 1769*
Le procès fat porté, en 1 7 7 1 , an Conseil supérieur,
établi à Clermont.
L e sieur de Tanne crut avoir tout gagné à la réforme
du parlement , et par imitation peut-être de ce qui
s^élait tenté en i 6 6 5 , il ne garda plus de mesures.
> Il voulut ouvrir dans le grand Gachier un fossé;
mais à la première tentative les habitans de Vie le com
blèrent, et restèrent en possession. *
Alors il rendit plainte et articula’des faits de violence
faux et mensongers ; il supposa qu’un attroupement
avait brisé ses fenêtres et avait dévasté ses caves.; ’
Sur la déposition de quelques témoins gagnés^ et de
ses propres domestiques,, il fit décréter des individus de
Vic-le-Comle.
Mais les officiers municipaux de cette ville rendirent
plainte en subornation de témoins. L a vérité fut révé
lée, et le sieur de Tanne fut décrété de prise.de corps
à son tour.
Pendant ce tems-là les habitans de Vic-le-Comte
veillaient à leur propriété , et saisissaient les bestiaux
pris en délit. Les valets de Chadieu, voulant servir la
passion du maître, tirèrent un coup de fusil sur ceux
qui ramenaient les. bestiaux saisis. Un poignet fracassé
donna lieu h une autre information.
Enfin le seigneur de Chadieu sembla convaincu que
les voies de violence ne lui réussiraient pas plus que
C
�C 18 )
celles des procès r et il abandonna totalement ses pour
suites et ses prétentions.
Mais ce ne fat pas sans intriguer encore auprès de
la maison de Bouillon, que cette fois il sollicitait d’in
tervenir au procès relatif aux Gachier, sous prétexte
qu’il devait un cens à cet égard au comté d’Auvergne ,
et qu’il ne devait le payer que s'il parvenait à être pro
priétaire i mais ses tentatives furent encore une fois
rejetées par le conseil de Bouillon (i).
Voilà encore pour les habitans de Vic-le-Comte une
autre période de plus de trente ans de repos.
A u commencement de la révolution, le sieur de
Laroche-Lambert, propriétaire de Chadieu 3 proposa
un accord a la municipalité de Vic-le-Comte.
Loin de prétendre à une propriété dans les Gachier,
il offrit de se désister du pacage auquel il prétendait droit
dans les Gachier par ancienne concession, pourvu qu’on
lui délaissât la portion de la Vergière correspondante
à son jardin de Chadieu jusqu’à la rivière.
L a convention était faite, l’autorisation sollicitée, et
le jour pris pour la plantation des bornes, lorsque Fun
des officiers municipaux de Vie (Denis Dissai) préten
dit que la cession de terrain était beaucoup plus consi
dérable que le pacage abandonné ? et s’opposa à ré
change.
(*)C’est à cette occasion que fut fait le rapport ci-dessus mentionné, en 1774,
tendant à ne pas accéder à la proposiÙQn du sieur de Tanne, relativement à
l ’intervention de M. de Bouillon.
�( i9 )
-Bientôt le sieur de L a roche-Lambert émigra, et il
ne fut plus question de cet arrangement.
_ L a loi du 10 juin 1793 vint permettre aux communes
le partage de leurs com munaux'; et certes si les liabitans de Vie eussent jugé à propos d’exécuter celte loi,
ils. n’auraient pas aujourd’hui autant de chicanes a
combattre.
Mais le voisinage de la rivière empêcha de prendre
ce parti ; rassemblée générale des habitans délibéra
qu’un défrichement exposerait la terre végétale à être
entraînée à la moindre inondation; en conséquence il
fut arrêté que les Gachier ne se partageraient pas.
Les liabitans de Vie n’en ont pas moins continué
de payer seuls l ’impôt foncier des communaux qu’on
leur dispute.
En Tan 4, la terre de Chadieu fut vendue,pour quel
ques assignats consignés à la trésorerie nationale (1).
( ï ) L e sieur V a l l i e r p rem ier ou second acq u éreu r de C h a d i e u , a subrogé la
sieur N a t e y le 7 nivôse an 2, et il lui a laissé à pa y er pour tout ou partie du prix
535,12,5 francs dus à la maison de L a r o c h e - L a m b e r t.
Le
25
fr im aire an 4 , le sieur N a t e y a obtenu ju gem ent qui lui perm et de
consigner
56, 5oo
fr. en mandats représentant les
535j i a 5
fr. d ’a ssign ats, à
l ’ échelle des mandats.
L e 2.8 messidor an 4 , le sieur N a t e y a consigné les
56, 5oo
francs, avec d é-
c'araUon que la som m e était em p ru n tée des deniers du sieur R e b o u l.
L e 7 pluviôse an 6 , le sieur R e b o u l a fait assigner le sieur N a t e y pour lu i
p a y e r ladite s o m m e , c’ est-à-dire
p l o y é e à acheter les
56, 5oo
3 ,186
francs en n u m é r a i r e ,q u ’ il avait e m
francs de mandats.
L e 22 frim aire an i 3 , le sieur N a t e y a fait juger qu’ il ne d evait rien au
sieur l l e b o u l . A in si voilà une équation a lg é b r i q u e , digne de r e m a r q u e ;
S 35 i a 5 :
565oo
: : 3 i ü 6 : 0.
�( 20 )
" Que Chadieu ait été vendu au s.r Sauzai, ou au s.r
V allier, ou au s.r Natey qui ont plaidé long-tems ensem
ble, en consignan! et s’invectivant ,tout cela ne fait rien
à la cause; que le s,r de Balz en ait été le véritable ac
quéreur sous leurs trois noms, cela serait plus indiffé
rent encore s’il n’avait été lui-même l’agent direct et
visible de toutes les tracasseries et insultes dirigées
contre la commune de Vie et le maire qui la repré
sente.
L e sieur Natey se fait un titre aujourd’hui de ce
qui s’est passé jusqu’au procès; et par cette raison les
habitans de Vie sont forcés d’entrer dans quelques
détails.
En l’an 5 , apparut inopinément à la maison com
mune de Vie, un individu prenant le nom de BeLmont,
accompagné des sieurs M a z i n et M al le t, experts.
Ceux-ci exposèrent le prétexte de leur venue, par
lèrent de\Chadieu ; et quand le sieur Belmont eut longtems écouté la conversation sans y prendre part, il se
dit fondé des pouvoirs du propriétaire de Chadieu, et
marqua un grand désir de vivre en bonne intelligence
avec la commune; en cette qualité, la commune l’ac
cueillit avec intérêt. Bientôt le sieur Beünont fut ar
rêté à Riom, conduit à L yon, et p a r v in t à s’échapper
sur la route; le 18 brumaire lui re n d it la liberté.
llreparul ¿Chadieu et à Vie sous le nom du s.r Jea n ;
on accueillit encore le sieur Jean, car le nom du por
teur dune procuration importait peu; il proposa de
�( 21 )
reprendre les bases de l’arrangement commencé avec
le sieur de Laroche-Lambert.
11 fut convenu que de part et d’autre on se don
nerait communication de ses titres; la municipalité de
Vie y satisfit avec franchise, et le sieur Perrin, géo
mètre à Cornon, fut nommé expert commun ; alors
le sieur de Batz s'était fait connaître sous son nom ,
et la municipalité de Vie avoue qu’elle eut confiance
dans ses paroles.
Elle le prouva en demandant au Préfet une auto
risation pour traiter avec lui ; elle le prouva encore
plus en chargeant le sieur de Batz lui-même de cher
cher les papiers de la commune chez les procureurs
de Pa ris , qui avaient occupé pour elle au parlement
de Paris} ou au conseil supérieur. Le sieur Perrin
vint sur les lieux : pour abréger, le sieur de Batz lui
donna un plan des lieux , qu’il venait de faire lever ,
mais le sieur Perrin dit qu'il voulait en lever un .luimême.
Ce premier point sembla mettre quelque froideur
dans la négociation, et le sieur de Batz bientôt éleva
des difficultés sur ses propres offres ; le sol de la V ergière, dit-il, était dégradé par l’inondation de 1790,
qui avait enlevé la terre végétale; mais sur-le-champ
on fouilla, et il s’en trouva à une grande profondeur.
Cependant le sieur de Batz répandait que des con
sultations lui donnaient droit à la propriété de tous les
communaux ; il communiqua la consultation, deux ar
rêts et l’acte de 1627, mais n’en attesta pas moins per
sister dans les projets ouverts de conciliation.
�( 22 )
A u mois de germinal an 9 , le sieur de Bai2 fit ar
racher de son jardin cinq ou six peupliers bordant une
pièce d’eau, et les fit transplanler dans la parlie de la
Vergière qui devait lui être assignée.
L e maire de Vie ne fut que long-tems après informé
de cette plantation : il marqua son étonnement • mais le
sieur de Batz le rassura en disant que^c’était un essai
pour savoir s’il y avait de la terre végélale dans le
terrain qui lui était promis. Il laissa entrevoir aussi
qu’ayant droit de remplacer les arbres morts, il.avait
cru pouvoir user de son droit sans avertissement (1).
Enfin le maire de Vie voulant terminer, manda le sieur
Perrin ; mais celui-ci répondit que déjà le sieur de Batz
l’avait payé, avec invitation à cesser ses opérations.
Forcé alors d’expliquer sa conduite, le sieur de Batz
déclara que les mêmes bases d’arrangement ne pou
vaient plus avoir lieu , parce qu’il espérait faire changer
les choses de face, au moyen d’une transaction de x 5 3 i,
qu'il avait donnée à expédier au sieur Bonjour, notaire.
L e 6 frimaire an 10, toutes les négociations furent
rompues par la notification d’une transaction, dont
voici le précis :
Jacques Beau fort de Canillac, Seigneur du Pont-du-Château ,
de Monton , des Martres, de Clialus-les-Bussières, du canton
( l ) H paraît aujourd’ hui que cette plantation était une perfidie. Q u o iq u ’ on
fut en négociation ouverte et a v o u é e , le sieur N a t e j' avait planté fu r tiv e
m ent. L e jour choisi pour n’être pas vu , la hauteur des a rb re s, tout prou ve
qu il m éditait une hostilité ; mais à cause de la négociation , i l n ’y avait jjas
lieu de s’ en plaindre.
�. ( 23 )
de Chadieu et antres, traite avec les habitans de V i e , c’est à
savoir les soussignés en leur nom et pure procure, baillée en
bonne et due iorme(inais sans qu’on dise par q u i) , et après
un préambule qui énonce que, comme Seigneur de M onton ,
dont la ju stice s’étendait sur Chadieu , duquel dépendaient une
vergière, pré et pâturai , ledit sieur Beauiort disait avoir la pro
priété desdits fonds. A quoi les individus de Y i c se contentaient
d’opposer qu’ils avaient la possession de faire pâturer leur bétail;
on transige sur ce soi-disant procès ainsi qu il suit :
« Il est reconnu par ces soussignés que les antécesseurs dudit
« Seigneur avaient concédé, en 1425, auxdits habitans de faire
« pâturer leur bétail à la vergière, pré ou pâturai appelés les
t Gachiers , tant audit canton de Chadieu qu’au terroir de
« Chalus ; réservé audit Seigneur les arbres, fruits et bétail : à
« lui réservé aussi de clorre tout ou partie, pour planter des
« arbres ou ensemencer une moitié à la fois. Et si les habitans
« iont les clôtures , ils pourront y pâturer après la livrée des
« récoltes; demeurant lesdits habitans gardiens en défenses ».
Ensuite ces soussignés promettent audit nom de tenir à tou
jours ledit appointement ; à raison de quoi leur baille cette
présente ratification , sous condition que lesdits habitans ne re
tourneront plus à contester le droit dudit Seigneur.
F a it en présence des soussignés, en la salle basse du château
de Chalus , le 16 novembre i 53 i. Puis ont signé , e st-il dit ,
après ledit Seigneur, quatre individus de Y i c , fa isa n t pour
lesdits habitans, et trois témoins de Monton et des Martres ,
puis C. Regny, lieutenant de Mont-Ferrand , et Jussat, notaire.
Ensuite il est dit : « E xp éd ié h. Manlhot, fondé de pouvoir de
« Natey , par Manlhot et B o n jo u r , notaires, qui attestent la
« signature du notaire J u s s a t, comme expédition originale,
« représentée par M an lhot, et par lui retirée».
Cet acle qui dut * s’il exista, exciter le mépris des
contemporains , et dont il ne subsiste aucune trace
�( 24 )
d’exécutionr, ne méritait pas davantage d’inquiéter
les habitans de Vie-le-Cornte. Le Maire fut autorisé
à repousser cette hostilité, et il signifia au sieur Natey,
le 29 nivôse an xo, i.° les clauses de la vente de 1627,
qui donnait un démenti à la prétendue transaction.
2.0 L ’arrêt de 1641 , qui, sur le vu de tous les moyens
et titres du Seigneur de Chadieu, réglait les droits res
pectifs. Il protesta contre toute voie de fait.
Alors le sieur Natey imagina d’assigner le maire de
Vie en ki Cour d’appel, par exploit du 21 ventôse an 10
( et ceci est remarquable ) , en reprise du procès de
16 4 1, qu’il prétendit non jugé.
Bon ou mauvais, cet exploit annonçait du moins un
recours aux voies judiciaires; mais bientôt le S.r Natey
préféra les voies de fait.
¡En germinal an 1 0 , 4 27 arbres furent plantés à la
haie à la vergière, qui fut entourée de fossés. Des
procès-verbaux en furent dressés par les gardes-champêtres de Vie, le 26.
L e 26, le maire de Vie rendit plainte au directeur
du jury, contre les nommés Lelong et Tournemire qui
avaient dirigé ces travaux. Le 27 la plainte fut réglée
en simple police, 011 civilisée.
Le 3 iloréal, le maire de Vie assigna devant le juge
de paix lesdits Lelong et T o u r n e m i r e , en complainte
possessoire, avec défenses d’y faire des planta]ions à
1 avenir, et pour être condamnés à rétablir les lieux.
Au
�( 25 )
A u lieu de répondre à justice, les assignés allèrent,
le i o floréal, entourer le grand,Gacliier de fossés.
L e 11 floréal ils vinrent à l’audience , dire qu’ils
avaient agi comme autorisés par le sieur Natey. L 'au
dience fut remise au 2 3.
Ce qui se passa ensuite exige encore des détails que
la responsabilité du maire de Vie ne permet pas d ’o
mettre, parce que la version intéressée du sieur Natey
les dénature.
A l’audience du 2 3 , le sieur Bonjour, paraissant
pour le sieur N atey, opposa que depuis quatre siècles,
des procès existaient: qu’à la vérité il y avait eu dans
cet intervalle plusieurs jugemens; mais qu’ils n ’avaient
rien prononcé définitivement. Il produisit sa transaction
de i 5 3 i , et dit que l ’arrêt de 1641 ne pouvait lui être
opposé, parce que le procès avait été repris en la Cour
d’appel......... Il prétendit que les liabitans de Vie n’a
vaient pas pu citer au possessoire, parce qu’ils n’avaient
m la propriété ni la possession, ayant eu chaque année'
procès ou litige.
A cela les liabitans de Vie répondirent que la transac
tion Natey était une pièce controuvée, dont on n’aurait
pas manqué de faire usage en 1641. . . . Qug l'arrêt
avait réglé tous les droits des parties, et que, si le sieur
Natey avait établi la litispendance par une reprise, c'é1ail une raison de plus pour qu’il s’abstint de toute
innovation jusqu’à un jugement définitif.
Après quoi le juge de paix demanda au maire de
D
�( ¿ 6 .)
V ie, s’il était en é tat’de prouver que de tout tems^et
notamment depuis an et jour les liabitans de Vie avaient
joui du droit de pacage paisiblement et sans opposi
tion . sans interruption d’arbres et clôture pour fossé.
( Nota , pas un mot de possession exclusive).
L e maire de Vie offrit cette preuve: elle fut ordon
née avant de se retirer. L e 5 prairial fut indiqué pour
l ’enquêle, et le maire prit sur le bureau du juge de
paix une copie du dispositif.
Mais le fondé de pouvoir du s.r Natey eut des affaires
pour ce jour-là , et le juge de paix m a n d a te i . er prai
rial , au maire de Vie, qu’il n’y aurait pas d’enquête le 5 .
En réponse, le maire de Vie demanda l'expédition
du jugement et une cédule.
L e juge de paix lui marqua que ces jugemens nés©1
signifiaient pas, et qu'il porterait l ’expédition avec lui
le jour de son transport.
- Cependant il fallait assigner des témoins. On indiqua
le 7 messidor, et le greffier envoya an maire de Vie une
copie du jugement, dans laquelle il fut étonné de lire
qu'il était chargé de prouver avoir joui exclusivement
du pacage; ce qui n’était pas même énoncé dans sa
demande, ni dans les dires ci-dessus rappelés.
L e 1 6 prairial le maire de Vie écrivit au juge de paix,
pour se plaindre de cette addition , faite sans doute par
ni ¿garde après le prononcé de l’audience.
Le même jour le juge de paix lui répondit que ce
mot était une inattention, et qu’il en serait f a i t justice.
(Ces lettres sont enregistrées).
�(
)
4 messidor, le maire dé Vie
2 '7
. Les 2 et
assigna ses
témoins pour le 7. L e 7 , le juge de paix lés entendit:
le mot exclusivement fut raturé sur l’expédition, que
le juge de paix se fit remettre pour les entendre.
Les vingt-trois premiers témoins déposèrent avoir _
vu pacager les bestiaux de V ie, et n’avoir remarqué
ni arbres ni fossés. Les quatre suivans disent de même,
et parlent d’arbres qui furent plantés il y a dix ans,
mais enlevés dans la quinzaine de leur plantation.
Un autre ajoute que les trois peupliers qui font partie
de la plantation actuelle, sont âgés de deux ans, mais
qu’il ignore quand ils furent plantés.
Après ces témoins, viennent les sieurs Fayon et Bon
jour , dont les dires , beaucoup plus détaillés, remontent
à plus de vingt ans, et se réduisent h dire que les Sei
gneurs de Cliadieu et Clialus plantaient des arbres et;
saussaie près de chez eux; mais que s’ils empiétaient:
le moins du monde sur les Gacliiers, les habitans de
Vie usaient de leur droit ; que même ils allaient paca
ger jusques dans ces saussaies , et qu'il y avait des
saisies de bestiaux et des contestations. Us rappellent le
fossé fait par le sieur de Tanne, mais comblé le même
jour, et le procès criminel qui en fut la suite. Ils parlent
de deux noyers arrachés jadis par le propriétaire de
Chadieu, et d’un troisième déraciné par l'inondation,
de 1790. Enfin quant au fait positif de la complainte,
ils répètent le langage des autres témoins; sauf que
l’un d’eux, le sieur Bonjour croit que les trois peupliers
ci-dessus sont plantés depuis deux ans ? ce qu’il a jugé
sans doute à leur âge.
X) 2
�Cependant le juge de paix, par son jugement', daté
du
messidor an 10, pensa que la preuve n'était pas
suffisante, et rendit le jugement qui suit:
« Attendu qu’il résulte de l ’enquête que dans le ténement de
«
«
«
«
,«
et
la vergière il existait trois noyers, dont les fruits étaient
cueillis par les anciens propriétaires de Chadieu; que-deux de
ces noyers ont été a r r a c h é s et exploités pour leur compte , et
que le troisième, ayant été déraciné par un débordement de
la rivière, a été pris par les propriétaires de C hadieu, et ém
ployé à faire la clôture d’un héritage à eux appartenant ;
« Attendu qu’il résulte également de ladite enquête que les
« arbres pibles et peupliers d’Italie, qui existent actuellement
« dans ledit terrein, ont été plantés depuis deux ans , et par
« conséquent plus d’an et jour avant la demande;
« Attendu que les parties sont en contestation pour raison de
« la propriété des terreins contentieux, et que le droit de pacage
a n’est pas contesté aux habitans de V ie ;
« N o u s , ayant aucunement égard à ce qui résulte de l’ena quête faite par le maire de Vic-sur-Allier, d’avoir fait la preuve
« ordonnée par notre jugement interlocutoire du vingt-trois
« floréal dernier, l’avons débouté de sa demande, et le condam« nons aux dépens , même à ceux réservés par ledit ju g e m en t,
« sauf à lui à se pourvoir au pétitoire, ainsi qu’il avisera, etc.»
Les 7 et i i thermidor an 10 , appel par le maire
de V ie, desdils jugemens interlocutoire et définitif.
L e i 5 prairial an 1 1 , le tribunal civil deClerm ont,
sans vouloir statuer sur ledit appel* le déchira non receVüble , par deux motifs:
1-° En ce que l’appel du jugement interlocutoire n'a
vait pas été interjeté dans les trois mois de sa date.
�( 29 )
2.° En ce que l’autorisation donnée ait maire, n’avait
suffi que pour plaider en première instance (i).
Pendant ce premier procès, des arbres furent coupés
en délit , le i5 prairial an 10, et le sieur Natey en
rendit plainte contre trois cultivateurs du village de
Lachaux, commune de Vie.
L e 1 8 thermidor an i o, il fut débouté de sa demande,
et interjeta appel au tribunal criminel, où le maire de
Vie crut devoir intervenir par un appel incident, pour
veiller aux conclusions que prendrait le sieur Nate}'.'
Par jugement du 3 brumaire an n , le tribunal cri
minel, infirmant le jugement correctionnel, fit défenses
aux délinquans de récidiver, avec amende. Quant à
Tappel du m aire, il fut déclaré non recevable comme
non émis dans le délai (quoiqu’il n ’y eût pas de signi
fication ).
.
Nous avons dit que le 21 ventôse an 10 ; le sieur
Natey avait conclu à la reprise du procès de 1641.
L e 5 brumaire an 1 1 , il conclut aussi à la reprise du
procès de 1768; mais les liabitans objectèrent que ce
(1) L e m a ire de V i e a été autorisé plusieurs fois par ses c om m ettan s et
par M . le P réfet ; il l’a été de nouveau le 20 f é v rie r 1G06. L e s m e n a c e s et
les d em i-m ots d i r s i e u r N a t e y , dans son m é m o i r e , ex p ireron t d e v a n t les
motifs de l’arrêt de c a ss a tio n , c i - a p r è s
én on cé . Si l’autorisation de 1806
était in su flisan te, le m aire de V i e en obtiendra une
elle suffira.
autre,
s’il le f a u t , et
�( 3o )dernier procès, porte de piano au parlement, devait
subir les deux degrés de jurisdiction.
Alors le sieur Natey conclut à ce q u e , dans le cas
où les parties seraient renvoyées en première instance,
la possession provisoire lui fût accordée, sauf aux liabi1ans leur droit de pacage dans les parties iion ense
mencées.
Par arrêt du 18 thermidor an n , la Cour d’appel
renvo}:a les parties à se pourvoir en première instance,
pour faire statuer sur le droit de propriété; et néan
moins la possession tenante en faveur du sieur N a t e y ,
ainsi qu elle lui avait été attribuée par le jugement cri
minel, du 3 brumaire, et parle jugement de la justice
de p a ix , du 1 5 prairial an n .
'
I.e sieur Natey ayant ainsi obtenu en trois Tribu
naux tout ce qu’il demandait, ne fut plus empressé de
poursuivre le fond de ses demandes.
Sachant que le maire de Vie s’était pourvu en cas
sation, il se hâla d’agir dans les Gachiers comme en un
pays de conquête; il défricha, sema, et afferma même
à des étrangers le pacage de ce qu’il laissait en friche.
Pour s’opposer à cette usurpation , en exécutant
d’ailleurs des jugemens en dernier ressort , le maire
de Vie reprit, le 12 brumaire an 12, au tribunal de
Clermonl, la demande du 5 brumaire , et assigna le
sieur Natey pour voir mainlenir les babil ans de Vie
en la propriété des communaux Gachier et la Vergière,
et cependant par provision voir faire défenses de chai>
�, ( 3i y _
ger l’état des lieux ; ayec autorisation à jouir comme
par le passé.
. L e 9 nivôsë an 12 ; le Tribunal de Clermont statua
si?r ler provisoire : fetjparle ’motif principal qu’en plai
dant au possessôirei^ le s/ Naleÿ n’aîvait pas contesté le
droit de pacage aux habilans de,Vie, tandis.que ce droit
deviendrait illusoire par des défrichemens, le Tribunal
lit défenses provisôires au sieur Natey de ‘ défricher
jusgu]au jugemctU 'd é fin itif > dépens réservés,
r II interjeta appef de-ce ju gem en t, jqui fut infirme
en la Cour d'appel de.iU om , par arrêt du 1 3 . prairial
an i 2 ? toujours sur le motif du jugement de la jus
tice rde paix, et même du jugement criminel., sur le
m otif encore que tout .étaiit réparable eh définitif, parce*
que les jouissances des terrains litigieux seraient ’adju
gées à qui de droit, lorsqu’il serait,statué sur la questipn ¡de .propriété, ih
1 s. _.?«■
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.— ,
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t t t:
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L a 1 Cour de cassation*. par sescarrets du 28 brumaire
!1 f- '
I
,
,!
an' 14^'a cassé loùles'cës décisions, c’est-a-dire . i.° le
jugement du tribunal de Clermont, du 1 5 prairial an 1 1,
sur appel de la justice depaix 5 2.0Tc\rrêt du 18 thermi
dor an 11 ; 3 .° l’arrêt du i 3 prairiaT an 12 (1).
T e l est le derniôr état âès contestations.
(1)
‘
D e v a n t la C o u r de cassation le sieur N a t e y avai t cru se débarrasser de
la c o m m u n e de V i e , en ne pl ai dant que contre le mai r e. Il d onna un pou
v o i r pour s’ inscrire en f aux cqntre, r a u l p r j s a t i o n q y i lui. était d o n n é e de
,}i
c
pl ai der et publia par-tout q ue ce ma i r e 1né méri tait ainsi m' -conf i ance ni con
sidération.
, '
-,
' ‘
7
]
ti.
r’
Cett e c al omn i eus e intrigue n’ a laissé au .sieur N i l t e y . q u e la li onl e de s
,
c o n c ep t i o n ; et la C o u r s u p r e me n’en a été q u e plus emp r e s s é e à rendr
justice
q ua n d el l e a connu le pi ège
3 et
d éc ou v er t la vérité.
�( 32 )
MOYENS.
La première difficulté à faire décider doit être rap
pel du possessoire. Quand il sera jugé , les ha bilans de
Vie poursuivront les demandes pétiloires qu’il a plu
au sieur Natey d’introduire, sous prétexte qu’il n’y a
rien encore de jugé, depuis le procès de 1641 , sur
la propriété des communaux qu’il réclame.
L e but actuel de ce mémoire ne devrait être que la
discussion de l’action possessoire : mais les liabilans de
Vie l’ont déjà dit ; fatigués de procès, ils ne calculent
pas quel plus grand avantage ils pourraient avoir de
diviser leur défense. Tout dire et tout finir est pour
eux le cri de la lassitude et la volonté du décourage
ment; ainsi plus de formes , plus d’ordre de moyens >
tout sera sacrifié à l’impatience d’une décision. Les.
liabilans de Vie commenceront même par la partie la
plus éloignée de leur procès , c’esl-à dire par l ’ex am e n
de la question de proprié lé, C'est d'ailleurs l'ordre ,
sinon le plus régulier, au moins le plus nalurel, et celui
que le sie#ur N aley a suivi lui-même. Quand ils auront
prouvé leur propriété, il n ’en résultera qu'une plus
grande preuve d'injustice de ce qu’ils sont privés de la
possession.
Q u e s t i o n
t é t i t o i r e
.
On connaissait avant la révolu lion un principe de
droit, toujours invoqué avec succès dans les applica
tions de titres; c’est que le plus ancien doit être pré
féré :
�( 33 )
féré : ad prim ordium'tituli posterior refertur éventas.
C ’est parce qu’on présumait avec raison que le secondtilre n’aurait pas eu lieu., si le premier n’avait été
dissimulé ou inconnu.
Les lois nouvelles; ont enseigné un autre principe:
c’est que s’il y a concours de plusieurs titres , le plus
favorable aux communes doit être préféré, sans avoir
égard à l’ancienneté.
: Les habitans de Vie peuvent se passer de'cet! e induldulgence de la loi; car quand la transaction de i 5 3 i ne.
serait pas un acte apocryphe', et étranger au s.r N a te y ,
elle est postérieure à celle de i 5 i i qui a au moins
l.avaniage d’être mentionnée dans les actes postérieurs.
En i 5 i i , on plaidait pour la propriété des Gaehiers.
!Le seigneur de Chadieu avait déjà perdu son procès
en deux tribunaux, lorsqu’on transigea.
■ On convient, par cet acte, de jouir des Gaehiers en
pâturage commun, comme on a accoutumé; mais l ’ex
plication de cet usage arrive à l’instant.
• '
C ’est aux habitans de Vie qu’il est leu et permis de
tenir en défense lesdits communaux, du 2 5 mars au i5
m a i, ou autre tems plus ou moins long q u il sera avisé
par eu x. - .• '
r t.
Les beslianx de Chadieu ne peuvent s’y ’introduire,r
après le tems défe.nsable, qu’en telle qualité que Lesdits
habitans estimeront.
Il est défendu a u x seigneurs de Chadieu d;y intro
duire d’autres bestiaux que les leurs, ou ceux de leurs
métayers.
- ,
' '
E
�• A
quelles
( 34 )
enseignes peut-on mieux reconnaître quel
est le propriétaire parmi deux possesseurs?
L ’un d’eux a, par-dessus sa jouissance, le droit de
dire : j ’ordonne ou je défends.
L ’autre peut jouir; mais il obéit.
N ’est-il pas évident que le premier est le maître ou
le propriétaire , et que le second n’est qu’ un simple
possesseur.
« De droit com m un, a dit M. Merlin, la donation
«' du droit de jouir d'un bien emporte la propriété
même, toutes les fois qu’au droit de jouir est ajoutéy« soit une faculté qui ne peut être exercée , soit une
«. charge qui ne peut être remplie que par le propriétaire ».
« La loi Proculus u ff. de usufr; en fournit la preuve
« et l’exemple. Un testateur lègue l’usufruit d’une mai« son*; à la charge qu’il la grèvera de la servitude, altiùs
« non tollendi ».
te La loi décide que par là le testateur-est censé avoir
« légué la maison, q u ia , dit Godefroi, qualitas et
« facilitas frucluario hic conceditur quæ proprietariis
« sotis competit.
D e là venons de suite à l’acte de 16 2 7, et à l’arrêt
de 1641 ; ils ne sont plus que des ratifications de la
transaction claire et précise de
i
5ii.
Cest à ce faisceau' de titres qu'on ose opposer un
acte suspect et astucieux de x 5 3 i , honoré du nom de
transaction. D ’après la signilication qui en a été faite,
�( 3S )
son moindre défaut est dé n’être que; là copie d’une
expédition ; dès-lors elle ne mérite aucune foi d’après
l ’article i 335 du Gode civil.
Existait-elle vraiment 3 en ï 53 i,, cette transaction?
Mais comment se fait-il donc que la maison d e rCanillac,
la maison de Tanne aient été aveuglées au point de
ne pas en faire usage, pendant deux longs procès? Com
ment'un acquéreur tient-il de ses vendeurs june expé
dition originale q u e 'c e u x - c i ne connaissaient pias ?,
Est-ce'donc à Herculanum qû’il a découvert un vieux
titre , qui n’était pas dans le chartrier de ses prédé
cesseurs ?
;
.
'
, Admettons que.la copie'de cet acte soit authenti
que, tout prouve qu’il n’eut aucune exécution, et le
motif s’en-conçoit aisément; Des personnes sans carac
tère et trompées ne pouvaient pas obliger le corps
commun de V ie, par leur stipulation, quatre liabitans
de V ie, menés dans une salle basse du cliâtëau de Ghalus, où ils s’entendaient opposer des titres, sans opposer
eux-mêmes l’acte récent de i 5 i i , avouant que les Gacliierssont de Chadieu et deChalus, së réduisante un
droit précaire et de sujétion, tandis qùe vingt ans au
paravant leur commune parlait en maître ; certes ces
quatre liabitans n’étaient que des mannequins qu'on
avait appelés pour les surprendre; car jamais habitant
n’aurait plus niai servi son pays , et plus mal-adroitement soutenu ses intérêts.
On dit qu’ ils avaient une procuration* mais où este lle ? quelle en est l ’étendue? comment savoir si le
£ 2
�( 36 )
mandataire s’est renfermé dans les bornes de son man
dat, si custodkt fin es mandate dUigenter \ car ce n'est
pas dans la volonté du mandataire que git la conven
tion , mais bien dans celle du mandant.
Enfin, qu’e s t - c e qu'un acte suivi de deux cent
soixante-dix ans d’oubli, et d’oubli le plus profond?
Rien ; car une convention n'est quelque chose dans
la société que par Inexécution qu’elle a eue, si elle est
ancienne, ou bien par le droit qu’elle donne de se pro
curer celte exéculion, si elle est récente. O r, la nonexécution se prouve déjà par la transaction de 1642,
qui dément les prétentions supposées du s.r de Canillac^
et ne mentionne pas même la prétendue transaction
de
i
53i.
*
D ’autres démentis résultent encore de l’acte de 1627,
et de l’arrêt de 1641.
A quel titre encore le sieur Natey fait-il valoir à
son profit cette transaction de i 5 3 i ?
Est - il le Seigneur de Monlon ou de Chalus-les-^
Bussière?^car c’est en cette qualité seule que traitait
le sieur de Canillac.
■ Il ne pouvait pas traiter comme propriétaire et Sei
gneur de Chadieu, en i 53 i , car il n’acquit Chadieu
qu'en 1627.
S’il a réclamé un droit sur les Gachiers, comme les
disant de Chadieu, c’est qu'il disait avoir la haute et
^moyenne justice sur Chadieu y à cause de son mande
ment de Monton.
�( 37 )
Son moyen était une conséquence de cette maxime
féodale : Jurldlcus, ratio ne Imperll, vlndlcat prœdia ad
pecorum pastum commoda , Iri jurlsdlctlonls fin it us
septa.
Ainsi en donnant à la transaction de i 5 3 i , toute la
valeur d’un acte sincère et en v ig u eu r, les Gachiers
ont été réclamés pour Monton. Quand M. de Canillac,
après avoir acheté Cliadieu , l’a revendu, il n’a rien
démembré du tief dominant, et n’a vendu aucun des
droits de la haute justice.
L e sieur Natey, en voulant se prévaloir de l’acte de
i 5 3 i , excipe donc du droit d’autrui.
Car, propriétaire de Chadieu, il ne peut faire valoir
d’autres actes que ceux du fait des précédens proprié
taires de Chadieu, c’est-à-dire d’actes passés pendant
qu’ils en étaient propriétaires.
- Quand même le sieur de Canillac aurait été proprié
taire de Chadieu en 1 53 1 , le titre d’acquisition de 1627,
stipulé par lui-même, efface tout ce que des actes an
térieurs auraient pu dire. Tout Chadieu est confiné par
les Gachiers de Vic-le-Comte.
Or ce titre de 1627 se communique de plein droit
au sieur Natey.
Celui qui achète un fonds confiné par le pacage d’un
voisin est sans contredit exclu de ce pacage; car le confin ne peut jamais faire partie de la chose confinée.
Souvenons-nous de l’embarras que donnèrent ces
clauses iila dame de Canillac en 1641 ; elle essaya de
�[ 38 )
prendre des lettres de rescision, mais le parlement ne
les adopta pas.
L a dame de Canillac, en demandant des lettres,
pouvait dire que, si Chadieu avait été vendu avec excep-»
lion formelle des Gachiers, au moins ils lui apparte
naient à un autre titre, c’est-à-dire à cause de la haule
justice qu’elle avait avant 1627.
Mais ce moyen de la dame de Canillac, le sieur
Natey ne Ta pas même; car il n’a pour lui qu’une trans
mission de l’acte de 1627, sans lettres de rescision.
Par quel prestige inouï a-t-il donc pu persuader un
seul instant qu’il avait des droits de propriété , même
apparens, sur des pâturages formellement exceptés de
sa venle.
L ’arrêt de 1641 n’est d'après cela/m algré son im
portance, qu’un mo37en surabondant pour les liabilans
de Viole-Com te ; et cependant cet arrêt seul leur suf
firai 1 9 car il a jugé les procès actuels.
Il les juge d’abord, en refusant d’entériner les lettres
de rescision de la dame de Canillac ; car c ’est avoir
décidé ipso fa c to 3 et par une conséquence forcée, que
lé propriétaire de Chadieu était borné par les Gachiers
apparlenans aux liabilans de V ic-le-Com te, suivant
l’acle de 1627.
Il a jugé -encore qye le propriétaire de Chadieu n’a,
dans ces Gachiers, que le droil de pacage qui lui a été
Vendu par le même acte de 1627.
L e parlement Ta tellement jugé ainsi} qu’il ajoute
�( % , >
comme complément que les habitans pourront tenir
en défenses ledit Gachier depuis le 2 5 mars jusqu’au 2 5
m ai, ou autre tems plus au moins, et il réduit la dame
de Canillac à y envoyer pâturer ses bestiaux et ceux de
ses métayers, sans fraude.
N ’y a-t-il pas là encore la distinction visible du pro
priétaire et du possesseur ?
Ne sont-ce pas les propres expressions de la transac
tion de 1 5 1 1 , que le parlement adopte et confirme ?
Cependant le sieur Natey n ’a pas craint d’objecter,
i.° que cet arrêt de 1641 ne jugeait rien; il a même
assigné en reprise de ce procès qu’il dit encore indécis.
Evidemment il n*a pas voulu lire ; car l’arrêt n'or
donne un plus ample contesté que sur Le surplus de
Cintervention du sieur Larochebriant, concernant la
coupe et retail des arbres.
L e procès est tellement fini pour les habitans de Viele-C o m te , que la dame'de Canillac est condamnée aux
dépens de la cause principale envers eux. Les dépens
d’appel sont compensés, et il n5y a de réserve que la
moitié des dépens d'intei’vention.
i
2.0
Le sieur Natey objecte encore qriel’arrêt de 1641
ne prononce pas le mol de propriété.
Mais l’équi valent ne suffisait-’il pas dans un tems où
cette propriété était subordonnée au triage que le Sei
gneur du lieu pouvait s’arroger.
Ces précautions féodale?, qui motivèrent les expressions
�( 4° )
de l’aefe de i 5 i i , dirigèrent aussi l'arrêt de 16 41, qui
voulait s’y conformer; mais il a été prouvé plus haut 3
que la propriété résultait de ses expressions mêmes.
3 .° Le sieur Natey objecte aussi que l’arrêt de 1768
juge tout le procès , et réduit les habitans de Vie au
simple pacage des Gacliiers, tant qu’ils seront en vaine
pâture seulement.
’Rien n’est plus aisé que de faire dire ce qu’on veut
dans un arrêt rendu en l'absence de la partie intéressée.
Cet arrêt * on le répète , est pour les habitans de Vie
res inter aUos acta, l’arrêt du 8 mars 1769 éteint le
précédent à leur égard. Ainsi les habitans de Vie n’ont
pas même besoin de former tierce opposition à celui
de 1768.
Enfin que disputons-nous aujourd'hui? Ldem corpus,
eadem causa petendi, eadem conditio personarum.
Donc il y a force de chose jugée, c'est-à-dire le plus
invincible des moyens.
Ainsi la plus ancienne des transaclions,le propre titre
du sieur N atey, et un arrêt souverain , concourent à
prouver que les habitans de Vic-le-Comte sont pro
priétaires des communaux en litige, et que le sieur
Natey n’y a qu’un simple droit de pacage, subordonné
aux arrêtés de la mairie de Vie pour les tems de pro
hibition.
Quand
�(
)
Quand ces litres n'existeraient pas, la loi du 10 juin*
1793 donnerait aux «habitons de Vie la propriété des
communaux qu’ils réclament,'en prouvant seulement
par la transaction de 1642^ e t autres actes, qu’ils sont
situés dans la justice ou paroisse de Vie , et sans être
astreints à établir aucun titre de propriété qui leur fût
personnel.
« Tous les biens communaux en général, connus
sous le nom de terres vaines et vagues, gartes, gar« riquès , laudes,.'pacages, palis-, etc. sont et appau« tiennent ; de leur nature, aux liabitans des communes’
« dans le territoire desquels ils sont situés (section 4,
« article .2) ». 0
‘
A l’égard ides arbres, le sieur Natey ne les aurait
que par la transaction de i 5 i i ‘5 alors ils furent délais
sés au propriétaire de Chadieu, comme seigneur ; et en
effet c’était encore une prétention féodale.
Mais la loi du 28 'août 1792, art. 12, porte: «-Tous
« les arbres actuellement existans sur les places, marais
« et autres biens dont les communautés ont, ou recou« vreront la propriété> sont censés leur appartenir,
« sans préjudice des droits que les particuliers non Sei« gneurs peuvent avoir acquis par titre ou possession »,
*i
'
!'
Q u e s t i o n
p o s s e s s o i r e
,
Pour prouver que l’arrêt de 1641 n’adjugeait pas la
propriété aux habitans de V ie, le sieur Natey dit que
c^jt arrêt ne leur a donné qu’une possession de pacage
F
�t 4* )
dans; les G'achiers, comme situés dans la commune de
Vie. Quand cela serait, et en;adoptant même qu’il ne
résultât de cet,arrêt aucune propriété, cette possession,
et saisine attribuée aux.habùans de Vie , avec droit de
tenir en défenses, n’en serait que plus sacrée, si, comme
le prétend le sieur N a te y, le procès n’était pas fini j
car c'est un principe de jurisprudence et de raison,
que les parties doivent demeurer pendant toute la durée
du procès au même état qu’elles sont en commençant,
et qu’il n’y :a lie.u. à innovation qu’avec l’autorisation
du juge saisi. •
.
Admettons la fiction du sieur Natey que l’arrêt de
1641 n'accorde que provisoirement ', cette possession et
saisine, n’est-ce pas désobéir à la-justice que d’y porter
obstacle, sur-tout par voie de fait?
Il faut encore remarquer que le sieur Natey a fait
planter les communaux de 427 arbres j et les à entou
rés de fossés pour priver les habitans du pacage, après
qu’il les a assignés lui-même le 28 ventôse an 10, pour
reprendre le procès de 1 6 4 1 } prétendu indécis, et se
Voir faire défenses de pacager.
Il avouait donc avoir besoin et obtenir ces défenses
des tribunaux, et cependant il se rendait justice luimême.
Quand il n’y aurait que cette circonstance, elle mo
tive seule une demande eh complainte et sans qu’il fût
besoin d’interlocutoire. Car c'est un préjugé irréfléchi
que d’astreindre à prouver par des témoins ce qui est
prouvé par titres, et n’est pas même contesté.
�( 4 3 ')
- Jamais le sieur Natey n’a contesté àux liabilans de
Vie d’avoir joui un an, et même un siècle du droit de
pacage; ail contraire il les a assignés en reprise et au
pélitoire avant de leur disputer la possession.
« La complainte, dit M. Pigeau, est fondée sur le
« principe que tout possesseur étant présumé proprié* taire, jusqu’à la preuve du contraire, on ne doit pas
« lui enlever sa possession ja s q u à ce que la justice La,
ce Lui ait ôtée) qnë d’ailleurs on ne doit pas se faire « justice à soi-même, mais la réclamer» (tome 2yp. 8 ).
Quel besoin y avait-il donc d’interlocutoire pour véri
fier une possession reconnue par l’exercice de l’action
pélitoire? Et comment encore plus a-t-il pu résulter de
cet interlocutoire que les habitans de Vie n’eussent pas
de possession ? Jamais l’abus des mots a-t-il été poussé
plus loin ?
'
Sans doute'le mode d’interlocutoire que le juge de
paix sembla avoir adopté par erreur, devait conduire
au ne fausse conséquence, car il astreignait à prouver
que les liabilans de Vie avaient joui des Gachiers et
vergière exclusivement j ce qui a été corrigé avec raison_,
quoique le sieur Naley veuille en abuser.
Les liabilans de Vie ont interjeté appel de ce juge
ment, et ils y sont recevables, ainsi que l’a jugé la Cour
de cassation, en rejetant la décision du tribunal de
Clermont.
O r, le i . cr grief d’appel contre ce jugement est de
dire q u il était inulile, parce que la possession était
autorisée par un arrêt, parce qu’elle n’était pas niée,
F 2
�( 44 )
et parce que le sieur Natey ne pouvait’ changer l’état
des parties pendant la durée de sa propre demande.
t L e 2* grief consiste en ce que les habitans de
Vie ont été chargés de prouver une possession de
tout terns, au lieu de l’être d’un an seulement ; ce qui
a fait errer ensuite le ju ge, comme nous allons le re
marquer.
L e 3.* grief porte sur ce mot exclusivement ( i ),
que les habitans de Vie n’avaient pas articulé dans leur
demande, ni dans la réponse faite à l'interpellation
précise du juge de paix. 11 a donc jugé, à cet égard,
sans nécessité et ultrà petita.
. .
Quant au jugement du fond, le juge de paix n’a mal
jugé que pour avoir voulu être conséquent (2). S'il n’a
vait chargé les habitans de Vie que de prouver un
an de possession , il n'aurait examiné que les troubles
de cette dernière a n n ée , et il n’ aurait pas interrogé
les témoins sur ce qui s’était passé il y a 20 et 3 o ans.
( 1 ) Si le m ê m e mot a resté dans l’expédition du sieur N a t e y , l’honnête
ju g e de paix de V a y r e se trouve dupe de sa confiance. L e s habitans d e
V i e ne ve u len t abuser de rien ; car la v o ie de l’appel suffit pour effacer un
m ot qui n'a urait jam ais du être é c r it , et voilà pourquoi le sieur N a t e y a
fait tant d ’effo rts, à C l e r m o n t , contre l’ad m issio n .d e cet appel.
(2) L e sieur
N a t e y prétend que le jugem ent d éfinitif est l’ouvrage de
M . T o u t t é e ; mais lui a -t-on mis sons les y e u x tous les faits p r é c é d e r a ?
non ; car il est impossible que ce profond jurisconsulte ait d éc id é c o m m e on
suppose qu’il l’a fait. Si , a v e c une exp éd ition vicieuse de j u g e m e n t , on
lui a laissé croire que le m aire de V i e s’ était soumis à faire une p reuve
de possession e x c lu s iv e , il a été trompé.
�C 45 )
Mais le juge de paix avait ordonné une preuve de
possession de tout tenis ; et parce qu’il n'a pas voulu
avoir dit une chose inutile , il a recherché tout ce qu’on
a voulu déposer de plus ancien et de plus minutieux.
Trois noyers arrachés depuis vingt ans ont paru an
juge de paix un trouble de possession annale, parce
qu’ils étaient , à ce qu’on croit sans l’établir, sur le
bord de la Vergière.
Trois peupliers plantés lui ont semblé encore un
trouble de possession annale'du pacage, parce qu’ils
étaient plantés, dit-on, il y a plus de deux ans.
L e fait est qu’ils l’ont été moins d'un an avant la
demande, h l’âge de deux ans, ce qui a trompé deux
témoins. Alors cela aurait tout au plus obligé les haBitans dé Vie à faire remonter leur possession à l’an
et jour antérieur au trouble.
Au reste, cela est indifférent, veut-on croire les ha
bitons de Vie sur cette époque de plantation? ils ont eu
le droit d’assigner dans l’année du trouble, si c’en est
un ; et alors depuis les noyers jusqu’aux peupliers, il y
a plus d’un an de possession paisible.
Veut-on croire le sieur N atey, et le jugement dont
est appel? alors des peupliers, plantés plus de deux ans
auparavant, ne sont pas un trouble à la possession d'an
et jour.
Mais , dans le propre système du sieur N atey, ces
arrachement et plantation d’arbres ne seraient pas un
trouble. Car il prétend avoir le droit de couper et re-
�( 46 )
tailler les arbres èxistâns, comme aussi d’en planter de
nou ve au x en remplacement.
Ainsi cette possession articulée, qu’il ne s'agit ici d?avouerni decontester, est totalementdistincte du pacage.
Par conséquent il n’en résulte pas un trouble contre
celui qui, à ce qu’on prétend., n’avait pas le droit de
l’e mpêcher.
Le juge de paix, pour avoir été d’abord trop con
séquent , a fini par une inconséquence, car les noyers
et peupliers, qui l’ont si étrangement abusé, se rappor
taient au pacage de la Vergière, et non au grand Gachier, dans lequel les habitans de Vie avaient été encore
plus troublés ¡par un fossé de circonvallation, qui les
privait absolument du pacage.
* La prétendue interruption , arrivée h la Vergière-,
n'avait rien de commun avec le grand G achier, qui
lui-même est très-distinct de la Vergière. Ainsi le juge
de paix a rendu sans molifs la cause indivisible, dans
deux chefs séparés; ce qui est un vice subsidiaire de sa
décision.
11 serait difficile de contester sans injustice le droit
qu’ont eu les habitans de Vie de s’opposer au trouble
fait à leur possession. Toute commune a action possessoire pour ses communaux, comme la Cour de cassa
tion la jugé le i . er avril i8c6 (B ulletin, n,° 5 i ; D enevers , sup, page n 3 ).,Celle de Vie était fondée en
litres, et avait une possession avouée de deux siècles.
Ses moyens se réunissent donc à l’intérêt public pour
�( 47 )
empêcher une voie de fait repréliensible. Spolia tus
Unie oïrmia restituendus.
r é s u m é
.
Avant 1627 ,1a maison de Canillac prétendait aux
communaux Gachier et la Vergière, parce que, situés
sur la rive gauche de l’Allier, ils étaient le seul fonds
qui' empêchât la. haute justice de Monton de s'éten
dre jusqu’à la rivière.
Alors le propriétaire de Chadieu ne partageait pas
cette prétention, car il vendit Chadieu en 1627, con
finé par les Gachiers appartenant a T^ic-le-Comte, sauf
le droit de pacage, seulement., pour.lé propriétaire de
Chadieu. Si la maison de Canillac a persisté , après cette
acquisition, à vouloir ces communaux, ce n’était pas
comme dépendans de sa nouvelle propriété, mais tou
jours à cause de La haute ju stice de Monton qui avait
resté dans ses mains.
11
n’y avait que le retail des arbres qui fût réclamé
¿1 cause de Chadieu, par suite de l’acte de i 5 i i . Mais
le sieur Natey n’a acquis que .Chadieu, et jamais la
haute justice n’a été dans ses mains.
Par conséquent tous les procès de la maison de Ca
nillac, excepté le retail des arbres, sont étrangers au
sieur Naley.
Tout réside h son égard dans le contrat d’acquisi
tion de 1627 ?
Ia maison de Canillac, qui ne put
être restituée en 1641, contre les confins de cette vente,
�( 48 )
a vendu Chadieu à la maison de T anne, tel qu’il était
acquis en 1627 ; de même il a passé au sieur N atey,
avec la même consistance et limitation.
Quand le sieur de Tanne a plaidé en 1768, contre
le sieur Vassadel, il ne s’agissait que des arbres. Si le
sieur de Tanne y mêla des prétentions aux commu
naux , ces prétentions furent vigoureusement repoussées,
et c’est la seule partie de procès qui soit restée indécise.
Les habitans de Vic-le-Comte n’en tinrent pas moins
les communaux en défenses , comme ils l’avaient fait
depuis i 5 i i et 1641.
Ils n’ont jamais été troublés dans ce droit, et tout
ce qui a pu se faire, quant aux arbres, dépendrait du
mode d’explication de l ’acte de i 5 n , et ne serait pas
un trouble ; car il faut que le trouble consiste dans
l’intention formelle d’enlever la possession, pour se
l'attribuer à soi.
Au fait, les habitans de Vie ont pour eux des titres
formels, qui leur confirment h eux-mêmes la propriété
des communaux en litige.
Ils ont une seconde confirmation par arrêt souverain.
Ils ont une troisième confirmation de propriété parla
loi du 10 juin 1793, après laquelle le sieur Natey est
devenu acquéreur.
Us en ont une quatrième, préférable aux antres,
dans le titre même de propriété de Chadieu, l’acie
de 162,7,
De
�( 49 )
D esa part, qu’a le sieur Natey ? un seul acte sus
pect; acte tombé des nues ¿pour la cause actuelle, après
200 ans d’oubli et de non-exécution ; après 160 ans de
procès ; et cet acte encore lui est totalement étranger.
C ar, de bonne foi, il ne peut compter pour lui l’arrêtde 1768, qui, loin de rien juger avec les liabilans
de V ie , est au contraire suivi, à leur égard, de procé
dures appointées. Il ne peut opposer davantage la
transaction de 1769, qui réserve leurs droits.
Ainsi il n© reste au sieur Natey qu’ un seul et vrai
t itr e .... la vente de 1627, qui est le juge le plus in
faillible de toute la contestation.
Voilà donc aveu quelles armes le sieur Natey a en
trepris de dépouiller une commune paisible , d’une
propriété tant de fois disputée, et tant de fois restée à
son pouvoir.
Quand les Canillac gouvernaient le Languedoc et
l’Auvergne , leurs tentatives pour le même objet
furent toujours vaines, et leur puissance même fut, au
près des Cours, leur pierre d’achoppement. Quand ils
voulurent abuser de leur nom , ils furent punis d’un
décret de prise de corps.
Voilà quelle fut la justice de cette Cour suprême,
devant laquelle les puissans courbaient la tête, et qui
se faisait un honneur de venger les faibles de leur op
pression. Cette égalité de justice a été d’ une heureuse
influence pour les habitans de Vie ; cent quarante ans
de repos en ont été le fruit.
G
�'C: 5 o )
Comment se fait-il que le successeur inconnu des
Canillac , le propriétaire invisible de Cliadieu ait voulu
détruire en un instant une si longue paix, et troubler
une si heureuse harmonie?
Comment se fait-il que le système d’oppression des
Canillac contre les habitans de Vie , ait, après un siècle
et dem i, passé dans Famé d’an cit037en du canton de
Berne, qu’ils n’ont jamais vu.
Et cela encore après une révolution qui n’a anéanti
la féodalité que pour l'affranchissement des communes.
Quel est le but de ce sieur W atey, pour oser plus
en quelques mois, que n’ont tenté en un siècle ses
illustres prédécesseurs?
Quel est donc son talisman pour avoir tout boule
versé si rapidement, fait violence à une possession
paisible, irrité tous les esprits, heurté les intérêts d’une
multitude d’hommes qui respectaient les sipns.
Se croit-il dans celte contrée si fort au-dessus des
magistrats et des lois', qu’il se permette impunément
d accabler d’invectives et d'outrages un honnête fonc
tionnaire public, parce que, sans se cacher sous le nom
d'autrui, il a soutenu avec zèle et chaleur les intérêts
de ses concitoyens.
. v
Les liabitans de Vie furent mis en 1 666 sous la pro
tection du Monarque et de la C o u r , elle ne leur a
point été retirée, et ils sauront la faire valoir.
Ils l'invoqueront contre un nouveau genre de tyran
nie, qui, pour savoir se populariser, n'en est que plus
dangereuse et plus intolérable.
�( 5i )
Mais cet écrit n'en est point la place ; et tout ce qu’il
reste à y ajouter, c’est que le sieur Natey n'a pas plus
dans sa colère, que dans ses titres, les moyens de se
faire adjuger par les tribunaux une propriété, qu'il
n'obtiendrait qu’avec une évidente injustice.
M .e D E L A P C H IE R , A vo ca t
M .e M A Y E T , Avoué-Licencié.
A * R I O M ;
D E L ’I M P R IM E R IE D U P A L A I S ? C H E Z J.-C. SALLES»
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Le maire et les Habitans de Vic-le-Comte. An 12?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Mayet
Subject
The topic of the resource
communaux
pacage
rivières
Description
An account of the resource
Mémoire pour le maire et les Habitans de Vic-le-Comte ; contre le sieur Natey, de Nyon, Helvétie.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 12
1511-Circa An 12
avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
51 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0412
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0424
BCU_Factums_G1413
BCU_Factums_M0423
BCU_Factums_M0413
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53796/BCU_Factums_M0412.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vic-le-Comte (63457)
Authezat (63021)
Nyon (Suisse)
Corent (63120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
communaux
pacage
rivières
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53797/BCU_Factums_M0413.pdf
28dce18cff8747d778589fa16f98bb5a
PDF Text
Text
Mhuii iiiwrarmwmr'aminHii
M EM O I R E
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h a b ita n t à Is s o ir è / in t im e
et a p p e l a n t ;
CONTRE
Dame F r a n ç o i s e - A g l a é - G a b r i e l l e D E
L A L U Z E R N E et sieur P i e r r e D E L A
G R A N G E - G'OU R D O N i, son mari ; dame
A n g é l iq u e - A r m a n d e - C a m il l e D E L A
L U Z E R N E , et sieur A n a t h o c l e - M a x i ^ M IL IE N H U R A U L T D E nVI B R A Y E , son
mb éa nr i é, ,fhabitans
de la'ville de -Paris y héritiers
fic ia ir e s d e m a d a m e
M o n t m o r in la q u e lle
é toit héritiaire bénéficiaire du sieur EmmanuelFrédér ic -De Tane,s on f r èr e appel ans • ‘
C
o
n
t
r
e
SieurHenriDuvergierhabitantàParis SimonTerouldeabitantàDauville
clà
n
sa
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rL
ie
P
P a r is -h a b it a n t à S en s
'An t o î n e - L o u i s
A
�(2 )
D U C H A S T E L , apothicaire à Paris ; et J e AN
C H A R D O N y chapelier y habitant à P a risr
syndics et créanciers unis dudit sieur d e T a n e ,
aussi appelanSy
CONTRE
Sieur
D E TANE - SAN TEN AS y
habitant à P a ris , intimé ;
A m édée
\
1
E T
C
O
N
T
R
E
Sieur L o u is N A T T H E Y , habitant de, Nyort en
Suisse y austsi intimé ,
la révolution et les assignats, cette cause seroit
de la plus gran d e simplicité dans les questions qu’elle
fait naître. L ’acquéreur d’uné terré, chargé d’en payer
lie prix à un notaire choisi par une direction de créan
ciers, lui en paye près de moitié;, ensuite il revend la
terre, et laisse-dans les‘¡mains du second acquéreur une
somme égale à ce qu'il doit : des lettres de ratification
sont prises. Ce second aciqUéreur/poursuivi par les opposans, produit.des quittances de consignation, assigne
les créanciers en mainlevée de leurs oppositions, et fait
juger sa libération valable à leur égard.
Cependant ces, créanciers attaquent le premier acqué
reur, qui met en causç son. ga$an& : celui -ci. emploie
UANS
�C3 )
pôur libération le jugement qui a validé sa consignation.
Alors l’acquéreur observe aux créanciers qui le pour
suivent, qjieileurs oppositions à des lettres de ratification
ont lié leurs intérêts à ceux dit second acquéreur qui les
a obtenues, et que s’ils ont laissé juger qu’ils étoient
payés, ils ne peuvent pas demander à être payés une
seconde fois.
Voilà à quoi âe'réduit la question principale, et il
est évident que jusqu’ici elle në présente en point de
droit aucune difficulté sérieuse s 'mais le payement a été
fait en assignats, et les créanciers veulent en rejeter la
perte sur autrui. Les héritiers bénéficiaires du v e n d e u r
originaire , qui comprennent que si la perte des assignats
n’étoit pas pour les créanciers-elle seroit pour euxmêmes, font cause commune avec eux, pour que tout
retombe sur le premier acquéreur.
Alors tout s’exagère et se complique. L ’émigration de
l’acquéreur s’ajoute au procès, comme un point capital
qui domine tout;: d’autres circonstances étrangères vien
nent se prêter à mille équivoques. Quand la matière est
élaborée , on se croit déjà assez fort pour injurier et
celui qu’on veut faire payer ce qu’il ne doit pas , et le
.tribunal même où il a trouvé justice. Enfin, après avoir
présenté un faisceau de lois étrangères à la question, et
d’arrêts assez bien choisis dans la multitude, mais plus
étrangers encore, on~vient crier à l’injustice et à l’indé
licatesse, en disant froidement : « Que'm’importe si vous
« devez recouvrer ou non 5ooooo francs: que je vous
« demande pour une dette qui n’est pas-la vôtre ! Que
A 2
�(4.)
«. m’importe en.côjrè ,si vo u â tes ruiné par ce payement
« et si votre famille est respectable*..Je veux.de>Pargent,
«• et je ne veux en demander qu’à vous que je suppose;
« moins en mesMve.;de me-résister’ ; d?aille.iirs voüreiémi« gration.se ¡prête à tous mes sophismes :*'jl y^ajjt.ant de;
« lois sur cette matière, qu’il est impossible dfej ne-'pasr
« y voir que tout doit retomber sur vous..pinailleurs.,;
« quand je me suis donné la licence d’imprimer qu’une
« décision contraire à}mon intérêt étoit unjjjugcmfint de
« fa v e u r , j’ai-calculé; Peffet 'dé ,cettje»in jurp sue, liesprit,
« des magistrats auxquels j’eri idemaïnde ' la réforme.::Si
« je ne puis le s ’forcer, à- croire gqu’il feu ti sacrifier uni
« émigré par préférence, mon .adroite censure sera*tou« jours d’un poids quelcqnque' dans, la i balance;;Vielle
a achèvera probablement de me conquérir le suffrage de^
« ceux, dont l’opinion auroit; été incertaine. ! »[ , *< < .
Ainsi eût parlé Machiavel?;, ainsi panlerit vies '.syndicsdes créanciers de T an e, qui veulent, pe?;\fas et nefas ,
intéresser en se présentant comme des victimes..
Qu’ils .tâchent de-prouver à la Gour que malgré leurs
oppositions à/des lettresy; malgré un jugement qui pro
nonce contre eux la validité du payement que le-sieur.
Natthey a été chargé'de-leur faire, il leur reste encore une,
action : voilà leur cause.
t ;
Mais que dans,leur colère et dans leurs calculs- ils fassent
semblant de supposer, de l’adresse, des insinuations et-de
la faveur; quo tournant tout du côté de Immigration, ils
cherchent ¿\ insinuer que cette émigration deviendra aux
sieur et dame de la'Roche-Lambert, un moyen de s’em
parer des plus clairs deniers des créanciers de T a n e ,
�(5 )
et que ce sera s'être,fait de ses propresJautes un moyen
d’acquérir voilà ce qui n’est ni la cause ni la vérité 3
mais une insigne et brutale calomnie.
•Car personne ne sait mieux que les adversaires qu'il
n’y a qu’à perdre dans tous les cas pour les sieur et dame
la Roche-Lambert, puisqu’ils ont payé 178000 francs en
écus sur une terre qu’ils n’ont pas : et on ose encore leur
demander plus de 5ooooo francs pour la même terre; et
on les signale comme des débiteurs de mauvaise fo i, parce
qu’ils résistent à cette épouvantable injustice..
*
... ■i
■:
:
F
A
I
T
S
.
*
- Apres la mort dû'sieur Emmanuël-Frédéric de Tane*
sa succession1 fut acceptée sou& bénéfice d’inventaire par
Françoise- Gabriëlle) de Tane, épouse de M. de Montmorin, ministre des affaires étrangères.
Madame-de Montmorin ne-pou voit vendre en cette
qualité les .biens, de la succession sans y appeler les
créanciers ; elle fit apposer’des affiches pour vendre aux
enchères les terres de la Soucheyre, Chadieu, la GhauxMongros et le* mobilier de la succession. Il y a eu pour
7 7 7 4 0 o francs de ventes avant 1790:
La terre de Chadieu fut vendue' par madame de
Montmorin aux sieur et dame de la Roche-Lambert, par
acte du 17 juin 1788, moyennant 376000 francs, et les
frais et faux f r a is évalués à 5 deniers par livre, produisant
7812 liv. 10 s. Il fut dit que les 376000' fr. seroient:
payés solidairement par les sieur et dame de la RocheLambert entre ¡es mains de Trutaty notaire-séquestre ?
•
�( 6 )
ou aux créanciers qui auront été délégués• savoir, un
quart au i 5 septembre , et le surplus dans le courant
des deux années , en trois payemens. Il est ajouté que
les acquéreurs prendront à leurs frais des lettres de rati
fication , et que, s’il se trouve des oppositions du chef
de madame de Montmorin, elle les fera lever dans les
six semaines; mais hors, ce cas , elle ni les créanciers ne
seront tenus de garantir, et l’acquéreur n’aura son recours
que contre les créanciers qui auront touché le prix.
A la suite dudit acte on lit une intervention des sieurs
de Tane de Santenas, Teroulde, commissaire à terrier;
Chardon, chapelier; Louis Laisné, sellier, et Toutain,
tailleur d’habits, tous syndics des créan ciers de Tane,
lesquels , après avoir pris lecture de la vente , la con
firment et ratifient aux conditions y exprimées. Ils font
élection de domicile chez M. Pernot-Duplessis/procu
reur au parlement.
Le jour même de la vente, M. de la Roche-Lambert
paya la somme particulière de 7812 lîv. 10 s., à Tvutaty
notaire; dans les années 1790 et 1791 il versa dans les
mains du même notaire 170644 francs.
• En 1791 , les sieur et dame de'la Roclie-Lambert,
voyageant en Allemagne, envoyèrent au sieur de SaintPoney , leur beau-frère, deux procurations; celle du
sieur de la Roche-Lambert porte pouvoir $ emprunter
les sommes nécessaires à ses affaires , gérer , liquider ,
vendre : elle est passée devant Heidz, notaire à Coblentz,
le 16 octobre 179 1.
La procuration de la dame de la Roche-Lambert porte
pouvoir d'emprunter 60000 fr , pour placer sur Chadieu ,
�(7)
régler compte avec M\ T ru tat , notaire ; recevoir ,
donner quittance , faire tous emprunts qu'il jugera bon
être 9pour Parrangement des affaires de son mari. Cette
seconde procuration est passée devant Lutner, notaire à
Worms , le 25 octobre 1791 (1).
En vertu de ces actes,.le sieur de Saint-Poney se crut
autorisé à passer la vente ci-après :
Le 27 novembre 1791 , par acte reçu Cabal, notaire
à Paris, le sieur de Saint-Poney, comme porteur de pro
curations des sieur et dame de la Roche - Lam bert, et
s’obligeant de faire ratifier dans le mois ( parce qu’il
n’avoit pas de pouvoir de la dame delà Roche-Lambert ),
vendit la terre de Chadieu au sieur Sauzay, banquier à
Pa ris , moyennant ôooooo fr ., dont il reçut 126000 fr.
en assignats, et quant aux 376000 fr. , le sieur Sauzay
promit les payer dans un an aux sieur' et dame de la
Roche-Lambert you , si bon lui semblait, aux créanciers
desdits sieur et dame de la R och e-Lam bert , et spé
cialement aux créanciers privilégiés sur ladite terre.
Il est dit ensuite que si au sceau des lettres de ratification
il survient des oppositions du chef des sieur et dame de
la Roche-Lambert, le sieur de Saint-Poney les oblige et
( 1 ) Ces deux procurations répondent déjà aux imputations
injurieuses des créanciers de T a n e , qui ont dit que les sieur et
dame de la Roche-Lambert quittaient la Fiance en s’occupant
plutôt de se faire des ressources que de payer leurs dettes.
Personne n’ a ignoré que leur première pensée a été de s’occuper
de leurs créanciers, et que tel a été' l’ unique objet de la mis
sion donnée à M. de Saint-Poney.
�( 8 .)
s’oblige personnellement de les faire lever sous quinzaine.
Enfin, pour l’exécution de ladite clause, le sieur de SaintPoney fait une élection de domicile à Paris.
'
Le 4 janvier 179 2, il fut pris des lettres de ratification
sur la vente de 1788 ; elles furent scellées à la charge
des soixante-treize oppositions. Il est essentiel de remar
quer que plusieurs des créanciers de Tane sont opposans
individuellement; mais qu’il n’y a pas d’opposition de la
part des syndics. .
/ •' ' '
1
L e 22 avril 1792., le sieur Sauzay prit des lettres de
ratification sur son acquisition de 1791 ; elles furent frap
pées de huit oppositions, dont l’une, du 22 décembre
1 7 9 1 , étoit à la requête des syndics des créanciers de
Tane.
Jn . -j
jrj *i> r .*ii oooooct ü; .«irr. /< m r ^-n,ci
Dans la même année 1793 > ^ sieur clejla Roclie-Lam
ber t fut porté sur la 'liste des émigrés, v/rv f\ ? A
La dame de la Roche-Lambfert n’a jamais été -portée
sur aucune liste. \ , ’ 1,
Sous prétexte d’une loijdu 30 octobre 1792, ordonnant
le séquestre des biens desrabsens du territoire:,jsans ]e$
désigner encore comme émigrés,--le sieuib Séjuzayi^fit
déclarer par le curé d’Autezat, à la municipalité*jdu lieu,,1
qu’en vertu de sa vente il devoit aux sieur et dame de
la Roche-Lam bert 376000 francs. Mais aussitôt il fit
mention qu’il avoit pris des lettres dti^at ificéition^èt que
les créanciers opposâns* aux: rèttres1
prix'
et au delà : d’où il conclut qû’ii a iii(-eret^e 'conserver
les deniers ci-dessus, parce qu’ils sont sa sûreté, dès que
la terre pst hypothéquée. « E n sorte que , dit.,1e sieur
« Sauzuy, s'il fa it fa ir e ladite déclaration , c'est moins.
« à
_
�a cause des sommes dont il peut paroître débiteur ,.et
dont la république nèipourra jamais p ro f ter ^ puisqii elles doivent être absorbées par lesdits créanciers
hypothécaires opposans aux lettres de ratification ,
que pour donner des preuves de son civisme y et empêcher qu!on ne lui fasse des reproches de négligence
ou intelligence» »jJ . j *
i ->
Par acte du 25 juillet 1793 , le sîeur Sauzay vendit au
sieur Feuillant un pré-verger sis aux Martres, les mou
lins et fours banaux des. Martres, dépendans de la terre
de Ghadieu yumoyennanti la somme de 6 1100 francs ,
payable après l’obtention des lettres de ratification.
" Le 7' nivôse an 2, par acte reçu Cabal, notaire à Paris,
le sieur Sauzay vendit le surplus de ladite terre de Cliadieu
^au ¡sieur .W allier, Suisse, pour lui ou la ‘personne que
W allier se réserva de déclarer dans les six mois, moyen
nant 5.30009 frrj dont^Wallie^paya comptant 40000 f r .,
s’obligea de payer 136000 fr. à Sauzay, après le sceau des
lettres, et enfin à l’égard des 355ooo fr. restans, W allier
-fut délégué à les_payer,-: soit aux 'créanciers de T ajie ,
précédent propriétaire \ qui se sont trouvés OPPOSANS
«
«
«
'«
«
«
«
A U X L E T T R E S DE R A T I F I C A T I O N PRISES PAR S A U Z A Y ,
soit afin d’en fa ir e le dépôt et la consignation partout
où besoin sera , aussitôt après, le sceau sans opposition
sur le sieur Sauzay des lettres de ratification à prendre
sur la présente .vente. ■ • !
,
‘LesieurNattheyditavoir été subrogé par le sieur W allier
à ladite vente, par acte sous seing privé du même jour.
Il dit que le directeur de la régie du Puy-de-Dôine
fit décerner , le- 24 ventôse an 2 , une contrainte contre
B
�( 10. )
le sieur Sauzay , pour payer 5ooooo francs par lui dûs
au sieur de la Roche-Lambert-en vertu du contrat de
vente de 17 9 1, sous prétexte que le vendeur étoit émigré.
Ensuite, et à la. date du 26 floréal an 2 , le sieur
Natthey produit la pièce suivante :
'
■
cc Je soussigné, receveur de l'enregistrement e t des domaines
ce au bureau de Saint-Am ant-Tallende, reconnois avoir reçu à
cc titre de dépôt, du G. Etienne-Jean-Louis Natthey, de N yon,
cc au canton de Berne en Suisse ( propriétaire de Chadieu ,
ce suivant la déclaration de command en sa faveur-par le
« C. W allie r, du 7 nivôse d e rn ie r), la somme de trois cent
cc cinquante-cinq mille livres , pour servir tant au nom des
cc cit. Natthey et Sauzay , qu’en celui du C. Jean-Baptiste
cc W a llie r, à la libération dp Chadieu.
c< D e quoi m’a été demandée la présente déclaration
cc
cc
, à l ’effet
d’arrêter toutes poursuites et la mainmise nationale' sur ledit
1
Chadieu.
U Saint-Amant, le 26 ilotéal àn 2. Signé Mavgue. h >
.
* -
1
w.
^
.
..
’ . :,
. •
.11 pavoît qu’ un arrêté du département , en l’an 3 ,
ànnulla la vente faite au sieur Sauzay , et mit ta terre
de Chadieu en séquestre : mais ce séquestre fut levé par
un autre arrêté du 4 vendémiaire an 4 , et la restitution
de fruits fut ordonnée au profit du sieur Natthey.
Dans la même année, un procès eut lieu au tribunal
de la Seine, entre les sieur Natthey et ‘Wallier, se disant
tous les deux acquéreurs de Sauzay, et se disputant
Chadieu par la voie civile et par la voie criminelle.
Ce procès prouve que lo-sieur W allier avoit voulu se
libérer envers les créanciers opposans de Sauzay, et que
le sieur Natthey prenoit pour son compte cette libération :
�Ci1 )
il fit des! offres à Wallier:, et même u n e - consignation, en
mandats. Mais les* loisjsurlla réduction ,.du papier-môunoie
n’étant pas encore rendues, le tribunal de'la„Seine sus
pendit le procès, et on en ignore l’issue.
Les créanciers de Tane produisent à ce sujet la pièce sui
vante, tirée des mêmes registres du receveur de St.-Amant.
cc D u i 5 frimaire an
4 ? reçu du C . Jean-M arie W allier ^
cc des deniers empruntés de Ja q u e ro t, par acte d u ............ la
«c somme de 355ooo francs , à valoir sur le prix du domaine
cc acquis par Sa u z a y, des sieur et dame de la Roche-Lam bert,
« ém igrés, suivant le contrat du 27 novembre 17 9 1 ; ladite
«c somme de 355 ooo fr. payée en une rescription de la trésorerie
« nationale sur le receveur du district de Clermont, n°. 42,4, eu
ce date du i 5 brumaire dernier; dont quittance. Signé Maugue. »
L e s créan ciers o n t retiré du m êm e registre la pièce
suivante :
cc D u 26 frimaire an 4 , reçu de
cc de 3 2 8 5 1 francs
Jean-Louis Natthey la somme
25 centimes pour les intérêts restans du prix
ce‘principal dii domaine vde Chadieu, acquis de la Roche-Lam-
i< b ért, ’sa femme’ et Saint-P;oncÿ, émigrés; par le sieur Antoine
« Sa’uzay,"lequel en a fait vente au C. W allie r, par acte reçu
« C ab al, notaire à Paris, le 7 nivôse an 2 , lequel W allier a
ce passé déclaration au profit dudij: Natthey, par acte sous seing
cc privé , du 7 nivôse an 2 , enregistré il Paris le 17 messidor
cc an 3 , par Pinault ; ledit payement 'fait en conséquence de la
cc liquidation des intérêts faite par le sieur A lias, directeur de
cc correspondance à la régie de l’enregistrement à Paris , le
cc 12 frimaire présent mois; et ledit payement effectué en une
cc rescription de -la trésorerie nationale sur les domaines d’émi-
« 'g r é s , n ° / 4 g 3 , çt souô la date dudit jour 12 du présent mois.
« Certifié conform e, le 8 vendémiaire an 1 1 . Signé Maugue. »
’ '
B 2
�( 12 )
L e i ev. nivôse an 4 , Natthey donna un exploit aux
créanciers de Tane, aux domiciles par eux élus en leur
opposition ; il leur fait sommation en ladite, qualité de
créanciers opposans aux lettres de ratification prisesr
par Sauzny; de se trouver le i 5 pluviôse suivant chez
le receveur de Saint-Amant, pour y: recevoir leprioo, de>
Ch adieu. Il est constaté par cet exploit (resté au. pouvoir
de Natthey, qui en a donné copie), que l^atthey y procède
comme obligé d’acquitter 37 5ooo frauc^e^ cjap.ital^et^
32852 fr . en intérêts , tant pour se libérer lui^niéme y
que pour libérer'le sieur Sàuzay , ainsi que les,sieur'et
daine de la Roche-Lam bert , premiers acquéreurs et
il fait la sommation au nom des uns et des autres.
Les créanciers 11e se présentèrent pas ; et le sieur
Natthey fit dresser, le i 5 pluviôse an 4 , par le receveur
de Saint-Amant, la pièce suivante produite par lui.
« Je soussigné, receveur de l’enregistrement et des domaines
« au bureau de Saint Amant-Tallende, déclare, d’après le débat
<c des co m p tes qui a eu. lieu ce jo u rd ’hui entre m oi et le .ç it»
ce Parades , des Martres , fondé de pouvoir du C. Etienne-Jean cc Louis Natthey , propriétaire de Chadieu , qu’il a été versé
cc dans ma caisse, tant par ledit Parades qu’en vertu de saisies
cc nationales par moi faites avant la levée du séquestre de Cha?
six cent dix-neu f mille six cent quatre
cc livres quinze sous en l’acquit dudit domaine., dont quittance
cc dieu, la somme de
cc et décharge, sauf audit Parades, qui en Tait expresse réserve
cc pour ledit C. Natthey , de plus ample examen et apuration
r< desdits com ptes , et de se pourvoir d ev an t qui il appartiendra ,
« pour la restitution des sommes qu’il prétend avoir payées en
« sus des sommes dues,par ledit, C. Natthey pour la libération
« dudit domaine de Chadieu.
« Saint-Amant-Tallende, le i 5 pluviôse an 4. Signé M a u g u e . »
�En marge est écrit :
( i3 )
« Sur l’invitation du C. Parades , je déclare qu’ aucun des
« créanciers appelés par lui dans son exploit du i er. niyôse der« nier, n’a comparu cejourd’hui en mon bureau.
« Le i 5 pluviôse an 4. Signé M a u g u e . »
Jusqu’ici les créanciers- de Tane n’ont formé aucune
demande. Etoit-ce pour attendre la radiation du sieur de
la- Roche-Lambert? Ils veulent qu’on le croie ainsi. Mais
nous voici au sénatus-consulter, du .3 floréal an 10 , et
^c’est le moment d’être attentif sur leur première dé
marche y pour apprendre d’eux lequel des acquéreurs ils
ont considéré comme leur débiteur.
Souvenons-nous qu’en décembre 17 9 1, les syndics ont
formé opposition aux lettres de ratification prises par
Sauzay , sur sa vente du 27 novembre 1791Par exploit du 1 1 brumaire an 1 1 , les syndics des
créanciers de Tane font assigner Sauzay au tribunal de
la Seine, pour leur payer 263980 francs qui leur restent
dûs sur la* vente de 1788; en conséquence, ils concluent
contre ledit Sauzay, comme obligé à(payer ladite somme
de 263980 francs , à ce que la vente à lui consentie
le 27 novembre 1791 , soit exécutée , et qu’il soit con
damné audit payement. (Cette pièce est produite par le
sieur Natthey.)
Le 22 pluviôse an 1 1 , Sauzay dénonce cette demande
à Natthey..
Alors Natthey assigne lesdits syndics au tribunal'de Clermontj.pour voir dire qu’il est valablement libéré au moyen
des versemens par lui laits, et pour être condamnés h lui
donner mainlevée de leurs oppositions.
�( ¿
4 )
Le 7 pluviôse an 1 2 , le tribunal de Clermont rend
le jugement suivant :
« Le tribunal déclare le demandeur (Natthey) bien et
« valablement libéré du prix de la terre de Chadieu ,*
« en conséquence, fait mainlevée de l’opposition faite
« par les défendeurs (les syndics) au bureau des hypo« thèques de Clermont, le 2 décembre ; ordonne qu’elle
« sera rayée des registres du conservateur, en vertu du
« présent jugement; condamne les créanciers aux dom« mages-intérêts de Natthey, à donner par déclaration. »
En vertu de ce jugement, le sieur Natthey a fait rayer
toutes les oppositions prises par les créanciers de Tane
sur Chadieu . Les syndics n’y ont mis aucun obstacle,
et ont laissé passer quatre autres années sans hostilités.
Tout d’un coup, en 1808, ils ont pris une inscription
de 495369 francs aux bureaux d’Issoire, Ambert et Cler
mont, sur tous les biens appartenans ou ayant appar
tenu aux sieur et dame de la Roche-Lambert, en vertu
de la vente de 1788.
Les sieur et dame de la Roche-Lambert, instruits de
cette attaque, ont pris de leur côté une inscription sur
le sieur Natthey, pour supplément à la précédente, qu’ils
ont considérée comme frappant sur Chadieu.
Il eût été hors de propos, jusqu’à présent, de dire
que pour verser 170644 francs en 17 9 1 ? ^ 3voit été
emprunté pour les sieur et dame de la Roche-Lambert,
savoir, 44000 francs à la dame de Bourneville, mère de
madame de la Roche-Lambert, et 30000 francs au sieur
Gabriel de Tane-Santenas, représenté par Amédée.
�(
)
On a vu que le sieur de St.-Poncy, vendant à Sauzay,
ne lui laissa pas seulement les 263000 francs dûs aux
créanciers de T an e, mais encore une somme suffisante
pour rembourser les prêteurs ci-dessus.
Et comme les syndics n ’ a voient inscrit que pour leur
intérêt, il falloit grever Chadieu du surplus de la somme
laissée entre »les mains de Sauzay; c’est pourquoi il a été
pris à la requête des sieur et dame de la Roche-Lambert,
inscription supplémentaire de 112000 fr. sur Chadieu.
Cette inscription supplémentaire a été le prétexte du
procès actuel.
. .,
Le sieur Natthey, par exploit du 17 août 1808, a fait
.assigner les sieur et dame de la Roche-Lambert en main
levée'd e ladite inscription.
Le lendemain, Amédée de Tane (très-d’accord, comme
. on le voit déjà, avec Natthey) a fait un commandement aux
sieur et dame de la Roche-Lambert de payer les arré
rages de l’emprunt ci-dessus de 30000 francs.
Le 23 du même mois, il a été présenté requête au
tribunal de Clermont, sous le nom des sieur et dame de
la Roche-Lambert; ils ont conclu à la mise en cause des
créanciers de Tane, et à ce que le sieur Natthey, se disant
libéré,' fût tenu de faire valoir envers eux ladite libé#
ration, sinon de garantir les sieur et dame de la RocheLambert. Ils'ont conclu , en conséquence, à la résiliation
des ventes de 17 91 et suivantes, et au désistement de
Chadieu. Euiin ils ont conclu contre les créanciers de
Tane à:1a mainlevée de leur inscription, et contre le sieur
Amédée de Tane à la mainlevée du. coin mandement, de
�( i6 )
payer par lui fait, attendu que Natthey, chargé de payer
tout le monde, a dit avoir fait juger sa libération valable.
Cette mise en cause a eu lieu, les demandes ont été
jointes, et la cause a été jugée sur le fond le n juillet
1809.
Par ce jugement, le tribunal de Clermont distingue
les intérêts des créanciers de Tane, d’avec ceux d’Amédée
de Tane. A l’égard des premiers, il déclare valablement
libérés tant le sieur Natthey que les sieur et dame de la
Roche-Lambert, par suite du jugement non attaqué, du
7 pluviôse an 12 ; en conséquence, il ordonne mainlevée
de leurs inscriptions.
Quant au sieur Amédée de T-ane, il considère la somme
de 30000 fr. prêtée pour déposer chez le notaire Trutat,
comme obligation directe et indépendante de l'acquisition
non purgée par les lettres, et il déboute les sieur et dame
de' la Roche-Lambert de leur opposition au commande
ment de payer (1).
11 y a appel de ce jugement, tant par les héritiers et ,
créanciers de Tane contre les sieur et dame de la RocheLambert, que par les sieur et dame de la Rodhe-Lambert
contre Natthey et contre le sieur Amédée de Tane. On a
déjà indiqué en commençant quelles sont les prétentions
"des créanciers : elles se réduisent à dire qu’ils ont deux
actions distinctes; l’une contre les acquéreurs de Chadieu,
l’autre contre les sieur et dame de la Roche-Lam bert;
(1) Ce jugement est transcrit en son entier, avec les motifs,
à la fin du mémoire des créanciers de T a n e , ce qui a rendu
inutile d’en parler ayec plus de détail.
d’où
�( i7 )
d’où ils concluent que le jugement de l’an 1 2 , qui, en
déclarant les acquéreurs libérés, les autorise à faire radier
leurs inscriptions, ne les empêche pas de se faire payer
par les sieur et dame de la Roche-Lambert.
M O Y E N S .
Pour suivre cet appel dans toutes ses faces, et pour etre
clair, autant que possible, dans une discussion denaturee
et obscurcie par de fausses applications de principes, il
est nécessaire de séparer les moyens des créanciers de
Tane d’avec ceux des héritiers de Montmorin, quoiqu’ils
^ient réuni leurs intérêts, sérieusement ou noni On exa
minera, en premier lieu, s’il est vrai que les créanciers de
Tane aient, ainsi qu’ils le prétendent, une double action
contre les acquéreurs de Chadieu et contre les sieur et
dame de la Roche-Lambert, et si la libération du sieur
Natthey, jugée valable par jugement du 7 pluviôse an 12 ,
a dû profiter au sieur de la Roche-Lambert.
2°. Sur l’appel des héritiers de Montmorin il s’agira
de savoir s i, au cas où le versement du prix de Chadieu
seroit jugé être l’effet de la confiscation nationale, et
n’avoir pas acquitté les créanciers de Tane, la perte de
ce versement doit être pour les héritiers de madame de
Montmorin, comme condamnée à m o rt, ou pour le
sieur de la Roche-Lambert, comme émigré.
30. Quant à l’appel du sieur de la Roche-Lam bert
contre le sieur Amédée de Tane ', il y aura lieu d’examiner
si le sieur Natthey, chargé de faire face à tout, a également
libéré le sieur de la Roche-Lambert de cette dette.
C
�( ï8)
Enfin, l’appel contre le sieur Natthey donnera lieu à la
question de savoir si, dans le cas où le sieur de la RocheLambert seroit condamné à payer des sommes quelconquesaux créanciers délégués ou opposans, le sieur Natthey lui
devra une garantie, et quelle doit en être l’étendue.
A ppel
d es
c r é a n c i e r s
de
T a ne*
La prétendue émigration du sieur de la Roche-Lambert
est le premier texte de la proposition des créanciers de
Tane ; ils l’appuyent sur un arrêté^ du conseil d’état, du
3 floréal an i l , portant que tout créancier à'émigré
non liquidé, a le droit de retirer ses titres du dépôt na
tional pour poursuivre rémigré : ils en concluent que
les émigrés sont rentrés avec la charge de leurs obliga
tions personnelles, quoiqu’ils aient perdu les biens soumis
à leurs dettes.
Rien de plus incontestable que ce point de droit; mais
aussi rien de moins applicable à la couse.
L ’arrêté de l’an 1 1 seroit applicable, si Chadieu ayant
été vendu nationalement, le sieur de la Roche-Lambert
vouloit renvoyer le vendeur ou ses créanciers au grand
livre, pour rechercher le prix versé par l’acquéreur du
gouvernement.
Mais qu’y a-t-il de commun entre cette espèce et celle
où sont les parties? Il faudroit s’obstiner à ne pas réfléchir
pour ne pas y trouver une prodigieuse différence;
i°. La terre de Chadieu, qui est le gage de la dette,
et à raison de laquelle le sieur de la Roche-Lambert a
été débiteur, comme détenteur y n’a point été vendue m
0
�C 19 )
la nation né s’en est point emparée : un séquestre aussitôtmis que le vé , n’a pas empêché les acquéreurs de rester
propriétaires incommutables depuis 1 7 9 1 , et ils le sont
encore.
Cette terre étoit vendue , li vrée, sortie des mains du
sieur de la Roche-Lambert, au 27 novembre 1 7 9 1 , et
le sieur de la Roche-Lambert n’a été mis sur la liste
des émigrés qu’en 1792. La vente ayant une date au
thentique açant le 9 février 17 9 2 , devoit avoir tout son
effet aux termes des lois : la nation n’a pas pu vendre
Ghadieu ; et en effet elle ne l’a pas vendu.
20. Dans quelle loi croit-on trouver l’horrible injustice
de rendre les émigrés victimes des événemens , lorsqu’avant leur départ ils ont mis hors leurs mains l’im
meuble par eux acquis, et ont transporté sur un nouvel
acquéreur toute la dette dont l’immeuble étoit le gage;
lorsque les créanciers ont accepté ce transfert par une
opposition expresse sur la deuxième vente ; lorsque,
suivant toutes les idées reçues, l’acquéreur intermédiaire
étoit dégagé de toute dette ; lorsqu’enfin les choses
n’étoient plus entières depuis 17 9 1 , et n’avoient rien
de commun avec l’émigration ?'
3°. 11 ne s’agit pas de créanciers à'émigré, qui, après
avoir eu la nation pour seul obligé, ’parce qu’elle s'étoit
emparée de leur gage, reviennent à leur propre débiteur;
ce sont des créanciers opposans qui changeant leur action,
laissent de côté l’acquéreur qui a pris des lettres, et qui
possède, pour s’adresser à un acquéreur intermédiaire.
♦
t e s créanciers de Tane ont 'bien senti qu’il falloit
C 2
�(
20
)
p ro u v e r, avant tou t, comment ils avoient une action
directe contre les sieur et dame de la Roche-Lambert ;
aussi ils débutent par dire rapidement qu’il y a envers
eux engagement -personnel de la part des sieur et dame
de la Roche-Lambert.
- Ces créanciers-là ne veulent pas manquer de sûretés;
ils se donnent pour débiteurs solidaires, r°. les héritiers
de Montmorin ou de Tane,. comme« obligés directement;
2°. le sieur Sauzay, à cause de ses lettres de ratification,
ou Ghadieu, à cause' de l’hypothèque ; 30. le sieur de
la Roche-Lambert, comme délégué envers eux par Pacte
de 1788^
Pour amener à eux le sieur de Ta Roche-Lambert,
il y a une-seule chose à chercher : c’est une délégation.
Car il n’y a pas de délégation parfaite'sans novation,
c’est-à-dire,.sans l’extinction de la dette du<premier obligé;
et de même il- n’y xa pas de novation sans, l’intention
formelle de l’opérer. Ce sont là des principes élémentaires.
O r, qu’on lise et relise le contrat de vente de 1788*
on n’y verra pas même l’apparence d’une novation ; au*
contraire-,, madame de- Montmorin reste- débitrice des
créanciers, de son frère. Ils se gardent bien de lui donner
quittance des 3760,00 fr. que payeront les acquéreurs deChadieu ; ils conservent sans le moindre-doute le droit
de s’adresser à madame de Montmorin et cela est si
bien prouvé, que nous.voyons dans l’inscription du 1-1
janvier 1,808, et en la Cour* les dames de la Luzerne,
héritières de Montmorin , se réunii’ aux créanciers de
Tnne pour attaquer le sieur la Roche-Lambert, à cause
de l’intérêt qu’il a à, ne pas payer lui-même..
�( 21 )
Si les daines de la Luzerne n’étoient pas restées débitrices envers les créanciers de Tane , elles ne seroient
pas là pour fa ire valoir la vente ; elles n’auroient pas à
s’inquiéter s’ils seront payés des 376000 francs*, car l’acte
de 1788 leur vaudroit quittance de cette somme, s’il y
avoit eu une réelle délégation qui rendît les sieur et
dame de la Roche-Lambert débiteurs personnels, comme
délégués envers les créanciers#
'
M ais, dit-on, les créanciers sont parties en Facte de
1788. Donc il y a délégation et obligation directe et
personnelle des sieur et dame de la Roche-Lambert ; ils
l?ont même exécutée en partie par leurs payemens de
170644 francs.
Il est vrai que les syndics des créanciers de Tane sont
intervenus à la fin de l’acte de 1788 , pour ratifier et
confirmer la vente. Mais pourquoi se dissimuler les motifs
de cette intervention, commandée, par d’autres circons
tances.
Madame de Montmorin étoit héritière bénéficiaire ;
elle habitoit Paris.
1
La coutume de Paris ne permet à1 l’héritier bénéfi
ciaire de vendre les meubles même de la succession,
sans les formalités judiciaires, auxquelles les créanciers
connus doivent être appelés. Cette coutume est muette
sur les immeubles*, mais l’article 343 de celle d’Orléans,
plus nouvellement réformée, en est le supplément; et
suivant la jurisprudence constante à Paris, aucun héritier
bénéficiaire ne-peut vendre les immeubles sans appeler,
les créanciers.
�t A in si, pour la solidité de l’acte de 178 8 , il falloit
leur concours. On eût bien pu faire valoir qu’ils avoient
coopéré aux affiches ; mais n’étoit-il pas plus sage de
leur faire approuver la vente, pour la sûreté de l’acqué
reur , pour éviter des enchères et d’autres contestations,
q u i, bonnes ou mauvaises, ne sont que trop souvent
suggérées à des masses de créanciers ? Il éloit donc pru
dent ici d’avoir leur approbation; mais qu’avoit-elle de
commun à une délégation, lorsque ces créanciers, en
faisant une simple ratification in form â communi d’un
acte qui ne contenoit 'qu’une indication de payement,
ne disoient pas dans leur intervention qu’ils acceptaient
l’engagement des sieur et dame la Roche-Lambert i et
qu’ils éteignoient celui de madame de Montmorin ?
Ce n’étoit donc que pour lever une difficulté, et pour
la sûreté de la vente, que les créanciers intervenoient;
mais point du tout pour une délégation qu’il ne faut
pas sous-entendre, et qu'on ne peut placer là sans cho
quer la loi elle-même. Quce dubitationis tollendœ causa
in contractibus inseruntur, jus cdmmune non lœdunt.
Quant aux payemens postérieurs faits par les sieur et
dame de la Roche-Lambert aux créanciers, c’est encore
vouloir forcer le sens des choses les plus simples, que
d’y trouver une preuve de délégation parfaite et d’en
gagement personnel.
c< Pour qu’il y ait délégation (dit M. Pothier, n°. 564),
« il faut que la volonté du créancier de décharger le
« premier débiteur, et de se contenter de Vobligation
de ce nouveau débiteur qui s’oblige envers lui à la
�( *3 )
« place du premier, soit bien marquée. C’est pourquoi
« si Pierre, l’un des héritiers, pour se décharger d’une
« rente envers moi, a, par un partage, chargé Jacques,
« son cohéritier, de me la payer à sa décharge, il rfy aura
<< pas de délégation, et Pierre ne sera pas déchargé envers
« m oi, si je n'ai par quelqii’acte déclaré formellement
« que je déchargeois Pierre : sans cela, quoique j’aie
« reçu de Jacques seul les arrérages pendant un temps
« considérable, on rten pourra pas conclure que je Taie
« accepté pour mon seul débiteur à la place de P ierre9
« et que j raie déchargé pierre.. L . 40, §. 2, ff. D e pact. »
Effaçons donc de cette cause que les sieur et dame
de la Roche-Lambert ont contracté une obligation per
sonnelle envers les créanciers de Ta ne-, sous prétexte
d’une délégation qui n’existe pas 3 et substituons-y qu’ils
ont contracté , comme acquéreurs E T D É T E N T E U R S ,
l’obligation de payer 376000 fr. pour le prix de la terre
de Chadieu.
Que va-t-il en résulter? Rien que de fort ordinaire;
c’est que s’il y a eu ensuite des lettres de ratification, les>
créanciers opposans auront une action sur le p r ix , et
n’en auront plus contre l’acquéreur personnellement.*
Quand il y auroit eu délégation parfaite, elle seroit
anéantie par ces lettres de ratification qui ont opéré un
nouveau contrat entre l’acquéreur et les opposans, lequel
contrat détruiroit absolument toute délégation anté
rieure ; car les conventions particulières de la vente
�( 24 )
doivent cesser absolument pour faire place à celles que
la loi dicte, et dont elle ordonne l’exécution. '
Le résultat des lettres de ratification prises par le sieur
de la Roche-Lambert, sur la vente de 1788, devoit être
une procédure d’ordre entre lés soixante-treize créanciers
opposans.
Ce n’est pas ce qu’ont fait les créanciers de Tane; ils
ont commencé l’attaque par une inscription sur les biens
■personnels du sieur de la Roche-Lambert.
^ 'S’ils n’ont pas ouvert un ordre contre le sieur de la
Roche-Lambert,'.c’est qu’en effèt ils ne le pouvoient pas^
car, 10. les syndics n’ont pas formé opposition aux lettres
de ratification prises par les sieur et dame de la RocheLambert , sur la vente de 178 8 , mais seulement à la
vente faite au sieur Sauzay le 27 novembre 17 9 1. ' ’
Ainsi ils ont transporté leur action en payement sur
le sieur Sauzay, et ont laissé aux créanciers opposans
sur la vente de 1788, le droit exclusif d’attaqùer les sieur
et dame de la Roclie-Lambert.
Ils se sont jugés eux-mêmes sur ce point , par leur
exploit donné à Sauzay en l ’an 4 , précisément parce qu’il
étoit obligé envers eux par ces lettres de ratification.
• 2°. Les lois invoquées par les créanciers , sur l’émigration , prouvent qu’il n’y avoit plus lieu à un ordre,
si un émigré étoit.débiteur, parce que le gouvernement,
dans ce cas, forçoit la consignation en ses mains pour
distribuer les deniers lui-même.
30. Les créanciers pouvoient encore moins ouvrir un
ordre contre le sieur do la Roche-Lam bert, après le
jugement
�( *5 )
jugement du 7 pluviôse an 1 2 , qui est rendu par suite
de leur provocation contre Sauzay. Natthey, son garant,
a répondu à leur demande en faisant juger qu’il avoit
payé valablement.
Les créanciers de Tane se croient dispensés de tout,
quand ils disent que cette chose jugée est un piège , et
qu’ils ne veulent pas y tomber. Ils ' en’ sont les maîtres :
mais ce jugement est contr’eux; il n’est chose jugée pour
aucune autre personne.
- * ■
'r
L ’idée la plus bizarre des créanciers est de renvoyer
ce jugement à démêler au sieür de laf Roche-Lambert J
qui n’y est pas partie, afin, disent-ils, de le faire réformer,
parce qu’on n’a pas pu valider une consignation faite sans
offres, sans permission de justice, sans appeler lès créan
ciers, et faite surtout chez un receveur d’enregistrement.
Ils en concluent que ce versement est ¡pour un émigré,
* et nullement pour libération envers eux. 1 "
r
,\
\
Si les sieur et dame de la Roche-Lamliert avoient à
prouver sérieusement et nécessairement que la somme
versée par le sieur Natthey a été pour le compte des
créanciers opposans, ils le prouveroient aisément, sans
rien contester des lois même qu’on leur oppose. .
11 s’agit eu ce point d’une vérité de révolution, où il
ne seroit pas prudent de s’abandonner à ses propres
forces. Pour être mieux écouté, en cherchant le sèns
de quelques lois de circonstance que le* législateur ne
nous a pas données comme ratio scripta , il est plus
convenable d’emprunter le langage littéral d\me autorité
prépondérante.
D
�( »6 )
Les créanciers de Tane, en citant beaucoup d’arrêts,
ont prévu qu’on pourvoit leur opposer celui rendu en
la Cour de cassation entre les héritiers Lecomte et la
dame Bélanger; ils l’ont brièvement réfuté, en disant que
l’espèce ne s’appliquoit pas à la cause.
Ils ont eu rigoureusement raison; car quoique dans
cet arrêt il fut question d’une somme versée à la régie
par l’acquéreur d’un bien de condamné, après des lettres
de ratification , les créanciers n’avoient de procès que
contre l’acquéreur qui avoit payé; en sorte que minu
tieusement on peut bien dire que l’espèce n’est pas mot
pour mot la même.
Mais ce n’est pas dans les motifs de l’arrêt que
nous puiserons des moyens ; c’est dans le plaidoyer de
M. M erlin, qui y a discuté avec sa profondeur ordi
naire le sens des lois qui ont obligé les débiteurs des
condamnés et des émigrés à verser les sommes par eux;
dues, ¿1 la régie de Venregistrement. Dans cette discus
sion, ce magistrat n’omet pas d’examiner aussi quel doit
être Feffet de ce versement, et pour qui il est présumé
être fait. Yoici en peu de mots l’espèce de cet arrêt.
M. d’Ormesson, vendeur d’une ferme moyennant
425ooo f r . , avoit reçu 340000 fr. ; il fut condamné à
m ort, et la régie se fit payer 89904 fr. restans sur le
prix de la vente.
Après la loi qui restitue les biens aux héritiers, la
dame Bélanger, acquéreur, prit des lettres de ratifica
tion. Les héritiers Lecomte, créanciers opposans, pour
suivirent le payement du prix. La dame Bélanger se prér
�( 27 )
{dudit libérée malgré l’opposition, ' et soutint que le
créancier n’avoit d’action que contre le trésor public ,
parce qu’ayant versé le prix de sa vente; comme y étantobligée à cause.de la condamnation de son vendeur et la
confiscation de ses biens, son versement étoit polir le
compte des ayant droit , et par conséquent des créant
ciers hypothécaires, en même temps que pour le compte
du vendeur.
'
v
C’est pour examiner cette prétention que M. Merlin
discute’; et nous ,allons, voir qu’il l’adopté entièrement.
- « Si au lieu de payer aux héritiersLecomte (créanciers)
« le montant de leur créance, la dame Bélanger l’eût
« payé à un tiers autorisé à recevoir pour eux ( i ), leur
« hypothèque se seroit éteinte ni plus ni moins que par
« un payement fait à eux-mêmes..
cc Que reste-t-il à examiner? Un seul point, celui de
« savoir si en effet les héritiers Lecomte on t, par les
c< mains d'un tiers , touché après la mort du citoyen
« d’Ormesson, ce qui leur étoit dû par la dame Bélanger.
• « (Article 14 de la loi du 8 avril 1792. Les débi
te tcurs des émigrés, à quelque titre que ce soit, ne
c< pourront se libérer valablement qu’en payant h la
cc caisse du séquestre.)
c< C’est donc par forme de séquestre , que la nation
ce va recevoir les sommes dues aux émigrés. La nution
« ne les recevra donc pas précisément pour son compte
« personjiel ’ elle les recevra pour le compte de ceux qui
(1) Ces mots sont aussi en lettres italiques dans le plaidoyer
de M. Merlin ; ils sont conformes à l’art. 12 39 du Code civil,
D 2
�c
2
8
}
pourront y aÿoir droit ; elles les recevra par consé~
quent pour les remettre aux créanciers que les émigrés
peuvent avoir laissés en France, sauf à en retenir le
restant à son profit, s’il y a lieu..........
>
« (Article 17. Les sommes déclarées en vertu des
« articles précédens.. . . seront versées.. . . dans la caisse
« des receveurs de l’enregistrement, et ce nonobstant
« toutes oppositions de la part des créanciers de chaque
« émigré, et sans y préjudicier. )
• « Voilà qui confirme, qui développe bien clairement
« les conséquences que nous tirions tout à l’heure de l’ar« ticle 14 de la loi du 8 avril 1792. Les oppositions des
« créanciers d'un émigré ne peuvent ni empêcher ni
« dispenser son débiteur de verser à la caisse du rece« veur de l’enregistrement le montant de ce qu'il doit;
« mais ces oppositions n’en souffriront point pour cela :
« elles tiendront sur la somme que le receveur de Ven« registrement aura touchée. Preuve évidente et sans
•c réplique que le receveur de Venregistrement touche
« pour le compte des créanciers opposans ; preuve évi« dente et sans réplique que les créanciers opposans
« sont censés recevoir par les mains du receveur de
« Tenregistrement ,* preuve évidente et sans réplique,
« enfin, que le débiteur, en se libérant entre les mains
« du receveur de l’enregistrement, est censé payer , non
« pas seulement à la république, mais encore aux créan~
« ciers même opposans. » Questions de droit, tome 5 ,
v°. Lettres de ratification .
Il faut remarquer maintenant que c’est dans ce sens
que la question avoit été déjà jugée. Les créanciers d’Or«
«
«
«
�( 29 )
messon n’avoient été autorisés à attaquer l’acquéreur qu'en
cas d'insuffisance des deniers versés , et le recours n’étoit
ouvert contre la succession d?Ormesson qu’au même cas
d’insuffisance. Le pourvoi des créanciers fut rejeté.
>
Les conséquences de ce qu’on vient de lire sont toute
la défense du sieur de la Roche-Lambert; elles prouvent
que les créanciers de Tane ne se sont fait une cause qu’en
dénaturant jusqu’aux faits, et en jouant sur les mots.
Quand ils ont poursuivi Sauzay pour les payer comme
leur débiteur, Natthey, son garant, a fait juger contre
eux qu’il étoit valablement libéré par deux quittances
de l’an 2 et de l’an 4. Ces expressions ont paru, équivo
ques aux créanciers; ils ont dit qu’il ne s’ensuivoit pas
la preuve d’un payement , mais plutôt d’un versement
pour un émigré.
Il falloit bien le dire ainsi pour s’emparer de l’arrêté
du 3 floréal an 1 1 , qui ne se rapporte qu’aux créanciers
d’émigré qui n’ont pas provoqué leur liquidation, et à
l’égard desquels il n’y a pas eu de payement.
Disons donc avec M. Merlin que si Natthey a payé
le prix de Chadieu, soit en l’an 2 , soit en l’an 4 , ce n’est
pas pour le sieur de la Roche-Lambert qui n’avoit aucun
droit à ce p r ix , mais pour les créanciers hypothécaires.
Ainsi, quand les créanciers de Tane pourroient s’em
parer des lois d’émigration qui ne les regardent pas, il
est bien prouvé qu’ils n’y gagneroient rien, puisqu’aux
termes des lois on a versé pour eux : par conséquent
ils sont payés; et, ne craignons pas de répéter, l’arrêté
�( 3° )
du 3 floréal an n , la seule loi de leur système, ne se
rapporte nullement à eux.
De là est venu cet embrouillement de cause, de moyens
et de procédure. Il falloit se faire une qualité qu’on n’a
pas, épouvanter par une inscription de ôooooo francs,
et bien se garder de commencer une attaque directe,
pour mettre le prétendu débiteur dans un plus grand
embarras.
Mais qui a autorisé, on le répète, les créanciers de
Tane à prendre cette inscription? car il faut avoir un
titre exprès et portant obligation directe de la part d’un
individu, pour prendre inscription sur ses biens. Et certes
ces créanciers qui n’en avoient pas en 179 1 contre le
sieur de la Hoche - Lam bert, en avoient encore moins
en 1808.
A ppel des h é r it ier s
de
M ontmorin.
A leur égard, il n’est pas douteux qu’une obligation
personnelle de la part des sieur et dame de la RocheLambert a existé.
Mais existe-t-elle encore après des lettres de ratification
et un versement jugé valable? C’est ce qu’il est difficile
d’adopter.
Les héritiers de Montinorin n’auroient une action di
recte que dans trois cas qui doivent concourir.
Le premier , en rapportant le consentement exprès
des créanciers opposans aux deux lettres de ratification.
Le second, en prouvant que les acquéreurs postérieurs ,
�( 31 )
chargés de payer en l’acquit du sieur de la Roche-Lambeït,
n’ont pas payé.
Le troisième, en prouvant encore que la perte des
versemens faits pour la libération de Chadieu doit être
plutôt pour le sieur de la Roche-Lambert, à cause de son
émigration , que pour les héritiers de madame de Montmorin'; à cause, de sa. condamnation révolutionnaire.
Voilà ce que dévoient justifier les héritiers de Montr
morin, au lieu de se jeter dans les questions de savoir si
les versemens ont dû être faits avec ou sans des offres,
avec ou sans permission de la justice, et si après les lettres
de ratification, et même après le 23 septembre 17 9 3 ,
c’étoit encore chez le notaire Trutat que les deniers devoient être versés, comme on ne s’est pas fait un scrupule
de le soutenir. .
Cependant les héritiers de Montmorin ont fait une
inscription, non sur Chadieu dont ils ne veulent pas,
mais sur les biens particuliers du sieur de la RocheLambert. En avoient-ils le droit?
D ’abord ils ne rapportent ni mainlevée , ni conseil*
tement des créanciers opposans : ce seroit cependant chose
,de première nécessité, quand il n’y auroit pas d’autre
obstacle.
Eu second lieu , comment prouvent-ils que les acqué
reurs postérieurs n’ont pas payé ?
Tout ce qu’on vient de dire prouve avec évidence une
libération.
Les sieur et dame de la Roche-Lambert ont acheté
d’eux et se sont engagés à payer le prix ; soit h Trutat,
�( 32 )
soit aux créanciers, à déléguer dans le cours de deux
années.
Ensuite Chadieu a été vendu à Sauzay, à qui on a
laissé l’option de payer 375000 f r . , soit aux vendeurs,
soit aux créanciers, et spécialement aux créanciers pri
vilégiés sur la terre.
On ne peut pas tirer parti de cette option, car le sieur
de la Roclie-Lambert n’a rien touché de ces 375000 fr.
laissés dans les mains de son acquéreur pour faire face à
tout; et le sieur Sauzay ayant mis son contrat au bureau
des hypothèques, a contracté Vobligation directe envers
les mêmes créanciers , de payer les 375000 francs.
Ce contrat judiciaire résultant des lettres, efface l’al
ternative : c’est donc comme si la vente de 1791 contenoit
indication expresse de payer 376000 fr. aux créanciers
privilégiés seulement.
A son tour, le sieur Sauzay vend au sieur W allier ;
et il a si bien entendu que les oppositions formées à ses
lettres, par le syndic des créanciers de Tane, l’ont obligé
de ue payer qu’à eux, qu’il délègue W'allier ou Natthey
à payer %55ooo fr. aux créanciers de Tane , opposans
aux lettres de ratification.
Celui-ci appelle les créanciers en nivôse an 4 , pour
payer en leur présence, se disant obligé de les payer.
Il les assigne comme opposajis aux lettres de Sauzay, et
aux domiciles élus par leurs oppositions. Il procède tant
en son nom qu'au nom des premiers acquéreurs : c’est
en cette qualité qu’il verse le prix de sa vente.
Ensuite il les assigne, et lait juger contre eux, en qua
lité de créanciers de Tane} qu’il est libéré.
Et
�( 33 )
Et on appelle ce jugement res inter alios acta . On
dit qu’il ne s’agissoit de faire juger le versement valable
que dans l’intérêt d’un émigré, parce qu’il est question
de lui dans les dires du sieur Natthey. Mais, i°. il est
aussi question des héritiers de Montmorin et de la con
fiscation de leurs biens; car Natthey, qui cherchoit à
consolider sa libération, ne manquoit pas de justifier de
son mieux son versement, par le narré de toutes les
circonstances qui pouvoient la rendre meilleure.
2°. Ce qui prouve que ce jugement n’étoit pas contre
l’émigré plutôt que contre un autre, c’est que cet émigré
n’est ni partie, ni appelé à ce jugement dont on veut
..lui appliquer tout l’effet.
O r, vit-on jamais de plus inconcevable système, nonseulement en matière de chose jugée , mais encore en
matière d’hypothèque et de lettres de ratification ?
D ’un côté, ce sont des créanciers opposans qui veulent
n’avoir plus rien de commun, ni avec celui qui a obtenu
les lettres, ni avec son mandataire, chargé de le libérer
envers ces mêmes créanciers opposans, et qui ne veulent
s’adresser qu’au premier acquéreur, après avoir laissé
juger contre eux la validité de la libération suivie de la
mainlevée de leurs oppositions; mainlevée qui lève toutes
les équivoques sur Veffet du payement.
D ’un autre côté, ce sont les héritiers du vendeur qui,
après u n e Nlibération jugée valable, et une mainlevée
des oppositions, ont la bonté de se réunir spontanément
avec les créanciers d’une succession bénéficiaire, pour
demander qu’on annulle cette libération sans attaquer
h jugement
E
�(34 r
N’est-ce pas un abus du raisonnement" que de soutenir
de tels paradoxes? Si mon acquéreur chnrgé de vous
payer a fait juger contre von* qu’il avoit valablement
pavé, qui pourra dire, sans choquer le bon sens, que
je n’ai pas payé moi-même, et que je reste débiteur?
Il devient donc bien inutile de rechercher si le verse
ment a pu être fait comme il l’a été , quelle étoit la
caisse où il falloit verser, et s’il y avoit suspension des
remboursemens ; car re* judicata pro veritate habetur ,
un payement qui auroit été fait en assignats, après leur
suppression , serait certainement réputé être en trèsbonne monnoie, si un jugement l’avoit dit :■ nul n’auroit
le droit de parler des vices d’une telle libération , tant
que ce jugement ne seroit pas attaqué..
' J
S’il s’agissoit néanmoins d’examiner la jurisprudence
qu’on a prétendu si constante sur la défense des lois de
consigner sans offres préalables , et sans appeler les
créanciers, il se trouveroit à côté des citations nom
breuses faites par les adversaires, d’autres citations plus
applicables et plus précises sur la matière des consigna
tions forcées, après des lettres de ratification.
Mais à quoi serviroit cette surabondance de doctrine
et de dissertation, si ce n’est à grossir un écrit de choses
inutiles, puisque les créanciers et les héritiers de Tanene veulent rien discuter de tout cela avec le mandataire
de Sauzay, chargé de faire face à leurs oppositions,
qu’au contraire ils passent condamnation sur la validitéde son payement.
E t , chose étonnante, ce que les adversaires ne pou-
�( 35 )
voient opposer que sur le procès de l’an 1 2 , et à Natthey,
ils l’ont réservé pour les sieur et dame de la RocheLambert, après avoir laissé juger que le payement étoit
régulier.
S’il n’y avoit pas de collusion entre les héritiers et les
créanciers, est-ce que les héritiers de Montmorin ( qui
après les oppositions aux lettres ne sont plus que les
cautions du payement ) n’opposeroient pas aux créanciers
l’exception cedendarum actionurn , et ne leur diroieut
pas que s’il leur a plu de laisser juger que leur gage
étoit perdu, et s’ils ne sont pas en état de subroger à leurs
hypothèques, ils n’ont plus de recours à exercer.
S’il n’y avoit pas collusion encore entre les créanciers et
Natthey, qu’ils expliquent donc pourquoi, se disant aussi
certains de la nullité de ses consignations, ils craignent
de s’adresser à lui ou à Sauzay, qui par ses lettres de ra
tification a contracté l’obligation de payer aux créanciers
privilégiés 375000 fr. ; pourquoi ils paroissent regarder
ses versemens de l’an 2 et de l’an 4 comme un chiffon
informe, sans le prouver, s’ils en savent si bien le secret?
Mais l’exception que ne veulent pas opposer les héri
tiers de Tane, le sieur de la Roche-Lambert le fera , et
il en a le pouvoir. On ne peut le forcer de payer sans
qu’il ait le droit d’opposer aux créanciers de Tane que
s’ils ne font pas tomber le jugement de l’an 1 2 , et s’ils
ne remettent pas les parties au même état où elles étoient
avant ledit jugement, ils ont perdu tout recours contre
lui *, car il est d’une épouvantable injustice qu’on puisse
E 2
�( 36 )
lui dire : « Vous avez acheté Chadieu , et vous l’avez
« revendu à la charge de nous payer; nous avons accepté
« cette charge par une opposition. Maintenant nous ne
« pouvons vous subroger ni à nos droits sur Chadieu,
« ni à nos droits sur le prix ; et cependant nous voulons
« être payé par vous , qui ne le serez par personne, et
« qui n’aurez ni la chose ni le prix. »
Quelque atroce que soit ce système, on ne rougit pas
de le soutenir, on le trouve au contraire fort équitable ;
on se passionne même au point de dire que M. de la
Roche-Lambert manque à ses devoirs lorsqu’il n’est pas
du même avis. A la vérité ce n’est ni dans Condillac ni
dans Puffendorff qu’on va puiser pour justifier l’équité
mathématique de ce raisonnement; c’est seulement dans
les lois sur les émigrés, quron a prétendu trouver la preuve
q u e res périt domino signifié, en langage de révolution,
que le~prix d’un immeuble dû à des créanciers opposans,
pour une vente antérieure à toute é m ig ra tio n a péri
pour t émigré.
Pourquoi ajouter à la dureté des lois révolutionaires,
quand elles ne sont pas coupables de cette subversion de
tous les principes ?
Les lois de 1792 ordonnèrent le séquestre des biens
des émigrés , et chargèrent la régie de l’enregistrement
de ce séquestre; elles ordonnèrent aux débiteurs des
émigrés de verser dans la caisse de ce séquestre.
Mais qu’y a-t-il de commun entre Chadieu vendu à
Sauzay par acte notarié, en 179 1? et un bien d'émigré?
Qu’y a-t-il de commun entre un acquéreur non émigré,
�C 37 )
qui par des lettres de ratification a formé un contrat ju
diciaire avec des opposans non émigrés , et des débiteurs
d’émigrés?
Mais admettons en toute humilité qu’un républicole n’a
dû souffrir de rien, et que tout le sacrifice doit tomber
sur le proscrit, n’ÿ a-t-il pas lieu de s’étonner que les
héritiers de Montmorin' soient ici à l’unisson avec les
créanciers de. Tane 5 pour dire que Vémigre seul doit
perdre le versement ?
Si la Cour, partageant l’opinion des adversaires, quoi
qu’à notre sens elle déplace toutes les idées, jugeoit que
Natthey,, quatrième débiteur, ayant payé la dette de
Sauzay, troisième débiteur, n’a pas libéré les sieur et
dame de la Roche —Lambcrt , seconds débiteurs, il
faudra bien, pour être conséquentarriver jusqu’aux
héritiers de Montmorin, premiers débiteurs, et dire que
le moins qui puisse résulter de ce cahos, c’est que cette
dette a subsisté concurremment sur ces deux derniers.
Mais si M. de la Roche-Lambert a été sur la liste des
émigrés, madame de Montmorin a été condamnée révolutionnairemept : ainsi les lois sont les mêmes pour les
deux circonstances.
L ’article i eiv de la loi du 26 frimaire an 2 , dit que lès
biens des condamnés devoient être régis et liquidés, et
vendus comme'les biens des émigrésLa seule réponse qu’on ait pu* faire à cette observa
tion, a été de dire que madame de Montmorin fut con
damnée le 20 floréal an 2 , et que la nouvelle n’a pu;
�( 38 )
arriver en Suisse assez tôt pour que Natthey revînt en
Auvergne consigner le 26.
Cette réponse est-elle bien sérieuse contre celui qui
prend la chose en l’état où il la trouve, lorsque surtout
on sait fort bien que ce n’est pas le Natthey, de Nyon,
qui a consigné à Saint-Amant?
Que l’on dispute tant qu’on voudra contre le sieur
Natthey, sur la vraisemblance de ses versemens, sur
leurs dates et leur réalité; tant qu’il y a quittance et juge
ment de libération, le sieur de la Roche-Lambert profite
du payement fait par son mandataire, qui ne peut être
libéré sans que le mandant le soit.
Si malgré cette évidence de libération il falloit en venir
à imputer sur quelqu’un la perte de ses versemens, il
est évident que ce ne peut être sur celui à qui il auroit
profité ^ c’e s t-à -d ir e , aux héritiers de Tané, comme
vendeurs de la terre, comme propriétaires du prix, puis
qu’ils étoient propriétaires de Chadieu juqu’au payement.
Il n’y a en effet aucune raison de préférer pour la
perte les sieur et dame de la Roche - Lambert , et de
s’arrêter à eux plutôt qu’à Sauzay ou W allier; il y auroit
à cela une inconséquence tout arbitraire ; car il faut
opter entre le vendeur ou l’acquéreur, dont les lettres
sont grevées d’oppositions : l’un est le débiteur personnel,
et l’autre le débiteur hypothécaire.
Les acquéreurs intermédiaires n’ont contracté qu’une
obligation transitoire : à aucun titre le principe res périt
dowino ne peut être pour eux.
Car la terre n’étant pas à eu x, la somme consignée
�( 39 )
n’étoit pas pour eux. Qu’elle ait été versée pour les hé
ritiers de'Montmorin ou pour les créanciers de Tane,
c’est toujours aux hér'tiers de Montmorin que la somme
"devoit profiter, puisqu’elle étoit destinée à payer leurs
dettes.
• :
Gomment'donc a-t-on pu. espérer de prouver, qu’une
somme devoit périr pour les sieur et dame de la Roche1Lam bert, qui n’étoient propriétaires de cette somme
à aucun titre et en aucune qualité , pas plus qu’ils ne
l’étoient de Chadieu ?
Il faut conclure plutôt que si ta libération de Natthey
n’a profité qu’à lui seul et n’a eu lieu qu’à cause du sé
questre national,‘ c’est le vendeur séquestré1qui se retrouve
-passible de sa dette, et non l’acquéreur, qui ne s’est obligé
que comme détenteur - et qui a donné pouvoir.à un tiers
de verser pour lui.
*
Y- .
Cum jussu meo id quod mihi debes sohns creditori
meo , et tu à me et ego à creditore meo liberor. L , 64,,
ff. De sohitionibus..
• .. r . ?
Souvenons-nous encore que M. Merlin a prouvé qu’un
versement fait à la caisse du séquestre, étoit censé être
fait aux créanciers , et que c’est absolument comme si
ces créanciers avoient eux-mêmes reçu et donné quittance.
Tout ce qu’il a dit se* rapporte parfaitement aux hé
ritiers de-Montmorin, qui viennent se présenter comme
ayant été créanciers de l’émigré pour lequel ils-assurent
que la somme étoit versee..
Un autre moyen s’applique' encore aux héritiers de'
�( 4° )
/
Montmorin ; c’est que leur système de se dire créanciers
d’un émigré , conduit à remarquer que c’est la nation
qui les a représentés l’un et l’autre depuis le 20 floréal
an 2 , jusqu’au 21 prairial an 3 , époque de la resti
tution des biens aux condamnés.
Or, la nation auroit été débitrice et créancière du prix
de Chadieu : donc il-y a extinction de la dette par con
fusion. (Code civil, art. 1300. Sénatus-consulte, du 6
floréal an 10 , art 17. )
Ainsi, et dans toutes les hypothèses, les héritiers de
Montmorin sont payés par Natthey , ou n’ont de recours
que contre Natthey ou Sauzay. Iis ne s’appliqueront pas
l’arrêté du 3 floréal an 1 1 , pour revenir de la nation à
l’émigré, puisque la nation les a traités de même, et
leur a rendu leurs droits ut ex nunc. V oilà, n’en dou
tons pas , ce qui est démontré jusqu’à l’évidence.
A
p p e l
c o n t r e
l e
sie u r
.
A iyiéd ée d e T a n e .
Le jugement de Clermont n?est pas conséquent dans
ses dispositions : il juge d’abord que le versement fait
par le sieur Natthey a éteint les délégations dont Sauzay
avoit chargé W allier; et cependant il condamne les sieur
et dame de la Roche-Lambert à payer la créance du sieur
Amédée de Tane, qui prétend représenter pour le tout
le sieur de Santenas, prêteur de 30000 francs.
S’il est jugé que Natthey a valablement payé le prix
entier de sa vente, il est constant que le sieur Santenas
•w’a plus d’action ; car le sieur de la Roche-Lajmbert a
laissé
�( 4T )
laissé entre les mains dç Sauzay une somme suffisante
■pour payer tout le prix par eux d û , c’e s t - à - d ir e ,
3y5ooo fr. , quoiqu’ils eussent payé déjà 170644 fr. :
à son tour, Sauzay a laissé à Natthey une somme suffisante
pour désintéresser les ayant droit de ses vendeurs.
Au reste, il suffit dé renvoyer sur cet appel à ce qui
a été déjà dit , et de se réserver contre Natthey la ga
rantie que le tribunal de Clermont n’a pas voulu pro
noncer , par une autre inconséquence.
A ppel contre le s ie u r N a t t h e y ,
Cet appel n’a qu’un objet subsidiaire, puisque, si on
ne demande rien au sieur de la Roche-Lambert, il n’aura
rien à demander au sieur Natthey , dans son propre
intérêt.
Mais si, par impossible, le sieur de la Roclie-Lambert,
qui n’a pas Chadieu, étoit condamné à payer le prix de
Chadieu , alors bien évidemment le sieur Natthey ne
peut éviter une garantie, puisqu’il s’est engagé expressé
ment à faire payer 355ooq francs aux créanciers de
Tane , opposans aux lettres de ratification prises par
Sauzay , ou à consigner après le sceau de ses lettres.
Dira-t-il qu’il a payé en vertu d’une contrainte ; que sa
libération est jugée valable avec les créanciers ; qu’ainsi
il a rempli son obligation mot pour mot ?
Mais tout cela ne le délie pas de son engagement
envers le vendeur ; car il ne suffit pas qu’il dise, j’ai
payé; il doit être prêt à faire valoir son payement vis-àvis le vendeur, toutes les fois que celui-ci sera recherché.
F
�(4 0
Lorsqu'un acquéreur s’est soumis à payer le prix de
sa vente à des tiers, ce n’est pas assez qu’il rapporte des
quittances 3 il n’est pas dégagé pour cela de faire juger
en présence de son vendeur qu’elles sont suffisantes pour
lui , de faire en sorte qu’il soit quitte envers les créanciers
qu’il a spécialement délégués, et d’arrêter à toutes les
occasions les poursuites qui pourroient le troubler.
Cet engagement est tellement de stricte justice, que les
lois sur le papier-monnoie n’ont point assimilé les ac
quéreurs chargés de.payer des délégations, aux autres
acquéreurs de cette époque : elles ne leur ont permis
de réclamer aucune réduction, et ont rigoureusement
exigé qu’ils rapportassent les quittances des créanciers
délégués p a rla vente , même lorsqu’il n’y avoit qu’une
simple indication de payement.
Toutes les difficultés du payement fait par un acquéreur
ne peuvent être levées et discutées que par lui : sans cela,
par une collusion coupable, il pourroit obtenir des créan
ciers délégués qu’ils s’obstinassent à ne poursuivre que le
vendeur, lequel noyant rien payé lui-même, seroit privé
de tons moyens de défense.
E st-il proposable, en effet, d’assujétir le sieur de la
Roche-Lambert à faire valoir seul les quittances d’un
payement qu’il n’a pas fait, vis-à-vis des créanciers qui
suspectent ce payement, et qui, malgré un jugement,
persistent à dire que la libération est irrégulière?
Comment le sieur de la R o ch e-L am bert sera-t-il en
état d’éclairer les héritiers et créanciers de Tane sur
leurs doutes, et de leur apprendre si le premier verse
ment de 355ooo fr., que Natthey dit avoir fait à Saint-
�C 43 )•
Amant le 26 floréal an. 2 , sans appeler personne, doit
être préféré au second versement de 619604 f r . , qu’il
dit avoir fait chez le même receveur le i 5 pluviôse an 4?
en appelant les créanciers opposans ?
Aucun autre que Natthey ne peut dire aux créanciers
si sa quittance du i5 pluviôse an 4 est un versement ou
un compte, si la quittance de 32861 fr. en fait partie,
et enfin si les 264604 fr. qu’il a demandés à la régie pour
indemnité d’un séquestre de huit mois , lui ont été tenus
à compte ; car rien ne donne la clef de tous ces faits ; et
cependant il faut savoir ce que la république a retenu,
pour sav.oir ce que Natthey a payé réellement.
Le sieur Natthey paroît vouloir dire qu’il a payé en
vertu d’un ordre de la régie , et qu’il n’a pas d’autre
compte à rendre, puisque sa quittance est un acte ad
ministratif.
Mais où auroit-il pris cette étrange doctrine ? elle
eût été très-commode pour payer ses dettes sans gêne;
car à supposer que la régie eût refusé une contrainte à
celui qui désiroit lui compter 366000 francs, il faut au
moins convenir qu’ une contrainte n’est pas un ordre, et
n’a rien de commun avec un acte administratif.
Que Natthey objecte aux créanciers opposans tout ce
qui lui semblera bon pour faire valoir la consignation
que son contrat l’oblige à faire partout où besoin sera ,
après le sceau des lettres de ratification ; mais plus il
sera en règle pour ce qu’il a fait comme mandataire,
plus il lui sera aisé de faire valoir son payement; et il
ne s’cn dispensera pas en rejetant la validité de ce qu’il
F 2
�( 44 )
a fait aux risques de son mandant, car il est obligé sans
exception, ou de faire valoir ses payemens contre les
créanciers et de faire cesser leur réclamation, ou de
garantir le sieur de la Roche-Lambert de l’effet de leurs
recherches.
Que si le sieur Natthey prétendoit, ainsi qu’il en a
menacé, s’isoler de cette procédure , en disant que la
validité de ses versemens n’est pas de la compétence judi
ciaire, on lui répondroit qu’il ne peut pas proposer de
déclinatoire, par plusieurs motifs.
i°. Parce que lui-môme a soumis la validité de ses
versemens à l’autorité judiciaire, et a obtenu jugement
à cet égard le 7 pluviôse an 1 2 ; il a opposé ensuite ce
jugement comme un moyen péremptoire sur la cause
actuelle.
20. Parce que lia demande en garantie a été jointe,
et que-loin d’attaquer le jugement de jonction, le sieur
Natthey a plaidé au fond.
3°. P a rc e que dans des lettres missives adressées au sieur
de la Roche-Lambert, le sieur Natthey a offert sa garantie
pour le procès actuel ; en sorte que ce nouvel engage
ment a produit une nouvelle action qui ne peut être
soumise qu’aux tribunaux civils.
40. Parce qu’il résulte des arrêts déjà cités de part et
d’autre, que les tribunaux ont t o u j o u r s statué sur la vali
dité des versemens faits dans les caisses publiques par les
acquéreurs même des biens provenus d’émigrés ou con
damnés.
Dans tous les cas, les lettres du sieur Natthey suffi-
�( 45 )
sent (r); l’offre expresse de sa garantie a été acceptée ex
pressément par le sieur de la Boche-Lam bert dans ses
2 1 ju in 1 8 0 8 .
(r) « J ’ai reçu votre lettre, Monsieur, et je ne veux pas un
« seul instant vous faire attendre ma réponse.
cc J ’ai d abords été fort surpris des inscriptions que les créan
ce ciers de Tane ont prises sur vos biens ; j’ai dû ensuite me
« souvenir qu’ils avoient précédemment regretté de n’avoir pas
cc pris cette voie d’ abord, et de s’être engagés dans une autre
cc voie qui ne leur a pas plus réussi que celle-ci ne peut leur
« promettre du succès. Vous croyez d’avance, je l’espère, que
cc toutes choses sont parfaitement en règle vis-à-vis d’e u x ..........
cc Vous avez quelqu’apparence d’inquiétude sur le vrai pro« priétaire de Chadieu. D ’un mot je vous tirerai dô toute inquié<c tude. I l n e t i e n d r a , q u ’ a vous q u e N a t t h e y o u m o i , a v o t h e
<C CH OIX , OU TOUS DEUX R É U N IS , N E VOUS OFFRIONS DE NOUS SUI3S-
cc
cc
t i t u e r a vous d a n s c e t t e a f f a i r e : je vous en passerai acte
public avec grand plaisir et sans inquiétude ; c a r , encore une
ce fo is, toutes choses sont parfaitement en règle avec ces mescc sieurs et tous autres.
cc Voilà un premier problème résolu, à votre satisfaction sanste doute. Vous v o y e z q u e N a t t h e y n i m o i n e n o u s e f f a ç o n s ;
cc QUE M EM E NOUS VOUS O FFR O N S, SOUS N OTRE GARA N TIE ET CELLE
CC DE CH AD IEU , DE NOUS SUBSTITUER A VOUS..................................
? ce
Vous êtes encore dans l’erreu r, quand vous supposez que
« les créanciers de Tane avoient fait opposition aux lettres de
te ratification obtenues par M. votre père sur MM. de Tane.
cc
ce
Fayon s’inscrivit, fit inscrire aux hypothèques d’autres créan
ciers non unis , et ne fit point inscrire l’union............. \\ n’y
« eut aucun acte conservatoire de la part de l’ union.
�(
4
6
}
réponses : ainsi ce nouvel engagement passé entre M. de
Batz, représentant Natthey , et M. de la Roche-Lambert,
« Mais aux lettres de ratification prises par Sauzay sur M. votre
<c votre p è r e , l’ union fit opposition , alors trop tardive si elle
cc étoit nécessaire. En l’an 4, il y eut des lettres de ratification
cc prises sur Sauzay, et l’union eut le tort extrême de ne pas
cc prendre d’inscription, ni faire d opposition.
<c Us n’ont donc que celle du 2 2 décembre 17 9 1 ; mais il y a
cc
condamnation contr’eux sur ce point,
cc
tance très-âpre et trés-vive qu’ils avoient commencée
cc
cc
contre Sauzay. Repoussés dans cette voie par laquelle ils attaquoient, dans Sauzay, W allier et N atth ey, et se trouvant à
bout de voie , c ’est alors qu’ils regrettèrent de 11’avoir pas
attaqué d’abord M. votre père ou votre famille, au lieu de se
cc
faire condamner sur leur inscription de
ce
v r a i, je n’aurois pas imaginé qu’après plusieurs années de
silence et d’inaction, ils auroient imaginé de finir par où ils
cc
cc
cc
à
l’occasion de l’ins-
17 9 1.
M ais,
Paris
à
à
dire
auroient voulu commencer. Mais les actes subséquens, leur
<c liquidation, leur payem ent, sont tels qu’ils ne peuvent chercc cher qu’à e f f r a y e r e t à a r r a c h e r q u e l q u ’ a r g e n t , du moins de
cc Sauzay : c ’étoit contre Sauzay leur plus solide projet.
cc
cc
S ’ils ont pris des inscriptions folles sur vos biens, ils en
cc ont également pris sur Chadieu...................Instruisez-moi de
cc
tout ce qui s’est passé d’eux à vous dans cette insurgence, et
cc
vous aurez de ma part, ou par moi, instructions parfaites. Je
cc
vous répète que m’identifiant à N atth ey, je me mettrai avec
cc
ce
plaisir à votre lieu et place. N e perdez pas un moment a me
faire savoir s’il y a de simples inscriptions prises, ou s il y a
ce
quelque demande formée. Voilà de ma part, j espère, fran-
« chise, loyauté autant que vous pouvez désirer, et plus que
** vous ne pourriez exiger.
“ Keccvez l’assurance de mon bien sincère et invariable
�( 47 )
est aussi valable que s’il eût été souscrit par un acte en
forme; car, d’après les principes, 011 contracte valable
ment par epLstolam a ut per nuntium.
«attach em en t, et veuillez le faire agréer àJM . votre père.
« <Signc De Batz.
« Dès que j’aurai votre réponse, je partirai ou vous écrirai
« sur-le-champ. Je ne suis nullement in qu iet, parce que je
« connois les faits, et qu’ils sont réguliers. :»
Paris, 9 juillet 1808.
« Je n’ai pas perdu de tem ps, Monsieur, à prendre tous les
cc rëriseîgnernens et toutes les instructions utiles contre les créan-
« f.ciers de'Tane. J ’aurai une consultation des plus habiles gens.
« L/affàireparolt inattaquable par les créanciers de Tane. II est
et heureux pour vous et pour moi que j’aye pris, dans le temps
« u tile , surabondance de précaution, pour acquitter à la fois
cc vous et moi, et pour mettre dans tous les sens les créanciers
cc en demeure. Vous ne pouvez vous défendre que par mes
cc pièces. . . . . . . . .
ec
c<
cc
cc
«
M. votre père n’ auroit pas dû prendre ins
cription sur Chadieu, surtout sans m’en prévenir : il n’auroit
pas dû en prendre au nom d’autrui ; il ne devoit voir que les
créanciers. Son intérêt est de faire cause commune avec
Chadieu : quiconque lui dira le contraire se trompera , l’induira en erreur. Au reste, je lui demande, et j’espère qu’il
« ne me le refusera p as, de vouloir bien faire rayer 9on ins
ec cription au bureau de Clermont. J ’ai besoin, pour ma seule
« délicatesse vis-à-vis de deux personnes à qui j’ai fait deux
emprunts, d’avoir leur certificat d’inseription avant le vôtre,
parce qu’agissant de bonne foi et d^entu-rre confiance en m oi,
ce ils ont reçu dans leur acte ma parole d’honneur qu’il n’existoit
�-
,
(
4
8
}
M. de Batz, représentant Naüliey, a toujours continué
<T;igir en conséquence de ce nouvel engagement. Il a
envoyé au sieur de Laroche-Lambert la consultation
très-détaillée de MM. Poirier et Bellard (annoncée dans
la dernière lettre), pour le rassurer sur ses risques, et
lui attester que les versemens de Natthey éteignoient la
créance.
Il y a donc im p o s s ib ilit é de délier le sieur INÎatthey de
son nouvel engagement, qui lève tous les scrupules des
lois de rémigration, lesquelles n’ont rien de commun à
une garantie offerte et acceptée en 1808.
cc j)as d’hypothèque sur Chadieu ; e t , certes , je croyois la
cc donner en toute vérité , et il se trouve que la vôtre existoit
« le jour même où j’affinnois qu’il n’en existoit pas , ou du
cc moins que celle du m aire de V i e , qui est nulle de fa it , et
cc celle de deux pauvres petits créanciers que j ’ai fait condamner
ce à Riom , et que j ’esp ère faire ra y e r à tous momens. M. votre
cc p ère , après avo ir fait ra y e r ce lle q u ’il a déjà faite , pourra
cc au m ê m e in s ta n t , s’il le juge à p ro p o s, la faire rétablir. Je
ce n’y suis que pour ma délicatesse seulement, et j ’espère qu’il
ce 11e me refusera pas cette satisfaction légère, qui, dans aucun
cc cas , ne peut lui être dommageable, et qui a été pour moi
w le sujet d’une véritable contrariété , honneur et délicatesse
cc parlant.
ce Au surplus, je prends le parti d’aller porter cette lettre à
cc M . Vautrin, et je m’en rapporte à. c e qu’il vous conseillera
cc à cet égard.
cc Je vous renouvelle , Monsieur,
1 assurance de mon dévoue-
cc ment à vos intérêts, et de mon bien sincère attachement.
u S i g n e D e B a tz . »
II
�( 49 )
Il'n e reste plus qu’un mot à dire sur l’effet de "cette
garantie, s’il falloit en venir à elle ; il est réglé ,par le
Code civil, qui s’exprime ainsfÎ
: Article 114 2 . c< Toute obligation de faire se résout en
« dommages-intérêts, en cas'de non-exécution delà part
« du débiteur. »
Article 1184. « La condition résolutoire est toujours
« sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour
« le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à
« son engagement.
« Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein
« droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point
« été exécuté, a le choix, ou de forcer l’autre à l’exé« eution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en
« demander la résolution avec dommages et intérêts.
« La résolution doit être demandée en justice, et il
« peut être accordé au défendeur un délai selon les cir« constances. »
Le sieur de la Roche-Lambert a conclu à la résolution
de la vente de 179 1 , si la condition de le faire tenir
quitte de 355ooo fr. n’est pas exécutée : la loi' ne lui
permet pas de douter que cette résolution ne soit pro
noncée, s’il étoit condamné à payer lui-même la somme
considérable qu’on lui demande, et qu’il ne doit pas.
Comment le sieur Natthey pourroit-il soutenir l’idée
que le sieur de la Roche-Lambert dut être obligé de
payer Chadieu sans l’avoir, tandis que lui, Natthey, auroit
Chadieu sans le payer?
Jusqu’à présent le sieur Natthey n’a point élevé une
prétention aussi immorale; il est vraisemblable qu’il s’en
�( 5o )
tiendra à ce qui est raisonnable et légitime : ainsi , à son
égard, il suffit de s’arrêter à l’idée qu’il fera valoir ses
payemens, puisqu’il s’y est engagé, ou qu’il s’arrangera
avec les créanciers de telle manière que son vendeur soit
à l’abri de toutes recherches.
Me. D E L A P C H I E R , ancien avocat,
M e. M A R I E , licencié avoué.
A R I O M , de l’ imp. de T H I B A U D , imprim. de la C o u r impériale, et libraire,
rue dej T a u le s , maison
L a n d r i o t. —
Juillet 1 8 1 0 ,
�
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Factums Marie
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[Factum. Roche-Lambert, Joseph de. 1810]
Creator
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Delapchier
Marie
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The topic of the resource
assignats
émigrés
confiscation nationale
créances
receveurs de l'enregistrement
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Mémoire en réponse, pour sieur Joseph de la Roche-Lambert, habitant d'Issoire, intimé et appelant ; contre Dame Françoise-Aglaé-Gabrielle de la Luzerne et sieur Pierre de la Grange-Gourdon, son mari, dame Angélique-Armande-Camille de la Luzerne et sieur Anathocle-Maximilien Hurault de Vibraye, son mari, habitans de la ville de Paris, héritiers bénéficiaires de la dame de Montmorin, laquelle était héritière bénéficiaire du sieur Emmanuel Frédéric de Tane, son frère, appelans ; contre sieur Henri Duvergier, habitant à Paris ; Simon Teroulde, habitant à Daudeville ; Pierre-Louis Laisné, ancien sellier à Paris, habitant à Sens ; Antoine-Louis Duchastel, apothicaire à Paris ; et Jean Chardon, chapelier, habitant à Paris, syndics et créanciers unis dudit sieur de Tane, aussi appelans ; contre Sieur Amédée de Tane-Santenas, habitant à Paris, intimé ; et contre Sieur Louis Natthey, habitant de Nyon en Suisse, aussi intimé.
Publisher
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de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1511-1810
avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
50 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0413
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1413
BCU_Factums_M0423
BCU_Factums_M0424
BCU_Factums_M0412
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53797/BCU_Factums_M0413.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Authezat (63021)
Issoire (63178)
Paris (75056)
Daudeville
Sens (89387)
Nyon (Suisse)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
confiscation nationale
Créances
émigrés
receveurs de l'enregistrement
-
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a554e307a6358bea885668ce78a23f16
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Text
MÉMOIRE
EN RÉPONSE,
POUR
Louis D E F A U R E DE C H A Z O U R S ,
ancien capitaine d’infanterie, Habitant au lieu
'de la Com be, commune de Saint-Quentin
demandeur en exécution de jugement;
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C O N T R E
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de la ville de Gannat,
défendeurs.
a b it a n s
L e sieur de Chazours se vît enlever, en 1790, une
récolte de vingt septerées, à main armée, par une foule
d’individus se disant envoyés par une autorité adminis
trative. A la suite de cette voie de fait il fut obligé, par
A
�(a-)
la force des circonstances, d’abandonner environ qua
rante septerées, de terre : mais lorsque des temps plus
heureux lui ont permis d’élever la v o ix , il a réclamé
contre une violence que les tribunaux ne pouvoient que
blâmer et proscrire.
Après une révolution , le temps présent n’est point
comptable des erreurs du passé, et il est rare que celui
à qui elles furent étrangères veuille se charger de leur
justification. Aussi pendant toute la durée du litige sur
la nullité de l’abandon forcé dont on vient de parler,
M . le maire de Gannat avoit défendu les intérêts de sa
commune avec le ton de: décence et de modération qui
convenoit à la dignité de sa place et à la nature du procès.
Pourquoi faut-il; que changeant tout à coup le genre
de sa défense, M. le maire de Gannat ne veuille plus
répondre qu’avec emportement à un demandeur qui avoit
soumis ses prétentions à la justice ? quel a pu être son
motif, de ne donner de la publicité à sa défense que pour
la noyer dans un amas d’injures calomnieuses et incon
venantes ?
Et certes le moment étoit bien choisi, pour s’irriter
ainsi brusquement et comme par réminiscence. On conçoit
que dans le commencement de ce procès, et lorsque M. de
Chazours se plaignoit d’un acte de violence, sans autre
preuve que son allégation , il eût pu y avoir quelque
chose d’excusable, que le maire de 1811 mît une certaine
véhémence à venger ses prédécesseurs d’une inculpation
dont il pouvoit douter.
Mais c’est après un jugement non attaqué, pronon
çant la nullité de l’acte illégal qui fait toute la matière
�( 3 )
du procès; c’est en produisant lui-m ôm e des pièces
officielles qui constatent la voie de fait articulée par
M. de Chazours ; c’est enfin lorsqu’il ne s’agit plus, de
la part de M. le maire de Gannat, que de produire des
titres, comme il l’avoit promis ; c’est alors, disons-nous,
que M. le maire de G-annat, ne pouvant tenir sa promesse,
perd toute mesure et s’en prend à tout le monde, accuse
le sieur de Chazours pour avoir réussi, accuse le juge
ment pour avoir annuité ce qui étoit nul, et s’accuse
lui -môme d’indolence et d’insouciance pour l’avoir laissé
rendre.
De quel profit pour la cause peut donc être cette colère
posthume, lorsque l’acte qui en étoit le seul objet est
déjà déclaré nul, et que, par une conséquence forcée,
il faut remettre les parties au même' état qii’elles étoient
en 1791 ?
M. de GHàzours a été d’abord plus sensible qu’il n’étoit
nécessaire à ce ton d’irascibilité et d’aigreur qui règne
dans tout le mémoire de M. le maire de Gannat. Les
épithètes d>usurpateur habituel et de spoliateur ne pouvoient paroîtré que fort dures pour un homriae élevé à
l’école de l’honneur, et qui croit avoir fourni une longue
carrière de délicatesse ; il s’est demandé à quels signes
un homme peut être déclaré usurpateur habituel, lorsqu’ayant h la main le titre de propriété de ses ancêtres,
il n’a pas dépassé d’une ligne lesÎ)ornJes qui y sont écrites,
et lorsqu’il rie se défend que poiir conserver ce qu’ils
lui ont transmis. Alors il’ ne lui a plus semblé que l’opi
nion publique dût être fort touchée d’une récrimination
injurieuse, qtii n’est que trop habituelle à ceux qui se
A 2
�C4 )
voient vaincus, quoique peut-être il n’y eût pas lieu de
s’attendre qu’un magistrat se livreroit à ce genre de
défense.
Quoi qu’il en soit, voyons ce qui résultera des faits
de cette cause, et si déjà il n’est pas éclairci que la com
mune deGannat est seule convaincue d’usurpation.
F A I T S .
La ville de Gannat est propriétaire d’un grand com
munal appelé de Chantoirat, borné au nord-ouest par
lin ruisseau appelé de Sigilon.
Ce ru isseau, coulant dans une gorge, sépare ce com
munal d’un ténement appelé des TSruyères, et de toutes
les autres propriétés du sieur de Chazours.
Il est difficile qu’une limite soit mieux marquée par
la nature. Cependant les habitans de Gannat voyant au
revers de leurs communaux un terrain souvent inculte,
y laissoient aller leurs bestiaux, ce q u i, en terre v a in e ,
étoit sans conséquence; mais le propriétaire de Chazours
n’en faisoit pas moins des défrichemens partiels et suc
cessifs sur tout son ténement : il en percevoit sans obs
tacle les récoltes, et alors les bestiaux voisins étoient
soigneusement chassés.
Comme quelquefois cette expulsion avoit pu être
faite par les colons h force ouverte, l’esprit de résistance
portoit les expulsés à aller se plaindre à la mairie ,dç
Gannat, en alléguant que leurs auteurs ayant joui du
pacage sans trouble, le local étoit présumé faire partie
des communaux. La m airie, pour ne pas paroître né-
�( 5 )
gliger les intérêts de sa' v ille , avoit cru par deux fois
devoir verbaliser, et menacer de procès. Mais le sieur
de Chazours n’en étoit que plus attentif à défricher pour
faire des actes publics cie propriétaire, et cependant la
mairie de Gannat n’a jamais osé l’attaquer pour empêcher
ces défrichemens.
Ses successeurs appellent cela de l’insouciance et de
l’oubli, lorsqu’au contraire des procès verbaux de dires
et menaces constatent que tout étoit mis en œuvre pour
épouvanter le propriétaire , mais que sa bonne conte
nance tint en respect la commune qui n’avoit de droits
d’aucune espèce. En sorte que toute cette verbalisation
ne reste là que comme un monument, pour attester que
le sieur de Chazours est resté en possession malgré la
contradiction ; ce qui de toutes les preuves de propriété
est certainement la plus publique et la plus incontestable.
Comment, en effet, une commune voisine auroit-elle
cru possible, sans titre, de franchir les limites naturelles
de ses communaux, pour s’arroger une propriété nonseulement d’un nom étranger, mais encore faisant suite
et corps avec toutes les propriétés de Chazours, sans le
moindre signe de séparation, sans bornes, sans fossés,
sans titres? En sorte que- par un arbitraire dont l’idée ne
peut pas se soutenir, la commune de Gannat, une fois
entrée dans ce territoire, sans savoir elle-même jusqu’où
elle vouloit aller, auroit été aussi fondée à le réclamer
tout entier qu’à en vouloir une petite portion.
Et véritablement si la commune de Gannat avoit con
servé un droit quelconque sur un espace inconnu, le
sieur de Chazours eût été absolument à la merci de
�. m
l’étendue qu’elle auroit jugé à propos de se donner,
comme il ne l’a que trop été dans les circonstances dif
ficiles où il a été forcé de subir la loi du plus fort.
Mais avant de parler de cette époque, il faut dire un
mot des actes que M . le maire de Gannat n’ose pas appeler
des titres, mais qui prouvent, suivant lui, que le ténement des Bruyères a été pour ses prédécesseurs un sujet
d?inquiétude et de discussion.
Le premier acte d’inquiétude date de l’année 1680 ;
mais comme cet acte est tout en faveur du sieur de
Chazours, M . le maire ne juge pas à propos de s’en
prévaloir.
L e conseil du roi avoit ordonné une confection de
rôles pour les terrains que les privilégiés possédoient
hors de leurs privilèges ; et un sieur Desessart fut en
voyé en Bourbonnais pour vérifier les possessions qui
pouvoient être sujettes à cet impôt. L ’occasion étoit belle
pour eeux des habitans de Gannat q u i , à cause de la
proximité du ténement des Bruyères, auroient voulu le
faire ajouter aux communaux, et en arrêter les défrichemens ; en conséquence, ils indiquèrent le sieur de
Chazours, comme ayant usurpé cent sesterces de terre
sur les habitans de Gannat, sans autre explication.
Sur cette dénonciation occulte, le sieur de Chazours
fut taxé à 1,000 fr., le 28 janvier 1680; mais aussitôt il
se pourvut, en déclarant qu’il se soumettoit au* payement
du quadruple, et à l’abandonnement des héritages taxés,
si on pou voit prouver qu’ils fussent usurpés.
Comme personne n’osa entreprendre de faire cette
�' ( 7 )preuve, il intervint une ordonnance de l’intendant, du
18 mars 1680, qui déchargea le sieur de Cliazours de
cette taxe 5 sauf audit Desessart à justifier de Vusurpation
-par lui prétendue.
Ce sieur Desessart ne la justifia pas ; ses souffleurs ne
lui donnèrent ni titres , ni renseignemens. En consé
quence , le sieur de Chazours continua de défricher, et
resta paisible propriétaire de ces cent sepierées comme
de sa chose propre.
Quatre-vingt-cinq ans de tranquillité suivirent cette
première tentative de trouble* L e sieur de Chazours
avoit même consolidé sa propriété dans cet intervalle,
en achetant de la maison de Fontanges le droit de jus
tice sur tout ce qui lüi appartenait déjà et Chazours.
On voit par une prise de possession publique , faite
en présence de deux habitans de Gannat, qu’il fit l’en
ceinte de toutes ses possessions de la même manière que
son acte de vente les déterminoit ; et précisément on y
remarque, du côté de Gannat, le confin immuable du
ruisseau de Sigilon.
En-1765,.les-métayers!de Chazours chassèrent les ber
gers de Gannat, qui s e - plaignirent à leur mairie d’avoir
été maltraités.
On conçoit aisément que ces plaintes aigrirent les.
parties, et que les maîtres des troupeaux ne manquèrent
pas de murmurer que la ville négligeoit de vérifier si
elle étoit propriétaire.
Il falloit bien ne pas se montrer insouciant ; et la
mairie se mit ù l’abri de tout reproche, en envoyant sur
�(
8 )
les lieux l’arpenteur de la mairie, avec un notaire, deux
procureurs du roi et un médecin.
Cet arpenteur, allant chercher des confins, sans titres
et sans bornes, avoit à faire une assez bizarre opération.
Mais on ne se douteroit jamais comment la ville de Gannat imagina de suppléer aux titres qu’elle n’avoit pas.
E lle arrêta, par un délibératoire, que Vétendue du ter
rain appelé des Bruyères seroit constatée sur le rapport
des labou reurs , vignerons et journaliers DE G a n n â T !!
Enfin voici le notaire, l’arpenteur et les commissaires,
arrivés sur le local où ils sont conduits par ces indicateurs
désintéressés, qui disent qu'entre le ruisseau de Sigilon
et une autre partie de terrain mise en valeur par M. de
Chazours, il y a trente-une septerée'b, moins cinq septerées’
défrichées à l’aspect de nuit, tant antérieurement que
postérieurement à une année, sans avoir pu distinguer
les anciennes d'avec les nouvelles entreprises.
Ensuite les commissaires font leurs plaintes sur un
inaltraitem ent exercé de la part du sieur de Chazours,
sur les bergers de Gannat, en différentes reprises, après *
avoir chassé les bestiaux, notamment mercredi dernier.
A cela M. Chazours répond qu’il n’a maltraité personne,
qu’il n’a pas même chassé des bestiaux : « qu'au surplus
« il est surpris des mouvemens que se donnent les
« liabitans de Gannat pour la propriété et l’usage dudit
« terrain, puisqu’ils n’ont aucun droit certain sur icelui,
« parce que ce terrain, dans toute son étendue, lui ap-
« par tient. »
Alors il produit l’acte de 1680 , pour prouver que
les habitans de Gannat n’ont jamais tenté de justifier
qu’il
�.
. ( 9 )
qu’il eut rien usurpé ; enfin il dit que c’est par tolé
rance de sa part, si les bestiaux de différens' particuliers
ont pacagé , mais qu’on ne peut en induire une ‘pos
session qu’il sera toùjours en* droit dé contrarier.1 1 * '3
A cela les commissaires l’épondent « que saris s’arrêter
« maintenant à la question-de savoir à qui des'habitans
« ‘de Gannat ou'dé M . Defaure appartient lé ’terrain
« des Bruyères, question qui ne doit être agitée que
« dans Vinstance qui suivra sans doute /’opération d’au« jourd’h u i, et pour laquelle instance lesdits sieurs comCf missaires font toutes protestations contraires à celles
« dudit sieur de ' Chazours , ils se bornent à dire que
« outre la possession immémoriale et notamment d'an et
« jo u r, dans laquelle sont les habitans de Gannat d’en-'
« vôyer pacager leurs bestiaux sur le terrain contentieux j
« seules circonstances pour autoriser leurs démarches ,
« ils ont encore l’avantage de réunir en leur faveur dif« férens aveux dudit sieur de Chazours, qui sont acceptés.
« A u moyen de tout quoi ’ ils persisteront dans cette
« possession, et dans Vusage non interrompu où ils sont
« de faire pacager leurs bestiaux dans lesdits commu« naux, par une suite de cette possession. * J
*
cc Et en faisant les réserves nécessaires et capables de
« les maintenir dans généralement tous leurs droits, tant
« sur le terrain renfermé dans les confins ci-dessus iri« diqués, que sur celui qui leur sert de confin à l’aspect
« d’occident, et autres qui seront reconnus faire partie de'
« leurs communaux, ils dht signé sans aücîune approba« tion préjudiciable; observant au surplus Jque la fixation’
« de la commune, relativement auxdrts^confîrisViiiation
B
�( 10 )
faite sur le rapport des anciens habitans déjà nommés,
est demeurée sans réplique, ce qui est accepté,* re
quérant lesditg' sieurs commissaires M . de Chazours
de leur, indiquer laa partie,.dudit terrain défrichée antérieurement à une année, d’avec celle défrichée pos
térieuremenj: ^à une année. »
M . de^Chazours leur répond que tout ce qui est la
bouré a été défriché de temps immémorial.
Les commissaires ne veulent pas y croire, et font en
core des protestations, en disant que la ville assemblée!
saura relever et détruire les prétentions du sieur de
Clïazours. Puis ils signent encore pour la dernière fois,
en ajoutant que les droits des habitans se trouvent con
servés par.leurs réserves et protestations, qu’ils réitèrent
encore pour la plus grande satisfaction de leurs commettans.
Enfin, voilà ce procès verbal fini, et il en étoit bien
temps. Ou a cru devoir le faire connoître dans tous ses
détails , parce que M . le maire de Gannat le produit
comme une pièce importante pour sa commune; et certes
il l’est bien davantage pour le sieur de Chazours.
Où est en effet cette instance qui devoit suivre Vopé
ration d'aujourd'hui ?
Qu’a fait la ville assemblée, pour éteindre les préten
tions du sieur de Chazours?
Si la ville de Gannat s’est assemblée , c’est pour se
«
«
if
«
k
te
tair.ç ;
C’est pour reconnoître qu’on lui avoit fait faire une
fausse démarche; .
!
C’est pour laisser M . de Chazours défricher tout à son
�( « ) '
aise, sans oser lui intenter ce procès si solennellement et
si indiscrètement annoncé.
Si on doutoit de cette suite de défrichemens, on en
trouveroit la preuve dans un autre procès verbal, du 23
juin 1768, que M . le maire de Gannat a eu la bonté
de conserver, pour attester ce fait.
Ce défrichement de 1768 étoit considérable, et c’étoit
bien encore le cas que la ville s’assemblât pour éteindre
ce qui étoit un peu plus que des prétentions *, mais on
voit seulement que, dans une tournée générale ordonnée
par la commune pour constater les usurpations des voi
sins, et parmi trente-sept anticipations constatées (car
la ville de Gannat ne se mettoit pas en recherches pour
peu de chose ), les indicateurs firent écrire au procès
verbal que M. de Chazours avoit anticipé cent quatrevingts pas de plus cette année, dans le ténement des
Bruyères.
Cet acte demeura inconnu à M . de Chazours, qui
continua de faire des actes de propriété jusques à la
révolution.
En 1789 , plusieurs individus allèrent à la mairie de
mander qu’on verbalisât encore pour des usurpations at
tribuées non-seulement à M. de Chazours, au delà du
ruisseau de Sigilon , mais encore à M . de Fontanges,
dont les propriétés joignent les véritables communaux
de Gannat, en deçà du ruisseau de Sigilon.
En conséquence, on dit par un procès verbal du 17
août 1789, que des commissaires se sont transportés sur
les lieux , « avec les indicateurs pris dans la classe
« des paysans cultivateurs ; et suivant leur déclaration,
B a
�«
«
«
«
«
«
«
»
«
( 12 )
il paroît qu’en entrant par le cliemin de Gannat allant
à Chazours, au delà du r i f de Sigïlon ,;M . de Chazours
a annexé A u n e t e r r e q u i l u i a p p a r t i e n t , 'APp e l é e d e s B r u y è r e s , la quantité de quarante septerées de terre, ou environ, anciennement défrichées,
prises dans cette partie du communal ; et autant que
peuvent se rappeler les indicateurs, ils ont fait remarquer 4qu’il y a environ trois septerées nouvellement
défrichées, et le tout en guérêt, etc. »
En ce temps-là y . l’assemblée constituante rendit un
décret, le 18 décembre 1789 , portant défenses aux mu
nicipalités et communautés d’habitans, sous prétexte
dÜusurpations, droit de propriété, ou tout autre pré
texte, d’agir par voies de fait, etc.
Cependant les soi-disant indicateurs ne se bornoient
pas, comme autrefois, à faire verbaliser à Chazours : les
temps étoient changés; et des menaces très-vives épouvantoient les colons pour la sûreté de leurs récoltes. Le
sieur de Chazours fit enceindre les ensemencemens de
l’année suivante de larges fossés, et ne douta pas que la
municipalité e lle-m êm e, conformément au décret cidessus, ne les prît sous sa protection.
