2
100
108
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53254/BCU_Factums_G1514.pdf
87153e440989417832b373d11d4de36c
PDF Text
Text
;
o í.
:
• i:
îm
q
___>
ii1
MEMOIRE
•Í.
!
P O U R
M a rg u e rite
*
'
•
SOBRIER, veuve
D a u d in ,
appelante;
r
,
"
C O N T
R E
,
t
Sieur F r a n ç o i s C A P E L L E f intimé et appelant;
E N
t
Présence
^
D ' A n t . D E S P R A T S , et d ' E l é a z a r d R O S T A N G D A U D I N , appelans et intimés,
La
_
, ;
ü
,
»•' ■(
. (i •••* <•„!.<(
< iO !j
.
(_■
i
dame D audin vouloit oublier tout ce qui tient à une ven te.
qu'e lle a signée en 1782. L e sieur C apelle, qui l’a trom pée, veut
obtenir contr’elle une garantie
en est dû aucune,
il faut lui démontrer qu’il ne lui
r.
L e sieur Descaffres ,p a r son testament d u 7 avril 1 7 7 3 , institua
Eléazard D audin , son petit-neveu , pour son héritier ; il légua à
M arguerite Sobrier, sa m ère, le mobilier et l’usufruit de ses biens
et la désigna exécutrice testamentaire, avec pouvoir de vendre pour
le payem ent de ses dettes. t. • :
•
E lle avoit vendu quelques objets avant 1782 , et ne voyoit pas de
nécessité d ’en aliéner encore, lorsque le sieur Capelle concerta avec
Daudin fils m in eu r , le projet de se fa ire vendre le domaine du
V e rn e t, dépendant de la succession D escaffres.
Daudin fils , épris d' une passion violente, avoit résolu d ’aller se
marier à Avignon ou en Italie ; e t pour c e la , il cherchoit de l'ar
gent : un négociateur du sieur Capelle lui proposa la vente de ce
domaine.
�i >r '
( a )
-
M in e u r, et n ’ayant pas le pouvoir de ven d re , Daudin fils y
décida sa m è re , qui fixa le prix à 21600 francs. En eut-elle voulu
demander le double, il n ’y avoit pas d ’obstacles, puisque le sieur
Capelle avoit déjà son plan.
Il feignit d’adopter le prix de 21600 francs , exigea que le contrat
portât quittance, au moyen des billets qu’il devoit faire ou céder.
En effet, par acte notarié du 1". mars 1782, la veuve Daudin lui
vendit avec garantie , moyennant 21600 francs , le domaine du
V e rn e t, tous les bestiaux et outils d ’agriculture, ensemble cin
quante seliers de blé à prendre s u r la récolte pendante, et le quart
du surplus de ladite récolte.
‘
1
Mais ce prix , bien sérieux pour la dame Daudin , n ’étoit que
fictif pour le sieur Capelle ; déjà il avoit arrêté, avec Daudin fils,
que le prix du domaine ne seroit que de i 38oo francs , sur lequel il
devoit compter à peu près 4000 francs pour le voyage d ’Italie, et
le surplus étoit délégué sur une maison dé commerce d’Aurillac.
L a prévoyance fut portée plus loin; D a u d in , mineur, pouvoit
réclamer un jo u r, el l(f siéur Capelle se munit d ’une ratification
générale, dont la date fut laissée en blanc. 11 paroit même qu ’elle
étoit fabriquée avant la vente; c a r , dans l’incertitude du mode de
mutation, le sieur Capelle y fit ratifier tous les actes passés à son
profit ( et il n'y en a qu’un seul ). Daudin fils écrivit tout cet
acte » excepté la date : le sieur Capelle avoue qu’elle est d ’une autre
main.
On comprend d ’avance que les articles secrets de cette capi
tulation éloient subordonnés à la reprise des billets signés le jour
de la vente. Daudin fils les enleva, et disparut.
L a dame D audin, justement irritée-, rendit plainte en soustrac
tion des billets de 21600 francs, et en o u tr e , de divers blancs
seings. Sur le vu îles informations, le bailliage de Vie rendit une
sentence, le 18 juillet 1782, qui condamna Daudin fils à restituer
à sa mère 21600 im u c s , permit de faire des saisies-arrêts , et
a n n u l l a les blancs seings q u i,
en e lie t, n'ont plus reparu. Ces
informa lions sont perdues, et 011 ignore qui a eu le crédit de les
�<?<
(
3
)
supprimer: la sentence seule existe, et le sieur Capelle d it , dans»
son m ém oire, qu’il en est porteur.
Il est à croire que ces informations secrètes , suivant l’usage ,
contenoient des révélations qui seroient aujourd’hui bien utiles;
car le lieutenant général de Vie ( le sieur Sistrières ) , qui se trouvoit seigneur féodal d’une partie du domaine du V e r n e t , exerçale retrait contre le sieur Capelle, et soutint que le prix réel n’éloit
pas de 21G00 francs.
- .
Alors Daudin fils étoit de retour ; le sieur Sistrières l’interrogea
ou le fit interroger; mais Daudin fils peu rassuré encore , et,
pudori suo parcens, fut fidèle à son m entor, et répondit de ma-,,
nière à mériter ses éloges : il se hâta de s’en glorifier par une
lettre du 10 août 1783 , que le sieur Capelle a la bonté de produire.
« J’ai subi interrogatoire pour savoir ce^quc j ’ai reçu de vous.
» Sistrières croit que vous n ’avez fait de billets que pour quatorze
v mille francs j j’ai dit que vous en aviez fait pour tout le con» tenu au contrat, ce qui l’interloqua fort. Quoi qu’il en s o it,y e
» ne vous nuirai jamais , parce que vous m’ avez payé ce que
» vous m’aviez promis. »
L e procès Sistrières dura quelques années encore , et fut terminé
par un traité du 5 mai 1789 , dans lequel les parties se contentent
de dire que, parfaitement instruites de leurs droits , elles se sont
respectivement départies de leurs prétentions.
T o u s ces résultats mystérieux étoient ignorés de la dame Daudin,
qui se consoloit de ses chagrins précédens par le retour de son fils.
L a révolution a amené pour elle d’autres terreurs et d ’autres sacri
fices : elle a été enfin obligée de faire plusieurs ventes ; et le sieur
Capelle, qui ne conçoit pas que les fortunes puissent diminuer, lui
en fait un crime. Elle a réglé ses affaires avec son fils pour la suc
cession Descaffres ; et n’ayant plus que le souvenir de son ancienne
aisance, elle étoit loin de s’attendre, sur la fin d e'sa carrière, à
¿tre accusée de collusion et de complots de la part de l ’homme à
qui elle pouvoit en reprocher si justement.
Daudin fils a
ses j roits ^ D e s p ra ls, qui a cité le sieur
A 2
�xc>*
(
4
)
Capelle en désistement du domaine du Verneten l’an 8. L e sieur
Capelle a produit la ratification, qu’il a datée de 1788; et alors
Daudin , mis en cause par D esprats, a commencé line procédure
en inscription de faux contré la date de cette ratification.
L e tribunal d’Aurillac en a ordonnéle dépôt au greffe; le procès
verbal mentionne que là date est d’une autre main, et d ’une encre
pins noire, qu’on a repassée sur plusieurs lettres du même acte. L e
sieur Capelle se défendoit d ’abord par des nullités contre cette
procédure; mais il a fini par la rendré sans objet, en déclarant
qu’il reconnoissoit la date de la ratification pour être d'une autre
main.
L e sieur C apelle, qui sentoit bien toute la difficulté.qu’il avoit
de faire usage désormais de cette ratification, a cherché à élaguer
tout à fait Daudin fils, s’il le pouvoit; d ’abord il lé reconnoissoit
pour héritier Descaffres ; ensuite il a attaqué le testament de nul
lité , et a prétendu que la mère étoit héritière
. -
Sa défense s’est basée principalement sur ce moyen ; il a , de.
p lu s , crié à la collusion, et s’est tourmenté, par un appareil d’in-t
terrogatoires, pour se donner l’apparenccd’une \ictime de la mau
vaise foi. En concluant à la garantie contre la dame Daudin , il
a affecté de dire qu'il n ’auroit pas cependant de ressources contre
elle, s’il perdoit son>procès. L e sieur Capelle, par jugement du i 5
germinal an 11 , a été débouté de sademande.en nullité du testa
ment de 1773. La vente du 1 " . mars 1782, et là ratification de
*788, ont été déclarées nulles. L e sieur Capelle.¿a, été condamné
à se désister du domaine du V ern et. L a dame Daudin a été con
damnée h le garantir et indemniser, et à lui payer non-seulement
31600 francs, mais encore ses dommages-intérêts. Daudin fils est
condamné à rembourser i 58oo fra n cs, et lés améliorations. Il
est ordonné q u e , sur une demande en garantie solidaire formée
par Capelle contre les sieur et dame Daudin , îles parties contca( * ) A u jo u r d ’h u i il se ju g e lu i-m e m e ; c a r , pendant l ’im pression de co m é m o ir e , il v ie n t do
con clu re c c n tre D esp rats A la su b rogation 1é g a lé . Est-ce un p ropriétaire q ui a ch è te sa p ro p rié té î
•s t-c e un a c q u é r e u r , p rêt à ê tre évin cé» q u i » chete le fo n d du procès i rem aïbi n ectsiariam .
�4
( 5 )
teront plus amplement. L a dame Daudin est condamnée aux dépens.
Toutes les parties ont interjeté appel de ce jugement.
M O Y E N S .
^
L a vente de 1782 est annullée; et cependant la dame Daudin
est condamnée à garantir le sieur C a p e lle , et même en des dommages-inlérêts considérables : n’y a-t-il pas. à cela de l’inconséquence?
Une telle décision se conçoit, si le sieur Capelle a acquis loya
le m e n t et de bonne foi ; car alors la garantie qu'il a fait stipuler
ne peut pas être illusoire.
]\lais s’il a voulu tromper celle qui lui vendoit, il répugneroit
à toute justice qu’elle seule fû t grevée, et qu’il profitât au con
traire de sa propre fraude.
• O r, il est indubitable que le sieur C apelle a trompé la dameDauin ,
et il doit en résulter non-seulement qu’il n ’y a pas lieu ¿1 garantie,
mais même qu’il n ’y a pas de vente.
i°. Il n’y a pas de vente ; car le consentement en fait le prin
cipal caractère , et il faut qu’il intervienne sur la chose et sur
le prix , sans cela il n ’y a pas de vente.
C e ne seroit qu’une subtilité de dire qu’il a dans la vente de
1782 un prix quelconque, parce que si ce prix n ’est pas réellement
celui dont les parties sont tombées d’accord , il n ’y a plus véritable
consentement, surtout quand c ’est l’acheteur qui veut donner une
somme moindre : tels sont les principes.
» L e consentement, dit Pothier, doit aussi intervenir sur le
» prix. C e consentement ne se trouve p o in t, si l’un compte vendre
» pour unesommeplusgrande quecellc pourlaquellel’autré compte
» acheter. Il n’ y a donc pas de contrat de vente, faute
4e consen-
ii tentent.» ( T r a i t é du contrat de v e n te , pag. 1” . , n?. 56. )
E t ce n'est là que la copie de la loi elle-même : S i in pretio vel
tn ne errent, v el dissenliant, contractus erit imperjectus. L . 9
f f ' D e conlr. empt.
A quoi la glose ajoute : Qubd si minus emptor } majhs venditor
putavit, impeditur contractus.
. L a loi a donc voulu pourvoir aux surprises, et il n ’importe que,
�\
( 6 }
clans l’espèce , la vente ait été exécutée, parce qu’il est évident
que la même erreur , qui présidoit au contrat, devoit en protéger
l’exécution.'
L e principe est général ; et si l’acheteur a le secret de persuader
au vendeur qu’il est d’accord sur le prix , il est certain q u ’iÎ y
aura le simulacre d ’une vente, jusqu’à ce que le vendeur soit certain
qu’il a été trompé ; alors , si par les circonstances on peut juger
qu'il s’est opéré une nouvelle convention , celle-là seule aura quel
que considération, plutôt que la première qui étoit vicieuse.
Si donc on pouvoit reprocher à la dame Daudin qu’elle n ’a pas
réclamé plu tôt, elle répondroit avec raison' que la collusion de son
fils et du sieur Capelle contre elle-même a entretenu son erreur ;
qu’elle a si bien cru le sieur Capelle innocent, quelle n'a accusé
que son fils, comme il l’observe lui-même : elle a si bien cru avoir
stipulé pour prix de vente 21G00 francs , qu’elle a fait condamner
son fils à i u i payer 21600 francs.
Quel intérêt auroit-elle eu d ’ailleurs à faire un procès pour ce
domaine ? il ne lui appartenoit pas. Le principal intéressé étoit
son fils; mais il colludoit, et il étoit condamné à son égard.
Les éclaircissemens d’ailleurs ne sont nés que du procès actuel,
des variations du sieur Capelle, et de la lettre de 1783 qu’il a
produite.
Ses variations étoient frappantes: i #. il disoit, quant au testament
Descafl’res, qu’il avoit été rassuré, en achetant, par le pouvoir que ce
testament, dont il avoit connoissance, donnoit ù la dame Daudin
de vendre. Ensuite, il a dit qu’on lui en avoit caché 1existence ;
il en a demandé la nullité , et il répète encore aujourd’hui qu’il l’a
méconnu.
2°. Quant au prix de la vente, le sieur Capelle disoit d’abord
que l’enlèvement des billets étoit un conte; que la vente faisoit foi;
que les 31600 francs avoient été payés comptant, ce qui exclu t
toute idée de soustraction d ’effets : et, aujourd’hui, il est obligéde
changer de langage, et de dire qu’il n’a payé que 6000 francs
com ptant, et fait des billets pour le surplus.
L a lettre de 1785 a rendu nécessaire çette esnèr.e de confe«*-
�r>
%
;
'
/s
sion forcée ; car , comment répéter qu’il n ’y avoit pas eti d’effets ,
lorsque Daudin fils écrivoit: 7 ’ai dit que vous en avez fa it pour tout
le contenu au contrat ; et le sieur Capelle avoit excipé de cette lettre* '
Mais , c ’est delà que naissoit la révélation essentielle pour la
dame Daudin : elle étoit forcée d ’y lire tout à la fois la surprise
qui lui avoit été faite, et la sujétion de son fils pour la tromper
encore après s o n retour. Vous m ’ a v e z payé ce que 'vous m’ avez
promis ; je ne 'vous nuirai jamais : donc il résultoit de ces deux
phrases qu’ il y avoit un prix autre que les 21600 francs : donc le
sieur Capelle a voit pzy è directement à Dsudin fils; vous m ’ a v e z payé.
E t dès-lors quelle poignante réflexion pour la dame Daudin !
Jusque-là elle avoit pu croire que son fils, ayant enlevé des billets,
avoit couru chez les banquiers pour a’irn faire payer avant sa fuite;
et il a fallu voir dans cette lettre que le sieur Capelle avoit payé à
un fils de famille rebelle, à un mineur, des billets enlevés, et après
une information d’un genre aussi peu ordinaire.
L a dame Daudin avoit bien aisément été trompée. Son erreur a
duré jusqu’à ce que son fils, détrompé lui-même sur le compte du
6ieur Capelle, a fait la cession qui a donné lieu au procès. Alors ,
attaquée elle-même, elle a eu intérêt d ’examiner ce qu’elle eût mieux
aimé ignorer toujours.
Il
n ’y a pas de vente, disons-nous , puisqu’il n’y a pas de consen
tement sur le prix , dès que le.sieur Capelle avoit machiné le projet
de n ’acheter que i 38oo fr. un domainequ’il feignoit payer 21600 fr.
Mais encore moins , y a-t-il lieu à garantie , et cette proposition
est fondée sur les principes les plus constans.
On peut vendre la chose d’a u tru i, dit le sieur C apelle, et par
conséquent on peut garantir une telle vente : cela est vrai ; mais
alors il y a au moins dans l’acheteur bonne foi dans la garantie qu’il
fait stipuler.
Dans 1 espèce, le sieur Capelle n ’étoit pas plus de bonne foi dans
cette garantie que dans la vente; caria g a r a n t i e é t o i t une condition
du prix de 21G00 francs; si donc il savoit qu’à sou égard le prix
étoit moindre , il y avoit dol dans la garantie qu’il exigeoit.
�m
v L e d o l , dit le Code civil , est une cause de nullité de la con» vcntion , lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties
>) sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre
w partie n’auroit pas contracté. » ( A r t . 1116. )
O r , personne ne doute que la dame Daudin n ’auroit pas vendu
€t encore moins garanti au sieur Capelle, s’il l’avoit prévenue qu’il
machinoitavec Daudin fils le projet de n ’acheter que pour i 58oo f r . ,
et même de fournir ce prix à un jeune homme qui fuyoit sa famille,
perituro.
, En général, l’acheteur qui sait le vice de la chose vendue sciens
reigravamen , ne peut pas demander de garantie; et à plus forte
jraison celui qui a coopéré à ce vice, et qui plutôt l’a créé lui m ê m e ,
en sous-entendant un prix que le vendeur ignoroit et n ’qdoptoit pas.
E t , à cet égard, il faut remarquer un double principe ; c’est que,
,i°. la garantie même de tout troubles et évictions ne peut s’entendre
que d’une cause d’évictîon qui existât avant la vente, et que le
vendeur pouvoit ou devoit savoir; 20. que si la cause d ’éviclion
résulte de la vente elle-même, quant à sa forme ou sa substance,
il faut que l’acheteur sefasse garantir expressément de ce vice connu,
, » L e débiteur, dit l’article u 5o du Code civil, n ’est tenu que
» desdommages-interêtsqui ont été prévus, ou q u ’on a pu prévoir
*) lors du contrat ; » et cet article s’applique à la garantie d ’évic
tion , d ’après l’article iG5c).
.. C ’est en vertu de ce principe que la cour d ’appel de Paris , par
arrêt du 27 messidor au j o , déchargeoit de la garantie un ven
deur qui s’y étoit soumis solidairement; mais à 1 égard de l’im
meuble d ’un interdit, qui ne pouvoit être vendu sans formes ;
» Considérant qu’on n’entend par garantie d’évictions et troubles,
» que ceux étrangers au contrat, et dont il y a une cause e x isj) lanle au temps du contrat....... Q u’on n ’entend point par cette
)) garantie l ’éviction dont les vices du contrat même sont la
« cause. » (J- palais, n°. 17 1.)
Dans l’espèce, la vente de 1782 a deux vices: l ’u n, que la chose
veudue ctoil à autrui : le sieur Capelle n’ignoroit paç le testament;
�/ f f £ •>
C 9 )
il l’a avoué, et sa précaution anticipée de prendre une ratifies lion
en blanc , le prouve d ’avantage.
L e second vice, radical en ce qu’il attaque la substance de l’acte,
étoit connu de l’acheteur seul, et cette circonstance est bien plus
décisive que celle de l’arrét de Paris. L e sieur Capelle savoit seul
que le prix exigé par la dame Daudin n ’étoit pas le prix qu'il vouloit payer, et la dame Daudin qui gnranlissoit ne le savoit pas.
A-t-elle donc donné un consentement valable à la garantie? N o n ,
car non 'videntur qui errant consentire.
» L e troisième c a s , d itP o th ie r, auquel il n ’y a pas lieu à la
» la garantie, est celui d’un acheteur qui, ayant connoissancede,
» la cause qui donne lieu à l’éviction , l ’a cachée au vendeur qui
» l’ignoroit, et de qui il a stipulé la garantie : comme en ce cas
w c’est l’acheteur qui a induit en erreur le ven d eu r, en stipulant
» de lui une garantie qu’ il n’auroit pas promise ....« le vendeur
n paroit fondé à l’exclure, de son action de garantie par l’excep» tion.du d o l, en lui offrant seulement de lui rendre le prix
» qu’il a reçu. » Contr. de vente, pag. i ,-n*. i g i .
O r, la dame Daudin n’a rien re ç u , et le sieur Capelle le sait
mieux que personne. Daudin fils avoue avoir reçu les 1 58oo francs ;
il en a offert le remboursement, et dès-lors la veuve Daudin doit "
rester aussi neutre dans cette malheureuse affaire, qu’elle l’eût
toujours été sans les manœuvres du sieur Capelle.
Répétera-t-il que tout est controuvé dans ce qu’il appelle une
perfide calomnie? la dame D audin, qui n ’a eu intérêt de s’informer
de la vérité que depuis qu’on l’ attaque, offre de prouver à la cour
que, par le dol du sieur Capelle, le prix exigé par elle fut fixé à une
somme beaucoup m o in d re, entre lui et Daudin , alors âgé de
dix-neuf ans; qu’il n ’y eut pas, comme il le dit, pour i 56oo fr.
d’efiets tirés sur la maison Lespinat et D om ergue, et que celte
•
maison n ’en a acquitté que pour 10000 francs aü plus.
Mais qu’est-il besoin d ’une preuve testimoniale , quand tout est
clair par des écrits, et qu’il y a plus de matériaux qu’il n’en est
nécessaire pour asseoir les présomptions que la loi cxi^e scules en
matière de fraude.
/ i#
�\ <s » i
( IO )
Que le sieur Capclle explique, s’il le peut, comment le prix réel
de sa vente étoit de 21600 francs, lorsque la lettre qu’il produit
porte : Vous m'avez payé ce que vous m’ avez promis, je ne vous
nuirai pas.
Q u ’il explique comment il a payé 6000 francs en argent, et le
surplus en effets, lorsque la lettre porte : Vous en avez fa it pour
tout le contenu au contrat ; lorsqu’après une plainte en soustrac
tion des billets, Daudin fils est condamné à payer à sa mère
vingt-un mille s ix cents livres.
Q u’il explique dans quel temps il a payé ces billets, faits à divers
termes; e st-ce au banquier? il avoit une saisie-arrêt; est-ce à
Daudin fils? Mais un magistrat pouvoit-il acquitter des billets
volés , à l'auteur du v o l, mineur, après l’éclat d ’une information?
Que sont devenus ces billets qu'aujourd’hui il avoue? Acquittés
par l u i , il doit les avoir.
N o n , ce ne sont pas là les signes de cette loyale franchise
qu’il faut toujours retrouver dans les transactions sociales.
L e sieur Capelle a obligé la dame Daudin à s’instruire de ce
qu’elle s’efforçoit d’ignorer, et à voir ses derniers momens em
poisonnés par la conviction d'une trame qu’elle eût été plus heu
reuse de ne pas aussi pleinement acquérir.
Cette conviction même ne l’eût engagée à aucune démarche ;
car leur éclat même eût rappelé des chagrins que le cœur d’une
mère sait dissimuler. Mais le sieur Capelle lui envie cette paix
et sa neutralité ; il ose demander à la dame Daudin une garantie
surprise par des manœuvres sans lesquelles il est evident qu'elle
n'auroit pas contractée. U ne telle demande n est donc que le pro
d uit de la turpitude; elle est proscrite par les principes : car nemini
fraus sua patrocinari debet.
Me
D E L A P CHIER,
M .
avocat.
F A Y E , avoué.
A R I O M , de l’imprimerie de L a n ddrio t , seul imprimeur de la
Cour d ’appel. — Therm idor an 13.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Sobrier, Marguerite. An 13]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Faye
Subject
The topic of the resource
ventes
abus de confiance
abus de faiblesse
prescription
éviction
minorité
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Marguerite Sobrier, veuve Daudin, appelante ; contre Sieur François Capelle, intimé et appelant ; en présence d'Ant. Desprats, et d'Eléazard Rostang-Daudin, appelans et intimés.
Table Godemel : Dol : 1. Vente du 1er mars 1782 critiquée de nullité comme ayant été surprise, à une femme, par des manœuvres concertées entre l’acquéreur et le fils mineur de la venderesse. Eviction : 2. si la vente d’un immeuble et la ratification qui en a été faite par son héritier, devenu majeur, sont nulles, le vendeur qui a contracté en son propre et privé nom et reçu le prix, peut-il être dispensé de garantir l’éviction sur le fondement que le vice du contrat même en est la cause, et que l’acquéreur connaissait l’incapacité du vendeur ? Exécuteur testamentaire : autorisé à vendre pour payer des dettes, peut-il vendre sans aucune formalité pendant la minorité de l’héritier ?... L’acquéreur doit-il surveiller l’emploi des deniers ? Prescription : l’acquéreur, dont le titre est vicieux, peut-il se prévaloir de sa possession, et opposer, en pays de droit écrit, de l’action en nullité et en désistement, la prescription de dix ans entre présents et de vingt ans entre absents ? Ratification : 1. l’acte par lequel l’héritier devenu majeur ratifie les actes passés par l’exécuteur testamentaire, soit-il, pour être valable, énoncer expressément les actes ratifiés ? cet acte, s’il est sous signature privée, doit-il être fait double ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 13
1782-An 13
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1514
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0404
BCU_Factums_G1512
BCU_Factums_G1513
BCU_Factums_M0715
BCU_Factums_G1515
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53254/BCU_Factums_G1514.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vic-sur-Cère (15258)
Vernet (domaine du)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
abus de faiblesse
éviction
minorité
prescription
testaments
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53250/BCU_Factums_G1510.pdf
0e03ee9468ccd7d5c986df0c7b112fbe
PDF Text
Text
M
É
M
O
I
R
E
P O U R
M
ar g u er ite
C O U G U E T - F L O R A T , v e u v e du sieur
de
R
eyrolles,
i nt i mé e;
COUR
C O N T R E
D ’A P P E L
D E RIOM .
C a th erin e
M A I G N E , se disant aussi veuve dudit
____
sieur d e R e y r o l l e s , appelante.__________ 1er s e c t i o n
i-M
L a demoiselle Maigne n’est pas satisfaite d'avoir usurpé une
grande fortune, et empoisonné la vie d'une malheureuse épouse;
elle ose lui disputer encore un titre respectable reçu aux pieds des
autels, et opposer une formule révolutionnaire et illégale au plus
sacré des engagemens. L e désir de tout contester à son adversaire
l’a aveuglée et jetée dans cette inconséquence. Pour exposer sa haine
devant les tribunaux, il lui a semblé doux d ’y être en scène ellemême; et elle n ’a pas crain t, dans son propre pays, de livrer sa
vie toute entière à de pénibles souvenirs.
U ne première tentative devoit la convaincre que la passion n ’est
pas le plus sur des guides. Condamnée par les juges qui la connoissoient le mieux, elle avoit lieu de croire qu’un système de calomnie
ne prévaudroit pas contre les principes, et qu’une cour supérieure,
gardien naturel des lois de l’empire, ne porteroit pas légèrement une
atteinte dangereuse au lien sacré du mariage, le premier fondement
des sociétés civiles.
L a dame de R eyrolles avoit été justement indignée du genre de
défense d abord adopté par la demoiselle M a ig n e, et son premier
A
�( 2 3
mouvement avoit été d’user d'une représaille Lien légitime. Plus en
état que personne , dans sa triste position , de rendre compte
des iaits et gestes de sa rivale, elle n ’avoit rien tu de ce qui la tourmentoit depuis tant d’années, et il lui paroissoit consolant de la
poursuivre encore, comme un remords vengeur, de la forcer à
sentir le poids de son opulence, et de mériter enfin une haine
qu’elle ne provoquoit pas.
Cependant la dame de Reyrolles a réfléchi que cette jouissance
décevante n ’étoit pas digne de la majesté de la cour ; en consé
quence elle s’est fait un devoir scrupuleux d ’écarter de son récit
touj*#- les épisodes étrangères à ses moyens. L a réclamation d’un
état civil présente d ’ailleurs trop d ’intérêt par elle-même, pour que
cet intérêt soit sacrifié à des personnalités et à une stérile vengeance.
L e mariage est-il un contrat d ’ordre public ; c’est-à-dire , une
femme sous la puissance maritale a-t-elle p u , après un divorce
nu l, traiter irrévocablement avec son mari? et si le mariage n ’étoit
pas légalement dissous, a-t-elle pu consommer cette dissolution
par un acte privé?