Il se trompoit. M. le procureur de la commune donna
le 20 juin 1790 un réquisitoire ainsi conçu :
« i°. A ce que, pour les terres dont M. Defaure est
« en possession avant le 4 août 1789, il soit dit et or« donné que l’on se pourvoira par les voies de droit
« devant les juges qui en doivent connoître; que les six
* quartelées nouvellement ensemencées et défrichées par
�( ?3 )
«
le sieur Defaure,
s o i e n t , r é c o l t é e s e t ENGRANGÉES
« PAR DES GENS QUE VOUS COMMETTREZ A CET EFFET-',
«
«
«
«
«
et qu’il sera fait défenses au sieur Defaure dé n’y rien
recueillir. Requiert aussi q u ’i l s o i t e n v o y é d e s g e n s
pour combler les fossés faits tant dans le communal
que dans le chemin qui conduit à Begues et aux
Viviers. »
»
Y eut-il une délibération prise sur ce réquisitoire? on
l’ignore. Le- sieur de Chazours ne fut informé de ces
mesures que par l’apparition inopinée d’un officier mu
nicipal suivi d’une foule d’hommes venant en tumulte
dans ses propriétés, pour couper et enlever la récolte
ensemencée dans vingt septerées ou environ du ténement
des Bruyères. Le sieur de Chazours, informé de cette
irruption par le bruit considérable qui l’accompagnoit,
s’enferma dans sa maison, avec toute la terreur et l’in
quiétude qu’on peut aisément supposer. Il défendit même
aux gens de sa maison d’aller en apprendre la cause, de
peur d’irriter la multitude.
Toute la récolte du maître et du colon fut enlevée,
chargée, conduite et engrangée à Gannat. L ’attroupement
n’étant irrité par aucun obstacle, se borna à des cris et
des menaces, et se retira, escortant cette récolte comme
une conquête.
Voilà ce qui s’est passé en 1790, dans cette année
que M. le maire de Gannat, dans sa satisfaction, appelle
« Vépoque du véritable esprit public, dirigé par Vamour
« du bien général, et par une opinion réfléchie ? dégagée
« de toute prévention. »
�.
(*4 )
Quoi qu’il en soit, et quelle que fût la direction de
cet esprit public, il falloit louvoyer, et se garantir, s’il
se pou v o it, de toutes incursions nouvelles. JLe sieur de
Chazours exposa sa situation à la municipalité assemblée,
qui blâmant, il faut le croire, ce mouvement révolu
tionnaire, mais forcée peut-être par la difficulté des
temps de ne pas rendre une sévère justice, proposa un
arbitrage au sieur de Chazours , pour régler les limites
des communaux.
Un arbitrage en cette matière, étoit une chose fort
bizarre ; mais il n’y avoit pas à hésiter. Le sieur de
Chazours se trouva trop heureux d’accepter ce qui avoit
un simulacre de justice, et ce qui donnoit du temps;
en conséquence , par délibération du 20 mars 1791 ,
M M . Legay père, et Becquemi, experts, furent choisis
pour prendre connoissance des titres, s’aider du témoi
gnage des anciens hahitans et gens connoissant l’état
des lieux, et faire leur rapport devant trois hommes de
lois, chargés de prononcer définitivement sur la contes
tation.
Cet accord fut homologué par le département, et les
experts se réunirent. M. de Chazours, ne se rappelle
pas s’il donna à déjeûner aux officiers municipaux qui
les accompagnèrent : l’état de gêne où le tenoit cette
affaire, et les menaces violentes des parties intéressées,
ne lui ont pas permis de garder une telle niaiserie dans
sa mémoire.
Il sait seulement qu’il alla sur les lieux, et que fidèle
au compromis, il donna des titres aux experts, mais que
la municipalité ne leur en donna pas.
�( i5 )
Elle n’en a jamais eu.
Mais elle leur envoya ces anciens habitans, ces éter
nels indicateurs, obstinés à appeler communal tout ce
qui avoit été parcouru par leur vaine pâture hors les
temps des défrichemens.
On voit tout de suite comment les choses dûrent se
passer, quelle aigreur s’en mêla , quelles menaces en
furent l’accompagnement.
Aussi ne fut-il plus question de permettre aux experts
de faire leur rapport à des hommes de lois, pour avoir
une décision définitive.
Les experts eux-mêmes, intimidés, et pressés d’émettre
une opinion, conseillèrent au sieur de Chazours d’adopter
les limites qu’on voudroit prescrire. Mandés à la mairie
avec le sieur de Chazours, il s y rendirent avec la cohorte
des indicateurs, et là fut rédigée, le 30 avril 179 1, une
prétendue transaction , par laquelle rejetant dès la pre
mière ligne la distinction adoptée jusqu’alors entre les
communaux de Chantoirat et le ténement des Bruyères,
tout est confondu sous le nom des communaux de Chan
toirat. On y dit que les titi'es et documens respectivement
produits, n’ont pas procuré des éclaircissemens sufïisans
sur les vraies limites : en conséquence de quoi on fixe
les lieux où seront plantées deux bornes aux angles, et
des bornes intermédiaires. Il est dit que Laplanche ,
expert, placera ces bornes en présence du sieur de
Chazours, qui a promis de s'y rendre.
Cette transaction n’a pas été homologuée, comme on
pourroit le croire, d’après cette pièce retrouvée, que
�( 16 )
M. le maire annonce dans son mémoire ( page i 5 ).
On avoit bien fait homologuer le compromis, qui pré
cisément n’a pas été exécuté ; mais on n’a pas osé pré
senter à l’homologation la pièce qu’on juge à propos d’ap
peler une transaction.
Elle a cependant été exécutée, et on peut dire même
largement exécutée ; car on a pris ce qu’on a voulu ;
et si l’abrégé de plan, qui est dans les pièces de la mairie,
est fidèle, évidemment la commune a pris beaucoup plus
que d’abord elle ne .vouloit prendre.
Mais aucune borne n’a été plantée. Le sieur de Cha
zours , une fois sorti de la municipalité, n’a eu garde d’en
requérir la plantation ; et les habitans eux-mêmes, plus
pressés de s’emparer que d’exécuter leur acte, ont’ oublié
que cette plantation en étoit'partie intégrante et nécessaire;
. On sait que de jour en ijour les tëmps devinrent plus
orageux ; il falloit de la patience .pour de plus grandes
choses, et M . de Chazours rongea son frein. En 179 3,
il fut incarcéré à Moulins, comme suspect; ses biens
furent mis en séquestre, et un maréchal de Gannat en
ut le fermier national.
>
Les communaux furent partagés ; ils devoient l’être par
tête , et on fut forcé d’en donner un lot au sieur de
Chazours. M. le maire de Gannat paroît extrêmement
satisfait que M. de Chazours ait eu ce lot, et il en tire
les plus grandes conséquences. Mais un maire sait bien
que ce n’est pas l’habitant qui se fait son lot. L e sieur
de Chazours n’en a pas dem andé, il 11’a pas même assisté
aux délibérations; il en étoit empêché. On l’a compris,
comme
�( *7 )
comme tout le m onde, dans un partage municipal *, il
n’eut pas été prudent de refuser un lot, et le sieur de
Chazours a laissé jouir le sien par un vieux domestique,
comme s’il avoit prévu que la mairie, se prévalant de
son propre fait , lui feroit un jour une aussi singulière
objection.
En l’an 13 , les habitans de Gannat ont fait un nou
veau partage, et M . le maire n’a pas manqué de re
chercher si ce lot ne se trouvoit pas placé dans le terrain
contentieux. On voit, à la page 14 de son mémoire, qu’il
s’efforce de le faire entendre ainsi, en disant qu’il est
dans ce même ténernent des Bruyères, mais dans une
partie séparée par le ruisseau Sigilon.
Ce n’est là qu’une équivoque, mais elle n’y est pas
placée sans cause. Pourquoi dire que ce lot est dans le
ténement des B ruyères, lorsqu’il est dans le vrai com
munal de Gannat, dans le local appelé Chantoirat, qui
n’a jamais eu d’autre nom ? Pourquoi dire que M . de
Chazours a -participé au second partage , et ratijié par
là ce qu’il attaque, lorsqu’au contraire M. de Chazours
a formé opposition à ce partage, par exploit de l’huis
sier Labalme ? Il n’a pas plus voulu jouir de ce lot que
du premier; et certes il ne pou voit pas empêcher qu’on ne
lui donnât encore un lot malgré lui : il avoit fait tout
ce qu’il pouvoit faire, en protestant par écrit, et en assi
gnant en désistement.
C’est en effet en l’an 13, et précisément avant ce partage , que le sieur de Chazours a commencé sa récla
mation. Jusqu’alors, se reposant sur l’inexécution de cet
acte de 1791, quant aux bornes, et sur les lois qui prosG
�( i8 )
cri vent les actes de violence, il avoit attendu avec pa
tience l’instant favorable de rentrer dans ses droits. Les
anarchies et les factions qui s’étoient succédées depuis
1793 jusqu’au consulat, ne lui avoient présenté aucune
occurrence favorable. Enfin, voyant l’ordre affermi, et
les lois en vigueur, il présenta une pétition à la préfec
ture, pour parvenir à l’annullation de l’acte de 1791.
Un conseiller de préfecture répondit, par un arrêté du
12 frimaire an 13 , qu’il autorisoit le sieur de Chazours
à plaider devant les tribunaux, néanmoins en ajoutant
son avis dans des motifs contraires au sieur de Chazours,
et en disant qu’il y avoit un acte solennel et authentique,
et qu’il faut faire respecter les conventions écrites.
Quoi qu’il en soit de cet avis, M. de Chazours a fait
assigner les habitans de Gannat en la personne de M. le
maire, par exploit du 21 prairial an 13 , pour voir
annuller l’acte du 30 avril 1791, et se désister du terrain
placé entre le ruisseau de Sigilon et les autres propriétés
du sieur de Chazours.
Cette demande n’étoit pas de nature à éprouver de
sérieuses contradictions : aussi, par jugement du 4 août
1809, la nullité de la transaction a été prononcée.
11 est vrai que cette nullité n’a pas été fondée sur la
violence, parce que les habitans de Gannat n’avoient
encore jugé à propos de produire le réquisitoire de 1790,
et qu’ils soutenoient n’avoir usé d’aucunes voies de fait.
L e défaut d’autorisation pour transiger étoit un motif
suffisant, et le tribunal s’est borné à celui-là, en élaguant
toutes les fins de non-recevoir opposées par la commune.
Cette nullité devoit naturellement amener le désiste-
�( i9 )
ment; mais en désespoir de cause, M .le maire de Gannat
a trouvé le moyen de le retarder encore : n’ayant plaidé
que sur la nullité, il a dit qu’il avoit des titres, et il
a demandé un délai pour les produire. Le tribunal s’est
laissé toucher par l’idée que ces titres à produire seroient
peut - être d’une grande importance ; en conséquence ,
après avoir prononcé la nullité, il a dit : « Attendu que
« la commune de Gannat n’a pas suffisamment déduit
« ses moyens pour établir son droit à l’objet litigieux ;
« que son importance nécessite d’accorder un délai à
« la commune pour déveloper ses prétentions et faire
« la recherche de ses titres, si aucuns y a;
« Le tribunal déclare nulle la transaction du 30 avril
« 1791 ; et pour être fait droit sur la demande en dé« sisteinent, remet la cause d’un mois, etc. »
A u lieu d’un mois, la commune en a d’abord pris
huit, et s’est laissé condamner par défaut, le 12 avril
1810 : son opposition lui a donné un délai de dix autres
mois. Et c’est ainsi que se jouant de la justice et de sa
promesse de rapporter des titres qu’elle n’a pas, la com
mune de Gannat, contre toutes les règles , s’est main
tenue en possession.
Maintenant que M. le maire de Gannat est forcé d’a
vouer qu’il n’a aucune espèce de titres, il n’en est pas
plus déconcerté; et pour se tirer d’embarras il dénature
le genre de la cause, et feint de se regarder comme un
simple défendeur qui attend paisiblement les preuves de
propriété que la loi exige de tout demandeur.
Il dit au sieur de Chazours *.
i°* C’est vous qui êtes demandeur en désistement ;
C 2
�( 2° )
c’est à vous à justifier votre demande par des titres,
et vous seul devez en produire; 2°. vous m’avez mal
assigné, puisque ce sont des individus qui jouissent,
et non le corps commun; 30. vous êtes non recevable,
pour avoir participé deux fois au partage des commu
naux ; 40. enfin , comme seigneur de Chqzours, vous
n’avez possédé qu’à titre féodal, ce qui est proscrit par
les lois de 1792 et 1793.
Voilà la somme des eiiorts de M . le maire de Gannat,
et à quoi se réduisent toutes les objections qu’il met à
la pince de ses titres. Il s’agit d’y répondre, et la tâche
ne sera pas bien difficile.
M O Y E N S .
Il ne faut plus parler, comme le dit très-bien M. le
- maire de Gannat, de l’acte de 1791, puisqu’il est déclaré
nul par un jugement non attaqué; mais il ne faut pas
gémir avec lui sur ce premier acte de justice, ni l’appeler
un mal , car il n’est encore qu’un demi-mal; et il est indu
bitable que si ce jugement n’étoit pas rendu, et si le
tribunal eût pu soupçonner qu’on l’induisoit en erreur
sur des titres qu’on étoit hors d’état de produire, M. de
Chazours ne seroit pas obligé de lutter encore pour ob
tenir le complément de la justice qui lui a été rendue.
Oublions cependant que M . le maire de Gannat a
pi’omis de fournir des titres, et ne nous souvenons que
de ses quatre objections.
La première est proposée comme la plus embarrassante;
�( 21 )
c’est par elle que M. le maire commence ses moyens, et
c’est par elle qu’il les termine en la développant ; c’est
l ’alpha et l’omega de ses pensées. Il est visible que c’est
là qu’il a placé toute sa confiance; et en vérité voilà une
confiance solidement établie.
Rien n’est plus incontestable que la maxime invoquée
par M. le maire de Gannat, que tout demandeur doit
justifier sa demande, et que le défendeur n’a rien à prouver.
Sans difficulté , lorsque les choses se sont passées régu
lièrement, il n’y a pas même lieu de mettre cette vérité
en problème; elle se réduit à dire que celui qui,possède
n’a rien à prouver \possideo quia possideo, Si on l’assigne
il n’a que cela à répondre.
G’étoit aûssi tout ce qu’avoit à répondre M . de Cha
zours, lorsqu’on le menaçoit, en 1765, d’un procès qui,
disoit-on, alloit commencer tout de suite. 11 ne commença
pas; et M. de Chazours étoit encore en état, en 1790,
de répondre à la commune de Gannat : C’est à vous à
tout prouver, car je suis possesseur.
Cependant il se trouve un procureur de la commune
qui tranche la difficulté, et qui abrège singulièrement le
procès. En vingt-quatre heures la règle possideo a changé
de citateur; et par suite de cette admirable prévoyance,
M . le maire de Gannat dit aujourd’hui froidement à
M . de Chazours, après l’avoir chassé de chez lui : C’est
à vous qui vous plaignez, à tout prouver, car aujour
d'hui vous ne possédez plus.
Ainsi on pourroit donc renverser les maximes fon
damentales de la propriété, et changer les qualités des
�^ ( 22 )
parties, en réduisant à être demandeur celui qui n’avoit
rien à prouver.
-Aucune loi n’a laissé échapper une telle monstruosité;
et au contraire, en remontant à cette législation vaste
qui prévoyoit tout, nous trouvons un livre entier du
digeste consacré à nous donner des idées plus saines, et
à nous enseigner comment il faut entendre les règles
générales de cette matière.
Le législateur avoit fait, sur les contestations élevées
en matière de désistement et de possession ( interdicto
ati possidetis ), plusieurs lois explicatives, afin que le
juge s’occupât, non pas de celui qui étoit le demandeur
de fa it, mais de celui qui devoit l’être, ut nimiriim
sciatur quis actoris, qui s rei partibus fungi debeat, et
cui incumbet onus probandi.
Ces sortes d’actions étoient, par cette raison, appelées
extrordinaires, parce que la règle que le demandeur doit
tout prouver cessoit. Quand le possesseur ancien avoit été
troublé , le juge ne recherchoit autre chose , si ce n’est le
fait de cette possession, et, sans autre examen , il remet
tait le possesseur en l’état ou il étoit d’abord ; c’étoit
alors à l’autre partie à se constituer demandeur.
Rien de tout cela n’est étranger au droit français. La
maxime spoliatus antè omnia restituendus, est le som
maire de tout le livre 43 du digeste ; elle est le fon
dement de toutes les actions en complainte et réintégrande, qui sont singulièrement protégées par nos lois.
.. Celui qui est troublé a le choix de plusieurs actions.
Peut-il élever sa voix dans l’année, alors un juge de
�( *3 )
paix le rétablit promptement dans ses droits; et celui
qui l’a troublé ne peut, même avec les meilleurs titres,
être admis à prouver qu’il est propriétaire, qu’après avoir
rétabli le demandeur dans sa possession, rendu compte
des fruits, et.tout payé, même les dépens.
Veut-il prendre la voie criminelle si le trouble a eu
lieu de voie de fait, l’action lui est encore ouverte, et
il faut encore que tout soit rétabli et soldé avant qu’on
puisse l’attaquer au pétitoire.
Enfin, si l’action n’a pas pu être intentée dans l’année,
ou si, comme dans l’espèce , le trouble a été suivi d’un
simulacre d’acte qui colore la possession de l'usurpateur,
alors il faut bien que le troublé s’adresse aux tribunaux
civils pour faire tomber l’acte qu’on lui oppose; mais
cet obstacle étant vaincu, chacun rentre dans ses droits,
en vertu de la maxime spoliatus antè ornnia restituendus.
Les parties reprennent alors les qualités de demandeur
et défendeur, comme elles eussent dû le faire avant
Yacte et le trouble; et certes ce seroit donner une prime
à l’usurpation, si l’ancien possesseur paisible étoit réduit
à prouver sa propriété, avant d’être rétabli dans sa
possession.
Tel est l’objet de« la cause actuelle , et c’est en vain
que M. le maire de Gannat feint de s’y méprendre. M. de
Chazours n’est pas demandeur au pétitoire, pour réclamer
ce qui est paisiblement possédé par un autre; il est sim
plement demandeur en nullité d’un acte de violence qui
l’a dépossédé lui-même, et il a conclu au désistement
de l’objet usurpé , toujours d’après lu règle spoliatus
�( 24 )
ante omnia restituendus, Lorsqu’il a prouvé la nullité
de cet acte, il a fait tout ce qu’exigeoit sa qualité de de
mandeur.
' Le procès actuel est donc fini ; et quand il plaira à
M . le maire de Gannat d’en commencer un autre, comme
demandeur au pétitoire,, M. de Chazours sera prêt à
le soutenir.
Mais M . le maire de Gannat se fait quelque part un
moyen de ce qu’il n’existe pas de bornes d’entre les com
munaux et les champs de Chazours. Veut-il en conclure
qu’en attendant sa dépossession il faut vérifier actuelle
ment les limites? Mais cette objection ne seroit qu’un
prétexte de violation des principes; le savant Domat va
y répondre.
- « Si des parties qui sont en procès pour des confins,
« se contestent aussi la possession des lieux qu’il faut
« borner, il faudra premièrement juger la possession ;
« car la question des confins regarde la propriété , qui
« ne doit être jugée qu’après la possession. ( Liv. 2 ,
« tit. 6 , sect i re. , n°. 8.) »
Le motif de ce principe vient toujours à l’appui de
la situation du sieur de Chazours, ut hoc online f a c t o ,
de dominii disceptatione probationes , ab eo qui de
possessione victus e s t, exigantur. ( L . 35 , 1T. de acq.
rel am. poss. L. 3 , C. de in terdie t. )
Il faut donc regarder comme un point certain et in
dubitable, que ce n’est pas à la commune de Gannat à
faire les conditions au sieur de Chazours ; que c’est à
elle-même à montrer des titres de propriété si elle en
�(*5 )
com m e elle l’a avan cé; et q u e, dans l ’état actuel, n’y <
ayant eu de procès que pour une rescisiQn qui remet les
parties au même é ta t, la rescision prononcée ne laisse
plus qu’à prononcer le désistem ent, pou r que M . de
Chazours soit remis en possession.
Ces principes invoqués par M. de Chazours ne pourroient céder qu’à la démonstration évidente que feroit
la commune de Gannat, de titres précis et non sujets à
litige. Peut-être bien que par esprit d’équité le tribunal
ne se décideroit pas facilement à expulser celui qui ,
malgré un titre vicieux, viendroit en exhiber un sans
reproche, qui auroit été méconnu : c’est ce qu’a dû
supposer le tribunal, lorsque M . le maire de Gannat a
promis d’en produire ; et pour ne rien précipiter , le
tribunal a suspendu le complément de sa décision.
Maintenant il est éclairci que la commune de Gannat
n’a de titres d’aucune espèce. Un confin vague et incer
tain , énoncé dans deux ventes, contemporaines de la
tracasserie de 1680 , et du fait de deux habitans de
Gannat, ne peut pas être honoré sérieusement du nom
de titre. 11 est donc impossible que la commune de Gannat
tarde plus long-temps à se désister ; et tout délai par elle
obtenu depuis la rescision du titre vicieux de son usur
pation , n’est qu’une prolongation de durée de la loi du
plus fort.
La deuxième objection de M. le maire de Gannat n’est
qu’un faux-fuyant sans intérêt et sans but. O11 n’a jamais
pu assigner que le maire pour réclamer ce qu’il prétend
être un communal; si on eût assigné les individus, la
D
�6 )
procédure eût été nulles( a comme
l’a jugé maintes fois
'la Cour de cassation.
■M. le maire de Gannat cite un arrêt de la Cour d’appel,
concernant les héritiers Dufraisse ,' pour un marais du
Cheix. Ce marais avoit été partagé avant la révolution,
en vertu d’un arrêt du conseil; il ne pouvoit donc plus
être revendiqué comme communal, lorsqu’on plaida en
1806 , pour attaquer une sentence arbitrale qui avoit
eu lieu pendant l’émigration de M. Dufraisse.
Mais sans perdre du temps à discuter sérieusement,
et par l’application des lois, une difficulté imaginaire,
il suffit au sieur de Chazours de s’autoriser d’un juge
ment rendu par le tribunal, entre la ville de Riom et
la commune d’Ennezat, confirmé par la Cour d’appel.
’ M . le maire d’Ennezat opposoit aussi qu’y ayant eu
un partage des communaux, fait en exécution de la loi
du 10 juin 1793* et la loi du 9 ventôse an 12 déclarant
-propriétaires ceux qui ont partagé les communaux, eux
seuls avoient dû être assignés.
• Cependant le jugement et l’arrêt ont proscrit cette
prétention, et la procédure faite contre le maire a été
déclarée valable.
Remarquons encore combien M. le maire de Gannat
est favorable à proposer ce mauvais moyen d éform é,
après avoir plaidé au fond , et après avoir succombé
sur l’objet principal3 qui ne laisse plus qu’a prononcer
une exécution de fait d’un désistement déjà réellement
obtenu*
La troisième objection est plus misérable encore ; et
�( 27 )
on ne sait comment qualifier la prétendue" fui de nonrecevoir tirée de deux partages des communaux auxquels
on prétend^que M. de Ghazours a participé.
Il a déjà dit que si le premier partage, fait en exécu
tion de la loi du 10 juin 1793 , a compris le terrain
qui lui avoit été enlevé en 1790, c’est par suite de la
voie de fait qu’il n’avoit pas pu empêcher. Ce partage
se faisoit en 1794, à une époque où le sieur de Ghazours
n’avoit ni la possibilité ni la liberté d’y coopérer. Le
comité de surveillance de Gannat y avoit mis bon ordre,
en ordonnant, par un arrêté du 5 juin 1793, que le sieur
de Chazours seroit tenu d’habiter la ville de Gannat,
sans pouvoir en sortir sous quelque prétexte que ce soit.
Ensuite il fut envoyé en,détention à M oulins, où il est
resté jusqu’au 19 brum aire an 3.
N’est-ce donc pas, de la part de M. le maire de Gannat,
une ironie cruelle, de supposer, aux pages 14 et 19 de
son mémoire, que le sieur de Chazours a participé volontairement au partage des communaux par deux fois,
et que par avidité il a même abdiqué le domicile qu’il
se donnoit à la Combe ppour profiter du domicile réel
qu’il a à Chazours, afin d’avoir sa part des communaux?
Cet arrêté de surveillance, du 5 juin 1793 ( joint aux
pièces ) , prouve combien le choix d’un domicile étoit
volontaire au sieur de Chazours. Une participation au
partage de 1793? n’étoit pas plus volontaire de la part
d’un proscrit, et d’ailleurs on ne Yy appela pas. Enfin,
quant au partage de l’an 13, commencé après la demande
de M. de Chazours contre la commune, qu’a-t-il pu faire
de plus que de protester par écrit contre ce partage, et
Ü2
�(zS)
de former opposition par un huissier, à ce qu’il comprît
la portion de terrain pour laquelle il étoit en procès.
Comment après cette opération M . le maire de Gan-^
nat a-t-il pu imprimer sérieusement qu’il y avoit par
ticipation volontaire, acquiescement et fin de non-recevoir contre la demande ?
Venons h la dernière objection de M . le maire de
Gannat; il s’est plu à la développer comme un point
de droit très-ardu. M. de Chazours, dit-il, étoit sei
gneur; or un seigneur ne pouvoit pas avoir des terres
vagues ou pacages, qui de leur nature appartiennent aux
communes. D onc la commune de Gannat aura l’objet
contentieux à titre de terres vagues.
A la vérité, avant d’en venir à cette solide conclu
sion, M7 le maire de Gannat a préparé sa matière, en
disant que M. de Chazours n’ayant pas de titre, et ob
ligé de l’avouer, y supplée en trouvant dans la loi de
1793 que ses titres o n t été brûlés ; et sur ce supplém ent,
en effet très - ridicule, M. le maire de Gannat s’égaye
pendant une page entière (3 0 ) aux dépens de celui
qu’il signale comme raisonnant tout de travers.
M . de Chazours ( d’ailleurs fort enchanté d’avoir pu
fournir l’occasion de cette gaieté à M. le maire de Gan
n at), peut bien avoir dit que tous ses papiers avoient
été brûlés, parce que c’est la vérité , sans qu’il y ait
rien de plaisant dans cet événement. Il peut bien re
gretter la perte d’une transaction du i 5 avril 1698, qui,
faite à une époque non suspecte , et pour l’assiette des
cens dûs par le domaine de Chazours, devoit être pré-
�( 29 )
cieuse pour la cause. Mais ce n’est pas dans la loi qu’il
a trouvé ce brûlement, pas plus qu’il n’a trouvé dans ce
brûlement une preuve de propriété.
C’est un malheur, sans doute, pour le sieur de Cha
zours d’avoir perdu des titres qui lui eussent plus d’une
fois, peut-être, épargné des procès. Mais s’il est privé
d’en justifier ici, il a du moins l’avantage de n’en avoir
nul besoin, puisqu’il étoit en possession de défricher,
de temps immémorial, le terrain en contestation, lors-*
qu’il a été expulsé par voie de fait.
• S’il lui falloit des titres à l’appui de cette longue pos
session , la mairie de Gannat a conservé l’acte de 1680,
et le procès verbal de 1765, qui constatent qu’il y a eu
possession après contradiction ; ce qui incontestablement
est le signe de propriété le plus infaillible.
Le sieilr de Chazours prouve encors, par une prise
de possession notariée, du 26 novembre 1748, que son
1 père ayant acheté du sieur de la Fauconnière le droit
de justice dans Vétendue de ses biens de C hazours,
le seigneur de la Fauconnière, qui avoit intérêt de res
treindre les limites de ce démembrement de fief, en fit
une circonscription exacte ; et on y lit que cette étendue
des biens, alors appartenons au sieur de Chazours, com
mence de la Croix de Saint-Antoine à l'étang R oup,
le long du ruisseau, et de là , en suivant le même ruis
seau , jusq 11 au pré du sieur de Chazours , confinant
ceux du domaine de la Cabome. Ensuite , et après avoir
décrit tout ceconfin, qui précisément est celui qui sépare
Chazours des communaux de Gannat, on continue l’enceinte aux autres aspects, et généralement dans tout ce
�( 30 )
qui peut appartenir audit sieur de Chazours, dépendant
dudit domaine de Chazours, suivant les termes de l’acte.
M. le maire de Gannat ne sachant comment com
battre un titre aussi précis, et n’ayant rien de pareil à
produire de son côté (quoiqu’aucune loi n’ait fait brûler
les titres de sa commune), trouve plus commode d’en
appeler à la féodalité : et avec ce cri de guerre, il croit,
comme Gédéon, que tous les remparts qui lui font obs
tacle vont tomber en ruine, pour faciliter sa victoire.
Mais ne perdons pas de temps à rechercher si les lois
féodales ont ôté aux seigneurs leurs propriétés foncières],
ou simplement les redevances féodales; demandons seu
lement à M. le maire de Gannat où il a trouvé que M. de
Chazours étoit seigneur de Gannat.
Car il faudroit qu’il fût seigneur de Gannat, et qu’il
eût dépouillé les habitans de leurs biens par sa puissance
féodale, pour donner lieu à l’application des lois des 28
août 1792, et 10 juin 1793, dans le cas ci t é, ainsi que
l’a jugé la Cour de cassation, par trois arrêts des 7 mes
sidor an 12 , 17 vendémiaire an 13 , et 19 février 1806.
En effet, où seroit la puissance féodale sur ceux qui
étoient hors le fief, et soumis à une autre féodalité?
O r, 011 a vu que Chazours n’étoit qu’un simple do
maine roturier jusqu’en 1748, et qu’il étoit dans le iief
et justice de la Fauconnière ; qu’alors le domaine direct
y fut réuni par la vente qu’en fit le seigneur de la Faucon
nière. Mais les habitans de Gannat n’étoientpas dans la
seigneurie de la Fauconnière, et par conséquent ils ne
sont pas devenus assujétis à la puissance féodale de l’ac
quéreur de 1748.
�( 31 )
Cet acquéi’eur de 1748 étoit bien moins seigneur encore
en 1680 ? lorsqu’on le taxoit comme usurpateur, et qu’il
résistoit à cette taxe, en défiant de prouver qu’il eût
rien usurpé sur Gannat.
Ce n’éloit alors aucune puissance féodale qui empêchoit
les habitans de Gannat de soutenir qu’il y avoit usurpa
tion, pour empêcher le sieur de Chazours de jouir,
comme il l’a toujours fait, jusqu'au ruisseau Sigilon,
et de défricher successivement ce dont il jouissoit comme
propriétaire.
Que deviennent après cela toutes les citations de M. le
maire de Gannat, pour prouver, i° . d’après Dumoulin 7
Basmaison, etc., que les terres incultes appartiennent
au maître du territoire, et non au seigneur de la justice;
2°. que les lois de 1629 et 1667 défendent aux seigneurs
d'usurper les communaux, et permettent aux habitans de
rentrer dans ceux qu’ils auroient vendus ou donnés*
30. que la loi du 10 juin 1793 attribue les communaux
et terres vagues aux habitans des communes dans h
territoire desquelles ils sont situés.
Aucune de ces autorités n’a d’application. Basmaison ,
sur l’article 19 du titre 27 de la Coutume d’Auvergne, dit
bien en général que les vacans sont présumés être aux ha
bitans ; mais il faut le suivre dans sa distinction. «Les terres
« hernies et vacans d é f r i c h é s , sont réputés être au
« seigneur du territoire, et non pas au public , ni aux
« villes, bourgs et bourgades. » Dumoulin dit, sterilia
et inculta ; et ici il s’agit de terres défrichées successi-
�C 32 )
vem ent, et en suivant périodiquement les surfaces qui
pouvoient donner des récoltes.
Cet auteur, en disant encore que ces terres vagues sont
au maître du territoire, ad dominum territorii, laisseroit la preuve de propriété à faire à la commune de
Gannat. C’est.donc à elle à produire des titres pour montrer
que le territoire de Gannat va au delà du ruisseau de Sigilon, et dans la partie que l’acte de 1748 dit appar
tenir au sieur de Chazours, et être une dépendance de
son domaine.
Les ordonnances de 1629 et 1667 sont étrangères à la
cause. Il n’y a ici aucun communal vendu ni donné ; aucun
titre ne constate ni aliénation, ni usurpation féodale.
La loi du 10 juin 1793 laisse encore tout à prouver
à la commune de Gannat, puisqu’il faut que le terrain
soit dans son territoire, et que ce soit des terres vagues
et abandonnées, si déjà elles ne sont pas reconnues comme
communal.
Quelque dure qu’ait été cette lo i, elle ne pousse pas
l’injustice au point de dispenser les communes de toute
preuve, lorsqu’elles voudront s’arroger des propriétés
d’autrui. Elle ne change rien aux principes enseignés
par Coquille, qui, tout en disant que les communaux
appartiennent de droit aux liabitans , ajoute que cette
présomption cesse, s'ils ne rapportent point de titres,
ou s'ils ne payent aucune redevance.
E n fin , la rigueur de la loi n’a jamais ete étendue aux
terres en culture, dans les cas même où le seigneur avoit
usé de sa puissance féodale; caries terres hermes et vacans
sont
�( 33 )
sont seulement attribués aux habitans; et on connoît sur
cette question un arrêt de cassation, du 27 avril 1808,
qui a jugé la question formellement.
M. le maire de Gannat, après avoir accumulé les plus
mauvaises citations , comprend cependant qu’elles ne suf
fisent pas s’il ne prouve rien ,* et il est allé compulser tous
les registres des notaires de sa commune, pour y découvrir
une vente de 1678, et un partage de 1683, où des vignes
de Chantoirat sont confinées par les communes, de midi.
M. de Chazours a déjà répondu à cette nouvelle produc
tion, en faisant remarquer la date de ces actes et la qualité
des parties. D ’ailleurs Chantoirat est un territoire trèsconsidérable, et s’il confine les communaux, d’une part,
ce n’est pas un signe certain que les actes, dont on produit
une simple note, joignent le local contentieux.
Aussi ce-n’est pas sur cela que M . le maire insiste,
comme preuve, c’est sur ce qu’il appelle la possession des
habitans de Gannat; car, dit-il, ils ont constamment
possédé.
Mais quelle est cette possession si vaguement énoncée ?
Les faits du mémoire de M. le maire nous apprennent
qu’elle a consisté dans plusieurs pacages de bestiaux.
Mais a-t-on jamais vu que le simple pacage attribue
une possession, et soit une preuve de propriété ?
On n’ose pas dire qu’il ait eu lieu en temps de récoltes;
on ne s’en prévaut que comme ayant eu lieu sur les
portions de terre non cultivées, ou après les récoltes
levées ; or, cette espèce de pacage ou marchage n’est attri
butive d’aucune espèce de droit.
« C’est, dit D unod, un reste de l’ancienne communion
E
�( 34 )
« des biens. Le vain pâturage est utile aux communautés,
« et ne fait aucun préjudice aux propriétaires qui ont
« cessé de cultiver leurs héritages, ou abandonné les
« fruits qui peuvent y croître. Mais ce vain pâturage
« n’acquiert point de droit et ne donne pas lieu à la près« cription, etc. Fas est, jus non est. » ( Part, i re. , ch. 12. )
« A in si, dit M. de Malle ville sur l’art. 2232 du Code
« civil, quand j’a11rois pendant cent ans fait paître mes
gc bestiaux sur les fonds en friche de mon voisin, cela
« ne l’empêchera pas de les cultiver. »
La commune de Gannat ne peut donc se prévaloir
d’aucune espèce de possession, sous prétexte d’un pacage.
On a vu que ce pacage ne s’exerçoit que sur les terrains
en friche, et que M. de Chazours et ses auteurs n’ont
jamais cessé de défricher quand ils l’ont voulu.
Les procès verbaux, rapportés par la commune, de
1765, 1768 et 1789, loin d’être favorables à cette pos
session , sont au contraire ce que M. le maire pouvoit
produire de plus formel pour se faire condamner.
En effet, il ne faut pas croire qu’il suffise à quelqu’un
d’avoir consigné dans un acte l’annonce qu’il a faite
d’une prétention; car tout le monde, p?ir ce moyen,
pourroit se faire des titres. Mais il faut persévérer dans
Fattaque ; et lorsqu’on a menacé de former unv de
mande, il faut tenir sa promesse, sinon on est présumé
avoir reconnu n’avoir aucun droit. S i cognitâ rei veritate suum negotium deseruerit , nolens m lite improbâ perseverare.
C’est par ce m otif, qu’en matière de trouble on re
garde comme plus solide le droit de celui q u i, après
�( 35 )
avoir été troublé, b’a tenu aucun compte de la résis
tance, et a continué de jouir.
Ceci s’est même étendu aux servitudes, quoiqu’odieuses
de leur nature; et l’empêchement qu’on a voulu y ap
porter , fait un titre plus fort à celui qui la réclame, lors
qu’il est prouvé qu’après l’empêchement il a continué
de jouir comme auparavant, ainsi que l’enseigne le docte
Fa ber. D ic i solet, interrumpi prœscriptionem servitutis
naturaliter, per contradictionem et prohibitionem ejus,
adversùs quern prœscribebatur,*idtamen intelîigi debet,
si prohibitio tffectum liabuerit : alioquin si prohibitus
in servitute perseveraverit, tanto fortiiis erit ju s prœscribentis.
- Après cela , et quand on relit les procès verbaux de
1765 et 1768 , on n’y voit plus qu’une vaine formalité,
qui n’a pas empêché les actes de propriété du sieur de
Chazours, et qui a seulement affoibli le prétendu droit
que vouloient s’arroger les habitans de Gannat, d’em
pêcher les défrichemens.
Le procès verbal de 1789 signifie encore moins; car
c’est un autre acte obscur, encore moins interruptif
de possession , et qui, en reconnoissant M. de Chazours
propriétaire d’une terre appelée le ténement des Bruyè
res , renverse le système actuel de la commune de Gannat,
et achève la démonstration que si aujourd’hui elle veut
se dire propriétaire d’une portion de ce ténement, c’est
à elle à exhiber des titres.
L ’acte de 1791 est inutile à la commune, puisqu’il est
annuité ; ne le fût-il pas, il seroit inutile à sa possession,
parce qu’il étoit la suite d’une expulsion de voie d e i‘a it;
�( 36 )
arrivée après des menaces d’assignation, qui n’ont jamais
été effectuées. Car, comme le dit Dom at, « celui de qui
« la possession n’est interrompue que par une voie de
« fait, sans forme de justice, ne laisse pas d’être consi« déré comme possesseur , parce qu’il a le droit de ren« trer en possession. Ainsi le temps de la possession de
« l’usurpateur n’interrompt pas la sienne. » ( Liv. 3, t. 7 y
sect. 4. )
C’est donc toujours M . de Chazours qui est réputé
possesseur, d’après les principes; il l’est encore plus
depuis le jugement qui remet les parties au même état*
et qui est passé en force de chose jugée.
O r, on le répète, le possesseur n’a rien à prouver;
et cependant M . de Chazours seul prouve qu’il est pro
priétaire. A u contraire, M. le maire de Gannat ne rap
porte aucuns titres, et ne prouve rien. Comment donc
une cause aussi simple a-t-elle pu donner lieu à une résis
tance aussi opiniâtre, et à des injures aussi réfléchies et
aussi accum ulées? Il ne faut pas s’en étonner, les injures
sont le dédommagement le plus commode de l’absence
des raisons. Elles sont douloureuses pour celui qui en a
été l’objet; mais il est dédommagé à son tour par le
succès , et il est assez vengé en obtenant justice.
M e. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M . M I O C H E , avoué licencié.
A. RIOM, de l’imp. deTHIBAUD, im prim . de la Cour impériale, et libraire,
r u e d e s t a ulcs maison L a n d r i o t »
Mars 1811
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Defaure de Chazours, Louis. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Mioche
Subject
The topic of the resource
communaux
limites de communaux
pacage
vols
experts
arbitrages
troubles publics
bornage
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Louis Defaure de Chazours, ancien capitaine d'infanterie, habitant au lieu de la Combe, commune de Saint-Quentin, demandeur en exécution de jugement ; contre les maire et habitans de la ville de Gannat, défendeurs.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
1680-1811
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0414
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Gannat (03118)
Saint-Quentin (02691)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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Text
POUR
S.r
Josep h
B U R E L L E r N otaire
i m p é r i a l , -habitant
de
la. ville de Varennes-sur-A l l ie r, appelant.
CONTRE.
L es sieurs G u i l l a u m e D E L A I R E ,B
J
D ELA~
' G E N E S T E , et F r a n ç . - B l a i s é B A R D O N N E T D E - L Á - T Ó U L E ' , intimés.
'
'
L e propriétaire d’ une m aison ayant dés vues et égouts sur
le terrain, d ’un voisin , a-t-il le droit de r é c la m e r une portion
de ce te r r a in , à titre de tou r d ’é chelle , en co u tu m e de B o u r
b o n n a is , et sans ft itre ?
,• . »
.
" L é voisin qu i n'a jam ais ce ssé !de* jouir de son terrain e x clu sivem ent , peut-il être contraint d’en ab a n d o n n e r une partie ,
et de batir à une distance q u i ne nuise pas a u x vues d é jà 'é ta b lie s?
C '
est
à cela que se réduit toute la difficulté actuelle.
Elle était d'abord bien plus considérable : car les
�.........
( o
sieurs D elaire et Bardonnet réclamaient co m m e pro
priété le terrain q u ’ils ne dem andent aujou rd ’hui que
co m m e servitude de convenance.
Ils com prenaient q u ’il leur fallait des litres
et ils
disaient en avoir*; mais pour les appliquer il fallait dé
naturer la lo ca lité , et il s la dénaturaient.
I l n ’a pas tenu à eux que la C our ne crût sur leur
attestation qu'il régnait le long de leur maison une ai
sance en d é p e n d a n t , bien distincte, sur laquelle d on
naient des fenêtres ouvrant et ferm a n t ; une ancienne
porte à d e u x battans , ouvrant en d e h o rs, a vec ses
g o n d s, et encore un évier égoutant. L e tribunal de L a palisse a cru tout cela , et a condam né le sieur Burelle. "
L a C o u r a vo u lu éclaircir la v é r ité , et a ordonné une
expertise.
Alors tout ce q u ’avaient attesté les sieurs D ela ire et
Bardonnet n ’a plus été qu'un rêve. L ’aisance s’est trouvée
du côté opposé à celui où ils la plaçaient. L es experts
n'ont vu ni cet évier ég o u ta n t, ni ce lle porte à d e u x
ba tta n s, q u i (suivant eu x ) était encore en place.
Us n ’ont v u , au lieu de celte p o rte , q u ’ un trou irré
gulier, rebâti com m e une usurpation e m p ê c h é e , et mas
qué par des planches; un évier égalem ent condam né en
m açon n erie ; une seule fenêtre au rez-de-chaussée agran
die après c o u p , et b arrée; deux autres fenêtres sous
le toit : le tout sans contrevents au dehors, et un sou
pirail.
L ’expertise condam ne donc tout ce qu’ a v a ie n t mis
en % il les sieurs Delaire et Bard onn et, et l’applica-
�( 3 )
.tion qu’ils faisaient de leurs titres. Mais les experts ter
m inent par ém ettre leur opinion sur la question de
droit qui devait résulter de leur vérification , et ils
opinent pour que les sieurs D elaire et Bardonnet o b
tiennent de la Cour La concession d ’un tour d’échelle ,
V oilà en som m e le résultat de la cause 7 dont les faits
vo n t être rappelés à la C our ; ils dispenseront le sieur
J 3urelle de revenir sur les rapprochem ens de titres et
les raisonneméns q u ’il avait présentés d’abord pour
p ro u ver que lui seul était sincère sur la localité ; il ne
lui restera q u ’à prouver que tout le terrain jusqu'au
m u r du sieur D e la ir e , est sa p ro p riété, et que sans un
“titre contraire, on ne peut pas plus lu.i en disputer; trois
pieds que là totalité parce q u e , dans aucun p a ys,
on ne peut pas ôter du terrain à un voisin, lorsqu’ on
n ’a à lui opposer ni titre, ni possession.
w
;
: 1;., l . :
—; î r' i
r :.
• ’F A I T S . . . ‘ j
‘
..
: - : ï r '!
.
'
I^e sieur Burelle est adjudicataire d ’ un enclos trèsp r é c ie u x , situé au faubourg de la ville de V a re n n e s,
- v e n u des sœurs de la. Charité , e t , avant elles, de la
cure de Varennes.
'
;
f
Ji n i > -A
Cet, enclos.est co n fin é , de bise, par la grande ro u te ;
et d’ occident ^ pctr
baicmciis et jQif.çfoti ¡dit steitr
■D elaire,
. * r
' Ces bûtimens çt jardin du sieur D e la ire , portan t,
jadis, le : nom du logis du; Cheval-Blanc , proviennent
d’ un Gilbert S e n a u d , qui le vendit à Gilbert M o n e r a t,
�( 4 )
le i .cr juin 1689. L ’acte contient un détail de chambres,
■grenier, c a v e , écurie et aisances pour aller à ladite
écurie ; cour et jardin par derrière , le tout ayan t
deux coupées, et se confinant par La terre d u curé de
, T^areiraes ; ! d ’orient et m id i; par la maison, cour et
•jardin de la v e u v e M o in a r d , de n u it, et par le grand
c h e m in , de bise.
;Gilberi D u ch é n e acheta cette maison de M o n é ra t,
¡le 2 8 'mai; 1700.;.O n 'y voit, le m êm e détail des objets
vendus,?at toujours p o u r c o n fin im m édiat La terre du
a ir e dé Varetities\ '
:
n. L e 6 décem bre 1792 ^Philippe D e le v a u x et sa fem m e
^vendirent les ;tniemes 'bâtinifens ei jardin» au sieur B a rdonnet - l a - î T o u l e e n c o r e ; c o n f i n é s r par Le\ jardirù des
D arnes 'de la charité ( l e m ê m e que celui du curé de
V a r e n n e s )« <
: , .>•
-■
jc . ;
-, :
L e sieur B a rd o n n e t-la -T o u le avait réuni a la m aison
, du C h eval-Blanc, le biiïiiiumt M o in a r d , -qui la joignait
¿1 l’occident. Il vendit le tout au sieur L a g en este, le
24 novem bre 1 7 8 3 ) &V n o y a n t pour voisin que des
.religieuses , a V u e crui:>pas -devoir s’assenvir. ail^‘ c o n ^iins de 5e& propres ¡titres."H vendit donc <r une’ m aison
rr com posée de c h a m b r e s , cabinets./'grenier-,
cave,,
; « c our , - c u is jn e , ;les tx)‘urs d ’. é c h e l l e , autres issues,
Les
’ * joups^du côté du clos dés Sœurs g rises,, lajil dajis }e
« haut q u e dans le b a s , dont partie ont é té polontcki«
ùtr\e(it, b o u c h a s par le sieur v e n d e u r ,,ou ses auteu rs,
« et q u ’il sera l i b r e au .sieur accpiéreur de l'aire ouvrir
*
h sa v o l o n t é j p l u s , u n jardin .et m o r c e a u de t e r r e *
�r«
«
.e?
«;
<C‘-5P
avec un p u ils ^circonstances et dépendances, e.n fun
seul té n e m e n t, d’entour trois coupées,, y compris
le sqJ des-.büjtir^ens e t ç o u r ^ j^igpant le grand cliemin fdç sP Wis a .¡Lyon
'4e, ¿4 ch a-
f rt i * > S c%}A'k\ pis 1 ri(>•t c ' ^rcrb j,l il
:.y •<*
-jG - *r *
L• - ’année
suivante,
le s*r
tagen.este
vendit
les
-mêmes
c. . . 7
.J J ..O :
' a. u R
r ;i_ .xi
■
* ' ! I‘
:•
objets -•au sieur
;Drelaire, ?en suivant
m ot
pour mot
le
c i . “ l ' . ' . M J. i i J
) 1.1J : ii
i l . J>. , j , . i
; '.‘ i . .) i
o . . . r.,-
^ é f a il0e t , l e ? q o R t o 4 h A ? 4M * i i . i u>oi> t f
oi; Î ' f
ai,
ê F ^ M .Ç ^ e^ ; ! î ç n^ i l ps;Ç®iFir^e
,1a charit,é..^çoptjg^.^Faiçe. ^nfj^ab^t.ion.j.Il ne pouv a i t la p l a ce r q u e d u côt^, du „grand f b e m i n * et sur
ra^gnemgn.t
-È i^ia î p } eji?
g litres p^aisp^Si Jl^batit , d o p e ;d 'a b o r d
t ì of gw é de ,|fi cj^ i^ p ;n .P ,$ l^ r e y J ’espace
,-cour * tçi^ fatten d ant^qu'il
.pût com pléter -ses c,onstrucUo,ns, p a r -une écurie et
^t I^a ^l^^ernjat.ur^lle de^ceye.rem ise. rélait Vis-à-vis sa
jg h isp n * c ^ t - à j ^ i r ç ^ Jp ltp-ng ;% qcelle <Jii sieur P e la ire ;
v et c ’ est ici le lieu de dire quel est l ’étai de^la maison
D elaire à ce,t aspqçt.
, X g f a ç a d e de c e l l e maison est sur la g ra n de
tou
le:
. . 7i .5 ? r. cifl,:,, > . •.. . n
\ : «. •
V
•' .•
y
,.çlle avait,-jadis., des fenêtres e i portes ii l ’occident ;
inais quand le s.r ,B ard onnet eut acheté deu£ maisons ,
il les réunit par des constructions. E q fin , du côté de
rencÎps des Soeurs grises, il y a deux fenêtres sous ,1e
t o i t , une fenêU’e plus .basse-* ca rré e , et un soupirail
de cave. L e sieur Delaire y a ajouté un petit tr o u ,
pour éclairer un escalier, eti.il l a icii^ fort irrégulier.,
p eu t-êire pour que çette. innovation ne fut pas ap-
�w
perçu e dans le tems." E n f i n , le toit a une saillie de
..............................., .............., . . .
v in g t pouces.
'
R ie n de tout 'cela S a u r a it pu em p êch er le sieur
Burelle d’adosâër sa'n ouvelle construction au m u r du
sieur D elaire , à la c h a r g e , tout au p lu s; de p a ye r
la m oitié d e 'c e m ur , cpbur le rendre m ito y e n , s'il ne
l ’était pas. Mais afin 'd’é v îté r le s discussions et les pertes
de t e m s , le sieur Burelfé2'pifêféra faire qiiatre murs
neufs , et laisserLénlrfe?ih îi; e ty î e 'sieur D elaire', une
r r .
. . ’ Í . ' * -î , T
'
• •*
r
f
petite r u e lle , Jqui d ’aiiréuts rbcevrâit lesr eaux de son
toit ; c’est ainsi q u ’il a bâti.'
'
" '
!
:! *
L e sieur DelkireV.s’ittiaginant que lé 'Côde civil p ré
vaudrait sur'la toutttriib rdu ‘BourboHiiaiis j, fît signifier
"au sieur B ú r e l l e ü û é ! dënoftcÎàii'drt3 dë^oiivél-cfeiu^ifèr,
disant que lui e t 'seá áüteuts dVáíiefitrtoujours 'joui1des
vues et é gou ts, que le C od e maintenait les servitudes
continues et'd p párente s J
vqti‘ë / siiiVatit 4 *àrti&lé ¿ 7 8 ,
le sieur B u reííé né' pôùvâït!1 Bâtir^ '^ u^ ^ ïx píéd¿ntíe
! 'V 1*> ?p c î ' r' eh u: il cl n i l,//o 1}
. .........; t !'
distance de son mur.
L
A la suite de cette d énon ciatïôn, le ‘siètir D ëlaire
assigna le sieur B u re lle , pour dém olir’, ckinâ deux jo b r s ,
le m ur q u ’il faisait bâtir ci d ix -h u it póu¿es de La m aison
d u d it D elaire y ainsi que lé m ur, aspect de rtiidi, faisant
liaison a vec ladite maison ÎDélairë , e t pour etre tenu
de laisser s i x pieds de d is ta n c e , entre ladite maison
et la propriété dudit Burelle* non compris le
tour
d'échelle.
,
On plaida au trib u n a l'd é la Palissé'sur cette p r é
tention du sieur D e la ir e , qui mit en cause le sieur
�(7 )
Lageneste, lequel a ap p elé en garantie le s,r *BardonnetL a to u le 3 ces trois j adversaires firent, yaloir. les ventes
de 1782 et 178 4 ( ém anées d ’e u x , et qui sont leur
ouvrage ), r pourp-en;'conclure , q ^ ils ont ces vues et^
égouts par une possession im niéiuoriale qui leur vaut^
titre.
:
. .
• ¡:
V r
. .
L e sieur Burelle d éco u vrit les ventes de 1689 e t
de 1700, qui condam naient celle de 1 7 8 s. M ais les sieurs
Bardonnet et D elaire ne perdirent pas courage jl-éçurie
et aisances comprises dans^ lesdites. ventes., leur four
nirent un m o y e n de p lu s, dont ils ,se saisirent, en
disant que l ’.écurie était au bout de la m aison, et les
aisances ..en . dehors. Ils e n 0jncliquaient les- vestiges
com m ec très-rvisibles, h des juges qpi ne les rvoyaien t
p a s , en ajoutant qu'il n’y av^itpas de façade du côté de.
la grande (route ; q u ’elle „était toute entière du côté
des Speurs, grises, et g u ü j i i j qvaip aucun autre moyen}
popùr parvenir
Cécurie , q u ’en, longeant la. façade de,
ladite ,piaisop.J(5 n fip ^ marchant, de. p reuves en preuves
ils ne se. con testèren t plus ;d ^ vo ir des fenêtres
trouvèrent des portes à deux..bat tans.
, :
t
ils
.En.vain.le
sieur Burelle se■■'récriait
contre ce,boule............
...........................
I•
' • - : J -. - ■.
} ..
versem ent absolu de.la l o c a l i t é , e n vain prouvait*-il
que Técurie et ses aisançes ne pouvaient êlre qu(’enIre
la m a i s o n M o n e r a t, et celle du Cheval-Piano, puisque
les ventes postérieures à la réunion de.ces deux maisons
ne ^mentionnaient plus: ces. aisances, et -qvi’en les pla
çant à l’o rié n t, elles|n’auraient eu ,n i en trée, ni issue,
puisque le m ur de Fenclos joignait la maison D ela ire,
�à anglé droil ; en vain* pYoüvàit^iFp&f tin devis n otarié,
de 1 7 9 3 , que lë siëur 'Delaire avait bât!i sur r e m p la
cem en t de c e lte 'a r ic ie n n é é b ü r iè ^ c è 'q iii com prenait
un lodai tout autre que ’ctelüi1 q û ’iÎ î riHiqxi a il a u fo ur—
d*iiu'i contre sa^ propre convictìon". Tout" Cela n ’a pas
persuadé aux premiers juges q u ’il fallait au moins v é
rifier laquelle des deu x pai!tie^rendait un com pte inexact
de la localité. '*
’
‘
U n jugemerit du t 'j octobre r8o8 , statua sur un
incident é le v é 'a u sujet d ’ü'n prôjet d ’arrangem ent ; ce'
jugem ent donne acte ad âieur! Buréllë- d ë ce q u ’il a1
sur ce point déféré le serm ent à ses adversaires y e t
de ce q ü ’iïs ont rëfci'sé' de lé ■p^êtér; ;1It ;-ordÔnfre'
fbnds ^ q u ’ôti prdfliiirâ '¿ ii greffe ^ÜTïcteté*',?-èâiisfïda,f ë )?
érioncë d&iis;la‘ U h i é W } ï 6 ^ >
o t fcr.q.
!tL ë jugement définitif, du 2i ‘ décembre1'1808, règle*
d’abord là"suite dit mérite- i’htìd&hi: y et yc stà!tuéJ èri1
faveni'"dii1 siiiir1
'est intitilé* dò ìVans^rÌré'Tés'.
m'plifs>qiii*'é*ÿ5rk^pèfVérit’riP sliffit dfe itieÌtrd;'sélusilÌesl
y e u x ^ é la C out^ eux ^iti còiicèrrie^t'l^^ohd’s. 'M1
-i
« Considérant que les parties n’ayant fias satisfait
« aii ju|emènt( prépdPâtbirè‘^dÎ!‘ i y ’ acfòb'rd ’d erider,
cc!il *ÿ a
'cjub *l^aishridé"'p'ò ' dller1à•
cT*l’éc'urîè méntioiinéë(dahy l'acte die vdnte du 'i *r juin
«•''1(589, dariâ celili du 20 mai 1700 ? et dans celui
« reçu Chartieir, notaire à Charroux, le 19 novembre
« 1*752 ', ’signifié paiv à'cle'' de ' Decimi p ^ dii 'i^ juin
« 1764, n V pÿs* été changée posléribhrèïhént par 'le'
p’èrè de fa initie , môme'quand il a pii donner aux
'de présdthê’r
üV
«
« Sœurs
�( 9 )
« sœurs de la Charité de V a re n n e s, le surplus du terrain
« qui fait aujourd’hui le sujet de la contestation dont
oc il s agit, p u isq u ’ il n avait pour lors d ’autres moyens
« pour parvenir a son é c u r ie , d ’autres jo u r s ou vues
« pour sa m aison ou auberge
f' Considérant que-, de son aveu , le sieur Burelle
« est tenu: de souffrir les droits de jouissances qui
« pouvaient se, trouver légalement établis lorsqu’il est
« d eve n u 'p ro p riétaire du terrain litigieux 5
« Considérant que l ’acte de vente de la maison de
« la partie de D e r e n n e s, rapporté par la partie de
« B e li in , porte que cette maison a été ven d u e en
« 1 6 8 9 , a v e c ses aisances pour aller à écurie, le tout
« co n fo rm ém en t à un décret de M . le ju g e d e . V a « rre n n e s, et rappelé dans ledit acte-de^ 1689 ; et que
« ces aisances ne pouvaient être moindres, de d ix -n e u f
« d écim ètres, o u ,s ix pieds de la rg eu r, ladite maison
« form ant alors u n e auberge ; que cet acte [qui a cent
? Idixrneuf ansi de d a te , doit.faiçe p reu ve de.sor» énon» ciatiori, qüoi'que le décret y rappelé et non daté ,
« suivant' lequel la maison, et ses aisances étaient
cc vend u es, ne soit pas rap porté; que par con séq u en t,
« les vues droites, égouts saillans et to u r s 'd ’échelle de
'« cette
m a is o n ,
vendus a v e c icelle par les actes des
« 25 octobre 1 7 8 4 , et 24 n o vem b re 1 7 8 3 , seraient
« même moins une servitude qu’un, droit de propriété
;
« que la partie de D erennes et ses auteurs ont con stamment 'conservé, par une possession im mém oriale
3
�C IO )
« non déniée , desdits égouts , vues droites , tours
« d ’échelle et porte à d e u x batlans
« Condam ne le sieur Burelle à dém olir le mur qu il
« a fait construire en midi de la maison du sieur D e « Jaire, à l'indue distance de cirïq déèimètres^ où d ix « huit pouces environ , et c e , dans le mois de la si« gnification , à personne ou domicile , dü présent
« jugem ent ; passé l e q u e l d é la i, autorise ladite partie
« de D erenn es à le faire dém olir aux frais dudit B u
te relie, qui sera contraint a u -re m b o u rse m e n t, sur les
« quitlances authentiques des ouvriers qui y auront
c< travaillé ; fait défenses à Burelle de faire à l’aven ir
« aucunes constructions sur ledit terrain , qu’ à- la dis« 'tanCe de^dix-tîeuf décim ètres , àu ‘s ix pbeds, confor« 'rn ém en t à l’article '678 idu Code N apoléon^ de la
« maisôri de ladite partie de D erennes : co n dam n e
« Burelle aux dépens à cet é g a rd , tant des dem andes
« p r i n c i p a l e s , tqu’ é n g a r a n t i e , etc. »
< •
L e sieur DelàtÎfd ■
rr en cfvait 'pas dem andé autant \
Car il rie voulait pas être propriétaire du local en con
testation : cependant i l poursuivait l’e xécu lio n de ce
j u g e m e n t , lorsque le sieur Burelle en a porté l ’appel
devant l a 'C o u r , ou il a été obligé de lutter encore
contré
les exagérations de ses adversaires q u i, toujours
peu sincères sur la localités, ne m anquaient pas de se
^prévaloir ¡de ce q u ’ ils a p pe la i en t la conviction person
nelle des premiers juges.
M ais il est inutile de reven ir sur leurs dires; la Cour
�C
)
se les rappellera par la lecture de son arrêt interlo
cu toire, du 21 m ai 1 8 1 0 , dont on va préciser les dis
positions.
P ar cet a r r ê t , la Cour a commis les sieurs L e g a y ,
Gailhe et Savarin , experts, pour v é rifier, i.° quel est
Remplacement de ré c u rie et des aisances énoncées a u x
actes de 1689 et 1700*, s’ils pensent que ces aisances
s’appliquent, au terrain ou le ,sie u r Burelle a fait un
m u r ; 2.0maudit cas, quelle était l ’issue desdites aisances
pour a rriv e r’ à ladite é c u r i e , et au m ê m e c a s , si le
n o u ve au m ur de Burelle est à une distance suffisante
dé la maison de D elaire.; 3 .° quelle est tl a saillie du
ioit!; si la ch u te des eaux .est lib re , ou si elles tom b en t
sur le m û r 'd e Burellé^-.et sont,,repoussées icontre le
m u r de D elaire ; 4.0 le.s dimensions de sou p ira il, et
si en. b âtissan t, B u re lle a éd ifié sur tou t ou partie
d u d ft soupirail ? ou su r ses fondem ens ;
5 .° l 'é v i e r }re
j e t a i Les ea u x de [La cu isin e <dè D ela ire 'sur'le .terrain
en q u estion ,* 6.-° l’ouvertu re pratiquée dans le m u r , et
que D elaire prétend avoir été une porte à deuoc venta use
ouvrant extérieurement sur Les aisances ou terrain dont
il s 'a g it, et .s’iL est vrai q u ’à l ’extérieur on voie.encore
les gonds de cette porte; 7 .0 si cette p o rte , ce soupirail,
*cet évier et les fenêtres de la façade de la maison de
^Delaire, qu'on d it avoir été anciennem ent d u x ô té d u d it
terrain^ sont d’ancienne construction ; si ces o u v ia g es
et tous autres indices leur paraissent sufJTisan3 pour
attester l’ usage dudit terrain à titre• d 'aisan ces de La
m aison D ela ire ; faire toutes autres observations, etc.
4
�( 12 )
L e s experts ont déposé leur rapport le 1 6 août
1810. Ils ont vérifié sur le i . er article que , d’après
les litres et la localité , l ’écurie et les aisances pour y
parvenir étaient à l’aspect opposé du locaLen contes
tation ; que le sieur Delaire - avait rebâti l u i - m ê m e
sur les fondem ens de ladite écurie ; que les aisances*
étaient entre les deux m aisons, réunies avant 1 7 6 2 ,
et ne pouvaient être du côté des Sœurs grises ,>!ou il
n ’y avait m êm e jamais eii d ’issue du côté du chem in.
* Ils ont dit que le toit du sieur D elaire étant en
saillie horizontale de vingt p o u c e s , portaient les eatix
sur le nouveau m ur du sieur B u re lle , au point de le
dégrader en peu d ’années ; et delà les eaux refluaient
par incidence contre le m ur du sieur Delaire.
Ils ont constaté l’ex iste n ce , i.° de deux croisées au
grenier et sous le toit, ferm ant par simple v o le t, ddnt
l ’ un est c l o u é ; 2.0 d ’ u n e o u v e r t u r e p r a t i q u é e depuis
peu par le sieur D elaire pour éclairer un escalier ; 3 :®
d ’ une croisée à quatre pieds du sol, ouvrant et ferm ant
a vec v it r a g e , barrée de trois b a rre s , n’ayant pas sa
fo rm e prim itive, ayant été a g ra n d ie, mais depuis longtertis; 3.® d’ un évier qui ne sert p l u s , et qui est bâti
dans le mur.
Ils ont donné les dimensions d ’ un soupirail b â t i'e n
p ie r r e , sans s a illie , b a r r é , et a v e c araignée. On a
mis en dehors trois pierres, non pas incorporées dans
le m ur (c o m m e on le disait), mais posées sur ch a m p ,
pou r éviter le reflux des eaux. L a nouvelle construction
y a fait am onceler du terrain : mais il est constaté-que
�,( i 3 )
le sieur Burelle n’a pas bâti sur ces pierres com m e on
le soutenait aussi.
A u lieu de la porte à deux battans et de ses gonds
existans en co re, les experts n’ont v u q u ’ une ancienne
ouverture q u ’on avait voulu p r a tiq u e r , mais qu'on
avait rebâtie ; elle avait eu trois pieds de haut sur deux;
pieds de large ; elle était plus haute que le s o l , de
deux pieds : ils ignorent si le projet avait été d ’y faire
un placard ou une fe n ê tr e , et ils ont p ré su m é , h son
ir r é g u la r ité , que les religieuses
ne laissèrent point
a ch ev er l’ouverture. En effet, une dam e v e u v e J o ig n y
ileur a déclaré que ce projet avait occasionné de la
discu ssion entre les religieuses et le s.r la T o u le ; mais
q u ’ensuite ce jour avait été bouché : les experts pensent
q ue ce furent les religieuses qui appliquèrent desplanches
en dehors pour leur sû reté, et parce que cet étoupem en t
avait été fait en m açonnerie grossière.
L e s experts term inent leurs réponses aux questions
faites par la C o u r, en disant que là'J a çade et l ’entrée
de la maison Delaire ont toujours été du côté du grand
chem in , et qu il n y a ja m a is eu de porte donnant
sur le terrain litig ie u x . Ils rem arquent seulement que
sur la façade du côté de B u relie, co m m e sur celle du
côté opposé, il y avait eu des assises de pierres figurées
au pinceau 5 que les deux fenêtres du toit , et le sou
p ira il, leur ont paru de première construction, et que
1 avancem ent du toit prouve que la maison avait été
isolée de tout autre à cet aspect ; d’où ils concluent
q u ’elle n’a aucun caractère de mitoyenneté.
�( H )
C e lte dernière réflexion en fournit à l ’instant un e
autre
aux experts, lorsqu’ils semblaient avoir tout dit.
Ils croient q u ’une maison est présum ée de droit avoir
un tour d ’é c h e ll e , par cela seul qu'elle a des jours et
un égout du côté du voisin; la plantation de la char
mille à une petite distance du m u r , leur paraît une
chose d é c is iv e , et ils rec ue il l ent a vec soin la relation
des indicateurs, dont l ’ un désigne cette distance co m m e
suffisante pour le passage d ’un h um m e chargé d ’un
faix de bois; l ’a u tre , pour laisser passer les rayons du
soleil : un autre a vu cinq à six pieux de bois pourris,
sans dire à quelle é p o q u e , ni à quelle distance, ni à
quel u sa ge; un autre a vu dans un vieu x m ur u n e
vieille porte qui ne s’ouvrait pas ; e n f in , un Charles
G irau d , qui était e n c o re , en .1 7 9 1 , ferm ier de l ’enclos
des Sœurs de la C h a r it é , a dit q u ’il cultivait ju s q u ’ au
m u r dê La m a iso n JDeLaire, ruais q u e des fenêt res on
jelait des ordures sur ses sem is.Tels sont les dires qui ont
ach evé la conviction des experts sur le tour d ’é c h e lle;
laquelle conviction ils ne m anquent pas de fortifier
par la réflexion d ’usage , que le voisin n’aurait pas
souffert
chez lui des servitudes, telles que des égouts
et des jours , s’il 11’y avait été obligé.
T e l est le rapport des experts
com m is
par la C o u r:
et on peut dire a vec confiance que si les sieurs D e
laire
et Bardonnet fussent c o n v e n u s des points de fait
et de localité q u i y sont fixés , ce rapport eût été
pa r f a i t e m e n t
in u lile; car la question du tour d ’échelle
( ¿ipparlenait tout entière au point de droit, sur lequel
la Cour n’avait pas besoin d’éclaircissemens.
�( i
5 )
L e sieur Burelle n ’aura donc rien à critiquer de ce
qui lient à l ’expertise e lle - m ê m e ; au con tra ire, il se
prévaudra de ce que la localité était telle q u ’il l ’avait
décrite a v e c ex a ctitu d e , et de ce que ses adversaires
ont été constitués en mauvaise foi sur tous les points:
toute sa tâche consistera donc à prouver q u ’ un tour
d ’échelle ne se donne pas sans t i t r e , et que les cir
constances qui ont déterm iné les experts ne p e u v en t
jpas suppléer au titre que la loi exige im périeusem ent.
M OYENS.
L e s auteurs enseignent que le tour d ’échelle s’entend
<Je deu x m a n i è r e s ; l’ u n e , de la faculté de poser des
échelles sur le fonds voisin,, quand on veut réparer
^sa m a iso n ; l’autre., du ¡terrain abandonné par le pro
priétaire , pour avoir droit d ’y faire des jours.
L e prem ier a lieu sans titre , parce qu’il est sim
p lem en t précaire, e-1 n ’ôle rien à la propriété du voisin.
Presque tout le pays coutum ier avait adopté à-cel égard
la disposilion de l ’article 5 i o de la coutum e de B o u rx bonnais. « Quand aucun fait édifice et répare son lié« rita g e , son voisin lui est tenu de donner et prêter
« patience à ce faire, en réparant et amendant dili—
« gem m ent,
par celui qui édifie, ce qu'il aura ro m p u ,
« démoli et gâté à sondit voisin ; et ne peut pour c e ,
« le réédifieur, acquérir nul droit de possession co n tre,
« ni au préjudice de celui qui a souffert ladite rép a« ration o u édifice ».
�( *6 )
Cet article était nécessaire en Bourbonnais o ù , d’après
l ’article 6 1 9 , aucune servitude n'a lieu sans titre.
L e second tour d ’éch elle, im proprem ent appelé de
ce n o m , tient à la p r o p rié té , et ne peut se prouver
que com m e la propriété elle-m e me.
C e lu i-c i est parfaitem ent inutile en Bourbonnais 5
puisque la loi y donne le tour d’échelle à titre de fa
culté. I l n’y a donc aucune probabilité que le pro
priétaire d’une maison pouvant à son aise faire une
façade sur la ru e , et m êm e une autre du côté de sa
cour, ait abandonné une portion de son terrain sur cette
m ê m e ru e , pour s’isoler de son voisin , et avoir q uel
qu es
feuêti es de plus.
M a is, d it - o n , voilà des vues et un égout qui font
présum er cet abandon : car co m m en t supposer que le
voisin eût souffert une servitude aussi dangereuse, s’il
n ’y eût été fo rc é ?
C ette réflexion est toute d’A u vergn e., et au moins
elle y convient parfaitem ent; car les servitudes y sont
prescriptibles par la co u tu m e , en sorte q u ’il faut y être
sur ses gardes pour veiller aux entreprises d’ un voisin
q u i, en bâtissant, ferait des fenêtres ou des toits en
saillie ; tout cela d evan t avoir vigueur de titre au bout
de trente a n s , suivant le texte de la coutum e.
Mais on n’a pas besoin des m ê m e s précautions en
Bourbonnais; car tant qu'on laisse son terrain en place
vid e, sans y bâtir, on n ’a pas besoin de s’inquiéter de
ce q u e son voisin fera sur sa limite ; et si on n'en
ép rouve aucune incom m odité ré e lle, rien n ’em p êch e
de
�( *7 )
de le to lérer,'puisq ue la loi donne le droit èxprès de
tout faire détruire.
L ’article 5 19 de la cou tum e prohibe tout- droit de
servitu d e, possession et sa is in e , en place vide , par
quelque laps de tems que ce soit.
L eq u e l des usages vaut le m ieux ? C e n ’est point
ici le lieu de l’exam iner : tout ce qu'on peut en d ire ,
c ’est q u ’on est moins gêné sur les procédés de voisi
nage
lorsqu’on ne court pas le risque de perdre ses
droits. Alors les vu es, les égouts et autres com m odités
que se donne le propriétaire v o is in , d evien n ent sans
co n sé q u en ce , et restent co m m e tolérés, tant q u ’il n ’y
a pas de motifs essentiels pour y m ettre em pêch em en t.
C e q ui a embar ras sé les e x p e r t s n ’ est pas u n e n o u
v e a u t é p o u r tout le p a y s c o u t u m i e r , o ù les s er vitudes
*
'
»
t
n ’avaient pas lieu sans titre. I l était inévitable que'
cette législation produirait une
indulgence
dont le
possesseur voudrait' souvènt se prévaloir à la lon gu e:
mais la loi ést ven u e tnèttre, uhe barrière à son usur
p a t io n , et lui a p p ren d re'q u e s’ il a pii faire dès jours
et des égouts dans des contrées de toléran ce, aucun laps
de tems ne peut c on v e r t i r sa possession en une propriété.
T o u t é s ’lës coutum es ¡qui-ont prévti la q u e s tio n , l a 1
décident de là m êm e m’anière. ' '
’’
■
O rléa n s, 2^5. K V u es ^ égouts et autres droits de
« se rvitu d e, ne portent saisine à celui qui les a , s’ il
« n a titre valable \ et sans titre v a la b le , fne lès peut
« prescrire par quelque terris que ce soit n. ( L a côutùni0
de Blois, en l'art. a 3 o , a les m êm es dispositions).
�( i8 )
Sens, i o 5. « Celui qui a égout sur PKérifage d’a u t r u i,
* est tenu de le retirer, lorsque le voisin veut bâtir ». 1
M e l u n 3 1 9 1 . « C h acun peul lever son b â t im e n t ,
« tout d r o it , aplom b et à ligne , si haut que bon lui.
« sem ble, et contraindre son voisin de retirer'chevrons
« et toutes autres choses qu’il trouvera sur ladite place,
« em pêchant le bâtim ent qu'on y peut faire ? nonobstant
« quelque laps de tems que ce soit, f û t - il de cent a n s ,
« et p lus Jt>.
.t -
.
B o u rb o n n a is, 519. « A ü c u n , en place v id e , n ’ac-*
« quiert droit de se rvitu d e, possession et saisine, par
« quelque laps de tems que ce s o i t , et j a ç a i t , q ue
« Yégoufi qu évier, d ’une maison descende en ladite
« place,,, ou que l ’on ait pues sur ic e lle , ou que Ton
« ait passé et repassé, allé et ven u par aucun te m sj
« pourtant*n’est acquis en ladite place ou cham p v id e,
« aucun dr^oit de servitude, par quelque laps dei tems
« .que, ce soit,, tyntfn%
qu 9¡¿¿y;
titre du, contraire, ou
« q u ’ès-çhoses. si^dites y çûl eu contradiction’, et après« icelle joui^ a^ c^ .de trentej ans ».
f K ;
•
,
;
A i n s i, tou ¡es. ces 1cpuf u mes ;ont. pré vu tout ce qui
devait résulter, des vues , égouts , éviers , chevrons et
autres choses anciennem ent étabjiesjsuit,un tçrrain non
b â t i, lorsque le possesseur voudrait s’en prévaloir; 011
plutôt ces co u tu m es, qui sont le résultat de l ’exp é
rien ce, ont condam né des prétentions q u i, en les ac
cu eillan t, juraien t
la lopgue détruit, le,, principe de
riinprpscript¡¡bililè des servitude®* \e \ em pêché ;to u te >.
espèce de tolérance.
. ■.
�( *9 )
L e s sieurs D elaire et B ard onnet argum entent du
Code c i v i l , en distinguant les servitudes continues et
apparentes qui peuvent prescrire par trente ans. Mais
le Code civil n ’est pas la loi des parties : il le sera à
com pter de r 8 o 3 . Et c ’est depuis cette époque seule
m ent que les habitans du Bourbonnais auront à veiller
sur les fenêtres et égouts des maisons voisines : jusquelà , la loi du territoire veillait pour e u x , et les pré
servait de toute prescription. ;
C ette l o i , cependant, ne semble pas aussi claire aux
^sieurs Bardonnet et D e l a i r e , q u ’elle l ’était pour A u roux-des-Pom m iers, et ils trouven t que' le m ot place
vide n’a aucun rapport aux en clo s, jardins et terres
cultivées ; sur tout quoi ils pensent q u ’on peut établir
une servitude autrem ent que par titre.
Supposons pour un instant, qu’A u ro u x ait eu tort
de ne pas être de cette o p in io n , et demandons a u x
sieurs Bardonnet et D e l a i r e , com m ent et par quoi ils
ont grevé de servitude l’enclos et terrain cultivé des
Sœurs grises, quant aux six pieds qu'ils récla m en t, ou
à tout autre espace m oin dre?
Ils reconnaissent ne l ’avoir jamais p ossédé, et sup
posent que le sieur Burelle a pu l ’acquérir par Icl
prescription : d’après cela ils n ’ont ni titre ni possession.
E st-ce par la saillie du toit de vingt pouces ? mais
ce serait décider la question par la q u e s tio n , et e u x
seuls seraient de leur avis.
A u r o u x , en pensant que l ’article 5 19 s’étend 11 toute
espèce de servitudes, en donne une b on n e raison; c ’est
6
�( 20 )
« d i t - i l , qu’il faut en attribuer l ’origine au p r é c a ir e ,
« à l ’a m itié , à la toléran ce, et qu’il ne serait pas juste
a d ’établir une servitude sur ce fondem ent ».
.D e c u lla n t, sur le m ot ég o u t, donne la note suivante :
H o c sequitur quod ¿¿cet per tr¿g¿nta a n tios, vel aLcud
tempus ¿ongius et immemor¿a¿e, stitlLCidlum e x tecto
dom us vicirtœ
in
aream meam
cec¿der¿ty non tamen
acqu¿r¿tur servitus > et possum cogéré vLcinum ut aquam
pLui>¿am d¿l>ertat, et rec¿p¿at m fu n d u m suum .
A i n s i , D ecullan t ne suppose pas que la place soit
vacante et non cultivée \ il la désigne par l ’expression
générale du sol ou terrain appartenant au vo isin , ¿n,
aream meam ,* et en cela il pense co m m e  u r o u x *
co m m e le$ r éd a ct eu rs des coutum es ci-dessus citées’*
et co m m e tous les com m entateurs de la cou tum e de
Paris.
O ù en s e r a it - o n , en e f ï e t , si après avo ir souffert
en b o n voisin ce q u ’on n ’avait pas un grand i n t é r ê t
d’e m p ê c h e r , il fallait s’attendre à la singulière apos
trophe des sieurs D elaire et B ard o nn et? « C ’est à vous
« de reculer de six p ie d s , disent-ils au sieur Burelle ;
« Ca
r
,
suivant la lo i, nul ne peut faire des fenêtres
« en son m u r, si ce n ’est à six pieds de distance du
« voisin ».
Ils 11e se sont pas aperçus que cette loi les condam ne
eux-m êm es, puisque ce sont eux qui
o nt
fait des fenêtres,
et cependant leur héritage n’était pas à six pieds du
champ voisin. Ils ne
devaient
donc pas les ouvrir 5 et
en Bourbonnais cette ouverture est réputée tolérance.
�( 21 )
C ’est une bien bizarre idée que celle de re n v o y e r à
six pieds de soi celui qui nous a laissé m ettre à notre
aise ; si celui qui a des vues avait conservé le droit
de les garder, au moins n e faudrait-il pas le chasser
à la plus grande distance connue.
E n effet, la distance, à R e im s , n ’ est que de d eu x
pieds et dem i (art.
35 y ) . E n L o rra in e , de ce q u ’e m
porte le tour d’ un contrevent (titre 4). E n A n jo u et
M a in e , d ’ un dem i-p ied ( 4-55 et 4 6 3 ).
Ces deux dernières coutum es donnent lieu à un raison
nem ent qui n ’est pas sans analogie à l ’espèce. D 'ab ord
elles n’adm ettent pas les servitudes sans titre; mais en
s u ite , elles adm ettent la possession lorsqu'elle est ac
com pagnée d ’un ouvrage e x té rie u r5, e nf i n , elles per
m ettent de faire vues sur s o i, n 'y eût- il qu’ un dem ipied d’y voir. L e rapprochem ent de ces principes prouve com b ien
la loi est en garde sur les conséquences à tirer des ou
vrages extérieurs; com m ent donc faudrait-il présumer
q u ’on a laissé plus de vingt pouces de distance, en
B o u rb o n n a is, où la cou tum e parle d ’imprescriptibilité
ab so lu e, et sans m odification?
Mais avan t que les experts se crussent autorisés à
présumer que le propriétaire de la maison Delaire avait
dû se retirer sur soi pour avoir des vues et égo u ts, il
fallait q u ’ils tirassent plutôt des présom ptions, soit de
leur plan, soit des titres, soit des principes. Il est dom
m age q u ’ils aient aussi mal fini un excellent rapport :
on ne peut cependant s’em pêcher de dire ; que leur
�( 22 )
digression sur le tour d’échelle, détruit par de fausses
idées les observations lumineuses q u ’ils avaient faites
sur tout ce qui tenait aux titres et au local.
D e sin it in piscem muUer fortnosa superne.
Mais si les dernières raisons du rapport ne sont pas
concluantes, il est facile d 'y su p p lée r, sans s’en écarter
le moins du monde. E n e f f e t , le plan des experts
donne l ’alignem ent de la mai so n D e la ire , de son jardin
et de son cham p qui viennent à la suite. Ces trois
objets sont sur la m êm e ligne ; et la m aison , au lieu
d ’abandonner cette ligne en arrière de six p ie d s, se
prolonge sans la quitter, et se courbe m êm e en dehors
sur son extrém ité : donc s’il y a quelque chose à -pré
sum er ^ c'est que loin de laisser du terrain, le proprié
taire de la maison n ’a pas m êm e voulu abandonner
une c o u r b e , afin de profiter de toute sa ligne.
Si du plan nous venons aux titres m êm e de la maison
des adversaires, e n 1 6 8 9 , 1 7 0 0 et 1 7 5 2 , no us v er r ons
que la terre du C u r é ou des Sœurs grises est donnée
pour confia im m édiat de la maison D e la ire , par ceu xlà m êm e qui vendaient et achetaient ladite maison.
Q ue si le sieur Bardonnet revenait à l'acte de 1 7 8 2 ,
ém ané de lu i- m ê m e , on lui répondrait que Les tours
d ’échelLe, par lui ven d u s, n ’ayant rien de spécifié pour
l ’aspect ni l ’étendue , ne sont q u ’ une superfétation de
s ty le , com m e les entrées et issues q u ’il vendait aussi;
en sorle q u ’il n ’ajoulait rien de spécial à ce qui était
aussi une cession de la loi. M ais loin d’indiquer une
distance quelconque du côté de l’enclos des Sœurs grises,
�( 2 3 }
il n ’a pas m anqué l u i - m ê m e de le donner aussi pour
con fin , sans parler de ruelle ni d ’interm édiaire; ce qui
n est pas une m édiocre circonstance.
E n fin , les experts auraient bien d û , en décidant un
point de droit, s’occuper un peu des principes, et hésiter
à prononcer que celui qui prétend s’être retiré sur son
terrain, pour b âtir, n’a besoin, pour le faire juger a in si,
que d ’une simple conjecture ; ils auraient vu que cette
retraite doit être p ro uvée par éc rit, ou par des bornes.
Ils l’auraient v u dans Desgodets, qui est le guide le
plus usuel des exp erts, et dans A u r o u x , qui est le guide
le plus sûr pour les lois de sa province. Desgodets, sur
l ’art. 210 de la coutum e de P a ris, indique l ’alignem ent
que doit prendre le second propriétaire qui bâtit , et
il le borne à la limite laissée par l ’autre propriétaire,
si c e l u i - c i a laissé l ’espace du tour d ’échelle hors de
ses m u rs , et qu’ il y a it acte valable q u i le prouve.
« Quand on s’est retiré de trois p ie d s , dit A u ro u x
« sur l ’article
5 i o , il faut planter bornes au-delà , et
« dresser proces-verbal double avec le v oisin , ou laisser
« un bout de m ur ou de p ig n o n , pour m arquer que
« le terrain est encore à s o i , sans quoi il faut pré«' sum er le contraire. D e là est ven u e la m axim e q u ’en
« pignon ou m ur à pied droit
n’y a pas de tour
« d'échelle ».
» >
C ette autorité si précieuse n’est, com m e on le v o it,
q u ’ un plus grand développem ent du p rin cip e, q u ’en
Bourbonnais il n ÿ a pas de servitude sans titre. Si on
en était quitte pour dire com m e le tribunal dev la
�( 24 )
Palisse, q ue c’est à titre de propriété q u ’on donne u n
tour d ’é c h e ll e , plutôt q u ’à titre de servitude , il ne
serait pas difficile d ’éluder la loi à son loisir, et l ’usur
p a te u r aurait tout à gagner, puisqu’au lieu d ’une simple
servitude q u ’il aurait cru co n q u érir, on lui donnerait
une propriété pour se m ettre d ’accord a vec la loi.
Quel a été le m o tif des experts, lorsqu’ils ont voulu
constater q u ’il y avait eu une charm ille parallèle à la
maison D elaire , et qu’on pou vait passer entre cette
charmille et le m u r ?
’
Ont-ils pris garde q u e , non-seulem ent à cause de
la végétation des arbres, mais encore par l’obligation
de la lo i, ces charmilles ne pouvaient pas être adossées
contre le m u r ? 11 fallait absolument laisser une dis
tance telle, que les vents ne pussent pas y pousser les'
branches. Mais , encore une fo is , quand la distance
aurait été à vingt pied s, cet adm inicule v a u t - i l un'
titne pour donner le terrain in term éd ia ire? si une
charmille é t a i t u n e l i m i t e , où s’a r r ê t e r a i t - ô n , car celleci ne longeait qu’ une partie de la maison voisine ?
T a n t que les experts n’ont raisonné que par h y p o
th èse, ils ne sont pas fort à crain dre, puisqu’ils pensent
autrem ent que la loi. Mais il y a lieu de s’é to n n e r,
q u e , dans leur résu m é, ils aient paru regarder com m e
co n sta n t, q u ’une porte avait existé jadis dans le m ur
des bâtimens du sieur Delaire.
Qui le leur a dit ? un seul indicateur, dont ils ne
disent ni le n o m , ni l ’a g e , tandis que d’autres indi-r
* cateurs désignés, et d ’ un âge a van cé, font la description
de
�.
. ( 25 }
de Fétat ancien des lie u x , et ne disent rien de pareil.
C et inconnu méritait^il donc assez de confiance pour
qu un fait aussi invraisemblable fût regardé com m e
Constant ? 1
C e qui devait prouver cette invraisem blance a u x
exp erts, était’ l ’ép iso d e , noté par e u x -m ê m e s y de la
porte ou fenêtre que le sieur Bardonnet avait vo u lu
f a ir e , et dont les religieuses em pêch èren t Touverture :
s’il avait eu une ruelle laissée p a r '‘l u i , hors de sa
m a is o n , elles n ’auraient pas pu s’y o p p o ser, m êm e
quand cette ruelle n’aurait été que pour le tour d’é
c h e l l e , ainsi que l’enseigne C œ pola, en son traité de
'servitut. urb. prœd. , ch. 1 1 , n.° 6. :
* C ette résistance des religieuses ’ devait paraître un
m o y e n ¡décisif a u x experts : car en l ’absence d’un titre ,
le sieur Bardonnet aurait dû avoir possession après
contradiction ; et au c o n tr a ir e , la contradiction avait
eu pour résultat d’em pêch er dè posséder. '
C ette réflexion si naturelle se fortifiait par la décla
ration de l ’in d icateu r, qui / pendant sa ferm e , avait
cultivé le terrain ju sq u 'a u , mu r ) fait d’autant plus in
con testable, que les sieurs D elaire et B a rd o n n e t, loin
d e - le n ie r , ont regardé le terrain en litige co m m e
acquis a u sieur Burelle par la prèscription.
C om m en t donc des expertsaussi judicieux et instruits,
ont-ils négligé des conséquences aussi frappantes, nées
de leurs propres rem arques, pour s arrêter à ce q u ’ils
ne voyaient ni par leurs y e u x , ni par les y e u x d ’autrui ;
en un m o t, pour courir après un fantôme. N ’en soyons
7
�( s6 )
pas surpris; car que le-plus sage a d o p te’ un systèm e
q u e lco n q u e , il veut le fortifier de tout ce q u ’il croit
propre à le faire valoir, et il ne se hâte pas de noter
ce qui le contrarie. C e r te s , la question était délicate
pour des experts nourris des usages d’A u vergn e. Il y
avait)Un rebord de bois a une fen être, et^ sans d o u te,
les experts se sont s o u v e n u s aussitôt de la cou tu m e
locale de C l e r m o n t . L es principes auxquels on est fa
miliarisé dès son e n fa n c e , reviennent toujours à la
m ém oire com m e un e-règle dominante et sure. D é là
vient q u ’ici les experts ont parfaitem ent raisonné dans
tout ce qui ne tenait pas spécialement aux usages
d ’A u v e r g n e ; mais une fpi$;yenus à cet a rticle, le na
turel lfa em po rté; et rejetant toute réflexion 'co n traire,
ils ont p r o n o n c é ren point de jdroit co m m e ils l ’eussent
fait pour un procès d 'A u ve rg n e. N aiurarn expellas
f u r c â j tameiz, usqub 'reciirret»
-, .
;
P e u t-ê tre leur opinion?}) assez brièvem en t énoncée
sur le>tour d ’échelle,jest-ellë donnéé-com m e un m o yen
term e entre la demande]du s ie u r D e la ir e , qui, co m m e
on l’a dit, veut avoir six pieds.de distance, non compris
le todr d'échelle , e tile * ju g e m e n t de< la Palisse , qui
accorde six. pieds. ¡Mais un procès n ’est pas jugé; par
a m e n d e m e n t, quand la loi ne compose pas.
t
Elle compose s i ’p e u , que m ê m e en coutum e d ’A u
v e r g n e , des vues et é gouts n’em p êc h en tcpas le voisin
d'acheter>la m i t o y e n n e t é du m ur pour y bâtir, et de
supprimer les
jours.
L a C our l ’a ainsi jugé dans la
causé des sieurs C hevalier et C h a p a v e y r e , en l ’an i 3 j
�( %1 }
et cependant il y avait aussi une façade à vues droites
qui n était point mise à la hauteur de coutum e : la
C ou r jugea seulement que le stillicide était acquis par
la prescription, et ordonna qu'il serait conservé en b â
tissant contre le m ur : mais les vues ont été bouchées.
L e sieur C hevalier citait deux arrêts, l’ un du parlem ent
de P aris, par A u g e a rd ; l’autre , de-la C ou r de cassation:
ces arrêts ordonnaient aussi la suppression des jours
pratiqués sur l ’héritage voisin , malgré leur n écessité,
et m algré toutes prescriptions et présomptions.
C ’est p eu t-être un in con vénient que d ’ôter des fe
nêtres h celui qui en a usé lon g-tem s : mais il a dû
s’y atten dre; et l'inconvénient serait bien plus grand
de dépouiller le voisin d ’ une portipn de sa p ro p riété,
de le forcer m êm e h dém olir un bâtim ent. L e sieur
Burelle avait sacrifié une partie de son droit pour vivre
en bon voisin ; il avait abandonné une partie de son
terrain ( 1 8 , 20 et 22 pouces, suivant le r a p p o r t ) , et
s’ était retiré de près de deux pied s, sans y être o b lig é ,
et lorsqu’il aurait pu faire supprim er l ’égout et les jours
du sieur Delaire.
C elui-ci trouve que l ’eau de son toit lui revient par
incidence, après être tom bée sur le m ur du s.r Bu relle;
mais le plus grand dom m age en ce cas serait bien pour
ce dernier; au resle, il y a un m o yen peu dispendieux
d ’éviter ce dom m age resp ectif, c ’est de cou per la
m oilié de saillie du toit, ou d y placer un chenal qui
conduira les égouts dans la rue.
.Si le sieur Burelle eût cru ne pas éviter uft procès,
�(28)
r
.
'
il a u r a it " agi différem m ent, et il aurait usé de tout 'son7
droit.; Mais quand il a sacrifié quelque chose à la p a ix /
on ne peut pas en tirer avan tage; et encore une fois,
si les lois ne sont pas un vain m o t, le sieur Burelle ne
peut pas être contraint d’aban donner son terrain à celui
qui n ’a nul tître pour s'en dire propriétaire : il a pour
lui la lo c a lité , les titres , l’expertise , la c o u t u m e , e t
l ’opinion uniform e de tous les com m entateurs.
M . e D E L A P C H I E R , ancien avocat,
j
M . G O U R B E Y R E p è r e , avoué.
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A RIO M , de l'imprimerie du Palais, chez J.-C, SALLES.
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. Burelle, Joseph. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Gourbeyre, père
Subject
The topic of the resource
coutume du Bourbonnais
droit de voisinage
nuisances
Description
An account of the resource
Mémoire pour Sieur Joseph Burelle, Notaire impérial, habitant de la ville de Varennes-sur-Allier, appelant ; Contre les sieurs Guillaume Delaire, J.-B de la Geneste, et Franç.-Blaise Bardonnet-de-la-Toule, intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1689-Circa 1810
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0415
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Varennes-sur-Allier (03298)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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A related resource
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coutume du Bourbonnais
droit de voisinage
nuisances
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Text
P R E C IS
POUR
Jean-P
ie r r e
^ ^ l}buy
U t o 'C i - u w ù J .
/tyu<+rfc4li_ /[iiH f^ ,
■
‘ '
' ■IMcu/ulJ
A S S E Z A T , de la ville du P u y ,
! a p p e lan t ;
\
CONTRE
Matthieu
J E A N , de la même Ville, intimé.
LE sieur Assezat est propriétaire d’une tannerie pour
l’usage de laquelle il a une prise d’eau qui ne lui est
pas contestée , mais que le sieur Jean veut partager
avec lui.
Le seul motif du sieur Jean , pour prétendre à ce
partage; est de dire, 1.° que sa maison provient originairement du même propriétaire, et.qu'elle était aussi
une tannerie, il y a 2 5o ans; 2.0 que le même proprié-
�( O
_
faire l’a ensuite réduite en boutique à teinture , et
qu’en pratiquant, il y- a seize ans, un aqueduc,
autre que celui cju7ilfi;éclame ,'il a repris et conservé
le droit dey redemander^ l’ancienne.* p r is e d ’eau telle
qu’il la suppose,_l
A cela le sieur Assezat répond, i.° que de tems
immémorial il a joui seul de la prise d’eau, et que si
l’ancien propriétaire des deux maisons a aliéné celle de
Jean, sans prise d’eau, la retenue qu’il a faite de cette
eau pour' lui-même ne peut être disputée aujourd’hui à
ceux qui le représentent ; 2.0 que c’est lui qui a permis
au précédent propriétaire de la maison Jean, d’établir
un aqueduc fort différent de celui qu’on voudrait au
jourd'hui, puisque n’étant accordé que pour une simple
teinture, et pour le trop plein de l’eau, Assezat n’était
privé de rien.
Telles sont en abrégé les prétentions des parties qui
_
p la id e n t; il fallait les a n n o n c e r p o u r ren d re intelligible
la localité qui va être indiquée, et appeler rattention
de-la Cour sur les circonstances qui s'appliqueront
aux difficultés de la cause.
Les deux maisons d’Assezat et Jean, sont situées
en la ville du P u y , faubourg de St. Barlhélemi. Elles sont
séparées par une branche de ruisseau appelée le Béaidu-Breuil ; il passe sous une voûte qui lie les deux
maisons.
Ce n’est pas ce ruisseau qui fournit à la prise d'eau
en conteslation ; elle vien t au contraire le couper en
ligne droite par des aqueducs en maçonnerie , qui dis-
�( 3 )
iribuent ensuite les eaux, par des gargouilles en pierre y
dans les tanneries voisines qui 'sont en possession immé
moriale d’en user ainsi.
L e dernier embranchement de cette distribution est
celui qui nous occupe. Ayant à traverser un chemin
public, l'eau passait dans un aqueduc , couvert d’une
voûte assez é le v é e , de laquelle sortait une autre gar
gouille qui menait l’eau h la tannerie d’Assezat.
On a fait assez récémment une grand’route sur
l ’emplacement de ce chemin, et les ingénieurs y fai
sant un pont et une chaussée, ont néanmoins respecté
cette ancienne vo û te, qui est restée sous l’arche du
pont, telle qu’elle était; ensorte que cette réparation
publique n’a rien dérangé à l’ancien cours des eaux.
La tannerie d’Assezat, achetée par son aïeul, n’a
jamais cessé de jouir de cette prise d’eau. Encore une
fois on ne le nie pas, mais voyons ce qu’il en a été
de la maison voisine, pour laquelle le s.* Jean reven
dique une portion de l’eau.
L e sieur Jean nous apprend que sa maison et celle
du sieur Assezat appartenaient en 1544 au même pro
priétaire, Michel Pendraud qui était coLratiery ou tan
neur, et qui dans un cadastre se reconnut possesseur
d’un oubradoar en deux parties.
Si cela est exact, il paraît que ce Pendraud vendit
ensuite la portion de bâtiment située sur la rive gauche du Béai, et qu’il garda toute la prise d’eau pour lui • car
le sieur Jean nous prouve par un autre cadastre de
16 78 , que François Entier, possesseur de la même'
�{4 )
maison à cette époque , en fit réduire l’impôt de
moitié, attendu (porte le cadastre ) quelle riest plus
un ouvroir,
Cependant, il.paraît que depuis cette date on avait
voulu’rendre quelque activité à cette maison (Jean);
on y établit une teinture, et'personne n’ignore que
cet établissement, dans l’usage à-.peu-près général,
n’a besoin que d’avoir un ruisseau à sa proximité : or
p r é c i s é m e n t , le Béal-du-Breuil en baignait les murs.
. On voit dans un 3 .« cadastre de 1730 , que Jacques,
Soulier ( propriétaire’ de la maison. Jean ) avait alors
y ne maison et boutique à teinture, tandis que François
Balme (propriétaire de la maison Assezat ) avait tou
jours une' tannerie, et par conséquent la prise d’eau
nécessaire.
■
1
. Aussi remarque-t-on , que ce François Balme ven
dant à Pierre Assezat sa maison et tannerie, le 6 avril
1-739, comprit dans’ la vente la prise d ’ea u , comme
une chose sans laquelle Assezat n’aurait pas voulu
acquérir.
On voit encore dans un acte de 1747 que le seigneur
du lieu, en donnant ¿1 Assezat l’investiture, y dit que
le béai est pour le service des tanneries.
Il paraît que le sieur' Ameline acheta de Jacques
Soulier sa maison et teinture ; il n’en acheta d’abord
que la moitié et un huitième, par ac^ du 11 janvier
17 9 3 , et quoiqu’il fût très-important de désigner la
prise d’ea u , non - s e u l e me nt comme acquise, mais
e-ocore par lu quotité et le mode de cette prise d’eau>
�(5 )
■puisqu’ elle.aurait dû se diviser à raison de chaque part,
si elle était inhérente à la maison.
Les autres portions de ladite maison furent achetées
par Âméline des autres héritiers Soulier , savoir, un
seizièm e,île 4 ventôse an 2’, et trois seizièmes, le 4
complémentaire an 1 1 ; ensorte que ce n’est que le
dernier jour de Tan 1 1 , qu’Ameline à été propriétaire
de toute la maison. Quoiqu’il en soit, c’est le s.r Ameline qui, après 179 3, fit un nouvel œuvre, dont il est
nécessaire de bien entendre le placement et le motif.
La maison Jean, baignée à l’orient par le Béal-duBreuil, a deux entrées,l’une au midi, qui se rapproche
beaucoup de l’aqueduc voûté auquel il veut participer ÿ
l ’autre au nord, et c’est là que s’exploitait la teinture.
A côté de la porte du midi était un ancien puisard,
bâti dans le m ur, ■saillant en dehors, et exhaussé par
une mardelle couverte tantôt par des dalles de pierres ?
tantôt par des planches.
Si ce puisard avait eu une destination dans le tems
que la maison était oubradour , en 1544, au moins
est il constant qu’il devint inutile lorsque le tanneur
Pendraud ou ses successeurs la vendirent. En e ffe t,
de quelque loin que les voisins se souviennent ce
puisard n’a toujours servi qu’à tenir du fumier.
Soulier et Ameline ne purent pas même Futiliser
pour leur teinture, car il demeura fosse à fu m ier, et
aujourd’hui même il ne sert à rien.
Le voisinage de l’aqueduc donna une idée à Ameline;
�c 6 }
il la communiqua à Assezaf, qui n’y voyant aucun'dé
triment réel pour lui, s’empressa d ’y souscrire.
Il s’agissait d’établir un tuyau en bois, non pas vers
la voûte même’ de l’aqueduc, ce qu’Assezàt n’aurait
pas souffert ,' mais dans un angle par lequèl une gar
gouille , portant les eaux chez Assezàt, en laissait
aller Ië trop plein dans le ruisseau, par une autre gar
gouille inférieure.
’
'
Ce tuyau de bois devait fournir à la teinture une
eau plus claire ; son nivellement le portait au-dessus
du puisard qu il n’était pas possible d'utilisèr, et ce
tuyau traversant le mur de la- maison Jean , se pro
longeait hors de la maison , jusques à la boutique à
teinture, qui*était comme on l’a déjà dit , à l’autre
extrémité vers la porte du' nord. Là le tuyau rentrait
par le m ur, dans l'intérieur de cette boutique, où il
venait verser l’eau dans un nouveau puisard. '
V o i l à ce q u ’ A ssezal perm it à A m e l i n e / l l le d e v a it
en b o n voisin, p u isqu ’il n ’ e»ût pu refu ser que par mé
chanceté ce qui ne lui nuisait pas. Assezàt restait le
maître de l ’eau, et lorsqu'il la voulait toute entière,
il lui suffisait de faire mettre un bouchon au tuyau
de bois.
!
r '
C ’est ainsi que la chose's’est pratiquée amiabl'ement
pendant toute la durée de la possession d’A m elin e,
et si le sieur Jean ne lui eût pas s u c c é d é , il n ’y aurait
pas de procès.
Le'sieur Jean, acquéreur d’Ameline, a débuté par
�(7 )
un coup d’autorité, ou plutôt par un tour d’adresse
qui aurait dénaturé les lieux de manière à ne plus
reconnaître le droit de chacun , si Assezat ne s’y fût
pris à tem s, pour arrêter cette voie de fait.
Il ne s’agissait plus de prendre l’eau dans un tuyau
de bois , ni même de la mener à l’ancien puisard,
auquel Jean veut se borner aujourd’hui. Pour établir
une tannerie et conduire l’eau dans le derrière de la.
maison, il y avait bien des obstacles à vaincre; car
l’ancien puisard est beaucoup plus bas que -le sol de la
maison Jean ; alors, au lieu de conduire l’eau par là ,
le sieur Jean conçut l’idée de la faire dévier par un
autre angle de sa maison; mais pour cela,-au lieu de
la prendre dans la gargouille d’Assezat, il fallait aller
yusques sous la voûte du grand chemin , enlever les
pierres trop larges de l’aqueduc d’Assezat, et partager
l ’emplacement , de manière à faire deux aqueducs,
dont l’un aboutirait chez Jean.
Telle était la conception de ce s.r Jean, et déjà il avait
débâti l'aqueduc d’Assezat, lorsque celui-ci le cita au
possessoire le 6 juin 1809; et comme il y avait grande
urgence , le juge de paix cita Jean à comparaître
sur les lieux dans la même journée; il y dressa un
procès-verbal, et néanmoins Jean continua son nouvel
oeuvre, malgré le juge de paix; il fut cependant arrêté
par un jugement possessoire, qui ordonna la remise
des lieux au même état.
Alors Jean se pourvut au pétitoire; il conclut à
être autorisé à prendre les eaux au même point où
�(3 )
Assezat les prenait, sous l’arcade du pont’ : subsidiai—
rement il conclut au partage des eaux.
L e 2,6 juillet intervint un jugement interlocutoire
dans un sens qu’il était difficile de prévoir. En effet,
le sieur Jean étant demandeur avait tout à prouver,
et en efïet il offrait la preuve directe, i.° que depuis/?/^
de trente ans il y avait dans sa maison une fabrique
a tannerie , et des fosses de tanne rte dont Les- traces
subsistent encore ,* q u ’ elle était alimentée p a r l’aqueduc
dont partie subsiste encore, et qui fournit l ’eati aux
deux maisons; 2.0 que ce n’est que depuis vingt-quatre
ans qu’Ameline changea le mode de prise d'eau j qu’il
bâtit et ferma dans son mur un ancien aqueduc en
pierre, et qu’en place dudit aqueduc, il plaça l’arbre
percé; 3.° que l’arbre percé prenait Feau dans le même
aqueduc principal et au même point où Assezat la
pren d , et où l’aqueduc la conduisait précédemment
dans la m aison de Jean,* 4.0 qu’Ameline et ses pré
décesseurs ont de tems im m é m o ria l c o n t r ib u é , h raison
de ladite prise d’eau, à l’entretien de l ’aqueduc du pont.
Assezat n’étant que défendeur soutenait que la de
mande n’était pas établie, et au surplus offrait la preuve
contraire desdits faits, et notamment qu’il a toujours
joui de l’eau ; que ce n’est que depuis dix- huit ans
qu’il donna La permission à Ameline d’établir un cor
en bois, et qu’il en fermait l’orifice toute les fois.qu’il
avait besoin de la totalité de l’eau.
Par un renversement dont 011 ne peut pas trop se
rendre raison, le tribunal du Puy chargea Assezat de
la
�( 9 )
la preuve directe, qu’il avait toujours joui de l’eau, et
donné à Ameline la permission d’établir le cor en bois.
Et ce qui est peut-être plus inexplicable encore, Jean,
dans son enquête contraire, fut dispensé de l’art: i .er ,*le
plus important de sa preuve , c’est-à-dire qu'il ne fut
pas astreint à prouver que depuis plus de trente ans il
y avait dans sa maison une fabrique à tannerie. Ce
pendant il était demandeur au pétitoire, il devait éta
blir sa demande par titre ou possession de trente ans, et
il avait bien compris qu’en l’absence d’ un titre yil devait
en première ligne offrir la preuve de celte possession.
J L a preu ve, exigée du sieur Jean , se borna aux
trois autres articles par lui articulés ; mais la diffé
rence était essentielle; car prouver l’usage d’une prise
d'eau, ou ses vestiges, n’était pas lever.la difficulté de
savoir s’il fallait de l’eau pour une teinture ou pour
une tannerie, ce qu’il était de la plus grande impor
tance de distinguer.- :
Ainsi, la première impression que laisse ce jugement
interlocutoire, c’est de s’étonner que Jean ait à prou
ver moins qu’il ne le devait, c’est de s'étonner encore
qu’Assezat soit astreint a prouver sa possession, quoique
défendeur, et malgré un jugement possessoire qui l’avait
déclaré maintenu.
v
Il faut ajouter que le même jugement interlocu
toire ordonne que M. le commissaire - enquêteur sera
assisté du sieur Gendriac, architecte, lequel lèvera un
plan, et fera la description des lieux à M. le commis
saire, qui en dressera procès-verbal.
3
�( IO )
Celte mesure était absolument nécessaire pour l’in
telligence et même la rédaction des dépositions; car,
les témoins ayant à parler d'aqueducs, de vestiges et
de nivellemens, il était difficile de tout comprendre ,
sans cette opération préalable, ou sans s’interrompre
à chaque instant pour aller voir les divers points dé
crits par les dépositions. Il était plus difficile encore
de rédiger ces dépositions d’une manière intelligible
pour ceux Fqui auraient , à les lire , si le local décrit
n’était à l’instant désigné par les signes d'un plan.
Voilà ce que le sieur Assezat désirait , ce qu'il de
manda, et ce qu'il n’obtint pas, malgré son insistance
pour ne rien laisser d’équivoque dans toutes les expli
cations qui devaient être données.
Quoi qu’il en soit,-voyons ce qui est résulté de cet
interlocutoire, et sachons si c’est le demandeur au
■
.
.
pétitoire qui approuvé sa possession, aaimo çLomini,
ou si c’est au contraire Assezat qui a prouvé que cette
possession n’a eu lieu que par sa permission et tolé
rance.
On voit dans l'enquête ¿ ’Assezat , les i.er, 2 e, 3 .%
5 «, 7.%8.®, 12.*, i 3.c, i 5 .e et 17.* témoins déposer una
nimement avoir toujours vu Assezat jouir des eaux
en maître, ouvrir et fermer le canal quand il le vou
lait , placèr des moites pour e m p ê c h e r qu’il ne s’en
échappât dans le ruisseau, et les ôter quand il n’en
avait plus besoin; que les lieux étaient toujours comme
a u jo u rd ’h u i , et qu’ils n’ ont changé que depuis le iems
qu'Ameline plaça un tuyau de bois.
�( 11 )
L e 9.% le io,e et le i y . e témoins parlent de la per
mission donnée par Assezat à Ameline d’établir un
tuyau de bois pour prendre l’eau ( ils étaient ap
prentis d’A m e lin e ); le g.e dit qu’avant cet établisse
m e n t , Ameline avait une pompe pour entretenir sa
chaudière; qu’ensuite en ayant monté une seconde,
il envoyait ses ouvriers chercher l ’eau au ruisseau, et
que ce ne fut qu’après ladite permission qu’Ameli.ne
prit l’eau à l'aqueduc; que lorsque Assezat avait be
soin de l'eau, il venait boucher le tu}^au; que cepen
dant, lui déposant allait quelquefois la reprendre fur
tivement, mais qu’alors Assezat s’en plaignait. L e 10.%
qui n’a quitté Ameline que. lorsqu’il vendit sa maison
à Jean., ajoute qu’Ameline disait quelquefois, qu'Assezat était un bon voisin de lui avoir donné la facu lté
d’établir ce tuyau de bois;-il ajoute que lorsqu’Assezat le bouchait, Ameline ne s’en.plaignait pas.
L e 17.' dit qu’Ameline prenait l’eau avec ïagrément
d'Assenât y lorsque celui-ci n'en avait pas besoin.
Les 7-e et 8.® témoins disent que lorsqu'Ameline
acheta la maison Jean, il n ’y avait de fabrique d’au
cune espèce.
Le 1 i.e et le i 3.e ont vu deux puits dans la maison
Ameline (ce qui eût été assez superflu, si l ’eau y fût
venue par des aqueducs); ce n . e témoin est l’ouvrier
qui a placé le tuyau de bois; il dit avoir vu dans le
même alignement une gargouille en pierre de taille
qui traversait le mur, et le dépassait de quatre pouces.
E n fin , le 3 .®et le i6.e témoins déposent un fait assez
4
�( 12 )
essentiel, et qui prouve que tous les moyens sont bons
à Jean pour en venir à ses fins; il avait prétendu que le
déversoir d’Assezat menait jadis les eaux chez lui 3 mais
une des pierres était coudée, ce qui était l’idée qu’il
•veut donner; or, ces deux témoins disent que pendant
le procès Jean a enlevé cette pierre coudée.
Voyons maintenant si l’enquête;de Jean détruira les
faits de tolérance ci-dessus établis. Tout ce qu’il paraît
avoir prouvé c’est la coopération d'Ameline aux frais
de nettoiement du canal, ce qui était fort naturel,
puisque l’eau lui était utile, mais ce qui n’a rien de
commun avec le mode de jouissance.
Les 3 .e , 9-e et io.e de lia .première enquête, les s.e
et 5.e de la seconde disent bien qu’Ameline et Assezat
jouissaient de Téau concurremment, mais il n^y a rien
là qui caractérise une possession de propriétaire plutôt
qu une possession de tolérance, en sorte que l’enquête
directe reste dans toute sa force sur ce point principal.
Les 3.e, 4.% 7.® et n . e témoins de la première en
quête de J e a n , les
4.% 5.e et 6.e de la seconde font
la description'des lieux, et ne sont rien moins que d’ac
cord dans leur obligeance; les uns disent que le cpnal
en pierre, qui fait le déversoir d ’Âssezat pour jeter le
trop plein dans le béai, se pro lo nge ai t autrefois jusqu’au
puisard ancien de la maison Jean , H y en a même qui
disent avoir vu tomber l’eau dans le puisard (chose phy
siquement impossible, mais d’ailleurs inutile au procès) 3
�( i3 )
d ’autres n’ont toujours vu ce puisard que plein de terre
et de fumier. Il n’y a pas jusqu'à la veuve Ameline qu'on
n ’ait fait entendre, et qui, sansdoule, pour se préserver
d'une menace de garantie, arrange les lieux d’une ma
nière toute particulière. Ce puisard, toujours à sec et plein
de fumier, était, suivant elle, un bon aqueduc il y a
vingt-quatre ans, et l’eau parcourait l’intérieur par des
conduits en pierre. Malheureusement le sol de la mai
son est plus élevé que le puisard ; mais elle y a réfléchi,
et elle nous apprend que c’est elle qui a fait élever le pavé
il y a quatorze an s, et qu’ensuite on remplaça ces
aqueducs de pierre par des tuyaux de bois qui eurent
une autre direction5 puis, elle nous révèle aussi qu’elle
a vu sous la terre des débris de fossés à tanneurs. E n fin ,
perdant un peu de vue tout le bouleversement qu’elle
vient de faire, elle termine par dire qu’elle a toujours
vu les lieux au même état, excepté le placement du
tuyau de bois qui a remplacé la prise d’eau ; du reste,
elle déclare que son mari et Assezat vivaient en trèsr
grande intimité.
L e témoin qui vient après veut bien un peu s’ac
corder avec elle pour trouver des conduits au-delà du
puisard, mais ce qui ne va pas avec les vingt-quatre
ans, c’est que ce témoin dit avoir été localaire de la
maison Jean , il y a vingt-deux ans, (ce qui prouve
qu’Ameline.n’ y était pas encore alors), et après avoir
parlé d’un conduit de pierre dans 1 intérieur, il dit que
ne se faisant aucune fabrique dans celle maison, le pui
sard était plein d’ordures. Quand 011 l’interroge ensuite
�( i4 )
sur Assezat, il avoue qu’Assezat plaçait des mottes
quand il voulait pour ôter l’eau au voisin, et que
Bartliélemi (ouvrier d’Assezat), donnait des coups de
poings à ceux qui venaient la lui couper. Ce dernier
fait est encore attesté par d’autres témoins.
L e procès-verbal de description des lieux, et le
plan qui auraient dû précéder les enquêtes ne furent
dressés que le 21 novembre 1809, et la Cour pourra
y voir si les descriptions de la veuve Ameline ont quel
que réalité.
L ’expert, après avoir parlé de l’état actuel des lieux
et du déversoir en pierre , qu’on disait mener au pui
sard, et de là dans la maison Jean, fait creuser la terre
dans cet alignement ; au lieu de trouver un canal en
pierre, il ne voit sous le pavé qu’une pièce de bois de
sapin de trente-sept pouces, pourrie et informe, tiab ou tissa n t p o in t a u p u isa rd .
Il constate que la gargouille dont on voulait faire
l ’ancien aqueduc de Jean est plus basse que celle qui
conduit l’eau chez Assezat.
11 fait creuser derrière la porte de la maison Jean, il
trouve un pavé en pierre de taille; il trouve aussi un
canal en pierre, mais il vériiie le le n d e m a in qu’il ne
dépasse pas Fépaisseur du mur (ainsi ce ne peut pas
être un aqueduc de tannerie). Au-dessus de ce canal
il voit encore une gargouille, q iJi a la vérité traverse
le mur , mais qui n’a de saillie dans la maison que de
quelques pouces.
�( i5 )
Il a cherché dans toutes les tanneries voisines quelle
est la position des conduits dans l'intérieur , et il a vu
que 1 eau rentre par un coin de la porte; ensuite il vient
faire fouiller chez Jean , le long du m u r , et n’y trouve
aucune gargouille.
Il remarque que Faire de la boutique du côté de
midi a été déblayée de la hauteur de huit décimètres.
Il trouve cinq fosses en pierre de taille, mais elles
sont neuves, et Jean est obligé de convenir que c’est
lui qui les a fait b âtir, sans articuler même que c’est
sur d’anciens vestiges.
Enfin il nivelle le terrain pour savoir si l’eau récla
mée peut aller jusques dans Fintérieur de la maison ,
et il trouve que Faire de la première boulique est plus
élevée que la gargouille où Jean veut trouver l’origine
de son ancienne prise d’eau. L ’expert fait même un
nivellement plus essentiel qui prouve que la partie du
pavé près le puisard (celui découvert plus haut) est
encore plus élevé que Faire de ladite boutique ( ce
qui prouve forcément que l’eau n’a jamais pu monter
ni à la boutique qu’on sou lient avoir été une tannerie,
ni même au pavé ancien qui la précède >puisqu’il est
encore plus élevé que la boutique.
Aussi quand il serait vrai que la veuve Ameline
aurait fait élever Faire de la maison , quand le nou
veau déblaiement vu par 1 expert n aurait pas rebaissé
le sol , le pavé découvert est toujours la pour atlester
Fancien état des lieux ; et prouver évidemment que
�( 16 )
l ’eau n’a pas pu remonter du puisard jusques aux
boutiques de ¡’intérieur.
Quoi qu’il en soit , le tribunal du Puy n’a pas jugé
à propos de faire toutes ces remarques, il a cru voir
au contraire dans ces éclaircissemens une preuve complette que Jean et ses prédécesseurs avaient joui cons
tamment de l’eau , et c o n c u r r e m m e n t à titre de pro
priétaires. Il a cru v o ir e n c o re q u e le tuyau de bois
n’a été que le remplacement d’un ancien aqueduc ;
en conséquence il a ordonné le partage de l’eau dont
il a néanmoins proportionné le volume à la dimension
comparative de la gargouille d’Assezat y avec le pré
tendu conduit de Jean , d'où il suit que Jean est auto
risé à avoir le tiers de l’eau , et ce qui est plus extraordinairë, à la prendre à l’embouchure de l’aqueduc (in
novation qui suffit seule à prouver que ce n’est point
un ancien aqueduc qu'on veut conserver à Jean / mais
u n e n o u v e lle concession q u e la m u n ific en c e du tri
bunal du Puy lui octroie ).
Cette décision est-elle tolérable lorsqu’elle n’est ap
puyée ni sur les faits, ni sur les actes, ni sur des prin
cipes ?
•
Des faits? La Cour verra par la lecture des enquêtes
comparées à la description des lie u x , s’il est possible
de penser qu’avant rétablissement d Ameline , tein
turier, il pût y avoir une prise d eau dont le tuyau en
bois n’ait été qu’un remplacement. Elle verra s'il n’est
pas
�( 17 )
pas clairement prouvé que jusqu’alors rien n’avait l’ap
parence d une tannerie, ni même d’une teinture ; que
le puisard même était encombré ^ que loin de cher
cher des vestiges d aqueducs dans l’intérieur, Ameline
fût forcé de conduire par des tuyaux en bois, et par un
nivellement cherché hors de sa maison, l’eau qu’Assezat lui permettait de prendre.
Tout les faits constans sont en faveur du s.r Assezat ;
il n’a pas seulement contrarié la preuve de son adversairepar une preuve de permission qui s’attache à la
possession de Jean et lui donne un caractère de tolé
rance, mais il a lui-même prouvé sa. possession et son
dioit. Cependant il n’avait rien h prouver, car il était
défendeur. Son adversaire avait à établir sa demande,
et sans discuter les enquêtes dont on vient de donner
le précis, il suffit de dire comme chose constante, que
le droit de Jean à réclamer une prise d’eau pour une
tannerie, n’est pas prouvé.
Des actes? Mais Jean n’en a d’ aucunes espèce, et
tous ceux qui sont produits en la cause détruisent son
système de fond en comble.
Car si Michel Pendraud a eu les deux maisons Asse
zat et Jean en i 544 >il n’est pas prouvé d’abord que
ces deux maisons fussent tanneries; et il n’est pas prouvé
qu’un ouvroir veuille dire uue tannerie : mais quand ce
serait prouvé, il en résulte quelque chose de plus fâcheux
encore pour Jean, c’est qu’il est constant que l’une des
deux a été tannerie,au moins depuis 1678, et c’est celle
5
�( 18 )
d’Assezat, tandis que l’autre est prouvée ne Tavoir
été ni en 1678, où elle était en ru in e, ni en 1730,
où elle était teinture, ni avant A m e lin e , où elle n'é
tait rien du tout.
A moins de contester tous les usages en fait de titres,
il est bien évident que lorsqu’il s’agit d’une prise d’eaù,
divisible entre plusieurs , et conduite par des embranchemens de canaux, la première règle pour un acqué
reur est de faire exprimer qu’il en achette une part.
Et c’est ici où les comparaisons deviennent essentielles.
Assezat, plus ancien acquéreur, prouve par les titres
qu’il rapporte qu’on n’a jamais parlé de sa maison , sans
parler de la prise d’eau comme partie intégrante.
A u contraire, Jean a une multitude de titres frap
pant sur sa maison, et la prise d’eau n’y est mentionnée
nulle p art, pas même lorsqu’il achetait des quarts et
seizièmes de maison , et lorsqu’il avait intérêt de faire
expliquer le mode de prise d’eau et son volume.
Dirait-il que l’usage dans les actes est de parler va
guement de servitudes sans s’inquiéter de leur détail,
et que les précautions prises dans les titres dAssezat
sont insolites. On lui répondra à l’instant par le relevé
qui a été fait de tous les actes relatifs à l’aqueduc qui
distribue ses eaux aux tanneries du faubourg St.-Bartliélem i, et il y verra que nulle part il n’est parlé de
ventes de maisons, sans ajouter en meme tems que la
prise d'eau en faisait partie.
Ainsi les actes produits condamnent le sieur Jean,
et ce qui en résulte de plus clair, c’est que l’une des
�( 19 )
.
parties veut conserver ce qu’elle a , tandis que l’autre
ne veut pas s’y ten ir, et bouleverse tout, pour aug
menter sa propriété aux dépens d'un voisin.
Ceci nous mène à Fexamen des principes, et c’est
là ce qui a donné le moins d’inquiétude aux i . ers juges
ou peut être le plus d’embarras; car, sans cela, com
ment concevoir qu’ils fussent allés chercher dans une
enquête contraire ce qui était démenti en fait par
l ’enquête directe, et ce qui était démontré impossible
par un nivellement. Gomment adopter sur-tout qu’ils'
aient pu donner à Jean une prise d’eau tout autre
que celle dont ils s’attribuaient la possession.
l a aquœductu nihiL est Lnnovandum contcà veterem
formam. Voilà un principe élémentaire enseigné par
un grand m a ître , il renferme toute la doctrine des
prises d’eau, et déjà nous y voyons que Dum oulin,
s’il eût été le juge de cette cause, n’aurait pas consenti
yolontiers à ôter à Assezat un tiers de l’eau nécessaire
à une tannerie de trois siècles, pour donner à Jean le
droit nouveau de faire un établissement qu’il n’a jamais
eu, et de (métamorphoser une teinture en tannerie.
Si le sieur Jean voulait persister à soutenir qu’il ne
réclame qu'une ancienne possession d'aqueduc , et qu’il
en a fait la preuve , il est inutile de revenir à une
démonstration contraire, puisqu elle ne serait prise que
dans ce qui vient d'être lu, et que ce serait se répéter;
mais quand on lui ferait grâce de la vérité pour sup
poser qu’il a eu une ancienne possession d'aqueduc,
6
�( 2° )
que pourrait-il en résulter, si ce nJest qu’il doit con
server , par la prescription, ce que la possession lui a
donné. Tantum prœscriptum quantïnm possessum.
Or, quelque étendue qu’on puisse donner à la pos
session du sieur Jean , quelque disposé qu’on soit à
fermer les yeux sur la tolérance qui la dénature, le
maximum pour lui serait d’ajouter aux quinze 'ans de
prise d’eau, p a r u n tu yau de bois, autres quinze ou
vingt ans d’ une prise d’eau précédente, dont il a pré
tendu que le tuyau n’était que le remplacement, il est
visible qu’il ne naîtrait pas de cette possession trentenaire le droit de prendre l’eau nécessaire à une tan
nerie, et sur-tout de la prendre en un autre lieu, par
un aqueduc nouveau, et en remontant jusqu’à la voûte
du pont.
Il ne peut pas en résulter non plus la privation au
sieur Assezat de prendre toute l’eau quand elle lui sera
nécessaire, puisqué la possession du sieur Jean, en la
supposant trentenaire, a toujours été conditionnée de
cette charge.
Si le sieur Jean, remontant à des époques plus loin
taines, voulait s’emparer des rêveries de l’un de ses té
moins, pour dire que sa maison avait jadis des canaux,
et même des fosses, dont les débris ont été vus sous
la terre, et pour en conclure, que, par la destination
du père de famille, ces vesliges o n t conservé sa posses
sion, le système du sieur Jean n en serait pas meilleur.
Faisons lui g r a c e e n c o r e sur ces débris de fosses et
de canaux, invisibles pour l expert qui les a cherchés,
�( 21 )
et pour Jean lui-même qui n’a su montrer que des
fosses nouvelles, supposons qu’il a fait réellement l’heu
reuse découverte de vestiges bien apparens, que fau
dra-t-il en conclure?
• T^estigia possessîonem réitnent, cela est* vrai.^Mais,
qu’on lise Dargëntré, [ auteur d’une dissertation sur
cette matière, et on y sera convaincu que la possession
•*
1
•
.
.
n’est conservée par des’ vestiges que lorsque l’état des
lieux reste v a c a n t, lorsqu’il n’y a aucun changement
qui les dénature, lorsque sur-tout le rétablissement des
choses ne nuirait pas à l’occupation d'un tiers.
%
I
r
L e tems qui dénature tout/ ne veut point être in
terrogé sur ‘cè qu’il n’a- pas jugé* ;V propos de nous
révéler par, des signes cértains. Celui qui prétend
lire dans le passé, avec des conjectures, est aussi in
sensé que celui qui veut lire dans l ’avenir; tious avons
assez de'sujets d’erreur dans le présent/sans" en cher'icher de plus grands hors la sphère de notre intelli'i
,
gence.
'■
! ::Que le propriétaire d ’un bâtiment en ruine , em
pêche un usurpateur de s’en approprier le sol, sans
doute nous comprendrons qu’il est resté le maître de
rebâtir, parce que cette idée juste1 et naturelle n’est
contrariée par aucune autre.
' Mais, si un sentier, un pont, un aqueduc, marquent
un droit pour vous, même à titre de servitude sur mon
fonds, de simples vestiges en ruine ne vous donneront
pas le droit de rétablir les lieux comme ces vestiges
l ’indiqueraient, parce que cette idée est contrariée par
�(
)
la présomption, que la servitude n’a été détruite qu’à
titre de convention, ou comme usurpation empêchée.
C ’est par ce motif que les servitudes sont censées
éteintes, non utendo; et ce que disait, à cet égard, le
droit romain, est ratifié .par l’art. 706 du Code civil.
Remarquons à cet égard combien ce principe est fa
vorable, puisque la coutume d e P a r is ,, qui n’admet
tait pas les servitu d es sans titre , voulait cependant
qu’elles pussent être perdues par la prescription. Autre
preuve convaincante que le législateur ne veut pas
qu’on porte ses regards trop en arrière, pour que nous
„soyons forcés de prendre les choses en l’état où nous
les vo yo n s, sans déranger l’ordre établi.
Ou parle de destination du père de famille ; mais
.si Michel Pendraud a été le propriétaire des deux inaions, est-il prouvé d’abord qu’elles furent toutes lesdeux
tanneries? ne faut-il pas plutôt présumer le contraire?
J)ans tous les cas il n’a voulu conserver qu’ une tan
nerie, et, à cet égard ,sa volonté est écrite sur la pierre,
de manière à ce que la postérité ne s’y trompe pas. S’il
faut remonter jusqu’à lui, et croire qu’il a mis les choses
jen l’état où nous les voyons, il sera évident qu’il a fait
une tannerie pour la maison Assezat, et qu’il n’en a
pas fait une pour la maison Jean. Si nous supposons
que c’est après lui que les prétendus aqueducs de Jean
ont été détruits (s’i l ,y en avait eu à sa maison) „ i l
faudra nécessairement croire que cette destruction a
été exigée par le père de famille lui-même, quand il
a mis hors sa main la maison qui n’a plus d’aqueducs.
�( 23 )
.Toutes ces présomptions sont légales ? car le Code
civil les adopte, même en fait de servitudes; il dit que
la destination du père de famille conservera les servi
tudes continues et apparentes, ce qui prouve, qu’à
défaut de titre, celui qui voudrait en exciper ne doit
pas laisser détruire la servitude , sans quoi la loi la
supposerait éteinte par convention.
Concluons de toutes ces hypothèses que le sieur Jean
n’est pas plus fondé à vouloir une prise d’eau , en disant
qu’il veut la faire revivre, qu’il ne l’est en demandant
franchement à la créer. Concluons encore que s’il est
possible de se tromper sur le droit des parties, il ne
peut y avoir qu’une très - grande injustice d’ôter h
Assezat ce qu’il avait, s’il n’est pas évidemment cer
tain qu’il doit le perdre ; tandis qu’en laissant à Jean
ce qu’il a v a it, et sans aucune innovation , il n’y a
violation d'aucun titre, d’aucun droit r é e l , d’aucune
possession, et que c ’ est véritablement, d’après D u
moulin , laisser les choses en l ’état où les parties les
avaient mises. D e telles vérités n’ont pas besoin d ’exem
ples , mais s’il était permis de détourner un peu
l ’app^cation d’un grand principe, Domat nous prê
terait sa première pensée et la citation par laquelle "
îl a jugé à propos de commencer son immortel ou
vrage. Q u i d em im tà m congruum est fid e i hum anw ,
quàm servare €d
cjucb
inter eos pLacuerunt.
M. D E L A P C H I E R , A vocat
M .é G A R R O N , Licencié- Avoué.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Assezat, Jean-Pierre. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Garron
Subject
The topic of the resource
tannerie
témoins
jouissance des eaux
Description
An account of the resource
Précis pour Jean-Pierre Assezat, de la ville du Puy, appelant ; contre Matthieu Jean, de la même ville, intimé.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1689-Circa 1810
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
23 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0416
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Puy-en-Velay (43157)
Rights
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Domaine public
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Jouissance des eaux
tannerie
témoins
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Pour F r a n ç o i s LE RASLE , ancien ’ avocat à u
parlement de Paris, habitant à Paris, intime
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et incidemment appelant ; .*, fy;:ino^ i! v.v -^n
*
le Directeur de la régie et des do
maines, p o u r s u iv a n t a u n o m d e monsieur
; le P R ÉFET du département du Puy-de-Dôme,
C o n tr e M .
la ca u se d e M
le b a r o n d e H o m p e s c h
*r lie u t e n a n t g é n é r a l a u ' s e r v ic e d e l'A n g l e
te r r e } a p p e la n t
^ m : 'Jt
. i'J: j'jfp'
présence de madame' M a r i e - E l i s a b e t h
T A L E Y R A N D D E P É R IG O R D , veuve
de Jacques-Charles d e C h abannes , intimée ;
En
E t en core en p résen ce de d a m e M
'
a r îe - L o u is e
B R A C H E T v e u v e 'd e R e c l e s n e ,~ H e n r i -
M ALLET,
C O Q , intimés, .
Joseph
et J a c q u e s
F IL L E .t:,
IS
IV',
i.;'
?*£
i) l
e; cause de la plus grande 'simplicité- a été em
brouillée par des demandes en nullité e t en-reddition
de compte, que la régie ne-peut aujourd’hui -.justifier
A
U
n
�:
C 2 )
par aucun titr e , ni étaver par aucun texte de loi.
Pour ôter, un prix de vente aux créanciers d’une suc
cession bénéficiaire, et le recevoir elle-même, la régie
leur oppose une rquitfcance non enregistrée, pour l’op
poser à des actes" authentiques.
^
, , rEüe attaque 'de, nullité une inscription prise sur la
succession bénéficiaire., sous prétexte de l’erreur dans
la date d u 1m ois, q u o i q u e la séparation des patrimoines
ait été o rd o n n é e , et qu e l’acquéreur n’ait eu pour créan
cier de fait et de droit queles créanciers de la succession*
E n fin , elle persiste à demander un compte préalable
de gestion., sous prétexte d’une procuration ancienne,
sanS‘ pouvoir justifier d’aucune gestion ni versement de
dèniôrs.cLLrX \ : i
>
,
.. 0Qu£lque& faits é t quelques réflexions suffiront pour
renverser un système de résistance plus opiniâtre que
spécieux*
Vî - r t v.' î . ’A I ŒVS*;a
••Vf
' V: f- V
' '
L e sieur le .Rasle est’créancier, du sieur Jean-Frédéric
dè Chabanes, et de madame Marie-Élisabeth Taleyrand
deiPérigord:, sa irtière, d’une )Sümme .de 63,000 francs ,
pp^tée. Jÿar .obligation ; passée devant Eouchev, notaire
à P^risy-le 30. thernpidor 0an< 12.
—
‘ Par cet acte,^madame âe Ghabanes a subrogé le
sieur le Rasle à l ’effet d’une inscription prise par elle,,
le 26 ventôse an 11 Psur lés biens de Jacques-Charles
d^ ChafraneS ^ .son haari ■
>:et de Marie-JacquesfOilbert
deMuhabanes,; son fils ^ héritier ;dudit Charles.
i'xGettè insétiptidû*étoit de 2 2 1,8 58 .francs, rc’est-ù-dire,
�(3 )
*47 >*44' francs pour le capital de sa dot ou douaire y
* 3 >7 I 4 francs pour les intérêts*, et 60,000 francs pour
le droit d’habitation ou préciput de communauté ; mais
la subrogation n’est faite que jusqu’à concurrence des
53.000 francs dûs a u 1sieur le Raslé.
“
:• ,
L e 2g ventôse^ an 1 3 , M . de Chabanes. a. subrogé
le sieur le Rasle, pour plus grande sûreté, à l’effet d’une
inscription qu’il avoit prise lui-mêmé, le 9 prairial an 10,
sur la succession de M arie-Jacques-Gilbert., son.frère
(acceptée par lui sous bénéfice d’inventaire).
'i
Cette inscription étoit de 630,000 francs, c’est-à-dire,
300.000 francs pour la légitime dudit sifeur Frédéric, de
Chabanes, promise par son contrat de mariage, d u '24
juillet 1780, et le surplus pour intérêts échus ou à échoir*
M . de Chabanes n’étoit alors connu à Paris que
comme le descendant d’une illustre maison, et coirtme
l’inventeur breveté des vélocifers. On ignoroit que déjà
à Londres il avoit fait des entreprises de commerce, ni
quelle en avoit été l’issue.
'
M . le baron de Hompesch s’est présenté comme ac
quéreur de la terre de Rochefort, sur laquelle frappe
l’inscription de madame de Chabanes, dont il demande la
nullité et la radiation.
f-î
M . de Hompesch d it, dans son m ém oire, qu’il étoit
lié d'affaires et d’amitié,à Londres, avec M . de Chabanes*
Il a expliqué, dans d’autres écrits, la nature de.cette
liaison. M. de Chabanes avoit fait à Londres une grande
entreprise sur le commerce du charbon. M . de Hompesch,
sans révéler quelle sorte d’intérêtTil avoit dans cette
entreprise, se contente de dire qu’il aJréglé ses comptes
A 2
�(4 I
avec M . de Chabanes à 2,396 livres sterling 2 sons
et- dem i, -dont ‘M . de Ghabanès resta son débiteur;
2°. que ’M . de Chabànes parvint à fa ir e passer son
établissement sur Ict téte de M ►de Hompesch.
Quoi qu’il en soit du passé 7 il paroît que M . de Chabanes vendit à M . de Hompesch, par acte sous seing
privéy du 7 pluviôse an 1 1 , fait à Paris, i°. en qua
lité dûhéritier bénéficiaire de son frère, la terre de R oehefort ; 2.0. en son n om , une créance de i 5,ooo francs
sur la dame Bernard, veuve de Ghabanès, sa parenter
payable après le décès de ladite dame;. '
' L ’acte .ne. porte aucune compensation avec des créances
précédentes; au contraire,, M.-de Hompesch s oblige de
payer le p rix aussitôt après la transcription...
Ce prix de vente, n’est pas> fixé ; il fut remis à l’esti
mation des fsieurs W anhoorick et Houssey.
Ces arbitresivinrent. de Paris estimer la terre de R ochefort à 66,000 fiV, et le prix de la créance à'm oitié
du capital ? attendu l’usufruit. ( La dame Bernard avoit
quatre-vingts ans.- } j
•
: Cette vente alarma madame de Chabanes, qui n’avoifc
plus que ce 1gage, ( r ) pourj. toutes ses reprises. Il paroit
que guidée par le texte de la coutume de P aris, elle
cx’Ut devoir eri demander la nullité ( en l’an 12 ), comme
faite par un héritier bénéficiaire sans les, formalités lé
gales. • L
I,J . î
).
\
1' r
(1) La terre de Lapalisse, v e n u e par substitution d’un oncle r
ïi’étoit pas sujette à l’hypothèque de madame de Chabanes».
�( 5 )
- Cette demande avoit été accueillie par jugement du
22 floréal an 12 ; mais ce jugement fut infirmé en la
Cour impériale de la Seine, le 20 frimaire an 1 4 , par
le motif que la coutume d’Auvergne ne prescrit aucunes
formes à l’héritier bénéficiaire pour aliéner les biens de
la succession.
Il est bien à remarquer que lors de cet arrêt M . de
Hompesch ne ,dit pas le moins du monde qu’il eût rien
payé à son vendeur; au contraire, il demandoit acte de
ses offres de payer le prix de sa vente à qui il seroit
dit et ordonné.
M . de Hompesch avoit transcrit, mais il ne notifioit
pas sa transcription pour sommer les créanciers de faire
une enchère. Madame de Chabanes le mit en demeure
de faire cette notification , par exploit du 31 janvier
1806, pour être fait enchère s’il y avoit lieu, sinon elle
lui fit sommation de payer ses créances, en exécution de
l’art. 2169 du Code civil.
Cette sommation n’a pas engagé M . de Hompesch à
se mettre en règle; il a même vendu à M . de Sarrasin,
le 16 mai 1807, la terre de R ochefort, moyennant le
prix apparent de 72,000 francs, en se soumettant à faire
radier les inscriptions, et à ne recevoir 30,000 francs
qu’après cette radiation, sans intérêts jusqu’alors.
Pour tenir sa parole envers M . de Sarrasin , M. .de
Hompesch a assigné en mainlevée d’inscription, i° . la
dame de Taleyrand-Périgord,- veuve de Chabanes; '2?. le
sieur le Rasle, la dame de Reclesrie, lés .sieurs M allet
et V illecoq, tous subrogés à 1 inscription de. madame dé
Chabanes.
• .
.- - ,,
�C « .)
l i a prétendu que rinscription étoit n u lle, et que
bailleurs madame de Chabanes étant comptable envers
ses fils, n’avoit pas dû prendre d’inscription jusqu’à l’apu
rement de son compte.
Il a conclu encore à la reddition de ce com pte, et à
des dommages-intérêts.
Pour moyen de nullité de l’inscription, M . de Hompescli a dit que le contrat de mariage de madame T a leyrand de Périgord y étoit daté du 18 juin 1769, au
lieu du 18 février 1759.
M . de Hompesch a produit alors une quittance sous
seing p riv é , de M . de Chabanes, datée du jour même
de sa vente ( 7 pluviôse an 11 ) , enregistrée le 25 mai
1808, par laquelle M . de Chabanes auroit reconnu avoir
reçu par anticipation, de M . de H om pesch, 86,000 fr.
Il s’est prévalu de cette quittance pour dire qu’il y
avoit compensation et payement des 66,000 fr. dûs pour
p rix de la terre de Rochefort ; d’où il s’ensuivoit que les
inscriptions étoient inutiles pour le forcer à payer ce dont
il étoit déjà libéré.
' Pour prouver que madame de Chabanes étoit comp
table envers son fils, M . de Hompesch a produit une
procuration à elle donnée le 30 juin 1782, pour régir
ses biens, et un bail à ferme de la terre de Curton, du
4 janvier 1783.
Madame de Chabanes a répondu que son inscription
étoit régulière, et que loin d’avoir fait usage des pro
curations à elle données pour recevoir aucune somme,
elle prouvoit être en avance de fonds.
ELle a conclu à la séparation des patrimoines.
.
�(7 )
^ D e son côté, M; le R asle, plaidant avec les deux ins
criptions de l’an 10 et de l’an n , a pris les mêmes
conclusions que madame de Chabanes , en ajoutant que
1 effet de 1 inscription de l’an io devoit lui être adjugé,
comme seul subrogé à cette inscription, contre laquelle
M . de Hompesch ne proposoit aucun moyen de nullité;
* -^ar jugement du 14 avril 18 10 , le tribunal de Clermont a décidé , i ° . que l’inscription de madame de Cha- banes étoit régulière, parce que la date du mois et de
Tannée étoit conform e, et qu’il n’y avoit pas d’autres
actes de la même année; 20. que la compensation n’avoit
pas lieu par un acte sous seing p rivé, au préjudice des
droits acquis à des tiers , surtout en succession bénéfi
ciaire; 30. que la séparation des patrimoines est de droit,
et s’oppose encore à toute compensation ; 40. que les
prétentions de M. de Hompesch, à faire déclarer madame
de Chabanes comptable et débitrice, doivent être dis
cutées lors de l’o rd re, dont il ne s’agit pas.
En conséquence, le tribunal de Clermont a déclaré
l’inscription valable , a ordonné la séparation des patri
moines demandée par madame de Chabanes, et a con
damné M , de Hompesch à rapporter le prix de son
acquisition, sous réserves des droits respectifs des parties,
même du sieur de H om pesch, pour les faire valoir à
l’ordre.
Sur le surplus des demandes, les parties ont été mises
hors de Courr
’ <
L a régie de l’enregistrement a été autorisée par M. le
�( 8 )
•Préfet du P uy-de-D ôm e à mettre le séquestre sur les
biens de M . de Hompesch, comme sujet de l’Angleterre,
et à interjeter appel dudit jugement.
- M . le Rasle ne voyant aucun chef du jugement statuer
sur ses conclusions, et craignant qu’on ne lui objectât
le hors de Cour prononcé, pour l’éliminer de l’instance
sur l’ap p el, a cru devoir interjeter un appel incident,
m otivé sur le silence du jugem ent à son égard, et no
tamment en ce qu’il ne lui avoit pas adjugé tout l’effet
de l’inscription de l’an 10.
C ’est en cet état que la cause fut présentée en l’au
dience d elà C ou r, du 8 juin 1811. Les conclusions de
M . de Hompesch étoient toujours pour la nullité et
radiation des inscriptions, et subsidiairement pour un
compte. Cependant l’arrêt ordonne seulement une plus
ample contestation sur le compte demandé à madame de
Chabanes, jet sur le bénéfice de la séparation des pa
trimoines.
lia régie*, parlant aujourd’h u i au nom de M . de
H om pesch , n’en revien t pas m oins à toutes ses prétentions.
Elle veut encore la nullité de l’inscription de madame
de Chabanes, pour erreur dans le mois de l’année 1769.
Elle refuse à madame de Chabanes le droit de de
mander la séparation des patrimoines, parce que, dit-elle,
elle n’est pas créancière.
Enfin, la régie ajoute que si m adam e de Chabanes
est jugée créancière, son fils, qui a droit comme elle à
la séparation des patrimoines, primeroit son hypothèque,
ayant une inscription antérieure.
' Néanmoins ayant bien compris que ce dernier moyen
servoit
�servoit au sieur le Rasle plus qu’à lu i, la régie se hâte
de dire que M . de Ghabanes n’a pas pu subroger M . le
Rasle a son inscription sur Rochefort , parce qu’alors
les choses n etoient plus entières , M . de Hompesch étant
libéré du prix de sa vente par un payement antérieur.
T e l est le sommaire des moyens de M . de Hompesch.
M. le R asle, qui les a déjà réfutés, s’en tiendroit à ses
précédens écrits, si l’arrêt de la Cour ne lui faisoit un
devoir de donner une plus grande explication sur le fond
de la contestation , qui avoit été renvoyé aux discussions
de l’ordre. Il doit donc se défendre aujourd’h u i, comme
préparé à être jugé sur le tout. Ainsi le sieur le Rasle
va répondre aux prétentions de M . de Hompesch, dans
le même ordre qu’il les propose ; après quoi il résu
mera ses propres prétentions, comme corollaire de ce
qu’il aura prouvé.
§• Ier.
L'inscription de madame de Chabanes ( cédée au sieur
le R a sle, pour 53,000fr a n c s ) est-elle nulle?
Il y avoit une question préalable que M . de Hompesch
a jugé à propos d’omettre, quoiqu’elle eût été agitée
la première audience de la Cour.
E to it-il besoin d'une inscription ?
M . de Hompesch auroit pu trouver tout à la fois la
solution de ces deux questions dans le silence même de
l’arrêt du 8 ju in , qui ne laisse à statuer que sur le pré
tendu compte et ses résultats, sans rien préjuger sur le
Jbnd, Alors M , de Hompesch se seroit épargné l’articlë
R
�(
Ip
)
p rin cip al de sa [discussion;, celui* à la vérité q u il avoit
fortifié- le plus , parce qu’il paroissoit y; attacher le plus
d’importance.
-.•• •
Ce n’est, pas sans une grande méditation que la Cour’
a>élagué les;fins^de nç.n-reçevoir , qui eussent été pré
judicielles et péremptoix’es ; c’est qu’en effet, il n’est
plus douteux;iquç¿les créanciers n’ont besoin d’aucune
inscription pour depaander la séparation des patrimoine»
dans les -successions ou,vertes avant le Code civil»
; Les titres;<du code et du digeste D e bonorum sépa
ration ibu s, la loi sur le régime hypothécaire, du 11 bru,maire an 7 , açcordojenl; expressément.et sans condition y
aux créanciers du défunt*, le droit dedemander la sépa
ration des patrimoines. L ’art. 878 du Code civil donne
le même droit dans tous les cas et contre tout créancier.
A la vérité, l’art. 2111 exige une inscription dans les
six mois de Y ouverture de. la succession, et défend de
prendre hypothèque valable sur l’héritier avant ce délai.
Mais, il n’étp.it pas possible, d’appliquer cette disposi
tion aux successions anciennes , vsans un effet rétroactif
que la loi prohibe, et même sans contrarier ouvertement
le texter.de la lo i, qui n’entendoit*pas fixer un délai,
quand ce délai étoit pass-é.
A u surplus, cette question a; été solennellement jugée
en la Cour de cassation, par arrêt du 8 mai 1811*, qu’il
est inutile de transcrire, parce que tous, les arrêtjstes
l ’ont recueilli comme fixant la jurisprudence. (Denevers,
18 i l , page 267. Sirey., 1 8 1 1 , pag* Bibl. du, barreau,
année 18x1. Jurisp.,du Code civil,, etc.)
jXon-seulejcaent ce point de droit est constant aujour-
�r( xO
d’iiui pour toutes les successions anciennes,'mais ikfaudroit le dire de même pour une succession oüverte'sous
le Gode c iv il, lorsqu’elle n’est acceptée que sous bénéfice
d ’inventaire.
Car , à l’égard d’une-telle succession, la séparation
des patrimoines est de d roit, puisque, i° . l’effet du bé
néfice d’inventaire est à*empêcher la confusion des biens
de l’héritier avec ceux de la succession, suivant l’art. 8oa
du Gode civil ; 2 l’héritier bénéficiaire n’est qu’ un
administrateur qui doit rendre compte aux créanciers
de la succession, d’après l’art. 803.
?
• Il ne faut donc pas d'inscription pour avertir les
créanciers personnels de l’héritier de ne pas compter
sur une confusiorn‘ impossible ; et. à ; quoi senviroit-elle,
lorsque l’art. 2146 du Code a dit que les .inscriptions
prises depuis l’ouverture d’une «succession bénéficiaire,
ne produisent aucun effet entre les créanciers de la
succession.
Ces principes viennent fl’être appliqués par un* arrêt
de la Cour impériale de Paris, entre le sieur -Pigal,
créancier chirographaire de la succession Ledoux ( ou
verte sous le Code civil , et acceptée par bénéfice d’in
ventaire), et les créanciers inscrits de la dame C hol,
héritière bénéficiaire. Ceux-ci prétendôient à la priorité /
comme seuls hypothécaires et inscrits; ils réclamoient
le bénéfice de l’article 2 1 1 1 , qui exige une inscription
dans les six mois pour permettre la séparation des pa
trimoines. Mais la Cour de Parislajugé.autrem ent.
« Attendu que par cela .seul qu’une succession .est
« acceptée par bénéfice d’inventaire, la séparation des
B 2
�( 12 )
« patrimoines existe nécessairement ; que les créanciers
« de l’hérédité n’ont pas besoin, en ce cas, de demander
« cette séparation ; que c’est par une conséquence de ce
« principe, que l’article 2146 du Gode Napoléon porte
« que l’inscription prise depuis l’ouvertue de la succes« sion , ne produit aucun effet entre les créanciers de
« cette succession, lorsqu’elle est acceptée sous bénéfice
« d’inventaire ;
« Attendu que l’article 2 111 ne s’applique qu’aux suc« cessions acceptées purement et simplement;
« M et l’appellation et ce dont est appel au néant ; émen« dant, décharge l’appelant des condamnations contre
« lui prononcées.
. ■
« D u 20 juillet 1811. Cour impériale de Paris (1). »
D ’après cela , et puisque madame de Chabanes est
créancière d’une succession non-seulement bénéficiaire,
mais encore ouverte avant le Code civil, il ne paroît pas
fort essentiel de suivre M . de Hompesch dans sa disser
tation sur l’effet que doit produire, dans une in scrip tion ,
la différence entre le 18 fév rier ^rj 5g, et le 18 Juin 1759.
Les deux arrêts copiés par M . de Hompesch n’avoient
d’ailleurs qu’une application fort indirecte à la cause ac
tuelle; car dans le premier (du 22 avril 1807) il s’agissoit
d?une inscription faite sans la moindre mention d’un titre;
dans le second (du 7 septembre 180 7), l’inscription ne
eontenoit ni les noms, ni les prénoms des créanciers pour
qui elle étoit faite, ni la vraie date du titre; en sorte
(1) Sirey, supplément, 18117 PaS* 385. Deneyers , supplé
ment, j 8 n , pag. eoo.
�( ;! 3 )
_
_
v
qu’il étoit impossible de casser l’arrêt qui avoit jugé une
semblable inscription irrégulière.
T ou t cela, n’a rien de, commun-jt ,u ne, inscription où
le nom et le prénom du créancier, le nom et le prénom
du débiteur, la*date'de l’année, et l’époque de l’exigi•bilité sont réguliers. Qu’importe après cela la ’différence
.du m ois, lorsqu’aucune hypothèque de; la ’mêmeoànnée
'n ’est en concurrence;lorsqu’il seroit ridicule de’ supposer
-un mariagevarrivé deux fois dans la même année entre
les mêmes personnes ;, et lorsqu’enfin avec le secours des
’tables' alphabétiques des contrats de mariages 'établies
-dans ' tous les bureaux d’enregistrement / depuis 174 0 ,
-aucun créancier postérieur ; ne pourroit prétendre de
bonne foi se trouver dépaysé dans' ses recherches.
Ce moyen dé nullité avoit été parfaitement'discuté
par le jugement dont est appela qùi l’a rejeté. Rien n’étoit
plus pitoyable, en'effet , que d’avoir crû'renverser un
titre avec un aussi frêle’ moyen •d’attaq u e:‘>’a ücupium
sjlla barum , et rien de plus.
'
‘ ’I '
r. . : Vp
A u reste, cette arme s’est; brisée dans les mains de
’ M . de Hompesch , depuis l’arrêt de cassation dont il
n’a pas jugé a propos de parler , parce;qu’il lui eût été
trop difficile d’en esquiver l'application. ■ ^ ;
A in s i, et dans toutes les1 hypothèses, Madame de
Chabanes a un titre 'd é créance régulier sur la succes
sion bénéficiaire de son mari ’et de son fils (G ilbert).
La terre de ' R o ch efort est son gage, et ce gage est
affecte spécialem ent à la créance de M .-le R asle, pour
•■un capital de 83,000‘frai-ùiSr' ; '
" c,' .1.1 ! :
�'(i4)
§. I I.
,
'
Madame de Chabanes est-etie créancière?
Alitant «M. dè Hompesch favoit été abondant dans
jses idées pour )discuter la question précédente sur ;là•quelle la Cour n elu i avoit demandé aucune explication ,
•lautant il ;acétéîbref et stérile sur la prétention élevée
op&rjluL, que madame de Chabanes >/’est pas créancière.
• En dix Ugnes bien comptées, M . de Hompesch a
-stout dit./Unejprocuration’du 30 juin ¡1781 (1) /u n bail à
cferme du i4)ja.nvier 1783, une procuration du 20 mars
',178.6, pour vendre deux cents carreaux de terrain ap
partenant à son fils à St.-Domingiie-, voilà, suivant M . de
Hompesch, trois pièces qui prouvent tout ce que la
Cour a voulu ;savoir. Il croit sur la foi de ces dix lignes
que madamje de Chabanes doit être réputée -débitrice,
sans autije démonstration, et il le croit rpar cela seul
qu’il y a conclu : C red id i propter qu od lo cu tu s su m .
Ce qui valoit cependant la peine d’être recherché, c’étoit
l’usage que madame de Chabanes pouvoit avoir fait de
ces procurations pour recevoir. Car enfin il arrive tous
les jours que celui qui voyage donne un pouvoir pour
•renouveler ses baux our faire d’autres actes urgens en
-son absence , sans que pour cela le mandataire ait touché
les revenus du mandant. Il eût été fort aisé à M . de
Hompesch de compléter ses preuves, en puisant dans
(1) Elle est du 3o juin 1782. Vérifié sur les pièces même de
M. de Hompesch.
�( i 5 )
tes mêmes sources ou il a trouvé les* trdîs'actes dont ifr
se prévaut. Les inventaires et 'papiers* de la maison dfe
Chabanes étoient à sa disposition^, puisqu’ils sont proLI
duits par madame'de CHabanesi
' * ‘
; Régulièrement c’étoit à M . de Hompesch à prouver
que madame de Chabanes avoit reçu* des sommes pour
son fils, puisqu’il a articulé ce fait, et cju’jil est deman
deur. M. le Rasle. pourroit avec plus de raison éluder
la difficulté, en disant que madame de Chabanes reste
créancière de sa dot et reprises, tant qu’on ne rapporte
pas des quittances de compensation. Mais l’arrêt* de la
Cour ne seroit pas exécuté; et pendant que M. de Hom
pesch se récrie sur la lenteur de ce procès qu’il ne veut
pas éclaircir,, M . le Rasle va donner à la Cour les ex
plications qu’elle demande, parce*qu’il'plaide pour tout
autre motif que* celui de contrarier M.- de; Hompesch.
Il a l’intérêt très-réel de recouvrer son argent.
Mademoiselle de Taleyrand-Périgord'se marià‘Te 18
février 17 5 9 , avec M . Jean-Charles d e‘ Chabanes.
.E lle se constitua en d o t, x°. ses droits légitimaires
paternels, tels qu’ils étoient réglés par acte d e ’ liquidaT
tion passé entre. M . de Taleyrand-Périgord et ses enfans,
le 14 juin 17 5 7 ; 2<\ une rente d e 56,000 francs^annuel
lement sur l’état ; 3p. une rente viagère-' de 42 francs,
constituée en tontine sur sa tête, par sa bisaïeule; 40: la
dame de Taleyrand:, sa mère , lui lit donation de 80,000 fr.
L e douaire de la future fût fixé à 6,000 francsde rente
viagère, réductible à 4,000 francs*, en casd’enfâns, et le fonds du douaire- fut réglé à! 80,000 francs.
Il lui fut assuré un droit d?habitâtion-dans l’un des
�( *6 )
châteaux du futur; avec meubles nécessaires et convena
bles à sa qualité , et la jouissance des jardins, parcs et.
prés-clôtures dudit château.
L e préciput de communauté fut fixé à 26,000 francs,
que la future pourroit retirer, même,en renonçant à la
communauté, avec son carosse, sa toilette, garderobe, ,
diamans et bijoux»
* . 1
.
.
j
, M . Frédéric çle Chabanes, fils de Jean-Charles, se maria
10,24 juillet 1780, avec mademoiselle de Y o yer d’A r genson. Son ¡père lui donna pour légitime 300,000 fr.
M . de jChabanes père, accablé de dettes, en France,
et ayant obtenu une concession de terrains à Saint-Do
m ingue, partit pour cette île, à la fin de 1779, et laissa,t
dit-on , une procuration, faisant espérer vraisemblable
ment à ses créranciers des fonds d’A m ériq u e, q u i, comme <
on va le voir, ne devoient jamais arriver à leur destination.
A peine débarqué à Saint-Domingue, M . de Chabanes
ne pouvant sans doute exploiter les terrains concédés.
sans une habitation, en acheta une du sieur Bourguignon,
appelée des Trois-Palmistes.
Il paya un à-compte de 26,300 francs, mais avec les
deniers du sieur Jouette ; le surplus du prix n’étoit pas
payé à sa m o rt, pas plus que le prix de seize nègres
qu’il avoit achetés.
.
M , de Chabanes père mourut à Saint-Domingue, le 26
septembre 1780, laissant un testament du
par lequel
il légua son habitation d e s Trois-Palmistes à M . le baron de
Taleyrand-Périgord, à la charge d’en payer le prix, e t .
cçlui des sei^ç,nègres, et de rembourser M . Jouetlc, .
�( *7 )
Madame de Chabanes fut nommée tutrice de ses dèux
enfans , mais seulement honoraire. L e sieur Morandez
.fut nommé tuteur oneraire; et lui seul, suivant l’usage ?
dut toucher les revenus, pour en rendre compte.
On va tout d’un coup apprécier ce que pouvoient être
ces revenus, après la déduction des charges.
Dans un précédent m ém oire, M . de Hompesch évaluoit à 23,600 francs le revenu des terres de la succes
sion (1).
Sans perdre du temps à prouver qu’il y a de l’enflure
dans cet état, voyons seulement les charges relatées dans
l’inventaire lui-mêine (d u 18 janvier 178 1).
La succession devoit,
i°. En rentes perpétuelles, dont le capital au denier
vingt é t o it......................................................... 41,700 fr.
2°. Des rentes viagères, dont le capital au
denier dix étoit d e .........................................
30,000
3°. En obligations ou effets, avec ou sans
in térêts............................................................... 176,202
40.' A u x fournisseurs de la m aison.........
16,254
5 °. Dettes de Saint-Domingue.................. 638,000
Qu’on ajoute à cela les arrérages et intérêts non payés,
les reprises de madame de Chabanes, etc., on sera con
(1) M. de Hompesch y ajoutait 20,000 francs de rente pour
Lapalisse, idéalement, à la vérité, et par un simple calcul de
probabilité. Mais la terre de Lapalisse venoit de Jean de Çhabanes , qui l’avoit substituée au profit de l’un des enfans de
Charles de Chabanes ; ainsi cette terre n’a jamais appartenu à
la succession.
G
�(r8)
vaincu à Pinstant que les revenus étoieut au-dessous de
zéro.
.
Madame de'Chabanes en fut si promptement iconvain
cue, qu’elle renonça à la communauté par acte du 7 juillet
'1781, pour s’en tenir à ses reprises. ( L ’inventaire n’étoit
terminé et clos que le 16 juin 1781. )
Ses deux fils se portèrent héritiers bénéficiaires , et
traitèrent sur la substitution de'Lapalisse, qui fut déclarée
appartenir à Frédéric, par acte du 30 mars 1782, homo
logué au parlement.
Jusque-là madame de Chabanes n’avoit eu aucune ges
tion. Son fils Frédéric, marié et émancipé avant la mort
de son p è re , jouissoit de ses revenus. Madame de Cha
banes avoit eu quelques instans la qualité de tutrice hono
raire de son fils Gilbert ( émancipé l e .14 janvier 1782);
mais l’inventaire prouve que tout l ’actif et les papiers
de la succession furent.remis au tuteur onéraire, le sieur
Morandez. C’est donc à-celui-là seul qu’on a un ^compte
à demander pour, cette première époque. •
En 1782, ^Gilbert de Chabanes, partant pour SaintDom ingue, laissa ¿.madame de Chabanes, sa m ère, une
procuration (le 30 juin 1782) pour régir ses biens de
France, toujours communs et indivis avec son frère, qui
n’avoit pas encore répudié. Ne pouvant mettre à la voile
qu’en juillet ou ao û t, on présume bien qu’il se munit
de tous les fonds que les fermiers purent lui donner,
sans s’embarrasser des charges qu’il laissoit à acquitter.