T elle est la principale question de cette cause; et il faut avouer
que sans cette espèce de vandalisme philosophique, qui a brouillé
long-temps toutes les idées morales, on rougiroit de la trouver dif- .
ficultueuse. Mais avec la gloire du nom français renaissent de jour
en jour ces antiques maximes, dont nous n ’avons éprouvé l'ébran
lement que pour sentir les funestes conséquences de nos vicissitudes.
Aujourd’hui le mariage, placé sous l’égide de la religion et sous la
sauve-garde de la magistrature, a reconquis sa dignité primitive;
et tout ce qui tend h la maintenir retrouve dans les tribunaux une
protection salutaire, indépendante des personnes et des circons
tances.
F A I T S .
L a dam e C o u g u e t - F lo r a t contracta mariage avec le sieur de
R e y r o lle s , médecin , le 7 novem bre 177/1, et se constitua en dot
scs biens échus et ù é ch o ir, c ’est-à-dire, q u ’elle donna plein pou-
�X»
( 3 )
.......................................
voir à son époux de rechercher et régir une fortune inconnue à
elle-même. L e contrat mentionne la stipulation d ’un douaire, et
autres avantages matrimoniaux.
Les premières années de ce mariage furent heureuses. Devenue
m ère, et possédant toute l’affection de son époux , la dame de
Reyrolles étoit loin de prévoir que cette félicité seroit détruite par
une femme qui alors ne lui sembloit nullement à craindre, et que
le sieur de Reyrolles paroissoit juger avec rigueur.
L a destinée de la dame de Reyrolles en disposa autrem ent, et
bientôt elle se convainquit que les goûts des hommes ne se règlent
pas toujours par leur estime. D ans sa fierté , elle abandonna un
époux parjure, à sa nouvelle conquête, et se retira chez la daine
de F lo r a t, sa grand’mère.
C et éclat, imprudent peut-être , tourna tout entier au profil de
sa rivale; la dame de Reyrolles lut privée de tout secours , de ses
bijoux; et poussée d’infortunes en infortunes, pour obtenir six
louis de son époux , il exigea qu’elle les reçût de la demoiselle
Maigne. T e l étoit, après dix ans de mariage, l'humiliation à laquelle
étoit condamnée une épouse : tels étoient les premiers chagrins
qu’elle fut obligée de dévorer.
Une réconciliation apparente succéda à ce premier orage. Dupe
de son cœur et de sa franchise , la dame de Reyrolles se trouvoit
encore heureuse des égards de son époux; mais l’illusion qu’elle
s’efforça long-temps de se fa ire , céda !i l’évidence : l’ indignation
étouffa tous les calculs d’intérêt personnel, et l’épouse outragée ne
connut plus les ménagemens de la dépendance.
Les sieur et dame Caklaguès, parens de la dame de Reyrolles ,
aüoient s’établir à Limoges. Affliges de sa position, ils lui propo
sèrent un asile ; et celle qui dominoit le sieur de Reyrolles ne sen
tant que le plaisir d ’être délivrée d’une surveillaute incom m ode,
pressa de consentir à cette séparation.
Combien étoit déjà changé le sort de la dame de Reyrolles! elle
avoit un époux ; une étrangère lui faisoit oublier ses sermons et
scs t evoirs : elle avoit eu un enfant; la m ort, moins cruelle, le lui
A 2
�........................................................ ( 4 )
aYoit ravi à l ’âge ôù il étoît incapable de tendresse. C ’est ainsi
qu’épouse sans époux, mère de famille sans enfans , la dame de
Reyrolles a vécu plusieurs années à Limoges , abandonnée aux
consolations de l’amitié et aux fantômes de l’espérance.
Elle avoit touché assez régulièrement à Limoges une pension de
bienséance que lui faisoit le sieur de R e yro lles, par égard pour la
maison de Caldaguès; mais au commencement de la révolution
elle ne reçut plus r i e n , et revint à Brioude.
Cette espèce de résurrection d ’une femme oubliée parut lui re
donner le charme de la nouveauté, et réveiller dans le cœur du
sieur de Reyrolles des feux mal éteints. Il est certain qu’il eut fait
son bonheur de rompre ses chaînes, et de mériter l'affection de
son épouse, si la prévoyance allarmée de la demoiselle Maigne
n ’eût cherché à la hâte à détruire ce premier mouvement par toutes "
sortes de moyens.
Mais tel est le sort d ’un homme subjugué; le sieur de Reyrolles
-voyoit, et il n ’osoit voir; il v o u l o i t , et ne pouvoit s’enhardir à vouloir:
l'homme le plus impérieux n’est donc qu’un foible enfant devant
la passion qui le domine. L e premier acte de foiblesse qu’il s’est
laissé surprendre, est l’abandon qu’un vaincu fait de ses armes;
il reste désormais sans défense, et se dévoue à l’esclavage.
L a demoiselle Maigne triompha , et le premier usage de sa
victoire fut de dicter les conditions et de profiter de la faveur des
circonstances.
Alors existoit une loi récente , que quelques femmes regardèrent
comme un présent du ciel et une faveur de la Providence. Après
la dissolution de la monarchie, de la féodalité et de la puissance
paternelle, en quelques jours d ’intervalle, et avant d ’attaquer la
religion dans ses solennités, il n ’y avoit plus qu’une destruction in
termédiaire à prononcer; et le lien du mariage, malgré son antique
i n v i o l a b i l i t é , fut dissoluble indistinctement par le divorce.
Cette innovation étoit trop précieuse à la demoiselle Maigne
pour qu’elle ne s’empressât pas de la saisir. En conséquence , le
a/| mai 1797,
¡1 fut signifié ù la dame de Reyrolles, de la part de sou
�313
5
(
)
m a r i, un acle par lequel il déclaroit qu’il entendoit divorcer pour
cause d’absence, et pour incompatibilité d ’humeur et de caractère;
en conséquence de quoi il nomrnoit trois amis , et lui faisoit som
mation de nommer de sa .part trois parens ou amis.
Dans cette conjoncture que pouvoit faire une épouse? plaider?
les tribunaux n ’étoient pas compétens ; résister? la loi ne le lui permettoit pas : souvent le demandeur se faisoit lui-même signifier
une réponse, et le divorce n ’en alloit pas moins à sa fin.
Quoi qu’il en s o i t , le 27 mai il fut d é claré , à la requête de
la dame de Reyrolles, que pour satisfaire à la sommation du 34
elle nommoit trois parens, ajoutant que le sieur de R eyrolles, en
provoquant son divorce , n’avoit fait que prévenir ses intentions.
L e 27 juin il fut tenu une première assemblée de famille, tou
jours motivée pour absence et incompatibilité; et après les dires du
demandeur et la tentative de conciliation des parens, on lit la ré
ponse suivante : Sur quoi ladite Couguet-biorat leur a répondu
q u elle étoit disposée à suivre en tout point la volonté de son
mari ; mais que si son dit mari persiste à requérir le divorce ,
elle y donne les mains.
.
Cette réponse si naïve , où l’obéissance seule se laisse apercevoir,
étoit en elle-meme insignifiante : mais on voulut lui donner un sens.
Les longs délais de rincompatibilité s’accordoient mal avec l’im
patience de la demoiselle Maigne. On crut donc découvrir dans
les dires de la dame de Reyrolles des matériaux suffisans pour para
chever un divorce par consentement m utuel, pour lequel il 11’y
avoit plus qu’un mois à attendre.
En conséquence, à la date du 28 juillet 1785, un mois après la seule
assemblée de famille, on fit rédiger un acte de divorce , dans lequel
on suppose qu'il a été requis par les deux époux, d’après la procé
dure voulue pour le consentement mutuel.
Cet acte fut porté à la dame de Reyrolles par un valet du comité
révolutionnaire, long-temps, quoiqu’on en dise , après la date qui
U1 u cl'; donnée : elle signa , il 11’y avoit pas à hésiter ; d ’aillçurs
son r e lu s, en l’exposant, 11’eùt fait que rendre cette pièce inu
�(6)
tile , et forccr à reprendre la suite du premier mode de divorce.
Ainsi s’accomplit cette œuvre d ’iniquité, et la demoiselle Maigne
eut enfin levé le plus grand des obstacles : mais comme si le ciel
5e fut joué de ses plus chères espérances , l’époque de son ma
riage qu’elle avoit tant hâtée s’éloignoit de jour en jour ; et pendant
quelque temps il y eut lieu de croire que le sieur de Reyrolles,
pénétré de la perte volontaire qu’il avoit sollicitée, oublioit la pro
cédure monstrueuse qu’il avoit ébauchée, et revenoit à scs pre
miers engagemens.
L a dame de Reyrolles se livra de bonne foi à une si douce rési
piscence ; elle feignit même ne pas remarquer qu’il ne venoit chez
elle qu’à la dérobée et avec la timidité d’un esclave. Enfin , une
grossesse lui parut le comble du bonheur, et le gage assuré d’une
réconciliation après laquelle elle soupiroit depuis si long-temps.
Mais les assiduités du sieur de Reyrolles n ’avoient pas échappé
aux ennemis de son épouse. T r o p adroits pour faire un éclat, ils
frappèrent des coups plus certains, et le poison de la calomnie vint
ébranler l’imagination foible d ’un homme que le premier mouve
ment fa ¡soi t agir, et q u i, dans ce qui concernoit ses passions , ne
savoit jamais penser par lui-même. C ’est ainsi que, dans sa confiance
aveugle, la dame de Reyrolles se croyoit encore épouse quand ses
ennemis ourdissoient sa perte : Inquirebant mala sib i, et dolos
totd die meditabantur.
L a grossesse de la dame de Reyrolles fournit une vaste champ
à leur malignité; l’époux lui-mènie fut entraîné à douter contre sa
conviction intime; cl ce que la dame de Reyrolles avoit cru être le
sceau de la paix devint en un instant le signal de la discorde et de
la haine.
T o u t d ’un coup la scène change : on profite diligemment de la
disposition d’esprit où on a mis le sieur de Reyrolles , et son ma
riage avec la demoiselle Maigne est consommé le 11 messidor
an a , douze jours avant que la dame de Reyrolles, sur son lit
de douleur, donnât le jour à une malheureuse créature sous d’aussi
sinistres auspices.
�7
(
)
N o n , le ciel ne l ’a point béni, ce fatal mariage ! 11 a entendu l ’anathème prononcé par une épouse dans sa désolation ; et elle n a
pas eu la douleur de savoir plus heureuse qu’elle celle qui l’avoit
chassée du lit conjugal. En portant un nom usurpé , la demoi
selle Maigne né trouva plus dans le sieur de Reyrolles cet être
soumis sur lequel elle a voit exercé tant de fois une capricieuse
puissance.
L a demoiselle Maigne avoit calculé cet effet habituel du mariage ;
et pour se prémunir contre son résultat , elle profita d’une époque
où le sieur de Reyrolles venoit d’être destitué de sa place de rece
veur du district, pour proposer un testament mutuel qui fut respec
tivement signé en l’an . Quelque temps après, une séparation
5
volontaire les a éloignés jusqu’à la mort.
Cependant la dame de Reyrolles, abandonnée à sa situation péni
ble , dévoroit ses chagrins et se devouoit à sa destinée. Occupée
des soins maternels que demandoit le premier ûge de sa fille , elle
attendoit avec résignation que le sieur de Reyrolles, rendu de nou
veau à ses premiers liens , s’occupât de deux êtres qu’ il avoit si
cruellement traités. M a is, au lieu d’un retour à la nature, il ne fit
plus apercevoir son autorité maritale que par des hostilités et par
l’abus de son administration.
Il avoit recueilli la succession considérable de l’aïeule de son
épouse, avoit traité de gré à gré avec un cohéritier pour le partage
des immeubles, et s’éloit emparé des effets mobiliers, sans compte
ni mesure.
Néanmoins, demeurant libre d ’en fixer la consistance, et pour
consommer la ruine de son épouse , le sieur de Reyrolles lui fit
faire , le 7 messidor an 4 > un acte d ’offres de 7000 francs en man
dats territoriaux, pour le m o n ta n t, d it-il, d e c e q u ’il avoit touché
sur sa dot , attendu que ladite Couguet avoit toujours éludé de
déclarer ce qui pouvoit lui être dû ; qu’ elle ne cherchoit qu’ il re
tarder la libération dudit Iieyrolles , qu’il étoit de son intérêt
d’ opérer le plutôt possible.
L a dame de Reyrolles répondit qu’elle ctoit surprise et lassée
�(,‘ ï
C8 )
des procèdes iniques de son m ari, et refusa les offres. Il y eut
procès verbal de non conciliation , après lequel elle fut assignée
le 21 messidor su iv a n t, devant le tribunal d u P u y , en réalisation
et validité desdites offres.
Ces diligences avoient lieu à la dernière heure du papier-monnoie;
le numéraire reparut au commencement de l’an ; et, dans ce pre
mier instant où l’opinion en augmentoit la valeur, le sieur d e R e y-,
5
rolles se hâta de faire proposer à sa femme une modique somme de
6000 francs pour tout terminer ; ajoutant, pour l’intimider, que
si elle 11e l’acceploit p a s , les offres de l'an 4 seroient jugées vala
bles , parce qu'elles avoient eu lieu avant la suppression du papier.
En vain la dame de Revrolles
demanda-t-elle à être éclairée sur
%/
la valeur réelle de sa propre fortune ; il fallut obéir à la puissance
maritale , et céder à la crainte de n ’avoir que les mandats offerts
au lieu du numéraire promis, si elle s’exposoit à aller plaider dans
un tribunal presque inconnu , à douze lieues de son domicile.
L a dame de Ileyrolles signa donc un traité le 16 frimaire an
5,
par lequel on lui fit dire qu’elle étoit venue à compte avec son
m ari, et qu’après communication prise de l’inventaire de son aïeule
et d ’un partage de 1785, il lui revenoit 126 liv. 10 sous ; à quoi
ajoutant d ’aulres articles touchés par son m a r i, quoique non com
5
pris dans l’inventaire, en valeur de S jô liv. 10 sous, le sieur de
Reyrolles se trouva tout juste débiteur des Gooo fr. qu’il vouloit
p a ye r, et dont Pacte porte quittance.
A compter de cette époque les époux furent séparés , et la dame
de Reyrolles n ’eut plus qu’à s’étourdir sur le passé et à supporter
6on sort avec courage : elle se consuloit avec sa fille, et celle con
solation même lui lut enviée. Après le 18 fructidor , ou lui donna
l'alarme sur le sort de celte enlant , qui 11’avoit pas encore d’état
civil. On lui persuada que les peines de la loi pourroimt l’alti ind i e , et elle se décida à faire une déclaration à l'officier public, fin
n ’eut garde de transcrire la qualité qu’elle vouloit se donner, par
la raison q u ’il eut été incivique de mépriser un divorce, et que
le sieur de Ile}fo lles, redevenu puissant, n ’auruit pas trouvé bon
q u ’il
�V/
9
;
(
)
qu’il fût fait mention de lui sans sa participation. L a dame de
Reyrolles déclara donc seulement qu’il lui étoit né une fille le 21
messidor qui suivit son divorce. Com m e ce divorce étoit daté de
l’an 2 de la liberté, on supposa la naissance de l’enfant au 21 m es
sidor an . Cette erreur a été reconnue par la demoiselle Maigne,
et seroit aisée à rétablir à l’égard d’un fait aussi notoire.
Dans ces entrefaites le sieur de R eyro lles, nommé receveur du
département de la Ila u te -L o ire , alla s’établir au P u y. L à , ayant
vécu près de six années séparé absolument de la demoiselle Maigne,
qui liabitoit Brioude, il fut atteint de la maladie qui l’a conduit
au tombeau.
5
A cette époque terrible, où l’homme, ne trouvant plus d’asile
dans les illusions du monde, voudroit réparer dans un instant les
fautes de sa vie toute entière, l’opinion générale a rendu au sieur de
Reyrolles la justice d ’attester qu’il n’avoit rien plus à cœur que de
se réconcilier avec sa fem m e, et de lui en donner, par un testament
honorable, la seule preuve qui fût désormais en son pouvoir.
Én e f f e t , il est de notoriété au P u y que le sieur de Reyrolles
avoit fait un testament par le q u e l, cassant celui qu’il regardoit
comme un monument de foiblesse et de honte, il léguoit 40000 f.
à la dame de Reyrolles personnellement, et faisoit en faveur du
sieur Vauzelles , ex-législateur, une disposition considérable.
Aussitôt que la demoiselle Maigne apprit la maladie du sieur
de Reyrolles, elle voulut se mettre à portée de déranger des projets
dont elle ne pouvoit douter. Craignant de ne pas se hâter assez,
elle envoya au Puy le sieur Granchier le m ercred i, et arriva ellemême le vendredi suivant. Sa vue fit une révolution singulière au
sieur de Reyrolles , q u i, à ce q u ’on assure, se tourna brusquement
du côté opposé, et se couvrit la tête avec un mouvement con'vtilsit. Quoi qu’il en soit, il expira le même jour 18 floréal an 12.
Cette mort soudaine servoit mieux la demoiselle Maigne que!
tous les plans qu’elle avoit pu concevoir. Seule dans la maison du
Sft.ur de Reyrolles, et en attendant les scellés qui 11e dévoient être
poses que le lendemain , au lieu do verser des lurmes stériles qu’ilt
li
�valoit mieux réserver pour la pantomime des audiences, la de
moiselle Maigne étoit libre de tout parcourir. U n certain porte
feuille vert avoit paru donner de l’inquiétude au défunt : il n ’a
plus paru ; et le public qui se trompe rarement en conjectures dé
sintéressées, paroit avoir été imbu de l’idée que dans ce porte-feuille
gissoient les papiers les plus précieux, et surtout le dernier tes
tament. E t qu’on ne dise pas que c ’est là une fable de pure ima
gination ; ce bruit avoit pris une telle consistance, que le sieur
Vauzelles, légataire, a rendu sur ce m o tif une plainte en suppres
sion de ce testament.
L a dame de Reyrolles ne donnera pas d’autres détails d’un fait
qu’elle n ’a appris que par la notoriété publique. C e n’est point la
fortune du sieur de Reyrolles qu’elle ambitionne; elle ne demande
rien qui ne soit à elle-même; elle veut son état civil, sa d o t, et ne
dispute point à la demoiselle Maigne une opulence chèrement
achetée, et dont la source équivoque n ’est de nature à donner du
crédit que vis-à-vis quelques collatéraux.
Après la mort du sieur de Reyrolles, ce n ’étoit plus que des
tribunaux que son épouse pouvoit attendre justice; en conséquence,
le 19 thermidor an 12, elle fit citer Catherine Maigne en payement
de ses dot, trousseau et gains matrimoniaux, e t, en tant que de
besoin, en nullité du divorce et actes postérieurs.
L a demoiselle Maigne ne savoit pas encore à fond le rôle con
venable à la circonstance. Cette tendresse soi-disant conjugale qu’il
falloit supposer à un homme dont les dernières volontés avoient
été d’enrichir sa fidèle moitié, ne s’allioit guere avec un domicile
constamment séparé, et à douze lieues de distance. Cependant la
demoiselle Maigne, qui avoit toujours habité Iirioude, et qui ignoroit les moindres affaires du sieur de Reyrolles, proposa un déclinatoire, soit qu’elle crût qu’il n’avoit pas transféré au Puy son do
micile de droit, soit qu’elle fut entraînée par la vérité à convenir
qu’elle n ’avoit pas le même domicile de fait que celui q u ’elle disoit
son époux; elle ignoroit que le sieur de Reyrolles avoit acquis une
maisou au I’ u y , s’en dcclaroit habitant dans les actes publics, et
�~
C n )
avoit même fait rayer sa cote mobilière à Brioude. En conséquence,
et par ces motifs , elle fut déboutée de son déclinatoire par juge
25
3
ment du
frimaire an i .
A u fond la demoiselle Maigne répondit que la dame de Reyrolles
n ’étoit pas recevable dans sa demande, soit à cause de la loi du
26 germinal an 1 1 , soit parce que la demande n ’avoit été formée
qu’après la mort du sieur de Reyrolles, soit parce que la dame de
Reyrolles étoit divorcée par un acte requis et signé par elle-même;
qu’elle avoit traité avec son mari en qualité de femme divorcée,
et avoit pris la même qualité dans plusieurs autres actes , no
tamment dans la déclaration de naissance d’un enfant né un an
après le divorce; qu’à l’égard d’elle-même Catherine M aigne, elle
n ’avoit point à craindre le sort de ce d ivo rce, parce qu’elle étoit
mariée légitimement, héritière universelle , et que le sieur de
Reyrolles avoit tellement persisté dans cette volonté pendant sept
ans, qu’à sa mort on avoit trouvé le testament de la demoiselle
Maigne parmi ses papiers les plus précieux.
Il est inutile de rappeler les moyens opposés par la dame de
Reyrolles à cette défense de la demoiselle M a ig n e , les faits cidevant narrés les indiquent; et il suffit de dire qu’en déclarant le
divorce nul, les premiers juges ne virent plus dans la dame de
Reyrolles qu’une épouse restée sous la puissance maritale, n'ayant
pu dès - lors traiter valablement avec son époux , ni prendre
une qualité qu’elle n’ avoit pas. En conséquence, par jugement du
24 floréal an i , le tribunal du P u y, sans s’arrêter aux fins de
3
non-recevoir proposées par Catherine M aigne, déclara nul l’acte
de divorce du 28 juillet 1793, et tout ce qui l’a précédé, de même
que le traité du
5 frimaire
an
5;
remit la dame de Reyrolles au
nieme état où elle étoit avant lesdits actes ; condamna Catherine
g u ig n e , en qualité d ’héritière du sieur de Reyrolles, à lui payer,
1 • oo ir. pour le montant de son trousseau stipulé en son contrat
de mariage du 7 novembre 1774 ; 20. 1200 fr. pour scs bagues et
joyaux; 3 . /(00
pOUr sa pCns*lon viduelle; 4*. à lui fournir un
3
logement garni et meublé, suivant son état et sa fortune, dans le
B 2
r
�dernier domicile du défunt, à la charge par ladite dame de Reyrollea
de constater l ’état dudit mobilier qui lui sera remis, pour être renduà qui et dans le temps de droit; °. à payer à ladite dame d e R e y -
5
5
rolles i oo fr. pour son deuil et celui de sa domestique; et à l’égard
du payement de la dot, le tribunal ordonna que les parties contesteroient plus amplement, et’ à cet effet fourniroient leurs états res
pectifs, sa u f débats. Les inscriptions de la dame de Reyrolles furent
maintenues jusqu’à parfait payement, et il fut ordonné que ledit
jugement seroit exécuté en la forme de l’ordonnance nonobstant
l’appel.
Celte dernière disposition donna lieu à la demoiselle Maigne de
hâter singulièrement son appel et ses poursuites. Impatiente de
jouir sans entraves, elle remontra à la cour que la douairière d ’un
receveur général ne pouvoit vivre avec des saisies qui arrêtoient des
comptes extrêmement pressans, et que la trésorerie nationale la
pressoit pour les rendre. L a c o u r , par son arrêt provisoire du
3
24 floréal an i , a fait défense d ’exécuter le jugement jusqu’à son
arrêt définitif.
L e s parties sont aujourd’hui sur le point de faire juger le fond
de la contestation, et la dame de Reyrolles attend sans inquiétude
une décision qui ne peut être que conforme à la morale et à la
justice.
M O Y E N S.
T o u te la défense de la demoiselle Maigne est fondée sur ce
paradoxe : L e mariage est une simple convention privée; il peut
être détruit de gré à gré par un simple acte, qui supplée les formes
de la l o i , ou qui en dispense.
L a défense de la dame de Reyrolles est de d ire, au contraire,
que le mariage est un lien destiné à l’union de deux fam illes,
intéressant la société entière, et ne pouvant êlrc dissous que dans
la rigueur des formes légales.
Sans doute la solution de ces deux systèmes est écrite dans le
�( 13 )
. . . .
cœur de tous ceux qui n’auront pas oublié ces principes immuables
qui résistent au fracas des révolutions et à l’éblouissement des
systèmes.
Ici il est constant qu’en 1774 la dame de Reyrolles a été mariée
avec toutes les solennités civiles et religieuses, et que son époux
n'est mort qu’en l'an 12. 11 s’agit donc d’examiner si le mariage
a été légalement dissous par un divorce. Mais la dame de R e y rolles oppose des fins de non-recevoir, qu’il faut examiner; et ses
prétentions donnent lieu aux questions suivantes : i°. L a dame
de Reyrolles est-elle recevable à demander la nullité de son divorce
après la mort de son m a ri, et malgré la loi du 26 germinal an
onze ? 2’ . A u fond , le divorce opposé est-il valable ? *. Si ce
divorce n’ a pas été valable , a-t-il pu néanmoins être validé par
la' convention particulière de la dame de Reyrolles?
3
P
r e m i è r e
Q
u e s t i o n
.
L a dame de Reyrolles est-elle recevable à demander la nullité
de son divorce après la mort de son m ari, et malgré la loi
du 26 germinal an w ?
Sur quoi donc seroit fondée la première fin de non-recevoir?
sur une loi romaine ? mais elle ne s’applique pas : ne de statu
defunctorum post quinquennium queratur. Ici le sieur de Reyrolles
est mort en l’an 12, et il ne s’est pas même écoulé six mois de son
décès à la demande.
C ’est encore moins le Code civil qui favoriseroit la demoiselle
Maigne. L ’article 188 porte que « l’époux au préjudice duquel a
» «té contracté un second mariage, peut en demander la nullité,
» du vivant même de l’époux qui étoit engagé avec lui. »
L a loi ne permet donc de se pourvoir avant la mort de l’époux,
qu a titre de grâce; et il semble, par scs expressions, que c'cst à
regret qu elle y a consenti : elle laisse entrevoir le conseil de ne pas
user de ce consentement ; et ce mot m<fme, qui semble pour ainsi
�*4
(
)
dire échappe à la plume du législateur, est cependant de la plus
grande moralité.
Q u ’est-ce en eifet qu’une demande de ce genre, formée par l'é
poux abandonné contre l’époux coupable, si ce n ’est une espèce de
dénonciation ouvrant le champ le plus vaste à la discorde, et ren
dant désormais toute réconciliation impossible?
Est-ce une foible épouse qui, du vivant de son mari, osera l ’ap
peler devant les tribunaux pour lui dire : Je veux qu’on vous oblige
à me rester fidele i Mais si une seule fois peut-être, dans l’anti
quité, la sensible Ilypparette a reconquis par un appel en justice,
la tendresse du plus infidèle des époux, combien d’autres s'indigneroient d ’être ainsi troublés dans leurs affections, et vengeroient
leur amour propre par un abandon plus éternel! Car les hommes,
qui font les institutions, n ’ont créé que la puissance maritale; et
quels que soient les dons que le sexe ait reçus de la nature en dé
dommagement de sa foiblesse, ce pouvoir d’équilibre n ’est plus
qu’une divinité imaginaire, quand les premières affections ont perdu
leur prestige. Malheur donc à l’épouse inconsidérée qui tenleroit de
proclamer son abandon et de chercher son époux jusque dans les
bras d’une rivale I
Il est bien plus dans l’ordre qu’une femme prudente ferme les
yeux sur les torts de son époux, et qu’elle tolère son infidélité pour
espérer son inconstance : le même caprice qui l’a éloigné du lit
conjugal peut l’y ramener repentant et fidèle. L e lien sacré du
mariage est comme l ’amour de la patrie. Cunctos ducit, et im-
rnemores non sinit esse sut.
,
T o u t devoit faire penser à la dame de Reyrolles que son goût
pour la demoiselle Maigne ne devoit être qu’éphémère : leur ha
bitation séparée , une haine qu’ils ne dissimuloient plus , annoncoient une rupture prochaine; cl sans les difficultés que le Code
civil a ajoutées au divorce, il est notoire que le sieur de Reyrolles
auroiL vaincu la répugnance de divorcer une seconde fois, car il
ne cachoit à personne qu’il n ’étoit retenu que par cette considéra
tion. Quoi qu’il en soit, la dame de Reyrolles a fait ce qu’elle
�%Z2>
5
( i
)
clevoit faire; tant qu’elle a eu de l’espoir, elle a gardé le silence;
et quand la mort ne lui a plus présenté qu’une étrangère à pour
suivre, elle a réclamé scs droits.