Son voyage fut aussi court qu’il pouvoit -l’être. IL ne
dut rester que quatre ou cinq mois a Saint-Domingue;
eau il se trouve un acte notarié ; souscrit par lui en
�f
î
France le 29 juillet 1783; et nous allons voir par d’autres
actes qu il ne s’absenta plus jusqu’à la fin de l’année 1788.
L e seul usage qu’ait fait madame de Chabanes, de ce
pouvoir du 30 juin 1782,, ou plutôt le seul- qu’on lui
im pute, est un bail à ferme de la terre de Curton, fait
en vertu d’une procuration de madame de Chabanes , du
14 janvier 1783, devant un notaire de Bordeaux (1).
M . de Hompesch ne prétend pas que ce bail prouve le
moins du monde que madame* de Chabanes ait rien
touché par anticipation sur ce bail ; et quant aux termes
à échoir, on voit que M . Gilbert.de Chabanes étoit déjà
de retour avant que le premier terme eût pu arriver.
Gilbert de Chabanes avoit eu le temps de connoître le
mauvais état de sa fortune à Saint-Domingue. Il en re
vint dans le printemps de 1783, et le premier acte connu
qu’il fit en France fut une déclaration du 29 juillet 1783,
pour consentir à l’exécution du testament du p è r e , et
à la délivrance des legs.
M . le baron de Taleyrand - Périgord , légataire de
l’habitation des Trois-Palmistes (à la charge de la payer),
s’en mit en possession ; et par arrangement de famille
(1) M. de Hompesch avoit dit dans un premier mémoire que
le prix de ce bail étoit de 7,000 francs, qu’il mettoit en ligne
pour faire monter le revenu de la succession à a3,6oo francs.
Mais où avoit-il pris ce fait? Ce n’est pas dans le bail; il ne l’a
pas dans son dossier : il a l’inventaire de 1789, où ce-bail1 est
énoncé, cote 3, et le prix n’est que de 3, 5oo francs.
Il cite aussi les baux des autres terres, e£ ne les produit pas.
Est-il aussi exact pour ceux-là que pour Curton?
C 2
�f20)
avec madame de Chabanes, sa sa u r, il lui vendit celte
hab talion iè n août 1783.
* Madame de Cliabanes eut donc des démarches à faire
pour régir cette propriété, ou pour en vendre de quoi
faire les payemens les plus urgens.
V oilà ce qui explique les deux procurations des 5 mai
1784, et 20 mars 1786, où M . de Hompesch prétendoit
trouver des preuves si claires de la gestion de madame
de Chabanes, et même des ventes par elle faites de la
propriété de ses fils.
La procuration du 5 mai 1784 contient pouvoir par
madame de Chabanes à M . le comte O gorm an, résidant
à Saint-Domingue, de régir et affermer l’habitation des
Trois - Palmistes, appartenant à ladite dame de Cha
banes (1) ; et celle du 20 mars 1786 lui donna pouvoir
d’en vendre deux cents carreaux ( l’habitation en avoit
trois cents ). On ignore si cette vente a eu lieu ; mais il est
inutile de le rechercher, puisqu’elle ne vendoit que sa
propriété, et non celle de ses enfans.
Madame de Chabanes se mêloit si peu des revenus
de son fils depuis son retour en France, qu’il est prouvé,
i°. par deux procurations des 24 février 1784, et 17 août
1 7 8 5 , que Gilbert de Chabanes avoit chargé M . de
Junquières, avocat, de ré g ir , affermer ses biens de
France, recevoir tous loyers et rentes, etc. ; 20. par trois
(1) M. de Hompesch a imprimé dans son dernier mémoire,
page 16, que madame de Chabanes avoit donné une procura
tion , le 20 mars 1786, pour vendre deux cents carreaux de
terrain a p p a rten a n t
à
son fils- dlîlé*
�( 21 )
procurations des 8 mars 1785, 20 mars 1786, et 31 janvier
* 7^7 y qu’il avoit chargé M . Bessaiguet de Léogane de
régir ses biens d’Am érique, et d’en toucher les revenus;
3°. par des baux des 10 septembre 1785, 16 mars 1787, et
25 février 1788, qu’il afferma par lui-même , ou par
d’autres mandataires que sa mère 5les terres de Rocliefort,
Madiq et V iq , à l’expiration des baux précédens; 40. par
des actes des 6 mai 1786, 29 avril 1786, et 30 juin 1788,
qu’il régloit ses affaires et ses com ptes, tantôt par luimêm e, tantôt par ses agens, mais toujours sans l’inter
vention de madame de Chabanes. *
Tous ces actes sont faits aussi sans la participation de
Frédéric de'Chabanes, parce qu’après avoir e u , comme
on l’a d it, la qualité d’héritier bénéficiaire, Frédéric
avoit répudié, le 30 décembre 1785, à la succession de
son p ère, pour s’en tenir, aux 300,000 francs de légitime
assurés par son contrat de mariage.
M . Gilbert de Chabanes, parti une seconde fois pour
Saint-Domingue à la fin de 1788, y mourut le 6 mai
1789 : son inventaire fut commencé à Paris le 6 juillet
suivant.
M . de Hompesch avoit d’abord affecté de remarquer
que madame de Chabanes parut à cet inventaire comme
héritière des meubles et acquêts, qualité de laquelle il
tiroit de grandes conséquences. 11 eût dû y voir plutôt
qu’elle n’y étoit à la première séance que comme habile
à se porter héritière, et qu’élle n’y étoit plus du tout
à la seconde séance , au moyen de sa renonciation.
En effet, dès le lendemain de l’ouverture d’inventaire,
et par acte du 7 juillet 1789, madame de Chabanes avoit
�( 22 )
renoncé à Ja succession de son fils; sa- répudiation, datée
et énoncée à la seconde séance, ne pouvoit pas être igno
rée de M . de Hompesch ,, qui a cet inventaii'e dans son
dossier.
Frédéric de Chabanes accepta la succession par bé
néfice d’inventaire r le n juillet 1789, fit continuer l’in
ventaire comme seul héritier de son frère, et se mit en
possession^ des biecfs en cette qualité.
V oilà tous les éclaircissemens qu’il a été possible de
donner à la Cour sur la prétendue gestion de madame
d€ Chabanes. Il est prouvé qu’elle n’a eu de gestion que
pendant la fin de 1782, jusqu’au milieu de l’année 1783;
et on ne montre aucun payement fait en ses mains en
cette qualité.
M ais, comment vivoit donc . madame de Chabanes,
a voit demandé M . de Hompesch, si elle ne touchoit
rien? Sa dot étoit si médiocre !
A cette question tudesque, madame de Chabanes ré
pondit qu’elle avoit, i ° . la rente de 6,000 francs portée
en son contrat de mariage; 2°. son traitement de dame
d’honneur, de 4,000 francs; 30. un brevet de pension
créée pour elle en 1779, de 6,997 francs.
Quoi qu’il en soit, il est prouvé que madame de
Chabanes ne doit aucun compte ; 011 si on insiste à vouloir
qu’elle en doive un pour six mois, elle l’a rendu, en
disant qu’elle n’avoit rien touché, et qu’au contraire il
est prouvé, par l’inventaire de 1781 , que madame de
Chabanes étoit en avance de
francs.
�( 23 )
Ainsi , M .’ le Rasle, son subroge*, revient présenter
avec confiance l’inscription d u 2,6 ■
ventôse an 1 1 , et
■conclure, non-seulement à ce ,qu’elle 1ne soit pas rayée,
mais encore à être -colloque pour 53,000 francs et les
intérêts , au rang de cette inscription.
Est-elle ou’ n’est-elle pas exagérée 1quanÈ aux arrérages
et droit d’habitation ? M. de Hompesch ne dit plus rien
là-dessus’ : au reste^ cettë^ discussion'¿^appartient qu’à
madame de Chabanes. Car il suffit à *M. *le Rasle qu’i l y
ait une créance incontestable dè 53,000 francs, et il n’a
besoin d’aucune nouvelle explication pour prouver ce fait.
7
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& inscription de Frédéric de Chabanes doit-elle primer
celle de madame de Chabanes ? et M . de Hompesch
est-il aux droits de M . de Ghabanes-contrite libéré?
pour réclamer cette priorité ?- Mi/ ,4‘ &***■ •r '
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ja
...
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M . de Hompesch le dit ainsi, croyant s’attribuer à lui
seul la créance de M. ide Chabanes, au préjudice de la
subrogation faite à M . le Rasle.[J
oooço^;u r;o
:>
Pour arriver à cette démonstration, il part d e: lo in \
et il est obligé de confesser des principes èt des faits qui
doivent abréger singulièrement la difficulté. Car M .-le
Rasle va s’en emparer* à l’instant, commè de chose utile
à lui seul.
i'
.
;fni
i
Frédéric de Chabanes, dit M . de Hompesch, -est créant
cier de son père et de son frère\ en’ vërtu de ¿Ôn cotitra'fc
de mariage ^ donc il a aussi-le droit de demander la
�.
( M )
.séparation des patrim oines.. . . . . . Adopté. Car M. de
Chabanes, simple héritier bénéficiaire de son frère, n’a
pas fait de confusion : il peut donc venir comme créan
cier , de son chef, à la succession du défunt.
L ’effet de la séparation des patrimoines , continue
M . de, H om pesch, est de faire payer les créanciers du
défunt '.avant, ceux de Vhéritier ; elle établit un mur de
séparation entre ces d eu x’ classes de créan ciers............ ..
Adopté encore. M . de Hompesch a traité avec Frédéric
de Chabanes, et il- n’a de garantie que contre son ven
deur. , M. $e Hompesch n’est pas créancier de la suc
cession ’ il ne peut donc pas venir en p riorité, ni
même en concurrence avec madame de Chabanes, qui
est créancière de la succession. L e mur de séparation
est bâti par M. de Hompesch lui-m êm e ; il faut que
les créanciers de la succession bénéficiaire soient d’un
côté avec le prix de l’immeuble; l’acquéreur restera de
l ’autre avec les créanciers personnels du vendeur.
C e n’ étoit p a s , à la v é r it é , p o u r cette conclusion que
ft/h de H om pesch a placé M . de Chabanes au rang de
créancier de la succession , et q u ’il lu i a accordé une
créance de 630,000 francs; il continue son raisonnement,
et; i l dit
‘ :
’
• J ’ai payé 86,000 francs à) mon vendeur, le jour même
de ma vente ; donc je suis libéré par compensation. Il
a reçu cette somme sans im p u ta tio n , et je suis maître
de l’imputer sur la terre de R o c h e f o r t plutôt que sur la
créançe vendue. M on vendeur a donc touché sa propre
créance hypothécaire et inscrite ; ce qui me met à sa
plaqe pour son inscription.
Autant
�( 25)
Autant d’erreurs que de mots.
Que peut signifier à des tiers une quittance occulte
et suspecte, contradictoire avec le titre même de M . de
Hornpescli, et avec le langage qu’il a tenu pendant
quatre ans?
En quoi et comment cette quittance, fut-elle authen
tique, vaud roit-elle libération, compensation, subro
gation, etc., après une transcription qui forme un contrat
•judiciaire tacite, vinculum ju r is , entre l’acquéreur et
les créanciers dont l’immeuble est le gage ?
M. de Hompesch , se disant créancier de M . de Cîiabanes, tantôt de 9,900 livres sterling (o u 230^00 fr .),
tantôt de 2,396 liv. 2 s. et demi sterling, produisant
aujourd’h ui, pour le prouver, quatre actes publics passés
à Londres, et contenant obligation de i 6 , 5oo liv. sterling,
ou , si on veut, de 8,080 liv. sterling (1), auroit-il oublié
(1) Ceci mérite une explication qui ne sera pas inutile pour
montrer que M. de Hompesch sait parfaitement faire ses affaires,
et qu’ainsi il ne faut pas attribuer à une simple négligence les
précautions qu’il dit n’avoir pas voulu prendre lors de sa vente.
Voici le style de l’une de ces obligations.
« Soit notoire à tous, par ces présentes, que moi Jean-Frédéric
« de Chabanes-Lapalisse, marchand de charbon de Mille-Banck« Street-Westminster, reconnois devoir et être fermement en« gagé envers M. Charles Hompesch, communément appelé le
« baron de Hompesch Nei/i E lm s, dans le comté de J u ry, en la
« somme de huit mille livres sterling, argent bon et légal de
« la Grande-Bretagne, etc.
cc La condition de l’obligation ci-dessus, est que si le susdit
D
�c * 6 ')
qu’il a avoué avoir été lié d’intérêt avec M . de Chabanes à Londres , et avoir succédé à ses magasins et
marchandises?
Sa prétendue quittance ne contient libération sur le
passé que de 36,000 francs, q u i viennent, a-t-il dit, en
déduction du p rix des ventes. L e surplus est un nouvel
emprunt de 5 o,ooo francs en traites sur Londres, et en
cautionnement d’effets.,
On croiroit que M . de Hompesch, pour corroborer
cette pièce, -et donner quelque vraisemblance à. sa date,
rapporte au moins les comptes et les traites acquittées :
point du tout; il ne justifie rien..
M . de Hom pesch, qui veut ne pas payer un prix de
vente, et qui prétend établir une concurrence avec des
créanciers hypothécaires, ne s’est pas flatté, sans doute,
«
te
«
«
engagé 'Frédéric Chabanes-Lapalisse , ses héritiers, exécu
teurs et administrateurs , payent ou payeront exactement
et fidèlem ent, ou feront payer audit Charles Hompesch la
pleine somme de q u a tr e m ille liv r e s sterling de monnoie
<c légale de la Grande-Bretagne, avec les intérêts de ladite somme
« à cinq pour cent par an, à dater du jour de la susdite obli
ge gation, aussitôt la demande fa ite ; alors, le bon ci-dessus
c<
cf.
cc
<c
cc
de h u it m ill e l i v r e s Csterling) doit être n u l, sinon le susdit
bon ou la susdite obligation doit rester dans toute sa force
ou pleine valeur.
<c Londres, Tan fa*, du règne de notre souverain seigneur
Georges I I I , roi des royaumes unis de la Grande-Bretagne,
dans l’année de notre S e ig n e u r 1802.
• ce S ig n é J o h n -F r é d é r ic d e C hab an es -L a p a lis s e . »
�( *7 )
de venir dispute? le gage des autres créanciers avec un
chiffon sans date et sans probabilité, comme s’il eût été
le maître de se donner une créance.
: Dans sa propre vente du 7 .pluviôse an 1 1 , M . de
Hompesch ne dit pas qu’il a payé; il d it, au contraire,
qu’il payera le prix après la transcription. ~
i II ne peut prétexter à cette clause, toute de son fa it,
aucun m otif secret, vaucune gêne. Il achetait sous seing
privé.
En plaidant à P aris, il réitéroit cet engagement en
présence de madame de Chabanes. Il offroit de payer
à qui par justice seroit ordonné.
Que fa u t-il conclure de cela, si ce n’est qu’alors la
quittance datée du 7 pluviôse an 11 n’existoit pas?
- Quand elle auroit existé, M. de Hompesch se jugeoit
lui-mêm e. Il contractoit un engagement qu’il veut ré
voquer aujourd’hui . . . . et avec quoi ?
A vec un prétendu règlement sous seing p rivé, qui
réduit à 36,000 francs sa créance apparente, d’abord
si énorm e, pour laquelle, à la v é r ité , il est encore
possesseur des titres.
Quand il seroit croyable que M . de Chabanes a payé
230,000 francs sans retirer les titres, il faut dire que
le titre et le règlement ne valent pas mieux l’un que
l’autre.
Les obligations passées à Londres ne font un titre
en F ran ce, que lorsqu’elles sont confirmées par un ju
gement rendu en France. ( Code c iv il, art. i 5 . S ire y ,
an 12, p a g .. . . et 192* D enevers, 1808, pag, 449;
D %
�( *8 )
1810, pag. 2,36, 238*, 18 11, pag. 468. M erlin, Questions
de d r o it , V °. Etranger et Jugem en t, §. 14. )
Sa prétendue quittance est sous seing p r iv é , et n’a au
cune valeur contre des tiers, suivant l’article 1328 du
Gode civil.
-^
L a compensation qu’il propose est donc un rêve que
ne firent jamais ‘ des acquéreurs d’immeubles grevés
d’h y p o th è q u e s; et ce q u i rend plus inconvenable la
préten tion de M . de H om pesch, c’est que sa soi-disant
quittance ne le subroge pas même à l’inscription dont
il veut s’emparer au préjudice d’un transport authenti
que fait au sieur le Rasle..
A in s i, plus on veut examiner le système de M . de
H om pesch, pour y chercher de vraies objections à ré
soudre, plus on demeure étonné qu’avec une pièce’
apocryphe et sans valeur il ait cru .sérieusement acheter
uu immeuble grevé d’hypothèque, sans le payer.
Q u e l p riv ilè g e auroit donc cet a cq u éreu r, après avo ir
pris des engagem ens bien form els par son a cte, et les
avoir réitérés par sa transcription ?
L a loi étoit là pour lui expliquer les effets de cette
transcription, et lui- marquer ses devoirs.
« La transcription.... ne purge pas les- hypothèques
« et privilèges établis sur l’immeuble.
« L e vendeur ne transmet à l’acquéreur que la pi-o« priété et les droits qu'il avoit lui-même à la chose
« vendue. Il les transmet avec l'affectation des mêmes
« privilèges et hypothèques dont il étoit chargé. » ( Code:
c iv il, art. 2182. )
�( *9 )
j- « L ’acquéreur déclarera..., qu’il est prêt à acquitter,
xc sur-lc-champ ^‘'les dettes et charges hypothécaires, jus« qu’à concurrence seulement du p rix , sans distinction
cc des dettes exigibles ou non exigibles. »>( Gode civil, art.
2184.)
«
M . de Hompesch ne s’est peut-être pas dissimulé qu’il
n’éviteroit pas de se conformer à la précision de ces
articles. Aussi il les a éludés, eu ne faisant aucune no
tification de sa transcription, pour qu’il n’y eût encore
ni enchère, ni ouverture d’ordre. Pendant ce temps-là,
il a engagé M . de Sarrasin, son acquéreur, à,transcrire
lui-même et à notifier aux créanciers inscrits; et M. de
Hompesch continuoit de les occuper à discuter sa quit
tance et ses prétentions novatrices.
Passons sur cet épisode, qui importe moins au sieur
le Rasle qu’il n’importera à madame de Chabanes et à.
ses subrogés postérieurs; suivons encore M . de Hom
pesch dans ses objections*
Il sait bien qu’il n’est pas subrogé à M. de Chabanes,
mais il veut se mettre à sa place de plein droit , en
disant que la quittance du 7 pluviôse an 11 équivaut à
un payement que l’héritier bénéficiante se seroit fait à
lui-même de sa propre créance,• et en ce cas, dit-il, il le
porteroit valablement en compte de bénéfice d’inventaire
vis-à-vis les autres créanciers.
Si l’opération supposée étoit justifiée par un acte authen
tique , il resteroit encore la question de savoir si M . de Chabanes, héritier et administrateur de la succession, auroit
pu se payer par ses mains sans un ordre judiciaire. Mais
�( 3° )
acceptons, s’il le faut, sa quittance comme .un transport ;
fait à M . de Hompesch, le 7 pluviôse au 1 1 , d’une porr
tion de la créance de M. de Chabanes contre la suc
cession bénéficiaire.: il existe un autre transport au profit
de M . le Rasle, du 29 ventôse an 13. Lequel aura la
préférence ?
'
Il n’y a de transport valable que celui qui est accepté
par acte authentique par le débiteur, ou celui qui est
fait avec remise du titre et notification au débiteur. ( Code
c iv il, art. x689, 1690.)
. O r , M . de Hompesch n’a ni acte authentique, ni re
mise du titre, ni notification.
M . le Rasle a tout à la fois acte authentique, remise
du titre, et une inscription en son nom , qui est la seule
notification qu’il pût faire légalement après une trans
cription.
Ainsi tout ce que M. de Hompesch a dit pour prouver
que M . de Chabanes est créancier sur l’immeuble vendu,
est dit en faveur du sieur le Rasle; e t, d’après cela, le
droit que s’arrogeoit M. de Hompesch, d’imputer les
86,000 francs à sa guise, devient sans intérêt.
Cependant il n’est pas inutile de lui observer que la
clause de sa vente, comparée avec sa quittance, prouve
qu’il avoit entendu lui-même imputer ces 86,000 francs
sur la partie de sa dette non sujette à transcription.
En citant l’art. 1 256 du C o d e , pour prouver que le dé
biteur est présumé payer la dette qu’il avoit le plus d’in
térêt d’acquitter, M» de Hompesch a pris cet article à
�(3 0
rebours ; car il àvoît intérêt de ne payer que la dettë
mobilière j vendûe par M . de Chabanes
son nom\
et il avoit intérêt à ne pas payer à an héritier bénéfi
ciaire le prix d’un immeuble, pour ne pas le payer deux
fois.
L ’ordre de créances qu’a fait M . de H om pesch, en
plaçant le fils au premier ran g, à cause de la date de son
inscription, est encore sans intérêt; car M . le Rasle re
présente le fils et la m ère, et M . de Hompesch n’en re
présente aucun. D ’ailleurs, il arrangeoit les choses à l’in
verse de l’ordre légal des collocations; car y ayant lieu ,
d’après lui-m êm e, à séparation des patrimoines sur une
succession bénéficiaire ( ouverte avant le Code ), madame
de Chabanes doit être colloquée au premier rang, parce
que son hypothèque est de 1759 : son fils ne doit être
payé qu’après elle, puisque son titre n’est que de 1780,
M . de Hompesch se plaint de ce que les premiers juges
avoient renvoyé les parties à un ordre. Il atteste qu’il
n’en faut pas, et que l’ordre est tout fait.
Si madame de Chabanes n’a pas de raison pour s’y
opposer, M . le Rasle est encore tout prêt à faire écho
avec M , de Hompesch, pour répéter après lui : Un ordre
est inutile ; il est tout fait.
Personne, en effet, n’est moins intéressé à en vouloir
un que M . le Rasle ; il représente les deux créanciers
inscrits, par une subrogation antérieure en date à tous
les titres dont se prévalent les autres parties de la cause.
Il peut donc parfaitement abonder dans le sens de M . de
Hompesch, pour que la Cour fasse dès à présent la col-
�( 3= 0
location des 66,000 francs, parce qu’il sèra inévitablement colloqué au premier rang, pour le montant de son
inscription et des accessoires.
RÉSUM É.
M . de Hompesch est acquéreur d’un immeuble pro
venu de la succession bénéficiaire de Gilbert de Chabanes.
Cet immeuble est grevé d’une hypothèque de madame
de Chabanes-, depuis 17 5g , et d’une hypothèque de
M . Frédéric de Chabanes, depuis 1780.
M . le Rasle est subrogé à ces deux hypothèques jus
qu’à concurrence de 53,000 francs.
Elles sont conservées par des inscriptions régulières;
pt d’ailleurs y ayant lieu à séparation des patrimoines,
il n’a pas fallu d’inscription.
M . de Chabanes, qui a vendu l’immeuble grevé, n’a
pu ôter aux créanciers de la succession le droit de rece
voir le prix qui représente l’immeuble.
Il n’a pas perdu lui-même le droit de venir comme
créancier de la succession, puisqu’il n’a vendu que comme
héritier bénéficiaire.
Ainsi le sieur le Rasle, subrogé a M . de Chabanes, peut
se faire payer en vertu de son inscription, qui est re
connue au procès avoir une cause légitime ; il le peut
aussi comme subrogé à madame de Chabanes. A in si, avec
ces deux titres, rien ne l ’empêchc de toucher les premiers
deniers de la vente.
I,a demande d’un com pte, contre madame de Cha
banes ,
�( 33 )
banes, ne porte aucun obstacle à ce versement, puisque
M . de H om pescli, obligé de justifier sa demande en
com pte, n’a pas prouvé que madame de Cliabanes fût
débitrice.
Pendant l’année qui a précédé l’émancipation de son
fils, le sieur M orandez, tuteur onéraire, a eu la gestion
comptable.
L a procuration du 30 juin 1782 n’a pas duré six
m ois, et n’a été suivie d’aucune gestion comptable.
Ainsi madame de Chabanes reste avec ses créances, et
3VL de Hompescli n’a aucun m otif de ne pas payer après
sa transcription, comme il s’y est obligé.
La quittance sous seing privé, qu’il rapporte, ne s’im
pute ni ne peut s’imputer sur le prix de sa vente, et peut
encore moins être opposée à un créancier hypothécaire.
La cause n’a donc aucune sorte de difficulté, puis
qu’il ne s’agit que de l’exécution d’un titre clair et non
contesté. On plaide pour savoir si un acquéreur payera
le prix de son acquisition.
I^e sieur le Rasle n’a pas cru devoir grossir ce mé
moire d'une discussion sur son appel incident, parce
qu’il n’étoit fondé que sur le silence du jugement de
Clermont à son égard. On ne lui conteste pas le droit
de se présenter comme subrogé aux deux inscriptions;
e t, au contraire, on les discute contre lu i, en cette
qualité. M. le Rasle a donc obtenu déjà tout ce qu’il
avoit intérêt d’obtenir.
Il ne s’arrêtera qu’un instant sur une demande en
doiïUïiages-intérôts que M . de Hompescli a jugé a propos
form er, sous prétexte que lui-m êm e, M . de H om E
�( 34 )
pesch, bien confiant dans la bonté de sa cause, s’est
engagé vis-à-vis M . de Sarrasin , à rapporter la radiation des inscriptions dans le mois de la transcription,
et que ses adversaires ont la dureté d’em pêcher, en
voulant prendre pour eux l’argent que M . de Hompesch
s’étoit destiné. M. de Hompesch ajoute q u e , dans la
même confiance, il a consenti, vis-à-vis de M . de Sarrasin,
à ne toucher 30,000 francs qu’après cette radiation, sans
intérêts! E t sur cela il prend son texte pour dire qu’il
doit être indemnisé de ce qu’il perd.
Que ne s’obligeait-il, par une clause plus chevalelesque encore, à un dédit considérable, pour avoir le
plaisir de le demander!
Cependant la rég ie, qui parle aujourd’hui pour ellemême , trouve cette réclamation très-légitime.
Il
suffit de lui répondre qu ’ un Créancier . qui plaide
pour être payé d’une dette non suspecte et fondée en
titres, ne doit de dommages-intérêts à personne; et si
qu elqu ’un en d evo it dans cette c a u se , ce seroit plutôt la
régie, pour le mauvais exemple qu’elle y a don n é, en
voulant faire prévaloir un acte non enregistré, à des
subrogations authentiques, pour retarder le payement
d’ un prix dé vente exigible depuis neuf ans.
M e. D E L À P C H I E R , ancien avocat.
M c. B E À U D E L O U X , avoué licencié.
r > *
J ,T
: r.
A. R I O M , de l’imp. d e T H Î B A U D , imprîm. de la Cour impériale, cl libraire,
'
' f
rue des T au le s , maison L a n d rio t. — Janvier 1 8 1 2 .
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Le Rascle, François. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Beaudeloux
Subject
The topic of the resource
créances
brevets
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour François Le Rasle, ancien avocat au parlement de Paris, habitant à Paris, intimé et incidemment appelant; Contre M. le Directeur de la régie et des domaines, poursuivant, au nom de monsieur le Préfet du département du Puy-de-Dôme, la cause de M. le baron de Hompesch, lieutenant général au service de l'Angleterre, appelant; En présence de Madame Marie-Elisabeth Taleyrand de Périgord, veuve de Jacques-Charles de Chabanes, intimée; Et encore en présence de dame Marie-Louise Brachet, veuve de Reclesne, Henri-Joseph Mallet, et Jacques Villecoq, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
1804-1812
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0417
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2201
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53801/BCU_Factums_M0417.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
brevets
Créances
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b85c185120574c7eaf8c751cda3edb8f
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Text
PRÉCIS
POUR
J o s e p h V E Y S S I E R E , marchand, habitant de
la ville de Pleaux, intimé;
CONTRE
A n to in e F IL IO L et Marie C H A V IG N A C ,
sa femme
appelans.
habitans de la même v ille,
f •
f
L e sieur Veyssière a voulu faire une construction sur
un terrain qui lui appartient, et il en a été empêché par
le sieur F ilio l, partie adverse qui a prétendu que ce
local étoit une place publique.
L e bailliage d’A urillac, jugeant d’après les titres pro
duits, a décidé que ce local étoit la propriété du sieur
Veyssière. Cependant; à cause d’un acte qui sembloit
i
•s
�( 2 )
concéder aux adversaires un droit de servitude, il n’a
permis au sieur Veyssière de bâtir que jusqu’à trois pieds
de distance du mur latéral de la maison Filiol. Il a
ordonné encore que le sieur Veyssière n’obstrueroit point
la vue d’une fenêtre placée à cet aspect.
Cette décision privoit le sieur Veyssière d’une portion
de son terrain, et cependant il étoit prêt à s’y soumettre;
mais les Filiol ont cru l!affaire assez importante pour se
pourvoir par appel au parlement.
T ou t le local contentieux n’a que onze toises et quatre
pieds de surface. Les F ilio l, qui n’osent pas le réclamer
comme propriété, arrêtent depuis vingt^-huit ans une^
construction pour un aussi mince intérêt : on ne com
prend pas même qu’il y ait aucun autre intérêt que celui
d’être mauvais voisin.
Il est temps qu’une aussi longue obstination ait une
fin. Les Filiol ont cru embrouiller ce procès par la
production de plusieurs titres \ et il importe au sieur
Veyssière de simplifier ce qu’on a voulu-rendre difficile,
en se servant des actes même des Filiol pour y trouver
leur condamnation. Il a dans cette affaire un intérêt plus
considérable que l’étendue du terrain ne paroît le com
porter. Ce local, qui n’est pour son adversaire qu’une
place publique, est pour lui' une propriété précieuse f .
incorporée à sa maison y destinée de tout temps à aug- menter une boutique qui fait sa ressource principale,;
�( 3 )
f a i t s
.
Les deux maisons des parties sont situées dans la ville
de Pleaux, à l’extremité de deux rues qui se x’éunissent
à angle droit.
Cependant ces dçux maisons ne sont pas contiguës ;
elles sont séparées par un espace triangulaire qui fait le
sujet de la contestation. La base de ce triangle s’arrondit
pour faire le tournant des deux rues; et un rang bien
marqué de fortes pierres prouve au simple aspect que
la ville n’a fait paver que ce qui étoit au public, et n’a
jamais eu de prétention sur cette propriété particulière.
La maison Veyssière provient du sieur F u m e l,‘ qui
l’avoit achetée de sieur Cueilhe, en 1721. A lors elle étoit
en ruine absolue , car le contrat ne comprend qu''un
airialde m aison, à présent en ja rd in , eîpatüs au-devant,
avec les matériaux qu i y sont. On lui donna pour confin
im médiat, la maison R ix a in , de m idi. La même chose
est’ répétée dans la vente du sieur Fumel au sieur
Veyssière, en 1746; ce qui prouve que les lieux étoient
encore au même état après cette époque.
C ’est aujourd’hui Filiol qui jouit de la maison R ixain ,
du chef de. M arie Chavignac, sa femme, fille de Jean
Chavignac, boucher, qui l’avoit achetée en i 75o . L e
pignon ou mur latéral de cette maison borde le triangle
qui fait l’objet du procès ' toute, sa façade est sur la rue.
Il paroît qu’il y avoit un jardin derrière la maison
Veyssière, acheté par lui, en 1 7 3 7 * ^es Rixain a voient
aussi 1111 jardin derrière leur maison. En lisant les confins
2
�des anciens titres, il est vraisemblable qu’il y a eu des
échanges et sans doute-des conventions de voisinage sur
le local contentieux. On ne voit aucunes traces de ces
conventions, mais tout prouve qu’il a du en exister.
. L e sieur Veyssière n’ayant aclieté que pour bâtir,
n’occupa pas tout son terrain par une maison; il laissa un
espace vide au tournant de la rue, afin d’avoir deux
façades pour sa boutique, qui étoit l’objet le plus essen
tiel pour lui.
. ?:
v Cet espace vide (que le même motif empêchoit de
clore) étoit trop à la proximité de Ghavignac, boucher,
pour qu’à la longue lui ou les siens n’en abusassent pas.
A la vérité il respecta lui-même les droits de son voin ;
mais après sa mort la veuve Ghavignac se permit de
placer sur ce local des fumiers et immondices en assez
grande quantité pour incommoder le sieur Veyssière-,
qui s’en plaignit. Cette première hostilité, qui remonte
a. quarante-deux ans, est assez importante pour être
indiquée avec un peu plus de détail.
C’est par une requête du 4 ju in 17 7 2 , que le sieur
Veyssière exposa aux juges de Pleaux qu’il étoit pro
priétaire d’un espace triangulaire placé entre sa maison
et celle de Chavignac; que la veuve Ghavignac y mettoit
du fumier et immondices que la pluie condu isoit
la porte de la boutique de lui Veyssière, ce qui nuisoit
aux étoffes, et surtout aux galons, etc.
, . Sur cela intervint sentence*de police, qui défend à la
;veuve Ghavignac de répandre dès fumiers sur ledit terrain
appartenant ti V eyssière, et la condamne à 5 francs
d’amende. .
�.
;c 5 5
Cette sentence fut signifiée à la veuve Chav’gnac.
Elle fut encore affichée à P leau x, à la diligence du
procureur d’office.
Cette sentence ne fut pas attaquée; au contraire, elle
fut pleinement exécutée, et les Chavignac cessèrent de
mettre des fumiers sur ce local.
; Ce respect pour la propriété du sieur Y e y ssière dura
vingt ans, et dureroit sans doute encore, si le sieur Filiol
ne fut entré gendre dans la maison Chavignac.
En 1782 le sieur Veyssière annonça le projet de pro
longer sa maison sur une partie de son triangle vacant,
et il assembla même des matériaux pour cette construction.
A ussitôt, et pour l’en empêcher, le sieur F iliol ouvrit
une porte qui avoit^autrefois existé sur ce lo cal, mais
qui avoit été murée depuis très-long-temps ,sans doute ,
en vertu des conventions que la série des actes fait pré
sumer avoir eu lieu.
L e sieur Veyssièrefoi'ma opposition à ce nouvel œ uvre,
et offrit même de payer la moitié du pignon de la maison
C havignac, pour le rendre mitoyen ; en conséquence il
donna une assignation auxdites fins, aux mariés F ilio l,
le 8 juillet 1783.
Les Filiol répondirent en défenses, que cette porte
n’avoit été fermée par eux que depuis environ dix-liuit
an s, pour Vutilité de leur commerce ; que si la vente
consentie à Veyssière en 1746 lui donne pour confin la»
maison R ix a in , c’étoit une subtilité de l’acquéreur ;
mais que le local contentieux étoit une place publique.
L e procès ainsi commence donna lieu à d’assez longs
débatsj qui ne prpduisirent pas de tres-grands éclaircis-
3
�c ‘9
..
semens ; 'chacune des parties assigna son vendeur en re
cours. L e vendeur des Filiol répondit avec raison1qu’il
ne leur devoit aucune garantie , d’après leurs propres
'défenses, puisqu’ils n’indiquoierit le local en question que
'comme une place publique. '
"
Les Filiol découvrirent une transaction du 24 mai 1529,
passée entre Pierre Estève et Pierre R ix a in , dans laquelle
ion voit qu’il s’agissoit d’une cour sise au-devant de la
maison Estève. R ixain , qui bâtissoit alors, y ouvroit une
porte, et prétendoit avoir le droit d’y placer des fumiers
et de les y recueillir. Sur quoi les parties réglèrent entre
■
elles, i° . que Rixain pourroit édifier ladite porte à l’étage
soutrane devers ladite cour et la rue d’Empëssine, mais
q iù iljie "pourroitfaire aucune autre porte, ni escalier,
ni latrines, n i autres servitudes, si ce n’est tant seule
ment une fenêtre à l’étage seconde dudit chapial; 2°. que
Pierre Estève pourroit colliger les fiens provenant de
ladite cou r, savoir de l’arrête de ladite porte devers le
prosial dudit E stève, et qu’il pourroit mettre des pailles
en ladite cour devers ledit prosial, pour congregnier en
fumier ; 30. que Rixain pourroit colliger le fient de l’autre
côté, savoir de l’arrête soutrane de la'porte^, à l’arrête
•soutrane delà boutique Cheminât, mais qu'il ne -pourroit
mettre dans la cour n i fu m ie r , ni poules.
Il fut encore produit de part et d’autre un grand nombre
de pièces qui ne semblent pas mériter un examen parti
culier; seulement il est nécessaire de dire que Veyssière
•ayant produit la sentence de 1773? c*ont ^ a été parlé
plus haut, le sieur Filiol en interjeta appel en 1784?
•c’est-à-dire, yingt-un ans api’es sa signification»
�( 7 )
G*est en cet état que les juges d’Aurillac prononcèrent
par sentence du 8 juillet 1784.
* Cette sentence maintient le sieur Veyssière en la.pro
priété et possession de l’airial et patus. en. contestation ;
et dans le cas où il voudroit y bâtir, elle ordonne qu’il
laissera trois pieds de distance vers la maison F ilio l, à
partir du coin de ladite maison, du côté de la rue Pessin e, jusqu’à un- demi-pied au delà de l’angle supérieur
de la porte de ladite maison donnant sur ledit terrain,
t II est ajouté en ladite sentence que Veyssière sera tenu
de ne point ôter et borner le jour de la fenêtre de ladite
maison donnant sur ledit terrain, pratiquée jusqu’à l’autre
eoin.de ladite maison.
.. . .
, ,
Enfin Veyssière est débouté de ses demandes en fer
meture de porte et de fenêtre, et de mitoyenneté de
mur. Les parties sont mises hors de cour sur leurs autres
conclusions, et sur les demandes en recours.
L ;Quoique cette sentence fût plus véritablement nuisible
au sieur Veyssière qu’aux F ilio l, ce sont eux cependant
qui en interjetèrent appel.
Leurs moyens , quoique plus diffus qu’à A u rilla c ,
étoient les mêmes ; seulement on remarque au folio 74
de leurs griefs, qu’ils prétendent avoir droit à la propriété,,
même du terrain, s’ils vouloient le soutenir; mais ils
ajoutent .à l’instant que pour être de meilleure foi que
Veyssière, ils conviennent que ce terrain fait partie d’unev
place appartenant à la commune de Pleaux.
. ..Cet appel, suspendu depuis la révolution, a été repris
en la Cour.
, .
4
�(S )
M O Y E N S .
Il ne s’agît pas de savoir laquelle des deux parties est
propriétaire du local contentieux , puisque les adver
saires n’ont aucune prétention à cette propriété, et veu-*
lent seulement l’attribuer à la commune de P leau x, qui
ne la réclame pas.
’
L e sieur Veyssière se seroit cru fondé à soutenir qu’iB
étoit propriétaire de la totalité , avant la sentence5d’A u rillac ; mais cette sentence laisse aux Filiol un droit de
passage et un droit de vue. Il s’agit donc de savoir si*
ceux-ci sont fondés à réclamer davantage.
Il est visible que les premiers juges se sont fondés- su-i?
le traité de 1629, quoique la porte permise par cet acte
eût été bouchée depuis. Mais en fin , puisque le sieutf
Veyssière n’est pas appelant, il faut admettre que* les
Filiol doivent conserver cette porte. Voyons seulement
si cette porte suppose une place p ub lique, comme ils
le prétendent.
,
Remarquons que cet acte de 1529 est: produit par euxmêmès.
r
, L e locaiLy est désigné comme cour en avais t de la>
maison d’Estëve ( représenté par Veyssière
Dans: toutes les. parties die l’acte'il n’y* est pas-don^é:
d’autre nom. Les Filiol sont donc bien lbin: d’avoir prouvé*
par: cet acte que' ce fût une place publique.
Tous les autres actes qu’ils o n t produits, et'ceux qu’on;
a produits contre eux,, donnent à. la; maison Veyssière,
pour confin immédiat, celle des Filiol. Donc il n’y a
pas entre ces deux maisons de place publique.
i
�'C 9 )
Ce confín donne même lieu à une autre conséquence;
e’est que le locai en contestation doit nécessairement ap
partenir au sieur Veyssiërë.
’
‘
L ’acte de 1629, quoiqu’il ait laissé une porte et Une
fenêtre aux auteuTS des Filio! , ne contrarié pas du tout
cette preuve de propriété; au contraire, 011 est convaincu
par sa lecture que la concession faite aux auteurs de
Filiol n’est qu’une servitude ; ce qui consolidé l’idée de
propriété sur la tête des auteurs d’Estève.
N'
Toutes les expressions de cet acte conduisent à cette
démonstration : « Il est accordé que Rixain
édifiei?
« ladite porte devers ladite co û t, etc. ; il ne pourra faire
c< aucun autre escalier, latrines, n i autres servitudes,
« si ce n’est tant seulement, etc. »
! ?.
La cour n’étoit donc ni à R ixain, ni au public, puis
qu’il reconnoissoit à Estèvë le droit de lui accorder la
permission d’ouvrir une porte et une fenêtre, de limiter
cette permission à- un& s e u l e et enfin dé'donner len o m
de servitude' à cette concession.
,(
’• 1 .
L ’acte va plus loin encore, s’il est possible / pour
prouver quëi:cé n?est pour Rixain qu’une servitude.
Comme il va ouvrir une porte, et quenaturellem ent
il faut qu’il ait' le' droit de ñét/tóyer son passage, Estéve'
détermine^néanmoins jusqu’où il pourra nettoyer e't colliger ‘le fient. Il est borné ¡1 l’arrête* des portes; et quoi-'
qu’Estève garde le droit de mettre du fumier dans la cour,
il est néanmoins expliqué que Rixain ne pourra y mettra
ni fum ier, ni poules *. le devant et les cotés de sa porte
ne Sont pas même exceptés' de colte^ dbfense).
Certes il n’est pas possible de V'oir lUie distiiVction plus
�( 10 )
marquée entre les droits reconnus à ces deux parties. L ’un
accorde, perm et, défend ;* l’autre accepte ce qui lui est
concédé, et se soumet à ne pas faire ce qui lui est dé
fendu. L ’un estjdonc*le propriétaire; l’autre.tient.de lui
une simple servitude, et ne,peut ni l’étendre, ni encore
moins disputer le droit de propriété sur tout ce qui n?est
pas compris dans la servitude. .
^*
r Que-doivent donc avoir les »Filiol,, d?après -cer titre
émane d’e u x , e t , synallagmatique avec leurs .auteurs ?
"Rien autre chose qu’une porte, une fenêtre seulement,
et le droit de passage ppur arriver à »cette porte.
^ ..P 9883^ ^8t assez expliqué en l’acte paç
la limitation dQ'Coïliger lesjiens. ïlixain ne peut aller que
jusqu’à l’arrête de la porte, et JCstève a tout }e surplus
depuis la mêipe limite. 7 ; r /. ] £.
r
.
0 ;
, j Là dimension de la; porte prouve assez d’ailleurs quelles
furent les véritables intentions( des parties en 1629. Une
porte.latéralejne^pouvojt pas avoir pour objet’un passage,
de chevaux ou voitures, mais un passage à pied pour
cette,. sorjtie^jcie dégagement. Les premiers juges ont
donc -p^laiiement entendu ,1e sens de l’acte et .la loça^
litp, en (^opnant trois pieds de passage, aux adversaires;
etI .encore
excédé
la convention
l
ç . ontrils
:
T•' 1
7: en donnant un
demir-pied jdej plu?r;au delà^de la porte, puisque l’acte
disoit jusqu'à^ Varrête de la porte. Mai$ cette dilférence
est. trop minutieuse :pour que le sieur, Veyssière s’en,
' v u
>
!
f ;
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¿ ‘YiÙD
v " ' - ''t ■
>"■
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* ■ J f I
:
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•
:
|
acte d e 1629 . s u f f i t donc seul pour justifier le
jugement dpnt est appel. Mais il ne faut pas-laisser crojre
C et
�Î-I Ï )
Iqne les autres actes-<produits de ¿part* et d’autre' pour:roient cbntrarier;cette'démonstration.1 A ü >contraireÿ ils
viennent à son appui, et prouvent eux*mêmes que^dans
ttous ' les temps les i successeurs d*Estève- se ¡sont toüjôurs
►regardes comme5propnétaiTes du local «qui'“séparoi^sa
maison d e là maison Rixain.
..
'iî. Eu- Ï704,' 'François Cueilhe acheta la r h ai son Es tè v e ,
îquiî avoit alors;1changé
face ; et çfacte jporté^ «; Un
-« petit ’jardin , 'autrefois airial de mà:îson{;, confiné, de
r« jour, par la rue d’Empéssine;< de midi ét nuit, parla
~cc maison et jardin d e , Françoise' R ixa in ^ etc.' »
"î ; En 17 2 1, ce Cueilhe donna le même objet* en côntrëtébhange au sieur Fumel : « Un airiül de maison, à présent
;« en jardin, et -patus ( où cour) a u -d em n t^ m ec les iiiac< tériaux qui y sont ;-confiné.par la rue de* jour; la mai-ce son R ix a in , de midi y le jardin Rixain', de nuity etc. »
t‘ On voit encore , par ’im^acte de 1722, que le sieur
'Fum el, payant le droit'de l’ods au seign eu rd éclara dans
l’acte les mêmes confins de l’àirial e t le patus à lui vendus.
.Si c’eût été une place vague ou publique, on sait assez
¿que le seigneur àuroit réclamé’ contré cette mutation, au
:lieu de l’approuver.
\
-I ;
En 1746,' le sieur- Fumel vendit -cet airial au sieur
Veyssière; il y comprit de même 'le patus (o;u-cour },
•et donna toujours pour confin la maison KR ixain\ V oilà donc -une série d’actes-qui ont tous'le-m êm e
confin. 11 est donc prouvé/autant qu’ il'pèuV l’être , que
le sieur Veyssière est propriétaire jusqu’à la ^iHaisbn
R ixain, puisque lui et tous ses prédécesseurs ont acheté
cette propriété.
�I 12 5
Ils en ont joui sans trouble, non-seulement quand il
y avoit maison et cô u r, mais encore quand la maison
.étoit en. ruine et en jardin.
• Les matériaux de l’airiaL étoient sur place, .comme le
disent les actes, et il est de principe que vestigia posscssionern retinent.
La .procédure de 1773 prouve que quand le sieur
Veyssière eut b£tir, il s’opposa aux petites usurpations
dont ses voisins avoient pris rhabitude pendant que les
lie.ux ayoient été inhabités. Il prit naturellement, et sans
se douter qu’on pût le lui disputer, la qualité de pro
priétaire de' ce local; il’ fit juger .et afficher .cette qua
lité.; Mais quand- il n’y auroit eu que- sa requête, elle
suffiroit., .puisqu’il y a possession ,après' contradiction;
ce qui .est le plus puissant des titres.
/Toutes ces preuves accumulées sont tellement palpa
bles à la simple lecture des actes,,que la Goui* ne croira
certainement pas avoir besoin d’interlocutoire, dans une
.matière bailleurs d’un aussi mince intérêt.
La Cour ne peut pas être embarrassée par un conflit
-d’actes,qui.contrariex-.oient ceux qu!on vient de rapporter;
car les adversaires ont pris soin de n’en produire que
-.de,’semblables en tout point, pour les confins, aux actes
.(Je 17.04, 172X et 174$.
Ils ont signifié la vente consentie à Chavignac, leur
père et beau-père, en 1750. Elle c o m p r e n d la maison
•provenue des R ix a in , en Vétdt quelle est à présent
( ce qui prouve déjà que les étoupemens qui gvoient
eu lieu étoient l’objet d ’ une convention ). Cette maison
vendue est confinée par Vairial de la maison T^eyssière,
�r3 )
' Ce confia donné par le vendeur est donc une reconnoissance expresse du confin indiqué à Veyssière dans
sa vente de 1746. Et quand les adversaires ont dit devant
les premiers juges que Veyssière s’étoit fait donner ce
confia par subtilité, ils n’ont dit qu’une sottise, puis
que leur père achetait, quatre ans après, avec le même
c onf i ne t approuvoit mot pour mot ce qui étoit exprimé
dans la vente consentie au'sieur Veyssière.
- Maintenant il faut ajouter à ce titre si précis, et pro
duit par les adversaires eux-mêmes , la transaction de
IÔ29, encore produite par e u x , et il faudra reconnoi
tre que ces pièces émanées d’eux sont encore plus pro
bantes qu’aucune autre, pour démontrer que le sieur
Veyssière est propriétaire de tout le terrain qui est situé
entre la maison des adversaires et la rué d’Empessine.
......................
(
A vant de terminer, il ne faut pas négliger de répondre
a ce que les Filiol ont proposé encore comme des griefs
d’appel.
•
1
‘ i°. Ils disent que la sentence d’ Aurillac n’a pas pro
noncé sur l’appel incident par eux interjeté de la sen
tence de 1772.
Cette sentence regardoit Veyssière comme proprié
taire du local contentieux, et défendoit aux Chavignac
d’y placer des fumiers. La sentence d’Aurillac prononce
dans le même sens, en maintenant le sieur Veyssière en
cette propriété. C’étoit donc statuer sur deux appels qui
avoiçnt le même objet. D ’ailleurs'l’appel de la sentence
de 1773 n’étoit pas recevuble onze ans après la signi
fication.
�(
1
4
5
2°. Les Filîol objectent que la sentence d’Aurillac a
maintenu Veyssière en proprié lé, sans qu’il l’eût demandé.
Gela est d’une grande mauvaise fo i, si ce n’est pas
plutôt une chicane ; car en vérité il n’est pas possible
de supposer que le sieur Veyssière eût un autre but que
celui de conserver sa propriété. Dans tous ses écrits il
a dit qu’il étoit propriétaire ; partout il a conclu à ce
ce qu’il fût fait défenses aux adversaires de passer et
d’ouvrir des fenêtres; il est même allé jusqu’à conclure
à la mitoyenneté du mur des Filiol. Ainsi ses conclusions
étoient non-seulement' assez étendues, mais elles l’étoient
trop sans doute, puisqu’il a été débouté de sa demande
en mitoyenneté.
30. Les F iliol se plaignent d’avoir été condamnés
en la moitié des dépens.
Il est visible que ce grief n’est ajouté que pour faire
nombre ; car si les Filiol avoient raison, il leur étoit
inutile de faire un grief des dépens, puisqu’ils suivent
toujours la condamnation ; si au contraire ils ont to rt, ce
seroit plutôt le sieur Veyssière qui auroit à se plaindre de
perdre la moitié de ses dépens, à cause d’un chef de
conclusion qui n’occupoit qu’une bien petite place dans
tous les frais occasionnés par les adversaires,
Cette division de griefs, au reste, ne doit pas faire
perdre de vue l’unique question de cette afia ire. Les
Filiol n’ont pas prouvé que le local en contestation fût
une place publique : la commune n’y a jamais eu de
prétention; leurs propres titres les condamnent, et attri
buent la propriété au sieur Veyssière.
�( 1 5 )
Ainsi les premiers juges n’ont fait qu’ordonner l’exé
cution de tous les titres des parties , en lui conservant
cette propriete; et s’ils ont accordé un droit de passage
une porte et une fenêtre aux adversaires, c’étoit évi
demment le pis aller de ce que le sieur Veyssière avoit
à craindre.
M e. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
Me. TARDIF, licencié avoué.
A I U O M , de l’im p. d e T H I B A U D , hnprim . de la C o u r im périale, e tlib ra ire ;;
ru e des T a u le s , maison LahdMOT». — N ovem bre x 8 n»,
�
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Veyssière, Joseph. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
limites de propriétés
conflit de voisinage
Description
An account of the resource
Précis pour Joseph Veyssière, marchand, habitant de la ville de Pleaux, intimé ; contre Antoine Filiol et Marie Chavignac, sa femme, habitans de la même ville, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
1721-1811
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0418
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pleaux (15153)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53802/BCU_Factums_M0418.jpg
Conflit de voisinage
limites de propriétés
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53803/BCU_Factums_M0419.pdf
96ad767d43a4f4ec02b0e429940109ba
PDF Text
Text
\
/
MÉMOIRE
EN RÉPO N SE .
�COUR
I M PÉ R I AL E
MÉ MOI R E
D E RIOM.
EN R É P O N S E ,
POUR
-
...
I re. CHAMBRE.
Audience
.
2- juillet
D am e J e a n n e -M a rie D E C H A M P F L O U R ,
v e u v e d u sieur
de ontr o z i e r sieur J e a n - B â p t i s t e D E C H A M P F L O U R ; dam e M a r i è A n n e- F é l i c i t é D E
F R E D E F O N T , et sieur J e a n J a c q u e s D E
R O C H E T T E , son m a r i ; d e m o ise lle G a Br i e l l e D U R A N D D E P E R I G N A T , et dame
M a r ie D U R A N D , religieuse; tous habitans
P a u l-F ra nçois
M
de la ville de Glermont Ferrand, intimés
'
.
CONTRE
Dame A n n e - E m il ie . D E F E L I X veuve de
sieur C l a u d e - F r a n ç o i s - L é o n
propriétaire à Collongues, arrondissement d’Aix,
département des Bouches-du-Rhône, appelante ;
y
d e
en
PRE
S im ia n e
i
s e n c e
De dame MARGUERITE D E C H A R D O N , veuve
du sieur J a c q u e s - F r a n ç o is de M o n t a n i e r ;
C l a u d e - A n t o in e - J oseph D E C H A R
D O N ; demoiselle A nne D E C H A R D O N
18 io.
�(4)
dame P e k r e t t e D E C H A R D O N , veuve du
sieur V a l l e t t e d e R o c h e v e r t ; tous proprié~
taires7 habitans de la ville de Riom, intimés;
ET
EN
PRÉSENCE
De J ac ques - M a r ie L A V I G N E , et J e a n
P I R E L , habitans de la ville d’Ambert, aussi
intimés.
Q U E S T IO N S .
i°. L es religieux q u i, -par Veffet rétroactif de la loi
du
brumaire an 2 , ont obtenu un droit successif de
la nation représentant un émigré, ont-ils été soumis ci
rendre cette succession après le rapport de cet effet
rétroactif, lorsque les héritiers rétablis se sont trouvés
représentés par la république, comme émigrés ?
2.0. L a nation 7 dans ce cas particulier, ri1est-elle pas
censée avoir renoncé à toute recherche, et rCavoir point
voulu user du bénéfice des lois des 9fru ctid o r an 3 r et
3 vendémiaire an 4?
3°. L e sénatus-consulte du 6 flo r éa l an 10 r ia - t - il
rendu aux émigrés am nistiésy ou à leurs héritiers3 que
les biens qui se trouvoient dans les mains de la nation7
p a r la voie du séquestre y au moment de Pamnistie?
5
E s questions sont exactement les m em es q u e celles
1
p i’éseutécs p a r 'la dam e clc Sijuiauc» Il faut, y ajouter
�( 5 )
qu’elle se dit créancière du sieur Hector de SimiaiieJ
mort émigré , et que c’est en cette qualité qu’exerçant
les droits de la république, elle veut faire aujourd’hui
ce qu’elle prétend que la république auroit d û ju ire après
le 9 fructidor an 3 , c’est-à-dire, ôter aux héritiers d’une
religieuse ce qui lüi a été abandonné nationalement, dont
elle a joui dix ans et jusqu’à sa mort. Cette prétention
est si bizarre, qu’il faut être surpris de la voir élever
sérieusement, après tant de lois faites pour-rassurer les
possesseurs des biens transmis y à quelque titre que ce
soit, par la république.
-
• H' J >!) *111:
F A I T S .
:
,
ci
i.:
:
•
La dame Anne D elaire, épouse de M. de Clary , est
décédée le 27 octobre 1791.
Elle avoit institué pour .héritiers, par un testament de
17 8 7 , M . Hector de Simiane, son cousin paternel, et
M . de Chardon, son cousin maternél, à la charge,d’ac
quitter pour 240000 francs de legs.
Hector de Simiane, domicilié à A vign on , étoit sorti
de France à l’époque des troubles du Comtpt. Mais n’y
a y a n t
encore aucunes lois contre les ém igrés, il paroîfc
que M . de Simiane se présenta pour recueillir la suc
cession de Clary; mais en 1792 il fut inscrit sur la liste des
émigrés, et le séquestre fut mis sur ses biens.
Jusqu’au 28 mars 1793? ce séquestre n’étoit qu’une
occupation des biens. Mais la loi du^8 juillet 1793 bannit
à perpétuité les émigrés, et les déclara morts civilement,
Madame de Clary ayoit une sœur religieuse (Jeanne
�5
(-6 )
) : la loi du brumaire an 2 Tappela à succéder,'
puisque madame de Clary étoit morte après le 14 juillet
1789.^11 conséquence j Jeanne de Clary obtint à son profit
la mainlevée du séquestre, fut-déclarée héritière de sa'
sœur, et envoyée ëii possession de tous les biens, par un
arrêté du S nivôfce an 2.
= >* •
c
La loi du 9 fructidor an 3 abolit l’effet rétroactif de
la loi du 17 nivôse. E n vertu de ce changement de légis
lation, on dit que M . de Chardon reprit les biens maternels
de madame de Glary, qui~lui étoient légués par le tes
tament de 1787.
Si le sieur de Simiane eût été régnicole à cette époque,
il n’est pas douteux qu’il n’eût eu aussi le droit de re
prendre les biens paternels dans les mains de Jeanne
Delaire.
• Mais il étoit toujours suu la liste des émigrés *,
' Il étoit mort sans postérité avant la loi du 9 fructidor,
à A sti, et en état d’émigration;
■ Pur conséquent il ne luissoit à ses héritiers que les
biens dont il étoit propriétaire à l’époque de son ’décès.,
c’est-à-dire, le 12 prairial an 3.
C ’est ainsi que la famille elle-même l’entendît'‘à’ cette
époque-, et une circonstance assez singulière va le prouver.
* M . de Simiane mouroit sans enfans : il laissoit deux
héritiers ab intestat ,* l’un étoit le sieur Vidaud de la
T o u r , et l’autre étoit Jeanne D eîaire elle-même.
L e sieur Vidaud de la T o u r avoit seul qualité pour
disputer à la religieuse Delaire la propriété des biens
Glary, et pour prétendre qu ils etoient dans la mnssc de
la succession de Simiane.
Delaîre
�x i y
Bien loin dfen/agiu aipsi, M . Vidaud de la T o u rse
réunit à Jcanne Delaiye pour demander au directoire
executif la. radiation de M . de Simiane , et l’envoi en
possession de ses biens propres situés à: Avignon.
En effet;,/ils obtinrent; une radiation le 28 nivôse an 5.
. Alors, ils prirent la* qualité d’héritiers bénéficiaires de
M. de Simiane; et. en vertu d’un jugement du tribunal
de Vaucluse, du 24 thermidor an , ils firent commettre
•le» sieur Ghambaud, notaire à Avignon^, pour faire l’in
ventaire du mobilier de, la succession.
Il ne vint pas, même à' la pensée du sieur Vidéïud de
la T o u r (seul intéressé, on le rép ète,) de faire com
prendre dans ce mobilier de la succession Simiane
aucuue portion de la succession de madame de Glarjr,
L ’arrêté de radiation n’avoit été qu’une indulgence
éphémère due aux circonstances. Les lois de l’an 3 sur
les émigrés avoient fait des exceptions pour les émigrés
d’A vign o n , et la journée du 18 fructidor an
ramena
les mesures générales de 1793. En conséquence, une loi
du 22 nivôse, an 6 ordonna que les émigrés avignonnais
qui auroient obtenu des radiations par suite de la loi
du 9 fructidor an 3 , seroient réintégrés sur la liste.
L e séquestre fut donc remis sur les biens du sieur dq
Simiane, mais seulement à V aucluse, et il ne fut levé
qu’après l’amnistie générale, du 6 floréal* an 10.
A lors Jeanne Delaire se réunit encore au sieur Vidaud
de. la Tour;, son cohéritier.; ils obtinrent 1a. radiation du
défunt, le 26 frimaire an II*
Ils sollicitèrent l’envoi en possession des biens; et c’est
ici le cas de remarquer encore que M. Vidaud de la T our
5
5
�(8)
n’eut pas plus qu’en l’an n la pensée de se mettre en
possession des biens d’A u vergn e, qu’il ne fît de diligences
qu’à Vaucluse, et laissa la religieuse Delaire en pleine
possession des biens de sa sœur.
Il y a plus : car la religieuse Delaire vendit seule
tous les biens de sa sœur en l’àn 10 , après le sénatusconsulte , et le sieur Vidaud de la T o u r ne s’y opposa
'pas.
- Dans le même temps on cherchoit à empêcher la des
tination que M . le Préfet de Vaucluse vouloit faire d’un
domaine du sieur de Simiane pour une pépinière : le
sieur Vidaud de la T o u r réclamoit contre cette occupa
tion, conjointement avec Jeanne Delaire; et même après
la-mort de Jeanne Delaire il ne crut pas pouvoir vendre
ce domaine sans y appeler ses héritiers.
La dame Delaire, religieuse, est décédée le n messidor
an i i . Les familles de Chardon et Champflour se sont
partagé la succession comme héritières des deux lignes :
elles ont eu à défendre cette qualité dans deux procès ;
mais elles ont fait juger qu’elles étoient héritières, et
elles sont toujours restées en' possession.
La daine Félix de Simiane s’est elle-même adressée à
elles en cette qualité, le 8 février 1808, non pas pour
leur disputer les biens, ni former des demandes hypo
thécaires , mais seulement pour faire liquider à Avignon
ses reprises contre elles, comme héritières du sieur de
Simiane, par représentation de la religieuse Delaire.
Ce seroit peut-être une triche fort difficile pour la dame
Simiane de justifier ces reprises, ¡orsqu’ayant vécu à.
Asti- jusqu’à la mort de> son parent, elle s’est emparée de
tout
�(9)
tout son mobilier, de toutes les ressources qui les faisoient
exister l’un et l’autre hors de France. Et elle vient aujour
d’h u i, comme héritière de sa fille par les lois actuelles >
reclamer la succession de son fils et l’éffet d’un testament
qui a rendu ce dernier créancier, du chef de son père,
du sieur de Simiane, mort à Asti.
Quoi qu'il en soit de ce circuit de qualités, madame
de Simiane procédant comme héritière de sa fille, qui
l ’étoit de son frè re, s’est fait adjuger 296000 fr. pour des
terres vendues de l’estoc de la dame de Seveyrac, aïeule,
p o u r’ des pensions et des ferm ages, sans expliquer le
moins du monde comment tout cela lui est rigoureuse
ment dû.
Les héritiers Chatnpflour, par acte du 18 février 1809, >
répudièrent au greffe d’A vignon la succession du sieur
de Simiane.
Jusque-là on prévoit difficilement comment la dame
veuve de Simiane pourra enfin renverser tout cet ordre
de choses , et s’en prendre aux biens de la religieuse
Delaire. Il paroît qu’elle-même n’auroit pas commencé
cette attaque; mais elle y fut menée par circonstance, et
elle a cru peut-être de bon augure d’être appelée à un
procès par des débiteurs de 92000 fr., qui ne vouloient
se libérer qu’en sa présence. V oici comment la dame de
Simiane a été appelee à ce procès, et quelle est l’origine
de sa réclamation actuelle.
Il paroît qu’en prairial an 10, la dame de Sim iane,
h peine rayée elle-même de la liste des émigrés, s’occupa
B
�( 10 )
d ’a c t e s
conservatoires pour la sûreté de ses prétendues'
reprises : ses/agens'firent en son nom des inscriptions à
A vign on , à Glermont et à A m bert, et même une saisiearrêt entre lés mains des sieurs Lavigne et P ire l, qui.
avoient acheté des immeubles de la religieuse Delaire.
Ces mesures n’avoient rien que de n aturel, puisque,
Jeanne Delairë étoit héritière du sieur de Simiane , et
par conséquent débitrice personnelle de l’adversaire tant
qu’e l l e n e répudieroit pas: Ainsi il ne faut pas regarder,
ces actes de l’an i o comme une prétention semblable à
celle que manifeste aujourd’hui la dame de Sim iane,;
après une répudiation.
En 1809 , les héritiers Delaire assignèrent les sieurs
Lavigne et Pirel en payement de la;somme de 92160 fr .;
prix de la vente à eux consentie par Jeanne D elaire,
en l’an 10 , et des intérêts depuis cette vente.
Les sieurs Lavigne et Pirel ayant en mains une saisiearrêt, en exeipèrent, et demandèrent la mise en cause
de^la >damé de Simiane : elle fut ordonnée ; et la dame
de'Simiane fut'assignée en mainlevée de sa saisie et de
ses inscriptions.
Ses droits n’étoient pas encore liquidés, et elle se hâta
d’obtenir à A vignon un jugement par défaut , le 16
mars 1809.
A lors madame de Simiane se disant créancière se
présenta au tribunal de Glermont pour demander la con^'
iirmation de sa saisie-arrêt; et alors elle éleva , pour la
premièi’e fo is , la prétention que les biens de madame
de Clary appartenoient à Hector de Simiane pour moitié,
qu’ainsi ces biens étoient le gage de scs reprises.
�( II )
Le* tribunal de Clermont n’a point accueilli cette der
mande ; il a annullé la saisie-arrêt et les inscriptions de
la dame de Simiane : son jugement du 9 août 1809 est
fondé sur des motifs très-solides et très-lumineux.
Ils se réduisent à dire que M . de Simiane ayant perdu
les biens Clary par son émigration, et étant mort émi
gré , ses héritiers n’auroient pu les réclamer que si ces
biens s’étoient trouvés dans les mains de la nation lors
de l’amnistie ; mais que la nation ayant été désistée de
ces biens par la religieuse D elaire, et n’ayant pas eu le
droit de les lui redemander, les héritiers de l’amnistié
n’ont dû prendre ses biens dans les mains du gouverne
ment qu’en l’état où la révolution les avoit laissés (i)La dame de Simiane prétend n’avoir pas perdu l’es
pérance de faire réformer cette décision qu’elle trouve
cependant légale dans ses bases mais trop sévère i et
fausse dans ses conséquences.
Il semble cependant difficile que la Cour pût être
plus indulgente, sans blesser les droits des héritiers de
la dame D elaire, et sans porter atteinte aux lois qui les
ont investis de cette succession.
MOYENS.
Les lois qui vont etre citées rappelleront des souvenirs
pénibles, et ramèneront peut-être à des idées de pros
cription et d’injustice, Mais sans s’occuper d’une justifia
(1) Le jugement est transcrit littéralement dans le mémoire
de madame de Simiane,
‘ ■ 1.
B *
�( lï )
cation qui seroit aussi déplacée qu’une critique, il sera
bien permis du moins de demander à la dame de Simiaûè
si elle croit avoir eu un titre plus sacré que Jeanne Delaire, pour lui disputer la succession de sa sœur, et si
les lois de 1793 ont été véritablement une spoliation
dans cette circonstance.
v Madame de Clary n’avoit qu’une sœur; elle n’avoit
pas pu en mourant lui laisser sa fortune, puisque les
religieuses étoient incapables de succéder. Elle pensa alors
à des parens éloignés , et sa mort précéda l’époque de
l’abolition absolue de la vie monastique.
En août 1792 les religieuses furent expulsées de leurs
asiles , et les biens qu’elles possédoient en échange de
■ceux qu’elles avoient abandonnés en renonçant au siècle,
leur furent enlevés avant qu’il fût question de dépouiller
les émigrés de leurs fortunes.
Peu de temps après , les lois qui avoient rendu les
religieuses aü monde leur permirent d’être successibles ;
et alors, il ne faut pas en douter, si madame de Clary
eût vécu , ses intentions eussent été d’accord avec la na
ture et la lo i; sa sœur eût été son héritière.
E h bien ! ce que madame de Clary au tombeau ne pouvoit pas réparer, l’a été par le hasard d’une révolution;
le bannissement de M . de Simiane lui a ôté ce que les
jnânes de sa bienfaitrice lui regrettaient indubitablement ;
et cette sœùr jadis bannie elle-même et morte au m onde,
a retrouvé une fortune à laquelle d’autres événemens
l ’avoient rendue étrangère.
Qui donc osera dire qtie Jeanne Delaire usurpoit,
lorsqu’ une loi lui a donné la fortune de ça sœur ? Madame
�j
.
de Simiane le d it, sinon à elle, au moins à ses héritiers.
Elle va plus loin dans son injustice, car c’est contre eux
qu’elle veut rejeter tout l’effet de l’émigration , tandis
qu’elle veut, elle-même émigrée, avoir été invulnérable.
Elle vient dire aux héritiers de Clary : « Je vous sais
« bon gré de la peine que vous avez prise d’obtenir des
« radiations ; mais sic vos non vobis, je m’en adjugerai
« tout le profit, si vous le trouvez bon. Jeanne Delaire
« a empêché la nation de vendre les biens Clary, vous
« avez empêché l'a vente des biens Simiane; tout cela
« sera mon bénéfice. Je reviens de l’émigration non
ce seulement avec la dépouille du défunt, mais encore
« avec des titres qui absorbent tout le reste, et je pourc< suis des’reprises que la nation française a eu la bonté
« de me réserver intactes. T out ce qui a été vendu est
« perdu pour les héritiers républicoles ; et tout ce qui
« reste est conservé pour moi. »
1 13
Mais ce n’est pas par des réflexions morales qu’il faut
repousser l’attaque de la dame de Simiane ; ce sont les
lois elles-mêmes qui sauront y répondre victorieusement.
La loi du 28 mars 1793 a déclaré morts civilement
tous ceux qui , alors inscrits sur des listes d’émigrés 7
n’étoient point rentrés en France dans les délais accordés
par les lois précédentes.
Il ne s’agit pas de vérifier quelle étoit l’époque de l’ins
cription du sieur de Simiane, et si les émigrés d’A vignon
devoient être exceptés : car le Comtat fut réuni à la France
en 1 7 9 1 3 et par conséquent les lois de 1792 et 1793 les
atteignirent comme les autres Français.
�*4
C;
)
Tout ce qu’il faut savoir, c’est que M . de Simiane
n’étoit pas rentré en France avant le 28 mars 1793. A in si,
aux yeux de.la lo i, M. de Simiane est mort depuis cette
époque.
'
N ’est-ce pas- assez de sa mort civile ? eh bien ! s’il
faut^ y ajouter l’époque de sa mort naturelle, M . de
Simiane est ynort à Asti le 12 prairial an 3.
A lors il étoit encore sur la; liste des émigrés : ainsi
ses biens n’ont pas pu être transmis par lui à ses héri
tiers ■•■naturels>• puisque la loi les avoit déclarés acquis
irrévocablement 'à la nation.
Peut-être bien que si rien n’eût dérangé cet ordre, et
-si la nation eût conservé jusqu’à l’an 11 les immeubles
du sieur de Simiane, ses héritiers en auroient obtenu la
, N
remise lorsqu'ils sont parvenus à le faire rayer de la liste
des émigrés après sa mort : cette mesure étoit une consé
quence de l’amnistie. Le gouvernement n’a voulu retenir
que les bois7 et les perceptions déjà faites : mais aussi ne
voulant être généreux ou juste que dans son intérêt, il
a marqué fortement l’intention que nul possesseur tenant
son titre de l’autorité publique, ne fût inquiété pour
aucune cause.
Voilà ce que la dame de Simiane paroît ne pas vouloir
com prendre; les articles de la loi lui. semblent équi
voques; elle n’y a vu que l’ordre donné aux émigrés de
-maintenir les partages faits avec la république ; et se
mettant ainsi à l’aise , elle a cru s u f f i s a n t de dire que la
religieuse Delaire n’avoit fait a u c u n partage avec la répu
blique ; d’où, elle a conclu que les héritiers de Simiane
ont tuès-bien eu le droit de disputer à cette religieuse
�5
( f )
les biens qu?elle avoit obtenus par un arrêté authentique
du 8 nivôse an 2.
C’est là la "seule ¡prétention sur laquelle la dame de
Simiane insiste ; car elle reconnoît que Mv Hector de
Simiane étant mort en état d’émigration et de mort
civile, n’étoit pas alors propriétaire des biens qu’elle ré
clame : mais elle soutient que si ses héritiers n’étoient
pas successibles à l'heurè de sa m ort, ils le sont devenus
huit ans après, c’est-à-dire, lors du certificat d’amnistie
délivré en l’an 11.
^
'
i
rv
•
,
■
î‘■
. '
. I
; Ce point capital de la contestation reçoit deux réponses,
l’une, générale et relative aux effets de l’amnistie d’émi-*
gration ; l’autre, particulière, résultante de la qualité
de religieuse qu’avoit Jeanne de Clary.
Pour être plus clair dans la première réponse, il faut
la faire précéder de la loi elle-mêmé, dont il’ sera facile
ensuite de tirer des conséquences.
L e sénatus-consulte, du 6 floréal an 10 , porte, ar
ticle 16 : « Les individus amnistiés ne pourront, sous
« aucun prétexte, attaquer les partages de présuccession,
cc succession, ou autres actes et arrangem ensfaits entre
c< la république et les particuliers, avant la présente
cc am nistie. »
A rt. 17. « Ceux de leurs biens qui sont encore dans
« les mains de la nation (autres que les bois et forêts,..,.
« les créances qui pouvoient leur appartenir sur le trésor
« public, et dont l’extinction s’est opérée par confusion
« au moment ou la république a été saisie de leurs
�( i<> )
« biens, droits et dettes actives ) ,' leur seront rendus
« sans restitution de fruits. »
rX ?arrêté des consuls, du'9 thermidor an 10, dit c< qu’il
« est conforme à l’esprit du sénatus- consulte d’étendre
« la grâce aux héritiers, quand la mort a mis le prévenu
« lui-m êm e h o rs ,d’état d’en profiter. S’il eût vécu , il
« seroit rentré dans les biens dont l’art. 17 du sénatus« consulte fait remise aux amnistiés; comment refuser
cc là memejgmce à ses enfans républicoles, et nés ayant
« l’émigration ? »
Si ce que la loi accorde aux enfans de l’émigré doit
s’étendre aussi aux collatéraux, croira-t-on, d’après ce
qu’on vient;de lire, que les héritiers de M . de Simiane
eussent pu demander ses biens à tout autre possesseur
qu’au gouvernement?
Les héritiers Simiane ne l’ont pas cru possible ; ils ont
vu vendre par la religieuse Delaire tous les biens qu’elle
tenoit de la république , et il n’est venu à la pensée de
personne qu’ils fussent fondés à attaquer son titre, en lui
objectant qu’après le 9 fructidor an 3 elle auroit dû rendre
à la république ce que la république lui avoit donné.
A supposer qu’on tienne pour réponse suffisante à ce
fa it, le droit qu’ils auroient eu de s’y opposer ( ce qui
nous ramène à la question), il faudra bien qu’on indique
comment et par quelle voie on auroit pu soi-m êm e
attaquer un actef a i t entre la république et la religieuse
D elaire.
Sera-ce soiis prétexte du rapport de l’effet rétroactif
de*la loi du 17 nivôse ? mais la loi dit que l’amnistié
pourra attaquer l’acte sous aucun prétexte.
]Madame
�( 17 )
Madame deSimiane aura encore quelques efforts de plus
à faire pour prouver que les héritiers de l’amnistié pouvoient rechercher des biens q u i riétoient plus dans les
mains de la natioîi depuis l’an 2. Ce n’est pas qu’elle
n’ait bien prévu cette difficulté, dont elle fait une question
principale en tête de son mémoire ; mais elle l’a éludée,
et l’a laissée à peu près sans réponse.
Répétera-t-elle que la religieuse Delaire a dû rendre
à la nation les biens Clary aussitôt après la loi du 9 fruc
tidor an 3 ? Mais comment une aussi bonne pensée n’estelle venue qu’à madame de Simiane? et comment le fisc,
toujours si en éveil, ne s’en est-il point avisé? Quantum
mutatus ab illo l faudroit-il s’écrier; ou plutôt il faudroit
se croire fort convaincu par cette seule réflexion, que
le fisc n’étoit point autorisé à ôter à Jeanne Delaire les
biens dont elle étoit en possession, puisqu’il ne les de
manda pas.
Ce que la nation n’a pas fait en l’an 3 , la dame de
Simiane voudroit que les héritiers de son mari l’eussent
fait en vertu de l’amnistie, q u i, suivant elle, auroit un
effet rétroactif au temps de la mort et même de l’émi*gration.
Mais aucun effet rétroactif n’est donné à l’amnistie; et
c’est pour cela que le sénatus-consulte veut que l’émigré
vienne prendre dans les mains de la nation seulement,
ce qui y reste.
On a vu à Besançon un sieur Masson, ém igré, dont
les biens avoient été vendus à sa femme pendant même
qu’ il étoit en réclamation, venir après l’amnistie de^
ttiander à sa femme, non pas l’éviction du bien national,
G
�( iS )
mais l l’administration de la communauté. La Cour de
Besançon avoit jugé que l’amnistie avoit rétabli la puis
sance maritale, et par conséquent la communauté comme
si elle n’eût jamais été interrompue rmais cet arrêt a été
cassé le/io juin 1806, par lé motif principal que le sieur
Masson avoit été en état de mort civile jusqu’à sa, radia
tion , et que Vamnistie ri avoit pas eu d'effet rétroactifs
1 -Sans doute'il y a quelque répugnance à penser que
malgré la règle le mort saisit le v if , M. de Simiane',
mort en l’an 3 , n’a eu d’héritiers qu’en-Tan m i . Mais
on conçoit que pendant cette lacune c’est la république
q u ia été héritière intermédiaire; et remarquons qu’elle
n’a pas voulu l’être à titre d’usufruit ou de iidéicommis;
elle n’a pas même voulu qu’on lui succédât par repré
sentation ^ de peur qu’on usât de ses droits ou de ses
omissions pour faire des procès ; elle a déclaré avoir
rempli le degré comme propriétaire, et avec le droit
utendi et abutendi, elle n’a rappelé l’émigré que pour
reprendre rebus integris ce qui restoit dans ses mains ;
et sans lui donner le droit de porter ses regards en arrière
pour rechercher quel étoit le titre de possession de ceux
qui occupoient ses biens, la loi a placé pour lui un mu y
d’airain entre le passé et l’avenir.
' .■V o ilà , ce semble, l’idée la plus juste qu’on puisse se
former de cette législation, et c’en seroit assez peut-être
pour prouver qu’en thèse générale les héritiers Simiane
:in’ont- pas dû contester à Jeanne Delaire le droit de dis
poser des biens de sa soeur. Voyons cependant ce que la
circonstance que’Jeanne Delaire etoit religieuse, ajoutera
àe force à la précédente démonstration.
�*9
(
)
Lorsque l’assemblée constituante, voulant favoriser la
sortie des cloîtres, eut rendu la loi-du 19 février 1*790,
qui permettoit aux religieux des deux sexes de rentrer
dans le monde, il fut nécessaire d’expliquer s’ils deviendroient capables de successions .: alors fut rendue une
seconde l o i, du 26 mars 1790, ainsi conçue":
i A rt. i er. « Les religieux qui sortiront de leurs maisons
« demeureront incapables de successions, et ne pourront
« recevoir par donations entrevifs et testamens. que ’des
« pensions ou rentes viagères.’ »
\ :
* \ ,j[
A rt. 2. « Néanmoins lorsqu’ils ne se trouveront en
« concours qu’avec le fisc, ils hériteront dans cp cas pré*
« J'érablement à lui. »
.o . /j
L a loi du
brumaire an 2 , :art. 4 , dit que rc< les re« ligieux et religieuses sont appelés à Recueillir les s u o
te cessions qui leur sont échues à compter du 14 juillet
« 1789. »
C;.
L ’art. 7 dit qu’audit cas de successions ils rapporteront
les dots constituées par leur profession monastique, et
que leurs rentes et pensions seront éteintes^
.
C ’est en vertu de cette loi que Jeanne Delaire a ré-»
clamé la succession de madame de Clary, sa sœur, dont
elle étoit seule héritière al? intestat. E l l e ew a obtenu
la propriété par arrêté du 8 nivôse ail 2.
•. *
i Lorsque la loi du brumaire an 2 fut rapportée dans
Bon effet rétroactif, le 9 fructidor an 3 , Jeanne Delaire
auroit pu être obligée par M. de Simiane de rendre la
moitié des biens de sa sœ ur, si M . de Simiane eût élé
vivant-, mais il étoit frappé de mort civile : et de morne
5
5
G
3
�( 2° )
que les émigrés ne peuvent pas recueillir les successions
ouvertes pendant leur mort civile, de même ils n’ont pas
d’action pour réclamer le bénéfice d’une lo i; car, suivant
la loi du 12 ventôse an 8, les émigrés ne peuvent mçç-*
quer le droit civil des fra n ça is.
Jeanne Delaire n’avoit donc pas M . de Simiane pour
concurrent , mais seulement le fisc en sa place pour la
moitié paternelle, et M . de Chardon pour les Liens
maternels.
Celui-ci a pris sa portion, parce qu’il étoit républicole; mais le fisc n’a pas pris la sienne, car il en étoit
empêché par l’art, 2 de la loi du 26 mars 1790, ci-dessus
citée.
Il est bien incontestable en effet que si M . de Simiane
ou le fisc étoient mis de côté, Jeanne Delaire se trouvoit héritière de sa sœur : ainsi elle étoit parfaitement
dans l’application de la loi qui l’appeloit à succéder.
A in s i, sans aller plus loin , voilà déjà la religieuse
Delaire avec un titre légal. Elle 11’est pas seulement habile
à succéder, elle n’est pas détenteur provisoire et précaire ;
elle est héritière ; elle occupe les biens pro suo. Car .il
n’y a pas encore d’amnistie , il n’y en aura que dans
huit ans; et le fisc lui a cédé sa place, non pas pour jouir,
mais pour succéder directement et personnellement.
La loi du 9 fructidor an 3 n’a donc rien dérangé au
titre de propriété donné par la nation à Jeanne Delaire.
Cette loi a été expliquée par celle du 3 vendémiaire an 4;
et en même temps que le législateur rend à tous les héri
tiers déchus le droit d’ôter aux personnes rappelées ce
�(
21
)
qu’elles tenoient de l’effet rétroactif, il déclare formel
lement que le fisc n’aura pas le même droit contre les
religieuses.
En effet, l’art.
s’exprime ainsi : « Les partages faits
« entre la république et les personnes déchues , qui
« étoient ci-devant religieux ou religieuses ......... sont
« maintenus, sauf l’exécution de l’art. 7 de la loi du 17
« nivôse (relatif à la confusion des pensions). »
Rien n’étoit plus clair que cette intention de la loi (1).
Cependant madame de Simiane ne veut pas y voir ce
qui est évident : elle se contente de dire que la reli
gieuse Delà ire n’a pas fait de partage avec la république,
d’où il suit que l’article ne la regarde pas.^
Il
suffiroit de répondre que la loi ne peut pas tout
dire, et exprimer tous les cas, et que scire leges non est
earum verba tenere, sed vint ac potestatem. Mais ce
n’est pas même le cas de chercher un sens , car il est
parfaitement rendu.
La loi qui doit être b riè v e , et qui doit prendre pour
exemple ce qui arrive le plus souvent, n’a pas pu sup
poser de prime abord qu’une religieuse se trouveroit
unique héritière. Il n’étoit que trop d’usage que ce
5
(1) Comme cet article prouve qu’en laissant les successions
aux religieuses, et en retenant leurs pensions, la république a
aussi songé à son intérêt, madame de Simiane se récrie, en
disant qu’on ne donne pas une grosse succession pour 5oo fr,
de rente. Elle oublie que dans les loteries on donne 10000 fr.'
pour un écu ; ce qui ne prouve pas pour cela une fausse spécu-.
lation, parce qu’un gros lot n’est pas pour tout le inonde.
�4
22
■
)
fussent les familles nombreuses qui peuplassent les monastères, pour le plus grand avantage d’un héritier prin
cipal. Le plus souvent aussi c’est cet héritier que la
nation a représenté par confiscation , et alors elle a eu
un partage à faire avec les religieux rappelés par l’effet
rétroactif de la loi du 5 brumaire.
Si dans le cas de ce partage la nation s’est interdit
le droit d’ôter au religieux la portion qu’il n’avoit eue
que temporairement, qu’en résulte-t-il autre chose, si
ce n’est que tous /es droits de la nation ont été aban
donnés aux religieux, comme l’avoit déjà dit la loi du
26 mars 1790?
Et comment peut - on demander à son imagination
qu’elle invente une différence entre le cas d’un abandon
par la voie d’un partage, ou d’un abandon par la voie
du délaissement total? N ’est-ce pas toujours la république
qui cède son droit tel quel? et qu’importe de recher
cher s’il étoit universel ou de quotité, lorsqu’il ne s’agit
ici que de savoir si on peut exciper du droit de la ré
publique ?
En un m ot, si M . de Simiane eût v é c u , il est indu
bitable qu’il ne pouvoit troubler Jeanne D elaire, parce
qu’elle étoit héritière avant son amnistie, parce que le
sénatus-consulte ne lui donnoit droit de rechercher des
immeubles que dans les mains de la n a tion , parce que
la remise des biens Clary, faite à Jeanne Delaire en l’an 2,
étoit consolidée par l’art.
de la loi du 3 vendémiaire
au 4 , et enfin parce que les émigrés n’ont pas le droit
de rechercher si la république a eu tort de donner à
quelqu’un ia propriété de ce qui étoit à eux,
5
�( 3 )
Ce que ne pouvoit pas faire M . de Simiane, ses héri
tiers Font pu encore moins quand cette propriété a été
consolidée par une longue possession. Mais madame de
Simiane, qu’est-elle pour vouloir bouleverser tout ce qui
a été iait, et respecté même par le fisc? Elle est un simple
créancier réduit à exercer les droits de son débiteur.
Mais qu’elle explique comment elle veut exercer les droits
d’un émigré mort avant sa radiation, et par conséquent
exercer, du chef de cet ém igré, les droits de la répu
blique qui ne le lui permet pas.
E n fin , et pour comble d’incohérences, madame de
Simiane a débuté par une saisie-arrêt du prix des ventes
faites par Jeanne Delaire après l'amnistie , ce qui est
une reconnoissance évidente du droit de propriété de la
venderesse, et par conséquent une preuve de plus que
toutes les parties intéressées croyoient également à cette
propriété, comme à la chose du monde la moins suscep
tible de contestation.
Me. D E L A P C H I E R , ancien avocat,
M e. D E V E Z E ,
licencié avoué.
A R IO M , de l’imp. de T H tB A U D , imprim. de la Cour impériale, et libraire
rue des Taules, maison L a n d r i o t , — Juin 1 8 1 0 ,
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Champflour, Jeanne-Marie. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Devèze
Subject
The topic of the resource
créances
émigrés
séquestre
successions
rétroactivité de la loi
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse pour Dame Jeanne-Marie de Champflour, veuve du sieur Paul-François de Montrozier ; sieur Jean-Baptiste de Champflour ; dame Marie-Anne-Félicité de Fredefont, et sieur Jean-Jacques de Rochette, son mari ; demoiselle Gabrielle Durant de Pérignat, et dame Marie Durand, religieuse ; tous habitans de la ville de Clermont-Ferrand, intimé ; contre Dame Anne-Emilie de Félix, veuve de Claude-François-Léon de Simiane, propriétaire à Collongues, arrondissement d'Aix, département des Bouches-du-Rhône, appelante ; en présente de dame Marguerite de Chardon, veuve du sieur Jacques-François de Montanier ; Claude-Antoine-Joseph de Chardon ; demoiselle Anne de Chardon, dame Perette de Chardon, veuve du sieur Vallette de Rochevert ; tous propriétaires, habitans de la ville de Riom, intimés ; et en présence de Jacques-Marie Lavigne, et Jean Pirel, habitans de la ville d'Ambert, aussi intimés. Questions . 1°. Les religieux qui, par effet rétroactif de la loi du 5 brumaire an 2, ont obtenu un droit successif de la nation représentant un émigré, ont-ils été soumis à rendre cette succession après le rapport de cet effet rétroactif, lorsque les héritiers rétablis se sont trouvés représentés par la république, comme émigrés ? 2°. La nation, dans ce cas particulier, n'est-elle pas censée avoir renoncé à toute recherche, et n'avoir point voulu user du bénéfice des lois des 9 fructidor an 3, et 3 vendémiaire an 4 ? 3°. Le sénatus-consulte du 6 floréal an 10 n'a-t-il rendu aux émigrés amnistiés, ou à leurs héritiers, que les biens qui se trouvaient dans les mains de la nation par la voie du séquestre au moment de l'amnistie ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1787-1810
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
23 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0419
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ambert (63003)
Clermont-Ferrand (63113)
Collongues (06045)
Riom (63300)
Comtat vénaissin
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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Créances
émigrés
rétroactivité de la loi
séquestre
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53804/BCU_Factums_M0420.pdf
2368609c44d58c6a947b05db130540c3
PDF Text
Text
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M É M O IRE.
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£ ^ l L C ir u ja - / t
”& u~ - CmvÚÍü taJunL- 3 au*:-,i f if'fl.y ¿4: : : : / ^ t>uA44tfz:& ti¿ u & J
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/2
si
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’f~ïï'
$.tdaAj^—.4jL-.^átñ¿L£-.ú}^sJ¿^ÍA~.i4An*.~Xt£&VA/í^---C'-&4*4 iSt/L—^oCfUM
_
�MEMOIRE
POUR
Joseph
A
D U B I N , P i e r r e M O U R G U Y E et G
a b rie lle
B A R E Y R I E , fem m e B A P T I S T A L , cu ltiv ateu rs,
habitant au village de M o n c e l, com m un e de SainteEulalie, appelans et défendeurs en p é rem p tio n ;
CONTRE
L e sieur A n d r é C A B A N E , se d isa n t ancien ferm ier
de La terre de S a in t-C h a m a n t, in tim é et dem andeur.
;
‘
7
'
L e sieur Cabane prend le prétexte d’ une pérem ption
pour poursuivre l’effet de plusieurs sentences féodales,
contre les appelans, qui cependant ont régulièrem ent
payé ce q u ’ils doivent eux-m êm es, mais que la pagésie
forcerait de p a ye r des sommes considérables p ou r les
cens de tout leur village.
i
�Ca )
L a révolution a éteint la pagésie et la féodalité; le
sieur Cabane l’avo u e : il avou e aussi qu’ une dem ande
en pérem ption d’appel a pour résultat d’obtenir la
confirmation de la sentence attaquée; d ’où il faudrait
conclure que si le législateur a annullé la sentence et
l ’appel , il s’ensuit nécessairement qu'il ne reste plus
de procès en pérem ption.
Mais ce n’est pas ainsi que raisonne le sieur Cabane.
Il dit que des sentences rendues au profit du seigneur
p e uven t n’être pas féodales ; que d’ailleurs il n’y a
procès que sur la pérem ption d ’ un a p p e l, ce qui est
un procès indépendant de l’appel ; d ’où il conclut que
la Cour doit juger la p é rem p tio n , sans s’inquiéter de
l’objet pour lequel on plaide.
V o ilà tout le systèm e que les appelans ont à co m
battre ; mais en prouvant q u ’il n ’y a ni pérem ption
de f a it , ni procès à ju g e r , ils se préserveront d’une
injustice criante qui aurait pour résultat de les forcer
à payer la dette d’a utrui, sans avoir aucun m o yen de
recouvrem ent.
FAITS.
L es agens du sieur de L ig n e ra c, seigneur de SaintCham ant et S a in t-M a rtin , formaient presque annuel
lem ent des demandes contre plusieurs censitaires, et
obtenaient sentences sur sentences.
Cette multitude de poursuites , gardées par devers
eux , n’est certainement pas une preuve de n on paiement. On sait que le moindre retard occasionnait
�(3)
des diligences, toujours en pagésie contre les prin
cipaux tenanciers, et toujours avec des réserves des
condamnalions précédentes.
L e 6 fevrier 1 7 6 4 , Gabriélle Berghaud et Louis
M o u rg u y e furent assignés à la requête du marquis de
L ig n e ra c, seigneur de S a in t-C h a m a n t, devant le juge
de Sain t-M artin , com m e tenanciers de tout ou partie
du village M o n c e l, pour payer audit seigneur trentehuit setiers seigle, trente setiers a vo in e , sept livres un
sou a r g e n t , e tc ., pour les cen s, rentes et droits sei
gneuriaux d u s a u d it seigneur, sur ledit v illa g e , par
reconnaissances solidaires, et c e , par chacune des trois
dernières années échu es, avec l ’intérêt : le sieur de
L ign erac termine par indiquer le paiem ent à faire
entre les mains du sieur C a b a n e, son ferm ier-g én éra l,
a vec réserve de tous autres dus, droits de lods, etc.
Sur cet ex p lo it, le juge du seigneur rendit une
sentence par défaut le 17 mars 1764. L e sieur Cabane
en rapporte une copie in fo rm e , et sans form e exécu
toire.
Aussitôt que les autres censitaires du village furent
informés de cette demande en pagésie qui allait re
tom ber sur e u x , ils s'en plaiguirent. O n voit par une
requête du 17 mai 1 7 6 6 , que les nom m és L a b ru n e ,
A lz ia c , Louis Berghaud et M e y lia c articulèrent avoir
p ayé exactement leurs cens au sieur Cabane , qui
endossait leurs paiemens sur les liéves sans donner de
quittances; ils dem an dèren t, en c o n s é q u e n c e , p e r-
�( 4 )
mission de l ’assigner pour vérifier le fait; et leur donner
quittance des sommes par lui reçues.
Le
juge donna
une simple ordonnance portant
permis d ’assigner; et ce qui ne sera pas vu sans éton
nem ent , le sieur Cabane interjeta ap p el, au parlem ent,
de cette ordonnance d u 'j u g e , qui permettait de l’as
signer pour déclarer ce q u ’il avait reçu. C e ne serait
donc pas lui qui aurait obtenu les sentences qu’il s’ad
juge aujourd’h ui? car a u r a it- il; osé étouffer la voix
de ceux q u ’il poursuivait indirectement en la personne
de leurs co-paginaires.
>
L e 18 janvier 1 7 6 8 , Louis Bareyrie et Louis M ôurg u y e furent assignés à la requête du seigneur, pour p a ye r
solidairement les dernières années des cens du village. L e
29-février 1 7 6 8 , le juge du seigneur rendit une autre
sentence par d é fa u t, q u i'a d ju g e lesdites conclusions.
Elle est dans la m êm e form e que la précédente.
Pendant que ces poursuites étaient dirigées à la re
quête du seigneur, contre B areyrie et M o u rg u y e , il
en existait d ’autres contre François
D aub in en vertu
j
de sentences obtenues contre lui en 17 5 9 et 1 7 6 1 ,
pour la m êm e pagésie. Ses meubles et ses bestiaux
furent exécutés le 14 mars 1 7 7 1 , avec dép lacem en t,
toujours à la requête du seigneur.
L e 4 mars 1 7 7 4 , Louis M o u rg u ye et ledit Joseph
Daubin furent assignés en pagésie pour payer les trois
dernières années du ténem eut , toujours à la requête
du seigneur, et ils y furent condam nés par d é fa u t, par
sentence du 27 août 1774»
�l 5)
Ils ont été encore assignés en 177 8 e t 1 178 1 , et
condam nés par sentences des
19
décem bre
177 8
et 17 décem bre 178 1 5 toutes ces sentences sont sans
form e e x éc u to ire; la dernière seu le-est signée du
-greffier, maïs en seconde expédition. Il paraît que
ces mêmes sentences furent successivement attaquées
par appel porté à Salers ; aucune des parties n ’a les
procédures qui y furent faites.
L e 2 n ovem bre 1 7 8 4 ,
'
,
4e sieur C a b a n e , en qualité
de ferm ier générai des terres- pour lors appartenantes
a u sieur de L ig n e r a c , fit • signifier les sentences de
1 7 6 8 , 1 7 7 4 , 1 7 7 8 et 1 7 8 1 ’ à L ouis B a r e y r ie , Louis
M o u rg u y e et Joseph D a u b in , a vec som m ation de les
e x é c u te r, et assignation en liquidation des grains.
'
C e u x -c i1notifièrent au sieur C a b a n e , par exploit du
1 7 novem bre 1 7 8 4 , qu'ils persistaient dans l’appel déjà
interjeté des deux premières sentences, et q u ’ils inter
jetaient appel des d eu x d ern ières, co m m e n u lle s, in
compétentes et attentatoires à l’autorité de la sénéchaus
sée d ’A u vergn e , saisie de la contestation ; en consé
q u en ce, ils assignèrent le sieur Cabane à y p r o c é d e r ,
com m e se d isa n t ancien ferm ier et aux droits du sieur
de L ig n e r a c , tant pour lui que pour ledit s e ig n e u r ,
dont il prenait le f a i t et cause.
L e sieur Cabane se présenta, sur cet a p p e l, le 10
février 1 7 8 6 ; il dit que sa présentation ne fut suivie
d’aucunes autres procédures.
L e 1 3 août 1 7 8 8 , il demanda la pérem ption de
T a p p e l, et obtint sentence par d é fa u t, le 14 juillet
�(,6)
1 7 8 9 , qui prononça ladite pérem ption; le 4 août 17 8 9 ;
les B areyrie en interjetèrent appel simple au parlement.
O n ignore s’il fut pris des lettres de re lief sur cet appel,
et si le parlement fut saisi. L a révolution a d évoré
ou paralysé tout ce .q u i tenait aux matières féodales,
et il n'est pas surprenant , ni que la trace de ce qui
a pu exister soit ¿perdu, ni que toutes les parties aient
gardé le silence depuis 1 7 8 9 .
... :
..
L es lois de.r.793 ayant ;cc>ndamné aux flammes les
titres et sentences qui porteraient signe de féodalité
ou qui la renseigneraient, certainem ent le s.r Cabane
a dû s’y - c o n fo r m e r , ely.vpilà pourquoi il n ’a plus les
expéditions exécutoires des sentences du sieur de L i gnerac ; voilà ,pourquoi ne . réclam ant r ie n , pendant
vingt an s, contre des censitaires-qui avaient payé leur
item ré g u liè re m e n t, et qui ne devaient plus payer la
portion des autres, tous les d ocum ens, toutes les traces
de leurs procédures se sont perdues en presque totalité;
et aujourd’hui on veut qu’ils en soient victimes.
L e sieur Cabane s’est souvenu en 1809 de l ’appel
de 1 7 8 9 , et il a pensé que s'il pouvait l ’attaquer par la
pérem ption , il obtiendrait par cette voie indirecte une
confirmation de se n te n c e / q u e la C our ne pourrait pas
prononcer directement.
En con séquen ce, par exploit du 22 février 1 8 0 9 ,
le sieur C abane a assigné en la C our d’appel Joseph
D a u b in , et Louis M o u rgu ye ( d é c é d é p o u r voir dé
clarer l’appel simple-, du 4 !aout 1 7 8 9 , n u i, périmé et
com m e non a v e n u , et voir ordonney l ’exécution de
la sentence attaquée.
�(7 )
P ar autre exploit du 1 3 juillet 1 8 0 9 , il a'assign é
M o u rg u y e fils , et Gabriellë B a r e y r ie , fille de L o u i s ,
pour voir déclarer.le m êm e appel de 1 7 8 9 , pêri> désert
et n u l y v oir en conséquence ordonner ¡’exécution de
la sentence attaquée.
1: L es parties en sont venues à l ’audience de la C o u r ,
le 10 mars 18 10 ; .les appelans ont soutenu q u ’ un
appel sim p le, et non suivi d'ajo urn em en t, ne pouvait
pas tom ber en pérem ption , et que la désertion ne
pouvait jamais avoir lie u , sans que l'appelant eût droit
de ren o u veler son appel.
; L a Cour n ’a pas débouté expressém ent le s.r Cabane
de ses demandes en pérem ption et désertion , mais
elle a ordonné que les parties mettraient leur procé
dure en état* sur l ’appel du 4 août 1 7 8 9 , et a remis
la cause d'un m o is , pour y . statuer.
L e sieur C a b a n e , en notifiant cet arrêt, le 22 m a i,
a u x appelans ¡( les a assignés co m m e cor-debiteurs so
lid a ir e s , pour .lui voiii a d ju g e r 'le s conclusions prises
par lesi deux exploits,de 18 0 9 , ¡et ew tout cas, pour
procéder sur 1’appel >de 1789 7 et vo ir prononcer le
bien -ju gé de la senlence du 14 juillet 1789.
..
Ces
conclusions prouvent que. le s,r C aban e n ’ab an
donne pas sa prétention de faire, déclarer cet appel
péri et désert. C epen dan t, quoique, l ’arrêt de la C ou r
jie soit,pas m o tiv é , et ne statue pas expressément sur
ses premières conclusions, il est évident que la C o u r
n'a pas entendu
les
adopter,; ni m êm e les laisser re*
�(8 )
p ro d u ire; eau elle n ’aurait pas ordonné, de «faire une
procédure sur un appel périm é ou désert.
\ Mais puisque le sieur Cabane ne veu t pas se,croire
ju g é sur ce point, les appelans le prendront au.m ot*
pou r dem ander eux - m êm es un 'arrêt»¡positif sur sesf
dem andés.ën pérem ption et désertion y qui étaient la
seule chose à ju g e r , f a u f à lui à recom m encer toute
procédure nouvelle qu’il avisera.
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M O Y E N S .'. •
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Il né p e u t y . avoir lieu à pérem ption pour un appel
simple : car l ’ordonnance de Roussillon ne fait périm er
que yles \ in sta n ces} et un appel 'simple n ’en est- p a s'
une , dès; q u ’aucun juge n ’e n est saisie T e lle a été sud
ce point la jurisprudence constante.*
*
r
■ : .
n ¿.
.
- *■
.
.
. "il. !
.
Quant à.'la désertion , elle n'est point opposée à.
D a u b in y assigné par le premier, exploit du n février
18 0 9 , qui rie contient aucunes conclusions à cet égard;
I l suffit donc d ’y répondre au nom des M o u rg u y e et
B areyrie.
11
■
> ; {-W
'
- D ’abord la désertion est incom patible a vec la p é
rem p tion ; car si un appel pouvait périmer^ il ne serait
pas désert. L e sieur C abane devait d ’abord conclure à
la désertion, qui était la prem ière fin de non-recevoir
à opposer dans Tordre de la procédure; il a dem andé
que Fappel fû t déclaré péri et désert. A i n s i , en s’oc
cupant
�( 9 )
■
cnpant de la p é rem p tio n , il a renoncé à la désertion;
de m em e que s il eût conclu au bien jugé et à la p é
rem p tio n , il aurait renoncé à la pérem ption : à plus
forte îaison faut —il lui dire qu ayan t assigné D aubin
et M o u r g a y e p è r e , en février 1 8 0 9 , sans parler de
désertion, il n ’a pu y conclure contre M o u r g u y e fils
par un exploit postérieur.
L a désertion, au reste, n’est plus prononcée par les
tribunaux depuis 1790 ; lorsque des tribunaux
ont
vo u lu renouveler cet ancien u sag e, la C our de cas
sation n ’a point approuvé leurs décisions, et cela par
un m o tif bien sage et bien simple.
C ’est q u ’avant la révolu tio n , la jurisprudence gé nérale était d’accorder trente ans pour interjeter appel,
en sorte que la désertion prononcée ne produisait que
des effets frustratoires , puisqu’elle n’ em pêchait pas
de refaire l ’appel : aussi plusieurs parlemens avaien t
l ’ usage de converir en anticipation les demandes en
désertion q u i , dès-lors, se réduisaient à des dép en s,
com m e le dit B r o d e a u , lettre P , n.° 14.
Mais depuis que les appels sont limités à un délai
plus c o u r t , c ’e st-à -d ire , à trois mois et à dix ans, la
désertion a paru un abus à r é f o r m e r , puisqu’on ne
peut pas la faire m arch er avec le droit de recom m en cer
un appel pendant trente ans. V o ilà pourquoi la dé
sertion est absolum ent to m b ée en désuétude : on en
est convaincu par le grand nom bre d arrêts qui se
trouvent aux Bulletins de cassation de Fan 7 , de l ’an 9,
de l’an 10 et de l ’an 11. Par-tout on voit les désertions
3
�( IO )
proscrites; et nulle part on ne voit q u ’il en ait été
toléré une s e u l e , m êm e par simple rejet.
Il y a donc lieu , en statuant sur les demandes du
sieur C a b a n e , de le 'd é b o u te r de ses conclusions en
pérem ption et désertion. O r , on le répète , c’était là
l ’objet unique de ses conclusions avant l’arrêt du. 10
mars 1 8 1 0 ; et il ne peut pas les confondre avec le
bien jugé de la sentence de 1 7 8 9 , puisqu’au lieu de
se départir de sa’ prem ière d em a n d e, qui y était en
core plus in com p atib le, il la renouvelle et y persiste.
«
C ep en d an t, si la C o u r croyait devoir statuer sur.les
nouvelles conclusions du si’e ur C abane , il s’agira de
savoir au fo n d ;s’il ,a p u reprendre une procédure de
pérem ption en m atière fé o d a le , au préjudice des lois
qui ont éteint'tous les ptocès y relatifs; et subsictfairement,- s’il y a pérem ption.
.
, . . ?.
- A bordons , ^dès à’ présent , le subsidiaire, qui sera
plus briévem ’eiU e x p é d ié , et disons qu'il n ’y a pas de
pérem ption.
’
*
'J
»I
,
il-
r
*
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*
L îappielportéén la séfléchauss<$6 d ’A u v e rg n ç , était un
•appel'¡d'incompétence. On soutenait que l$s premiers
appels ay a ni saisi la séuéchapsséë', le ç.r Cabane n ’avait
revenir devant le juge du seigneur poui* dem ander une
-pagésie;en vertu de reconnaissances de cens soumises
ou juge supérieur.' En effet, la sénéchaussée seule é tci.it
'Compétente p o u r accorder ou refuser les arrérages de
ces mêmes c e n s , échus pendant le p ro cès; il fallait
�(II )'
y conclure devant e l l e , et. non saisir un juge déjà
dépouillé, pour multiplier les sentences et les appels.
Cet appel d incom pétence n’était pas susceptible de
péremption , 'suivant l’opinion »des auteurs, conform e
au texte m êm e de la loi.
Rousseau -X a c o m b e ., ; v.° péremption , n.°* 1 2 , dit
q u ’ elle n’a pas lieu è's-causes o u :procès du d o m ain e,
n i ès-appeLs ci’incom pétence, parce que cela regarde; Le
droit pubLic. n ,
'
■
’
“ C ette décision est'co n fo rm e à la loi Prpperandum
d’où est tirée l’ordonnance de Roussillon. Censemus
itaque omnes Lites non ultra triennii meta s , post Litem
contestatam , esse protrahendas. {ecccëptis tantum modor
causis quœ a d \ ju s JiscàLe pertin en t, v'eL quœ a d p u bLicas respiciunt fun ctiones).
r
• , - j :;
N ’y a u r a i t - i l pas en effet un in con vénient graye .
que le silence d ’ une p artie, souvent occasionné par la
difficulté de réunir des co-intéressés, ou par des .pour
parlers d ’arrangem ens, pû t donner la force de choseju gée à des sentences rendues par des personnes sans
ca ractère, et peut-être quelquefois dans dés matières
où il serait choquant que ces sentences ne fussent pas
réform ées?
^
!
C ertes, les juridictions sont de droit p u b lic, cela est
incontestable ; et s il est encore incontestable q u ’ une
partie ne peut déroger au droit public par une co n
vention
particulière, com m ent le p o u rra it-e lle par
son silence ? - C ’est donc une monstruosité que la loi
a voulu prévoir et éviter, en disant que la pérem ption
4
�( 12)
n ’ aurait pas lieu pour ce qui tient au droit p u b lic, aux
fonctions p u b liq u e s; en un m o t , à l’ordre des juri
dictions.
Mais quand la pérem ption eû t pu exister ic i avant
1 7 8 9 , il est impossible d ’adopter que la procédure y
relative ait seule resté debout , quand l ’appel et les
sentences sont anéantis co m m e chose féodale.
A cela le sieur Cabane, objecte, i.° q u ’il ne s^agit
pas de féodalité , parce quë c ’est uu ferm ier qui est
créancier, et que la suppression n ’atteint pas les fer
miers 5 2.0 que quand l ’objet du procès serait féod al, )
il n’est question que de juger s’il y a pérem ption ; ce
qui est une procédure indépendante.
R épondons d’abord que le sieur C abane se dit fer- >
m ie r, sans l’établir par des b a u x de ferm e. Il a pris,
celte qualité dans une signification .des senten ces, en
1 7 8 4 , et l’appel lui en a é té : notifié, co m m e se disant*
ferm ier et aucc droits du sieur de Lig n erac,
>
Q uo iq u’il en ' s o i t , com m ent l’objet du procès ne
serait-ii pas fé o d a l, lorsqu’il s'agit de cens demandés
à trois censitaires, par le seigneur, et en celte qualité,^
pour la totalité de la redevance assise sur un iénem ent.
A la v é r i t é , il y a des cas où les fermiers ne sont*
pas atteints par la suppression féo d a le, mais c ’est quand
ils se sont procuré un titre personnel, em portant no
vation.
-i
•Une lettre du com ité de législation, écrite au tri-,
bun al du district de R io m , le 9 prairial an
a décidé
q u ’ une rente constituée au profit d ’un fermier,, en 1 7 3 0 ,
�(.
13
)
devait être p a y é e , quoiqu’elle dérivât d’arrérages de
cens. U n e lettre du ministre de la ju s tic e , écrite au
commissaire du d irectoire, à P a u , le 22 pluviôse an 7 ÿ
décide de la m êm e m an ière,
pour une obligation /
consentie à un f e r m ie r , pour cens. R ien n ’est plus
légal que ces décisions, puisque Le ferm ier était censé
avoir touché ce q ui lu i était d u , et l ’avoir échangé
contre une obligation q u i, par cette fic tio n , rentre'
d a n s la classe des autres obligations, 'M ais cette r é
flexion du ministre prouve par e lle -m ê m e que le fer
m ier n’aurait pas été exem p t de la suppression, s’il
n ’y avait pas eu engagem ent personnel h son p r o fit,
dont refiait 'avait été de dénaturer Corigine fé o d a le ,
e t évid em m en t le titre ne cessait d’être féodal que
par novation.
L a n ovatio n , en effet, peut seule em pêch er de re
garder com m e féodal ce que la loi déclare tel. N ovatio
est p rio n s d e b itiin aluum debitum tra n sf usio
p erim a tv r.
ut prior
Si donc la prem ière dette est étein te , il
n ’en reste q u ’ une entré de simples particuliers, et la
féodalité est évanouie. M a i s , hors ce cas dirim ant, la
règle générale reste; et il est aisé de m ontrer que les
fermiérs ne sont pas à l’abri des suppressions féodales.
L a loi du 2 5 août 1792 , supprim e tous les droits
féodaux. L ’art. 10 porte que les arrérages; m êm e ce u x
dus en vertu de ju g e m e n s , ne sont pas exigibles; l’art.
12 éteint tous les procès relatifs aux droits féodaux.
On a quelquefois argumenté de Fart. i 3 , qui c o n
serve au x fermiers les« actions qui leur sont réservées
�( H )
par Fart. 3 j de la loi du i 5 mars 1 7 9 0 , de se faire
restituer, les sommes payées aux seigneurs, pour les
droits é c h u s , depuis Le 4 août 1789.
f M ais en lisant cette loi de 1 7 9 0 , on rem arque qu’ elle
est relative aux droits de bannalité et de justice, sup
primés le 4 août 178 9 ; fil y est dit que les b au x sont
résiliés depuis la suppréssion > et que si les fermiers ont
p a y é au seigneur.des pots de v i n , ils les répéteront au’
prorata de la non jouissance.
,
, , '
?
U n e dernière loi du 28 nivôse an 2 , a déclaré ne
pas com prendre dans l ’annullation des procès féo d a u x ,
ceux intentés, i.° p ar:des vassaux ou censitaires, pour
restitution des droits exigés'd’e u x ; 2.0 par des ci^deyant
ferm iers, pour, restitution des pots dé vin qu'ils .ont
avan cés, ou des fermages qu’ils ont payés .à raison des
droits qui leur étaient afferm és, et dont ils n’o n t pu
jo u ir...
' ;< 'j fu!-;- b u>* p,i -■
■
; (!
;.r . h -h w )' 1 .•*> .
A in s i, bien loin q u ’il résulte de ¡’ensemble des lois une
exception pour les fermiers 9 et un droit subsistant en
leur fa v e u r, contre Les censitaires, il faut en conclure,
au contraire^ que la loi ne s’est occupée d ’eux pendant
trois.fois>, que. rpour leur donner une action contre L&
seigneur, seulement y--et■
■
que , par conséquent , elle les
a laissés pour tout; le reste dans la règle générale de
la suppression,
à
moins? q u ’ils
n ’e u s s e n t,
com m e on
l'a diéjà dit ,. un titre nouvel et. personnel: . \ t
1 .>
C.e,'»point de droit se co n firm e quand* oit suit les lois
postérieure^ C elle !du 1.7rjuillet 179.3, en ordonnant
le brûlem ent de tous les titres i é o d a u x , y assujétit
�( ,i 5 )
tous les dépositaires defcdits titres f et:déclare qu3e.lle;y
com prend t o u s ju g em en s 'et a r r ê ts,qui porteraient re
connaissance des d ro its. féodaux , pu qui les rensei
gneraient. Ixes registres et cueillerets*sont désignés en
core pour le brûlement. Or, tout le. m o n d e se rappelle
que les ^fermiers furent les 'prem iersià brûler leurs re
gistres ' de recettes,
‘
•; :
\] •. î :
...s.
U n e autre p reu ve que la lo i r i exceptait personne,
•c ’ est qu’il fallut une exception -expresse^le <9 .frimair.e
an 2 y par esprit d ’équité en Sayem idhsoco-déàitéùns
jqui avaient p a yé la part de leurs- co>-.obligés: en
v e r tu d e1 la pagésie; et e n c o r e , ce- droit ne fut ouvert
q u ’ à celui qui p rouverait a vo ir.payé par autorité de,
\ ju s tic e . e i i t
: donc iin ferm ier ¿,aurait.-iL iun'>pri
v i l è g e , --sous p rétex te q u ’i l a '-payé son- ferm age (m ais
volon tairem en t), lorsque le co-débiteur poursuivi ^ mais
non c o n d a m n é , n ’aurait pas d’action en pareil cas, et
■¿supporterait la suppression.rx
;
P eu t-être bie h. élira it-o n ;pu^ accorder ce,, privilège
;à un fe rm ier, dans un tems où la jurisprudence exa
minait la vraie quaLité du: d e m a n d e u r , “ pour savoir
•s’il était seigneur ou non ; ca r'lo rsq u 'o n adm ettait le
-propriétaire lu i-m êm e à dem ander un cens sous p r é
t e x t e que l-abolition: n ’était p ro n o n c é e que contre Les
seigneurs , il était très-co n séq u en t que les ferm iers
réussissent par le m êm e motif.
Mais aucun; tribunal ne reviendrait à cette jurispru
dence, depuis l ’avis du conseil d ’é t a t , du
3 o pluviôse
�(
)
an i- r , et sur-tout depuis les décrets im périaux des i 3
messidor an i
3 , et 2 5 avril 1807, portant que Lorsque
Le titre ne présente aucune a m big u ité, ceLui auquel ce
titre est opposé, ne peut pas être a dm is a soutenir q u i l
n avait pas de seigneurie.
r
'
L e sieur C abane ne se dissimule pas que ces décrets
le condam nent visiblement ; mais il croit y échapper,
en disant qu'il y a chose jugée par les sentences qu’il
produit. C'est une double e r r e u r; car, i.° c'est dé
cider la question par la question e lle - m ê m e , puisqu’il
-y a appel de ces sentences , et que la pérem ption
q u ’il demande est* dirigée contre cet appel; 2.0 il crée
' une autre exception im a g in a ire , puisque quatre lois
successives ont annulié positivem ent le s ju g e m e n s et
arrêts portant condam nation de droits fé o d a u x , ce qui
p r o u v e que la chose jugée n ’est pas pour elle un titre
meilleur.
:
’
t
R em arquons encore , quoique ce soit sans une grande
u t ilit é , que ces 'sentences sont rendues au p r o fit d u
sieur de L ig n e r a c , seigneur, pour les cens de sa terre;
à la vérité , on voit à la fin du dispositif, que ce
seigneur indique le sieur Cabane com m e devant r e
cevo ir le paiem ent des condamnations : mais quel tour
de force ne faudrait-il pas pour profiter de ce bout
d’oreille, afin de changer le rôle des parties et effacer
les qualités du dem an deur! Cette argutie mesquine
peut-elle être proposée sérieusem ent, et ne serait-elle
pas indigne de la C o u r?
Il
�( i 7 J
I l suffit , sans d o u t e , de rem arq uer que it seigneur
seul est en qualité dans les sentences. Elles em portent
donc tout le privilège du cens.
Enfin, que le sieur Cabane réponde h cette question:
Si les censitaires avaient fait débouter Le dem andeur de
sa d e m a n d e, contre qui auraient-ils eu action pour les
dépens ?
Concluons d o n c, sur cette prem ière partie d e s .p r é
tentions du sieur C a b a n e , que l’objet des sentences
q u ’il poursuit est f é o d a l , et que rien ne peut les faire
excep ter de la suppression.
V o y o n s actuellem ent co m m en t une pérem ption
aurait le privilège inoui de neutraliser toutes, les lois
féodales, et de ressusciter, pour le sieur C aban e seul,
un genre d’action abandonné par tout le m onde et
par lu i- m ê m e , depuis la ré v o lu tio n , lorsqu’il s’est agi
purem ent de cens.
,
Retenons bien que la loi a supprimé non-seulement
les droits f é o d a u x , mais encore tous Les procès y r e
latifs.
A p rès les lois des 2.5 août 1 7 9 2 , et 17 juillet 1 7 9 3 ,
qui portaient expressément cette suppression, il paraît
q u e , sous divers prétextes, des poursuites eurent lieu
de la part de quelques ferm iers, et que des censitaires
eux-m êm es voulurent faire prononcer par les tribunaux
q u ’ils ne devaient rien. Alors une loi du 9 brum aire
an 2, déclara de nouveau nuls et com m e non aven u s,
tous jugernens sur les procès intentés a raison des droits
féodaux ou censuels, ensemble les poursuites fa ite s en
5.
�( i8 )
exécution desdits ju g e m e n s , ordonna que les frais pos
térieurs aux lois d'abolition seraient à la charge des
avoués qui les auraient fa ils , et défendit au x ju g e s ,
à peine de fo rfa itu re , de prononcer sur les instances
indécises.
T rès-c erta in em en t, après cette lo i, le sieur C abane
ne se serait pas cru fondé à poursuivre les censitaires
de Sain t-C h am ant ; et il a bien prouvé ^ par le f a it,
q u ’il partageait sur ce point l'opinion générale. C o m
m en t donc aurait-il aujourd’hui un droit qu’il n’avait
pas alors, et en quoi les lois seraient-elles devenues
plus indulgentes sur la féodalité ?
J a m a is , au co n tra ire , elles n ’ont été moins équi
voques depuis que les décrets im périaux ont prescrit
de ne pas considérer si te dem andeur est seig n eu r,
mais seulement si Le titre de sa dem ande est féodal :
car s’il n ’y a pas d’am biguité sur le t i t r e , il y a sup
pression.
E q u ivo q u eraît-o n encore sur cette ambiguïté , en di
sant q u ’un ferm ier peut poursuivre ? M ais a vec ce
cercle vicieux où a r r iv e r a it-o n , si ce n ’est à jugèr
de la féodalité par La personne du créancier? et c ’est
ce que la loi proscrit absolument. Sa sévérité est te lle ,
q u ’il n ’y a pas seulement suppression par le signe féo
dal, mais encore par le mélange de féodalité.
D ès q u ’il y a dans les titres opposés par le sieur C a
b a n e , signe ou m élange de
féodalité,
il ne reste à e n 1
tirer que deux conséquences incontestables;
i.° Si les sentences sont féodales, la loi les a déclarées
�( 19 )
nulles et co m m e non a ven u e s, y eût-il arrêt ou choseju g é e ( L o i , 17 juillet 1 7 9 3 , art.
3 , 6 et 8 .) ;
2,° L annullation ne se borne pas au x sentences et
arrêts ; elle s étend aux poursuites postérieures ( L o i*
9 brum aire an 2 , art. i . er).
A in si, toute procédure tendant à rappeler ou faire
rev iv re ce que la loi a a b o li, est rép rou vée et inadmis
sible.
D ’après de telles lo is, u’ est-ce donc pas une p u é
rilité que de dire à une C ou r souveraine : Vou s n ’aurez
pas à juger l ’appel cPune sentence féo d a le • vous aurez
seulement à juger la péremption de l ’ appel d ’une sen
tence f é o d a le ?
A b u s des mots et pure cacophonie.
Quand il existe un ap p el, l ’intim é n'est pas réduit à
tin seul m o y e n de défense; il peut l’ attaquer par des
vices de f o r m e , des fins de n o n - r e c e v o ir , ou la p é
rem ption : tout cela est égal aux y e u x de la lo i; tout
cela rentre dans les exceptions du défendeur.
L e résultat uniform e de ces exceptions est d ’a rriver
a la confirm ation de la sentence attaquée par un appel j
o r , ce résultat est le but du procès : in oninibus respice
J în e m .
I l n’est donc pas permis de croire que la C o u r veuille
ju ger un fragment de procès sans regarder à son ori
gine et à ses conséquences.
U n e pérem ption d ’ailleurs est si peu un procès nou
veau, q u ’elle ne s’introduit pas par un exploit à domi
cile, et en i . re instance. L'usage a toujours été d e c o n -
�( 20 )
d u r e par r e q u ê t e , quand il n ’y a pas de décès survenu ;
et le code a c tu e l, article 4 0 0 , en fait un devoir. L e
sieur C ab a n e a lui-mêm e constaté cet usage, en signi
fiant sa dem ande en p é re m p tio n , par requête signi
fiée à procureur le 12 août 1788.
Il a don c/lui-m êm e considéré la pérem ption com m e
un m o yen de procès.
11 l’a proposée co m m e un e exception.
I l a condamné son propre système.
M ais quand on serait privé de le citer lui-m êm e pour
pro u ver qu’ une pérem ption d ’appel n'est pas un procès
nouveau et indépendant , la raison seule dirait que
quand le fonds du procès est a b o l i , il n'est pas plus
perm is de plaider pour la pérem ption que pour la
prescription.
,
f>
L a féodalité n ’est pas la seule matière abolie par la
révolution ; et il est sans exem ple que des procès re
v iven t sous prétexte de savoir s’ils sont périmés. N e
trouverait - 011 pas ridicule , par e x e m p le , que par
suite d’ un procès en m atière b én éficiale, un d é v o lu taire qui aurait obtenu un bénéfice co n teslé, vînt re
prendre d evant les tribunaux actuels la pérem ption
d ’ un appel y rela tif?
L a loi n’a permis q u ’en un seul cas de plaider sur
les matières supprimées 5 c ’est dans les retraits lignagers , et seulem ent pour les dépens. L à on pourrait re
prendre une dem ande en péremption ; mais l'exception
confirme la règle , q u i de uno d i c i t , de altero negat.
,Au d em eu ra n t, l ’idée conçue par le sieur C a b a n e,
�( 21 )
cPisoler une pérem p tio n , n ’est q u ’ un piège contre des
censitaires qui ne doivent r i e n , et qui seraient plus
victimes de la suppression de la féod a lité, que si la fé o
dalité existait encore.
E n effet, un arrêt de pérem ption emporterait de plein
droit la confirmation de cinq sentences féodales.
L es censitaires n ’auraient aucune voie pour en em
p êch er l ’exécution. L ’accès aux tribunaux leur serait
ferm é ; tous les degrés de juridiction seraient épuisés,
et le prem ier juge ne pourrait réform er une décision
ém anée de lui. L e sieur C abane ferait donc ex écu te r
sans obstacle des sentences dont l’arrêt aurait prononcé
im plicitem ent la confirmation : car quel juge pourrait
arrêter des poursuites faites par suite d ’un arrêt de la
C o u r?
Ces poursuites forceraient les appelans à payer la
dette d 'a u tr u i, sans m oyen s de répétition. O n dit la
dette d ’a u tru i, c a r , encore une fois., les censitaires,
poursuivis par le sieur C a b a n e , ont p a y é régulièrem ent
leu r portion des cens.
Ils prouvent par les quittances de cens à eux données
chaque année par les préposés du seigneur, sur un cahier
particulier, savoir 7par le sieur C a b a n e , j usques et compris
1 7 8 ° ; p a r le sieur L a d e n , depuis 1780 jusqu’à 1 7 8 6 ;
et enfin par le sieur C o u d e r t , pour les années posté
rieures.
Ainsi ce n’est que par la force de la solidarité et de
la pagésie que le sieur Cabane veut faire p ayer aux
D a u b in , M o u rgu ye et B are yrie ce q u ’ils 11e doivent pas»
4,
6
�( 22 )
Mais une loi du 20 août 1792 a supprim é la soli
darité; c’ est donc pour l ’éluder qu’il veu t se prévaloir
de sentences qui com prenn en t le cens de tou t un
ténemerit.
Si la solidarité existait encore . l'action serait re
poussée par l’exception cedendarum a ction u m .L e sieur
C aban e ne pourrait se faire: p a y e r , qu'en subrogeant
à ses action s, pour être t rem boursé du c o - d é b i t e u r
solidaire. ( C o d e civil, art. 20 37.)
O r , co m m en t pourrait - il subroger à une action
é te in te ? com m en t serait-il en état de justifier ce q ue
doivent les Ço-débiteurs? co m m en t et par quelle v o ie
les forcerait-on de p ayer une portion de cens in con n u e?
Ces difficultés ach èven t de m ontrer q u ’il est toujours
im prudent d'éluder les l o is , m êm e les plus sévères.
C hacun en profite dans ce q u ’elles ont d ’a van tageu x
pour lui ; et souvent hors de là , les taxe d ’injustice.
A u reste, il ne s'agit pas de montrer que la dem ande
du sieur Cabane causerait aux appelans un tort consi
dérable : il suffit d ’avoir prouvé q u ’elle tend à la v io
lation de la lo i, et ce serait s'aveugler v o lo n ta irem en t,
que d’hésiter à s’en dire convaincu.
M . e D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M . e G A R R O N , Licencié-avoué.
A RIO M , de l'Imprimerie du Palais, chez J.-C. SA LLE S.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Daubin, Joseph. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Garron
Subject
The topic of the resource
cens
contentieux post-révolutionnaires
Description
An account of the resource
Mémoire Pour Joseph Daubin, Pierre Mourguye et Gabrielle Bareyrie, femme Baptistal, cultivateurs, habitant au village de Moncel, commune de Sainte-Eulalie, appelans et défendeurs en péremption; Contre Le sieur André Cabane, se disant ancien fermier de la terre de Saint-Chamant, intimé et demandeur.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1764-Circa 1810
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0420
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0625
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53804/BCU_Factums_M0420.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Sainet-Eulalie (15186)
Saint-Chamant (15176)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
cens
contentieux post-révolutionnaires
-
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ddd83e4afb2b609bf321d83220c3e666
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MÉMOIRE
EN R E PON S E
POUR
D am e J à c q u e t t e - G i l b e r t e B O N I OL et le sieur,
J e a n B O U R D I L L O N - D U G R A V I E R ? son m a r i
dame M a r g u e r i t e B O N IO L et le sieur C h a r l e s
A R R A G O N È S D E L A V A L 9 son mari;'et demoiselle
M
arie
B O N I O L , tous propriétaires,, habitans de
la villet,de Clermont-Ferrand,, intimés.
contre
D am e M a r i e B O N I O L et Le sieur G i l b e r t S E R S I R O N , son m ari, propriétaires habitàns du lieu
de Roure paroisse de S a in t- Pierre -Le Chastel
appelans.
L
a
'
i
,
dame Sersiron demande à ses nièces le partage
de deux successions ouvertes il y a plus de 40 ans.
�■
( ^
Il y aurait lieu de s’étonner de sa p a tien ce, sî ,
depuis cette époque , elle attendait encore ce qui lui
revient; mais en i7 7 7 > clle fornpa la mêm e.dem ande
contre sa mère- et sou frère : et aprèsi un procès trèscourt, elle vitit à partage avec son frère et sa sœur.
Chacun prit la portion qui lui rev en a it, et le lot de
la dame Sersiron fut de trois domaines.
Elle s’en mit s u r - le - c h a m p en possession, et le
procès cessa. Elle a joui , depuis cette é p o q u e , sans
rien réclamer : elle a disposé de son lot en maître
absolu , coupant tous les bois , vendant tantôt des
parcelles de cham ps, tantôt un domaine entier : nul
n’avait le droit de l’en empêcher, puisqu’elle disposait
de sa propriété.
Pendant que la 'd a m e Sersiron dissipait son patri
moine par des dégradations, son frère améliorait le
s ie n , et payait de grosses dettes laissées à sa charge.
Alors l ’envie faisait des comparaisons; cepen d an t,
comme tout était term iné, on était forcé de s’en tenir
à de la convoitise.
Mais la mère est m orte, le frère est m o rt, les trois
nièces en bas-âge ont été mises en tutelle. Des liaisons
de famille ont amené une confiance sans bornes ; et
lorsque la tante en a tiré tout le parti que l’expérience
de son âge fait supposer, alors levant le masque, elle
a dit ¿1 ses nièces : vous n’avez plus à votre pouvoir
le partage qui fixe mon lot ; je prétends qu ’il n ’y en
a jamais e u , et je veux reprendre la. demande que je*
formai en 1777 ; car je soutiens ne posséder trois do-’
�.
'
(
3
. }
mainesiqu’cV-tiire de provision
j ’élevërai même bien
d'autres prétentions:que tous les changemens survenus
depuisïcette époque favoriseront.
Voilà l’origine et le plan du procès. L a mauvaise
foi :1 a fait: n aître, la mauvaise foi l ’a entretenu par
des variations continuelles de prétentions ; toujours
croissantes. Mais ce qui a échappé aux accidens et à
l’im p révo yan ce, a suffi pour convaincre les premiers
juges que là dame Sersiron cherche des dupes, et ne
demande rien dedégilime. L a Cour en sera convaincue
aussi, et ne sera pas plus-disposée certainement à ac
corder à la mauvaise foi un triomphe qu’elle ne mérite
jamais.
. .
F A IT S .'
W<î !Îî.v;î.îC-:L e sieur A nnet Boniol, substitut de M. le procureurgénéral à la Cour des aides de C le rm o n t, laissa1,
de son mariage avec M arie -G ilb e rte D argn at, trois
enfans, savoir, Marie-Françoise, Marguerite et Antoine
Boniol.
Il mourut le 4 avril 1766 , laissant un testament
olographe, daté du 21 mars 17^4, par lequel il léguait
tous ses revenus à sa fem m e, sans reddition de com pte;
et léguait un quart en préciput à son fils, s’il en sur
venait un.
L a dame veuve Boniol, dépositaire de ce testament,
le remit en 1767 au sieur A lley ra t, notaire h Giat.
Elle fit faire un inventaire, et se mit en possession des
biens.
�4
Si on en croit les sieur et dame Sersîrorï* qui blâment
tout, ce dépôt chez un notaire, qui n’était pas le plus
voisin, ce testament fait 12 ans avant de mourir, sont
des choses fort extraordinaires. Mais il n’était pas pos
sible de le déposer chez iin notaire du lieu : car il n’y
en avait* pas. '
Et lorsque la date’ du testament leur fait soupçonner
qu’il a pu^y en avoir un autre, ils sont inconséquens
lorsqu’ils remarquent eux-m êm es que le sieur Boniol
était 'dans la force de l'âge en 17*54 ; et qu'en léguant'
un quart à son fils à naître, il ajoutait que si ce fils
décédait, le legs vaudrait pour tout autre enfant mâle
qu il a u ra it, ne f u t - i l que Le vingtième, ce qui nJan-rN
nonçait pas l'idée d’une mort très-prochaine.
Une sœur du sieur Boniol père, qui avait toujours
habité la m aison, mourut en‘ 1 7 6 8 , et légua par
testam ent, au même Antoine B o n io l, f son neveu,,
un quart de ses biens-, dont la presque totalité venait
du sieur M ugnol, son m ari, qui lui en avait fait don.
Elle avait institué le sieur Annet B on iol, son- fr è r e ,
son héritier, en partie, par son contrat de mariage du
20 novembre 1747 : mais la majeure partie de sa suc
cession était encore disponible à son décès.
Marguerite Boniol, l’aînée des enfans d’A n n e t, con
tracta m ariage, le 6 juillet 1772 , avec le s.r Sersiron.
Elle se constitua en dot la portion à elle échue par le
décès de son père ; et la dame D argnat, sa mère, lui
constitua de son chef une somme de 6,000 fr.? payable
après la majorité du 111s, à condition qu’elle ne sera
�(
5.}
point inquiétée dans sa gestion, et que son fils ne le
sera pas dans le quart à lui légué par son père, sinon
la dame Dargnat réduit sa constitution à 2,000 fr.
X<a dame Sersiron dit qu’elle n’a renoncé qu’à con
dition des 6,000 francs : mais qu'elle a gardé un silence
respectueux sur la constitution des 2,000 francs. Si elle
avait bien lu l’acte, elle aurait vu qu’elle a réitéré sa
renonciation, après cette restriction à 2,000 francs.
Cependant la dame Dargnat ne voulant pas profiter
du legs général des revenus que lui avait fait son mari,
se montra généreuse envers sa fille, et elle crut devoir
annoncer ses intentions aux familles réunies ; elle
déclara donc que son intention était de se départir de la
jouissance des biens de son mari, aussitôt que son fils
serait m ajeur; et elle renvoya le partage des biens à
faire à cette époque, jusqu’à laquelle elle s'engagea
à payer 5 00 francs par an à sa fille.
Malgré cette convention, les sieur et dame Sersiron,
commençant à être tracassiers, avant d’y être autorisés,
firent assigner la dame Dargnat en qualité de tutrice
de son fils, pour venir à partage de la succession de
leur père, et de celle de la dame M agnol, sans pré
jud ice, disent-ils , à toute demande en reddition de
compte de tutelle.
L a dame Boniol répondit à cette demande par des
défenses, du 14 juillet 1 7 7 7 , i.° qu’elle était préma
turée quant au partage des biens patrimoniaux, d’après
les conventions du contrat de mariage de 1 7 7 2 , jus
qu’à la majorité de son fils; 2.0 que le mobilier de la
�(
6
)
tante avait été partagé après son décès, et que la dame
Sersiron a eu sa portion
consistant en un quart ;
3.° qu’elle offrait le partage des immeubles de cette
dernière succession.
Ces défenses arrêtèrent l’empressement de la dame
Sersiron ; elle vit qu’il fallait attendre la majorité de
son frè r e , et en effet elle cessa jusqu’alors ses pour
suites.
de 17 77 n ’ avait pas été faite seulement
au nom des sieur et dame Sersiron ; ils l ’avaient in
L a demande
tentée aussi au nom de Marie-Françoise B o n io l, qui
avait épousé le sieur Peyronet. Mais soit que ce fut
à rinsu de la,dame P ey ro n et, soit q u e lle se reprochât
cette hostilité envers sa m ère, elle ne voulut pas prêter
son nom à une nouvelle demande.
r lies sieur et dame Sersiron assignèrent donc seuls
le sieur Antoine B on io l, par exploit du 26 août 1 7 8 3 ,
pour venir à partage de la succession du père com m un,
et de celle de la dame M ag n ol leur lante. L e sieur
Boniol donna de simples défenses de style, auxquelles
on répondit par de longues répliques, qui n’éclaircissaienl rien ; le sieur Sersiron, pour abréger, forma une
demande additionnelle, pour obtenir une provision de
3ooo fr. , quoiqu’il fût régulièrement payé de 5 oo fr.
On y défendit comme à une chicane , en disant qu'une
provision n’est due qu’à celui qui ne touche rien ;
au surplus il ne paraît pas qu'il y eût de difïicullés éle
vées sur le fonds du partage.
La dame veuve Boniol décéda le 21 septembre 1784.
�(
7
)
Il n’y avait pins de prétextes de retarder le partage;
en conséquence, les trois co-héritiers se rapprochèrent
pour convenir de leurs droits respectifs.
Apres avoir vérifié la valeur des biens, chacun sut
bientôt à quoi s’en tenir; mais là comme par-tout les
sieur et dame Sersiron furent les plus difficiles; les con
seils de leur pays ne leur parurent pas suffisans; ils v o u
lurent en référer à M .e L a p e y re , et le sieur Boniol se
fit un devoir d’adopter le choix de ce jurisconsulte.
On se rendit donc à R io m , où les traités furent rédigés.
L ’acte qui concerne la dame P eyron et contenait
une cession de droits, m oyennant 45,000 fr. ; et pour
la valeur de cette somme il lui fut délivré un domaine
évalué à 3 i,ooo fr. ; le surplus fut payable à termes
convenus. Cette cession fut faite sous seing privé le
9 octobre 1784.
Quant à la dame Sersiron , qui était encore en puis
sance maritale, et
h
qui le sieur Boniol était bien aise
de ne pas donner sa portion en a r g e n t , il lui fut d é
laissé trois domaines pour sa portion des biens pater
nels , et 6000 fr. pour sa dot maternelle. C ’est cet
acte que les sieur et dame Sersiron savent perdu, et
dont la perte est le seul m otif du procès actuel.
Tant que le sieur Boniol a vécu , les sieur et dame
Sersiron n’ont pas m êm e conçu l ’idée de prétendre
que le procès n’élait pas entièrement terminé. On
s’élait quitté avec un acte : la dame Sersiron qui n'avait
porté à Riom que son exploit de 1 7 7 7 , parce qu’il
réglait ses demandes, en avait fait remise au sieur
�C8 )
Boniol com me pièce désormais inutile. Elle avait été
mise en possession des trois domaines à l’instant m êm e;
il lui restait à recevoir 6000 francs.
t Jusqu’alors les quittances données parle sieur Sersiron
n ’avaient aucune im p u tatio n /p arce qu’elles se rap
portaient au seul revenu de 5 oo fr. promis p a r le c o n 7
trat de mariage de 1 7 7 2 ; mais après
changent, et le slyle de ces quittances
dont on veut se prévaloir.; ; > .
Dans l ’intervalle de 1784 à 1788
fit en deux fo is , au sieur. Sersiron ,
1784 les sommes
éclaircit le doute
, le sieur Boniol
un paiement de
1200 fr. 3 mais par une confiance fort mal avisée, il
n'en prit point de quittance.
Lorsqu’il demanda cette quittance à son beau-frère,
il paraît que celui-ci disputa sur l’imputation d’une
somme de 436 francs, q u i, sans doute, était un reste
de la dernière année du revenu de 5 oo francs* On
n ’avait pas dans ce moment là le traité sous les y e u x ,
pour vé ri lier si celte somme de 436 francs y était
portée comme quittancée , par le moyen des autres
arrangemens, ou si elle y était portée comme restée
en débet. On imagine bien que le sieur Sersiron ne
manqua, pas de vouloir faire toutes ses protestations
sur cet article ; et comme il est écrit que les êtres les
plus disposés à la mauvaise f o i , s’y laissent souvent
prendre par les précautions même q u 'i ls ont cherché à
accumuler, il est résulté de cette première quittance la
révélation de ce que les sieur et dame Sersiron osent
nier aujourd’hui.
Je,
�G9 )
« J e , soussigné, reconnais avoir reçu dç M . Boniôl , mon
beau-irère, la somme de douze cents f r . , en, ¡deux p a iem e n s,
suivant les arrangemens p r i s entre nous^ ‘l ’un de 436 francs,
en 178 7, dont il "n’a pas de quittance, e t 'q u i doit être porté
sur le traité de A/.e L apey re; et l’autre paiement de 764 fr. ;
lesquelles deux somoles/font celle .de *1,200 fiv, dont quittance j
et dans le cas que la susdite somme de 436 fivsoit portée dans
le traité de
L a p ey re, sans .quittance, la présente quittance
ne vaudra que pour la somme de 76^ î r . , dont .quittance ».
« Fait ce 22 mai 1788. Signé Sersiron ».
«V
.*!•, . .
iv
'
-r-.-. ■ !
,
.
T
i':; À :. : ,r . ’ ■J'
■ •'
r X<e ;2.8 juin* de 1$ m ê m e gnn^e 1788,,. le sieur Ser
siron donna une autre quittance de 612 fr. Alors il
n ’y avait plu? de reserves a. faire 7 e;L le sieur Sersiron
$e: cfl^enta. .de dire ; ; % c u 6r2.fr; de mon,beau-frère,
à compte de ce q u il me doit pour^la Légitime de ma
fem m e
ir , -J
. Il a été donné quatre autres quittances au sieur B o .
*
../*
.j
n
&
Y
’
} f r
:f!
,
*
niol, l’une de 720 fr., le 24„octobrer 1788; la secotide
de 1,100 fr., le* 1-5 juillet; 1789; la troisième.de 760 f r . ,
le 29 septembre, 178 9; et la quatrième de 400 f r . , le
2 5 mai 179 1. Toutes sont dans les mêmes termes :
q u i l me d o it pour La Légitime de ma fem m ei ,
rOn a /trouvé par hasardjune lettre isolée de la dame
Sersiron, écrite en/l’an 2 a son^rère'; elle lui demande
.60 fr. ,tr em prunter, >ce q u ivne laisse pas douter que
toutes leurs araires d’intérêt ne fussent alors terminées.
. , L e sieur, Antoine Boniol est0 mort en l’an 8 , lais
sant deu* filles mi nègres qui furent mises sous la tutelle
d’ un étranger. Ce tuteur i i t émanciper, ses pupilles aus
sitôt qu’il le put.
?
3
�( IO )
Ces cliangemens donnèrent au sienr Sersiron quelque
espoir d’en tirer parti. D e fréquentes visites faites chez
ses nièces laissent beaucoup de soupçons.surleur motif,,
mais de ces soupçons qu’il faut taire quand on e n ,e s t
réduit,¡.à ne pas. pou voir!prouver ce qu’o n avancer*
Quoiqu’il en- 'soft du résultat de ces visiles*, le sieur
Sersiron les interrompit to u t-à -x ;o u p pour menacer
d ’une demande en partage. . . f ■
■ •
;
•l.es demoiselles Boniol semblaient avoir plus à craindre
u n e -recherche
de la part*de la famille Peyronet : car
F ran çoise’Boniol, qui avait traité avec A n toin e, était
décédée, laissant trois enfans; et ceux-ci auraient p u ,’
peut êtïè sans mauvaise foi, nier l’existence d’ un traité
qui n’était pas de leur fait. ' •
’
Ils furent les premiers auxquels on s’adressa : mais
les demoiselles Boniol ne trouvèrent avec eux que de
la loyauté et de la bonne foi.
Les enfans Peyronet avouèrent avoir t r o u v é , dans
les> papiers de leur m è r e , le traité sous seing p riv é ,
écrit sur un quarré de papier en 17 8 6 , et ils se firent
un devoir d’en offrir la ratification.
E n conséquence, et pour y donner une forme plus
régulière, il fut fait un nouvel acte le 6 germinal an 12,
par - devant notaire, contenant les conventions déjà
faites ; c'est-à-dire que le domaine donné à la veu ve
Peyronet pour 3 1,000 francs, fut mis à son lot ; on
vint à compte des paiemens fa its , dont deux étaient
de 1793 : les héritiers Boniol se reconnurent débiteurs
de 7>9°8 francs.
�( II
)
Les sieur et dame, Sersiron qui ont eu connaissance
de cet a c t e , disent, pour se soulager la conscience,
que les héritiers Peyronet n'ont traité qu’avec un sup
plément de lot , parce que c’est. en efFet le terme em
ployé par le notaire. Mais s’ils ne se plaisaient ■
pas à
tout dénaturer, ils verraient que le domaine seul étant,
considéré comme un lot, il était bien juste que ce lot
d'immeubles eût un supplément de 7,908 francs en
l ’an i 3 , puisqu’il en avait eu un de 14,000 fr. en 1784.
Quoiqu’il en soit, cette leçon de bonne'foi fut en
pure perte pour les sieur et dame Sersiron ; et tout fâchés
qu’ils étaient de perdre un auxiliaire qui aurait rendu
plus probable le défaut de partage, ils formèrent de
mande par citation du 10 vendémiaire an 1 4 , en reprise
dé l’exploit de 17 77 (quoiqu’ils en eussent remis l’ori
ginal depuis le traité); et ils.conclurent au partage des
deux successions d'Annet Boniol et de la veuve Magnoî ,
ppur être délaissé à la dame Sersiron uui tiers de. cha
cune dans les immeubles, et un quart dans le mobilier,
avec restitution de jouissances^/>wi\y Le m ariage de la
dame Sersiron, et intérêts depuis la demande de 1 7 7 7 .
f Le s premières, défenses données à cette demande
ne furent qu’une ébauche des.moyèns à faire valoir,
et dont on se lit réserve pour, l'a plaidoierie (a fin sans
doute d’attendre que le sieur Sersiron eût donné quel
ques explications de plus ) ; on se contenta de dire que
la demande
e n
partage était non recevable
,
qu’elle
était encore prescrile, puisqu’on la fondait sur un ex
ploit de 1777, qui n’existait pas, et que le sieur Ser~
4
�(12
)
siron ne représentait pas ; qu’elle était encore sans
intérêt, parce que la dame Sersiron avait reçu un do~
mairie de 1 5^ooo f r . , ce qui excédait de beaucoup le
quart
qui lui rev en a it, d’après le testament de 1754.
On voif que l’avoué chargé de rédiger ces défenses
ignorait la réception de deux autres domaines , et don
nait du large aux sieur et dame Sersiron , toujours prêts
à profiter des circonstances.
A u lieu de répondre par une écriture, ils se content
tèrent de signifier des conclusions,, où , n'avouant tout
juste que ce que les défenses les empêchaient de nier,
ils offrent de rapporter Le petit domaine dont iis sont a i
possession, ainsi que tout ce qu’ils peuvent avoir touché.
Ils ajoutèrent que°, d’après les termes du testament olo-<
graphe, il n’y avait eu legs, au profit d’Antoine Boniol,
que du quart des m e u b le s en sorte que les immeubles
devaient être partagés par égalité.
On voit déjà la perfidie de cette offre de rapporter Le
petit dom aine, puisqu’ils en ont eu trois 5 mais elle estbien plus grande encore dans ces mots dont Us sont
en possesion, lorsqu’on saura qu’ils avaient-déjà vendu1
un des trois domaines, en sorte que croyant tout cela
ignoré de leurs nièces , ils ne craignaient pas d’offrir
le petit domaine dont ils étaient en possession, parce
qu’ils avaient lu dans les défenses que l’avoué ne con
naissait qu’un petit domaine évalué par lurà i 5,ooofr.
A l’égard du testament, et pour comprendre la res
triction que les sieur et dame Sersiron voulaient y
fa ir e ; il faut savoir que ce testament portait legs, par
�( ï3 )
Annet Boniol à son fils à naître, du quart de ses biens;
'meubles et effets, le tout par préciput. Les sieur et dame
Sersiron jouant misérablement sur la virgule cjui vient
après le mot biens, et qu’ils supprimaient, prétendirent
que le testateur n’avait entendu léguer que ses biens
meubles.
Les héritiers Boniol répondirent que cette honteuse
équivoque s’évanouissait à la lecture du testament en
tier, parce que le testateur, revenant sur son inten
tio n , disait ailleurs léguer le quart en préciput à son
enfant mâle ; qu’en lin autre endroit , léguant à sa
femm e , dans les mêmes term es, la jouissance de ses
bien s, meubles et effets, il ajoutait à Pirislant le-m otif
qui l ’avait engagé à laisser à sa femme le revenu de
tous ses biens] et enfin les sieurs Boniol ajoutaient-que?
ces m o ts, le tout par préciput, montraient assez que
le mot biens avait un sens séparé du mot meubles, et
s’entendait de toute l'acception que la loi et les usages
donnent au mot biens.
Lorsque les héritiers Boniol virent que les sieur et
dame Sersiron affectaient d’éviter les explications sur
le passé, ils pensèrent qu’en les obligeant par les voies
légales, ils parviendraient h la découverte de la v é rité 5
ils demandèrent d o n c ‘ un interrogatoire sur faits et
articles, et 1’obtinrent.
Mais il fallait, suivant la l o i , signifier les questions
sur lesquelles les sieur et dame Sersiron devaient
être interrogés, et quoiqu’on ne doive pas douter de
la perfection des lois, il sera bien permis de penser
�( H )
au moins que deux personnes devant être interrogées
sur les mêmes faits , sont à-peu-près certaines d’être,
unif orm es, lorsqu’elles sont à portée de concerter leurs
réponses.
*
C ep en d a n t, et malgré la préparation qu’il est im
possible de ne pas supposer dans les réponses des sieur
et dame Sersiron, on va voir que le sieur Sersiron fut
au moment de révéler ce q u ’il avait pris tant de peine
à cacher.
Après que le sieur Sersiron eut fièrement répondu
à la première question qu'il n’y avait ja m a is eu de traité
contenant partage de la succession Boniol^ le magistrat
lui demanda si M .e L ap eyre n ’en avait pas été chargé.
Il répondit que M .6 Lapeyre n’avait été employé dans
cette a ffa ire, n i pour rédaction de tra ité, Ni AUTRE
MENT.
Viennent quelques autres questions auxquelles il n’y
avait qu’à répondre non pour être conséquent. Mais
ensuite le .magistrat représenta au sieur Sersiron la
quittance de 17 8 8 , dans laquelle il était question de
M .e Lapeyre, et il lui demanda comment ilse faisait qu’il
y eût parlé lui-mêm e d’un jurisconsulte absolument
étranger à cette affa ire, com m e il venait de le dire.
L e pas était glissant, et tout exercé qu’était le sieur
Sersiron, il fallait absolument cju’il revînt sur ses pas.
11 répondit donc qu’à la rcrité, M .e Lapeyre avait
été chargé de fa ir e un tra ité, mais que cet arrange
ment. n ’eut pas lieu ; que s’il avait mentionné ce traité
dans une quittan ce, c’était dans la supposition qu’il
aurait lieu.
�( i5 )
Quant à la délivrance des trois dom aines, et aux
sommes payées, le sieur Sersiron dit que le sieur Boniol.
ne lui avait donne ces domaines que comme provision,
et que les sommes reçues'concernaient la succession
maternelle.
,
L a dame Sersiron répondit comme son mari * mais
pour ne pas faillir, elle se fit la violence de parler
moins, et s’expliqua sur chaque article avec une briè
veté surprenante , toujours pour nier ; sauf qu’elle
ré p é ta , mot à m o t, que les trois domaines étaient
Une provision sur la succession paternelle, et les sommes
reçues en paiement de ses droits maternels.
• A u lieu de s’avouer vaincus par leurs contradic
tions et l’invraisemblance de leurs allégations, les sieur
et dame Sersiron crurent qu’il fallait faire bonne con
tenance, et être plus exigeans que jamais. En consé
quence , n’osant plus faire réduire le teslament au
quart des m eubles, ils n’abandonnèrent cette p r ê t e r
tion que pour en mettre au jour une n o u v e lle , plus
absurde encore.
. ,
Quoique le testament de 1754 eût éfé lu et coni^
menté par eu x, comme on vient de le vo ir, ils im a
ginèrent de dire brusquement que ce testament avait
été irrégulièrement déposé en 1767, et qu’ils n ’en re
connaissaient pas l'existence.
.
En conséquence, par de nouvelles conclusions du 2
août 1 8 1 0 , ils déclarèrent rétracter ce qu’ils avaient
'd é jà dit, et rectifier leurs demandes! Ils révoquèrent
donc l’ofire par eux faite d’allouer m ê m e -le quart
�c i 6 )
des ' meubles ; ils sommèrent les héritiers Boniol de
s’exp liqu er, e t ‘ déclarer positivemènt si ce testament
existe en original et en minute cke% le notaire, p o u r ,
en 'cas.de non - existence,»être redemandé le^part^ge.
de toute la succession par égalité. Ils demandèrent
enfin un compulsoire contre le notaire.
* ,
Les héritiers Boniol'qui avaient dans leurs mains ,
non-seulement une expéditiqn,, ayant ¡plus de 40 an£
de date, délivrée à leur grand’vmè;re ^jiiais encore une
autre: expédition que la 'dame P eyron el( leur,, avait
délivrée lors du partage de 1784, trouvèrent si bizarre
q u’on leur demandât sérieusement une explication sur
Inexistence ou non-existencô de la miniTte cl’un notaire,
q u ’ils ne crurent pas-nécessaire de répondre à, cette
chicane nouvelle;; ils sollicitèrent l’audience , ou la
cause fut soutenue avec chaleur par,les sieur et dame
Sersiron pendant plusieurs,séances.
août 1810/ifut rendu le jugement dé
finitif que les sieur et dame Sersiron se sont contenté
E n fi n, le 14
d en on cer comme proscrivant leurs demandes
mais
dont les héritiers Boniol ont le plus grand intérêt de
mettre les motifs sages et précis sous les y e u x ,de ,1a
Cour.
,
J
u g e m e n t
'
dont
j. ' *
est
a t t e l
.
- ^
« Attendu qu’il résulte, i-° de 1 énonciation ¡d’un
traité rédigé par M .c L a p e y r e , contenue dans la quit
tance du 22 mars 17883
« 2 ,®
�( *7 )
« 2.® D u délaissement de trois domaines, dépendant
de la succession à partager, fait aux sieur et dame
Sersiron ;
« 3.° D e 1 aliénation qu’ils ont faite d’un de ces trois
domaines ;
« Qu’il y eut en 1784 un premier partage, et que tout
porte à croire que ledit règlement était définitif« Attendu que les partages sont du nombre des
contrats qui se^ forment par le simple consentement
verb al, sans qu’il soit besoin pour leur validité qu’ils
soient revêtus de la solennité de l ’écriture;
« Attendu que les sieur et dame Sersiron étaient
majeurs en 178 4, lors du partage;
« Attendu que d’après l'art. 13 4 .d e l’ordonnance
de i 539, les majeurs n’ont que 10 ans pour se pour
voir contre les actes passés durant leur minorité;
. * Attendu que c'est en 1784 que les sieur et dame.
Sersiron ont fait ce règlement portant partage, et que
n’ayant formé leur demande en reprise d’instance pour
en venir à un nouveau partage, qu’en l ’an 14 , il s’est
écoulé un laps de tems de plus de 2 4 années;
c<Mais attendu que les parties se doivent un com pte,
tant sur le paiement des arrérages d’un revenu de
5oo francs promis à la dame Sersiron par son contrat
de mariage, jusqua l’évenement du partage, que sur
les paiemens faits sur la dot de 6,000francs, constituée
à ladite Sersiron, par la-dame Dargnat, sa m ère;
« L e tribunal déclare les sieur et dame Sersiron non
recevables dans
le u r
demande en reprise d’instance,
�( IB )
ainsi que dans celle qu’ils ont formée pour en venir à
un nouveau partage; ordonne que les parties se reti
reront par-devant M .c Chassagne, doyen des notaires
de cette com m une, que le tribunal nomme d’office
pour recevoir le compte que les parties se doivent,
tant sur les arrérages d’ un revenu de 5 oo francs porté
au contrat de mariage de la dame Sersiron, que sur
le paiement de la dot de 6,000 francs, qui lui a été
donnée par la dame D a r g n a t , sa m è r e 5
« Condamne les héritiers Boniol au quart des dé
pens; réserve un autre quart des dépens jusqu’après
la reddition de compte; et condamne les sieur et dame
Sersiron, en l’autre m oitié, ainsi qu’au coût, expédition
et signification du présent jugement».
T e l est le jugement que les sieur et dame Sersiron
n’ont pas craint d’attaquer comme injuste ; et persé
vérant dans leur esprit de ch ica n e, ils ont renouvelé
en la Cour la demande en compulsoire du testament
de 17^4, qu'ils avaient formée en désespoir de cause ;
comme s i, après 44 ans de délai, après la mort du
notaire, et peut-être de son successeur, le soin qu’on
avait eu de ses minutes pouvait être de quelque in
fluence dans cette cause, lorsque ce testament avait
été connu et discuté par ceux-la mêm e qui feignent
aujourd’hui de le méconnaître.
Non contens d'avoir m a n i f e s t é leur mauvaise foi
dans une série de conclusions toujours variables et con
tradictoires, les sieur el dame Sersiron ont cru devoir
�( i9 )
la rendre publique par la voie de l ’impression. Ils obli
gent donc leurs neveux à révéler par la même voie
des faits qu’ils eussent préféré ensevelir dans le secret
d’une plaidoirie. Mais puisque le gant en est jeté, les
héritiers Boniol ont dû se tenir en défense, et exposer
à la Cour tous les faits qui ont précédé le procès actuel,
pour ne lui laisser ignoreraucune des demandes et des
prétentions toujours croissantes de leurs adversaires :
car leur nombre et leur changement rapide n’est pas
du tout inutile à la conviction de leur mauvaise foi.
Suivant les sieuç et dame Sersiron dans leur mémoire,
rien ne prouve l'existence d’un partage, et ils s’opposent
absolument à ce que la preuve testimoniale en soit
ordonnée, d’ou ils concluent que leur action est fondée
malgré leur mise en possession séparée de trois do
maines, depuis 178 4, et l’abandon absolu du procès.
Après cela, et croyant avoir assez prouvé lè besoin
d’un nouveau partage, les sieur et dame Sersiron exa
minent quelles doivent en être les bases; ils attestent
que le notaire n’a pas trouvé la minuté du testament,
ni du dépôt, d ’où ils concluent qu’il faut tout par
tager par égalité. A l’égard de la succession de la
dame M agnol, dont le testament n ’e s t pas p e rd u ,
ils font une autre découverte : elle avait institué son
frère en 1747 >
en concluent qu’elle n'a pu
léguer un quart a son neveu.
'
Voilà en quoi consistent les moyens auxquels les
héritiers Boniol ont à répondre. Ils suivront pour cela
l ’ordre des questions présentées par leurs adversaires.
6
�(
2°
)
MOYENS.
§. I er
L a demande en partage est-elle recevable?
Il ne s’est pas écoulé 3 o ans, disent les sieur et dame
Sersiron 3 depuis le décès du sieur Annet Boniol, jus
qu'à la demande de 1777 et * 7 ^ 3 ; donc ^ y a lieu à
partage, parce que celle action dure 3 o ans.
Rien n’est plus incontestable que ce principe de
droit; chaque c o - h é r itie r a 3o ans pour demander
un partage,' c’est-à-dire, pour forcer ses co-hériliers
à lui abandonner sa portion des biens communs; et il
n ’est pas moins incontestable que de 1767 à 17 77 ou
178 3 , il n’y a pas 3 o ans.
Mais qu’ est-ce que cela p ro u ve , sinon qu’en 17 77
et 1783 la demande était recevable? S’ensuit-il néces
sairement qu'elle le soit encore aujourd’hui?
O u i, si les choses étaient en 18 11 au mêm e état
qu’en 1777. N o n , si le défendeur en partage a donné
ce qu'on lui demandait.
L a loi donne aussi 3 o ans à un associé pour ré
clamer sa portion de la société ; mais si, après l’avoir
dem andée, on prouve qu’il a été mis en possession de
sa part, si vingt-quatre ans de silence ont succédé à
cette mise en possession, cet associé sera-t-il admis à
recommencer contre la seconde génération le procès
�( 2 1 .)
qu’il a terminé avec la première? Il est impossible cle
le penser.
■ Quel- est le but d'une demande en partage , si ce
n ’est d’oblenir la mise en possession d’ un lot ou le dé
sistement d'une portion de la succession? Or, supposons
qu'un demandeur en désistement, qui était privé d e là
chose demandée, lorsqu’il a agi en justice pour obliger
son adversaire à;la lui livrer, se trouve ensuite nanti
.de ce qui était l’objet de,sa.réclamation ; pourra-t-il,
.après un long délai, reprendre un procès qu’il n’avait
intenté que pour obtenir, et qu'il a abandonné après
avoir obtenu?
•
i . ' •
'
- ,Cette prétention serait repoussée sans d o u te , parce
q u’elle serait de mauvaise: f o i , et parce que l ’action
serait éteinte par le paiement ou la délivrance de la
chose demandée. •
.\
\
•
Toutes les obligations/produisent une action.-Mais
avant de dire qu'elles sont éteintes p a rla prescription,
la lo L d it qu’elles’s'éteignent par le paiement.
~ L e co-héritier eh 'possession de toute la succession
commune contracte sans difficulté l’obligalion de rendre
la portion des autres. Sa gestion opère un quasi-con
t r a t , q u i, d'après la lo i„ a les mêmes effets qu'un en
gagement
qu il aurait signé ; mais si on l’attaque pour
se désister, et si, après avoir disputé quelque te m s ,
il se désiste, il est évident, que son obligation ne sub
siste plus; elle est éteinte par la remise ou paiement de
la chose demandée.
i
�( 22 )
Ainsi, bien loin que les exploits de 17 7 7 et de 1783
servent aux sieur et dame Sersiron, comme une dili
gence.interruptive de prescription, ils ne sont là que
.pour attester leur mauvaise foi , sans aucune autre
utilité pour eux.
■ Car, par cela seul qu’ils poursuivaient avec vigueur
en 1783 , par cela seul qu’ils montraient, par des con
clusions réitérées, leur empressement à finir ce procès^
ils ont prouvé par leur silence , survenu brusquement
et non interrom pu, depuis 1 7 8 4 , que le procès était
fini, et par conséquent que la demande a cessé d’exister.
M a is , disent-ils, j ’ai pu l ’interrompre sans l’aban
donner; à la vérité', ma demande n ra valu trois do
maines et 6000 fr. N ’importe, je suis le maître de don
ner à ce désistement une autre cause; et je dis que les
domaines ne sont qu’ une provision; en sorte qu’il faut
achever le partage, que cette-jouissance provisoire n ’a
fait que suspendre.
" S
'
L e sieur Boniol, il faut en convenir,, était un héritier
d ’une générosité bien rare. On lui demande, par une
requête du 26 août 178 3, une provision de trois mille
fra n cs seulement ; et après avoir mêm e disputé ces
3 ooo fr. en offrant le partage, il donne volontairement
trois dom aines, c ’est-à-dire plus de 40,000 fr. qu'on ne
lui demande pas. Cela serait admirable; mais l’habitude
du palais n ’accoutume pas à' voir les défendeurs offrir
douze fois ce qu'on leur a demandé.
11 faut cependant attacher une idée quelconque à
�c
2
3
}
cet abandon de trois demaines et à ce paiement d’ un
grand nombre de sommes, après la cessation absolue
du procès. O r, quelle autre idée y ajouter, si ce n’est
que le procès a été terminé , que l’obligation a été
éteinte par le paiement. Voilà une demande tendante
à obtenir des immeubles et de l’argent. L e défendeur
y adhère, et donne des immeubles et de l'argent; il
n 'y a donc plus d’action, et la meilleure preuve que le
demandeur se désiste de sa dem ande, c'est qu’il aban
donne pendant vingt-quatre ans un procès qu'il pour
suivait avec chaleur , c ’est qu’il remet l’original du
seul exploit qui lui fût utile, celui de 1 7 7 7 , qui con
tenait le règlement des conclusions, et l e - s e u l, par
conséquent , qu'il ait été nécessaire de porter à Riom
chez M .e L a p e y re , avec les deux testamens et l’in
ventaire. Cet exploit n ’a pas été perdu , comme on
voudrait le faire croire; il a dû être remis par les Ser
siron, comme la veuve Peyronel remit l’expédition du
testament de 1 7 5 4 , délivrée à elle, par cela seul qu’après
avoir traité elle1n’en avait plus besoin.
~ Que les sieur et dame Sersiron ne s'ingénient donc
plus à chercher des possibilités , et à dire qu’on a peutêtre retenu cet exploit dans les fréquentes com muni
cations de pièces, et qu’ils prennent garde au contraire
r
à ce que Ici Cour ne pense pas d’elle-m êm e, que par
un hasard dont ils ont p rofité, lorsque chacun reprit
ses papiers après le procès fin i, le sieur Boniol crut
etnporter-son double du traité , e t se trouva n’avoir
pris qu’ un exploit inutile. Ce n ’est encore là qu’une
�( 24 )
Vraisemblance ( i ) ; mais dé tous les soupçons que tai
sent les héritiers B ô n io l, celui-là leur serait le moins
pénible , parce que la perte de ce traité ne serait née
que du hasard.
< Quoi qu’il en soit de toutes ces conjectures, elles
n’ôtent rien ni n'ajoutent rien à la principale vérité
de cette cause, et au point capital duquel il ne faut
point s’écarter , c ’est q u ’il y a eu un procès pour ob
tenir un lot de succession, et que ce procès a été fini
aussitôt que le demandeur a obtenu’ ce lot. -j
Il y a donc;eu désistement de fait et’ de droit de la.
demande, puisqu’elle était âcquiescée, et l ’acquiescer
ment suivi d’exécution. Et qu’on ne dise pas qu’il faut
un jugem ent pour terminer un procès : la loi n’est pas
aussi exigeante ; elle se contente d’ un simple acte
d’avoué à a vo u é, même pour së désister de la demande
sans rien obtenir; cependant‘on sait combien un acte
pareil est sujet à s’égarer. L a loi ne parle pas de désiste-,
me nt ', pour le cas où le défendeur a adhéré à la demande ::
car le législateur ne voulant pas prescrire des.•.formes*
inutiles, n'a pas cru devoir s’occuper d’une espèce sem
blable , parce qu’elle se réduisait à un point de fait
^
I
:
.
- I
• ' *
( i ) Si cette vraisemblance où ces soupçons choquent la dame
Sersiron, q u ’elle explique comment elle se trouve nantie de
l'expédition du testament rdu s.r M n g n o l, du 10 décembre i y 35 ,
poiiqnt legs du quart à s a , f ç m m e lo r s q u ’à aucun titre , et dans
aucune circonstance la dame S e r s h o n n a dû avoir les papiers
de la dame M o g u o l, si le procès n était pas fini.
' qui
�( *5 )
qui rentrait dans.le domaine du juge, et dans Içs pré
somptions que la: loi lui abandonne absolument.
Nous voici arrivés a l’arlicle le plus incommode pour
les sieur,et; dame; Sersiroii. «Oppressés ¡sous le poids de
tant de circonstançes;;accumulées sachant bien que
c’est-là de Vévidence pour «tout ;lej m o n d e , mais que le
magistuatneipeut donner, à ce [qui n’esUpas écrit, que
le nom dejpïésprhpjions^ilpjspiix fort prononcés pour
em pêcher, autant qu’ils le pourront, l’examen de ces
ci ipo ns ta nces>) A u§si s]en tç>urç n t-ils,de tous 1es articles de
la loi qui pourraient donner à la Cour la tentation de
ne. pas trop réfléchir sur la réunion des présomptions,
qui, suivant;eux, n e rdoiyjent pas,dispenser d’ un écrit
formel; n Ii\,p
'V. ^ i r A'i
c I - r ; <\
îLa Cour, disent-ils , <n’a pas leîdrôit de se servir^ de
présomptions eh cette matière : car la loi ne les aban
d o n n e à ’sa ipriidencè qué dans'les;cas ou elle admet
les preuves testimoniales (Code civil, i 353 ). O r, con-ù n u eh t-ils} illn’ÿ a’pasliëu'à preuve* testimoniale dans
tout ce qui excède i 5 o francs : la loi a voulu en ce
.cas qu’il fût passé. u!n écrit ( 1 3 4 1 ) .
•
Voilà donc le palladium derrière lequel les sieur et
darnesSersirônYse ^ont retranchés, • le vïnciilum ju r is
'présentent à lia Cou^ ipour, qu'elle, se refuse à
l ’éviderjce par respect pour la loi.
•
;jMais|CQ9Cplosse 3) des pieds d’argile ; il est appuyé
q u ’i l s
sur une base qui n'est qu# s p é c ie u s e , i et-'que* la loi
•ëlle-mêmè'va détruireo u- ïiiinorr.i«-* >{ ,
' . 'Ii’ait. r
*.du Code(¡défend d’admettre la preuve
7
�(*6 )
des conventions excédant i 5o francs : mais Part. i 347
dit aussi que cette règle reçoit exception lorsqu’il y a
commencement de preuve par écrit.
E t qu’ést-cë qu’un commencement de> preuve par
écrit
? Lia
loi le définit elle-même.'*
ft
; ■
r
•
«■On appelle- ainsi tout ¡acte pàr ^crit>,i *émahé'de
c< celui contre iequel la demande est fo r m é e , ou de
« celui qu5il( représente > et qui rei^d vraisemblable lé
« fait'àirégüè. « '
. < . ; ç'i;. • >\,ç n t
INTy: a -t-il donc -pas’ commencement de preuve par
écrit, 'd’un partage,
* *«i’ ^ ’
.. ‘ ?? i
!
i.0
Dans l ’aveu du siëur Sersiron, qu’il a reçu trois
domaines e n ’ abandonnaht sa demande en 1784.;
■
2.° Dans les quittances réitérées , qu’il a données
11 compte de lai-légitime de sa-femme , lorsqu’à uparavant il les donnait sur le revenu .provisoire d e ‘5o o fr .;
*3 .0v Dans la quittaiice oii ilpaule du traité de. M.® L a "peÿré;
1 ** • >*
”
> •
=
■
■
v
i :. \ ■
4.° Dans feon interrogatoire, où il dit' que M .e L a
peyre-n'a jamais été’ chargé de cette affaire ? et où
il dit ensuite qu’il en à -été chargé pou r-faire un
traité.
• P " '*• ;
•»-
ci on 1;
•
Cliàcli il' dé ces *f a i t s 1émanés de celui iontre qui le
' f a it est àrlicuié, -nAèSt^il'pas seul suffi&antpour rendre
vraisemblable le fait*alléglté ’qu'il y'a'<eu un partage
après la deinande feii partage, et que^c^est'pour cela
Qu’e l l e ' p l u s été suivies’p * ^ fl * î;
«>n •.<.
L a preuve testimoniale est doncradmis‘s ibley‘et;mâiniènant Îoüiè-Pdbj^ctiOri loitabe-pc&ifî sijlai preuve est
�o; 27 j
admissible■,les-préjonïptijons restent abandonnées
h
la
prudence de là Cour ,<id’après l’art. 1 353 . ; r
O r, qui pourrait nier qu’il n’y ait ¡ci un tel concours
de présomptions que" la vérité peçce de. toutes parts?
Et véritablement ce serait douter de la justice que de
ne pas leur donner le caractère d ’une preuve matérielle.
Sôus F ordonnance de M o u l i n s q u i avait la mêm e
disposition que l’art. 1341 du C o d e, mais qui ne donf.
riait pas. la latitude de Tartv 1:347 , l e s auteurs sentaient;
la nécessité de. s'écarter de la; rigueur de cette loi,'dans
les. cas d'évidence où:il serait plus nuisible qu’utile de
l ’appliquer sans, discernement.
:.
Omrùif'. aLid probando genere ( dit ;Bjoic’eau ) fratldes
detegù dehere eocisUtno y ne lew ista 'quœ crimèn intendit
everbere,, 'permittere vidùatur j et itaeos su/rimo ju r e et
stricto. ejus obsèrvaiïotie major injuria, nascatun
- -.Aussi la j u ris p ru de nç a s’accor d a - t- elle uniformément
u.regarder lés préàomptions comme'des preuves, lors-!
qu'elles étaient assez fortes pour en tenir, lieu.
L a présomption de »droit, dit Dahiiy, chap. 7 , est
« u n e conjecture clans un,é affaire douteuse, qui résulte
dr des argument :dt des indices qu’on 'liré de certaines
«• icirconstanées.du faitiqui'^accompagnent pour l’ordi-*
cc naire
Naseeksc 'ex\ eb quod plerumque iia s oiea t ac
te ciderc, et ram contrà ».
, ’O r v on le.demande aux.sieur et dame Sersiron, n ’estil pas d’usage le plus fréquent qu’un défendeur ne dé
livre ce •q,u'6n lut a'demandé, que lorsqu’il e s td ’acôrd,
et que le réclamant consent â se désister de sa demande?
8
�(
2
8
X
......................................................................................
Voilà bien qaod plerumque accidit. Qu’ils disent encore'
s’ils ont vu souvent donnér trois domaines en provi-'
sion , et 6000 fr. d’argent , lorsque’ le demandeur se
contentait de 3 ooo fr. ; il faudra bien qu’ils reconnais
sent qu’un défendeur ne donne ce prodigieux excédant
c]ue p'our être quitte entièrement ; et làrdessusr il ne:
faut pas seulement dire raro contra, car on les défie
de citer un seul exem ple où. un défendeur ait donné
tout cela pour qu’onr continuât dé plaider1contre lui.*
« 'jJj'sl loi, continue D an ty , ’regarde les présomptions
« comme des té m o in s lo rs q u e la preuve'par témoins"
« ou celle par écrit viennent à manquer
>
• On peut suivre encore toutes les conditions que cet
auteur exige pour la concordance ‘des présomptions,
et leiir liaison entr’elles p t o u t cela est.^répété dans
l'art. 1 353 du C od e, et plus on réfléchira sur la liaison
des faits eritr’eux>depuis 1784,' jusqu’à la itiortM 'Antoine Boniol,; plus on sera pénétré de ^leur »parfaite
concordancè. ; ;oî :: : nrt : '¡'.-a!)
!i,oi
j Un autre fait étranger a u x ’ Sersiron s’y:<lie pour
achever de dissiper tous les* doutes. C ’est’dans le même
tems et poiir les^mêmes intérêts que lia veuve1Peyronet
traita. Elle avait même pluspa? demander : car elle
n ’avait reçu aucuns revenus depuis la 'mort, de son
p è re , jusqu’à 1784, tandis que la femme Sersiron avait
reçu 5 oo francs par an. L a veuve Peyronet r e ç o it ,
non par provision, mais par tous ses droits paternels,
maternels, et ceux de la tante, en capital et intérêts^
45,000 fr. L a dame Sersiron a reçu trois domaines
�( 29 )
qui valent plus de 40,000 francs, et 6,000 francs en
argent (n o n compris les 4 3 6 ) , et elle ose d ire , elle ^
ose faire plaider sans honte, qu’elle n’a reçu tout cela
que provisoirement, et sans entendre renoncer à son
action en partagé. L ’esprit se soulève d’indignation à
cette persévérance de mauvaise foi.
L e signe le plus infaillible que puissent en donner
les sieur et dame Sersiron, c’est l’effort qu’ils font pour
éviter tous les' éclàircissemens que la Cour voudrait
prendre.
■
'
\,
N ’ordonnez pas de preuve testimoniale, disent-ils,
la loi le défend.
N e jugez pas la cause par les présomptions, ajou
tent-ils, la loi le défend encore.
N ’ajoutez aucune foi à l’énonciation d’ un traité qui
se trouve dans la quittance de 1788 : car la loi ne
l ’admettrait, que si les termes du traité y étaient écrits:
non créditer referenti nisi constet de reiato.
Il n’ÿ avait plus qu’ un mot à ajouter, et ils lelaissent
entendre : n’ajoutez foi qu’à ce que nous disons, c ’est
le seul m oyen de nous rassurer; car si nous ne sommes
pas nos propres juges, toute recherche de la vérité
nous épouvanté.
11 est vraisemblable que la Cour ne. se laissera pas
toucher par des terreurs aussi intéressées. L e plus beau
ministère du juge est de démasquer la mauvaise fo i,
et de proscrire les procès qui lui doivent le jour; voilà
pourquoi la loi abandonne les présomptions à sa con
science et à son discernement.
.
�(
30)
Ici il n’y a pas seulement une présomption non éta
blie par la loi, comme celle indiquée en l ’art. i 353 du
Code , il y a présomption légale, J u r is et de ju re.
L'art. 888, conforme à l’opinion de M ornac, réputé
partage” tout acte qui a eu pour objet de fa ir e cesser,
C indivision entre co-héritiers.
.
Si de-là nous venons au Code , de J id e instrum ent
nous y lirons qu’un partage est un fait qui peut être
constaté sans écritures. Itzstrum entis etiam non interve*
n ien tib u s , semeL divisio recte fa c ta non habetur irrita .
( L . 9 .)
Il en est de m ê m e , à plus forte raison, si Pacte à
été dressé, et ne se trouve plus. A m is sis etiam ( instrumentis ) quœ intercesserant, non tolli substantiam
çeritatis'placuit. ( L. 10. ) I
- On ne manquera pas de répondre à ces textes que la
loi française ne les admet pas, puisqu’elle veut un écriit
pour les conventions excédant i 5 o fr.
Sans doute unei conventions à fu tu r a besoin d’être
écrite pour faire fo i, mais une convention exécutée en
a-t-elle eu besoin? Ce serait méconnaître la loi que
d’exagérer
ainsi.
O
v
Si j ’assigne quelqu’un pour me délaisser son c h am p ,
'que je dirai avoir a c h e té , je serai éconduit sans diffi
culté , parce que je devais prévoir qu’on pourrait re4 user la tradition. Mais si déjà j ’ai la maison, et que
l ’acquéreur ait reçu mon a r g e n t* et ne le désavoue
pas, alors le contrat do ut des est parfait ^ et la néces
sité d ’un acte s’évanouit.
�(
3
1
)
Mais si la Cour jugeait dans sa sagesse qu'il n’y a
pas ici de présomption légale> il y a au moins un con
cours de présomptions ordinaires, capable de prouver
l ’existence d un partage ; leur liaison et leur gravité
sont entraînantes.
.
, Un partage est demandé; on le refuse d ’abord jus
qu’à la majorité du fils; il y a reprise alors, et après
un court procès., il y a délaissement au x deux sœurs
d ’un lot égal.
Toutes deux accepten t, et le procès,s’arrête ; toutes
-deux sont en possession pendant vingt - quatre ans,,
sans rien demander au-delà ; l'une des sœurs avoue
le partage , l’autre le nie ; et précisément celle qui le
nie a vendu une portion de son lot.
Plusieurs sommes sont payées; les imputations chan
gent; on y relate un iraité ^ on y dit le nom du ré
dacteur de ce traité. Quand toutes les sommes sont
payées, l e sieur Sersiron écrit pour emprunter de L'ar
gent au sieur Boniol.
•,
L e sieur Boniol meurt sans qu’on songe à reprendre
un procès éteint j on va chez ses enfans, on vit f a - ♦
rnili.èrement avec e u x , on ne leur parle d ’aucun pro
cès à avoir,;, mais on s'instruit peu à peu de l ’état de
leurs..affaires ; on s'assure de leur ignorance absolue
du passé; alors on leur intente un procès; et combien
d ’asluce et de variation on met dans sa poursuite!
On dit d’abord qu’on n’a reçu qu’un domaine, jus- qu ’à c e 'q u e 'les mineurs^sachent^queJeur père en a
• ’ donné trois. On n ’avoue pas les sommes iç ç u e s , jus-
�(3 0
qu’à ce qu’ils aient retrouvé leurs quiltances. Quand
on est interrogé , on dit sur le même fait le blanc
et le noir. On bat encore la campagne sur le testament
de 1 7 5 4 ; et après l ’avoir discuté dans ses term es, on
en nie l ’existence; 011 ose encore-imprimer contre
une mère le soupçon d ’avoir fabriqué ce testament.
Ce n’est donc pas assez que les circonstances prouvent
le fait d’ un partage. L a mauvaise foi des adversaires
vient fortifier cette preuve : car si la Cour se décidait
à condamner des mineurs qui viennent franchement
exposer leur situation, ce ne serait qu’avec la convic
tion de la sincérité des demandeurs. Mais quelle con
fiance méritent ceux qui mentent ainsi sur plusieurs
articles. N e faut-il pas croire qu'ils mentent également
sur le point capital : semel m en d a x, semper m en d a x/
ce proverbe est rarement sans exactitude.
Cependant les sieur et dame Sersiron veulent se
donner un simulacre de sincérité. Si la quittance de
17 8 8 , disent-ils, parle du traité de M.* Lapeyre c’est
tom m e d’ un acte à f a ir e } et dans l ’incertitude s3il le
sera,
L a plus simple lecture d e ,c e tte pièce donne un
nouveau démenti à cette version : ( les'arrangemens
p r i s entre nous.......et dans le- ca s, y est-U d u , que
ladite
somme
de 436 fr. soit portée
d a n s le
tra ité
de M .e Lapeyre, sans quittance, la présente ne vaudra
que pout 7 6 4 fr a n c s ). Ces termes prouvent bien qu’on
parlait d’un traité déjà existant; car si alors il n ’eût pas
été
fait, comme on le dit dans l’interrogatoire; on avait
eu
�('3 3 ),
eu simplement le :p ro je t de jçharger :MV\ L a p e y r e d e -,
rédiger un traité; et si, par le fa it, on ne rav.ai^jjraii^is^
chargé de cette a f f a i r e , ril était inutile7 de! prévoir ce
qui serait ou neuserait pas dans<un aptp:¡noiljexistapt ;
il suffisait du siojple re^ù de i^^ppjfpy stfnsimpiitatipn ,
sauf à le rappeler,dañóle projetnd’jaçtei lorsqu’il s’agirait
de le signer. . . • •.•Ynu;',; oor^/ inoj ; [
M .e ;Lapeyre .est mort*? et les adversaires, ne crai
gnant . plus ses ^révélations Qse,fyt jinvoquer; le. té.moi>
i
gnàge de M;.ej Beaulaton ,- p/ir.ç^ ?que çla jquiUance i ne’
parlé ipáSe.dfc lux-i oi*ps'i<:í, oiíivíIücd n L /m'; ;-í: .tjsÍ oh
¿ 7 Mais; .qu’ils, prennent;’ garde. ! G e : respectable ; juris
consulte a su [aussi ceqili^s’estjpassç 5 ej|: quoique .Jetéms éfface, en général,ler;Sp,U;Veflir;.^
rentes , çm nei dput^ ,pas; qu’il
jsejjrappglle» très-bien
qu’il y a eu un traité. Lui-piême vint à Tracros^en 17 8 4 ,
¿ivec le sieur .Çhassaingj .çuré de-ServagnaL; Qeli^i-ci se
ï e t irá,}parce:q;uç;lp &fo§çr$iron, rp&rçti$ij: ,a^ejd^fenrce
•injiqrièiise icQntre îqu$ (j^ux^quii dÍRÍ$SLti$n;írijo^ pour
Tabréviation des dií&eulíé&w¿nais ;lev^ipiriç,' $ieur ç,uré
.' '
.
.
' 'c: ' '
de Servagnat,
vint
féliciter
O
* ensuite
—
\ la famille
' ' » ■' * sur ' Taccommodement dopt il,fu,t instruit.Xes dames P^yronet
et Sersiron se plaignaient(de,la/modicité ^e.lpujs lois;
et le sieur Peyronet, notaire à^Herment^leur répondit
qu’elles n’en auraient pas;eu autant en justice, et quo
.tout le bien n e rapportant pas 3,000 fr. de rente, on
leur avait beaucoup,trop donné.
...
. ,
v
Voilà ce que des renseignemens précis ont appris
aux héritiers Boniol; ils les prouveront si la Cour croit
5
�G 3 4 -))
cet fe^reurv^ nécessaire : ’et rie a ne p eu t em pêcher de
n j . l i n î f.-t'i; r t *, , > • i. j r 1:-Â ^ •*;
Jüéqti’ ifci tes héritiers»-Bbniolf n’ont pas même parlé
dii:;poiiit dé idftjit combattu ppr les adversaires, qui
prétëridènT 'qué leUr ^osseSsiori séparée de trois domaines
déplii> i ^8:4!]2riè! f^oiivte’ pais uiilpariageJ ,
Sans doute, la jouissance séparée pendant 10 ans n é
p rd u v ë ff>as dépLeiti d ro it iin* partage : cela est vrai.
- i {M àïâ Gèlë ne peut s’entendre ‘que de ceux - qui ont
jro üi 's’é|b'àréWërii? sütis ^pTbcèstét cdiiïme pari sufccessiort
de leur auteur. A u contraire, lorsque l ’un dès héritiers
é ta it d ’abord'én possession de; tout ^et qu’ ensuite après
tind^ dèm'aiïd&il àbândonrfe-à^on c o ^ h é iilie r un rlot
é g a l a i ;bë qü$ lui9éèrait-révénü^ !ilJÿ à rpréscmiptionide
partagé1/ ét lü jiï^tifee 3iè dôit' plus ordonner fce qué les
pattiés^elléé-rilênles !ô ïif ïé g ïé i l!V^
1 i: ’ r >n ' i; ;
«• Partage-pdiï 7Rou'sÎeâU“ Lacom be 3 doit êtref fait ÿ
ir- bien-rqii-oŸi ¿vt>*jélii; ¿épdré'meirt ^efa'dàtït fort iorigir1iéjufei' Sfeûfemèftff^éëir'énlongüô jduîssarice induit ;pârXiQèi^ f t i d ê è * é \ i ü k r ' é s > < p à r e x e m p l e , s ï
n’ c h a c u n 'a 'pà’s séd é séparém ent 'éga le*portion ,
’ou que^
t< n’ÿ ^jfehtfipi3à^gràndë •inégàlité;? : Pun - ait ¡fait la foi >,
« où rériciii^-déteiaratibn^é^km lot.
Partage; .sect.
« l ; ïeV n.'° :4 y èt ¿ect. llt ^ rii0 4 ».
Dèspéissës ét-Boeriufe insistent plus fortement encore
sur lës conséquences de cette jouissance séparée. Lebrun
donne pour exemple le cas où il y ju r a it eu iin »projet
de partage écrit ; après lequel chacun S& serait mis en
pos^ësfcîon. * ^
0
�<
35)
* Ainsiile? principe général :n"a» lieu, q u e , dans les cas
ordinaires d’ une¡po^se^siqn séparée, sans apparence de
partage y e.t5$v.fcCou-iaqri^égalij jê q^i i|iit ¡présumer^au
contraire
& p^s ;^ q ,[
VJOn \u .
• 'I c i; il .est) notoire-que res t^Qi^j dona.aiji^s val^i^nt plus
que ¡la portion spaternelle d e }a dàfine ;Sersir.on,;.§fi 1784;
et on voit que,la quiMange,,âé,i)7$8; ^quiya^Là la m en
tion postérieure ,/üd.i»i^?.paij‘k&ii$luiepj& chaîne:.une
ratificationoécrite .du ! p^iHflge, 0b luod n "inoy % °
L e point 1derdroit discuté pa;r les £iet}rfjet,daüie, Ser
si ron 7 loiriide le u rê tre favo rable, npifait donc qu’ajou*er<a.ux auires[pr.ésomptiops ac.çumu 1é es :; .qui ne lais^
sent raucuii doute 'sur la fin de, j&oh-rèeeYoirj de-leur
demande en noiivea à partage^ rrin -^j r y i W : 3 0 it*-:,- r\
Cii
:• *!>: . i[) r>ï .
i
:b
i
ci l:/j N? .§. ' . L L - i
K 'u V I r '
*;,
•v-c. 7 :
.. iic. , ./:r' -r
r n v'\X2ommentïie fe fa it. Le partagé?. ; ;i
"VI
11c~*
o i .'i ; t -
uir. ?.-M
h. 3- c
- Il est ¡visible que cette (qàestion nîest traitée par les
héritiers B o n io l, que pour ne pas laisseroç.roir;e ;iaux
,rê vèriesodtes ;sieur e t , dam e sSersiron, ’ iqAii' &<pjit.der jtt a u'vaise*formai\tousries'.points, avi*-,« *\uA ? ,»v\; Ç|U
Car^Vdès.queU’èxîstencertrun Cpactage .'est-(prouvée,
jîli efltiin-U'tilè deVsavpir; jcom.ment ah faut en «faire .un
‘auilte.’ALà cloi ne' xlo'nnai’tVqu^VidîXbaris p,our-,revenir:,
s'il y savait.'lésion'*/ icinilTiniyi a: eubaucunej 4 ésjpn:; et
¿tflieu’idd dix ians'v o h ren a laissé Jécoùler ¡Yingt-quatre.
A u reste, et comme les s.r et dame Sersiron veulent
�-
, ( .'3 6 }
apitoyer sur leur' sort * ils disent qu’il! leur revenait
plus qu’on ne leur a donné. Cette chicane a un autre
motif'^lus astucieux!; ils veulent grossir leur amende-r
ment pour éloigner la principale présomption d'ün par
tage ^parcé que si” le 'lo t qu’ils possèdent était’ Beau
coup !m 5 ins considérable que leur amendement réel}
la Cour-rie Croirait-pas qu’ils ont entendu partager définitivenfièàt ;; ët voilà leur espérance.t i -ji- ;
Pour venir à .bout de cette* démonstration, ’ils atta
quent *lés deux îéStamens de 175 4 et de! 1768;:
Quant auMéstament ide 1768 , ib.est.’d’un' même
itttéirêt pour Jâ^ntestationi; car »outre que les biens de
lâ’ tantene consistaient q u a u :quart de ceux de son marr,
la dameSersiron n’y amenderait d'après elle-même que
le tiers des sept huitièmes de ce quart : ainsi il suffit de
s’occuper de l’objet m ajeur/.qui est le testament du
père, fait en 1764.
Y
Après avôir nié ;sans pudeur l ’existence d’un partage
exécuté 24 ans, les sieur et dame Sersiron nient l'exis
tence d’uh'U‘e stament!?q u ^ otit connu et* .approuvé
pè&datit 4'oians;i
on
^
c
l.
Y* 'i ^ oi '• ,.t
-1 'Onodit^qu’ilspl’ont conriu- et,approuvé ; et en effet y
on lit, clans leur propre coritratcde m a ria g e., que la
,dame B on io l, m è r e , y énonce Le testam entilolographe
-d^Aiinet B o n io l\ d u 2.i:m ars 1 7 6 4 9,déposé a u x m in u tes
A ley ra ti n o ta ire cu G ia ty su iv a n t llàcte d u
3roj ù ï n . 17.64 ;
'donc' les^siôur et^dame*» Sersirlôni savaient en: 177 2 <Jue
•ce'testam'ênt existait et on ne leur^en cachait pas le
-lieu de dépôt.-^ tinn-b io *.? i-'A
�( 3? )
A la v é r ité , commetils le disent i r e s - b i e n , on ne
leur montra pas la minute de ce testament, parce que
sans doute l'usage n’était pas alors de montrer les mi
nutes, plutôt que les expéditions aux demoiselles qui
se mariaient : mais ce qui était d’ usage alors, c’est qu'il
fallait attaquer dans les 10 ans les approbations qu’on
avait données. Or, 40 ans(se sont passés sans attaquer
ce testament ainsi approuvé.
;
1,
L e notaire Alleyrat était vivant en 1 7 7 2 ; ils pou
vaient demander à voir sa minute ; ils le pouvaient
-encore en 1777? lorsqu’ils formèrent leur d em an d e,
lorsqu’ils élevèrent des doutes sur la ¡validité des leo-s.
et que M. Chabrol fut consulté sur Le vu du testament,
le 6 mars 1777.
'
-,
. Il y a 25 ou 3 o ans que le notaire Alleyrat est mort,
après avoir délivré une première expédition à la dame
B o n io l, une seconde à la dame P e y r o n e t , et • sans
•doute line troisième à la dame Sersiron qui n’en con
viendra pas, parce qu’elle nie tout,* mais qui ne fera
croire à personne qu’elle seule n’ait pas voulu en avoir
u n e, lorsque précisément elle seule a élevé des con.r
testations sur ce testament.
!
Nous avons déjà dit, que d’abord la dame Sersiion
avait conclu à ce que le teslament de 1754 ne valût
que pour le quart du mobilier , parce que cela résultait
.des ternies ds cc testament.
Après cet aveu formel de la par finie connaissance
d’ un acte déjà médité pour son intérêt , la dame Sersii’on revient sur ses pets au mois d ’août 18 10 , pour dire
�( 38 )
à ses neveux : «M ontrez moi ce testament : je soutiens
« qu'il n’existe pas ».
' Cependant il existe deux expéditions fort anciennes
de ce -testament ;le*iotaire qui les a délivrées est mort
il y a plus de 2 5 ans, et il est visible ^qu’elles sont an
térieures à 1777.
; .
C ’est un testament olographe, d i t - o n ; il ne vaut
que quand il est signé, et comment vo u le z-v o u s que
-la signature soit reconnue par nous, si nous neila voyons
pas.
Où est donc le besoin de «ce tte reconnaissance d'écri,ture pour un testament<dôntrl'auteur est mort il y a
f45 ans? ‘ '
' Ji
••’ ’ .
11 ne s’agit pas ici de l’adtigé non creditur referen ti 7
ni m êm e’ de celui In antiquis enunciatura probant.
;Car l’expédition originale existe; elle est prise sur l'acte
[m êm e; en conséquene elle fait pleine foi en justice.
I/a rl. i3 3 4 du Code civil porte : <r Les copies, lors« que le titre original subsiste , ne font foi que de ce
« qui est contenu au titre, dont-la représentation peut
* toujours être demandée
~
^ Lorsque le titre original n existe p lu s , les copies
a* font foi d’après les distinctions suivantes:
« i.° Les grosses ou premières expéditions fo n t la
« même f o i que Coriginal, etc. »
Ainsi la loi a prévu la perte des titres ; elle n’a pas
exigé qu'on prouverait com me nt il s'est perdu, ainsi
que le disent les adversaires ; lorsqu’il en existe des
expéditions originales , il suffit de les représenter.
�( 39 )
Outre celte preuve Légale, les héritiers Boniol rap
portent , i.° l’extrait du répertoire du notaire chargé
de ce testament; 2.0 le certificat du contrôleur qui en
a enregistré la minute; 3.° les quittances des legs par
ticuliers qui y sont contenus.
S’il faut, de la part d e la dame Sersiron, une recon
naissance de l’écriture de son père , elle la trouvera
dans son contrat de mariage et dans les actes de pro
cédure où elle a commenté et chicané tout à son aise
sur les expressions de ce testament.
L a dame Sersiron devait réfléchir à tout cela avant
d’insulter aux mânes de sa m è r e , jusqu’à l’accuser
d’avoir fabriqué un testament, et avant d’attaquer la
probité d’un notaire qu’elle flétrit aussi d ’un soupçon
de complicité. Mais plus une cause est déplorable ,
plus l ’intérêt suggère des moyens honteux aux plai
deurs qui, per f a s et n e fa s , voudraient réussir.
M ,e D E L A P C H I E R
ancien avocat.
M . e D E V È Z E , avoué- Licenc ié.
J
■
♦
A R I O M , de l’imprimerie du Palais, chez J.-C . S A L L E S .
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boniol, Jacquette-Gilberte. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Devèze
Subject
The topic of the resource
successions
partage
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse pour Dame Jacquette-Gilberte Boniol et le sieur Jean Bourdillon-Dugravier, son mari ; dame Marguerite Boniol et le sieur Charles Arragonès de Laval, son mari ; et demoiselle Marie Boniol, tous propriétaires, habitans de la ville de Clermont-Ferrand, intimés. Contre Dame Marie Boniol et le sieur Gilbert Sersiron, son mari, propriétaires habitans du lieu de Roure, paroisse de Saint-Pierre-le-Chastel, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1754-Circa 1810
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0421
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Saint-Pierre-le-Chastel (63385)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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partage
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53806/BCU_Factums_M0422.pdf
0eefc26dac33679d328f75c977b78c46
PDF Text
Text
M É M O I R E
E T
CONSULTATION.
��M É M O I R E
A CONSULTER,
ET C O N S U L T A T I O N
POUR
J
a c q u e s
S A U L N I E R , propriétaire, habitant de
la commune d’A g o n g e s , membre du conseil de
l ’arrondissement de M oulins, et président du canton
de Souvigny
CONTRE
Un E crit signé J A Q U O T , traiteur à P a r is , rue de
la H arpe, se disant créancier du sieur
U
n
C o u d ert.
libelle diffamatoire est jeté avec profusion dans le p u b lic,
au mépris de toutes les lois de police.
Un sieur Jaquot l'a signé comme mon accusateur, et je n’ai
jamais eu de relations avec cet homme. Un autre individu col
porte ce libelle; et plus inconnu encore, il laisse savoir à peine
quel est son état et son nom.
1
�( 2 )
Ce sieur Jaquot m ’accuse d’avoir acheté une propriété qui
devait être le gage d’une créance de 25,ooo fr. qu’il dit avoir
contre le sieur Coudert, de qui j ’ai acheté une propriété il y
a onze ans.
Une cédule signée'par moi comme juge de p a ix , devait ,
suivant lui , m ’empêcher d’acquérir ; et cependant , le sieur
Jaquot, qui a connu ma vente judiciairement depuis l ’an n ,
ne s’était pas même douté que je fusse réprehensible, puisqu’il
s’est présenté à moi à cette époque pour saisir et recevoir' la
partie disponible du prix de mon acquisition : et c’est après avoir
reçu annuellement huit jDaiemens de moi, comme acquéreur,
qu’il imagine d’attaquer cette vente, ou plutôt de me diffamer
joour me faire acheter son silence.
Q u ’a i- je donc fait de condamnable, en achetant un objet
mis en vente, et en justifiant de tous mes paiemens ? Je suis
à le chercher moi-même.
Il est rare qu’en suivant le cours de ses affaires, on puisse
éviter toujours de froisser les intérêts d’autrüi; mais les devoirs
de la société n’imposent pas la nécessité de s’oublier perpétuel
lement pour ceux qui n’ont aucun titre à cette abnégation de
soi-même. On est tenu sans doute d ’observer ce que les lois et
la probité exigent, et je suis prêt à soumettre toute ma conduite
à
la censure, pour que mes conseils recherchent avec scrupule
si je me suis écarté de cette double ligne.
J ’étais juge de paix du canton de Saint-Menoux , lorsque le
sieur Coudert habitait la commune d’Agonges; je n’avais d’autre
liaison avec lui que celle d’un voisin de c a m p a g n e , et je ne con
naissais absolument aucune de ses relations.
L e sieur Coudert, né sans fortune, avait été élevé à Paris
pour se destiner au palais. Dans les dernieres années de la ré
volution, il se fit recevoir avoué aux tribunaux de la Seine.
E n 1793, un sieur Faure, son oncle, propriétaire de la terre
de P rm g y, commune d’A g o n g e s, et d’une riche habitation à
Saint-Domingue, lui fit donation eutre-vifs de ces deux objets.
�( 3)
Après ce changement de fortune, le sieur Coudert resla
encore quelque tems à Paris , et vint en l ’an 5 habiter sa terre
de Pringy, avec tout le de'goût que devait y porter un habitant
de la capitale, obligé par les circonstances de vivre isolément
dans une campagne de province.
Cependant, et malgré ce dégoût, personne ne supposait que
le sieur C ou dert, dont on ignorait les affaires, songeât à vendre
une propriété qui semblait sa seule ressource : les revenus de
son habitation de Saint-Domingue ne lui parvenaient pas; et,
quoique dès l’an 8 tous les esprits fussent occupés de nos colo
nies , il ne paraissait pas vraisemblable que le sieur Coudert eût
le projet de quitter le continent, jusqu’à ce que les communi
cations fussent bien rétablies.
A cette époque je cherchais à faire une acquisition, et l ’idée
ne me vint pas même de rien proposer au sieur Coudert. J ’avais
en vue une autre propriété; j ’en suivais la négociation , et me
croyais au moment de terminer, lorsqu’on m’annonça brusque
ment, dans un dîner où se trouvait le sieur Côudert, que mon
affaire était manquée , et qu’un autre était acquéreur.
Je parus sans doute affligé de celte nouvelle, et en effet elle
me fut sensible. L e sieur Coudert, qui en fit la remarque,
m ’attira après le dîner dans un coin de l’apparleraent, pour me
dire :
« Ne vous affectez pas de ce coup m a n q u é, il peut se ré« parer, si vous voulez acheter Pringy; je ne tarderai pas à le
« vendre; j ’ai des deltes qui ne me laissent presque aucun re« venu ; j ’entends fort peu à régir les biens , et j ’aime mieux me
« liquider et avoir un revenu certain, qui me suffira jusqu’à ce
« que j’aie mes biens de Saint-Domingue : le général Leclerc
« j a déjà fait rendre les possessions françaises; ainsi la mienne
« ne peut pas me manquer ».
J ’avoue cjne , charmé de cette proposition, je m’occupai dèslors de la faire réussir; je pris des renseignemens sur la terre
de Pringy : j’en parcourus tous les héritages , et cherchai ,
�( ,4 )
comme font les acquéreurs, à connaître la valeur de ce que
je devais acheter.
La négociation dura assez long - tems. L e sieur Coudert
devait rassembler l’état de ses dettes qu’il voulait déléguer, et
j ’étais intéressé moi-même à avoir sur ce point une rédaction
soignée. Je demandai à communiquer le tout à M . D u rin , pré
sident de la cour criminelle de Moulins. Nous y fîmes plusieurs
voyages. M . Durin lut tout , rédigea l ’acte , et m ’en remit le
p r o j e t , écrit de sa m a i n , pour le donner ail notaire qui devait
recevoir la vente.
Les conventions étaient, que j’achetais la terre de Pringy
moyennant 72,000 fr. L e sieur Coudert déléguait 54,526 fr. à
treize créanciers dénommés en l’acte, dont douze étaient porteurs
de titres hypothécaires; et à l ’égard des 17,474 f r . , le s.r Coudert
convertissait cette somme en une rente viagère de 1,200 francs
pour lu i, dont 600 fr. étaient réversibles sur la tête de Sylvie
Coudert sa sœur.
Tous ces points étaient arrêtés, conclus, et rédigés m êm e;
depuis plusieurs jours, par le notaire, lorsque la veille de la
clôture de l’a c t e , on me
présenta à signer, c o m m e j u g e de
p a ix , une cédule donnée à la requête d’un sieur J a q u o t , traiteur
à Paris, pour citer le sieur Coudert au bureau de conciliation.
On conçoit aisément que je ne suis pas en état de dire,
après onze ans , si celte cédule disait qu’il était dû au sieur
Jaquot 25 ,ooo francs pour fournitures d’alimens et d’assignats
pendant cinq a n s , ni si elle disait que le sieur Coudert avait
fait un billet de ces 25,000 francs, ni enfin si ce billet était
de l’an 5 ou de tout autre époque.
M a mémoire n’est pas assez fidèle pour avoir conservé ces
même pour me dire si j ’ai lu e0 effet toute celte
cédule. Il n’était question, c o m m e je viens de le dire r que
d’ une cédule de conciliation ; et ce serait exiger beaucoup des
juges de paix , que de vouloir qu’ils missent une grande at
tention à une permission de citer, lorsqu’il s’agil sur-tout d’une
détails , ni
�( 5 )
action hors de leur compétence. J ’avais (Tailleurs pris toute
espèce de précautions vis-à-vis le sieur C ou dert, pour n’avoir
rien a démêler avec ses créanciers; j ’avais exigé de lui un état
exact de ses dettes, à produire à M\ D urin, pour les déléguei*
Il donna cet-état, en ajoutant qu’il laissait en arrière quelques
usuriers à qui il avait déjà trop payé, et quelques petites dettes
domestiques, peu considérables, dont il ignorait lui-même le
montant.
A u reste, quand j ’aurais parfaitement vu tout ce que sup
posera le sieur Jaquot, je ne comprends pas encore en quoi
il pouvait être de mon devoir de rompre mon marché pour
attendre l’issue d’une semblable réclamation. L e sieur Coudert
devait savoir mieux que personne, ce qu’il avait à régler
sur ce point. U n traiteur, demandant des pensions fournies
pendant la plus grande dépréciation des assignats, ne devait pas
paraître créancier de sommes bien considérables, quand même
on aurait su qu’il réclamait 25 ,ooo francs. Ainsi je ne supposai
pas le moins du monde, que j ’allais m’exposer à une vengeance
terrible, qui ne devait éclater qu’au bout de dix ans.
Je laissai donc clorre l ’acte du notaire : il fut signé par Dom
Picard et le sieur Mérite, comme témoins. L e notaire me de
manda 4,000 francs pour les droils de fisc ; et je lui comptai
cette somme : puis regardant toutes choses comme terminées,
je ne songeai plus qu’à entrer en possession de ma nouvelle
propriété.
Quelque tems après , le notaire me porta mon contrat de
vente expédié, enregistré, transcrit ; je ne m’occupai donc
plus de cette affaire, si ce n’est pour satisfaire à mes engagemens. J ’ai exécuté toutes mes conditions; quelques créanciers
avaient des sommes plus considérables a reclamer que ce qui
était prévu, j’en ai payé pour 1,340 francs au-delà de ce à quoi
je m’étais obligé.
J ’ignore si le sieur Jaquot est allé au bureau de paix après
sa citation; je sais seulement que je ne l’y ai jamais v u ? ni
�(6 )
personne de sa part. Je n’ai entendu parler de lui qu’en l’an
époque à laquelle il fit une saisie-arrêt, entre mes mains, de ce
que je pouvais devoir à mon vendeur. Cette saisie fut motivée
sur un jugement qu’il disait avoir pris contre le sieur Coudert,
le 18 pluviôse an n ; et cette date semble prouver que depuis
la cédule de l’an 9 , il n’avait fait aucunes diligences, en*sorte
que si j ’eusse suspendu mon acquisition pour attendre ses
poursuites, le délai aurait été un peu long.
J e iis une déclaration judiciaire sur cette saisie-arrêt et sur
quelques a u tres,'je répondis que je devais 1,200 fr. de rente
viagère, en vertu de mon contrat de rente, du 22 frimaire
an 9. L e sieur Jaquot fut appelé à l’audience du 11 fructidor
an 1 1 , et la , discutant ses droits, il demanda que je fusse tenu
de verser entre ses mains les arrérages de la rente viagère
de 1,200 francs, par moi due au sieur Coudert, aux termes
de mon contrat d’acquisition.
L e tribunal de Moulins régla les droits du sieur Jaquot ;
il fut admis à venir à concurrence avec cinq autres créanciers
saisissans, qui étaient un boucher, deux boulangers, un jour
nalier et un officier de santé ( L a qualité de ces saisissans prouve
que le sieur Coudert avait accusé vrai, en n’exceptant, de l’état
de ses créanciers, que quelques dettes domestiques).
11 me semble que c’était alors le moment de se plaindre de
mon acquisition , si le sieur Jaquot avait à m’en blâmer. A u
contraire il est obligé de déclarer qu’il a poursuivi la distribu
tion de la rente par moi due au sieur Coudert, et qu’il s’est
fait adjuger 600 francs par an, à recevoir de mes deniers et
du prix de ma vente.
Voilà donc un règlement positif entre le sieur Jaquot et m o i,
provoqué par lu i, et exécuté de ma part.
Neuf ans se sont passés depuis ce règlement, lorsque tout
d ’un coup j’apprends que le département de l’Aliier est inondé
d’un écrit imprimé, signé de ce même Jaquot qui m ’accuse
aigrement de prévarication et de dol-, sous prétexte que mon
�( 7 )
acquisition lui fait perdre sa créance. Je suis accouru à M oulins,
où on m’a dit que le colporteur de ce libelle , se disant homme
d’affaires et auteur de l ’écrit, était parti pour le déparlement du
P u y - d e - D ô m e . J ’y suis venu encore, et j ’ai vu , soit dans ma
route, soi* à R iom , soit à Clermont, que le libelle était dans
les mains de tout le monde.
Je ne doute pas un instant que cet être officieux ayant fouillé
dans les papiers de J a q u o t, et trouvé la cédule signée de moi
en Pan 9 , aura bâti sur le rapprochement des dates tout l’écha
faudage d’un procès; et au métier qu’il fait de distribuer en
personne ses propres calomnies , pour m 'intim ider par un pro
cès g ra v e, ainsi qu’il a la naïveté de l ' imprimer , je ne doute pas
un instant qu’il ne soit acquéreur ou actionnaire du billet de
25.000 f r . , signé du sieur Coudert.
Pour fortifier la circonstance du rapprochement des dates,
l ’auteur de l’écrit ajoute que la terre de Pringy a été acquise parmoi au plus vil prix , à 72,000 fr. , y compris un mobilier de
16.000 f r ., tandis qu’elle consiste en 6 domaines garnis de bes
tiaux , et est évaluée à 125,000 fr. dans un acte du 16 avril 1793;..*
que je retiens encore 17,474 IV. de capital pour-un viager de
1,200 f r . , ce qui fait 1111 autre bénéfice de 5,474 fr.’ ;... que ce
viager fut encore stipulé insaisissable, pour en enlever la res- '
source aux:créanciers;... que, par des combinaisons criminelles
avec le sieur Couderl , j ’ai fait déléguer des créances non éta
blies par titres, en omettant des dettes légitimes, et en faisant
ajouter que ce qui ne serait pas dû serait gagné pour moi.... L e
sieur Jaquot dit enfin que j’ai fait transcrire sur-le-champ , afin
de lui enlever son hypothèque.
Voilà en somme tous les chefs d’accusation auxquels j ’ai à
répondre.
J ’ai acheté Pringy au-dessus du prix courant des propriétésde mon département. Six domaines semblent une masse consi
dérable pour les pays où la bonté du terrein n’exige pas qu’on
divise beaucoup'les exploitations. Mais dans un pays sablora-
�( 8 )
neux où, pour avoir des bras , il faut fournir aux colons des
bâtim ens, des bestiau x, et tous les besoins de la v i e , on est
forcé de multiplier les habitations , et leur nombre est insigni
fiant pour la valeur de la terre.
Je voudrais pouvoir présenter des baux à ferme de cette
propriété , à l’époque de mon acquisition ; mais le sieur Coudert
n’avait pu trouver à affermer que les domaines qui offraient aux
colons le plus d’avantage. L ’ un, du 3 thermidor an 6 , fait pour
neuf ans, était de 45o fr. ; l’autre, du 24 prairial an 7 , fait
aussi pour neuf ans , l’était de 400 fr. A i n s i , quand on éva
luerait au même prix ceux que le sieur Coudert fut obligé de
garder pour son compte , on ne trouverait qu’un prix annuel
,
de 2 55 o fr .; et ajoutat-on encore pour la réserve une somme
égale à un domaine, je n’eusse jamais atteint le revenu de mon
argent.
Cependant tout le département de l’Allier sait bien q u ’en
l’an 0 , l ’an 9 et l’an 10 , les propriétés de quelqu’im portance,
y étaient au plus bas prix. J e pourrais citer de nombreux exem
ples d’immeubles vendus à moins de moitié qu’ils ne se ven
draient aujourd’h u i ; et m al gr é cette bonne fortune des a c q u é
reurs, aucun d ’eux n ’a été assez malheureux pou»* trouver en
son chemin de soi-disant créanciers, qui se soient avisés, au
bout de dix nus, de leur reprocher un bénéfice trop considérable.
J ’ai cherché l’élat des contributions, pour indiquer la somme
à laquelle je suis imposé pour Pringy; mais celte cote est con
fondue avec celle de mes autres propriétés, parce qu’oulre les
six domaines de Pringy , j ’ai, sous la même perception, neuf
domaines attenans, et plusieurs locateries. Je crois, cependant,
que l’impôt de Pringy est de 780 francs, à quelque petite dif
férence en plus ou en moins; et je 11e sais pas s’il ne faut pas
en distraire l’impôt d’une prairie assez vaste, que j ’ai annexée à
I >r“ 1gy depuis mon acquisition.
L a déduction, q u ’ il a plu a Jaquot de faire, de 16,000 fr.
de mobilier, prouve toute la bonne foi du rédacteur de son
écrit ?
�( 9 )
écrit, comme si on ne savait pas que les droits d’enregistrement
du mobilier coûtent deux pour cent, et celui des immeubles
quatre pour cent.
Lorsque le sieur Jaquot a dit que Pringy avait été évalué
125,000 fr. dans une donation du 16 avril 1773 , il a menti sur
ce point comme sur le reste ; car cet acte prouve que dans la
somme de 125,000 fr. (assignats) a étc compris le quart ap
partenant au donateur dans une hab itation , appelée M ontL o u is , sise au quartier du P o n t-S a in t-L o u is au Port-auPrince.
O r, cette habitation dans sa totalité passait pour produire
plus de 3 o,ooo fr. de rente; le quart donné valait donc la peine
de n’être pas oublié ; et le sieur Coudert lui-même l’oubliait si
peu , qu’il fondait tout son espoir d’aisance sur le revenu de
cette habitation, dans laquelle il croyait rentrer incessamment.
Quant au capital de 17,474 f r . , laissé dans mes mains par un
viager de 1,200 fr ., il faut remarquer que ces 1,200 fr. étaient
réversibles sur la tête de Sylvie Coudert, et que j’avais deux
chances à courir. L a probabilité de leur vie était fort à consi
dérer sans doute ; car le sieur Coudert se disait âgé de 42 ans,
et sa sœur était plus jeune que lui.
Ce viager n’était point stipulé insaisissable , comme le dit le
sieur Jaquot, avec un mensonge de plus; il n’y avait de stipula
tion semblable que pour les 600 fr. destinés à Sylvie Coudert ,
après la mort de son frère ; et M. Durin crut cette précaution
nécessaire, parce que Sylvie Coudert étant en la puissance d’ un
mari qui faisait mal ses affaires, il fallait que ce viager ne fût
pas détourné; et pour cela, le sieur Coudert fit dire que les
<>600 fr. de sa sœur seraient insaisissables, et seraient touchés
par elle sur ses seules quittances. Mais les 1,200 fr. du viager
dus au sieur Coudert, étaient si bien saisissables , que le sit‘llf
Jaquot les a saisis; qu’on ne lui a pas même opposé qu’ils fus-
3
�( IO )
sent insaisissables, et qu’il est forcé de convenir avoir touché
600 fr. par a n , à cause de la saisie.
Il y a pour 54,526 francs de délégations à treize créanciers;
et, si on excepte i , 3 oo francs délégués à des ouvriers, les douze
autres articles de créances sont fondés sur des titres hypothé
caires. L e compte de tout ce qui leur était du fut donné par
le sieur Coudert. J ’avais à cœur de ne laisser aucune hypo
thèque sur Pringy ; et il était possible que le sieur Coudert
eût enflé les états, par lui donnés, de ses dettes, afin de se faire
des capitaux qu’il eût réclamés pour l u i , comme non délégués.
Je priai donc M. Durin de faire en sorte que le sieur Coudert
fût forcé de déléguer toutes ses dettes sans restriction. C’est alors
que M. Durin eut idée de stipuler, dans sa rédaction, que dans
le cas où toutes les sommes, déléguées par le sieur Coudert, ne
seraient pas dues, je serais dispensé de les acquiter, sans être
tenu de rembourser le montant au vendeur.
Cette clause eut l’effet que je devais en attendre; le s.r Coudert
fut forcé de donner un élat exact de ses dettes ; il était intéressé,
par-là, à remplir les 54,526 francs de bonnes et valables délé
gations; et il n’y ma nq ua pas. N o n - seulement il a fait en sorte
de ne rien me laisser en bénéfice; mais comme il avait plutôt
restreint qu’augmenté, f a i été obligé de payer 1,340 fr. au-delà
des 54,526, et je puis le prouver par mes quittances.
Quant à la promptitude de la transcription, il faut se reportqr
à l’époque de ma vente, où on sait que suivant la rigueur de la
loi sur les hypothèques, la transcription était le complément
de la vente; aussi les notaires ne manqua i ent jamais d’averlir
les acquéreurs de la nécessité absolue de p ay er les frais de trans
cription, en même lems que les autres droits. O n sait qu’un
acquéreur s’en remet absolument à son notaire de confiance; et
je me contentai de payer au mien ce qu’il me demanda pour le
coût de la vente.
�( I I )
Devais-je encore prendre sur mon compte le bilan entier de
la fortune de mon vendeur, qui venait de déléguer franchement
pour 54,5oo francs de dettes, et qui restait propriétaire d’une
riche habitation, a Saint-Domingue, et de 4^0 francs de rentet
indépendamment des 1,200 francs que je devais lui payer?
Il paraît que le sieur Jaqu ot, avant de publier un manifeste
contre m oi, avait écrit des lettres à M oulins, sous prétexte de
prendre des conseils pour me poursuivre. S’il écrivait du même
ton qu’il imprime, il est fort vraisemblable que dans les ré
ponses qu’il a reçues, on l’ait regardé comme une victime d’une
machination tendant à le dépouiller; et c’était peut-être pour
se faire des pièces à produire, qu’il se mettait ainsi en corres
pondance avec M M . Ossavy, Boiron et Gueullette, successive
ment. Quoi qu’il en soit, les fragmens qu’il a choisis dans ces
lettres prouvent assez que tout en abondant dans ses idées, par
politesse, on ne lui conseillait que le silence.
Il me parle & articles secrets arrêtés avec le sieur Coudert,
qu’il appelle mon complice ; et un instant après il se dit en re
lation lui-même avec le sieur Coudert 5 qui semblerait se donner
à son tour comme une victime dépouillée, tout en promettant
justice à ses créanciers, aux dépens de qui il appartiendra.
Mais je ne vois , dans ce langage énigmatique du sieur Cou
dert , aucune indication de ces prétendus articles secrets, que je
11’ai jamais connus; et si le sieur Coudert n’a rien dit de pareil
au sieur J a q u o t, comment donc celui-ci avance-t-il ce que sa
méchanceté seule a su inventer pour colorer ses grossières
injures?
Si ce Jaquot et son croupier étaient gens moins impénétrables,
j’eusse pu rechercher avant tout comment il était possible qu’un
traiteur de la rue de la Harpe eût pu devenir créancier de 25,000 f,
numéraire, pour la nourriture d’un homme, qu’il dit lui avoir
fournie pendant cinq ans.
L a donation d’avril 179^ C
m,a ^ it rechercher pour ré
pondre ¿1 l’une de ses fausses citations) prouve que le s.v Coudert
4
�( 12 )
habitait alors à l’hôtel d’A n jo u , rue S a in t -A n d r é - d e s -A r t s ,
n.° 22. Ainsi ce ne peut être qu’après cette donation qu’il est
allé rester chez le sieur Jaquot jusqu’au 11 ventôse an 5 , époque
du règlement de ses comptes.
D ’abord il n’y a que quatre ans d’intervalle au lieu de c i n q ,
et puis c’était précisément Je tems de la plus grande dépréciation
des assignats. Lorsque le sieur Jaquot renvoya le sieur Coudert
aussitôt après la chute des assignats , il fit sans doute un acte
de grande sagesse de régler ses com ptes, et de se faire donner
un billet; mais ne faut-il pas s’épouvanter de voir une nourri
ture de cinq ans se monter à 25 ,ooo francs en numéraire, à une
époque semblable ?
Jaquot, à la vérité, a soin de dire que ces 25 ,ooo fr. ne sont
pas tous comptés pour alimens; il y ajoute le logement, les dé
penses d’entretien, et de l’argent prêté dans les besoins du sieur
Coudert. Mais quelles sommes énormes n’aurait-il pas fallu
prêter en assignats de l’an 3 et de l’an 4 , pour atteindre 6,000 f.
par an en écus. L e sieur Jacquot est-il bien présumé s’être ainsi
mis en avance vis-à-vis un seul de ses pensionnaires ? ce n’était
pas au moins l’usage de ses pareils.
Je remarque maintenant la bizarrerie de ma destinée, et je
me demande comment il se fait que je sois accusé de retirer
un revenu trop considérable de Pringy, tandis que ce revenu
n’a pas suffi au sieur Coudert pour payer son traiteur; et c’est
ce même traiteur qui vient, avec un billet de 26,000 francs,'
crier au voleur, afin qu’on ne songe pas à lui, et qu’on ne le
croie que volé.
M ais, au reste, que m ’importe de scruter la manière d’agir
d’un traiteur envers un habitué de sa maison; je n’eusse jamais
supposé avoir rien de commun a vec lui; mais puisque le hasard
et m;i mauvaise fortune m ’ ont mis en rapport avec cet homme,
an point de me réduire à une justification de ses calomnies, je
demande 1.° si, d’après les circonstances que je viens d’exposer,
je puis avoir à redouter le procès dont il me menace pour faire
�( i3 )
annuller ma vente comme frauduleuse; 2.° si je suis fondé,
moi-même , a le poursuivre en réparation civile ou criminelle,
avecdommages-intérêts, applicables aux hospices; et par quelle
voie je puis, y parvenir.
S A U L N IE R .
CONSULTATION.
T A?, conseil, soussigné, qui a l u , i.° le mémoire ci-dessus;
2.° l’acte de donation faite par Je s.r Charles Faure au s.r Coudert,
le 16 avril 1792; 3 .° deux baux à ferme, consentis par le sieur
Coudert, des domaines Cottin et Langeron , en date des 3 ther
midor an 6, et 24 prairial an 7; 4.0 le contrat de vente consentie
par le sieur Coudert au sieur Saulnier, devant Aucouturier,
notaire à Saint-Menoux, le 22 frimaire an 9 ; 5 .° une copie du
jugement rendu entre Foret, Fêvre, J a q uo t et autres saisissans,
le sieur Saulnier, liers-saisi, et le sieur Coudert, partie saisie,
le 11 fructidor an 11 ; 6.° un mémoire imprimé, signé Jaquot,
daté de Paris, du i . er avril 1 8 1 1 ,
Est d’avis , sur la première question , que les faits exposés
au mémoire du sieur Jaquot , ne sont pas de nature, à faire
jamais prononcer la nullité de la vente consentie par le sieur
Coudert au sieur Saulnier. .
A la vérité, et quoi qu’en dise Rousseau - Lacombe en ses
matières civiles, les lois (juce in fraudent creditorum sont ob
servées en France; et l ’art. 1167 du Code civil prouve parfaite
ment que ces lois sont en-pleine vigueur. Il faut donc regarder
comme un principe certain que la régularité de ra^quisition ,
�( i4 )
faite par le sieur Saulnier, ne le préserverait pas de la recherche
des créanciers, s’ils prouvaient clairement que cette vente a été
faite en fraude de leurs droits.
Mais il ne suffit pas d’alléguer la fraude ; il ne suffit pas
même de prouver que le débiteur a exécuté le projet de faire tort
à ses créanciers; il faut encore que l ’acquéreur ait participé à la
fraude : Contra emptorem q u i, sciens fraudent, com paratif.
( L . 5 , C od. de revoc. h. quæ in fraud. crédit. )
E t ce sont les créanciers qui doivent prouver la participation
de fraude qu’ils imputent à l’acquéreur : Fraudent creditores
agentes probare debent. ( L . 18, fF. de probat. )
O r, en examinant les circonstances de l’acquisition du sieur
Saulnier, 011 ne peut y voir aucune preuve qu’il ait eu le projet
formé de dépouiller le sieur Jaquot de sa créance.
Ce n’est pas assez qu’un acquéreur sache directement ou indi
rectement que (son vendeur doit, pour qu’il faille en tirer la
conséquence qu’il eût dû ne pas acheter, sans donner le tems
aux créanciers de prendre toutes les précautions nécessaires.
Raremen t on vend ses biens sans avoir des créanciers; et si,
parce que l’acquéreur les a connus, il était exposé a être accusé
de fraude; il faut convenir que les contrats de vente ne seraient
pas des actes aussi solides qu’on le croit communément.
L a loi ne donne nulle part cette latitude aux créanciers, par
cela même que, dans l’usage, celui qui achète ne se croit pas
le droit de porter l’inquisition dans les affaires de son vendeur.
On convient du prix , on s’occupe de part et d’autre de ses avan
tages, et tout le rôle de l’acquéreur est de payer avec sûreté. Il
n’est donc pas suspect, par cela seul qu’il saurait des créanciers
que son vendeur ne lui délègue pas : il n’ est coupable de fraude
que s’il a véritablement concerté avec son vendeur les moyens
de Irustrer ses créanciers connus. Et sur ce point encore la loi
s’explique clairement : Quod ait prœtor, S C ie n te , sic accipimus te conscio ci'fraudent participante. Non en im , si sim pliciter scia ilium creditores habere, hoc sufficit ad contenden-
�( l!> )
dum teneri eum actio'ne ; sed si particeps jra u d is est. ( L . 10 ,
if. cjuæ in fraud. crédit. ).
Cependant il se trouve ici deux circonstances assez extraordi
naires pour mériter quelques réflexions de plus sur la position
où le consultant s’est trouvé : i.° Comme juge de paix il a signé
une cédule donnée par le sieur Jaquot, créancier dq son ven
deur; 2.° il a fait transcrire son contrat de vente deux jours
après s a rdate , et avant que le sieur Jaquot eût pu obtenir h y
pothèque.
Sans doute il eût'été plus louable peut-être que le sieur Sauln ie r , par respect pour la noble fonction dont il était revêtu, se
])rivât d’acquérir jusqu’à ce que Je sieur Jaquot eût achevé de se
mettre en règle, ou qu’il exigeât une délégation de cette créance.
Mais il faut convenir que 1 absence d’un simple procédé n’est
pas une faute aux yeux de la lo i, et on ne doit pas êlre plus
sévère qu’elle.
Un juge ne peut pas acheter des droits litigieux} ni se rendre
adjudicataire d’objets vendus en sa justice. V oilà tout ce que la
loi exige de plus à son égard; tout le reste des conventions qui
le concernent demeure’donc dans la règle générale.
Si le sieur Saulnier a lu la cédule qu’il a délivrée le 21 fri
maire an 9 , comme il fout le croire, il y a vu certainement que
le sieur Jaquot prétendait à une créance de ü5 ,ooo fr. contre le
sieur Coudert, et qu’il n’avait encore aucune hypothèque.
Mais en revenant aux règles générales , qui confondent le
juge avec les autres h o m m e s,y a-t-il réellement signe de fraude
dans l’acquisition faite le lendemain de la connaissance que le
sieur Saulnier a eue de celle créance ! On croit pouvoir dire lé
galement que non.
L e sieur Saulnier était déjà en négociation d’une terre assez
considérable; il dit même que tout était conclu et préparé pour
la signature; ainsi, à moins de renoncer absolument à acquérir,
il était difficile de changer les convçnlions déjà faites, pour
(Jonner place à un nouveau créauqier, lorsque la première con-
�( 1(5 )
dition du vendeur était d'avoir 1,200 fr. de viager, et que tout
le surplus était délégué à des créanciers hypothécaires. IL est
visible que l ’acquéreur avait intérêt de préférer les délégations
hypothécaires, et de renvoyer le simple billet du sieur Jaquot
sur les 17,000 francs non délégués. M ais, à son tour, le ven
deur aurait mis plus de résistance encore à ne rien retrancher
de son viager ; ainsi il n’y aurait pas eu de vente.
À la vérité, il y aurait eu un autre parti plus convenable pour
éviter tous les reproches : le sieur Saulnier, en ne transcrivant
p as, eût donné le tems au sieur Jaquot de se procurer une
hypothèque, et de la faire valoir.
Cependant on est forcé de convenir que dans ce cas le sieur
Saulnier s’exposait à ne faire rien de.solide ; car suivant l’art. 26
de la loi du 11 brumaire an 7 , il n’existait pas de vente incomrautable sans une transcription. Le s.r Coudert pouvait vendre à
un autre, et emprunter sur l’immeuble déjà sorti de ses mains,
sans que l’acquéreur pût s’en défendre, s’il n’avait pas transcrit ;
et ici les deux parties ne paraissent pas avoir une grande con
fiance dans le sieur Coudert.
Peut-être bien y a-t-il eu quelque précipitation dans la trans
cription de la vente du sieur Coudert; mais en supposant qu’elle
eût été retardée de quinzaine , ce qui était un terme assez long
pour cette époque, on ne voit pas trop ce que cette prolonga
tion eût valu de plus au sieur Ja q u ot, car en quinze jours il
pouvait difficilement obtenir un jugement contre son débiteur.
Cette transcription , au reste , ne se trouverait un signe de
fraude que si le sieur Saulnier eût voulu en abuser pour se faire'
donner une quittance collusoire de la portion du p rix, restée
libre en ses mains. Mais, au contraire , le sieur Saulnier n’a rien
changé à sa situation; il est resté débiteur du sieur Coudert, et
les créanciers non délégués ont pu s üdiesser a lui pour laire
des saisies-arrêts.
Il faut encore apercevoir une excuse en faveur du consultant,
dans les biens qui restaient au sieur Coudert. Ils consistaient,
�( 17 )
i.o dans le quart d’ une habitation à Saint-Domingue; 2 .° dans
des contrats de rentes perpétuelles de 450 francs annuellement;
3 .° dans la rente viagère de 1,200 francs créée à son profit par
l’acte de l’an 9.
Les biens de Saint-Domingue 11e lui ont pas été d’une grande
ressource à cause de la guerre; mais la fortune du s.r Coudert
ne doit pas s’apprécier, parce qu’elle est en 1811. Il faut se
reportera l’an 9, et considérer s’il avait assez d’espérances réelles
pour ne pas être présumé avoir voulu frustrer ses créanciers en
Vendant le seul immeuble qu’il eût en France, car l’action n’est
ouverte aux créanciers que dans le cas d’insolvabilité de leur
débiteur, nisi de ipsius inopiâ constet , et il faut de plus que
le vendeur et l ’acquéreur se soient Concertés pour ôter toute
ressource aux créanciers, comme 011 l ’a déjà dit. r
Or , en l’an 9 , il était très-probable que les possessions de
Saint-Domingue fussent considérées comme une espérance trèsréelle ; et on se souvient même que le succès de nos armes, à
cette époque, y ramenait une grande quantité de Français, soit
pour y retrouver leurs propriétés q u i , çp éffpt, leur était fidè
lement rendues , soit pour y courir les chances de la fortune.
Ainsi le siepr Coudert ne devait.pas.se croire hors de toutes
ressources, lorsqu’il vendait Pringy moyennant 72,000 francs.
. D ’ailleurs, l’emploi.du prix,de ,petite vente ne se prête pas à
.des idées de fraude , de la part ^ ê m e du vendeur, puisqu’il
.en délègue la majeure .partie à ses créanciers hypothécaires, et
s’en réserve à peine .un quart poi^r le.destiner à un viager.
Si donc „il ne résulte, pqs, ¿le çonsiliuin fr a i(d is , en la per
sonne du .vendeur, il,y en\aura.1ç.ncQK? moins, dans la personne
•de .1-acquéreur ¿\qui n’élflit tenu h \a.uti;e,.çhose , ,.vis - à - vis les
•créanciers du vendeur¿,quià\'ne\ pas; nser d,e, fraude pour leur
-ôter , par. des .voies -illicites , ^ e 1prix;,,c9n,yenu.<O r ,, tqut ce
^prix a un emploi bien connu; le,sieur Slaulnier a parfaitement
suivi cet emploi; il a payé les créanciers (Mégués : et quant
�( i8 )
à la rente réservée au vendeur, il ne s’en est point dessaisi au
préjudice des créanciers, et la preuve en résulte du propre fait
du sieur Jaquot.
Cette dernière circonstance n’est pas seulement exclusive de
la fraude imputée au sieur Saulnier, elle est encore décisive
contre le sieur Jaquot , pour neutraliser tous les procès qu’il
pourrait intenter.
En effet, le sieur Jaquot a fait, en prairial an n , une saisiearrêt entre les mains du sieur Saulnier ; et quand il pourrait
supposer qu’il ignorait sa qualité d’acquéreur en saisissant, au
moins ne l’a-t-il pas ign o ré , lorsque le sieur Saulnier a fait sa
déclaration judiciaire. Cependant , au lieu d’attaquer la vente
du sieur Saulnier comme frauduleuse , le sieur Jaquot s’est pré
senté pour en recevoir la portion du prix disponible. Il se l’est
fait adjuger en jugement ; il la reçue tous les ans depuis l’an u
il a donc approuvé ce qu’il veut attaquer aujourd’hui.
Car il est de principe qu’on approuve une vente n u lle, lors
qu’on en reçoit le p r ix , et encore lorsqu’on agit pour le deman
der. Cette règle a lien même contre le mineur dont les biens
auraient été vendus illégalement sans sa participation et sans
formalités. Il devient non recevable à attaquer cette aliénation ,
par cela seul qu’en majorité il en aura reçu , ou simplement
réclamé le prix.
On peut voir, sur cette question des approbations faciles, les
principes enseignés par ï)omat *en ses Lois civiles , et par
M- Merlin en ses Questions de droit, tom. 6 , pag. 217. JSec
silentio prœtermiltendum alienationes illa s quce, initio insp e c to , ipso'jure nullœ erant).*. Subindè e x post facto confirm a r ip o s s e , si rninor1ja ü i m ajor fa ctu s alienationem ralam
liabuerit, siv e ëxpressè'\ Sive tacitè dùm ïnstituit ad œstimationem seu preliuiti êjus quod illitiite dislractuiu est.... Subsecuta solutio , vel p etitià 'ï'v ela ccèp ta tlo cestim atlonis, necessariam tacitœ ralihabilionis inducit conjectuVam. ( V o ë t . in
fL l i b .'27 > tit,.9:. ) ;
! i11
�( i9 )
On lit, à la suite de la dissertation de M. Merlin sur cette
question , un arrêt de la Cour de cassation, qui a jugé dans le
même sens : « Attendu que Marie Bordenave a ratifié la vente par
« la quittance qu’elle adonnée' en majorité delà portion du prix
« qui restait à payer à l ’époque où elle est devenue majeure ».
( 4 thermidor an 9. )
Ici la qualité des parties n’est pas la même ; mais il n’y a pas
de raison pour détourner l'application des mêmes principes. II
n ’y a à cela qu’une exception , et ce serait le cas où la connais
sance de la fraude ne serait survenue qu’après ; car l’action
révocatoire ne commence à la vérité que à die detectœ fra u d is.
Mais le sieur Jaquot n’annonce aucune découverte nouvelle;
tout ce qu’il sait aujourd’hui, il avoue l’avoir su en l’an 11. L a
vilité de prix, la transcription , sa cédule signée du sieur Saulnier, tout cela existait, et lui était connu, lorsqu’il a attaqué
le sieur Saulnier en l ’an 11 , pour verser dans ses mains une
portion du prix de son acquisition, et lorsqu’il l ’a touchée a n
nuellement.
Cette fin de non*recevoir ne peut pas être accusée de sévérité,
lorsqu’on voit au digeste, d’où sont tirées les lois quœ in fraudem
creditorum , que l’action en nullité de la vente 11’était admise
que pendant un an, à compter du jour où le créancier a pu être
informé qu’il existait une vente de son gage. Intrà annum , quo
experiundi potestas fu e r it, actionem dabo, ( L . i . re, ff\ quœ
in fr . )
■A u reste, les délais plus ou moins longs que la loi a pu ac
corder au sieur J a q u o t, pour exercer son action , deviennent
inutiles, lorsqu’au lieu d’agir il a approuvé l’acte. Ainsi , en
réunissant l’approbation et l’absence des preuves auxquelles la
loi l’aurait soumis, on ne peut voir dans les menaces du sieur
Jaquot, contre le sieur Saulnier, que l’effet de l’humeur, peutêtre fort excusable, d’un créancier qui perd; mais il ne paraît
pas qu’il puisse en résulter rien d’inquiétant contre le sieur
Saulnier.
6
�( 20 )
S u r l à SECONDE q u e s t i o n , le s.r Sanlnier paraît fondé à se
pourvoir contre le sieur Jaquot en réparation des injures véri
tablement grossières et outrées qui se lisent à toutes les pages
du mémoire imprimé, répandu avec profusion dans les départemens de l’A llier et du Puy-de-D ôm e, sous le nom du sieur
Jciquot.
Ptien n’est plus g r a v e , en effet, que l’imputation faite au
sieur ¿Saulnier. L ’accusation publique d q p révarica tion ^ dol et
f r a u d e , qui se lisent dès la première page ; la menace de le
citer devant les tribunaux pour fa ir e appliquer sur son fro n t
le fe r de V ig n om in ie, résultat in fa illib le d'une conduite per
verse et sca n d a leu se, sont un genre de diffamation si grave
contre un ancien juge de paix, qu’il est impossible de concevoir
une accusation publique qui pût porter une plus grande atteinte
à sa réputation. Il est donc légitime et presque indispensable que
le sieur Sanlnier en demande une réparation, qui soit aussi pu
blique que l’offense.
Les anciennes ordonnances étaient extrêmement sévères contre
les écrits contenant diffamation. Les édits de i 56 i et i 563 fai
saient défense de semer des libelles , l’un à peine^de punition
corporelle, l’autre à peine de confiscation de corps et de biens.
Un édit de 1626 prononça la peine de mort contre les libellâtes
et diffamateurs. Enfin un arrêt de régleraient de 1723, sur la
librairie, étendit même jusqu’aux imprimeurs les peines rela
tives aux libelles diffamatoires. Il ordonne de les démettre de
leur profession, et les déclare incapables de l’exercer à l’avenir.
L a déclaration de 1728 condamne les compositeurs de libelles
au bannissement. Celle de
les condamne aux galères per
pétuelles.
L e Code pénal du 25 septembre 1791 , et celui du 3 bru
maire an 4 , n’ont prévu que le délit des injures verbales; mais
ces lois sont muettes sur les calomnies écrites; en conséquence,
les anciennes peines furent alors considérées comme abrogées : les
tribunaux n’ont cru pouvoir adjuger que des dommages-inté-
�( 21 )
rets civils h la partie offensée, ainsi que l ’a décidé la Cour de
cassation, par trois arrêts des 11 brumaire an 8, 20 ventôse an 12 ,
et 21 germinal an i3.
L e nouveau Code des délits et des peines, qui n’est loi, pour
le ressort de la Cour impériale, que depuis son installation, dé
finit clairement la calomnie écrite et la punit.
Art. 367, « Sera coupable du délit de calomnie, celui qui.....
« dans un écrit, imprimé ou non, qui aura été affiché, vendu
«
«
«
«
«
ou distribué, aura im pu té, à un individu quelconque, des
faits qui, s’ils existaient, exposeraient celui contre lequel ils
sont articulés a des poursuites criminelles ou correctionnelles,
ou même l’exposeraient seulement au mépris ou à la haine
des citoyens ».
On ne peut pas objecter au sieur Saulnier qu’avant de savoir
s’il y a calomnie, il s’agit d’examiner si l’imputation qui lui est
faite est ou non mensongère , afin de savoir si elle est une
calomnie.
L a loi n’a pas pu vouloir que le diffamateur commençât par
attaquer la réputation de son adversaire, lorsque la voie des
tribunaux lui était ouverte pour demander justice si elle lui
était due. A u reste, la loi répond elle-même à cette objection.
Art. 368 . « Est réputée fausse toute imputation à l’appui
« de laquelle la preuve Légale n’est pas rapportée. En consé« quence, l’auteur de l’imputation ne sera pas admis , pour sa
« défense, à demander que la preuve en soit faite ».
L a peine de la diffamation varie suivant les conséquences
que l’imputation eût produites. Les art. 3 7 1 , 375 et 376 graduent
cette peine; et il paraît inutile d’en chercher l’application.
Mais sera-ce cette loi qui devra régler la procédure et la peine,
ou seront-ce les lois précédentes? car le sieur Jaquot a daté son
mémoire du i.c* avril 18 11; et cependant il ne l’a d i s t r i b u é à
Riom , Clermont et Moulins que dans le mois de juin. On serait
bien porté à croire que cette date a été mise afin que les réglemens nouveaux sur la librairie 11e gênassent, ni le sieur Jaquot,
�( 22 )
ni son imprimeur, à cause de la permission qu’il eût fallu de
mander à la police. Quoi qu’il en soit, si l’impression elle-même
conslitue le délit, il résulte encore davantage de la colportation
et distribution que le sieur Jaquot en a fait faire : et comme ce
fait est postérieur à la mise en activité de la loi, c’est elle évi
demment qui doit punir le délit sans qu’il y ait pour cela ré
troactivité.
O r , aux termes des art. 2, et 3 du Code criminel, le sieur
Saulnier peut exercer une action en réparation et dommages-,
intérêts.
Pour y parvenir il peut, ou dénoncer le fait à M. le procureuï
impérial aux termes de l’art. 3 i du même Code, ou donner une
citation devant le tribunal correctionnel, soit de Paris, soit de
Riom , soit de Moulins, contre le sieur Jaquot, pour être con
damné i.°e n une somme fixée pour dommages-intérêts (a p p li
cable , ainsi que le sieur Saulnier le jugera à propos); 2.0 aux
peines correctionnelles prononcées par la loi contre le délit de
diffamation; 3.° à l’affiche du ju g e m en t, au nombre de cinq
cents exemplaires, aux frais dudit Jaquot.
Cette citation devra contenir élection de domicile dans la/
ville où siège le tribun al, et sera donnée à trois jours auxquels
il faudra ajouter un jour pour six lieues, suivant que cela est
établi par les art. 182 et 189 du Code criminel.
On a dit que les tribunaux: de Riom ou de Moulins sont
compétens pour connaître de cette demande ; et en e ffet, c’est
toujours le tribunal dans le ressort duquel le délit a été commis,
qui est compétent pour le réprimer; cela d’ailleurs est encore
prévu p ir l’art. 29.
Or, il a été déjà remarqué que le délit n’avait pas été seulement
commis à Paris par l’impression du metnoire du s.r J a q u o t,
mais qu’il l’avait été encore a Riom et a Moulins par la dis
t r i b u t i o n qui en a été faite dans ces deux villes avec profusion.
Si le sieur Jaquot objectait que c’est un mémoire pour sa
défense, comme créancier, et qu’il sera soumis seulement à la
�( 2 3 }
censure du tribunal qui jugera le fond du procès civil, on lui
répondra qu’il n’y a pas de procès commencé; que l’art. 377
du Gode pénal s’applique aux mémoires donnés dans une cause
de laquelle les juges sont déjà s a is is , et que l ’une des parties
plaidantes fait imprimer pour sa défense. Mais lorsqu’il n’y a
pas de procès déjà pendant, il faut en revenir à l’art. 368 , qui
ne permet pas de plaider pour rechercher si le diffamateur a
dit v r a i, il faut qu’il prouve sur-le-champ la vérité de ce qu’il
a v a n ce , par jugement ou acte authentique , aux termes de
l ’art. 370.
En effet, la réputation des hommes ne doit pas être flottante
et en suspens.
Si le sieur Jaquot avait a accuser de fraude le sieur Saulnier,
il devait faire ju g er qu’il y avait fraude ; et ensuite il eût été
excusable de l’imprimer ; mais il est incontestable qu’il n’a
pas pu e x abrupto l’avilir, et appeler Pigrtominie sur sa tête.
L a société est intéressée à ce qu’ une diffamation aussi incon
sidérée ne reste pas impunie.
D
élibéré
à R io m , le
juin 1811.
M .e D E L A P C H 1 E R , ancien avocat,
L
e
C
onseil
s o u s s ig n é
,
V u la Consultation ci- dessus, est du mê m e avis sur tous les
points , par les mêmes motifs.
En premier lieu , la menace du sieur Jaquot de faire un pro
cès au sieur Saulnier, au sujet de l'acquisition qu’il fit du sieur
Coudert, le 22 frimaire an 9 ( 1 2 décembre 1 8 0 0 ) , et d’en
poursuivre la révocation après plus de dix ans d’exécution pu
blique , comme faite en fraude des créanciers du vendeur, tandis
que le prix entier, moins le capital d u n e rente viagère de
1,200 f r . , leur fut délégué, et que lui Jaquot, créancier chirographaire non délégué ,'mais saisissant, reçoit chaque année,
depuis huit ans, son contingent
de cette rente viagère, en vertu
�a h )
de jugement de distribution, rendu entre les saisissans , I’acquéreur tiers-saisi, et le vendeur, partie saisie, le n fructidor
an i i , est d’une témérité sans exemple. Comment, en effet,
écouter les clameurs d’un créancier qui ne se réveille , pour
crier à la fraude contre la vente des biens de son débiteur,
qu’après avoir donné dès l ’origine, et pendant le cours de huit
années consécutives, l’approbation la plus formelle à cette alié
nation , en recevant son contingent du prix, d’après un juge
ment de distribution, prov oqué par lui-même?
Une aliénation, par voie de vente , ne peut préjudiciel’ aux
créanciers du vendeur, et être faite en fraude de leurs droits,
que de l’une de ces deux manières : ou parce qu’elle est fa it e à
v il p r i x , ou parce que le prix est payé immédiatement après
la transcription du contrat, au vendeur qui le soustrait à ses
créanciers non inscrits.
Dans les deux cas, cette fraude n’ouvre l ’action révocatoire
aux créanciers, qu’autant qu’il est prouvé que Vacquéreur a
participé à la fra u d e pour en profiter, et q u e , par l’événe
ment , les créanciers ont perdu leurs créances , par l'effet de
l ’aliénation attaquée ( i ) .
O r, aucune de ces circonstances ne se rencontre dans l’espèce :
i.° Le sieur Coudert, vendeur, n’a point consenti la vente
dîi 22 frimaire an 9 , à dessein de frauder ses créanciers par la
soustraction du p r ix ; et le sieur Saulnier, acquéreur, n’a pas
favorisé cette soustraction frauduleuse, puisque les trois quarts
de ce prix et plu s, ont été délégués aux créanciers hypothé
caires, inscrits ou non, et que l’autre quart, converti en rente
viagère, a resté entre les mains de l ’acquéreur, où il pouvait
être saisi par les créanciers non délégués , et où il l’a ¿lé
réellement ;
2.0 Si les créanciers chirographaires sont dans le cas 'de perdre
(1) V o i r D o m a t , lois c i v i l e s , liv. 2 , tit. 1 0 , sect. i . r o , n.°s
3, 4
et
6,
et les lois q u ’ il cite.
2.°
�( 25 )
une partie de leurs créances, ce n’est pas la vente faite au sieur
Saulnier, qui leur en a occasionné la perte, puisqu’ils ont
profité de tout ce qui pouvait leur revenir du prix.
Diront-ils que la perte de leurs créances dérive d e la vilité
du prix de la ven te, et de la conversion d’un quart environ de
ce prix, en rente viagère? Mais est-ce après plus de dix ans
d’approbation de la conversion d’une partie du prix en viager,
et de silence sur la prétendue vilité, que l’on peut écouter des
clameurs qui ne sont appuyées d’aucune preuve? des vociféra
tions purement hasardées?
D ’ailleurs, quand il y aurait eu une lésion réelle dans la
fixation du prix, on conviendra bien que ce serait une absurdité
de vouloir lui assigner pour cause, le dessein formel concerté
entre le vendeur et l’acquéreur, de faire perdre les créanciers du
premier, tout exprès pour gratifier l’acquéreur à leur préjudice :
cependant il faudrait que ce concert odieux fût invinciblement
p ro u vé , pour que les créanciers du vendeur fussent admis
à dépouiller un acquéreur qui possède publiquement et paisi
blement, depuis plus de dix ans, en vertu d’une vente dont ils ont
connu toutes les conditions dans le tems, qu’ils n’ont jamais improuvée ni accusée de collusion ni de fraude, et dont la loi pré
sume la sincérité et la loyauté, jusqu’à la preuve contraire.
Ces réflexions suffisent pour inspirer une sécurité parfaite au sieur
Saulnier sur toutes les tentatives que pourrait faire le s.r Jaquot.
E n second lie u , autant il est certain que le sieur Saulnier
n’a rien à redouter de l’attaque dont il est menacé par le sieur
Jaquot, autant il est constant qu’il est fondé à demander ven
geance aux tribunaux du libelle infâme que cet audacieux a
répandu contre lui, à profusion, par les voies indiquées dans la
Consultation. L ’ofiense est trop gratuite pour rester impunie ,
et trop grave pour être dissimulée.
D
élibéré
à Clermond-Ferrand, le 17 juin 1811.
BERGIER.
R l O M , J.-C , S A L L E S , Im prim eur de la Cour Impériale et du Palais.
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Saulnier, Jacques. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Bergier
Subject
The topic of the resource
créances
diffamation
libelle
Description
An account of the resource
Mémoire à consulter et consultation pour Jacques Saulnier, propriétaire, habitant de la commune d'Agonges, membre du conseil de l'arrondissement de Moulins, et président du canton de Souvigny ; contre un écrit signé Jacquot, traiteur à Paris, rue de la Harpe, se disant créancier du sieur Courdert.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
Circa 1793-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
25 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0422
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Agonges (03002)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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Créances
diffamation
libelle
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MEMOIRE
EN
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RÉPONSE?
POUR
Sieur J oseph DE L A ROCH E-LAM BERT,
habitant à Issoire, intimé et appelant ;
C O N T R E
Dame F r a n c o i s e - A g l a é - G A b r i e l l e D E
L A L U Z E R N E et sieur P i e r r e D E L A
G R A N G E - G O U R D O N , son m ari; dame
A n g é liq u e - A r m a n d e - C a m ille D E LA
L U Z E R N E et sieur A n a t h o c l e - M a x i m ilien H U RAU LT D E
V I B R A Y E , son
mari, habitans de la ville de P a r is , héritiers
bénéficiaires de madame d e M o w t m o r i n , laquelle
étoit héritière bénéficiaire du sieur EmmanuëlFrédéric de T a n e , son frère, appelans ;
CONT RE
Sieur HENRI D U V E R G I E R , habitant a P a ris;
S i m o n T E R O U L D E yhabitant à Daudeville;
P i e r r e - L o u is L A I S N E , ancien sellier à
Paris habitant à Sens; A n t o i n e - L o u is
A
DE RIOM.
CH A M BR Ï.
�( a )
D U C H A S T E L , apothicaire à Paris ; etJEÀN
C H A R D O N y chapelier y habitant a P a ris,
syndics et créanciers unis dudit sieur d e T a n e ,,
aussi appelans,
C ON TR E
Sieur
A
D E TANE - SA N T E N A S,
habitant à Paris y intimé ;
m é d é e
ET
C O N T R E
Sieur L o u i s N A T T H E Y , habitant de Nyon en
Suisse y aussi intimé.
la révolution et les assignats, cette cause seroit
de la p lu s grande s im p lic ité dans les questions qu’elle
fait naître. L ’acquéreur d’une te r r e , chargé d’en payer
S a n s
le p rix à un notaire choisi par une direction de créan
c ie r s , lui en paye près de m oitié; ensuite il revend la
te rre, et laisse dans les mains du second acquéreur une
somme égale à ce q u 'il doit : des lettres de ratification
sont prises. Ce second acquéreur , p o u r s u iv i par les opposans, produit des quittances de consignation, assigne
les créanciers en m ainlevée de leurs oppositions, et fait
juger sa libération valable à leur égard.
Cependant ces c r é a n c ie i’s attaquent le prem ier acqué
r e u r, qui met en cause son garant : c e lu i-c i emploie
�C3 )
pour libération le jugement qui a validé sa consignation.
A lo rs l’acquéreur observe aux créanciers qui le pou r
suivent , que leurs oppositions à des lettres de ratification
^ ont lie leurs interets à ceux du second acquéreur qui les
a obtenues, et que s’ils ont laissé juger qu’ils étoient
payés , ils ne peuvent pas demander à être payés une
seconde fois.
V o ilà à quoi se réduit la question p rin cip ale, et il
est évident que jusqu’ici elle ne présente en point de
droit aucune difficulté sérieuse : mais le payement a été
fait en assignats, et les créanciers veulent en rejeter la
perte sur autrui. Les héritiers bénéficiaires du vendeur
origin aire, qui com prennent que si la perte des assignats
n’étoit pas pour les créanciers elle seroit pour euxmêmes , font cause commune avec e u x , pour que tout
retom be sur le prem ier acquéreur.
A lo rs tout s’exagère et se com plique. L ’émigration de
l ’acquéreur s’ajoute au procès, comme un point capital
qui domine tout : d'autres circonstances étrangères vien
nent se prêter à m ille équivoques. Quand la matière est
élaborée , on se croit déjà assez fort pour injurier et
celui qu’on veut faire payer ce qu’il ne doit pas, et le
tribunal même où il a trouvé justice. E n fin , après avoir
présenté un faisceau de lois étrangères à la question, et
d’arrêts assez bien choisis dans la m ultitude, mais plus
étrangers en core, on vient crier à l ’injustice et à l’indé
licatesse , en disant froidement : « Q ue m’im porte si vous
« devez recouvrer ou non
5ooooo francs que je vous
« demande pour une dette qui n’est pas la vôtre ! Que
A 2
�(4 )
«
«
«
«
m’im porte encore si vous êtes ruiné par ce payem ent,,
et si votre famille est respectable. Je veux de l’argent,
et je ne veux en demander qu’à vous que je suppose
moins en mesure de me résister; d’ailleurs votre émi-
« gration se prête à tous mes sophismes : il y a tant de
« lois, sur cette m atière,, qu’ il est im possible.de ne pas
« y voir que tout doit retomber sur vous. D ’ailleurs ,
« quand je me suis donné la licence d’im prim er qu’une
«• décision contraire à mon intérêt étoit un, jugement de
« f a v e u r , j’ai calculé l’effet de cette injure sur l’esprit
« des magistrats auxquels j’en demande la réform e. Si
« je ne puis les forcer à croire qu’il faut sacrifier un
ém igré par préférence, m on adroite censure sera tou«■jours d’un poids quelconque dans la balance ; elle
« achèvera probablem ent de-me conquérir le suffrage de
« ceux, dont l’opinion auroit été incertaine. »
A in si eût parlé M achiavel ; ainsi parlent les syndicsdes créanciers, de T an e , qui v e u le n t, p e r jh s et n e fa s ,
intéresser en se présentant comme des victimes.
Q u ’ils tâchent de prouver à la Cour, que m algré leursoppositions à des lettres, m algré un jugement qui pro
nonce contre eu x la validité du payement que le sieur
Natthey a été chargé-de leur faire, il leur reste encore une
action : voilà leur cause..
Mais que dans leur colère et dans leurs' calculs ils fassent
semblant de supposer de l’adresse, des insinuations et de
la faveur; que tournant tout du côté de Immigration, ils
cherchent à insinuer que cette ém igration deviendra aux
sieur et dame de la R oche-Lam bert un moyen de s’em
parer des plus clairs deniers des»créanciers de T a n e ,
�(5 )
et que ce sera s*être f a i t de ses propres J'a i! tes un m oyen
d?acquérir : voilà ce qui n’est ni la cause ni la. vérité r
mais une insigne et brutale calomnie;
Car personne ne sait m ieux que les adversaires qu’il
n?y a qu’à perdre dans tous les cas pour les sieur et dame
la R o ch e-L am b ert, puisqu’ils ont payé 178000 francs en>
écus sur une terre qu7ils n’ont pas : et on ose encore leu r
demander plus de ôooooo francs pour la même terre; et
on les signale comme des débiteurs de mauvaise fo i, parce:
qu’ils résistent à cette épouvantable injustice..
f a i t s
;
A p rès la m ort du sieur Em m anuël-Frédéric de Tane>,
sa succession fut acceptée sous bénéfice d’inventaire par
Françoise-G -abrièlle de T a n e , épouse de M . de M o n tm orin , ministre des affaires étrangères.
Madame de M ontm orin ne pou voit vendre en cette
qualité les biens de la succession sans y appeler- les
créanciers ; elle fit apposer des affiches pour vendre aux
enchères les terres de la Soucheyi’e , Chadieu, la ChauxM ongros et le m obilier de la succession. Il y a eu pour
777400 francs de ventes avant 1790.
L a terre de Ghadieu fut vendue par madame de
M ontm orin aux sieur et dame de la R oche-Lam bert, par
acte du 17 juin 178 8 , moyennant 376000 francs, et les
frais et faux f r a i s évalués à 5 deniers par liv re , produisant
7812 liv. 10 s. Il fut dit que les 376000 fr. seroient
payés solidairement par les sieur et dame de la R ocheLam bert eiitre les m ains de Trutat¿ notaire-séquestre,
�(6)
ou a u x créanciers q u i auront été délégués; savoir, un
quart au i 5 septem bre, et le surplus dans le courant
des deux années, en trois payemens. Il est ajouté que
les acquéreurs prendront à leurs frais des lettres de rati
fication , et q u e , s’il se trouve des oppositions du ch ef
de madame de M on tm orin , elle les fera lever dans les
six semaines ; mais hors ce c a s, elle ni les créanciers ne
seront tenus de garantir, et l’acquéreur n’aura son recours
que contre les créanciers qui auront touché le prix.
A la suite dudit acte on lit une intervention des sieurs
de T an e de Santenas, T ero u ld e, commissaire à terrier;
C hardon, chapelier; L ouis L a isn é , sellier, et T o u ta in ,
tailleur d’h ab its, tous syndics des créanciers de T a n e ,
lesq u els, après avoir pris lecture de la ven te, la con
firm ent et ratifient a u x conditions y exprim ées. Ils font
élection de dom icile chez M- P ern ot-D u plessis, procu^
reur au parlement.
L e jour même de la’ v en te, M . de la R oche-Lam bert
paya la somme particulière de 7812 liv. 10 s ., à T ru ta t,
n otaire; dans les années 1790 et 1791 il versa dans les
mains du même notaire 170644 francs.
E n 1 7 9 1 , les sieur et dame de la R o ch e -L a m b e rt,
voyageant en A lle m a g n e , envoyèrent au sieur de SaintPoney , leur b e a u -frè r e , deux procurations; celle du
sieur de la R oche-L am bert porte pou voir d'em prunter
les sommes nécessaires à ses a ffa ires, g érer, liq u id er,
vendre : elle est passée devant H eidz, notaire à Coblentz,
le 16 octobre 1791.
• L a procuration de la dame de la R oche-Lam bert porte
pou voir & em prunter 60000f t \ pour placer sur C ha d ieu ,
�(7 )
régler compte açec M . T r u t a t , notaire j recevoir ,
donner q u itta n ce, fa ire tous emprunts qiùil jugera bon
être, pour Varrangement des affaires de son m a ri. Cette
seconde procuration est passée devant L u tn e r, notaire à
W o r m s , le 20 octobre 1 7 9 1 ( 1 ) .
E n vertu de ces actes, le sieur de Saint-Poney se crut
autorisé à passer la vente ci-après :
L e 27 novem bre 1791 , par acte reçu C a b a l, notaire
à-Paris , le sieur de Saint-Poney, comme porteur de pro
curations des sieur et dame de la R o c h e -L a m b e rt, et
s’obligeant de faire ratifier dans le mois ( parce qu’il
n ’avoit pas de pou voir de la dame de la R oche-Lam bert ) ,
vendit la terre de Chadieu au sieur Sauzay, banquier à
P a ris, moyennant ôooooo f r . , dont il reçut i2Ôooo fiv
en assignats, et quant aux 376000 fr. r le sieur Sauzay
prom it les payer dans un an a u x sieur et dame de la
R oche-Lam be? t , o u y si bon lu i sem blait, a u x créanciers
desdits sieur et dame de la R o c h e - L a m b e r t , et spé
cialem ent a u x créanciers privilégiés sur ladite terre..
Il est dit ensuite que si au sceau des lettres de ratification
il survient des oppositions du chef des sieur et dame de
la R o ch e-L am b ert, le sieur de Saint-Poney les oblige et
( 1 ) Ces deux procurations répondent déjà aux im putations
injurieuses des créanciers de T a n e , qui ont dit que les sieur et
dam e de la Roche-Lam bert quittoient la F rance en s’occupant
plutôt de se faire des ressources que de payer leurs dettes.
Personne n’ a ignoré que leur prem ière pensée a été de s’o ccu p er
de leurs c ré a n c ie rs, et que tel a été l’ unique objet de la mis
sion donnée à M. de Saint-Poney.
�s’ oblige personnellement de les faire lever sous quinzaine.
E n fin , pour l ’exécution de ladite clause, le sieur de SaintP on ey fait une élection de dom icile à Paris.
L e 4 janvier 17 9 2 , il fut pris des lettres de ratification
sur la vente de 1788 ; elles furent scellées à la charge
des soixante-treize oppositions. Il est essentiel de remar
quer que plusieurs des créanciers de Tane sont opposans
individuellem ent ; mais qu’il n’y a pas d’opposition de la
part des syndics.
L e 22 avril 179 2 , le sieur Sauzay prit des lettres de
ratification sur son acquisition de 1791 ; elles furent frap
pées de huit oppositions, dont l’u n e , du 22 décembre
1 7 9 1 , étoit à la requête des syndics des créanciers de
•Tane.
Dans la même année 17 9 2 , le sieur de la R oche-L am bert fut porté sur la liste des émigrés.
L a dame de la R oche-Lam bert n’a jamais été portée
sur aucune liste.
Sous prétexte d’une loi du 30 octobre 1792, ordonnant
le séquestre des biens des absens du te rrito ire, sans les
désigner encore comme émigrés , le sieur Sauzay fit
déclarer par le curé d’A u tezat, à la m unicipalité du lieu ,
qu’en vertu de sa vente il devoit aux sieur et dame de
la R oche - Lam bert 376000 francs. Mais aussitôt il fit
mention qu’il a voit pris des lettres de ratification, et que
les créanciers opposans aux lettres absorberont le p r ix
et au delà : d’où il conclut qu’il a intérêt de conserver
les deniers ci-dessus, parce qu’ils sont sa sûreté, dès que
la terre -est h y po t h é q u é e . « E n sorte q u e , dit le sieur
a Sauzay, s 'il[fa itfa ir e ladite déclaration, c’est m oins
« à
�(9 )
«
«
«
«
«
«
«
à cause des sommes dont il peut paroître débiteur, et
dont la république ne pourra ja m a is profiter, puisq u elles doivent être absorbées pa r les dits créanciers
hypothécaires opposans a u x lettres de ra tifica tio n ,
que pour donner des preuves de son civ ism e, et empêcher qiüon ne lui fasse des reproches de négligence
ou intelligence. »
Par acte du 25 juillet 17 9 3 , le sieur Sauzay vendit au
sieur Feuillant un pré-verger sis aux M artres, les m ou
lins et fours banaux des M artres, dépendans de la terre
de Chadieu , moyennant la somme de 61100 francs,
payable après l’obtention des lettres de ratification.
L e 7 nivôse an 2, par acte reçu Gabal, notaire à P aris,
le sieur Sauzay vendit le surplus de ladite terre de Chadieu
au sieur W a llie r , Suisse, pour lui ou la personne que
W a llie r se réserva de déclarer dans les six m ois, m oyen
nant 530000 fr. dont W a llie r paya comptant 40000 f r . ,
s’obligea de payer 135000 fr. à Sauzay, après le sceau des
lettres, et enfin à l’égard des
355ooo fr. restans, W a llie r
fut délégué à les payer, so it a u x créanciers de T a n e ,
précédent propriétaire, q u i se sont trouvés o p p o s a n s
A U X L E T T R E S D E R A T I F I C A T I O N PR ISES P A R S A U Z A Y ,
soit afin d'en f a i r e le dépôt et la consignation partout
où besoin se ra , aussitôt après le sceau sans opposition
su r le sieur S a u za y des lettres de ratification à prendre
sur la présente vente.
L e sieur Na tthey dit avoir été subrogé par le sieur W a llie r
à ladite vente, par acte sous seing p rivé du même jour.
Il dit que le directeur de la régie du Puy-de-D ôm e
fit décerner, le 24 ventôse au 2 , une contrainte contre
B
�( ï° )
le sieur S a u za y > pour payer 5ooooo francs par lui dûs
au sieur de la Roche - Lambert eu vertu du contrat de
vente de 179 1, sous prétexta que le vendeur étoit ém igré.
E nsuite, et à la date du 26 floréal un 2 , le sieur
Natthey produit la pièce suivante :
3
cc Je soussigné, receveu r de l’enregistrem ent et des domaines
« au bureau 'de S ain t-A m a n t-T a llen d e, reconnois avoir reçu à
cc titre de dépôt, du G . E tienne-Jean-Louis N a t t h e y , de N y o n ,
cc au canton de Berne en Suisse ( propriétaire de Chadieu ,
,
te suivant la déclaration de com m and en sa faveur par le
■« C. W a llie r , du 7 nivôse d e r n ie r ) , la somme de trois cen t
ce cinquante - cinq m ille livres,, pour servir itant au .nom des
a cit. N atth ey et S a u z a y , qu’en ce lu i du C. Jean-JBaptiste
cc W a llie r , à la libération de Chadieu.
cc D e quoi m ’a été dem andée la présente déclaration , à l’e ffet
cc d’arrêter toutes poursuites et la mainmise nationale sur ledit
cc Chadieu.
ce Saint-A m ant, le 26 floréal an 2. Sig n é M a u g u è . »
Il
p a v o ît q u ’ un a r r ê té du d é p a r t e m e n t , e n l’an 3 ,
annülla la ^vente fa ite au sieur Sauzay, et mit la terre
de Chadieu en séquestre : mais ce séquestre fut levé par
un autre arrêté du 4 vendémiaire an 4 , et la restitution
de fruits fut ordonnée au profit du sieur Natthey.
Dans la même année, un procès eut lieu au tribunal
de la Seine, entre les sieur Natthey et W a llie r, se disant
tous les deux acquéreurs de Sauzay , et se disputant
Chadieu par la voie civile et par la voie criminelle.
Ce procès prouve que le sieur W a llie r avoit voulu 3e
libérer envers les créanciers opposans de Sauzay, et que
le sieur Natthey prenoit pour son compte cette libération :
�( 11 )
il fit des offres à W a llie r , et même une consignation en
mandats. Mais les lois sur la réduction du papier-monnoie
n’étant pas encore rendues, le tribunal de la Seine sus
pendit le p ro cè s, et on en ignore l’issue.
Les créanciers de T an e produisent à ce sujet la pièce sui
vante, tirée des mêmes registres du receveur de St.-Amant.
cc D u i 5 frim aire an
4j
reçu du C . J e a n -M a r ie T 'V a llier,
cc des deniers empruntés de J a q u e ro t, par acte d u ............. la
« somme de 355ooo francs , à valoir sur le prix .du domaine
« acquis par S a u za y , des sieur et dame de la R oche-Lam bert,
ce ém igrés , suivant le contrat du 27 novem bre 1791 ; ladite
« somme de 355ooo fr. payée en une rescription de la trésorerie
cc nationale sur le receveur du district de C lerm o n t, n°. 424, en
ce date du i 5 brum aire dernier ; dont quittance. S ig n é M a u g u e . «
/
Les créanciers ont retiré du même registre la pièce
suivante :
cc D u 26 frimaire an
a de 32851 francs
25
4 »reçu
de Jean-Louis N atbhey la somme
centim es pour les intérêts restans du prix
cc
principal du domaine de C h ad ieu , acquis de la R o ch e L a m -
cc
b e rt, sa fem m e et Saint-Poney, ém igrés, par le sieur Antoine
S au zay, lequel en a fait vente au C. W a llie r , par acte reçu
C a b a l, notaire à P a ris, le 7 nivôse an 2 , lequel W a llie r a
passé déclaration au profit dudit N a tth e y , par acte sous seing
p r iv é , du 7 nivôse an 2 , enregistré à Paris le 17 messidor
cc
cc
cc
ce
an 3 , par P in au lt; ledit payem ent fait en conséquence de la
cc liquidation des intérêts faite par le sieur A lia s , directeur de
cc correspondance à la régie de l’enregistrem ent à Paris , le
cc 12 frim aire présent m ois; et ledit payem ent effectu é en une
cc rescription de la trésorerie nationale sur les domaines d’ém i« g rés, n°. 493 ? e t sous la date dudit jour 12 du présent mois.
cc
« Certifié c o n fo rm e , le 8 vendém iaire an 11. Sig n é
M
B 2
augue
.
»
�( 12 )
L e iei\ nivôse an 4 , Natthey donna un exploit aux
créanciers de T a n e , aux domiciles par eux élus en leur
opposition ; il leur fait sommation en ladite qualité de
créanciers opposans a u x lettres de ratification prises
par Sauzay, de se trouver le i 5 pluviôse suivant .chez
le receveur de Saint-Am ant, pour y recevoir le p rix de
C hadieu. Il est constaté par cet exploit (resté au pouvoir
de Natthey, qui en a donné copie), que Natthey y procède
c o m m e obligé d?a c q u it t e r 376000 fra n cs en ca p ita ly et
3 2 8 5 2 / h en intérêts , tant pour se libérer lui-m êm e 9
que pour libérer le sieur S a u z a y , a in si que les sieur et
dame de la R o ch e -L a m b e rt? premiers acquéreurs j et
il fait la sommation au nom des uns et des autres.
Les créanciers ne se présentèrent p a s; et le sieur
Natthey fit dresser, le i5 pluviôse an 4 , par le receveur
de S ain t-A m an t, la pièce suivante produite par lui.
«
cc
«
cc
« Je soussigné, receveur de l’enregistrem ent et des domaines
au bureau de Saint-Am ant-Tallende, d éclare, d’après le débat
des com ptes qui a eu lieu cejourd’hui entre moi et le cit.
Parades, des Martres , fondé de p o u v o ir d u C. E tie n n e -J e a n L o u is N a tth e y , propriétaire de Chadieu , qu’il a été versé
cc dans ma caisse, tant par ledit Parades qu’en vertu de saisies
cc
tc
cc
cc
cc
te
«
cc
cc
nationales par moi faites avant la levée du séquestre de Chad ieu , la somme de s ix cent d ix - n e u f m ille s ix cent quatre c
là >res quinze sous en l ’acquit d u d it d o m a in e, 'dont quittance
et d éch arge, sauf audit Parades, qui en fait expresse réserve
pour ledit C. N atth ey , de plus ample e x a m e n et apuratiou
desdits com ptes , et de se pourvoir d e v a n t q u i il appartiendra ,
pour la restitution des sommes qu’il prétend avoir payées en
sus des sommes dues p ar led it C. N a tth ey pour la libération
dudit dom aine de Chadieu.
cc Saiut-Am ant-Tallende, le i 5 pluviôse an 4«Signé M a u g u e . »
�'
( I3 )
En marge est écrit :
« Sur 1 invitation du C. Parades , je déclare qu’ aucun des
« créanciers appelés par lui dans son exploit du i er. nivôse der« n ier, n a com paru cejourd ’hui en m on bureau.
« L e i 5 pluviôse an 4 * Sign é M a u g u e . »
Jusqu’ici les créanciers de Tane n’ont form é aucune
demande. Etoit-ce pour attendre la radiation du sieur de
la Roche-Lam bert? Ils veulent qu’on le croie ainsi. Mais
nous voici au sénatus-consulte, du 3 floréal an 10 , et
c’est le moment d’être attentif sur leur prem ière d é
m arche, pour apprendre d’eux lequel des acquéreurs ils
ont considéré comme leur débiteur.
Souvenons-nous qu’en décembre 179.1, les syndics ont
formé opposition aux lettres de ratification prises par
S a u z a y , sur sa vente du 27 novem bre 179 1.
P ar exploit du 11 brumaire an 11 , les syndics des
créanciers de Tane font assigner Sauza y au tribunal de
la Seine, pour leur payer 263980 francs qui leur restent
dûs sur la vente de 1788 ; en conséquence, ils concluent
contre ledit Sauzay, comme obligé à payer ladite somme
de 263980 francs , à ce que la vente ci lu i consentie
le 27 novembre 1791 , soit exécutée , et qu’il soit con
damné audit p a ye m e n t. (C ette pièce est produite par le
sieur Natthey. )
L e 22 pluviôse an 1 1 , Sauzay dénonce cette demande
h Natthey.
A lors Natthey assigne lesdits syndics au tribunal d e Clerm ont, pour voir dire qn’ il est valablement libère au moyen
des versemens par lui laits, et pour être condamnés ù lui
donner m ainlevée de leurs oppositions.
�C »4 )
le
«
«
«
«
«
«
«
L e 7 pluviôse an 1 2 , le tribunal de Clerm ont rend
jugement suivant :
« L e tribunal déclare le demandeur (N atthey) bien et
valablement libéré du p rix de la terre de Chadieu l
en conséquence , fait m ainlevée de l’opposition faite
par les défendeurs (les syndics) au bureau des h yp othèques de C lerm ont, le 2 décem bre; ordonne qu’elle
sera rayée des registres du conservateur, en vertu du
présent jugem ent; condamné les créanciers aux dom mages-intérêts de N atthey, à donner par déclaration. »
E li vertu de ce jugem ent, le sieur Natthey a fait rayer
toutes les oppositions prises par les créanciers de Tane
sur Chadieu. Les syndics n’y ont mis aucun obstacle,
et ont laissé passer quatre autres années sans hostilités.
T o u t d’un co u p , en 1808, ils ont pris une inscription
de 495369 francs aux bureaux d’Issoire , A m bert et C ler
m ont, sur tous les biens appartenans ou ayan t appar
tenu a u x sieur et dame de la R o ch e-L a m b ert, en vertu
de la vente de 1788.
Les sieur et dame de la R och e-L am b ert, instruits de
cette attaque, ont pris de leur côté une inscription sur
le sieur N atthey, pour supplément à la précédente, qu’ils
ont considérée comme frappant sur Chadieu.
Il eût été hors de p ro p o s, jusqu’à p résen t, de dire
que pour verser 170644 francs en 1791 , il avoit été
emprunté pour les sieur et dame de la R oche-Lam bert,
savoir, 44000 francs à la dame de B ourneville, m ère de
madame de la R o ch e-L am b ert, et 30000 francs au sieur
Gabriel de T a n e - S a n t e n a s , représenté par Am édée.
�( x5 )
On a vu que le sieur de S t.-P on cy, vendant à Sauzay,
ne lui laissa pas seulement les 263000 francs dûs aux
créanciers de T.ane, mais encore une somme suffisante
pour rembourser les prêteurs ci-dessus.
E t comme les syndics n’a voient inscrit que pour leur
in térêt, il falloit grever Chadieu du surplus de la somme
laissée entre les mains de Sauzay; c’est pourquoi il a été
pris à la requête des sieur et dame de la R och e-L am bert,
inscription supplémentaire de 112000 fr. sur Chadieu.
Cette inscription supplémentaire a été le prétexte du
procès actuel.
L e sieur N atthey, par exploit du 17 août 1808, a fait
assigner les sieur et dame de la R oche-Lam bert en main
levée de ladite inscription.
L e lendem ain, Am édée de Tane (très-d’accord, comme
on le voit déjà., avec Natthey) a fait un commandement aux
sieur et dame de la R oche-Lam bert de payer les arré
rages de l’em prunt ci-dessus de 30000 francs.
L e 23 du même m ois, il a été présenté requête au
tribunal de C lerm ont, sous le nom des sieur et dame de
la R o c h e - L a m b e r t ; ils ont conclu à la mise en cause des
créanciers de T a n e , et à ce que le sieur Natthey, se disant
lib é r é , fût tenu de fa ir e valoir envers eux ladite libé
ration , sinon .de garantir les sieur et dame de la RocheLam bert. Ils ont co n clu , en conséquence, à la résiliation
des ventes de 17 9* ^ suivantes, et au désistement de
Chadieu. Enfin ils ont conclu contre les créanciers de
Tane à :1a mainlevée de leur inscription, et contre le sieur
A m édée de Tane à la mainlevée du commandement de
�(
i6
)
payer par lu i fait, attendu que N atthey, chargé de payer
tout le m onde, a dit avoir fait juger sa libération valable.
Cette mise en cause a .eu lieu , les demandes ont été
jointes, et la cause a été jugée sur le fond le n juillet
1809.
Par ce ju g em en t, le tribunal de Clerm ont distingue
les intérêts des créanciers de T a n e , d’avec ceux d’A m édée
de Tane. A l’égard des prem iers, il déclare valablement
libérés tant le sieur Natthey que les sieur et dame de la
R och e-L am bert, par suite du jugement non attaqué, du
7 pluviôse an 12 ; en conséquence, il ordonne mainlevée
de leurs inscriptions.
Quant au sieur A m édée de T a n e , il considère la somme
de 30000 fr. prêtée pour déposer chez le notaire T ru ta t,
comme obligation directe et indépendante de l’acquisition
non purgée par les lettres, et il déboute les sieur et dame
de la Roche-Lam bert de leur opposition au commande
ment de p a y e r (1).
I l y a appel de ce ju g e m e n t , tant p a r les héritiers et
créanciers de Tane contre les sieur et dame de la RocheL am bert, que par les sieur et dame de la Roche-Lam bert
contre Natthey et contre le sieur A m édée de Tane. O n a
déjà indiqué en commençant quelles sont les prétentions
des créanciers : elles se réduisent à dire qu’ils ont deux
actions distinctes; l’une contre les acquéreurs de Chadieu,
l’autre contre les sieur et dame de la R o ch e-L a m b ert;
(1) C e jugem ent est transcrit en son en tie r, avec les m otifs,
à la fm du m ém oire des créanciers de T a n e , ce qui a rendu
inutile d’en parler ayec plus de détail.
d’où
�( *7 )
<l’où ils concluent que le jugement de l’an 1 2 , q u i, en
déclarant les acquéreurs libérés, les autorise à faire radier
leurs inscriptions, ne les empêche pas de se faire payer
par les sieur et dame de la Roche-Lam bert.
M O Y E N S .
P o u r suivre cet appel dans toutes ses faces, et pour être
clair, autant que possible, dans une discussion dénaturée
et obscurcie par de fausses applications de prin cipes, il
est nécessaire de séparer les moyens des créanciers de
T a n e d’avec ceux des héritiers de M on tm orin , quoiqu’ils
aient réuni leurs intérêts, sérieusement ou non. O n exa
m inera, en prem ier lieu , s’il est vrai que les créanciers de
T a n e aient, ainsi qu’ils le prétendent, une double action
contre les acquéreurs de Chadieu et contre les sieur et
dame de la R o ch e-L am b ert, et si la libération du sieur
Natthey, jugée valable par jugement du 7 pluviôse an 12 ,
a dû profiter au sieur de la R o ch e-L am b ert.
20. Sur l’appel des héritiers de M ontm orin il s’agira
de savoir s i , au cas où le versement du p rix de Chadieu
seroit jugé être l’effet de la confiscation n ationale, et
n’avoir pas acquitté les créanciers de T a n e , la perte de
ce versement doit être pour les héritiers de madame de
M on tm orin , comme condamnée à m o r t, ou pour le
sieur de la R oche-Lam bert, comme ém igré.
30. Quant à l’appel du sieur de la R o c h e -L a m b e rt
contre le sieur Am édée de T a n e , il y aura lieu d’exam iner
si le sieur Natthey, charge de faire face à. tout, a également
lib éré le sieur de la R oche-Lam bert de cette dette.
C
�( .18)
E n fin , l’appel contre le sieur Natthey donnera lieu à la
question de savoir s i, dans le cas où le sieur de la Roche*
Lam bert seroit condamné à payer des sommes quelconques
aux créanciers délégués ou opposans, le sieur Natthey lui
devra une garantie, et quelle doit en être l’étendue.
A
p p e l
d e s
c r é a n c i e r s
de
T
a n e
.
La prétendue ém igration du sieur de la Roche-Lam bert
est le prem ier texte de la proposition des créanciers d e
T a n e ; ils l’appuyent sur un arrêté du conseil d’état, du
3 floréal an 1 1 , portant que tout créancier d'émigré
non liq u id é, a le droit de retirer ses titres du dépôt na
tional pour poursuivre l’ém igré : ils en concluent qu^
les émigrés sont rentrés avec la charge de leurs obliga
tions personnelles, quoiqu’ils aient perdu les biens soumis
à leurs dettes.
R ien de plus incontestable que ce point de d roit; mais
aussi rien de moins applicable à la cause.
L ’arrêté de l’an n seroit applicable, si Ghadieu.ayant
été vendu nationalement,, le sieur de la R oche-Lam bert
vouloit renvoyer le vendeur ou ses créanciers au gran d
liv r e , pour rechercher le prix versé par l’acquéreur du
gouvernement..
Mais qu’y a-t-il de commun entre cette espèce et celle
où sont les parties? Il faudroit s’obstiner à ne pas réfléchir
pour ne pas y trouver une prodigieuse différence.
i° . La terre de C h ad ieu , qui est le gage de la dette,
et à raison de laquelle le sieur de la Roche-Lam bert a
été débiteur, com me détenteur y n’a point été vendue;
�( r9 )
la nation ne s’en est point emparée : un séquestre aussitôt.,
m is que l e v é , n’a pas em pêché les acquéreurs de rester
propriétaires incommutables depuis 1 7 9 1 , et ils le sont
encore.
Cette terre étoit vendue , li vrée , sortie des mains du
sieur de la R o ch e-L a m b ert, au 27 novem bre 1 7 9 1 , et
le sieur de la R o ch e-L a m b ert n’a été mis sur la liste
des ém igrés qu’en 1792. L a vente ayant une date au
thentique avant le 9 février 179 2, devoit avoir tout son
effet aux termes des lois : la nation n’a pas pu vendre
Chadieu ; et en effet elle ne l’a pas vendu.
20. Dans quelle loi croit-on trouver l’horrible injustice
de rendre les émigrés victimes des évén em en s, lors
q u ’à vant leur départ ils ont mis hors leurs mains l ’im
m euble par eux acquis, et ont transporté sur un nouvel
acquéreur toute la dette dont l’immeuble étoit le 'gage;
lorsque les créanciers ont accepté ce transfert par une
opposition expresse sur la deuxièm e vente ; lo rsq u e ,
suivant toutes les idées reçues, l’acquéreur intermédiaire
étoit dégagé de toute dette ; lorsqu’enfin les choses
n’étoient plus entières depuis 1791 , et n’a voient rien
de commun avec l’ém igration?
30. 11 ne s’agit pas de créanciers d’ém ig ré, q u i, après
avoir eu la nation pour seul o b lig é, parce qu’elle s’étoit
emparée de leur gage, reviennent à leur propre débiteur;
ce sont des créanciers opposansqui changeant leur action,
laissent de côté l’acquéreur qui a pris des lettres, et qui
possède, pour s’adresser à un acquéreur interm édiaire.
Les créanciers de Tan e ont bien senti qu’il falloit
C 2
�C 20 )
prouver , avant t o u t , comment ils avoient une action
directe contre les sieur et dame de la R oche-Lam bert ;
aussi ils débutent par dire rapidement qu’il y a envers
eux engagement personnel de la part des sieur et dame
de la Roche-Lam bert.
Ces créanciers-là ne veulent pas manquer de sûretés;
ils se donnent pour débiteurs solidaires, i° . les héritiers
de M ontm orin ou d e T a n e , comme obligés directement;
2°. le sieur Sauzay, à cause de ses lettres de ratification
ou C h a d ie u , à cause de l’hypothèque ; 30. le sieur de
la R oche-Lam bert, comme délégué envers eux par l’acte
de 1788..
P o u r amener à eux le sieur de la R o ch e-L am b ert,
#
il y a une seule chose à chercher : c’est une délégation.
Car il n’y a pas de délégation parfaite sans novation,
c’est-à-dire, sans l’extinction de la dette du prem ier obligé;
et de même il n’y a pas de novation sans l’intention
form elle de l’opérer. Ce sont là des principes élémentaires.
O r , qu’on lise et relise le contrat de vente de 1788,
on n’y verra pas même Papparence d’une novation ; au
\
contraire,, madame de M ontm orin reste débitrice des
créanciers de son frère. Ils se gardent bien de lui donner
quittance des 376000 fr. que payeront les acquéreurs de
C h ad ieu; ils conservent sans le moindre- doute-le droit
de s’adresser à. madame de M ontm orin ; et cela est si
bien p ro u v é , que nous voyons dans l’inscription du 11
janvier i8 o8 ‘, et en la C o u r, les dames de la L u zern e ,
héritières de M ontm orin , se r é u n ir aux créanciers de
Tane pour attaquer le sieur la R oche-Lam bert, à cause
de Tintérêt qu’i l a ù ne pas payer lui-mêm e.
�( 21 )
Si les dames de la- Luzerne n’étoient pas restées débi
trices envers les créanciers de T an e , elles ne seraient
pas là pour fa ir e valoir la vente ; elles n’auroient pas à
s’inquiéter s’ils seront payés des 376000 francs ; car l’acte
de 1788 leur vaudroit quittance de cette som m e, s’il y
avoit eu une réelle délégation qui rendît les sieur et
dame de la R oche-Lam bert débiteurs personnels, comme
délégués envers les créanciers*
M a is, d it-o n , les créanciers sont parties en Facte
1788. D on c il y a délégation et obligation directe
personnelle des sieur et dame de la R oche-Lam bert ;
l ’ont même exécutée en partie par leurs payemeus
de
et
ils
do
170644 francs.
Il est vrai que les syndics des créanciers de Tane sont
intervenus à la fin de Facte de 178 8 , pour ratifier et
c o n fir m e r la vente. Mais pourquoi se dissimuler les motifs
d e cette in terven tion , commandée par d’autres circons
tances.
Madame de M oütm orin étoit héritière1 bénéficiaire ;
elle habitoit Paris.
L a c o u tu m e de P a r is ne permet à l’héritier bénéfi
ciaire de vendre les meubles même de la succession,
sans les formalités judiciaires, auxquelles les créanciers
connus doivent être appelés. Cette coutume est muette
sur les immeubles; mais l’article 343 de celle d’Orléans,
plus n o u v e lle m e n t réfo rm ée, en est le supplém ent; et
s u iv a n t la ju ris p ru d e n c e constante à P a iis5 aucun héritier
bénéficiaire ne peut vendre les immeubles sans appeler
les créanciers.
�22)
A in s i, pour la solidité de l’acte de 178 8 , il falloit
leur concours. On eût bien pu faire valoir qu’ils avoient
coopéré aux affiches ; mais n’étoit-il pas plus sage de
leur faire approuver la vente, pour la sûreté de l’acqué
re u r, pour éviter des enchères et d’autres contestations',
q u i , bonnes ou m auvaises, ne sont que trop souvent
suggérées à des masses de créanciers ? Il étoit donc pru
dent ici d’avoir leur approbation; mais qu’avoit-elle de
commun à une délégation , lorsque ces créanciers, en
faisant une simple ratification in fo r m a com m uni d’un
acte qui ne contenoit qu’une indication de payem ent,
11e disoient pas dans leur intervention qu’ils acceptaient
l ’engagement des sieur et dame la R oche-Lam bert , et
qu’ils éteignoient celui de madame de M ontm orin ?
Ce n’étoit donc que pour lever une difficulté, et pour
la sûreté de la ven te, que les créanciers intervenoient";
mais point du tout pour une délégation qu’il ne faut
pas sous-entendre, et qu’on ne peut placer là sans cho
quer la loi elle-même. Q uœ dubitationis tollendœ causâ
in contractibus inseruntur, ju s com m une non lœdunt.
(
Quant aux payemens postérieurs faits par les sieur et
dame de la R oche-Lam bert aux créanciers, c’est encore
vouloir forcer le sens des choses les plus simples, que
d’y trouver une preuve de délégation parfaite et d’en
gagement personnel.
« P ou r qu’il y ait délégation (dit M . Pothier, n°. 564),
« il faut que la volonté du c r é a n c ie r de décharger le
« premier d éb iteur, et de se contenter de Vobligation
« de ce nouveau débiteur qui s’oblige envers lui à la
�< *3 )
« place du p rem ier, soit bien m arquée. C ’est pourquoi
« si P ierre, l’un des héritiers, pour se décharger d’une
« rente envers m o i, a , par un partage, chargé Jacques,
c< son cohéritier, de me la payer à sa décharge , il. riy aura
« pas de délégation, et Pierre ne sera pas déchargé envers
« m o i, si je ri*a i par q uel qu'acte déclaré fo rm ellem en t
« que je déchargeois P ierre : sans c e la , quoique j’aie
« reçu de Jacques seul les arrérages pendant un temps
« considérable, on rien pourra pas conclure que je Taie
« accepté pour mon seul débiteur à la place de P ie r r e 9
« et que j'a ie déchargé P ie r r e . L . 40, g. 2, ff. D e pact. »
Effaçons donc de cette cause que les sieur et dame
4 e la R oche-Lam bert ont contracté une obligation pertonnelle envers les créanciers de Tan e , sous prétexte
d’une délégation qui n’existe pas, et substituons-y qu’ils
ont contracté , com m e acquéreurs E T d é t e n t e u r s ,
l ’obligation de payer 375000 fr. pour le p rix de la terre
de Chadieu.
Q ue va -t-il en résulter ? R ien que de fort ordinaire ;
c’est que s’il y a eu ensuite des lettres de ratification, les
créanciers opposans auront une action sur le p r ix , et
n’en auront plus contre l’acquéreur personnellem ent.
Quand il y auroit eu délégation parfaite, elle seroit
anéantie par ces lettres de ratification qui ont opéré un
nouveau contrat entre l’acquéreur et les opposans, lequel*
contrat détruiroit absolument toute délégation anté
rieure \ c^r les conventions particulières de la vente-
�( 24 )
doivent cesser absolument pour faire place à celles que
la loi d ic te , et dont elle ordonne l’exécution.
L e résultat des lettres de ratification prises par le sieur
de la R o ch e-L a m b ert, sur la vente de 1788, devoit être
une procédure d’ ordre entre les soixante-treize créanciers
opposans.
Ce n’est pas ce qu’ont fait les créanciers de T a n e ; ils
ont commencé l’attaque par une inscription sur les biens
personnels du sieur de la Roche-Lam bert.
S’ils n’ont pas ouvert un ordre contre le sieur de la
R oche-Lam bert, e ’est qu’en effet ils ne le pouvoient pas;
car, i° . les syndics n’ont pas form é opposition aux lettres
de ratification prises par les sieur et dame de la R och eLam bert , sur la vente de 178 8 , mais seulement à la
vente faite au-sieur Sauzay le 27 novem bre 1791.
A in si ils ont transporté leur action en payement sur
le sieur S au zay, et ont laissé aux créanciers opposans
sur la vente de 1788, le droit exclusif d’attaquer les sieur
et dame de la R oche-Lam bert.
Ils së sont jugés eux-m êm es sur ce p o in t, par leur
exploit donné à Sauzay en l’an 4 , précisément parce qu’il
étoit obligé envers eux par ces lettres de ratification.
2°. Les lois invoquées par les créanciers , sur Immi
gration , prouvent qu’il 11’y avoit plus lieu à un ord re,
si un ém igré étoit débiteur, parce que le gouvernem ent,
dans ce c a s , forçoit la consignation en ses mains pour
distribuer les deniers lui-même.
3°. Les créanciers pouvoient encore moins ou vrir un
ordre contre le sieur do la R o c h e -L a m b e rt, après le
jugement
�(
25
)
jugement du 7 pluviôse an 1 2 , qui est rendu par suite
de leur provocation contre Sauzay. N atthey, son garant,
a répondu à leur demande ^n faisant juger qu’il avoit
payé valablement.
Les créanciers de Tarie se croient dispensés de tou t,
quand ils disent que cette chose jugée est un p iè g e , et
qu’ils ne veulent pas y tomber. Ils en sont les maîtres:
mais ce jugement est contr’eux; il n’est chose jugée pour
aucune autre personne.
'
L ’idée la plus bizarre des créanciers est de renvoyer
ce jugement à dém êler au sieur de la R och e-L am b ert,
qui n’y est pas partie, afin, disent-ils, de le faire réform er,
parce qu’on n’a pas pu valider une consignation faite sans
offres, sans permission de justice, sans appeler les créan
ciers, et faite surtout chez un receveur d’enregistrement.
Ils en concluent que ce versement est pour un ém igré,
et nullement pour libération envers eux.
Si les sieur et dame de la R oche-Lam bert avoient à
prouver sérieusement et nécessairement.que la somme
versée par le sieur Natthey a été pour le compte des
créanciers opposans, ils le prouveraient aisém ent, sans
rien contester des lois même qu’on leur oppose.
Il s’agit en ce point d’ une vérité de ré v o lu tio n , où il
ne seroit pas prudent de s’abandonner à ses propres
forces. P ou r être m ieux é co u té, en cherchant le sens
de quelques lois de circonstance que le législateur ne
nous a pas données comme ratio scr ip ta , il est plus
convenable d’emprunter le langage littéral d une autorité
prépondérante.
D
�c 76 )
L es créanciers de T a n e , en citant beaucoup d’arrêts/
ont prévu qu’on pourroit leur opposer celui rendu en
la C o u r de cassation entre les héritiers Lecom te et la
dame Bélanger; ils l’ont brièvem ent réfu té} en disant que
l ’espèce ne s’appliquoit pas à la cause.
Ils ont eu rigoureusement raison ; car quoique dans
cet arrêt il fût question d’une somme versée à la régie
par l ’acquéreur d’un bien de condam né, après des lettres
de ratification , les créanciers n’avoient de procès que
contre l’acquéreur qui avoit payé ; en sorte que minu
tieusement on peut bien dire que l’espèce n’est pas mot
pour m ot la même.
Mais ce n’est pas dans les motifs de l’arrêt que
nous puiserons des moyens j c’est dans le plaidoyer de
M . M e rlin , qui y a discuté avec sa profondeur ordi
naire le sens des lois qui ont obligé les débiteurs des
condamnés et des ém igrés à verser les sommes par eux
dues, à la régie de Venregistrement. Dans cette discus
sion , ce. magistrat n ’omet pas d’examiner aussi quel doit
être Veffet de ce versem ent, et pour q u i il est présumé
être fait. V o ici en peu de mots l’espèce de cet arrêt.
M . d’O rm esson , vendeur d’une ferme moyennant
425ooo fr. ? avoit reçu 340000 fr. ; il fut condamné à
m o rt, et la régie se fit payer 89904 fr. restans sur le
p rix de la vente.
A p rès la loi qui restitue les biens aux héritiers, la
dame B élan ger, acquéreur, prit des lettres de ratifica
tion. Les héritiers L ecom te, créanciers opposans, pour
suivirent le payement du prix, L a dame Bélanger se pré-
�( >7 )
iendit libérée m algré l’opp osition , et soutint que le
créancier n’avoit d’action que contre le trésor public ,
parce qu’ayant versé le prix de sa vente, comme y étant
obligée à cause.de la condamnation de son vendeur et la
confiscation de ses biens, son versement étoit pour le
compte des a yan t d r o it, et par conséquent des créan
ciers hypothécaires, en même temps que pour le compte
du vendeur.
C ’est pour examiner cette prétention que M . M erlin
discute; et nous allons voir qu’il l’adopte entièrement.
« Si au lieu de payer aux héritiers Lecom te (créanciers)
« le moatant de leur créance, la dame Bélanger l’eût
« payé à un tiers autorisé à recevoir p ou r eu x ( i ), leur
•« hypothèque se seroit éteinte ni plus ni moins que par
« un payement fait à eu x-m êm es... . . .
c< Q u e re ste -t-il à exam iner? Un seul point, celui de
-« s a v o ir si en effet les héritiers Lecom te o n t , par les
« m ains $ un tie r s , touché après la m ort du citoyen
cc d’Orm esson, ce qui leur étoit dû par la dame Bélanger.
cc (A rtic le 14 de la loi du 8 avril 1792. Les débicc teurs des ém igrés, à quelque titre que ce soit, ne
cc pourront se libérer valablement qu’en payant h 1$
,c< caisse du séquestre. )
« C ’est donc par forme de séquestre, que la nation
cc va recevoir les sommes dues aux émigrés. La nation
« ne les recevra donc pas précisément pour son compte
,« personnel,* elle les recevra pour le compte de ceux q u it
(i) Ces mots sont aussi en lettres italiques dans le plaidoyer
de M. M e rlin ; ils sont conform es à la r t. 1 ^ 9 du Code c iv il/
D 2
�'
( 28)
«
«
«
«
pourront y avoir droit ; elles les recevra par conséquent pour les remettre a u x créanciers que les émigrés
peuvent avoir laissés en F ran ce, sauf à en retenir le
restant à son p ro fit, s’il y a lieu..,. . . .
« (A rtic le 17. Les sommes déclarées en vertu des
c< articles précéd en s.. . . seront versées.. . , dans la caisse
« des receveurs de l’enregistrem ent, et ce nonobstant
« toutes oppositions de la part des créanciers de chaque
« é m ig ré , et sans y préjudiciel'. )
« V o ilà qui confirme , qui développe bien clairement
' « les conséquences que nous tirions tout à l ’heure de l ’ar« ticle 14 de la loi du 8 ‘.avril 1792. L e s oppositions des
« créanciers d’un émigré ne peuvent ni em pêcher ni
« dispenser son débiteur de verser à la caisse du rece« veur de l’enregistrement le montant de ce qu'il d o it,
« mais ces oppositions n’en souffriront point pour cela :
« elles tiendront sur la som m e que le receveur de Ven« registrement aura touchée. P reuve évidente et sans
„« réplique que le receveur de Venregistrement touche
« pour le compte des créanciers opposans ; p r e u v e évi
te dente et sans réplique que les créanciers opposajis
« sont censés recevoir par les m ains du receveur de
« Tenregistrement j preuve évidente et sans rép liq u e,
« enfin, que le débiteur, en se libérant entre les mains
« du receveur de l’enregistrement, est censé p a y e r , non
« pas seulement à la république, m ais encore a u x créan« ciers même opposans. » Questions de d ro it, tome 5 ,
y 0. Lettres de ratification.
Il faut rem arquer maintenant que c’est dans ce sens
que la question avoit été déjà jugée. Les créanciers d’O r-
�^
( 29 )
messon n’avoiënt été autorisés à attaquer l’acquéreur qu'en
cas d?insuffisance des deniers versés, et le recours n’étoit
ouvert contre la succession d!Ormesson qu’au même cas
d’insufiisance. L e pourvoi des créanciers fut rejeté.
Les conséquences de ce qu’on vient de lire sont toute
la défense du sieur de la Roche-Lam bert ; elles prouvent
que les créanciers de Tane ne se sont fait une cause qu’en
dénaturant jusqu’aux faits,' et en jouant sur les mots.
' Quand ils ont poursuivi Sauzaÿ pour les payer comme
leur d ébiteur, N atthey, son garan t, a fait juger contre
e u x qu’il étoit valablement libéré par deux quittances
de l’an 2 et de l’an 4. Ces expressions ont paru équivo
ques aux créanciers; ils ont dit qu’il ne s’ensuivoit pas
la preuve d’un p ayem ent, mais plutôt d’un versement
pour un ém igré.
Il falloit bien le dire ainsi pour s’emparer de l ’arrêté
du 3 floréal an 1 1 , qui ne se rapporte qu’aux créanciers
d’ém igré qui n’ont pas provoqué leur liquidation , et à
l’égard desquels il n’y a pas eu de payem ent. ?
Disons donc avec M . M erlin que si Natthey a payé
•le prix de C h ad ieu, soit en l’an 2 , soit en l’an 4 , ce n ’est
pas pour le sieur de la Roche-Lam bert qui n’avoit aucun
drçit à ce p r ix , mais pour les créanciers hypothécaires.
- A in si, quand les créanciers de Tane pourraient s’em
parer des lois d’émigration qui ne les regardent pas, il
est bien prouvé qu’ils n’y gagneroient rien', puisqu’aux
termes des lois on a versé pour eu x : par conséquent
ils sont payés; e t, ne craignons pas de ré p é te r, 1’arrçté
�( 3° )
du 3 floréal an n , . l a seule loi de leur système, ne-se
rapporte nullement à eux.
D e là est venu cet embrouillement de cause, de moyens
et de procédure. Il falloit se faire une qualité qu’on n’a
pas, épouvanter par une inscription de ôooooo francs,,
et bien se garder de'com m encer rune attaque d irecte,
pour mettre le prétendu débiteur dans un plus grand
embarras. ,
’
*
Mais qui a autorisé', on le ré p è te , les créanciers de
T an e à prendre cette inscription? car il faut avoir un
titre exprès et portant obligation directe de la part d’un
in dividu, pour ¡^rendre inscription sur ses biens. E t certes
ces créanciers qui n’en avoient pas en 1791 contre le
sieur de la R o c h e -L a m b e rt, en avoient encore moins
en 1808.
: t
A
ppel
des
h é r i t i e r s
de
M
o n t m o r i n
.
leur égard , il n’est pas.douteux qu’une obligation
personnelle de la part: des sieur et dame de lu R ocheLam bert a existé.
'
-
i
A
M ais existe-t-elle encore après des lettres de ratification
et un versement jugé valable? C ’est ce qu’il est difficile
d’adopter.
-'iL e s héritiers de M ontm orin n’auroient une action di
recte que dans trois cas qui doivent c o n c o u r ir .
L e p rem ier, en rapportant le consentement exprès
des créanciers opposans aux deux lettres de ratification.
L e sbçond,' en prouvant que les acquéreurs postérieurs,
�( 31 )
chargés de payer en l’acquit du sieur delà Roche-Lam bert,
n ’ont pas payé.
L e troisièm e, en prouvant encore que la perte des
versemeus faits p our la libération de Chadieu doit être
plutôt pour le sieur de la R oche-L am bert, à cause de son
ém igration, que pour les héritiers de madame de M ontr
m o rin , à cause de sa condamnation révolutionnaire.
V o ilà ce que devoient justifier, les héritiers de Mônt>
m orin, au lieu de se jeter dans les questions de savoir si
les versemens ont dû être faits avec ou sans des offres ^
avec ou sans permission de la justice, et si après les lettres
de ratification, et même après le 23 septembre 17 9 3 ,
c’étoit encore chez le notaire Xrutat que les deniers de
voient être versés, comme on ne s’est pas fait un scrupule
de le soutenir.
4
;
/
C e p e n d a n t les héritiers de M ontm orin ont fait une
inscription, non sur Chadieu dont ils ne veulent pas,
mais sur les biens particuliers du sieur de la R ocheLam bert. En avoient-ils le d ro it?
•
v
• D ’abord ils’ ne rapportent ni m ain levée, : ni consen
tement des créanciers opposans : ce seroit cependant chose
de prem ière n é c e s s ité , quand il n ÿ auroit pas .d’autre
o b sta cle .
::
:
:
En second lieu , comment prouvent-ils que les acqué*
reurs postérieurs n’ont pas p a y é ? ,
,
T o u t ce qu’on vient de dire prouve avec évidence une
libération.
Les sieur et dame de la R oche-Lam bert ont acheté
d’eux et se sont engagés à payer le p r ix , soit à T ru ta t,
�(
3*
)
soîï aux créanciers, à déléguer dans le cours de deux
années.
Ensuite Chadieu a été vendu à S au zay, à qui on a
laissé l’option de payer 375000 f r . , soit aux vendeurs,
soit aux créanciers, et spécialement a u x créanciers p ri
vilégiés sur la terre.
•
On ne peut pas tirer parti de cette option, car le sieur
de la R oclie-L am bert n’a rien touché de ces 376000 fr.
laissés dans les mains de son acquéreur pour faire face à
tout ; et le sieur Sauzay ayant mis son contrat au bureau
des h ypoth èques, a contracté Vobligation directe envers
les mêmes créa n ciers, de payer les 376000 francs.
• Ce contrat judiciaire résultant des le tt r e s e ffa c e l’al
ternative : c’est donc comme si la vente de 1791 contenoit
indication expresse de payer 376000 fr. a u x créanciers
privilégiés seulem ent.
A son to u r, le sieur Sauzay vend au sieur W a llie r ;
et il a si bien entendu que les oppositions formées à ses
lettres, par le syndic des créanciers d e T a n e , l’ont obligé
de ne payer qu’à eux , qu’il délègue W a llie r ou Natthey
à paj^er 355ooo fr. a u x créanciers de T a n e , opposans
a u x lettres de ratification.
Celui-ci appelle les créanciers en nivôse an 4 , pour
payer.en leur présence, se disant obligé de les payer.
Il les assigne comme opposans aux lettres de Sauzay, et
aux domiciles élus par leurs oppositions. Il procède tant
en son nom qiCau nom des prem iers acquéreurs : c’est
en cette qualité qu’ il verse le prix de sa vente.
; Ensuite il les assigne, et fait juger contre e u x y en qua
lité de créanciers de Tane> c£tv il est libéré.
Et
�( 33 )
E t on appelle ce jugement res inter alios acta. On
dit qu’il ne s’agissoit de faire juger le versement valable
que dans l’ intérêt d’un é m ig ré , parce qu’il est question
de lui dans les dires du sieur Nattliey. M ais, i° . il est
aussi question des héritiers de M ontm orin et de la 'con
fiscation de leurs biens ; car Nattliey’, qui clierchoit à
consolider sa lib ératio n , ne manquoit pas de justifier dé
son m ieux son versem en t, par le narré de toutes les
circonstances qui pouvoient la rendre meilleure.
2°. Ce qui prouve que ce jugement n’étoit pas contre
l’ém igré plutôt que contre un autre, c’est que cet ém igré
n’est ni p a rtie , ni appelé à ce jugement dont on veut
lui appliquer tout l’effet.
O r , vit-on jamais de plus inconcevable système, nonseulement en matière de chose ju g é e , mais encore en
matière d’hypothèque et de lettres de ratification ?
D ’un cô té, ce sont des créanciers opposans qui veulent
n’avoir plus rien de com m un, ni avec celui qui a obtenu
les lettres, ni avec son mandataire, chargé de le libérer
envers ces mêmes créanciers opposans, et qui ne veulent
s’adresser qu’au prem ier acquéreur, après avoir laissé
juger contre eu x la validité de la libération suivie de la
mainlevée de leurs oppositions; mainlevée qui lève toutes
les équivoques sur Veffet du payem ent.
D ’un autre côté, ce sont les héritiers du vendeur q u i,
après une libération jugée v a la b le, et une mainlevée
des oppositions, ont la bonté de se réunir spontanément
avec les créanciers d’une succession bénéficiaire , pour
demander qu’on annulle cette libération sans attaquer
la jugement.
E
�( 34, )
N ’est-ce pas un abus du raisonnement que de soutenir *
de tels paradoxes? Si mon acquéreur-chargé de vous
p n y e r a fait juger contre vous qu’ i l avoit valablement
p a yé y qui pourra d ire , sans choquer le bon sens, que
•je n’aiipas payé m oi-m êm e, et que je reste débiteur?
A II devient donc bien inutile de rechercher si le verse
ment a pu être fait comme il l’a été , quelle étoit la
caisse ou il falloit verser, et s’il y avoit suspension des
remboursemens ; car re - judicata pro veritate habetur,
un payement qui auroit été fait en assignats, après leur
suppression, seroit certainement réputé être en trèsbonne m onnoie, si un jugement l’avoit'dit : n u l n ’auroit
le droit de parler des vices d’une telle libéi’ation , tant
que ce jugement ne seroit pas attaqué.
S’il s’agissoit néanmoins d’examiner la jurisprudence
qu’on a p r é te n d u si constante sur la défense des lois de
c o n s ig n e r sans o ffres p ré a la b le s , et sans appeler les
créanciers, il se trouveroit à côté des c ita tio n s n o m
breuses faites par les adversaires, d’autres citations plus
applicables et plus précises sur la matière des consigna
tions fo rcé es, après des lettres de ratification.
Mais à quoi serviroit cette surabondance de doctrine
et de dissertation, si ce n’est à grossir un écrit de choses
inutiles , puisque les créanciers et les héritiers de Tane
ne veulent rien discuter de tout cela avec le mandataire
de Sauzay, chargé de faire face à, leurs oppositions,
qu’au contraire ils passent condamnation sur la validité
de son payement.
E t ; chose étoïlnante, ce que les adversaires ne pou-
�( 35 )
voient opposer que sur le procès de Pan 1 2 , et à Natthey,
ils l’ont réservé pour les sieur et dame de' la Roche-,
L am b ert, après avoir, laissé juger que le payement étoit
régulier.
S’il n’y avoit pas de collusion eçtre les, héritiers et les
créanciers, est-ce que les héritiers de M ontm orin ( qui
après les oppositions aux lettres ne sont plus que les
cautions du payement ) n’opposeroient pas aux créanciers
l ’exception cedendarum actionum , et ne leur diroient
pas que s’il leur a plu de laisser juger que leur gage
étoit perd u , et s’ils’ne sont pas en état de subroger à leurs
hypothèques, ils n’ont plus de recours à exercer.
S’il n’y avoit pas collusion encore entre les créanciers et
N atthey, qu’ils expliquent donc pou rquoi, se disant aussi
certains de la nullité de ses consignations, ils craignent
de s’adresser à lui ou à Sauzay, qui par'ses lettres de ra
tification a contracté l’obligation de payer aux créanciers
privilégiés 375000 fr. ; pourquoi iis paroissent regarder
ses versemens de Tan 2 et de l’an 4 comme un chiffon
inform e, sans le prouver, s’ils en savent si bien le secret?
Mais l’exception que ne veulent pas opposer les héri
tiers d e T a n e , le sieur de la R oche-Lam bert le fera , et
il en a le pouvoir. On ne peut le forcer de payer sans
qu’il ait le droit d’opposer aux créanciers de Tane que
s’ils ne font pas tomber le jugement de l’an 1 2 , et s’ils
ne remettent pas les parties au même état où elles étoient
avant ledit jugem ent, ils ont perdu tout- recours contre
lu i; car il est d’une épouvantable injustice qu’on puisse
E a
�C 36 ) •
lu i'd ire : « V ou s avez acheté Chadieu , et vous l ’avez
»■
‘ revendu à la charge de nous payer; nous avons accepté
« cette charge par une opposition. Maintenant nous ne
« pouvons vous subroger ni à nos droits sur Chadieu ,
« ni à nos droits sur le prix ; et cependant nous voulons
* être-payé par v o u s, qui ne le serez par personne, et
« qui n’aurez ni la chose ni le prix. »
Quelque atroce que soit ce système, on ne rougit pas
de le sou ten ir, 011 le trouve au contraire fort équitable;
on se passionne même au point de dire que M i de la
Roche-Lam bert manque à ses devoirs lorsqu’il n’est pas
du même avis. A la vérité ce -n’est ni dans Condillac ni
dans Puffendorff qu’on va puiser pour justifier l’équité
mathématique de ce raisonnem ent; c’est seulement dans
les lois sur les ém igrés, qu’on a prétendu trouver la preuve
que res périt domino signifie, en langage de révo lu tio n ,
que le prix d’un immeuble dû à'des créanciers opposans,
pour une vente antérieure à toute émigration , a péri
p ou r Témigré,
.
Pourquoi ajouter,à la dureté des lois jrévolutionaires,
quand elles ne sont pas coupables de cettei subversion de
tous les principes ?
Les lois de 1792 ordonnèrent le séquestre des biens
des ém igrés, et chargèrent la régie de l’enregistrement
de ce séquestre; elles ordonnèrent a u x débiteurs des
émigrés de verser dans la caisse de ce séquestre.
Mais - qu’y a-t-il de c o m m u n entre Chadieu vendu à
Sauzay par acte n otarié, en 1 7 9 1 , et un bien d'ém igré?
Qu’y a-t-il de commun entre un acquéreur non émigré^
'
�( 37 )
qui par des lettres de ratification a form é un contrat ju
diciaire avec des opposans non ém ig rés, et des débiteurs
d’émigrés ?
Mais admettons en toute hum ilité qu’ un républicole n’a
dû souffrir de rien,* et que tout le sacrifice doit tom ber
sur le proscrit, n’y a-t-il pas lieu de s’étonner que les
héritiers de M ontm orin soient ici à l’unisson avec les
créanciers de Tan e , pour dire que rémigré seul doit
perdre le versement ?
■Si la Cour, partageant l’opinion des adversaires, quoi
qu’à notre sens elle déplace toutes les idées, jugeoit que
N atthey,. quatrième débiteur, ayant payé la dette de
Sauzay, troisième débiteur, n’a pas libéré les sieur et
dame de la Roche - Lam bert , seconds débiteurs, il
faudra b ien , pour être conséquent, arriver jusqu’aux
héritiers de M on tm orin , premiers débiteurs, et dire que
le moins qui puisse résulter de ce cahos, c’est que cette
dette a subsisté concurremment sur ces deux derniers.
Mais si M . de la Roche-Lam bert a été sur la liste des
émigrés , madame de M ontm orin a été condamnée révolutionnairement : ainsi les lois sont les mêmes pour les
deux circonstances.
L ’article I er. de la loi du 26 frim aire an 2 , dit que les
biens des condamnés devoient être régis et liq u id és, et
vendus comme les biens des émigrés.
L a seule réponse qu’on ait pu faire à cette observa
tio n , a été de dire que madame de M ontm orin fut con
damnée le 20 floréal an 2 , et que la nouvelle n’a pu
�( 3 8 }
arriver en Suisse assez tôt pour que Natthey revînt en
A u verg n e consigner le 26.
Cette réponse est-elle bien sérieuse contre celui qui
prend la chose en l’état 011 il la tro u ve, lorsque surtout
on sait fort bien que ce n’est pas le N atth ey, de N y o n ;
qui a consigné à Sain t-A m an t?
Que l’on dispute tant qu’on voudra contre le sieur
N atth ey, sur la vraisemblance de ses versem ens, sur
leurs dates et leur réalité; tant qu’il y a quittance et juge
ment de libération, le sieur de la Roche-Lam bert profite
du payement fait par son mandataire, qui ne peut être
libéré sans que le mandant le soit.
Si malgré cette évidence de libération il falloit en venir
à imputer sur q u e lq u ’ u n la perte de ses versem ens, il
est évident que ce ne peut êtrer sur celui à q u i il aurait
p ro fité, c’e s t - à - d i r e , aux héritiers de Tane , comme
vendeurs de la terre, comme propriétaires du p r ix , puis
qu’ils étoient propriétaires de Chadieu juqu’au payement.
Il n’y a en effet aucune raison de p r é f é r e r pour la
perte, les sieur et dame de la R o c h e -L a m b e r t, et de
s’arrêter à eux plutôt qu’à Sauzay ou W a llie r ; il y auroit
à cela une inconséquence tout arbitraire ; car il faut
opter entre le vendeur oli l’acquéreur, dont les lettres
sont grevées d’oppositions : l’un est le débiteur'personnel,
et l’autre le débiteur hypothécaire.
Les acquéreurs intermédiaires n’ont contracté qu’une
obligation transitoire : à aucun titre le principe res périt
domino ne peut être pour eux.
Car la terre n’étant pas à e u x , la somme consignée
�( 39 )
n’etoit pas pour eux. Q u’elle ait été versée pour-les'hé
ritiers de M ontm orin ou pour les créanciers de Tane,.
c est toujours aux héritiers de M^ontmonn que lu somme
devoit profiter, puisqu’elle étoit destinée à payer leurs
dettes.
Comment donc a-t-on pu espérer de prouver qu’une
somme devoit périr pour les sieur et dame de la R ocheL a m b e r t, qui n’étoient propriétaires ' de cette somme
à aucun titre et en aucune q u alité, pas plus qu’ils ne
l ’étoient de Chadieu ?
Il faut conclure plutôt que si la libération de Natthey
n’a profité qu’à lui seul et n’a eu lieu qu’à cause du sé
questre national, c’est le vendeur séquestré qui se retrouve
passible de sa dette, et non l’acquéreur, qui ne s’est obligé
que comme détenteur, et qui a donné pouvoir à un tiers
de verser pour lui.
Cum jussu meo id quod m ih i debes sohns creditori
m e o , et tu à me et ego à creditore meo liberoi\ L . 6 4 ,
ff. D e solutionibus.
S o u v e n o n s -n o u s e n c o r e q u e M . M e r lin a p r o u v é q u ’ u n
v e r s e m e n t fa it à la caisse d u s é q u e s tr e , é to it ce n sé ê tre
fa it a u x créa n ciers , et q u e c ’est a b s o lu m e n t c o m m e si
ces c ré a n c ie rs a v o ie n t e u x -m ê m e s re ç u et d o n n é q u itta n c e .
T o u t ce qu’il a dit se rapporte parfaitement aux hé
ritiers de M ontm orin, qui viennent se présenter comme
ayant été créanciers de l’émigré pour lequel ils assurent
que la somme étoit versée.
U n autre moyen s’applique1 encore aux héritiers de-
�C 4®)
M ontm orin ; c’est que leur système de se dire créanciers
d’un ém igré , conduit à remarquer que c’est la nation
qui les a représentés l’un et l’autre depuis le 20 floréal
an 2 , jusqu’au 21 prairial an 3 , époque de la resti
tution des biens aux condamnés.
O r, la nation auroit été débitrice et créancière du prix
de Chadieu : donc il y a extinction de la dette par con
fusion. (C o d e c iv il, art. 1300. Sénatus-consulte, du 6
floréal an 1 0 , art 17. )
A in s i, et dans toutes les hypothèses, les héritiers de
M ontm orin sont payés par N a tth e y , ou n’ont de recours
que contre Natthey ou Sauzay. Ils ne s’appliqueront pas
l’arrêté du 3 floréal an 11 , pour revenir de la nation à
l’ém ig ré, puisque la nation les a traités de m êm e, et
leur a rendu leurs droits ut ex nunc. V o ilà , n’en dou
tons pas , ce qui est dém ontré jusqu’à l’évidence.
A
ppel
contre
le
sieur
A
m édée
de
T
an e
.
L e jugement de Clerm ont n’est pas conséquent dans
ses dispositions : il juge d’abord que le versement fait
par le sieur Natthey a éteint les délégations dont Sauzay
avoit chargé W a llie r ; et cependant il condamne les sieur
et dame de la Roclie-Lam bert à payer la créance du sieur
A m édée de T a n e , qui prétend représenter pour le tout
le sieur de Santenas, prêteur de 30000 francs.
S’il est jugé que Natthey a valablement payé le prix
entier de sa v e n te , il est constant que le sieur Santenas
n’a plus d’action ; car le sieur de la R oche-Lam bert a
laissé
�(4 0
laissé entre les mains de Sauzay une somme suffisante
pour payer tout le p rix par eux d û , c’e s t - à - d i r e ,
375000 fr. , quoiqu ils eussent payé déjà 170644 fr. :
à son tour, Sauzay a laissé à Natthey une somme suffisante
pour désintéresser les ayant droit de ses vendeurs.
A u reste, il suffit de renvoyer sur cet appel à ce qui
a été déjà d it, et de se réserver contre Natthey la ga
rantie que le tribunal de Clerm ont n’a pas voulu pro
n o n cer, par une,autre inconséquence.
A
ppel
contre
le
sie u r
N
a t t h e y
.
Cet appel n’a qu’un objet subsidiaire, puisque, si on
ne demande rien au sieur de la R oche-Lam bert, il n’aura
rien à demander au sieur Natthey , dans son propre
intérêt.
Mais si, par impossible, le sieur de la R oche-Lam bert,
qui n’a pas Chadieu, étoit condamné à payer le prix de
Chadieu , alors bien évidemment le sieur Natthey ne
peut éviter une garantie, puisqu’il s’est engagé expressé
ment à faire payer 355ooo francs a u x créanciers de
Tane , opposans a u x lettres de ratification prises par
S a u za y , ou à consigner après le sceau de ses lettres,
Dira-t-il qu’il a payé en vertu d’une contrainte ; que sa
libération est jugée valable açec les créanciers,* qu’ainsi
il a rempli son obligation mot pour mot ?
Mais tout cela ne le délie pas de son engagement
envers le vendeur ; car il ne suffit pas qu il d ise , j’ai
payé; il doit être prêt à faire valoir son payement vis-àvis le vendeur, toutes les fois que celui-ci sera recherché.
F
�( 4» )
.
Lorsqu'un acquéreur s’est soumis à payer le p rix de
sa vente à des tiers, ce n’est pas assez qu’il rapporte des
quittances* il n’est pas dégagé pour cela de faire juger
en -présence de son vendeur qu’elles sont suffisantes pour
lu i, de faire en sorte qu’il soit quitte envers les créanciers
qu’il a spécialement d élégués, et d’arrêter à toutes les
occasions les poursuites qui pourroient le troubler.
Cet engagement est tellement de stricte justice, que les
lois sur le papier-m onnoie n’ont point assimilé les ac
quéreurs chargés de payer des délégations, aux autres
acquéreurs de cette époque : elles ne leur ont permis
de réclamer aucune réd u ction , et ont rigoureusement
exigé qiüils rapportassent les quittances des créanciers
délégués par la v en te, même lorsqu’il n’y avoit qu’une
simple indication de payement.
Toutes les difficultés du payement fait par un acquéreur
ne peuvent être levées et discutées que par lui : sans cela,
par une collusion coupable, il pourroit obtenir des créan
ciers délégués qu’ ils s’obstinassent à ne poursuivre que le
vendeur, lequel n’ayant rien payé lui-m êm e, seroit privé
de tous moyens de défense.
E s t - il proposable, en effet, d’assujétir le sieur de la
R o ch e-L a m b e rt à faire valoir seul les quittances d’un
payement qu’il n’a pas fait, vis-à-vis des créanciers qui
suspectent ce payem ent, et q u i, m algré un jugem ent,
persistent à dire que la libération est irrégulière?