L a demoiselle Maigne n ’est pas le premier héritier qui ait op
posé que la nullité d’un divorce ne pouvoil pas être demandée contre
lui. Mais la cour de cassation a décidé le contraire par arrêt du
14 vendémiaire an 10.
L a deuxième fin de non-recevoir n ’a pas même le mérite de
fonder un raisonnement sur le bon sens.
Parce que la loi transitoire du 26 germinal a dit : Tous divorces
prononces, etc., auront leurs effets, on en a conclu qu’à compter
de cette loi il n’étoit plus possible d’attaquer les précédons divorces.
C ’est-à-dire que si la veille de la loi nouvelle un divorce avoit
été prononcé sans aucunes épreuves, les époux n ’en seroient pas
moins séparés à jamais; et c ’cst ainsi qu'on fait l'injure au légis
lateur de lui prêter des pensées irréfléchies et monstrueuses.
Mais la d e m o i s e ll e Maigne n’a réussi à se faire un moyen de la
loi du 2G germinal qu’en tronquant entièrement l’article invoqué.
« T o u s divorces prononcés par des officiers de l’état civil, ou
» autorisés par jugement, avant la publication du titre du Code
» civil relatif au divorce, auront leurs effets conformément aux
» lois qui existoient avant cette publication. »
Ainsi le législateur n’a pas commis la faute de valider ce qui étoit
nul, il a au contraire déclaré ne valider que ce que la loi existante
lors du divorce approuvoit expressément. Incivile erat, nisi totd
legeperspectd, judicare. Maintenant que l’article entier est rétabli,
l ’objection de la demoiselle Maigne se rétorque contre elle.
D
e u x i è m e
Q
u e s t i o n
.
L e divorce du 28 ju ille t 1793 est-il valable ?
Comment le seroit-il? il y en a trois dans un seul.
Ces trois espèces de divorces exigeoient trois sortes d’épreuves et
�6
( i
)
de procédures. L e sieur de Reyrolles, plus pressé qu’il ne devoit
l ’être, a m a l g a m a t o u t , et interrompit au milieu de son cours une
première procédure, pour lui en substituer une seconde qui ne s’y
allioit pas.
L a nature de toute procédure se fixe irrévocablement par la
demande introductive. L e sieur de Reyrolles, par son exploit ori
ginaire du 24 niai 1793, avoit formé demande en divorce, soit
pour absence depuis neuf ans, soit pour incompatibilité d’ humeur
et de caractère. Cependant le divorce est prononcé sous prétexte
de consentement mutuel.
L e divorce pouvoit être dem andé, comme cause déterminée pour
absence pendant cinq ans sans nouvelles , ou pour abandon pen
dant deux ans. ( 2". loi du 20 septembre 1792,
1 , art. 4. )
Si le sieur de Reyrolles eût voulu un divorce pour absence pen
dant cinq ans sans nouvelles, il lui falloit pour première pièce
un acte de notoriété constatant celte longue absence ( §. 2 , art. 17 ) :
mais sa femme étoit près de lui le 24 niai i j g S .
S’il eût voulu un divorce pour abandon pendant deux ans , il'
falloit assigner sa femme devant un tribunal de famille ( art. 18 ) ,
parce que le fait d’abandon comportoit une défense justificative.
O r , il étoit constant que la dbme de Reyrolles n ’étoit allée à
Limoges qu’avec l’agrément de son mari , qu’elle y recevoit ses
lettres et une pension annuelle. Mais ce n ’est pas pour abandon que
le sieur de Reyrolles demanda le divorce : Pexploit n ’en dit rien.
Pour incompatibilité d’h um eur, le sieur de Reyrolles avoit sa
marche tracée d’une manière positive.
« Il convoquera une première assemblée de parons, ou d ’amis à
» défaut de parens , laquelle ne pourra avoir lieu qu’un mois après
« la convocation. ( § . 2 , art. 8. )
» L a convocation sera faite par l’un des officiers municipaux...,
« L ’acte en s e r a signifié à, l’époux défendeur. ( A r t . 9, )
» Si la conciliation n’a pas lieu , l ’assemblée se prorogera à deux
« mois , et les époux y seront ajournés. A l’expiration des deux
« m ois..... si les. représentations ue peuvent encore concilier les
époux,
�(
17
)
» époux , l ’assemblcc sé prorogera 5 trois mois. ( A rt. 10 et n . )
» Si à la troisième séance le provoquant persiste, acle en sera
» dressé. 11 lui en sera délivré expédition , qu’il fera signifier à
» l’époux défendeur. » ( A rt. 12. )
L e sieur de Reyrolles provoqua un divorce le 24 m ai, sans acle
de convocation d ’un officier municipal.
Il 11e nomma point de parens; il indiqua seulement des am is,
sans même exprimer que ce fût à défaut de parens.
L a première assemblée eut lieu le 27 juin 1793
en fut dressé
acte; mais aucune signification n ’ a été faite à la dame de R cy ro lle s, parce que les moteurs craignoient que dans l’intervalle les
choses fussent pacifiées.
.11
Il 11’y a ainsi pas eu de divorce pour incompatibilité d’humeur,
pas plus que pour absence.
C e seroit donc un divorce par consentement mutuel qu’il faudroit valider.
Mais l’acte primitif y est un obstacle perpétuel; on veut cepen
dant que les actes qui suivent aient corrigé cette première procédure.
L a loi en exigeoit une absolument différente. •
« L e mari et la femme qui demanderont conjointement le di» vorce, seront tenus de convoquer une assemblée de six au moins
» des plus proches parens, ou d’amis à défaut de parens. ( §. 2 ,
art. 1". )
» L ’assemblée sera convoquée à jour fixe et lieu convenu avec
» les parens ou a m is .. . . L ’acte de convocation sera signifié par
» un huissier aux parens ou amis convoqués. ( A rt. 2. )
» Les deux époux se présenteront en personne à l’assemblée; ils
>> y exposeront qu’ils demandent le divorce. » ( Art. « )
L e but de la loi se remarque assez par la différence des actes
préliminaires.
L ’incompatibilité pouvoit n’avoir lieu que de la part d’un époux:
la procédure devoit donc avoir des formes hostiles ; c ’est pourquoi
la convocation devoit être réglée par un officier m unicipal, et un
C
4
�V ( 18 )
huissier devoit sommer l’époux défendeur de concourir à la forma
tion de l’assemblée , et d’y comparoître.
Mais le divorce par consentement mutuel supposoit de la part
des époux un accord préalable né d’une égale satiété de -vivre
ensemble. L a loi vouloit donc la preuve évidente qu’ils avoient
un désir unanime de mettre fin à une cohabitation insupportable ;
et de là vient que, pour éprouver l’uniformité de cette vocation,
la loi exigeoit une simultanéité dans les démarches.
A i n s i , bien loin de se signifier par huissier une nomination de
parons , et par actes séparés , ce qui marquerait une provocation ,
la loi a voulu que le mari et la femme indiquassent ensemble les
parens, en les choisissant par moitié; ellea voulu qu’ils demandassent
le divorce conjointement : ce qui exprime avec clarté que la loi ne
veut ni demandeur ni défendeur.
L a demoiselle Maigne objectera-t-elle que le but est également
rempli quand l’un des époux a requis le divorce et q u e l’a u trey a
consenti ? Mais voilà une provocation , voilà un défendeur en
divorce : ce n’est plus une demande conjointe , et l’intention de la
loi est manquee.
Souvent l’incompatibilité d’humeur pouvoit être égale; mais la
moralité de l ’un des époux peut répugner à un remède désiré
par l’autre. T e l époux ne se résoudroit jamais à vouloir le di
vorce , q u i , provoqué par une demande, trouve dans sa fierté une
adhésion qui n ’éloit pas dans son cœur; sa répugnance est vaincue
par l’idée que la loi ne lui a offert aucun moyen de résister à l’at
taque, et, dans son accord même, son opinion est soulagée en se
disant qu’il n’a point été le provocateur.
Mais pourquoi chercher l’intention de la loi quand elle est claire?
Non omnium quœ a majoribus constituta sunt ratio reddi potest.
II est encore un principe bien constant en fait de lois rigoureuses
c ’est que toutes les formalités doivent être suivies à la lettre sous
peine de nullité ; et la loi du /, germinal an 2 a étendu cette peine
à l'inobservation des formes prescrites par toutes les lois rendues
depuis 178g.
�227
( !9 5
Ce seroit donc s’abuser étrangement que de voir dans la procé
dure qui a p ré c éd é e divorce prononcé le 28 juillet 1793, les actes
préliminaires d’un divorce par consentement mutuel.
Non-seulement cette procédure n ’est pas conforme à la lo i,
mais le sieur de Reyrolles a donné un autre nom au divorce par
lui demandé. Il a requis seul le divorce ; et si sa femme a répondu
par un second acte qu’il n’avoit fait que prévenir ses intentions,
elle n ’a pas pour cela changé la nature d’une demande, tellement
indélébile qu’elle ne comportoit ni opposition, ni débats, ni ju
gement.
Lors de l’assemblée, la dame de Reyrolles ne paroit encore que
pour répondre ; elle ne requiert pas le divorce, elle veut seulement
suivre la volonté de son mari. A u lieu de demander conjointement
le divorce, elle donne les mains à la demande, .y/son mari y persiste.
Alors le mari persiste ; donc c’est lui seul qui veut le divorce,
c’est lui seul qui le provoque et qui le consomme.
Voilà cependant ce que l’officier public , dans l’oubli de scs
devoirs , a reçu comme les épreuves suffisantes d ’un divorce.
U n divorce commencé pour incompatibilité d ’humeur exigeoit
une foule d’actes et de longs délais ; cet officier public s’est contenté
d ’un seul acte et de trente-trois jours de délai.
C ’est donc ainsi que la sainteté du mariage auroit été mise à la
merci de l’arbitraire ou du caprice, pour ne rien dire de plus.
Mais il seroit insensé de justifier cette procédure dans ses délais
etdanssa forme; elle a péché encore par une irrégularité non moins
grande. L e sieur de Reyrolles semble avoir voulu esquiver les repré
sentations de sa famille, car il n ’a appelé aucun de ses parens à
son divorce.
Ici encore la loi a marqué entre les deux procédures une dif
férence notable. Pour l’incompatibilité d ’h u m eu r, il suffisoit de
parens ou amis ; mais pour le consentement m u tu e l, la loi a voulu
la convocation des plus proches parens.
S i , comme veut le dire la demoiselle Maigne , il eût clé égal
d ’avoir des amis, c ’étoit inutilement que la loi étoit plus exigeanto
C 2
0J
�pour le consentement mutuel. Mais , sans raisonner plus long-temps
sur un point déjà trop évident , il suffit de remarquer que la loi
ne vouloit des amis qu 'à défaut de parens.
Oseroit-on supposer qu’à Brioude le sieur de Reyrolles n’avoit
pas de parens? cela est aisé à démentir : mais si cela eût été
vrai, il falloit au moins l'exprimer. T o u t acte de formalité doit por
ter avec lui-même la preuve que cette formalité a été remplie. Déjà
la cour d’appel, dans une cause sem blable, a annullé un divorce
entre dep habitans d eR iom , par arrêt du 26 pluviôse an 10 , sur le
m o tif que les actes n ’exprimoicnt pas que des amis n ’eussent été
appelés qu’à défaut de parens.
Que signifie même cet acte si précipité, qu’on dénomme si impro
prement un acte de divorce? L ’officier public, de sa pleine puissance,
y dissout un contrat de mariage passé devant Couguet et Ilêra u d ,
notaires, le 7 novembre 1774* Mais jamais on n ’a ouï dire que ce
fût le contrat notarié qui donnât l’état civil aux époux, et consti
tuât le mariage. Avant 1792, l’église donnoit tout à la fois l’état
civil et le sacrement; le mariage rie tenoit son essence que de la
célébration. O r , ce n’est pas l’acte de célébration du 8 n o v e m b r e
qui a,été dissous, mais un simple contrat privé, réglant des affaires
d ’intérêt, et totalement incapable d’opérer un mariage.
Enfin , la loi du 20 septembre a exigé que « tous actes de divorce
» fussent sujets aux mêmes formalités d’enregistrement et de publi» cation que l'étoient les jugemens de séparation » ( §. , art. 11. )
O r , le divorce opposé ne parolt pas même avoir été enregistré.
On avoit objecté à la dame de R e y r o l l e s qu’elle-même avoit assigné
pour la prononciation du divorce. Elle ignore si aucun exploit
existe, car elle n’en a jamais donné l’ordre ; mais, quand on sup
poserait le contraire, prétendroit-on sérieusement qu’une défende
resse en divorce a pu provoquer à son tour un divorce par con
sentement mutuel ?
Un exploit après le changement de formalités auroit rétabli la
procédure pour incompatibilité d ’humeur , et cet exploit même
seroit une nullité de plus.
5
�C 21 )
T
b o i s i è m i
Q
u e s t i o n
.
S i le divorce n’a pas été 'valable, a-t-il pu néanmoins être validé
par une convention particulière de la dame de Iiejrrolles ?
Un contrat qui n ’intéresse que les deux parties peut snns doute
ne dépendre que d ’elles seules, et alors il est rompu aussitôt qu’elles
en ont exprimé la volonté.
Mais un contrat qui intéresse la société entière ne peut se dis
soudre que par des actes publics et authentiques, et dans les formes
rigoureusement exigées. Cette différence est sensible, et tient à la
nature du contrat de mariage.
Oser dire qu’il est un simple contrai privé n’est qu’une héresip
insoutenable; elle e$t condamnée par toutes nos lois; et les R o
mains eux-mêmes, qui cependant admettoient la répudiation et le
divorce, nous ont transmis les idées grandes et nobles qu ils avoient
sur l’importance du mariage.
« Parmi toutes les institutions humaines, a dit Juslinien , rien
)> n ’est si sacré et si important que le mariage, car c’cst par lui que
» se forme la suite des générations; c’est par lui que se peuplent
« les régions et que les cités fleurissent : il est le conservateur de
» la république et la source de sa prospérité. »
N ih il in rebus morlalibus périndè venerandum est alque matrimoniurn : quippeex quo liberi, omnisque deinceps sobolis sériés
ex istâ t, quod regiones atque civitates frequenter reddat, undè
dénique reipuhlicœ coaugmentatiofiat. ( Novell . 140. )
T o u t ce qui lenoit au mariage participoit chez les Romains de
cette considération. Les dots étoient aussi considérées comme objet
d’intérêt public : Reipublicœ interest dotes mulierum salvas esse.
L e divorce avoit aussi mérité l’attention du législateur ; il en
détcrrrnnoit les formes, et exigeoit l’avis de la famille et la présence
de sept témoins, afin que leur nombre, leur influence et leurs re
présentations fussent un frein à la rupture du mariage, (ffi- D ç
divortiits et répudias. )
�v
>/
s
(
22
)
Et si les formes n ’étoient pas exactement suivies, le divorce étoit
radicalement nul : Nullum divortiutn ratum est. ( L . g. eod. )
Quand cette nullité n’auroit pas été textuelle, elle eût cté pro
noncée par la loi qui por toit que toutes les conventions faites contre
le droit civil, contra juris civilis regulas, étoient nulles de plein
droit, et ne produisoient aucune action, (/ ,. 28, f f . D e pactis.)
O r, il iv étoit pas douteux que la forme de dissolution du mariage
ne fut réglée par le droit civil : Jure civili dissolvere solet matrimonium. ( L . 1 1 , f f . D e divort. et rep. )
D ’autres lois disent expressément que tout ce qui tient à l’état
des hommes n ’est pas en leur pouvoir, parce qu’on ne peut changer
la condition des personnes : Status hominis v e l conditio personarum mutari non potest. ( L . liberos, c. D e lib. c .)
Sans doute ces principes suffiroient pour établir qu’un divorce
n’est pas susceptible d’être validé par des conventions particulières;
et il résisteroit d’ailleurs au bon sens que la loi eût exigé des formes
rigoureuses, et que cependant elle eût permis aux époux de s’en
dispenser indirectement.
Mais la loi, après avoir exprimé scrupuleusement les formes à suivre
pour le divorce, avolt aussi prévu que des é p o u x trop p e u attachés
à son observation pourraient se permettre des traités pour valider ce
qu’elle ne valide pas; et, par une prévoyance très-conséquente, elle
repousse ces conventions illégales, et les déclare radicalement nulles.
Pactiones sane s i quœ adversus preesentia scita nostree majes-
tatis fuerint attentatee, tanquam legibus contrarias nullam habere volumus firmitatem. ( L . 8 , code D e repudus.)
Ainsi la question est diserlement jugée par la loi elle-même.
Si un divorce n’a pas été légalement f a i t , les époux ne peuvent
ensuite le valider par aucune convention.
Sans doute la demoiselle Maigne ne prétendra pas que ces prin
cipes soient combattus par aucune loi française. On demande,
dit Vinnius, s’il est permis de transiger sur la validité des mariages:
oui,* répond-il, s’il s’agit de valider le mariage : Ut sponsa maneal sponsa, placet transactionern valere ; mais la transaction est
�2
z>\
( 23 )
absolument n u lle , s’il s’agit de relâcher le lien du mariage. ( Vinn.
D e trcins. )
L a demoiselle Maigne opposera-t-elle, la loi du 20 septembre
1792. Mais quelle que fût l’opinion du temps, elle n ’y trouvera
rien de favorable à son système. « L a dissolubilite spontanée du
» mariage , disoit le rapporteur de cette loi , la liberté d’en con» tracter un second , après un premier qui ne seroit pas légalement
»> rom pu, seroit une liberté immorale et impolitique. »
Aussi la loi du 20 septembre s’exprime-t-elle d’une manière trèsconforme aux principes enseignés par les lois romaines.
« L e mariage est dissous par le divorce légalement prononcé.
» Les époux ne peuvent contracter un second mariage qu’après
» que le premier aura été dissous conformément aux lots. »
Que la demoiselle Maigne ne se dissimule pas toute la force de
l’expression ne peuvent. Toutes les fois, dit Dumoulin , qu’elle se
trouve dans les lois de rigueur, elle marque la plus forte des prohi
bitions ; elle ôte la puissance de di’oit et de fait , et a le même
résultat que l’impossibilité absolue.
Il en résulte donc que la demoiselle Maigne n’a jamais pu être
l ’épouse du sieur de Reyrolles
fait conformément aux lois.
7
dès que son divorce n’a pas été
L e Code civil répète ces dispositions de la loi du 20 septembre.
Rien n’est plus cla ir, et il est difficile d ’y voir que si le divorce
n ’est pas légalement prononcé, on pourra dissoudre le mariage par
des conventions particulières.
D ’ailleurs, suivant le Code c iv il, il faut pour la validité d’une
convention, i°. la capacité de contracter, 2U. une cause licite dans
l ’obligation. ( A r t . 1108. ) O r, suivant l’art. 1124, la femme mariée
est incapable de contracter clle-mêine ; e t , d ’après l’art. n 5 3 , la
cause est illicite quand elle est prohibée par la l o i , ou contraire à
l’ordre public.
Se départir de son état civil est sans doute la plus grande dis
position qu’une femme mariée puisse faire; et cependant elle n’a
pas la capacité de iaire des dispositions 'bien moindres. Comment
at
�( h
)
traileroit-clle librement avec son mari , à qui elle doit obéissance,
et qu’elle est obligée de suivre partout où il juge à propos de ré
sider? ( A rt. i et 214. )
L e mari lui-même , chef de la puissance maritale , ne peut y
déroger et s’en départir par une convention. ( A rt. i
. ) Com
ment donc concevoir que le mariage soit dépendant d ’une transac
tion , quand la puissance maritale n’en seroit pas susceptible, elle
qui n ’est cependant qu’un effet ou une émanation du mariage?
Jusqu’ici la dame de Reyrolles a supposé un traité sur la vali
dité de son divorce ; et , dans ce cas m êm e, il est évident qu’un
traité seroit nul : mais il n’en existe d’aucune espèce ; et ce que la
demoiselle Maigne appelle à son secours , est seulement une appro
bation du divorce , résultante du traité de l’an
et de quelques
25
388
5
exploits.
L a dame de Reyrolles, objecte la demoiselle Maigne, s’est donnée
plusieurs fois la qualité de femme divorcée: donc elle a approuvé,
elle a ratifié, elle a validé son acte de divorce.
Ce qu’on n ’oseroit pas dire pour l’acte du plus mince intérêt, la
demoiselle Maigne le propose avec assurance pour une dissolution
de mariage. ■
Mais peut-on s’imprimer une qualité qu’on n’a p a s , et perdre
par un eul mot son état civil ? U n mineur cesse-t-il de l ’être en
s e disant majeur? et un époux, en se disant veuf, cesseroit-il d’être
engagé dans les liens du mariage ?
6
L ’exécution d’un acte n u l , dit M . Cochin dans son 37'. plai
doyer , n ’en a jamais opéré la ratification ; c a r , dans les cas où
la loi donne dix ans pour réclamer, si chaque acte d’exécution
opère une ratification , il faudroit dire que la loi n ’a accordé aucun
délai ; et au contraire tout le monde sait qu’il ne laut considérer que
l ’acle n u l , et compter pour rien son exécution.
D e même , la dame de Reyrolles ayant coopéré par sa signature
premier acte n u l, c’est-à-dire , à son divorce, tout ce qu’cllo
a fait ensuite n’en a été que l’exécution.
à
u n
J1 falluit qu’elle réclamât ou exécutât. Mais,' étant en puissance
maritale ,
�( 25)
maritale, elle avoit au moins dix ans pour réclamera compter du
décès de son mari : jusque-là elle éloit donc forcée d’exécuter un
divorce nul , car son intérêt n’étoit pas de réclam er, de peur que
son mari ne divorçât une seconde fois plus régulièrement.
Sans doute la restitution de sa dot étoit la première exécution
du divorce ; et on a vu comment elle fut forcée par des offres à
traiter pour ce que voulut le sieur de Reyrolles. L e compte d’ins
truction qu’il lui devoit comme mandataire, pour avoir touché des
droits successifs inconnus, exigeoitd’après les lois un détail qu’il n’a
pas donné; et quand celle partie de la cause , pendante encore de
vant les premiers juges , sera remise en discussion , la dame de
Reyrolles prouvera l’abus évident de la puissance maritale, et le
tort considérable qui lui a été fait.
L a dame de Reyrolles n ’a point traité sur son divorce : elle n ’a
fait que Pexécuter par c o n t r a i n t e . P o u r exister, elle fut obligée de
former quelques demandes ; et sans doute pour la régularité dès
exploits, ne pouvant sc dire autorisée du sieur de R eyrolles, elle
étoit forcée de se dire divorcée pour recevoir ce qu’elle demandoit.
Mais toutes les fois que cette qualité n'étoit pas de forme néces
saire, la dame de Reyrolles s’abstenoit de la prendre ; elle peut
représenter plus de soixante actes où elle ne se l’est pas donnée ;
elle a même prouvé, par les registres de son m a r i, qu’il n ’a pas
cessé de lui donner par écrit le nom de Florat-Rejrolles après le
prétendu divorce.
L ’exécution d’un acte n u l, on le répète , n ’a jamais produit une
ratification ; et le Code civil a fait aujourd’hui une loi du célèbre
passage de Dumoulin sur cette matière. « L a ratification d ’une
» obligation contre laquelle la loi admet Faction en nullité ou en
» rescision , n ’est valable que lorsqu’on y trouve la substance de
>> cette obligation , la mention du m otif de l’action en rescision,
» et l’intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée. »
( Art. 1
.)
Une donation nulle île peut même être ratifiée : il faut la refaire
eu forme légale. ( A rt. i c). ) U n divorce auroil-il moins intéresse
D
558
53
L
�*
( a 6 )
le législateur? et pensera-t-on qu’il fut plutôt susceptible d’une
simple ratification ?
L a jurisprudence ne s’est jamais écartée de ces principes. Un
jugement a été cassé le a messidor an 4> parce que des quittances
données en viduité avoient été réputées ratification d’une vente de
3
bien dotal en coutume d’Auvergne, « attendu que les formalités
» n’ ont pas été remplies, et que Vexécution pendant plusieurs
» annees du traite du ...... n’ a pu 'valider un acte nul dans son
» principe. »
Cependant la demoiselle Maigne insiste, et il lui semble que tous
les principes qu’on vient de lui rappeler ont été renversés par un
arrêt récent de la cour de cassation, qui a jugé en thèse, dit-elle,
que le mariage et le divorce ne sont plus des contrats d ’ordre public,
et qu’on est non recevable à demander la nullité d’un divorce quand
on l ’a approuvé par des actes subséquens.
Mais ce n ’est là qu’une calomnie de la demoiselle Maigne contre
la cour de cassation , qui ne peut être sérieusement accusée d’un
tel paradoxe. Il n’étoit question devant elle que d’un divorce 'va
lable, d ès-lors la cause n’est plus la même.
Cependant un arrêt de cassation est une a r m e trop puissante
pour qu’ il suffise de ne se défendre contr’elle qu’avec cette seule in
dication. L a dame de Reyrolles va en rappeler l’espèce précise, et
il sera aisé de voir que la demoiselle Maigne a voulu seulement
abuser de quelques expressions fugitives et ambiguës d ’un arrêt de
circonstance.
« L e sieur Boehler, après avoir reconnu dans plusieurs contrats
» la validité du divorce obtenu par sa fem m e, avoit cependant
» tenté de le faire annuller par justice.
» Celle-ci, en repoussant les nullités, opposoit d’ailleurs et pé»
j> remptoirement que son ci-d eva n t mari étoit; non recevable,
» attendu qu’il avoit reconnu la validité du divorce.
» A rrêt de la cour d’appel séante à T rêv es, qui admet la fin de
» non-recevoir ; attendu que les moyens de nullité étoient sans
» fo n d e m e n t ; et encore, attendu que le mari a pu et voulu renoncer
�( 27 )
h au droit qu’il avoit de contester les effets civils du divorce de son
» épouse.
» Pourvoi en cassation, pour contravention à l’article 6 du Code
» civil.
» Le demandeur soutenoit qu’une convention tendante à faire
» valoir un acte de divorce n u l, seroit contraire à l’ordre public
» et aux bonnes mœurs ; qu’ainsi, en supposant le fait de recon>i noissance ou consentement par le m ari, la cour d’appel n’auroit
)) pu conclure, en point de d r o it, que par la force de cette con» vention le divorce fut devenu inattaquable.
» A r r ê t . — Attendu qu’en ajoutant à la considération de la non
» application des lois invoquées par le demandeur aux actes par
» lui attaqués, celle de l’approbation par lui donnée à la régularité
». de ces actes, et même celle de la reconnoissance par lui faite dans
» d ’autres actes publics de sa qualité de femme divorcee, à celle
»•qui a fiiit prononcer le divorce d ’avec lui, la cour d’appel n ’a
» pas violé l ’art. 6 du Code civil, q u i , défendant de déroger par
» des conventions particulières à l ’ordre public et aux bonnes
» mœurs, et bornant sa défense à ce qui concerne ces objets d ’in» térôt public, a voulu permettre l’effet des reconnoissances et celui
» des transactions sur l’ intérêt civil et privé; ce qu’il a formelle» ment exprimé dans l'art. 2046, et ce que la loi transitoire de
» floréal an 11 a spécialement appliqué au divorce.
» La cour rejette.
» D u 24 pluviôse an i . — Section des requêtes. »
( S irey , an
pag. 2a3. )
Combien de différences notables entre cet arrêt et la cause!
Après un divorce demandé et obtenu par une fe m m e , c’est le
mari qui, n’étant sous la puissance de personne, fait des conven
tions sur ce divorce.
11 traite librement; il n ’est pas incapable.
il traite sur les intérêts civils du divorce.
II ne traite pas seulement sur la suite du divorce, mais il reconnoit par plusieurs actes la validité du divorce.
D 2
5
�\
( ?8 }
En plaidant, il ne peut pas même prouver que le divorce ait été
nul d ’aucune nullité.
L a cour d’appel en effet ne se décide que par ce motif.
En cassation, l’époux n ’essaye pas même encore de prétendre que
son divorce est n u l, et il se borne à une dissertation polémique
sur l’effet de la ratification qu’il a donnée.
Ainsi la position de la question n ’étoit pas de savoir s’il avoit
pu transiger sur un divorce n u l, mais s’il pouvoit faire rescinder
un traité relatif aux intérêts civils, par cela seul qu’il avoit aussi
transigé sur la validité du divorce.
C ’est donc encore le fait qui a décidé la cour de cassation • et
si ses motifs donnent à méditer sur leur sens, il n ’en résulte qu’une
plus grande conviction qu’elle a clairement distingué ce qui tenoit
à l’ ordre public et à l’ intérêt civil et privé, et qu’elle ne s’est dé
cidée à juger aussi le sieur Boehler non recevable, qu’en ce que, le
divorce étant valable, ses traités étoient étrangers à l’ordre public.
11
L e m otif pris de l’art. 2046 du Code le prouve.
porte qu’on
peut traiter sur l’intérêt privé résultant d’un délit. On n ’est donc
pas libre de traiter aussi pour l'intérêt de la société.
E t comme une femme ne peut pas être épouse respectivement
au corps social, et divorcée pour sa famille et pour elle-même,
il en résulte qu’elle peut bien traiter pour son intérêt privé, mais
seulement après que l’ ordre social n’ a plus d’ intérêt; c’est-à-dire,
quand son divorce a été consommé conformément aux lois.
L ’arrêt de cassation est donc bien loin d’être favorable à la de
moiselle M aigne, qui ne peut pas exciper d ’un divorce légal, après
lequel sans doute la dame de Reyrolles eût pu traiter sur les intérêts
civils résultans de son mariage.
L a demoiselle Maigne , en citant cet a rrê t, a prétendu, avec
le rédacteur, que l’article 6 du litre préliminaire du Code ne porte
qu’une prohibition obscure et incertaine, qui ne peut s’appliquer
à la cause, parce que les traités sur les divorces ne sont pas d’ordre
public.
Il est vrai que ce rédacteur propose cette obscurité, seulement
�C 2g )
comme un doute; mais il termine de manière à prouver qu’il ne
s’est pas décidé comme la demoiselle Maigne l’entend.
Cependant sa première application semble fautive; car en rédui
sant la définition d’ordre public à ce qui concerne l’état de la
république, quodadstatum reipublicce pertinet, il n’a pas remar
qué que l’expression fus publicum éloit alternativement employée
par les lois romaines pour le droit public et pour l’ ordre public;
ce qui comporte encore une nuance nécessaire à distinguer, comme
on peut le prouver par des exemples.
Lorsqu’avant les novelles , la défense de distraire la falcidie
n’étoit pas permise, si un testateur avoit voulu en prescrire la dis
traction, à peine par son héritier de payer une somme aux léga
taires, celte disposition étoit déclarée nulle, comme contraire au
droit public , et toute action étoit déniée aux légataires ( i ) . . .
Cependant une telle nullité n’intéressoit aucunement l état de la
république.
Si en donnant la dot au mari on avoit stipulé qu’il ne contribueroit pas aux frais d’inhumation que la loi meltoit à la charge
de la dot, celui qui avoit payé ces frais n ’en avoit pas moins une
action en répétition contre le mari, et il ne pouvoit pas opposer sa
stipulation, parce que la loi la déclaroit nulle et attentatoire au
droit public (2)... Cependant encore Vétat de la république étoit
fort étranger à cette convention.
_______________ ____________IL__________________ _
( 1 ) F rater cum heeredem sororem scriberet, et alinm ab e n , cui dona tum v o le b a t , stipulari en ravie ne fa lc id iâ uteretur , et ut certam pecuniarn , si contrà fe c isse t , prœstare , privntornm cautione legibus non esse
fefragandum constitit : et ideo sororem j u r e l ' U h l i c o retentionem habituram , et actionem ex stipidatu denegandam. ( L. i 5 ,ff. A d leg. fa le. )
(2)
N eratiu s queerit s i is q u i dotem d ed era t pro m uliere , stipulants
est.... ]ye yni el m aritus in fu n u s co n ferrâ t, an fu n eraria m ari tus teneatur?
e t a it...
Si aliu s fu n e ra v it, posse
eum m aritum convenire, quia p a c lo hoc
j u s p u b l i c u m in frin gi non possit. ( L . 20 , J f. D e relig. et sum pt.)
�( 30 )
Ces dispositions n ’étoient donc que d’ordre public, et la loi ne
vouloit pas qu’elles pussent être éludées par des conventions par
ticulières. Comment donc seroit-il proposable de supposer à la
prohibition de dissoudre le mariage, un moindre intérêt d ’ordre
public ? et au lieu de se jeter dans l ’application vague de la loi 6 ,
cod . D e pa ctis, et de l’art. 6 du C o d e , comment ne pas trouver
une nullité radicale aux divorces faits sans toutes les formalités,
quand la loi a dit : ISullam ratum est divorlium, n isi, etc.? com
ment ne pas trouver une nullité radicale dans les conventions sur
les divorces, quand la loi a dit : Pachones nullam habere volumus
firmitcitem, tanquam legibus contrarias? enfin, comment ne pas
voir une disposition prohibitive et irritante dans la loi du 20 sep
tembre, quand elle dit qu’un second mariage ne p eu tè Ire contracté
qu’après un divorce légal ?
Ouand les lois sont si claires, comment seroit-il possible de
penser qu’une femme, à qui un divorce illégal n ’a pas ôté la qua
lité île femme mariée, ait pu s’en priver elle-mêm e en se disant
divorcée, et en ne transigeant pas même sur la validité du divorce
q u ’on, lui oppose?
Que reste-t-il donc à la demoiselle M aigne, si ce n ’est de faire
diversion à la cause par la naissance d’un enfant, survenue, dit-elle,
long-temps après le divorce? Mais d’abord elle est convenue que la
date donnée à cette naissance étoit une erreur. Que n’avouoit-elle
avec la même franchise les circonstances explicatives dont elle étoit
mieux informée encore. On verroit qu’un époux chancelant entre
une épouse et sa rivale , déterminé à fixer son irrésolution par un
retour à ses devoirs , en est tout à coup détourné par une séduc
tion toujours active ; habilare fa cit sterilem in donio , et la mère
fie ses en fans, repoussée comme une vile esclave, est obligée de céder
ù une étrangère les honneurs du lit conjugal.
Eh ! qu’importe à la demoiselle Maigne cette naissance; est-ce
bien à elle à scruter la conduite d’une épouse? Si cette conduite
éloil blâm able, cet adultère qu'elle proclame ue seroit-il pas
�(3 0
son propre ouvrage? n ’en porterait - elle pas le poids éternel?
Mais il ne s’agit point ici de la naissance d ’un enfant ; il suffit
à la dame de Reyrolles de déclarer qu’elle n’ a point à en rougir,
et qu’elle est à même de présenter des témoignages non équivoques
pour sa justification. L e fait de celte naissance n ’est ici employé
que comme moyen de la cause, et parce que la qualité de femme
divorcée y est donnée à la dame de Reyrolles. Mais ne seroit-il
pas bizarre que, dans la commune où un divorce a été prononcé,
l ’officier public eût lui-même rendu à la femme la qualité d’épouse?
L ’objection est donc absolument nulle , et rentre d ’ailleurs dans la
discussion précédente, où elle trouve sa réponse.
Ainsi s’évanouissent tous les moyens de la demoiselle Maigne,
et se justifie la décision des premiers juges.
L e nom de veuve du sieur de Reyrolles lui e6t ô t é , mais il lui
en reste la fortune. L a dame de Reyrolles se borne à vouloir ce
qui lqi appartient, d’après son contrat de mariage. ]N est-ce pas
assez qu’elle soit réduite à le demander à la demoiselle Maigne ;
qu’après vingt-neuf ans de mariage elle ait quelque chose à lui
e n vier, et que le sort de l’une et de l’autre soit aujourd'hui si
différent?
U ne règle de droit a prévu ces caprices de la fo rtu n e ,et le vœu
du législateur n ’a pas balancé : M elius estfavere repetitioni quant
adventitio lucro. L e sort des parties seroit écrit dans cette loi
seule , s’il n ’étoit déjà réglé par des principes d’une plus haute
importance.
A u x yeux de la morale et de l’opinion, l’intimée ne cessera pas
d ’être la veuve de Reyrolles; elle le sera de même aux yeux de la
co u r, puisque les lois ne réputent pas son mariage dissous. L a
demoiselle Maigne ne laissant pas de postérité, il ne s’agit point
ici du danger d’ôter un état civil à des enfans nés dans la bonne
foi. A in si, les principes demeurent dans toute leur lorce , et ne
sont vaincus par aucune considération. L a demoiselle Maigne est
réduite à des fins de non-recevoir. Mais que signifient de misérables
�( 33 )
s u b t e r f u g e s dans une cause de cette nature ? Les magistrats n’y
verront q u ’ u n mariage ou un divorce, c ’e s t - à - d i r e , un objet
m a j e u r et d ’ordre public. Alors disparoitront les personnes, l’in
térêt seul de la société sera mis en balance, et l’arrêt de la cour
sera tout à la fois une leçon de morale et un monument de juris
prudence.
Signé F L O R A T , veuve D E R E Y R O L L E S ,
Me
'
D E L A P C H I E R , avocat.
M e C R O I Z I E R , licencié avoué.
A. R I O M , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
C o u r d ’appel. — F rim aire an 1 4
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Couguet-Florat, Marguerite. An 14]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Croizier
Subject
The topic of the resource
divorces
assignats
substitution de testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire Pour Marguerite Couguet-Florat, veuve du sieur de Reyrolles, intimée; Contre Catherine Maigne, se disant aussi veuve dudit sieur de Reyrolles , appelante.
Table Godemel : Divorce : la loi transitoire du 26 germinal an onze rend-elle inattaquables les divorces faits en éxécution de la loi du 20 septembre 1792, fussent-ils irréguliers et contraires aux formes voulues par cette loi ? La nullité du divorce a-t-elle été couverte par la qualité de femme divorcée prise par la femme dans différens actes, par cette possession d’état, et par le décès du mari divorcé ? en cas de nullité du divorce le traité fait entre les époux divorcés, relativement à leurs intérêts privés, seraient-ils infecté du même vice ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 14
1774-An 14
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1510
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0706
BCU_Factums_M0708
BCU_Factums_M0615
BCU_Factums_M0524
BCU_Factums_M0707
BCU_Factums_M0309
BCU_Factums_G1509
BCU_Factums_G1511
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53250/BCU_Factums_G1510.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Puy-en-Velay (43157)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
divorces
substitution de testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53248/BCU_Factums_G1508.pdf
bbdb16b80d8877ae69743f114aa845cb
PDF Text
Text
M
E
M
O
I
R
E
D ’A P P E L
EN
R É P O N S E ,
POUR
C a th erin e
LAFONT,
et L o u i s - A u g u s t e
P E T A U T O N , son mari, habitant à Néris-lesBains, intimés;
C O N TR E
LA FO N T, J e a n -B a p tis te B O U R N E T , J e a n F O R I C H O N , M a r i e et autre
G ilb e r t
L A F O N T leursfemmes habitant aussi
à Néris, appelans.
M a r ie
Ce n' etoit pas une assez grande douleur pour une m ère
d avoir perd u, en quelques mois d’intervalle , son époux
et son enfant; il a fallu q u e pour satisfaire l’avidité de
A
deriom.
�• ■\
* >'
'
( o
quelques collatéraux, elle fût contrainte d’entendre encore
les plus m inutieux détails de ce douloureux sacrifice, et
d’en peser scrupuleusement toutes les circonstances.
Il étoit consolant pou r elle de penser que sa fille avoit
eu rang parmi les enfans des hom m es, et que des mains
de la religion elle étoit descendue heureuse dans le tom
beau : mais l’intérêt ne com pte pour rien les opinions
et les mouvemens de la nature; il ne respecte pas plus la
cendre des morts que le repos des vivans.
Cependant si les tribunaux sont obligés de tolérer d’in
discrètes recherches, ce ne peut être q u’avec un sentiment
d’indignation qui force à désirer qu’elles soient infruc
tueuses; et sans doute toute la rigueur de l’examen est
réservée à ceux q u i, attaquant les actes les plus sacrés,
s’ imposent la tâche de les anéantir.
Cette vérité a servi de base à la décision des premiers
juges. P o u r arguer de faux un acte de naissance , les
appelans s’étoient soumis à p rou ver que l’enfant de Ca
therine L afon t étoit né m o rt; mais ils n’ont présenté que
des doutes au lieu des faits positifs qu’ils avoient annoncés.
D e sa p art, au con traire, l’intimée/a établi clairem ent la
vérité de l’acte de naissance qui faisoit son titr e , et q u i,
pour faire pleine C-i entière fo i, n’auroit eu nul besoin de
preuve auxiliaire.
Néanm oins les appelans ne se sont pas jugés vaincus;
et le secours qu’ils n’ont pu trouver dans leurs enquêtes,
ils l’ont cherché dans des consultations de médecins dont
l ’opinion auroit été sans doute bien puissante s’ils avoient
vu , mais qui ont été réduits à ne présenter que des
hypothèses et des incertitudes, et, sur la foi de quelques
�¡¿y
(3)
faits insignifians, à 'présumer que l’enfant pouvoit elre
venu au m onde sans vie.
A u reste, la cour ne se rendra qu’à sa propre con
viction dans une cause entièrem ent réglée par les lois
civ ile s, et encore plus claire par les faits dont on va lui
rendre compte.
F A I T S .
Catherine Lafont ép o u sa,le 14 brum aire an 10, GilbertM arie L a fo n t, son cousin.
Seule h éritière de son p è re, qui lui abandonnoit dèslors tous ses b ie n s, elle fut assez heureuse pour offrir à
son époux un sort avantageux. Quant à lu i, il avoit vendu
tous ses droits successifs à G ilbert L a fo n t, son frère ,
partie adverse, pour une somme m odique de 10000 fr.
Les ép oux stipulèrent un gain m utuel d’ usufruit, en
cas qu’il n’y eût pas d’enfans survivans.
Ce mariage n’a duré que dix mois et dem i; et le 27 fruc
tidor de la même an née, la f o n t est m ort à vingt-trois
a n s, laissant sa jeune veu ve enceinte de six mois.
A u terme de ses couches elle app ela, outre une sagefem m e, des pareutes ou des amies; m ais, loin de sup
poser qu’elle pouvoit survivre à son enfant , plus loin
encore d’avoir réfléchi que cette survie lui donneroit
une succession , le hasard a voulu qu’elle 11e s’entou
rât que de la fam ille de son mari : c a r , depuis sa dou
loureuse perte , c’étoit là sa société habituelle , pour
chercher des consolations dans ses entretiens et dans ses
souvenirs.
A
2
�( 4 )
Ses couches furent extrêm em ent 'laborieuses ; mais
n’ayant éprouvé aucune incom m odité pendant sa gros
sesse, la vigueur de son âge seconda la nature, et elle
m it au monde une fille.
Il n’est que trop vrai que cette malheureuse enfant
a voit cruellem ent souffert de ces efforts. Ses m ouvem ens,
prolongés jusqu’à sa délivrance , indiquoient le besoin
du repos; car la m ême fatigue qui accabloit la mèi*e dût
à plus forte raison agir sur une foible créature, qui avoit
besoin du plus grand x*epos pour échapper à la mort.
M ais la raison ne cède que trop souvent aux procédés
de l’habitude. O n tourm ente les enfans sous prétexte de
les soulager, et le souffle de vie qui les anime est quel
quefois incapable de résister à ces ¡prétendus soulagemens.
O n suivit donc pour l’enfant de Catherine L afont la
•m éthode ordinaire. L e cordon om bilical co u p é, on cher
cha du vin pour lui frotter le visage et réparer ses forces;
on ne trouva que de l’e a u - d e - v ie , et on ne l’em ploya
pas moins au m êm e usage. L e résultat du remède ne fut
pas aussi heureux qu’on l’a voit pensé : les muscles du
visage se contractèrent, la respiration repoussée se dilata
par des soupirs, l’enfant remua les b ras; mais ce n’étoit
là qu’ un dernier effort de la nature, bientôt la vie acheva
de s’éteindre.
Pendant que l’enfant luttoit encore contre la m ort, le
curé fut m andé; et quoiqu’ il n’arrivât que lon g-tem p s
après l'accouchement , il ne trouva pas moins à cette
enfant des signes de v ie , car il lui administra le baptêm e,
quoique la sage-femme lui eût rapporté l’avoir déjà 011doyée par précaution.
«
�(
5 )
A p rès le baptêm e, le curé se retira pour aller faire
l’acte de naissance ; car il étoit aussi adjoint et officier
public : il ch o isit, avant de p a r tir , ses deux témoins.
Ces témoins, en effet allèrent à la m airie , et on les
renvoya au lendemain. Comm e alors l’enfant étoit m ort,
les deux actes furent faits l’un à la suite de l’a u tre , le
>21 frim aire an n .
Catherine L afont étoit h éritière de son enfant par la
loi du 17 n iv ô se , ce qui avoit dû p eu t-être exciter la
jalousie des adversaires.
11 est naturel qu’ils fussent plus occupés de cette suc
cession qu’elle-même;. et tout ce qui s’étoit passé devoit
leu r être con n u , puisque Catherine L afon t, comme elle
vient de le d ire, avoit été entourée de la fam ille de son
m a ri, c’est-à-dire, de la fam ille des adversaires : la sngefemme elle-m êm e étoit leur tante. N éanm oins, et dans
cet instant m alheureux où le sacrifice de sa fortune lui eût
été totalement in d iiféren t, aucun des adversaires n’ima
gina d’élever le m oindre doute sur un acte de naissance
q u i, dans une petite com m une, et d’après ce qui s’étoit
passé, n’avoit été un secret pour personne.
T ro is mois se passèrent, et les adversaires laissèrent
prendre à la veuve la récolte de quelques vignes dépen
dantes de la succession : après ce tem ps, ils jugèrent con
venable de com m encer sourdement les hostilités.
Comm e G ilb ert L afon t avoit acheté les droits de son
déiunt frè re , dont la succession étoit créancière du prix
de ces droits céd és, il se fit faire une saisie-arrêt par ses
beaux-lrères Bournet et F o ric h o n , dans la vue d’embar-
�(6 )
rassct* Catherine L a fo n t, et n’osant pas lui-m êm e com
m encer le procès.
G ilbert L a fo n t, fit encore en ses propres mains une
saisie-arrêt, sans titre ni autorisation; et on en fit une
troisième ès-mains du sieur S o u lie r, n o ta ire , débiteur
de la succession.
L e prem ier sentiment de la veuve L afon t fut d’être in
dignée d’une conduite qui paroissoit fondée sur un soup
çon injurieux pour elle; dès-lors elle ne voulut plus rien
m én a ger, et poursuivit ses adversaires en payement et
m ain-levée de saisie, le 12 ventôse an 11.
A lo rs G ilb ert L afon t fut forcé de s’ex p liq u er, et il crut
l’intim ider davantage en s’inscrivant en faux contre les
deux actes de naissance et de décès ci-dessus rappelés :
mais Catherine L afont lui fit signifier sur le cham p la dé
claration expresse qu’elle entendoit se servir de ces deux
actes, et G ilb ert L afont fut obligé de donner suite à sa
procédure. G ilbert L afont présenta les faits par lui arti
culés, et offrit de prouver que l’enfant étoit m o r t- n é ,
ayant la pâleur sur son visage, les yeux ferm és, et que
tous les assistans s’écrièrent : V o ilà un enfant m o rt;
que l’adjoint n’avoit pas vu l’en fa n t, et n’avoit rédigé
les actes que sur la déclaration de deux témoins.
E n vertu de jugement du 3 floréal an 1 1 , G ilbert
L afon t fit entendre cinq témoins.
est essentiel de re
m arquer qu’il alfecta de ne pas appeler celui qui devoit
donner plus de lum ières, la sage-femme. Quant à ceux
11
entendus à sa req u ête, voici ce qu’ils ont déclaré.
L e prem ier témoin est le c u ré -a d jo in t, qui a adinU
�tér
(?)
nistre le baptêm e et fait l’acte civil; A v an t le bapteme
il a touché l’enfant et lui a, senti de la chaleur.
L e second tém oin , F ra n ço is C o r r e , ne sait pas si
l’enfant étoit vivan t ou m ort.
L e troisièm e, M a rie L a fo n t , fe m m e P ig7tot, la plus
proche parente des adversaires, sait tou t, et a connu que
l ’enfant étoit m ort à l’éjection de ses excrém ens. L a sagefemme lui fit signe qu’il étoit m o rt; elle lui dit aussi de
toucher le coeur de l’enfant pour sentir qu’il b a ttoit, mais
le tém oin répondit qu’il ne s’y com ioissoit pas. L a sagefemme lava l ’enfant, et lui m it les doigts dans la bouche;
il ne donna aucun signe de vie. Puis la femme C orre le
p rit sur ses genoux , et ses genoux trem blèrent par la
crainte qu’elle avoit de la m ort de l’en fan t, et ce trem
blem ent se com m uniquoit à l’enfant. L e curé v i n t , le
toucha h divers en d ro its, et le baptisa
puis la femme
Corre dit à son m ari d’aller faire faire l’acte de naissance,
et de ne pas m anquer de dire au curé ( q u i venoit de
sortir) que l’enfant étoit né vivant. A p rès cela elle avoue
qu’elle a dit e lle -m ê m e à la m ère que son enfant étoit
vivant, mais que c’étoit pou r la tranquilliser; et que lors
qu’elle a vo u lu dire autrem ent, L ou is L afont lui a fait
beaucoup de menaces.
L e quatrièm e tém o in , M a rie B o u r n e t, ne sait rien
par elle-m êm e ; elle confirm e la proposition faite par la
sage-femme à la P ign o t de toucher les battemens du cœur,
et la réponse de celle-ci qu’elle ne s’y connoissoit pas.
Enfin elle a ouï dire dans la maison que l’enfant étoit
vivant.
L e cinquièm e tém oin , M arguerite L a f o n t , veuve
�*iU
v " - 1
(8)
I
H o n n e fo i, a vu la sage-femme in q uiète, lorsqu’elle de
manda de l ’eau bénite pour ondoyer l’enfant; cependant
elle a dit plusieurs fois qu’il étoit vivant. Quand on a
frotté le visage de l’enfant avec de l’eau-de-vie, elle a
rem arqué qu’il a fait tin léger so u p ir , ce qu'elle a re
gardé comme un signe de v ie ,• elle n’en a pas remar
q u é d’autres.
Cette enquête, comme le disent très-bien les adversaires,
étoit parfaitement in u tile; et en effet il n’y avoit rien de
moins p rou vé que le faux m atériel de la naissance de
l ’enfant. Q uatre témoins attestoient plutôt la vie que la
m ort ; un seul attestoit la m ort par ses p aroles, et ce
qu’il a indiqué pou r la prouver donne plutôt à présum er
!
pour la vie. Les faits du baptêm e et de la naissance restoient donc dans toute leur force.
N éanm oins, et par surabondance, Catherine L afon t
vo u lu t aussi faire une enquête; et il ne faut que la parcourir pou r être convaincu de la vie de l’enfant,
j
L e prem ier témoin est la sage-fem m e ; elle sentit les
'
mouvem ens de l ’enfant dans ses mains : elle sentit les
pulsations du cœ u r, et proposa à la femme P ign o t d’y
toucher. Quand l ’enfant fut sorti elle ne sentit plus de
m ouvem ent, c’est pourquoi elle demanda du vin. O n lui
porta de l’e a u - d e - v i e , et quand elle en passa sur le
visage de l’enfant, il lit un soupir. A lo rs ayant à s’occu
per de la m è re , elle a remis l’enfant à la femme C orre
(quatrièm e témoin ci-après). E lle avoit ondoyé l’en faut;
Je curé est venu et l’a baptisé.
L e second tém oin, F ra n çois D u r i n , a soupe avec lo
!
curé le soir des couchas. L e curé dit avoir vu l’enfant,
avoir
f
i
�avoir touclié son estom ac, senti de la ch a leu r, cru re
marquer de la v ie, et baptisé l’enfant.
L e troisième témoin est M a rie B o u r n e t, déjà entendue.
L e quatrièm e tém oin, la fem m e C o rre , a gardé l’en
fant sur ses genoux après que la sage-femme eut fait les
frictions d’eau-de-vie au visage ; elle a elle-m êm e lavé
l ’enfant avec du v in , lu i a v u rem uer les bras trois ou
quatre fo is, lu i a senti battre le cœ u r , a distingué des
rnouvemens au visage quand on y passoit du vin , a re
m arqué que l’enfant soupiroit ; mais il est m ort sur ses
g e n o u x , sans q u’elle ait pu distinguer l’instant où il a
cessé entièrem ent de vivre.
L e cinquièm e tém oin, Q u illem in , a soupé avec le curé
quelque temps après les couches. Il dit qu’il avoit exercé
ses fonctions en baptisant l’enfant, ce qiüïl n 'a u roit pas
f a i t , s ilii eût cru s être assuré de son existence. La sagefemme a dit encore au tém oin que l’enfant étoit venu
au monde v iv a n t, et qu’elle l ’a voit ainsi déclaré à son
confesseur.
L e sixièm e té m o in , Georges F o riclio n , a ouï dire au
curé qu’il avoit senti de la chaleur à l’en fan t, et admi
nistré le b ap têm e, sans p o u voir assurer qu’ il fût vivant.
Il a ouï dire à plusieurs femmes que la Pignot (c e lle
qui a dit l’enfant m ort ) avoit dit qu’ il étoit né vivant ;
et qu’elle-m êm e, femme P ig n o t, lui avoit vu plusieurs
fois porter les bras à la tête , et avoit rem arqué plu
sieurs autres signes de vie.
L e 14 niyôse an 13 les parties en sont venues à l’au
dience où il ne s’agissoit que d’opposer l’acte de naissance
u 1 enqucle d irecte, et m ême les enquêtes entr’elles. 11
B
�est vrai que le procureur im périal vouloit renvoyer la
décision à deux docteurs en médecine et en ch iru rgie,
mais le tribunal de M ontluçon ne pouvoit se rendre à
cette opinion qui n’en étoit pas u n e; en conséquence,
après avoir pesé toutes les dépositions et la force des prin
cipes, il a fait droit aux parties par le jugement qui suit.
« Considérant que tous les actes de l ’état civil font
« foi jusqu’à inscription de faux ; qu’il est établi par un
« acte extrait des registres de la commune de N éris, que
« l’enfant de Catherine L afont est né à trois lieures et
« dem ie, le 21 frim aire de l’an 11 ; qu’ il est établi par
« un autre acte que le même jour le même enfant est
« décédé à quatre heures après m id i, c’est-à-dire, demi«
«
a
«
«
heure après sa naissance; qu’ainsi il est prouvé par actes
authentiques que l’enfant est né vivan t; que pour détruire ces deux actes, G ilbert L afon t a pris la voie
de l’inscription en faux incident; que par conséquent
il s’est imposé la tâche de prouver que cet enfant étoit
« m ort avant que de n aître; et il s’agit d’exam iner s’il
« l’a rem plie ; que le prem ier tém oin par lui produit
«
se
«
«
«
«
«
a senti un reste de chaleur à l’en fan t, et lui a admi
nistré le baptême à telles fins que de raison, a ensuite
in terro g é, comme oilicier p u b lic, l ’accoucheuse qui
lui a attesté que l’enfant étoit né v iv a n t; que le secon d , quoique témoin dans les deux actes, a déclaré
ne s’être pas assuré par lu i-m ê m e de l'existence de
l’enfant; que le troisième a toujours regardé l’enfant
« comme m ort avant que de naître; qu’il l’a jugé ainsi"
« aux exçréinens qu’il a vu tom ber, aux signes que la
« sage-femme lui a faits ; que cependant la même sage-
�tu
( II )
« femme lu i a dit que le cœur de l ’enfant battoit encore,
(< lui a proposé d’y porter la m ain , ce qu’il n’a voulu
« fa ire; qu’après qu’il fut entièrem ent sorti du ventre
« de la m ère, il ne lu i a rem arqué aucun signe de v ie ,
« quoique la sage-femme l’ait frotté avec de l’eau-de-vie,
« lu i ait mis les doigts dans la b ou clie, et y ait soufflé;
« que le quatrièm e ne s’est pas assuré par lui-m êm e si
« l ’enfant avoit vie après sa naissance, mais qu’il a en« tendu dire dans la maison qu’il étoit encore v iv a n t;
« que le cinquièm e lui a v u faire un léger soupir qu’il
« a regardé comme un signe de v ie ;
« Q ue de ces cinq témoins , le troisième est le seul
« qui soutienne que cet enfant étoit m o r t, parce qu’il
« le pensoit ainsi d’après la chute des excrémens et les
« signes de l’accoucheuse ; cependant cette m ême acçou« clieuse a dit ensuite que le cœur de l ’enfant battoit,
« a proposé au tém oin d’y porter la m a in , ce qu’il n’a
« vo u lu fa ire , disant qu’il n’y connoissoit pas.