Comment le sieur de la R o c h e -L a m b e rt sera-t-il en
état d’éclairer les héritiers et créanciers de T an e sur
leurs doutes, et de leu r apprendre si le prem ier verse
m ent de 3 55 ooo fr . 7 que N atthey dit avo ir fait à Saint-
�( 43 )
A m ant le 26 floréal an 2 , sans appeler personne, doit
être préféré au second versement de 619604 f r . , qu’il
dit avoir fait chez le même receveur le i5 pluviôse an 4 ,
en appelant les créanciers opposans ?
A u cun autre que Natthey ne peut dire aux créanciers
si sa quittance du 1 5 pluviôse an 4 est un versement ou
un co m p te, si la quittance de 32861 fr. en fait partie,
et enfin si les 264604 fr. qu’il a demandés à la régie pour
indemnité d’un séquestre de huit m o is, lui ont été tenus
à compte ; car rien ne donne la clef de tous ces faits *, et
cependant il faut savoir ce que la république a retenu,
pour savoir ce que Natthey a payé réellement.
L e sieur Natthey paroît vouloir dire qu’il a payé en
vertu d’un ordre de la r é g ie , et qu’il n’a pas d’autre
compte à ren dre, puisque sa quittance est un acte ad
ministratif.
Mais où auroit-il pris cette étrange doctrine ? elle
eût été très-commode pour payer ses dettes sans gêne;
car à supposer que la régie eût refusé une contrainte à
celui qui désiroit lui com pter 355ooo francs , il faut au
moins convenir qu’une contrainte 11’est pas un ordre, et
n’a rien de commun avec un acte administratif.
Que Natthey objecte aux créanciers opposans tout ce
qui lui semblera bon pour faire valoir la consignation
que son contrat l’oblige à faire partout où besoin s e r a ,
après le sceau des lettres de ratification ,* mais plus il
sera en règle pour ce qu’il a fait comme m andataire,
plus il lui sera aisé de faire valoir son »payement; et il
ne s’en dispensera pas en rejetant la validité de ce qu’il
F 2
�( 44 )
a fait aux risques de son m andant, car il est obligé sans
exception , ou de faire va lo ir ses payemens contre les
créanciers et de faire cesser leur réclam ation, ou de
garantir le sieur de la Roche-Lam bert de l’effet de leurs
recherches.
' Que si le sieur Natthey p réten d o it, ainsi qu’il en a
menacé , s’isoler de cette procédure , en disant que la
validité de ses versemens n’est pas de la compétence judi
ciaire, on lui répondroit qu’il ne peut pas proposer de
déclinatoire, par plusieurs motifs.
i° . Parce que lu i-m êm e a soumis la validité de ses
versemens à l’autorité judiciaire, et a obtenu jugement
à cet égard le 7 pluviôse an 1 2 ; il a opposé ensuite ce
jugement comme un moyen pérem ptoire sur la cause
actuelle.
2°. Parce que la demande en garantie a été jo in te ,
et que loin d^attaquer le jugement de jonction, le sieur
Natthey a plaidé au fond.
3°. Parce que dans des lettres missives adressées au sieur
de la Roche*-Lambert, le sieur Natthey a offert sa garantie
pour le procès actuel; en sorte que ce nouvel engage
ment a produit une nouvelle action qui ne peut être
soumise qu’aux tribunaux civils.
40. Parce qu’ il résulte des arrêts déjà cités de part et
d’autre, que les tribunaux ont toujours statué sur la vali
dité des versemens faits dans les caisses publiques par les
acquéreurs même des biens provenus d’émigrés ou con
damnés.
Dans tous les cas, les lettres du sieur Natthey suffi-
�( 45 )
sent (i) ; l’offre expresse de sa garantie a été acceptée ex
pressément par le sieur de la R oche--Lam bert dans ses
21 juin 1808.
(1) « J’ai reçu votre le ttre , M onsieur, et je ne veux pas un
cc seul instant vous faire attendre ma réponse.
ce
cc
cc
cc
cc
cc
cc
cc
« J’ai d’abord été fort surpris des inscriptions que les créan
ciers de T a n e ont prises sur vos biens ; j ’ai dû ensuite me
souvenir qu’ils avoient précédem m ent regretté de n’avoir pas
pris cette voie d’abord , et de s’ètre engagés dans une autre
voie qui ne leur a pas plus réussi que c e lle -c i ne peut leur
prom ettre du succès. V ous croyez d’a v a n c e , je l’espère, que
toutes choses sont parfaitem ent en règle vis-à-vis d ’eux...........
ce V o u s avez quelqu’apparence d’inquiétude sur le vrai propriétaire de Ghadieu. D ’un mot je vous tirerai de toute inquiétude. I l n e t i e n d r a q u ’ a vous q u e N a t t i i e y o u m o i , a v o t r e
te C H O I X ,
OU T O U S D E U X R E U N I S , N E V O U S O F F R I O N S D E NO US SU RS-
cc
a
titu e r
vous
dans
cette
a ffa ir e
: je vous en passerai acte
cc public avec grand plaisir et sans inquiétude ; c a r , encore une
ce fo is , toutes Choses sont parfaitem ent en règle avec ces mescc sieurs et tous autres.
cc
cc V oilà u n prem ier problèm e réso lu , à votre satisfaction sans
doute. V ous v o y e z q u e N a t t i i e y n i m o i n e n o u s e f f a ç o n s ;
te Q U E M E M E NO US VOUS' O F F R O N S , SOUS N O T R E G A R A N T I E E T C E L L E
CC D E
C H A D I E U , D E N O U S SU B S TI T U E R
A VOUS. . .......................
cc V ous êtes encore dans l’e r r e u r , quand vous supposez que
cc les créanciers de T an e avoient fait opposition aux lettres de
cc ratification obtenues par M. votre, père sur MM. de T ane.
cc Fayon s’in scrivit, fit inscrire aux hypothèques d’autres créan
ce ciers non u n is, et ne fit point inscrire l’union...............I I n ’y
<c eut aucun acte conservatoire de la part de l’union;
�( 4 <S )
réponses : ainsi ce nouvel engagement passé entre M . de
Batz, représentant JNultliey , et M . de la R o ch e-L am b ert,
« Mais aux lettres de ratification prises par Sauzay sur M. votre'
« votre p è r e , l’union fit o p position , alors trop tardive si elle
cc étoit nécessaire. En l’an 4 > il y eut des lettres de ratification
cc prises sur S a u za y, et l’union eut le tort extrêm e de ne pas
cc prendre d’in scrip tio n , ni faire d’opposition.
cc Ils n’ont donc que celle du 2 2 décem bre 1 7 9 1 ; mais il y a
cc. condam nation contr’eux sur c e p o in t, à l’occasion de l’inscc
tance très-âpre et très-vive qu’ils avoient com m encée à Paris
cc
contre Sauzay. Repoussés dans cette voie par laquelle ils atta-
ct
quoient, dans S a u za y, W a llie r et N a tth e y , et se trouvant à
bout de voie , c ’est alors qu’ils regrettèrent de n’avoir pas
attaqué d’abord M. votre père ou votre fam ille, au lieu de se
faire condam ner sur leu r inscription de 1 7 9 1 . M a is , à dire
v r a i , je n’aurois pas im aginé qu’après plusieurs années de
silence et d’inaction, ils auroient im aginé de finir par où. ils
auroient voulu com m encer. Mais les actes su bséqu en s , leur
liquidation, l e u r payem en t, sont tels qu’ils ne peuvent cherc h e r qu’à effrayer et à a r r a c h e r q u e l q u ’a r g e n t , du moins de
Sauzay : c ’étoit contre Sauzay leur plus solide projet.
cc
cc
cc
ce
cc
cc
cc
cc
cc
cc S ’ils ont pris des inscriptions folles sur vos b ie n s , ils en
ce
ont égalem ent pris sur Chadieu.................... Instruisez-m oi de
ce tout ce qui s’est passé d eux à vous dans cette insurgence, et
ce vous aurez de ma part, ou par m oi, instructions parfaites. Je
ce vous répète que m ’identifiant à N a tth e y , je me mettrai avec
cc plaisir à votre lieu et place. N e perdez pas un moment à m e
ce faire savoir s’il y a de simples inscriptions prises, ou s’il y a
ce quelque demande form ée. V oilà de ma part, j ’esp ère, fran« ch ise, loyauté autant que vous pouvez d ésirer, et plus que
« vous ne pourriez exiger.
cc Recevez l’assurance de mon bien sincère et invariable
�.
(
47)
est aussi valable que s’il eût été souscrit par un acte en
form e; ca r, d’après les principes, on contracte valable
ment per epistolam a ut per n un tium .
ce attach em en t, et veuillez le faire agréer à M. votre père,
te S ig n é D e B atz.
« D ès que j ’aurai votre ré p o n se , je partirai ou vous écrirai
cc sur-le-cham p. Je ne suis nullem ent in q u ie t, parce que je
ce connois les faits, et qu’ils sont réguliers. »
Paris, g juillet 1S08.
,
v*
te
te
«
ce
« Je n'ai pas perdu de tem ps, M onsieur, à prendre tous les
re.nseignemens et toutes les instructions utiles contre les créan
ciers de Tane. J’aurai une consultation dés plus habiles gens,
L ’a f f a i r e paroit inattaquable par les créanciers de T an e. Il est
heureux pour vous et pour moi que j’aye pris, dans le temps
u t ile , surabondance de p récau tio n , pour acquitter à la fois
ce
vous et m o i, et pour m ettre dans tous les sens les créanciers
c< en dem eure. V ous ne pouvez vous défendre que par mes
cc pièces.....................M. votre père n’auroit pas dû prendre inscc cription sur C h a d ie u , surtout sans m ’en prévenir : il n’auroit
et pas dû en prendre au nom d’autrui ; il ne devoit voir que les
cc créanciers. Son intérêt est de faire cause com m une a v e c
cc Chadieu : quiconque lu i dira le contraire se tro m p era , rin
ce duira en erreur. A u reste , je lui dem ande, et j ’espère qu’il
ce ne m e le refusera pas , de vouloir bien faire rayer son inscc cription au bureau de Clerm ont. J’ai b e so in , pour ma seule
« délicatesse v is-à -v is de deux personnes à qui j’ai fait deux
« em prunts, d’avoir leur certificat d’inscription avant le vôtre,
« parce qu’agissant de bonne foi et d entière confiance en m o ir
et ils ont reçu dans leu r acte ma parole d’honneur qu’il n ’existoit
�( 4 8 }
M . de Batz, représentant N atthey, a toujours continué
d’agir en conséquence de ce nouvel engagement. Il a
envoyé au sieur de L aroch e-L am b ert la consultation
très-détaillée de M M . P oirier et Bellard (annoncée dans
Ici dernière le ttre ), pour le rassurer sur ses risques, et
lui attester que les versemens de Natthey éteignoient la
créance.
11 y a donc impossibilité de délier le sieur Natthey de
son nouvel engagem ent, qui lève tous les scrupules des
lois de rém ig ratio n , lesquelles n’ont rien de commun à
une garantie offerte et acceptée en 1808.
te
a
pas d’hypothèque sur Chadieu ; e t , certes , je croyois la
donner en toute vé rité, et il se trouve que la vôtre existoit
le jour m êm e où j’affirmois q u il n’en existoit p a s, ou du
moins que celle du m aire de V i e , qui est nulle de f a it , et
celle de deux pauvres petits créanciers que j’ai fait condam ner
à Riom , et que j’espère faire rayer à tous momens. M. votre
p è r e , a p r è s a v o ir fait r a y e r celle q u ’il a déjà faite , pourra
au m êm e instant , s’il le j u g e à p r o p o s , la fa ir e r é ta b lir . Je
n’y suis que pour ma délicatesse seu lem en t, et j ’espère qu’il
cc
ne me refusera pas cette satisfaction lé g ère, q u i, dans aucun
cc
cc
«
«
cc
«
c<
cc cas , ne peut lui être dom m ageable , et qui a été pour moi
ce le sujet d’une véritable contrariété , honneur et délicatesse
cc
parlant.
A u su rp lu s, je prends le parti d’aller porter cette lettre à
cc M. V a u trin , et je m’en rapporte à ce qu’il vous conseillera
cc
cc à ce t égard.
Je vous re n o u ve lle , M onsieur, l’assurance de mon dévoue« m ent à vos in térêts, et de mon bien sincère attachem ent.
cc
«
S ig n é D e B a tz . »
II
�( 49 )
_
?f II,n e reste plus gu-un mütr àcdire sur l’elTet 'de cette
garantie, s’il tfaflloit eii’ Veriir à elle'; il est réglé par le
Code civil ^ iquiis’exprim e ainsi : ;
,* A rticle i ? 42 ^ c< T ou te ¡obligation de falrejse résout en
« dommages-intérêts, en cag de ;non-exécution.de:larpàr£
« du débiteur. »
A rticle 1184.
L a condition résolutoire est toujours
« sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour
« le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à »
« son engagement.
« Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein
« droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point
« été e x é c u te ra le c h o ix , ou de forcer l ’autre à l’exé« cution de la convention lorsqu’elle est possible, o ird ’cn
« demander la résolution avec, dommage^ et intérêts.
« L a résolution doit être demandée en justice, et il
« peut être accordé au défendeur un délai selon les cir« constances. »
L e sieur de la Roche-Lam bert a conclu à la résolution
de la vente de 1791 , si la condition de le faire tenir
quitte de 355ooo fr. n’est pas exécutée : la loi ne lui
permet pas de douter que cette résolution ne soit pro
noncée, s’il étoit condamné à payer lui-même la somme
considérable qu’on lui dem ande, et qu’il ne doit pas.
Comment le sieur Natthey pourroit-il soutenir l’idée
qlie lç sieur de la R.oche ~Lam bei t dut etie oblige de
payer Chadieu sans l’avoir, tandis que lui, Natthey, auroit
Chadieu sans le payer?
Jusqu’à présent le sieur Natthey n’a. point /«levé une
prétention aussi im m orale; il est vraisemblable qu’il s’en
G
�( 5o )
tiendra à ce qui est raisonnable et légitim e : ainsi , à son
égard , il ^suffit de s’arrêter à l’idée qu’il fera valoir ses
payem ens, puisqu’il s’y est én gagé, ou -qu’il s’arrangera
avec les créanciers de telle manière que son vendéur soit
à. l ’abri de toutes recherches;1
M e. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M e. M A R I E , licencié avoué.
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À o'
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A-RIOM, de l’imp. de T H I B A U D , imprim. de la Cour impériale, et libraire,
rue des Taules, maison L a n d r i o t . — Juillet 1810,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Roche-Lambert, Joseph de. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
assignats
émigrés
confiscation nationale
créances
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour sieur Joseph de la Roche-Lambert, habitant d'Issoire, intimé et appelant ; contre Dame Françoise-Aglaé-Gabrielle de la Luzerne et sieur Pierre de la Grange-Gourdon, son mari, dame Angélique-Armande-Camille de la Luzerne et sieur Anathocle-Maximilien Hurault de Vibraye, son mari, habitans de la ville de Paris, héritiers bénéficiaires de la dame de Montmorin, laquelle était héritière bénéficiaire du sieur Emmanuel Frédéric de Tane, son frère, appelans ; contre sieur Henri Duvergier, habitant à Paris ; Simon Teroulde, habitant à Daudeville ; Pierre-Louis Laisné, ancien sellier à Paris, habitant à Sens ; Antoine-Louis Duchastel, apothicaire à Paris ; et Jean Chardon, chapelier, habitant à Paris, syndics et créanciers unis dudit sieur de Tane, aussi appelans ; contre Sieur Amédée de Tane-Santenas, habitant à Paris, intimé ; et contre Sieur Louis Natthey, habitant de Nyon en Suisse, aussi intimé.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1511-1810
avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
50 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0423
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1413
BCU_Factums_M0424
BCU_Factums_M0412
BCU_Factums_M0413
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53807/BCU_Factums_M0423.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Authezat (63021)
Issoire (63178)
Paris (75056)
Daudeville
Sens (89387)
Nyon (Suisse)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
confiscation nationale
Créances
émigrés
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53808/BCU_Factums_M0424.pdf
db20d44e9c624ced60fb8705a89233b3
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Text
MÉMOIRE
A LA COUR I M P E R I A L E
DE RI OM,
P O U R les M a i r e et H a b i t a n s de V ic-le-C om te ,
intimés ;
CONTRE
E
t ie n n e
N A T E Y , habitant
à
N yon en,
H e lv é lie, appelant.
D a n s
un mémoire publié en janvier 1809 ,l e s
h a b it a n s d e Vic-le-C ompte crurent avoir présenté leur
cause avec un ensemble de faits et de moyens qui
épargnat des discussions nouvelles
mais par quatre
réponses imprimées coup sur c o u p ,
le sieur N atey
-
9
�( 2 )
leur prouva que la latte n ’était pas finie , et qu'il
fallait se préparer à discuter encore.
lies trois premières réponses n'étaient qu’ une r é
pétition de ses moyens et des injures éternelles dont
le maire de Vie a été forcé de se faire une do ulou
reuse habitude depuis le co m m en cem en t de la con
testation. Ces diatribes nouvelles n ’engagèrenl pas la
com m un e de Vie à répondre , persuadée que le sieur
N a t e y n’ayant plus à qui parler, se lasserait d’écrire;
elle se trompait, car bientôt un quatrième écrit parut,
contenant des fragmens iijiprimés de quatorze pièces
inédites ; alors la com m un e de Vie fut
forcée
de
rompre le silence pour discuter ce q u ’on jugeait à
propos de lui produire.
Cependant le sieur N a t e y en imprimant des ti tre s,
ne les communiquait pas , et cela se remarque au style
des discussions auxquelles ils ont donné lieu. Enfin
sur l’a p p e l, on est parvenu h voir cette production
nouve ll e, dont le sieur N a t e y se prévaut com m e d ’ un
faisceau de titres favorables à sa cause : un procèsverbal fait au greffe de la C o u r , paraît assurer q u ’il
ne lui reste plus rien à produire.
Ainsi la co m m un e de Vi e est m a i n te n a n t en pré
sence de toutes les forces du sieur N a t e y ; elle peut
donc espérer que l’exam en auquel elle va se l iv r e r ,
achèvera d’éclaircir une cause déjà jugé é p a u l a n t et
aussi solennellement
qu’ elle pouvait l’être^cw
mais que m alh eu reu s em en t, l’obstination des pr o-
�( 3 )
priétaires de Chadieo J a remis en litige à tontes les
époques q u ’ils ont cru favorables à leur prétention.
Cet
exa m en eût pu se réduire aux titres princi
p a u x , et ne partir que des conventions laites il y a
trois siècles, ce qui était une époque assez r e c u l é e ;
mais le sieur N a t e y remonte à deux siècles a u - d e l à ,
et tire des inductions des moindres mots : on sera donc
forcé de reprendre la série de tous les titres co nnus,
pour que le sieur N a t e y ne répète pas toujours que
les habilans de V ie ont aiïeclé de ne pas v o i r , quand
ils avaient seulement cru inutile de répondre.
O B JET
DU
PROCÈS.
Il consiste en une grande étendue de terrain, appelée
Les Gachiers et La Vergiere. Quoique l 5Allier les sé
pare de V i c - l e - C o m t e , il est p r o u v é , par tous les titres
produits et par l ’aveu du sieur N a t e y , qu’ils sont situés
dans l’ancienne justice de Vi c-le-Com te .
Il est p r o u v é encor e que ce terrain n’a jamais cessé
d’être destiné au pâturage
des bestiaux arans
des
habilans de V ic-le-C o m t e. Ils le tenaient en défense
contre l’entrée de tous autres bestiaux. En usant de
ce terrain pour le pâturage, et en le tenant en défense,
les habilans de Vie exerçaient tout le droit de pro
priété que la Coutume d A u verg n e a entendu donner
aux communautés d’habitans, et que les lois nouvelles
leur ont confirmé par des expressions explicatives et
positives.
z
�( 4 )
,
c
Placés entre Chadieu et l’ 41 Her, les Gâchîers ont
tour-à-tour excité la convoitise des seigneurs voisins.
L e s justices d ’A u t e z a t , de M o n f o n , de Chalus aboulissaient h cette partie ; et de-là sont nées de loin en
loin des prétentions que les habitans de V ic- le- C om te
ont toujours repoussées. Ces luttes n ’ont fait au con
traire que confirmer leur droit ; car ils sont restés en
possession du pâturage et du droit exclusif de tenir les
Gâchiers en défense.
Ce n ’est point encore le momen t d’ examiner quels
titres s’appliquent à ce local, et marquent l ’ancien état
des choses. Les procès qui ont eu lieu entre les par
ties, dans des tems très-loin de nous, doivent plutôt
nous apprendre quels furent les titres que les parties
jugèrent propres à fortifier leurs prétentions.
Cette observation n ’a pas pour but d’éluder l’ex am en
de tout ce qu’a produit le sieur N a t e y ; on ne veut rien
en omettre. Mais il est d ’abord essentiel de parler du plus
ancien procès qui paraisse avoir été soutenu entre les
parties, il en résultera de grands éclaircissemens pour
l ’intelligence des titres actuellement produits. P eu t- être
sera-t-il plus aisé ensuite d’en déterminer l’application
a c t u e l l e , par comparaison a vec ce qui était dit à des
époques contemporaines.
Prem ier procès terminé par transaction de i
5ii.
i
Il ne reste d’autres traces de cet ancien”procès q u ’une
longue écriture ploy ée en rou leau, suivant l ’usage du
�.(
5
)
fems, et où se trouve la date d ’une sentence de 1458 ;
dont l’appel était pendant.
On y voit que les habitans troublés dans leur pos
session par une sentence de séquestre , dont ils étaient
appelans, argumentaient de leur possession i m m é m o
riale de pâturage pour leurs bestiaux arans, et de tenir
les Gâchiers en défense.
Leur s adversaires, propriétaires de Chadieu ( l e sieur
Morinot- D e b o r , et le sieur D u b r e u il , gendre de F ra n co n in -D e b o r ) prétendaient avoir bail à cens par m a
dame de B e r r y , comtesse d ’A u verg n e , m o y e n n a n t
3 fr. d’o r , au m o y e n duquel ils disaient avoir droit
au pacage des G âc h ie rs , à la coupe des arbres
et
m ê m e au labourage qui lui donnait droil de les tenir
en défense pendant trois mois de l’année. Par ce m o t i f ,
ils avaient mis en cause le sieur D e l m a s , procureur
fiscal du comté d’A u v e r g n e , qui s’ était adjoint à eux.
L e s consuls de V ie niaient ce bail h cens^ qui n ’était
pas produit, et disaient que le sieur Franconin-D ebor,
pour avoir la permission de faire passer ses bestiaux
à travers les G âc h ie r s , pour les mener à la rivière ,
sans encourir l ’amende ( d e 60 s. ) , et pour avoir du
bois à sa proximité , avait obtenu cette permission
pour le terns de la vie de madame la comtesse de
33e r r y , m o y e n n a n t la redevance de 3 fr. d or ( o u 60s.
valeur de la clame ).
.V o i c i , au reste, les propres dires des consuls de V i e ,
dans leurs m oyens d’appel contre l ’objection des pro
�( 6 )
prié!aires de Chadieu de ce que leur prédécesseur, feu
Franconin avait droit aux Gâcliiers , m oye nnan t un
cens de trois francs d'or.
« R ép o n d en t lesdits consuls q ue de ladite adsance ils ne
savent
rien , et le nient expressément , et le posent par fait
contraire , en tems que. besoin
serait....... Item , et si aucune
adsance fut f a it e , audit cens de trois francs d’o r , audit f eu
F ra nc on i n . si ne fut-elle faite seulem ent au regard et tant
que lo u ch e la couspe des leignes des arbres lors y étant audit
g â c h i e r , et des fruits des autres arbres francs qui pour lors
y étaient et sont e n c o r e , p our ce
et C h a r n a y sont lointains de b o i s ,
que les lirj ux de
C h ad i eu
p our a voir le .chauffage
dudit Fr an con in et de ses successeurs....... I t e m , et c o mbi en
que ladite adsance eut élé faite___ si ne l’avait é t é ,
sinon
au regard des leignes et fruits , et de donner et permettre audit
feu F ranconin fa c u lté et perm ission de p ou v oir traverser ledit
g â ch ier , ensem ble son b é ta il , s'en aller en A lli e r , pour Vy
abreuver , et p uis s ’en retourner adraye par ledit g â c h ie r ,
afin de le garder d'am ende envers ju s tic e , p our ce que
les lie u x de Chadieu et de Charnay ne sont pas de la j u s
tic e de V ie , en la q u elle ledit territoire des G âcliiers est
s i s } com m e dit est : laquelle chose serait et est bel et g r an d
a v a nt a g e audit Bort ; et il en devrait être c o nt en t , veu que
tous les jo u rs il et ses bêtes et dudit D u b reu il pourraient
être prinses par ju s t ic e .......... Item , ne pouvait donner p e r
missi on
audit
F r a n c o n i n de pâturer sans le
desdits consuls. O r es!-il
prédécesseurs ne
ainsi
consentem ent
que lesdils consuls ni leurs
consentirent j a m ai s ........
Jtern , et ne v a u
drait rien la prétendue adsance perpétuelle dudit Gâ chi er ; car
sera p ro u vé que ce fut durant la vie de feue bonne m ém oi re
M a d a m e cje Be rr y , de laquelle un n o m m é Bernard C h a l m e
était officier en ladite C o m t é ; et o m br é de son of ï ic e , il était
tellement craint que nul
des ma na ns de la ville n ’osait re-
�( 7 )
v a nc h er son cas contre lui. E t p o u r ce que ledit C h a l m e , au
i ems de lors ma ri a un e sienne fille a ve c nn fils dudit F r a n conin , et pour l’alliance d’entre ledit Chai me et F r a n co n i n ,
i celui C h a l m e fit passer à ladite da me ladite adsance perpétuelle
( s’aucune en fut oncques passëe ) , sans y entrevoir le co n sen
tem ent et v o lo n té desdits con su ls ce que serait ne'cessaire p o ur
que ladite adsance perpétuelle dut ou put sortir effet.... h e m . . . ,
q u ’ ils sont en possession de faire p ât ur er l eur bétail en tout
temps et saison de l’a n , et aussi qu’ils ont le droit de p r o h i
b e r a u xd its M o rin o-D eb ort et D u b reu il , et à tous autres
q u 'ils ne clôturent n i labourent n i m ettent en défense led it
circu it de G âchier, ledit tems défensable on antres quel conques,
et aussi q u ’ils ne fassent pâturer leur bétail en quelque tem ps
et saisons de Pan que ce s o i t , etc. ».
On ignore les attires débats de ce procès et d’ un,
autre procès pendant dans le même te m s, tant sur le
p é ti toir e qu e sur le possessoire, ce qui, jusqu'en 1667,
n ’était pas incompatible. On trouve seulement des let très
de relief d’appel de 1 4 5 3 , qui prouvent qu’il devait
être porté aux grands jours généraux d ’A u v e r g n e , où
furent ajournés Pierre .Delmas, procureur fiscal, et
Morinot-Debort.
Il est vraisemblable qu'il n’y avilit pas encore de
jugeynent définitif lors de la rédaction de la Coutume',
5 i o ; et'cela est prouvé par la transaction de i 5 i i .
Celte transaction du 2 juillet i 5 i i , passée entre
en i
Anto ine D e b o r , curé de S a i n t - P i e r r e , seigneur de
Chadieu, et les consuls et habilans de V i e , rappelle le
procès existant au sujet des deux Gûchiers, dont les
confins sont exactement donnés.
�('
8
)
Il y est exposé que les consuls de Vie prétendaient
avoir tout droit de propriété et possession à sesdits
Gâcliiers, sis en la justice et châtellenie de Vic-le-,
C o m t e , desquels ils ont joui de toute ancienneté; et
q u ’il n’était pas permis audit D e b o r d ’y faire pâturer,
vu q u ’il est en autrui justice.
L e seigneur de Chadieu répondait que les Gâchiers
lai appartenaient en pr opriété, par veslison de mes
sieurs les comtes de Boulogne et dM u ve rg ne.
On y rappelle ensuite les deu x procès existans pour
raison des droits de propriété et de pâturage.
Viennent ensuite les conventions de la transaction
bien définitives, bien claires, bien parfaitement e x é
cutées, par Les propriétaires de C h a d ie u , et qui l’eussent
toujours été si Chadieu n’eût été par la suité réuni
dans la m ê m e main que la haute justice de Monton.
I l est convenu par cette transaction, i.° que le
grand Gâchier sera joui en c o m m u n ;
j2.° Qu e les liabitans de Vie auront droit de le tenir
en défense depuis N o t r e - D a m e de mars jusqu'au 16
m a i , ou autre tems plus ou moins long q u ’il sera
avisé par la c om m u n e de Vie ;
3.® Qu e lesdits liabitans de Vie désigneront la qua
lité du bétail admis au pâturage ;
4 -° Que le petit G âch ie r sera joui en com m un en
toute saison de l ’a n , sans être mis en défense;
5 .° Qu e les seigneurs de Chadieu ne pourront y
faire.
�^9 )
faire pâturer d’autre bétail que le leur ou celui de leurs
m é ta y e r s , tenu à cheptel d’e u x , et dans la ju sti ce ,
sans fraude;
r
6.° Que le bétail et arbres sur pied èsdits Gâchiers,
appartiendra en propriété aux seigneurs de Chadieu,
qui paieront la censive due , à raison de c e , à madame
la comtesse d’A u v e r g n e ;
7°. Que les seigneurs de Chadieu ne pourront planter
aucun nouvel arb re , mais remplacer ce ux qui périront
ou seront arrachés ( i ) .
Cette transaction pr o d u it e en une expédition collationée sur /’o rig in a l, a donné lieu à des exclamations
du sieur N a t e y > d ’autant plus grandes que la pièce
est plus précieuse et décisive. 11 y a découvert que
l ’original est représenté par une demoiselle Pelissier,
épouse d’un sieur B o n n et, procureur fiscal ; et co m m e
le notaire s’appelle Pelissier, le sieur N a tey a trouvé
très-plaisant d ’opposer que le maire de Vi e produisait
un acte faux , signé par une demoiselle.
11 n 'y a q u ’ une petite cfifficulté , c'est que cette
demoiselle Pelissier n’est pas m êm e dite avoir signé,
et au contraire, il est dit, collationê sur son o r ig in a l,
par
m oi
N O T A IR E
ROYAL
so u s sig n é
est en efîet le seul qui ait signé
,
etc.; et ce m oi
p e l issie r
, signature
d’h om m e indubitablement , et de la m ê m e main que
le collatroné.
( i ) L é texte littéral de ces conventions est dans le mémoire des habitai»»
ipjprimé en 1807, page G,
3
�( IO )
Cette'transaction de
i
5 i i a été produite dans tous
les procès postérieurs.
I l faut remarquer co m m e chose
essentielle pour
l ’aven ir, qu’elle n’a eu lieu q u ’avec le propriétaire de
C h ad ie u , et non avec le seigneur de Monlon.
Titres produits par Le sieur Natey
procès de 164 1.
antérieurs au,
i°. D e u x lettres patentes de 1344 et 1 3 7 4 pr ouvent
que Chadieu était un fief séparé de M onto n ^ appelé
Le clos de C h a d ie u , tenu en arrière-fief du sieur de
B e a u f o rt, seigneur de Monton.
Cet arrière-fief avait 76 septerées, et n’avait aucune
directe.
2.0
Un»acte du 9 /février 1 43 7 pr ouve q u ’ un sieur
de Gons , propriétaire de Chadieu , fit h om m a ge à
M . de Beaufort de ce clos de Chadieu , et d'une
vergière confinée par autre vergière dudit seigneur,
plus du droit dê pacage dans les G â c h i e r s , que le
seigneur dominant dit être à lui.
L e sieur N a t e y tire des inductions de ce titre pour
dire les Gâchiers appartiennent k C h ad ie u; et le titre
dit au contraire que les Gâchiers sont hors C h ad ie u ,
étant confinés par Chadieu , s a u f le droit de pacage.
•A la vérité les Gâchiers sont dits appartenir au
seigneur de M o n t o n; mais attendons d ’autres ti tr es,
et ce seigneur dira l u i- m ê m e que les Gâchiers ne sont
pas à lui. Jusqu’ici il suffit de bien observer que le
�( II )
propriétaire de C ha d ieu n ’a , d ’après son propre litre,
q u ’un droit de pacage.
; Il est encore à observer que dans le procès terminé
en 1 5 i i , le propriétaire de Chadieu ne parla pas de
cet acte, et sur-tout n'appela pas en cause le sieur de
Beaufort co m m e tenant le pacage de lui.
A u contraire ? il ne prit droit que sur un bail h
cens de Jeanne de B e rry ( morte en 1 4 2 8 ) , et mit en
cause son procureur fiscal.
3 .° L e sieur N a t e y a imprimé un titre q u ’il date de
i 53 o , pour prouver que le propriétaire de Chadieu
a acheté les Gâchiers en . i 53 o.
L e maire de Vi e avait opposé les lois de 1 7 9 3 , qui
obligent les ci-devant seigneurs de fiefs à restituer les
co m m unaux a u x e o m m u n e s , à moins que les seigneurs
ne produisent un titre légitime d ’ acquisition. Aussitôt
le sieur N a t e y a trouvé un titre d’acquisition, ( c ’est
ainsi au moins q u ’il le d é n o m m e ) .
A la v é r ité , il n’a pas le titre q u ’il a imprimé sous
cette daie de i 53 o ( 1 ), mais c ’est un fragment q u Jil a
trouvé dans un autre acte de i 665 q u ’il produit. Il en
résulterait q ue le sieur de Beaufort ¡seigneur de Monton>
(déjà censé propriétaire des Gâchiers, au dire d e T a t i e
de 1437) traitait pour ces Gâchiers en i 53 o. A v e c qui?....
A v e c les habilansd’Au tezat,do ril ilétail encore seigneur,
et dont aucun acte ni procéduie n ’explique ni n’indique
m ê m e les moindres prélentions a ces Gâchiers.
/
( 1) V . Mémoire Eatey, intitulé : Observations d éfin itiv es, etc., pag«5.
4
�( *2 )
Cet acte de i 5 3 o , qui n’existe pas, et qui ne peuf
pas être suppléé parla relation fautive et obscure qu’on
en trouve dans un acte de i 665 , n ’a d’ailleurs aucune
analogie à la cause act ue lle, et'vn’apprend pas m êm e
s’il y a identité de local. A u reste , q u ’importe aux
habilans de Vi e un acte passé entre un seigneur et
ses vassaux seuls, pour les faire désister de prétentions
imaginaires , en l’absence et à l’insu de la seule partie
intéressée, qui n’en dem eur e pas moins en possession.
D e tels fragmens d’a c t e s , fussent-ils à l’abri de toute
su spicio n, ne sont ni des titre s, ni des pièces pro
b ante s, et ne méritent pas d ’être honorés de ce nom.
4 ‘ ° L e sieur N a t e y a produit un acte du . . . . . .
i
53 i , sur lequel il fonde év id em m en t tout son es
p o i r ; aussi était-il le seul qu'il eût d’abord jugé digne
d ’être produit à l’appui de .sa demande.
Cet acte signé en expédition par un notaire ( dont
il serait peut-etre plus difficile de vérifier la signature
que celle de ce PeU ssier, que le sieur N a t e y a si fort
à cœur de récuser), est dans la forme d’une transac
tion qui serait censée avoir eu lieu entre les habilans
de V i e et le seigneur de Monto n ( q u i n’était pas alors
propriétaire de C li a d ie u ), au sujet des Gâchiers, sans
parler le moins du monde du long procès de 1 4^ 8, ni
m êm e d'aucuns des actes déjà connus.
A la vérité, et ce qui aide à comprendre toutes ces
omissions, les habilans de Vie présens audit acte ne sont
pas du tout les consuls qui jusqu’alors avaient plaidé,
gouverné les Gâchiers et représenté leur ville, et que
�( i3 )
rien n’aurait empêchés de transiger eux-mêmes à une
aussi grande proximité.
C e sont les sieurs L . D e v a l , J. M arg er ide, F. L a ch al, M. A r n a u d , P. Bresson, tous, est-il dit , de La
ju r id ic tio n de V i c - l e - C o m t e , faisant pour les habitans.
L e sieur de Beaufort est l u i- m êm e présent de son côté.
•Les choses se passent dans une salle du château de
Chalus, appartenant au sieur de Beaufort.
Il leur expose qu'il tient à cause de son m ande~
ment de M o u to n , la justice h a u t e , m o y e n n e et basse
du canton de Chadieu ès appartenances duquel est sise
une verg ière , pré ou pâturai joignant l’Allie r, et que
les habitans de Vie ne peuvent y faire pâturer parce
que c ’est en a utrui ju stice.
Puis on fait répondre à ces habitans que Le cas de
ju s tic e ne<Les regarde pas ( i ) ; mais q u ’ils réclament
le pacage en vertu d’une concession dudit seigneur
de M o n t o n , pour service par eux rendus en 1425.
Après ce la, M. de Beaufort leur permet par recon
naissance, de faire pâturer leurs bestiaux à ladite ve r
gière appelée les Gâcliiers, tant au canton de C had ie u,
q u ’au terroir de C h a l u s , sans y porter dommage.
Puis il se réserve le droit de clorre et semer ce qu’il v o u d r a ; et cependant il veut bien permettre aux ha(1)
A quoi leur eût donc servi de plaider cent a n s , pour ce cas de
justice ?
L e sieur N atey veut cependant qu’ils aient plaidé deux cents autres
années depuis , pour n’avoir qu’un droit de justice , et qu’ils
obtenu que cela en 1641.
n ’a ien t
�( i ‘4 )
bifans de V ie le pacage après la Levée de La récolte>
s’ils font les clôtures e t ' n o n autrement.
Et enfin co m m e M. de Beaufort savait bien que cet
acte occulte n'empêcherait pas les consuls de Vi e d'user
de leurs droits, il termine par la plus contradictoire
des clauses.
I l stipule que les habitans de V i e demeureront g ar
diens en d éfen se, et que le seigneur de Mon ton n ’en
verra au pacage que les bestiaux du clos de Chadieu
( d o n t il n’était pas propriétaire ) , et de ses métairies.
Il est de la plus grande év id en ce que les consuls
de V i e ignorèrent absolument un acte aussi suspect ,
pour ne rien dire de plus.
Cet acte qui parle d'un, procès sans en dire les d é
bats , contre la forme du tems ; qui parle d#
'une pro
cure donnée a u x 5 habitans de V i e , sans en dire la
date ni la teneur; qui fait dire aux habitans de Vie,
le contraire de tout ce q u ’ils avaient soutenu av ec tant
de force , était-il fait dans la pr évo yan ce que le sieur
de Beaufort serait un jour acquéreur de C h ad ie u? D u
moins les choses étaient arrangées de manière à cadrer
av ec le passé et l’avenir. Quoi qu’il en soit de cet acte
b iz a r r e ,l ’ordre accoutumé ne fut pas changé :les mêmes
bestiaux furent menés au pacage ; et celui q u i , dans
cet a c t e , semblait parler en m a î t r e , consentit à rece
voir désordres de ce ux à qui il venait de donner une
simple permission.
Jusque-là nous avons vu les habitans de V i e repré-
�(
.i 5 )
'
sentes par des consuls. Ici ou n’eit veut pas : on n’a
appelé que cinq individus sans caractère.
S’ils ont eu une pr ocure , de qui Favaient-ils ? L e
notaire peut bien ne pas l ’avoir transcrite, mais si elle
était émanée d’ un délibéraloire des habitans, ilTau rait
dit.
C et acte sincère ou faux resta dans un oubli absolu.
L e s consuls de V i e ont continué de faire valoir leurs
droits et leur transaction.
L e seigneur de Beaufort en fît-il usage l u i - m ê m e ?
Nous allons le savoir dans Finstant m ê m e , dans u n
cinquième titre produit au procès.
En i
536 , le sieur de Beaufort fut assigné par le
seigneur de Vic-le-C om te, pour avoir retiré des épaves
de la rivière d’Allier. I l se défendit en soutenant que
les justices s’ étendaient jusqu’à la rivière d'Allier.
C'était le m êm e Jacques Beaufort qui a v a it , dit-on ,
acheté les Gàchiers en i 53 o des habitans d ’Autezat.
C ’était le m êm e qui venait de faire déclarer dans
sa salle basse de C h a l u s , que La ju s tic e comprenait
les Gâchie rs, et que les habitans de V ie n ’y avaient
pas droit, étant en autre ju s tice , mais par sa permis
sion et concession.
Cependant il transigea le 8 décem bre 1 6 4 2 , et il
reconnut que la justice du comté d’A uvergn e ( dont
�C i6')
V i c - l e - C o m t e est c h e f lieu ) , comprenait la rivière
d’Allier d 'u n côté et d ’autre (i).
U n dernier titre, produit aujourd’hui au procès par
le sieur N a t e y , est plus précieux e n c o r e ; c ’est le titre
d'acquisition m êm e de C h a d ie u , du i
3 décembre 1627.
Il en avait très-bien jugé l’importance , car lorsqu’on
le lui opposa pour la première f o i s , il fit signifier
un réquisitoire à ce que le maire fût tenu de lui en
donner copie. Idée bizarre , car c ’est lui-même qui
en a l’expédition. C ’est son propre titre.
Ce titre dit donc que le sieur Laguesle vendit au
sieur de Beaufort, i.° Chadieu co n ten ant, etc. confiné
PAR
le
p a c a g e
d e
V
ic
-
le
-C
o m t e
,
appelé la
gière ; 2.0 trois prés confinés par les Gâchiers ,*
d r o it
d e
p a c a g e
V er-
3 .°
LE
dans lesdits Gâchiers et vergières;
4.0 les arbres plantés le long de la rivière.
- I^e sieur N a l e y jo ue a v e c les mois , pacages de V ic le -C o m te , p o u r dire que cela ne suppose au x habitons
que Je pacage q u ’il .leur accorde.
Mais il est muet sur l ’explication qui vient après,
et qui ne restreint au simple droit de pacage que le
seul propriétaire de Chadieu.
(1)
L e sieur N atey a menacé d'attaquer cet acte de fa u x , d’abord in
définiment si on continuait d ’en faire usage.
On a continué d’en faire usage, et le sieur N a t e y , baissant d’un ton,
9 dit qu’ il s’inscrirait en faux si l’acte parlait des Gâchiers. Il ne ris
quait rien a v ec ce conditionnel ,
car le mémoire des habitans de V i e ,
(p a g e 6 ) , ne rapportait de cet acte que ce qu’on vient de. répéter.
En
�( *7 )
E n ne scindant pas le sens de l’a cte, il est d ’une
clarté incontestable que le sieur de Beaufort a acheté
Le droit de pacage dans les Gâchiers et vergières qui
font deux pacages de Vic-le-Com te.
Un autre acquéreur pourrait é q u i v o q u e r , en disant
qu’il a mal entendu ce qu'il exprimait ; mais il est
incompatible que le sieur de Beaufort, se prétendant
propriétaire des Gâchiers , en vertu des actes de i 53 o
et 1 5 3 1 , consentît cependant à reconnaître que ces
Gâchiers étaient les pacages de V i c - l e - C o m t e , et sur
tout à acheter un droit de pacage dans sa propre
chose.
L e sieur Laguesle, qui vendait Chadieu, était le suc
cesseur d’Antoine D ebord qui avait passé la transaction
de 1 5 l i.
Aussi il l’exécutait pleinement dans sa vente.
Il suivait de point en point les clauses de cette
transaction de i
5 11.
Elle ne lui donnait dans les Gachiers que le droit
de pacage, et il n’a vendu au sieur de Beaufort que
le droit de pacage.
Elle lui donnait les arbres, et il a vendu les arbres.
Elle reconnaissait les Gâchiers com m e pacages de
Vic-le-Comte, et il les a reconnus com m e pacages de
Vie le-Comte.
Il les a exceplés de sa v e n t e , en les donnant pour
contin de Chadieu.
• .
L e sieur de Beaufort ? a c q u é r e u r , a accepté toutes
ces clauses.
5
�c î8 )
Il n’a m ê m e fait aucune réserve contraire.
Il a donc f o u r n i , l u i - m ê m e , une première preuve
qn’il ne regardai! pas com m e un titre sa prétendue .
transaction de i 5 3 i .
Procès ju g é en 1 6 4 1 ,
Francois de B e au fo rt ayant ainsi acheté Chadieu
avec des clauses récognitives du droit d ’autrui, voulut
a rra c h er, par la force et par son crédit ; ce q u ’il n’avait
pu obtenir par d ’autres voies.
En i 632 il suscita une querelle entre ses domesti
ques et les pâtres de Vie.
Les consuls prenant cette querelle c o m m e un trouble
à leurs droits, en rendirent plainte; leur démarche
prouva q u ’ils méconnaissaient et l’acte de i 5 3 t , et
la soi-disant procure qui eût dû être ém anée d’eux.
Il
reste
une information
de
cette époq ue ,
et
Ton rem a rq u e, dans les dépositions, que tous les té
moins, tout désintéressés q u ’ils étaient, ne parlent ja
mais des Gâchiers, q u ’en ajoutant uniformément et
n aïv e m en t : les Gâchiers appartenant a u x kabitans
de Vie-Le-Com te,
François de B e a u f o r t , co nv aincu , ne pouvait plus
lutter ave c des derni-mesures. 11 e n v o y a tenir des as
sises sur les Gâchiers par ses officiers. Puis il y fît saisir
des bestiaux, prétendant cette fois que les Gâchiers
étaient dans sa ju s tic e de C hains. Les habitans de V ie
1
�( *9 )
répondirent que les Gâchiers étaient dans leur jus
tice ( i ) , en vertu de La transaction de i 5 i i .
L e procureur du ro i, au comté d ’A u v e r g n e , inlerv i n t , disant que les Gâchiers étaient propriété du roi,
co m m e sis en la justice de Vic-le-Comle. IL se pLaignit
de ce que Le sieur de B ea u fo rt n avait f a i t apparoir
d ’aucun titr e , (2) quoique sommé de le faire.
U n e sentence du 7 février 1 6 2 6 , ordonna que le
sieur de Beaufort serait tenu de répondre dans quin
zaine.
Il répondit, ( 3) mais quels titres produisit-il? un seul
a c t e , celui du 20 octobre i 53 o (q u ' o n ne montre
plus), par lequel la propriété des Gâchiers lui aurait
été transmise par transaction et échange avec les h a
bita ns d ’Autezat.
M üls U ne produisit pas La prétendue transaction
de i
5 3 i , qui eût été plus applicable.
A u contraire , il argumenla de La redevance de
3 /r.
pour en conclure q u ’il résultait de cette rede
vance p o u r Lesdits Lieuoc, q u ’ils élaient à lui, sur-tout
d ’or,
depuis
q u ’il
était
encore aux droits des
habitans
d'Autezat (4).
( 1) Donc les consuls de V i e n’avaient pas fait d ir e , en i 5 3 i3 que la justice
ne les regardait pas.
(2) Ces mots soulignés avaient été retranchés par.le sieur Natey.
Pièce imprimée
a u x
observations définitives du sieur N a t e y , pag. io.* k
(3) Pièce imprimée i b i d ., pag. n. ,'12 et i3.
(4) Tout cet article est retranché dans la pièce imprimée.
6
�( 20 )
*■ Il combat lit La transaction de t 5 i t , en disant, non
^ pas co m m e le'traduit aujourd’hui le sieur N a t e y , que
c ’était une pièce fausse ; il disait seulement que les
consuls ne justifiaient pas de la ratification pr om is e;
q il ainsi ledit acle était nul et de nul effet..., faux...;
q u ’on devait le mettre au néant.
C ’était une conclusion tirée de la non exhibition,
mais ce n’élait pas une déclaration expresse qui arguât
l ’acte de faux.
On
voit
tout d’ un coup
que c’était le mom ent
d ’objecter aux consuls de Vi e la transaction de i
53 i,
si elle n ’était pas el le-m ême un acle faux.
Cette transaction eût répondu à tout ; à la ques
tion de justice, à la proprié té, etc.; le procès eût été
fini.
11 y avait eu une enquêle sur la possession ; le sieur
de Beaufort l’avait laissé faire : il discuta pied-à-pied
les dépositions avec beaucoup d ’injures contre les té
moins.
E n un seul m o t , l ’acte de
i
53 i eût fait to m b e r,
l ’enq uê te , si les habilans de Vie eussent été réduits
à une concession remunératoire de pacage hors leur
justice.
•Cependant François de Beaüfort ne fit aucun usage
d ’un acte passé dans son propre château. S’il existait
alors, au moins il n'osa pas en révéler l'existence.
L e procès fut ju g é, par sentence du
5 juin 1637 , en
�( 2ï )
faveur de François de Beaufort. L e siêùr N a tey rie la
produit pas (i).
Il a dii qu’elle donnait au sieur de
Beaufort la saisine des G âch ie rs , à cause de la justice.
Les consuls de Vie interjetèrent appel au par le men t,
com m e de juge inc ompétent, suspect et récusé.
L e sieur de la R o c h e - B r i a n t , seigneur de L a c h a u x ,
( f i e f sur le territoire de V i e ) , intervint pour demander
le pacage aux G â c h i e r s , et la propriété des arbres.
L e procès, d’abord appointé, en 1 6 4 0 , fut jugé sur
productions respectives, par arrêt d é fin it if du 17 mai
1641.
Cet arrêt , toujours considéré h Vi e com m e le seul
titre désormais nécessaire pour la propriété des G â
chiers, et conservé, en cette qualité, aux archives de
la c o m m u n e , est produit au procès actuel en deu x
expéditions originales, l’ u n e , en parchemin , avec la
signification, l ’autre, en imprimé , collationnée, signé
H en ry, avec un fa c tu m , imprimé dans le m êm e tems.
L e vu de pièces de l ’arrêt ne mentionne que la
production faite au parlement.
I
fa ctu m prouve que les liabilansdeVic avaient pro
duit plusieurs titres, et notamment ta transaction d e i b n .
Il prouve qu’on reprochait à la dame de Beaufort
de n ’avoir produit aucun titre ou acte de justice an
térieur au procès.
( 1 ) Sans doute à cause du vu de pièces qui aurait prouvé les titres
que chacun avait produits.
�( 22 )
Il pr ou ve aussi que. les consuls avaient dé couvert
la vente de 1 6 2 7 , et l’opposaient com m e preuve ém a
n é e du sieur de Beaufort lu i- m êm e , que les Gâchiers
étaient propriété de V i c - I e - C o m l e , et que la maison
de Beaufort n’y avait que le droit de pacage et les
arbres.
L e vu de pièces prouve que ce f a c t u m fit prendre
à m a d a m e de B e a u fo r t des Lettres de rescision , p ou r
être relevée des cla uses
apposées en son propre contrat
d ’acquisition , de 1627.
L ’arrêt avait à statuer sur deux chefs bien distincts
q u ’il faut remarquer dès à présent, parce que le iieur
N a t e y s’étudie à les confondre; l’un était la question
pétitoire du pâturage : elle était pendante entre toutes les
parties; l ’autre était relative aux arbres, et elle n’était
pendante qu’entre la dame de Beaufort et le sieur de
la R oche -Brian t.
O r , i.° « L e procès du pâturage est jugé définitive
ment. L a C o u r , sans s'arrêter a u x lettres de rescision
obtenues les 11
août 1640 et 21 avril dernier ( 1 ) ,
maintient et garde les habitans de V i e * et le sieur de
la R o c h e - B r i a n t, en la possession, sasine et jouissance
des Gâchiers 3 tant pour le droit de ju s t ic e que de
pacage (2);
« Ordonne que les consuls p ourro nt tenir lesdits
( 0 Cette p a r tie e s s e n t ie lle <le l’ arrêt a é té r e t r a n c h é e da ns l ’ i m p r i m é
d é f . , p. ïi>.
du sieu r N a t e y . — O b s e r v a t i o n s
(2)
Ici il n’ est parlé que de pacage, s’agissant d’ uu droit commua au
fiicjiu’ de Lachaux.
�(
23 )
Gâchiers en défense ( i ) , depuis le zb mars jusqu’au
i
5 m a i , ou autre tems plus ou moins (2);
«• Que la dame de Chadieu 9 et Chalus et ses m é
t a y e r s , sans f r a u d e , pourront y en vo ye r plTurer leurs
bestiaux ( 3) ;
«• Co nda mne la dame de Beaufort aux dépens, etc.»
2.0
L e procès des arbres reste seul en suspens, et les
habitans de V ie ne doivent pas m ê m e y être appelés.
* « Sur Le surplus de l’intervention dudit la R o c h e Briant , concernant Le retail et coupe des arbres au
grand Gâchier , les parties articuleront plus am p le
m e n t par-devant le juge de R i o m , autre que celui
dont est a p p el, etc.»
Voilà l ’arrêt que le sieur N a t e y atteste n ’avoir été
que provisoire sur les Gâchiers , vis-à-vis les habitans
11 ordonne de point én po in t'l'e xé cut ion de
la transaction de i 5 i i .
de Vie.
Séquestre des G â ch iers, et Procès crim inels.
L e comté d’A u v e r g n e passa dans la maison de Bouil
l o n , par échange avec Sedan.
C e changement inspira au sieur de Beaufort un
nouv eau désir de disputer les, Gâchiers aux habitans
de Vic -l e- Com te .
(1) lo i il est parlé des consuls seuls , et le signe de la
accordé à eux.
propriété
(2) Expressions prises, mot pour m o t, dans la transaction de
est
i5 ir.
(S) Autres expressions de iSi I. — Quelle est celle des parties que l’ar
rêt réduit au simple pacage ?
�C> 4 )
Il co mmença par faire défricher une partie des Gâchiers. Les consuls s’en plaignirent à leur nouveau
seigneur; et co m m e ses agens n ’étaient encore au fait
de rien , la récolte fut seulement séquestrée par or
donnance de M. P e g e y r e , commissaire de la chambre
des c o m p t e s , du 6 mars 1662; elle ordonna que le
sieur de Beaufort p ro d u ira it ses prétendus titres.' El c o m m e les consuls de Vie avaient le droit appa
rent
jusqu'à cette production, il fut ordonné que le
produit de la récolle serait versé en leurs mains, avec
défense au sieur de Beaufort de les troubler.
Les consuls donnent ces récolles à ferme au sieur
Cliamboissier, notaire de la ville , par acte du
5 juillet
166 5.
C e Chamboissierpa}^ sa ferme aux consuls le 12 mars
1666.
4
I.,es lems étaient propices. lies vexations qui pesaient
stirles campagnes n'avaienlpas encore mérité correction
royale. L e sieur de Be aufort, em ploya la force pour
chasser les bestiaux de Vie: on se bal til ;desarbres furent
coupés , le cuisinier de Chadieu fut lué par un n om m é
Eaure , cultivateur , de Vie. On informa de pari et
d ’aulie , et on en était lù lorsque les grands jours furent
convoqués à Clermont pour réprimer Les violences et les
oppressions des puis sans , et protéger La fa ib lesse des
officiers de ju stice (1).
(1) Préainbulg de l ’arrêt de convocation ,
.
août 1 665. )
Les
�( ^5 )
L e s sieur, et dame de Beaufort , décrétés de prisede-corps, par arrêt des grands jours, ré c rim in è ren t, dé
noncèrent les habilans de V i e , pour assemblées illicites,
et tâchèrent d ’intéresser à leur cause le nouveau sei
gneur de Vi c-le -C omte , M. le duc de Bouillon.
On représente aujourd’hui une pièce assez singulière,
quoique sans influence dans la contestation. C ’est une
espèce d’accord entre M. de Beaufort et M . le duc de
Bo u il l o n , daté du 6 janvier 1688 (1).
On fait déclarer à M. le duc de Bouillon q u ’il s’est
intéressé ¿1 obtenir l'abandon de tous procès civils et
criminels contre les officiers, consuls et autres habilans
de V i e , à leur p r iè r e , à condition de l ’indemniser
des dommages fa its, ventes, séquestres, coupes d ’ar
bres, etc.
Ensuite, M . de B o u il l o n , parlant pour lui s e u l , dit
q u ’ayant pris connaissance du légitime droit de M. de
Beaufort ès Gâchier et V e r g iè r e , il réitère définitive
ment son désistement de rien prétendre ès-dils l i e u x ,
comme domaines dépendans du comté d \Auvergne (2),
AUTREM ENT
que
po u r
l a
j u s t ic e
,
promettant ne
p o r t e r , ni faire’ porter par les c o u r s , ni cour de sa
M a j e s t é , aucun trouble à la possession desdits l i e u x ,
par M. de Beaufort : l’acte termine par une promesse
faite par M. de Bouillon au nom de ses vassaux , q u ’ils
(1) Im prim é aux observations définitives, page 22.
(2) Ces mots en italique ont été retranchés dans l’imprimé des observa
tions définitives.
7
�(26)
vivront à l ’avenir en bons voisins avec M . de Beau fort,
et renoncent à tous procès contre M . et m adam e de
B ea u fo r t (i).
'P uis l ’acte est dit f a i t triple , l ’ un pour M. de Bouil
lon , l’autre pour M. de B e au fo rt, le
3.e pour les offi
ciers et habitans de V ie.
\ M a i s , il n ’y a que de u x signatures.
Celle des consuls n’y est pas.
L e nouveau seigneur de Vi e avait eu sans doute
de bonnes inten ti ons, si tant est que la pièce soit de
lui : mais ses agens mettaient ses propres intérêts à
couvert en lui faisant réserver la ju s tic e sur les Gâcliiers , ce qui était la seule chose à laquelle il pût pré
tend re; ils compromettaient fort les intérêts des h ab itans d e ' V i e , par des expressions équivoques dont le
sieur de B e aufo rt se serait prévalu un jour.
A la vé rit é , les mots d q légitim e droit et d e possession,
pouvaient bien ne s’entendre que des arbres et du droit
de pacage promiscu, q u ’on ne contestait pas à M . de
Beaufort. L a clause de vivre en bons v o isin s, prouvait
q u ’on n’avait pas entendu disposer de la propriété :
car si la rivière d ’ Allier eût dû être la limite des parties,
la clause eût été bien inutile.
E n f i n ,
l ’abandon des pr o
cès contre M . et m adam e la com tesse, ne pourrait pas
s'entendre des procès sur la
p r o p r ié t é .
.Car il n 'y avait
pas alors de procès sur la propriété.
( i ) Cette clause est aussi retranchée dans l’imprimé.
�( 27 )
Q uoi qu’il en s o it, les consuls de Vie se défièrent;
ils ne signèrent pas , ils n’approuvèrent pas; et ce qui
va le prouver dans l ’instant m ê m e , c ’est q u ’il y eut
reprise des mêmes procès.
Cependant , ces procès eussent été éteints par cet
acte de 1668 , proclamé avec complaisance par le sieur
N a l e y , com m e une reconnaissance expresse, faite par
les ha bilans de V i e , que la propriété des Gâchiers appar
tenait uniquem ent à M. de Beaufort!
L e s poursuites furent reprises par requête du
3 1 juin
1 6 7 4 , donnée par M . de B r o g l i e , second mari de la
v e u v e de M . de Beaufort.
L es consuls de V ie y répondirent par requête du i . er
juillet 1 6 7 4 , et demandèrent leur renvoi.
.
Ces deux pièces détruisant absolument la prétendue
transaction de 1 6 6 8 , sont assez précieuses pour devoir
être analysées
•
M . de Broglie expose dans sa requête qu’il a existé
un procès e n tre Marie P e l o u x , v e u v e Beaufort , les
habilans de Vie , et le seigneur de L a c h a u x , «pour la
maintenue respective des droits de pour justice , et
p a c a g e
dans les Gâchiers.
Q ue ce procès f u t ju g é par arrêt du 26 mars 1 6 4 1 ,
qui porte , etc.
Que cet arrêt a ete execute.
M a i s , qu’à, l’égard de la coupe et retail des arbres,
le sieur de L a c h a u x , a abandonné sa dem a nde, en sorte
que les seigneurs de Chqdieu,, ont avant comme depuis
8
�(
ledit arrêt j o u i
dv
28
r e t a il e t
)
coupe
d es
ar bres
, sis
es G âchiers.
Il parle des plaintes de 1 6 6 6 , pour assemblées illicites
et coupes d’arbres; ail sujet de tout q u o i , M. le duc
de Bouillon écrivit à M. de Beaufort', le 24 avril 1669 ,
pour surseoir. Et il ajo ute, que depuis ce temps il ri en»
a p lus été parlé.
Il se plaint ensuite de nouvelles coupes d’arbres 9 et
demande permission d’informer.
A cela les consuls de Vie répondirent que l ’arrêt de
16 4 1 ayant réglé Les parties , et réduit le seigneur
de Chadieu au simple droit de pacage saris f r a u d e ,
après le terns dé/ensable e x p ir é , ne lui donnait pas le
retail des arbres, mais le soumetlait à une décision
entre lui et le S.r de Lach aux : q u ’il y avait eu en 1666
des informations respectives, décrets , arrêts des grands
jours , etc. Q u au mépris des d its arrêts des g ra n d s
jo u r s 7 le sieur de B ea ufort , a y a n t c o ntin u é ses vi o
lences par le retail des m êmes arbres, les habitans en
auraient fait couper la majeure pa rtie, et vendu iceu x:
q u ’y ayant eu informations et décrets, il était intervenu
de u x arrêts du parlement , par lesquels les habitans
ont été reçus ap p e l a n s , et le sieur de Beaufort aurait
été condamné à se représenter pour être procédé a u
ju g em en t du procès
intenté pendant la tenue des
grands j o u r s , pour raison d u d it trouble, retail et coupe,
d ’arbres. En conséquence , et à cause de ce procès
pendant , ils requièrent être délaissés au p ar le m en t3
sa isi d u différent des parties en état d'être ju g é .
�'
( *9 ) '
Il paraît qu’il ne fut donné aucune suite à cette p ro
cé dure, qui prouve p a r f a i t e m e n t , i.° que les habitans
de V i e ne croyaient pas a v o i r , par l ’entrem ise, aban
donné les Gâchiers de M. de Bouillon ; 2.°. que le
seigneur de Chadieu ne le croyait pas lui-même.
,
A v e u x et dénombremens.
Mais si le seigneur de Chadiéu n’ osa plus plaider
au p a r le m e n t , il n’en essayait pas moins des actes
furtifs d ’usurpation, si on croit les aveu x et dé nom
bremens que produit le sieur N atey, quoiqu’il ne faille
pas du tout prendre à la lettre les inductions qu’il en
t i r e , ni m ê m e les preuves q u ’il y a vues,
L e i . er septembre 1 6 6 9 ,
( 0 François de Beaufort
fit un d é n o m b r e m e n t , i.° pour Chadieu , 2.0 pour
Chalus et pour À u te zat.
C hadieu, très-distinctement reconnu , /y comprend
une vergière cl ose, de 3 o journaux.
Ensuite vient Ch alus, plus un château appelé de
Chalus-les-Bussieres et Les Gâchiers 3 avec une autre
métairie appelée Le R u d e t , p lu s , etc.
L e sieur N a t e y a mis Chadieu et Chalus dans uu
m ê m e contexte , pour faire sortir en lettres majuscules
(1) C ’est Pacte d a té, par erreur, du 18 août 1670, aux Observations
définitives, pag. * 3 .
^
�(
3o )
la vergïere et puis les G â ch iers, ( i ) com m e dépendances
de Chadieu.
Mais il est visible que les Gâchiers placés là incognito
après Chalus, auraient dépaysé tous les observateurs;
ce n’était pas la peine, car les consuls de V ie n’étaient
point appelés à cet a c t e , qui ne les empêchait pas
d ’user de leurs droits, et de tenir les Gâchiers en dé
fense.
Le i
5 mai 1684 , le sieur Parades agissant pour
Jeanne de Beau/ort, fille de François, fit un d é n o m
brement où il comprit plus clairement les G âch ie rs ,
mais d ’une manière entortillée , qui en apparence ne
disait rien, mais qui n'en eût pas moins appelé l ’a l i e n tion et la vigilance des habitans de V i e , s’ils eussent
été informés de ce dénombrement.
C e déno m brem en t comprend C h a d i e u , les Ma rt re s,
M o n t o n ; il y est reconnu la vergière et le grand
G âch ier, co m m e pacages actuels entre l’Allier et les
terres de C h a d ieu .
O n n ’avait donc pas osé les donner c o m m e pro-'
p r i é t é , çt si V ie s’en fût p l a i n t , le sieur de Parade
aurait r é p o n d u , i.° que l ’arrêt de 1641 donne au
seigneur de Ch adieu le droit de p a ca g e, et q u ’il y
avait lieu de mentionner ce pa c a ge, parce qu’ un dé
nombrement ne doit rien o m e t t r e ; 2.0 q u ’en confi( 1 ) L ’ imprimé du sieur TNatey p la c e , entre le mot Chalus-les-Bussières et le mot les Gâchiers, up poiqt et v ir g u le , qui paraît les séparer
eu deux articles reconnus. Cette ponctuation 11’est pas dans l’original.
�( 3 l )
nant les Gâchiers par les terres de G hadieiL, ^c’était
avoir dit assez q u ’ils ne faisaient pas partie des terres
de Chadieu.
U n e plus grande exp lic a tio n! vient, ensuite ; car
Jeanne de Beaufort reconnaît la justice haute, m o y e n n e
et basse sur le t o u t , s a u f les, G â c h ie r s, en sorte que
d’après la C o u tu m e d’A u v e r g n e c ’ était reconnaître le
droit des habitans de V i e , tout aussi bien que ceux
de leur seigneur.
L e sieur N a t e y qui a cru voir de plus grands ré
sultats dans cette pièce, l ’a intitulée fastueus eme nt,
dénombrement j u g é contradictoirem ent le 20 novembre
16 8 6 ; et il y a ajouté les certificats de publication.
Qui ne croirait d ’après cela que l’acte est publié à
V i e , et q u ’ une opposition de Vie a été jugée en fa
veu r du sieur de Be aufort, contre V ic ^
B i e n de tout cela. L e dénom bre m en t a été publié
à M onton et aux Martres; l’opposition fut form ée par
un sieur Barberin , prêtre de Monton,
v
««*,
Si le sieur de Parades avait cru devoir faire un
d é n o m b re m e n t, dans les termes ci-dessus, pour l ’a
vantage de Jeanne de B e a u f o rt, m in eu r e; elle-même
n'osa pas le réitérer dans les mêmes termes.
O n lit dans un aveu et dé nombrement du 9 juillet
1 7 2 3 , (1) que Jeanne de B e a u f o r t, v e u v e de T a n e ,
(1) L e sieur N atey n’a pas jugé à propos de produire c e l u i - c i , et le
m otif se devine aisément, L e maire de V i e en a une expédition
archives impériales.
p rise
aux
�C
32 ,
reconnaît six articles distincts, Lihadieu, C h a l u s , vun
m o u l i n , les Martres, les cens et directe de Monïon >
C o r e n t, et c., et enfin un moulin Bannel à P l a u z a t ,
sans y comprendre le moins du monde Les G â ck iers,
ni dans le détail des articles de Cbadieu , ni dans
ceux de Chalus-les-Bussières.
P o u r ne plus revenir sur les d é n o m b r e m e n s , il faut
dire un mot de celui du sieur de la R o c h e - B r i a n t , du
28 février 1 6 8 4 , que le sieur N a t e y argue de f a u x ;
car c ’est son m oy en favori contre tous Les actes qui lui
ont déplu dans cette cause, L e sieur N a t e y ne doute
pas de ce faux , parce qu’il a un certificat du d é p o
sitaire des archives impériales , que cet acte n ’existe
pas dans les archives : (1) et parce que dans six m é
moires successifs i l a menacé le maire de V ie de ce
f a u x , s’il redisait un mot de cette p i è c e , il croit fer
m em e n t qu’il n ’en sera plus parlé.
r L'e xp éd ition de cet aveu et dénom b re m ent, confiée
ail maire .de V i e , par le propriétaire de Lachau x (qui
pour ce m o t i f a aussi sa part d ’injures) (2) est originale
et en parchemin. Il y est reconnu un droit de pacage
d a n s Le G â ch ier, et à celte clause est ajouté ce qui suit :
« C o m m e aussi M M . de V ille-C o m te, à q u i i'L appar
tie n t, avaient donné , de leur libérale volonté , en
(1) Ce n’est malheureusement pas la seule piece qui manque aux archives
impériales. L e maire de V ie y a fait aussi, pour d’autres titres, des re
cherches infructueuses.
(a) V o y e z le mémoire N a tey , intitulé : R é s u m é , pag. 26 et 27.
paiement
�( 33 )
paiement des services qu'il leur avait rendus an par
lem en t, contre la dame de Be aufort, q ui prétendait
que Ledit G â c h ie r fu t à eLLe, en considération que feu
son père fit juger le procès, lesdils habitans lui don
nèrent quatre-vingts pieds d ’arbres en l ’étendue dudit
lieu de Gâchier
Ce titre^ toujours joint au dossier des habitans de
V i e , ne leur avait pas semblé assez important pour en
tirer de grandes ind uctions, parce q u ’il n’ajoute rien
à l'arrêt de 1641'. Mais le sieur N atey , croyant se faire
un m o yen de ses inculpations, a demandé le dépôt de
cet acte au greffe; et là il a tout de suite tr o u vé, en
présentant Le parchem in à La transparence, que l'acte
a été gratté , altéré , falsifié > etc.
Cela est vrai, le parchemin paraît gratté en un en
droit ; mais en quel endroit?.... Précisément ce n’est
en aucune des lignes q u ’on vient de transcrire! (1).
(1) Cette perspicacité du sieur N a ley a fait naître la pensée au maire
de Vie de regarder d e ‘plus près les litres du sieur N atey , et i.° dans un
3 o octobre 166 5 , uù le sieur Natey a copié la relation d’un acte
du 2.0 octobre i 53o (im prim é aux observations définitives , page 5 , et
acte du
dans tous ses autres m é m o i r e s ) , il a vu que les m ots, appartenans au x
habitans d’Aute&at, et le m ot, acquis-, sout visiblement refaits et sur
chargés. ,
.
•
2.° Dans l’ écrit informe de 1668 , où on fait dire à M . de B e a u fo r t ,
q u ’ il se désistera de ses procès,, sous condition d ’être indemnisé , ces
mots sont aussi refaits et surchargés.
3 .° Dans l’ordonnance P egeyre, de i 6 6 3 , q u i, iante par Le sieur de
Beaufort d'avoir justifié de ses prétendus titres s le déclare déchu,
¿ i l ne tes produic dans l'an. Ces derniers m uts, s’U ne les produit
9
�C 34 )
. Laissons donc toute cet te petite guerre de 'm oi s, cette
diversion ét udiée, qui appelle Inattention sur de légers
accessoires , et reprenons la série de faits qui prouvent
que les consuls de Vie n'ont jamais abandonné leurs
droits sur les G âch ie rs, et que les prétendues pièces
d e i 5 3 i et de 1668 ont été pour eu x des actes ignorés
qui ne les ont pas empêchés un seul instant de jouir
et de tenir en dé fe nse5 c ’ e s t - à - d i r e , d’agir en proprié
taires , en réduisant le seigneur de Chadieu au simple
pâturage sans fraude.
¿1aires P ièces prouvant* Cexécution de la Transaction
de i 5 i i .
Il paraît q u ’en 1 7 1 5 certains voisins des Gâchiers,
suscilés ou non par le propriétaire de Cliadieu,, y
faisaient des entreprises, plus faites pour appeler l’at
tention des habitans de V i e , que des dénombremens 5
les consuls convoquèrent une assemblée générale le
21 juin 1 7 1 5 .
On y expose les troubles et usurpations de ces voisins
« qui se prévalant de l ’absence des habitans de Vic
i e - C o m t e , ont la précaution de tems en tems , et
dans l ’aria qui portent un changement absolu dans cette ordonnance,
sont une addition visible.
ï a u t i l , pour c e la , accuser l e s i e u r N a le y de ces altérations d’actes?
Non ; car on ne doit paa être injuste ou passionné par récrimination. P lu
sieurs de ces surcharges sont insignifiantes. Quant aux autres, les habitans
de V i e ne veulent pas perdre de tems à en scruter le résultat. L eu r cause
»’ en a pas besoin.
�( 35 )
sur-tout en hiver , de faire changer de lit au ruisseau
appelé de C h a r le t, qui confine d ’une part ledit grand
G â c h ie r, en quoi ifs réussissent avec d’autant plus
de facilité, que l ’eau dudit ruisseau étant une eau
do rm ante, et dont ler cours se comble de limon tous
les hivers, ils font de nouvelles rases en dedans ledit
G â c h i e r , gagnent terrain , et l ’agrandissent à grands
p a s , aux dépens du bien de la commune toujours mal
d é f e n d u e ; en sorte qu’ils ont déjà usurpé de c e ll e
manière un grand canton de la meilleure partie dudit
G â c h i e r , ainsi q u ’il est aisé à juger par l ’inspection
des lieux et outre ce , prétendent d?usurper certain,
terrain ou gravier que la rivière d ’ A ilie r a laissé p u is
quelques années , q u o iq u il a p p a r t i e n n e par bons
titres, tant pour le droit de ju stic e que de pa ca g e, à la
commune d u d it V ie. En conséquence de q u o i , tous les,
habitans ont délibéré unanimement que lesdils sieurs
consuls sont advoués de soutenir en justice les,droils
de la c o m m u n e , en ce que regarde la propriété, pos
session, saisine et jou issa n ce desdits G â chiers, qui leur
a été adjugée , tarit pour le su sd it droit de ju stice que
de p a ca g e, par l’arrêt contradictoire, rendu par nos
seigneurs de la Cour de parlement, le 17 mai 1 6 4 1 ,
et pour cet ef fet , se régir par conseil, elc. ».
Les
habitans de Vie avaient parlé de l'enterre
ment fait en 1 7 9 0 , d ’ une fem me de Chalus , prise par
le curé de V i e , au ruisseau de Charlet , com m e lim ite
de la paroisse, >et le sieur N a t e y , s’égaye de la circons
tance. (1) Elle n’a pas un grand poids , en effet, pour
la proprié lé des Gâchiers, mais elle se trouve là fort
à-propos pour expliquer comm ent le ruisseau de Char (1) Mémoire intitulé ; Réplique 3 imprimé en 1810, page 29.
10
�1 3 6 }
let peut se trouver une limite des Gâchiers , sans la
subversion de topographie que le sieur N a l e y se plaisait
à reprocher au maire de V ie (i).
Ils avaient parlé encore a^une requête du i . er mai
174 6 * donnée par les régisseurs m êm e
de C h a d i e u ,
pour demander à titre d’excuse et de dénégaiion une
m ain -le v é e de best iaux, saisis p a r l e s consuls de Vie,
Cette pièce était importante pour prouver la vigi
lance des consuls à tenir en défense les Gâchiers, et
le langage modéré des régisseurs de C h a d i e u , très-au
fait des usages. I l s se soum irent par leurs conclusions
a payer le dommage et la clame. L e sieur N a t e y , n ’a
rien répondu h un fait aussi p r é c i s , émané des agens
de ses prédécesseurs.
U ne autre procédure dont on n ’avait plus p a r l é ,
et qui n ’a été retrouvée à Clermont , que depuis le
précédent m é m o i r e , date de 1762. Le s consuls firent
encore saisir des moutons de M. de T a n e , pacageant
en fraude dans les G â c h ie r s , Leur appartenant, est-il
(1) A u t r e mémoire intitulé : R ép liq u e, imprimé en 1807, page 4 ; et
sur-tout le mémoire intitulé : R ésu m é, page 3 o , où le sieur Na t ey atteste
l’ impossibililé que« le merveilleux ruisseau de C h a r l e t , vainqueur des flots
« rapides de l’A l l i e r , ait pu fournir un passage pour aller servir de limite
« à l’autre rive...... Eu s’ étayant difficilement de faits f a u x , il prouve ( le
« maire ) qu’ il connaît l’iniquité de sa ca u se, et ne répugne à aucuns moyens
« pour tromper les tribunaux et le public ».
Cette vespérie n’a besoin d’autre réponse que des deux pièces de 1715
et 1720 et des tiues même de Chadieu, où le ruisseau Charlet est confin.
�? 37 )
d i t , de tems immémorial. Car leur langage n ’a jamais
varié.
M . de T a n e présenta requête au sénéchal de Clerm o n t , le 4 septembre 1762 , pour demander des d é
fenses, et la m ain -levé e de cette saisie : et pour obtenir
cette main-levée sur r e q u ê te , il exposa en fait que
c ’était hors les pacages des habitans de V i e , que les
moutons avaient été saisis, et dans l ’étendue de la
justice.
Cependant , il paraît que le sieur de T a n e voulu t
soutenir avoir droit de faire pacager ses bestiaux avant
La S t.- M a r lin , c ’e s t - à - d i r e , pendant le tems que les
consuls de Vi e réservaient le pacage au gros bétail,
et tenaient les Gâchiers en défenses des autres bestiaux,
en exécution de la transaction de i
5 i i , et de l ’arrêt
de 1641.
C e projet d’innovation donna lieu à une assemblée
générale des habitans, le 28 juillet 1764. On y expose
l ’usage immémorial de publier C ouverture d u pacage
annuellement à la p e nt ecôte, pour réserver le pacage
au gros bétail jusqu'à la S t .- M a r t i n , et on autorise les
consuls à s’opposer à toute innovation , plaider, etc.
Il ne reste d’autres pièces de ce procès qu'une requête
du 1.” juillet 1 7 5 5 , rédigée et signée par M .e T i x i e r ,
avocat. On y voit que M. de T a n e , dans des causes d ’a p
pel du 29 janvier,avait conclu à l'exécution de l'arrêt de
1 6 4 1 , et q u ’en conséquence, lui et ses métayers fussent
maintenus dans le droit et possession d’envoyer pâturer.
�C
38 )
Leurs bestia ux dans Le com m unal d u g ra n d et petit
G â ch ie r , en tout tems.
L e s consuls de V i e répondaient que ce communal
était Leur propriété , que l’arrêt de 1641 l ’avait jugé
ainsi, que c ’élait à eux à le tenir en déf en se, etc.
E n 1 7 6 5 , une autre saisie de moutons fut faite par
les habilans de Vie , par des habilans de C o r e n t ,
(vas saux du sieur de T a n e ). Ils ne s’en défendirent
aussi que par des excuse s, en reconnaissant dans leur
propre requête le droit de propriété des Iiabitans deVic.
■ E n 1 7 6 6 , un délibératoire autorisa le-maire à d e m a n
der une plantation de bornes.
Cette
fermeté soutenue des habilans de Vi e , fit
comprendre au sieur de T a n e , q u ’il avait commis une
imp ru de nce , en concluant lu i- m ê m e à l’exécution de
l ’arrêt de 1641. I l vit que pour tenter un succès * il
fallait revenir sur ses p as , c'e£i ce q u ’il fit en 1768.
Procès actuel y commencé en 1768.
L e sieur de
T a n e exposa dans une
commission
obtenue au p a r l e m e n t , que les Gâchiers et V er giè re,
dépendaient de ses domaines de Chadieu et Chalus ;
qu ’ils étaient ja d is asservis à une redevance de
3 fr.
d’or, envers le seigneur d e V i c - l e - C o m t e , pour laquelle
il y a procès en la sénéchaussée; que les consuls de
VicLOrit'tenié plusieurs fois d ’oblenir le droit de pa cage,
tant que le terrain serait eri vaine p â tu re, ou sans d é -
�( 39 )
fense : qu’ il y eut procès au .parlement avec M ar ie
P e l o u x , et que les consuls de V ie soutenaient q u elle
était reduite a L unique propriété, (r) Ç Vi en t ensuite la
teneur de la sentence de 1637 , et de l ’arrêt de 1 6 4 1 .)
L e sieur de T a n e continue, et dit : «• néanmoins afin
que le juge actuel de L a c h a u x , ne puisse lui objecter
l ’ancienne prétention de ses prédécesseurs sur Le retaiL
et coupe des arbres du grand Gâchier , laissé indécis ,
il est bien fondé à faire prononcer sur ce chef.
Après cela le sieur de T a n e demanda permission
d ’assigner, et.il assigna le sieur Vassadel, seigneur,de
la Chau x , pour voir statuer sur Le c h e f d u procès resté
indécis : en con séq uen ce , ajoute - t - i l , pour se voir
défendre de couper et le troubler dans Le droit d e pro
priété des Gâchiers , sauf audit sieur de L a c h a u x
et
a u x habilans de V ie le pacage pendant la vaine pâture.
Il assigna en m êm e -te m s les habitans de .Vie en arrêt
comm un.
Dans les formes ordinaires de la procédure , une
demande ainsi formée contre deux personnes, ne p o u
vait être séparée; et si les habitans de Vi e ne com pa
raissaient pas. il fallait un arrêt de jo nc tion; ce n ’ est
pas ce que fit le sieur de Tane.
Il prit, le i 5 mai 1 7 6 8 , contre le Sr.Vassadel se u l3 un
arrêt par défaut, sur Lechefdeprocès resté in d écis, c o m m e
le porte l ’a r r ê t , et il obtint-toutes ses conclusions.
(1) II faut convenir que tout cet exposé était d’ une grande exactitude,
d ’après ce qu’on a lu.
�( 4° ) _
' Ensuite il transigea avec le sieur Vas sadel, toujours
seul ^ pour le faire départir de la coupe des arbres;
mais le sieur Vassadel exprima des réserves de tous
les droits des habitans de Vie.
C e u x - c i se défendirent vigoureusement , com m e
troublés dans leur propriété par cette demande ; ils
répétèrent que les Gâchiers étaient leur c o m m u n a l ,
leur propri été , sauf la servitude de p a c a g e , due au
sieur de T a n e ; ils conclurent à ÿ être maintenu s; le
procès fut appointé avec eux.
T o u t procès a été abandonné par le sieur de T a n e ,
depuis cette époq ue, la saisine des Gâchiers est restée
aux habitans de Vie.
E n l’an 1 0 , le sieur N a t e y rec om m enç a les hos
tilités, en signifiant l’acte de i
5 3 i , qui voyait le jour
pour la première fois; il déclara q u ’il voulait clorre;
le maire lui répondit qu’il formait opposition à toute
clôture.
.A l o r s , et par exploit du 21 ventôse an 10, le sieur
N a t e y assigna le maire de V ie au pélitoire dans la
fo rm e suivante.
Il
mit en tête de son exploit les arrêts de 1768 et
1 7 6 9 , où le sieur de T a n e était en qualité com m e
dem a nd eu r, et les officiers municipaux de Vie com m e
défendeurs ,* il déclara reprendre cette instance devant
la ( »our d’app el , com m e représentant le P a r l e m e n t ,
et assigna le maire de V i e ,
pour voir d ir e , q u ’ayant
égard à ce qui résulte de l’acte de i
53 i , de l’arrêt
de
�( 4 0
de 164.1 ( i ) , et des arrêts de 1768 et
1769, et,
sans s’arrêter a la demande des habitans de Vie (2),
N a tey fut maintenu dans la propriété et jouissance des
Gâchiers et Ver gièr e, avec défenses de l’y troubler., etc.
C'est après cette demande pétitoire que le sieur
N a t e y ayant fait des plantations et des fossés3 le maire
de V i e se pourvut en complainte possessoire contre les
ouvr iers, dont le sieur N a t e y prit le fait et cause. Ce
possessoire fut jugé le 2 3 messidor an 10 ; et il y eut
appel.
•
Dans le m ê m e te m s , le sieur N a t e y revint en la
C our poursuivre sa demande du 21 ventôse an 10.
L e s habitans de Vie dirent en défenses que le procès
repris par N a t e y , étant une demande principale portée
de piano au parlement , suivant l ’usage
abusif de
•> cette é p o q u e , devait d’après les lois actuelles subir
les deux degrés de juridiction ; ils conclurent au renvoi
par deux requêtes des 23 fructidor et i
1
a n ; 11,
3 thermidor
:
L a c o u r j par arrêt du 18 tliermidor an i r , au
rapport de monsieur C o i n c h o n - L a f o n t , jugea que la
v c o n t e s t a t i o n ayant été portée de piano au parlement
de Paris en première instance , il y avait lieu h subir
(1) Regardant l’arrêt de
1641 comme définitif, il n’ en reprenait pas
les poursuites, au contraire, il en argumentait comme d’ un titre..... .
(a) Le*sieur Nat ey explique, qu’il a entendu parler des conclusions en
maintenue, prises par les habitans3 en défenses à la demande de 1768. *
11
�( 4 0
les deux degrés de juridiction , possession néanmoins
tenante en faveur de Natey.
L e sieur N a t e y usa largement de sa v i c t o i r e , et
réduisit les habilans de Vi e à un dénuement de pacages,
dont la tradition la plus reculée ne leur donnait aucun
exemple.
Ils se pourvurent en cassation et co m m e ils ne p o u
vaient em pêcher l ’exécution de l’arrêt , le maire de
V i e assigna N a t e y au tribunal de C l e r m o n t , le 8 fruc
tidor an i i , pour procéder sur La dem ande form ée
par N a te ij; en co nséquence , et y statuant, pour voir
maintenir les habilans de Vie dans la propriété et pos
session , avec défenses de changer l’état des lieux.
U n jugement du 9 nivôse an 12 fit défenses pro
visoires à Natey de défricher. Il fut infirmé par arrêt du
12 prairial an 12. Mais cet arrêt et celui du i 3 ther
midor an 1 1 , furent cassés.
Il est cependant essentiel de remarquer que ce dernier
arrêt ne fut cassé qu’en ce qu'il accordait la posses
sion au sieur N a t e y ; mais, q u ’il fut maintenu en ce
q u ’il renvoyait La demande du sieur N a t e y , à subir les
deux degrés de juridiction.
L e possessoire fut jugé le 29 août 1807 , par juge
ment en dernier ressort du tribunal civil de Riom ,
délégué par la Cour de cassation, et les habilans de
Vie maintenus en la possession du pacage, des Gâchiers
et v e r g i è r e , açec restitution de jo u is s a n c e s , à dires
d ’experts.
�U 3 )
Ge jugem ent en dernier ressort réduisait nécessaire
ment le sieur N a t e y à poursuivre sa demande au péliloire ; aussi se hâta-t-il de revenir à C l e r m o n t , où
il surprit un jugement par d é f a u t , qui remettait la
cause de quinzaine.
Mais il n'avait pas parfourni le possessoire, et il
ne l ’a pas m êm e parfourni encore!
U n second jugement du 9 avril 1808 reçut l ’op p o
sition des habitans de V i e , sursit de
3 m o is , pendant
lequel tems les condamnations possessoires seraient
liquidées.
Elles l’ont été dans ce d é l a i , et un jugement du
tribunal civil de R i o m , du 18 mai 1808 , a homologué
le rapport des experts, par défaut contre N a t e y ; i l a
été confirmé par autre jugement du 26 mai 1809, qui
le déboute de son opposition.
T o u t cela n’a pas produit le parfournissement du
possessoire, au contraire le sieur N a t e y , pour neutra
liser les conditions possessoires, avait interjeté appel
en la C o u r , du jugement du 7 avril 1808, qui avait
prononcé un simple sursis; il demandait ¿1 la Cour l ’é
vocation du principal, et le jugement du pétiloire.
C'est alors que le sieur N atey imagina, pour la pre
mière fois, de prétendre que malgré ses demandes il
n'était pas demandeur ; et co m m e le jugeme nt de
Clermont lui en avait nécessairement et par habitude
donné la qualité , il en fit un gr ief d ’appel.
L a C o u r, par arrêt du 29 juin 1809, s‘m s s’arrêter
h cette demande e n é v o c a l io n du principal, se déclara
�( 44 ;
i n c o m p é t e n t e , et renv oy a le sieur N a f e y à faire statuer
sur le fon d , à Cle rmont, dans le plus b r e f délai.
«
Cependant il fallait exécuter le jugement possessoire, et la com m un e de V i e , après d’aussi incroyables
chicanes, devait compter que le cours de la justice ne
serait pas interrompu en faveur du sieur N a t e y ; mais
à son grand étonnement , le maire de Vie £eçut la
notification d’un arrêté administratif, qui l’empêchait
de mettre à exécution le jugem ent en dernier ressort
de Riom.
Il se vit obligé d’attaquer cet abus de pou voir , et
de porter ses plaintes aux pieds de Sa Majesté I m p é
riale. Il y trouva la ju sti ce , et par décret impérial
du
28
décembre
1810,
l’arrêté ci-dessus fut
avec ordre d’exécuter le jugement du
20
ca ssé,
août
1807,
en réintégrant la co m m une dans la possession des
Gâchiers.
« N A P O L E O N , Empereur des Français.,.., vu la requête.,.. ;
un arrêt du parlement de Par i s, du
1 7 mai
1641 ........;
un
j ugement du tribunal civil cle R i o m , rendu en dernier r e ssort ,
le 29 août
1807,
session....... ; un
qui maintient la commune de V i e en pos
procès-verbal d u ......... ; l’arrêté
de préfecture , remplaçant
quatre août mil
le préfet du
du conseiller
Puy-de-Dôme ,
du
huit cent n e u f, qui , sur le prétexte de m é
nager les intérêts
de la commune , et dans des vues d’ordre
p u b l i c , ordonne que le sieur
ment la jouissance des
Nat ey
terrains
conservera provisoire
litigieux ; que le
droit de
p a c a g e sera estimé par des e x pe r ts , et le p ri x en sera versé
dans la
caisse de la c o mm u n e ..... ......... j enfin la requête du
�.(
-45 )
maire de V i e i la réponse du sieur Natéy , la répliqué du
maire , et autres pièces à l ’appui ;
Considérant qu 'un jugem ent en dernier ressort ayant main -
tenu la commune de T^ic dans la possession du terrain liti
g ieu x , et fait défenses au
sieur N a t ey de l ’y t r o ub l e r , rien
préfecture , re m p la ça n t
ne pouvait autoriser le conseiller de
le préfet
du
P u y - d e - D ô m e , à légitimer
les
entreprises
du
sieur N a t e y , contraires auxdites défenses ;
Sur
l ’avis de notre commission du contentieux;
Notre
Conseil d ’Etat entendu ,
Nous avons
Art.
^
décrété et décrétons
ce qui suit :
i . er L ’arrêté du conseiller de p réf ec tur e, remplaçant
le préfet
du P u y - d e - D ô m e , du
quatre
août mil
huit cent
n e u f , est annullé.
2. L ’état des lieux sera rétabli tel qu’il était avant ledit
arrêté , aux frais du sieur N a t e y , et le jugem ent du tribunal
civil de R i o m , du vingt août m il huit cent s e p t , sortira
son
S.
plein
et entier effet.
Notre ministre de l ’intérieur est chargé de l ’exécution
].
du présent décret.
A p p r o u v é , etc.
Signé N A P O L E O N .
Quelque précis que fût ce décret im p é r ia l , le sieur
N a t e y ne s’ est pas tenu pour b a t t u , et il a prouvé
que ses ressources étaient aussi inépuisables que son
génie était fécond à en découvrir d'inattendues. Mais
il faut oublier cette inégalité de forces pour ne pa s
être découragé par les comparaisons.
Reprenons la série des faits judiciaires , pour suivre le
sieur N atey dans cette autre a r è n e 3 où il n’est pas moins*
inventif. E n voici une preuve :
�(.46 )
Plaidant enfin sa cause au fond, le sieur N a t e y s’est
efforcé principalement à prouver qu’il n’était pas de
m an de ur au pétitoire , mais bien d é f e n d e u r , d’où il
a conclu comme il fallait s’y attendre , que la c o m
mun e de Vie demanderesse avait tout à prouver.
l i e tribunal dè Clermont a décidé que c’était le sieur
Natey” qui était d e m a n d e u r , et au surplus a accordé
que les limites des justices de Vi e et Mo uton seraient
fixées par experts.
Alors qu’a fait le sieur N a t e y ?
Il s’est hâlé de signifier les qualités de ce j u g e m e n t ,
pour arranger les choses à son contentement ; et il a com
m encé ainsi : entre Les habitans de
par
req u ête
V
ic ,
dem andeurs
des 6 et 7 ju ille t 1 7 6 8 , et le sieur N a t e y
défendeur.
• Ensuite se mettant à l ’aise dans les faits , il n'est r e
m o nt é q u ’à i 63 o , pour esquiver les acles de i 5 i i ,
15 4 2 et 1 6 2 7 , et sans même supposer que les habitans
de Vi e en eussent parlé.
E n f in , à l’article de sa propre p r o c é d u r e , le sieur
N a t e y , passant de 17 6 9 à l ’an 1 0 , S'est bien gardé
d ’averlir que c ’est lui q u i, le premier, avait attaqué. l i a
dit que le maire de Vi e s’était fait autoriser à reprendre
l ’instance de 1768 ; après quoi il a bien voulu avouer
que de son côté, il l’avait aussi reprise ; en sorte q u e , p a r
cet arrangement chronologique, tout le monde pouvait
croire que les habitans de Vie étaient demandeurs à
toutes les époques.
�( 47 )
Ces qualités furent arrêtées par une opposition ten
dante à faire rectifier tous les faits , ou la vérité était
altérée.
«
M. le président a fait droit sur cette opposition , en
rétablissant les qualités qui déjà l’étaient suffisamment
par le ju g em e nt, dont la teneur suit:
« At tendu (sur lé règlement des qualités) que depuis
l ’époque de l’arrêt d e l à ci-devant Cour du parlement
de Paris, du 17 mai 1641 , qui régla la contestation,
alors pendante en la dile C o u r , entre les consuls de
V i e , les héritiers Beaufort-Canillac , propriétaires du
clos de Ch ad ieu , et le sieur la Roche-Briant ci-devant
seigneur de L a c h a u x , il ne s’est élevé entre les parties
que des plaintes relativement à l’inexécution de cet
arrêt, et que le tout a été terminé ou abandonné dans
les temps les plus reculés ;
« Attendu que l ’arrêt précité a été exécuté jusqu’ en
1 7 6 6 , époque où le sieur de T a n e voulut faire juger
la branche du procès qui était restée indécise d ’après
cet arrêt entre la famille Beaufort qu’il représentait,
et sieur Vassadel - Lach aux représentant le sieur la
Roche-Briant ;
« Attendu qu’en 1 7 6 6 , le sieur de T a n e assigna en
la ci-devant Cour du parlement de P a ri s , non-seu
lement
le sieur Vas sadel-Lachaux pour faire pro
noncer sur ce que l’arrêt dont il s'agit avait laissé
indécis, mais qu'il appela encore les habitans de Vie
pour voir déclarer communes avec eux les condam
nations à intervenir;
�( 48 )
te A t ie n d a que le procès actuel n’est que la suite de
cette dem ande
q u ’il a plu au sieur N a t e y de re
prendre contre le maire de V i e ; que par conséquent,
pe dernier doit toujours être considéré com m e le d e
m an de ur principal, ainsi que l’était le sieur de T a n e ,
quelques demandes incidentes que les h ab il a n s d e Vie
aient pu f o r m e r , par requête ou a u t r e m e n t , depuis
I j6 6 jusqu’à ce m o m e n t ; p u i s q u e tout ce q u ’ils ont
fait jusqu’à ce jour ne l’a été q u ’en défendant à la
demande formée contre e u x , pour y parer et pour
la conservation de leurs prétendus droits 5
En ce qui touche le fon d ,
«• Attendu que les parties sont contraires en faits
sur les limites des justices et autres terres d e l à maison
Canillac-Beaufort , qui toutes joignent e n se m b le , et
celle du comté d ’A u v e r g n e , d ’autre p a r t ;
«■Attendu que le sieur Natey, prétend que la rivière
d ’Allier sert de bornes à la justice de V ie sur Allier;
«■At tendu
que les habilans et corps co m m un de
cette co m m une
présentent des titres qui semblent
contrarier cette assertion;
« At tendu que les juges ne peuvent* pas eux -mêmes
éclaircir tous ces points; de f a i t , à délaut d ’instruc
tions suffisantes ¿1 cet égard;
« L e tribunal faisant d r o i t , i.° sur le règlement
des qualités, ordonne que le sieur N a t e y étant au
lieu et droits du sieur de T a n e , dem andeur originaire,
procédera en la ca use , en qu¿ilité de d e m a n d e u r , et
�' ( 49 )
'le maire de là c o m m u n e de V i e sur Allier , en qualité
de défendeur ( i ) ;
« 2.0 A v a n t faire droit au fond , sans préjudicier ni
nuire aux droits respectifs des parties, ordonne q u ’elles
conviendront d’experts, à l ’efîet de vérifier les lieux con
tentieux , en lever un plan géométrique , et désigner les
anciennes limites de la justice de V i e , clief-lieu du cidevant comté d’A u v e r g n e , e t 'd e s autres justices qui
la joignent; et déclarer si les pâturages, dits Les g ra n d
"et petit G âchæ r et La V ergière, sont enclavés dans la
ci-devant justice du comté d’A u v e r g n e , ou dans quelle
justice ils sont situés, etc., tous moye ns de fait et de
dro it, ainsi que les dépens, réservés ».
L e Sieur N a t e y a interjeté appel de ce
ju g e
ment.
Il poursuivait cet a p p e l , faisait des réquisitions, et
se plaisait déjà à accuser la lenteur du maire de V i e ,
long-tems avant d ’avoir m êm e fait expédier et signi
fier le jugement de Clermont.
Par deux actes successifs, l ’ un du 22 août 1 8 1 1 ,
l ’autre sans date, tous deux signés Jea n de B a t%, le
sieur N atey a fait sommation au maire de Vie de d é
clarer s’il entendait se servir des actes de i
5 i i , 1642
et 1 6 8 4 , et du pouvoir donné au maire de V ie par
(1) S’il n’y avait pas en d’opposition aux qualités de ce j ugement,
on voit combien le sieur Natey l’aurait rendu ridicule
5 puisque
ceux qui
seraient restés e n ' qualité, comme demandeurs, étaient jugés n’être quo
défendeurs.
x3
�(
5o )
les habitans, le 9 messieor an i o } se réservant, audit
cas, d ’attaquer lesdits acles par inscription de f a u x :
•il en a demandé la communication par la voie du
greffe.
L e maire a répondu q u ’il entendait se servir de tout&s
les pièces produites au procès; qu'il en a vail donné maintes
fois co m m unic a ti on, et qu'il l'offrait encore aux d é f e n
seurs du sieur de Batz.
P a r arrêt préparatoire, du
25 novembre 1 8 1 1 , la
C o u r a ordonné le dépôt respectif au greffe de tous
les titres du procès.
Ce dépôt a eu lieu; le sieur de Batz a verbalisé sur
chaque pièce produite. Cependant il s’est fort appaisé
sur l’inscription de faux. Il a .r é f l é c h i, et il dit que les
pièces menacées n'en valent pas la peine.
♦
A u jo u r d ’hui le sieur de Batz a donné son ultim atum
dans des conclusions où , reprenant tous ses m o y e n s , il
dit que ses prédécesseurs n'ont jamais pu être dem an
deurs, parce q u ’ils ont toujours possédé les G a c h ie r s , et
que les habitans furent demandeurs en pr opriété, en
1768 ; que le 8 fructidor an 11 , ils portèrent à C le r
mont leur dem ande en propriété, et mirent la* cause au
tôle le i .er vendémiaire an 1 2 , c o m m e demandeurs ;
qu'ensuite ils formèrent une demande au possessoire,
quoique la loi leur interdît cette double action ; q u ’ un
jugement du 9 nivôse an 12 les dén o m m e demandeurs ;
que si, en 176 8, le sieur de T a n e assigna les habitans le
p r e m i e r , il abandonna celte demande dont il n’est pas
fait mention en l ’arrêt du i 5 mars 1768 ; que si N a t e y l ’a
�(
)
-reprise le 24 germinal an i o , il n’a pas assigné en décla
ration d ’arrêt com mun. Enfin le sieur N atey prétend
que l’arret de 1641 ne peut avoir donné la propriété
aux habitans de Vic^ parce q u ’ils n’étaient demandeurs
q u ’en simple servitude de pacage , tandis que la pro
priété des Gâchieis n’était en litige qu'entre les sieurs
de Beaufort et de la Roche-Briant. Après tout c e la , le
sieur N a t e y a conclu au mal j u g é , à ré voca tion du prin
cipal et à être gardé et maintenu en la propriété des
Gâchiers et vergières.
L e s habitans de Vie ont interjeté appel incident du
m ê m e ju g em e nt , en ce q u ’il ordonnait une expertise
inutile, puisque le sieur N atey avait toujours reconnu
que les Gâchiers étaient dans la justice de Vic-le-Comte.
Voilà donc enfin où en est ce procès suscité par le
sieur N a t e y , quoiqu’il en dise ; et déjà le maire de Vie
croit avoir rendu compte du passé de manière à passer
rapidement sur les questions que font naître les co n
clusions ci-dessus.
§
I.er
Q uel était le d em a n d eu r?
i.° Dans le f a i t , c ’est celui qui a voulu l ’être.
2.0 Dans le droit , c ’est celui qui a succombé au
\
possessoire.
Puisqu’il est convenu par le S.r Natey, que le procès
actuel a co m m en cé en 1768 , rien n ’est'plus aisé que
d ’y retrouver le demandeur.
41
�i 52 )
Depuis q u ’ on a inventé les procès, on ne connaît
sous le nom de demandeur., que celui qui ajourne d e
vant un tribunal pour se faire adjuger des conclusions
quelconques.'Celui qui est ajourné s’appelle le d éfen
deur; et si celui-ci, en répondant à ce qu’on lui dit, prend
des conclusions incidentes, il en résulte seulement qu’il
est demandeur en celte partie : reus excipiendo f i t actor.
Mais il n ’ôte pas à son adversaire la qualité de deman
deur originaire.
O r , c’est le sieur de T a n e q u i , le 14 août 1 7 6 6 ,
a assigné le sieur de L a c h a u x , pour se voir garder au,
droit de propriété des G â c h i e r s , et des arbres. Il a en
m ê m e tems assigné les habitans de V i e en arrêt comm u n , ce qui, en style de palais, leur rend communes
les conclusions prises en maintenue de propriété.
Si en défenses à cette demande , les consuls de Vie
ont pris des conclusions incidentes en maintenue do
propriété, par requête du 6 juillet 1 7 6 8 , c’est parce que
c ’çst la défense naturelle et habituelle de tout proprié
taire , troublé par une demande péliloire.
M a i s , dit le sieur N a t e y , la demande originaire du
sieur do T a n e , était abandonnée.
11 n ’en a plus été
question dans les arrêts postérieurs. C ’est vous qui êtes
restés demandeurs originaires.
L a sincérité du sieur N a t e y , va se lire dans l ’arrêt
m êm e d^appointement, du 8 mars 1769.
« E n t r e Antoine de T a n e , d e m a n d e u r , suivant
sa commission et exploit,, du 9 juillet et 14 août 1766
�(53)
« El: le
maire et
DE F EN DE UR S
échevins de Vie - l e - C o m i e ,
» ;
» Et lesdits maire et échevins dem andeurs , en deux
requê tes, des 6 et 7 juillet 1768. j>
C el arrêt est la dernière procédure de 1769.
Quan d le sieur N a t e y Ta reprise , en Fan 10 , c’ est
encore lui qui a assigné ie i . er , et qui a pris des co n
clusions pétiloires.
C ’ est lui qui dans sa propre demande a expliqué que
les conclusions prises en 1768 , par les habitans, en
maintenue de propriété étaient en défenses à la de
m an de du sieur de T a n e .
C ’est lui qui a signifié l’arrêt du 18 thermidor an 1 1 ,
où il dit que c ’est Antoine de T a n e , qui assigna les
habitans de Vie en 1768 ; et que ce ux -ci formèrent
une demande incidente 3 pour être déclarés proprié
taires ;
C ’est lui q u i, dans l ’arrêt du i
5 prairial au 12., a
dit que les habitans n'avaient formé qu'une dem ande
incidente , que le sieur de T a n e était premier d e m a n
deur; q u e l u i N a t e y , était encore d e m a n d e u r e n l ’an 10 ,
et que les habitans de Vie lui avaient opposé que ces
deux
demandes , étant
des
dem andes p rin cip a le s,
avaient dû subir les deux degrés de juridiction.
A tout cela le sieur N a t e y r é p o n d , en montrant
un extrait de mise au rôle, qui qualifie les habitans
de V i e , demandeurs par exploit du 8 fructidor an n ;
�(_ 54 )
2.ù le jugement du 9 nivôse an 1 2 , qui les qualifie
demandeurs.
Il est vrai que tout ajournement constitue un de
mande ur : et le m a i r e , qui assignait pour procéder
sur l'instance intentée par Le sueur N a tey , et pour con
clure à ce q u ’il lût fait défenses au sieur N a l e y de
déf richer, était lout à la fois, demandeur en reprise,
et deman deur incident. Mais n ’est-ce pas abuser des
m o t s , que de chercher là le dem a n d eu r, quand déjà
il y a instance pendante.
A u reste, q u ’on parcoure toutes les pièces étran
gères à cette demande incidente , depuis 1766 jusqu’à
1 8 1 0 , par-tout on verra les habifans de Vi e qualifiés
défendeurs, par le sieur N a t e y l u i - m ê m e , jusqu'à ce
que condamné au possessoire, il ait compris toute l’i m
portance qu’il y avait pour lui , de n’être plus de
mandeur au pétitoire.
E n vérité , ce serait une étrange subversion des
principes et des usages, que de transfigurer ainsi le
sieur N a t e y , en ce qu'il lui plaît de devenir suivant
les circonstances.
C onda m né au possessoire, et par conséquent obligé
de demander ce qu’ il ne possède pas , il réduirait les
habitans de Vie à réclamer eux -m ê m e s -ce qu’ils pos
sèdent, ce qu'ils tiennent d ’un jugement en dernier
ressort..
U n piège était caché sous une prétention aussi peu
intéressée en apparence. L e sieur N a t e y voulait arriver;
�(
55)
par une manœuvre habile , à faire infirmer par la
C ou r ce jugement possessoire.
•
§. I I /
Y avait-il heu d ’ ordonner une exp ertise, pour savoir
su les G âchiers et vergieres sont dans là ju s tic e de
V ic -le -Ç o m te ?
Ici l’appelant et les intimés sont d ’acccord , ce qui
n ’ est pas fréquent entre plaideurs.
U n e expertise était inutile pour constater ce qui
était con v en u par toutes les parties.
En effet , les habilans de Vi e ont toujours argu
men té de la transaction de i
5 i i , de l’arrêt de 1 6 4 1 ,
qui disent les Gâchiers situés dans la justice de V i e le-Comte.
L e sieur N a t e y , dans tons ses écrits, s’est préci
sément fait un m o y e n de cette énonciation; car p r e
nant le mot h la lettre pour faire un argument a
contrario sen su , il a dit que l’arrêt de 1641 ? donnant
les Gâchiers aux habitans de Vi e l e -C o m t e à titre de
ju s tic e , il fallait en conclure q u ’ils ne l ’avaient pas
â titre de propriété.
Ainsi une expertise, outre sa difficulté actuelle, et
sa longueur nécessaire, était un m o y e n d'instruction
absolument fruslratoire, puisqu’il -n'y a aucun fait à
éclaircir.
�(
56
)
§• III.
.
'
%
>
Y a-t-il lúea à évocation du p rin cip a l?
L a C o u r , par arrêt du 29 juin 1 8 0 9 , a statué sur
¡’évocation alors dem andée ’ elle a prononcé qu’elle
ne devait pas avoir lieu , et a r en v oy é les parties
devant le tribunal de Clermont.
'
C e tribunal a-t-il rempli le premier degré de j u
ridiction, en statuant sur le règlement des qualités,
et ordonnant une expertise ? Voilà ce que le maire de
Vie ne croit pas m êm e devoir discuter.
L e s juridictions sont de droit public.
U n maire n’a aucun caractère pour aquiescer a une
év oc a ti on, ni pour la contester.
L a Cour prononcera donc dans sa sagesse , si les
habitans de V i e d o i v e n t toujours av o ir les deux degrés
de juridiction
§ IV.
t
•
L e s habitans de T^ic n ont-ils sur les G âchiers qu’ un
simple droit de pacage?
C'est ce que le sieur N a t e y induit de sa prétendue
transaction de 1 5 3 1 , de la foi et- h om m age de 14 8 7 ,
du sous seing privó, de M. de B o u il l o n , de. 1668, et
m ê m e de l ’arrêt de 1641.
L a transaction de i 5 3 i , outre tous les indires de
fcilsiflcation qui s’élèvent contre elle, ne serait ¡pas .un
titre
�.
(
57 3
titre pour le propriétaire de Chadieu, car alors le sîeur
de Beaufort ne Tétait pas.
Elle n ’a jamais été produite par lui dans les procès
postérieurs; donc, si jamais elle a eu vigueur de titre,
elle l’aurait perdu par abandon et inexécution de deux
siècles.
Les habitans de Vie , n'étaient pas légitimement r e
présentés. Y e û t - i l eu une p r o c u r a t i o n ,
elle n’ é
manait pas d ’un délibératoire du corps c o m m u n , et
ne pouvait m êm e valoir sans homologation.
L e prétexte pris dans cette transaction , pour traiter
avec quatre individus sans caractère, est une concession
de 1 4 2 5 , qui aurait réduit les habitans à une simple
servitude dans la moitié. Cette concession n'a jamais
été représentée , pas m ê m e dans les anciens procès.
A u contraire, le propriétaire de Cliadieu argumentait
d ’ une concession faite à Lui par le seigneur d e V i c - l e C o m l e , m o ye nnant
3 francs d’or.
Les titres postérieurs détruisent cette transaction.
L a foi et h om m age de 1437 est encore moins un
titre pour le propriétaire de Chadieu.
II y est réduit à une simple fa c u ité de pacage dans
les Gâchiers.
Il n’a jamais entendu lu i- m êm e excéder cette faculté ,
puisqu’il n’a vendu que cela en 1627.
L a mention de propriété favorable au seigneur do
M o n t o n , dans cet acte de 1437, est inutile au proprié
taire de Chadieu. D ’ailleurs, le seigneur de M o n t o n a
x5
�(
58
)
reconnu pos térieurement, en 1 6 2 7 , que ces anciennes
énonciations étaient fausses.
»
1
l/ a rrê t de 1641 a réglé le droit des parties, sur le
v u de tous les titres produits.
Les habitans de Vi e produisaient la transaction de
l 5 n , et l ’arrêt en ordonne mot pour mot l ’exécution.
L e sieur de B e a u f o r t , q u i a u r a i t n e u t r a l i s é cette
t r a n s a c t i o n , s’il en a v a i t eu une autre de i 5 3 i , ne pro
duisit rien de p a r e i l , et ne se défendit pas mêm e avec
des moyens q u i y eussent de l ’a n a l o g i e .
Il sentit le besoin de rétracter les a v e u x émanés de
lui dans son propre titre de 1627. L'arrêt l’en débout a,
' en sorte que le titre et les ave u x sont demeurés c o m
muns aux habitans de Vie.
Il voulait faire sanctionner les actes de propriétaire
q u ’il avait faits par des tenues d ’assises ; il en fut débouté.
Il voulait réduire les habitans de Vi e à un simple pa
cage, et avoir lui-même la haute main; il en fut débouté.
Et leshabitansde Vi e furent maintenus en l a s a i s i n e
et possession des Gâchiers , et au droit de les tenir en
défenses de tout retail , en tems et saison q u ’il leur
p la ira it fixer.
L e propriétaire de Chadieu fut réduit à la simple
faculté de pacage sans f r a u d e , pour lui et ses métayers,
dans le tems seulement où les habitans de Vie ne m et
traient pas les Gâchiers en défense.
Si l’arrêt donne la saisine
et possession , tant pour
le droit de ju s tic e que de p a ca g e, c'est tout ce q u ’a v a it
�( 59 )
obtenu le sieur de Beaufort dans les mêmes termes
par la sentence du
5 juin 1637. L e sieur de Beaufort
n ’avait conclu qu’à être maintenu en La possession ,
saisine et pacage des Gâchiers , tant pour Le droit de
ju s t ic e que de pacage. C e p e n d a n t , le sieur N a l e v se
fait un moyen de ce que le sieur de Beaufort plaidait
pour La propriété des Gâchiers.
C ’ était au reste ce qui, dans le style du tems, dé
signait le droit d’une com m un auté d’habitans à un
pacage ou communal.
L a C outu m e d’A u vergne ne s’exprimait pas autre
ment pour indiquer le droit des communautés d ’ha
bitans aux com m un aux de leur enclave.
Quant aux liabitans d’ une m ê m e justice , il leur
est leu et permis faire pâturer leur b é t a i l , pâturages
co m m u n s, terres hermes et vacans, situés en ladite
justice, en tout tems et saison de l’a n , (art. 3 , tit. 28)
L ’art. 4 donne ensuite une faculté générale de pâtu
rage , en tous héritages portant fruits , après les fruits
levés.
Il a plu au sieur N a t e y de confondre ces deux ar
ticles pour ne voir que le dernier, afin d'arranger à sa
guise l’arrêt de 1 6 4 1 , de manière à ce qu'il ne signi
fiât rien du tout.
A l’entendre, cet a r r ê t , parlant de droit de ju s tic e
■
j*
.
n ’a rien donné que La vaine pâture.
^
Bie n ne serait plus exact si l’arrêt n’avait parlé que
dans le sens de l’article 4 , en permettant le pâturage
après Les fr u its Levés.
16
�( 6o )
Mais il a parlé dans le sens de l’article
3 , en don
nant le droit de pâturage en tout tenis et saison de
i ’a n , et m ê m e le droit de tenir en défenses.
O r ce droit ne peut donc s’entendre des pâturages
co m m u n s, terres hermes et vaca n s, sis en la justice;
et tout cela était la propriété du corps c o m m u n des
liabitans.
'
«•Quant a u x c o m m u n a u x , terres hermes et vacans,
« dit Basmaison , les seigneurs justiciers prétendent
« q u ’ils leur appartiennent à cause de leurs justices;
« mais la C o u t u m e , conform e au droit c o m m u n , les
cc attribue à l ’université des corps des liabitans qui ré « sident en m êm e justice au bas pa ys, ou en m êm e
«• village au haut pays , sans que le seigneur ait aucun
« avantage ni préférence à ses sujets, que d ’en jouir
«• com m e l'un d ’eux».
C e vieux principe, corroboré par les lois nouvelles,
était le droit com mun de la France dans les pays m ê m e
où le texte de la loi donnait formellement les terres
lie rmes au seigneur justicier.
A u r o u x , sur l'article
3 3 1 de la C o u tu m e du Bour
bonnais, dit : ffLes terres hermes et vacantes appar«■tiennent au seigneur, suivant notre article; mais il ne
«■faut pas confondre sous ce nom les comm unes ou
v com m un aux qui appartiennent aux liabitans d’un vil« lage ou d ’une paroisse, com m e il est dit dans l ’an« cienne C ou lum e( titr e 8, art. i . er : — Et n e s o n t r é p u « tés, dit cet art ic le, terres hermes Les p â tu ra u x dont
tr aucunes villes > villages ou comtés Jo u issen t et ont
�( 6i )
* j o u i pour leur aisance ou de leur bétail, tant et si
r longuement qu il nest mémoire du contraire , sans pré« judioe des droits seigneuriaux ou autres)».
«Ces c o m m u n a u x , continue A u r o u x , ou pâturages
« com m uns , sont pâturages ou terres non cultivés,
« charmes 5 etc.1, appartenant en commun auxl iab it ans
» d ’ un bourg ou village dans lesquels les habitans des
« lieux peuvent indifféremment, en tout tem s } m ener
« paître leurs bestiaux, com m e il est porté en l'article
5 du titre 10 d e l à C o u tu m e du B e r r y , et en Carticle 3 du titre 28 de la Coutume d ’Auvergne».
« i
L a m êm e chose était enseignée par le président
D u r e t sur cet article
3 3 1 ; A liter quandb habitantes
communiter u tu n tu r .,. JSihil enim impedit quominus
municipes fu n d u m communem possideant.
Cette définition dés pâturages com m uns , que la
jouissance immémoriale des habitaos répute commu
n a u x y est ici d’autant plus pr éc ie us e, q u ’elle vient
d ’ une C ou tu m e ayant des principes plus féodaux que
les nôtres : les deux s a v a n s magistrats, qui ont écrit
sur cette Coutu m e voisine, viennent donc à l’appui
de ce q u ’a dit Basmaison sur la nôtre.
Q u ’importe après cela si le texte de ces deu x Cou
tumes n’est pas aussi clair qu’il pouvait l ’être. L a féo
dalité avait aussi ses prétentions; et si elle ne maîtri
sait pas la l o i , peut-être en avait-elle dirigé la rédaction.
On voit q u ’en Bourbonnais , l’article le plus clair et
le plus décisif avait été oublié lors de la inform ati on,
'q u oiq u’aucun autre article ne l ’abrogeat ; et d ’ailleurs
�(
6
2
)
rien ne pouvait être abrogé dans la rédaction d'une
Coutume.
I/arrêt de 16 41 , rédigé dans les mêmes termes que
la Coutu m e d ’A u v e r g n e , doit donc avoir le m êm e
sens; et certes il est bien plus clair lorsqu’il donne La
saisine aux habilans de V i e , et réduit le propriétaire
de Chadieu au pacage, sans fraude.
Si le mot de propriété n ’ e s t pas dans cet arrêt, c ’est
parce qu’ il n’était pas dans la loi, parce que les pré
tentions des seigneurs y étaient 1111 obstacle : le droit
de triage semblait exiger des précautions; on y aurait
dérogé si la propriété eût été nominativement déférée
aux com m un es, sans ménagement ou modification.
Mais ce ménagement n ’était relatif qu’à l’intérêt
d’entre les vassaux et leur seigneur; aucun autre ne
peut venir se placer entre eux pour en profiler. Ici
le droit du sieur N atey est m a r q u é , c ’est lé simple
pacage. Hors de-là , il n’a p l u s r i e n d a n s l ’arrêt , que
Je relail des a r b r e s , qui lui restait encore à disputer
au seigneur de Lac baux.
Cependant , le sieur N a t e y assure que
cet arrêt
ne juge rien sur le fond du droit ; il atteste m êm e
que les liabilans de Vie ne réclamaient q u ’au pacage
une servitude, q u ’ils reconnaissaient le sieur de Beaufort co m m e propriétaire. Il est é v i d e n t qu'il a rêvé
tout cela , puisqu’il n ’y a pas un seul mol , un seul
mol de celle objection qui 11e soit une fausse allégation
de sa part.
L e s habilans de Vie plaidaient si bien en 1 6 ^ 1 ,
�( 63 )
pour avoir Les G â ch iers, qu'ils étaient appelans d’une
sentence qui les attribuait au sieur de Beaufort dans
les mêmes termes em ploy és par les habitans, pour les
avoir au m ê m e titre, saisine et possession.
Si donc ces mots voulaient dire la propriété, quand
le sieur de Beaufort les employait , ils voulaient dire
aussi la propriété vis-à-vis les habitans.
C ette dissection de mots a pu paraître importante
au sieur N a t e y , parce que c'élait sa seule ressource,
mais aucune personne de bonne foi ne s’y trompera :
le sieur de T a n e ne s y trompa pas , lorsque n’ayant
pu surprendre un arrêt contre les habitans de Vie., en
1 7 6 8 , et arrêté par leur rigoureuse défense , il se borna
à solliciter le duc de Bouillon d'intervenir pour r é
clamer lu i- m ê m e les G âch ie rs , à cause de sa haute
justice. (1)
(1) L e sieur Natey s’est plaint de ce que ce fait avait éié cité par le
maire de V i e , sans être justifié. Certes, le rapport fait au conseil d’ un
grand seigneur n’est pas une pièce de procès. L e sieur Natey est libre de
croire ou de douter, ou au moins d’attester qu’il ne croit pas. Ce rapport
n’ est pas donné comme un titre; il est .seulement un exposé de l’ état de
l’afFdiie, en 1774» et de l’opinion du rapporteur. L e maire de V i e , qui
l ’a trouvé dans les archives de sa co mmu n e, y a puisé les principaux
renseiguemens de cette longue affaire, où la mobilité des hommes et des
évéuemens a fait perdre tant de titres essentiels. Cette pièce est donc pré
cieuse pour lui ; car le sieur Natey 11e dit pas un mot auquel elle ne ré
ponde. On en jugera par les réflexions du rapporteur sur le résultat des
titres respectifs, et notamment de l’arrêt de 1641....... On va les transcrire.
« Quel intérêt, Messieurs, croyez-vous que S. A . puisse avoir dans une
contestation où il s’agit de la propriété de pacages, q u i , d ’ a p r è s la tran
saction de i 5 i i , passée entre les habitans de Vic-le-Comte et le seigneur
�\
( 64 )
M a i s , dit le sieur N a t e y , il restait encore une pro
priété ¿1 juger en 1641. L ’arrêt n ’y statue pas.
C e l t e propriété était celle des arbres et de leur retail,
et rien n ’explique mieux la concession faite par la
comtesse d’A u v e r g n e , m oyen n an t
3 fr. d ’or : elle
avait cédé , c o m m e seigneur justicier', tout ce qui p o u
vait être à elle dans les G â c h i e r s , i.° lés arbres , car les
4_____ jt.---- —— ------------------------ --------------------- — ___
de Chadieu , et tin contrat de vente de la terre de C h a d i e u , de 1 627 ,
paraît avoir été j u g é e , en faveur des habitaiis de V i c - l e * C o m t e , par l’arrêt
de 1641............
a II était question , lors de cet arrêt, de l’appel de la sénéchaussée de
Ri om , qui avait déclaré la dame ve uv e de Be a u f o rt , dame de Chadieu
et, de Chalus, propriétaire des grand et petit Gâchiers...............
« L a dame veuve de Beaufort avait pris des lettres de rescision contre
les clauses apposées dans le contrat de 1627, mais l’arrêt de 1641 , saris
s'arrêter à, ces lettres de rescision , a infirmé la sentence de la s é n é
chaussée de R i o m , et les tenues d’assises faites par les officiers............
« V o u s v o y e z , Mes si eur s, que cet arrêt
clauses de la transaction de
i
5i
i
est absolument conf orme aux
, et qu’il en est mê me la confirmation.
« Si la dame veuve Beaufort eût été propriétaire des grand et petit
Gâchiers , l’arrêt n’eût pas infirmé les sentences de tenues d’assises faites
par ses officiers, et il n’aurait pas prononcé, comme il l’a Fait
la confir
mation de celles du bailli de Vic-l e-Comte.
« S i , au contrai re, les habitans de Vic-le-Comte n’ en eussent pas été
propriétaires, cet arrêt 11e les aurait pas maintenus dans le droit de jus
tice sur les grand et petit Gâ ch i e r s; en leur donnant la justice, il les a
jugés propriétaires, puisqu’aux termes de la Coutume d’ Au ver gne , les par
cages appartiennent aux justices dai.s lesquelles ils sont situés.
« Ant ér i eure me nt , et en 1750, M. de Ta ne était dans l’intime persua
sion qu’il
n’avait rien à prétendre dans les grand et petit Gâchieis. E n
effet, je vois par une correspondance
suivie
entre lui et les gens d’affaiie
de M. le duc de Boui l lon, qui s’est trouvée aux archives de S. A . , qu’ il
sollicitait ses gens d’a(faire pour s’e m p i r e r , au nom de feu M. le duc do
Bouillon , du Gâchiet et de la vergière que la commune de Vic-lt-C.oii»,c
détail appropriés comme communal.
seigneurs
�(
65
)
seigneurs se sont arrogé le droi t de se dire proprié
taires y j u s q a à la révolution , dès arbres plantés dans les
co m m u n au x et places publiques de.leur ju slice , 2.0 le
droit de pacage, car elle Pavait c o m m e tout autre de ses
sujets, ainsi que le dit Basmaison. A la vérité ce droit
n ’était pas cessible, mais madame de B e r r y , qui n’ usait
pas de ce pacage , crut pouvoir le vendre.
*
« J e vois aussi par des écritures signifiées le 14 mars 1753, que feu M .
le duc de Bouillon a formé contre les hafcitans de Vic-le-Comte , aux re
quêtes du palais en la seconde c h a m b r e , par commission et exploit des 29
j an vi e r , i 3 septembre 1 7 5 2 , et par une requête du 10 janvier 1753, une
demande à ce qu’ ils fusseut condamnés à venir à partage et division , avec
M. le duc de Bouillon , des communaux de Vi c- le- Co mt e , appelés les grand
et petit Gâcliîers, pour en être délaissé un tiers à M. le duc de Bouillon ,
à son c h o i x , séparé des deux autres tiers.
« Cette demande formée par feu M. le duc de Bouil l on, en 175 2, contre
les habitans de Vi c- le- Co mt e, prouve évidemment que M. de Ta ne ne
jouissait alors jd’aucun droit sur les grand et petit G â c h i e r s , et que les ha
bitans de Vic-le-Comte en étaient seuls propriétaires ; il y a même lieu
de cr oi re , d’après les lettres de M. de T a n e , que ce n’a été quo sur ses
représentations, et à sa sollicitation, que le conseil du feu prince s’est dé
terminé à la former.
« Ce
qui peut avoir donné quelques années après à M. de Tdne des
idées de propriété sur les Gâchiers dont il s’agit, c’est sans doute la dé
couverte qu’il a faite d’un extrait du reçu des cens dus à la seigneurie de
V i c- le - Co ml e , des années 1644, 1645, jusques çt compris 1649, affirmé
le
5 mai i 651.
*
' Cet extrait porte :
« Madame de Beaufort, à cause de sa terre, fol.
565 , art. 2 , poUr ]e
« Gâ cl uer, 2 fr. d’or.
« Plus
565 , art. i . e r , à cause de C h a lu s , et pour le Gâcl ii er, 20 s. d’or.
En maige de cet a r t . , il y a : le fermier a refusé f ep y a procès à
Hiorn, etc ».
17
�y 66)
L e s habîfans de Vie , accoutumés par les usages f é o
daux à ne rien prétendre aux arbres, furent exclus de
cette contestation qui resta indécise entre le sieur de
Beaufort et le sieur de Châteaubriant. Quant à e u x ,
leur procès fut fini, la saisine des Gâchiers, accordée par
les premiers juges au sieur de B e a u f o r t , fut donnée
à eux ; tous les actes d ’usurpation de propriété du sieur
de B eau fort fu ren t annuités, les habitans de V i e obtin
rent leurs dépens. Ainsi il ne resta rien à juger à leur
égard.
Voilà donc un titre f o r m e l , un arrêt de cour sou
veraine , qui fait à jamais la loi des p a r t i e s , et qui ne
permet pas de revenir aux débats qui y furent agités,
sans un renversement dangereux de tout ce qui doit
tranquil i«er la société.
Il n’est plus temsde montrer des actes antérieurs à 164 1 ,
et de s’efforcer à en tirer des inductions fausses ou hasardées. Si ces actes ont été produits, ils sont jugés; s’ils ne
l o n i pas é l é , ils n’existaient pas alors, ou ils élaient sans
application. Ce qui pouvait êlre censuré et vérifié à
c e tte .é p o q u e ne peut plus l’être aujourd’h u i ; et une
croyance aveu gle ne
doit pas naître de la difficulté
d'asseoir ses doutes.
Allons m êm e plusmloin , et disons que si l’arrêt de
164 1 n ’avait pas tout j u g é , c o m m e il est au moins
certain que les parties avaient produit to.us leurs titres
en 1641 i co m m e aucun autre titre n’a été produit dans
le procès de 1 7 6 8 , la cause devrait être jugée avec
les m e mes titres; parce q u ’il n ’est pas naturel de m o n-
�( 67 )
trer pour la première fois au bout de
3 oo ans des actes
que Ton dit êlre sincères et aut he nti q ues, quand il
n’est plus possible de les vérifier , et quand ceux de
qui ils émanèrent n'en ont fait aucun usage.A u reste, et on doit le dire ave c instance, le seul
tifrede i 6 2 7 e x p l i q u e tout, rend tout autre titre inutile;
et c o m m e cet acte.reste en vigueu r par le rejet des
lettres de rescision, le procès ne pourrait être jugé
aujourd’hui que dans le sens de ce titre. L e proprié
taire de Cliadieu
serait toujours
réduit
au
simple
pacage.
• Après cela , faut-il venir aux prétendus titres du
sieur Nate}r, postérieurs à 1641 ? D e bonne foi, la pro
cédure en séquestre faite contre lui, se tournera-t-elle
en sa faveur pour lui faire un titre? U n écrit de M. de
Bouill on, destiné à être triple, et ne l ’étant pas, m an
quant de la signature des consuls de Vie., peut-il êlre
obligatoire contr’e u x ? M. de Bouillon qui 11e s’occupait
que du procès alors existant, et non de la propriété des
G û c h i e r s , qui avait quant à lui le soin de réserver la
justice,
la seule chose qui l’intéressiit , a - t - i l . p u ,
a-t-il même entendu faire départir les habilans de Vie
d ’ une propriété dont il ne s’agissait pas ?
Il y aurait de la honte à le croire , et h supposer
cela pût êlre cru ; ainsi il serait oiseux d ’ajouter
que
d’au 1res
réllexions à ce qui est si évident.
* Le s a veu x et dénombrernens de Cli adieu , au milieu
du vague qui se Trouve dans to u s, et des insidieuses
expressions qui 01H été placées dans quelques u n s ,
18
�( 68 )
ne méritent pas une grande attention. Ignorés des ha-'
bilans
de V i e , publiés dans des paroisses étrangères
à e u x , ces actes leur ont été égalem en t é t ra n g e rs, et
ce serait .choquer les moindres principes que de les re
garder c o m m e le simulacre m ê m e d ’un titre à l'égard
des habilans de Vi e. O n ne perd point une propriété
sans son c o n s e n t e m e n t ,o u sans une décision judiciaire.
M a i s , ce qui écarte toutes ces nouvelles découvertes
du sieur N a t e y c ’est la possession constante des habitans de Vie. C a r , que leur importait toutes ces petites
hostilités craintives et tortueuses, tant qu'ils n’ étaient
pas troublés dans la saisine qui leur était donnée par
leur litres, et confirmée par un arrêt souverain.
Ils furent troublés, dit le sieur N a t e y , par des défricliemens, à deux époques. Cela est v r a i , mais on a
v u ce qui en arriva; des coupes d ’arbres, des rixes, des
procès c r i m i n e l s . Quand leur seigneur change a, leurs
forces ne furent plus é g a l e s , ils souffrirent , mais ils
parvinrent à faire ôter au sieur de B eau fo rt, par un
séquestre, ce q u ’ils n ’étaient pas assez forts pour ôter
eux -m êm es . Bientôt les choses furent rétablies au point
où elles en étaient avant ce trouble, les habilans de
V ie furent remis en possession et saisine ; ils conti
nuèrent de tenir les Gâchiers en défenses , et le sieur
de Beaufort ne s’avisa plus de défricher.
Si les siens le tentèrent quelq uefois , une multitude
de pièces prouvent q u ’ ils furent réprimés; et il résulte
de celte longue possession que TantÎl de 1641 a to u
jours été exécuté. 11 résulte m ê m e des lenlatives des
�( 69 )
sienrs de Beaufort et de' T a n e , un droit plus fort et
m ie u x établi, en faveur des Yi&biians', possessio post contradictionem .
C ’est dans cet état de possession que la révolution
les a trouvés, et les lois de cette époq ue ont si bien
expliqué la C o u tu m e d ’A ü v e r g n e dans le sens de Basmaison j q u ’il n ’est plus possible de se faire un doute
raisonnable s u r la propriété des habitans ’de Vie.
L ’art. 2,, section 4 , de la loi du 10 juin 179 3 porte
que les biens c o m m u n a u x connus sous Le nom de terres
v a in es, vagues, p a ca g es, etc., app artiennent, de Leur
n a tu re, a u x habitans des comm unes dans le terriloire
desquels ils sont situés. C el te loi est toujours en vigueur,
c o m m e le prouvent plusieurs décrets impériaux.
L e sieur N a t e y , qui trouve des moyens contre les
arrêts et contre les lois, en trouve deux contre l ’appli
cation de cet article. Il dit que les Gâchiers ne sont pas
dans la co m m u n e de V i e , et que les liabilans de V ie
n ’ ont jamais dit que les Gâchiers fussent leurs c o m m u
n a u x , q u ’ainsi il faut q u ’ils prouvent par titres que ce
sont‘des com m un au x. On ne prend pas m ieux une loi'
a la lettre.
A v a n t 1 7 9 0 , les territoires se distinguaient par jus
tice en L i m a g n e , el co m m e il n’y a plus eu de jus
tice en 1 7 9 1 , il ne fallait pas espérer de trouver dans
une loi de 1 79 3 l’ancienne circonspection établie par
la Coutu me d ’ Auvergne. Mais la loi nouvelle n ’avait pas
d ’ellet rétroactif pour changer l’ordre établi jusqu’alors.
l i e commentaire naturel de cet art. 4 , se trouve
dans les art. 8 et 9 de la loi du 28 août 1792.
�( 7° )
«■Art. 8. Le s communes qui justifieront avoirancien-,
nement possédé des biens dont elles auraient été d é
possédées en tout ou partie par des ci-deva n tseign eu rs,
pourront se faire réintégrer dans la propriété et pos
session...., nonobstant tous arrêts, jugemens et pos
sessions contraires, à moins que les seigneurs ne re
présentent un acte authentique, qui constate q u ’ils ont
l é g iti m em e n t acheté lesdits biens.
Art. g. L es terres vaines et va gu es, landes, dont
les communes ne pourraient pas justifier avoir été en
possession, sont censés Leur appartenir, et Leur seront
adjugées ? si elles forment leur action dans le délai de
5 ans, à moins que les seigneurs ne prouvent par
titres ou par possession ex clu siv e, continuée paisible
ment et sans trouble pour 40 ans, qu’ils en ont la
\
propriété
'
Cette dernière disposition a été réformée par la loi
de 1 7 9 2 , qui veut un titre d’acquisition , et proscrit
toute possession5 mais les habitans de Vie n’ont pas
besoin de s’en prévaloir.
Ils n’ont, pas eu besoin non plus de former une
demande en réintégration de p ropri été , car ils étaient
en possession ; ils le sont encore. Ils payent seuls la con
tribution foncière, depuis 1 7 9 0 ; et s’ils ne l’ont pas
p a y é e plutôt , pour prévenir les sarcasmes du sieur
N a t e y , qui joue sur cette d a te , c ’est par une raison
q u ’on le prie de trouver
bonne : ces terrains
ne
payaient pas de contribution foncière avant 1790.
A u c u n e c o m m u n e voisine 11e dispute ce c o m m u n a l
aux habitans de Vie 3 c’ est le sieur JNaley seul "qui ne
�( 71 )
peut défendre pour autrui,, et qui défendrait tout aussi
infructueusement autrui que l u i- m ê m e ; car la loi ac
tuelle ne donne pas les c o m m u n a u x , elle les conserve
aux communes quand elles possèdent, ou leur rend
ceux q u ’elles ont possédés anciennement.
Si les habitans de Vi e n ’ont pas donné le nom de
com m unal aux Gâchiers * dans les anciens procès, ils
ont parlé le langage du te ms , celui de la loi; et ce qu’ils
disaient et voulaient, signifiait la m ê m e chose. On a
déjà donné cette explication.
. Vouloir des titres pour assurer des com m un aux à
une commune , c’est se mettre en opposition avec la
Coutu me d ' A u v e r g n e , avec les auteurs cités, et avec
les lois anciennes et nouvelles.
D o m in iu m cœpit à possessions, et il le faut b i e n ,
quand la propriété est im m é m o r ia l e , ou de droit public;
L a présomption seule suffit pour indiquer le m a î t r e ,
quand il s'agit de pâturages sur lesquels aucun indi
vidu n ’a un titre de propriété , pascua prœ sum untur
esse universitatis. T o u t cela est mot pour mot ce qu'ont
dit en d’autres t e r m e s , Basmaison, A u r o u x , etc. ; c’est
ce que supposent l’ordonnance de Blois , l’édit des
c o m m u n e s, les lois de 1792 et 1793. Les pâturages
c o m m u n s , les terres h e r m e s , appartiennent de Leur
nature aux hab itans, et sont présumés de droit être
des communaux.
On ne se rappelle aucune autre objection du sieur
N atey , et c ’est déjà lui avoir répondu trop longue
ment. Ma is, comment s’en dispenser , lorsque dans tous
�( 72 )
ses écrits il chante victoire à la moindre argutie restée
sans réponse. C ’était à lui à tout p r o u v e r , et il veut
que les habitans de Vie prouvent tout. L e seul m o y e n
dont ils eusent besoin é t a i t , possideo quia possideo , ils
y ajoutent des titres, un arrêt souverain et des actes
multipliés de prohibition.
Ordinairement pour gagner les causes il faut b e a u
coup moins de titres et de moyens. Mais les habitans
de V i c sont accoutumés depuis deux siècles à ne vaincre
que pour replaider encore. En 1 5 1 1 tout était fini ;
on recommença en 1637. T o u t fut terminé encore
v.
en 1641 , et cependant le procès a été renouvelé en
1768. E n f in , un jugement de 1807 a statué sur le
possessoire en dernier ressort , et
le sieur N a t e y la
renouvelle indirectement par des incidens de qualités.
I l a mêm e trouvé le secret d’en paralyser l ’exécution.
l es habitans de V i c ont eu jusqu’ici la patience du plus
faible : mais ils oseront se flatter que les lois seront e x é
cutées pour e u x ; et qu’ave c des transactions, des arrêts
et des lois positives, ils verront la fin d'une tracasserie
dont le but le plus réel, et le mieux étudié , a été de les
forcer, par dégoût ou lassitude, h sacrifier le droit le
le plus évident.
M . e D E L A P C H I E R , avocat.
M . e D E V E Z E , avoué-Licencié.
A
R I O M , de l ’im p rim e rie de la C o u r im périale et du B a rrea u ,
ch ez J . - C . S A L L E S .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Le maire et les Habitants de Vic-le-Comte. An 12?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Devèze
Subject
The topic of the resource
communaux
pacage
rivières
Description
An account of the resource
Mémoire pour le maire et les Habitants de Vic-le-Comte, intimés ; contre Etienne Natey, habitant à Nyon en Helvétie, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 12
1511-Circa An 12
avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
72 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0424
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0412
BCU_Factums_M0423
BCU_Factums_G1413
BCU_Factums_M0413
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53808/BCU_Factums_M0424.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vic-le-Comte (63457)
Authezat (63021)
Nyon (Suisse)
Les Gachiers (terrain de)
La Vergière (terrain de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
communaux
pacage
rivières
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53809/BCU_Factums_M0425.pdf
b087fe33b86257d08158a33637bd24be
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Text
MÉMOIRE
POUR
L e sieur A U B R E T O N , receveur de l’en
registrement et des domaines en la ville
d’A h u n , défendeur en assistance de cause;
c o n t r e
Le sieur H e n r y - C l a u d e B E R M O N D ,
ancien administrateur des loteries , rentier
demeurant à P a ris, demandeur ;
ETC ON TR E
L o u i s J O R R A N D , notaire impérial, habitant
de la ville d’Ahun, défendeur au principal;
EN
De
PRÉSENCE
B E T - B O U Q U E T , habitant de
la ville d’Auzance, aussi défendeur
G aspard
.
V
i c t i m e depuis dix ans de la duplicité de ceux en
qui j’avois placé ma confiance, j’ai su me résigner à mon
sort, et j’ai vu avec le calme de la probité trompée passer
ma fortune en des mains étrangères. Mais ceux qui s’en
A
�(2 )
disputent les lambeaux se croient autorisés à expliquer ma
conduite , chacun suivant l’intérêt qui le dirige. Si ces
explications sont nécessaires à la justice, elles 11e doivent
émaner que de m oi : je,dois la vérité à des magistrats
q u i, j’ose l’espérer, n’auront pu que me plaindre, sans
me retirer leui^ estime. Je la dois encore à nies c ré a n cie rs ,
en retour de la confiance honorable qu’ils m ’o n t accordée,
en me chargeant moi-même de ma propre liquidation.
; U n concours d’événemens plus imprévus les uns que
les autres, m’a plongé dans un abîme où je veux rester
seul. Mes créanciers ne me reprocheront point d’avoir
rien dissimulé de ma position; je leur dévoilerai ce que
j’ai fait et ce que j’ai eu projet de faire. Si je me suis
ab u sé'p ar des espérances chim ériques, ils savent déjà
que les chances du commerce trompent l ’habiJeté comme
l ’inexpérience; et ils ne demanderont de moi que l’as
surance de ne leur céler ni mes ressources réelles, ni
celles de mes opérations qui tendoient à les augmenter.
Je vais donc leur en rendre un compte fidèle; il attes
tera ma bonne volonté, et la foi que j’aurai, autant que
possible, gardée à mes engagemens.
F A I T S .
Je fis l’entreprise, eu l’an 5 , de fournir cinquante
mille pieds cubes de bois pour la marine. L e m a rch é
en fut passé avec le ministre.
Son excellence me fit avancer une somme de 5o,ooo fc.
pour subvenir aux frais considérables de mes premières
avances; et cette somme devoit m’être retenue sur mes
livraisons; c’est-à-dire, par un tiers sur chacune, ju squ ’à
extinction des 5o,ooo francs.
�(
3 )
Je m’empressai aussitôt d’établir sur divers points les
relations qui m’étoient nécessaires. U n sieur L ia is, ar
mateur de Cherbourg, ayant encore une maison d’affaires
à Paris, me fut indiqué, et il accepta ma correspondance;
il faisoit pour moi les avances de fonds sur mes simples
traites, et recevoit pour mon compte les rescriptions du
gouvernement.
M a spéculation eut bientôt épuisé tous mes fonds
disponibles ; je ne recevois plus du gouvernement que
des valeurs qui perdoient jusqu’à 5o pour 100 : elle ne
me fut donc que très-onéreuse. L ’inobservation des or
donnances pendant la révolution , avoit laissé dévaster
les futaies, et les bois propres à la marine étoient singu
lièrement rares ; les propriétaires qui les vendoient de
gré à gré se prévaloient de ces circonstances.
Cependant il falloit fournir au gouvernement pour
couvrir ses avances. D ’ailleurs on espère toujours que
l ’avenir vaudra mieux que le présent; je continuois donc
de fourn ir, et peu à peu j’épuisois mes ressources.
L e «sieur L ia is , indépendamment de ses recettes, se
mit à découvert ►pour moi de 12,000 f r . , qu’il avança
sur mes simples traites ; mais lorsque j’eus besoin de
nouvelles avances, et qu’il me vit livré à l u i, Liais me
parla un autre langage, et voulut des précautions.
P o u r m’avancer 24,000 f r . , le sieur L i a i s , se confor
mant au formulaire des prêteurs de la capitale, voulut
i° . une obligation notariée, pour avoir une hypothèque
spéciale ; 20. des lettres de change pour la môme somme
et aux mômes échéances.
Il n’y avoit pas à hésiter, puisqu’il s’agissoit de remplir
A 2
�(4)
des engagemens; je fis l’obligation, je iis les lettres de
change; j’exigeai seulement qu’ il fût dit dans l’obligation
que par l’acquit des lettres de change l’obligation demeureroit solue et acquittée; d’où il résulte que je n’avois
pas à payer d’obligation, mais bien des lettres de.change.
La seule chose cependant qui me parut e x tr a o r d in a ir e ,
c’est que le sieur Liais voulut faire faire l’obligation
sous un nom étranger; il donna pour prétexte que ces
fonds n’appartenoient point à sa maison de Cherbourg,
et qu’ il ne vouloit pas s’assujétir à lui en montrer l’ori
gine. Les motifs du sieur Liais ne m’intéressoient pas,
il me suffisoit de n’avoir affaire qu’à lu i; et en effet,
il restoit porteur de l’obligation q u i, y compris les in
térêts pour dix-huit mois, fut consentie pour la somme
de 32,640 francs. J ’ai continué de traiter avec lui.dans
notre correspondance et nos comptes ultérieurs, pour
les intérêts après l’échéance.
.
'
L ’obligation avoit été faite sous le nom d’un* sieur
Caillas , musicien , ami du sieur Liais , et habitant la
même maison.
Les lettres de change furent tirées par le sieur L iais,
sous le nom dé veuve Liais et fils, au profit de Caillas
sur m o i, et j’en fis sur-le-champ acceptation pour payer
à échéance.
L e sieur Liais étoit nanti de ce double g ag e, et ce
pendant je n’a vois pas encore les 24,000 francs; je devois
seulement tirer sur lui successivement pour me remplir
de cette somme ; et ma confiance étoit telle envers cet
armateur , que je ne soupçonnois pas môme que mes
traites pouvoient encore lui faire un titre de plus.
�(5 )
Je tirai sur lui pour 12,000 francs d’effets;'il les laissa
protester, sous prétexte que l’obligation n’étoit pas encore
inscrite ; enfin , et après cette form alité, il les accepta.
Je restai en compte courant avec lui , et il est inutile
que j’en dise les détails : je n’avois encore de lui aucune
défiance, v
Je me trouvai à Paris quelque temps avant l’échéance
de robligation. Liais me fit beaucoup valoir les prétendus
services qu’il m’a voit rendus; il me demanda de lui sous
crire , par obligeance, pour 5o,ooo francs de billets à
ordre, en me promettant de les imputer sur l’obligation,
s’i l ‘ne les: retiroit pas«-.;Cette proposition m’effraya ; je ne cru sp a s devoir y
adhérer. Je me rendis à Rochefort.
; ; ,
L ia is , qui étoit instruit.rde ce v o y a g e , m’écrivit à
R ochefort, le 12 prairial an 1.1 , la lettre ci-après, sous
le couvert des Imbert, mes commissionnaires, avec les
quels il étoit aussi en correspondance.
« J ’ai, lieu d’être étonné, M onsieur, de la manière
«
«
«
«
«
«
dont vous en agissez avec m o i, après tous les procédés
que j’ai eus pour vous : vous ne pouviez vous refuser
à me souscrire les effets que je vous avois demandés.
Je vous le répète, si pari défaut de remise de vous
j’éprouvois quelques désagrémens, je ne manquerois
pas de les faire retomber sur vous; vous auriez perdu
«
«
«
..
ma confiance ; et dès ce moment j’enverrois un exprès
pour vous poursuivre, tant pour ce que; vo u s.m e
devez en co m p te cou ran t, que pour l’ inscription. »
L ’obligation étoit du 27 nivôse a m o , et devoit échoir,
�m
ainsi que les six lettres de change, le 30 messidor an 11.
J ’avois-tout lieu de redouter l’effet de la menace qui
m ’étoit faite : je cédai; j’envoyai les 5o,ooo francs de
traites , en réfléchissant qu’elles couvroient ma dette
hypothécaire de 32,640 francs.
L e 28 messidor, deux jours avant l’échéance de l’obli
gation et des six lettres de change, Liais m ’écrivit :
cc T o u t honneur sera fait à vos traites échéant en fruc« tidor.
« Je suis en pourparler avec quelqu’un pour lui subs« tituer votre obligation , qui seroit payable dans les
« termes que vous demandez ; m ais, avant t o u t , l’on
c< désire avoir un nouveau certificat des hypothèques :
« envoyez-moi ce certificat de suite. » Cette lettre, enre
gistrée le 18 nivôse an 13, étoit d’une adresse remar
quable; car, en m’annonçant que les traites de 5o,ooo fr.
seroient acquittées fidèlement, il est clair que je redevenois débiteur de l’obligation; elle me tranquillisoit sur
l'échéance, tout en me prévenant qu’il p o u rro ity avoir
u n transport ; ce q u i , e n core u n e fo is, m’étoit indifférent,
si les traites étoient acquittées ; et tout étoit combiné
pour m ’en donner pleine confiance.
M a sécurité 11e fut pas longue : on me présenta pour
plus de 20,000 francs de traites tirées par m oi, à valoir
sur les rentrées de la m arine, touchées par Liais pour
mon compte , et à cet effet acceptées par Liais ( indé
pendantes de 5o,ooo francs donnés par obligeance )*
Je n’étois point en mesure pour couvrir une aussi forte
somme, parce que rien n’avoit dû m’y préparer. Il étoit
�(7)
clair que le sieur Liais ar ri voit à une faillite ; mais les .
porteurs d’effets étoient fondés à s’en prendre à moi ;
je ne pou vois pas m’en défendre*
Dans cette conjoncture, partagé entre l ’espoir, qui ne
se perd jamais, de venir à bout de mes affaires, et la né
cessité peut-être urgente de déclarer une suspension à
mes créanciers, j’étois dans cette pénible situation d’un
liomme q u i, ne pouvant tirer aucun parti de la confusion
de ses idées, semble implorer les conseils de tout le monde, •
et cependant craint de les demander.
C ’est ici où commencent mes relations avec le sieur
Jorrand , qui parut prendre intérêt à moi avec une fran
chise si cordiale, que je remerciai la providence de m’en
voyer un sauveur dans l’homme de qui j’aurois peut-être
le moins espéré des consolations.
i J ’étois élevé avec l’opinion que la fortune du sieur
Jorrand devoit son accroissement à la mienne. J ’avois
perdu mon père à l’age de dix ans; celui du sieur Jorrand
fut mon curateur et l’administrateur de mes biens : sans
clientelle et sans fortune apparente , il s’occupoit des
affaires de mon p è r e , et travailloit dans son étude lors
qu’ il venoit dans la ville d’Ahun.
L e sieur Jorrand, devenu après son père notaire et
p ro cu re u r, sembloit devoir être mon protecteur par
reconnoissance. Je fus surnuméraire à l’enregistrement,
pour conserver une place occupée depuis un siècle par mes
ancêtres. La régie vouloit me la conserver, et cependant
le sieur Jorrand l’avoit sollicitée et obtenue. A la vérité
cette conquête ne s’étoit pas consolidée sur la tête de
l’ usurpateur ; la régie avoit eu la bonté de penser que
�(
8 )
les démarches de mon protecteur n’étoient qu’ une perfidie,
et ni’a voit rendu presqu’aussitôt la place de mon p è r e ,
en destituant le sieur Jorrand.
Son procédé, dont j’avois à cette époque exprimé l’in
dignation avec toute la vivacité de mon âge, ne m’avoit
pas, comme on peut le croire, disposé à regarder désor
mais le sieur Jorrand comme un ami bien chaud. Il est
vrai que le temps fait tout oublier. La révolution est
venue encore passer par-dessus ce petit événement. L e
sieur Jorrand a été député à la convention ; il a voulu
depuis être receveur général du département; et ayant
fait le voyage dé Paris pour ses sollicitations, il s’est établi
chez mon frère : en sorte qu’insensiblement, et d’occa
sions en occasions, les rapports s’étoient rétablis entre nous
à l’époque à laquelle je viens de m’arrêter. Ils s’étoient
même rétablis au point que depuis quelques années il
vivoit habituellement chez m o i, il y faisoit son étude,
et je n’avois rien de caché pour lui : il sembloit par ses
prévenances vouloir me faire oublier le passé. 'Dans la
p ro s p é rité momentanée de mes affaires, il m’avoit offert
6es soins, sa bourse et son crédit. Je m’absentois souvent
des mois entiers, il faisoit les affaires du dehors comme du
dedans; je n’avois donc pu avoir rien de caché pour lui.
A l’époque de ma suspension, il paya pour moi 10,000 fr.
a M . Fauchier, montant de deux traites que je ne devois
p a s , mais que j’avois négociées à M . Fauchier ( ce sont
les premières traites acceptées par L ia is, qui sont reve
nues sur moi ). Cette som m e, en y comprenant les intérêts
et quelques autres avances, s’est portée à 14,000 fr. lors
qu’il a rédigé l’état de mon passif.
Son
�■'( 9 ).
Son obligeance ne nie sembla donc pas assez étrange
pour que je dusse m’en défier, dans ma situation. L e sieur
Jorrand ayant singulièrement accru sa fortune par l ’ac
quisition des biens de ra b b a jje,d u ,M o u ler, passant pour
avoir un portefeuille considérable, et,m ’ayant d’ailleurs
l ’obligation de plusieurs services domestiques que je n’ai
nulle envie de lui reprocher , me sem bloit, à poiut
nom m é, l’homme le plus propre à me délivrer de l ’em
barras où m’avoient, jeté les circonstances.
Je donnai donc tète baissée dans; la-proposition qu’il
me fit de ses services ; je rne reprochai même d’avoir
nourri dans mon cœur, pendant ^ingt ans, l’injustice de
le croire un malhonnête hom m e, ne doutant p;js que
son empressement à m’o b lig e r, après m’iivoir n u i , ne
fut un acte honorable de contrition et de grandeur d’âme.
Je crus aussi à la compensation ,du bien et du mal dans
les destinées humaines; et je fus(1dès cet instant résigné
¿1 exécuter avec u n e ,.confiance aveugle^ tout ce que le
r¡sieur Jorrand voudroit me prescrire..
• ■vil se fit d’abord livrer.,tous mes papiers; fit un état
exact de toutes mes ressources; étiqueta de sa main jus
qu’aux'choses les plus minutieuses, même ma commis
sion de yeceveur; il dressa l’état de mes .dettes (q u e je
rapporte écrit ¡de»jsa m ain ) ; et quand-il eut tout v u ,
il concerta le plan de son opération. ;
Il faut, me dit-il, que j’aie un titre ostensible et for
mel pour régir toutes vos affaires, Vous allez donc me
? consentir un bail à ferme pour neuf ans de tous vos
biens. L e prix en sera dit payé, d’avance pour les six
premières années. Tous vos bestiaux me seront vendus;
B
�( ito))
cette vente aussi portera quittance.'Quaïît'a’Vos'marchés
avec le gouvernem ent, vous m’en passerez le transfert
aussitôt! que j’aurai pu comprendre auprès des bureaux
du ministre si je n’ai aucun ‘risque à courir en me
substituant à vous.
T o u t autre qtfe moi eût réfléchi peut - être sur le
danger incalculable 1d ’un dépouillement aussi absolu.
Mais que le lecteur se mette s’il le peut àJla !place d’un
homme qui ayant jusqu’alôrs tenu àjses engagemens avec
h o n n e u r, s e voit à la veille d’y m an q uer, et de ^sup
porter les soupçons injurieux de tous-ceux qui se Soiit
confiés en sa signature.
Si dans une telle situation on est encore blâmable de
n’avoir pas tout p r é v u , j’admirerai’ la force dpâftie(de
ceux qui auroient pu mieux faire; pour moi, je ne vis
que l’obligeance du sieur Jorrand, et je souscrivis à tout.
Un seul point cependant me causoit une légère répu
gnance , c’étoit de donner quittance par anticipation ;
non pas que j’eusse la pensée que le sieur Jorrand en
abuseroit ; elle eût été in co m p a tib le avec ma confiance
absolue en lui : mais il me sembloit que mes créanciers
pouvoient y voir le signe d’une fraude dirigée contre
e u x , et cette simple apparence me révoltoit. L e sieur
Jorrand eut bientôt à cet égard vaincu mes scrupules.
V o tre bail à ferm e, me d it-il, ne sera qu’un épou
vantail pour ces petits récalcitrans, qui dérangent tou
jours les opérations d’une masse de créanciers, en faisant
des saisies et des frais inutiles. Mais j’écrirai moi-même
à vos principaux créanciers que je suis à la tête de vos
affaires, pour les retirer d’un simple engorgement. Vous
�( 11 )
conserverez; la> possession yde. vos propriétés-, où je ne
ferai que puiser annuellement .ce qui sera nécessaire à
votre liquidation. A in sirne vous^ inquiétez'vpas) de; l’ap
parence , lorsque je; serai p r ê t. à déclarer comme v o u s ,
que je n’ai point payé les sommes dont l’acte portera
quittance; d’ailleurs, je ne veu xravoir votre actif que
pour payer tout le mondei
A
r
.
'
r
/
Je n’eus rien à répondre à cette explication , et je
fus rassuré par le fait, en demeurant en possession appa
rente de tous mes< biens, dont je; n’ai retiré cependant
que le peu de denrees necessairèsi ài ma; consommation.
Lorsque la faillite du sieur Liais eut rejeté su r'm o i
toutes mes traites, qui étoient plutôt'les siennes,, je me
rendis à Paris, où habitoient la majeure partie des-créan
ciers qui les avoient fait présenter : là je les convoquai,
pour leur exposer la cause de mes r e t a r d s le u r commu
niquer ma-situation! avec; le sieuxvLiaisi, etrson dernier
arrêté de compte avec moi. J ’eus la satisfaction* de voir
qu’aucun blâme ne me fut imputé
mes créanciers eurent
confiance.en m o i; et'en me donnant umdélai- de trois
ans) pour continuer mes fournitures<au gouvernem ent,
ils m?autoriserent à disposer de la totalité 'de mes fonds.
L e sieur Jorrand ayant assisté à cette convocation', se
fit nommer; syndic ; fonction qui-lui donnoiÉ toutedatitude
pour l’exécution,du p la n ta g e et généreux duquel j’at*.
î
tendois lestplus grands avantages.
: t) t ;
L ’affirmation des créances eut lieu à Guéreb léi 12 ger-i
m inai an 1 2 ; et le sieur Jorrand’ s’y fit’
réserve des
« sommes payées pour moi après le contrat d ’ u n io n .,
« pour déplacement et préparatipn: de bùisi de marine
« étant actuellement à Pontarion. »
�( I2‘ )
Pendant m'es'négocic\tions avec mes'créanciers * “je^visois
à une spéculation plus avantageuse que la -précédente’ ,‘
et je ne doutois jDasr'qu’en ! la faisant réussir je ne vinsse
à bout de mes engagemens sans une diminution notable
dans ma fortuné,
;
r. <>.
'
■ -j
'■•Lie ministrôf(>uvroit'UnrConCo:iirs pour dés fournitures., ■
à faire à la marine dans les ports de l’Ouest.
;*
Les prix s’annonçoient comme infiniment plus avan
tageux aux spéculateurs que dans mes marchés de l’an 5
et de l’an 10 , en ce que le transport des bois devoit être
p a y é p a r lieues; ce qui n’avoit>pas eu lieu dans les mar-r
cliés précédens.
: ’ *i;
Un autre encouragement consistoit à faciliter lesîachats
par la marque des bois propres à la m arine, desquels
alors la destination ne pouvoit plus être détournée.
Mais il m’étoit impossible de faire aucune soumission
en mon nom ,' en ayant déjà une première qui n’étoit
point remplie ; tout onéreuse qu’elle étoit, le ministre
n’auroit souscrit aucun marché nouveau avec m o i, tant
que le premier n’étoit pas pleinement exécuté.
Je ne pou vois donc agir qu’avec un nom emprunté;
et je me fis présenter sous celui du sieur Bet-Bouquet,
mont beau-frère.
Les sieurs Imbert , négocians à R och efort, chargés
de cette négociation, me marquèrent, le 12 messidor
an 1 1 , que ce marché étoit passé, et m ’en annoncèrent
les conditions.
' '
'
‘
Par une autre du 28, ils me demandèrent mon appro
bation pour ce m arché, parce qu’ils savoient bien qu’il
me concernait seul j je ’leur répondis pour donner cette
�( i3 )
approbation et les remercier-, ils m’en accusèrent récep
tion le 17 thermidor an 11.
Ceci se passoit, comme on le v o i t ? peu de jours avant
mon bail a ferme , consenti au sieur Jorrand , et si le
jour même de ce bail il ne se fit pas investir de ce marché,
c’est qu’il n’étoit encore qu’ un projet, jusqu’à ce que la
soumission du sieur Bet-Bouquet fût approuvée par le
ministre.
Cette approbation fut donnée et le transfert fut signé
par Bouquet, à la date du I er. brumaire au 12 , au profit
du sieur Jorrand : il-sait-lui-même qu’à cette époque on
m ’oifroit 30,000 francs de bénéfice sur ce seul marché.
Mais l ’espoir de me récupérer entièrement, m ’empêcha
d’accepter cette négociation : le sieur Jorrand d'ailleurs,
qui me faisoit entrevoir de plus grands bénéfices, m’ob
serva qu’il seroit possible que les traites que l’on m’offroit en payement des 30,000 francs, ne fussent peutêtre pas acquittées. Je gardai donc le marché pour mon
co m pte, sous le nom du sieur Jorrand.
J ’hésitois si peu à mettre sur sa tête ma fortune et mes
ressources, que je voulois encore qu’il prît le transfert
de mon ancien marché de l’an 5 , qui devenoit bien meil
leur par les circonstances, puisque les payemens s’eifectuoient exactement. Ce qui m’engageoit encore à lui faire
ce transfert, c’est que je craignois que le gouvernement,
informé de ma suspension, n’annullât ce marché, et ne^
mît des entraves dans ma liquidation.