« Considérant. que le prem ier tém oin a senti de la
<c chaleur à l’enfant, a interrogé l’accoucheuse, qui lui a
« attesté que l ’enfant étoit né viva n t; que cette m êm e
« accoucheuse l’a ainsi déclaré lorsqu’elle a été appelée
« en tém oignage par Catherine Lafont; que le quatrièm e
« témoin a ouï dire dans la m aison, après la naissance
v de l’enfant, qu’il avoit encore de la vie ; que le cinct
“
«
«
«
quième lui a vu faire un soupir qu’il a pris pour un
signe de v ie ; que de l’ensemble de ces déclarations il
résulte plutôt que l’enfant a vécu après sa naissance,
qu il n’étoit mort avant que de naître; qu’ainsi G ilbert
L afon t n’a pas détruit les deux actes de naissance et
B 2
�111.
,y
k
«
«
«
«
( 12 )
de d écès, ainsi qu’il se l ’étoit ptoposé ; qu’on en est
d’autant plus convaincu quand on considère que le
quatrième tém oin ouï à la requête de Catherine L a fé h t,
à qui l’accoucheuse rem it l’en fan t, pour donner des
soins à la m ère, a confirmé la déclaration de cette sage-
« fem m e, lui a v u battre le cœ u r, lui a distingué des
« mouvem ens dans le visage, et a rem arqué qu’il sou«
«
«
«
p iro it; que d’ailleurs il paroît constant que cet enfant
étoit parvenu au terme prescrit par la nature; q u ’il
n’a apporté au monde aucun vice de conform ation ,
ni aucun signe de putréfaction; que ces dernières cir-
« constances, jointes aux actes de l’état c iv il, aux décla« rations des tém oins, doivent suffire pou r constater là
« vie de l ’enfant, ou au moins le faire présum er vivan t;
« de m anière que Catherine L a fo n t, qui a été m è r e ,
« qui en a couru les dangers, qui a perdu son enfant,
« doit obtenir la consolation que la loi lui accorde.
« L e tribunal déboute G ilbert L afont de sa demande
« en inscription de fa u x , le condamne en l’amende de
« 60 francs, consignée conform ém ent à l’ordonnance de
« 173 ?) et aux dépens. Fait et jugé à M on tlu çon , le 14
« nivôse an 1 3 , etc. »
A p rès ce jugem ent, Catherine Lafont en a obtenu un
second le 23 ventôse su ivan t, lequel prononce la m ain
levée des saisies-arrêts, et condamne G ilbert L afont à
payer ce qu’ il doit au défunt.
Quant aux Forichon et B ournet, autres parties, il avoit
déjà été rendu contre eux un jugement le 19 ventôse
an 1 1 , prononçant aussi contre eux la main - levée de
leur saisie-arrêt \ niais ils avoient gardé le silence en
�/■ *»
3
( i )
attendant l ’événement de l ’inscription de faux que G ilbert
L a fo n t, débiteur, avoit seul osé hasarder. G ilbert L afont
a interjeté appel du jugem ent du 13 nivôse an 1 3 ; les
autres parties ont interjeté appel de celui du 19 ventôse^
an 11 : et quoiqu’ils ne se soient pas réunis en prem ière
instance, ils ont fait joindre leurs appels.
M O Y E N S .
L a jonction demandée par les Bournet et Forichon
est aussi singulière que le but de leu r appel. O n con cevroit cette jonction, si G ilbert L afon t avoit interjete
appel du jugement du 23 ventôse an 1 3 , pai'ce que ce
jugem ent et celui du 19 ventôse an 1 1 , frappent égale
m ent sur des saisies-arrêts. M ais le jugem ent du 14 ni
vôse an 13 prononce sur une inscription de faux à la
quelle les Boufnet et Forichon n’ont voulu prendre aucune
part. Comm ent se fait-il donc qu’aujourd’hui ils veuillent
se rendre commun le jugem ent qui y fait droit ?
Dans leur appel les Forichon ont demandé que les con
clusions par eux prises en prem ière instance leur fussent
adjugées ; et ils n’en avoient pris aucune. L e u r appel
au fait n’a aucune base , car ils n’ont pu fonder leur
saisie-arrêt que sur le faux de l’acte de naissance', et ce
pendant ce faux n’a jamais été articulé par eux.
Ces réflexions suffisent donc pour répondre à l’appel
de Forichon et Bournet. Il ne reste plus qu’à exam iner
les moyens proposés sur l’appel de G ilbert Lafont.
Ils se réduisent à dire i° . que les enquêtes prouvent
le faux de l’acte de naissance ; 20.' que les signes de vio
�( H )
rem arqués par les'tém oins ne sont pas suffisans, d’après
les lois et les notions de la médecine.
,
. -»-r'
'Ce sont ces deux prétentions qu’il faut exam iner, pour
en dém ontrer l ’erreur. ’
P
r e m i è r e
q u e s t i o n
.
L e s enquêtes prouvent-elles le f a u x de Tacte de n ais
sance ?
- A u cu n acte ne m érite une foi plus grande que les
actes de l’état civil ; les ordonnances nous l’enseignent,
et la raison nous dit qu’il im porte au bon ordre de ne
les détruire qu’avec la preuve claire et évidente d’un faux
m atériel.
- C a r , comme le dit M . C o ch in , les registres de nais
sance sont des monumens publics a u x q u els la lo i veut
q u ’on donne une foi entière, comme dépositaires de l’état
des hommes.
Il ne faut pas être plus exigeant que la lo i; elle se con
tente, pour la déclaration des naissances, du tém oignage
du père s’il est viva n t, et de celui de la sage-femme ou
l’accoucheur, si le père est m ort ou absent ; car l’accou
cheur a lui-mêm e un caractère p u b lic, et seul il fait foi
de la naissance. ( L o i du 20 septembre 179 2 , tit. 3 , art 2.
Code c iv il, art.
.) Il faut en outre deux tém oins, mais
56
ce n’est pas pour attester la naissance, c’est seulement
pour attester la déclaration.
Enfin il faut que l’enfunt soit porté à l'officier public,
ou qu’il vienne s’assurer de sa naissance. ( L o i du 20 sep-
�fis
tem bre, tit. 3 , art.
( ' 15 )
) V o ilà tout ce que la loi a exigé.
Quand elle a dit qu’ un acte’ de l’état civ il feroit fo i, eL
que la preuve ne seroit pas reçue contre ce qu’il énonce,
c’est une chose assez bizarre qu’on pense l’anéantir, sous,
prétexte d’une inscription de fa u x , par la même voie de
la preuve testimoniale. Ce ne seroit qu’un pur changement
de fo rm e, si les trib u n au x, en expliquant la loi par le
sens qu’elle présente, ne pensoient que celui qui s’inscrit
en faux s’engage à quelque chose de bien plus positif qu’au
résultat d’une simple enquête, puisqu’un acte public ne
peut être anéanti par une preuve testimoniale.
Sans doute si 011 présentoit un extrait de naissance faux,
la justice ne dcvroit y ajouter foi que jusqu’à la preuve
du faux ; et c’est là le but de l’art. 45 du Code civil : mais
quand il s’agit de dém entir la déclaration dont la loi s’est
contentée, sans contredit aucune preuve testimoniale ne
doit suffire pour faire tom ber l’acte ; ou bien il falloit
dire franchement que les actes de naissance ne faisoient
foi que jusqu’à la preuve contraire.
Ces réflexions, présentées à la prudence de la co u r, n e'
tendent point à éluder l’examen des enquêtes; et pour
cela il n’y auroit qu’ un seul mot à d ire , c’est qu’au lieu
d'y vo ir la preuve de m ort annoncée, on a peine à trouver
qu’un seul tém oin ait certifié ce fait sans en douter luimême.
Que devoit prouver G ilbert L afon t? et qu’a-t-il p ro u vé?
Ses faits de faux étoient clairs et précis. 11 se soumetloit
à établir, io. q ue plusieurs personnes étoient présentes
lo is des couches, et que toutes ces personnes s'écrièrent :
V o ilà un enfant m ort j
�(i6)
2°. Q ue la sage-fem m e ayant frotté l’enfant avec de
Teau-de-vie, elle ou vrit sa bouche avec un de ses doigts,
mais que sa bouche se referma de suite; qu’il étoit pâle,
et avoit les yeux fermés ;
3°. Q ue François C orre n’arriva dans l’appartement
que dans l ’instant où la sage-femme plioit l’enfant pour
le faire enterrer;
4°. Q ue la femme Corre dit à son époux d’aller avec
L ouis L afon t faire faire les actes de naissance et de décès,
qui furent rédigés dans le même instant;
°. Q u’il n’a été fait aucune réquisition à l ’adjoint de
se transporter dans la maison où étoit l’enfant; qu’il n’a
5
par conséquent rem arqué aucuns signes de v i e , et qu’il
n’a rédigé les deux actes que. sur la déclaration de deux
tém oins, dont l’un étoit l’aïeu l, partie ipféressée, et l’autre
avoit seulement vu ensevelir l’enfant.
L e prem ier fait n’est attesté en partie que par un tém oin
qui est démenti par tous les autres. Ce ne sont pas toutes
les personnes présentes qui s’écrièrent : V o ilà un enfant
m ort; c’est la femme P ign ot qui prétend seule l’avoir dit à
M arie B ou rn et, parce qu’elle a vu tom ber des excrém ens;
mais M arie Bournet ne le confirme pas,
Cette P ign ot qui a voulu tout dire est tombée dans le
piège ordinaire des m enteurs; elle se contredit elle-m ême
sur tous les points. L ’accoucheuse lui fit signe que l’enfant
etoit m o rt, et cependant l’accoucheuse l’engagea à sentir
battre son cœ ur; elle refusa de s’assure?: si l’enfant étoit
v iv a n t, parce quV/fe ne s y con noissoit pas : cependant
d ie avoit déjà dit que l’enfant étoit mort.
1
Ces contradictions s’accordent parfaitement avec « dé
position
�( 17 )
position du tém oin F o riclio n , qui a ouï dire à plusieurs
femmes que cette m ême P ign o t leur avait attesté que
l’enfant étoit v iv a n t, et qu’elle lu i avoit rem arqué p lu
sieurs signes de vie. Cette malheureuse a ensuite changé
absolument de langage -, et ceux qui la connoissent ne s’en
étonnent pas.
Toutes les personnes présentes n’avoient pas dit : V o ilà
un enfant m o rt; puisque tous les autres témoins présens
ont rem arqué des signes de vie plus ou moins prononcés.
L e deuxièm e fait n’est p rou vé par aucune déposition,
si on en excepte la circonstance attestée par la m êm e
P ig n o t, que la sage-femme ou vrit la bouche de l’enfant :
fait is o lé , faux et inutile. M ais personne n’a dit que la
bouche se refermât de suite, et que l ’enfant eût, en nais
sant, ni de la p â le u r, ni les yeu x fermés.
L e troisièm e fait n’est encore déclaré par aucun té
m oin. C orre n’a pas dit être venu seulement quand on
ensevelissoit l’enfant, mais l’avoir v u sur les genoux de
sa femme. L a loi n’exigeoit pas m êm e de l u i , com m e
tém oin , qu’il attestât la naissance, elle ne l’exigeoit que
de la sage-fem m e; et il étoit tém oin de l’attestation seule
ment. S’il avoit déclaré la naissance, com m e tém oin instrumentaire il feroit encore f o i , et ne seroit $as admis
à se rétracter.
Jg
L e quatrièm e fait étoit aussi insignifiant que le précé
d en t, et n’est pas déclaré de la m ême m anière par ld
V ig n o t, quoique ce soit elle qui ait dicté évidem m ent
les faits articulés par l’adversaire.
Il y a même quelque chose d’essentiel à rem arquer dans
ce que disent Corre et la Pignot. Celle-ci assure avoir tout
vu depuis les couches jusqu’à riulium ation , et cependant
C
�(i8)
Corre dît que c’est elle qui vint le chercher à sa vign e;
elle s’est donc absentée quelque temps.
L e cinquièm e fait est dém ontré faux par tous les té
m oin s; car bien loin que le sieur R e yn au d , adjoint, ait
rédigé ses actes sans se transporter dans la maison où étoit
l’enfant, et sans le v o i r , il dit lui-m êm e y être venu et
•l’avoir vu. T o u s les témoins parlent de ce fait, et la P ignot
elle-m ême déclare que le sieur Reynaud toucha l’enfant
à plusieurs endroits, et le baptisa.
A in si rien de ce que G ilbert JLafont avoit offert de
p ro u ver ne l ’a été. L ’acte de naissance demeure donc dans
toute sa force.
Q uand on ôteroit de son enquête tous les signes de vie
articulés par ses propres tém oins, il ne resteroit que des
doutes sur la m ort de l’enfant; et des doutes ne détruisent
pas un acte.
Ces doutes encoi’e ne sont com m uniqués que par un
seul témoin qui a refusé de toucher l’enfant, et qui n’ayant
pas voulu s’éclaircir veut cependant com m uniquer tous
les éclaircissemens.
Il faut se méfier d’elle, puisqu’elle s’en est m éfiée ellem êm e; d’ailleurs ses contradictions appellent aussi la mé
fiance, quand elle ne seroit pas personnellement suspecte,
comme la plus proche parente des adversaires. D ’ailleurs
c’est une chute d’excrém ens qu’elle a regardée comme
signe de mort. Sur ce fait m êm e, qu’ il est étonnant qu’elle
ait pu vérifier avant la fin des couches, de quel poids
peut être 1111 semblable tém oignage? C ’est là cependant
la seule preuve de la m ort qu’elle d on n e, ou plutôt la
seule preuve qu e fournit l ’enquête.
�( 19 )
I-e curé auroit été un tém oin im portant s’il avoit as
sisté au commencement des couches ; mais il a fallu l’en
voyer chercher et l’attendre : et q u o iq u e , dans ce délai
assez lo n g , la vie de l’enfant n’ait pu que d im in u er,
cependant à son arrivée il a encore senti de la chaleur;
et si l’enfant avoit été m ort - n é , cette chaleur n’auroit
pas duré jusqu’alors , surtout à la fin de décembre. Ce
qu’il y a de certain c’est que le curé n’atteste pas que
l ’enfant fût m o rt, c’est qu’au contraire il l’a baptisé comme
v iv a n t, et après un prem ier baptême. O r , suivant les
règles, ce prem ier baptême suffisoit, n’y eût-il eu que du
danger, Canonistœ d icun t sufficere quod aliquod mernbrum b a p tizetu r, ut sit infans christianus.
A in si ce second baptême fait par un prêtre est une
présom ption authentique de la v ie , d’après les auteurs :
à celte présom ption se joint la preuve légale de la vie
par l’acte de naissance fait par le m êm e témoin. A in s i,
quand il m arquerait les conjectures de m ort les plus
fortes, jamais il n’y auroit lieu d’annuller son propre acte
p u b lic , qui parleroit plus haut que sa déposition.
O n vo it d’ailleurs dans cette déposition du curé une
retenue qui abrège trop les détails, et qui s’explique assez
par l’inquiétude que devoit lui donner m algré lui une
inscription de faux contre son propre acte.
Mais cette circonspection est corrigée par les témoinsD u rin et G u ille m in , à qui le curé a dit à différons inter
valles qu’ avant de baptiser l’enfant il s’étoit assuré de
son existence.
vSi à cela on ajoute les dépositions de la sage-fem m e,
de la veuve Bonnefoi et de la femme C o r r e , il n’y aura
plus à douter; çar les mouvernens de l’enfant dans la main
C 2
�Vt o
(( 20 y
de la sage-fem m e, les batteme?is du Cœur, leâ soup irs,
les bras remués trois à quatre fo is , la contraction desmuscles du visa g e, sont sans contredit des signes évidens
d’existence.
Cent tém oins, qui diroient avoir vu un individu m ort,
ne détruiroient pas le tém oignage de ceux qui l’ont vu
vivant. L es apparences de la vie et de la m ort sont sou
vent difficiles à reconnoître, et peuvent d’ailleurs avoir
lieu quelquefois alternativement.
S
e c o n d e
q u e s t i o n
.
L e s sigjies de vie rem arqués p a r les tém oins s o n t- ils
sitjjisans ?
Les lois françaises sont muettes sur cette question, etla jurisprudence s’est toujours basée sur les lois rom aines,
qui ne laissent presque rien indécis.
A peine l’enfant étoit conçu qu’ il étoit com pté parmi
les créatures, et réputé vivant toutes les fois qu’il s’agissoit de son intérêt.
Si cependant il m ouroit avant de naître, il n’étoit pas
réputé avoir v é c u , parce qu’alors en effet son intérêt
'é to it n u l, et il étoit inutile qu’il eût vécu pour l’intérêt
d’autrui.
M ais dès l’instant qu’ il étoit n é , il devenoit capable de
succéder et de transm ettre, quelle que foible et courte
qu’ait pu être sa v ie , licet
illico
decesserit. L . 2 , cod..
l ) e post. hœr.
Cependant les écoles ne s’accordoient pas sur les preuves
de la v i e , ’ lorsqu’il s’agissoit de savoir quand un testa
ment étoit auuuüé par la naissance d’un posthume. Les
�»
( 2*. ) ^
proculeïens, qui étoient les rigoristes du droit, vouloient
que l’enfant, pour être réputé avoir v é c u , eût c r ié , ciamorem ew iserit. M ais les sabiniens n’étoient pas de cet
avis, et répondoient que la foiblesse ou un défaut d’or
ganes peuvent em pêcher les cris de-l’enfant, quoique visi
blem ent il existe. Justinien termina ce débat par la loi
Ç u o d diù certa tu m , et d it, en approuvant l’opinion des
sabiniens, que le testament étoit rom pu si l’enfant étoit
né v iv a n t , quand m êm e il seroit m ort im m édiatem ent
après sa naissance, et m êm e dans les m ains de la sagefemme.
S a b in ia n i existim a ba nt s i viçus natus esset e t s j
v o c e m n o n j e m i s i t rum pi testamentuin : eoruni etiam
nos laudarnus sen ten iia m , et sa n cim u s, si pei'fectè na
tus e s t , licet i l l i c o postquarn in terrain cecidit veî
s o b s t e t r i c i s d ecessit, rum pi testam entum. L o i Ç u o d d m , code D e posth. lib.
in
m a n ib u
Cette supposition d’une m ort aussi prom pte, pour ainsi
d ire , que la naissance, marque assez que la loi n’a pas
exigé des signes de vie bien prononcés , puisque le son
de la vo ix ne lui a pas même semblé nécessaire.
11
y a p lu s, car la loi encore a p révu le cas où un
accouchement auroit été tellem ent forcé et difficile que
l’enfant n’auroit pu être extrait qu’en partie. Si la p or
tion qui a v u le m onde est celle en qui consiste princi
palement l’existence, l’enfant n’en est pas moins réputé
avoir vécu , quoiqu’incapable de conserver la v ie ; et la
loi en ce cas se contente du m oindre souille.
S i non integrum a n im a l cditurn s i t , cum s p i r i t u
tarnen, adeo testam entuin rum pit. L . 1 2 , il’. D e lib e n s
et post/l.
�m
( 1 2 )f
Ces principes ont toujours été adoptés par la jurispru
dence; et les auteurs du droit les enseignent comme des
maximes certaines.
L ebrun se plaint avec éloquence de ceux qui veulent
pour signe de vie avoir entendu la v o ix de l’enfant ;
« comme si, d it-il, la nature attentive à d’autres choses,
« ne pou voit pas, dans un petit espace de temps, v iv re
« et m ourir sans se plaindre : au contraire l’on peut d ire,
« ajoute-t-il, que l’enfant qui se tait ainsi en naissant,
« subsiste en partie par ce silence, parce que la nature
« m énage ses forces pour prolonger sa v i e , et évite do
« la dissiper en accens superflus. » ( L iv r e i , chap. 4 ,
sect. 1.)
M . D o m a t, cité par les adversaires, s’occupe des cas
où l’enfant est né avant le terme ordinaire ; et quoique
dans l ’usage on n’ait jamais regardé com m e viable un
enfant né avant le septième m ois, M . D om at distingue
le cas où il s’agit de son état personnel, de celui où il
est question de savoir s’il a succédé et transmis la succes
sion. Dans la prem ière espèce, c’est-à-dire, curn agitur
de statu e t j i t quœ stio sta tû s, M . D om at pense que l’en
fan t, avant sept m ois, n’est pas réputé avoir vécu : mais
quand il ne s?agit que de transmettre la succession à ses
h éritiers, cîtm agitur de transrnissione hœ redita tis, les
raisons 11c sont plus les m êm es, et il n’im porlc plus que
l’enfant ait pu v iv re , il suilit qu’il ait vécu; et M . Dom at
cite des arrêts qui ont réputé successibles des enfans do
quatre et cinq m ois, nés même par l’opération césarienne.
( L i v . 1 , sect. 1 , n°. 5 , p. 2 .)
Rem arquons qu’ici il s’agit d ’un enfant venu à tonne
après neuf m o is, et dès-lors légalement viable,•
�- 23 ^
H enrys, cité encore par les adversaires, 11e leur est pas
plus favorable que D om nt; il parle d’une cause où il s’agissoit d’ un enfant q u i, loin d’êlre regardé comme mort
pour avoir i*ejeté des excrém en s, 11’avoit au contraire
donné d’autres signes de vie constans. V o ic i littéralement
le fait rapporté par M . H enrys lui-m êm e, ce U ne m ère
« n’ayant pu rendre son enfant qu’avec peine et violence,
« et cet enfant n’ayant donné d’autre signe de vie que
« par les excrémens qu’il avoit ren d u s, cela fit douter
« s’il avoit survécu la m ère ou non. C eux qui avoient
« intérêt qu’il fût plutôt né vivan t que m o rt, ne man« quèrènt pas d’user de précaution , et de faire ouir par
ce devant le juge la sage-femme et un médecin. I,e p ré« texte qu’ils en prirent fut au sujet de l ’en terrem en t,
« et sur le refus que le curé p ou voit faire de le mettre
« en terre sainte. Y ayant eu procès en ce siè g e , nous
« fûmes ouïs pour le procureur du r o i.. . . La sage-femme
«
«
«
et
«
ne s’étant arrêtée qu’à l ’éjection des excrém ens, et en
cela n’ayant pu parler que par l’organe du m éd ecin ...
le rapport nous paroissoit précipité et affecté ; nous
crûmes qu’il y avoit plus d’apparence d’ en ordonner
un second__ que puisqu’on n’avoit établi la vie de
cc l’enfant que sur ce signe se u l, les médecins en p o u « voient aussi-bien juger que s’ils avoient été présens à
« l’enfantement. Nos conclusions furent su iv ies, et un
K nouveau rapport fut ordonné. Y ayant eu appel au pai*“ ^emen t, la cour a cru que le prem ier rapport devoit
c< suffi1'e ; en un m o t, que su r le d o u te, et dans les cir« constances du f a i t , il,fa llo it plutôt ju g er que f enfant
« avoit eu vie , que d'être m ort-né. » ( Quest. 2 1 , liv. 6. )
Enfin A caranza, cité aussi par les adversaires, d it, au
�( H )
rapport de B reton n ier, dans son traité D e p à rtu , ch. 16 ,
n°. 3 2 , que le m oindre signe de vie suffit s’il est certain, *
Dans une cause qui dépend toute entière d’un fait pii'blic et légalem ent attesté, que de simples indices ne peu
vent d étru ire, les réflexions des docteurs consultés p a i
les adversaires ne conduiront pas la cour à tout l’éclair
cissement qu’elle avoit lieu d’attendre de leurs lum ières;
car ces docteurs n’ont pu se déterm iner que par le vague
des enquêtes : aussi leur opinion se réduit-elle à un système;
M ais quelque brillant que puisse être un système, jamais
l ’incertitude n’amena la conviction.
'
.
L e raisonnement des docteurs consultés se réduit à cecn
L a c h a le u r, les m ouvem ens de l ’en fan t, ses soupirs et le
battement de son cœ ur, peuvent avoir trom pé les tém oins,
parce que les genoux trem bloient à celle qui tenoit l’en
fant sur ses g e n o u x , et ce trem blem ent, com m uniqué A
l’enfant, a pu en im poser pou r un m ouvem ent qui lui fût
personnel. L e seu l soupir entendu étant un dernier sorjpir,
n’a été q u’un m ouvem ent exp iratoire, sans inspiration,
parce que les poumons n’ont pas eu la force de supporter
le volum e d’air nécessaire à la respiration. Les sigues de
vitalité rem arqués ne sont qu’ un reste de contractilité et
d’irritabilité tels qu’on les observe sur les têtes nouvel
lem ent coupées, sur le larynx des oies, et nu galvanisme;
T o u t cela n’étoit qu’un indice de la cessation encore
récente de la vie animale.
>
L a base de ce système est une simple possibilité : le fait
principal qui le inotive n’est pas exact, cl par conséquent
lu système s’évanouit tout cutier.
Le
�I
25
(
)
L e tremblement des gen o u x, im puté à la.fem m e C orre,
n’est pas attesté par elle; et sans doute sa déposition devoit
être la plus notable à l’égard d’un fait qui lui étoit per
sonnel.
L e soupir appelé un dernier soupir est encore une
erreu r; car puisque les docteurs ont choisi les témoins
q u i parloient de v is u , ils ont dû rem arquer que la sagefem m e, après avoir lavé l’enfant avec de l’e a u - d e - v ie ,
entendit un gros soupir j puis elle le rem it à la fem m e
C orre pour s’occuper de la m ère. O r , à son tou r, la fem me
C orre lava l’enfant avec du v i n , et alors remarqua que
l ’enfant so u p ir o it, qu’il avoit des mouvemens dans le
visage, qu’il remua les bras trois ou quatre fois, et que
Je coeur lui battoit.
Ces soupirs ne sont pas les mêmes que ceux entendus
par la sage-fem m e quelque temps auparavant. Il n’y a
donc pas, comme l’ont cru les docteurs, un seu l et der
n ier soupir.
A lo r s , et sans exam iner s’il est possible qu’un enfant
sortant du sein de sa m ère rende de l’air par expiration,
sans en avoir jamais asp iré, il est au moins certain que le
prem ier de ces soupirs, à supposer qu’il n’y en ait eu que
•deux, n’est pas un dernier m ouvem ent expiratoire passif.
A p rès cette exanim ation, il seroit impossible de conce
vo ir qu’un second soupir eût pu succéder au prem ier. C ’est
bien assez d’admettre un prem ier soupir dans un nou
veau n,é, si scs poumons n’ont pas eu la force de sup
porter le volum e d’air nécessaire à la respiration.
Les signes de vitalité rem arqués aux têtes fraîchement
poupées ne semblent devoir rien prouver h l’égard d’un
pjifunt qui ne s’éteint que par foiblesse, Dans une tête
D
�r.
" '
. . .
r
, •
coupée, la vie surprise, p o u r ainsi d ire, pendant sa fo rce ,
s’arrête encore dans une partie'restée saine. Les muscles,
irrités ordinairem ent par la m oindre blessure , le sont
bien davantage par leur section entière; et leur contrac
tion com m unique à tout ce qui en dépend un jeu m é
canique qui n’est pas la v i e , mais qui en est l ’apparence.
A u contraire quand un corps entier s’éteint par débi^"lité ou dissolution ', ce m ouvem ent des muscles rie peut
ii
pas survivre à l’atonie de l’organisation ; à plus forte
raison dans un enfant nouveau, qui n’auroit pas eu la fo ire
de supporter une seule aspiration, toute contractilité et
irritabilité, semble une chose entièrem ent impossible.
*
L e larynx des oies ne répète leur cri que pendant la
durée du souffle qu’on y com m unique; ainsi il n’y a pas
de vitalité dans ce qui exige une fonction étrangère.
L e galvanisme peut bien, par une combinaison de m é
ta u x , produire sur des chairs inanimées une com m otion
dont nos sens imparfaits ne peuvent pas apercevoir lu
cause : m ais, quelle qu’elle so it, elle est le produit d’un
appareil q u elco n q u e; et jamais un corps n’a répété les
inouvemens galvaniques hors la présence de cet appareil.
Rem arquons une vérité frappante. Dans leur propre
opinion les docteurs ont supposé que la vitalité môme
qu’ ils présum oient dans l ’enfant, étoit l’indice de la ces
sation en cart récente de la vie animale.
V o ilà donc une présomption de m ort attachée A la con
viction que l’enfant vivo it encore un instant auparavant.
O r , cet instant, où est-il? qui peut le saisir aujourd’h u i,
quand les assistans ne Font pu recon n oître? Com m ent,
dans une m atière aussi conjecturale que les signes de la
�H1
( 2?' V
m o rt, les docteurs assureront-ils que l’enfant de Cathe
rine L a fo n t, venu à terme en l’an n , soit m ort avant,
ou pendant l’extractio n , ou une minute après sa nais
sance, avan t, ou pendant son b ap têm e, ou in rnanibus
o bslciricis, suivant le langage de la loi.
L a sage-femme l ’a gardé quelque tem ps; après elle, la
femme, C orre l’a gardé-; puis le c u r é , mandé pour le
baptiser, est v e n u ; et c’est après tout cela qu’on a été
certain de sa m ort.
, ,■ r .
.
- ,
t
'
Quand il n’y auroit pas de signes de vie l’econnus, rien
ne seroit plus conjectural que les signes de la m o rt, et
en ce cas même il faudroit seulement douter.
C a r , comme le dit M» W in s lo w , « si la chaleur du
« corps et la mollesse des* parties flexibles sont des signes
« incertains d’une vie encore subsistante, la pâleur du vi« sage, le froid du corps, la roideur des extrém ités, la
« cessation des m ouvemens et l’abolition des sens externes,
« sont des signes très-équivoques d’une m ort certaine....
c< 11 est incontestable que le corps est quelquefois telle« ment privé de toute fonction v ita le , et que le souille
« de la vie y est tellement cach é, qu’il ne paroît aucune
« différence, de la vie et de la mort. » ( Dissertation.sur
l’incertitude des. signes de la m o r t, page 84. )
E t c’est parce que les signes de la m ort sont plus dou
teux que ceux de la v ie , que les auteurs de médecine
h’ gale se contentent des moindres indices pour présum er
la vie de reniant.
S i sp ira v en t, dit Zuchias ,• s i mem hra d isten d en t, s i
se m o v en t, .si sternutaverit, s i urinant red^at. •( Quest,
xuédico-leg. liv .
tit. , n°, 123.) Cependant la plupart
5
D 2
�WV
\>\
• . ... (
3
de ces cas pourroient se prendre encore plus pour de
simples m ouvem ens de vitalité musculaire.
Foderé m arque une notable différence entre le cas où
l’enfant seroit m ort dans le ventre de sa m è re , et celui'
où il ne m eurt que pendant sa naissance. A u prem ier
cas, l’état qu’il décrit des souffrances de la m ère ne laisse
pas de doute; au deuxièm e cas, il indique comme signe
de m ort le défaut de pulsation et de chaleur des artères
ombilicales : néanmoins il cite encore des exemples où
ccs signes mêmes ont trom pé les praticiens. ( M édeciue
c iv ile , tom. i , n ° . 288.)
M ahon ne pense nullem ent que la pulsation des artères
soit un sim ple indice de vitalité et de contractilité. « L a
«
cc
«
«
«
continuation du battement du cœur et de la circulation
du sang en gén éral, dit-il, est un indice bien plus sûr dé
la vie de l’enfant après sa naissance. Cette fonction est,
de toutes celles qui tom bent sous les sens, la plus im portante de la vie animale. » ( M édecine lé g a le , tom. 2 ,
pag- 393- 3
Si donc nous ignorons quand est m ort l ’enfant de Ca
therine L afon t, au moins ne l’étoit-il pas quand son cœur
battoit encore; et si les mouvemens des bras et du visage
sont, comme les soupirs, des signes douteux de la v ie , au
m oins tous les raisonnemens de l’univers ne prouveroient
pas qu’ils sont des signes de mort.
C ar il faut pour les adversaires des signes évidens de
m o rt, puisqu’ils attaquent un acte de naissance.
E h ! où en serions-nous, si h chaque m ort il falloit élever
autant de doutes et d’incertitudcs?
Les hommes sont convenus de regarder comme i’ins-
�( 29 ) ^
#
tant fixe de la m ort celui de la cessation totale de la cir
culation du san g, suivie de la roideur des membres; et
les intérêts de toutes les familles se règlent chaque jour
sur la foi de cette croyance.
On: sait bien qu’il est de loin en loin des exceptions
à cette rè g le , et que des personnes ont v é c u , après avoir
eu tous les signes ordinaires de la mort,
c M ais on ne vo it pas pou r cela que ces phénom ènes
changent les notions de l’habitude; et certes nul ne certifieroit vivant un homm e sans pouls et sans fle x ib ilité de
m em bres, parce qu’il en auroit v u v iv re d’autres ayant
les mêmes symptômes de m ort.
Com m ent donc est-il possible de décider qu’ un enfant,
qui conservoit du m ouvem ent , etoit cependant m o r t,
par cela seul qu’il est des exemples que des individus
morts ont quelquefois donné des signes de vie.
Cependant il ne s’agit ici que de fixer l’époque précise*
d’ une m ort reconnue récente ,* et au lieu de la rechercher
dans des possibilités et dans des h ypoth èses, pourquoi
ne pas supposer aussi une cause plus im m édiate et plus
naturelle?
'
.
• .,
L es couches de; Catherine L afon t ont été laborieuses;
I
7
voilà un fait connu.
, ‘
L ’enfant a dû être très-acçablé, et avoir besoin du plu9
grand calm e; si on l ’a tourm enté on n’a pu que lui nuire :
Voilà la prem ière présom ption certaine.
Mais au lieu de lu i laisser du x*epos on lui a coupé le
cordon om bilical, on l’a frotté avec de l’eau-de-vie, puis
avec du vin.
P ou rqu oi donc ne pas croire que ces opérations ont
�$ e *
('3 0 '
achevé d’éteindre une vie encore ré cen te, plutôt que
d é s ig n e r une époque antérieure, sans aucune certitude, ;
mais pnr sim ple soupçon.
^ ' *ni >{
Ici au moins nous présentons :un système qiii "anime *
hase, et cette base est assise^sur une grande autorité.)
« Lorsque l’enfant, dit H ipp ocrate, est »sorti du>!gein:'
« de sa m ère avec effort, com m e il est fo ib le , il ne fautj
« p a s lui c o u p e r 'l’om bilic q u’il n’ait crié et'uriné/*»
( 'H ippocr, de sùperf. ch,
)
yb
'i
' - I ■
r-i
E t qu’ori n’objecte pas que ce sont là des principes d’an-<
cîenne th éorie; A lphonse L e r o i, qui les rap pelle, ajoute ;
5.’
-*I
ru
« Nous développerons ailleurs ce précepte excellent, que
cc nous tâchons chaque jour de rétabjir. » ( A lp h . L e r o i,
pratique des accouclicm ens. )
: 1
)
L a section du cordon om bilical a donc pu nuire à un
enfant déjà fo ib le ; des frictionâ d’e a u -d e -y ie sur’ son
visage ont dû m ême lui causer une l’évolution qu’il étoit
hors d’état de supporter : c’est en ce m om ent q u eu es
soupirs ont annoncé le dernier effortfde la n ature; e t’
quand le spasme a arrêté le battemenÉidé son; cœ u r, il
a résulté de cette siïsperl^ion rtiêmé^que Jc’est alors seu
lement qu’il a cessé de vivre.
* f
Si ce n’est là qu’une présdm ption ,>-'cl1é> a p o u r elle les
dépositions des témoins qui ont vu des m ouvem eus ’jus-r
q u’aptès la friction d’eau-cte-vite : mnis,d,aÎllle ui‘s, daiisî lo
dctotb m êm e, la réligion , laph ysiq u e ét les lois-puésument
que l’enfant a vécu.
1 ' '•
„1
,
>
i ih) 'i i-. ii»!
1
r ‘ 'ReniarqiiorÀ’ co nVbîeri'eii^oVé^ ti
jiorï do dn. <vio
est ici plus favorable que dans l’espèce des lois voiiiainrs. J ,;ï
il sVigissoit'(ilLM‘6tTrprLJ'ni1i
4
efrPj <
*.•¿tpuru; pei' Iu
�1p o u r,Ie :^ s th u m £ ,':sMr^^
, in m anïbus ohs~
tetricîs; ic i, au contraire, iï s’agit < e présum er la vie en
faveur d’une m ère, et de supposer que la nature a suivi
son cours oi’din aire, en faisant naître vivan t un enfant
q u i,'v e n u -à term e, étoit légalem ent viable.
’
^
'A Cj
\
3
O n a articulé contre l’acte de. naissance des vices de
form e, mais ils sont im aginaires, et n’em porteroient au
cune peine de nullité. L e seul vice conséquent serait de
‘ n’avoir pas porté l’enfant à là maison com m une ; mais
la loi dit seulement qu’il sera présenté à l ’officier p u b lic,
Jet l’officier public l’a vu.
u. ' ‘r
O n se fait un moyen de ce que Catherine L afon t a
contracté récem ment un second mariage. M ais qui peut
lui reprocher ce que la loi et les bienséances autorisent:
' depuis trois ans elle n’a plus le bonheur d ’être épouse
ni m ère, et l’obéissance qu’elle doit à son père ne lui a
pas permis de mettre un plus long term e-au désir qu’ il
manifestoit chaque jour de se donner un nouveau sou
tien. M ais au reste, quelle influence cet événem ent peut-il
avoir pour la cause, et surtout pôur infirm er un juge
ment antérieur ?
•
■
Ce n’est pas moins une m ère qui réclame la succès«
*
»
.
sion de son enfant, luctuosam hœ reditcitem , suivant le
langage de la lo i. O n a blâmé les premiers juges d’avoir
dit que celle qui avoit co u ru 'les dangers de la maternité
méritait la préférence dans le doute ; mais ce m otif, bien
loin d être aussi absurde qu’on le p réten d , est entière
ment puise dans la nature et dans la m orille, comme il
1 est dans l’opinion des plus sa vans auteur^, et notamment
�C 32 )
-de D o m at, qui parle de la faveur de la cause du père ou
de la m ère qui survivent à leur enfant.
Cujas d it, com m e les prem iers juges, que la plus favo
rable interprétation devoit être pour la m ère en sem
blable circonstance, B e nignius est credere ordinem nar
turœ servasse f o rtu n a m , ut in dubio m a tr i fa v e a m u s ,
-quœ in luctu est magno , propter am issum f ilium et
m a r itu m , q uam agnatis. ( C uja c, ad leg. 26, D e pact.
dot. )
A quels titres en effet seroîent plus recommandables
d es collatérau x, qui ne voyant dans les dangers d’une
m ère q u’une exp ectative, et dans ses m alheurs qu’ une
succession, veulent tout renverser pour en faire leur
p r o ie , e t , irrités de trouver une barrière dans un acte
authentique, osent ro u vrir les tom beaux de leur fam ille,
p o u r chercher une heure in certain e, et recueillir pour
ainsi d ire la vérité dans le néant ? L a cour ne verra en
eux q ue des profanateurs av ides, qui d’ailleurs, dans leurs
m oyens im puissant, sont encore bien loin d’avoir satis
fait à ce qu’ils s’étoient imposés à eux-mêmes pour par
v enir à renverser un acte d’ordre p u b lic , par le m otif
u nique de leur intérêt particulier.
»
M e. D E L A P C H I E R , avocat,
M° . T A R D I F , licen cié a v o u é x
A RI
O M , de l'imprimerie de L a n d rio t , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Nivôse an 1 4
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Lafont, Catherine. An 14]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
viabilité nouveau-né
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
experts
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour Catherine Lafont, et Louis-Auguste Petauton, son mari, habitant à Néris-les-Bains, intimés ; contre Gilbert Lafont, Jean-Baptiste Bournet, Jean Forichon, Marie et autre Marie Lafont, leurs femmes, habitant aussi à Néris, appelans.
Table Godemel : Viabilité : à quels signes peut-on reconnaître qu’un enfant est né vivant ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 14
1801-An 14
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1508
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0722
BCU_Factums_M0723
BCU_Factums_M0323
BCU_Factums_G1506
BCU_Factums_G1507
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53248/BCU_Factums_G1508.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Néris-les-Bains (03195)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
actes de naissance
baptême
doctrine
experts
Faux
médecine légale
Posthume
sage-femme
Successions
témoins
viabilité nouveau-né
vices de forme
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53242/BCU_Factums_G1502.pdf
909b27e6f454feb8207dae025e0f2c10
PDF Text
Text
ai
COUR
D ’A P P E L
SÉANT
%»' » iu<«k iir
A RI OM.
J a c q u e s C H A V E , appelant ;
C O N T R E
Jeanne
L
A
VALLA, et E l i s a b e t h FERRIER,
sa fille , majeure intimées.
,
recherche de la paternité est interdite , et c’est
dans nos mœurs un scandale de moins. D ans ce secret de
la nature , le législateur ne p o u v o it que s’en rapporter à
la crédulité de l’ h o m m e , ou se jeter dans le vagu e des
conjectures : le prem ier parti seul étoit juste; la loi l’adopte;
et aucun enfant naturel n’a le droit de nom m er son p è re
que celui qui a vo ulu se déclarer tel.
N ul acte ne doit donc être plus lé g a l, plus lib r e , que
cette déclaration. L e soupçon seul de contrainte est incomA
�1
( o
patible avec elle ; car si elle n’est pas clairement l ’eiTet
^
spontané de la réflexion , le bu t m oral de la loi n’existe
plus.
* - *'* -uXLî^ g\
L ’appelant réclam e contre l ’oubli de ces p rin c ip e s, et se
place sous la protection de la c o u r , p o u r faire annuller un
***'
acte in fo r m e , auquel on l’a fait participer par la violence ;
4
il demande à n’être par foi’pè île rçcpnnqître un enfant. ' ',
•
y* " '
■
U fX«rilÉi)
qui ne fut jamais le sien.
-y*
^
^
L es premiers juges n ’ont pas vo u lu admettre là jîreuve*«'^ >*u
q u ’il étoit à m êm e d ’o ff r ir ; et si cette o p in io p ,'p o y v o it ^ .*
p ré v a lo ir , il en résulteroit que , contx;e ,le-*vœu'de i« l a i f
un h o m m e donneroit son nom m algré lui à u n 'e n fa n t
**••?
n a tu r e l, seroit contraint de prendre soin d’un étrtfng^r,-' *- >
et de lui laisser sa succession.
. ;
*" '
F A I T S .
Jeanne Valla^ et Elisabeth F e rrie r, sa fille, habitent le
lieu de M a z e t , m airie de Cham bon. L eu rs habitudes et
leurs mœurs étoient à peine connues de Jacques C h a v e ,
qui demeure à la distance d ’environ une lieue de leur
domicile.
Son â g e , plus avancé m ôm e que celui de la m ère, ne lui
eût donné aucun prétexte de se rapprocher de la fille. U n
séducteur à ch e v e u x blancs est ra re ; au village il ne connoît pas l’oisiveté qui nourrit les illusions, et la m onotonie
de ses travaux rustiques avance l’amortissement de ses
sensations, en occupant toute son existence.
Ces femmes étoient donc absolument étrangères à Clia ver
lorsque tout d’ uu coup il s’est trouvé m êlé à leur destinée
**
�(3)
SU
p ar une de ces sourdes m anœuvres que l ’enfer seul peut
faire concevoir.
U n matin à huit heures ( le 21 germ inal an 9 ) , Jacques
C have , m a la d e , est brusquem ent arraché de son lit par
deux frères de la fille F errier , suivis de trois autres jeunes
gens armés de bâtons ou de fourches. Il se disent envoyés
par le sieur de B an n es, m aire de C h a m b o n , et comman
dent i'i C have de les suivre dans la maison de ce sieur de
Bannes. Il s’habille et les suit.
L à il trouve Jeanne V a lla qui paroit en grande ç o l e r e ,
l ’accueille par des injures grossières , lui dit que sa fille est
a c c o u c h é e , depuis quinze j o u r s , d’un garçon dont il est
le p è r e , suivant le récit de sa fille et de M . le m aire de
C ham bon , et q u ’il faut signer sur le cham p l’acte de
naissance.
C h a ve , étourdi d ’une vespérie aussi in a tten d u e, pressé
entre les cris de la m ère , les coups de poings des f r è r e s ,
et les menaces de leurs trois hom m es d’esco rte, veut éle ver
la v o i x , et in v o q u er la notoriété p u b liq u e; des bâtons sont
levés contre lui p o u r toute réponse : il sollicite la justice
du m aire , mais le m aire le pren d à part p o u r lui dire
q u ’ il falloit céder à la circonstance, et que sa v i e .n etoit
pas en sûreté. L ’avenir a appris à C h a v e quel interet pres
sant le m aire lu i- m ê in e avoit a ce que la calom nie eut
une direction certaine.
O n com prend alors que cette derniere insinuation a
ébranlé le courage de Chave. L e sieur de Bannes prend
aussitôt le registre des actes, y efFace quelques mots, en subs
titue d’a u tre s , et remet une plum e à C h ave : une seconde
résistance am ène de nouvelles violences. I l fait enfin ce
q u ’ on exige ; il signe.
�(4)
E n sortant de chez le m a ire , les satellites le mènent au
cabaret, se font donner ù b o ire , le forcent à p a y e r, mettent
l ’enfant dans ses bras , lui font les pins horribles menaces
s’il dit un m ot ; et se retirent.
Sans doute il m an gu e à ces faits beaucoup de circons
tances
importantes ; mais C h a v e , glacé d’épouvante ,
étoit-il libre de r é flé c h ir ? L a plupart de ces détails ont
échappé à sa m é m o ire , ou plutôt à son attention».
Enfin C h a y e , revenu de son étourdissem ent, p ut réflé
ch ir sur les conséquences de l ’acte qu ’on venoit de lui
e x t o r q u e r , et sur le parti q u ’il avoit à prendre.
L a dém arche la plus pressée et la plus indispensable,
étoit de se débarrasser de l ’innocente créature q u ’une
m ère dénaturée avoit rejetée de ses bras p o u r l'aban
don ner aux. soins d ’un étranger. C h a v e hésita s’il la
r d p p o r te r o it, dans la n u i t , à la porte des F e rrie r : cepen
dant la l’e l i g i o n , l’hum anité , peut-être la terreur pourlu i-m è m e , l’em p ortèren t sur son d é g o û t , et il fit porter
l’enfant à une nourrice.
M a is aussitôt, et en signe de sa protestation, il rendit
plainte au juge de p a ix de T e n c e ; le juge de p a ix le
ren voya au magistrat de sûreté : mais com m e la plainteéloit dirigée aussi contre le m a ir e , les autorités délibé r è r e n t , et ne résolurent rien.
C h a v e in q u ie t , et ne voulant pas que son silence p ût
d éroger a son d r o i t , se décida à citer, le floréal an 9 ,
5
tant Jeanne V a lla et sa fille , que le m aire lui - même-,
p o u r v o ir dire q u ’il seroit restitué contre la reeonnoissince de paternité qui lui avoit élé extorquée p:ir la
v io lé iit e , et que le m aire seroit tenu de rayer du registre
�3ï
XO>
( 5 >
ce qui concernôit ladite reconnoissance •, et la m ere et
la iille p our être condamnées à reprendre l’e n f a n t , payer
ses alimens chez la n ourrice , avec dommages-intérets.
O n pense bien qu’au bureau de p aix la fille F e rrie r
ne manqua pas de faire la réponse d’ u sag e, qu ’elle avoit
été séduite et abusée sous promesse de m ariage , et q u ’elle
seroit en état de p ro u v e r les familiarités de C h ave avec
elle ; celui-ci l ’en d é fia , et ajouta m êm e q u ’il offroit de
p ro u v e r c e u x avec qu i elle avoit eu fréquentation.
T o u t cela étoit de trop de part et d ’a u t r e , puisqu’il
n’èst permis de rien p ro u v e r
et la fille F e rrie r ne
risquoit rien à faire b onn e contenance. Q u o i qu'il
en
s o it, un p rem ier ju g e m e n t, du 28 p luviôse an 1 0 , m it
le m aire hors de p ro cès, com m e ne p o u v a n t être juge
sans au torisation , et a p p o in ta les autres parties en droit.
Cet appointement ne fournit pas plus d’éclaircisse
ment. C h a ve persista toujours à offrir la p reu ve de la
violence exercée contre lui -, et les femmes F e r r i e r , q u i ,
au bureau de p a i x , n’a voien t paru a vo ir aucune crainte,
firent leurs efforts p o u r soutenir cette p reu v e inadmis
sible. L e u r système p r é v a lu t ; et le 14 fructidor an 1 0 ,
le tribunal d ’-Yssengeaux rendit le jugem ent qui suit.
.1
« Considérant que l'article 2 du titre 20 de l'ordonnance de 1GG7
défend de recevoir la preuve par témoins contre et outre le contenu
aux actes publics; qu'à la vérité la force, la violence, sont un
moyen pour les faire rescinder, mais qu’en ce cas il faut articuler
de menaces graves, qui feroient craindre pour la vie nietus rnortis,
ou que la partie obligée auroit souffert ‘cliarte privée, ainsi que*
Renseignent Domat en ses Lois civiles, et Potlûtr en son T ra ité
des obligations;
�7
( 6 )
» Considérant que Jacques Chave n ’a articulé qu’il lui ait été
fait aucune menace, ni qu’il ait été commis aucun excès sur sa
personne, ni dans son domicile, ni dans celui du maire où il s’étoit
rendu pour reconnoilre pour lui appartenir reniant d o n t s’éloit
accouchée Jsabeau Ferrier; et qu’étant dans ce dernier domicile,
il pouvoit articuler sans crainte les excès ou menaces qu’il auroit
éprouvés, contre ceux qui s’cn seroient rendus coupables envers
sa personne. »
Jacques Chave est débouté de toutes ses demandes tant princi
pales que subsidiaires, et il est condamné aux dépens.
Cependant C h ave avoit offert expressément de faire
p reu v e de menaces et violences : ses écritures en font foi.
Il étoit p riv é alors d ’un m oyen important. L ’expédition
de l’acte de naissance produite aloi*s au procès, ne mentionnoit ni les surcharges ni les ratures ; elle étoit délivrée
par le sieur de B a n n es, m a ire , qui avoit trop d ’intérêt
à en cacher l’irrégularité p o u r la faire soupçonner. A u
reste, C have s’est p o u rv u en la cour contre le jugem ent,
et il sera question d’exam iner de quelle influence la form e
de cet acte doit être p o u r la décision du procès.
M O Y E N S .
L ’ancienne législation française étoit extrêm em ent dure
contre les enfans naturels; et cependant, par une étrange
inconséquence., elle admettoit les preuves de paternité
sans distinction. A u jo u r d ’hui la loi a fait p o u r eu x
davantage : mais sans v o u lo ir percer le mystère qu i
cou vre leur naissance, elle rejette désormais les proba
bilités et les fausses conséquences; .elle ne vo it dans
l ’enfant né hors le mariage q u ’ une innocente créature
�^ / 7
/
digne de la pitié de tout le m o n d e , mais ne tenant à la
société que par celle qu i lui a donné le jour. Si cepen
dant un hom m e , gu id é par des apparences q u ’il a ie droit
djapprécier lui - m êm e , et cédant à l’impulsion de sa
conscience,
veut se don ner le titre de p è r e , la loi le
lui p erm et, s’ il n’est engagé dans les liens du mai’iage :
mais com ptant p o u r rien aujourd’hui toutes les démons
trations exté rie u re s, elle exige une déclaration authenti
que et non éq u iv o q u e ; elle prescrit à l’acte une solen
nité plus grande que p o u r la naissance m êm e de l ’enfant
légitim e.
L ’intention du législateur étoit si claire, q u ’elle a ôté
tout prétexte à l ’astuce, et n’a laissé de voies q u ’au faux
ou à la violence. M ais à q u i peut être réservée l ’une ou
l ’autre de ces vo ie s criminelles ? Ce n’est pas à la fille tim ide
q u i , rougissant encore d ’ une prem ière foiblesse, et par
tagée entre l’am ou r de son enfant et la honte de sa nais
sance, n’en ose no m m er le père que dans le secret de son
c œ u r, et se fait l ’illusion de penser que le mystère dont
elle s’en velop p e la p rotégera contre l ’o pin ion qui fait
son supplice.
M ais que feront ces femmes d é b o u t é e s , qui ne voient
dans la prostitution qu ’ une h a b itu d e , dans leur avilisse
ment q u ’ un éta t, et dans leur fécondité qu’ un acciden t?
Incertaines elles-mêmes d’ une paternité q u ’elles déféroient
naguères suivant leurs convenances, elles n’en arrachoient
pas moins des sacriiices pécuniaires aux homm es qui leur
étoient souvent les plus étrangers , mais q u ’ép ouvanloit
la perspective d’ une honteuse et p ublique discussion. Si
on leur laisse en trevo ir aujourd’hu i une tolérance queU
�(; » )
c o n q u e, que leu r coûtera-t-il de tenter d’autres voies p ou r
en ven ir aux mêmes lins? E t s’ il est près de leur demeure
un citoyen paisible, q u i, p ar ses mœurs douces et réglées,
puisse passer p o u r pusillanim e, quelle difficulté y aura-fc-il
de répandre adroitement que c’est là le c o u p a b le , d’ip téresser contre lui qu elqu e personne c r é d u le , de l’effrayer
lu i-m êm e sur les dangers de sa résistance, d’ameuter s’il
le faut ceu x qui ont un intérêt réel <iu succès de la n é g o
ciation ! Jadis il falloit des témoins,«aujourd'hui il ne faut
q u ’une simple signature; tout cela p eu t s’exécuter avec
rapidité : ce n’est q u ’un changem ent de com plot.
Heureusem ent cette rapidité m êm e ne laisse pas au
crim inel le calm e de la réflexion : souvent scs fautes le
trahissent, e t , quelques légères qu ’ elles soient, il faut les
com pter avec scrupule; car on est bien assuré qu’ ellesne
sont pas un simple résultat de sa n égligen ce, mais q u ’elles
ont é c h a p p é à l’excès de sa précipitation.
C e u x qu i ont gu id é la fille F e rrié r dans ses démarches
n ’ont pas visé à l’exactitude ; la co u r en sera convaincue
bientôt par la form e de l’acte de naissance qui fait son titre.
U n e seconde décou verte la convaincra encore q u ’il ne
s’agit point ici de ré p a r e r , envers une fille s é d u ite , des
torts que la m alignité suppose toujours. L a fille F errier
a , le 20 prairial an n , donné une n ouvelle p reu v e de
sa con tinence, en faisant baptiser un fils sous les auspices
de son frère et de sa m è r e , que l’acte apprend m êm e avoir
été sage-femme en cette circonstance.