T r o p prudent pour accepter ce transfert, sans être
éclairci de toutes les chances à courir, le sieur Jorrand
m ’envoya à Paris pour savoû* si le ministre voudroit
�( r4 )
l’accepter, parce que cette acceptation l’auroit mis hors de
danger pour les suites.
J ’écrivis au sieur Jorrand que cette substitution pouvoit souffrir quelques difficultés ; et mes lettres qu’il n’a
certainement pas perdues, aideront peut-être à éclaircir
mes intentions sur l’un et l’autre marché. Je lui faisois
part des difficultés qu’il y a v o it, et le sollicitois de venir
pour les lever lui-m êm e; il me répondit par une lettre
du 10 pluviôse an 1 2 , datée d’A lm n :
« D ès que tu trouves quelque difficulté aux change« mens proposés pour la fourniture , et que tu as l’espoir
« de la conserver, tout déplacement de ma part devien« droit inutile; presse donc la levée des obstacles, afin
« que Ton puisse mettre en mouvement les bois préparés;
c< fais surtout en sorte d’obtenir des fonds, sans quoi tout
« seroit entravé. T u sais que je suis déjà en avance de
« beaucoup. »
Cependant', et malgré sa lettre, le sieur Jorrand partit
à l’instant pour Paris en, toute, hâte. Le 14 pluviôse an
1 2 , il écrivoit à; ma fem m e, de Paris :
ce Aubretonia bien; traité avec >la grande majorité de(
cc ses créanciers, etc. : quant à lia fourniture, elle pouvoit»
ce se continuer sous 1son nom ; la seule'difficulté est* dej
ce faire lever quelques oppositions à la* trésorerie, afin'
« d’en recevoir les deux tiers-des livraisons faitesr,, au>
« moyen desquelles: on feroit.face aux dépenses des' li-<
c< vraisons à faire. Aubreton espère obtenir bientôt ces*
« mainlevées. Comme’ je ne puis prendre ici aucun
« engagement direct, je neparoîtrai pas, et ne ferai qu’ùH>
« très-court séjour. »
�( i 5 .)
¡Lorsque le sieur .-Jorrand vit qu’il ne pouvoit pas-réunir
les deux marchés sur sa tête, il dirigea tout vers le marché
Bonquet.iJeimis à sa disposition la totalité des Lois de
construction qui étoient déjà préparés pour moi avant
de .marche 'Bouquet ; ce que Jorrand n^ignoroit pas ,
puisqu’il m’en parloit lui-même dans sa lettre du 10
pluviôse.
Ces bois furent.envoyés à A n goulêm e, pour le compte
du."marché Bouquet; mais les.agens de la marine trou
vant de la précipitation à cet envoi, décidèrent queices
bois ne pouvoient être que ma propriété , parce que
Bouquet ne pouvoit pas avoir eu le tem ps d ’en faire
exploiter et mettre en route depuis sa soumission ; en
conséquence il y eut séquestre à Angoulêm e ; mais il
fut bientôt levé à cause des besoins de la m arine, et sur
les représentations que je iis, ainsi que >MM. Im bert,
à l’ingénieur, que M . Jorrand étoit mon mandataire
pour l’un et pour, l’autre marché : la correspondance
de M M . Imbert en fait mention, et les bois furent reçus
sous le nom de Bouquet.
Les envois se sont continués, depuis cette ép oqu e,
toujours pour le compte du marché Bouquet, mais avec
les bois qui m’appartenoient avant l’an 12 , et qui ont
dû produire des rentrées pour plus de 30,000 francs.
Il m’étoit dû des sommes assez considérables d’arriéré
par le gouvernement; j’avois encore pour 10,000 francs
de rescriptions : tout cela fut mis à la disposition du sieur
Jorrand.
Si on joint à ce produit celui de mes biens-fonds ,
valant au moins 2,000 francs par année ; tous mes bes
tiaux, valant à peu près 8,ooo fr.; une créance arriérée
�( 16 )
de 1,000 francs sur mon m étayer, etc., on voit que le
sieur Jorrand a eu toute facilité pour liquider mes dettes
réelles sans bourse d é lié e , et même en commençant à
se mettre à couvert pour la sienne.
J ’ai dit que le sieur Jorrand avoit été nommé syndic
de mes créanciers par le concordat de l’an 12; il demanda
une nouvelle convocation à Aubusson, et sollicita le sieur
Queyrat de s’y faire nommer syndic.
L e concordat me donne six années de délai pour payer,
en m en tio n n a n t toujours que c’étoit pour parachever ma
fourniture avec le gouvernement. L e sieur Jorrand, qui
a signé et dirigé ce concordat, y a bien laissé*entendre
que cette fourniture s’étoit continuée pendant les années
précédentes; et cependant il savoit mieux que moi que
toutes les livraisons avoient été mises sur le compte du
marché Bouquet.
Je ne crois pas que le sieur Jorrand eut alors le projet
bien formé de s’approprier le marché Bouquet; j’en-juge
par les lettres qu’il é c riv o it, et par l’emploi qu’il faisoit
de mes fonds à toutes mes affaires sans distinction.
Dans un projet de lettre qui 111’cst resté de sa main ,
il écrivoit a un de mes créanciers plus' obstiné que les
autres, pour l’engager à adhérer'au concordat; et dans
ses motifs de persuasion il lui disoit : « La situation
« d’Aubreton a pris son principe dans des circonstances
ce qui ne se renouvelleront pas.... Maintenant il a pris
« des arrangemens d’après lesquels son travail sera dirigé
cc par quelqiCun q u i inspire une pleine confiance, et il
« y a tout lieu de croire que le résultat en sera plus
« avantageux. »
Je reviens à Liais , que j’avois laissé en l’an 11 en
�. ( 17)
faillite o u verte, et qui cependant, faisant ressource de
tou t, avoit trouvé un moyen plus funeste que le pre
mier, pour compléter ma ruine.
J ’étois parvenu à obtenir de lui un arrêté de compte
daté de C h erb ourg, du 2 brumaire an 1 2 , qui régloit
toutes nos affaires, et comprenoit les traites postérieures
à mon obligation ; il se trouve soldé en ma faveur par
27,791 francs 88 centimes, en ce que j’acquitterai les
5 o,ooo francs de traites données par obligeance. L ia is ,
au surplus, reconnut par ce même arrêté de c o m p te ,
écrit en entier de sa m a in , que toutes les autres traites
se trouvoient acquittées. ( O n ne doit donc pas perdre
de vue que les 32,640 francs de traites souscrites lors de
l’obligation étant acquittés par m oi, l’obligation devenoit
nulle. )
O n vient de voir que je demeurai chargé d’acquitter
les 5o,ooo francs de traites données d’obligeance; et par
le même arrêté de compte il fut convenu que jusqu’au
parfait acquittement desdites traites, l ’obligation demeureroit en dépôt entre les mains d’un sieur Pothier, à qui
je payerois les intérêts annuels.
Je vis le sieur P oth ier; il me reçut parfaitement; et
après m’avoir laissé parler du sieur L ia is , il captiva ma
confiance, en me montrant une grande indignation contre
sa conduite envers moi : il me marqua beaucoup d’a
m itié, m’ouvrit sa bourse, et m’offrit même 3,000 francs
sans intérêts.
J ’acceptai cette somme : elle a été remboursée en partie
par le sieur Jorrand.
L a fatalité qui m’a poursuivi dans toutes mes affaires
C
�( i 8 ) .
a voulu que ce sieur P o th ier, si obligeant pour m o i, si
courroucé contre L ia is, fût au contraire un intime ami
de Liais et de Caillas, qui tous trois, comme je l’ai su
depuis , étoient associés pour l ’entreprise de la tourbe
carbonisée.
Comme il étoit écrit que chaque dépôt se convertiroit
en transfert, le sieur Potliier s’est trouvé muni d’un
transfert de mon obligation, passé à son profit par Caillas,
prête-nom de L iais, en fructidor an 13.
A in si, et malgré ma correspondance et mon arrêté de
compte avec Liais, qui prouvent sa propriété et ma libé
ration, le tout bien en règle, et enregistré avant le trans
fert d’une obligation éteinte, L i a i s , mon débiteur de
27,791 francs, sans attendre les délais du concordat,
fit mettre mes biens en expropriation , sous le nom de
P o th ier, par-devant le tribunal de Guère t.
L à , le sieur Jorrand se présenta avec mon acte du
28 thermidor an 1 1 , pour revendiquer mes bestiaux
comme sa propriété : mais cet acte fut attaqué de nullité,
comme fait après la cessation de mes payemens ; et le
tribunal de Guéret ordonna une preuve que le sieur
Jorrand n’a point laissé faire.
Il n’étoit point encore aguerri à se dire propriétaire
des dépôts que j’avois confiés à sa bonne fo i, ou peutêtre avoit-il des vues plus grandes.
Quoi qu’il en soit, ce jugement ayant p e u t-ê tre eu
reflet d’éloigner beaucoup d’enchérisseurs, le sieur Jor
rand crut le moment favorable pour acheter à vil prix
les biens de celui qu’il proclamoit son am i, et qui avoit
mis corps et biens sous sa tutelle.
�( !9 )
J ’avois , bien avant cette adjudication, formé contre
Polluer une demande pour faire annuller le transport
de l ’obligation de Liais. Cette procédure fut suivie devant
le tribunal d’A u bu sson , saisi d’une demande en homo-7
logation du concordat ; mais le sieur Pothier déclina
la compétence, et demanda son renvoi à Paris : il l’a
obtenu, sur l’appel, en la Cour de Limoges.
Déjà dupe du sieur Potliier, je ne devois pas laisser
à mes créanciers l’embarras de se dépétrer de ses chicanes.
L a malignité d’autrui m’a donné enfin de l’expérience,
et je l’a i , quoique un peu ta rd , mise en pratique. C ’est
au magistrat de sûreté que je dénonçai les manœuvres
des trois associés de la tourbe carbonisée ; mais le di
recteur du jury jugea à propos de renvoyer les parties
à fins civiles. Je ne perdis pas courage, et une nouvelle
plainte adressée à son excellence le grand -ju ge, avec
les pièces justificatives, eut plus d’efficacité : Caillas fut
arrêté, et dans plusieurs interrogatoires qu’il a subis,
ainsi que Pothier, ils révélèrent sans doute tout ce que
j’avois intérêt de faire connoître, puisque le magistrat de
sûreté ordonna que les papiers du sieur Caillas seroient
saisis. Mais un sieur P é r ie r, gendre du sieur Pothier,
en est instruit; il trouve le moyen de communiquer avec
Caillas, détenu chez le magistrat de sûreté, prend ses
clefs , et va enlever ses papiers, qu’il dépose chez un
agent de change : heureusement il est pris sur le fait,
rendant les clefs à Caillas ; le magistrat de sûreté lui
fait rendre les papiers , les fait déposer au gre ffe, et
décide qu’il y a lieu à instruction criminelle. Je rends
plainte contre le sieur P érier; mais le même directeur
C a
/
�( 20 )
du jury se trouve encore là, et prend sur lui de décider
que me trouvant seul plaignant, il n’y a pas lieu à suivre
le procès quant à présent.
Cette suspension bizarre et arbitraire décidera sans
doute mes créanciers à seconder, mes efforts pour dé
masquer une collusion aussi déhontée; il ne sera peutêtre pas impossible de prouver que des escrocs de Paris
ne sont pas plus invulnérables que d’autres.
C ’est pour parvenir à ces fins, que le sieur Berm ond,
habitant la ville de Paris, a été nommé syndic, et le
sieur Picolet, avocat en la Cour de cassation, conseil
de l’union ; ce dernier, qui a toutes les pièces, a tout
di rigé jusqu’à présen t, même la procédure contre le
sieur Jorrand : l’un et l’autre se sont fait connoître ,
et ont choisi leur avoué à G u é r e t , avec lequel ils sont
en correspondance.
.Pendant que je m’efforçois de lutter contre la dilapi
dation de ma fo rtu n e , le sieur Jorrand étoit en dis
cussion avec les sieurs I m b e rt, mes correspondans de
Kochefort , sur les p rod u its du m a rch é Bouquet. Ce
procès important a laissé des traces précieuses que les
plaideurs des deux parts voudroient bien avoir pu sup
prim er; car aujourd’hui ils colludent, et sans leurs débats
écrits j’en serois réduit à attester la vérité par ma seule
science, les sieurs Imbert m’ayant refusé toute commu
nication depuis leur accord avec le sieur Jorrand.
Je vois par un jugement du tribunal de commerce de
R och efort, du 13 janvier 18 1 0 , que le sieur Jorran d,
comme fondé de pouvoir de Bouquet, avoifc assigné les
sieurs Imbert en 1809, pour lui payer 37,946 fr. 40 cent.
�( 2t )
par eux reçus, du payeur de la marine, sur le marché
Bouquet, et comme commissionaires chargés par ledit
B o u q u et, pour fourniture de bois de construction.
Il offroit déduire 12,000 francs, et 144 fr. payés sur
ses mandats (sans doute pour les frais de séquestre de
l ’an 1 2 ) .
A ce la , les Imbert répondoient qu’ils avoient été les
com m issionnaires cï*Aubreton, am i de J o r r a n d , pour
une fourniture de l’an 10, et que dans le cours de cette
fourniture ils lui avoient endossé pour 8,000 fr. de lettres
de change venues à protêt ; en sorte que leur créance,
suivant e u x , est montée à 12,888 francs 67 centimes. '
Ils ajoutoient « que le sieur Aubreton , se trouvant hors
« d’état de remplir la fourniture de bois qu’il s’étoit
« soumis de faire, et se trouvant encore débiteur envers
« le gouvernemen de vingt et quelques mille francs, pour
« én éviter en apparence la retenue, demanda aux sieurs
« Imbert de faire une nouvelle soumission pour la four« niture de quatre cent quatorze stères, ou douze mille
«
«
«
«
«
et
«
«
«
«
«
pieds cubes de bois de construction, sous un nom em*
prunté, c’est-à-dire, sous le nom du sieur B o u q u et ;
laquelle soumission a eu lieu le 6 messidor an r i , souS
le cautionnement des sieurs Imbert. Cette soumission
ainsi faite et acceptée, le sieur J o rra n d , se mit à la
tête de cette nouvelle fourniture, et fit choix des sieurs
Im bert, pour ses commissionaires en cette v ille ; et
comme il avoit une parfaite connoissance de’ la créance
des sieurs Imbert sur ledit sieur A u b reto n , dont 011 lui
a fourni un double du compte balancé, ledit sieur
Jorran d, indépendamment de la commission d’usage,
�( 32 )
consentit à ce que lesdits sieurs Imbert fissent la retenue
du cinquième du produit net de la fourniture de bois
qui seroit faite sous le nom de B o u qu et, pour se rem
plir de leur créance sur ledit sieur A u breto n ;
« Que peu de temps après des bois furent mis en
et route, et même rendus à Angoulêm e, pour compléter
« la fourniture de Bouquet. L e ministre, jugeant avec
«c raison que les bois expédiés étoient la propriété du
« sieur Aubreton , puisque ledit Bouquet n’avoit pas eu
« le temps d’en faire exploiter et préparer, donna des
c< ordres pour qu’ils fussent séquestrés, pour être livrés
«
«
«
et
« sous le nom du sieur Aubreton ; et ce n’est qu’après
cc de vives sollicitations et les besoins pressans du p o rt,
« que le ministre s’est déterminé à consentir que les
« plançons et bordages fussent reçus sous le nom de
cc B o u q u e t, quoiqu’il fût bien constant que les bois
cc composant la première livraison de ce dernier, étoient
cc la propriété dudit sieur Aubreton. »
A cela le sieur Jorrand ne répondoit qu’en éludant,
et se re n fe rm o it dans son titre. C e p e n d a n t, par une
inconséquence assez inexplicable, il avouoit ( peut-être
à cause de sa correspondance) que sur le marché Bou
q u et, il étoit bien convenu de laisser déduire le cin
quième de la dette d’Au breton ; mais il s’en prenoit aux
Im b e r t, qui par leur retenue des fonds de la m arine,
avoient arrêté les nouvelles expéditions.
L e tribunal de commerce de Rochefort mit la cause
en délibéré, ès-mains de son président; et après a v o ir
entendu un rapport fait sur l’examen des pièces respec
tivement produites 9 il rendit un jugement qui fixe les
�( 23 )
points de faits reconnus constans , avec une précision
dont rien ne doit être omis.
« Considérant, 8°. que le sieur Aubreton vouloit con« tinuer la fourniture sous un autre nom que le sien,
« attendu qu’il avoit encore beaucoup d’autres bois d’achat,
« dont majeure partie étoient exploités et en route, écrivit
« au sieur Imbert de faire en sorte de passer un nouveau
« marché avec la marine, pour la fourniture de quatre
« cent quatorze stères, ou douze mille pieds cubes de
k
«
«
«
bois de construction, sous le nom du sieur B o u q u e t,
lequel marché eut lieu le 6 messidor an i i , au nom
dudit sieur B o u q u e t, et sous le cautionnement des
sieurs Imbert père et fils;
,
c< Considérant, 90. qu’à l’époque de ce m arché, le
« sieur J o r r a n d y fa m i intim e du sieur A u b r e to n , et
« comme chargé d’une procuration générale de Bouquet,
« se mit à la tête de cette fourn iture, et a continué les
« sieurs Imbert père et fils pour ses commissionnaires
c< en cette v ille ;
«
«
«
«
«
«
«
«
« Considérant, io°. que le sieur Jorrand étant parfaitement instruit de la créance des sieurs Imbert père
et fils sur A u b reto n , puisque leur compte balancé se
trouve jo in t ¿1 la production de B o u q u e t, tout en leur
accordant la commission d’usage , consent en outre
qu’ils prélèvent, sur le montant de la fourniture nette
de Bouquet, un cinquième d’ icelle, pour se remplir
du montant de leur créance sur ledit sieur Aubreton;
« Considérant, i i ° . que peu de temps après ce nouveau m arch é, ayant été mis des bois en route pouy
�( 24 )
opérer la fourniture dont il étoit question pour icelui,
le gouvernement les considérant comme étant la propriété du sieur A u b r e to n , avec d’autant plus de raison
que Bouquet n’avoit pas eu le temps d’en faire exploiter
et préparer jusqu’alors, ils furent, en vertu des ordres
du ministre, séquestrés, pour être livrés sous le nom
du sieur A u b reto n ; q u ’il paroît m êm e, d’après une
lettre du sieur Penevert, que le nombre étoit de deux
cent dix-huit pièces ;
« C o n s id é r a n t , 120. que par suite, et sur la repré« sentation qui fut faite des besoins pressans que le port
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
a voit des bois de l'espèce de ceux qui se trou voient
soit en route et rendus à A n go u lê m e, le ministre, par
sa dépêche du 21 messidor an 12 , a consenti que les
bois en plançons et bordages dont il s’agit, q u i f a is oient
partie des bois dûA u b r e to n , quoique passés en vente
sous le nom de ce dernier, fussent distraitsy et reçus
sous le nom de B o u q u et; ce qui fut fait;
c'c Considérant, 130. qu’indépendamment de ce concc s e n le m e n t , il pa ro ît q u e les bois q u i co m p osent la pre« mière fourniture faite par Bouquet étoient la propriété
cc du sieur A u b r e to n , puisque d’après les ordres donnés
« par le sieur Penevert au sieur T r ip o n , contre-maître
« charpentier, ce dernier a fait une recette provisoire,
« en plançons et bordages, de cent cinquante-huit pièces,
cc cubant ensemble deux mille cent quarante-huit pieds
cc cubes, suivant son procès verbal du 6 fructidor an 12,
cc sur le produit desquels les sieurs Imbert père et fils
« paroissoient avoir des droits pour se remplir d’autant
cc de
�( 25 )
« de leur créance sur ledit sieur A u breton , soit en totalité
« ou partie. » (i)
Par ces motifs, le tribunal de Rochefort a réglé la
recette des Imbert à 39,340 fr. 64 ce n t., et leur dépense
à 25,287 fr. 83 ce n t., y compris les 12,000 francs déjà
payés au sieur Jorrand , et le surplus pour droit de
commission et frais de voiture; ce qui constitue les sieurs
Imbert débiteurs de 11,567 francs.
Jorrand a interjeté appel à Poitiers, le 10 février
1810 , à cause des droits de commission accordés , et
pour un article de 960 francs pour voiture : tout quoi,
disoit-il, étoit accordé au mépris des écrits, conventions
et obligations souscrites par les sieurs Im bert.
Mais en même temps le sieur Jorrand ne voulant pas
perdre de temps, a fait un commandement aux sieurs
Imbert de payer les 11,567 fr. accordés par le jugement
qu’il approuvoit en cette partie.
Sur cet appel les parties ont transigé et passé un arrêt
d’expédient à Poitiers. Mais quel qu’il s o it, il ne doit
être que relatif aux griefs d’appel, et il ne peut rien
changer aux faits reconnus constans par le jugement de
Rochefort.
(1) Les sept premiers motifs se rapportent à mon marché per
sonnel antérieur; les quatorzième, quinzième et seizième motifs
sont la fixation des recettes et déduction.
Pour pouvoir se présenter sous le nom de Bouquet, Jorrand
a donné à Bouquet la qualité de marchand patenté première
classe. Cette patente est fausse; le maire a certifié q u e lle
n’existoit pas.
P
�( 2 6 }
J ’ai voulu réclamer auprès des sieurs Imbert les pièces
par elles produites au président de Roehefort. Je leur
ai demandé des explications sur les écrits, conventions
et obligations dont parloit le sieur Jorrand dans son
appel. Je n’ai rien pu obtenir des sieurs lmbert : dès
l’instant qu’ils ont été d’accord avec le sieur J o rra n d ,
ils ont été muets pour moi.
Ils pouvoient avoir cette l'éticence pour mes créan
ciers; car en se payant par leurs mains ils ont senti qu’ils
faisoient tort à la masse, et qu’ils s’exposoient à des re
cherches. Mais, à mon égard, je ne devine pas pourquoi
ils ont voulu me taire la vérité, à moi qui 11’ai donné
à Jorrand l’administration de mes biens et de mes res
sources , qui ne l ’ai chargé de l’exécution de mes mar
chés que pour les payer ainsi que les autres créanciers
( ma correspondance avec les Imbert en fait mention
expresse ). Ce ne peut donc etre que le sieur Jorrand
qui leur a prescrit le silence.
Si c’est pour m’ôter les preuves de propriété du mar
ché B o u q u e t, ils savent bien qu’elles résultent de leur
correspondance do l’an 12 et 1809 ; mais ils auront cru
tous mes papiers au pouvoir du sieur Jorran d , ce qui
étoit très-vraisemblable.
Déjà les créanciers convoqués le 22 juin 1809, pour
la nomination d’ un syndic à la place du sieur Queyrat,
nvoient eu l’œil ouvert sur les démarches du sieur J o r
rand , et avoient chargé le sieur Bermond , nouveau
syndic, de le poursuivre en reddition de ses comptes.
L e sieur Bermond ayant pris le temps d’aller aux
enquêtes, a voit commencé une procédure à Guéret par
�( *7 )
une requête du 14 avril 18 10 , pour demander que le
sieur Jorrand rendît com pte, comme mon associé, et
pour conclure, dans le cas où il ne le seroit p a s , à la
nullité de toutes ventes , baux à ferme , transport de
créances ; de tout quoi le produit seroit rapporté à la
masse des créanciers.
Le syndic ne parle pas, dans cette requête, du marché
.Bouquet, soit qu’il l’ignorât, soit qu’il ne crût pas pou
voir attaquer le sieur Jorrand sur cet article. C ’est le
sieur Bouquet qu’il a assigné le 18 juin 18 10 , pour le
faire condamner à rendre compte du bénéfice des bois
relatifs au marché fait sous son nom.
L e tribunal a ordonné jusqu’à présent trois articles
d’instruction sur cette affaire; i°. que le sieur Bouquet
produiroit le transfert par lui fait à Jorrand; 20. que
Jorrand seroit appelé en cause; 30. que je serois aussi
appelé pour répondre aux interpellations qui me seroient
faites.
Jorrand n’est venu à l’audience que pour se plaindre
de moi ; il a c r u , je n’en doute pas, que celui qui crie
le plus haut fait le plus d’impression ; il a supposé que
des injures lui donneroient une quittance.
Je crois en avoir assez dit pour prouver le contraire :
une reddition de compte, qui tournera au profit de mes
créanciers, ne doit pas m’être indifférente. Si ce compte
est dû il faut qu’il se rende. Les faits que j’ai rapportés
me semblent assez précis pour ne pas douter ; et je me
ibornerai à en tirer quelques conséquences.
D 2
�( *8)
Objections et réponses.
L e sieur Jorrand nie foi’mellement que le marché
Bouquet fasse partie de son mandat; il prétend qu’il en
est sérieusement propriétaire en son nom , par le transfert
du I er. brumaire an 12.
Cela est impossible. Tous ceux qui ont participé à ce
marché et à ses suites lui donnent un démenti formel.
Les sieurs Im b ert, de R och efort, ont constaté par
toute leur correspondance que c’est m oi qui leur ai donné
l ’ordre de faire ce ma relié sous le nom de Bouquet; que
c’est pour m oi qu’ils l’ont fait.
L e sieur Bouquet, dans les actes de procédure éma
nés de lu i, convient ne s’être jamais mêlé de ce marché;
il dit n’avoir été que mon p r ê t e - n o m , pour le f a i r e
tourner en ma fa v eu r ,* et qu’après avoir donné une
procuration à J o rra n d , le I er. brumaire an 12 , parce
que Jorra n d f a is a it alors toutes mes affaires , il en fit
un transfert, pour ne plus figurer nominativement.
Les agens de la marine sont venus compléter ces preuves
en faisant saisir les premiers bois fournis par le marché
B ouquet, en constatant que ces bois étoient les m iens.
Enfin le jugement de Rochefort achève la conviction,
en donnant des détails sur des faits personnels au sieur
Jorrand; et certes le résultat de ce jugement ne peut pas
être suspect pour la cause actuelle; car ni le syndic des
créanciers, ni aucune autre partie intéressée n’y étoit
appelée , et tout s’est révélé entre le sieur Jorrand et
les Imbert.
�( 29 )
Que si aujourd’hui les Imbert nioient des faits articulés
par eux-mêmes, et non contestés par le sieur Jorrand,
leurs lettres restent pour attester que moi seul étoit à
leurs yeux le négociateur et le propriétaire.
M a is, dit le sieur Jorrand, il ne s’agit pas de savoir
quel étoit le propriétaire avant le I er. brumaire an 12,
si je le suis devenu à cette époque.
\
Cette objection ne pourra être écoutée que lorsque le
sieur Jorrand rapportera, i°. sa correspondance avec les
commissionnaires depuis son transfert; 20. les pièces pro
duites par lui au tribunal de Rochefort, ainsi que l’atteste
le jugement; 30. les écrits, conventions et obligations
d’entre lu i et les sieurs Im b e r t, suivant ce qu’il a dit
dans son appel du 10 février 1810 : alors on saura si
véritablement le sieur Jorrand a eu la conscience de sa
propriété dans le marché Bouquet.
En attendant qu’il communique ces pièces essentielles,
011 peut trouver des indices dans quelques lettres des
sieurs Im b e rt, les seuls commissionnaires qui se soient
mêlés des fournitures de Rochefort.
Dans une lettre à mon adresse, du 16 ventôse an 12,
les Irnbert me rendent compte de ce qu’ils ont fait poul
ie marché Bouquet, et ils me disent : « D ’après la levée
« du séquestre apposé sur vos bois, votre ancienne four« niture doit reprendre son cours comme cette dernière
cc que rien ne doit plus arrêter. Nous pensons d’ailleurs
cc qu’il ne dépendra que de vous qu’il y ait une certaine
« quantité de bois destinée pour la remplir, lorsque telle
ce ou telle partie sera marquée ¡)our M . B ouquet. »
�( 3° )
L e 2 prairial an 12, c’est encore à moi qu’ils s'adressent
pour dire : « Nous attendons toujours ,avec impatience
et de vos nouvelles, ainsi que de M . Jo rra n d , pour Ici
«¿fourniture B ou q u et : il,nous tarde bien de recevoir
« des bois pour cette soumission. »
L e 21 du même m ois, ils m’écrivent encore pour se
plaindre de mon silence : « Depuis deux mois que vous
« êtes instruit que toutes les difficultés sont levées, que
c< vous pouvez donner cours à votre marché, ain si qu'à
« celui B o u q u e t, vous ne vous êtes nullement mis en
« mesure pour livrer en ce port. »
Ces lettres sont d’une date postérieure au transfert,
daté du I er. brumaire au 12,
Les sieurs Imbert n’ignoroient pas ce transfert appa
ren t; cependant ils ne parloient de Jorrand que comme
d’un fondé de p o u vo ir, d’un agent, et ils entendoient
toujours ne se mêler du marché Bouquet que pour m oi.
Ils l’ont cru jusqu’à la fin.
L eur lettre du 11 mai 1809 est encore plus expres
sive. J e leur demandois un compte du m a rch é Bouquet;
ils me répondent : « Nous sommes tout prêts à vous
«
«
«
«
«
«
cc
«
fournir un compte exact de toutes les livraisons que
nous avons exécutées sur le marché Bouquet, dès que
nous aurons la garantie formelle que sur leur produit
nous prélèverons tout ce que vous nous devez. Quand
nous serons tous d’accord sur ce point essentiellement
nécessaire à nos intérêts, qui ont bien souffert de cette
créance, nous réglerons avec vous , et rem ettrons
ensuite à qui de droit ce qui pourra rester en nos
�( 31 )
* mains ; jusque-là nous ne nous démunirons pas d’un
« sou. »
Et lorsque le sieur Jorrand s’est présenté à eux sous
le nom de Bouquet , en 1809, pour leur demander des
comptes, ils ont dit à Bouquet comme à Jorrand qu’ils
n’avoient suivi ce marché, depuis son origine, que comme
mes commissionnaires, et pour m oi.
S’ il y avoit du doute vis-à-vis Jorrand, en son nom ,
il n’y en a pas vis-à-vis Jorran d, syndic de mes créan*
ciers.
Celui - ci ne peut prétexter aucune erreur , aucune
croyance d’avoir géré pro suo.
Lorsqu’il a été nommé syndic depuis l’an 12 jusqu’à
1806, lorsqu’il a accepté ce syndicat, Jorrand a con
tracté l’obliga tion de ne rien détourner pour l u i , mais
de rapporter fidèlement à la masse tout ce qui seroit
provenu de ma fortune, de mes ressources, de mes bé
néfices.
O r , le marché Bouquet étoit dans mon actif; le sieur
Jorrand ne l’ignoroit pas : ses bénéfices étoient donc ma
propriété. Quand même il auroit eu seul une correspon
dance pour ce ma relié , et une gestion suivie, tout cela
'se rapportoit à sa qualité de syndic.
A cela il répond que la date du transfert le met à
l’abri de cette comptabilité. Je ne suis syndic, d i t - i l ,
que sous la date du 2 5 nivôse an 12; le transfert Bouquet
est du i«r. brumaire an 12 : donc j’étois propriétaire
avant d’être syndic.
L a loi et les faits repoussent cette objection.
�( 32 )
L e transfert du i er. brumaire an 12 est un acte sous
seing p r iv é , enregistré seulement en 1810.
O r , les actes sous seing privé n’ont de date contre les
tiers que du jour de l’enregistrement ( Code civil, art. 1328 ).
Rien n’autorise donc le sieur Jorrand à montrer cet
acte comme un titre antérieur à son syndicat.
Je ne puis sur cette date précise donner des notions
bien certaines , n’ayant pas la mémoire assez locale sur
un fait auquel je n’attachois alors aucune importance :
mon attestation pour ou contre seroit d’ailleurs inutile
à mes créanciers, qui ne verront que la date légale.
Ils demanderont de plus au sieur Jorrand ce que
veut dire sa réserve insérée dans l’acte d’affirmation de
sa créance, le 12 germinal an 1 2 , ce de ce qu'il a voit
« payé pour A u b r e to n , pour déplacement et préparation
' « des bois de marine qui sont maintenant à Pontarion. »
Ces , bois n’ont pas été livrés sur mon marché de
l’an 5 , sur lequel le sieur Jorrand n’a presque rien
fournis.
Cette livraison n’étoit donc faite que pour le marché
B o u q u e t, et alors le sieur Jorrand n’entendoit avoir
avancé les frais de transport que pour m o i.
Il paroît que ces bois de Pontarion y étoient encore
au 29 thermidor an 1 2 , époque où le sieur T r ip o n , par
une lettre ci Vadresse du sieur Jo rra n d ou du sieur
A u b r e to n , nous écrivoit à l’un ou à l’autre de venir
l’y joindre : preuve ajoutée à toutes les autres, que tous
mes correspondans ne faisoient aucune différence entre
les intérêts de Jorrand et les miens.
Supposons,
�C 33 )
Supposons, si le sieur Jorrand l’aiine m ie u x , que sou
transfert a véritablement la date du ier, brumaire an 12;
il n’en résultera rien de plus avantageux pour lui.
Car à cette d a te, le transfert sera toujours postérieur
à la cessation de mes payemens, qui est de l’an 11. ( L e
concordat de 1806 a rejeté, comme tardive, l ’inscription
du sieur Jorran d, qui est du 4 vendémiaire an 12. )
Suivant la déclaration de 1702, confirmée par le Code
de commerce, ce transfert seroit n u l, quand même il
seroit an térieur, s’il n’avoit précédé cette cessation de
plus de dix jours.
En vain le sieur Jorrand oppose-t-il que le nom Bouquet
lui suffit pour être à couvert. Les matières de fraude
sont remises à la prudence du juge; la loi s’en rapporte
entièrement à lu i, comme le prouvent l’art. 1363 du Code
civil, et l’art 444. du Code de commerce.
.. Ici la nullité seroit de plein droit; ca r, par une cir
constance que le sieur Jorrand n’expliquera jamais , le
transfert est gratuit.
Q u’il explique, s’il sc peut, comment après avoir pris
la peine de suivre une admission de m arch é, près des
commissaires de la m a r in e , et ensuite dans les bureaux
r du ministre, après avoir fait les dépenses nécessaires
pour cette négociation , il seroit concevable qu’on en
laissât gratis tout l’avantage à un nouveau ven u?
Personne n’y croira ; et précisément la résistance du
sieur Jorrand à s’approprier ce marché, aide à convaincre
q u ’ il étoit trop avantageux pour le donner pour rien.
D ’autres en offraient un bénéfice considérable, et cer
tainement je ne m’en serois pas privé pour faire un pur
E
�( 34 )
cadeau au sieur J o r r a n d , trop opulent pour le recevoir.
Quand j’aurois voulu le faire, je ne le pouvois pas;
la loi me défendoit de rien détourner de mes créanciers,
pour en préférer un seul.
Aussi n’en ai-je pas eu la pensée, et nul ne peut m’en
accuser : ma correspondance avec les sieurs Im bert, qui
étoient aussi mes créanciers, le prouve. J ’ai continué
après l’an 12 de me présenter à eux comme propriétaire
du marché B ouquet, et c’est ainsi qu’ils m’ont toujours
considéré jusqu’à 1809, comme l’atteste le jugement de
Rochefort.
Ce transfert, mon bail à ferm e, ma vente de bestiaux,
l ’état de mes dettes de la main du sieur J o rran d , ses
lettres à mes créanciers; cela fait un tout inséparable,
un corps de faits et d?opérations qui se lient mutuelle
m en t, et s’expliquent les uns par les autres.
O n ne croiroit à la mutation sérieuse du marché Bou
q u et, que si on pouvoit croire à celle de mes bestiaux
et de mes récoltes.
O r , le sieur Jorrand n’a pas même osé persister à vou
loir s’approprier mes bestiaux. Il a avoué n’avoir qu’un
titre co lo ré, et une propriété apparente.
D e même il l’a dit pour son bail à ferme; et la preuve
en est qu’il n’en a pas demandé la maintenue lors de
l’expropriation.
A in si il ne faut le juger que comme il s’est jugé lu imême ;
Puisqu’il ne veut pas garder la qualité honorable d’ami
officieux, chargé d’améliorer ma fortune, il faut qu’il
avoue n’avoir voulu que la dévorer.
�( 35 ) .
Mais malgré lui il n’est qu’ un mandataire comptable :
et une triple qualité l’oblige à rendre un compte depuis
la fin de l’an n .
i°. Comme fermier sans avoir rien p a y é , il doit un
compte des récoltes, des bestiaux et de leur cro ît, des
bois coupés et de l’arriéré des fermages.
Et qu’il n’objecte pas que déjà je suis convenu avoir
conservé la possession de mes biens ; cet aveu que je
pou vois dissimuler, puisqu’un bail authentiqua m’en dispensoit, est une preuve de ma véracité. Mais j’ai expliqué
que ma possession avoit consisté à être le maître appa
rent comme par le passé, et à recevoir le blé néces
saire à ma consommation; mais le surplus des denrées,
les bestiaux, les bois, etc., sont restés à la disposition du
sieur J o rra n d , comme je l’ai déjà dit.
Q u’il n’objecte pas non plus qu’étant mon créancier
de 14,000 francs, il a entendu se payer par ses mains,
en prenant quittance des fermages et des bestiaux par
anticipation.
Il ne peut pas le dire a in s i, puisqu’il a affirm é, en
nivôse an 12 , être mon créancier de ces 14,000 fr.
20. Comme mon mandataire général il est comptable,
i ° . de tous les bois préparés à mes frais, qu’il a employés
au marché Bouquet ; 20. des bénéfices de ce même mar
ché ; 30. de 10,000 francs qu’il a touchés pour moi de la
trésorerie, et de toutes autres sommes moins considé
rables que je pourrai justifier.
30. Comme syndic des créanciers, il est encore com p
table de tout ce qu’il a dû faire pour rechercher tout
mon actif ( notamment la créance de 27,791 francs, due
�( 36 )
par L ia is, et celle de 10,000 francs, montant de deux
traites acquittées au sieur F a u c h ie r), faire valoir mes
ressources, et n’en laisser péricliter aucune.
L e sieur Jorrand’veut singulièremet abréger sa respon
sabilité. Il dit qu’il n’a été syndic que pendant l’an 12 ,
l ’an 13 , et partie de l’an 14 ; et même qu’il n’a point
de-comptes à rendre pendant ce délai, parce que les
créanciers m’avoient laissé la gestion de mes affaires.
Il y auroit bien de la mauvaise foi dans cettte objection,
si elle étoit sérieuse; c a r ie sieur Jorrand n’auroit eu un
syndicat de deux ans que pour s’approprier tout ce que
mon actif présentoit d’avantageux, et il auroit accepté
une fonction purement oisive.
Cette prétention choque la loi, qui répute tout syndic
comptable. Elle choque aussi la vérité ; car plusieurs let
tres du sieur Jorrand prouvent qu’ il géroit mon actif,
régloit et recevoit. Ainsi je n’avois conservé la gestion de
mes affaires , que comme marque honorable de confiance
>
■
de mes créanciers; mais par le fait, c’est le sieur Jorrand
qui a tout dirigé , et je ne me suis mêlé que de ce qu’il
m ’abandonnoit, et sous sa tutelle.
Ouant
à la durée du syndicat
du sieur J o rran d ', ce n’est
V
“
pas là ce qui doit borner sa comptabilité; car un bail à
ferme de neuf ans, et le marché Bouquet, d’ une durée in
définie, n’ont rien de compatible avec les deux ans du
syndicat.
Il ne faut pas non plus que le sieur Jorrand prétende
être quitte, pour avoir fait les fournitures des seuls bois
préparés pour mon compte ; il suffit qu’ il ait voulu
prendre sur sa tête le marché Bouquet, pour qu’il doive
�C 37 )
rendre compte du bénéfice dont il étoit susceptible, sans
le régler à sa manière.
T o u t mandataire doit accomplir le mandat, tant qu’ il
en demeure chargé , et répond des dommoges-intérêts
qui pourroient résulter de son inexécution (C o d e civil,
- article 1991 ).
Si cette loi peut quelquefois paroître sévère pour
celui qui est resté chargé du mandat de gré à gré , et
par oubli de s’en départir, ce n’est au moins pas pour
celui qui a voulu le retenir en croyant se l’approprier.
L e sieur Jorrand a dit en plaidant, qu’il devoit ce
procès à l’acquisition qu’il avoit faite de ma maison.
J ’ai pu etre étonné (com m e tout le m o n d e) que
lui Jorrand, déjà propriétaire de trois maisons, dont deux
au Moutier et une à À h u n , en ait acheté une quatrième.
Mais je ne comprends pas trop comment le sieur J o r
rand a pu supposer que je ne lui demandrois compte de
rien, s’il n’a voit pas acheté ma maison. C’eût été faire tort
de 5o,ooo francs à mes créanciers , et le sieur Jorrand a
oublié son rôle en laisant croire que son intention étoit
de les frustrer, en ne rendant compte de rien
L e sieur Jorrand a longuement discuté sur le contrat
d’union du sieur B erm on d, qu’il prétend ne pas etre
dans les formes voulues par les ordonnances.
Il dit « que les sieurs Bermond et Serson ne sont pas
et créanciers , parce qu’ Àubreton avoit suspendu en
« thermidor an 11 , et que leur obligation est du i5
« vendémiaire an 12. » Il ajoute qu’aucun des créanciers
n’a aiïirtrié, et que le contrat n’est pas homologué.
Quoique le sieur Jorrand connoisse à fond cette ma-
�( 38 )
tiè re , tout ce qu’il a dit à ce sujet n’est que mensonge.
Tous les créanciers ont figuré au contrat d’union.
M M . Bermond et Serson sont créanciers, parce que
leur obligation n’est qu’un arrêté de compte, suite d’un
premier titre. Tous ont affirmé leurs créances, et le
sieur Jorrand comme les autres.
Il y a eu jugement d’homologation; les sieurs Bermond
et Serson y sont parties; le sieur Jorrand sa voit tout cela
mieux que m o i , et cependant il le démentoit.
Je n’ai plus qu’un mot à répondre au sieur Jorrand.
IÎ a dit que je l’ai trompé sur l’état de mes dettes, pour
l ’engager dans mes mauvaises affaires ; et sans autre
explication il a pris texte dans ses propres paroles pour
se courroucer contre moi.
Trom per Jorrand eût été un peu difficile ; et je ne
me pique pas de faire des miracles.
Gomment ose-t-il dire que l’état de mes dettes lui étoit
inconnu? c’est lu i qui l’a dressé, et je l’ai encore écrit
de sa main! je le mettrai sous ses yeux , pour qu’il le
reconnoisse, et ne mente plus, au moins sur cet article (i).
Je n’ai pu rien dissimuler à Jorrand, puisqu’il avoit
tout en son p o u vo ir, qu’il cherchoit mes créances où
elles étoieut, et gouvernoit ma fortune comme la sienne.
Lorsqu’on se dit trompé, il faudroit un peu consulter
l’opinion publique pour savoir son secret, et surtout
(1) Le contrat d’union diminue le passif de plus de 80,000 fr.
Plusieurs des créanciers ont été tirés de la liste, notamment le
sieur Q u e y ra t, qui n’a signé le concordat que co m m e -démis
sionnaire.
�( 39 )
il ne faudroit pas s’aveugler au point de dire ce qui
choque l’évidence. Ceux qui compareront l’opulence de
Jorrand et la m ienne, demanderont ce qu’est devenue
ma fortune : on le leur dira ; et alors il est vraisem
blable que je ne passerai plus pour avoir fait une dupe
du sieur Jorrand.
Je crois qu’il faut arrêter là le cours de mes réflexions,
elles me mèneroient peut-être au delà des bornes que je
me suis prescrites; et après avoir dit que j’avois supporté
sans amertume la perte de mes biens, je serois peut-être
inconséquent. D ’ailleurs ma tache a été remplie en ren
dant un compte fidèle de ma conduite depuis l’an n :
je désire que mes créanciers me rendent la justice de
penser que j’ai voulu faire pour le mieux. Si le sieur
Jorrand a l’ infidélité de leur disputer un dépôt qui eût
dû être sacré entre ses mains, il a été de mon devoir
de m’y opposer de tou les mes forces. Maintenant, si les
Liais, les Caillas, les Pothier et les Jorrand triomphent,
je me consolerai en pensant que je n’ai rien à me re
procher, ni dans mes intentions, ni dans mes efforts,
et j’aurai la fierté de dire seul : T o u t est p e rd u , fors
l’honneur.
Signé A U B R E T O N .
Me. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
A R IO M , de l’imp. d cT H IB A U D , imprim. de la Cour impériale, et libraire»
rue des T aules, maison L a n d r i ot. — Décembre 1810.
�
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Title
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aubreton. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Subject
The topic of the resource
créances
fraudes
commerce du bois
construction navale
Description
An account of the resource
Mémoire pour le sieur Aubreton, receveur de l'enregistrement et des domaines en la ville d'Ahun, défendeur en assistance de cause ; contre le sieur Henry-Claude Bermond, ancien administrateur des loteries, rentier demeurant à Paris, demandeur ; et contre Louis Jorrand, notaire impérial, habitant de la ville d'Ahun, défendeur au principal ; en présence de Gaspard Bet-Bouquet, habitant de la ville d'Auzance, aussi défendeur.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
An 5-1810
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0425
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ahun (23001)
Auzances (23013)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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commerce du bois
construction navale
Créances
fraudes
-
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CONSULTATION
Pour
l e
sie u r
PINTHON.
L ES A V O C A T S SO U SSIG N ÉS,• qui ont lu , 1 °. les
titres et pièces d’un procès entre les sieurs Cibot et Pin-"
thon ; 2°. une consultation donnée par l’un d’eux au
sieur Pinthon, en 1 8 1 1 ; 30. le jugement rendu au tri
bunal civil d’Aubusson, le 20 novembre 1 8 1 1 , en faveur
du sieur Pinthon; 40. un imprimé publié par le sieur
Cibot, contenant ses griefs d’appel contre ledit jugementsuivi de trois consultations délibérées à Riom , à Clermont
et à Limoges, par M es. Yissac Bergier et Dumas
que la redevance de deux setiers de grains,
due à M. le duc d’Orléans, et non au sieur Cibot, a
été abolie, comme féodale, au profit du sieur Pinthon;
que le tribunal d’Aubusson s’est parfaitement conformé
aux principes en le jugeant ainsi ; et que tout ce qui
a été écrit en faveur du sieur Cibot se réduit à des
maximes inapplicables, qui ne peuvent pas empêcher la
confirmation de ce jugement.
On a comparé une charge foncière, assise sur un im
meuble vendu, à une simple créance que le vendeur
pouvoit Réclamer après l’avoir déléguée. Et c’est ainsi
qu’après avoir dénaturé la question, on a appelé au
secours du sieur Cibot tous les lieux communs du droit ?
A
E stim en t
�( 3 )
en matière de délégation, pour en conclure que cette
charge foncière, féodale d’après lui-même, étoit rentrée
dans ses mains, comme roturière, après la suppression
de la féodalité. On a prétendu qu’il pouvoit la récla
mer à son profit, comme n’étant éteinte qu’au préju
dice de M. le duc d’Orléans.
Ce système est si faux, si contraire aux lois, que le
premier mouvement est de s’étonner que de simples so
phismes, sans application et sans liaisons, aient pu séduire
trois jurisconsultes. Mais il paroît que le sieur Gibot s’est
’attaché principalement à leur persuader qu’il avoit fait
de grandes réparations dans ce qu’il a cédé au sieur
Pinthon, et qu’il seroit injuste de faire gagner au sieur
Pinthon une redevance supprimée, plutôt qu’à lui. On
remarque, en effet, que les opinions de ses conseils
paroissent plutôt lui être favorables par équité que par
principes; mais il ne sera pas difficile de prouver que,
ni l’équité, ni les principes, ne sont en faveur du sieur
Cibot.
f a it s
.
En 1784, les agéns de M. le duc d’Orléans concédè
rent au sieur Cibot , à titre d’emphytéose perpétuelle, deux
étangs, l’un appelé du Périchon, et l’autre de la Rivière,
dépendans de sa seigneurie d’Evaux, moyennant neuf
setiers de grains, de cens'annuels et "perpétuels, por
tant droit de directe seigneurie, lods et vente, à raison
du tiers denier, payable et portable chacun an par ledit
Gibot au fermier de son altesse, à chaque fête de SaintJulien. Il est dit que le preneur jouira desdits étangs,
conformément au titre do propriété de M. le duc, et
�(3 )
qu’il lui sera libre de les convertir en telle nature de
production que bon lui semblera, en les améliorant,
et entretenant les chaussées. Il est ajouté que le preneur
oblige spécialement par privilège lesdits étangs, dans
quelque état de produit qu’ils puissent ôtreMnis, ainsi
que le revenu d’iceux.
\
•
A l’époque de cette concession, Arnaud-Pintlion étoit
fermier de la terre d’Evaux, par bail du 9 mars 17 8 1,
qui s’est prolongé jusqu’après 1792 •, et cette observation
n’est pas sans utilité.
•
.
} ;* . >*
Par acte du 20 mars 1786*, le sieur Cibot délaissa âudifc
Arnaud-Pinthon, au même titre,d’êmphytéose perpé
tuelle, avec garantie, la queue de l’étang Périclion ( que
l’on dit équivaloir à un huitième de l’étang ), avec condi
tion ( comme dans l’acte de 1784) que le sieur Pintlïon
pourroit convertir ladite queue d’étang en telle nature de
production que bon lui sembleroit; et après avoir réglé
le mode des jouissances respectives, il fut ajouté que le
sieur Pinthon se conformeroit au surplus, pour ladite
jouissance, aux clauses insérées en Vacte d'emphytéose
consenti par le duc d’ Orléans au sieur, Cibot, le 24
juillet 1784*
Voici maintenant la clause que s’approprie le sieur
Cibot pour réclamer une redevance non féodale, comme
constituée uniquement à son profit. « Le présent délais« sement ainsi fait entre les parties, moyennant la rente
« annuelle, perpétuelle et non rachetable, de deux
« setiers blé-seigle, mesure d’E v a u x , que ledit sieur
« Pitithon sera tenu de payer à son altesse, ses rece« vèurs ou ferm iers? en décharge dudit Cibot, en cette
A z
�(
4
)
« ville d’Evaux, et à chaque fête de Saint-Julien, et de
« laquelle redevance il remettra la quittance qu’il en
« retirera audit M. Gibot.
« Reconnoît ledit sieur Cibot avoir reçu avant ces pré« sentes, dudit sieur Pinthon, la somme de 60 francs,
« pour épingles, dont quittance. »
Toutes les conditions de cet acte se sont accomplies.
L e sieur Armand - Pinthon s’est payé par ses mains,
comme fermier d’E v a u x , des deux setiers de ble dont
il étoit chargé; et cela a eu lieu ainsi jusqu’à la fin de
son bail, résilié de droit, comme tous les baux de cette
nature, par les lois féodales.
C’est en cet état, et après cette exécution constante
de l’emphytéose de 178 6, que la redevance de neuf
setiers de grains, due à M. le duc d’Orléans, a été sup
primée par ces mêmes lois. Le résultat de cette suppres
sion a été que le sieur Gibot a été affranchi d’une re
devance de sept setiers, et le sieur Pinthon a été af~
franchi d’une redevance de deux setiers.
C ’est ainsi que toutes les parties l’ont entend« ; et le
sieur Cibot ne peut pas s’en défendre, puisque, depuis
1792 jusqu’en 18 10 , il ne lui est pas même venu à la
pensée de réclamer pou? le payement de cette redevance
éteinte.
- Mais en 18 10 , il s’est ravisé, et ses conseils ont cru
apercevoir quelque différence entre la redevance de 1784,
parce qu’elle étoit appelée cen.9 , et la redevance de 1786,
parce qu’elle étoit appelée rente , quoiqu’elles fussent
toutes deux payables ou duc d’Orléans.
E a conséquence, le sieur Cibot a notifié au sieur
�-
.
( 5 )
Pintlion qu’il révoquoit l’indication de payement par
lui faite en 1786, et il lui a fait sommation de payer les
arrérages de la redevance de deux setiers, échus depuis
la suppression, de même que de continuer à l’avenir
le service de ladite redevance à son profit.
Le sieur Pinthon a répondu qu’il avoit été débiteur
du duc d’Orléans, et qu’il avoit servi la redevance jus
qu’en 1792; qu’ensuite les lois ayant aboli la féodalité,
son héritage avoit été affranchi de la redevance de deux
setiers, comme les héritages du sieur Cibot l’avoient
été pour le surplus de la redevance demeurée à sa
charge.
Cette défense du sieur Pinthon a été adoptée par le
tribunal d’Aubusson.
Il a donné pour motifs à sa décision, i° . que l’objet
emphytéosé par Cibot à Pinthon étoit une portion de
ce que Cibot avoit acquis lui-m êm e du duc d’Orléans,
moyennant une redevance féodale; 20. que le sieur Cibot
exigea du sieur Pinthon l’obligation de payer sa rente
de deux setiers au même terme, au même lieu, à la
même mesure, et au même ^seigneur, à la décharge de
lui Cibot, et en diminution des neuf setiers compris
dans le premier bail ; 30. que cette redevance de deux
setiers n’est qu’une fraction de la rente féodale de neuf
setiers; ce qui s’indmt de l’obligation ci-dessus, et delà
charge imposée à Pinthon de jouir conformément au
premier bail; 40, que Cibot n’auroit pas pu exiger ponc
lui le payement de la redevance, sans contrevenir à la
convention de la payer au seigneur, et parce que ce
seigneur aurait, pu l’exiger solidairement de Pinthon
�( 6 )
lui-même, comme détenteur d’une portion de son eraphytéose ; 5°. que les redevances abolies l’ont été au
profit du détenteur du fonds qui en étoit grevé, et non
au profit de Cibot.
Ces motifs sont d’une grande solidité; et lorsqu’après
s’en être pénétré on cherche à approfondir les raisonnemens du sieur Cibot pour les bien entendre, on les
trouve d’une foiblesse telle, qu’ils ne peuvent soutenir
aucune comparaison*
Moyens du
sieur Cibot»
Le système du sieur Cibot se réduit à deux propo
sitions principales. La première consiste à dire qu’il n’a
stipulé une rente de deux setiers que pour lui, et non
pour le duc d’Orléans ; que si à la vérité il a indiqué
le duc d’Orléans pour recevoir, ce n’est point une dé
légation parfaite, mais une simple indication de paye
ment, qui n’opère pas novation, suivant l’article 1277
du Code civil. Il en conclut que lui seul étoit resté dé
biteur du duc d’Orléans, et que Pinthon n’auroit pas
pu rembourser la rente au duc d’ Orléans, môme avec
son acceptation, sans la participation de lui Cibot ; il en
conclut encore qu’il a pu révoquer son indication de
payement, et redemander pour lui une rente dont la
délégation n’avoit pas été consommée»
La deuxième proposition du sieur Cibot est puisée dans
quelques arrêts sur les arroturemens de rentes féodales,
parce qu’ il est de principe que les redevances détachées
du fief avant la suppression ne sont plus féodales; et le
sieur Cibot en conclut que la redevance créée par lui
n’étoit plus seigneuriale, étant stipulée payable à lui, et
nou en faveur du iief.
�- ( 7 )
- Voilà le résumé des moyens qu’il s’agit de discuter,
pour justifier l’opinion déjà émise en faveur du juge
ment d’Aubusson.
- Avant de s’occuper du fond de cette affaire, le sîeur
Pinthon pourra proposer la fin de non-recevoir de l’ap
pel , parce que l’objet de la demande sur laquelle le
tribunal d’Aubusson a statué, n’excédoit pas 1,000 fr.
Cette fin de non-recevoir peut être proposée d’après
l’article 453 du Gode de procédure , quoique le juge
ment ne soit pas qualifié en dernier ressort.
Par sa sommation d u ji4 août Ï8 10 , le sieur Cibot
avoit demandé tous les arrérages de la redevance de deux
setiers, échus depuis 178 6 , outre le service à venir de
ladite rente ; mais lors du jugement dont est appel, il
avoit restreint ses conclusions aux arrérages échus de
1786 à 1792 , et aux arrérages de cinq ans antérieurs au
commandement; ce qui fait dix ans d’arrérages. O r, sui
vant la jurisprudence, la compétence se règle par les
dernières conclusions prises au procès, surtout lors
qu’elles réduisent les prétentions du demandeur. ( Voir
Sirey , suppl. de l’an 1 2 , page 1 9 1 ; Denevers, 1 8 11 ,
page 465, et 18 12 , page 475. )
Suivant la loi du 18 décembre 1790 , qui permettoit
le rachat des rentes, il étoit dit que lorsqu’elles auroient
été créées sans évaluation de capital, ce capital seroit
fixé , savoir, au denier vingt à l’égard des rentes créées
en argent, et au denier vingt-cinq du produit annuel à
l’égard des rentes payables en grains, récoltes, sçrvice
d’homme, etc., en ajoutant un dixième auxdits capitaux,
Fin de nonrecevoir de
l’appel.
�( 6 )
si les rentes avoient été créées sous la condition de non re
tenue des impositions ( titre 3 , article 4 ) ; et pour avoir
une règle générale de fixation, quant aux redevances en
grains, il doit être fait sur la pancarte du marché le plus
prochain, une année commune des quatorze années an
térieures en retranchant les deux plus foibles, et prenant
le dixième du surplus ( article 7 ).
D ’après ce procédé, le sieur Pinthon s’étant procuré
la pancarte du marché de la ville d’ E v a u x , il en résulte
que le terme moyen de chaque année se porte à 26 fr,
30 c., ce qui, au denier vingt-cinq, forme un capital de
657 fr. 5o c ., à quoi il faut ajouter 216 fr. 80 c ., pour
les années d’arrérages , déduction faite du cinquième ;
ce qui fait un total de 874 fr. 30 centimes. Il est donc
prouvé que le montant total de la demande, y compris
les arrérages échus, qui doivent être portés en compte,
suivant la jurisprudence, ne s’élèvent pas à la somme
de 1,000 francs.
La loi du 24 août 1790, qui détermine le taux de
la compétence judiciaire, dit au titre 4 , article 5 : « Les
« juges de district connoîtront en premier et dernier res« sort de toutes affaires personnelles et mobilières, jus« qu’à la valeur de 1,000 fr. de principal, et des affaires
« réelles dont l’objet principal sera de 5o fr. de revenu
« déterminé, soit en rentes, soit par prix de bail. »
On pourra objecter que la redevance de deux setiers
de grains dont il s’agit, n’est pas expressément déter
minée à 5o francs de revenu. A cela il sufliroit peut-,
être de répondre que la loi postérieure, du 18 décembre
179 0 , est venue faire le complément de cet article, en
fixant
�(
9
)
fixant légalèment le capital des redevances qui jüsques
alors n’en avoit aucun, parce qu’elles.étoient créées irrachetables.
'
Mais il ne faut pas traiter aussi légèrement une ques
tion, qui n’étoitpas alors sans difficulté par d’autres motifs.
La loi du 18 décembre 1790 portoit que la faculté
de racheter les rentes ne changeoit rien à leur nature
immobilière, ni aux droits que les créanciers des bailleurs
pouvoient exercer sur lesdites rentes. D ’après cela on
pouvoit considérer une rente où redevance, comme
inhérente à l’immeuble, à tel point que les procès qui
pouvoient s’élever sur la propriété des rentes, fussent ré
putés avoir pour objet l’immeuble lui-même sur lequel
elle étoit assise.
Ceci néanmoins n’étoit pas sans réponse, puisque l’ar
ticle cité de la loi du 24 août 1790 comprenoit dans la
compétence de dernier ressort les affaires réelles qui
n’excédoient pas 5o francs de rente.
: Mais une observation plus satisfaisante, c’est que la
nature des redevances foncières est absolument changée
depuis le Code civil, : en 17 9 0 elles étoient immeuble,
et le Code civil les a classées parmi les choses mobi
lières (art. 529 et 630 ). Ce point de droit est aujourd’hui
reconnu comme une vérité incontestable.
Ce changement de législation répond à toutes les
difficultés qu’on auroit pu se faire sur la possibilité de
juger en dernier ressort la propriété d’une redevance dont
le capital, réglé parla loi elle-même et sans arbitraire , ne
s’élève pas à 1,000 francs. Dès qu’une semblable rente n’est
plus un immeuble, dès que le propriétaire n’a sur l’héritage
B
�C
)
asservi à la rente, qu’une simple créance privilégiée de
bailleur de fonds, il n’y a pas plus de raison de disputer
sur la compétence en pareil cas , qu’il n’y en auroit de
prétendre que le prix d’une vente, ou d’une ferme payable
en denrées au taux de la mercuriale, ne peut pas être jugé
en dernier ressort, même au-dessous de 1,000 francs (i).
Il ne faut pas s’appesantir davantage sur cette iin denon-recevoir, dont le sieur Pinthon n’a véritablement
pas besoin ; car les objections qu’on lui propose n’ont
rien de redoutable y ni même de spécieux..
Réponse
au premier
moyen du
sieur Cibot.
La première proposition du sieur Pinthon n’est fondée*
que sür une confusion de principes du droit.
Sans contredit il n’est douteux pour personne que la
simple indication de payement n’opère pas de novation,
et que souvent on peut la rétracter. Mais qu’est-ce que
tout cela siguifie à la cause actuelle ?
Le sieur Pinthon ne veut pas prétendre qu’il y ait
de novation dans son emphytéose de 1786, puisqu’il
soutient au contraire ne devoir qu’ une portion de la re^
devance établie en 1784, et puisqu’en effet il a été astreint,
en 1786 , à se conformer aux clauses de Pacte de 1784Le sieur Ci bot s’embarrasse donc lui - même dans ses
propres citations, puisque c’est le sieur Pinthon qui est
intéressé à ce qu’il n’y ait pas de novation.
L ’indication de payement peut être révoquée : cela
est vrai, mais non pas dans tous les-cas. Aussi la loi est
( 0 La Cour d’appel de Riom a prononcé une lin de non-recevoir d’appel,
s’ngissant d’une rente en blé, parce que, d’après Ja pancarte, le p r i n c i p a l et les
arrérages nc se portèrent pas ù 1,000 ir, ( Journal des audiences, n». 27. )
�( II )
muette à cet égard, pour ne pas établir mal à propos
une règle générale.
Dans une obligation mobilière, et même dans la vente
à prix fixe d’un immeuble qui n’est sujet à aucunes
charges foncières ou hypothécaires, il est sans difficulté
que le prêteur et le vendeur peuvent donner à ce prix
toutes les destinations qui sont à leur convenance; ils peu
vent charger leur débiteur de payer une portion de ce prix
à un créancier; et si ce créancier n’accepte point cette
indication de payement, il est sans difficulté encore que
le créancier est le maître de la révoquer : cela ne blesse
l’intérêt de personne, car il est indifférent au débiteur
de se libérer envers l’un ou l’autre , pourvu qu’on lui
donne une quittance solide.
Mais cette hypothèse n’a rien de commun à une charge
réelle et foncière assise sur l’héritage vendu ; elle en
est inséparable sans le concours de volonté des parties
intéressées ; elle suit l’immeuble en quelques mains qu’il
passe; et par conséquent le vendeur ne peut pas détruire
l’indication qu’il a faite, pour exiger qu’on paye à luimême cette charge foncière, s’il ne rapporte le coiisen*tement exprès du bailleur de fonds.
Avant la révolution, dans la plupart des mutations des
biens en roture, la première condition de la vente étoit
de payer au seigneur telle quotité de redevance à laquelle
l'héritage vendu étoit asservi; et il étoit peut-être sans
exemple que de semblables indications de payemens fus
sent acceptées par les seigneurs, au profit de qui elles
étoient laites. Croit-on cependant que le vendeur, dans
cette espèce, pût notifier à son acquéreur, comme le sieur
B 2
�( ra )
Cibot, qu’il révoquoit l’iadicatioii de payement' par lut
faite, et le sommer de payer la redevance à lui-même?
Un semblable système auroit eu des suites bien ex
traordinaires après la suppression de la féodalité. Chaque
vendeur auroit pu, avec cette formalité, tourner à son
profit la suppression des redevances, qui n’auroient fait
que changer de possesseur. Heureusement personne ne
s’est avisé de cette tournure, et les redevances féodales
sont restées abolies au profit des derniers propriétaires.
Le sieur Cibot n’auroit pas même pu révoquer son
indication de payement, s’il se fût agi d’une créance sim
plement hypothécaire^
Car alors l’acquéreur n’étoit plus sans intérêt à voir
détruire sa convention, et le vendeur n’étoit plus au
torisé à dire qu’elle étoit stipulée pour lui seul. En effet,
celui qui en achetant convient de payer à un créancier
hypothécaire, a fait cette convention pour sa propre
sûreté, et pour ne pas demeurer exposé à des poursuites.
Il n’est donc pas au pouvoir du vendeur de détruire
cette convention , quoiqu’elle ne soit pas acceptée par
le créancier; car elle fait partie intégrante de Pacte; et
suivant l’article 113 4 du Code civil, les conventions
tiennent lieu de lois à ceux qui les ont faites.
Il n’y auroit qu’un moyen pour le vendeur de révo
quer son indication de payement malgré l'acquéreur, ce
seroit de payer lui-même la créance déléguée. Mais alorsr
prcnons-y bien garde, cela ne lui donneroit pas le droit
d’agir en révoquant la stipulation; ce scrôit au contraire
l’avoir exécutée, car il agiroit comme subrogé au créan
cier, conformément ¿\ l’article 126 1 du Code civil-
�(
!3
)
- O r, si le sieur Gibot étoit allé rembourser la rede
vance du duc d’Orléans avant la suppression, il est évi
dent que son action se seroit éteinte comme celle du duc
d’Orléans, dont il auroit pris la place par subrogation;
car subrogatum capit naturam subrogat?,
La rigueur des lois féodales est bien précise à cet
égard. On sait que tous les tenanciers d’une même reconnoissance étoient débiteurs solidaires envers le sei
gneur ; cependant s’ils avoient payé volontairement la
dette de leur codébiteur solidaire, ils n’avoient pas d’ac
tion en répétition contre lui après la suppression. La loi
du 9 brumaire an 2 ne donne cette action qu’à ceux qui
ont payé comme contraints , et par autorité de justice<
Mais il paroît que le système du sieur Cibot étoit
fondé sur une règle générale qui n’admet aucune excep
tion ; il a même poussé l’exagération jusqu’à mettre en
principe ( pages 9 et 10 ) que le sieur Pinthon n’auroit
pas pu'rembourser la rente au duc d’Orléans sans la
participation de lui Cibot, qui seul avoit capacité pour
faire ce remboursement.
Il est vraisemblable,que le sieur Gibot, en écrivant
une erreur de droit aussi intolérable, a oublié que dans
son emphytéose de 1786 il avoit chargé spécialement le
sieur Pintlion de payer au duc d'O rléans, et de lui
rapporter quittance. Il n’étoit pas question du rembour
sement du capital, parce que la redevance alors n’étoit
pas remboursable; mais lorsqu’elle l’est devenue, il est
évident que le sieur Pintlion pou voit libérer le sieur
Cibot et lui-m êm e, puisque c’éloit tout à la fois son
obligation et son intérêt personnel. ,L ’article 1236 du
Code dit qu’uue obligation peut être acquittée par toute
✓
�Ch )
personne intéressée, telle qu’un coobligé.’L ’article I 25r
ajoute que la subrogation a lieu de plein droit, i ° . au
profit de Yacquéreur d’un immeuble, qui emploie le
prix de son acquisition au payement des créanciers ayant
hypothèque sur Vhéritage ; 2°. au profit de celui qui,
étant tenu ayec d’autres ou pour d'autres au payement
de la dette, avoit intérêt de Tacquitter,
Ce n’étoit pas sans réflexion que le sieur Cibot écrivoit
un paradoxe aussi choquant, c’étoit pour en tirer une
conséquence en faveur de son système ; car immédiate
ment après ( pâge 10 ) il observe que le remboursement
s’est opéré par la suppression féodale, et que la créance
n'a pu s*éteindre qu'au profit de celui qui la déçoit ,*
d’où il conclut que le duc d’Orléans étant censé avoir
été remboursé par la suppression, l’indication de paye
ment s’est évanouie, et Cibot est redevenu créancier.
Cette conclusion n’étant que la suite d’un principe
faux, est par cela même nécessairement fausse. Mais ce
u’est pas tout; car il est facile de rétorquer contre le sieur
Cibot son propre raisonnement. En eiTet, si déjà il a
été prouvé, la loi h la main, que le sieur Pinthon étoit
débiteur du duc d’Orléans, et pouvoit le rembourser,
c’est lui qui dira maintenant, avec plus de raison : L a
créance n'a pu s'éteiiulre qiiau profit de celui qui la
devoit. O r, c’est moi Pinthon qui devois cette créance,
d’après mon titre; donc elle s’est éteinte à mon profit.
Rien n’est plus concluant et plus décisif’ que ce rai
sonnement puisé dans le propre écrit du sieur Cibot :
«joutons, pour abonder dans son sens, et ne pas même
lui laisser ln ressource de forcer l'application de ses prin
cipes en matière de délégation, qu’il y a eu, de la part
�c i5 y
du duc d’Orléans, acceptation de fait de la délégation
portée en l’acte de 1786.
En effet, il ne faut pas oublier qu’Arnaud-Pinthon
étoit fermier de la terre d’E v a u x , et même il est dé
nommé ainsi dans l’acte de 1786 : il avoit donc qualité
pour stipuler les intérêts du duc d’Orléans, dont il étoit
naturellement le negotiornm gestor, A in si, quand il a
stipulé l’obligation de payer au duc d’Orléans deux setiers de grains en décharge du sieuu Cibot, sa stipulation
a valu acceptation de la part du duc d’Orléans ; et cette
acceptation s’est réitérée à chaque payement qui a été fait
en décharge du sieur Cibot, c’est-à-d ire, pendant les
années 178 6 , 178 7, 178 8 , 1789, 1790, 17 9 1 et 1792.
Mais le duc d’Orléans n’avoit pas besoin de cette ac
ceptation de délégation par son fermier; car, i ° . suivant
Lathaumassière, en son Traité du franc-alleu, et Bacquet,
au Traité des francs-fiefs , la déclaration d’un vendeur,
que son héritage doit une redevance, fait titre au sei
gneur ; il est réputé l’avoir acceptée, quoiqu’il n’y ait
pas de sa part d’approbation formelle; 20. le duc d’Or
léans ayant concédé deux étangs en 1 7 8 4 , moyennant
neuf setiers de redevance , avec retenue du domaine
direct, avoit sous-entendu que les aliénations qui se-*
roient faites par son censitaire, de tout ou partie de ce
terrain, porteroient la condition de les assujétir à la re
devance qui en étoit inséparable , et par là même il
acceptait les délégations qui pou voient être faites à per
pétuité sur tous les propriétaires successifs de l’immeuble.
Celte délégation étoit tellement forcée, que le sieur
Cibot n’auroit pas même p u , comme on l’a déjà d itr
�( 16 )
notifier au sieur Pintîion , qu’il s’opposoit à ce que le
payement fût fait à M. le duc d’Orléans ; car le sieur
Pinthon devoit cette rente, non-seulement comme acqué
reur du sieur Cibot, mais encore comme détenteur d’un
héritage asservi au domaine direct du duc d’Orléans.
Il tenoit au duc d’Orléans par un l(en féodal dont
celui-ci pouvoit seul le détacher. Il n’étoit donc pas au
pouvoir du sieur Cibot de s’adjuger personnellement le
profit d’une redevance inséparable de l’immeuble. Il veut
se faire un moyen de ce qu’il étoit le débiteur de cette
redevance; par conséquent il n’en étoit pas le créancier.
L e sieur Cibot répond à cela (page 17 ) d’une ma
nière assez singulière. Pour imaginer un raisonnement,
il suppose un terrain allodial, pour en conclure qu’on
peut poursuivre solidairement une rente foncière comme
une rente féodale. Un peu plus bas il suppose qu’il a
payé le seigneur, pour en conclure que , s'il Vavoit
payé il auroit pu agir contre le sieur Pinthon.
Il est difficile de pénétrer le sens de ces deux sup
positions, et de deviner comment le sieur Cibot peut ar
gumenter d’ une situation imaginaire, pour en tirer une
conséquence en faveur d’une situation diamétralement
contraire. Car enfin les étangs n’étoient pas allodiaux;
cela est convenu. Le sieur Cibot n’a pas pnyé le seigneur;
il n’a pas môme notifié, avant la suppression , qu’il ré-^
voquoit son indication de payement; par conséquent la
redevance étoit encore attachée à la ¿féodalité au mo~
ment de la suppression, ce qui est le signe principal
de l’abolition , d’après les propres termes des arrêts de
passation que le sieur Cibot a cités.
Toute
y
�( *7 )
Toute l’illusion du sieur Cibot est renfermée dans
l’idée qu’il existe deux redevances distinctes dans les
deux setiers que doit payer le sieur Pinthon. Les mots
en sa décharge sont commentés par lu i, pour signifier
tout à la fois une rente féodale due par lu i, et une
rente roturière due à lui» Mais ce n’est pas avec un
jeu de mots qu’on interprète les actes. Il est de prin
cipe qu'on ne juge les actes que par l’intention des parties/
et non par l’examen scrupuleux de chaque expression.
Il est encore de principe que toute condition doit être
accomplie de la manière que les parties ont vraisem
blablement voulu et entendu qu’elle le fût. ( Gode civil,
articles n 56 , 1 1 6 2 , 1 1 7 1 ).
Or , comme l’a très-bien remarqué le tribunal d’Aubusson, il n’est pas possible de voir deux natures de
redevance dans les actes de 1784 et 1786. Les deux setiers
étoient payables au duc d’Orléans, comme seigneur
d’E vaux, à la même mesure et au même terme : ajou
tons que la redevance étoit assise sur le même immeuble
vendu en 1784, et que toute redevance payable au sei
gneur, sur un immeuble provenu de son fief, est néces
sairement féodale.
Dumoulin, l’oracle du droit sur les matières féodales,
nous enseigne à quel signe 011 peut reconnoître qu’une
seconde redevance est un sur-cens, distinct du cens prin
cipal ; et il décide que même quand une seconde re
devance seroit établie en augmentation de la première,
elle n’en est pas moins censuelle, lorsqu’elle n’est pas
expressément séparée du chef-cens. (Rousseaud-Lacombe,
v °. cens)...........
G
�( 18 )
O r, le sieur Cibot ne trouvera pas deux redevances,
dont l’une soit étrangère au seigneur, et en augmenta
tion de celle créée en 1784. Lorsqu’il a chargé de payer
deux setiers pour lu i, et d’exécuter cet acte de 1784,,
il lui étoit impossible de mieux exprimer la désignation
d’une partie de la redevance de( 1784. En effet, il n’en
a plus payé que sept setiers^ et le sieur Pinthon a payé
les deux autres.
Après que le sieur Cibot a tiré des inductions de
toutes les règles de droit, en matière de délégation , il
se retranche dans des moyens d’équité qui lui semblent
plus persuasifs, et il se prévaut de la garantie qu’il a
promise, comme si cette garantie pouvoit ôter quelquechose au caractère féodal d’une redevance.
Mais cette garantie n’étoit pas purement gratuite.
i ° . Il chargeoit le sieur Pinthon d’une redevance plus
considérable que n’auroit dû le comporter une petite
portion d’étang qu’il falloit mettre en culture; 2°. il
l’obligeoit de faire une haie de séparation d’avec le sur
plus de l’étang; 30. il rcccvoit 60 francs d’épingles.
Le sieur Cibot fait valoir comme une grande charge
l’obligation qu’il s’étoit imposée d’empecher l’eau de relluer sur la queue de l’étang. Mais il s’arrête là, et n’ajoute
pas qu’il obligeoit Pinthon de faciliter l’écoulcment de
ladite eau. La.plusgrande charge étoit,donc pour Pinthon ;
et Cibot ne faisoit qu’une chose fort naturelle, puisque
personne n’auroit voulu acheter un terrain submergé.
M ais, dès que Pinthon étoit tenu de faciliter l’écoulement
de l’eau, l’engagement de Cibot se réduisoit à rien.
Il fuit valoir encore qu’il avoitmis l’étang en valeur ; et
�( *9 )
l’avoit fait entourer de fossés et de plant v if, ce dont il
accuse le sieur Pinthon d’avoir profite. Mais l’acte de 1786
dément cette supposition , car il y est dit que le sieur
Pinthon pourra convertir la queue de Tétang en telle
natiwe de production que bon lui semblera ; ce qui
prouve clairement que cette partie n’avoit pas été déjà
mise en valeur.
Au reste, encore une fois, ce ne seroit là que des
moyens de considération, étrangers à la question de
féodalité. lie sieur Cibot n’a rien risqué en promettant
de garantir un .objet solidement acquis, et lui-même
ayant gagné sept setiers de redevance, n’est pas trèsfavorable à trouver injuste que son copropriétaire ait
gagné les' deux setiers qui étoient mis à sa'charge.
r. ■\
La seconde proposition'du sieur .Cibot seroit la plus Réponse
propice à son système, à cause de son obscurité, s’il^ a~la scconile
, .
. f , .
.
.
proposition
n’étoit pas très-aisé d’éclaircir ce qu’il a voulu dire, et du sieur,
de démontrer qu’il s’est placé dans une situation qui nd
Cibot.,
lui appartient pas.
Tous les arrêts de cassation, invoqués par le sieur Cibot,
sur l’arro turement des redevances, sont dans l’espèce que
voici. Une concession est faite par un seigneur de fief;
moyennant une redevance, et jusque-là cette redevance
est féodale. Ensuite le seigneur vend cette redevance à
un roturier, avec réserve de la directe. C’est après’ cela
que surviennent les lois suppressives de la féodalité. Le
roturier, acquéreur de cette redevance, dit avec raison
qu’elle n’est pns supprimée, parce qu’elle n’étoit plus
féodale au'moment de la suppression , i°. parce qu’elle
C 2
�(
)
n’étoit pas due à un possesseur de fief; 2°. parce que le
vendeur s’étant réservé la directe, et l’ayant séparée de
la redevance, il ne subsistoit plus aucun lien féodal qui
la mît dans la classe des redevances supprimées.
Ces moyens ont été adoptés par la Cour de cassation,
dans les arrêts que cite le sieur Cibot, des 10 nivôse
an 14 , 7 juillet 18 0 7, et 21 juillet 18 11 . Il n’est pas be
soin de commentaire pour voir tout d’un coup que cette
jurisprudence n’a rien de commun h l’espèce actuelle,
car le duc 4’Orléans n’a pas vendu sa redevance.
Pour se trouver dans l’espèce de ces arrêts, le sieur
Cibot fait un amphigouri fort bizarre. Il y remarque
qu’il n’a constitué aucune directe à son profit, que la
directe n’est jamais sortie des mains du duc d’Orléans,
que lui Cibot n’y a jamais eu ni droit ni prétention ;
d’où il conclut qu’il y a arroturement de fait, même quand
il auroit dit, en 178 0 , que sa redevance étoit féodale(pages 12 et 1 3 )r
Avec une telle manière de raisonner on peut s’appli
quer au hasard, tous les arrêts possibles, pourvu qu’il
y ait quelques mots d’une physionomie semblable. M. le
duc d’Orléans, qui a établi une redevance sur deux étangs,
en 1784, a-t-il vendu cette redevance au sieur Cibot?
celui-ci l’a - t - i l perçue jusqu’à la suppression? Pas un
mot de tout cela : la redevance et la directe sont restées
dans les mains du duc d’Orléans. Où donc y a-t-il la
moindre application aux arrêts cités ? Si le sieur Cibot
eût voulu être plus exact dans ses citations d’arrêts sur
rarroturement, il en auroit cité un quatrième, du 29 avril
1 8 1 1 , qui se trouve au verso du dernier arrêt par lui
�( ai )
cité. U's’agissoit d’iine redevance vendue a un roturier,
sans retenue de la directe. La Cour de cassation juge
qu’ il n’y a pas arroturement, et que la redevance est
abolie, attendu......... que bien qu'elle eût été déclarée
f o n c i è r e y elle n'avoit pas cessé pour cela d e conserver
sa qualité originelle de rente féo da le, parce que la
qualification de rente fo n cière, qui lui avoit été donnée
par ladite vente, rüétoit pas incompatible avec sa Ha
bilité originaire, '( Denevers, 1 8 1 1 , p. 497. ) On com
prend, parla conformité de ces motifs avec l’induction que
tiroit le sieur Cibot de ce que l’acte de 1786 parle de
rente fo n cière, pourquoi il n’a pas jugé à propos de citer
cet arrêt.
L e principal motif de décision, dans cette affaire, est
de considérer les droits du duc d’Orléans sur la queue
d’étang vendue au sieur Pinthon ; car pour déclarer fon
cière la redevance de deux setiers i assise sur cet héritage,
il faudroit pouvoir dire que le duc d’Orléans n’avoit rien
à voir dans cette redevance, ni dans le fait, ni dans le droit.
O r, le duc d’Orléans étoit propriétaire de cette rede
vance dans le fait comme dans le droit/
J
io. U l’étoit dans le fait, parce que le sieur Cibot l’avoit
indiqué pour la recevoir; ce qui n’étoit qu’une exécu
tion de l’emphytéose de 1784, Cibot étoit le maître ,
comme acquéreur des deux étangs, de distribuer la re
devance de neuf setiers sur toute la surface des étangs,
^ et dans la proportion qui lui plaisoit, puisque cela ne
nuisoit pas à la solidarité ; mais il n’étoit pas le maître
de priver le seigneur de percevoir sa redevance sur toutes
�( 22 )
les portions de ces étangs. Aussi avoit-il assujétî le sieur
Pinthon à se conformer pour sa jouissance à l’acte de 1784.
2°. Il l’étoit dans le droit; car le lien féodal qui s’étoit
formé en 1784, loin de s’être dissous en 1786, n’avoit
fait que se consolider, en y rattachant le sieur Pinthon,
qui prenoit la place du sieur Cibot pour une portion;
à la vérité, sans en détacher le sieur Cibot, qui restoit
copropriétaire et codébiteur en pagésie.
Les principes élémentaires en matière de féodalité ne
permettent pas de penser que le lien féodal ne continue
pas d’exister au profit du second acquéreur, à l’égird
d’une redevance qu’il doit payer au seigneur; il n’y a
de différence que lorsque le môme acte porte deux re
devances distinctes, l’une au profit du seigneur, et l’autre
au profit du vendeur, laquelle est en sus de la première
et n’y déroge pas.
On a déjà invoqué la doctrine de Dumoulin, pour
prouver qu’une redevance est toujours réputée féodale,
lorsqu’elle se rattache au fief et n’en est pas expressé
ment séparée. O r , jusqu’à la suppression des cens, il n’est
pas possible de voir un autre créancier que le duc d’ Or
léans. Sa directe couvroit tout; la redevance qui lui
étoit payée emportoit directe et droits seigneuriaux,
contra le sieur Pinthon : elle étoit donc nécessairement
féodale à son égard.
Quelle étoit donc celle de? parties qui devoit profiter
de la suppression? Cela ne peut plus faire un doute sé~
riuux. O11 avoit regardé comme un principe, dans une
précédente consultation, que la suppression 11e doit pnv
�, ( 23 )
fíter qii au propriétaire, d’après l’esprit de la loi et de
la jurisprudence. Mais le sieur Cibot s’élève avec vigueur
contre ce principe (page 1 9 ) , et il' veut que la loi n’ait
entendu que punir les seigneurs, sans s’inquiéter'de celui
qui profîteroit de la suppression,
r
La loi du 20 août 17 9 2 , qui s’est occupée la pre
mière de cette suppression, suffira seule.pour désabuser’
le sieur Cibot ; elle dit mot pour m ot, dans son préam
bule, que son but est Vaffranchissement des propriétés,
commandé par Vintérêt précieux de Vagriculture : et
ensuite les premiers mots du texte de la loi sont, i ° . de
permettre au propriétaire le rachat des redevances justi
fiées par titre primitif; 2°. de permettre à tout acquéreur
d’exiger la représentation de ce titre primitif.
Evidemment donc, si cette loi n’eût pas été suivie d’une
suppression absolue et sans conditionaucun autre que
le sieur Pinthon n’étoit désigné pour faire le rachat;
aucun autre m êm en’avoit intérêt de le faire.
Le sieur Cibot, qui se trouve à son aise depuis la sup
pression, pour dire qu’il auroit pu rembourser la re
devance au seigneur, et pour en conclure que cette fa
culté équivaut à un remboursement effectif, n’auroit eu
aucun intérêt à ce pnyememt ; car s’il eût remboursé leseigneur, on pouvoit le rembourser lui-même. Mais il
suffit d’avoir prouvé que le sieur Pinthon avoit droit
et qualité pour faire le rachat permis par la loi du 2o>
août 1792. La conséquence forcée de cette preuve, est
que la suppression absolue, prononcée par les lois posté
rieures , n’a profité qu’à lui,-
�C 24 )
Depuis la consultation donnée au sieur Pinthon en
1 8 1 1 , le journal de Denevers a rapporté un arrêt du
2 septembre 1 8 11 , qui ne permet plus de douter que la
suppression d'une redevance profite à l’acquéreur et non
au vendeur, lorsque l’acquéreur étoit chargé de l’acquitter
au seigneur, Yoici l’espèce de cet arrêt, si conforme à
l’espèce actuelle.
L e comte d’Issuile, seigneur féodal de la forêt de
Beaufort, en concéda, le 2.6 février 1 7 7 8 , quatre-vingthuit arpens au sieur Teissier-Lamothe, moyennant 40 fr.
de redevance féodale.
En 17 8 1, le sieur Teissier-Lamothe donna à titre de
bail à rente, à Jean Loiseau et sa femme, cinq arpens
de cette forêt, à la charge par eux de servir deux par
ties de rente, l’une de 40 fr. due au comte d’Issuile,
et l’autre de 29 fr, au profit du bailleur; ce à la charge
cc en outre de se conformer aux autres conditions dé« taillées dans le sumptum, et à l’esprit tant des arrêts du
« conseil de 17 7 1 et 17 7 5 , qu’au bail à cens de 1718 . »
L a veuve Loiseau déguerpit cet héritage ; et lorsque
ses enfans ont été majeurs, ils ont demandé le désiste
ment pour une moitié : le sieur Teissier l’a offert, à la
charge d’être payé de la redevance de 69 fr. par ar
pent.
Le sieur Teissier distinguoit avec raison la rente de
29 fr. de celle de 40 fr. La première étoit foncière, comme
séparée du chef-cens, et comme créée ¿\ son profit per
sonnel ; mais en reconnoissant que la rente de 40 fr*
avoit été originairement féodale, il soutenoit qu’il devoit
seul profiter de l’abolition, parce que ceLte redevance
avoit
�( 25 )
avoit été arroiurée à l’égard des mariés Loîseau, par
l’eftet du bail à rente qu’il leur avoit consenti.
' La Gour d’appel d’Angers a déclaré abolie-la rente
de 40 f r ., et n’a ordonné le payement que de celle dè
29 fr. Le sieur Teissier s’étant pourvu en cassation, faisoit valoir les mêmes moyens que le sieur Gibot. Il di
soit être resté débiteur direct de la .redevance de 40 fr.
envers le comte d’Issuile, et avoir été seul autorisé à
? amortir. 11 prétendoit que le bail à rente de 1781 n’avoit
porté aucune atteinte à ses obligations 'personnelles envers
le seigneur direct ; d’ou il concluoit qu’il avoit dû pro
fiter de la suppression plutôt que les Loiseaü, parce que
ceux-ci n'avoient pas contracté avec le seigneur, et que
n’ayant jamáis été en contact avec lui, il ne s’étoit établi
aucun lien féodal en tr’eux.'
' Les Loiseau répondoient que la redevance de 40 fr.
due au seigneur étoit inhérente au fonds; que l’abolition
des redevances devoit profiter au fonds qui en étoit
grevé, et par conséquent au propriétaire de ces fonds.
’L a section civile de la Cour de cassation a rejeté lé
pourvoi, par des motifs aussi simples que clairs : attendu
que la rente dont il s agit étoit féodale de sa nature ,
qu'elle étoit due p a r l e f o n d s , et que les défendeurs
s*étoient chargés d'en payer le montant. — Rejette, etc.
Penevers, 1 8 1 1 , pag. 498.
•
* Cet arrêta été discuté dans la consultation de M e. Vissao,
qui y trouve défaut d’application , parce que Loisenu
avoit souffert la clause de se conformer à des arrêts du
conseil, et à un bail à cens, qui emportaient condition
D
�(a6)
de faire au seigneur les obéissances de fiefs, et de relever
de la seigneurie de Beaufort.
Mais est-il possible de trouver dans l’emphytéose de
1786, que le sieur Pintlion ait été dispensé de tout cela?
Cet acte de 1786 porte, i°. que Pintlion sera tenu de
se conformer, pour sa jouissance, a u x c l a u s e s i n s é
r é e s e n l ’ a c t e d ’e m p h y t é o s e , c o n s e n t i p a r l e d u c
24 j u i l l e t 17 8 4 ;
20. que ledit Piuthon sera tenu et obligé de payer à son
altesse , ses receveurs ou fermiers , deux setiers de seigle
en décharge dudit M. Cibot.
O r, les clauses de l’acte de 1784 portent expressément
que les étangs sont tenus en directe de M. le duc d’Or
léans , qu’ils sont dans la mouvance de sa seigneurie
d’Evaux , et que la redevance de neuf setiers est féodale.
Tout cela n’est-il pas mot à mot la copie de la clause
insérée au bail desLoiseau?
Où donc est la différence, pour trouver une autre
nature de redevance dans celle de deux setiers, que le
sieur Pintlion est tenu et obligé de payer au duc d’Or
léans en décharge de Cibot, c’est-à-dire, en diminution
des neuf setiers créés par le bail de 17 8 4 , déclaré com
mun au sieur Pintlion ?
d ’O r l é a n s a u s i e u r C i b o t , l e
Le sieur Cibot, voulant éluder la corrélation de l’acte
de 1786 avec celui de 178 4 , joue avec les mots, et ob
serve que le sieur Pintlion n’a été chargé de se confor
mer aux clauses de l’acte de 1784, que pour sa jouis
sance. Mais on lui demanderait comment ce premier acte
peut lui être commun en cette partie, sans l’être encore
�( 27 )
dans l’obligation de relever du seigneur féodal, et d’être
soumis à tous les privilèges de la concession primitive.
t
.V
Il est vraisemblable que cette clause de l’acte de 1786
avoit échappé à M e. Dumas; car il n’auroit pas d it, dans
sa consultation, que le bail de 1784 étoit, à l’égard
du sieur Pinthon, res inter alios acta ,* qu’ainsi il ne
pouvoit en tirer aucune induction. Ce jurisconsulte, en
se laissant séduire par les principes sur les délégations
de payement, ne paroît néanmoins convaincu de leur
application, que parce que le sieur Cibot l’a trompé,
en lui disant que l’indication de payement n’avoit point
été exécutée par le sieur Pinthon. Il regarde en effet
comme constant que le sieur Pinthon n’a rien payé
pendant toutes les années postérieures à son acquisition.
Mais on a déjà prouvé que cette: supposition du sieur
Cibot étoit fausse ; que le sieur Pinthon, fermier d’Evaux,
s’étoit payé à lui-même la redevance due au seigneur;
que le sieur Cibot.en avoit été pleinement déchargé,
et n’avoit rien payé lui-même. Ainsi la délégation a été
parfaitement exécutée de la manière que l’exigeoit l’acte
de 1786.
Ce n’est que par la nécessité de ne laisser aucune objec
tion sans réponse, qu’on s’est cru obligé de discuter avec
autant de détail une question fort simple par elle-même,
sur laquelle on avoit le secours de plusieurs lois précises,
et d’un arrêt plus précis encore. En deux mots, le sieur
Pinthon n’a jamais été un seul instant débiteur du sieur
Cibot ; il 11e l’a été que du duc d’Orléans, La redevance
�qu'il payoit au seigneur étoit assise sur un immeuble
détaché d’un fief, avec retenue de la directe, et c’est en
cet état que la loi de 1793 l’a ôtée au duc d’Orléans,
pour en affranchir l’héritage. Croira-t-on qu’après une
abolition qui a duré dix-huit ans, cette redevance soit
ressuscitée tout à coup, comme'roturière, au profit du
sieur Cibot, qui n’en a jamais été ni voulu être le créancier
avant la suppression ? Non sans doute, cette redevance
n’a jamais changé de nature; elle étoit féodale en 178 4 ,
elle l’étoit encore en 1 7 8 6 } elle rétoit en 1 7 9 2 lorsque
la loi l’a frappée. La propriété concédée en 1784 étoit
alors divisée en deux parts , comme la redevance, et
chacune de ces parts a été affranchie de ce qui pesoit
sur elle. Il seroit donc illégal de prononcer que les deux
fractions du même héritage n’ont pas participé également
au bénéfice de la loi ; et il seroit injuste de penser que
le sieur Cibot, gagnant une redevance contre le duc
d’Orléans, se mette aussitôt à sa place pour en gagner
une autre, provenue de la même origine.
D é lib é r é à Riom, le 28 octobre 1812.
L . F. D E L A P C HIE R , P A G E S , A L L E M A N D ,
A RIOM, de l’imp. de T H IB A U D , imprim. de la Cour impériale, et librairet
rue des Taules , maison L a n d r io t . — Novembre 1 8 1 3 .
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Pinthon. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Pagès
Allemand
Subject
The topic of the resource
abolition des privilèges
droits féodaux
bail emphytéotique
bail
Description
An account of the resource
Consultation pour le sieur Pinthon
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
1784-1812
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0426
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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fre
Coverage
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Évaux-les-Bains (23076 )
Périchon (Étang du)
La Rivière (Étang de)
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abolition des privilèges
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m
é
m
o
i
r
e
POUR.
ANNE NAZO,
V E U V E DU GÉNÉRAL DESTAING,
C O N T R E
LES H É R I T I E R S DESTAING.
A RIOM,
D e i ’I m p r i m e r i e d u
P a la is , chez
A v r i l
1 8 1 1
.
J.-C. SALLES.
�M
E
M
O
I
R
E
POUR
N A Z O , veuve de
A nne
J a cq u es-Z a ch a rie
D E S T A I N G , g én éra l de d iv is io n , en son n o m ,
et c o m m e tutr ice de M a r i a D E S T A I N G , sa
f i l l e , in ti m é e
;
,
’
CONTRE
Les sieurs et demoiselle D E S T A I N G , appelans.
,
L o cu li sunt adversum me lingua dolosa et sermonibus
odil circumdederunt me , et expugnaverunt me gratis
..
E t posuerent aduersum me mala pro bonis } et odium pro
dilectione me d
Ps. 108.
U
NE Egyptienne, jetée hors de sa patrie par un concours
d évenemens que toute la prévoyance humaine n ’a u r a i t pu mai
triser ni prévoir, plaide depuis huit ans pour conserver un nom
qui lui fut donné avec solennité sur les rives du N i l, et qu’elle
a toujours porté avec honneur.
�Tout ce que la capitale de l’Egypte avait d’illustre , fut le
îe'moin de son mariage. Les fêtes qui l ’accompagnèrent sont
restées dans 1« mémoire de1tous les he'ros de l’armée d’Orient,
qui l’attestent : [’Empereur lui-m êm e, convaincu'de la réalité
de ce mariage, fit donner une pension à la veuve d’un général
qu’il avait estimé. L a famille Destaing , ‘ plus convaincue’ que
personne, et plus intéressée à l’être, s’était fait un devoir d’ap
peler, d’accueillir, de présenter aux habitans de leur ville cette
femme malheureuse, comme flattée de lui appartenir.
A in s i, du moins, cette étrangère qui n’aborda les rivages de
France que pour apprendre la mort de son é p o u x , avait la con
solation d’exhaler sa douleur parmi ceux qui avaient à pleurer
une perte commune. Sa fille, née au milieu des tempêtes de la
m e r , se trouvait dans un asile assuré au sein d’une famille qui
désormais était la sienne. Telle fut la situation de la dame
Destaing, pendant une année, après la mort de son mari. Tout
ce que les lois de France prescrivent pour rattacher une orphe
line à ceux sous la protection desquels elle est placée, fut exécuté
' par la famille Destaing, comme si la providence avait voulu lui
ôter les moyens d’être injuste ; et déjà à A u rilla c , comme au
Caire , une notoriété honorable assignait dans la société, à M a
dame Destaing et a sa fille, le rang auquel elles avaient droit de
prétendre.
Quel démon jaloux a trouble cette harmonie, et a pu réduire
la dame Destaing à chercher les preuves de son é ta t, après en
avoir eu la possession légitime aussi publiquement et sans effort?
Quel événement inopiné a transformé tout d’un coup une famille
douce et hospitalière en une horde d’ennemis acharnés, cherchant
d ’équivoques calomnies jusque dans le secret d’une correspon
dance
tronquée, outrageant la mémoire de celui qui illustra leur
n o m , et disputant avec mauvaise foi contre tous les signes de
vérité qui les confondent ?
L ’ov! cette divinité des nations, a brille aux yeux des héritiers
Destaing. L a succession du général leur a semblé une proie qu’il
�( 3)
fallait disputer avec une opiniâtre constance; et dès cet instant
sa veuve et sa fille ne leur ont semblé que deux êtres importuns ,
qu’il fallait rejeter et méconnaître.
A lo r s , par une brusque inconséquence, la dame Destaing
présentée à une ville entière comme une sœur; son enfant placédans tous les registres d’A u rilla c, comme héritière légitime du
général, n’ont plus été que des aventurières inconnues, introduiies par une astuce criminelle dans une famille étrangère.
Ce n’était point assez, pour une femme faible et sans défense,
d’avoir pour elle l’opinion publique et la conscience de la vérité.
Que peut la vérité contre une calomnie soutenue avec éclat et
persévérance? L e vulgaire, qui aime le merveilleux, commence
à douter, aussitôt que des fables injurieuses ont été préparées
pour donner à sa curiosité un autre aliment.
Mais ce n’est point au tribunal de l’opinion que d’aussi grands
intérêts sont soumis ; la dame Destaing est placée sous l’égide
des lois; et si elle est forcée de gémir des lenteurs de la justice,
du moins elle pourra se féliciter'de ce cjue toutes les formules
exigées d’elle ne laisseront aucun léger doute aux esprits les plus
incrédules.
T‘
r Cependant la dame Destaing n’a nullement le projet de se
renfermer dans des moyens judiciaires, tet cle dédaigner l’opinion,
qu’ôti peut avoir d’elle L
, ,!i l M 'im p o rte , plus qu’à personne, de
donner de la publicité a'sa'cimduite ,r et de prodam er les témoi
gnages honorables de ceux qui ont été à portée de la juger. Elle
veut de l’estime; et rien, dansées actions, ne lui a ôté le droit
d’en'Obtenir. '
'
] <
r
•i
. FAITS.
..............i
Tous les faits1de cette cause sont liés aux grands événement
de l’histoire.
Une armée de héros, une colonie de savans allèrent en 1 an 6
porter en Egypte la gloire du nom Français.
On se souvient de la rapidité de cette conquête. Alexandrie
�( 4 )
fut prise d'assaut le lendemain même du débarquement. Les
Mamelouks f u r e n t vaincus dès leur première apparition, et la
capitale o u v r i t ses portes à l ’armée victorieuse.
Cette a r m é e n’était point au Caire comme dans une ville con
quise. Son premier établissement fut l’institut des sciences et
arts, chargé de donner des plans d’amélioration pour les canaux
du N il, l’agriculture et le commerce. .
Cependant les héritiers D estaing,(ramenant tout à leur idée
dominante, ne veulent voir dans les chefs de cette armée, que
des conquérons licencieux, q u i, comme dans un vaste sérail,
appelaient à eux toutes les victimes qu’il leur plaisait de choisir,
ou plutôt n’avaient qu’à attendre celles que les pères de famille
eux-mêmes venaient leur présenter, par politesse, et pour prix de
la victoire.
Laissons celte atroce calomnie à la réflexion des lecteurs in
formés des usages de l’Orient, çt .poursuivons un récit plus véri
dique. .
3 v> •\ ” i
• Quoique le but de.l’expédition d’Egypte fût caché dans: ces
vastes conceptions qu’il n’appartient pas au vulgaire de péné
trer, tout prouve que le premier projet du grand homme; était la
fondation d’une C o l o i ^ française; A u r e s t e , 1 ’établissepient de
l ’armée en Egypte devint bientôt une nécessité. L e malheureux;
combat d’Aboukir, et la perte^de la flotte achevèrent d’ôteitiuix
Français débarqués tout .espoir prochain de retour.
;
. •:>
Il fallut donc tourner toutes.ses idées vers cette terre étran
gère , s’y créer un centre d’aifection, s’y faire une,patrie.
r
E t , certes, voilà quelle a dû être, quelle a été erj effet la dis
p o s i t i o n des esprits, ubi b e n è, ibi^pfUria ; rien n’est plus fran
çais q u e cette maxime; et bientôtles'vainqueurs de l’E g yp te Se
* ardèrent comme naturalisés sur les bords du.Nil.
L e mariage seul pouvait resserrer les liens entre les deux na
tions. Les généraux français en donnèrent le premier exemple ;
ils devaient ce gage à la confiance qu’ils voulaient inspirer. Ce
pendant ils surent allier à leurs vues politiques les combinaisons
�( 5 )
d’intérêt que les chances de l’avenir ne leur permettaient pas
d ’abandonner.
i L e général en cheFMenou épousa une jeune et riche musul
mane, fille du maître des bains d’Alexandrie. Les généraux Lan- .
tin, Delzons et Bonnecarrère épousèrent des filles de négocians
établis à Rosette; plusieurs autres généraux et m i l i t a i r e s français
suivirent cet exemple.
v L es pères de famille d’Egypte n’étaient donc pas diiTéi’ens
de ceux des autres régions. Ils attachaient de l’importance au
mariage de leurs filles ; ils veillaient à leur bonheur et ne les
prostituaient pas.
i Joanni Nazo, ancien officier au service de Russie, et élu com
mandant du bataillon des Grecs par le général de l’armée
française, avait, à cause de ses fonctions, des relations habituelles
avec le général Destaing, qui, de la province de Cathié, où il
fut envoyé d’abord, vint commander la ville du Caire.
S o p h i e M i s c k , é p o u s e d e J o a n n i N a z o , a v a i t , d ’ un p r e m i e r
m a r i a g e , d e u x f i l l e s , d o n t l ’a în é e ( A n n e ) a v a i t d ix -s e p t ans.
L e g é n é r a l Deslning demanda la m a i n d’Anne Nazo ( néë
T r is o g lo w * ) ; il l’obtint, et regarda cette alliance comme un
grand avantage. Joanni Nazo avait alors beaucoup de fortune, o
Il n’etait pas, comme les héritiers Destaing se sont plu à le
dire, un marchand d’e a u - d e - v ie ; Nazo était fermier - général
des droits imposés par le Grand-Seigneur sur les liqueurs spiritueuses de tout genre : on sait que les Musulmans, à qui lekoran
les défend, ne font en Egypte que la moindre partie de la popu
lation. Tous les commerces y sont au pair, et les rangs ne s’y me
surent que par la fortune. Il faut bien dire tout céla aux héritiers
Destaing, pour qu’ils cessent leurs railleries amères contre une
famille à laquelle en Egypte on accordait quelque distinction, et
qu’ils soient soulagés du moins du poids d’une mésalliance.
*
E n E g y p t e , le second mari donne son nom a u x en fans de £a f e m m e }
en signe de la puissance patern elle q u ’il a sur eux.
�( 6 )
A n n e N a z o , promise au général Destaing, fut conduite par
sa famille dans l’église grecque de Saint - Nicolas , où elle fut
reçue par le patriarche, qui daigna lui-m êm e se charger de la
célébration.
On demande , depuis huit a n s , à une jeune épouse , dans
quelle forme légale fut constatée cette cérémonie, et si les
prêtres de sa religion tiennent des registres publics. Quelle est
l ’européenne q u i, ayant eu toute l’instruction et toute la liberté
dont d’autres mœurs ont privé les femmes de l’Orient, serait bien
en état de rendre compte de l’observation des formes légales qui
ont accompagné son mariage ? Sans doute la dame Destaing a
conservé le souvenir de la cérémonie auguste de l’église. L a
couronne sacrée mise sur sa tête ,' la bénédiction et l ’échange
D
des anneaux, les paroles saintes du patriarche qui demandait en
vain à .D ieu, pour les époux, une longue suite d’années : tout
cela s’est gravé'dans sa mémoire ; et elle sait très-bien qu’il n’y
a point eu d’autres fortnalités. !
Accompagnée par sa famille et par ses esclaves dans la maison
du géne'ral, elle fut présentée par lui au général en chef et à un
grand nombre de convives distingués , appelés au repas nuptial
et à un bal européen. Mais après ce premier hommage aux
moeurs françaises, tout rentra dans l’ordre accoutumé, et sauf
quelques exceptions, le général Destaing se conforma dans l ’in
térieur de son ménage aux habitudes égyptiennes.
A insi se passèrent plusieurs mois dans le calme et sans événemens. Bientôt des révoltes fomentées par les M amelouks,
donnèrent aux épouses des généraux français de vives et justes
alarmes. C'est alors que leûr tendresse inquiète veillait à préserver
du danger ceux qui n’étaient plus pour elles des étrangers et des
usurpateurs, mais des époux et des frères.
Peu de tems après, on apprit qu’nne armée ottomane s’avançait vers la Syrie, tandis qu’une llotie anglaise entrait dans la
Méditéranée.
L es Français allèrent sur-le-champ attaquer ces armées jusque
�( 7 )
dans leurs retranchemens J" mais que peut la valeur contre le
nombre? Séparés en forces inégales, les généraux français ne
voulurent se confier qu’en leur courage, et ne recevoir aucune
loi du vainqueur.
L a dame Destaing avait conjuré son époux de lui apprendre
le succès de ses armes. Blessé grièvement et enfermé dans la
place d’Alexandrie, le général ne put écrire lui-même; mais il
fit donner de ses nouvelles à la dame Destaing, par un arabe,
son domestique, pour la rassurer sur l ’état de sa blessure.
L a dame Destaing
D était alors à la citadelle du C aire,7 où le
général Béliard, qui y commandait, avait fait préparer des logemens pour les épouses des généraux français , et celles de
quelques officiers de marque, parce que les armées ennemies
étaient aux portes du Caire.
Trois lettres arabes furent adressées à la dame Destaing, à la
citadelle du Caire*. Les héritiers Destaing n’ont pu les attaquer
que du côté du style , q ui, certes, n’est pas académique : mais
aurait-on cru que les formules épistolaires de Fiance fussent
d’obligation pour les nations étrangères, et pour un domestique?
Aussitôt que le général put tenir la p lu m e , il écrivit lui-même
a son epouse, dans une langue que son oreille entendait mojnç
aisément, peut-être, mais que son cœur sentait bien mieux.
« A l e x a n d r i e ., le i 5 prairial an 9.
k II y a long-tem s , ma chère a m ie , que j e n ’ai pas de tes
« nouvelles ,* j e désire que tu te portes aussi bien que moi.
*
C e s lettres ont pour adresse :
à M a d a m e A n n e , f e m m e D e sta in g .
E lle s sont d a té e s , l’ une du mois d o u l k a d e h , l ’ autre du mois d o n t h c d jc h ,
d e l ’année. 1 2 1 5 de l ' h é g i r e , rép o n d a n t aux m ois de
germ inal
et floréal
an 9. Il «’y esj question q u e de la blessure du général D e sta in g , cl assu
rance de r eve n ir b ie n t ô t, et de c o m p lim e n s pour Joa n n i N a z o .
3‘
jIIes
sont
jointes aux pièces a v e c la traduction do M . S jl v e s t r e de S n c y , professeur
d e langues arabe et p e r s a u e , et m e m b re de l ’ institut.
�( 8 )
J o a m it , qui est chez le général B é lia r d , devrait savoir
quand il part des détachemens pour A le x a n d r ie , et en profiter pour nCenvoyer -des lettres. C ependant , il ne Va pas
fa it l a d e r n i è r e f o i s : il fa u t le gronder de ma p a rt, pour
qu’il soit plus exact à l'avenir. On m ’a dit que tu étais
grosse ; j e suis étonné que tu ne m ’en aies rien écrit : éclaircis
mon doute à cet égard. Sois assurée que j e t ’aime to u jo u rs ,
et qu’il me tarde beaucoup de te revoir. E n attendant , je
a t'em brasse, ainsi que ta mère et ta sœur, sans oublier la
« bonne vieille. L e g é n é r a l D e s t a i n g ».
1
Cette lettre , la seule que le hasard ait fait conserver à la
«
«
«
«
«
«
«
«
dame D estain g, semble réunir en elle les rapports de sa fa
mille entière avec son époux ; elle est restée comme un monu
ment , pour confondre les calomnies principales des héritiers
Destaing, et leur prouver qu’ils se mentent à eux-mêmes quand
ils feignent de croire que le général n’avait jamais cru avoir
avec une jeune grecque que ce qu’il leur plaît de nommer,
dans leurs idées licencieuses, un arrangement oriental.
L e siège du Caire fut prolongé pendant plus de trois moisj
enfin le général Béliard capitula avec le major Hutkinson , en
messidor an 9. Un article portait, que l’armée anglaise fourni
rait des vaisseaux de transport pour conduire à Marseille les
Français et ceux deja attachés a leur fortune. Les dames reti
rées a la citadelle avaient la facullc de rentrer dans la ville du
Caire.
• Mais le général en chef Menou ne voulut point ratifier cette
capitulati°n ; les portes de la ville restèrent fermées, les per
sonnes comprises dans la capitulation , la garde d’honneur choisie
pour leur escorte, la dame Menou elle-même, furent obligées
de continuer leur route jusqu’à Alexandrie. L à , le général Des
taing , craignant encore pour son épouse les dangers d’une ville
assiégée, lui donna ordre de se rendre en France, où il devait
incessamment la rejoindre.
Joanni Nazo , compris comme commandant de la légion
grecque,
�( 9 )
grecque, dans la capitulation du Caire, devait partir avec la
dame Destaing et le reste de sa iamille. L e général leur écrivit
de l’attendre à Marseille, ainsi que nous l’apprennent les héritiers
Destaing.
Un vaisseau grec ( le Saint-Jean), dans le plus mauvais état,
se trouvait dans la rade d’Aboukir pour recevoir cette famille
et son escorte. Plusieurs autres Egyptiens s’y jettèrent pour ne
pas retomber sous la domination musulmane.
Tout ce que les relations de voyages ont recueilli de con
trariétés et de périls était destiné à ce frêle navire. Incapable de
résister à la moindre agression des pirates de l’A r c h ip e l, hors
d’état de tenir la mer sans des réparations urgentes et considé
rables, il ne se mit en route que pour louvoyer d’îles en îles,
poursuivi par des corsaires, et assailli par des tempêtes.
Un long séjour dans l’île de Pathmos fut nécessaire pour
radouber le vaisseau. L a dame Destaing, extrêmement souf
frante , croyait s’y reposer et attendre l ’époqye de ses couches.
M a i s , to u t à c o u p , o n f u t a v e r ti du d a n g e r q u e c o u r a ie n t
des F r a n ç a i s et des G r e c s d ’ê tre la p r o ie des T u r c s en croisière
dans cette mer. On leva l’ancre à l’instant : mais après un long
trajet, le vaisseau fut repoussé jusqu’à l’île de Céphalonie, qu’il
avait deja dépassée. C’est là que la dame Destaing accoucha à
bord. Un pretre grec, desservant une chapelle voisine du rivage,
baptisa l’enfant sous le nom de Maria d ’E sla in g , tenue, sur les
fonds baptismaux, par Sophie M isck, sa grand’mère, et par le
sieur Nassiffi, officier de l’escorte.
Deux jours après, le tems propice permit de remettre à la
voile : mais une autre tempête attendait le vaisseau dans le
canal de Messine ; rejeté en arrière de 5o lieues dans la mer
Ionienne, il parvint à un port de la Calabre , d’où, après de
nouveaux dangers , dont il serait minutieux de donner le détail,
et forcé de changer de route, il aborda à Tarente, dans le gou
vernement de M. le général Soult (aujourd’hui maréchal de
l’Empirc et duc de Dalm atie).
3
�( IO )
C'est ainsi qu’une Famille malheureuse, jouet des vicissitudes
de la terre et de la m er, errait de plages en plages pendant six
mois entiers. Enfin elle était sous la protection française; et dès
cet i n s t a n t il y eut une trêve à ses malheurs.
M . Ie général S o u lt, informé de l’arrivée du vaisseau , et
de la qualité des passagers, eut la bonté d’offrir lui - même à
]Vladame Destaing, de la part de son épouse, tout ce qui pouvait
être nécessaire à sa santé et aux agrémens de son séjour.
Les lois maritimes exigeant de tous les vaisseaux une quaran
taine, M. le général était obligé d’abord de borner ses attentions à
de simples offres de services. Il écrivit au capitaine du vaisseau,
le 22 frimaire an 10.......... « V e u ille z , je vous p rie, renouveler
à madame D estaing les offres de services que mon épouse et
m oi lu i faison s de tous les secours qui pourraient lu i être né
cessaires; elle nous obligera infiniment d'en disposer. S o u l t » . ’
Qui donc avait pu informer M. le général Soult du nom de
la dame Destaing, et l’intéresser à elle? le voici : Pendant cette
longue et périlleuse’traversée du vaisseau leSt.-Jean, l'armée fran^
çaise avait évacué Alexandrie ; les généraux Menou et Destaing
avaient fait voile pour Marseille, où depuis long-tems ils croyaient
leurs ép o u s e s arrivées ; dans leur route ils s’informaient de la
destinée de ce vaisseau; il paraît même quWs écrivirent à M. le
général Soult, et voilà ce qui valait à madame Destaing des at
tentions aussi flatteuses.
M . le général Soult ne s’en tint pas à des offres ; il insista
pour que Madame Destaing allât se rétablir dans sa maison de
campagne, et l’invita ensuite à habiter son propre palais.
Après un mois de séjour, Madame Destaing, remise de ses
souffrances, voulut partir de T a ren te, mais en marquant une
répugnance pour continuer son voyage parla Médiléranée.
M. le général Soult poita la bonté jusqua lui tracer, lui-même,
une route pour aller par terre jusqu au premier port de son
g r a n
d
e
gouvernement, de la traverser 1Adriatique, et continuer par
terre d’Ancope à Lyon.
�( 11 )
Tout cela s’exécuta de point en point, et sans le plus léger
accident. M. le gc'oéral Soult voulut encore donner sa voiture
à Madame Destaing jusqu’au port de Barletta. Il fît chercher
une nourrice pour sa fille, et chargea M . Desbrosses, officier
français, de l’accompagner jusqu’à Lyon.
Voilà comment et sous quels auspices est venue en France
celle que les héritiers Destaing accablent de dédains et d’op
probres.
Madame Destaing s’arrêta quelques jours à Lyon pour se
reposer et attendre des nouvelles de son mari. Joanni Nazo partit
sur-le-champ pour aller le joindre à Paris.
On peut se représenter l’impatience d’une jeune épouse de
retrouver celui pour qui elle s’était exposée à tant de périls.
Hélas! il était dans sa destinée de ne plus le revoir. Joanni
n’était arrivé à Paris que pour être en quelque sorte le témoin
du convoi de son meilleur ajiii.
L ’accueil affectueux du général n’avait pas préparé Nazo à
ce malheur. L e récit mutuel de leurs aventures depuis leur
séparation ; l’empressement du général de revoir sa femme
et d’embrasser son enfant pour la première fois ; leurs projets
pour l’avenir avaient occupé le peu d ’instans qu’ils passèrent
ensemble....... L a mort en disposa autrement.
L a dame Destaing ignorait à Lyon qu’un coup mortel venait
de la frapper elle-même. Elle comptait les instans, et se croyait
heureuse, lorsqu’un sieur B o rdin, chapelier à L y o n , se présenta
chez elle avec une lettre du sieur Destaing père, qui invitait
çe sieur Bordin à accompagner sa fille à Aurillac, en lui laissant
entrevoir une partie de son malheur.
Combien elle allait être à plaindre, celle qui, tombant tout"
à-coup des illusions riantes de sa pensée dans la certitude d’un
isolement affreu x, allait se trouver sans époux et sans patrie
parmi des êtres dont la dem eure, les habitudes, la langue
même lui étaient inconnues. Que celui qui a pu se faire une
idée des fantômes de bonheur qui naguères remplissaient son
4
�( 12 )
mne , se représente s’il se peut l’horrible situation de cette in
fortunée E gyptienne, au milieu du cahos où son imagination
épouvantée dut la placer.
Cependant la dame Destaing fut reçue par son beau-père et
sa belle-mère avec toute l’afFabilité et la tendresse qui pouvaient
la rassurer.
L a famille entière, i l faut le dire, lui donna les mêmes
marques d’amitié et d’intérêt. Cette conduite généreuse la toucha
jusqu’au fond de l’â m e , et la dame Destaing trouve du plaisir
à en marquer sa reconnaissance. Un odieux intérêt n’était point
venu encore empoisonner ce premier élan de la nature. Chacun
avait a l o r s à pleurer un fils, un époux, un frère. Les liens du sang
se resserraient davantage par un besoin mutuel d’épanchemens
et de consolations.
Cependant la famille Destaing crut nécessaire de remplir
les formalités légales pour lu succession du général. Les scellés
avaient été mis à Paris dans l’hôtel Méot qu’il habitait le jour
même de sa mort ( i 5 floréal an 10 ).
Il s’agissait de les le v e r, et pour cela il fallait faire connaître
les héritiers de la succession.
C ’est la famille Destaing qui en prit l ’initiative; un conseil
de famille fut convoqué devant le juge de paix d’Aurillac, le
5 messidor an 10. L à le s.r Destaing, père du général, juge au
tribunal de première instance , exposa : «que Jacques-Zacharie
« Destaing, son fils , général de division, était décédé à Paris ,
« laissant une f i l l e u n iq u e, âgée de cinq mois, nommée M aria,
« provenant de son mariage avec A n n e JSazo , grecque d ’oria g in e , laquelle avait besoin d’un tuteur, attendu la minorité
« de sa mère ».
D ’après cela le conseil de famille * délibérant, choisit pour
*
M . D e l z o n s , p è r e , le m ê m e qui avait toute la confiance du g é n é ra l '
D e s t ii n g à ses derniers m o m e n s , et M . D e l z o n s , général de b r i g a d e } m arié
pussi en E g y p t e , sont m e o ib ip s de ce conseil de fam ille,
�( i 3 .}
tuteur de Maria Destaing, M .D estaing, sonaïeul; fixa à 1,000 fr.
le douaire annuel de la dame veuve D estain g ; lui alloua des
habils de deuil pour elle et pour une négresse qu’elle avait à
son service ; et s’occupa encore du salaire de la nourrice qu’elle
avait amenée de Tarente à Aurillac.
L e sieur Destaing père déclara accepter la tutelle de sa petitefille , et fit'le serment ordinaire d’en remplir fidèlement les
fonctions.
V oilà donc les qualités réglées; l’état de la mère et de l’enfant
placé sous la protection de la loi, et leurs intérêts remis entre
les mains de celui à q u i, sans aucun doute', le défunt les
aurait confiés lui-même.
L e lendemain une procuration fut envoyée; les scellés furent
levés à Paris, et suivis d’un inventaire. Dans tous ces actes on
agit constamment au nom du sieur Destaing père, tuteur de
Maria Destaing, J ilte et unique héritière du général Destaing.
L ’inventaire ne pouvait contenir q u e ce q u ’o n laisse dans un
a p p a r t e m e n t d ’ hôtel g a r n i ; des v ô te m e n s , des a r m e s , q u e l q u e s
p a p ie r s d e p o r t e f e u i ll e *, et d e u x r o u l e a u x de 5o louis. O n y
consigne ce fait, que le général avait remis, peu dé jours avant
sa mort, à M. Del'zons père, législateur, 18,000 fr. qu’il avait
touchés à la trésorerie, pour qu’il les fît passer à Aurillac.'
Pendant ces tristes opérations, la dame Destaing vivait à
A u rilla c, quelquefois dans les sociétés où on la présentait, et
qui voulaient bien s’accoutumer à sa tristesse, le plus souvent
retirée chez elle, occupée de sa fille , et presque heureuse de
vivre parmi ceux q u i 3 en lui apprenant leur langue, lui parlaient
de son époux.
Une grande satisfaction pour elle fut d’apprendre que Sa
Majesté avait eu la générosité de la faire placer sur le tableau
Il y avait une lettre du lieutenant L a t a p i e , et une lettre d e J o a n n i
N a z o , toutes deu x écrites de T a re n te . C es lettres avaient été supprim ées
d e p u i s , et « ’ out pu être c o m m u n iq u é e s qu’en vertu d’ uu arrêt de la C yu r.
«
�}
des pensions, comme veuve du gén éral D e s ia in g , i 5 jours
(
1
4
après sa mort *.
Cet état de quiétude dura environ une anne'e. Mais les frères
et sœur Destaing, prévoyant que la fortune du général, qui leur
avait procuré une augmentation d’aisance, leur serait retirée dans
peu de leras , changèrent insensiblement le bon accueil qu’ils
a v a i e n t fait à leur belle-sœur; et une petite persécution commença
sourdement contr’elle.
L a mélancolie de la dame Destaing lui faisant préférer la so
litu de, on la représenta comme un être farouche qui méditait
des procès. Si, de loin en loin, quelques âmes sensibles venaient
du dehors pour la distraire , on supposait de l’intrigue et des
conseils. L a dame Destaing, sa belle-mère, fut séduite la pre
mière par ces insinuations désintéressées en apparence .- enfin ,
à force de persévérance vis-à-vis le sieur Desiaing, on parvint
à inspirer de la défiance à ce respectable père de famille : on le
rendit tout différent de lui-même.
L e premier résultat de cette de'iiance prit d’abord une direction
toute différente de celle qu’on avait voulu lui donner : le bon
tuteur n’avait point des entrailles de collatéral pour l’enfant de
son fils ; et la seule punition qui lui vint en idée contre la mère,
fut de faire enlever l’enfant pour le cacher à la cam pagne, en
prenant des précautions pour que la dame Destaing ne découvrît
pas sa retraite.
Mais ce n’était pas là le compte de la petite faction ennemie;
qui comprenait bien que ce procédé consolidait l’état de l’enfant
au lieu de le détruire.
Alors on parut compatir à la douleur d’une mère justement
alarmée. L a dame Delzons (égyptienne, et jusqu’alors très-liée
avec la dame D estaing), écrivit d’Aurillac à Joanni Nazo ce
qui se passait. Nazo partit su r-le-ch a m p ; ses plaintes furent
vives : de part et d’autre , il s’y mêla de l’aigreur. L a dame
* L e b re vet de celte pension est du 29 floréal an 10.^
�( i5 )
Destaing quitta Aurillac avec Nazo pour aller joindre sa mère
à Marseille; mais le sieur Destaing, son beau-père, ne voulut
jamais que Maria Destaing partît avec eux.
Joanni Nazo, personnellement maltraité dans une famille qui
ne lui semblait avoir ce droit envers lui sous aucun rapport,
suivit peut-être un peu trop son premier mouvement. D ’après
les conseils qui lui furent donnés, il fit rédiger un acte de noto
riété, par lequel les réfugiés Egyptiens qui avaient traversé la
mer avec la dame Destaing, certifièrent qu’elle était mariée au
Caire, et qu’elle avait donné le jour à une fille baptisée à Céplialonie, sous le nom de Maria; et muni de cette pièce, il fit
adresser un mémoire à l ’Empereur pour réclamer Maria Destaing.
Sa Majesté daigna y répondre par une note de sa main; et Son
Exc. le Grand-Juge en ayant donné avis au sieur Destaing père,
celui-ci ne mit aucun obstacle à rendre l’enfant qu’il avait relenu.
Mais aussitôt ses idées et son système changèrent. Ses enfans
profilèrent de cette circonstance pour s’emparer entièrement de
son esprit, et l’ envenimer contre la malheureuse étrangère qu’il
avait jusqu’alors chérie comme sa fille. Telle a été la source du
procès.
L a première hostilité vint des frères et sœur Destain^, et cela
était bien dans l’ordre. Ils firent saisir, entre li>s mains de leur
père, le mobilier et revenus de la succession du général, comme
prétendant être ses seuls héritiers.
Il eût été plus naturel d’assigner la veuve, dont ils ne pouvaient
pas méconnaître au moins les prétentions et la possession qu’elle
avait eue de son état dans leur propre maison. Mais celle lenteur
eut été trop douce; il fallait tout d’ un coup , par une saisie, lui
enlever les ressources que lui donnait la délibéra lion du con seil
.de famille. La dame Destaing fut donc forcée de prendre les voies
judiciaires; elle assigna , le 27 nivôse an 12 , le sie u r Destaing
père ( au tribunal de la Seine, lieu du décès), pour demander
remise de la succession , et une provision pour scs alimens, dont
on avait affocté de la priver.
�C 16 )
Cotte privation était inhumaine; mais la dame Destaing a été
heureuse de la s o u f f r i r . Dans le moment de sa plus grande dé
tresse, elle reçut de la munificence de Sa Majesté Impériale le
brevet d’une pension de 2,000 fr. au lieu de 520 fr. qu’elle était
jusqu’alors *•
que les héritiers Destaing ont attribué cet acte de
bonté à leur conseil de famille, qui, disent-ils, avait donné par
e r r e u r , à Anne Nazo, une qualité dont elle fit usage pour ob
tenir une pension ! Remarquons seulement que ce conseil de
famille est du 5 messidor an 10 , et que déjà le premier brevet
de pension était donné à Anne Nazo, comme veuve D esta in g „
plus d'un mois auparavant.
A u lieu de répondre à la demande de la dame Destaing,
C ro ira it-o n
ses adversaires introduisirent à Aurillac une procédure obscure,
qui prouve que tous moyens leur étaient bons pour multiplier
contr’elle les incidens et les ennemis.
Les frères et sœur Destaing assignèrent leur père à Aurillac,
en remise de la succession du général, comme s’ils ignoraient la
demande déjà formée par leur belle-sœur. Il répondit qu’Anne
Nazo prétendait à la même succession, et sur cela sa mise en
cause fut ordonnée. Cependant le jugement ne fut signifié qu’au
sieur Destaing père, le moins intéressé à le connaître ; et la dame
Destaing n’en a appris l’existence que long-tems après.
On lux laissait, pendant ce tems-la, obtenir un jugement à
Paris ; et ensuite on se pourvut en règlement de juges. L e procès
ne fut renvoyé ni à Paris ni à Aurillac : il le fut au tribunal de
Mauriac ; tout cela dura près de trois ans; et enfin la dameDestning recommença son procès à Mauriac, où elle était renvoyée.
* « M in is tè r e d u trésor p u b lic . — P a r i s , i 3 pluviôse an 12».
« A r t. i . er L a pension de
520 fr.
accord ée par arrêté du 29 floréal an 10 ^ à ’
« A n n e Nax>o , n ée en K g y p l e , veu v e d u s .r J a c q u e s - Z a c h a r ie D e s ta in g ,
* général de d i v i s i o n , mort le i
5
floréal an 1 0 , est portée à 2,000 fr. ».
* A r t. 2. L e s M in istres de la gu erre et du trésor public sont c h a r g é s , etc. ».
« Sign é N A P O L E O N ».
Là
�( . T7 )
L à on fît dire au sieur Destaing père , qu’il révoquait l ’aveu ,
qu’il avait fait de Cétat et possession de la veuve Destaing et
de sa fille. Il prétendit que c’était à elle à prouver son mariage et
la naissance de l’ enfant ; que lescertificats.de Marseille étaient
suspects et ne prouvaient rien. Il termina par dire qu’il ne cont
naissait d’autre enfant >de son fils , ;qu’un' enfant naturel, né
avant son déport pour l’Egypte ( tqu;e/l’çrn.disait;tantôt né aux
Pyrénées, tantôt d’une femme de P a r i s ^ Puisjilidemanda.à la
dame Destaing.une caution pour être ajlrçiisejà. plaider, comme
étrangère.
.'.icnri iioa sb lue: /r>
i
rl V oilà ce que les héritiersrDestaing osèrent suggérer ¡à ,leur
p è r e s a n s . égard" pourelaon\émoirei[du gérjéraJ;f et ainsi leur
animosité était telle contre sa veuve, qu’ils aimaient mieux ap
peler à la succession un inconnu, saris* n o ta , et auquel la loi
ne donnait ni titre ni qualité.'! o u;b :,[ . 'l.iui un n ■'<:i ... -•
Cependant la> dame Destaing. voulant .ne la'isSerj aucune sus
picion sur son certificat d ’é g y p t i e n s , et pouvant f o r t a is é m e n t
le s u p p lé e r p a r d es t é m o ig n a g e s f r a n ç a i s , r é u n it devant le juge
de p a i x de P a r i s , en la f o r m e le'gale d es a c t e s de n o t o r i é t é ,
sept citoyens distingués qui s’étaient trouvés au Caireien l ’an: 8 et
en l’an 9; 1.° l’ordonnateur -eh ch ef dé l’armée ; 2.« l’inspectéurgénéral aux revues; 3.° le chirurgien eri‘ chef de l ’armée; 4.0 un
général de brigade; 5.° le trésorier-général, de la dburonne;
6.° le directeur-général de l ’imprimerie .impériale; ,7.° un prêtre
égyptien, professeur de langues orientales.
« Ils attestèrent qu’Anne Nazo avait été unie religieusement
« au Caird, Suivant les rites(du pays;, et en légitim e mariage
« avec le général Destaing, dans le courant de l’an, 8 , par le
« patriarche d 'A lexa n d rie. Que l’acte de célébration n’en a v a i t
«
«
«
<i
pas été rédigé, parce que ce ri’étâit pas l ’usage : 'mais qi>e ce
mariage n’en'était pas moins constant, ayant été célébré en
présence d’ un grand nombre de militaires 'français, e t 'de la
plupart des déclarans. Que depuis cette célébration Anne
�( 1 8- 5
« 'Nnzo n’avait pas cessé d’ habiter eh Egypte avec son m a ri,
« qui l’a t o u j o u r s traitée comme son épouse légitim e ».
L a dame Destaing avait été privée de faire entendre M . le
général en chef de l’armée d’Egypte, et M. le général D upas,
alors absens ; le premier, comme gouverneur des départemens
a u - d e l à ' des Âlpes; le'sèiiond, comme gouverneur du château
de Stupinis; elle leur fît écrire pour leur demander Uvdéclarâtion.
de la vérité sur1son taaxiage, et reçut deux certificats attestant
avec la même force la’ connaissance personnelle que ces deux
généraux avaient de son mariage *.
.
L ’a<*.tërdenotoriëté fut hoimologfuép’a r l é tribunal civilide la
Seine/'sur •'le «¿apport d^uil jjngé/net stn>desi)conclusions‘:du
ministère public. •» :1‘ ' . t ■ •' ' 0"'n'
! |
yf
jde-cette pièce' importante, de son brevet de pension
et de l’acte de tutelle, la dame Déstaing crutison1 procès fini,
et se présenta à l’audiehcé de- Mauriac! Mais combien- ellej se
-, <K)t
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r.M u n ie
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1
« J e d é c l a r e , au nom d e la v é r i t é et de l’ h o n n e u r, q u e , lorsque j e com
m and ais l ’ a rm é e d ’O r i e n t , en E g y p t e , M . le g é ü é r a l .D e s t a i n g s’ e^t m a r i é
4ta it venu>
m ’en f a i r e p a r t.. . . . . . . i J e m ’ engageai à y - a s s is t e r , ainsi q u ’ au repas
en l’an 8 a v e c rnademoiselléj A n n e N a z o . . . . . . ! » , . . L e gé n é ra l
qui eut lieu après le mariage. J e r e m p lis npa prom esse.. T o u t s ’ ij p a s s a
a v ec La p lu s grande rég u la rité sous les rapports c iv ils et r e lig ie u x ».
« À T u r i n , le' 18 juillet 1806 ».
1
« L e gé n é ra l M eno u ».
« J e cettifie q u ’ étant « l i e f dë b r i g a d e , com m an d an t la citad elle du C aire
sous les ordres'du général D e s ta in g , J ’a i eu> p a r fa ite e ts u r e c o n n a is s a n c e
d e s o n lé g itim e m a riag e a v e c m a d e m o iselle A n n e N a z o . . . . . . . J ’atteste
a v o i r eu des liaisons particulières a v e c b eaucoup de personnes très-dislinguées qui m ’ out dit a y o ir été p résen tes à ce m a r ia g e , qui fut cé lé b ré
p u b l i q u e m e n t . . . • •,............■ 1 c ,i ! i
« P a r i s , le 3o juillet 1806».
■*'L e g é n i a l D u p a s ».
�C *9 )
trompait ! L a cause' e û t été trôp simple avec le siéür Destaing
père; les frères et sœur voulurent plaider aussi; mais il sera
inutile de les suivre davis leur in terv èh tion , leur tierce oppo
s itio n , leur s a isie, le u rsincidens dé boute espèce : il suffit de
parler du jugement de MauriàC,'ydùl^ 3 raô'ûV 1807-, dont il est
nécessaire de préciser les dispositions p o ty r 5 l e s comparer avec
l ’arrêt postérieur de la Cour d’appekrii :
■s'[ •'' '
L e tribunal de Mauriac ne crut paà;dfevoir s*arrêter aux preuves
existantes ; il-lès jugea insuffisantes / ¿t‘ brtàoiiha que la dame
Destaing prouverait ,- i;©.«-Qu’íl'rñéát paá!d‘íiS¿ge?'á t r Caire et à
« Céphalonie de tenir des registres et faire deS âcres de mariage
« et de naissance; i2.°. qu’elle a été mariée au Caire, en l’an 8 ,
« avec le général Destámg J p a r le patriarche d'Alexandrie, avec
«r.le^ qérémQnieà.usitées-.dàiisile lie u $ 3î° qU’eïIé'a cohabité de« puiçiavio/îlejgénéraLi'Destaing jusqu’àvsoiv'iëtoùr''en-France;
tq u é .)d a n s n t9 u t ;lc e . t d m s e }lë a é t é / p u b li q u e m e n t r e c o h n u e
« p o p r fépbuàe. d u ¿éncfrdl DestaiingÇ’ 4 .0 q ù ’ ë llè est a c c o u c h é e h
c? C é p h a l o n i e ,, en n i v ô s e - a n 10 , M ’ u né fille p r o v e n u e d e c e m a cc.]riagQV J a q iie lle ia étf 3 n o m m é e ^Maria D e s t a i n g ».
^ ; ■-!
‘ - ïl'ÿ ’ eüt^'tië part-'et d’a^ti’ë^à^pél' dê^oe jugement ; V d a m e
Dëstaiftg>à’*n pl-aï^ nartf^ arè^ cj^ t'H ^ ujktíssáií»à ‘ une'*preuve
non-sedement? déjS'fàit’ë , M is « q u feïlé' I r u ï inutile/ j&isqu'éllè
avait une possession d’état émanée de°la famille Destaing elieTneme¿ Les hei'iliers Destàîng syen píaignirent aussi, en ce que,'
diâàieut-ils j l£ Gpdb'èiVilrié permet de prouver lës'mariages que
par écHt et par les iëg;istres deirétàt ci^il. 1
'
l<: ‘ >
Ge n’était point assez1 d’avoir accablé de'calomnies la dame
Destaing à A u r illa c , Mauriac et P aris, les héritiers Destaing
lui réservaient pour la Cour d’appel des imputations plus dures
encore. A ile s croire, elle n’ était qu’une prostituée dé la plus
vile cldsse, offerte au général par sa propre famille avant même
qu il eut sur ce point montré aucun désir j une grecque arliii-
6
�C 20. )
cieuse et rusée, qui avait su en impose* quelque tems à une fa
mille crédule ; ensuite, et'pour avoir le droit d’insister sur la re
présentation d’un acte civi], ils la transformaient en musulmane
échappée d’un harem , et la sommaient de représenter l’acte de
mariage que le Cadi avait dû rédiger. , . , j;i ,
• ;)|. ■
L a Cour,d’ap p el,.p ar arrêt du n juin 1808 , a cru-devoir/
dans une matière aussi importante , laisser subsister la preuve
ordonnée,. mais avec ¡des ¡motifs bien précieux pour la dame
Destaing, etflui prouvent que les magistrats, convaincus comme
hommes, ont.seulement voulu, ne négliger aucun moyen légal de
découvrir 1^ vérité. ^
g
j « ¡b
ob 'rm! <!.=)[) »
# ¡Cependant là preuvejôrdorinée à Mauriac n’a point été exigée
par la Cour avec autant d’étendue-.: «; La-Cour dft qu’il a été bien1
« jugé en ce que la/preuve testimonialë a été ordonnée, et néan^KJO^ips, réduisant l interlocutoire ^or'dcJnne!que-clans S i x môlS1
« A fiae Nazo fera pfguve;, tant’par titres, que par. témoins, deor vant lç$ premiei'sjjiges,. queipendàrit qué le général Destaing
« était en activité de service au Çaire, elle a .é té mariée avec lui
« publiquement et solennellement par, le patriarche d’Alexan« d rie, suivant le rit grec et s,u;,yant le^fp^mes-et usages.obîer« vés d an sle pays \ Vautorise a Jaire çn tendre les parens , tant
« d’elle.cjue du général Destaing»¡^insi (ÿiejçtuies]/es personnes
«
«
«
«
«
qui ont déjà donne des attestations par forme d’acte de no-:
toriéte, a-Marseille et à^Paris, ou des çertificats dans la
cause, sauf tous
¡reproches de droif;qui pourront être
proposés, et sur lesquels, les premiers juges'statueront, .sauf
preuve contraire; ordonne que les frères et sœur ^estaing
a rapporteront les deux lettres mentionnées en l’inventaire
« du 24 messidor an 10».
Les héritiers Destaing mçnaçnient de se pourvoir en cassation,
parce qu’ils attendaient la décision d une cause semblable sur
laquelle il y avait pourvoi contre Néphis D avid, Géorgienne,
�( 21 )
mariée en E gypte avéc M . le général Faultrier * ; aussi ont-ils
retardé l’exécution de l ’arrêt par m ille chicanes plus absurdes les
unes que les autres.
A Paris ils arrêtent brusquement l ’enquête, en disant que le
président de Mauriac n’a pas pu donner une commission rogatoire. L e juge-commissaire ne voulant pas juger ce grave procès,
le renvoie à M a u ria c, et Mauriac le renvoie en la Cour. L à ,
•vaincus dans leur misérable incident par la simple lecture du
texte de la l o i , ils osent bien s’opposer à une prorogation du
délai qu’ils ont consumé eux-mêmes en chicanes ; mais la Cour
en fait justice, et, par arrêt du 12 décembre 1808, elle autorise
le président de Mauriac à donner les commissions nécessaires,
renouvelle le délai d’enquête, et punit les héritiers Destaing
par une condamnation des dépens faits à Riora , à Mauriac et à
Paris. Pendant tout ce délai, les témoins appelés à Paris ont été
renvoyés sans être entendus.
Enfin les enquêtes se font, l ’une à M arseille, une autre à
autre à A u r i l l a c , et u n e dernière à M auriac ; mais
l ’obstination des héritiers Destaing ne se lasse pas. L ’enquête de
Paris est.rem arquable, sur-tout par la verbalisation continuelle
de l’un des héritiers Destaing, q u i, sans exagération , y parlait
plus que les témoins et le juge ; à chaque mot il avait des obser
vations faire écrire, ou des questions nouvelles à adresser aux
P a r is , une
*
L a C o u r de M e t z a va it or d o n n é q u e N é p l i i s rapporterait s eu le m en t
un acte de n o t o r i é t é , constatant q ue les chrétiens grecs ou rom ains q u i se
m arient à G i z é , piès le C a i r e , ne sont pas dans l’ usage de faire constater
leurs mariages sur des registres publics.
L e s héritiers attaquèrent cet arrêt par le m o tif q u e des ordres cUi jour
p u b liés en E g y p t e , en l'a n 6 , exigeaient q ue tous les a c t e s ,
e n t r e
F ra n ça is
et E g y p t i e n s , fussent reçus par les com m issaires des guerres.
L a C o u r de cassation a d é c id é q u e ces ordres du jour étaient sans a p
plication ; que l’ acte de notoriété était su ffisa n t, et avait été lég alem e n t
o r d o n n é 5 e n c o n s é q u e n c e , le po urv oi a été rejeté le 8 ju in 1809.
�( 22 )
témoins; et quelles questions encore!.....(S i en Egypte il n’est
pas reçu qu’on se marie pour un lems.....S’il n’est pas vrai que
les Turcs c o u p e n t la t ê t e aux femmes qui ont commerce avec
le s E u r o p é e n s ,.... e t c . , e t c . )
bien, toutes ces billevesées •sont fidèlement écrites dans l’en
quête de Paris , renouvelées ad libitum , et suivies à chaque
nouvelle déposition, de questions plus absurdes encore. M . le
juge-enquêteur avait la bonté de tout entendre.
Eh
A Marseille, il n’y avait pour les héritiers Destaing qu’un
fondé de pouvoir ; et soit qu’il n’osât pas se permettre toute cette
verbalisation, soit que les juges méridionaux soient moins'patiens que ceux de la capitale, l’enquête s’est faite en la forme ordi
naire, et ce sont les témoins qui y occupent la plus grande place.
Cependant à Marseille, comme à Paris, on ne manque pas
de faire insérer des reproches contre chaque parent, et contre
chaque témoin qui déjà avaient donné des attestations (m algré
l ’arrêt de la Cour, qui autorise expressément leurs dépositions).
Malgré toute cette obstination les enquêtes se parachèvent;
des témoins distingués rendent compte de ce qu’ils ont vu et
entendu. Il résulte de leurs dépositions une preuve aussi complète
qu’il était p o s s ib le de l’attendre après ce qui avait été produit
avant les interlocutoires.
' i
L es deux enquêtes de la dame Destaing sont composées de
dix-sept témoins entendus a Paris, et dix entendus à Marseille.
Pour ne pas être diffus, en suivant le détail d’un aussi grand,
nombre de dépositions, il faut les rapporter à trois faits prin-,
ripaux : i.° la fête nuptiale ; 2.0 la cérémonie de l ’église:; 3.° la
notoriété du mariage.
M M i les généraux L a grange, Duranteau et B ertran d ;
M M . S a rielo n , secrétaire - général du ministère de la guerre;
1.0
M arcel, directeur-général de l’imprimerie impériale; C lém ent,
négociant; L a rrcy , médecin ; A n n a Obadani, ancien commis
saire de police au C a ir e , ont déposé avoir assisté au repas de
�( *3 )
: noces : les sieurs D u f é s , T u îim g i et M is c k , parens d’Anne
N a z o , le déposent aussi. Ces témoins y ont vu encore M. le
général en chef M enou ( décédé pendant le procès ) , et plusieurs
prêtres grecs. M . D a u re, commissaire des guerres, dit y avoir
été invité , mais que son service le retarda, et qu’il vint après le
dîner. On ajoute que ce fut la fê t e la plus solennelle qu’on eût
vue dans le pays.
2.0 L a célébration ecclésiastique est l’objet de treize déposi
tions. Le général Destaing avait com m uniqué son mariage à
tous les dignitaires de son armée. Il y avait eu des billets d 'in c i
ta tio n ; et M. Sartelon dit même qu’il croit avoir vu l’annonce de
ce mariage dans la gazette du Caire.-MM. Lagrange et Larrey
déclarent avoir reçu une invitation du général Destaing. Leur
service les empêcha d’arriver assez tôt. M. Larrey dit qu’il arriva
lorsqu’on sortait de l ’église, et qu’il s’excusa auprès du général
sur son défaut d’exactitude. D o n M o n a ch is, les s.rs Tak et V id a l
déposent que plusieurs témoins oculaires , qu’ils nomment, leur
ont dit avoir assisté à celte célébration dans l'église Sain lJSicolas. L e sie u r C ha m , a n c i e n interprète de M . le prince de
Keufchûlel, déclare avoir vu les préparatifs de la fête sur la
place A tabel-el-Zargua. Les sieurs O bad an i, commissaire de
police; R o s e tte , bijoutier, étaient présens à la célébration du
m ariage, f a i t e par le patriarche d ’ A le x a n d r ie , dans la même
église. Les sieurs Joseph D u fé s , Joseph T u tu n g i , Ibrahim
T u lu n g i, Sophie M isck et Joseph M isck déposent également
avoir assisté à cette célébration fa ite par le patriarche, avec
les rites observés par les Grecs, le jour des rois de l’église grecque,
ou 17 janvier; ils ajoutent que le colonel N icolas P ap as Oglou
était le parrain.de la mariée, suivant l’usage. L e sieur Barthélem i Serra dit avoir été in v ité à cette cérémonie par le général
Destaing, mais n’avoir pas accepté, parce qu’il ¿lait broutll^
avec la famille Nazo; il ajoute que le général Destaing lui d i t ,
avant son mariage, qu’il serait célébré suivant le rit grec , et
qu ensuite il lui dit que son mariage avait etc ccléoré par le
�( 24 ) '
patriarche g r e c , selon le rit grec; qu’il avait voulu se conformer
à l?usage du pays.
3 .° Quant à la notoriété, il serait oiseux d’énumérer les té
moins qui déposent que le mariage était public au Caire ; il est
plus sûr de dire, sans craindre de se tromper, que tous les té
m oin s, sans exception, attestent que toute la ville du Caire
regardait ce mariage comme légitime ; et pre'cisdment tous ces
militaires français , qu’on a peints comme ne s’occupant des
femmes que pour les déshonorer, sont ceux qui altestent le plus
fortement que personne ne d o u ta it , au Caire et à Varmée , de
la légitim ité de ce mariage.
\
L es héritiers Destaing ont fait de leur côté deux enquêtes ,
l ’une à A u rillac, composée de trois témoins, et l’autre à Mau
riac, de deux témoins.
A A u rilla c , ce sont le sieur Delzons père et la dame Delzons
Sa belle-fille, cousins des héritiers Destaing, et une demoiselle
Françoise Gronier. L e sieur Delzons père, qui n’a rien vu , rap
porte seulement deux conversations : un jour, à Paris , le géné
ral Destaing causant avec sa belle-fille, lui disait que sa femme
pouvait être mariée, mais que lui ne l’était pas; le sieur D e l
zons ajoute qu’il fit cesser ce lle plaisanterie. Un autre jour, a
Paris, le général D e lz o n s , son J ils , lu i dit qu’il y avait eu
dans la maison Nazo une cérémonie religieuse à laquelle il
avait assisté.
L a dame Delzons, née Varsy, déclare n’être arrivée au Caire
que le 3o nivôse an g , et on lui dit que la veille on avait conduit
A nne Nazo chez le général, à l ’enlrée de la nuit, sans cérémonie
ni fêle; qu’il y eut une fête ensuite, mais pour le baptême de son
enfant, et qu’Anne Nazo y occupait la place de maîtresse de la
maison. Elle ajoute que cependant elle a ouï-dire que le jour
qu’ Anne Nazo avait été conduite chez le général Destaing, il y
avait eu une cérémonie religieuse qui avait été fa ite par le
patriarche d ’A le x a n d r ie , à laquelle peu de personnes avaient
assisté.
Jusque
�( 25 )
J u sq u e-là on voit que la dame Delzons se tient en mesure
pour ne dire que le moins possible. Mais le juge l’interroge sur
son opinion particulière, et elle termine par clive qu’elle croit
qu’on regardait au Caire Anne Nazo comme épouse légitim e
du sieur Destaing, et que pour e lle , elle la croyait jem m e du
général D e s ta in g , et lu i rendait les honneurs attachés à ce
titre.
L a demoiselle Gronier, fille, à ce qu’il paraît, fort curieuse, et
qui n’oublie rie n , dépose s’être trouvée à Lyon lorsque le général
Destaingarriva d’Egypte : elledînaavec lui. L ’occasion de parler
de son mariage venait si naturellement, qu’elle ne la laissa pas
échapper. Elle ouvrit donc la conversation, comme c’était tout
simple, et parla de cette belle Grecque qu’il avait épou sée , que
tout le monde le d isa it, que sa famille en était instruite, etc. L e
général, qui avait pei'du en Orient l’habitude de cette loquacité
du sexe , lui répondit seulement : E lle est passée d’un côté et
tnoi de l ’autre. P u i s il se tut sans m is é r ic o r d e . M a i s la d e m o i s e l le
G r o n i e r t i r a , à c e q u ’e lle d i t , p lu s ie u r s c o n j e c l u r e s du mouve
m e n t de ses d o ig ts , quand il indiquait deux côtés opposés; e t ,
ne pouvant plus rien dire sur ce chapitre, elle parla sur d’autres
qu elle juge inutile d’être racontés. Lorsqu’ensuite la dame
Destaing lut \enue a Aurillnc , la demoiselle Gronier (p a r une
prescience du procès actuel), poussa le scrupule jusqu’à demander
a la dame Destaing s 'il y avait des registres de mariage au Caire,
et la dame Destaing lui répondit encore qu’elle croit avoir vu le
prêtre écrire dans un gros livre. E n fin , passant aux ouV-dires, la
demoiselle Gronier a entendu déclarer , par madame D e lz o n s ,
fem m e du gén éral, qu’Anne Nazo avait été mariée , ET que son
mari ( le général D e lz o n s ) y é t a i t p r é s e n t . ( V o i l à l’abrégé
de la déposition de la demoiselle Gronier, que les héritiers Destaing prétendent leur être fort avantageuse ).
Les deux témoins de Mauriac disent fort peu de choses, quoiqu ils fussent dans la maison du général, lors de son mariage.
L ’uu était son palfreuier au Caire ; le cuisinier lui dit qu’oa
7
�( 46 )
avait mené une femme chez le général : et il n’en sait pas
davantage pour ce jour-là. Ensuite il a vu un grand repas où
étaient le général M enou et tout Üétat-major. Cette femme y
était a u s s i , il l’a entendu appeler Madame D estaing.
L ’autre était un militaire travaillant comme menuisier chez le
g é n é r a l . On lui dit aussi qu’on menait une femme, et il courut
p o u r la regarder : mais il ne vit pas sa figu re, parce qu'elle
était voilée; elle était accompagnée par une autre femme ; et il
vit plusieurs esclaves de son escorte, restés dans la cour; alors,
craignant d’être aperçu, il se retira.
Il paraît que ce n’était pas pour ces détails-là. qu’on avait
appelé ces témoins; mais, pour que leur témoignage ne fût pas
tout à fait inutile, les héritiers Destaing leur font demander s’ils
ont vu des mariages en Egypte. Tous deux déposent en avoir
vu un : la mariée était sous un dais, précédée de musiciens
montés sur des chameaux.
V o ilà en total le résultat des enquêtes; et on voit que l’en
quête contraire ne fait que confirmer pleinement l ’enquête
d irecte, loin de la détruire.
Aussi les héritiers D estaing, comprenant fort bien que, sous
ce point de v u e , leur cause devenait insoutenable, ont-ils voulu
tourner tous leurs efforts du côté de l’acte civil du mariage.
E n rendant compte de l’enquête de Paris et de Marseille ,
on n’a Pas dit qu’a chaque déposition les héritiers Destaing
faisaient expliquer les témoins sur la tenue des registres de
l ’état civil en Egypte, quoique cet article fût exclu de la preuve
par l’arrêt de la Cour.
Mais plus cette partie était obscure, et plus les héritiers
Destaing y ont fondé d’espérances. Cependant ils n’ont eu rien
à y gagner dans les enquêtes; car si quelques témoins ont dit
qu’il existait des registres, c’est avec l ’explication très-lum i
neuse de la différence des eglises. Ainsi les héritiers Destaing
n’avaient encore rien éclairci qui ne leur fut contraire.
L e procès des héritiers Faultrier leur a fourni d’autres res-
�( *7 )
sources; ils ont su que cette famille avait fait venir du consul
d ’Egypte des certificats sur la tenue des registres civils, et aussitôt
ils s’en sont procuré une copie légalisée à Metz.
Ces certificals émanent, à ce qu’ils disent, du préfet et du
patriarche des prêtres grecs ca th o liq u es, et du supérieur de la
m ission.
L a dame Destaing, qui n’avait jamais ouï parler au Caire
des personnes dénommées en ces certificats, et qui avait de
grandes raisons d’en suspecter la véracité, n’a eu à consulter
aucune personne plus sure et plus instruite que don R aphaël
Monachis , l’ un des témoins de son enquête , prêtre grec
catholique rom ain, appelé de l’Egypte par Sa Majesté Impériale
pour être professeur de langues orientales à la bibliothèque
impériale.
Don Monachis avait été envoyé d’Egypte à Rome pour faire
ses éludes. Revenu au couvent des Druses, sur le M o n t-L ib a n
(résidence du seul patriarche grec, reconnu par l’église de Rom e),
il reçut la mission d’aller au Caire, remplir les fonctions de curé
catholique, ou premier vicaire du patriarche grec catholique,
jusqu’à ce qu’il en eût obtenu la permission de venir en France.
Ce lettré a parfaitement expliqué aux conseils de la dame
Destaing l’ équivoque que ces certificats pouvaient produire aux
yeux de ceux qui ignorent la différence qui existe entre les
prêtres latins ou catholiques, et les prêtres grecs schismatiques.
L e s prêtres catholiques qui ont reçu de l’instruction tiennent
en Egypte des registres qu’ils signent pour eux seuls, parce que
l’Etat ne les reconnaît p o in t, et encore cet usage est-il récent;
mais les prêtres du schisme grec élevés dans le pays , et n’y
recevant aucune espèce d’instruction, ne tiennent jamais de
registres.
V oilà ce qu’a dit don Monachis dans une attestation notariée,
que les conseils de la dame Destaing ont désiré obtenir de lui
comme garantie d’un simple fait historique, qui eut pu paraître
apocryphe dans la bouche d’une partie intéressée.
3
�( 28 )
C ’est ainsi qu’ il fallait être en garde contre les embûches sans
cesse renaissantes des héritiers Destaing. Enfin ayant épuisé
toutes leurs ressources , il ne leur restait que celle de faire tomber
les enquêtes, et ils ont bien osé conclure devant le tribunal de
.Mauri ac à ce qu’il se désistât de Vinterlocutoire ordonné par
l ’arrêt de la Cour. Ils ont reproché les témoins de Marseille
comme transfuges et incapables de témoignage , et ils ont pré
tendu avoir prouvé qu’il existait des registres de mariage en
E g y p t e , d’où ils ont conclu que la dame Destaing ne pouvait
se dire épouse légitime tant qu’elle ne rapporterait pas l’acte
civil de son mariage. Et enfin ils ont demandé qu’elle res
tituât les objets à elle fournis pendant la tutelle de leur père ,
avec défenses à elle et à sa fille de porter le nom Destaing à
l ’avenir.
Ces derniers efforts de la chicane expirante ont eu le sort qu’ils
méritaient ; et, par un jugement du 14 août 1810, parfaitement
motivé , le tribunal de M au ria c, convaincu de l’ extrême évi
dence des preuves, a reconnu Anne Nazo pour épouse légitime
du général Destaing, et Marie Destaing pour l ’enfant légitime
né de ce mariage.
L a voie de l’appel était encore ouverte aux héritiers D estaing,
et ils ne l’ont pas négligée. Veulent-ils encore se venger de la
vérité par des outrages ? Mais il n’est plus tems de répéter un de
ces romans diffamatoires , dont l ’imagination fait tous les frais ÿ
qu’elle arrange avec art et prestige pour que l’incertitude soit
forcée d’hésiter entre le mensonge et la réalité. Aujourd’hui tout
ce qui s’est passé au Caire est connu ; les faits, les nom s, les
qualités , les usages, sont constans ; la dame Destaing aurait
d me rigoureusement rempli sa tâche , en faisant un détail
e^act de ce qui résulte d’un aussi long procès; mais elle est
forcée de parcourir encore le cercle des objections dans les
quelles les héritiers Destaing ont semblé mettre encore un peu
de confiance.
�( ¿9 )
MOYENS.
Lorsqu’ un étranger se dit malheureux dans une patrie qui
n’est pas la sienne, les esprits durs ou superficiels sont quelque
fois disposés à lui reprocher d’avoir abandonné le sol qui l’a vu
naître; on scrute les causes de son émigration , on les voit rare
ment du meilleur côté, et on se roidit contre ses plaintes. C ’est
ainsi qu’une sorte de prévention nationale repousse l ’étranger
en réclamation jusqu’à ce que l’évidence de ses droits soit en
traînante, et alors l’indifférence même se sent portée à consoler
l ’être malheureux qui a eu tant de peine à laire apercevoir la
vérité.
Mais si cette vérité est si lente, le vulgaire, dans sa curiosité
d’un moment, a-t-il toujours le tems de l ’attendre? Avide de
tout ce qui rompt la monotonie de ses habitudes , l’esprit du
inonde s’empare des événemens extraordinaires pour les juger
avec la promptitude q u i convient à la mobilité de ses sensations.
Si l’art a mis quelque adresse à arranger une calomnie avec des
élémens merveilleux et tant soit peu vraisemblables , malheur à
la victime , car le monde a une prédilection marquée pour ce
qui s’éloigne du cours ordinaire des actions de la vie. Enfin le
tems ramène tout à la conviction et à la justice ; car lui seul est
la puissance capable de dévorer la calomnie et d’éteindre la
curiosité.
Cependant ce bienfait du tems n’est pas toujours un résultat
assuré. Le nuage de la calomnie est quelquefois tellement épais que
l ’opinion ne cherche plus à le percer. Heureusement les m a g i s
trats ne se décident point comme le vulgaire.; fermant les yeux
au prestige qui pourrait les persuader sans les c o n v a i n c r e , dé
daignant les narrations intéressées qui pourraient les séduire, eux
seuls appellent le tems au secours de la vérité, et forcent 1 opi
nion a proclamer qu’elle n’avait été crédule que par lassitude ou
indifférence.
�(
3o
)-
C ’est line grande consolation sans doute pour la dame Des
taing, d’avoir pu prouver son état avec plus de clarté qu’elle
ne pouvait l’ e s p é r e r à un aussi grand éloignement de sa pairie;
mais qu’elles ont été longues ces années de procès ! et qui jamais
la dédommagera de la cruelle anxiélé où une ligue obstinée s’est
plu à la tenir depuis l’an 11 ? L e vaincu , n’en doutons p as, s’ap
plaudira encore intérieurement du mal r é e l qu’il aura fait, alors
même qu’il sera réduit à l’impuissance de l’agraver.
Cependant les hostilités n’ont point cessé encore; l’évidence ne
peut arracher aux héritiers Destaing l’aveu de leur conviction:
ils s’écrient encore qu’il n’y a point eu de mariage; que les en
quêtes doivent être rejetées, et qu’il faut des registres de l’état
c i v i l , parce qu’ils disent avoir constaté leur existence.
Les enquêtes doivent être rejetées! Voilà bien le cri forcé de
la crainte; et pourquoi le seraient-elles, si la Cour les a jugées
nécessaires?
L a loi, disent les héritiers D eslain g, ne s’oppose pas à ce que
le juge s’éloigne de son interlocutoire; cela est vrai, lorsque des
preuves écrites sont venues éclaircir ce qui était d ’abord douteux.
Mais quelle lumière nouvelle ont donc apportée les héritiers Des
taing? quelles preuves inattendues m o n t r e n t - il s d e la fausseté du
mariage que tant de témoins attestent? A u c u n e ; absolument
aucune : la cause est donc dans le même état qu’elle était lorsque
la Cour a ordonné une preuve. Ainsi on ne peut comprendre
quel esprit de vertige les a poussés tout d’un coup à demander
à un tribunal de première instance le rejet d ’ un interlocutoire
o r d o n n é par arrêt de la Cour.
L ’arrêt subsiste, et il est pleinement exécuté: la preuve est
co m p lète. U n e
foule de témoins du premier rang parlent de la
célébration du mariage et des fêtes données pour le rendre
plus solennel : l e s uns étaient témoins oculaires des f ê t e s , les
autres témoins oculdircs de la célébration, d autres étaient in
vités et n’ont pu être présens à tout; d’autres enfin ont seulement
oui'attester la célébration j mais cette attestation leur avait été
�( 3 1 }
'donnée par des personnes présentes qui n’ont pu être appelées
à l’enquête. Ce ne sont point là de ces ouï-dires vagues dont
la source est inconnue , et qui ne méritent aucune confiance :
ajoutons les attestations de M M . les généraux Menou et Dupas,
et de tant d’autres témoignages précieux dont la dame Destaing
a été privée. Comment la passion empêcherait-elle ses adversaires
eux-mêmes de convenir qu’il résulte de cet ensemble un corps
de preuves tellement p a rfa it, que la mauvaise foi peut seule
feindre un doute qu’elle n’a pas?