Il ne paroît pas que p our cette fois la m ère et la fille
Fen-ier aient jugé à propos de réunir un conseil p o u r
disposer du nouveau n é , et lui élire un père ù la p lu
ralité
�(?)
ralité des suffrages; il est vraisem blable que la précédente
tentative les avoit intimidées.
• Q u o i q u ’il en soit, et soumettant cette découverte p ré
cieuse aux réflexions de la cou r , l’appelant ne s’en occu
pera pas plus lo n g -te m p s , et se contentera d’observer
q u ’ il n’y a rien de légal dans la prétendue déclaration de
paternité q u ’on lui a fait sig n er, et au surplus que les faits
-de violences articulés suffiront p ou r la détruire. C ’est à
l ’examen de ces deux propositions que l’appelant réduit
sa défense.
i ° . L a d éclaration de "paternité n e s t pa s légale.
Ija lo i du 12 bru m aire an 2. s’occupoit de trois espèces
d ’enfans naturels, après a vo ir décrété en principe qu ’ils
^toient successibles.
i° . C e u x dont le p è r e é t o it d é céd é , et il leu r suffisoit
de p ro u v e r une possession d’ é t a t , par des soins donnés
à titre de p a te rn ité , et sans in terru p tion ; 2°. xles enfans
d ont le père et la m ère seroient encore vivans lors du
C o d e c i v i l , et leur état civ il y étoit re n v o y é ; 3 0. de ceu x
dont la m ère seule seroit décédée lors de la publication
d u C o d e , et alors la reconnoissance du p è r e , faite devant
l ’oilicier p u b l i c , rendoit l’enfant successible.
Il s’agit ici d’ un enfant de la seconde espèce ; et le p ré
tendu p ère , quel qu ’il s o i t , de m êm e que la m è r e , sont
dits vivans.
O r , quelle nécessité, quelle
urgence y a v o i t - i l de
p réve n ir la publication du Code civ il , en faisant faire
une déclaration que la loi ne demandoit p a s , et q u ’ello
B
�ajournent au contraire ? N ’a percevroit - on pas déjà le
do l dans cette extraordinaire p révoyance ?
D ira -t-o n que le Gode civ il prescrit aussi une décla
ration au th en tiqu e, et q u ’ on n’a pas v io lé la loi en la
devançant ? M ais qui blâm era les législateurs de l’an 2 ^
d ’a vo ir vo u lu p r é v o ir q u e leur système ne seroit peutêtre pns celui du C o d e civ il ? qu i leur reprochera d’a v o ir
supposé que les dispositions de ce code seroient déli
bérées avec plus de maturité , et de s’être défiés de le u r
p rem ie r système sur une innovation aussi im p o rtan te?
Ils vo u lu ren t rég le r le passé seulement ; et les débats
qui ont eu lieu sur la lo i transitoire du 14 floréal an 11 ,
nous apprennent assez q u ’il n’y a eu , dans l ’intervalle d e
l ’an 2 à l ’an 1 1 , aucune législation touchant les enfans
naturels. L es bulletins de la c o u r de cassation sont aussi
rem plis d’arrêts qu i ont cassé tous les jugeinens dans lestjuels les tribunaux avoient vo u lu r é g l e r , m êm e p r o v i
soirem ent , le sort de quelques enfans n a tu re ls, pendant
cette lacune d e n e u f ans.
Il ne p o u v o it donc être question d e fixer l ’état d e
l’enfant d ’Elisabeth F e rrie r q u ’après le Code c i v i l , dont
l ’art. 334 p orte que la recounoissauce sera faite par un acte
a uthentiqu e, si elle ne l’a pas été par l ’acte de naissance.
M ais fût-il indifférent q u e la rcconnoissance contestée’ „
•ait été faite avant ou après le Code c iv il, m algré la sus
pension totale e x ig é e par la cou r d e cassation , et rappelée
par la loi transitoire; cette reconnoissance n ’en est pas
moins ir r é g u liè r e , car elle n ’est faite ni par l’acte d e
naissance lu i-m êm e, ni par un acte séparé authentique*
V oici com m ent cet acte est littéralement écrit au registre*
�c » î
A c T I
D I
N à Î S S A S C I i
rt D u huitième jour du mois de germinal, l’an 9 de la répu« blique française. A cte de naissance de Jacques^ f i l l e ( Ce mot
» est effacé, et on y a substitué au-dessus, dans Vinterligne,
» F e r r i e u , que l’ on a encore effacé, et l ’on a écrit à côté G11 a v e . ),
» né hors de mariage, né le septième jour du mois de germinal,
» à sept heures du soir, fils d ’isabeiu Ferrier, non mariée, domi» ciliée du lieu de la Marette, susdite commune, et Isabeau Ferrier,
» non mariée; le sexe de l’enfant a été reconnu u n e ( On a couvert
» d’encre la lettre e . ) f i l s , né hors de mariage : premier témoin,
» Jean-Pierre Ferrier, demeurant à C iiam bon , département de
» la H a u te - L o ir e , profession de cultivateur, âgé de irente-neuf
» ans; second témoin, Pierre Rue], demeurant à C h a m b o n , dé-*
u partement de la H a u t e - L o ir e , profession de tailleur d ’habits,
» âgé de cinquante-quatre ans. Sur la réquisition à nous faite par
» Marie R u e l, sage-fem m e de ladite accouchée, avons inscrit le
» sus-nommé Jacques Feuuieu ( C e mot est raturé, et l’ on a mis
y> au-dessus, dans l’ interligne, C iia v e. ), portant l e n o m d e sa
» m è r e ( Ces mots ont été rayés, et l ’on y a substitué ces mots :
» l e n o m d u p è r e . ); et ont la déclarante ne savoir signer, et les
» témoins signé. Ferrier, R u e l, signé à l'original. »
« Ledit Jacques Chave père reconnolt ledit Jacques son fils, de
» ladite déclaration de la présente, acte; le reconnoit pour son
»> véritable fils, avoir droit à tous ses biens, en présence de Jean» Louis Riou. ( -f* Ici est un renvoi. ) Constaté suivant la loi, par
» moi Annet de Bannes, maire de la commune de Cham bon, fai» sant les fonctions d ’officier public de l’état civil. Ledit maire
» approuve toutes les ratures ci-dessus. D e Bannes, maire, signé.
“
Et de Pierre C allon , et de Jean-Pierre Fresclict, et de Jeanw Pierre Ferrier ; et dit Jacques Ghavd a signé avec les tcmoin$.
13 2
�_»
t
(
)
» Ont signé, ledit Pierre Callon a déclaré ne savoir signer , C liave,
» R io u , Freschet, Fcrrier. D e Bannes, m aire, signé. »
( Nota. L ed it renvoi est en marge, en travers. )
■
Pour copie figurée :
L e secrétaire général de la préfecture
de la Haute-Loire ,
BARRÉS.
Il est aussi ¿vident q u ’il puisse l ’ê t r e , que cet acte se
compose de deux parties Lien distinctes , qui në sont pas
d ’un m êm e c o n t e x t e , ne sont pas l’ouvrage du m ê m e
m o m e n t , et cependant ne sont pas deux actes absolu
m ent séparés.
i° . A c t e de naissance bien parfait et très en r è g le , d’un
enfant né dyls a b e a u F e r r ie r , s a n s m en tion d u p ère.
O n lu i donne le nom de sa mère. Il y a deu x témoins
de cct a c te , Josep h F e rrie r et M a rie R u el. L ’acte est
donc com plet : le v œ u de la lo i d u 20 septembre 1792
est rem pli.
,
2°. V ie n t ensuite une déclaration de C h a v e , qui est à
la suite du p rem ie r a c t e , et qui a exigé des surcharges.
M a is p e u t - o n , de bonne f o i , y v o ir un acte authen
t i q u e , une reeonnoissance de paternité telle q u e la loi
la com m ande et que la raison la c o n ç o it ?
Cet acte n’a aucune date , parce q u ’en effet il a eu
lie u
le 21 g e r m i n a l, et a été ajouté a un acte terminé depuis
le 8. Com m ent supposer en effet q u e celte déclaration
finale fait partie de l’acte du 8 ? Les témoins dénommés au
.prem ier u c signent pas la déclaration.
�/
37
( 13 )
O n a raturé et interligné le prem ier acte de naissance,
sans faire i*ien ap p ro u ver aux prem iers témoins. L e maire
se u l ap p ro u ve t o u t , m êm e ce q u ’il lui plaira de raturer
e n c o re ; les autres t é m o in s , C h a v e l u i - m ê m e , ne font
aucune approbation. O r , il est de p rin cipe que les ratures
et interlignes sont inutiles dans les actes, s’il n ’y a appro
bation des parties et témoins.
Il est un autre p rin cipe élémentaire en rédaction d’actes,
quelque peu d’ importance q u ’ils aient; c’est que les tém oins
dénommés en l’acte signent à la fin : ici la sage-femme et
le f r è r e , qui ont déclaré la naissance le 8 , n ’ont pas signé
à la fin. Si c’est un seul et m êm e acte, les uns l’ont signé
au m ilie u , et d’autres à la fin : chose bizarre et rid ic u le ,
qui ne peut s’a llie r avec la g r a v ite de l ’acte qu’on prétend
maintenir.
Q u e p e u t - i l résulter d’un acte de cette e s p è c e , si ce
n ’est de la pitié p o u r ses ré d a c te u r s , et une conviction
intime que ce n’est pas C h a v e qu i est allé déclarer la n a is
san ce d’un enfant com m e s’en disant le père ?
L e but de la lo i n’est donc pas rem pli ; car dans qu elqu e
form e que dût être une reconnoissance de p a te r n ité , il la
falloit dans l’acte m êm e portant la déclaration de naissance,
ou bien il falloit un acte p a rtic u lie r, daté lu i- m ê m e , et
qui 11e fût pas réd igé dans une form e ayant p o u r but de le
rattacher à un autre acte, auquel il ne peut appartenir.
Car rappelons-nous q u e l ’article 334 du Code civ il dilt
que la reconnoissance sera faite p a r l’acte de naissance,
«u p a r un acte ath en tiqu e; à qu oi l’article 62 ajoute que
la c té de reconnoissance sera inscrit sur les registres n sa
date y et q u ’il en sera lait m ention en m arge de l’acle de
naissance.
f-V
�7
C «*
B.appelons-nous encore que le but bien positif de la loi
est de ne com pter p o u r rien les reconnoissauces antérieures
au c o d e , quand l ’auteur est vivant. Il en est de cela com m e
des testamens antérieurs à l’an 2, q u ’ il falloit refaire p o u r
les circonscrire dans les termes du droit nouveau. L a loi
a eu ici un but plus m oral : les changernens apportés au
système passé justifient sa mesure dilatoire.
E t ne nous abusons pas sur l ’im portance des formes
dans une matière aussi délicate : on est si scrupuleux
p o u r tant d’autres actes! U n seul m o t é q u iv o q u e en un
testam ent, détruit toute la volon té d’ un père de fam ille;
u n e donation exige encore des formes plus m ultipliées.
Ces actes sont-ils donc aussi importans qu e celui où il s’agit
de transmettre sou nom et sa fortune ; où il s’agit de plus
e n c o r e , de vaincre l ’opinion et de surm onter sa p ro p re
répugnance ? D ’ailleurs , p o u rq u o i 11e p ourrion s - nous
pas dire p o u r un tel acte ce que R ica rd dit des tcstam ens,
« q u e toute leur force consiste dans leur solennité, et toute
« leu r solennité consiste dans les formes ? »
A u jo u r d ’hui il faut y ajouter une v é rité bien c e r t a in e ,
c'est que la seule supposition q u ’un h o m m e est tenu et
obligé de se charger d ’ un enfant naturel sans sa libre
v o l o n t é , est incom patible avec le système indubitablem ent
reçu sur la législation des enfans naturels.
20. Cette d écla ra tion de p a tern ité est n ulle , s 'il y
a
violen ce. L e s f a i t s a rticu lés suffisent. L a preuve en
est a d m issible.
On est extrêmement sévère dans le monde pour ju ger
�5
( i
)
des eiTets de la p eu r d’autrui ; e t , quand on en com
mente les p articu larités, on détaille très-ponctuellement
la conduite qu ’ on auroit tenue en pareille occurrence.
Cependant rien n’est plus difficile à rég ler p o u r soi-m êm e;
c a r , en d e u x cas semblables , le m êm e in d ividu se c o n dui roit rarem ent deux fois de la m êm e manière. M ais
celui q u i raisonne ainsi est de sang-froid , par cela seul
qu’il ra is o n n e , tandis que le p rem ier elfet de la terreur
est d ’absorber toutes les réflexions / p o u r ne laisser place
q u ’à une seule id éed om in an te, la conservation de soi-même.
Q uelques auteurs , partageant sur ce point les idées du
v u lg a ir e , sem bleraient aussi se m on trer difficiles à ad
m ettre la p lup art des excuses fondées sur la crainte. 11
faut d is t in g u e r , d is e n t - ils , la cra in te gra ve et la crainte
l é g è r e , et on ne peut tro u v e r de m oyen rescisoire q u e
dans celle qui su ffiro itp o ur ébranler la ferm eté de l’h o m m e
le plus in tré p id e , m etus n o n v a n i h o m in is , sed q u i in
1
h om in etn co n sta n iissim u m c a d a i, . 6 , fF. Q u o d m etus
causa.
Ces a u te u rs, s’en tenant à une lo i isolée démentie p a r
beaucoup d’autres, n’ ont pas v o u lu ap ercev o ir, dans cette
rigueur étrange, un m on u m ent de la iierté romaine plutôt
qu’une règ le générale. Ce p e u p le , qu i avoit détruit le
tem ple é le v é p ar T u llu s à la C ra in te , n’ éto it, en la pros
crivant p ar ses lois, que conséquent avec lu i-m êm e . Sous;
un système de conquêtes sans b o rn e s, et avec une consti
tution toute m ilitaire, quel rom ain p ou vo it allégu er u n e
crainte lé g è re ! E le v é dans les carpps, son excuse m êm e
eut consacré sa houle , et la loi étoit rigoureusement juste
en exigeant de lui l’intrépidité d ’uu soldat.
�L a France militaire ne réprouvera pas cette législation
sévère ; elle l ?c*ût créée e lle -m ê m e , s’il falloit un code au
courage. M ais les actes civils des simples particuliers ne
se règlent pas par des m axim es nationales; la théorie
principale des lois consiste à les a p pro p rier au x mœurs
de ceux q u ’elles doivent régir.
G ardons-nous donc de l’exaltation , quand elle est hors
de m esure; ne nous obstinons pas à tro uver un Scévola
dans un laboureur tim id e , qui ne connut depuis sa nais
sance que sa charrue et le hameau de ses pères.
L es auteurs les plus judicieux du droit n’ont eu garde
aussi d’appliquer sans distinction la sévérité des principes
romains. D o rn a t surtout, à qui les premiers juges ont fait
Finjure de prêter une opinion si contraire à son discer
n e m e n t, D om at , dont l’ouvrage im m ortel n ’est que le
précis des lois rom aines, bien loin de se fonder sur la
loi 6 , ne la signale que p o u r en blâm er la rudesse.
« N ous avons v o u l u , d it-il, rétablir les principes na« tu rels, et rendre raison de ce que nous n’avons pas mis
« cette règle du droit rom ain parmi celles de cette sec« t i o n ......... T o u tes les voies de fait, toutes les violen ces,
■
v toutes les m enaces, sont illicites; et les lois condam« lient non-seulement celles qu i mettent en p éril de la
k vie ou de quelque tourm ent , mais toutes sortes de
« voies défait et mauvais traitemens. E t il faut rem arquer
« que com m e toutes les personnes n ’ont pas la m êm e
« fermeté p o u r résister à des violences et â des menaces,
ce et que plusieurs sont si foibles et si tim ides, q u ’ils 11e
« peuvent se soutenir contre les moindres impressions,
« un n e d oit pas b o rn er la p rotection des lo is con tre les
« m en a ces
�/-«
4 ^
( ij )
« m enaces et les v io le n c e s , à ne réprim er que celles
« q u i so n t capables d ’abattre les personnes les plus
« intrépides ; mais il est juste de p rotéger aussi les plus
« tim id es............
« 11 est t r è s - j u s t e , et c ’est -nôtre u sa g e , que toute
« violence étant illic ite , on réprim e celles m êm e qui
« ne v o n t pas à de tels ex c è s, et qu’ on répare tout le
« préjudice que peu ven t causer des violences qui enga« gent les plus foibles à qu elqu e chose d’injuste et de con« traire à leur intérêt : ce qu i se tro u ve m êm e fondé sur
« quelques règles du droit r o m a i n ............et ces règles
« sont tellement du d ro it n a t u r e l, q u ’zV ne p o u rro it y
« a v o ir d ’ordre dans la so ciété des h o m m e s , s i les
« m oin dres violen ces
étaien t réprim ées. » ( Sect. 2 ,
des vices des c o n v e n t i o n s , p ré a m b u le .)
•’
Il est peut-être inu tile, après a vo ir cité D o m a t , de faire
d’autres recherches ; mais les prem iers juges ont encore
fait l’ injure à P o th ie r de lui prêter des principes qui ne '
sont pas lës siens.
•
Cet auteur cite les lois ro m a in e s , et par conséquent
les rappelle
lelles q u ’elles sont. M ais il termine son
article de la crainte par dire que « le p rincipe qui ne
« connoît d’autre crainte sufTisante p o u r faire pécher un
« contrat par défaut de lib erté, que celle qui est capable
« de faire impression sur l’hom m e le plus c o u r a g e u x , est
« trop r ig id e , et ne doit pas être suivi parmi nous à la
« lettre ; on d o it, en cette m a tiè r e , a v o ir égard à l'â g e,
« an se x e et à la con d itio n des personnes ( i) ; et telle
( «) Expressions copiées mot pour mot en l'art. 111 a du Code civil.
c
�C 18 )
« crainte q u i ne seroit pas jugée suffisante p o u r a vo ir
« intim idé l ’esprit d’un hom m e d ’un âge m û r ou d’un
« m ilita ire , et p o u r faire rescinder le contrat qu ’ il aura
« f a i t , peut être jugée suffisante à l’égard d ’ une fem m e .
« ou d ’ un v ie illa r d , etc. » ( T ra ité des
page i re. , cliap. I er. , n°. 2 5 , in fin .)
obligations,
Si l’opinion respectable de ces auteurs avoit besoin d’être
fortifiée par d ’autres citations, on les puiseroit dans les lois
romaines elles-m êm es, q u ’il ne faut pas juger par un
fragm ent u n iq u e , et q u i, au c o n traire, nous enseignent
ce que D om a t et P o th ie r vien nen t de nous apprendre.
T o u t consentement doit être l i b r e , disent plusieurs
lo is; e t, p o u r être restitué, il n’est p is besoin d’une v i o
lence c o r p o re lle , mais seulement d’ une crainte inspirée
à celui qui contracte; q u p a d ju sta m restitu tio n is ca u
sa/n n ih il refert u tràm y i an inetu q u is c o g a tu r . . , .
et q u o a d effecturn ju r is u tro b i deest c o n s e n s u s , a c
libéra volu n tas p a tie n tis , ut velle Ji,on videatur. L . 1 , 3 ,
7 e t ü , ff. q u o d m et. C. L . 1 1 6 , de r e g .ju r. ( in C o rv in o .)
Ces lois étoient bien- inoin§ dures, que nç l ’pnt sup
posé les premiers juges; car elles ordonnoient de recevoir
la preuve de la c ra in te , quand m êm e C h a ve auroit été
hors d’état de désigner aucun de ceux qui la lui avoit
inspirée;, n on tatne/i ne cesse est des ig n a r e, perso n am
q u œ m etum in t a lit, sed s u jjic it p r o u a r e in c tiu n , q u ia
7/ietus habet in se ignorantiar//. f , . 14. ff. eod.
En lin , ce qui achève de convaincre que ces lois savole,nt
aussi se mettre à la portée de la foi blesse des h o m m es,
cYst q u ’elles expliquent q u ’ il 11’étoit pas nécessaire de
p ro u v e r l'existence d’un danger- r é e l , mais seulement
�4 $
*
(* 9 )
'.
.
,
.
.
la crainte de ce d a n g e r , qui en elTet devoit detruire le
i)
consentement. S i ca u sa f u is s e t , c ü r p ericu lu m tim eret\
q u am vis p ericu lu m uerb n on f u i s s e t . . . . non con sid é-.
ra tu r e v e n tu s, sed ju s ta opin io.
e0l^‘
1
L e tribunal d’Yssengeaux avoit donc un guide bien sûr:1
A u lieu d’adopter l’antique rig u e u r d ’une lo i oubliée par*
les Rom ains e u x -m ê m e s , il a 4jugé que la crainte inspirée
à C h a ve n’avoit pas été un m o tif suffisant p o u r le con
traindre ; e t cependant il ig n o ro it jusqu’à q u e l'p o in tC h ave avoit été contraint ou menacé ; il l’ ignoroit ët ai
v o u lu l ’ignorer to u jo u r s , en refusant de s’ éclairer par uné'
p reu ve : cependant les faits articulés étoient graves. C h a v e
ofl’r oit et o iïïe encore de p ro u v e r ces f a i t s articulés", etnotam m ent,, i° . que le 21 g e rm in a l îcs frères F e r r ie r ’et*
d ’autres h o m m e s arm és de bâtons SOLlt'Venus c h e z 'l u i
2°. q u ’ils l ’ont forcé de se lev er et de les s u iv r e ,'e n le
m en açan t;
3 0.
que chez de Bannes ils se sont opposés
toute e x p lica tio n , l ’ont in ju rié, menacé et frappé*,
4°.
à*
que1
de Bannes l’a pris à part pour: l ’exhorter à céder à la fo r c e 1
et éviter un plus grand m a l; °. qu’on l’a fd rc é'd e Vëriir'
5
dans un cabaret, où on lui a remis un e n fa n t, avec de
nouvelles menaces.
M a is , a dit le tribunal d’Yssengeaux/, C lia v e 5, soiti dé'
sa m aison.et conduit chez le m aire, p o ù vü it récltfifrér.
■
C e seroit une réflexion b ieiyn atu rèlle, si les faits même'de la caiise n’ étoient déjà venus la détruire ; car ce m aire
lu i-m êm e étoit si peu disposé à user de son a u t o r ité ,'
qu’ il est difficile de ne pas le juger au contraire intéressé1
à l’événem ent.
’
I
1'
il
Muis à quelle protection , il faut' le d ire , auroit pu
�( ' 2 °- )
s’attendre un m alheureux à la m erci de c in q :individus ,
dans le domicile isolé d ’un m aire de v illa g e ? Battu à ses
y e u x , Chave p o u vo it-il se croire dans un asile in viola
b l e ? L e maire lu i-m êm e, l ’e x h o rta n t'à céder à la fo r c e ,
m.ettoit le com ble à sa terreu r, et déclaroit, ou sa p ro p re
c o m p lic ité , ou au moins son impuissance.
L ’acte le m oins im portant d e là v ie seroit vicié par une
semblable v i o l e n c e , à plus forte raison celui de tous les
actes le plus incom patible avec la m oindre contrainte. U n
p ère de famille a contracté un engagement sacré envers
m*s enfans par son m a ria g e; mais c e l u i- l à m êm e qu i
auroit p rocréé des enfans naturels, ne tient à eux par
aucun lien c iv il :.so n h o n neur et les sentimens de la
nature deviennent leu r unique titre , si la paternité lui
a semblé certaine. L es enfans naturels n ’ont point de
fam ille; tel est le langage d e là lo i : elle ne veut pas qu ’ils
en aient une. Q u an d leur père se nom m eroit hautem ent
dans le m o n d e , il ne seroit tenu à rien; la loi lui perm et
seulement de se. déclarer tel par un écrit libre et authen
tique : forcer sa volon té seroit donc se croire plus sage
qu ’elle.
M ais si la loi n’exige rien d’ un père , si elle consi
dère com m e un vice m oral de lui don ner un iils que
sa prop re vo lo n té cependant n’a pas désavoué , peut-on
soutenir l’ idée révoltante q u ’ un h o m m e sera contraint
m algré lui^d’adopter un enfant dont il n’est pas le p è r e ?
Q u i lui donnera la force de supporter , dans sa de
m e u r e , la vue habituelle d ’une créaLure si étra n g è re,
placée là p ou r sa honte im m u a b le, sans aucune com pensatioU'SatisiaisantQ ? et qui oseroit répondre que dans
�4 > '
( 21 )
^
cette situation de d é sesp o ir, aigri p a r u n sentiment d’in
justice , il p û t assez maîtriser une fu re u r c o n v u ls iv e ,
q u i seroit tout à la fois le tourm ent de l’innocence
et
son p ro p re Supplice ?
E loign on s plutôt de vagues suppositions fondées sur une
p u re chim ère. L a p révo ya n ce des magistrats distinguera
la v é rité et les convenances , et éloignera d’aussi sinis
tres présages. O n ne donne p o in t à u n h o m m e l ’enfant
q u ’il repousse avec m épris , qu and la lo i n’en fait pas
un devoir. L a c o u r doit p ron o n cer ici sur les consé
quences d ’un acte l i b r e , et tout p r o u v e q u ’il n’y a pas
eu de liberté dans celui qu i donne lieu au procès. C h a v e ,
con d uit p a r la f o r c e , m enacé dans sa r o u t e , a signé
sous le bâton ; et, p o u r se s e r v ir des expressions de D o m a t,
si un consentement de cette espèce étoit jugé validç , ce
■seroit un a tten ta t a u d ro it n a tu re l ; i l n y a u r o it p lu s
d ’ ordre dans la so cié té des hom m es.
L a conduite d’Isabeau F e rrie r , l ’ép oque de ses co u -ches, c’est-à-dire, de celles qu i donnent lieu au procès,,
le c h o ix de ses croupiers , le lieu de la scèn e , la cir
constance q u ’ un acte de naissance a été c h a n g é , e t c . , tout
cela donneroit lieu à des réflexions beaucoup plus éten
dues , m a is.q u i sei’oient oiseuses, tant que la p reu ve
de la violen ce ne sera pas ordonnée.
Cette p r e u v e , sans con tred it, est adm issible; aucune
ordonnance ne la p r o h i b e ; et ce qui é to n n e , c’est que
les prem iers juges n ’aient pas v o u lu p ronon cer en connoissance de cause.
Il est possible que la m alignité toujours nvide de calom
nie , et toujours difficile ù d é t r o m p e r , prétende que C h a v e
�%
,
. .
( 22 )
n ’a pas été tout à fait innocent envers Elisabeth F errier
de ce dont on l ’accuse : mais il en prend le ciel à tém o in ,
cette fem m e lui fut toujours étrangère.
C h a v e , maître de ses actions , célibataire , feroit sa
jouissance principale de se v o ir re v iv r e dans un fils qu ’il
croiroit le sien ; à son âge, et avec ses principes re lig ie u x ,
il s’en feroit un devoir. Ces deux puissans m obiles ne
peuven t donc être vaincus 'q u e par quelque chose de
plus puissant e n c o r e , une conviction in tim e , une insur
m ontable répugnance.
Il ne demande pas à être cru sur p arole ; et si son
p rem ie r m oyen ne suffit p a s , il offre la p reu ve des v i o
lences qu i l ’ont forcé à donn er sa signature : et certes,
quand la cou r se sera assurée que C h a ve a été forcé de
sortir de son d o m ic ile , mené chez le m aire par cinq
h o m m e s , menacé et battu , elle a p p réc ie ra alors toute
la valeu r d’ une signature donnée dans de telles circons
tances ; et lorsque la vertueuse Elisabeth F e rrie r sera
convaincue q u ’il ne lui est plus libre de faire de sa p ro
géniture une charge p u b liq u e , peut-être s’e fforcera-t-elle
d e mettre un terme a sa féco ndité et au scandale de sa
conduite.
M . G I R O T , rapporteur.
M e. D E L A P C H I E R , avocat,
M e . M A R I E , lic e n c ié avoué.