On ne peut pas dire que ce corps de preuves soit altéré le
moins possible par les enquêtes contraires. Il faut dire plutôt
que ces enquêtes aident à la conviction ; elles indiquent ellesmêmes que le général D elzo n s * était présent à la célébration
du. m ariage, et achèvent de démontrer combien l’opinion, sur la
légitimité de ce m a ria g e, était certaine pour ceux-là même qui,
dans l’arrangement de leurs dépositions, marquaient la volonté
d’être favorables aux h é r itie r s Destaing.
I l s l e c o m p r e n n e n t p a r fa ite m e n t ; m a is ils ose n t a t t a q u e r lin e
e n q u ê t e e n t i è r e , p o u r la fa ir e t o m b e r en m a s s e p a r la p lu s au
dacieuse des tentatives. L ’enquête de Marseille est composée
d ’Egyptiens qui y habitent depuis le retour de l’armée ; et les
héritiers Destaing ont osé dire que ces transfuges étaient in ca
pables de témoignage.
Celte injure irréfléchie pouvait-elle s’adresser à des individus
qui vivent depuis dix ans sur le sol Français, et avec des pen
sions du gouvernement? L ’Empereur a-t-il mis sur leur front
un sceau de réprobation qui les avilisse, lorsqu’au contraire il
leur accorde asile et protection? et celte protection auguste
ne les met-elle pas au pair des autres citoyens ?
Comment ont mérité celte dure qualificaiion des hommes qui
A u j o u r d ’h u i in d iq u é par les héritiers D estain g c o m m e a yan t d ém e n ti
par écrit c e q u ’ il a dit à son père et à sa fem m e .
�( 32 )
I
n’ont été coupables que d’attachement à la France? V ivant
sous un joug de fer en E g y p t e , à cause de la difference de
leur religion, ils avaient dû regarder les Français comme des
libérateurs-, et s’e'taient prononcés pour leur cause. Pouvaient-ils,
au départ de l’armée, se liv re ra la vengeance des Ottomans?
et la France n’acquitte - 1- elle pas une dette sacrée en leur
donnant un asile? Elle ne leur a imposé aucune condition. Ils
étaient Français en Egypte : pourquoi ne le seraient-ils pas en
France? Sont-ils donc des transfuges, ceux q u i, séparés de leurs
familles, et accoutumés par des mœurs simples à l’amour de la
patrie * , pleurent encore l’Egypte où ils n'ont plus l’espoir d’aller
mourir ?
Nos lois sont hospitalières, et on les calomnie. L ’art. i 3 du
Code Nap. dit : quê « l’étranger qui aura été admis par le gou« vernement à établir son domicile eu F iance, y jouira des
« droits civ ils , tant qu’il continuera d’y résider ». O r , suivant
l ’art. 25, on n’est incapable de porter témoignage que lorsqu’on
a été privé de ses droits civils. Une législation aussi claire
devait fermer la bouche aux héritiers .D estaing, et épargner
aux Egyptiens, devenus Français, un reproche brutal, et d’autant
plus inutile à la cause, que l’arrêt de la Cour avait supposé ces
réfugiés capables de témoignage.
Ce n’est pas tout encore pour les héritiers Destaing de récuser
par un moyen général tous les témoins d’une enquête; il en reste
* « L o r s q u e M . M a ille t était consul au C a i r e , les J é s u ite s persuadèrent
a à la cour d e F ra n c e de faire ve n ir à Paris des ctifaus de Coph tes pour
c les é l e v e r a u x collèges de L o u i s - l e - G r a n d . O n d ev ait les instruire dans
k la foi ^ et les r e n v o y e r convertir leur nation s c h é m a ti q u e . A force d ’a r« gent on obtint le consentement de quelques pères extrêm em ent pauvres :
« mais lorsqu’ il fallut se s e p a r e r ,
la tendresse se réveilla dans toute sa
« f o r c e , et ils aim è re n t m ie u x retom b er dans la misère que d ’ acheter un
« état d ’aisance par un sacrifice qui coûtait trop à leur cœ u r». ( S a v a r i ,
sur l’E g y p t e , lettre 1 4 } '
uno
�( 33 )
une autre composée de généraux et d’hommes respectables, qui ,
ayant la confiance du gouvernement, ont contenu les héritiers
Destaing dans leurs apostrophes.
Mais leurs ressources ne sont pas épuisées.
Ne trouvant pas de témoins qui voulussent dire qu’il n’y avait
pas eu de mariage, les héritiers Destaing ont conçu l’idée de se
faire écrire une lettre qui leur racontât de point en point, et àb
o v o , tout ce qui s’était passé au Caire , à Tarente, à L y o n , à
Aurillac et à Paris.
Mais de quel nom se servir pour cette lettre? Ils n’en ont pas
vu de plus convenable que celui du général Delzons, leur cousin,
ancien ami du général D esta in g , qui certainement a tout v u ,
mais qui depuis l’an 10 avait gardé une neutralité dont aucune
des parties ne pouvait le blâmer.
C ’est de lui qu’on produit une lettre de six grandes pages, si peu
d accord avec la loyauté de ce militaire, qu’il est difficile de croire
a sa réalite. Plus on la lit,' et plus on est c o n v a i n c u que c’est une
véritable in j u r e fa ite à c e g é n é r a l , de lu i imputer un écrit p a r e i l .
O n lit d a n s c e tte l e t t r e , d a té e d u 1 7 j a n v i e r 18 09 ( et q u ’on a
signifiée comme pièce du procès ) , que M . Delzons s’accuse
d’avoir introduit Anne Nazo dans la maison du sieur Destaing
p è r e , après la mort du général, pour recevoir les secours hospi
taliers dus au m alheur; mais qu’il est faux qu’il y ait eu aucun
mariage entr’elle et le général Destaing.
Cette lettre atteste qu’il n’y a eu entr’eux qu’«« arrangement
oriental ou un mariage à tems *. L ’auteur s’y rappelle parfaite-
L e s enquêtes p r o u v e D t q ue les m ariages à tem s n ’ o n t lieu q u ’ entre les
m u su lm an s. L e C a d i v e n d une perm ission d e v i v r e p e n d a n t 11» tems d o n n é ,
a v e c la fe m m e q u e l’on a choisie ; la p o lice e x ig e cette fo rm alité : et les
e ngagem ens de c e ge n re sont en parfaite c on cord an ce a v e c la religion do
M a h o m e t , qui ad m e t la pluralité des fe m m e s. « E m p l o y e z vos richesses a
* vous procurer des épouses chastes et vertueuses. D o n n e z la dot prom ise
« suivant la loi. C e t en gagem en t a c c o m p l i , tous les accords q u e vous ferez
* e n s e m b l e , seront licites ». ( K o r a n , ch . 4 , v . 29)*
9
�( 34 )
ment du jo u r et de Vheure où Anne Nazo est entrée chez le g é
néral Destaing, et du jo u r de sa sortie ( au bout de dix ans ).
Puis vient une plaidoierie en forme sur le résultat des ordres du
jour de l ’a r m é e , relativement à la tenue des registres prescrits
aux commissaires des guerres. Tout y est avec ses dates et des
e x e m p l e s . L a lettre est terminée par un démenti formel au cer
tificat du général en chef Menou, pour avoir dit que lui Menoii
avait assisté au mariage, et que tout s'était passé avec la plus
grande régularité , sous les rapports civils et religieux .
Non , un général français n’a point écrit cette lettre; on abuse
de son nom pour tromper la Cour.
Un général français n’a point démenti son chef, qui a donné
un certificat au nom de la vérité et de l'honneur. Il n’eût point
attendu la mort de ce chef, pour faire à ses mânes la plus san
glante des injures.
Non , le général Delzons n’a point écrit qu’il n’y avait eu
qu’un arrangement oriental fait avec l ’accord des parens Nazo,
lorsque vingt-cinq témoins disent le contraire, lorsque M . D el
zons, son p è r e, a déposé que
le gén éral D elzon s
,
son f i l s
,
q u 'il y avait eu une cérém onie relig ieu se ,
A l a q u e l l e i l a v a i t a s s i s t é ; lorsque Françoise Gronier a
déposé que madame D e lzo n s, fem m e du gén éral, lu i avait dit
q u’ jdnne Nazo avait été mariée avec le général D e sta in g , et
LUI
AVAIT
DI T
Q U E SON M A R I Y É T A I T P R É S E N T .
L e général Delzons a encore moins écrit qu’il s’accusait
d’avoir introduit Anne Nazo dans la maison de son beau-père,
à A u rilla c , pour recevoir des secours hospitaliers ; car le gé
néral Delzons est membre du con seil de fa m ille , du 5 messidor
an i o , qui défère à l ’aïeul la tutelle de Maria Destaing, comme
f ille légitim e de son fils.
C ’est dans ce procès-verbal que le général Delzons a dit la
vérité ; là i l cl écrit et signé que le général Destaing a laissé
une f i l l e légitim e provenant de son mariage avec A n n e N azo.
Voilà
seulement ce quç le général Delzons a
di t
en présence
�( 35 )
de la justice et d’une famille entière; et cela est incompatible
avec ce qu’on suppose émané de lui, après dix ans de neutralité
et d’un oubli inévitable des faits , des dates et des détails. L a
lettre qu’on lui attribue n’est donc qu’une injure faite à la loyauté
de ce général, qui la désavouerait, n’en doutons pas, s’il était
instruit qu’on abuse ainsi de son nom.
Mais c’est trop s’arrêter à une pièce qui n’est au procès que
pour attester que les héritiers Destaing emploient toutes sortes
de voies pour calomnier et persuader; comme s’ils s’attendaient
que la C our, après avoir rejeté une masse d’attestations authen
tiques, aura plutôt confiance dans le certificat intéressé, informe
et isolé, fait sous le nom dHin parent qui lui-même avait attesté
légalem ent le contraire de ce qu’on lui fait dire.
Les enquêtes restent donc dans toute leur force, et il serait
superflu de s’y appesantir : leur simple lecture opère une con
viction tellement entraînante , que les commenter serait les
affaiblir.
C’est à ces enquêtes seules que la Cour a réduit toute la cause,
en modifiant l ’interlocutoire ordonné par les premiers juges , qui
avaient exigé de plus la preuve de l’existence ou non existence
des registres de l’état civil au greffe.
Cependant les héritiers Destaing se confient encore dans cette
partie de leurs objections. Ils n’ont pas perdu l’espoir de faire
adopter par la Cour ce qu’eHe a rejeté, et ils veulent astreindre
la dame Destaing à rapporter un acte de mariage tiré des registres
de l’état civil.
C a r, d isent-ils, il existe des registres en Egypte : nous le
prouvons à l’aide des certificats délivrés aux héritiers Faultrier.
D ’ailleurs les ordres du jour de l’armée exigeaient que tous les
actes fussent reçus par les commissaires des guerres, pour être
valables; vous avez dû vous y conformer.
Que sont les ordres du jour de l’an 6 et de l ’an 7? Leur début
( l ’armée est prévenue, etc. ) prouve seul qu’il ne s’agissait pas
d’une loi générale pour l’Egypte. Et comment oser sans ridicule
10
�( 36 )
Supposer que la légitimité des mariages et le sort d’une province
auront été r é g lé s au son du tambour par une proclamation faite
sur une place d’armes, vraisemblablement fort peu fréquentée
des indigènes?
Qu’on ouvre lçs journaux du tems, et ils apprendront que
l ’E m p e r e u r allant vaincre comme César, laissait au vaincu ses
lo is , ses usages et sa croyance ; parlant du Christ aux Grecs , e t
du Dieu de Jacob aux M usulmans, tout, excepté son épée, a
été concorde et tolérance.
Ses successeurs ont suivi son exemple et ses ordres. « N ous
a avons respecté, dirent-ils aux Egyptiens, en se préparant à
« les* quitter, vos mœurs, vos l o i s } vos u s a g e s . . . . » Et le
Divan du Caire a remercié officiellement le premier C o n s u l, en
l’an 9, de ce respect pour les mœurs de l’Egypte , en lui expri
mant , avec l’élévation orientale, une juste reconnaissance.
Des ordres du jour n’ont donc pas été une loi générale, faite
pour changer les habitudes de l’Egypte sur la forme des ma
riages. C ’e st, au reste, ce qu’a expressément jugé l’arrêt de cas
sation des héritiers Faultrier , et ce qu’avait déjà préjugé la Cour
en n’exigeant de la dame Destaing que la preuve de son mariage
suivant les formes de son pays.
Que sont encore ces certificats égyptiens présentés par les hé
ritiers Faulli’ier, et que les héritiers Destaing s’approprient? II
suffirait de leur répondre que ces copies sont dans le procès actuel
une pièce étrangère, et que n’étant pas prises sur l’original, dans
les formes légales, elles ne peuvent faire aucune foi en justice,
suivant l’article i 336 du Code Napoléon.
O u ’a de commun le procès de la Géorgienne Néphis (achetée
comme esclave par le général Faultrier, présentée, à la vérité,
à Metz , comme son épouse , mais méconnue aussitôt qu’il fut
m ort), avec le procès d’Anne Nazo, appelée en France par son
époux, reçu e, accueillie par sa famille, après sa mort, et ayant
eu une possession d’état légale et publique, consignée dans les
registres judiciaires et dans ceux de la maison impériale ?
�( 37 )
Mais admettons ces certificats comme sincères et authentiques,
tout prouve que ceux qui ont cherché à se les procurer n’ont
voulu que surprendre la justice par une équivoque.
On sait que toutes les religions sont tolérées dans les états du
Grand- Seigneur, quoique l’islamisme y soit la religion domi
nante. On sait encore que Mahomet I I , vainqueur de Constan
tinople, jura de respecter le christianisme; et ses successeurs
ont gardé son serment.
A la vérité, un serment de fidélité et un tribut fort onéreux
sont exigés des évêques et des patriarches ; à cela près rien ne
s’oppose à ce que les prêtres latins, grecs et arméniens, exercent
leur culte publiquement dans les états du Grand-Seigneur ; et
les minarets seuls y distinguent les mosquées des églises chré
tiennes.
L ’Egypte, l’un des berceaux du christianisme , l’un des pre
miers asiles des fidèles persécutés, n’avait point échappé au
schisme des Grecs , et tou te to lé r a n c e cessa q u a n d ce tte secte
se sentit assez fo rte p o u r d i s p u t e r d e d o m i n a t i o n ; l ’é g lis e la tin e
f u t lo n g - te m s p r o s c r ite p a r les Grecs , mais sans perdre jamais
l ’espoir de ramener ses enfans égarés à l ’unité religieuse. D e
tout tems la cour de Rome a entretenu dans ces déserts de la
Thebaide, si grands eu souvenirs, des prêtres catholiques q ui,
semblables aux persecutes de toutes les révolutions religieuses,
conservaient le feu sacré de la foi pour des tems plus prospères.
C ’est ainsi que sur la montagne des Druses, dans la chaîne du
Mont-Liban , de pieux ecclésiastiques, soumis à tous les dogmes
l’église rom aine, et sous son obédience, se répandent dans
les villes de l ’Egypte, soit sous le titre de missionnaires, soit
sous le titre de curés, ou tout autre caractère qui leur est donne
par leur chef.
Ce chef est c o n n u p a r m i e u x sous le nom de Patriarche
d A l e x a n d r i e , non pas celui q u i , prêtant s e r i n e n t de fidélité au
G r a n d - S e i g n e u r , se r e g a r d e c o m m e i ndé pe ndan t xle R o m e , et
�(38 )
ch ef suprême de l ’Eglise d’O r ie n t, mais un patriarche dépen
dant du P a p e, et vivant dans l’unité de l ’église catholique.
M aintenant, il faut rappeler que la dame Destaing n’est pas
liée dans la religion grecque la tin e , mais dans celle connue en
France s o u s le nom de schism atiquegrecque. L e patriarche grec
et les prêtres ou papas, exerçant le culte public grec au Caire,
sont donc les seuls qui eussent pu donner des attestations dignes
de foi sur le rit de leur église.
Mais ce n’est pas d’eux q u ’on rapporte des certificats ; il paraît
que les héritiers Faultrier en ont demandé aux p rê tre s latins. Cela
était indifférent dans leur cause ; car l’arrêt de Metz , du z 5 fé
vrier 1808, confirmé par la Cour de cassation, exigeait seule
ment un acte de notoriété des prêtres de la religion chrétienne
grecque ou romaine , établis à Gizé. Et en effet, on 11e voit pas
si Néphis David a prétendu avoir été mariée à Gizé par un
prêtre du schisme grec. Peut-être aussi a-t-elle de son côté rap
porté un acte de notoriété de l ’église schism atique grecque,
pour satisfaire à l’arrêt de Metz. Mais on ignore pleinement les
détails de son procès et le genre de sa défense.
Quoi qu’il en soit, les héritiers Destaing se sont emparés des
certificats donnés aux héritiers Faultrier. Voyons maintenant
ce qu’ils disent. L e premier est ainsi conçu :
« Je soussigné, Préfet des prêtres grecs catholiques , en
a Egypte, déclare que tous les mariages qui sont célébrés, soit
« par m o i, soit par les prêtres grecs catholiques qui sont sous
« ma dépendance, sont inscrits sur un registre, etc., écrit par
« le père Constantin H a d a d , vicaire de Son Em inence le
« Patriarche grec en E gypte. A u Caire, le 7 du mois echbat
0 ( 7 février 1809 ).
L e suivant atteste qu il n a pas trouve dans les archives de
son église le mariage du general Faultrier. Il est signé : Benedictus de M edici n a , m issionnaire apostolique , curé et vicaire
supérieur de la m ission d'E gypte. A u Caire, le 20 février 1809.
�( 39 ^
Ces deux certificats sont de la main même de ces eccle'siasliques. L e premier est en arabe, et le second en latin : ils sont
traduits par un interprète du Consul de France.
L e troisième n’a aucune signature, ni même le nom du certificateur. Il consiste à dire qu’aucun prêtre de notre dépendance
ne peut célébrer de mariage entre des personnes de différentes
religions. Il ajoute que si le mariage est fait entre des personnes
(le la même religion, il faut la permission du patriarche, et on
l ’inscrit sur un registre.
L ’original de cette pièce est en italien ( ce qui est fort éton
nant ). L a copie produite par les héritiers Destaing commence
ainsi : « I l y a en tête une lig n e de caractères m ajuscules en
« arabe ou cophte ». A la fin du certificat, on dit : « Suivent
« des signatures en caractères étrangers ». Puis le Consul fran
çais ajoute que ces signatures sont celles du patriarche grec et
du prêtre à qui les registres sont confiés.
S ’il f a lla i t m e ttr e p l u s d ’i m p o r t a n c e à ce d e r n ie r c e r t i f i c a t , o n
Se d e m a n d e r a i t p o u r q u o i les p r e m i e r s 6ont d o n n é s au. C a ir e ,
l e . . . . . . et c e lu i- c i en E g y p t e , l e ...........? P o u r q u o i c e lu i - c i est
fait e n ita lie n , dans une langue que les signataires n’enten
daient pas ? Et pourquoi enfin le secrétaire interprète du Con
sulat , qui a fort bien traduit de l ’arabe le certificat du pèrp
Constantin Hadad, n’a pas su dire la valeur des mots composant
les signatures et l’intitulé du troisième acte, et n’a pas même
compris si tout cela était arabe ou cophte?
Quelle foi ajouter à un certificat où celui qui écrit la pensée
d’un autre ne parle pas la même langue que le signataire, et où
le traducteur se contente de dire que les signatures sont en ca
ractères étrangers?
Il fallait qu’on demandât aussi à ces prêtres latins si les re
gistres qu’ils tiennent sont des actes de l’état c i v i l , dans une
contrée régie par les lois turques; ils a u r a ie n t répondu que de
pauvres prêtres, soutenus par leur zèle, au miliçu de la bar-
i
�C
4
0
)
<
Jxirïe et des obstacles, n’aspirent qu’à la propagation de la fo i,
et tiennent de simples notes pour reconnaître le petit nombre de
prosélytes que l’Eglise'de Rome a conservés dans celle terre de
persécution *.
Mais , dans cet entassement de bizarreries , il ne faut pas s’oc
cuper des détails et des objections sans nombre qui s’élèveraient
contre la forme de ces actes ; il suffit de reconnaître qli’ils ne sont
pas émanés des prêtres de la religion de la dame Destaing, et
alors on n’a pas pu les lui opposer.
Les prêtres de sa religion n’ont donné aucun certificat. Com
ment le pourraient-ils? Il est constant qu’ils ne tiennent aucun
registre ; leur éducation ne se fait pas en Europe; on les instruit
des dogmes de leur foi ; le patriarche, les ordonne prêtres ou
papas, sans exiger d’eux d’autre instruction; à peine quelques-
*
L e s missionaires de R o m e n’ ont jam ais cessé clans ces parties du m onde
d e s’ e m p lo y e r à faire des p r o s é ly te s ; en c o n s é q u e n c e , ils ont fondé a v e c
b ea u co u p d e peine et à grands f r a i s , parm i ces s e c te s , des sociétés qui ont
reconnu la doctrine et la juridiction du P a p e . O n sail q ue p arm i les G r e c s
qui v iv en t sous l ’ e m p ire T u r c , plusieurs ont em b ra ssé la foi et la discipline
d e l’ église l a t i n e , et sont g o u ve rn és par des prêtres et é v ê q u e s de leur
n a t i o n , mais confirm és par le pape. Il y a à R o m e un c o llè g e e x p r è s , fondé
dans la v u e de faire des conversions parm i les G r e c s , et d ’ajo uter de n o u
v e a u x sujets à l’ église rom ain e. O n y é lè v e u n certain n om bre d ’ étudians
G r e c s . ( H i s t o i r e de l ’E g l i s e , par M o s l i e i m , to m e
5 , page
27 2 .)
R i e n ne caractérise plus la religion des G recs q u e leur aversion in v in c ib le
pour l’ église de R o m e , qui a fait éc h o u e r jusqu’ à présent toutes les ten
ta tives d u s a i n t - s i è g e et d e ses n o m b r e u x m issio n n a ire s, pour les r é u n ir
a u x L atin s. Il est vrai q ue les docteurs rom ains ont fon d é quelquas églises
dans l’ A r c h i p e l : mais ces églises sont p au vres et peu c o n s id é ra b le s; et les
G r e c s ou les T u r c s , leurs m aîtrès', ne v e u len t pas permettre aux m ission
naires de R o m e do s ’ étend re davantage, { l b i d . page 260.)
E t a t d e L 'E g lise G r e c q u e , p a r C ow cL , tom e 1 . '* , p a g e 112 5 .
L ettres E d ifia n te s , Lo m e 1 0 , p a g e 328.
uns
�s
( 4i )
uns savent écrire, suivant le te'moignage de tous les voyageurs *.
Il n’y a de lettrés parmi eux que les prêtres latins, qui n’ont
qu’ une portion très-exiguë du peuple attachée à leur croyance,
et q u i , perpétuellement poursuivis par la haine des G re c s , et
osant à peine faire des prosélytes **, ne se soutiennent que par
leur zèle et par la pitié des Francs, mais sont à peine connus pour
prêtres par les E gyptiens, parmi lesquels ils vivent.
Mais il est impossible de mieux expliquer cette partie de la
cause , que ne l’a fait don Monachis dans son attestalion , qui
perdrait beaucoup d’être simplemont extraite, et qui ne peut
que jeter le plus grand jour sur la-seule objection dans laquelle
les héritiers Destaing semblent placer leur dernière confiance.
« Par-devant M .e Massé et son confrère, notaires impériaux
.« a Paris, soussignés, est comparu Don Raphaël de Monachis,
. « ancien premier curé grec catholique romain au grand C aire,
« en Egypte, o u p rem ier v ica ire de so n é m in e n ce le p a tr ia r ch e
« g r e c c a th o liq u e r o m a i n , résidant aucouventr de St.-Sauveur
* « Q u e v o y a it-o n dans cette terre natale des sciences et des arts? T o u t
c e qu’ on voit c h e z presque tous les peuples esclaves : un c le rg é superstitieux
et ig n o r a n t, etc. ( C o r a y . M é n j . sur L’ éta t d e la c iv ilis a tio n d es G recs). ,
,« Par-tout d o m in e en core un c lergé ignorant,
. L e cou ve n t de N e a m o n i
n ourrit plus de 450 m o i n e s , dont 4 ou 5 disent la messe ; pas un seul ne sait
l ’ ancien g r e c , et une dou zaine au plus savent lire et écrire le grec moderne..»
A u c o u ve n t de M egaspision , leur ignorance surpasse e n c o r e , s’il est p o s s i b l e ,
c e lle des m oin es de N e a m o n i . J e doute q u ’il s’ en trouvât 4 ou
5
( s u r 3o o ) ,
sachant lire et écrire ». ( B a r t h o l d i , V o y a g e e n G r è c e , en i 8o 3 , t. 2 ) .
"** « L e c le rg é grec 11e cesse d’ exciter le p e u p le 1 à l à ' h a î n e des autres reli
g i o n s , et sur-tout de la catholique r o m a i n e . . i . . L a liaîne des G r e c s et des
R o m a i n s est si forte dans plusieurs î l e s , q ue tous m o y e n s leur sont bons pour
se nuire. M . de P a w est très-fondé à a v a n c e r q ue le pie in ier usage , q u e
le s G recs ne m anqueraient pas de faire de leur l i b e r t é , serait d a llu m e r u n e
g u e r r e d e r e l i g i o n ..........I l est in te rd it a u x IV o m a in s d e f aire d e s p r o s é l y t e s ”
parm i les G r e c s , au lieu q u e c e u x - c i pe u ve n t en faire p arm i les Llomaius»
( Ib id . tom. a. )
(>'
i
II
�( 4 0
a sur la montagne des D ruses, dans le M o n t-L ib a n , ancien
« membre du Divan et de l ’institut d’Egypte , actuellement
« professeur de langues orientales à la bibliothèque im périale,
« à P a r i s , y demeurant, rue du Chantre, n.° 24 ,
« L e q u e l, sur l’invitation de madame Nazo, veuve du général
« Destaing, et après avoir pris lecture de la copie de trois cei*« tificats qui paraissent avoir été délivrés au Caire par des prêtres
« grecs catholiques romains, les 7 , io et 20 février 1809, con« cernant le mariage du général Faultrier avec une Géorgienne,
« et pour faire .cesser les doutes et les erreurs qui pourraient
« résulter desdits certificats,
« A fait l ’exposé des faits suivans :
r
« Avant le concile de Florence, les églises orientales étaient
« réunies par la foi, et soumises à l’église de Rom e, dite église
« occidentale. Mais après le concile, les deux églises orientale
« et occidentale furent divisées , faute de se trouver d’accord
« sur cinq dogmes de la foi, dont l’un était de reconnaître le
« Pape comme chef suprême de toute l’église chrétienne ; en
« conséquence, les quatre patriarches de Constantinople, d An« tioche, d’Alexandrie et de J é r u s a l e m se séparèrent du saint«c siège de Rome qui les considéra et les considère encore
« comme schismatiques. De cette nouvelle secte s’en sont formées
«''d’autres, telles que les hérétiques, mais qui sont demeurés
« en plus petit nombre que les schismatiques.
« Depuis environ 120 ans, lin archevêque de D am as, grec
« schismatique, ramené à la foi par un Jésuite, renonça au
« schisme, et rentra dans la religion grecque catholique romaine;
a mais ne pouvant pas rester a Damas, a cause des persécutions
« des grecs schismatiques , il se retira sur la montagne des
« Druses, dans le M o n t- L ib a n , avec une suite de quelques
« prêtres de la même opinion que lui. Ils s’y établirent sous la
« protection des Français qui se trouvaient en grand nombre
& dans les villes d e T y r et de Sidon. Alors le Pape Innocent X I ,
« sur la demande des peuples qui avaient embrassé la foi, le
�a
«
rc
et
( 43 )
nomma patriarche par intérim ( c ’est-à-dire, jusqu’à ce que
quatre sièges d ’ Orient, ou l ’un d’eu x, fussent revenus à la
fo i) , de tous les Grecs catholiques romains qui se trouvaient
répandus en Orient dans les pays occupés par les Grecs
et schismatiques.
« Depuis cette époque, le patriarche de tous les Grecs catho« ligues romains a résidé et réside encore au couvent Saint« S a u v eu r, sur la montagne des Druses.
« L e déclarant, au sortir des collèges de R o m e , ou il a fait
« ses études, fut envoyé au couvent de Saint - Sauveur , pour y
« être ordonné prêtre par le patriarche de son rit. Après y etre
« resté quelque tems, il fut envoyé dans la ville du g r a n d Caire,
« par son éminence le patriarche ¿ûgapius M atac, qui existait
« alors, et qui vraisemblablement existe encore aujourd’hui,
« pour y remplir les fonctions de premier c u r é , ou premier
« vicaire du patriarche, en Egypte.
« A v a n t so n d é p a r t ,
¡1 r e ç u t
l ’o r d r e d u p a t r i a r c h e d e se c o n -
«t f o r m e r à l ’ u s a g e d es E u r o p é e n s , en ten a n t des re g is tr e s pour
te constater les naissances, mariages et décès; en conséquence
« de ces ordres, le déclarant fut le premier qui commença ces
« registres en E g y p te , pour constater l ’état des Grecs catholiques,
« et les lit tenir par les cinq prêtres grecs catholiques, sous ses
« ordres, qui sont les seuls qui existent au Caire pour le rit
« grec catholique romain.
« Les actes étaient de sim ples notes signées du curé , et
« jamais par les parties.
« L e déclarant exerça les fondions d e premier vicaire j u s q u ’à
« son départ de l ’Egypte pour là France, où il fut a p p e l é par
« le premier C onsu l, par l’intermédiaire du général Sébastiani,
« et d’où il n’est parti qu’avec permission d e son patriarche.
« Après son départ, il fut remplacé par le père Jean N asseré;
a et celui-ci , depuis décédé, a été remplacé par Constantin
« Ila d a d , qui exerce encore aujourd'hui les fônôtions de pre« mier curé de l’E g y p te , ou premier vicaire de son éminence
12,
�( 44 )
a le patriarche grec catholique , re'sidant à la montagne des
« Druses; lequel Constantin Hadad a délivré les certificats ci« dessus m e n t i o n n é s .
« En conséquence, Don Raphaël déclare que Constantin
« Hadad, son successeur, n’a déclaré que la vérité, en certifiant
« qu’il est tenu des registres de l’état c iv il, au Caire, parles
« prêtres grecs catholiques , sous ses ordres : mais qu’il faut
« bien distinguer de ceux-ci, qui sont en petit nombre, les grecs
« schématiques, qui sont bien plus nombreux, et dans la re« ligion desquels la dame Destaing a été mariée par le patriarche
« qui réside à Alexandrie.
«
«
«
«
«
« Qu’à l’égard des Grecs schématiques et de toutes les autres
sectes qui sont sorties de celle-là, ils n'ont ja m a is tenu de registres de naissances , mariages et décès , en E gypte ; et que
la raison s’en tire naturellement de leur défaut d’instruction ,
qui ne se trouve pas chez les Grecs catholiques , dont les
prêtres, en partie, font leurs études à Rome.
o Laquelle déclaration mondit Don Raphaël de Monachis a
« affirmée sincère et véritable, pour servir et valoir ce que de
« raison
.
• * ,C.I:
« Fait et passé à Paris, etc., etc.».
' 1-. |
r.
0
Il est donc prouvé, jusqu’à l’évidence, que la validité des
mariages des Grecs, en E gypte, ne dépend pas de leur inscrip
tion sur un registre c iv il, parce que ces registres n’existent pas
en Egypte comme en Europe : aucun voyageur ne dit que cette
f o r m a l i t é y ait lieu ; au contraire , M. le sénateur comte de
V o ln e y , dans rouvrage^qui lui a fait une si grande réputation
littéraire, et qui sera le modèle perpétuel des voyages, atteste
la répugnance des Turcs pour les dénombremens de population
dans les étals de leur obéissance .
■.
. \W
T i ' - ' f SI
-iUV). J ’ . : ■
■«
* On jTuit .souvent des, questions sur la population du Caire» S i l ’ on v e u t
en croire lo douanier A n t o i n e
.ri
:,i
F a r a o u n , cité par le b aron d e T o t t , elle
.
7
�( 45 5
. A quoi tient donc cette obstination des héritiers Destaing, à
ne vouloir reconnaître la dame Destaing comme mariée , que
si elle rapporte une preuve écrite et légale de son mariage ?
Que d ’exclamations on eût faites, sielle se fut présentée avec un
acte de mariage pour elle, et un acte de naissance pour sa fille.
X o y e z , eût-on dit, cette Grecque artificieuse, qui, pour s’intro
duire dans une famille étrangère, a pris la précaution insolite de
se munir de pièces impossibles à vérifier, et qu’elle a évidemment
fabriquées en Afrique ou au milieu de l’Archipel !
E h bien! la dame Destaing n’avait ni médité des artifices ni
prévu les machinations insidieuses , desquelles elle aurait à se
défendre. Partie du Caire par ordre de son ép o u x, changeant de
patrie pour suivre sa destinée, c’est pour lui seul qu’elle avait
souffert, c’esf de lui qu’elle attendait des consolations. Son époux,
ts3lfiUe,j étaient,,pouç çlle se^ p éiift^ et N
son avenir. ; ayait-ellp
donc des preuyps à chercher .pour.des êtres qu’elle ne connais
sait pas ?, :-.t! ?ij;, ;; |y
onû
. ■
>■
■■
!La dame Destaing a toujours été si rassurée sur,son état et
c e lu i.d e sa f i l i a l qu’elle n’avait pas même fait des démarches
le:i>9ptêmeJdqilsa!fille avait été
j^onstafe^, et i l y ayçit .d’autant plus lieu de le croire ainsi, que
^!llî?P^Fnne devait avoir un clergé grec plus éqlairé que
'celui de l’Egyptç,
'
Mais ,les recherches de.ses ennemis allaient faire pour elle des
tentatives dont le but uniforme était toujours de lui opposer une
I■
,
/
■
*
'
”
a pproche d e 700,000 â m e s , y com pris B o u l â q , faubourg et port détaché
de la v ille : m ais tous les calculs de p o p u la tio n , en T u r q u i e , s ° nt arb i traites', p a rce q u ’ o n n ’ y tie n t p o in t d e registres d e n a is s a n c e s , d e
m orts o u d e m a riag es. L e s M u s u lm a n s ont m ô m e des préjugés supersti
tieux co n tre
les d é n o m b re m e n s. L e s seuls chrétiens pourraient ê l r e r e c e n s é s
au m o y e n des billets de leur capitation. ( V o y a g e en EgyptQ et e n S y rie f
par
M . de V o l n e y , 4.» é d i t i o n , 1 8 0 7 , to m e i . ,r p>
2 o 3 »)
�( 46 )
tenue des registres avec laquelle on croyait la confondre, si le
baptême de sa fille ne s’y trouvait pas.
P e n d a n t q u e les députés des îles ioniennes étaient à Paris,
m a d a m e Destaing reçut l’acte qui suit : °
«
«
«
«
« Du douze novembre dix-huit cent s e p t, à A r g o s to li, île
de Céphalonie, sont comparus, par-devant nous notaire soussigné, le révérendissime papas, M. A n d réM azarachi d ’An~
zolo , desservant de l ’église solitaire de Saint-Constantin , qui
est dans le voisinage et sur la rive dépendante des villages
« d'A d ilin a ta et à'A rg a ta , situés dans l ’île de Céphalonie, et
« M . Jea n L a vran ga, lequel prêtre sus-nommé a baptisé , en
« Vannée dix-huit cent deux , au mois de ja n v ie r , ne se sou« venant pas en quel p u r du mois, un enfant du sexe féminin,
« f il l e de madame A n n e N a z o et du gêrt érdl D estaing , laquelle’ ,
"« suivant la déclamation faite j1à lüi prêtre comprirent, par les bifs« nommés, étaitnéede légitime m ariage,eta été nommée M arié,
« et elle a été tenue sur les fonds de baptême par M . Jean
« Lavranga et le capitaine Sifli, Fanchiote/lequel ne se trouve
« pas présentement dans cetté île ; Te 'présent' sera
« ' serinent par les susdits prêtre et sienr L a vfa n gd ; ilsTdéciâl*èiît
« ien outre que, dans cette église, située dans ce liéu solitàîrfe’ ,
« on ne tient point de registres baptistaires ni rnorthairès^ÎJa
« présente est donnée pour rendre témoignage à la vérité ; fer les
« comparans se ressouviennent parfaitement d’avoir administré
« le.sacrement .s u s d itc e .q u ,j ls.ailirment .cotnme..téraoius.
« Signé A n d ré M azarachi, prêtre, j ’aflirme avec serment;
« Jean Lavranga, jaiïinne avec serment; Jean Chusi, témoin;
« Spire Cacuralo , témoin ; Jüimitri Caruso , notaire. A la
« suite du présent original est une traduction italienne, signée
« Dimitri Caruso, notairé; et une légalisation en même langue,
. m-dont la traduction suit :
«
E
m p ir e
F
r a n ç a i s
.
— Son Excellence Sàvib A n n in o ,
�( 47 )
«
«
«
«
«
administrateur du gouvernement de Céphalonie, certifie que
le susdit M. Garuso, notaire public, est tel qu’il se qualifie,
et que l’on peut avoir pleine et entière foi à ses signatures.
Donné en l’administration de Géplialonie, le dix-neuf novembre
mil huit cent sept. Signé Savio A n n in o , administrateur ; et
« Jean-Baptiste Tipaldo P retlen d a v i, chef de bureau »,
Cet acte fut présenté à ’ M. Marino M atu ra, principal député
des îles ioniennes, q u i , au grand étonnement de Madame
D e sta in g , lui apprit que c’était lui-même qui avait fait rédiger
cet acte de baptême, à la demande de l’un des aides-de - camp
de M . le maréchal M a rm o n t, qui le réclamait de la part de
M . /e général D elzo n s (em ployé en Dalmatie). •
L à famille D estaing, qui faisait rechercher ce fait aussi lo in ,
n’en a plus fait usage lorsque le renseignement a été contraire à
ses prétentions.
.
E t p e u t - ê t r e l ’h o n n Ê le e c c lé s ia s tiq u e , i n f o r m é p a r ces re
c h e r c h e s des v ’e x a tio n s s u sc ité e s à u n e m a l h e u r e u s e é t r a n g è r e , se
sera fait un devoir de charité chrétienne de lui envoyer cet acte,
de^son propre mouvement, pour rendre hommage à la vérité.
L e tribunal de la S;eine a ordonné, par jugement du 5 juillet
1809, que cet actejserait. transcrit dans les registres de l ’état civil
de Paris, pour servir d’acte de naissance à Maria Destaing.
C ’est ainsi que ce qui était sollicité pour nuire à la dame
Destaing n’a été utile qu’à elle.
Mais continuons la réfutation des objections que continuent de
lui faire les héritiers Destaing.
Il est impossible, disent-ils, de croire au mariage d’un général
français qui n’a pas été célébré de la même m a n i è r e que ceux
de ses frères d’armes. O r , les mariages des g é n é r a u x D e lzo n s,
L a n tin , Menou et Bonne-Carrère ont été r e ç u s par des com
missaires des guerres. Telle était donc la forme, et pourquoi
Anne Nazo ne l’a -t-e lle pas suivie? pourquoi, au moins, n’y
�( 48 )
a-t-il pas été accompagné des !fêtes d’usage», dans les rues du
C aire?
'
Les généraux Delzons, Lantin et Bonne-Carrère épousaient
les demoiselles V a rs y , filles d’un ancien négociant français,
établi à R o se tte , ville presque européenne à cause de son com
merce. L a , certainement, un catholique, mariant ses trois filles
avec des Français, devait se soumettre aux lois françaises, et ne
devait aller chercher ni le C a d i , ni les prêtres d’une autre re
ligion. Aussi ne dit-on pas un mot de la cérémonie religieuse
de ces trois mariages qui a dû être faite par un prêtre catholique,
ou régularisé en France au retour de la famille'Varsy*
L e général Menou épousais urie musulmane : son mariage
a dû être fait devant le Cadi. Son épouse dut être promenée dans
les rues sous un dais, entourée de ses parens et de ses esclaves,
au son des instrumens. Car tel est l’usage à l’égard des mariages
musulmans *, qui, dans la religion dominante, ont seuls le pri
vilège de l’éclat et de la publicité. 3 J-jriii' ,['! s
- i:jtî
Mais Anne N a zo , de religion grecque, mariée à 'un Européen,
de religion latine ou romaine, n’avait pas le droit d’emrendre
la cérémonie publique , ni par des fêtes religieuses’', ni par
aucune inscription dans des registres, ni par urie promenade
dans les rues, sous un dais, comme les1Musulmahs. .
, poiir
C ’etait bien assez que sa famille eût vaincu à cef ^égard les
préjugés de sa nation, en la donnant à un Européen, a un càtho• -l
*
-
• .(.
'
« C ’est ordinairem ent le soir que la m a rch e c o m m e n c e : des baladins
la p r é c è d e n t; d e n o m b r e u x esclaves étalent a u x y e u x du peuple les e f fe ts ,
les b ijo u x destinés à l’ usage de la m ariée ; des troupes de danseurs s’ a vancen t
en c ad e n c e au son des instrum ens ; la jeu n e épouse paraît sous un dais
porté par quatre e s c l a v e s ; un v o ile la c o u v r e entièrem ent ; une lon gue
suite d e
flam b ea u x éclaire le cortège ; de tems en tems des chœ urs de
T u r c s chantent des couplets à la lou ange des n ou veaux ép ou x ». ( S a v a r i ,
tom e
3,
lettre 3 ) .
lique
�( 49 )
lique romain, à un militaire * ; la famille Nazo avait au moins
dicté la loi sur le point principal, en exigeant que la célébration
fût faite avec les cérémonies du rit grec.
On demande ensuite à la dame Destaing pourquoi son mariage
a été fait sans contrat. Mais en France même il n’est nécessaire
que quand il y a des intérêts à régler. E n fallait-il plutôt en
Egypte où le Koran est le Gode universel et supplée à tout. L e
général Destaing allait s’allier à une famille opulente. Qu’avait-il
en échange à offrir? Sa fortune dépendait de son épée. Ses revenus
étaient fondés sur la loi du plus fort. Dans un pays où l’industrie
et le commerce sont tout, des chances aussi frêles ne présentaient
à la famille Nazo rien que de fort aléatoire.
On se plaît à représenter les Nazo comme une famille sans
fortune et sans considération, et Joanni Nazo comme un aven
turier de la lie du peuple. Sur tout cela les héritiers Destaing
ont beau jeu de mentir, maintenant que le plus liquide de la
fortune Nazo est dans leurs mains. Mais les témoins ne donnent
pas d ’e u x l’idée qu’on veut en suggérer. O n voit dans les enquêtes
que Joanni N azo, à l’occasion de son mariage avec Sophie Misck ,
dépensa 5 o,ooo écus.
On se plaît encore à jeter du ridicule sur ce que la mère d’Anne
Nazo répudia Barthélemi pour épouser Joanni Nazo ; et là-dessus
on se récrie sur de telles m œ urs, comme si une famille africaine
avait dû prévoir qu’il faudrait rougir de ce qui est toléré dans sa
nation, et s’en justifier un jour aux yeux des sieurs et demoiselle
Destaing, d’Aurillac.
Si la prétention des Européens est de blâmer ce qu’ils blâment,
et de louer ce qu’ils louent, il faut qu’ils donnent le droit de re
présailles aux nations étrangères, et ils auraient beaucoup à y
perdre. En Egypte , le lien du mariage est plus s a c r é qu’en
« L e s p a r e n s ( G r e c s ) n e fo n t a u c u n e d if f ic u lt é d ’a c c o r d e r l e u r fille a
« un T u r c , p o u r v u q« ’ il soit r i c h e et p u i s s a n t , ta n d is q u ’ ils r e f u s e n t o p i« n i a t r é m e i i t d e l ’ a c c o r d e r à u n c a t h o l i q u e . ( U a r t h o l d i j t o in e 2 . )
i3
�( 5o )
F ra n ce , tant qu’il dure; mais il n’est pas indissoluble. Si la reli
gion se prête à des injustices, ce sont ses ministres qu’il faut en
accuser *, mais non les époux mécontens, qui n’ont agi que sous
leur direction.
B a r t h é l é m y était catholique; Sophie Misck était grecque, et
les prêtres de son culte prononçaient anathême contre un lien
qu’ils n’approuvaient pas.
'
C ’était pour eux un'acte religieux que la rupture de ce mariage,
pour en contracter un second plus orthodoxe : la religion grecque
le ve u t, et le gouvernement le tolère.
A u reste, que Sophie Misck ait été ou non l’ épouse de Barthé
lém y , on ne voit pas comment Anne Nazo en serait plus ou moins
l’épouse du général Destaing.
,
r
Enfin on porte le dernier coup à la dame Destaing; et déses
pérant de liii ôter le nom d’épouse, on veut du moins en em
poisonner les souvenirs, et tâcher d’teñ'acer dans son cœur le
respect qu’elle doit aux mânes de son époux.) Ce n’est plus une
lettre étrangère qu’on lui oppose, ce sont deux lettres de son
époux lui-même, écrites à son père, q u i, dit-on, fournissent la
preuve qu’il n’y a pas eu de m ariage, et qu’il l’a désavoué.
L ’une est écrite du Caire; et le général parle d’un arran
gement oriental avec une jeune grecque qui fait les honneurs
de sa maison.
L ’autre est datée de Paris. L e général marque à son père qu’il
n’a pas dû plus croire à la lettre de Latapie qiCà la sienne **;
*
« L e clerg é ( g r e c ) ne cesse d’ exciter le peuple à la haîne des autres r e li
g i o n s , et sur-tout de la cath oliqu e r o m a i n e , en accordant très-libéralem ent
des absolutions à c e u x qui ont trom pé les m em b re s de celle r e l i g i o n , ou qui
proposent de le fa ire» ( B a r t h o l d y , t. a ) .
s e
** L e s héritiers D estain g avaient im p r im é p lu tô t au lieu de p l u s , parce
que cela c h a n g e a i t le sens. I l en résultait que le généra l avait v o u lu que
son père crût à' sci le ttr e , tandis qu’il a v o u e l u i- m ê m e q u ’ il n’a pas dit
Vrai.
s
�( 5i )
qu’il ne se serait pas marié sans l’en prévenir; mais qu’à la
vérité il a d'autres liens qui pourraient bien amener celui-là.
Remarquons, et déjà la Cour l’a remarqué elle-même dans
son arrêt interlocutoire*, que ces deux lettres étaient dans les
mains du sieur Destaing p è r e , lorsqu’il a reçu Anne Nazo ,
et qu’après un mois de méditations il lui a donné un rang dans
sa famille, en se rendant le tuteur de son enfant.
Il a donc jugé ces lettres en père clairvoyant; et ce n’est pas
là qu’il a cherché la vérité. L ’une s’ excusait à ses yeux par la
licence des camps; les jeunes Français, fussent-ils aux confins
de la terre, ont la manie de tout métamorphoser en bonnes
fortunes : mais un vieillard sait à quoi s’en tenir. L ’autre lettre lui
semblait une justification embarrassée d’un fils soumis encore à
l ’autorité paternelle; il y devinait la vérité; et bientôt elle ne
lui fut plus cachée, lorsque la dame Delzons, égyptienne, lui
-eut rapporté quelle était l’opinion unanime du Caire et de
l’arm ée, sur le mariage de son fils; lorsqu’encore le général
D e lzo n s, qu i y
a v a it a s s i s t é , v i n t l u i e n a p p r e n d r e les d é t a il s .
C ’ est d o n c p a r p u r e m é c h a n c e t é , et sans besoin , que les
héritiers D e s t a i n g , ont publié ces lettres. L ’honneur le leur dé
fendait, puisqu’elles n’étaient point à leur adresse. L a bienséance
le leur defendait encore; car une confidence licencieuse, que leur
père avait jugée fausse, ne devait pas être reproduite.
* « A tten d u que le titre d’ épouse et c elu i de m ère ont été reconnus par
la famille du généra l D e sta in g .................... Q u ’ un mois a p iès son a rr iv é e à
A u r i l l a c , D estain g p è r e , ne doutant pas du m a ria ge et de l’a vis et con
sentement de ses proches p a r e n s , s’est vendu tuteur.......................Q u e cette
reconnaissance et cette acceptation de tutelle paraissent d ’autant plus c o n "
s id é r a b le s , qu’ on pourrait les regarder c o m m e l a suite d’ un e x a m e n appro
f o n d i , et de certitudes acquises par le p è r e , puisque deux lettres de son
fils, t’ uue datée d’ E g y p t e , l’ autre écrite de Paris , lui d o n n a n t tout le sujet
d e douter île ce m a r ia g e , ou m ê m e de ne pas
y c r o i r e , il n’en avait pas
m oins consenti l’acte en question , et que ses proches parens y avaient aussi
concouru ». ( 2 . 0 m otif de l ’ arrét du 11 juin 1808).
�( 5a )
Mais cette méchanceté n’était pas sans b u t , et on le voit
dans l’affectation que les héritiers Destaing ont eue à recueillir
la déposition des sieur et dame Delzons, à qui le général disait
ty&Anne Nazo était m ariée , mais q u 'il ne Vêtait pas. On
aperçoit maintenant que la lettre est présentée pour être en
h a r m o n i e avec cette conversation si souvent répétée par eux.
Si cette conversation était vraie, il est cruel pour la dame
Destaing d’en comprendre le sens : mais elle ne serait d ’aucune
influence pour sa cause.
Que les E uropéens, dans l ’immoralité de leurs th éâ tre s,
mettent en scène des malheureuses abusées par toutes les appa
rences d’un mariage r é e l , et cependant dupes des artifices d’un
homme qui s’est joué de la religion et de la pro b ité, on ne
s’étonnera pas que ce scandale dramatique obtienne quelques
applaudissements. Mais qui oserait produire dans le monde une
semblable atrocité comme un événement réel, pour s’en appro
prier les conséquences ? qui même oserait repousser de soi la
victim e d ’un artifice que le voile de la religion aurait ennobli
pour elle?
Quelle que soit l’jnteiilion des héritiers D estaing, en laissant
croire que le général a voulu tromper la Famille Nazo par le si
mulacre d’un mariage nul à scs y e u x , la perfidie de cette sup
position serait en pure perte pour eux ; car la loi viendrait au
secours de celle qui aurait été dupe des apparences. En effet la
bonne foi de l’un des époux suffit pour la validité de son mariage
et la légitimité des enfans *. Mais la dame Destaing se hûle de
dire que les cérémonies publiques qui eurent lieu au C aire, les
lettres desou ép o u x, sa conduite soutenue envers ello, le justifient
pleinement de l’inculpation dont 011 a voulu le flétrir. La légèreté
de sa nation, peut-être la craiulc d’être blûtué par son p ère, ont
pu lui dicter quelques mots équivoques; niais son cœ ur fut
* Code N ipoléjn, «tticlf* 201 cl 102.
�X ;53 ))
Innocent d’tmeitelle lâcheté; elle était indigne de luir,jet toutés
ses actions la démentent.^ ?.• uq ni • •):
:jr»
'•
Ceux-là seuls sont coupables , qui n ’ont pas rougi d ’exhumer
de la tombe de leur frère ce qui ne pouvait être utile à leur intérêt,
q u ’ e n imprimant une tache sur sa mémoire.! ’
<7
Mais c’est i trop s’arrêtèrin des rëfu tâtions pénibles et inutiles.
Ce ne sont'point des cendres éteintes qu’il fautlinterroger pour
la reoherche de la vérité ; tout la révèle , tout l’atteste; et l’in
crédulité ne peut plus,être que le masque hypocrite de la dis
corde qui ne s’avoue jamais vaincue.
. Il est tems q u ’on'çesse de. disputer a 1111 e,épouse malheureuse
un nom qu’elle a acheté assez cher , et qui seul aujourd'hui doit
l ’indemniser de tout ce qu’elle a perdu. Elle l ’a reçu en A friq u e ,
aux pieds des autels ; elle l’a porté publiquement dans sa p atrie,
sur les mers , et dans toutes les villes d’Europe que sa situation
l ’a forcée de parcourir. Ses adversaires eux-mêmes n’eurent pas
même la pensée de lui en donner un a u tre ; ils l ’apprirent à
ceux qui l’ignornient ; et c’est nprès une possession d\5tnf, ninsi
émanée d ’eux , qu'ils ont voulu déshonorer et méconnaître celle
qu’ils avaient accueillie et protégée. L a dame Destaing n’a jamais
supposé que cet avilissement pût l’atteindre : elle ne tire aucune
vanité d ’appartenir aux héritiers Destaing, plutôt qu ’à une autre
fa m ille ; mais le litre sacré d ’épouse, mais les droits plus sacrés
encore de l’orpheline qui lui doit le j o u r , ne pouvaient pas être
vains à ses yeux.
Sa fille, seule, au milieu de tant de contrariétés, a soutenu son
courage; la dame Destaing n’avait pas d’héritage plus précieux
à lui laisser qu’un nom qui ne fut pas déshonoré; et elle-même
ne devait point rougir aux y e u x de son enfant du vice do sa
naissance.
Pouvant attendre sans crainte l’examen du présent et du passé,
la dame Destaing a pu se soumettre sans m u r m u r e aux lenteurs
de la ju stic e , sachant bien que l'intérêt privé pouvait ele\cr des
H
�( 5 4 )
doutes sur les formes de son mariage, mais que. la malignité
n ’en hasarderait aucune sur la pureté de ses actions.
Un jour peut-être les héritiers Destaing seront honteux de ce
procès , et s’enorgueilliront de celle qu’ils voulaient avilir et
proscrire. Mais si la passion ne leur permet pas aujourd’hui
d’etre justes, la dame Destaing n’en-doit pas moins aux mânes
de son époux de ne pas se croire en guerre éternelle avec ceux
qu’il lui désigna comme des protecteurs et des frères, et qui
partagent avec elle la gloire de son nom.
M.e D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M. e T A R D I F , avoué-licencié.
�
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire pour Anne Nazo, veuve de Jacques-Zacharie Destaing, général de division, en son nom, et comme tutrice de Maria Destaing, sa fille, intimée ; contre les sieurs et demoiselle Destaing, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
Circa An 9-1811
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
54 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0609
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53869/BCU_Factums_M0609.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
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conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
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372266759c7ce87f1f0d2a36dd4f209a
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MEMOIRE
POUR
L a d a m e E l e o n o r e R O L L A T , é p o u se d e F r a n c o i s P h i l i p p e C O U R B Y , h a b ita n t à A ig u e p e r s e .
•A U CUNE situation n’est com parable à la m ienne. Mon époux
est accusé d’un crim e horrible dont je n’ose prononcer le nom :
son honneur et le m ien, le sort de ses enfans, seront bientôt dans
la balance de la justice; et ses persécuteurs s’a g iten t, quand luim ê m e , accablé de sa situ a tio n , il fu it la calom nie sur un sol
étranger.
Lorsque pour la prem ière fois cette nouvelle épouvantable
vint jusqu'à m oi, toute m a conviction de l’innocence de m on
époux ne m ’em pécha pas de résister à ses résolutions, et de les
ébranler par mon désespoir. O u i, et je m ’en confesse co u p ab le,
je l'im portunai de mes la rm e s, je séduisis son courage , et sa
•fuite fu t un effort de sa tendresse ; m aintenant je m e dem ande
avec effroi si sa présence ne lui eût pas été plus u tile , et si son
danger, au co ntraire, n’est pas né de m a terreur.
Dans cette cruelle anxiété, que ne puis-je appaiser de m on
sang ceux qui sont altérés de celui de m on époux ! Q ue n ai-je
A
�(o
du moins le droit de me présenter pour lui en jugement, pour
confondre ses accusateurs, pour le défendre....... ? Que dis-je?
me défendre m o i-m êm e; car jusqu’au tombeau ma destinée
h’est-elle pas attachée à la sienne?
JVlais la rigueur des lois me repousse du tribunal qui va juger
ma propre cause. Ainsi la nécessité me dicte mon devoir. J ’ap
prendrai à mes juges une partie de ce que mon époux auroit pu
leur dire, ou du moins quelques-unes des circonstances que des
témoins auroient pu attester.
Je ne me suis point dissimulé combien de difficultés j’aurois
à vain cre, quand je n’aurois à opposer que mon foible langage
à des combinaisons préparées par la méchanceté même. Car
telle est la condition d’un malheureux accusé, que déjà la ca
lomnie a jeté de profondes racines, alors même qu’il peut en
treprendre de la combattre. Que peut sa voix plaintive contre
les cris précurseurs de cette astucieuse ennemie? Et lorsqu’enfin
on consent à l’entendre , combien ne faut-il pas encore qu’il
dévore l ’humiliation de la défiance qu’il excite? car la préven
tion du mal est malheureusement celle qu’on s’obstine le plus à
conserver ; et les esprits même les plus raisonnables semblent
trouver plus commode de croire le crim e que d’en méditer les
invraisemblances.
Ces réflexions pôrtoiént le découragement dans mon Ame ,
quand le souvenir de mes enfans a vaincu ma répugnance, et m’a
élevée pour ainsi dire au-dessus de moi-même. O u i, me suis-je
écriée, je l’entreprendrai cette tâche pénible. La timidité de l’é
pouse cherchera des forces dans l’amour m aternel, et ces deux
titres prêteront peut-être à môn récit un intérêt que mes foibles
accens n’auroient pas eu la prétention d'espérer.
C ’est à des ju ges, au reste, que je veux m’adresser, et ceux-là
ne r e p o u s s e r o n t pas mes paroles avec l’ennui de les entendre ; leur
terrible ministère ne leur donnera de défiance que contre la pré
vention qu’ils craindroient trouver en eux mêmes. Mes récits se
ront donc écoutés comme une explication nécessaire, par ceu *
�( 3 )
que la loi a armés de sa puissance ; car ils trem bleront, sans doute,,
de l’idée seule qu’ils pourroient condamner une famillg honnête 4
l’infamie , et un innocent à la mort.
Les relations de mon époux avec la maison de Murol nç furenjt
pas de ces liaisons soudaines et fortuites , qui ne donnent pas le
temps de s’apprécier, ou de concevoir de justes défiances. G’esjt
depuis son enfance qu’il connolt le sieur de Murol ,fîls aîné , ayant
été élevé avec lui dans le ipéme pensiçnn^t, à ^yon.
Cette habitude de se voir a continué dans un âge plus avancé j
mais l’historique de ces premières liaisons n ’a rien d’essentiel à
remarquer, et je me hâte d’en venir à des époques plus récentes.
Jusques à l’année dernière, je n’a.vois v,u à Aigueperse que les
sieurs de Murol fils , et leur père m’étoit absolument inconnu. Il
me paroissoit même que Courby le connoissoit à peine , et ne ,vi;voit avec lui que sur le ton du respect et des convenances de
société.
N ous ignorions entièrejnent ses affaires, e t n e connoissions
celles de ses fils que par c et extérieur d ’opule.nce, qui fait illusion
au vulgaire tan t qu’on a des ressources ¡pour le soutenir.
Cependant, tin jour de l’été dernier, le sieur de Murol p ère , se
trouvant seul chez son fils cadet avec C ourby, fit tomber la con
versation sur la situation de ses fils , çt syr le mécontentement
qu’il éprouvoit de leurs dépenses excessives.
Cette ouverture pouvoit n’étre que le désir secrçt d’ un père de
faire parvenir ses plaintes à ses fils, par un organe qu’il supposoÿ
plus persuasif peut-être. Mais .le sieur de Murol père ne se borna
pas là. Soit hasard, soit que la première idée lui en fit naître une
seconde, il confia bientôt à Courby qu’il irçéditoit pour son fils
ainé le projet d’une grande alliance, mais qu’il étoit retenu par
des dettes pressantes, dont l’éclat alloit rpiner toutes ses espé
rances.
A lors, comme par réflexion, il demanda à Courby s’il ne pqurroit pas lui faire trouver de l’argent.
A 2
�( 4
)
Un jeune homme ne pouvoit être qu’embarrassé h cette brusque
proposition. Courby fut forcé de lui avouer son impuissance de
lui être utile. « J’ai des dettes m oi-même, lui d it-il, sans avoir à
me reprocher un excès de dépense ; mais j’ai eu la foiblesse de
» cautionner les effets d’un homme que je oroyois incapable de
» me tromper; il a fait faillite, et m’a laissé beaucoup à payer;
» et dans ce m om ent, je cherche moi même 18,000 fr. pour finir
» de m’acquitter.
» Q u’importe ce que vous m’objectez, lui répondit M. de
» Murol; vos ressources pour avoir de l’argent ne tiennent sans
» doute qu’à une signature de plus; je vous offre la mienne pour
» les 18,000 fr. dont vous avez besoin, et à votre tour, vous me
donnerez la vôtre pour me procurer l’argent que je cherche;
m elle me sera utile, parce que vous êtes d’une famille de
« négocians , et que par moi-méme je ne trouve plus à era» prunter : de cette manière , cous nous serons rendu un service
t> mutuel. »
J’igncrai dans le temps cette conversation ; et Courby m’a avoué
depuis que quoiqu’il y eût un côté avantageux pour lui dans la
proposition du sieur de M urol, ces combinaisons d’emprunt et de
signatures brouilloient ses id é es, et confondoient son inexpé
rience ; qu’il s’étoit contenté en conséquence de bégayer un con
sentement évasif, et avoit trouvé un prétexte de se retirer sans
rien terminer.
Mais le sieur de Murol père n’abandonna pas ainsi son plan. Le
20 aoû t, je le vis à Aigueperse. Il parut fâché de ne pas y trouver
C o u tb y , que je l’engageai à attendre. Courby ne revint pas le soir,
et M. de Murol ne partit que le lendemain après dîner. Je ne cher
chai point à savoir le motif de son voyage; je me contentai de le
recevoir avec honnêteté et empressement.
C ’est dans son chemin qu’il trouva Courby ; il le pria de rétro
grader jusqu’à Clermont, et ne le quitta plus jusqu’à ce que les
billets fussent souscrits. Je fus informée de tout cela au retour
de mon époux. Jusqu'alors il m avoit dissimulé l’embarras où
�( 5 )
l ’avoit jeté sa complaisance pour un faux ami ; il me montra pour
18,000 fr. de b illets, qui suffisoient pour le libérer.
Bientôt il s’occupa de placer ces billets à Thiers; et le sieur
de Murol l’ignora d’autant moins, que Courby prit plusieurs fois
un cheval chez lui ( à la Borde ) pour y aller, et je crois même
un domestique.
Dans le courant de septembre, je vis M. de Murol père une
fois à Aigueperse : il parut y être venu pour consulter M. Lagout
sur sa santé, craignant, disoit-il, être atteint d’hydropisie. A son
retour il ne dit rien de la consultation; et cette réserve m’ayant
étonnée, j’en demandai la cause à Courby qui l’avoit accompagné.
Il me répondit q u e , sur les questions de M. L agou t, M. de
Murol avoit avoué qu’une gale traitée avec trop de précipitation
avoit depuis dix ans dérangé sa santé ; qu’il lui sembloit , de
loin en loin, sentir une nouvelle invasion de cette m aladie, et
que sa santé alloit toujours en empirant; que M. Lagout lui avoit
ordonné une certaine eau , dont la recette ou l’adresse étoit
contenue dans un petit imprimé qu’il lui remit.
M. de Murol partit, engageant Courby à aller le voir les der
niers jours de septembre, à la Borde, où ses fils devoient venir
faire une partie de chasse.
C’est au 29 ou 3o septembre qu’on place l’épouvantable ac
cusation qu’ont répandue les sieurs de Murol contre le malheu
reux Courby. Hélas ! ils l’accabloient encore de démonstrations
d’am itié, quand déjà leurs affreux soupçons le signaloient en
public comme un vil crim inel; et le poison qu’ils lui préparoient
étoit bien plus dangereux et plus subtil que celui........ Mais à
quoi tendroit une plus longue réticence; il faut bien m’avouer
à moi-même que Courby est accusé d’un empoisonnement.
C ’est, dit-on, en mangeant des pêches que le. sieur de Murol
père aperçut au fond de son verre un sédiment épais, dont le
gout lui lut désagréable , quoiqu'il eût mangé sans répugnance
les pêches qui avoient été saupoudrées de la même matière. Il
vomit beaucoup, éprouva des douleurs aiguës, eut des ulcères
�( 6 )
dans la b o u ch e, et dit à ses am is, le lendem ain, qu’il croyoit
avoir été empoisonné.
Voilà ce qu’a répandu la famille de M urol, en ajoutant même
que C ou rby, présent ^ disoit en confidence aux assistans : Il n’eu
reviendra pas.
Ici toutes les époques deviennent précieuses, car les événemens postérieurs portent avec eux des conséquences pressantes.
Le jour même de cet événem ent, et le lendemain , les fils
Muro.l, leurs amis, et Courby, firent la partie de chasse projetée.
Le ^6 o cto b re, Courby retourna à la Borde : Murol fds ainé
lui emprunta huit louis pour payer des impositions ce même jour.
Le sieur de Murol père étoit présent, et dit qu’il en faisoit son
affaire.
Le même jo u r , Murol ainé engagea Courby à aller avec lui
voir le curé de Beauregard, et le sieur Parricaud, qu’il n’avoit
pas v u , d it-il, depuis son retour de Paris.
L e 10 octobre, M. de Murol père envoya son domestique à
Aigueperse, avec une lettre d’invitation à Courby pour aller à
la Borde le dimanche suivant, manger un cochon de lait avec
le curé de Beauregard.
En effet, le dimanche suivant, 11 octobre, Courby alla dîner
à la Borde, fit le soir une partie de piquet avec M. de Murol
et le c u ré , et ne revint à Aigueperse que 'le lendemain.
Le 21 octobre, M. de Murol père vint à Aigueperse avec le
nommé Chapus , domestique de son fils. Courby étoit à Gannat,
et j’engageai M. de Murol à dîner.
Quand j’allai donner des ordres à la cuisine, mes domestiques
me recommandèrent de ne pas laisser toucher mes enfans par
M. de M u rol, parce que Chapus leur avoit dit qu’il étoit plein
de gros boutons, depuis un remède que M. Lagout lui avoit
donné.
En attendant le dîner, M. de Murol alla chez M. L agou t,
où Courby de retour alla le chercher.
T ém oin de la prem ière conversation, o n .n e lui cacha pas la
�( 7 )
seconde , et il entendit M. de Murol causer avec M. Lagout de
l’effet de son remède. M. de Murol se plaignit d’avoir eu des
coliques, des vomissemens, et une salivation incommode qui lui
avoit fait naître de petits ulcères dans la bouche. Il termina
cependant par remercier M. Lagout du rem ède, parce que sa
santé étoit, dit-il, beaucoup meilleure depuis quelque temps.
M. Lagout avoua ne pas connoître la composition de l’eau qu’il
n’avoit conseillée qu’en le déclarant ainsi, et sur l’approbation
que sembloient y donner ses confrères. Il ne s’étonna pas des
accidens dont lui avoit parlé M. de M u rol, parce qu’il soupçonn o it, d it-il, que le remède contenoit du mercure.
M. de Murol partit le soir, et recommanda beaucoup à Courby,
s’il venoit à la Borde dans la sem aine, de ne pas traverser l’Allier
qui avoit, dit-il, grossi beaucoup, et où il s’exposeroit.
Il laissa h Aîgueperse une charrette couverte d’un drap , et em
prunta de^Courby une carriole pour faire un voyage àMontluçon.
Le 2Q^3'optombre, le sieur de Murol père vint à Aigueperse
avec un de ses fils, pour rendre la carriole qu’il avoit em pruntée,
et reprendre la sienne avec un cheval de selle que son fils avoit
prêté à Courby depuis deux mois.
Ils parurent désirer reprendre les effets de 18000 francs, si
Courby ne les avoit pas négociés; et Murol fils sembloit seul y
mettre quelque humeur. Courby avoit négocié pour 16400 fr.
d’e ffe ts, pour ses propres dettes ; et il répondit à M. de Murol
p ère, que si la proposition faite par lui-m êm e ne lui conve-
noit plus, il étoit prêt à lui souscrire des effets équivalens; et
il en signa en effet pour 19362 francs , ce qui comprenoit un
intérêt sans doute assez considérable; et je souscrivis moi-méme
ces nouveaux effets dont les sieuçs de Murol sont aujourd’hui
porteurs.
Un mois se passa ensuite sans que j’euS9e rien de commun
avec cette famille. T out d’un coup , au mois de décembre ,
j appris 1 horrible nouvelle que le sieur de Murol accnsoit hau
tement Courby de l’avoir empoisonné, et qu’une procédure cri-
�( 8 )
minelle étoit provoquée par ses fils et lu i, non qu’ils eussent osé
accuser en leur nom , mais à la diligence du magistrat de sûreté
de C lerm ont, qui les faisoit tous entendre comme témoins.
Ce crim e, ces combinaisons, mes idées accablantes, un retour
de comparaison sur les temps cruels des délations et des écha
fauds , tout cela m’ôta le discernement et la réflexion. Je ne
voulus entendre celles de personne. Mon époux partit, et je me
trouvai seule à la vue de ces indifférens qui soupçonnent tou
jours, et ne réfléchissent jamais.
Quoi qu’il en soit, le temps qui s’est écoulé depuis le mois de
décembre a permis à la justice de faire d’exactes recherches. L e
sieur de Murol p è r e , âgé de prés de quatre-vingts a n s , a été
atteint d’une maladie épidémique inflammatoire, à laquelle s’est
jointe une hydropisie. Il s’est mis alors dans les mains d’un ch i
rurgien ignorant, et il est mort dans les premiers jouis d’a v r il,
ayant survécu par conséquent plus de six mois à son prétendu
empoisonnement.
Je n’ai jamais désiré la mort de personne ; mais je le confesse
sans rou gir, la mort de cet homme a ôté de mon cœur un far
deau bien pesant. Ce n’est pas que j’eusse, comme de V itellius,
de la joie à considérer le cadavre d’un ennemi ; loin de moi ce
sentiment de vengeance. Mais je n’ai pu m’empêcher de dire:
C ’est là qu’étoit cachée la vérité ; c’est là que le triomphe de
l’innocent sera écrit par les mains même de la Providence.
Que mes lecteurs me pardonnent .cet aveu d’un mouvement
que je n’ai pu vaincre. Il faut avoir été dans ma position cruelle,
pour sentir qu’elle justifieroit même un sentiment moins légitime.
Me voici donc devant mes juges , incertaine maintenant de
ce qu’il me reste à leur dire; car quand toute la procédure me
ceroit co n n u e, je ne puis sans ridicule me jeter dansja carrière
polémique d’une discussion de droit criminel.
Mais la défense de mon époux sera plus dans la conviction de
íes juges que clans mes efforts. Je n a i voulu que révéler des
faits
�C 9 )
faits de ma connoissance , et sans doute ils vaudront mieux que
mes réflexions.
Un crim e ne se commet pas sans être nécessaire. C o u rb y ,
nanti d’effets signés de M. de M u ro l, n’avoit pas besoin de s©
défaire de lui pour les retenir. On est bien plutôt capable d’un
vol hardi, et sans danger , qu’on ne l’est d’un empoisonnement.
Si le sieur de Murol père est venu tant de fois aprè9 le 29 sep
tembre à A igueperse, et s’il a continué d’appeler Courby à la
Borde, qui pourroit se défendre d’étre convaincu qu’il n’a pa»
cru être empoisonné par lui ; car eût-il cherché la société de1
son assassin ?
Cependant c ’est, dit-on, le jo u r même du déjeûner des pèches,
que le sieur de Murol se crut empoisonné ; c ’est le lendemain
qu’il fit part de ses craintes à ses amis.
S ’il eût soupçonné d’autres personnes , on pourroit se rendre
raison de cette continuation de confiance ; mais le sieur de
Murol a dit encore avoir vu Courby saupoudrer les pèches de
la matière blanche, qui 11e lui répugna qu’au fond du verre, ee
qui lui causa à l’instant même des douleurs et des vomissemeus«
L’idée de l’em poisonnem ent, e t de son au teu r , se seroit d u n e
liée sans intervalle dans son imagination ; et alors com m ent con
cevoir c ette suite de fréquentation jo u rn a liè re , ces repas m ul
tipliés, qui auroient rendu aisée la consom m ation du c rim e ,
et qui n’ont cependant donné lieu au soupçon d’aucune tentative
nouvelle ?
Comment concevoir encore qu’un homme se croyant empoi
sonné le 3 o septembre , se disant tourmenté des douleurs ordi
naires de ce m al, consulte un médecin le 20 octobre , et ne lui
dise pas un mot de ses m aux, ni de se3 terreurs?
Là , au contraire , les vomissemens sont attribués, par le ma
lade lui-méme , à une autre cause. Ils ne l’inquiètent point du
to u t, puisque l’amélioration de sa santé, et le rem e x ciment au
médecin , sont le seul objet de sa visite.
Cette bonne santé se soutient pendant quatre mois consécutifs,
B
�( IO )
fit il tonibe-enfin malade. Est-il mort d’hydropisie ? est-il mort
d’une inflammation dans le ventre ? On dit l’un et l’autre. On
dit aussi qu’il a été traité de l’hydropisie, et que la ponction lui
a été faite deux fois dans le mois qui a précédé sa mort,
r Je n’entends rien en médecine : mais les effets de l’arsenic
sont connus de tout le monde; il passe pour le plus mortel et
le plus prompt des poisons.
Si son action est brûlante et corrosive, si le premier contact
produit des. ulcères dans l’instant même , com m ent concevoir
qu’un homme empoisonné devienne lentement hydropique ;
qu’une surabondance d’eau exige deux ponctions ; qu’il ne se
manifeste d’inflammation que dans le bas-ventre, sans lésion des
viscères supérieurs?
<
Le cadavre a été vu , dit-on, par des docteurs délégués par
la cour criminelle. Je n’ai garde de supposer qu’ils se soient
livrés à des conjectures ; ils n’avoient point, comme les Arusp ic e s , à consulter les entrailles d’une victim e pour présager
l’avenir. Leur tâche plus facile a été de chercher dans le corps
d’un hom m e, mort hydropique, si des traces de poison étoient
visibles , et de vérifier les corrosions qu’auroient dû recéler
l’estomac et les premières voies.
•
'
Si le poison n’a pas été visible à leurs yeux , le sera-t-il à la
conscience du juge?
On prétend que C o u rb y, au lieu de donner du secours à M. de
M u ro l, les 29 et 3o septem bre, a dit à plusieurs valets de la
maison qu’il étoit vieux et ca ssé, qu’il ne guériroit pas ; et de
commentaires en com m entaires, on va presque jusqu’à y voir
un aveu de son crime. C ’est ainsi que la malignité interprète
les expressions les plus indifférentes. Mais comment ne pas voir
qu’un coupable, dans cette position, auroit au contraire affecté
ce qu’il ne sentoit pas , et multiplié ses soins pour n’être pas
soupçonné.
Il à , dit-on encore , demandé à un pharm acien, après l'empoi
sonnement , et dans la r u e , si 1 opium étoit un poison qui fit
�( 11 )
souffrir long-temps. Autre arme de la m échanceté, pour en tirer
xine conséquence à charge. J’ignorois ce fait, et j’ai même des
raisons de suspecter ceux qui l’ont accrédité. En cherchant dans
le passé à quelles époques j’ai vu mon époux attristé de l’embarras
subit où la faillite d’un ami l’avoit je té , je n’ai pas trouvé dans ma
mémoire qu’il ait eu jamais des instans de désespoir, ou du moins
il n’en a pas manifesté en ma présence. Il savoit d’ailleurs que je
viendrois à son secours ; et je suis humiliée que pour 18000 fr. et
surtout pour une dette d’honneur, on puisse croire que mon
époux se trouvât réduit à attenter à ses jours.
<
Quant à toute autre version, je la dédaigne. Quel insensé concevroit l’idée qu’il pourroit faire avaler de l’opium à son ennem i,
c ’est-à-dire, la plus amère des potions, sans qu’il la refusât, ou
qu’il pourroit la glisser à dose suffisante parmi ses alimens?
*
Celui qui pour se défaire d’un homme veut l’empoisonner, a
pour première pensée d’ensevelir en lui même le secret de son
crime. S’adresse - t-il à un pharm acien, il est le premier qu’il
trompe; et à moins de croire l’empoisonneur sans bons sens, on
ne supposera jamais qu’il ait parlé de la inort au pharmacien à qui
il deinandoit du poison.
Mais qu’aura gagné la calomnie à tout cet amas de faits incohérens, et de petits détails exagérés par la passion, ou grossis par
les circonstances? car, s’il n’est pas constaté qu’il y ait empoison
nement , il n’y a pas de coupable à chercher.
Vaut-il mieux abandonner ce qui se présente à l’idée la plus
simple, et substituer des fictions ou des conjectures , à ce qu’ou
conçoit avoir été un effet de l’ordre naturel des choses ?
Et parce qu’un vieillard, d’un tempérament u sé, est mort à
près de quatre-vingts ans, faudra t-il s’obstiner à croire qu’il n’a
dû mourir que d’une mort violente?
S il n étoit mort que du plus subtil des poisons, auroit-il résisté
six mois? auroit-il surtout passé quatre mois dans le meilleur
état de santé qu’il ait eu depuis dix ans?
Certes, je n’ai pas cru un instant qu’aucun homme au monde
B 2
4
�( 12 )
put dire en son âme q u ’il est convaincu de la réalité du crim e,
et que Courby mérite la mort : je l’ai cru encore moins de ses
juges, pour qui le premier devoir est de ne se rendre qu’à l’évi
dence. Mais il m’importoit aussi de détruire jusqu’à l’apparence
d’un crime dont l’idée seule m’accablera jusqu’à ce que le soup
çon même en soit détruit pleinement.
Je ne sens que trop de quelle influence cet événement sera
pour ma destinée future ; car le malheur d’un aussi cruel soupçon
ne peut se réparer qu’à la longue ; et j’ose croire que les cica
trices de la calomnie ne seront point ineffaçables. La conduite
à venir de mon époux se réglera, je l’espère , sur les circons
tances dans lesquelles sa mauvaise étoile l ’a placé.
Je puis donc voir encore le bonheur renaître dans mon asile;
et si c ’est une illusion, que du moins un si flatteur horoscope
ne soit pas enlevé à une mère : mon époux, rendu à sa fam ille,
ne verra dans son infortune passée que le devoir sacré d’en effacer
jusqu’au souvenir. Il peut encore, malgré la calomnie, transmet
tre à ses en fans un nom sans ta ch e, et vivre avec honneur dans
leur mémoire.
C O U R B Y , née R O L L A T .
I
�CONSULTATION. :
L e C O N SE IL SO U SSIG N É , qui a lu le mémoire de la dame
R o llat, femme Courby ,
»
*
, d’après les faits contenus audit mémoire , que si les
médecins délégués par la cour criminelle pour examiner le ca
davre du sieur de M urol, n’ont pas trouvé de traces de poison',
Ou s’ils n’ont pas exprimé une opinion certaine et fondée sur ce
genre de m ort, il paroit impossible qu’un jury se déclare con
vaincu que le sieur Courby est coupable.
E s t im e
O n n’a pas accusé le sieur C ourby d’une simple tentative d ’em
poisonnem ent , mais bien d ’un em poisonnem ent effectué avec de
l’arsenic jeté sur des pèches. P a r conséquent il ne faut pas se
borner à exam iner s’il y a preuve de la ten ta tiv e, mais il faut
savoir s’il y a un em poisonnem ent et un coupable.
La question préalable d’une instruction criminelle est de cons
tater le corps d’un d é lit, de même que la première chose à exa
miner par le jury est de savoir si le délit est constant.
Car il n’est pas besoin de chercher s’il y a un coupable, lors1 qu’il n’y a pas certitude qu’il y a eu un délit : D e re priusquàm
de reo inquirendum est; e t , comme le dit Dom at en son Traité
du droit public : « C ’est le premier et le plus indispensable des
« devoirs. Cette preuve est même tellement essentielle, qu’elle
« ne peut être suppléée ni par les dépositions des témoins , ni
« par des conjectures, ni même par la confession de l ’a c c u s é . »
D après c e la , peut-on bien dire que le corps du délit imputé
au sieur Courby, est constant, et qu’il est c e r t a i n qu’il y a eu.
empoisonnement? R ie n n e paroit au c o n t r a ir e moins prouvé.
�( i4 )
Aucun rapport de médecin ou chirurgien ne paroit avoir pré
cédé la mort du sieur de Murol : lui seul a eu quelques soupçons
que rien n’a vérifiés. Ainsi , jusque-là aucun corps de délit n’est
constaté.
Après la mort du sieur de M u ro l, la cour criminelle a bien
fait ce qui étoit en elle pour constater le corps du délit , puis
qu’elle a commis des hommes de l’art pour visiter le cad avre,
et en décrire l’état. Le rapport qui a dû en être fait sera soumis
au ju ry , s’il est antérieur à l’acte d’accusation ; et c ’est là où
le jury puisera principalement les idées qui appelleront sa con
viction sur le fait de savoir s’il y a un d é lit, c ’est-à-dire, s’il
est constant que le sieur de Murol père est mort empoisonné.
Sans doute la présence du poison n’est pas toujours visible ;
mais son effet n’en est pas moins marqué par des signes exté
rieurs , surtout quand le malade en a été victim e, et quand il
s’agit d'un poison aussi violent que l’arsenic.
Aucun auteur n’a mieux décrit les effets de ce poison , et les
signes auxquels on peut les connoitre , que M. Ma lion , en son
Traité de médecine légale; et c ’est le meilleur guide qu’on
puisse avoir pour raisonner sur une matière aussi grave et épi
neuse.
Les poisons corrosifs, dit cet auteur, tuent très-promptement,
et leurs effets s’annoncent avec une rapidité qui ne.permet guère
de douter de leur emploi. (T o m e 2 , p. 2.yS. )
L ’arsenic est soluble dans tous les liquides ; c ’est le plus in
domptable des poisons : il ne peut être mitigé , ni masqué en
aucune manière, ( Page 276, )
Quand il y a soupçon d'empoisonnement, tout m édecin, avant
d’inspecter le corps , doit s’informer soigneusement de IVige,
du sexe , du tempérament , des forces , du genre de vie du
, s’il étoit sain ou malade
combien de temps il a
vécu depuis, de quelles incommodités il s’est 'plaint , quelle
espèce de régime ou conduite il a observée ap rès, s’il a été
secouru par un médecin expeiimenté ou par des ignoransu
d é f u n t
( Pajje 26G. )
,
�( i5 )
Après cela, l’inspection du cadavre consiste à examiner l’état
des parties extérieures et les signes intérieurs du corps.
Q u a n d l’arsenic n’est pas conservé en nature dans quelques
viscères , ce qui arrive fréquem m ent, sa présence est au moins
manifestée par des traces de lésion et de corrosion assez remar
quables dans toute la route qu’il a parcourue (1) ; son action va
même jusqu’à se manifester au-dehors (2) ; et quelque nombreux
encore que soient ces signes , le médecin , comme le ju ge, ne
peuvent se croire convaincus que par leur ensemble.
Ici il faut d’autant plus de circonspection , qu’il s’agissoit d’un
sujet vieu x, et dont la santé paroissoit altérée depuis long-temps.
Des douleurs internes et des vomissemens sont, dit-on, le seul
indice de poison qu’il a remarqué lui-mémé (3). Mais une foule
(1)« 2°. L ’érosion inflammatoire, gangrène, taches éparses dans l’œsophnge,
l’estomac, le pylore, les intestins, le sphacèle de ces parties. — Quelquefois l’es
tomac p ercé, — le sang coagulé, — le péricarde rempli d’ un fluide jaunâtre ou
corrom pu, les autres viscères ramollis et comme dissous, parsemés d’hydatides,
de pustules, de taches; le coeur flasque et comme racorni; le sang qu’il contient,
noir et presque solide; le foie noirci, ou livide, ou engorgé. »( M alion, pag. 272.)
« On voit enfin, tant extérieurement qu’intérieurem ent, des vessies disper
sées ça et là, remplies d’ une sérosité jaune ou obscure, et presque toujours d’une
odeur désagréable. » ( Ib id , pag. 273. )
(2) « Distension.excessive de l’abdom en, au point d’en menacer la rupture •
— taches de différentes couleurs sur la surface du corps, surtout au dos aux
pieds, à l’epigastre; — la prompte dissolution, quand la personne est morte du
poison. On peut trouver dans la dissection du cadavre des indices certains d’ em
poisonnement: — la roideur des membres, la tuméfaction du ventre, ne sont
pas des signes constans ; — mais ce qu’il y a de constant dans les cadavres des
personnes qui ont péri d’ un poison âcre ou caustique, c’ est de trouver l’oesophage,
l’ estomac et les intestins grêles, atténués, enflammés, gangrenés, rongés et sou
vent percés.... Il suffit de résumer ces signes, pour être convaincu de la néccssilé^de ne jamais se décider que par leur ensemble. » ( Ibid . p. 270, 271 , 307. )
( >) « Quand on n a pas été ci temps d ’examiner la nature du vomissement, que
les sympLÔmes sont passés, que le malade est guéri , peut-on tirer des indices
suffisans de l’assertion du plaignant, et de celles des personnes qui l’ont assisté?
— Je ne le pense pas. » ( Ib id . pag. 3o 6. )
�( 16 )
d’alimens, même très-sains, peuvent fournir les mêmes résul
tats (1).
Il parolt que le sieur de Murol avoit été mal traité d’une
gale. Les empiriques ont pour ces sortes de maux des remèdes
dont la promptitude séduit le m alade, mais dont l’effet double
ment funeste consiste à faire rentrer dans la masse du sang une
humeur vicieuse, dont la nature cherchoit à débarrasser le corps:
et s’ajoute à ce mal réel, le mal plus grand peut-être du remède
lui-même. Aussi est-il constant qu’ une éruption rentrée suffît:
seule pour agir mortellement sur l’individu, et laisser des traces
presque semblables à celles du poison (2).
L ’opinion qu’a pu avoir le sieur de Murol lui-même sur son
état, ne doit pas être d’un très-grand poids; car 011 sait com
bien un m alade, et surtout u n vieillard, est sujet à se frapper
l’imagination : pour peu que ses craintes soient accréditées par
quelque soupçon, il ne trouve plus rien que d’ extraordinaire dans
son état, et il s’obstine à ne pas croire que des maux naturels, ou
la caducité , puissent être l’unique cause de son dépérissement.
Cependant la plupart des maladies vives s’annoncent par une
invasion soudaine ; et cette rapidité même semble tellement inex-
(0 a Q u’ un hom m e ait mangé des alimens difficiles à d ig ére r, ou faciles à
entrer en putréfaction, il peut arriver que quelque temps après il se trouve
très-m al, et qu’il ait tous les symptômes du poison, jusqu’à mourir.
» J’ai vu une châtaigne rô tie, avalée toute entière, donner tous les signes
de l'empoisonnement. Les têtes et pieds de ve au , les écrevisses, les huîtres,
les vins troubles et avariés, ainsi que les vins frelatés, ont très-souvent aussi
produit cet effet. « ( M alion, pag. 299. )
(a) « Certaines maladies laissent sur les cadavres des traces peu différentes
des signes ordinaires du poison. »
a U ne éruption rentrée, une affection scorbutique très-avancée, une bile
très-Acre, etc. — Mais par une contemplation réfléchie des syrtiptômes, ct la
comparaison que le médecin en fera avec les signes que porte le cadavre, il
distinguera aisément les restes d’une maladie violente > d’avec les caractères de
l’empoisonnement. » ( Ib id . pag. 3 i 3. )
p lica b le ,
�( i7 )
plicable, qu’on repasse alors dans sa mémoire jusqu'aux moindres
détails qui ont précédé; les choses quiétoient auparavant les plus
simples se grossissent, la crédulité s’en empare. P o st hoc, ergo
propler h o c , se dit - on ; et ce raisonnement de l’ignorance n’en
séduit pas moins quelquefois les personnes les moins prévenues.
Un soupçon alors, né du plus léger indice, acquiert bientôt de
la consistance, à tel point que les explications les plus naturelle»
sont dédaignées ; le préjugé l’emporte sur l’expérience ; et on ferme
les yeux sur les exemples plus frappans, qu’on a eus souvent sous
les y e u x , des bizarreries de la nature, et des accidens de la vie (1).
Car en cette matière , dit le docteur C o ch in , et quand il s’agit
de juger des poisons, les conjectures les plus vraisemblables ne
sont souvent que des illusions (a).
Le célèbre auteur Zacchias avoit été consulté sur un événe
ment presque semblable à celui du sieur de Murol. Un individu
avoit fait un ample diner avec un am i, et ne tarda pas à éprouver
de grands malaises qui furent suivis d’un prompt dépérissement.
Il devint subitement pâle et exténué, perdit la raison , et mourut.
Le diner ayant été son dernier acte de santé , les soupçons s’é
levèrent contre celui qui l’avoit partagé ; il fu t mis en prison.
L e cadavre fut ouvert, et Zacchias y trouva les intestins trèsenflés, le sang coagulé dans les ventricules du cœ ur, la substance
même du cœur d’une couleur dégénéiée, la tête et les lèvres
grosses, les poumons livides et adhérens, le foie corrompu.
T ou t cela pouvoit paroltre des signes de poison. Mais ce docte
(i) « Il est une infinité de maux sourds, qui augmentant insensiblement en
intensilé, peuvent avoir affligé un homme depuis longues années, sans qu’il
s’en soit lui-même beaucoup aperçu, et q u i, éclatant tout à coup, paraissent
inconcevables à ceux qui ne sont pas au fait des divers accidens de la v ie , et
qui ont l’imagination préoccupée. » ( Ibid. png. 317. )
(a; Qucst. du poison, t. i«r. , png. 4 ' Recherches sur les signes anatomique*
et judiciaire* des signes ¿ ’empoisonnement, par M . de lk t z .
G
*
�I i8 )
médecin no chercha que dans son art et dans son génie des con
séquences que la prévention auroit dénaturées, s’il se fût aban
donné aux fausses impressions de l’opinion publique.
Dans une consultation très-méthodique et très-savante, Zacchias suivit pas à pas tous les symptômes décrits; et il fit résulter
de leur ensemble, que l’homme étoit mort de la jaunisse.
Il ne jugea pas possible que ces sym ptôihes fussent nés du
p o iso n , puisque la natu re n ’avoit pas fait un effort continuel et
sans re lâ ch e , pour se débarrasser de cet ennem i dangereux ( 1 ).
Il y avoit eu un vomissement soudain ; mais il avoit cessé ; mais
il n’y avoit pas eu de ces douleurs opiniâtres et de ces angoisses
toujours croissantes, qui dénotent une prochaine dé génération
des solides Ta).
La corruption du foie et l’adhérence des poumons avoit paru
de quelqu’importance a Zacchias ; mais il pensa que si la cause
en lut venue du poison, l’estomac et le cœur auroient dû. être
lésés et corrodés auparavant (5).
D ’après cela Zacchias n’hésita pas à prononcer que le malade
n’étoit pas mort de poison, mais d’une maladie naturelle (4).
Les auteurs qui ont écrit sur le droit criminel ne conseillent
pas une moindre circonspection dans les jugemens qu’on peut
porter sur de semblables matières.
(1) « A c c id e n c ia , s i e x veneno adm inístralo superveniant , s o len t , cum
Ímpetu quodam , ac vehem entia apparére , non tolerante natura, vim improvistim ipsius veneni.-n ( Z a c h . Consil. 16. )
(aj « V om itas indf.sinens, m olestia in to lera b ilis, d olorespernecabiles ,
•lip olh y m ia , syncopis , et alia. » ( lb id . )
« Primo et antequám hepar leedatur , necease est Itedi stomachum
jitq u e etiam cor. » ( l b i d . )
(4 ) “ Igitlir eX P ratd ic tis p atet N... d propinato veneno n o n fu isse fixlin ctu n i, s e d potiüs á morbo yuodam n a tu ra li.» ( l b i d . )
�(- i 9 )
a Plus l’accusation de poison est grande, d itM . T>rév6t,cé« lèbre crim inaliste, plus on doit examiner avec soin si elle est
u fondée. La mort est tous les jours accompagnée de symptômes
« qui en imposent sur cet article. Ainsi il faut user de beau« coup de prudence, observer avec soin si les accidens dont
« se plaignent les personnes qu’on dit empoisonnées sont ab« solunjent les suites du poison : si la personne empoisonnée
« est m orte, l’ouverture doit apprendre et constater le poison ;
« il se manifeste clairement par les premières v o ie s, etc. »
CPrincipes sur les visites et les rapports, pag. 226. J
Il y auroit donc bien du danger à s’en tenir à de simples
soupçons, ou à des indices équivoques, dans une matière d’aussi
grande conséquence. Car il suffit que d’autres maladies pré
sentent des signes semblables à ceux du poison, pour que dans
l ’incertitude il faille juger qu’il n’y a pas de preuve d’empoi
sonnement (1).
Car qui pourroit, en matière crim inelle, juger par de simples
indices , lorsque les lois elles-mêmes exigent des renseignemens
certains , des indices indubitables , et des preuves plus claires
que le jour (2) ?
Mais que peut-on entendre par ces indices indubitables? Les
criminalistes prennent encore la peine de les signaler de ma
nière à ne pas s’y tromper. Il faut que l’esprit du juge en soit
frappé et même contraint au point de ne pouvoir pencher pour
l’opinion contraire. C ’est la situation de l’â m e , dans laquelle
(1) « N on d icitu r probatum veneni C rim ea, e x probatione continui
vom itus , v el e x livore corporis , a u t spumis e x ore J ìlu e n tib u s , quia
^htec tigna, p o ssim i eliurn e x p estiferà f e b r e , a u t a cu to mot h o , citrà
veneni causam orire. » ( F arin a c. q u a si. 2 , n°. 3 a , p m x . crìm . )
(2) « M u n ita s it ap ertissirn is d o cu m en ti* , v e l in d ic iis a d p ro b a tio *
tionem in d u b ita tis e t lu ce cla rio rib u s. » ( L . S c ia n t , co d . D e proba t. )
�( 20 )
l’esprit se repose sur le parti qu’il vient de prendre comme sur
une découverte assurée et satisfaisante, sans revenir jamais à
hésiter dans la conviction qu’il vient d'acquérir (1).
Ces maximes sont puisées dans la loi elle-m êm e, qui ne veut
pas qu’on puisse condamner un individu sur de simples soup
çons (2), parce qu’en effet l’expérience prouve que celui qui
com m ence à soupçonner, ne voit jamais comme il doit voir (3 );
ce qui a fait dire à M. Domat que le juge doit se défier de la
première impression qu’on lui donne dans une affaire , parce
qu’elle est malgré lui le mobile de sa conduite, et qu’il ramène
tout à cette opinion (4).
Si d’après l’examen de tous ces principes généraux, il faut se
former une opinion, le conseil n’hésitera pas à dire que s i , comme
on paroît le croire , les médecins délégués par la cour criminelle
n’ont pas attesté avoir trouvé dans le corps du sieur de Murol
dès traces de poison , il est impossible de penser qu’il y ait ni
conviction de culpabilité, ni même conviction d’empoisonne
m ent ; c a r, comme le dit la dame Rollat dans son m ém oire,
si le poison n’a pas été visible pour les médecins , comment le
seroit il pour un jury?
Il n’y aura pas de corps de délit , et par conséquent il sera
inutile de chercher un coupable.
Les circonstances qui ont précédé et suivi l’évén em ent, ne
semblent pas même donner lieu à des soupçons bien fondés ; et
(1) « In d iciu m in d u h ita tu m e s t q u o d co a rcta t m entem ju d i c is ila u t
om ninù c r e d a t , neo p o ssit in contrariant in clin a rr. R s t dem onstratio
rei p e r signa su fficien tia p e r <juce anim us in a li quo tanquam ex isten te
36 , n°. 35. )
(2) « Ne suspicionibus quemqnam damnari oportere divus Trajanus
scripsit. » ( Tj. Abs. ff. Pœnis. )
(3) « Q u i tn s p ic a tu r p lu s se videra p u ta t. » ( E x tr a d e testib . )
q u i esc i t , e t p lu s investigare non cu râ t. » ( l'a r in a c. qucest.
(4) T r . du droit public.
le
�( 2.1 î
le résultat achève même de détruire la première impression qu’une
semblable accusation ne manque jamais de répandre.
L e sieur Courby étant dépositaire d’effets signés du sieur de
Murol p ère, quelle qu’en fût la som m e, l’envie de se les appro
prier a bien pu faire croire que l’empoisonnement avoit été un
m oyen d’y parvenir. Mais rien n’empéchoit le sieur Courby de
garder ces effets, et de s’en dire le maître : l’ usurpation des
billets étoit même plus solide sans crime.
La conduite amicale du sieur de Murol envers le sieur Courby,
depuis le 29 septem bre, est le meilleur témoignage que ce der
nier puisse avoir; et si le sieur de Murol a dit à la justice avoir
eu des soupçons' dès le jour m ê m e , ou il a.été bien inconsé
quent , ou ses soupçons ne méritent pas une grande confiance.
On ne voit pas que le 29 septembre il ait appelé à son secours
aucun homme de l’art ; par conséquent il ne faut pas croire qu’il
ait eu d’aussi grandes souffrances , ni une aussi grande terreur
qu’il a pu le dire a p rès, lorsqu’il étoit atteint d’une maladie
chronique.
B ientôt au contraire il reprit son régim e accoutum é. L ’es
tom ac paroit avoir fait ses fonctions com m e auparavant ; et il
est bien difficile de concilier c et état de santé parfaite avec la
dégénération progressive qu’auroit dû opérer la présence de l’a r
senic , en quelque petite quantité q u ’on le suppose.
Il faudroit même admettre que le poison a été pris à grande
d ose, si les pêches en étoient saupoudrées , puisqu’elles ont été
avalées entièrement avec le vin , et que le sieur de Murol n’a
répugné au poison que pour la portion demeurée au fond du
verre. Le véhicule auroit donc été suffisant pour porter une
grande quantité d’arsenic dans les premières voies.
O r , il est impossible que les effets de ce poison eussent cessé
tout d’un coup , et n’eussent laissé aucunes traces.
( Le fait articulé , que le sieur de Murol a subi deux fois l’o
pération de la paracentèze , ou ponction , prouve qu’il a été
�(
22
)
considéré comme atteint d’hydropisie ; et ce traitement achève
de détruire toutes les incertitudes.
Il
y a donc lieu de conclure que les soupçons du sieur de
Murol n’ont eu aucun fondement réel ; qu’à soixante-quinze
an s, et avec les circonstances qui ont accompagné sa m ort,
elle n ’ a eu rien que de très-naturel.
D
é lib é r é
à R iom , le 16 juin 1807.
L. F. D E L A P C H IE R , avocat; B A R TH E LE M Y , doct. m éd.;
A N D R A U D , avocat; C H O SSIER , doct. m éd.; PAGÈSM E IM A C , avocat ; G E R Z A T , doct. méd. ; P A G E S ( de
Riom ) , avocat ; M A L B E T , doct, méd.
A R I O M , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Juin 1807.
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Rollat, Eléonore. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Barthélémy
Andraud
Chossier
Pagès-Meymac
Gerzat
Pagès
Malbet
Subject
The topic of the resource
abus de confiance
prêts
empoisonnement
Murol (famille de)
homicides
Description
An account of the resource
Mémoire pour la dame Eléonore Rollat, épouse de François Philippe Courby, habitant à Aigueperse [suivi de ] Consultation.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
1807
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0613
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0334
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aigueperse (63001)
Thiers (63430)
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empoisonnement
homicides
Murol (famille de)
prêts
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PDF Text
Text
M
E
M
O
I
R
E
.
RECONNOISSANCE
DE
PATERNITÉ.
�COUR
D ’A P P E L
M
É
M
O
I
R
E
SÉANT
A RIOM.
P O UR
J a c q u e s C H A V E , appelant ;
C O N T R E
r
♦
Jeanne
V A L L A , et E l i s a b e t h F E R R IE R ,
sa fille y majeure, intimées.
' ’
L a recherche de la paternité est interdite , et c’est
dans nos mœurs un scandale de moins. Dans ce secret de
la nature , le législateur ne pouvoit que s’en rapporter à
la crédulité de l’h o m m e, ou se jeter dans le vague des
conjectures : le prem ier parti seul é toit juste; la loi l'adopte;
et aucun enfant naturel n’a le droit de nommer son père
que celui qui a v oulu se déclarer tel.
N ul acte ne doit donc être plus lé g a l, plus lib r e , que
cette déclaration. L e soupçon seul de contrainte est incom
•
A
�( o
patible avec elle ; car si elle n’est pas clairement l’effet
spontané de la réflexion , le but m oral de la loi n’existe
plus.
L ’appelant réclame contre l’oubli de ces principes, et se
place sous la protection de la c o u r, pour faire annuller un .
acte in fo rm e, auquel on l’a fait participer par la violence ;
il demande à n’être par forcé de reconnoître un enfant
qui ne fut jamais le sien.
Les premiers juges n’ont pas voulu admettre la preuve
qu’ il étoit à même d’offrir ; et si cette opinion pouvoit
p révaloir , il en résulteroit que , contre le vœu de la l o i,
un hoinme donnerait son nom m algré lui à un enfant
naturel y seroit contraint de prendre soin d’un étranger>
et de lui laisser sa succession.
;i a T : •
F A I T S .
Jeanne V a lla , et Elisabeth F errier, sa fille, habitent le
lieu de M a z e t, m airie de Cliambon. Leurs habitudes et
leurs mœurs étoient à peine connues de Jacques C have,.
qui demeure à la distance d’environ une lieue de leu r
dopiicile.
Son âg e, plus avancé même que celui de la m ère, ne lui:
eût donné aucun prétexte de se rapprocher delà fille. U n
séducteur à cheveux blancs est rare *, au village il ne connoît pas l'oisiveté qui nourrit les illusions, et la m onotonie
de ses travaux rustiques avance l’amortissement de ses
sensations, en occupant toute son existence.
j.
Ces femmes étoient donc absolument étrangères à Cha vc,.
lorsque tout d’un coup il s’est trouvé mêlé ¿1 leur destinée
�(3 )
par une de ces sourdes manœuvres que l’enfer seul peut
faire concevoir.
•
. U n matin à huit heures ( le 21 germinal an.9 ), Jacques
C h a v e , m alade, eàt brusquement arraché^ d^son lit par
deux frères de la fille Ferrier , suivis de trois auti'cs jeunes
gens armés de bâtons ou de fourches. Il se disent envoyes
par le sieur de B annes, maire de Ghambon , et comman
dent à Chave de les suivj^ dans la maison de ce sieur de
Bannes. Il s’habille et le^uit.^,, ......
^
L à il trouve Jeanne V alla qui.¡paroît en grande.colère,
l ’accueille par des injures grossières, lui dit que sa fille est
accouchée, depuis quinze jours , d’un garçon dont il est
le p è r e , suivant le r é c it é e sa fille et de^Mv l,e maire (de
C h am b o n , et qu’il faut, ^igner, sur le champ l’acte de,
naissance.
■ ..
. -1.
C h a v e , é to u r d i d’une v e s p é r ie aussi in a tte n d u e , pressé
entre les cris de la m ère , les coups de poings des frères ,
et les menaces de leurs trois hommes d’escorte, veut élever
la v o ix , et invoquer la notoriété publique; des,bâtons sont
levés contre lui pour toute réponse : il sollicite la justice
du maire , mais le maire le prend à part pour lui dire
qu’il falloit céder à la circonstance, et que sa vie n’étoit
pas en sûreté. L ’avenir a appris à.Çhave quel intérêt près-,
sant le maire lu i-m êm e avoit à pe, que la calomnie eût
une direction certaine.
,
j’ *
, )
:l
O n compi’end alors que cette dernière insinuation a
ébranlé le courage de Chave. L e sieur de Bannes prend
aussitôt le registre des actes, y efface q u e lq u e s mots, en subs
titue d’autres, et remet une plume à Chave : une seconde
résistance amène de nouvelles violences. Il fflit enfin ce
qu’on exige \ il signe.
�(4 )
E n sortant de chez le m aire, les satellites le mènent au
cabaret, se font donner a boire, le forcent à p ayer, mettent
l’enfant dans ses b ras, lui font les plus horribles menaces
s’il.dit un m ot ; et se retirent:.
Sans doute il manque à ces faits beaucoup de circons
tances im portantes; mais Chave , glacé d’épouvante ,
étoit-il libre dû réfléch ir? L a plupart de ces détails ont
échappé 'à°sa; ta'érfibirè,1 ott pltitôt i\ son attention.
Enfin C h ave, revenu de srînJètoàrdissem ent, put i*éflé~
efrir sifr ïéy fcâtféfruëmîes' dé 'l’âcte* qu’ on venoit de lu i
extorquer ;'e t sütU’é parti qu’il avoit à prendre.
Lîï dém arche la ptus pressée et la plus indispensable,,
étoii de se débarrasser de' l’innocëüte créature* qu'uné'
irtèrë1dénritiitéë1avo it rejetée1'd e ses1 bras poufc l’aban-donner aux soins d’un étranger. Chave hésita s’il 1&
rap p o rtero it, dans la nuit , à la porte des F e rrie r: cepen
dant la religidû , l’hum anité', peut-être la terreur pour
Îirî-mêm’é , Fefri^ortèrent sur son d é g o û t, et il fit porter
Penfant à unë nourrice;
M ais aussitôt, et en signe de sa protestation, il rendit
plainte a a juge de paix de T en ce ; le juge de paix lerenvoya au magistrat de sûreté : mais comme la plainteétoit dirigée aussi contre le m aire, les autorités déli
b érèren t, et ne résolurent rien..
!:l '
Chave in q u ie t, et ne voulant pas que ¿on sileilce pût
déroger à son drrti't, se'décida à citer, le 5 floréal an 9
tant Jeanne V alla et sa fille , que le maire lu i-m ê m e ,
pour vôrr dire q u ’il scrôit r^ titu é côtitfü la reconnbissrince de paternité qüi lui avoit été extorquée par la
violen ce, et qtie le jnail'C seroit tenu de ra^çr du registre
�( 5)
ce qui concernoît ladite reconnoissance ; et la m ère et
la fille pour être condamnées à reprendre l’en fan t, payer
ses alimens chez la nourrice , avec dommiiges-intérêts.
O n pense bien qu’au bureau de paix la fille F errier
ne manqua pas de fqire la réponse d’usage, qu’elle avoit
été séduite et abusée sous promesse de m ariage , et qu’elle
seroit en état de prouver les familiarités de Chave avec
e lle ; celui-ci Pen d éfia, et ajouta même qu’il offroit de
prouver ce u x avee qui elle àvoit eu fréquentation.
T o u t cela étoit de trop de part et d’a u tre , puisqu’il
n’est permis de rien prouver ;. et la fille F errier ne1
risquoit rien à faire bonne contenance. Q uoi qu’il en
so it, un prem ier jugem ent, du 28 pluviôse an 10 , m it
le maire hors de procès, comme ne pouvant être jugé
sans autorisation , et appointa les autres parties en droit.
C e t a p p o in te m e n t ne fournit p as p lu s d ’é c la irc is se
ment. Chave persista toujours à offrir la preuve de la
violence exercée contre lui ; et les femmes F e r r ie r , qui
au bureau de p a ix , n’avoient paru avoir aucune crainte,
firent leurs efforts pour soutenir cette preuve inadmis
sible. L eu r système p ré va lu t; et le 14 fructidor an 1 0 ,:
le tribunal d’Yssengeaux rendit le jugement qui suitt■
« Considérant que Particlo 2 du titre 20 de l'ordonnance de 16G7
défend de recevoir la preuve par témoins contre et outre le contenu
aux acte6 publics; qu’à la vérité la fo rce, la violence, sont un
moyen pour les faire rescinder, mais qu’en ce cas il faut articuler
de menaces graves , qui feroient craindre pour Ja vi e metus mortist
ou que la partie obligée auroit souffert c h a r t e privée, ainsi que
renseignent Dom at en ses Lois civiles, et Polliier en son T raité
des obligations j
�( 6)
» Considérant que Jacques Chave n'a articulé qn’iî lui ait été
fait aucune m enace, ni qu’il ait été commis aucun excès sur sa
personne, ni dans son dom icile, ni dans celui du maire où il s’étoit
rendu pour reconnoitre pour lui appartenir l’enfant dont s’étoit
accouchée Isabeau Ferrier; et qu’étant dans ce dernier dom icile,
il pouvoit articuler sans crainte les excès ou menaces qu’il auroit
éprouvés, contre ceux qui s’en seroient rendus coupables envers
sa personne. »
Jacques Chave est débouté de toutes ses demandes tant princi
pales que subsidiaires, et il est condamné aux dépens.
Cependant Chave avoit offert expressément de faire
preuve de menaces et violences : ses écritures en font foi.
Il étoit privé alors d’un moyen important. L ’expédition
de l’acte de naissance produite alors au procès, ne mentionnoit ni les surcharges ni les ratures ; elle étoit délivrée
par le sieur de B annes, m aire, qui avoit trop d’intérêt
à en cacher l’irrégularité pour la faire soupçonner. A u
reste, Chave s'est pourvu en la cour contre le jugem ent,
et il sera question d’exam iner de quelle influence la form e
de cet acte doit être pour la décision du procès.
M O Y E N S .
L ’ancienne législation française étoit extrêmement dure
contre les enfans naturels', et cependant, par une étraijge
inconséquence, elle admettoit les preuves de paternité
sans distinction. A u jourd ’hui la loi a fait pour eux
davantage : mais sans vouloir percer le m ystère; qui
couvre leur naissance, elle rejette désormais les proba
bilités et les fausses conséquences ; elle ne voit dans
l’enfant né hors le mariage qu’ une innocente créature
�k
(7)
digne de la pitié de tout le m o n d e, mais ne tenant à la
société que par celle qui lui a donné le jour. Si cepen
dant un homme , guidé par des apparences qu’il aie droit
d’apprécier lui^ -m êm e, et cédant à l’impulsion de sa
conscience, veut se donner le titre de p è r e , la loi le
lui perm et, s’ il n’est engagé dans les liens du mariage :
mais comptant pour rien aujourd’hui toutes les démons
trations extérieures, elle exige une déclaration authenti
que et non équivoque ; elle prescrit à l’acte uue solen
nité plus grande que pour la naissance même de l’enfant
légitim e.
L ’intention du législateur étoit si claire, qu’elle a ôté
tout prétexte à l’astuce, et n’a laissé de voies qu’au faux
o u à la violence. M a is à q u i peut èti*e réservée l’uue ou
l ’a u tre de ces v o ie s c r im in e lle s ? C e n ’est pas à la fille tim ide
q u i, rougissant encore d’une première foiblesse, et par
tagée entre l’amour de son enfant et la honte de sa nais
sance , n’en ose nommer le père que dans le secret de son
cœ ur, et se fait l’illusion de penser que le mystère dont
elle s’enveloppe la protégera contre l’opinion qui fait
son supplice.
M ais que feront ces femmes déhon tées, qui ne voient
dans la prostitution qu’ une habitude, dans leur avilisse
ment qu’ un état, et dans leur fécondité qu’un accident?
Incertaines elles-mêmes d’ une paternité q u ’e lle s déféroicnt
naguères suivant leurs convenances, elles n’en arrachoient
pas moins des sacrifices pécuniaires aux hommes qui leu r
etoicnt souvent les plus étrangers , mais qu epouvantoit
la perspective d’une honteuse et publique discussion. Si
.on leur laisse entrevoir aujourd'hui une tolérance quel-
�CS )
conque, que le.ur coûtera-t-il de'tenter d’autres voies pour
en venir aux mêmes fins? Et-s’il est près de leur demeure
Un citoyen paisible, q u i, par ses mœurs douces et réglées,
puisse passer pour pusillanim e, quelle difficulté y aura-t-il
de répondre adroitement que c’est là le cou p able, d ’inté
resser contre lui quelque personne créd u le, de l’effrayer
lui-m êm e sur les dangers de sa résistance, d’ ameuter s’il
le faut ceux qui ont un intérêt réel au succès 'de la négo
ciation ! Jadis il falloit des tém oins, aujourd’hui il ne faut
qu’ une simple signature ; 'tout cela peut ¿’exécuter avec
rapidité : ce n’est qu’un changement de complot.
Heureusement cette rapidité même ne laisse pas au
crim inel le calme «de la "réflexion : souvent ses fa u te s le
trahissent, e t, quelques légères qu’elles soient, il faut les
com pter avec scrupule; car on est bien assuré qu’elles ne
sont pas un simple résultat de sa négligence, mais qu’elles
ont échappé à l’excès de sa précipitation.
Ceux qui ont guidé la iille T errier dans ses démarches
n’ont pas visé à l’exactitude ; la cour en sera convaincue
bientôt par la forme de l ’acte de naissance qui fait son titre.
Une seconde découverte la convaincra encore qu’il ne
s’agit point ici de rép arer, envers une fille sé d u ite , des
torts que la malignité suppose toujours. L a fille Ferrier
a , le 20 prairial an n , donné une nouvelle preuve de
sa continence, en faisant baptiser un fils sous les auspices
de son frère et de sa m è re , que l’acte apprend môme avoir
été sage-fenune en cette circonstance.
Il ne pnroit pas que pour cette fois la mère et la Cllo
T errier aient jugé à propos de réunir un conseil pour
disposer du nouveau n é , et lui elire un père à la plu
ralité
�( 9)
ralité des suffrages; il est vraisemblable que la précédente
tentative les avoit intimidées.
- Q u o iq u ’il en soit, et soumettant cettedécouverte pré
cieuse aux x-éilexions de la c o u r , l’appelant ne s’en occu
pera pas plus lon g-tem ps, et se contentera d’observer
qu’il n’y a rien de légal dans la’ prétendue déclaration de
paternité qu’on lui a fait signer, et au surplus que les faits
de violences articulés suffiront pour la détruire. C ’est à
l’examen de ces deux propositions que l’appelant réduit
sa défense.
i° . L a déclaration de -paternité n e s t pus légale.
!La loi du 12 brum aire an 2 s’occupoit de trois espèces
d’enfans naturels, après avoir décrété en principe qu’ils
étoient successibles.
1°. Ceux dont le p èreéto it décédé, et il leur suffisoit
de prouver une possession d’ éta t, par des soins donnés
à titre de paternité, et sans interruption ; 2°, des enfans
dont le père et la m ère seroient encore vivans lors du
Code c i v i l , et leur état civil y étoit renvoyé; 30. de ceux
dont la mère seule seroit décédée lors de la publication
du C o d e , et alors la reconnoissance du p è re , faite devant
l’officier p u b lic, rendoit l’enfant successible.
Il s’agit ici d’un enfant de la seconde espèce ; et le pré
tendu père , quel qu’il s o it, de môme que la m ère, sont
dits vivans.
O r , quelle nécessité, quelle u r g e n c e y a v o it - il de
prévenir la publication du Gode civil , en faisant faire
une déclaration que la loi ne demandoit p a s> et qu’elle
B
�( 10 )
ajournent au contraire ? N ’aperCevroit - on pas déjà le
dol dans cette extraordinaire prévoyance ?
D ira-t-o n que le Code civil prescrit aussi une décla
ration authentique, et qu’on n’a pas v io lé la loi en la
devançant ? Mais qui blâmera les législateurs de l’an 2 ,
d’avoir voulu p révo ir que leur système ne seroit peutêtre pas celui du Code civil ? qui leur reprochera d’avoir
supposé. que les dispositions de ce code seroient déli
bérées avec plus de m aturité, et de s’être défiés de leur
prem ier système sur une innovation aussi im portante?
Ils voulurent régler le passé seulement ; et les débats
qui ont eu lieu sur la loi transitoire du 14 floréal a n n ,
nous apprennent assez qu’il n’y a eu , d an s l’intervalle de
l’an 2 à l’an 11 , aucune législation touchant les enfans
naturels. Les bulletins de la cour de cassation sont aussi
remplis d’arrêts qui ont cassé tous les jugemens dans les
quels les tribunaux avoient voulu régler , même p rovi
soirement , le sort de quelques enfans naturels, pendant
cette lacune de n eu f ans.
Il ne pouvoit donc être question de fixer l’état de
l’enfunt d’Elisabeth F errier qu’après le Code c i v i l , dont
l’art. 334 porte que la reconnoissance sera faite par un acte
authentique, si elle ne l’a pas été par l’acte de naissance.
Mais fût-il indifférent que la reconnoissance contestée
ait été faite avant ou après le Code c iv il, malgré la sus
pension totale exigée par la cour de cassation, et rappelée
par la loi transitoire; cette reconnoissance n’en est pas
moins irrégulière ? car elle 11’est faite ni par l’acte de
naissance lui-m êm e, ni par un acte séparé authentique«
V oici comment cct acte est littéralement écrit au registre*
�(-!■))
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rr Du huitième joyr du ntois de germinal, l’an 9 de la repui> blicjue frarçca^sç. A cte de naissance {Je Jacques, f i l l e ( Ce mot
» est effacé, et. on y a substitué au -dessus, dans Vinterligne,
» F e r r i e r , que Üon a encore effacé, et l ’on a écrit à côté C i i a v e . ),
» né hors de mariage., né le septième jour du mois de germ inal,
» à sept heures du soir, fils d ’isabeau Ferrier, non m ariée, domi» ciliée du lieu de la M arette, susdjte commune,.et-Isabeap Fermier,
» non mariée; le sexe de L’enfant a été reconnu u n ;e ( Qn a couvert
* ^*
» d’encre la lettre y.. ^f i l s , né hors de mariage : premier témoin,
» Jean-Pierre Ferrier, demeurant'^' Chambon , Méparte'merit de
» la H a u te -L o ire , profession de cultivateur, âgé de tren te-n eu f
» ans ; second tém oin, Pierre R u e l, demeurant ¿1 Ghambon , département de la H a u te -L p irp , profession ¡de tailleur d’habits,
» âgé de cinquante-quatre ans. Sur la réquisition à nous faite pxjr
» Marie R u e l, sage-femm,ef<|e ladite accpucbqe, avons inscrit le
» sus-nom rué Jacques F e r m e r ( Ce mot est raturé, et Von a mis
» au-dessus, dans l’ interligne,
»
mère
»
le
C
iiave.
),
portant
le nom
de
sa
( Ces mots ont été rayés, et l ’on y a substitué ces mots :
nom
du
pere
.
) ; et ont la déclarante ne savoir1signer, et les
« témoins Signé. F e rrie r , R u e l , signé àtPoriginal. »
•' ■'1 >!'/ • ", ■
(t ,
« L ed it Jacques Ch ave pèretreconnoît ledit Jacques son fils, de
» ladite décl^ratioij de <la présente, lacté-; le rçcqnnolt pour ^sqn
» véritable fils, avoir droit à tous ses bien^, en p n v s c n c e . d e Jean» Louis Riou. ( -J- Ici est un renvoi. ) Constaté suivant la loi, par
» moi Annet de Bannes, maire de la,commune de Cham bon, fai—
» sant les fonctions d ’ofiieier public de l’état civil. Ledit maire
» approuve toutes les ratures ci-dessus. D e B annes, maire, signé.
» ^ Et de Pierre C a llo n , et de Jean-Pierre Frescliet, et de Jeanj> Pierre F errier; et dit Jacques Chavc a signé avec les témoius.
B 2
�» Ont signé, ledit Pierre Callon a déclaré ne savoir signer, Chave >
» R io u , Freschet, Ferrier. D e Bannes, m aire, signé. »
( Nota. Ledit renvoi est en marge, en travers. )
Pour copie figurée :
L e secrétaire général de la préfecturede la Haute-Loire ,
BARRÉS.
Il est aussi ¿vident qu’il puisse l’ê tre , que cet acte se
compose de deux parties bien distinctes , qui ne sont pas
d’un même contexte , ne sont pas l’ouvrage du m ême
m om en t, et cependant ne sont pas deux actes absolu
m ent séparés.
i ». A cte de naissance bien parfait et très en règ le, d*ua
enfant né d’Isabeau F e r r ie r , sans m ention du père
O n lui donne le nom de sa mère. Il y a deux témoins
de cet a cte , Joseph F errier et M arie R uel. L ’acte est
donc com plet : le vœ u de la loi du 20 septembre 1792
est rempli.
2°. V ien t ensuite une déclaration de C h ave, qui est à
la suite du prem ier a cte , et qui a exigé des surcharges..
M ais peut-on , de bonne foi , y v o ir un acte authen
tique , une reconnoissance de paternité telle que la lo i
la commande et que la raison la conçoit ?
Cet acte n’a aucune date , parce qu’en effet il a eu lieule 21 g erm in a l, et a été ajouté a un acte terminé depuis
le 8. Comment supposer en effet que cette déclaration
fiiinle fait partie de l’acte du 8? Les témoins dénommés au
premier ne signent pas la déclaration.
�( *3 )
On a raturé et interligné le prem ier acte de naissance,
sans faire rien approuver aux premiers témoins. L e maire
seul approuve to u t, même ce qu’ il lui plaira de raturer
en core; les autres témoins , Chave lu i- m ê m e , ne font
aucune approbation. O r , il est de principe que les ratures
et interlignes sont inutiles dans les actes, s’il n’y a appro
bation des parties et témoins.
Il est un autre principe élémentaire en rédaction d’actes,
quelque peu d’ importance qu’ils aient, c’est que les témoins
dénommés en l’acte signent à la fin : ici la sage-femme et
le fr è r e , qui ont déclaré la naissance le 8 , n’ont pas signé
à la fin. Si c’est un seul et même acte, les uns l’ont signé
au m ilieu , et d’autres à la lin : chose bizarre et rid icu le,
qui ne peut s’allier avec la gravité de l’acte qu’on prétend
m a in te n ir .
Q ue peut - il résulter d’un acte de cette espèce , si ce
n’est de la pitié pour ses rédacteurs , et une conviction
intime que ce n’est pas C have qui est allé déclarer la n a issance d’un enfant comme s’en disant le père?
L e but de la loi n’est donc pas rempli ; car dans quelque
form e que dût être une reconnoissance de paternité , il la
falloit dans l’acte m êm e portant la déclaration de naissance,
ou bien il falloit un acte p a rticu lier, daté lu i-m êm e, et
qui ne fût pas rédigé dans une form e ayant pour but de le
rattachera un autre acte, auquel il ne peut appartenir.
Car rappelons-nous que l ’article 334 du Code civil dii
que la reconnoissance sera faite par l’acte de naissance,
ou par un acte atlientique ; à quoi l’ a rtic le 62 ajoute que
la cté de reconnoissance sera in sc rit sur les registres () sa
date j et qu’il en sera lait mention en marge de l’acte de
naissance.
�C H )
'
Rappelons-nous encore que le but bien positif de la loi
est de ne com pter pour rien les reconnoissancesantérieures
au c o d e , quand l’auteur est vivant. Il en est de cela comme
des testamens antérieurs à l’nn 2, qu’ il falloit refaire pour
les circonscrire dans les termes du droit nouveau. La loi
a eu ici un but plus moi'al : les cliangemens apportés au
système passé justifient sa mesure dilatoire.
E t ne nous abusons pas sur l’importance des formes
dans une matière aussi délicate : on est si scrupuleux
pour tant d’autres actes! U n seul m ot équivoque en un
testam ent, détruit toute la volonté d’un père de fam ille;
une donation exige encore des formes plus multipliées.
Ces actes sont-ils donc aussi importans que c e lu i où il s’agit
de transmettre son nom et sa fortune ; où il s’agit de plus
encore, de vaincre l’opinion et de surmonter sa propre
répugnance ? D ’ailleurs , pourquoi ne pourrions - nous
pas dire pour un tel acte ce que Ricard dit des testamens,
« que toute leur force consiste dans leur solennité, et toute
« leur solennité consiste dans les formes ? »
A u jourd ’hui il faut y ajouter une vérité bien certain e,
c’est que la seule supposition qu’un homm e est tenu et
obligé de se charger d’un enfant naturel sans sa libre
v o lo n té , est incompatible avec le système indubitablement
reçu sur la législation des enfans naturels.
2°. Cette déclaration de paternité est n u lle , S il y a
violence. L e s jfà its articulés suffisent. I ta preuve en
est adm issible.
On est extrêm em ent sévère dans le monde pou r juger
�( i5J
des effets de la peur d’autrui ; e t , quand on en com
mente les particularités, on détaille très-ponctuellement
la conduite qu’on auroit tenue en pareille occurrence.
Cependant rien n’est plus difficile à régler pour soi-même;
ca r, en deux cas semblables , le même individu se conduiroit rarement deux fois de la m ême manière. Mais
celui qui raisonne ainsi est de sang-froid , par cela seul
qu’il raisonne, tandis que le prem ier effet de la terreur
est d ’absorber toutês les réflexio n s, pour ne laisser place
qu’à uneseuleidéedom inante, la conservation de soi-même.
Quelques auteurs, partageant sur cc point les idées du
v u lg a ire , sembleroient aussi se m ontrer difficiles à ad
mettre la plupart des excuses fondées sur la crainte. Il
faut distinguer, disent-ils, la crainte grave et la crainte
légère , et on ne peut tro u ve r de m oyen rescisoire que
dans celle qui suffiroitpour ébranler la fermeté de l’homm e
le plus in trépid e, metus non va?ii hom inis , sed q u i in
hom inem constantissim um ca d a t, 1. 6 , ff. Q uod metûs
causa.
Ces auteurs, s’en tenant à une loi isolée démentie par
beaucoup d’autres, n’ont pas voulu apercevoir, dans cette
rigueur étrange, un m onument de la fierté romaine plutôt
qu’une règle générale. Ce p eu p le, qui avoit détruit le
temple élevé par T u llu s à la C rainte, n’étoit, en la pros
crivant par ses lois, que conséquent avec lui-m êm e. Sous
un système de conquêtes sans bornes, et avec une consti
tution toute m ilitaire, quel romain p o u v o it a llé g u e r une
crainte légère! E levé dans les cam ps, son excuse m êm e
«ût consacré sa honte , et la loi étoit rigoureusement juste
en exigeant de lui l’intrépidité d’ un so ld a t.
�( i6)
La France militaire ne réprouvera pas cette législation
sévère ; elle l’eût créée elle-méme , s’il falloit un code au
courage. M ais les actes civils des simples particuliers ne
se règlent pas par des maximes nationales; la théorie
principale des lois consiste à les approprier aux mœurs
de ceux qu’elles doivent régir.
Gardons-nous donc d e l’exaltation , quand elle est hors
de mesure; ne nous obstinons pas à trouver un Scévola
dans un laboui'eur tim id e, qui ne connut depuis sa nais
sance que sa charrue et le hameau de ses pères.
Les auteurs les plus judicieux du droit n’ont eu garde
aussi d’appliquer sans distinction la sévérité des principes
romains. D ornat surtout, à qui les premiers juges ont fait
l ’injure de prêter une opinion si contraire à son d is c e r
nem ent, D o m a t, dont l’ouvrage immortel n’est que le
précis des lois romaines, bien loin de se fonder sur la
loi 6 , ne la signale que pour en blâmer la rudesse.
« Nous avons v o u lu , d it-il, rétablir les principes na« tu rels, et rendre raison de ce que nous n’avons pas mis
« cette règle du droit romain parmi celles de cette sec« tio n ......... Toutes les voies de fait, toutes les violences,
<f toutes les m enaces, sont illicites ; et les lois condam« nent non-seulement celles qui mettent en péril de la
« vie ou de quelque to u rm en t, mais toutes sortes de
« voies défait et mauvais traitemens. E t il faut remarquer
« que comme toutes les personnes n’ont pas la meme
« fermeté pour résister à des violences et à des menaces,
tt et que plusieurs sont si foibles et si tim ides, qu’ils ne
k peuvent se soutenir contre les moindres impressions,
<c on ne doit pas borner la protection des lois contre les
« m enaces
�('17 )
a m en aces et les v io le n c e s ,
.
à ne réprim er q u e celles
« q u i so n t capables d'abattre
les personnes les pluà
« in trép id es; mais il est juste de protéger aussi les plus
« tim ides............
« Il est très - juste, et c'est n otre u sa g e , que toute
« violence étant illic ite , on réprim e celles m ême q u i
« ne vont pas à de tels excès, et qu’on répare tout le
a préjudice que peuvent causer des violences qui enga« gent les plus foibles à quelque chose d’injuste et de ccn« traire à leur intérêt : ce qui se trouve même fondé sur
« quelques règles du droit ro m a in ........... et ces règles
« sont tellement du droit n a tu re l, q u 'il ne p o u r r o it y
« a v o ir d'ordre dans la so c ié té des h o m m e s , s i les
« m oin dres violen ces Tiétoient réprim ées. » ( S e c t. 2 ,
d es v ic e s d es c o n v e n tio n s , p r é a m b u le . )
Il est peut-être inutile, après avoir cité D om at, de faire
d’autres recherches ; mais les premiers juges ont encore
fait l’injure à P oth ier de lui prêter des principes qui ne
sont pas les siens.
Cet auteur cite les lois rom aines, et par conséquent
les rappelle telles qu’elles sont. M ais il termine son
article de la crainte par dire que te le principe qui ne
«
«
«
«
connoît d’autre crainte suffisante pour faire pécher un
contrat par défaut de liberté, que celle qui est capable
de faire impression sur l’homme le plus courageux, est
trop rig id e , et ne doit pas être suivi parmi nous
la
«■ lettre ; on d o it , en cette m a tiè r e , a v o ir égard a P ag e ,
« ait sexe et à la con d itio n des personnes (1),' et telle
( 1 ) Expressions copiées mot pou'r mot en Fart. 1 1 1 2 du C ode civil.
c
�( 18 )
« crainte qui ne seroit pas jugée suffisante pour avoir
« intim ide l ’esprit d’un homm e d’un âge m ûr ou d’un
« m ilitaire, et pour faire rescinder le contrat qu’il aura
« f a i t , peut etre jugée suffisante à l’égard d’ une femme
« ou d’un v ie illa rd , etc. » ( T raité des obligations,
page i re. , chap. I er., n°. a 5 , i n f i n . )
Si l’opinion respectable de ces auteurs avoit besoin d’être
fortifiée par d’autres citations, on les puiscroit dans les lois
romaines elles-m êm es, qu’il ne faut pas juger par un
fragm ent u n iq u e, et q u i, au con traire, nous enseignent
ce que Dom al et Pothier viennent de nous apprendre.
T o u t consentement doit être lib r e , disent plusieurs
lois ; e t, pour être restitué, il n’est pas besoin d’ une v io
lence corporelle, mais seulement d’une crainte inspirée
¿\ celui qui contracte; quoad ju sta m restitutionis cau
sant ni/iil refert utrhm v i an metu quis cog atur. . . .
et quoad effectum ju r is utrobi deest co n sen su s, ac
libéra roluntas p a tien tis, u tvelle non videatur. L . 1 , 3 ,
7
quod met. C. L . 116 , de reg.jur. ( in C orvino.)
Ces lois étoient bien moins dures que 11c l’ont sup
posé les premiers juges; car elles ordonnoient de recevoir
la preuve de la crainte , quand même Chave auroit été
hors d’élat de désigner aucun de ceux qui la lui avoit
in sp irée; non tamen necesse est designare personam
quœ rnetum intu/it, sed sujficit p r o u a r e rnetum, quia
me tus habet in se ignorantiarn. L . 14. Jf. eod.
E n fin , ce qui achève de convaincre que ces lois savoient
aussi se mettre à la portée de la foi blesse des hom m es,
c’est qu'elles expliquent qu’il n’étoit pas nécessaire de
prouver l’existence d’uu danger réel , mais seulement
�C 19 )
la crainte de ce danger, qui en effet devoit détruire le
consentement. S i causa fu is s e t , cu r pericuîurn tim eret,
quam vis pericuîurn 'i crc non f u is s e t . . . . non considé
ra tur even tu s, sed ju sta opinio. L .
eod.
L e tribunal d’Yssengeaux avoit donc un guide bien sûr.
A u lieu d’adopter l’antique rigueur d’une loi oubliée par
les Romains eux-m êm es, il a jugé que la crainte inspirée
à Chave 11’avoit pas été un m otif suffisant pour le con
traindre ; et cependant il ignoroit jusqu’ù quel point
Chave avoit été contraint ou menacé ; il l’ignoroit et a
voulu l’ignorer Loujours,. en refusant de s’éclairer par une
preuve : cependant les faits articulés étoient graves. Chave
ollroit et offre encore de prouver ces faits articulés , et
notam m ent, i° . que le 21 germ inal les frères F errier et
il’ulitres liommcs armés île hfitous sont venus chez lui ;
2°. qu’ ils l’ont forcé de se lever et de les suivre, en le
menaçant ; 30.’ que chez de Bannes ils se sont opposés à
toute explication, l’ont injurié, menacé et frappé; 40. que
de Bannes l’a prisi\ part pour l’exhorter à céder à la force
et éviter un plus grand mal ; 5°. qu’on l’a forcé de venir
dans un cabaret, où 011 lui a remis un enfant, avec de
nouvelles menaces.
'
M a is, a dit le tribunal d’Ysscugeaux, C h av e, sorti de
si maison et conduit chez le m aire, pouvoit réclamer.
Ce scroit une réllexion bien naturelle, si les faits même
de la cause n’étoient déjà venus la d étru ire; car ce maire
lui-m em e étoit si peu disposé
user de son autorité ,
qu’ il est difficile de ne pas le juger nu contraire iutéressé
à l'événem ent.
Mais à quelle pro tectio n , il faut lo d ire , auroit pu
�( 20 >
s’attendre un m alheureux à la merci de cinq in d ivid u s,
dans le domicile isolé d’un maire de village? Battu à ses
y e u x , Chave pouvoit-il se croire dans un asile inviola
b le ? L e maire lu i-m êm e,l’exhorîMnt à céder à la fo rce,
m ettoit le comble à sa terreur, et ctéclaroit, ou sa propre
co m p licité, ou au moins son impuissance.
L ’acte le moins im portant de la vie seroit vicié par une
semblable v io le n c e , à plus forte raison celui de tous les
actes le plus incompatible avec la m oindre contrainte. U n
père de fam ille a contracté un engagement sacré envers
ses enfans par son m ariage; mais c e lu i-là même qui
auroit procréé des enfans naturels, ne tient à eux par
aucun lien civil : son honneur et les sentimens de la
nature deviennent leur unique titre , si la paternité lui
a semblé certaine. Les enfans naturels n’ont point de
famille ; tel est le langage de la loi : elle ne veut pas qu’ils
en aient une. Quand leur père se nom m eroit hautement
dans le m onde, il ne seroit tenu à rien; la loi lui perm et
seulement de se déclarer tel par un écrit libre et authen
tique : forcer sa volonté seroit donc se croire plus sage
qu’elle.
M ais si la loi n’exige rien d’un père , si elle consi
dère comme un vice m oral de lui donner un fils que
sa propre volonté cependant n’a pas désavoué , peut-011
soutenir l’idée révoltante qu’un homm e sera contraint
m algré lui d’adopter un enfant dont il n’est pas le père?
Q ui lui donnera la force de supporter, dans sa de
m eure, la vue habituelle d’une créature si étrangère,
placée là pour sa honte im m uable, sans aucune com
pensation satisfaisante ? et qui oseroit répondre que dans
�(
21
)
celte situation dé désespoir, aigri par un sentiment d’in
justice , il pût assez maîtriser une fureur co n v u lsiv e,
qui seroit tout à la fois le tourment de l’innocence et
son propre supplice ?
Eloignons plutôt de vaguessuppositions fondées sur une
pure chimère. L a prévoyance des magistrats distinguera
la vérité et les convenances , et éloignera d’aussi sinis
tres présages. O n ne donne point à un homme l’enfant
qu’il repousse avec m é p r is , quand la loi n’en fait pas
un devoir. L a cour doit prononcer ici sur les consé
quences d’ un acte lib r e , çt tout pvouve qu’il n’y a pas
eu de liberté dans celui qui donne lieu au procès. C h ave,
conduit par la fo r c e , menacé dans sa route , a signé
sous le bâton; et, pour se servir des expressions de D om at,
si uu consentement de cette espèce étoit jugé valide , ce
serait un attentat au droit n a t u r e l i l n ’y auroit plus
d ’ordre dans la société des hommes.
L a conduite d’Isabeau F errier , l’époque de ses cou
ches, c’est-ùidire, de celles qui donnent lieu au proçès,
le choix de ses cro u p iers, le lieu de la rscène, la :c ir
constance qu’ un acte de naissance a été ch an gé, e tc ., tout
cela donneroit lieu à des réflexions beaucoup plus éten
dues , mais qui seroient oiseuses, tant que la preuve
de la violence ne sera pas ordonnée.
Cette p re u v e , sans contredit, est adm issible; aucune
ordonnance ne la prohibe ; et ce qui étonne, c’est que
les premiers juges n’aient pas voulu prononcer en connoissance de cause.
Il est possible que la malignité toujours avide de calom
nie , et toujours diilicile ù d étro m p er, prétClide que Chavc
�( 2 2 )
n’a pas été tout à fait innocent envers Elisabeth Ferrier
de ce dont on l’accuse : mais il en prend le ciel à tém oin,
cette femme lui fut toujours étrangère.
Chave , maître de ses actions , célibataire , feroit sa
jouissance principale de se voir .revivre dans un fils qu’il
cro iro it le sien ; à son âge et avec ses principes religieu x,
il s’en feroit un devoir. Ces deux puissans mobiles ne
peuvent donc être vaincus que par quelque chose de
plus puissant encore , U n e conviction in tim e, une insurm ontable répugnance.
¡:
Il ne demande pas à être cru sur p a ro le; et si son
prem ier moyen ne suffit p a s , il offre la preuve des v io
lences qui l’ont forcé à donner sa signature : et certes,
quand la cour se sera assurée que Chave a été forcé de
sortir de son d om icile, mené chez le maire par cinq
hommes , menacé et battu , elle appréciera alors toute
la valeur d’une signature donnée dans de telles circons
tances ; et lorsque la vertueuse Elisabeth F errier sera
convaincue qu’il ne lui est plus libre de faire de sa pro
géniture une charge p u b liq u e, peut-être s’efforcera-t-elle
de mettre un terme à sa fécondité et au scandale de sa
conduite.
M . G I R O T , rappotteur.
M e. D E L A P C H I E R , avocat,
M e. M A R I E , licencié avoué.
A R I O M , de l ’im prim erie de L a n d r iot , seul imprimeur de la
C o u r d ’appel. — T h e r m i d o r an 13.
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chave, Jacques. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Girot
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
reconnaissance de paternité
nullité
violences sur autrui
Description
An account of the resource
Mémoire pour Jacques Chave, appelant ; contre Jeanne Valla, et Elisabeth Ferrier, sa fille, majeure, intimées.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1801-Circa An 13
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0614
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0307
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Domaine public
nullité
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violences sur autrui
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80f74aac8e33f365bde6e7f0470877c1
PDF Text
Text
■V K T C Z T v 12 M 7 " a t B t f *
M
E
M
O
I
R
E
P O U R
M a r g u e r i t e C O U G U E T - F L O R A T , veuve du sieur
de
R e y r o l l e s , intimée;
COUR
C O N T R E
D ’A P P E L
M A IG N E , se disant aussi veuve, dudit
sieur d e R e y r o l l e s , appelante.
C a th erin e
L a demoiselle Maigne n ’est pas satisfaite d'avoir usurpé une
grande fortune, et empoisonné la vie d'une malheureuse épouse;
elle ose lui disputer encore un titre respectable reçu aux pieds des
autels, et opposer une formule révolutionnaire et illégale au plus
sacré des engagemens. L e désir de tout contester à son adversaire
l’a aveuglée et jetée dans cette inconséquence. Pour exposer sa haine
devant les tribunaux, il lui a semblé doux d ’y être en scène ellemême; et elle n ’a pas craint, dans son propre pays, de livrer sa
vie toute entière à de pénibles souvenirs.
Une première tentative devoit la convaincre que la passion n ’est
pas le plus sûr des guides. Condamnée par les juges qui la connoissoient le mieux, elle avoit lieu de croire qu’un système de calomnie
ne prévaudrait pas contre les principes, et qu’une cour supérieure,
gardien naturel des lois de l’empire, ne porteroit pas légèrement une
atteinte dangereuse au lien sacré du mariage, le premier fondement
des sociétés civiles.
La dame de Reyrolles avoit été justement indignée du genre de
défense d’abord adopté par la demoiselle M aigne, et son premier
A
_
D E RI OM.
s e c tio n
.
�mouvement avoit été d ’user d’une représaille Lien légitime. Plus en
état que personne , dans sa triste position , de rendre compte
des faits et gestes de sa rivale, elle n ’avoit rien tu de ce qui la tourînentoit depuis tant d’années , et il lui paroissoit consolant de la
poursuivre encore, comme un remords vengeur, de la forcer à
sentir le poids de son opulence, et de mériter enfin une haine
qu’elle ne provoquoit pas.
Cependant la dame de Reyrolles a réfléchi que celte jouissance
décevante n ’étoit pas digne de la majesté de la cour; on consé
quence elle s’est fait un devoir scrupuleux d ’écarter de son récit
tou^Wles épisodes é tra n g è r^ à ses moyens. L a réclamation d ’un
état civil présente d ’ailleurs trop d’intérêt par elle-même, pour que
cet intérêt soit sacrifié à des personnalités et à une stérile vengeance.
L e mariage est-il un contrat d’ordre public; c’est-à-dire, une
femme sous la puissance maritale a-t-elle p u , a près un divorce
nul, traiter irrévocablement avec son mari? et si le mariage n ’étoit
pas légalement dissous, a-t-elle pu consommer cette dissolution
par un acte privé?
T elle est la principale question de cette cause; et il faut avouer
que sans cette espèce de vandalisme philosophique, qui a brouillé
long-temps toutes les idées morales, on rougiroit de la trouver difficultueuse. Mais avec la gloire du nom français renaissent de jour
en jour ces antiques maximes, dont nous n ’avons éprouvé l’ébran
lement que pour sentir les funestes conséquences de nos vicissitudes.
Aujourd’hui le mariage, placé sous l’égide de la religion et sous la
sauve-garde de la magistrature, a reconquis "Sa dignité primitive;
et tout ce qui tend à la maintenir retrouve dans les tribunaux une
protection salutaire, indépendante des personnes et des circons
tances.
F A I T
S.
L a dame C o u g u e t-F lo ra t contracta mariage avec le sieur de
Reyrolles, médecin, le 7 novembre 1774, et se constitua en dot
ses biens échus et à échoir, c ’est-à-dire, qu elle donna plein pou-
�( 3 }
-voir à son cpoux de rechercher et régir une fortune inconnue à
elle-même. L e contrat mentionne la stipulation d ’un douaire, et
autres avantages matrimoniaux.
L es premières années de ce mariage furent heureuses. Devenue
m è re , et possédant toute l’affection de son époux , la dame de
Reyrolles étoit loin de prévoir que cette félicité seroil détruite par
une femme qui alors ne lui sembloit nullement à craindre, et que
le sieur de Reyrolles paroissoit juger avec rigueur.
L a destinée de la dame de Reyrolles en disposa autrement, et
bientôt elle se convainquit que les goûts des hommes ne se règlent
pas toujours par leur estime. Dans sa fierté , elle abandonna un
époux parjure, à sa nouvelle conquête, et se retira chez la dame
de F lo ra t, sa grand’mère.
Cet éclat, imprudent peut-être, tourna tout entier au profit de
sa rivale; la dame de Reyrolles fut privée de tout secours, de ses
bijoux; et poussce d'infortunes en infortunes, pour obtenir six
louis de son époux , il exigea qu'elle les reçàt de la demoiselle
Maigne. T e l étoit, après dix ans de mariage, l’humiliation à laquelle
étoit condamnée une épouse : tels étoient les premiers chagrins
qu’elle fut obligée de dévorer.
Une réconciliation apparente succéda à ce premier orage. Dupe
de son cœur et de sa franchise., la dame de Reyrolles se trou voit
encore heureuse des égards de son époux; mais l’illusion qu’elle
s’efforça long-temps de se fa ire , céda à l’évidence : l’indignation
étouffa tous les calculs d’intérêt personnel, et l’épouse outragée ne
connut plus les ménagemens de la dépendance.
Les sieur et dame Cald.iguès, parens de la dame de R eyrolles,
alloient s’établir à Limoges. Affligés de sa position, ils lui propo
sèrent un asile ; et celle qui dominoit le sieur de Reyrolles ne sen
tant que le plaisir d ’être délivrée d ’une surveillante incommode,
l£ pressa de consentir ù cette séparation.
Combien étoit déjà cliangé le sort tic la dame de Reyrolles! elle
avoit un époux; une étrangère lui faisoit oublier ses serrnens et
ses devoirs : elle avoit eu un enfant; la mort, moins cruelle, le lui
A 2
�...................................... ( 4 )
avoit ravi à l’âge où il étoit incapable de tendresse. C ’est ainsi
qu’épouse sans époux, mère de famille sans enfans , la dame de
Reyrolles a vécu plusieurs années à Limoges , abandonnée aux
consolations de l’amitié et aux fantômes de l’espérance.
Elle avoit touché assez régulièrement à Limoges une pension de
bienséance que lui faisoit le sieur de Reyrolles , par égard pour la
maison de Caldaguès; mais au commencement de la révolution
elle ne reçut plus rien , et revint à Brioude.
Cette espèce de résurrection d’une femme oubliée parut lui re
donner le charme de la nouveauté, et réveiller dans le cœur du
sieur de Reyrolles des feux mal éteints. 11 est certain qu’il eût fait
son bonheur de rompre ses chaînes, et de mériter l’affection de
son épouse, si la prévoyance allarmée de la demoiselle Maigne
n ’eût cherché à la hâte à détruire ce premier mouvement par toutes
sortes de moyens.
Mais tel est le sort d ’un homme subjugué; le sieur de Reyrolles
voyoit, e t i l n ’osoitvoir; il vouloit, et ne pouvoit s’enhardir à vouloir:
l'homme le plus impérieux n ’est donc qu’un foible enfant devant
la passion qui le domine. Le premier acte de foiblesse qu’il s’est
laissé surprendre, est l’abandon qu’un vaincu fait de ses armes;
il reste désormais sans d é len se, et se dévoue ù l’esclavage.
L a demoiselle M aigne triompha , et le premier usage de sa
■victoire fut de dicter les conditions et de profiter de la faveur des
circonstances.
Alors exisloit une loi récente , que quelques femmes regardèrent
comme un présent du ciel et une faveur de la Providence. Après
la dissolution de la monarchie, de la féodalité et de la puissance
paternelle, en quelques jours «l’intervalle, et avant d’atlaquer la
religion dans ses solennités, il n’y avoit plus qu’une destruction in
termédiaire à prononcer; et le lien du mariage, malgré son antique
inviolabilité, lut dissolublc indistinctement par le divorce.
Celte innovation étoit trop précieuse à la demoiselle Maigne
pour qu’elle ne s’ernpress.Yt pas de la saisir. En conséquence , le
3/j mai 1797, il fut signifié à la dame de Heyrolles, de la part de sou
f
�C 5 )
mari , un acte par lequel il déclaroit qu’il entendoit divorcer pour
cause d’absence, et pour incompatibilité d’humeur et de caractère;
en conséquence de quoi il nommoit trois amis , et lui faisoit som
mation de nommer de sa part trois parens ou amis.
Dans cette conjoncture que pouvoit l'aire une épouse? plaider?
les tribunaux n’étoient pas compétens ; résister? la loi ne le lui permettoit pas : souvent le demandeur se faisoit lui-même signifier
une réponse, e t j e divorce n ’en alloit pas moins à sa fin.
Quoi qu’il en so it, le 27 mai il fut déclaré, à la requête de
la dame de Reyrolles, que pour satisfaire à la sommation du 24
elle nommoit trois parens, ajoutant que le sieur de Reyrolles, en
provoquant son divorce, n ’avoit fait que prévenir ses intentions.
L e 27 juin il fut tenu une première assemblée de fam ille, tou
jours motivée pour absence et incompatibilité; et après les dires du
demandeur et la tentative de conciliation des parens, on lit la ré
ponse suivante : Sur quoi ladite Couguet- 1' lorat leur a répondu
qu'elle étoit disposée h suivre en tout point la 'volonté de son
mari ; mais que si son dit mari persiste à requérir le divorce ,
elle y donne les mains.
Cette réponse si naïve , où l’obéissance seule se laisse apercevoir,
étoit en elle-mêine insignifiante : mais on voulut lui donner un sens.
Les longs délais de l’incompatibilité s’accordoient mal avec l'im
patience de la demoiselle Maigne. On crut donc découvrir dans
les dires de la dame de Reyrolles des matériaux suffisans pour para
chever un divorce par consentement m utuel, pour lequel il n ’y
avoit plus qu’un mois à attendre.
En conséquence, à la date du 28 juillet 1780, un mois après la seule
assemblée de famille, on fit rédiger un acte de divorce , dans lequel
on suppose qu’il a été requis par les deux époux, d’après la procé
dure voulue pour le consentement mutuel.
Cet acte fu i porté à la dame de R e y r o l l e s par un valet du comité
révolutionnaire, long-temps, quoiqu’on en dise , après la date qui
lui a été donnée : elle signa, il n ’y avoit pas à hésiter; d ’ailleurs
son re fu s, en l’exposant, n ’eût fait que rendre cette pièce inu-
�( 6 )
l i l e , et forcer à reprendre la suite du premier mode de divorce.
Ainsi s’accomplit cette œuvre d ’iniquité , et la demoiselle Maigne
eut enfin levé le plus grand des obstacles : mais comme si le ciel
se fut joué de ses. plus chères espérances , l’époque de son ma
riage qu’elle avoit tant liatée s’éloignoit de jour en jour ; et pendant
quelque temps il y eut lieu de croire que lë sieur de Reyrolles,
pénétré de la perte volontaire qu’il avoit sollicitée, oublioit la pro
cédure monstrueuse qu’il avoit ébauchée, et revenoit à ses pre
miers engagemens.
L a dame de Reyrolles se livra de bonne foi à une si douce rési
piscence ; elle feignit même ne pas remarquer qu’il ne venoit chez
elle qu’à la dérobée et avec la timidité d’un esclave. Enfin , une
grossesse lui parut le comble du bonheur, et le gage assuré d’une
réconciliation après laquelle elle soupiroit depuis si long-temps.
Mais les assiduités du sieur de Reyrolles n ’avoient pas échappé
aux ennemis de son épouse. T r o p adroits pour faire un éclat, ils
frappèrent des coups plus certains, et le poison de la calomnie vint
ébranler l’imagination foible d’un homme que le premier mouve
ment faisoit agir, et q u i, dans ce qui concernoit scs passions, ne
sa voit jamais penser par lui-même. C ’est ainsi que, dans sa confiance
aveugle, la dame de Reyrolles se croyoit encore épouse quand ses
ennemis ourdissoient sa perte : Inquirebant niala s ib i, et dolos
totd die meditabantiir.
La grossesse de la dame de Reyrolles fournit une vaste champ
ii leur malignité; l’époux lui-même fut entraîné à douter contre sa
conviction intime ; et ce que la darne de Reyrolles avoit cru être le
sceau de la paix devint en un instant le signal de la discorde et de
la haine.
T o u t d’un coup la scène change : on profite diligemment de la
disposition d’esprit où on a mis le sieur de Reyrolles , et son ma
riage avec la demoiselle Maigne est consommé le 11 messidor
an a , douze jours avant que la dame de Reyrolles , sur son lit
do douleur , donnât le jour à une malheureuse créature sous d ’aussi
Ministres auspices.
�(7 )
N o n , le ciel ne l’a point béni, ce fatal mariage ! Il a entendu Panathème prononcé par une épouse dans sa désolation ; et plie n'a
pas eu la douleur de savoir plus heureuse qu’elle celle qui l’avoit
chassée du lit conjugal. En portant un nom usurpé , la demoi
selle Maigne ne trouva plus dans le sieur de Reyrolles cet être
soumis sur lequel elle avoit exercé tant de fois une capricieuse
puissance.
L a demoiselle Maigne avoit calculé cet effet habituel du mariage ;
et pour se prémunir contre son résultat , elle profita d’une époque
où le sieur de Reyrolles venoit d’être destitue de sa place de rece
veur du district, pour proposer un testament mutuel qui fut respec
tivement signé en l’an 5 . Quelque temps après, une séparation
volontaire les a éloignés jusqu’il la mort.
Cependant la dame de Reyrolles, abandonnée à sa situation péni
ble , dévoroit ses chagrins et se devouoit à sa destinée. Occupée
des soins maternels que deniandoit le premier âge de sa fille , elle
attendoit a v e c r é s i g n a t i o n q u e le sie u r de R e y r o l l e s , rendu de nou
veau à ses premiers liens , s’occupât de deux êtres qu’il avoit si
cruellement traités. M a is, au lieu d ’un retour à la nature, il ne fit
plus apercevoir son autorité maritale que par des hostilités et par
l ’abus de son administration.
Il avoit recueilli la succession considérable de l’aïeule de son
épouse, avoit traité de gré à gré avec un cohéritier pour le partage
des immeubles, et s’étoit emparé des effets mobiliers, sans compte
ni mesure.
Néanmoins, demeurant libre d ’en fixer la consistance , et pour
consommer la ruine de son épouse , le sieur de Reyrolles lui fit
faire , le 7 messidor an 4 > un acte d’offres de 7000 francs en man
dats territoriaux, pour le m o n ta n t, d it-il, de ce qu’il avoit touché
sur sa dot , attendu que ladite Couguet avoit toujours éludé de
déclarer ce qui pouvoit lui être dû ; qu’ elle ne c h e r c h a i t qu’ a re
tarder la libération dudit Iieyrolles , qu’il etoit de son intérêt
d’ opérer le plutôt possible.
L a dame de Reyrolles répondit qu’elle étoit surprise et lassée
�( 8 )
des procédés iniques de son m ari , et refusa les offres. Il y eut
procès verbal de non conciliation , après lequel elle fut assignée
le 21 messidor suivan t, devanT le tribunal du P u y , en réalisation
et validité desdites offres.
^
C e s diligences avoientlieu à la dernière heure du papier-monnoie;
le numéraire reparut au commencement de l’an 5 ; et, dans ce pre
mier instant où l ’opinion en augmentoit la valeur, le sieur de R e y rolles se hâta de faire proposer à sa femme une modique somme de
6ooo francs pour tout term iner; ajoutant, pour l ’intimider, que
si elle ne l’acceptoit pas , les offres de Fan 4 seroient jugées vala
bles , parce qu’elles avoient eu lieu avant la suppression du papier.
En vain la dame de Reyrolles demanda-t-elle à être éclairée sur
la valeur réelle de sa propre fortune ; il fallut obéir à la puissance
maritale , et céder à la crainte de n’avoir que les mandats offerts
au lieu du numéraire promis, si elle s’exposoit à aller plaider dans
un tribunal presque inconnu , à douze iieues de son domicile.
L a dame de Reyrolles signa donc un traité le 16 frimaire an 5 ,
par lequel on lui fit dire qu’elle étoit venue à compte avec son
mari, et qu’après communication prise de l’inventaire de son aïeule
et d ’un partage de 1785, il lui revenoit 5i2G liv. 10 sous ; à quoi
ajoutant d ’autres articles touchés par son m a r i, quoique non com
pris dans l’inventaire, en valeur de 873 liv. 10 sous, le sieur de
Reyrolles se trouva tout juste débiteur des 6000 fr. qu’il vouloit
payer, et dont l’acte porte quittance.
A compter de celte époque les époux furent séparés, et la dame
de Reyrolles n ’eut plus qu’à s’étourdir sur le passé et à supporter
son sort avec courage : elle se consoloil avec sa fille, et cette con
solation même lui fut enviée. Après le 18 fructidor, on lui donna
l ’alarme sur le sort de cette enfant , qui n ’avoit pas encore d’état
civil. On lui persuada que les peines de la loi pourroient l’attein
d r e , cl elle se décida a iaire une déclaration à l’olficier public. On
n ’eut garde de transcrire la qualité qu'elle vouloit se donner, pnr
la raison qu’il eût été incivique de mépriser un divorce, cl que
Je sieur de Reyrolles, redevenu puissant, n ’auroit pas trouvé bon
qu ’ il
..
�( 9 )
qu’il fût fait mention de lui sans sa participation. L a dame de
Reyrolles déclara donc seulement qu’il lui étoit né une fille le 21
messidor qui suivit son divorce. Comme ce divorce étoit daté de
l’an 2 de la liberté, on supposa la naissance de l’enfant au 21 m es
sidor an 5. Cette erreur a été reconnue par la demoiselle Maigne,
et seroit aisée à rétablir à l’égard d ’un fait aussi notoire.
Dans ces entrefaites le sieur de Reyrolles, nommé receveur du
département de la H a u te-L o ire, alla s’établir au Puy. Là , ayant
vécu près de six années séparé absolument de la demoiselle Maigne,
qui babitoit Brioude, il fut atteint de la maladie qui l’a conduit
au tombeau.
A celte époque terrible, où l’homme, ne trouvant plus d’asile
dans les illusions du monde, voudroit réparer dans un instant les
fautes de sa vie toute entière, l’opinion générale a rendu au sieur de
Reyrolles la justice d ’altester qu’il n’avoit rien plus à cœur que de
se réconcilier avec sa fem m e, et de lui en donner, par un testament
honorable, la s e u le p r e u v e qui fût désormais en son pouvoir.
En e f f e t , il est de notoriété au P u y que le sieur de Reyrolles
avoit fait un testament par lequel , cassant celui qu’il regardoit
comme un monument de foiblesse et de honte, il léguoit 40000 f.
à la dame de Reyrolles personnellement, et faisoit en faveur du
sieur Vauzelles , ex-législateur, une disposition considérable.
Aussitôt que la demoiselle Maigne apprit la maladie du sieur
de Reyrolles, elle voulut se mettre à portée de déranger des projets
dont elle ne pouvoit douter. Craignant de ne pas se hâter assez,
elle envoya au Puy le sieur Granchier le m ercredi, et arriva ellememe le vendredi suivant. Sa vue fit une révolution singulière au
aieur de Reyrolles, q u i, à ce qu ’on assure, se tourna brusquement
du côté opposé, et se couvrit la tète avec un mouvement con
vulsif. Quoi qu’il en soit, il expira" le même jour 18 floréal an 12.
Cette mort soudaine servoit mieux la demoiselle Maigne que
tous les plans qu’elle avoit pu concevoir. Seule dans la maison du
sieur de Reyrolles, et en attendant les scellés qui ne dévoient être
poses que le lendemain , au lieu de verser des larmes stériles qu’il
B
�( 10 )
valoit mieux réserver pour la pantomime des audiences, la de
moiselle Maigne étoit libre de tout parcourir. Un certain porte
feuille vert avoit paru donner de l’inquiétude au défunt : il n ’a
plus paru ; et le public qui se trompe rarement en conjectures dé
sintéressées, paroit avoir été imbu de l’idée que dans ce porte-feuille
gissoient les papiers les plus précieux, et surtout le dernier tes
tament. Et qu’on ne dise pas que c’est là une fable de pure ima
gination ; ce bruit avoit pris une telle consistance, que le sieur
Vauzelles, légataire, a rendu sur ce m otif une plainte en suppres
sion de ce testament.
L a dame de Reyrolles ne donnera pas d’autres détails d’un fait
qu’elle n ’a appris que par la notoriété publique. C e n’est point la
fortune du sieur de Reyrolles qu’elle ambitionne; elle ne demande
rien qui ne soit à elle-même; elle veut son état civil, sa d ot, et ne
dispute point à la demoiselle Maigne une o p u le n c e chèrement
achetée, et dont la source équivoque n ’est de nature à donner du
crédit que vis-à-vis quelques collatéraux.
Apres la mort du sieur de Reyrolles, ce n ’étoit plus que des
tribunaux que son épouse pouvoit attendre justice; en conséquence,
le 19 thermidor an 12, elle fit citer Catherine Maigne en payement
de ses dot, trousseau et gains matrimoniaux, e t, en tant que de
besoin , en nullité du divorce et actes postérieurs.
L a demoiselle Maigne ne savoit pas encore à fond le rôle con
venable à la circonstance. Cette tendresse soi-disant conjugale qu’il
falloit supposer à un homme dont les dernières volontés avoient
été d ’enrichir sa fidèle moitié, ne s’allioit guère avec un domicile
c o n s t a m m e n t séparé, et
douze lieues de distance. Cependant la
demoiselle Maigne, qui avoit toujours habité Brioude, et qui ignoroit les moindres affaires du sieur de Reyrolles, proposa un déclinatoire, soit qu’elle crût qu’il n’avoit pas transféré au Puy son do
micile de droit, soit qu’elle fut entraînée par la vérité à convenir
qu’elle n ’avoit pas le même domicile de lait que celui qu’elle disoit
son époux; elle ignoroil que le sieur de Reyrolles avoit acquis une
maison au P u y , s’en Uéclaroit habitant dans les actes publics, et
�( rO
avoit même fait rayer sa cote mobilière à Brioude. En conséquence, '
et par ces m o tifs, elle fut déboutée de son déclinatoire par juge
ment du 23 frimaire an i 3.
A u fond la demoiselle Maigne répondit que la dame de Reyrolles
n ’étoit pas recevable dans sa demande, soit à cause de la loi du
26 germinal an 1 1 , soit parce que la demande n ’avoit été formée1
%
qu’après la mort du sieur de Reyrolles, soit parce que la dame de
Reyrolles étoit divorcée par un acte requis et signé par elle-même;
qu’elle avoit traité avec son mari en qualité de femme divorcée,
et avoit pris la même qualité dans plusieurs autres actes-, no
tamment dans la déclaration de naissance d’un enfant né un àn
après le divorce; qu’à l’égard d’elle-même Catherine M aigne, elle
n ’avoit point à craindre le sort de ce divorce, parce qu’elle étoitl
mariée légitimement, héritière universelle, et que le sieur de
Reyrolles avoit tellement persisté dans cette volonté pendant sept
ans, qu’à sa mort o n a v o i t trouvé le testament de la demoiselle
Maigne parmi ses papiers les plus précieux.
11 est inutile de rappeler les moyens opposés par la dame de
Reyrolles à cette défense'de la demoiselle M a ig n e, les faits cidevant narrés les indiquent; et il suffit de dire qu’en déclarant le
divorce nul, les premiers juges ne virent plus dans la dame de
Reyrolles qu’une épouse restée sous la puissance maritale, n ’ayant
pu dès - lors traiter valablement avec son époux , ni prendre
une qualité qu’elle n’avoit pas. En conséquence, par jugement du
24 floréal an i 3 , le tribunal du P u y, sans s’arrêler aux fins de
non-recevoir proposées par Catherine M a ig n e , déclara nul l’acte
de divorce du 28 juillet 1793, et tout ce qui l’a précédé, de même
que le traité du 3 frimaire an 5 ; remit la dame de Reyrolles au
même état où elle étoit avant lesdits actes ; condamna Catherine
Maigne, en qualité d ’héritière du sieur de R e y r o l l e s , à lui payer,
x • 3oo fr. pour le montant de son trousseau stipulé en son contrat
de mariage du 7 novembre 177 4 ; a*« 1200 fr. pour scs bagues et1
joyaux; 3 . 400 fr. pour sa pension viduelle;
• à lui fournir un
logement garni et meublé, suivant son état et sa fortune, dans'Ic
li 2
�(
)
dernier domicile du défunt, à la charge par ladite dame de Reyrolles
de constater l ’état dudit mobilier qui lui sera remis, pour être rendu
à qui et dans le temps de droit; 5°. à payer à ladite dame de Rey
rolles i5oo fr. pour son deuil et celui de sa domestique; et à l’égard
du payement de la d o t, le tribunal ordonna que led parties contesteroient plus amplement, et à cet effet fourniroient leurs états res
pectifs, Sauf débats. Les inscriptions de la dame de Reyrolles furent
maintenues jusqu’à parfait payement, et il fut ordonné que ledit
jugement seroit CfxéCuté en la forme de l’ordonnance nonobstant
l’appel.
Cette dernière disposition donna lieu à la demoiselle Maigne de
hâter singulièrement son appel et ses poursuites. Impatiente de
jouir sans entraves, elle remontra à la cour que la douairière d’un
receveur général ne pouvoit vivre avec des saisies qui arrêtoient des
comptes extrêmement pressans, et que la trésorerie nationale la
pressait pour les rendre. L a co u r, par son arrêt provisoire du
24 floréal an i 3 , a fait défense d ’exécuter le jugement jusqu’à son
arrêt définitif.
L es parties sont aujourd’hui sur le point de faire juger le fond
de! la contestation, et la dame de Reyrolles attend sans inquiétude
une décision qui ne peut être que conforme à la morale et à la
justice.
M O Y E N S .
T o u te la défense de la demoiselle Maigne est fondée sur ce
paradoxe : L e mariage est une simple convention prhée; il peut
être détruit de gré à gré par un simple acte, qui supplée les formes
de la l o i , ou qui en dispense.
L a défense de la dame de Reyrolles est de dire, au contraire,
que le mariage est 1111 lien destiné à l’union de deux familles,
intéressant la société entière, et ne pouvant être dissous que dans
la rigueur des formes légales.
Sans doute la solution de ces deux systèmes est écrite dans le
�( '3 )
coeur de tous ceux qui n ’auront pas oublié ces principes immuables
qui résistent au fracas des révolutions et à l’éblouissement des
systèmes.
Ici il est constant qu’en 1774 la dame de Reyrolles a été mariée
avec toutes les solennités civiles et religieuses, et que son époux
n'est mort qu’en l'an 12. II s’agit donc d ’examiner si le mariage
a été légalement dissous par un divorce. Mais la 4 iiiiiiJLi,lhr,R li.jr
waïUiii» oppose des fins de non-recevoir, qu’il faut examiner; et ses
prétentions donnent lieu aux questions suivantes : i°. L a dame
de Reyrolles est-elle recevable à demander la nullité de son divorce
après la mort de son m ari, et malgré la loi du 26 germinal an
onze ? 2*. A u f o n d , le divorce opposé est-il valable ? 5*. Si ce
divorce n’ a pas été valable , a-t-il pu néanmoins être validé par
la convention particulière de la dame de Reyrolles?
P n E M i È n E
Q
u e s t i o n
.
L a dame de Reyrolles est-elle recevable à demander la nullité
de son divorce après la mort de son m ari, et malgré la loi
du 26 germinal an 11 ?
Sur quoi donc seroit fondée la première fin de non-recevoir?
sur une loi romaine? mais elle ne s’applique pas : ne de statu
drfunctorum post quinquennium queratur. Ici le sieur de Reyrolles
est mort en l’an 12, et il ne s’e6t pas même écoulé six mois de son
décès à la demande.
C ’est encore moins le Code civil qui favoriseroit la d e m o i s e ll e
Maigne. L ’article 188 porte que « l’époux au préjudice d u q u e l a
» été contracté un second mariage, peut en demander la nullité ,
» du vivant même de l’époux qui étoit engagé avec lui. »
L a loi ne permet donc de se pourvoir avant la mort de 1époux,
qu’à titre de g r ic e ; et il semble, par ses expressions, que c’est a
regret qu’elle y a consenti : elle laisse entrevoir le conseil de ne pas
user de cc consentement ; et ce mot mdme, q u i‘semble pour ainsi
�(
dire échappé à la plume du législateur, est cependant de la plus
grande moralité.
Q u’est-ce en effet qu’une demande de ce genre, formée par l’é*
poux abandonné contre l’époux coupable, si ce n'est une espèce de
dénonciation ouvrant le champ le plus vaste à la discorde, et ren
dant désormais toute réconciliation impossible?
Est^ejum^foible épouse qui, du vivant de son mari, osera l’ap
peler devant les tribunaux pour lui dire : Je veux qu’on vous oblige
à me rester fidèle? Mais si une seule fois peut-être, dans l’anti
quité, la sensible Hypparette a reconquis par un appel en justice,
1
4
)
la tendresse du plus infidèle des époux, combien d’autres s'indigneroient d ’être ainsi troublés dans leurs affections, et vengeroient
leur amour propre par un abandon plus éternel! Car les hommes,
qui font les institutions, n’ont créé que la puissance maritale; et
quels que soient les dons que le sexe ait reçus de la nature en dé
dommagement de sa foiblesse, ce pouvoir d’équilibre n'est plus
qu’une divinité imaginaire, quand les premières affections ont perdu
leur prestige, Malheur donc à l’épouse inconsidérée qui tenteroit do
proclamer son qbandon et de chercher son époux jusque dans les
bras d ’une rivale!
Il est bien plus dans l’ordre qu’une femme prudente ferme les
yeux sur les torts de son époux, et qu’elle tolère son infidélité pour
espérer son inconstance : le même caprice qui l’a éloigné du lit
conjugal peut l’y ramener repentant et fidèle. L e lien sacré du
mariage est comme l ’amour de la patrie. Cunctos ducit, et im-
memores non sinit esse sui.
T o u t devoit faire penser à la dame de Reyrolles que son goût
pour la demoiselle Maigne ne devoit être qu’éphémère : leur ha
bitation séparée , une haine qu’ils ne dissirnuloient plus, annoncoient une rupture prochaine; et sans les difficultés que le Code
civil a ajoutées au divorce, il est notoire que le sieur de Reyrolles
auroit vaincu la répugnance de divorcer une seconde fois, car il
ne cachoit à personne qu’il n ’étoit retenu que par cette considéra
tion. (^uoi rju’il en soit, la dame de Reyrolles a fajt ce qu’elle
�( i5 )
devoit faire; tant qu’elle a eu de l’espoir, elle a gardé le silence;
et quand la mort ne lui a plus présenté qu’une étrangère à pour
suivre, elle a réclamé ses droits.
r
L a demoiselle Maigne n’est pas le premier héritier qui ait op
posé que la nullité d’un divorce ne pouvoit pas être demandée contre
lui. Mais la cour de cassation a décidé le contraire par arrêt du
14 vendémiaire an 10.
L a deuxième fin de non-recevoir n ’a pas même le mérite de
fonder un raisonnement sur le bon sens.
Parce que la loi transitoire du 26 germinal a dit : Tous divorces
prononcés, etc., auront leurs effets, on en a conclu qu’à compter
de cette loi il n ’étoit plus possible d ’attaquer les précédens divorces.
C ’est-à-dire que si la veille de la loi nouvelle un divorce avoit
été prononcé sans aucunes épreuves, les époux n ’en seroient pas
moins séparés à jamais; et c ’est ainsi qu'on fait l'injure au légis-'
Iateur de lui prêter des pensées irréfléchies et monstrueuses.
M ais la demoiselle M aigne n ’a réussi à se faire un moyen de la
loi du 26 germinal q u ’en tronquant entièrem ent l’ article invoqué.
« T o u s divorces prononcés par des officiers de l’état c iv il, ou
» autorisés par jugement, avant la publication du titre du Code
» civil relatif au divorce, auront leurs effets conformément aux
» lois qui existoient avant cette publication . »
Ainsi le législateur n’a pas commis la faute de valider ce qui étoit
nul, il a au contraire déclaré ne valider que ce que la loi existante
lors du divorce approuvoit expressément. Incivile erat, nisi tota
lege perspectd, judicare. Maintenant que l’article entier est rétabli,
l’objection de la demoiselle Maigne se rétorque contre elle.
D
e u x i è m e
Q
u e s t i o n
.
L e divorce du 28 ju illet 1793 e s t - i l valable l
Comment le seroit-il? il y en a trois dans un seul.
Ces trois espèces de divorces exigeoient trois sortes d’épreuves et
�( i 6 )
de procédures. L e sieur de R eyrolles, plus pressé qu’il ne devoit
l ’être, amalgama t o u t , et interrompit au milieu de son cours une
première procédure, pour lui en substituer une seconde qui ne s’y
allioit pas.
L a nature de toute procédure se fixe irrévocablement par la
demande introductivo. Le sieur de Reyrolles K par son exploit ori
ginaire du 24 niai 1793, avoit formé demande en divorce, soit
pour absence depuis neuf ans, soit pour incompatibilité d’ humeur
et de caractère. Cependant le divorce est prononcé sous prétexte
de consentement mutuel.
L e divorce pouvoil être demandé, comme cause déterminée pour
absence pendant cinq ans sans nouvelles , ou pour abandon pen
dant deux ans. ( 2'. loi du 20 septembre 1793, § . 1 , art. 4* )
Si le sieur de Reyrolles eût voulu un divorce pour absence pen«
dant cinq ans sans nouvelles, il lui falloit pour première pièce
un acte de notoriété constatant cette longue absence ( § . 2, art. 17):
mais sa femme étoit près de lui le 24 mai 1793.
S ’il eût voulu un divorce pour abandon pendant deux ans , il
falloit assigner sa femme devant un tribunal de famille ( art. 18 ) ,
parce que le fait d’abandon com por toit une défense justificative.
O r , il étoit constant que la dame de Reyrolles n ’étoit allée à
Limoges qu’avec l’agrément de son mari , qu’elle y recevoit ses
lettres et une pension annuelle. Mais ce n’est pas pour abandon que
le sieur de Reyrolles demanda le divorce : l'exploit n’en dit rien.
. Pour incompatibilité d’hum eur, le sieur de Reyrolles avoit aa
marche tracée d’une manière positive.
« 11 çonvoquera une première assemblée de parens, ou d’amis à
» défaut de parens , laquelle ne pourra avoir lieu qu’un mois après
» la convocation. ( § » 2 , art. 8. )
» La convocation sera faite par l’un des officiers municipaux....
« L ’acte en sera signifié à l’époux défendeur. ( A rt. 9. )
» Si la conciliation n ’a pas lieu ,
1assemblée se prorogera à deux
» mois , et les époux, y seront ajournés. A l’expiration des deux
» m o is.-., si les représentations 11c peuvent encore concilier les
époux,
�( 17 )
» époux ,* l'assemblée sc prorogera à trois mois. ( A rt. 10 et i i . )
» Si à la troisième séance le provoquant persiste, acte en sera
». dressé. 11 lui en sera délivré expédition , qu’il fera signifier à
» l’époux défendeur. ».( A rt. 12. )
L e sieur de Reyrolles provoqua un divorce le 24 m ai, sans acte
de convocation d ’un officier municipal.
11 ne nomma point de parens; il indiqua seulement des a m is,
sans même exprimer que ce fût à défaut de parens.
L a première assemblée eut lieu le 27 juin 1793* H en fut dressé
acte; mais aucune signification n ’a été faite à la dame de R e y ro lles, parce que les moteurs craignoient que dans l’intervalle les
choses fussent pacifiées.
' '
Il n ’y a ainsi pas eu de divorce pour incompatibilité d’humeur,
pas plus que pour absence.
* C e serôit donc un divorce par consentement mutuel qu’il faudroit valider.
M ais l’actc p rim itif y est un obstacle perpétuel ; on veut cepen
dant que les actes qui suivent aient c o r r e e cette première procédure.
L a loi en exigeoit une absolument différente.
« Le mari et la femme qui demanderont conjointement le di» vorce, seront tenus de convoquer une assemblée de six au moins
» des plus proches parens, ou d’amis à défaut de parens. ( §• 2 ,
art. I er. )
» L ’assemblée sera convoquée à jour fixe et lieu convenu avec
h
les parens ou a m is .. . • L acte de convocation sera signifié par
» un huissier aux parens ou amis convoqués. ( A r t . 2 .)
» Les deux époux sc présenteront en personne à l’assemblée; ils
» y exposeront qu’ils demandent le divorce. » ( Art. 4. )
Le but de la loi se remarque assez par la différence des actes
préliminaires.
L incompatibilité pouvoit n ’avoir lieu que de la part d un époux;»
la procédure devoit donc avoir des formes liosliles ¡ c est pourquoi
la convocation devoit être réglée par un olficicr municipal , et un
C
�}
huissier clevoit sommer l’époux défendeur de concourir à la forma
tion de l’assemblée , et d ’y comparoitre.
Mais le divorce par consentement mutuel supposoit de la part
des époux un accord préalable né d’une égale satiété de vivre
ensemble. L a loi vouloit donc la preuve évidente qu’ils avoient
un désir unanime de mettre fin à une cohabitation insupportable;
et de là vient que, pour éprouver l’uniformité de cette vocation,
la loi exigeoit une simultanéité dans les démarches.
A in si, bien loin de se signifier par huissier une nomination de
parens , et par actes séparés , ce qui marqueroit une provocation ,
la loi a voulu que le mari et la femme indiquassent ensemble les
(
1
8
parens, en les choisissant par moitié; ellea voulu qu’ilsdemandassent
le divorce conjointement : ce qui exprime avec clarté que la loi ne
veut ni demandeur ni défendeur.
L a demoiselle Maigne objectera-t-elle que le but est également
rempli quand l’un des époux a requis le divorce et que l’autre y a
consenti ? Mais voilà une provocation , voilà un défendeur en
divorce : ce n’est plus une demande conjointe , et l’intention de la
loi est manquée.
Souvent l’incompatibilité d’humeur pouvoit être égale; mais la
moralité de l’un des époux peut répugner à un remède désiré
par l’autre. T e l époux ne se résoudroit jamais à vouloir le di
vorce , q u i , provoqué par une demande, trouve dans sa fierté une
adhésion qui n’étoit pas dans son cœur ; sa répugnance est vaincue
par l’idée que la loi ne lui a offert aucun moyen de résister à l’at
taque, et, dans son accord même, son opinion est soulagée en se
disant qu’il n ’a point été le provocateur.
Mais pourquoi chercher l’intention de la loi quand elle est claire?
Non omnium quœ à majoribus constituía sunt ratio reddi potes t.
Il est encore un principe bien constant en fait de lois rigoureuses,
c ’est que toutes les formalités doivent être suivies à la lettre sous
peine de nullité ; et la loi du l\ germinal an 2 a étendu cette peine
à l'inobservation des formes prescrites par toutes les lois rendues
depuis 1789.
�( 19 )
,
• C e serolt donc s’abuser étrangement que de voir dans la procé
dure qui a précédé le divorce prononcé le 28 juillet 1793, les actes
préliminaires d ’un divorce par consentement mutuel.
Non-seulement cette procédure n ’est pas conforme à la lo i,
mais le sieur de Reyrolles a donné un autre nom au divorce par
lui demandé. Il a requis seul le divorce ; et si sa femme a répondu
par un second acte qu’il n’avoit fait que prévenir ses intentions,
elle n ’a pas pour cela changé la nature d’une demande, tellement
indélébile qu’elle ne comportoit ni opposition , ni d ébats, ni ju
gement.
Lors de l’assemblée, la dame de Reyrolles ne parolt encore que
pour répondre ; elle ne requiert pas lo divorce, elle veut seulement
suivre la volonté de son mari. A u lieu de demander conjointement
le divorce, elle donne les mains à la demande, ¿¿son m a r i y persiste.
Alors le mari persiste ; donc c’est lui seul qui veut le divorce ,
c ’est lui seul qui le provoque et qui le consomme.
V o ilà cependant ce que l’officier, public , dans l’oubli de ses
devoirs , a reçu com m e les épreuves suffisantes d ’ün divorce.
Un divorce commencé pour incompatibilité d ’humeur exigeoit
une foule d’actes et de longs délais ; cet officier public s’est contenté
d ’un seul acte et de trente-trois jours de délai.
C ’est donc ainsi que la sainteté du mariage auroit été mise à la
merci de l’arbitraire ou du caprice, pour ne rien dire de plus.
Mais il seroit insensé de justifier cette procédure dans ses délais
etdanssa iorme; elle a péché encore par une irrégularité non moins
grande. L e sieur de Reyrolles semble avoir voulu esquiver les repré
sentations de sa famille, car il n ’a appelé aucun'de ses parens ù
son divorce.
Ici encore la loi a marqué entre les deux procédures 'une dif
férence notable, l'our l’incompatibilité d ’humeur , il suffisoit de
parens ou amis ; mais pour le consentement m utuel, la loi a voulu
la convocation des plus proches parens.
S i , comme veut le dire la demoiselle Maigne , il eut été égal
d avoir des amis , c’étoit inutilement que la loi étoit plus exigeante
C a
�pour le consentement mutuel. Mais , sans raisonner plus long-temps
sur un point déjà trop évident , il suffit de remarquer que la loi
ne vouloit des amis q u ’à défaut de parens.
Oscroit-on supposer qu’à Brioude le sieur de Reyrolles n ’avoit
pas de parens? cela est aisé à démentir : mais si cela eût été
vrai, il falloit au moins l’exprimer. T o u t acte de formalité doit por
ter avec lui-même la preuve que cette formalité a été remplie. Déjà
la cour d’appel, dans une cause sem blable, a annullé un divorce
entre des liabitans deRiorn , par arrêt du 26 pluviôse an 10 , sur le
m o tif que les actes n ’exprimoient pas que des amis n ’eussent été
appelés qu’à défaut de parens.
Que signifie même cet acte si précipité, qu’on dénomme si impro
prement un acte de divorce? L ’officier public, de sa pleine puissance,
y dissout un contrat de mariage passé devant Couguet et Hêraud ,
notaires , le 7 novembre 1774* Mais jamais on n ’a ouï dire que ce
fût le contrat notarié qui donnât l’état civil aux époux, et consti
tuât le mariage. A vant 1792, l’église donnoit tout à la fois l’état
civil et le sacrement ; le mariage ne tenoit son essence que de la
célébration. Or , ce n’est pas l’acte de célébration du 8 novembre
qui a été dissous, mais un simple contrat privé, réglant des affaires
d ’intérêt, et totalement incapable d ’opérer un mariage.
Enfin , la loi du 20 septembre a exigé que « tous actes de divorce
» fussent sujets aux mêmes formalités d’enregistrement et de publi» cation que Pétoient les jugemens de séparation » ( §. 5 , art. 1 1 . )
Or , le divorce opposé ne paroit pas même avoir été enregistré.
On a voit objecté à la dame de Reyrolles qu’elle-même avoit assigné
pour la prononciation du divorce. Elle ignore si aucun exploit
existe, car elle n’en a jamais donné l’ordre ; niais, quand on supposeroitlc contraire, prétendroit-on sérieusement qu’une défende
resse en divorce a pu provoquer a son tour un divorce par con
sentement mutuel ?
U n exploit après le changement de formalités auroit rétabli la
procédure pour incompatibilité d ’humeur , et cet exploit même
seroit une nullité de plus.
�( 21 )
T
r o i s i è m e
Q
u e s t i o n
.
S i le divorce n’a pas été valable, a-t-il pu néanmoins être validé
par une convention particulière de la dame de Reyrolles ?
Un contrat qui n ’intéresse que les deux parties peut sans doute
ne dépendre que d ’elles seules, et alors il est rompu aussitôt quelles
en ont exprimé la volonté.
Mais un contrat qui intéresse la société entière ne peut se dis
soudre que par des actes publics et authentiques, et dans les formes
rigoureusement exigées. Cette différence est sensible, et tient à la
nature du contrat de mariage.
Oser dire qu’il est un simple contrat privé n ’est qu’une hérésie
insoutenable; èlle est condamnée par toutes nos lois; et les R o
mains eux-mêmes, qui cependant admetloient la répudiation et le
divorce, nous ont transmis les idées grandes et nobles qu’ils avoient
sur l ’ i m p o r t a n c e du m a r i a g e .
« Parmi toutes les institutions humaines, a dit Justinien , rien
» n ’est si sacré et si important que le mariage, car c’est par lui que
w se forme la suite des générations; c’est par lui que se peuplent
» les régions et que les cités fleurissent : il est le conservateur de
» la république et la source de sa prospérité. »
N ih il in rebus mortalibus perindè venerandum est atque matrimonium : quippeex quo liberi, omnisquedeinceps sobolis sériés
ex istâ t, quod regiones atque chutâtes frequenter reddat, undè
denique reipublicœ coaugmentatio fia t. ( N ovell . i/fo. )
T o u t ce qui tenoit au mariage participoit chez les Romains de
cette considération. Les dots étoient aussi considérées comme objet
d ’intérêt public : Reipublicœ interest dotes mulierurn salvas esse.
L e divorce avoit aussi mérité l’attention du législateur; il en
déterminent les formes, et exigeoit l’avis de la famille et la présence
de sept témoins, afin que leur nombre, leur influence et leurs re
présentations fussent un frein à la rupture du mariage. (Jf. D e
tüvorli'us et répudias. )
�(
2
2
)
Et si les formes n ’étoient pas exactement suivies, le divorce étoit
radicalement nul : Nullurn divortium ratum est. ( L . g. eod. )
Quand cette nullité n ’auroit pas été textuelle, elle eût été pro
noncée par la loi qui portoit que toutes les conventions faites contre
le droit civ il, contra juris civilis régulas, étoient nulles de plein
droit, et ne produisoient aucune action. (/ ,. 28, f f . D e pactis.)
O r, il n ’étoit pas douteux que la forme de dissolution du mariage
ne fut réglée par le droit civil : Jure civili dissolvere solet rnatrimonium. ( L . n , ff. D e divort. et rep. )
D ’autres lois disent expressément que tout ce qui tient à l’état
des hommes n ’est pas en leur pouvoir, parce qu’on ne peut changer
la condition des personnes : Status hominis v el conditio personarum mutari non potes t. ( L . libéras , c. D e lib. c , )
Sans doute ces principes suffiroient pour établir qu’un divorce
n ’est pas susceptible d’être validé par des conventions particulières;
et il résisteroit d’ailleurs au bon sens que la loi eut exigé des formes
rigoureuses, et que cependant elle eût permis aux époux de s’en
' dispenser indirectement.
Mais la loi, après avoir exprimé scrupuleusement les formes à suivre
pour le divorce, avolt aussi prévu que des époux trop peu attachés
à son observation pourrolentse permettre des traités pour valider ce
qu’elle ne valide pas; et, par une prévoyance très-conséquente, elle
repousse ces conventions illégales, et les déclare radicalement nulles.
Pactiones sanè si quee adversus prœsentia scita nostree majestatis fierin t attentatœ , tanquam legibus contrarias nullani habere 'volumus Jirmitatem. ( L . 8 , code D e repudiis. )
Ainsi la question est diserlement jugée par la loi elle-même.
Si un divorce n ’a pas été légalement fa it, les époux ne peuvent
ensuite le valider par aucune convention.
Sans doute la demoiselle Maigne ne prétendra pas que ces prin
cipes soient combattus par aucune loi française. On demande,
«lit Vinnlus, s’il est permis de transiger sur la validité des mariages:
oui, répond-il, s’il s’agit de valider le mariage : Ut sponsa rnaneal sponsa, placeù tratisciclionem valcre; mais la transaction est
�C 23 )
absolument nulle, s’il s’agit de relâcher le lien du mariage. ( Vînn,
D e trons. )
L a demoiselle Maigne opposera-t-elle la loi du 20 septembre
1792. Mais quelle que fut l’opinion du temps, elle n ’y trouvera
rien de favorable à son système. « L a dissolubilité spontanée du
» mariage, disoit le rapporteur de celte l o i , la liberté d’en con» tracter un second , après 1111 premier qui ne seroit pas légalement
» rompu , seroit une liberté immorale et impolitique. »
Aussi la loi du 20 septembre s’exprime-t-elle d ’une manière trèsconforme aux principes enseignés par les lois romaines.
« L e mariage est dissous par le divorce légalement prononcé.
» Les époux ne peuvent contracter un second mariage qu’après
» que le premier aura été dissous conformément aux lois. »
Que la demoiselle Maigne ne se dissimule pas toute la force de
l’expression ne peuvent. Toutes les fois, dit Dumoulin , qu’elle se
trouve dans les lois de rigueur, elle marque la plus forte des prohi
bitions ; elle ôte la puissance de droit et de fait , et a le même
résultat que l’impossibilité absolue.
11 en résulte donc que la demoiselle Maigne n ’a jamais pu être
l’épouse du sieur de R e y ro lle s, dès que son divorce n ’a pas été
fait conformément aux lois.
L e Code civil répète ces dispositions de la loi du 20 septembre.
Rien n’est plus cla ir, et il est difficile d ’y voir que si le divorce
n ’est pas légalement prononcé, on pourra dissoudre le mariage par
des conventions particulières.
D ’ailleurs, suivant le Code c iv il, il faut pour la validité d ’une
convention , .i*. la capacité de contracter, 2“. une cause licite dans
l ’obligation. ( Art. 1108. ) O r , suivant l’art. 1124, la femme mariée
est incapable de contracter elle-même ; e t , d ’après l'art. 1 153, la
cause est illicite quand elle est prohibée par la l o i , ou contraire u
l’ordre public.
Se départir de son état civil est sans doute la plus grande dis
position qu’une iemine mariée puisse faire; et cependant elle n’a
pas la capacité de faire des dispositions bien moindres. Comment
�( H )
\
traiteroit-elle librement avec son m a r i , à qui elle doit obéissance,
et qu’elle est obligée de suivre partout où il juge à propos de ré
sider ? ( A rt. 2 i 5 et 214* )
L e mari lui-même , clief de la puissance maritale , ne peut y
déroger et s’en départir par une convention. ( A rt. i 388. ) Com
ment donc concevoir que le mariage soit dépendant d ’une transac
tion , quand la puissance maritale n ’en seroit pas susceptible, elle
qui n ’est cependant qu’un effet ou une émanation du mariage?
Jusqu’ici la dame de Rej'rolles a supposé un traité sur la vali
dité de son divorce; e t , dans ce cas m êm e, il est évident qu’un
traité seroit nul : mais il n ’en existe d ’aucune espèce ; et ce que la
demoiselle Maigne appelle à son secours , est seulement une appro
bation du divorce , résultante du traité de l’an 5 et de quelques^,
exploits.
L a dame de Reyrollcs, objecte la demoiselle M a ign e, s’est donnée
plusieurs fois la qualité de femme divorcée: donc elle a approuvé,
elle a ratifié, elle a validé son acte de divorce.
C e qu’on n ’oseroit pas dire pour l’acte du plus mince intérêt, la
demoiselle Maigne le propose avec assurance pour une dissolution
de mariage.
Mais peut-on s’imprimer une qualité qu’on n’a p a s , et perdre
par un seul mot son état civil ? U n mineur cesse-t-il de l’être en
se disant majeur? et un époux, en se disant veuf, cesseroit-il d ’être
engagé dans les liens du mariage?
L ’exécution d ’un acte n u l , dit M . Cochin dans son 37*. plai
doyer , n ’en a jamais opéré la ratification ; c a r , dans les cas où
la loi donne dix ans pour réclamer , si chaque acte d ’exécution
opère une ratification , il faudroit dire que la loi n’a accordé aucun
délai ; et au contraire tout le monde sait qu’il ne faut considérer que
l ’acte n u l , et compter pour rien son exécution.
D e même , la dame de Reyrollcs ayant coopéré par sa signature
à un premier acte n u l, c ’est-à-dire , à son divorce, tout ce qu’elle
a fait ensuite n’en a été que 1 exécution.
11 falloit qu’elle réclamât ou exécutât. M ais, étant en puissance
maritale ,
�( *5 )
m aritale, elle avoit au moins dix ans pour réclamer à compter du
dccès de son mari : jusque-là elle étoit donc forcée d’exécuter un
divorce nul , car son intérêt n’étoit pas de réclamer, de peur que
son mari ne divorçât une seconde fois plus régulièrement.
Sans doute la restitution de sa dot étoit la première exécution
du divorce ; et on a \u comment elle fut forcée par des offres à
traiter pour ce que voulut le sieur de Reyrolles. L e compte d’ins
truction qu’il lui devoit comme mandataire, pour avoir touché des
droits successifs inconnus, exigeoit d’après les lois un détail qu’il n’a
pas donné; et quand cette partie de la cause , pendante encore de
vant les premiers juges , sera remise en discussion , la dame de
Reyrolles prouvera l’abus évident de la puissance maritale, et le
tort considérable qui lui a été fait.
L a dame de Reyrolles n’a point traité sur son divorce : elle n ’a
fait que l'exécuter par contrainte. Pour exister , elle fut obligée de
former quelques demandes ; et sans doute pour la régularité des
exploits , ne pouvant se dire autorisée du sieur de Reyrolles, elle
étoit forcée de se dire divorcée pour recevoir ce qu’elle deinandoit.
Mais toutes les fois que cette qualité n’étoit pas de forme néces
saire, la dame de Reyrolles s’abstenoit de la prendre; elle peut
représenter plus de soixante actes où elle ne se l’est pas donnée;
elle a même prouvé, par les registres de son m a r i , qu’il n ’a pas
cessé de lui donner par écrit le nom de Florat-Reyrolles après le
prétendu divorce.
L ’exécution d ’un acte n u l, on le répète , n ’a jamais produit une
ratification ; et le Code civil a fait aujourd’hui une loi du célèbre
passage de Dumoulin sur cette matière. « L a ratification d ’une
« obligation contre laquelle la loi admet l’action en nullité ou en
» rescision , n ’est valable que lorsqu’on y trouve la substance de
» cette obligation , la mention du m otif de l’action en rescision,
» et l’intention de réparer le vice sur lequel celte action est fondée. »
( Art. i 558. )
Une donation nulle ne peut même être ratifiée : il faut la refaire
çn forme légale, ( A r t . 1559. ) Un divorce auroil-il moins intéressé
D
�( 26 )
le législateur? et pensera-t-on qu'il fut plutôt susceptible d’une
simple ratification ?
La jurisprudence ne s’est jamais écartée de ces principes. Un
jugement a été cassé le 25 messidor an 4> parce que des quittances
données en viduité avoient été réputées ratification d ’une vente de
bien dotal en coutume d ’Auvergne, « attendu que les formalités
» n’ ont pas été remplies, et que Vexécution pendant plusieurs
» années du traité du ...... n’a pu valider un acte nul dans son
» principe. »
Cependant la demoiselle Maigne insiste, et il lui semble que tous
les principes qu’on vient de lui rappeler ont été renverses par un
arrêt récent de la cour de cassation, qui a jugé en thèse, dit-elle,
que le mariage et le divorce ne sont plus des contrats d ’ordre public,
et qu’on est non recevable à demander la nullité d’un divorce quand
on l’a approuvé par des actes subséquens.
Mais ce n ’est là qu’une calomnie de la demoiselle Maigne contre
la cour de cassation , qui ne peut être sérieusement accusée d ’un
tel paradoxe. Il n’étoit question devant tille que d ’un divorce va
lable, d è s-lo rs la cause n’est plus la même.
Cependant un arrêt de cassation est une arme trop puissante
pour qu’il suffise de ne se défendre contr’elle qu’avec celte seule in
dication. L a dame de Reyrolles va en rappeler l’espèce précise, et
il sera aisé de voir que la demoiselle Maigne a voulu seulement
abuser de quelques expressions fugitives et ambiguës d'un arrêt de
circonstance.
« L e sieur Boehler, après avoir reconnu dans plusieurs contrats
» la validité du divorce obtenu par sa fem m e, avoit cependant
» tenté de le faire annuller par justice.
» Celle-ci, en repoussant les nullités, opposoit d ’ailleurs et pé» rcmptoireinent que son ci-devant mari étoit non recevable,
» attendu qu’il avoit reconnu la validité du divorce.
» Arrêt de la cour d ’appel séante ù I rêves, qui admet la fin de
» non-recevoir ; attendu que les moyens de nullité étoient sans
» fondement ; et encore, attendü que le mari a pu et voulu renoncer
�C 2 7 )*
» au droit q u ’il avoit de contester les effets civils du divorce de son
» épouse.
:» Pourvoi en cassation, pour contravention à l’article G du Code
» civil.
» L e demandeur soutenoit qu’une convention tendante à faire
» valoir un acte de divorce n u l , seroit contraire à l’ordre public
» et aux bonnes mœurs ; qu’ainsi, en supposant le fait de recon» noissance ou consentement par le m ari, la cour d’appel n’auroit
» pu conclure, en point de d ro it, que par la force de celte con» vention le divorce fût devenu inattaquable.
» A h k ê t . — A ttendu q u ’en ajoutant à la considération de la non
» application des lois invoquées par le demandeur aux actes par
» lui attaqués, celle de l’ approbation par lui donnée à la régularité
» de ces actes, et mêm e celle de la reconnoissance par lui faite dans
» d ’autres actes publics de sa qualité Ac fem m e divorcée, à celle
»
»
»
»
qui a fait prononcer le divorce
pas viole l ’art. G du C ode civil,
des conventions particulières à
m œ urs, et bornant sa défense à
d ’avec l u i , la cour d ’appel n ’a
q u i , défendant de déroger par
Vordre public et auoc bonnçs
ce qui concerne ces objets d ’in-
» térêt public, a voulu permettre l’effet des reconnoissances et celui
» des transactions sur F intérêt civ il et privé; ce qu’ il a formelle» ment exprimé dans Fart. 2046, et ce que la loi transitoire de
» floréal an 11 a spécialement appliqué au divorce.
» La cour rejette.
» D u 24 pluviôse an i 3. — Section des requêtes. >/
( S ir e r , an i 3 , pag. 2 2 3 . )
Combien de différences notables entre cet arrêt et la cause!
Apres un divorce demandé et oblenu par une fem m e, c’est le
mari qui, n’élant sous la puissance de personne, fait des conven
tions sur ce divorce.
11 traite librement; il n’est pas incapable.
11 traite sur les intérêts civils du divorce.
11 ne traite pas seulement sur la suite du divorce, mais il recou*
nott par plusieurs actes la v a lid ité du divorce.
D 2
�( 28 >
En plaidant, il ne peut pas même prouver que le divorce ait été
nul d ’aucune nullité.
L a cour d ’appel en effet ne se décide que par ce motif.
En cassation, l’époux n’essaye pas même encore de prétendre que
son divorce est n u l , et il se borne à une dissertation polémique
sur l’effet de la ratification qu’il a donnée.
Ainsi la position de la question n’étoit pas de savoir s’il avoit
pu transiger sur un divorce n u l, mais s’il pouvoit faire rescinder
un traité relatif aux intérêts civils, par cela seul qu’il avoit aussi
transigé sur la validité du divorce.
C ’est donc encore le fait qui a décidé la cour de cassation ; et
si ses motifs donnent à méditer sur leur sens, il n’en résulte qu’une
plus grantîe conviction qu’elle a clairement distingué ce qui tenoit
â l’ ordre public et à Uintérdt civil et privé, et qu’elle ne s’est dé
cidée à juger aussi le sieur Boehler non recevable, qu’en ce que, le
divorce étant valable, ses traités étoient étrangers à l’ordre public.
L e m o tif pris de l’art. 2046 du Code le prouve. 11 porte qu’on
peut traiter sur l’intérêt privé résultant d ’un délit. On n ’est donc
pas libre de traiter aussi pour l'intérêt de la société.
E t comme une femme ne peut pas être épouse respectivement
au corps social, et divorcée pour sa famille et pour elle-même,
il en résulte qu’elle peut bien traiter pour son intérêt privé, mais
seulement après que l’ ordre social n’ a plus d’ irite'rét; c’est-à-dire,
quand son divorce a été consommé conformément aux lois.
L ’arrêt de cassation est donc birn loin d’être favorable à la de
moiselle M aigne, qui ne peut pas exciper d’un divorce légal, après
lequel sans doute la dame de Reyrolles eût pu traiter sur les intérêts
civils résultans de son mariage.
L a demoiselle M a ig n e , en citant cet a rrê t, a prétendu, avec
le rédacteur, que l’article G du titre préliminaire du Code ne porte
qu’une prohibition obscure et incertaine, qui ne peut s’appliquer
à la cause, parce que les traités sur les divorces ne sont pas d’ordre
public.
11 est vrai que ce rédacteur propose cette obscurité, seulement
�( 29 )
comme un doute; mais il termine de manière à prouver qu’il ne
s’est pas décidé comme la demoiselle Maigne l’entend.
Cependant sa première application semble fautive; car en rédui
sant la définition d’ordre public à ce qui concerne l’état de la
république, quodadstatum reipublicœ pertinet, il n’a pas remar
qué que l’expression jus publicum étoit alternativement employée
par les lois romaines pour le droit public et pour l’ ordre public;
ce qui comporte encore une nuance nécessaire à distinguer, comme
on peut le prouver par des exemples.
Lorsqu’avant les novelles , la défense de distraire la falcidie
' n ’étoit pas permise, si un testateur avoit voulu en prescrire la dis
traction , à peine par son héritier de payer une somme aux léga
taires, celte disposition étoit déclarée nulle, comme contraire au
droit public , et toute action étoit déniée aux légataires (i)***
Cependant une telle nullité n’intéressoit aucunement l’ état de la
république.
S i en d o n n a n t la d o t au mari o n a v o i t s t i p u lé q u ’il ne c o n t r i bueroit pas aux frais d’inhumalion que la loi mettoit à la charge
de la dot, celui qui avoit payé ces frais n ’en avoit pas moins une
action en répétition contre le mari, et il ne pouvoit pas opposer sa
stipulation , parce que la loi la déclaroit nulle et attentatoire au
droit public (2)... Cependant encore l'état de la république ctoit
fort étranger à cette convention.
( 1 ) Fratercum haredem sororem scriberet, et alinm ab e à , cu i dona lum v o le b a t , stipulari curavit ne fa lc id ia uteretur , et ut certain pecun ia m , si con tri J e c is s e l , p restare , privatorum cautione h'gibus non esse
refragandimi con stilit : et ideo sororem j u r e l ' U i u . i c o retenlione/n habi turam , et actionem e x stipulatit denegandam. ( L . i 5 ,/ f. A d leg. fa te . )
(2) N rra tiu s quecrit s i is fju i dole/n d ed era t prò m uliere , stip u la tu s
est.... iVe q u id m aritus in fttnus c o n ferr et, an Ju neriim i m aritus teneaiur?
e t a it... S i a lia s fu n era v it, posse e uni m aritum convenire, quia p a cto h oc
/us i*u b licu m in ftin g i non p o ssit. ( L . 20 ,/ / . D o relig. et sum pt. )
�( 30 )
Ces dispositions n ’étoient donc que d ’ordre public, et la loi no
vouloit pas qu’elles pussent être éludées par des conventions par
ticulières. Comment donc seroit-il proposable de supposer à -la
prohibition de dissoudre le mariage, un moindre intérêt d ’ordre
public? et au lieu de se jeter dans l'application vague de la loi 6 ,
cod. D e pa rtis, et de l’art. 6 du C o d e, comment ne pas trouver
une nullité radicale aux divorces faits sans toutes les formalités,
quand la loi a dit : Nullum ratum est divortium, nisi , etc.? com
ment ne pas trouver une nullité radicale dans les conventions sur
les divorces, quand la loi a dit : Pactiones nullam habere 'volumus
Jirmitatem, lanquani legibus contrarias? enfin, comment ne pas
voir une disposition prohibitive et irritante dans la loi du 20 sep
tembre, quand elle dit qu’un second mariage ne peut être contracté
qu’après un divorce légal ?
Quand les lois sont si claires, comment seroit-il possible de
penser qu’une femme, à qui un divorce illégal n ’a pas ôté la qua
lité de femme mariée, ait pu s’en priver elle-mêm e en se disant
divorcee, et en 11e transigeant pas même sur la validité du divorce
qu’on lui oppose?
Que reste-t-il donc à la demoiselle M aigne, si ce n ’est de faire
diversion h la cause par la naissance d’un enfant, survenue, dit-elle,
long-temps après le divorce? Mais d’abord elle est convenue que la
date donnée à cette naissance étoit une erreur. Que n’avouoit-elle
avec la même franchise les circonstances explicatives dont elle étoit
mieux informée encore. On verroit qu’un époux chancelant entre
une épouse et sa rivale, déterminé h fixer son irrésolution par un
retour à scs devoirs , en est tout h coup détourné par une séduc
tion toujours active ; habitare fa cit sterilem in domo , et la mère
d e s e s e n fans, repoussée comme une vile esclave, est obligée de céder
à une étrangère led honneurs du lit conjugal.
E li! qu’imporle à la demoiselle Maigne cette naissance; est-ce
bien à elle â scruter la conduite d ’une épouse ? Si cette conduite
étoit blimiable , cet adultère qu’elle proclame ne seroit-il pas
/
�( 3* )
son propre ouvrage? n’en porteroit - elle pas le poids éternel ?
Mais il ne s’agit point ici de la naissance d’un enfant ; il suffit
à la dame de Pieyrolles de déclarer qu’elle n’a point à en rougir,
et qu’elle est à même de présenter des témoignages non équivoques
pour sa justification. L e fait de celte naissance n’est ici employé
que comme moyen de la cau se, et parce que la qualité de femme
divorcée y est donnée à la dame de Reyrolles. Mais ne seroil-il
pas bizarre q u e , dans la commune où un divorce a été prononcé,
l ’officier public eût lui-même rendu à la femme la qualité d’épouse?
L ’objeclion est donc absolument nulle , et rentre d ’ailleurs dans la
discussion précédente , où elle trouve sa réponse.
Ainsi s’évanouissent tous les moyens de la demoiselle M aigne,
et se justifie la décision des premiers juges.
L e nom de veuve du sieur de Reyrolles lui est ô t é , mais il lui
en reste la fortune. L a dame de Reyrolles se borne à vouloir ce
qui lui appartient , d’après son contrat de mariage. N ’est-ce pas
assez q u ’elle s o i t r é d u i t e h le d e m a n d e r à la demoiselle Maigne ;
qu’après vingt-neuf ans de mariage elle ait quelque chose à lui
e n vier, et que le sort de l’une et de l’autre soit aujourd’hui si
différent ?
Une règle de droit a prévu ces caprices de la fo rtu n e ,et le vœu
du législateur n ’a pas balancé: M elius est favere repetitioni quam
adventitio lucro. L e sort des parties seroit écrit dans celte loi
seule , s’il n’étoit déjà réglé par des principes d’une plus haute
importance.
A u x yeux de la morale et de l’opinion, l’intimée ne cessera pas
d ’être la veuve de Reyrolles; elle le sera de même aux yeux de la
c o u r , puisque les lois ne répulent pas son mariage dissous. La
demoiselle Maigne ne laissant pas de postérité, il ne s’agit point
ici du danger d’ôter un état civil à des enfans nés dans la bonne
foi. Ainsi, les principes demeurent dans toute leur lorce , et ne
sont vaincus par aucune considération. L a demoiselle Maigne est
réduite à des fins de non-recevoir. Mais que signifient de misérables
�( 3 2)
subterfuges dans une cause de cette nature ? Les magistrats n’y
verront qu’un mariage ou un divorce, c ’e s t - à - d i r e , un objet
majeur et d ’ordre public. Alors disparoitront les personnes, l’in
térêt seul de la société sera mis en balance, et l’arrêt de la cour
sera tout à la fois une leçon de morale et un monument de juris
prudence.
Signé F L O R A T , veuve D E R E Y R O L L E S .
M°. D E L A P C H I E R , avocat.
M e C R O I Z I E R , licencié avoué.
A R IO M , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d ’appel. — Frimaire an 1 4
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Couguet-Florat, Marguerite. An 14?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Croizier
Subject
The topic of the resource
divorces
remariage hâtif
nullité du mariage
Description
An account of the resource
Mémoire pour Marguerite Couguet-Florat, veuve du sieur de Reyrolles, intimée ; contre Catherine Maigne, se disant aussi veuve dudit sieur de Reyrolles, appelante.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 14
1774-Circa An 14
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0615
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0524
BCU_Factums_M0309
BCU_Factums_M0708
BCU_Factums_M0706
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Coverage
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Le Puy-en-Velay (43157)
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divorces
nullité du mariage
remariage hâtif
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x m a m i Ai9aLEMx?sjii£±t m m
M E M O I R E EN R É P O N S E ,
POUR
C
a t h e r in e
M O L I N , et les S.r et dame V E N D R I E Z
et B O R N E , intimés ;
CONTRE
J e a n et autre J e a n
CH O U V E N C
, appellans.
Q U E S T I O N S .
1 .° L a procédure des app elans a -t-elle é té périm ée de p le in
droit dans le ressort du parlem ent de T o u lo u se ?
2 .° S i elle n'est p a s p érim ée, p e u v e n t-ils , com m e tiers acqué
reurs, repousser L'action des in tim és p ar la p rescrip tion de
d ix a n s , dans le m êm e parlem ent ?
3 .°
S 'il n y a p as p rescription , les app elan s so n t-ils rece
vantes en la d ite q u a lité d'acquéreurs d'un co h éritier, à form er
tierce op p osition à des ju g em en s en dernier r e s s o r t, rendus
su r a p p o in tem en t, entre leu r vendeur et ses autres co h é ritie rs,
p ou r le règlem ent de leurs droits resp ectifs à la su ccession
com m u n e ?
3
4 -° T hérèse M o lin a -t-e lle eu 10 ou o ans p o u r se pourvoir
con tre un e renoncia tion surprise en m in o r ité p a r des p rotuteurs,
dans l ' ignorance de ses droits et sans être inform ée que les testam ens de ses p ere et m ère étaien t n u ls ?
C ette question d o it-elle être décidée par une ju risp ru d e n ce
a u tre q u e ce lle du parlem ent de T o u lo u se ?
5 .°
3
C atherine M o lin a -t-elle p e r d u , p a r la p rescrip tion de o
A
�c o
a n s, le droit de dem ander le p a rta g e , pendant sa coh a b ita tio n
dans la m aison p a tern elle ?
6.° L e testam ent de Catherine F erra p ie , sans signature ,
ou déclaration nég a tiv e de la te sta tr ic e, et sans lecture à ladite
testa trice , e s t-il valable ? Q u e ré su lte -t-il p ou r ou contre sa .
v a lid ité de c e q u 'il est antérieur à la p u blica tio n de C ordon
n a n ce de 1735 ?
rj.° L a prem ière su b stitu tion q u 'il c o n t ie n t, est-elle J id é icom m issaire ou fid u c ia ir e ? L a seconde est-elle une su b stitu tion
p u p illa ire ? E st elle v a la b le? A - t- e lle transm is la succession à
M arie B iolin , dernière appelée ?
8 .° L e testam ent de P ierre M olin , q u i a sim plem ent lé g u é
u n e légitim e à ses en/ans p u in és , esi-il n u l p o u r vice de prétérition ?
F W W i 'V V % % V V W V X W W \ W % V % .‘W
I
V.
t.
W
%
r. t . fi sont les questions importantes et nombreuses qui
divisent les parties et qui ont occupé La Cour pendant plusieurs
audiences. Une expédition infidelle 'du testament de Catheriue
F e rra p ie , rapportée-par les Chouvenc , contenait deux expres
sions, dont ils abusaient en faveur de leur cause. L a Cour s’est
vue forcée d ’ordonner une collation vidimée de la minute de cet
a c te ; aujourd’hui la nouvelle expédition est rapportée, et les
intimés se verront enfin en possession de leurs droits successifs,
après avoir plaidé 22 a n s, et s u b i , pour faire juger un simple
p a r ta g e , quatre degrés de juridiction. .
■ F: A I T S.
• r. ,
■ ...
Pierre M olin a v a it , dit-on , pour frères M a rc e lin , Biaise , et
Ig n a ce K o lin . Tous , excepté le dernier , s.*mt inutiles’ à la
cause; et pour 11e pas l’embrouiller , les intimés se contentent
d’en rappeler lts noms , pour passer'à lu descendance de Pierre,
m arié à Catherine Ferrapie. ils ont eu six enfuns.
.
■> ' 1
�C3 )
P ie r r e M o l i n , m ort en 1743.
C a t h e r in e F e r r a p i e , m orte en 1735.
2.
3.
I
4.
S.
a.e m a ri }
N ... D ejoux.
3.e m a r i ,
C laude- L a m b e rt
Lacroisière.
Jeanne Bor ne,
Louis V e n d r i e z ,
intimés.
L e 20 mars 1735 , Catherine Ferrapie fit son testament. Elle
légua à ses six enfans leur légitime de droit, à titre d’institution.
.Voici les dispositions et la forme de ce testament:
Catherine Ferrapie institue pour ses héritiers universels Ig n a c e
M o lin , curé de Chain bon, son beau-frère, et Pierre B o ye r, son
o n cle , « à la charged e rem ettre, quand bon leur sem blera, ladite
« hérédité à P ie r r e , fils de la testatrice, et au cas que ledit Pierre
« M olin vint à mourir sans p o u v o ir disposer, ou sans avoir
« recu eilli ladite hérédité, elle lui subslitue M arie. Ladite testa
it trice fait ladite institution sans d ista clio n de quarte et sans
« qu’ils soient obligés de rendre aucun com p te des fr u its de
« ladite hérédité , et à la charge de faire entretenir et élever ses
« e n fa n s .. . . Fait et récité audit T e n c e , dans la
m a iso n
d’autre
« sieur Pierre M o lin , en présence d e ..............témoins soussignés.
« L adite testatrice ille de ce enquise et requise............. ”
L e 20 mai 1743 , Pierre Molin père, lit son testament : « il
« institue pour son héritier Pierre M o lin son fils. . . . Il donne
« et leg u e à ses cinq autres enfans leur légitime de droit} . . . .
« et attendu le bas âge de son héritier, il prie Ig n a c e M o lin ,
« curé de Cham bon , son frère, et M a r ie , sa lille , de régir et
a. administrer ses biens , jusqu’à ce que son héritier soit en état
A z
�,U )
'
« de le faire..........Fait et récité à T en ce , maison du testateur ».
Pierre M olin mourut le 21 du même mois de mai 1748. A lo rs
Marie Molin , m a je u re , et mariée dans la maison paternelle ,
s’empara des deux successions. Ignace Molin était curé de C liam bon , Pierre B oyer était mort en 1740; et Pierre Molin , appelé
" aux deux successions, s’ engagea aussitôt qu’il en eut l’âge. Il
3
mourut à L ille le novembre 1748, et on fut long-tems dans la
famille à douter de sa mort.
Quelques années après, 011 trouva l'occasion de marier la plus
jeune sœur, Thérèse M olin, avec le sieur Borne , d ’ une province
étrangère, moins capable par conséquent d’avoir l’œil aux allaites
5
de la maison , et par le contrat de mariage du
juin
, le
sieur Cham barliac lui constitua 1,900 fr. de dot, en bien expri
mant que c ’ était pour les successions du père , de la mère , de
la sœur d é cé d é e, et même 011 ajouta celle du frère , quoiqu’on
n ’eût pas de nouvelles de la mort. Thérèse M olin, m in eu re, re
nonça à toutes successions , et s’obligea de la confirm er et ratiJ îc r à sa majorité. On ne s’ est jamais avisé de lui demander cette
ratification. Mais , indépendamment de cela , malgré son éloi
gnement, elle aurait cherché à se pourvoir, sans l’apathie du sieur
Borne son m ari, et si encore sa famille, flattée de l’alliance du
sieur C h a m b a rlia c , n’eût toujours persuadé que Marie Molin
était l’héritière de ses père et n è r e . Quand le sieur C h a m b a rlia cd é céd a , elle passa en de secondes noces avec le sieur D ejoux,
puis en de troisièmes, avec le sieur L am b ?rt-L a cro isière, qu’elle
institua héritier universel , et qui acheva , à peu de chose près ,
de dissiper la succession.
Thérèse Molin , veuve, revint habiter près de sa f.¡mille, et
ne connut qu’alors l ’étendue du sacrifice qu’on avait extorqué
de son inexpérience. L e 22j<mvjer 17813, elle assigna Marie M olin
et L acro isière, son troisième m a ri, en partage des successions
de ses père, m è re, irère et sœurs, pour lui être délaisse sa p o r
tion adorante.
A p rè s cette dem ande, elle fil donation de ses biens à la dame
�.( 5 ) . .
V e n d rie z , sa fille, qui intervint' L e procès fut appointé à T e n c e ,
et le 2 novembre 1 7 8 4 , il intervint sentence qui ordonna le par
tage du c h e f de Jeanne seulement : et avant faire droit sur le surplus , ordonna une estimation préalable des biens des père et
mère commun?.
L e s deux parties interjetèrent appel de cette sentence ; les pro
cédures se continuèrent en procès par écrit jusqu’à la révolution.
L e tribunal du district du Piry fut choisi pour connaître de cet
appel.
Ce tribunal rendit son jugement le 26 janvier 17 9 3 , sur pro
ductions respectives, el jugea dans ses motifs:
i.° Que le te>fanu'nt du père était nul par prétention; 2.0 que
la substitution, portée dans celui de la mère, avait saisi Pierre
M o in de la -iuccess’on , et que ledit M olin élant mort après
quMorze an s, les substitutions s’étaient alors éteintes ; .° que
la renoue iulion de Thérèse Molin était n u lle , comme n’étant
dirigée au profit de personne , comme faite par une mineure ,
3
a vec convention de ratification non effectuée, et com m e dirigée
au profit d’ une protutiice , et que l’action avait duré trente ans.
E n conséquence , ce tribunal q^donna le partage desdites suc
cessions, pour être délaissé à la dame V e n d riez sa portion, expli
quée et calculée audit jugement.
D e son co té, Catherine M o lin , sortie de la maison paternelle
à la mort de sa s a \ ir , en 1788 , avait assigné Lambert-X-acroisière, son héritier, le 27 novembre d e là m ême année pour venir
à partage, et lui expédier un cinquième du c h e f de son p ère, et
seulement un douzièm e, du chef de sa mère, parce qu’elle avait
aussi vécu dans la croyance , que M arie M olin était héritière
par des testamens q u ’elle n’avait jamais vus ; elle demanda éga
lement les successions colhjtérciles.
Une sentence du 17 août 1790 ordonna ce partage , pour être
expédié un douzième des biens de la m è re, un dixième des biens
du p è r e , et dans les mêmes proportions pour les successions col
latérales.
�/
(6)
^ c s ueux parties interjetèrent encore appel ; Catherine M olin
alors ayant eu connaissance du testament de sa m ère, rectifia
ses conclusions, et demanda un seizième du c h e f maternel.
L e F u y était aussi saisi de cet appel qui
s’instruisit en
procès par écrit par plusieurs écritures, et il était sur le point
de recevoir sa décision, lorsque fut rendu le jugement ci-dessus,
du 26 janvier 1793.
O n présume sans peine que Lncroisière, succombant vis-à-vis
M a r ie - T h é r è s e M o l i n , en dernier ressort, n’avait garde de
plaider plus long-tems contre Catherine, devant le même tri
bunal. Il demanda accommodement ; les parlies traitèrent , le
19 février 1 7 9 3 , et comme on le voit , en grande connaissance
de cause.
Lacroisière, par cet acte , dit qu’il adhère nu jugem ent , en
dernier resso rt, du 26 janvier , et consent que des experts fassent
le partage des portions revenant à T hérèze Molin.
Il y consent aussi vis-à-vis Catherine Molin , mais avec con
vention qu’ elle ne réclamera les jouissances que depuis 1788.
Il est convenu que les experts expédieront d ’abord la miiison
q u ’ il occupe , un domaine et un ja rd in , et déduiront les créances
q u ’il a acquittées en vers Jean-Antoine M o lin , à la décharge de tous.
E t comme évidemment ces biens ne suffisaient pas, il apprend
qu’il a vendu aux nommés C h ouven c , l'r a is s e , C u o q , B o y e r ,
JDcléage , et laisse à Catherine et Thérèse M o lin , à se pourvoir
contre eux , ainsi qu ’elles aviseront.
Enfin , celles-ci font le sacrifice de tous leurs dépens, tant des
causes principales que d’appel.
L e 26 février 17 9 3 , les intimés signifient à ces tiers acquéreurs,
uon-seulement ce traité, mais encore le jugement du 26 ja n v ie r,
pour qu’ils l ’attaquent s’ils s’y croient fondés.
L e 11 a v r il, ils les assignent tous en désistement et jugement
c o m m u n ; l a p l u p a r t acquiescent à la demaude. L e moyen des
Chouvenc n’était pas alors d’attaquer le jugçinent du 26 janvier
1790 , mais de dire qu’ils avaient des lettres de ratification.
�_C 7)
L e 19 prairial an 2 , un jugem ent ordonne le désistement en
expliquant que les intimés épuiseront, i.° les biens libres, 2 ° ceux
abandonnes par les acquéreurs , qui ont acquiescés avant d 'en
venir a u x Chouvenc. Ils sont condamnés à rapporter les jouis
sances , seulem ent depuis la demande comme acquéreurs de
^ b o n n e foi.
~
D e puis celte époque le tems d e l à péremption s’accomplit: ce
n ’ est que le 9 vendémiaire an 8 , que les C h o u v e n c signifient l’ex
ploit de l’an 4 a Cat herine Molin s e u le , pour assister en la cause.
1 L e 16 ger ninul an 9 , les intimés ont assigné les Chouvenc en
la coui-, pour se voir démettre de leur appel.
C ’ est en la cour , seulement pour la première fois , que les
Cliouvencont imaginé d ’attaquer le jugement du 26 janvier 1793,
par tierce opposition. Leur résistance soutenue est fondée sur
leu.i! prétendue bonne.foi : cependant ils ont acquis d ’une cohé
ritière qui avait l'ne sœur dans la maison; ils ont f¿iit plus, ils lui
ont payé le prix de la vente, quand elle était séparée de biens.
M O Y E N S .
' S i, quand les intimés ont plaidé avec le sieur Lacroisière, ils
avaient eu le moindre soupçon de la vente faite aux C h o u v e n c ,
le même procès aurait tout term iné: e f c e r t e s ,e n voyant tonte
la résistance du sieu^Lacroisièrè^'et combién le tribunal clu P u y
a approfondi les questions de ce procès , ile s t aisé de v o ir que les
moyens des Chouvenc n’auraient rien i hang’é à sa décision. Quand
ils 1ont été appelés devant les tribunaux de la Haute-Loire et de
L ’A rd é ch e , l’idée 11e leur est pais même venue d ’attaquer le j u
gement du 26 janvier 179.3 , et de faire rejuger u n procès qui
lèur était étranger , et d o n t,l’issue eût indubitablement été la
rtiêtiie; mais a Riom^ une d iv e rs ité , ou plutôt une innovation
Jurisprudence a changé leur plan. L es Chouvenc veulent a u
jourd’hui faire tout remettre en question; mais avant d ’aborder
lc>fouds , ils Sont arrêtés par des questions préalables
s’acit
:l ■
O d'examiner.”
qu’il
�C a )
P R E M I È R E
Q U E S T I O N .
L a p rocédure des a p p elo n s-est-elle p é r im é e ?
L a loi Properandum et l’ordonnance de R.oussillon veulent
que tous les procès soient promptement jugés ou entrètenus par
des procédures, sinon l’instance est déclarée périe.
L e parlement de Paris avait modifié ces lois par un arrêt dé
règlement de 1692 , qui voulait que la péremption n’eût lieu
qu’après une demande ; mais cet arrêt n’a eu d’eiïet que dans son
ressort. A u parlement de T o u lo u s e , au contraire, l’ordonnance
de Roussillon était suivie à la rigueur; la question de savoir si la
procédure avait été entretenue sans discontinuation , était même
devenue un formulaire dans le dispositif des sentences; la pé
remption y a toujours eu lieu de p lein droit, et le juge la suppléait
si 011 ne la demandait pas.
!
1 ' "■
Cette jurisprudence a dû se maintenir, et s’est maintenue etl
effet en la Cour. Quand des questions de péremption se sont pré
sentées pour l’ancien ressort de T o ulo use, la Cour a ju g é , notam
ment l e s 'i 8 pluviôse an 11 et 12 nivôse an 1 2 , que la pérçrnption
avait eu lieu de plein droit, m ême pendant la révolution , et la
suppression d p avoués.
......
.
On objecte que lps intimés on.t couvert la péremption eu anti
cipant le 16 germinal an 9. ,
vt, ,
, [ ¡; - . ;i| ifj . ¡,
Mais 1.0 cet exploit assigne Içs Chouvenc p0u r,?,e;voir déme^lre
de leur a p p e l, et cette expression générale et indéterminée com
prenait toutes les voies légales qui pouvaient conduire à celte
démission d’appel ; il serait donc bizarre dç dire jqqe c e lu i- ^ a p prouve un a p p e l, qui assigne l’appelant aux.
s*en, v^irj
démettre., Il.f/JUt bien que la péremption mê ms f i i t , pr o noncçe.
en justice,
et
personne n’osera cxigçr qu e: ce ln i/p û -la prétend,
acquise, soit obligé de s ’en tenir à ce .moyen sç.gl, ;:.par en Cour
d’appel il p ’^.a,p,as d^exçeptjpns.s.ur lesquelles il.fjHM statuer.pr,\hi-\
la b iem en t, comine l’exige, en première instance, ro^dÿnnoncb:
de
�(9 )
de 1C67., On sait assez qu’il faut, en Cour so u v era in e , proposer
tons ses moyens à la fois.
2 .0
Celte question a été discutée par M . v le procureur géné
ral M e rlin , en ses nouvelles questions de droit , v.° a p p e l, §. 9,
avec sa profondeur ordinaire, et il décide que d’après le système
de l’ancienne et de la nouvelle législation, la péremption est un
moyen de droit public tendant à l’abréviation des parties , et
qui 11e se couvre pas. L es ordonnances, dit-il, le veulent a in s i,
les anciens arrêts y sont conformes, et la loi du 14 octobre 1790,
qui s’est occupée de la procédure des justices de paix, dit qu’a
près quatre m o is , l'in sta n ce sera périm ée de droit et Ûaction
étein te ; d o n c, a jo u t e - t - i l, le juge doit déclarer la péremption
acquise, lors même que la partie intéressée 11’y conclurait pas.
M . r Merlin , en sa discussion , ne s’occupe p a s , comme 011
pourrait le croire , des péremptions de quatre m ois, qu’il ne cite
que pour comptiraison. L ’ordonnance de lioussillon lui semble
aussi c la ire , toutes in sta n ces d isco n tin u ées pendant trois ans
so n t éteintes et péries. A va n t son arrêt de 1692 , le parlement
de Paris le jugeait ainsi. On trouve deux arrêts précis des 27
juillet 1604, et 27 août 1610. Menelet et Bouchel enseignent les
mêmes principes.
« L a péremption, dit B o u c h e l, une fois acquise, 11e se couvre
« point par une procédure volontaire , depuis faite en l’instance
v périe, ensorte que nonobstant q u o n ait repris cette insta nce],
« on peut faire juger la péremption................ L ’ordonnance de
« Iloussillon porte que toutes instances sont éteintes et péries.
« C ’est un droit p u b lic auquel on ne peut déroger».
P a r une fatalité attachée aux lois humaines , les auteurs con
temporains les trouvent ordinairement très-décisives et sur-lout
très - respectables ; mais à la longue ce respect s’allaiblit singu
lièrement. D e la vient que les auteurs du 16.c siècle voyaient, dans
l ’ordonnance de 14 9 3 , ce que nous 11e voulons pas y voir; tandis
que par une inconséquence bizarre, nous trouvons la loi du 14
octobre très-impérative, quoique ces deux lois disent positive
ment la même chose.
B
�( 10 )
A u reste, il s’agit ici de suivre la jurisprudence du parlement
de T oulouse; la péremption y ¿tait jugée de p lein d r o it, et c ’est
dire assez qu’elle y était un moyen de droit public.
L es C houvenc ont cru trouver une interruption dans le chan
gement de personnes; mais c’est 1111 rêve de dire que Jeanne
Borne n ’ait pas été en cause avant l’an 8; elle était en qualité dans
le jugem ent de 1793. Quant à Chouvenc fils , il lui a plu d’inter
ven ir comme donataire, sur l’appel, mais son père est toujours
en cause, et s’il a laissé accomplir la péremption , elle n’en est
pas moins bien acquise contre le légitime contradicteur.
D E U X I È M E
Q U E S T I O N .
L e s appelans , tiers acquéreurs , p eu v en t-ils in v oq u er, à T o u
lo u se , la prescription de d ix ans ?
L e s Chouvenc font des efforts incroyables pour l’établir, et
pour forcer à être de leur avis les auteurs même du parlement
de Toulouse q u i , sans exce p tio n , sont d’un avis contraire.
Cependant les Chouvenc débutent par convenir ( pag. 9 de leur
m é m o ir e ), que M arie M olin ne p ou v a it p as vendre la p o rtio n
de ses coh éritiers, q i i i l est
t r e n t e
a n s
UTILES
c e r t a in
que ces cohéritiers avaient
p ou r réclam er contre to u le V ü N T E fa ite par
Vun d'eux.
M ais , continuent-ils, la question concerne Vacquéreur ; on
leur demandera d’abord comment il est possible d’avoir trente
ans pour se pourvoir contre les v e n te s, et de ne pas les avoir
c o n t r e V acquéreur ; comme ce serait inexplicable, il vaut mieux
dire que les Chouvenc ont été forcés de reconnaître l ’évidence
du principe.
A u reste , en examinant la question en elle-même , ce n’est
pas dans le Code civil qu’il faut la chercher, cardans une grande
partie de ses articles, et notamment sur les prescriptions, il a
adopté tantôt le pur droit romain , et tantôt la Coutume de Paris.
Mais pour ne pas faire de confusion à l’a ve n ir, et respecter le
�C i1 )
passé, l ’art. 2281 lermine le Code par dire que les prescriptions
com m encées seront réglées conformément aux lois anciennes.
11 faut donc chercher
ailleurs que dans le Code, s’il y a lieu
à la prescription de dix ans; et même si nous trouvions de l’obs
curité dans les lois romaines qui régissaient les parties , il fau
1
drait dire avec la Cour de cassation que ''usage est V interprète
le p lu s sûr des lo is , et s’en référer à ce qui a été jugé de tout
tems sur ce point par le parlement de Toulouse.
Mais la loi n’est nullement o bscure,
et si 011 trouve au
Code une loi qui établit la prescription de dix ans en faveur
du tiers possesseur, on voit aussitôt après l’authentique malœ
J id ei qui l’ explique et la com m ente, en déclarant que les dix
ans n’ont lieu que quand le vendeur a été de bonne foi. Malce
J id e i possessore a lién a n te , cessât lon g i tem poris prescriptio ,
s i verus dom inus ig n oret j u s suum et alienationem fa c la m .
Si ce commentaire de la loi elle-rnême ne paraît pas assez clair,
si comme les Chouvenc le disent, il y avait moyen d’en torturer
le sens en présum ant que les intimés ont connu la vente, nous
trouverons la suite de l’authentique dans la novelle d’où elle est
tirée, et il sera très-clair alors que ce n’est que la bonne foi du
vendeur qu’il faut considérer. S i auteni ig n orâ t verus a lien a ta rum rerum dom inus, non a liter hune e x c lu d i n is i p er triennalem prescription cm : n on valente dicere eo q u i res h o c modo
p o ssid et quia ipse bond fid e p o ss id e t, quando ip se à m al à Jide
posfiidenle h o c a cccp it. Novell. 1 1 9 , ch. 7.
Puisque la loi est si claire et si positive, il faudrait donc s’é
tonner que le parlement de Paris jugeât pour la prescription de
dix ans, en faveur de l’acquéreur, si nous ne savions que la Cou
tume de Paris en a une disposition expresse, et que dans les moin
dres doutes, elle était la règle pour ce parlement.
Quant au parlement de T o ulo use, tous les auteurs de sou res
sort attestent, sans exception, que la prescription de dix ans 11’y
est admise que pour l’hypothèque, et que le tiers possesseur ne
prescrit que par trente ans.
B a
�(
1 2
)
_ \
Bouiàric , page 182 , a , sur ce s u j e t , une discussion très-ap
profondie. Serres, page i 5 y annonce la seule prescription de
trente ans com m e un principe non contesté. Graverol et Laroc h e ila v in , p.
5 io;
Çatelan , p. Boy, disent « que le parlement
« de T oulouse n ’a pas reçu cette usucapion de d ix ans , que
« Justinicn m ême avait transformée en prescription de trente
« an s; q u ’ainsi le tiers acquéreur purge l ’action hypothécaire
« par dix ans , et non le droit de propriété pour lequel il faut
« trente ans ».
F urgole , en son traité des test,-miens, loin.
3 , pag. 4 1 7 ,
s’ex
plique ainsi : « A n parlement de Toulouse , on ne connaît d’autre
« prescription pour l'acquisition ou la perle des droits person« nels ou réels que celle de trente ans. Ainsi un héritier pourra
« demander pendant trente an s, même à celui qui possède avec
« un titre, lequel n ’est pas capable de lui attribuer la propriété,
« c.mune ayant été consenti à non dom ino.
Ces principes sont élémentaires dans les pnrlemens de T o u
lo use, A ix , Bordeaux et Grenoble. O n peut consulter là dessus
encore Catelan , livre 7 , chap. 21 ; Lapeyrère , lettre P , n.°
5
83 ;
jflontvalon , page i o ; Decormis , loin. 2., col. ÎS89 ; Brelonier ,
v.° prescription ; M . r M e r lin , v.° hypothèque , § . i
3,
et la
m axim e est tellement devenue triviale dans les parlemens du
droit é c rit, que suivant Dupérier , » la prescription de dix a n s ,
« en ce cas, n’est plus maintenant que pour les écoles».
Cela peut paraître étrange dans un parlement qui 11e s’y con
formait p a s; le docte Domal y avait rélléchi lu i-m ê m e, et ne
s’en étonnait pas : « L es lois, disait-il, qui marquent le teins des
« jjrescriptions ne sont que des lois arbitraires, car la nature ne
« iixe pas quel teins il faut pour prescrire----- Il se règle difle« remment en diverses provinces , et il y a même de celles qui
« se régissent par le droit écrit où l’on n’observe pas les divers
« tems de prescription du droit romain. 11 y en a où elles ont été
« réduites à une seule prescription de trente ans. »
Nous verrous sur la 4;e question, que la Cour de cassation a
�>3
(
)
consacré, par trois arrêts, la nécessité de suivre la jurisprudence
du parlement de Toulouse , et expressément sur la matière des
prescriptions.
Concluons donc que les Chouvenc ne peuvent invoquer la pres
cription de dix ans , dans un ressort où on ne citerait pas un seul
arrêt ou jugement q u i , en semblable cas , l ’ait jamais admise.
D ans leur propre système , il faudrait les supposer de bonne f o i,
et il est impossible q u ’ ils le fussent.
L a lo i, au reste, n ’est nullement en leur fa v e u r, et ce n’est
que surabondamment q u ’il y a lieu d ’invoquer l ’invariabilité
de la jurisprudence.
T R O I S I È M E
Q U E S T I O N .
L a tierce op p osition des appelons est-elle recevable ?
« Pour être reçu tiers opposant, disent les auteurs, il ne suffit
« pas d’avoir inte'rét de l’attaquer, il faut avoir été partie n éccs« saire dans le procès jugé. »
L e s Chouvenc étaient - ils donc parties nécessaires dans le
procès d ’entre les intimés et le sieur L acro isière5 de quoi s’a
gissait-il? d’ un partage.
M ais un partage de succession ne pouvait être fait q u ’entre
cohéritiers. A .ctio fa m ilicc erciscundœ so lis hœredibus com p e lit.
'
L es questions d ’un partage sont tellement étrangères ;\ tous
autres, que quand un tiers achète la portion d ’un cohéritier ,
les autres peuvent l ’expulser en le remboursant , pour l ’einpôcher de pénétrer les secrets de la famille. Aussi en droit, l ’ac
tion en [partage est-elle , par sa seule définition , exclusive de
toute admission étrangère : A c t i o fa m iliœ e r c is c u n d œ est a ctio
c w ilis qud cohecredes
dividundâ.
1 JSTT £ R
se agunt de com m uai hœ reditate
Jusque-la un acquéreur n ’est pas partie nécessaire dans un
partage ; il a suivi la foi de son v e n d e u r, et quand la novelle
119 le réputé acquéreur de mauvaise f o i , par cela seul que ac-
�*4
(
)
c e p il à tnahî J id e p o ssid en te, il est bien plus difficile encore de
supposer que deux cohéritiers ont nullem ent et inutilement
procédé pour avoir omis d ’appeler un tiers possesseur, quand
toutes les affaires de la maison leur étaient inconnues.
L es C houvenc n’ont pas dû être assignés nécessairem ent•
L 'ordonnance de 1667 d’ailleurs ne donne pas la faculté de
tierce opposition à ceux qui ont été condamnés par eux-mêm es,
ou leurs ayant-cause.
O r comment expliquer l’étendue de ce mot ayant c a u s e , ce
sont, disent les auteurs, ceux qui représentent le condamné à
titre universel ou à titre singulier, pour la chose litigieuse. A i n s i ,
dit R o d i e r , un créancier , 1111 acquéreur sont des ayant cause.
Nous allons voir encore que le Droit romain les place sur la
m êm e ligne.
A u if. des appels et au code des évictions , les lois entendent
si bien que le créancier et l’acquéreur soient des ayant cause du
propriétaire ou vendeur, et qu’il a pu être condamné hors leur
présence, qu’elles lui acccordent le droit d’interjeter a p p el, comme
condamnés eux-mêmes en sa personne
S i em ptor de proprietate vie tus e s t , eo c e s s a n te , auctor eju s
appellare p o lerit / il cm s i auctor egerit et victu s s i t , non est
deneganda em ptori appellandi fa c u lta s . . . . I d que ità co n stitutum est in persond créd ito n s. L . 4. if- de appellat.
L ’acquéreur et le créancier sont donc identifiés avec le procès
du vendeur ; et quand celui-ci a lui-même interjeté a p p e l , la loi,
toujours juste , permet encore à l’acquéreur d’ intervenir au
procès, si le vendeur paraissait suspect dans les moyens qu’il
propose. Q uin ctiam si a u ctor a p p e lla v e r it, deindè in causa;
d ejen sio n e suspectus v is u s e s t, perindè defensio causœ em ptori
com m ittenda e s t , atque si ipse appellasset. L . ead.
L e Code civil s’est conformé à ces principes, sur-tout en ma
tière de partage, et bien loin de vouloir que des cohéritiers soient
passibles d’aucune résistance étrangère , après le partage con
s o m m é , il 11’admet les créanciers qu’à in terv en ir à leurs fr a is ,
�C 15 )
sans pouvoir ensuite attaquer le partage autrement que s’il y avait
été statué au préjudice d’ une opposition par eux formée (art. 882).
Il y a plus ; car si , par l'effet du partage , un seul cohéritier
avait obtenu tout l’immeuble commun , à titre de licitation ,
envain tous acquéreurs ou créanciers des autres cosuccesibles
tenteraient de l’évincer , l ’art.
883
lui répondrait « que chaque
« cohéritier est censé avoir succédé sez// et im m édiatem ent à tous
« les effets compris en son l o f , 011 à lui échus par licitation. »
A in si Thérèse et Catherine M olin o n t , dans la portion qui
leur est attribuée par un jugement en dernier ressort, une pro
priété qui leur est transmise e x causa an tiq u a , et qui est réputée
leur appartenir depuis l'o u vertu re des successions. Ainsi les
C h o u ve n c, qui n’étaient pas parties nécessaires au procès relatif
au pa rta g e, mais qui pouvaient seulement y in terven ir, trouvent
aujourd’hui un mur d’airain dans la chose ju g é e , et ne peuvent
plus faire juger avec eux seu ls une demande en partage , de
successions qui leur sont étrangères.
S i, après s’être pénétré de toute la puissance de ces principes,
il fallait en venir à la jurisprudence, les arrêts abondent en faveur
des intim ées, et on n ’en citerait pas un seul qui lut favorable
aux Chouvenc.
Parm i le grand nombre d ’arrêts qui se trouvent dans tous les
livres, nous 11e puiserons que dans des sources indubitables ,
pour qu’on ne puisse pas même présumer que l’espèce de ladécicision n ’a pas bien été saisie.
i.° M . r C o c h in , en ses notes alphabétiques, tom.
dit; « jugé par arrêt du
5 , pag, 527,
3 i mai 17^6, en faveur des sieur et dame
« Miissol contre M . r le président A m elot et le comte de Tavanes,
« que le tiers détenteur , assigné en déclaration d ’hypothèque
« par ceux qui ont obtenu des arrêts contradictoires contre son
« vendeur , 11e peut y former tiei’ce opposition, quoique so n
« a cquisition y so it antérieure. »
2.0
M .r Merlin , au répertoire, v.° tierce opposition , cite
deux arrêts. P a r le premier, « la dame de Conllans était en procès
�(
1
6
}
« avec un seigneur voisin pour m ouvance de fief, .
'
elle vendit
« sa terre. . . . on continua de plaider avec elle. . . . elle perdit
« son procès par arrêt de 1728 . . . son acquéreur ayant réclamé
«..de? droits seigneuriaux, l’autre seigneur lui opposa cet a rrê t. . .
« l ’acquéreur y forma tierce opposition , on lui répondit q u ’il
« devait s’imputer de n’êlre p is intervenu : par arrêt du
31
« mai 1742, il fui déclaré non i-eeovabledanssa tierce opposition.»
P a r le 2 .c arrêt, « le marquis de L usignan ve n d it, en 172 0 ,
« des terres au sieur D auriac. . . . L es héritiers de la dame de
M onriquel firent; en 17 2 7 , confirmer , sur a p p e l, une sentence
« de 1718 , contre le .marquis de L usign an seul. M . r D auriac
« soutint qu|on aurait dû l ’a p p e le r, et forma tierce o p p o sitio n ....
« O n lui répondit q u ’il devait intervenir. . . . q u ’il était censé
« avoir été partie dans l ’arrêt par son vendeur , q u ’en cette
•« partie il était l 'ayant eduse du marquis de L usignan. Par arrêt
« du 6 septembre 1760 ,.il fut déclaré non recevable. »
3 .° L e
B u lle tin o fficiel de cassation rapporte 1111 arrêt du 12
fructidor an g , dans lequel , pendant un bail à ferme , de
forges, moyennant 122,400 f. , le s.r Forestier se fit envoyer en
possession de ces forges, par jugement en dernier ressort et par
défaut du
3 janvier 1792.
. . G o d et, créancier, forma tierce oppo
sition , et dit que cette dépossession était le fruit d ’une collusion.
Néanmoins l’arrêt, « vu les art.
5 et
11 du Litre 27 de l ’ordon-
« nance de 1667, et l’art. x.cr du titre
35 . . . . Attendu
que la
« reserve du droit des tierces p erso n n es, 11e concerne que celles
« qui n’ont pas été parties appelées ni représentées.. .. que le
« sieur Godet , comme créancier de Lessurt , était a cet égard
« son ayant cause. . . . que Lessart a élé appelé. . . . que G odet,
« en qualité de son ayant cause , 11’aurait pû être recevable à
attaquer
c e
ju g e m e n t, q u ’autant q u ’il eût été justiiié que L es
te sari aurait élé lui-même admissible à se pourvoir. . . . q u e les
« juges de C a n , en adm ettant la tierce opposition du cit. G o d e t ,
« onl violé l ’art. 5 de l’ordonnance concernant P a utorité de la
« C hose j u g é e , et ont contrevenu formellement à l ’art. i . cr du
titre
�J7
C
)
* « titre 3 S , qui ne permet de rétracter, autrement que par requête
« civile , les jugemens rendus en dernier ressort , avec ceux
« qui y ont été parties, ou leurs ayant cause................... Casse
« et annulle etc. »
V o ilà donc la pleine confirmation de la loi 4 CF. de a p p ella tion ib u s et du code civil. L ’acquéreur ou le créancier peuvent
intervenir s’ils suspectent ; ils peuvent même attaquer la chose
ju g é e , par la voie de l’a p p e l, aux risques et périls du vendeur ,
si le jugement est en premier ressort; par la requête c i v i l e , s’il
est en dernier ressort.
T o u t cela encore ne serait pas accordé contre un partage , s’il
n ’y avait eu fraude évidente. A u cu n s de ces arrêts ne sont dans
l’espèce d ’ un procès de succession. S o lis hæredibus com p elit.
D e u x autres moyens résistent à l’admission de la tierce oppo«sition des appelans. i°. Les tierces personnes ne sont admises in
définiment à s’opposer, d’après l ’ordonnance, que par la raison
bien naturelle qu’ils ne connaissent pas le jugement. Mais il a
été signifié aux Chouvenc en 1793 ; et ils n’ont formé tierce op
position qu’après dix ans. 2°. D ans les circonstances de la cause,
c ’était de leur part une action principale, et ils devaient épuiser
les voies de conciliation.
L es Chouvenc objectent qu’ils ignoraient le procès. Cepen
dant ils veulent que les intimés aient connu leur vente, bien plus
occulte sans doute qu’un procès , qui a duré depuis 1783 à 1793,
dans une petite commune. Quand ils voyaient Catherine M olin
dans la maison paternelle, pouvaient-ils bien acheter de bonne
foi sans sa participation? quand ils l’en ont vu sortir; quand
Thérèse est revenue de l’Ardèche dans son pays natal, n’ont-ils
pas dû présumer qu’elles allaient intenter 1111 procès, ont-ils pu
se defendre de l ’inquiétude naturelle à celui qui a acquis une
chose indivise, et qui sur-tout en a payé le prix capital a une
femme séparée de biens.
A u reste , s’il y a de l’inconvénient pour un acquéreur d’être
condamné sans être en cause, n’y en aurait-il pas un plus grand
C
�( i8 )
encore, d’exiger en règle générs’ é , que '^ut cohéritier dût sa
voir s’il y a des a c q u ére u rs, avant d erecherch r ses iiro t ; , cYstà-dire lût tenu de connaître les forces de la succession , lors
qu’au contraire il a le droit de les puiser dans un inventaire, ou
dans une preuve de commune renommée.
Si les acquéreurs étaient parties nécessaires dans une action de
partage , serait-ce donc pour en discuter toutes les questions et
tous les actes de la famille? Une telle prétention résiste à toutes
les notions reçues
% ?
;
Q U A T R I È M E
Q U E S T I O N .
T hérèse M o lin avait-elle d ix ans ou trente ans p ou r se p ou r
voir contre sa renonciation ?
C ette qu estion doit-elle être d écidée p ar u n e ju risp ru d en ce
autre que c e lle du p arlem en t de T o u lo u se ?
L a nécessité de discuter ces deux points ne m arque que plus
fortement tout le danger qu’il y aurait d’admettre les Chouvenc
à pénétrer, par une voie d’intrusion , dans une famille étrangère,
pour dire à des cohéritiers : vous avez péniblement obtenu un
régleiiK nt de vos droits, on a annullé deux testamens : J e m ’y
o p p o s e ; je veux faire rejuger tout c e la ; je veux scruter vos
testamens, vos contrats de m ariage, tout ce qui s’est passé dans
votre maison depuis i y
35
jusqu’en 1798. V o s cohéritiers n’y
seront pas môme a p p e lé s, car il y a chose jugée avec eux , et
c ’ est moi seul qui veux faire ré g le r, avec vous tous , vos droits
successifs, je suis à présent, dans la succession de vos ancêtres,
la seu le partie légitime.
Si ce système des Ch ouvenc, qui cependant est toute la base
(7u procès a c tu e l, ne révolte pas au premier ap erçu ; s’il faut
trouver en eux le seul lég itim e contradicteur, voyons donc par
quelle juiisprudence la chose ju g é e et remise en litige doit être
reju g ee.
Thérèse M o lin s’était pourvue en 1783, contre une renoncia-
�C
)
tion de 1 7 . E lle y a été recevable, parce que dans tout le par
lement de T o u lo u se, et pendant plusieurs siècles, on n’a pas un
55
seul exemple que les actions en nullité aient été prescriptibles par
moins de
3o ans. Nous avons vu
sur la z .e question que toutes les
a ctio n s y étaient réglées à cette d urée, à la seule exception de
l ’ac
tion hypothécaire.
L es Chouvenc ayant leur procès en cette C o u r , ont été séduits
par une innovation de jurisprudence , qui n’a même pris quelque
consistance que depuis le Code civil et par induction de l’un de
ses articles; jusques là , la Cour d ’appel ne s’était pas prononcée
et 011 trouverait même dans l’ un deses arrêts que les anciens prin
cipes en celte matière n’étaient pas oubliés.
Mais quand cela serait autrem ent, n’est-ce pas une folie des
Chouvenc de penser que la Cour d’ap p el, par un nivellement
désastreux, ramènera à sa jurisprudence , même la chose jugée ,
m ême des questions nées en 1783 , dans un parlement étranger,
et à une époque où la Cour d’appel aurait indubitablement ju g é
com m e lui.
Qui donc ne verrait pas le danger incalculable qui en serait la
suite, et non-seulement dans le cas de la chose déjà ju g é e , mais
encore quand elle serait pleinement en litige? Soumettre brus
quement un vaste pays à une jurisprudence qui jusqu’alors lui
était in con n ue, serait sans doute porter le trouble dans des
familles, dérouter tous les gens d’affaires qui n ’auraient plus désor
mais que des conseils vagues à donner aux autres, et une marche
incertaine à tenir pour eux mêmes.
Les lois ne sont pas un ordre donné au peuple ; elles sont
réputées être émanées de l u i , par le pouvoir que leg e regid
il en a donné au prince. E n les exécutant, il les explique, et la
manière d’expliquer les lois par l ’usage , dit V m in u s ,
d après un auteur lalm , vaut mieux que ce qu’011 lit dans la loi
elle-même. P lu s valere leges quœ m oribus com probalce s a u t,
quant quœ scripto c o n s ta n t, vérité bien plus marquée encore
par la maxime si connue, que la jurisdrudence est le meilleur
G a
�( 20 )
interprète des lois. Consuetudo est legum optim a interpres.
L a jurisprudence en ellet qui n’est pas seulement un mode de
ju g e r , mais d ’après la définition de Vinnius , J u stitiœ habit us
p ra cticu s , n’a pas cessé d’être une espèce de législation impérative, depuis que les anc iens ressorts des Cours sont confondus.
Quand R om e n’avait pour règle que la loi des 12 tables, les dé
cisions des jurisconsultes responsa prudentum fixaient la m a
nière de les interpréter, et cette jurisprudence, devint une législa
tion additionnelle; et lorsque des Proconsuls et des Préfets furent
envoyés dans les provinces, il leur était prescrit de soumettre les lais
à la jurisprudence et de respecter les usages. Prœ ses p ro v in ciœ ,
probatis h is q u æ in o p p id o , frequenter in eodem controversice
g e n e r e , servata surit, causa cognitd statu it. L . 1. cod. quœ s.
long. cons.
L a Cour d’appel donne tous les jours cet exem ple, en décla
rant dans ses arrêts qu’elle est déterminée par la jurisprudence
du parlement de Toulouse.
L a Cour de cassation que l’on pourrait croire, par le but de
son institution, plus attachée à la lettre de la loi qu’aux diverses
jurisprudences, s’est souvent prononcée de la manière la plus for
m elle sur la question qui nous occupe.
« Considérant (porte un i . er arrêt du 2 messidor an 11 ) , que
« les dispositions du droit romain 11e font loi dans les pays même
« q u ’elles régissent , que dans les points et selon le sens qui ont
« été adoptés par la ju risp ru d en ce ; qu’il est constant que, par
« une longue suite d’arrêts sem blables, te parlem ent de T ou« lo u se a ju g é , etc. » ( S i r e y , page 3 0 9 ).
2.0
Dans une autre cause, du
5 'floréal
an 1 2 , la Cour de cas
sation a dit: « Considérant que quoique en général on puisse par
« le droit romain acquérir les servitudes par 10 ans entre prê
te sens, et 20 ans entre absens ; cependant, d’après la jurispru<1 dence du parlem ent de T ou lo u se constatée par divers arrêts ,
« les servitudes discontinues ne pouvaient s’acquérir que par la
« possession im m ém oriale, et que c ’est ainsi q u ’i l a entendu la
« l o i , etc. casse et annulle, etc. » ( L u l l t l i n , n.° 92).
�3 .°
( 21 )
Un arrêt du 2 Í du même mois a jugé de m ê m e , « que la
* jurisprudence des arrêts rendus par une Cour souveraine, non
« étrangère au pouvoir législatif, pouvait être considérée comme
« fixant le sens des dispositions législatives. » ( S i r e y , p. 2 6 7).
Si donc la Cour admet les Chouvenc à discuter les questions
qui ont été agitées au Puy avec L acroisière, elle ne les jugera
évidemment que par la jurisprudence du parlement de Toulouse.
Thérèse Molin a renoncé en 17 5 5 , cela est vrai; mais, i.° elle
était mineure , et la convention porte q u ’elle sera tenue dè con
firm er et ratifier àsa majorité. E lle n’en à rien fait.
11 n’y
a donc
pas de partage final là où il y a lieu de le confirmer en majorité;
ce n’est jamais qu’ une mesure provisionnelle.
2.° On fit renoncer Thérèse Molin à tous droits et supplém ent.
I l est évident qu’on lui Ht entendre en minorité q u ’elle n’avait
qu’une légitime de rigueur. JJonc 011 la trompait. Sa renoncia
tion d’ailleurs n’est dirigée au profit de personne.
3 .°
Si on suppose qu’elle a approuv é les testamens, une appro
bation tacite ne suffisait pas; car il fallait les connaître. Celui-là
seul prescrit le droit de réclamer contre une destination de légi
t i m e , qu i agnovit ju d ic iu m d efuncti. T els sont les principes
invariables comme la Cour l’a souvent ju g é , et notamment les
21 thermidor an 8 , et 4 pluviôse an 10.
4«° L e testament de 17^5 a été expedié par le notaire, avec
des expressions qui en changeaient le sens. C ’elait donc induire en
erreur les parties intéressées. Thérèse Molin pouvait croire Marie
Molin substituée, puisque la condition du décès de P ierre, sans
avoir rem is, était remplie , tandis que celle de son décès, sans
avoir r e c u e illi, ne l’était pas. O r , non vidèntur qui errant c o n
sentit e , et la prescription.ne court que du jo u r d e là découverte
de la vérité.
5 .°
Thérèse M o lin , née en 1733, avait deux ans au décès de sa
.
mère , et dix ans au décès de sou père en 1743 Marie Molin
alors avait vingt-cinq ans ; car elle était née au mois de février
�C 22 ) f
1718. L e père l ’avait chargée de régir et adm inistrer conjoinletement avec Ignace M o lin , curé de C ham bon; et les Ghouvenc
qui connaissent plus d’actes de la famille que les intimés n’en ont
jamais connus , nous apprennent que ledit Ignace Molin parle
dans son testament de scs droits légitimâmes sur les biens de ses
père et mère , dont jo u iss a it M arie M o lin .
L a voilà donc évidemment protutrice , ou au moins c o m p ta
ble depuis 1 7 4 3 , -enversune sœur de dix ans, qui naturellement
ne pouvait se mêler des affaires de la maison. L e frère n ’avait
que douze a n s, et s’absenta quand il put s’enrôler. L a chance
était donc bien inégale, lorsqu’il fut traité en 17IS0 , entre Marie
M o lin qu i, pendant douze ans, avait connu toutes les forces de
la succession et le vice des testameiis, et Thérèse M olin qui
ignorait tout.
• O r , le parlement de Toulouse n ’a jamais hésité d ’admettre en
pàreil cas le réuonçant non v isis ta b u h s , a se pourvoir pen
dant trente ans. Q u ’on consulte M a y nard , liv. 2 , cliap. 99 et
100 ; D o liv e , liv. 4 , chap. ï 6; Catelan, liv. 8 ; Iiretonnier, v.°
restitution ; -ou plutôt qu ’on' parcoure tous les auteurs de ce
parlement , ou cens (pii mentionnent sa jurisprudence , 011 ne
trouvera nulle 'part que l’art. i3 4 de l ’ordonnance de i r> ait
53
été jamais appliqué à cette espèce.
L e parlement de P a r is , après l ’ordonnance de i539 , jugea
long-teins , comme le parlement de T oulouse a toujours jugé
L e s ailleurs d u i e m s même de cette ordonnance , notamment;
M r D u v a l , de rebus dubiis , enseignaient q u ’il n’y a contre les
actions en nullité que l ’action trentenaire. Quaranlo ans après
le parlement de Paris changea sa jurisprudence', niais enfin il la
changea de nouveau après l’ordonnance de 1667 ; et il a inva
riablement ju g é depuis que l’art. 134 de l’ordonnance de i539
né s’appliquait q u ’aux actions rescisoires.
Cette jurisprudence constante s’est maintenue ju sq u ’au Code
civil. On a vu encore, dans les discussions sur ce Code, les clibrts
des sections réunies de la Cour d’appel de Paris, pour faire main
�C 23 )
tenir l ’action cle-trente a n s , et 011 n ’y voit d’opposition que dans
les deux Cours d ’Orléans et de L iège.
L e tribunal civil du Puy-d é-D ôm e commença par suivre les
anciens principes.
11 jugea le
28 pluviôse an 4 , entre les
Cham pom ier et S e z e l, que l ’action en nullité avait duré trente
.ans, en floréal an
.
5,
à la vérité il changea de jurisprudence.
Cependant la Cour de cassation ne lui donnait pas cet exemple;
elle avait ju g é 011 thèse le
3 messidor an 4 , que
Gilberte Laporte
avait été recevable pendant trente ans à se pourvoir contre sa
renonciation faite par son contrat de m ariage, en faveur de son
beau-frère, et voici les motifs bien précis de son arrêt.
3
« Attendu que l’art. i i de l’ordonnance de i
53(),
déclare
« nulles toutes dispositions en faveur des tuteurs ou administra« teurs. etc. directement ou indirectem ent, avant le compte
« rendu , et q u ’une vente , f lile par une mineure en faveur d ’une
« personne qui administrait ses b ie n s , présente un avantage
« indirect ;
« Attendu q u ’en pareil cas l ’action subsiste pendant trente an s,
« parce que suivant l’art. i . e r, tit. 29 de l’ordonnance de 1667,
« le comptable 11e cessant de l ’être que par la reddition de son
« com pte, c ’est le compte seul qui peut éclairer le mineur sur
a ses intérêts;
« Attendu que l ’art. 134 de l ’ordonnance de i53 9 qui restreint
« le délai a dix ans , n ’est relatif q u ’aux actions rescisoires,
« qui n’ont rien de com m un avec celles en nullité qui durent
« trente a n s , et pour lesquelles il n ’était pas besoin de lettres ,
« casse et annulle , etc. »
,11 est
même remarquable que le Bulletin officiel ju s q u 'à ce
j o u r ne mentionne aucun arrêt qui contrarie le précédent.
L a Cour d ’appel de Ilio m ne s’est prononcée, pour les d ix
ans , pour la première f o is , que le 18 prairial an 11 , c ’est-àdire, depuis le Gode c i v i l , et par induction de l ’article 475. On.
verrait même , dans un arrêt du
25
nivôse an 10 , que la pre
mière section avait admis une femme pendant trente ans, et jugé
�24
(
)
encore que l ’action n’avait couru q u ’après le décès du père, qui
avait constitué la dot maternelle par le contrat attaqué. Mais si
cet arrêt ne juge pas la question isolément et en thèse, il paraît
au moins certain que la Cour n’a jamais jugé en faveur de dix
a n s , avant le Gode civil.
Com m ent donc concevoir que la Cour put infirm er le ju g e
ment du P u y qui a admis Thérèse M o lin , après d ix ans , lors
que ce tribunal a jugé comme son parlement , comme le par
lement de Paris , comme la Cour de casation elle-iuême.
C I N Q U I È M E
Q U E S T I O N .
L 'a c tio n de Catherine M o lin est-elle prescrite par trente ans ,
q u o iq u ’e lle ait co h a b ité la m aison p atern elle ?
L e s Chouvenc se sont attachés singulièrement à établir celte
prescription par des citations qui n ’ont pas la moindre analogie.
i .° D argentré q u ’ils invoquent sur l ’art. 276 de Bretague , ne
s’occupe pas de la question. D o m a t, au tit. 7 du liv.
3 ne s’en
occupe pas davantage. L e Code c i v i l , art. 2243 se contente de
dire q u ’il y a interruption naturelle, quand ce possesseur est
privé pendant un an de la jouissance de la chose. Enfin , L a pëyrère , bien loin de vouloir la prescription, dit expressément
ce ciui suit : « T a n t que les enfans sont nourris sur les biens de
«’ l ’hérédité, la prescription de la légitime ne court point contre
« eux ». Son annotateur ajoute « id e m , en matière départagé » ;
et il se fonde sur Coquille , en la question 259.
M a is , outre L a p e y rè re , on ne voit pas d ’auteurs qui aient
traité la questio n , s’être expliqués autrem ent, et si on en cite
plusieurs autres, c ’est seulement pour convaincre les Chouvenc
q u ’ils n ’ont pas voulu chercher la question où ils l ’auraient
trouvée.
D o liv e en fait une question expresse au chap.
3i
du liv.
5,
et décide que « si les enfans vivent en commun sur les biens de
« l ’hérédité , celte prescription ne court pas contre e u x , en cette
« rencontre,
�c 25>
a rencontre, depuis la mort de leur père , mais depuis seule« ment q u ’ils ont cessé d’être nourris sur ses biens , parce que
« recevant journellement leur nourriture sur le patrimoine du
« d é fu n t, ils sont censés être en possession. »
63o et 26 août i 636 .
Cette opinion est encore enseignée par Y e d e l , liv. 2 , chap. 36 ;
Serres, pag. 294; Dunod , p. ¡101 ; D espeisses, t o m .2 , p. 3 i 3 ;
et L e b r u n , liv. 3 , des successions. C ’est aujourd’hui un principe
D o liv e cite deux arrêts des 10 janvier i
incontestable, dont la raison et la justice prescriraient l’observa
tion , si les auteurs ne l ’enseignaient pas.
L a Cour d ’appel vient très-récemment de p ro n o n c e r, dans
un arrêt du i
3 ventôse an i 3 ,
le m o tif suivant :
« A ttendu que l’habitation d ’Antoine et Pierre Vescham be ,
a dans la maison paternelle , a constamment réclamé la con
te servation de leurs droits. »
A insi Catherine M olin qui a habité la maison paternelle jus
q u ’en 1788 ; qui n ’en est sortie que pour former la demande ,
n ’a pas un instant de prescription à redouter. Ce fait a été éclairci
dans le procès contre Lacroisière, qui soutenait alors, comme les
C houvenc le font aujourd’h u i , que la cohabitation n ’avait pas
empêché de prescrire.
L es Chouvenc veulent que cette"prescription ait couru à
leur égard , quand elle n ’aurait pas couru contre Lacroisière ,
il est diiïicile de concevoir sous quel prétexte, à moins que ce ne
soit pour en revenir h la prescription de dix ans , qui a déjà été
démontrée être sans application dans la cause.
Il est plus difficile de concevoir encore sur quoi serait fondée
la différence q u ’ils veulent établir entre les portions de Catherine
et J e a n n e , et celles de Marguerite et de Pierre M olin ; car l’ac
tion d un cohéritier se compose de tous les droits partiels , qu i
ad hœreditatem v e n iu n t,* et comme les portions advenues à
Catherine M olin par le décès de ses sœurs , se sont accrues à
la sienne, aussitôt leurs décès, en vertu de la règle, le mort
ja is it le v i j , Catherine M olin a é lé , dès cette é p o q u e , proV
�Ci6)
priétaire d ’une quotité plus con sid érable, et n’en a pas plu*
perdu une fraction que la totalité.
S
i x i è m e
Q
u e s t i o n
.
l e testam ent de Catherine F erra p ie e s t-il v a la b le?
« U n testam ent, dît R ic a rd , est un acte dont toute la valeur
« est dans sa so lennité, et dont toute la solennité est dans ses
« foi mes. »
E n etYet, dans cet acte si im p o rta n t, îl faut que toutes les
formalités aient été ostensiblement remplies : elles sont toutes
de rigueur d’après les ordonnances.
L e testament de 1,735 est vîcié par deux nullîtés textuelles : i.o
il est dit f a i t et ré cité en la m aison de P ierre M o lin ; mais rien
ne constate que la lecture ait été faite à la testatrice.Cependant
la loi l ’exige impérieusement; et il est bien indispensable q u ’ un
testament soit lu à celui qui l’a d ic té , pour q u ’il soit certain
que ce sont là ses véritables intentions;
2.0
Il n ’est fait aucune mention de la signature de la testa
trice ou de sa déclaration de n’avoir su ou pu signer , car on
y■
lit seulement : « L a d ite testa trice i l l e de ce enquise. »
O r , l’ordonnance de i y
35 dit
que « les notaires écriront les
« dernières volontés du testateur, et lu i en feront ensuite lecn ture , de laquelle il sera fait une mention expresse.... Après
« quoi le testament sera signé par le testateur , le notaire et les
« témoins ; et en cas que le testateur déclare q u ’iTne sait ou ne
« peut sig n e r, il en sera fait mention ( a r t . z 3 ) à peine de
« nullité ( art. 47 ). »
Mais , disent les Chouvenc , le testament de Catherine
3
Ferrapie est antérieur à l ’ordonnance de i y a : cela est vrai.
M ais cette ordonnance ne fait que répéter en cette partie les
dispositions des ordonnances d Orléans et de Blois.
« E t en cas que les parties ou témoins ne sauront point
« sig n e r, les notaires f e r o n t m entioji de la réquisition par eux»
�27
(
)
a faite aux parties ou témoins de s i g n e r , et de leu r réponse
« qu ’ils ne savent signer. » Ordonnance d ’Orléans , art. 84 ;
ordonnance de Blois , art. i
65.
Ces ordonnances exigent donc du testament une réponse
d ’une manière plus expresse encore que celle de 178s.
E t les auteurs qui ont écrit avant l ’ordonnance de 1735 ,
enseignent que cette réponse ne peut être suppléée par ce que
dit le notaire en son nom. ( L e M aitre , sur Paris , article 1 4
,
chapitre i . e r ; R a v i o t , question 164; M aillart , sur A r to is ,
art. 74 ).
On cite souvent R icard, comme ayant rapporté un arrêt de i6 6 z
validant un testament où il était dit : « L e q u e l n’a pu signer ,
« interpellé de le faire. » Mais on pourrait voir que R icard le
désapprouve, en disant que cela est un peu subtil , et q u ’il y a
grande apparence’ que la faveur des dispositions dont il s’agissait
contribua à faire rendre cet arrêt.
A ussi R i c a r d , n.° i 5 z 6 , citant un arrêt qui validait un testa
ment où le testateur a déclaré ne savoir signer , sans que le
notaire eût dit l ’avoir in te rp e llé , ajoute : « Il en serait toute« fois autrement , si le notaire déclarait de son nom que le
« testateur n ’a pu signer , parce q u ’encore le testament ne fait
« foi , ni de l’interpellation du notaire , ni de la réponse du
« testateur.... C ar le notaire, dit Ricard , au n;° i
568 , ne doit
« contribuer d ’autre chose que de son oreille et de sa main ,
« dans la rédaction du testament. »
L a jurisprudence s’est conformée à cette rigueur; et on trouve
dans D enizart un arrêt du
5 septembre
1768, qui a annullé un
testament du Bourbonnais , dans lequel il était dit que le tes
tateur n 'a v a it pu sig n er à cause de sa fa ib le sse , de ce en qui s.
XiC iribunal civil du Puy-de-D ôm e a ju g é deux fois de la
meuie maniéré , le 17 ventôse an 6 , sur appel du Cantal , et
le
23 pluviôse an 7 ,
erçtre les héritiers V a c h i e r , d ’A ria n e.
L a question ne paraît pas s’être encore présentée en la Cour»
mais l’art. 973 du Code civil veut aussi que si le testateur dé
fi a
�.
( 2 8 )
cla ren e savoir signer, il soit fait m ention expresse de sa d écla
ration ; ainsi la loi n ’a pas c h a n g é , et la cause actuelle fixera
sur ce point la jurisprudence.
L e s Chouvenc se sont imagine' cpie les ordonm nees d ’Orléans
et de Blois n ’avaient pas été enregistrées au parlement de T o u
louse ; mais on leur demanderait comment il se fait que tous
les auteurs de ce parlement s’y réfèrent et les citent comme lois,
sans dire nulle part que leur parlement ne les adopte pas.
A la vérité D o live dit que de son tems on n’était pas rigo u
reux sur les signatures de testamens , et que même on n’exan inait pas si le testateur avait sigué ; ' mais Serres, Boutaric
et Furgole ne disent rien de pareil. F urgole dit au contraire
que les fo rm a lités que les lo is prescrivent, p ou r la v a lid ité des
testam ens , sont de droit p u blic , et q u ’ un testament doit porter
la preuve avec lui-m êm e; que toutes les formalités de la loi ont
été religieusement observées.
D ans le testament de Catherine Ferrapie , il n’y a pas môme
11 preuve que le notaire ait parlé des causes de la non signature
de la testatrice ; car le mot ille ne signifie rien. L es Chouvenc
se sont, efforcés de persuader q u 'ille veut dire illité r é , puis
cju'illité r é veut dire ne sa it écrire, puis enfin que les mots ne
sa it écrire équivalent à la réponse ou déclaration voulue par
les ordonnances.
M ais d’abord quand cette pénible graduation pourrait mener
à quelque chose , il y aurait toujours une autre irrégularité ,
en ce q u ’une formalité rigoureuse aurait été substituée par une
simple abréviation.
U n arrêt de règlement de i
685
défend aux notaires d’ user
d’aucune abréviation ou interligne d ins toute espèce d ’actes. Si
elles ne touchent pas à l’essence de l’a c t e , elles sont seulement
elles-mêmes considérées comme nulles.
V in n iu s et la loi nous apprennènt que dans les testamens sur
to u t , qui sont testa tio m e n tis , il fiu t écrire en toutes lettres
et d’une manière intelligible sans user de simples notes ou abré-
�( 29 )
via t ion s. Ccvterum îilteris iisq u e u sita tis et leg lb ilibus scribendum esse p la ç a i t , non s ig n is , obscurisve jio tis , L G , § . u lt.
de bon. p oss.
L e mot illilé r é , au reste , ne se trouve , ni dans le diction
naire de l’A cad ém ie, ni dans le dictionnaire de pratique de Ferr iè r e , ni dans le glossaire de Delaurière ; on trouve au diction
naire de T rév o u x le mot M é tr é , signifiant celui qui ne connaît
pas les belles lettres. A u reste quand ce mot signifierait quelque
chose , il n ’y a pas dans le testament i l l i l é r é , il y a i l l e , et par
conséquent ce serait mépriser évidemment la loi que de tro u v e r,
dans ce mot biza rre, une déclaration de la testatrice, q u ’elle n ’a
pu ou su signer. Allons plus loin même , le m ot illité r é ne la
remplacerait pas.
S E P T I È M E
Q U E S T I O N .
Q u elle est la nature de la substitution du testam ent de i y
a -t-elle transm is la su ccession à M arie M o lin ?
35 ?
Quand ce testament serait valable en la fo rm e , il ne produi
rait pas encore l’effet de réduire Thérèse et Catherine M olin à
une légitime de rigueur.
C ar le système des Chouvenc à cet égard , est fondé unique
ment sur une erreur de principes, qu’ ils accréditaient encore plus
par une expression infidelle de l’expédition, q u ’ils avaient d’abord
produite, de ce testament.
Les héritiers institués, disaient i l s , étaient Ignace M olin et
pierre Boyer. Ils étaient çhargés de rendre la succession à Pierre
M olin quand bon leur semblerait. Pierre M olin est mort en 174^,’
et M arie M olin était appelée à la substitution , dans le cas où
ledit Pierre M olin décéderait sans avoir rem is la succession ; or
il est décédé sans l’avoir remise , d o n c , en vertu de la m axim e
su b slitu tu s substituto est su b stilu lu s in stitu to , Marie M olin a
recueilli l’hérédité directement des deux héritiers institués.
- D ’abord il est prouvé par l ’extrait vidim é du testament de
�c 30 )
1735 , fait en exécution de l’arrêt de la C o u r , q u ’au lieu dit
m ot remis il y a recu eilli. Gela p o s é , voyons maintenant quel
est le sens de la substitution ?
L e testament d'une mère qui , ayant des enfans , instituerait
des étrangers , serait évidemment inofficieux et susceptible de
contradiction ; mais les principes y ont pourvu en faisant une dif
férence entre la substitution fidéicommissaire et la substitution
fiduciaire.
L a première fait passer réellement la succession sur la tête du
grevé : l’autre ne lui transmet qu ’un dépôt à titre de confiance,
et le grève d’un fiduce ne compte pour rien dans les degrés de
la substitution.
Pérégrinus , qui a fait un traité sur les fidéicommis , le définit
ainsi. F id u cia riu s est hœres q u i, non su î con lem p la tio n e sed
alterins g r a liâ 'in s tilu tu s , eidem restituere hereditatem ,p o s t
diem certain v el in ce rta in , rogatus proponitur.
« Ces substitutions, disent Henrys et Bretonier, sont com
te munes dans les pays de droit é c r i t , sur-tout en faveur du sur« vivant des époux , pour maintenir les enfans dans le respect
« et l’obéissance h o c co n silio ut parenti obsequerentur..........
« Q uoique le tems de la restitution, continuent-ils , ne soit pas
« m arqué dans le testam ent, néanmoins on doit présumer que
« son intention a été que le survivant ferait bon usage de cette
0 lib e rté , et n’attendrait pas jusqu’à sa mort pour en faire la res*
« titution. . . .
« O n doit penser, dit ailleurs le même a u te u r, q u ’un père
« chérit plus ses enfans que leur mère ; q u ’il vise plulôt à leur
« utilité., et ne l’avantage q u ’ù leur considération ; qu'ainsi il ne
« l ’a instituée que par la nécessité de leur bas âge , non ut j i l i i s
m inoribus o b e s s e t, sed p o tiu s ut eis con su leret• » ( henr. t.
3
1 ,e r , p. 7 3 6 , t. , p» 69 )•
T o u s les auteurs ont adopté cette distinction , et donnent
d’autres signes du iid u ce , q u ’011 retrouve tous dans le testament
de 1735.
�C
30
' i.° Catherine Ferrapie avait un fils et des filles; cependant
elle paraissait instituer deux oncles ;
2-° Ferx-apie chargeait ces oncles de remettre l ’hérédité à son
fil s, sans distraction de quarte. Ces prétendus héritiers n’avaient
donc l’espoir d’aucun droit , de leur c h e f , à la succession ; car
tout héritier grévé de fidéicommis a le droit de retenir la quarte
trébellianique ( l. i . er § . 5 , ad treb. ) ;
3 °. E n
remettant l’ hérédité à Pierre , ils étaient dispensés par
la testatrice de rendre aucun compte des fruits. Si donc ils eussent
été de véritables héritiers , jouissant pro suo , les Fruits leur
eussent appartenu de plein droit , sur leur propre chosè , sans
aucune stipulation ;
4.0
Enfin ils étaient institués à la charge d’élever les enfans :
le but de la testatrice était donc de maintenir seulement ses
enfans dans l’obéissance envers deux oncles , u t p a ren tibu s
obsequerefitur. A cela prè-8, elle exigeait les mêmes soins pour
eu x, que si elle eut été v iv in te , sed p o tiu s ut eis con suleret.
A in s i disparaissent Pierre B oyer et Ignace M olin , simples
dépositaires, pour faire place à Pierre M olin , impubère , vé ri
table héritier en premier degré de la succession de Catherine
Ferrapie.
Pierre M olin , propriétaire de la succession, l’ayant recueillie
dès 1735, était a la vérité grévé lui-même de substitution envers
Marie Molin , mais seulement au cas q u i l vint à m ourir sans
p o u v o ir d isp o se r, ou sans a v o ir r e c u e illi la d ite hérédité.
O n voit dans cette clause tous les caractères de la substitution
pupillaire , qui consistent comme on sait à faire soi-même le
testament de l’enfant impubère , s i non e x tite r it hceresJilius ,
aut si irnpubes decesserit ( instit. ).
Pierre M olin n’est pas mort sans p o u v o ir disposer ,* car
en pays de dro.t érr.t le m ineur avait testam enti fa c tio n e m
aussitôt q u ’ il avait atteint sa puberté. O r , Pierre M olin , né
en 1781 , était puioère en 1746 , et il n ’est décédé q u ’en 1748.
Si ce in o je n n ’était pas péreinptoire , on opposerait aux
�I
(3 0
Chouvenc que la mère ne pouvait pas Faire une substitution
pupillaire ; car il faut pour cela avoir la puissance paternelle ,
comme l ’enseignent les institutes , is substituere p o te st h beris
im puberibus
q u o s
in
p o t e s t a t e
h a b e t
,
cùm e ju s œ tatis sin t
in quâ ip si testam.en.luni fa c e r e non p o ssu n l.
Il
ne reste donc que l’institution de Pierre Molin , sans charge
de substitution envers Marie. A u surplus elle serait éloigne'e
encore par le principe-enseigné par Cujas sur cette matière ;
c’est que la règle su b stitu lu s substituto n’a pas lieu en la subs
titution p u p illa ir e , et le substitué au pupille n ’est pas censé
1
l ’héritier du testateur. ( C u j a s , ad . 4 1. de vul. et pup. s u b .)
A in si le testament de 1735 , valable ou non , a transmis la
succession maternelle toute entière à Pierre Molin. Il est mort
pubère ; il est mort ab in testa t : donc ses sœurs lui ont succédé
par égalité , et ont de son c h e f recueilli cette succession.
H U I T I È M E
Q U E S T I O N .
L e testam ent de 1743 e s t- il n u l?
Il
est évidemment n u l, mais cette nullité ne change rien à
l ’ordre de succéder dans les biens paternels ; et on ne s’en occupe
que parce q u ’elle a été agitée lors du jugem ent de 1793.
Pierre M o lin père a institué son iils héritier , et a seulement
légué une légitime à ses filles ; or les institutes nous disent que le
père de famille doit instituer tous ses eufans héritiers, ou les
exhéréder nominativement, aut hœredem in s titu â t, aut exhceredem nom inatini fa c ia t , a lioquin inuti/itcr testabitur.
Celte disposition a été répétée dans l’art.
5o de
l ’ordonnance
de 1 7 3 5 , qui dit q u e , dans les pays de droit écrit, ceux qui ont
v droit de légitime , seront institués héritiers , au moins en ce que
le testateur leur donnera.
M ais l'héritier, institué par le testament de 1748, étant décédé.
ab in te s ta t, il importe peu que ses sœurs viennent de son chef
ou
�33
(
)
ou ju r e suo , à la succession de leur p è r e , il n’est pas moins vrai
de dire q u ’elle doit être partagée entr’elles par égalité.
L es Chouvenc terminent leur mémoire par d em an der, i.®
q u ’on estime les biens de la succession M o lin ; 2.0 q u ’on accorde
à Marie M olin leur venderesse , les prélèvemens qu ’elle aurait à
faire, notamment trois q u ’ils indiquent; 3.° q u ’ils leur soit ac
cordé un compulsoire pour chercher des quittances , s’il en existe.
A l’égard des .deux premiers articles, le jugem ent dont est
a p p e l, y a fait d r o i t , en ordonnant que tous les biens seraient
épuisés pour former le lot des intim és, avant d’en venir aux
Chouvenc.
'
A insi les Chouvenc assisteront à la formation des lots pour
veiller à leurs intéi’êts ; c’était tout ce que les premiers juges
devaient et p o u v a i e n t f a i r e , pour conserver l ’intérêt de toutes
les parties ; ce que demandent les Chouvenc appartient donc à
à l ’exécution du jugem ent dont est appel.
A l o r s , seulement ils pourront s’occuper des prélèvemens et de
l ’estimation des biens, sans laquelle le partage serait impossible.
Quant au compulsoire , c’est encore à cette époque qu’ils au
ront droit et intérêt d ’en requérir, s’il y a lieu , et il ne leur
sex-a pas refusé ; mais leur réclamation actuelle n ’est q u ’ une
inquiétude tracassière , fondée sur une simple possibilité de
fraude qu ’ils n ’ont pas le droit de soupçonner sans m otif; car
la fraude ne se présume pas.
T o ut prouve dans cette cause que c’est Lacroisière qui souffle
encore un tioisicme procès , après en avoir perdu deux , et les
exclamations des C h o u ven c, pour crier à la collusion , ne, sont
qu'une finesse de plus ; ils sont venus à l ’audiencc avec une
loule de papiers de la famille M olin , q u ’ ils n e'po uvaien t tenir
que de lui. T out ce cpi’ils <>nt; expliquai siit cette famille avec
tant de détails, 11e peut être de ieur science personnelle, et il
st rem arquable q u ’ils n ’o n t ■jan^Ai d e n iitn d éW com m u n ich t'io n
E
\
�( 34)
les pièces du procès par écrit ju g é en 1793 , quoiqu’il soit le
siège principal des difficultés q u ’ils elevent.
M ais tel est le résultat fréquent des tierces oppositions for
mées par les ayant cause; elles ne sont q u ’un piège tendu aux
tribunaux et une voie tortueuse de la chicane pour éprouver la
variation des jurisprudences. A u reste , si la Cour v e u t statuer
sur les questions d ’ un partage, avec l ’acquéreur d’ un cohéritier ;
si elle veut examiner le bien jugé du jugem ent en dernier res
sort de 1793 , elle reconnaîtra que les dispositions de ce ju g e
ment étaient sages et lé g a le s , et n ’y trouvera rien qui mérite
censure et réformation.
M .e D E L A P C H I E R , avocat.
M . e D A U D E } avoué.
A
R I O M ,
D e l ’im prim erie du Palais, chez J.-C. S A L L E S . ( A n X I I I ) .
�
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Factums Marie
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Description
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Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. Molin, Catherine. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Daude
Subject
The topic of the resource
tutelle
successions
testaments
jurisprudence
prétérition
prescription
coutume de Paris
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Catherine Molin, et les sieur et dame Vendriez et Borne, intimés ; contre Jean et autre Jean Chouvenc, appelans.
Arbre généalogique
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1735-Circa An 13
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0624
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0326
BCU_Factums_M0729
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53884/BCU_Factums_M0624.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Chambon-sur-Lignon (43051)
Tence (43244)
Rights
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Domaine public
coutume de Paris
jurisprudence
prescription
prétérition
Successions
testaments
tutelle
-
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4644854efc5f8ad59f2c6fea925107b3
PDF Text
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MÉMOIRE
POUR
J oseph
D A U B I N , P i e r r e M O U R G U Y E et G a b r i e l l e
B A R E Y R I E , fe m m e B A P T I S T A L , cu ltivateu rs,
habitant au village de M o n c e l, co m m u n e de SainteEulalie, appelans et défendeurs en pérem ption ;
CONTRE
L e sieur A n d r é C A B A N E , se d isa n t ancien ferm ier
de La terre de S a in t-C h a m a n t, in tim é et demandeur.
IVV%W VVW\VWVV\»WV^
L
E sieur Cabane prend le prétexte d ’une péremption
pour poursuivre l ’effet de plusieurs sentences féodales,
contre les appelans, qui cependant ont régulièrement
p a yé ce q u ’ils doivent eux-m êm es, mais que la pagésie
forcerait de p a y e r des sommes considérables p o u r les
cens de tout leur village.
i
�( o
L a révolution a éteint la pagésie et la féodalité; le
sieur Cabane l’avou e : il avou e aussi q u’ une dem ande
en pérem ption d ’appel a pour résultat d’obtenir la
confirmation de la sentence attaquée; d’où il faudrait
conclure que si le législateur a annullé la sentence et
l’a p p e l, il s’ensuit nécessairement q u’il ne reste plus
de procès en pérem ption.
Mais ce n’est pas ainsi que raisonne le sieur Cabane.
I l dit que des sentences rendues au.profit du seigneur
peuvent n’être pas féodales ; que d ’ailleurs il n’y a
procès que sur la pérem ption d ’ un a p p e l, ce qui est
un procès indépendant de l’a p p e l; d’où il conclut que
la Cour doit juger la p é re m p tio n , sans s’inquiéter de
l ’objet pour lequel on plaide.
V oilà tout le système que les appelans ont à com
battre ; mais en prouvant q u ’il n’y a ni pérem ption
de f a i t , ni procès à ju g e r , ils se préserveront d’ une
injustice criante qui aurait pour résultat de les forcer
à payer la dette d ’autrui, sans avoir aucun m o y e n de
recouvrem ent.
F A IT S .
L e s agens du sieur de L ig n era c, seigneur de SaintCham ant et Sain t-M artin , formaient presque annuel
lem ent des demandes contre plusieurs censitaires, et
obtenaient sentences sur sentences.
C ette multitude de poursuites, gardées par devers
eux , n’est certainem ent pas une preuve de n on paiement. Ori sait que le moindre retard occasionnait
�(3 )
des diligences, toujours en pagésie contre les prin
cipaux len an ciers, et toujours avec des réserves des
condamnations précédentes.
L e 6 février 1 7 6 4 , G abrielle Berghaud et L ouis
M o u rg u y e furent assignés à la requête du marquis de
L ig n e r a c , seigneur de S a in t - d ia m a n t , devant le juge
de Sain t-M artin , com m e tenanciers de tout ou partie
du village M o n c e l, pour p ayer audit seigneur trentehuit seliers seigle, trente setiers a vo in e , sept livres un
sou a r g e n t , e t c . , pour les c e n s , rentes et droits sei
gneuriaux d u s a u d it seigneurf sur ledit v illa g e, par
reconnaissances solida ires, et c e , par chacune des trois
dernières années éch u es, avec l ’intérêt : le sieur de
L ign erac termine par in d iq u e r le paiem ent à faire
entre les mains du sieur C a b a n e , son ferm ier-gén éral,
a vec réserve de tous autres dus, droits de lods, etc.
Sur cet e x p lo it, le juge du seigneur rendit une
sentence par défaut le 17 mars 1764« L e sieur Cabane
en rapporte une copie in fo rm e, et sans form e exécu
toire.
^
Aussitôt que les autres censitaires du village furent
informés de cette dem ande en pagésie qui allait re
tom ber sur e u x , ils s'en plaignirent. On vo it par une
requête du 17 mai 17 6 6 , que les nom m és L a b ru n ç,
A lzia c , L ouis Berghaud et M e y lia c articulèrent avoir
payé exactem ent leurs cens au sieur Cabane , qui
endossait leurs paiemens sur les liéves sans donner de
quittances; ils d em a n d èren t, en c o n s é q u e n ce , p e rZ
�m
mission de l’assigner po u r vérifier le fait ^et leur donner
quittance des sommes par lui reçues.
L e juge donna
une simple ordonnance portant
permis d ’assigner; et ce qui ne sera pas vu sans éton
n e m e n t, le sieur Cabane interjeta ap p el, au parlem ent,
de cette ordonnance du ju g e , qui permettait de l’as
signer pour déclarer ce q u’il avait reçu. C e ne serait
donc pas lui qui aurait obtenu les sentences qu’il s’ad
juge aujourd’h u i? car a u r a it-il osé étouffer la voix
de ceu x q u ’il poursuivait indirectem ent en la personne
de leurs co-paginaires.
L e 18 janvier 1 7 6 8 , Louis Bareyrie et Louis M ourg u y e furent assignés à la requête du seigneur, pour p aye r
solidairement les dernières années des cens du village. L e
29 février 1 7 6 8 , le juge du seigneur rendit une autre
sentence par d é fa u t, qui adjuge lesdites conclusions.
Elle est dans la m êm e form e que la précédente.
Pendant que ces poursuites étaient dirigées à la re
quête du seigneur, contre Bareyrie et M o u rg u y e , il
en existait d’autres contre François D au b in en vertu
de sentences obtenues contre lui en 176 9 et 1 7 6 1 ,
pour la m êm e pagésie. Ses meubles et ses bestiaux
furent exécutés le 14 mars 1 7 7 1 , avec dép lacem en t,
toujours cl ici requête d u seigneur.
L e 4 mars 1774, Louis M o u rg u ye et ledit Joseph
D aubin furent assignés en pagésie pour payer les trois
dernières années du t é n e m e n t, toujours à la requête
du seigneur, et ils y furent condamnés par d é fa u t, par
sentence du 27 août 1774*
�(55
Ils ont été encore assignés en 17 7 8 et 178 1
condam nés par sentences des
19
décem bre
et
17 7 8
et 17 décem bre 178 1 ; toutes ces sentences sont sans
form e e x é c u to ire ; la dernière seule est signée du
greffier, mais en seconde expédition. Il paraît que
ces mêmes sentences furent successivement attaquées
par appel porté à Salers ; aucune des parties n ’a les
procédures qui y furent faites.
• L e 2 n ovem bre 1 7 8 4 , le sieur C a b a n e , en qilalité
de ferm ier général des terres pour tors appartenantes
a u sieur de L ig n e r a c , fit signifier les sentences de
>1768, 1 7 7 4 , 1 7 7 8 et 178 1 à Louis- B a r e ÿ r ie , Louis
M o u r g u y e et Joseph D a u b i n y a v e c somïnation de. lés
e x é c u t e r , ret- assignation en liquidation des grains.
C e u x - c i notifièrent au sieur C a b a n e , par exploit du
1 7 no vem b re 1 7 8 4 , qu'ils persistaient dans l’appel déjà
interjeté des deu x premières sentences, èt q u’ils inter
jetaient appel des d eu x dern ières, corn m e nulles, in
compétentes et attentatoires à l’autorité de la sénéchaus
sée d ’A u vergn e , saisie de la contestation ; en consé
q u en ce, ils assignèrent le sieur Cabane h y p r o c é d e r ,
co m m e se d isa n t ancien ferm ier et aux droits du sieur
de L ig n e r a c , tant pour lui que pour ledit s e ig n e u r,
dont il prenait le f a i t et cause.
L e sieur Cabane se p résen ta, sur cet a p p e l, le 10
février 1 7 8 5 ; il dit que sa présentation ne fut suivie
d ’aucunes autres procédures.
L e i 3 août 1 7 8 8 , il demanda la pérem ption de
l ’a p p e l, et obtint sentence par d é fa u t, le 1 4 juillet
�•i 6 )
1 7 8 9 , qui prononça ladite p é re m p tio n ;le 4 août 1 7 8 9 ;
les Bareyrie en interjetèrent appel situ pie au parlement.
On ignore s’il fut pris des lettres de relief sur cet appel,
et si le parlement fut saisi. L a révolution a dévoré
ou paralysé tout ce qui tenait aux matières féo d ales,
et il n ’est pas su rp ren an t, ni que la trace de ce qui
a pu exister soit perdu, ni que toutes les parties aient
gardé le silence depuis. 1789.
L e s lois de 179 3 ayant condam né aux flammes les
titres et sentences qui porteraient signe de féodalité
ou qui la renseigneraient, certainem ent le s.r Cabane
a dû s’y con form er , et voilà pourquoi il n ’a plus les
•expéditions exécutoires dés sentences du sieur de L i gnerac ; .voilà pourquoi ne, réclam ant rie n , pendant
vingt an s, contre des censitaires qui avaient payé leur
¡item ré g u liè re m e n t, et qui ne devaient plus p ayer la
portion des autres, tous les d o c u m e n t,to u te s les traces
de leurs procédures se sont pierdues en presque totalité*;
et aujourd’hui on veut q u’ils en soient victimes.
.
L e sieur Cabane s’est souvenu en 1809 de l ’appel
de 1 7 8 9 , et il a pensé que s’il pouvait l’attaquer par la
pérem p tio n , il obtiendrait par cette voie indirecte une
confirmation de se n ten ce, que la C our ne pourrait .pas
prononcer directement.
En conséquence, par exploit du 22 février 18 0 9 ,
le sieur Cabane' a assigné en la C our d ’appel Joseph
D u u b in , et Louis M ou rguye ( d é c é d é ) , pour voir dé*
clarer l’appel sim ple, du 4 août 1 7 8 9 , n u l , périmé et
com m e non a v e n u , et voir ordonnev l’exécution de
la sentence attaquée.
�(7 )
P a r autre exploit du i 3 juillet 1 8 0 9 , il a assigné
M o u rg u y e fils , et G abrielle B a r e y r ie , fille de L ouis ,
po u r voir déclarer le m êm e appel de 1 7 8 9 , p éri, désert
et n u l, voir en conséquence ordonner l ’exécution de
la sentence attaquée.
L e s parties en sont venues à l ’audience de la C o u r ,
le 10 mars 1 8 1 0 ; les appelans ont soutenu qu’un
appel sim p le, et non suivi d’ajo u rn em en t, ne pouvait
pas tom ber en pérem ption , et que la désertion ne
pouvait jamais avoir lie u , sans que l ’appelant eût droit
de ren ou veler son appel.
L a C our n’a pas d ébouté expressém ent le s.r Cabane
de ses demandes en p érem ption et désertion , mais
elle a ordonné que les parties mettraient leur procé
dure en é t a t , sur l ’appel du 4 août 1 7 8 9 , et a remis
la cause d ’ un m o is, pour y statuer.
L e sieur C a b a n e , en notifiant cet arrêt, le 22 m a i,
a u x a p p e la n s, les a assignés co m m e co-débitcurs so
lidaires , pour lui voir adjuger les conclusions prises
par les deu x exploits de 1 8 0 9 ,
en tout cas, pour
procéder sur l’appel de 1 7 8 9 , et voir prononcer le
b ien -ju gé de la sentence du 14 juillet 1789.
Ces conclusions prouvent que le s.r C aban e n’aban
donne pas sa prétention de faire déclarer cet appel
péri et désert. C ep en d an t, quoique l’arrêt de la C our
ne soit pas m o tiv é , et ne statue pas e x p r e s s é m e n t sur
ses premières conclusions, il est évident que la C o u r
n ’a pas entendu les a d o p ter, ni m êm e les laisser re
�( 8 )
p ro d u ire, car elle n ’aurait pas ordonné de faire une
procédure sur un appel périm é ou désert.
'
Mais puisque le sieur Cabane ne veu t pas se croire
jugé sur ce poin t, les appelans le prendront au m ot
pour demander eux - mêmes un arrêt positif sur ses
demandes en pérem ption et d ésertio n , qui étaient la
seule chose a ju g e r, f a u f à lui à recom m en cer toute
procédure nouvelle q u’il avisera.
..
;
MOYENS.
»
I l ne peut y avoir lieu à pérem ption pour un appel
simple : car l ’ordonnance de Roussillon ne fait périm er
que les in sta n ces, et un appel simple n’en est pas
u n e , dès q u ’aucun juge n ’en est saisi. T e lle a été sur
ce point la jurisprudence constante.
Quant à la d ésertio n , elle n ’est point opposée à
D a u b in , assigné par le prem ier exploit du n
février
i 8 ° 9 , qui ne contient aucunes conclusions à cet égard.
11 suffît donc d’y répondre au nom des M o u rg u y e et
Bareyrie.
D ’abord la désertion est incompatible ave<j: la p é
rem p tion ; car si un appel pouvait périm er, il ne serait
pas désert. L e sieur Cabane devait d ’abord conclure à
la désertion, qui était la première fin de non-recevoir
ù opposer dans l’ordre de la procédure; il a dem andé
q ue l’appel fût déclaré p én et désert. A i n s i , en s’o c
cupant
�( 9 )
cupanf de la pérem ptio n , il a renoncé à la désertion;
de m êm e que s’il eût conclu au bien jugé et à la p é
remp tion, il aurait renoncé à la pérem ption : à plus
forle raison f a u t - i l lui dire qu’ ayant assigné D au b in
et M o u rg u y e p è r e , en fé vrier 1 8 0 9 , sans parler de
désertion, il n ’a pu y conclure contre M o u rg u y e fils,
par un exploit postérieur.
L a désertion, au reste, n’est plus prononcée par les
tribunaux depuis 1790 ; lorsque des tribunaux
ont
vou lu renouveler cet ancien u sa g e, la C our de cas
sation n ’a point approuvé leurs décisions, et cela par
un m o tif bien sage et bien simple.
f
!
C ’est q u ’avan t la r é v o lu t io n , la jurisprudence g é '
nérale était d’accorder trente ans pour interjeter appel,
en sorte que la désertion prononcée ne produisait que
des eifets frustratoires, puisqu’elle n’em pêchait pas
de refaire l’appel : aussi plusieurs parlemens avaient
l ’ usage de converir en anticipation les demandes en
désertion q u i , d ès-lo rs, se réduisaient à des dépens,
com m e le dit B r o d e a u , lettre P , n.° 14.
Mais depuis que les appels sont limités à un délai
plus c o u r t, c ’e st-à -d ire , à trois mois et à dix ans, la
désertion a paru un abus à r é f o r m e r , puisqu’on ne
peut pas la faire m arch er avec le droit de recommencer
un appel pendant trente ans. V o ilà pourquoi la dé
sertion est ab so lum en t to m b ée ien désuétude : on en
est convaincu p a r le grand nom bre d ’arrêts qui se
trouvent aux Bulletins de cassation.de l ’an 7 , de l ’an 9,
de l ’an 10 et de l’an 1 1 . Par-tout on voit les désertions
3
�C 10 )
proscrites ; et nulle part on ne voit q u ’il en ait été
toléré yne seule , m êm e par simple rejet.
Il y ;a donc lie u , en statuant sur les demandes du
sieur C a b a n e , de le débouter de ses conclusions en
pérem ption et désertion. O r , on le r é p è t e , c’était là
l ’objet unique de ses conclusions avant l ’arrêt du 10
mars 1 8 1 0 ; et il ne peut pas les confondre a vec le
b ien jugé de la sentence de 1 7 8 9 , puisqu’au lieu de
se départir de sa prem ière d em a n d e, qui y était en~
core plus in com p atib le, il la renouvelle et y persiste.
1.
...
•
. . .
C ep en d a n t, si la C o u r croyait devoir statuer sur les
nouvelles conclusions du sieur C aban e , il s’agira de
savoir an fond s’il a pu reprendre une procédure de
pérem ption en m atière fé o d a le , au préjudice des lois
qui ont éteint tous les procès y relatifs; et subsidiai.rem ent, s’il y a pérem ption.
¡
; .
/
; 1 *. ,.
A b o r d o n s , dès à présent , le subsidiaire, qui sera
plus brièvem ent e x p é d ié , et disons q u ’il n ’y a pas de
pérem ption.
;
I / a p p ë lp o r t é e n la sénéchaussée d’A u v e rg n e , était un
appel d'incom pétence. On soutenait que les .premiers
appels ayant saisi la sénéchaussée, le s.r Cabane n’avait
revenir devant le juge du seigneur pour dem ander une
; pagésie en vertu de reconnaissances de cens soumises
.au juge supérieur. E n effet, la sénéchaussée seule était
com péten te pour accorder ou refuser les arrérages de
ces mêmes c e n s , échus pendant le procès ; il fallait
�( n )
y conclure devant e l l e , el' non saisir un juge déjà
dépouillé, pour multiplier les sentences et les appels.
Cet appel d’in com p élen ce n’était pas susceptible de
p é re m p tio n , suivant l’opinion des auteurs, conform e
au texle m êm e de la loi.
B o u s s e a u - L a c o m b e , v .ù péremption , 'n.° 1 2 , dit
q u ’elle n’a pas lieu ès-causes ou procès du dom aine,
n i es-appels d ’incom pétencè, parcè que cela regarde' le
d r o it’public.
C ètte décision est conform e à la loi Properandum
d ’où est tirée l’ordonnance de Roussillon. Censetnus
itaque omnes lites non ultrà triennii meta s , post litem
contestatam , esse protrahendas ( except is tantum m odo
c a u s L s quœ a d /u s J is c d le p ertin en t , vel quai a d p u blicas respiciunt fun ctiones).
N ’y a u r a i t - i l pas en effet un inconvénient grave
que le silence d ’ une partie, souvent occasionné par la
difficulté dç-réunir des co-intéressés, ou par des pour
parlers d ’arrangemeris, p û t donner la force de chosejugée h des sentences rendues par des personnes sans
caractère, et peut-être quelquefois dans des matières
o ù il serait choquant que ces sentences ne fussent pas
réform ées?
C ertes, les juridictions sont de droit p u b lic, cela est
incontestable; et s’il est encore incontestable qu’une
partie ne peut déroger au droit public par une con
vention p a rticu lière, com m ent le poU rrait-elle par
son silence? C ’ést donc une monstruosité que la loi
a voulu prévoir et é v ite r, en disant que la pérem ption
4
�(
12
)
n ’aurait pas lieu pour ce qui tient au droit p u b lic, aux
fonctions publiques ; en un m o t , à l’ordre des juri
dictions.
Mais quand la pérem ption e û t pu exister ic i avant
1 7 8 9 , il est impossible d’adopter que la procédure y
relative ait seule resté d e b o u t , quand l ’appel et les
sentences sont anéantis com m e chose féodale.
A cela le sieur Cabane o b je c te , i.° q u ’il ne s’agit
pas de féodalité , parce que c ’est uu ferm ier qui est
cré a n c ie r, et que la suppression n ’atteint pas les fer
m ie rs; 2.0 que quand l’objet du procès serait féo d a l,
il n’est queslion que de juger s’il y a pérem ption ; ce
qui est une procédure indépendante.
Répondons d’abord que le sieur C aban e se dit fer
m ie r , sans l’établir par des b a u x de ferm e. I l a pris
ce lle qualité dans une signification des sen ten ces, en
1 7 8 4 , et l’appel lui en a été notifié, co m m e se d isa n t
ferm ier et a u x droits d u sieur de Lignerac.
Q uoiqu’il en s o i t , com m en t l’objet du procès ne
serait-il pas fé o d a l, lorsqu’ il s’agit de cens demandés
à trois censitaires, par le seigneur, et en cette qualité,
pour la totalité de la redevance assise sur un ténemerit.
A la v é r ité , il y a des cas où les fermiers ne sont
pas atteints par la suppression féod ale, mais c ’est quand
ils se sont procuré un titre personnel, em portant no
vation.
U ne lettre du com ité de législation, écrite au tri
bun al du district de Riorn, le 9 prairial an 2 j a décidé
qu’ une rente constituée au profit d ’ un fermier, en 173 0 ?
�( I3 )
devait être p a y é e , quoiqu’elle dérivât d ’arrérages de
cens. U n e lettre du ministre de la justice , écrite au
commissaire du d irectoire, à P a u , le 22 pluviôse an 7 , '
décide de la m êm e m an ière,
pour une obligation }
consentie à un f e r m ie r , pour cens. R ien n’ est plus
légal que ces décisions, puisque le ferm ier était censé
avoir touche ce q u i lut éta it d û , et l ’avoir échangé
contre une obligation q u i, par cette fic tio n , rentre
d a n s la classe des autres obligations. M ais cette r é
flexion du ministre prouve par e lle -m ê m e que le fer
m ier n ’aurait pas été ex e m p t de la suppression, s’il
n ’y avait pas eu engagem ent personnel à son p r o fit,
,
dônt l ’effait aVait été de dénaturer Corigine féodale
et é v i d e m m e n t le titre ne cessait d ’être féodal que
par novation.
L a n o va tio n , en e ffe t, peut seule em pêcher de re
garder c om m e féodal ce que la loi déclare tel. Novatio
est p rio n s d e b itiin alùum debitum trans/usio
p m rim a tu r.
u t p rio r
Si donc la prem ière dette est étein te , il
n ’en reste q u ’ une entre de simples particuliers, et la
féodalité est évanouie. M a is , hors ce cas d irim ant, la
règle générale reste; et il est aisé de m ontrer que les
fermiers ne sont pas à l ’abri des suppressions féodales.
L a loi du 2 5 août 1 7 9 2 , supprime tous les droits
féodaux. L ’art. 10 porte que les arrérages, m êm e ceu x
dus en vertu de ju g e m e n s , ne sont pas exigibles; l’art,
12 éteint tous tes procès relatifs aux droits féodaux.
O n a quelquefois argum enté de l ’art. i 3 , qui c o n
serve aux fermiers lès actions qui leur sont réservées
�(. *4 y
par l’art. 3 7 .d e la loi du i 5 mars 1 7 9 0 , de se faire
restituer les sommes payées aux seigneurs, pour les
droits écliu s, depuis Le,4 août 1789.
M ais en lisant cette loi de 1 7 9 0 , on rem arque q u’elle ,
est
relative aux. droits de bannulilé; et de justice, sup
prim és Le. 4 aoû,t 1 7 8 9 ; il y est dit que les b aux sont
résiliés
depuis la suppression, et que si les fermiers ont
p a y é au seigneur des pots de v in , ils les répéteront au
prorata de la non jouissanceU n e dernière loi du 28 nivôse an 2 , a déclaré ne
pas com prendre d a n s l’annullation des procès fé o d a u x ,
ce u x in ten tés, i.° par des vassaux ou censitaires, pour
restitution des droits.exigés d’e u x ; 2.0 par des ci-devant
ferm iers, pour restitution des pots de vin qu'ils ont
avancés, ou des fermages q u ’ils ont payés à raison des
droits qui leur étaient afferm és, et dont ils n’ont pu
jouir.
• . 1
1.
A in si, bien loin q u ’il résulte de l ’ensemble des lois une
exception pour les fe rm ie r s , et un droit subsistant en
leur fa v eu r, contre Les censitaires, il faut en con clure,
au contraire, que la loi ne s’est occupée d ’eux pendant
lfo is.fo is, que pour leur donner une action contre Le
seigneur seulement, et que,, par co n sé q u e n t, elle les
a laissés pour tout le reste dans la règle générale de
la suppression, a moins qu ils n’eussent, c o m m e 'o n
l a déjà d i t , un titrç. nouyel et personnel.
C ç point; dej(drpitj£g confirme’ quand ,011 suit les lois
pQ^tqrieiu’es^; Coü^ du', 1.7 juillet. ^ 7^ 3, en ordonnant
le bj-ulemqnt de, toq$. les, titres fé o d a u x , y assujétit
�( :* 5_)
tous les dépositaires desdits titres, e t 1déclare q u îe lle:y
com prend tous jug em en s et arrêts qui porteraient re
connaissance des droits féodaux , o u q u i les rensei
g nera ient. Les registres et cueilleretsisont désignés en
core pour le brûlem ent. Or, fout, Immonde se rappelle
q u e lès fermiers furent les premiers à brûler leursTre
gistres de recettes.
-
'
'
(
U n e autre p re u ve qup la loi n’excep tait personne,
c ’ est q u’il fallut une exception expresse j l e >9.frimaire
an 2,' par esprit^d’équité en
CQ^-dèbitéurs
qui avaient p ayé la part dé leurs
co - obligés en
-vertu de lâ pagésie; et e n c o r e , ce droit ne fut ouvert
‘Cju’ a itelui qui prouverait a v o ir 'p a y é par autorité de
ju s tic e . C o m m e n t d o n é :un ferm ier aurait-il un pri-vilége, sous prétexte q u ’il a payé son ferm age (m ais
^volontairement), lorsque le co-débiteur p o u r s u iv i m a is
non c o n d a m n é , n ’aurait pas d ’action en pareil c a s , et
supporterait la suppression.
■
P eu t-être bien aurait-on pu accorder ce privilège
à un ferm ier, dans un tems où la jurisprudence exa
minait la vraie qualité du d e m a n d e u r, pour savoir
•s’il était seigneur ou n o n ; car lorsqu’ on adm ettait le
propriétaire lui-mêm e à dem ander un cens sous p ré
texte que l ’abolition n ’était p ro n o n cée que
c o n tr e
les
seigneurs , il était très - conséquent que les fermiers
réussissent par le m êm e motif.
Mais aucun tribunal ne reviendrait h cette jurispru
dence, depuis l ’avis du conseil d’é t a t , du 3o pluviôse
�( 16 )
an i * , et sur-tout depuis les décrets im périaux des i 3
messidor an i 3 , et 2 5 avril 1807, portant que Lorsque
le titre ne présente aucune a m b ig u ité, celu i auquel ce
titre est opposé, ne peut pas être a d m is a soutenir q u ’il
n ’ avait pa.s de seigneurie. . ) i
-
.. ¡i. i ■ ; •■'q
l i e sieur C aban e ne. se dissimule |jas qiie cës décrets
le condam nent visiblement ; mais il croit y échapper,
en disant q u ’il y a cHose ju g é e par les sentences q u’il
produit. C ’est une double erreur,; c a r , i . ° i c ’est dé
cider la question par là question e lle rm ê m e , puisqu’il
y a appel de ces sentences , et que la pérem ption
- q u ’il dem ande est dirigée contre cet appel j 2.0 il crée
u n e autre exception im a g in a ire , puisque quatre lois
successives ont annullé ’positivem ent Les ju g em etis et
arrêts portant condam nation de droits fé o d a u x , ce qui
prouve que la chose jugée n ’est pas pour elle un titre
m eilleur.
' -'h
¡' ..
■
;/=; .
•-* 1 •
R em arquons en core, quoique ce soit sans une grande
u tilité , que ces sentences sont rendues a u p r o fit du,
sieur de L ig n èra c, seigneur, pour les cens de sa terre;
à, la v é r i t é , on voit à la fin du dispositif, que ce
seigneur indique le sieur Cabane co m m e devant re
c e v o ir le paiement des condamnations : mais quel tour
de force ne faudrait-il pas pour profiter de ce bout
d ’o reille, afin de changer le rôle des parties et effacer
les qualités du dem andeur! Cette argutie mesquine
peut-elle être proposée sérieusem ent, et ne serait-elle
pas indigne de la C our?
Il
�( *7 )
I l suffit, sans d o u te , de rem arq uer que /c seigneur
seul est en q u a lité dans les sentences. Elles em porten t
donc tout le privilège du cens.
E nfin, que le sieur Cabane réponde à cette question:
Si les censitaires avaient fait débouter le dem andeur de
sa d e m a n d e , contre qui auraient-ils eu action pour les
dépens ?
Concluons d o n c , sur cette prem ière partie des p r é
tentions du sieur C a b a n e , que l’objet des sentences
q u ’il poursuit est f é o d a l , et que rien ne peut les faire
excep ter de la suppression.
V o y o n s actuellem ent co m m e n t un e pérem ption
aurait le privilège inoui de neutraliser toutes les lois
féodales, et de ressusciter, pour le sieur C aban e seul,
un genre d ’action abandonné par tout le m onde et
par lu i- m ê m e , depuis la ré v o lu tio n , lorsqu’il s’est agi
purem ent de cens.
Retenons bien que la loi a supprimé non-seulement
les droits f é o d a u x , mais encore tous les procès y re
latifs.
A p rès les lois des 25 août 1 7 9 2 , et 1 7 juillet 1 7 9 3 ,
qui portaient expressém ent cette suppression, il paraît
q u e , sous divers prétextes, des poursuites eurent lieu
de la part de quelques ferm iers, et que des censitaires
eux-m êm es voulurent faire prononcer par les tribunaux
q u ’ils ne devaient rien. Alors une loi du 9 brum aire
an 2 , déclara de n ouveau nuls et com m e non a ven u s,
tous jugem ens sur les procès intentés à raison des droits
féodaux ou censuels, /ensemble les poursuites fa ite s en
5
�t j l * )■
exécution desdits ju g e n ie n s; ordonna qué'les frais'pos*
térieurs aux lois d ’aboliliôn seraient à la charge des
avoués qui les auraient faits
et défendit au x ju g e s ,
à: peine de forfaiture, de prononcer sur les instances
indecises.
'-S
-A |) !••••.■ ;
lit U-.-y.- *■:'.>! vi
Trës-certûinemen^‘, a|jrès 'cètte l o i , le ^sieùr'Ccibàne
n e se serait pas cru fondé à poursuivre les censitaires1
d e 'S a in t - d ia m a n t ; et il ¡a bien prouvé , par le fa it,
qWil partageait sur ce point l'opinion générale. C orn -'
m e n t d o n t'a u rait-il aujourd’hui5 un drüit Iqii’il n’ava it pas alors, et en quoi les lois'seraient-elles devenuesplus 'indulgentes sur la féodalité ? *
!i
f
fclJamîlis , au contraire^'ellës n rdht ' é t é 1 fiioiris éqirî-’"
vaq ues depuis que lés décreis' impériaux-'on't tpre’scrit1*
de ne: pas! considérer•'s i ' ( é 'vàëhictiidèur''ësè seigneur fniais 'àeulernèrit si leHttré de sa dem andé est féo d a l:
car s’il n’y a pas d’am biguïté sur le •litre ^ il ÿ :a ''s u p -:
p r io ri;* '
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"E qu iv oq ii er a it -o n' en co rf e ^s iir fc'è’ff e 1rfYnbrgüi t é ë ri; dt - 1
sant q u ’un ferm ier peut po u rsu ivre? Mais a v e c ' c e
cercle vicieux où a r riv e ra it-o n
si cV '^ est^ if 1juger
dé1 la féodàlit'é'par Ld jpér50/i/ze';du??cféarifcier?'eltf c’estP
ce qùô la loi prbâcrii absolument.’ Sa s é v é r ité èitctelle y >
q u ’ il n ’y a pas seiilémènl siippression par le signe féo
dal, mais encore par le mélange de féodalité’.
Dès q u ’il y a dans les litrés oiipôsés par le sieur C à - :
b n n e , signe ou m élange 'de féodalité ,l il në reste à eri
tirer que deux conséquences'incontestables; ‘
-'i -
j.° Si les sentences sont féodales, la loi les a déclarées
�C 19 )
nulles et com m e lion aven u es, y eût-il arrêt ou 'ch oseju g ée ( L o i , 17 juillet 1 7 9 3 , art. 3 , 6 et 8 .) ;
1
.
2.0 L ’annullaiion ne se borne pas aux se n te n ce s’ et
arrêts; elle s’étend aux-'poursuitespostérieures ( L o i , 1
9 brum aire an 2 , art. i . e ,) .i!
'
.Ainsi, toute procédure tendant à rappeler ou faire
rev ivre ce que la loi a a b o li, est rép rou vée et inadmis
sible.
*>'»«;«!
; :
D ’après de telles lois, n ’ëst-cé^doné pas une p u é
rilité que de dire à une C o u r soütyëraine : V o u s 'n ’aurez
pas à juger l'appel <£une Seritencé féo d a le ■vous aurez
seulement à' juger la péremption de l\'appel d ’u'ne sen
tence f é o d a le ?
'■
1:1 ■
'
ol ?
iji A b u s des mots1 et pure cacop'hdnie. 11
i i't
Quand il existe un ap p el, l’intim é n’est pas réduit à
*r r
■
,
.
j
f
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un seul m o yen de défense; il pdut 1 attdquer par des
vices 'dé f o r m e / ‘ des fins de nôn-receVÔir,: làn là pé^
rem ptioiî : tout cela est égal au± ÿ ë u i de la'{loi;; tout
cela rentre ddris les exceptions dür défendeur.*'5' :
;
“ L e résultat uniform e dè cès éxcèp tio n s‘est'rd 5arriver
à ia cdnformation}de La
al la q u é e 'jla f uH'&ppël ;
o t j cëTréèültat'est-l&' b u t'd u p r o c è s : Cn bm>nibuiyrk'spicë
J in e m .
• ^11slv i Y b q q r, i-. <h
■Il n ’est donc pas permis de croire que la C o u r veuille
juger un-fragm ent de procès*sans regarder iYson::ori“
gind et à èës conséquences. ^ ::J :H >
J «. ■
i* •
U n e péremption d ’ailleurs'est si peu un prdcès nou
veau, q u’elle ne s’introduit^pas par un exploit à domi
cile , et en i . M instance. L'usage a toujours été de c o n -
�( 2° )'
d u r e par r e q u ê t e , quand il n’y a pas de décès su rven u ;
et le code a c tu e l, article 4 0 0 , en fait un devoir. L e
sieur C ab an e a lui-même constaté cet usage, en signi
fiant sa demande en p é r e m p t i o n , 'par req uête signi
fiée à procureur le 12 août 1788.
I l a donc lu i-m ê m e considéré la pérem ption com m e
un m o y e n de procès.
I l l ’a proposée co m m e un e exception.
I l a con d am n é son propre système.
M ais quand on serait privé de le citer lui-m êm e pour
prou ver q u ’ une pérem ption d’appel n ’est pas un procès
nouveau, et indépendant , la raison seule dirait que
quand le fonds du procès est a b o l i, il n ’est pas plus
perm is de plaider po u r la pérem ption q u e pour la
prescription. ,
\
L a féodalité n’est pas la seule m atière abolie par la
révolution ; et il est sans exem ple que des procès re
viven t sous prétexte de savoir s’ils sont périmés. N e
trouverait - on pas rid ic u le , par e x e m p le , que par
suite d ’un procès en m atière b én é fic ia le , un d é v o lu tairç qui aurait obtenu un b énéfice con testé, vînt re
prendre devant les tribunaux actuels la pérem ption
d ’un appel y rela tif?
L a loi n’a permis q u ’en u n seul cas de plaider sur
les matières supprimées ; c ’est dans les retraits lign a g e r s , et seulem ent pour les dépens. L à on pourrait re
prendre une dem ande en pérem ption; mais l’exception
confirme la r è g l e , q u i de uno d i c i t , de aitero negat.
Au demeurant, l’idée conçue par le sieur Cabane,
�' ( 21 )
d ’isoler une pérem ption , n’est q u ’ un piège contre des
censitaires qui ne doivent r i e n , et qui seraient plus
victimes de la suppression de la féodalité, que si la fé o
dalité existait encore.
' En effet, un arrêt de pérem ption emporterait de plein
droit la confirmation de cinq sentences féodales.
L e s censitaires n’auraient aucuné voie pour en em
pêch er l’exécution. I/accès au x tribunaux leur serait
ferm é ; fous les degrés de juridiction seraient épuisés,
et le prem ier juge ne pourrait réform er une décision
ém an ée de lui. L e sieur C aban e ferait donc exécu ter
sans obstacle des sentences dont l’arrêt aurait prononcé
im plicitem ent la confirmation : car quel juge pourrait
arrêter des poursuites faites par suite d ’un arrêt de la
C our ?
Ces poursuites forceraient les appelans à p ayer la
dette d’a u t r u i, sans m oyens de répétition. O n dit la
dette d ’a u tru i, c a r , encore une fo is , les censitaires,
poursuivis par le sieur C a b a n e , ont p a yé régulièrem ent
leur portion des cens.
Ils prouven t par les quittances de cens à eux données
chaque année par les préposés du seigneur, sur un cahier
particulier, savoir,par le sieur C a b a n e , j usques et compris
1 7 8 0 ; p a r l e sieur L a d e n , depuis 1780 jusqu’à 178 6;
et enfin par le sieur Coudert , pour les années posté
rieures.
Ainsi ce n ’est que par la force de la solidarité et de
la pagésie que le sieur Cabane veut faire p a ye r a u x
D a u b in , M ou rgu ye et B areyrie ce q u ’ils 11e doivent pas»
6
�( 22 )
Mais une loi du 20 août 1792 a supprim é la soli
darité; c ’est donc pour l ’éluder qu’il veu t se prévaloir
de sentences qui com prennent le cens de tout un
ténement.
Si la solidarité existait encore , l ’action serait re
poussée par l’exception cedendarum a ction um . L e sieur
C aban e ne pourrait se faire p a y e r , q u ’en subrogeant
à ses actio n s, pour être remboursé du co - débiteur
solidaire. ( C o d e civil, art. 2037.)
O r , co m m en t pourrait - il subroger à une action
é te in te ? com m en t serait-il en état de justifier ce que
doivent les co-débiteurs ? com m ent et par quelle vo ie
les forcerait-on de p ayer une portion de cens inconnue?
Ces difficultés a ch èven t de m ontrer q u ’il est toujours
im prudent d’éluder les l o i s , m êm e les plus sévères.
Chacun en profite dans ce q u ’elles ont d ’avan tageux
pour l u i ; et souvent hors de l à , les taxe d’injustice.
A u reste, il ne s’agit pas de m ontrer que la dem ande
du sieur Cabane causerait aux appelans un tort consi
dérable : il suffit d’avoir prouvé q u ’elle tend à la v io
lation de la lo i, et ce serait s’aveugler vo lo n ta irem en t,
que d hésiter à s’en dire convaincu,
»•
M .e D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M . e G A R R O N , licencié-avoué.
A RIOM , de l'imprimerie du Palais, chez J.-C. SALLES.
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Daubin, Joseph. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Garron
Subject
The topic of the resource
pagésie
cens
contentieux post-révolutionnaires
droits féodaux
ferme
Description
An account of the resource
Mémoire Pour Joseph Daubin, Pierre Mourguye et Gabrielle Bareyrie, femme Baptistal, cultivateurs, habitant au village de Moncel, commune de Sainte-Eulalie, appelans et défendeurs en péremption; Contre Le sieur André Cabane, se disant ancien fermier de la terre de Saint-Chamant, intimé et demandeur.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1764-Circa 1810
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0625
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0420
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53885/BCU_Factums_M0625.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Sainet-Eulalie (15186)
Montcel (63235)
Rights
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Domaine public
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Pagésie