~
A R IO M , de l'imprimerie de L andriot , seul imprimeur de la
Cour d ’appel. — Therm idor an 15.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Chave, Jacques. An 13]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Girot
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
enfants naturels
faux
menaces de mort
reconnaissance de paternité
code civil
actes de naissance
violences sur autrui
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Jacques Chave, appelant ; contre Jeanne Valla, et Elisabeth Ferrier, sa fille, majeure, intimées.
Table Godemel : Paternité : 1. la déclaration de paternité d’un enfant naturel est nulle, si elle a été arrachée par la violence. quels caractères doivent avoir les faits de violence ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 13
1801-An 13
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1502
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0705
BCU_Factums_M0307
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53242/BCU_Factums_G1502.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Chambon-sur-Lignon (43051)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
actes de naissance
Code civil
enfants naturels
Faux
menaces de mort
reconnaissance de paternité
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53239/BCU_Factums_G1425.pdf
a6568fdfd2182ed1d8ab47c5ca412276
PDF Text
Text
M
E
M
O
I
R
E
POUR
L e sieur R O C H E F O R T -D ’A IL L Y , intimé;
CONTRE
Le
sieur C A V Y , appelant
CC
E n’est pas pour expliquer sa cause, que le sieur
Cavy a imprimé ses moyens ; elle étoit en effet si peu
importante : il le déclare lu i-m êm e ; mais il a voulu
apprendre au public, sous la garantie de sa signature,
qu’il étoit, l ui Cavy, un agriculteur intelligent, un fer
mier bien au-dessus du maître, un propriétaire considéré,
faisant de grandes spéculations»
Il pouvoit, sans inconvénient, se donner la jouissance
de publier ainsi ses vertus par la voie de l’impression ,
sans y ajouter l’affectation d’accabler le sieur d A illy de
personnalités et d’injures.
L e sieur d’A illy ne se juge pas lui-meme , et ne se dit
au-dessus de personne. Il réclame franchement ses droits,
A
�et les tribunaux n*ont pas encore jugé qu’il fît de mau
vais procès. Il est possible qu’un jeune homme qui n’a
pas les goûts de son âge , ne plaise pas aux faiseurs de
grandes spéculations, du moins dans le sens qu’ils l’en
tendent ; mais les devoirs de la société n’exigent pas
qu’on soit dupe ; et si le sieur Cavy ne l’entend pas de
la même manière, si ses grandes spéculations sont déran
gées par des jeunes gens n’ayant pas les goûts de leur
Age, il en résultera seulement que tous les dix ans il ne
doublera pas sa fortune, et qu’il se désabusera à la longue
de. la bonne opinion qu’il a de lui-même..
F A I T S .
La terre d e là Font, appartenante au sieur Maréchal,,
aïeul du sieur d’A illy , fut affermée au sieur C avy, le 27
brumaire an 6, pour neuf ans.
L e bail porte la clause suivante : « Les étangs seront
« empoissonnés aux frais du preneur, et le produit, à
a chaque pêche, sera partagé par moitié entre le bailleur
« et le preneur »
Ces étangs, étoient jadis au nombre de cinq; les étangs
de V A rch e, Chapot et la P ip e , ont toujours resté en
rapport ; mais ceux connus sous le nom de G iîo u x et
Tiroisau , ont été mis à sec il y a environ cinquante
ans ; depuis cette époque il y est né des arbres que le
sieur Cavy a exploités.
Quand la loi du 14 frimaire an 2 ordonna le dessè
chement des étangs, le sieur M aréchal s’étoit contçnté
de faire ôter U bonde de l’étang Chapot, et les eaux;
�<7
.
( 3 )
s'écoulèrent. Il n’y avoit même pas lieu d’exécuter la loi
autrement; car un grand chemin a été pratiqué sur la
chaussée, et il eût été intercepté, si la chaussée avoit été
détruite.
U neJoi du n thermidor an 3 ayant rapporté celle
du 14 frimaire , tous les propriétaires d’étangs non dé
truits n’avoient eu qu’une bonde à replacer, pour que
l’ancien volume d’eau y fût retenu. T out prouve que
c’est ainsi que le sieur Maréchal avoit rétabli l’ancien
état des choses, lorsqu’il donna sa terre à ferme au sieur
C avy, et stipula que les étangs seroient empoissonnés
par le p r e n e u r , à ses frais.
Il seroit indifférent, d’après cette clause, que ces étangs
fussent déjà empoissonnés en l’an 6 , puisque s’ils ne
l’étoient pas, le sieur Cavy ctoit chargé de cet empois
sonnement. Mais c’est un fait constant que les étangs de
YA rch e et de la Pipe furent péchés peu de mois après
le bail de l’an 6 , et que l’étang Chapoi fut péché en
l’an 7.
L e sieur Cavy ne nie pas*la pêche des deux premiers
étangs ; il 11’ose pas même la nier pour l’étang Chapot\
mais comme cet aveu le condamne, le sieur Cavy fait
des'efforts surnaturels pour prouver que celte pêche n est
pas une pêche, et que l’étang n’est pas un étang.
A le croire, des métayers y ramassèrent un peu d eau
avec des mottes, après une sécheresse, en l’an 6 . Cette
eau , destinée à abreuver les bestiaux et a faire rouir le
chanvre, produisit bientôt le prodige de féconder un
ancien frai qui avoit demeure dans la vase depuis 1 an 2 ,
et de procréer des carpes tellement disposées à réparer
A 2
I
�C4)
le temps perdu, qu’elles se trouvèrent, au bout de quelques mois, peser une livre et dem ie, et furent en état
d’être pêcliées et partagées en l’an 7. (M ém oire C avy,
pages 3 et 4. )
>
Nous examinerons bientôt le degré de probabilité de
ce système du sieur C a vy, mais pour continuer le récit
des faits, les étangs de l'A rch e et de la Pipe , péchés
en l’an 6 , le furent de nouveau en l’an 9, suivant l’ordre
périodique des pêches; et l’étang Chapot péché en l’an
7 , devoit l’être en l’an 10.
X/C sie u r M a r é c h a l m o u r u t le x 1 theiunidoi* an 9 . Le
sieur d’A illy , son petit —iils et son h éritier, eut des
comptes à apurez?- avec le- sieui* Cavy. 11 alloua des sommes
considérables sans quittances, et le sieur Cavy dût alors
lui trouver les goûts de son âge. Bientôt le sieur d’A illy
trouva dans les papiers de son aïeul d’anciens comptes
et états du sieuz- Cavy. Il y vit la nécessité d’examiner
sa gestion de plus près , et se convainquit bientôt que
son système dominant, comme il le dit lu i-m ê m e, est
de fa ire de grandes spéculations, sans s’arrêter aux
détails m inutieux.
Les conditions du bail n’étoient exécutées en effet que
pour les grands articles de production. M ais, i°. le sieuii
C iv y s’étoit obligé de planter soixan te-d ix œuvres de
vigne. Cela eût produit fort-peu et dépensé beaucoup :
il l’avoit oublié. 20. L e sieur Cavy zie devoit pas faire
de défriehemens; mais cela produit beaucoup, et le sieuz’
Cavy avoit défriché. 30. Il ne devoit employer les en
grais qu’aux terres et vignes des domaines*, il les avoit
détournés pour sou compte. 40. L e sieur Cavy 11e devoit
�y
t 5 )
exploiter les bois que suivant les périodes ordinaires; ïl
les avoit devancées, etc., etc.
Peut-être bien eût-il été plus louable à un jeune homme
de fermer les yeux sur les opérations du spéculateur.
Malheureusement pour le sieur C avy, le jeune homme
fut assez mal avisé pour voir clair, et pour faire dresser
en effet plusieurs procès verbaux de mésus, les uns pour
poursuivre sur le champ, et les autres pour conserver
une action en fin de bail.
T el fut le conseil de gens sages et prudens. L e sieur
Cavy sentit qu’il étoit alors plus urgent de se tirer
d’affaire que d’exhaler son courroux ; il vint prier le sieur
d’A illy de se relâcher de ses d r o it s ; e t celui-ci fut plus
généx-eux qu’il ne devoit l’être. Il se départit de tous
dommages - intérêts pour les défricliemens, les bois, la
non plantation de vigne, etc., et, par une amnistie gé
nérale pour ce qui étoit en litig e, il consentit de ne plus
r e c h e r c h e r le sieur Cavy pour les faits antérieurs de la
jouissance, sous réserve de tout ce qu’il pourroit faire
dans la suite de contraire aux clauses de son bail. Telles
furent en précis les conventions du traité du i<*. ven
démiaire an 10.
Il ne pouvoit pas être question dans ce traité, ni dans
les débats qui le précédèrent, de la pcclie de l’étang
Cliapot, puisqu’elle ne devoit avoir lieu que dans le
courant de l’an 10 : le sieur d’A illy n’avoit même pris
à cet égard aucunes informations positives. D ’ailleurs, il
y a moyen de pêcher un étang quand on veut, en y jetant
du poisson assez gros; et le sieur Cavy sait par experience
comment cola se pratique. Le sieur d’A illy l’invita à tenir
-A 3
�.*
Â-.
( 6: ).
scs engagemens sur ce point, et l’objet en valoitla peine-*
puisque l’étang Chapot a cinq mille deux cent soixante-'
quatre toises de superficie.
Sur son refus, il l’a assigné le 9. thermidor an 11 „
i° . pour lui payer une somme de 1200 fr. en indemnité
de la pêche dudit étang Chapot pour l’an 10; 20. pour êtrecondamné à rempoissonner afin de le mettre en état
d’être péché en l’an 13.
L e sieur Cavy a d’abord dit au bureau de paix que
cet étang n’est plus, en produit depuis la loi sur le des
sèchement des étangs; qu’il n’avoit pas de poisson quand
il l’a pi’is , et n ’a pas fait p a r tie d es o b je ts affermés.
Dans ses défenses ensuite ,. craignant les résultats de
la-.pêche de l’an 7 , et obligé d’en convenir, il a imaginé
d’expliquer la cause de cette p ê ch e , comme il a été cidevant rapporté.
L e Tribunal de Gannata fait justice de ces moyens, et*
par son jugement du 19 prairial an 12, il a adjugé la de
m ande, si mieux 11’aimoit le sieur Cavy payer à dire
d’experts.
L e sieur Cavy s’est figuré de trouver devant la cour
un plus grand degré de crédulité, pour faire adopter le
système par lequel il veut avouer et nier tout à la fois
que l'étang Chapot ait cessé d’être à sec depuis l’an 2 ;
il s’agit de le détromper,, et de justifier le jugement qu’il,
attaque..
M O Y E N S .
Les griefs du sieur Cavy se bornent ¡\ deux , non com
pris 1« chapitre des injures, qui n’est pas le moindre ;
�I '1 )
_
ï° . le traité de l’an ïo est, d it-il, une fin de non-re'cè*
voir contre la demande ; 2°. l’étang étoit à sec lors du
bail de l’an 6 : ainsi, la cliarge d’empoissonner ne s’y
appliquoit pas.
R é p o n s e
a u
p r e m i e r
m o y e n
-.
L e traité du premier vendémiaire an io , dit le sieur
Cavy pour la première fois sur l’appel, est une transac
tion sur procès , ayant pour but d’éteindre id de qiio
cogitatiun^fuit.
Adoptons la définition, elle le condamne.
S o u v e n o n s -n o u s q u e le sieur Cavy , d an s le début die
ses injures, a dit que le sieur d’A illy ne marchoit qu’avec
des notaires et huissiers ; il donne une plus ample expli
cation de ce qui a précédé le traité, h la page 4 de son
m ém oire, alinéa 3.
L e sieur M aréchal est décédé ; son -petit-fils s’est
présenté avec des vues hostiles ; tous les jours nouvelles
querelles ; cest un baliveau moderne que Cavy a coupé procès verba l, expertises---- ce sont des vignes mal
plantées ; procès verbal, expertise , etc. . . . . . E njin ,
dix-sept procès verbaux dressés par des notaires, signiJiés par des Zudssiers , sont entre les mains du sieuT
Cavy.........On parvient à rapprocher les parties, et le
premier vendémiaire an 10 il fu t passe un traite, etc.
Nous devons donc trouver inévitablement, dans ces
dix-sept procès verbaux, quelles étoient les difficultés
sur lesquelles les parties voulurent traiter \ cest-à-dire,
id de quo cogitaturn est. '
A 4
�*r
; 8 )
L e sieur Cavy dit avoir entre les mains ces dîx-sept
procès verbaux; qu’il les exhibe, et il aura raison de dire
que le traité comprend le défaut d’empoissonnement de
l’étang Chapot, s’il y a eu un procès verbal relatif à cet
étang, si de eo cogilatum est.
L ’étang Q iapot a cinq mille deux cent soixante-quatretoises de superficie ; son empoissonnement valoit sans*
doute la peine d’un procès ve rb a l, pour un homme qui
ne marche qu’avec des notaires, et qui fait des procès
verbaux pour les moindres volailles de la cour. L e sieur
Cavy sera-t-il donc réduit à dire que le sieur d’A illy a
regardé cemésus comme une c h o s e tr o p m in u tie u s e ; m ais,
ce seroit une inconséquence ?•
Mais il n’y avoit pas lieu à procès verbal pour l’étang
Chapot. L e sieur d’A illy n’avoit rien à voir dans l'em
poissonnement; il n’avoit intérêt qu’à la pèche ; et certes
s’il eût fait des procès, verbaux avant l’an 1 0 , le sieur
Cavy u’auroit pas manqué de dire, avec plus de raison ,
que cette précaution prématurée étoit une pure tracas
serie*
Déjà le sieur Cavy ayant négligé d’empoissonner un
antre étan g, a fait ce qu’il auroit pu faire pour l’étang
Chapot : il est allé acheter du poisson assez gros pourêtre bientôt p êch e, e t, par là , il a prévenu toute diffi
culté. Si donc le sieur d’A illy n’a pas dû faire de procès
verbal avant Tan 10 ; si, dans le fait surtout ^ il n’y en
a pas, on n’a pu traiter le premier vendémiaire an iq ,.
sur la privation de la pêche, sur une chose ¿1 v en ir, sans
vjne stipulation positive, et qui s’y rapportât expressément..
Puisque la transaction n’étoit pas faite de lite in otâ „
�(9 )
dès qu’il n ’y avoit pas de litige^antérieur, i l res.trscnsible
q u e , pour induire de l’acte que les,parties voulurent tran
siger de lite m o çen d â , il falloit une^ explication claire
et précise de l’objet de ce litige.
Jf)/) j; _; >4ji# j ...
. Mais quand il seroit prouvé qu’il y a eu,des. sujets de
contestation pour l’étang. G hapot, ne seroit-ce pas çxtorquer un départem ent d’action, que de l’induire d’une
expression générale qui n ’y avoit pas un rapport im
m édiat et nécessaire.
O n a parlé dans ce traité de bois coupés., de défrichemens faits, de vignes non plantées , jet on n’y voit
pas un m ot de l’étang G h ap o t, plus im portant que la
p lu p art des choses exprimées.
Si donc après avoir spécialement traité des d iv e r s objets
en litig e , il est ajouté une clause générale qui absout le
sieur Cavy de tous faits de jouissance antérieurs, le m otif
en est sensible ; c’est que toutes les coupes de b o is, tous
les défrichcmens pouvoient n’etre pas constatés. L e sieur
d’A illy auroit pu opposer ensuite qu’il n’avoit traité que
sur ce qui étoit constant ù cet égard ; et il y eut sur ce
point quittance finale. Mais il seroit bizarre de lui donner
plus d’extension que les parties elles-m eines ne l’ont
voulu.
Les lo is, en favorisant les transactions, n'en font pas
un piège ou une chose/îléatoire ; elles ne disent pas que
la transaction com prendra tout ce qui sera p ré su m é , majs
ce qui sera PROUVÉ avoir été le sujet de l’accord. T a n
tu m in )lis interpositum p a d uni n o c e b it, de quibus
in te r eos ac.ium esse p r o b a t u r . Ij. 9 •>A*
transact.
La même loi ajoute qu’il seroit injuste d ’éteindre une
A 5
�action par uii traité', si 'celui1‘qui en excipe nép ro u v e
pas qu’il y en a été question. Injustùm est perim i pacto
id de quo cogitatwn non d o c e t u r . L . 9 , ibid.
L e Code civil est plus positif encore. « A rt. 20 4 8 ,Les
« transactions sè renferment dans leur objet : la renon« d a tio n q u i y est f a it e ¿1 tous d ro its, actions et prê
te tentions , ne s’entend que de ce qui est relatif au dif« férent q u i y a donné lieu. »
Il faudrait donc que le sieur C avy, on le répète, prou
vât clairement qu’il y a eu différent sur la pêche de l’étang
Cavy. Ses dix-sept procès "verbaux , ses dix-liuit procès
ne le prouvent pas.
M a is, fallût-il même abonder dans son sens, rien encore
he seroit réglé pour la contestation actuelle, quand l’étang
Cliapot seroit compris dans l’art. 12 du traité qu’il invoque.
L e sieur Cavy s’est abstenu de le rechercher pour aucun
fait antérieur de sa jouissa n ce, sous toutes réserves pour
î avenir.
Mais que peut-on entendre par la jouissance d’un do
maine ou d’un étang?ce n’est autre chose,sans doute, que
la perception des fru its qui en proviennent. On ne jouit
pas en semant, on jouit p a rla récolte.
Q u’un propriétaire donne quittance à son métayer de
toute sa jouissance jusqu’au jou r, en résultera-t-il que la
' quittance ôte au propriétaire le droit de se plaindre lors
de la récolte suivante, si, par la faute du m étayer, il
11’y a rien h cueillir? Personne, sans doute, ne s’avisera
de le prétendre.
O r , la pêehe d’un étang en est la récolte; et il n’y a
pas moins de singularité í\ vouloir que le sieur d’A illy ,
�( 11 )
par un abandon de la jouissance passée, ait aussi aban
donné la jouissance à venir.
E n fin , le sieur Cavy s’est jugé lui-même relativement
à l’étang la P ip e, pour lequel il y a eu un procès dont
il sera parlé ci-après, (pag. 18 ) ; il a été assigné après le'
temps de la pêche passé , en l’an 12 , il n’a pas même eu
idée de prétendre que le traité de l’an 10 l’eût dispensé
d’empoissonner. Il a reconnu sa négligence, il a été con
damné. Sa défense explique donc le traité de l’an 10.
La plus sûre interprétation est celle qu’il en a faite luimême.
♦
RÉPONSE
AU
D EU X IÈM E
MOYEN.
L e dessèchement de l’étang Chapot, en l’an 2, ne signifie
rien à la cause, puisqu’il nefalloit, pour le remettre en pro
duit, pas plus d’embarras que pour les étangs de l’Arche
et de la P ip e , toujours péchés depuis l’an 3; c’est-à-dire,
qu’il n’étoit question que d’y replacer son ancienne bonde.
Remarquons encore que dans le bail de l’an 6 , le sieur
Cavy s’est soumis à une clause qu’il ne veut pas enten
dre. Il n’est pas dit qu’il profitera d’une pêche déjà prête
à prendre; il est dit qu’il empoissonnera les étangs, pour
en partager la pêche ; c’est-à-dii'e, il semera pour par
tager la récolte.
Ainsi il importeroit fort peu qu’il y eut du poisson
dans l’étang Chapot en l’an 6 ; s’il n’y en avoit pas , il
devoit y en mettre : voilà son obligation positive.
Mais il y avoit du poisson en lan 6 , puisqu il y a eu
mie pèche en l’an 7. Dans la vérité elle fut abondante et
�( 12 )
réelle ; au reste , ce n’est pas de son abondance qu’il ré
sulte rien. A d opton s, si l’on v e u t, qu’il [n’y eût que des
carpes d’une livré et demie , il est toujours avoué qu’il
fut péché du poisson en l’an 7 , et c’est tout ce qu’il s’agit
de savoir.
L e sieur Cavy ne s’est pas dissimulé toute la’ puissance
de ce fait, et toute la conséquence de ses résultats. Aussi
a-t-il tourné de ce côté tous ses efforts, et nous avons rap
p elé, dans le récit des faits, l’explication étrange qu’il a
donnée de cette pêche de l’an 7.
Son moyen se réduit à un système nouveau qui bat
en ruine toutes les notions élémentaires sur la génération
des poissons.
Fut-il jamais concevable que de l’eau ramassée en l’an 6,
après une sécheresse , et retenue par quelques mottes pour
l’abreuvement des bestiaux, ou le rouissage du chanvre,
ait pu créer du poisson sans empoissonnement, et hâter
sa croissance au point de faire, pour l’an 7 , des carpes
d’une livre et demie ?
Cependant le sieur Cavy 11e se contente pas d’alléguer,
il certifie que son système est fondé sur l'expérience. O11
a v u , d it- il, naître du poisson dans un étang desséché
depuis vingt ans, parce que la vase a conservé le Ira i, et
que l’eau y étant revenue eu a développé les germes.
Si les choses se passent de celte manière , la physique
jusqu’à présent s’est étrangement abusée, en enseignant
que la chaleur est le premier agent de la reproduction
des êtres; et l’histoire naturelle ne nous auroit pas
moins induits en erreur , en nous apprenant que c’est la
chaleur.dc la vase qui lait éclore le frai du poisson.
�C 13 )
Quand un étang est mis à sec , le frai , qui sous son
enveloppe visqueuse étoit roulé dans les ondes, a dû se
reposer sur la vase après leur écoulement ; et dans cette
position naturelle , trouvant bientôt une plus grande
chaleur , la vase a dû en mûrir les germes , par cette
espèce de dissolution qui prépare le développement et la
génération (1).
Mais quand le poisson est ainsi prêt à naître, la nature
qui a favorisé sa création se trouve privée d’un autre
agent élémentaire ; la chaleur n’a fait que^dissoudre ; l’eau
étoit nécessaire pour conserver. Ainsi le frai n’a pu passer
de la corruption à la vie ; la seconde opération de la
cuature lui a manqué; il a resté dans le néant (2).
Le sieur Cavy a donc présenté le système que quelque
■chose pût être créée de rien. E x hoc luio ncucantur,
a-t-il dit j mais ce commandement n’étoit pas en sa
puissance ; et nul ne sera persuadé, par sa prétendue
expérience, que des poissons soient nés sans empoisson
nement , après dix et vingt ans , dans un étang desséché.
Mais à ce premier miracle-, le sieur Cavy en a ajouté
(1) k L e s femelles se portent en foule vers les Lords de l'étang,.
» traînent leur ventre sur la, terre........ ,L e bul de la nature, dans
» cette opération, est d ’obliger le poisson à déposer ses œufs dans:
» un endroit où il y ait peu d 'e a u , afin que la chaleur des rayons-
» du soleil la pénètre, r é c h a u ffe , ainsi que la terre qu’elle re» co uvre. C e tte chaleur suffit pour faire éclore les œufs douze ou
» quinze fours après. » ( Cours d’agriculture, par l'abbé Rozier,.
lom e 4 > page 34#. )
(2) « Si l’eau ne recouvre pas toujours le fr a i, il est perdu,, ae
i> putréfie sur le bord,, et se corrompt.
�<1
un second ; ses germes développés dans de la vase, après
une sécheresse de l’an 6 , ont produit des carpes d’une
livre et demie en l’an y ; ce qui n’est pas moins impos
sible. La marche de la nature est plus lente. On sait que
le poisson d’étang a besoin de plusieurs années pour
arriver au temps où il doit être péché , ce qui est fondé
sur une constante expérience (i).
L e sieur Cavy ne veut pas s’en tenir à ces invraisem
blances ; obligé de convenir qu’il a été fait une pêche
en l’an 7 , il ne peut nier dès-lors qu’il y avoit de l’eau
en l’an 6 , et il cherche encore à en changer la desti
nation. Ce n’est p lu s p o u r nue peclie q u e cette eau est
retenue dans l’étang; c ’est pour abreuver les bestiaux,
c’est pour rouir du chanvre.
O r , on sait que les bestiaux allant boire dans une
marre ou dans tont autre lieu, y pénètrent autant qu’ils
peuvent s’y avancer, et foulent tout aux pieds; ce qui
11’est pas très-propre à conserver le poisson (2).
(1 ) « L a première et la deuxième année ce polit poisson n o t a n t
» grand que com m e une feuille de sa u le , est no m m é feuille.
» Q u elqu efo is, lorsque le fonds de l’étang est hou , ayant passé
» deux clés, il a quatre pouces, et pour lo r s , quoique feuille, 011
» com m ence à lui donner le nom d ’alevin ; mais il 11c le mérite
» pas encore. » ( M aison rustique, lotne ■>., page 5 8 -j: )
» On appelle alevin le petit poisson qui a cinq pouces; il 11’est
» ordinairem ent de cette grandeur
qu’après trois êtes: c ’est.l’alevin
» dont'Ou se sert pour empoissonnement. On pèche les étangs de
» trois en trois a n s, après q u ’on les a alevines. » ( JJunuire,
tonie
page 5<)4 , édition i n _)
(u) « 11 ne faut pas se nie lire en peine si ce petit poisson trouvera
�C
>
On sait encore que rien ne corrompt plus les?eaux
stagnantes qu’un routoir ; rien par conséquent de plu3
incompatible avec le poisson qui ne peut y vivre.
. Il reste donc une chose pour bien' constante , et que
rien n’affoiblit ni ne dément;, c’est qu’il y avoit de l’eau
dans l’étang Chapot en l’an 6 ; c’est que cette eau a été
donnée au sieur Cavy en état de produire une pêche en
l ’an 7 ; c’est que cette pêche a étôpartagéc entre le sieur
Cavy et le sieur Maréchal»
Voilà dès-lors l’exécution pleine et entière du bail
voilà surtout l’explication parlante de ce- que le sieur Cavy
veut esquiver.
:
Si l ’étang Chapot n’dtoit pas de la comprise du bail ,.
et si le sieur Maréchal n’avoit pas entendu que le sieur
Cavy fût tenu de l’empoissonner, comment se faisoit-il!
qu’il partageât une pêche où le sieur Cavy n’avoit rien à
voir?'
Si au contraire l’étang desséché étoit affermé sans charge
de l’empoissonner, et si tout le produit de la terre devoit
appartenir au sieur Cavy , à compter de son bail, pourquoi
lui-même se croyoit-il interdit en l’an 7 , de s’emparer
seul de ce poisson qu’il dit fortuitement né ? pourquoi
s’est-il cru obligé de le partager avec le sieur Maréchal,1
si le sieur Maréchal n’y avoit rien à prétendre ?
)
Qui ne voit, dans cette conduite’, 1 éclaircissement positif
de toute la cause ! et certes les tribunaux, dans 1 obscurité
» de quoi vivre; il n ’y a qu'à avoir soin q u ’il n ’y manque pas d'eau,!
» q u ’il n ’y ait aucun brochet qui entre clans la carpière,
»
bétail qui y fréquente* » ( 3 Juison rustique, iliid.
ni aucun:
�c
1 6
\
des discussions , n’ont pas toujurs un guide aussi sur ;
car il n’y a plus à chercher line simple intention vague
et isolée de toutes cix-constances. Ici le fait est venu au
secours de la présomption : la clause est donc expliquée
par son exécution ; et personne n’ig n o re, en point de
d ro it, que de toutes les interprétations c’est la meilleure.
Mais on le répète au sieur Cavy qui s’obstine à offrir
une preuve inutile ; il est absolument indifférent qu’il
y ait eu du poisson ou même de l’eau en l’an 6 dans
l’étang Cliapot. Son bail l’obligeoit à empoissonner pour
fournir moitié de la pêche : voilà au moins une obliga
tion qui n’est pas a m b ig u ë .
L ’étang-Cliapot étoit sans doute un étang tant que la
chaussée n’en étoit pas détruite ; un grand chemin l’avoit
conservée : ainsi, toute la peine i prendre étoit de replacer
la bonde qui avoit dû rester dans les bâti mens d’exploi
tation pendant le court espace du dessèchement. Quant
à la grille, il n’y en avoit jamais eu.
Supposons donc que cette bonde ne fût pas à sa place
en l’an 6 ; le siwur Cavy , en s’obligeant à empoissonner,
devoit faire stipuler qu’elle y seroit remise. Eu vain ditil que c’étoit au sieur M aréchal à y pourvoir , parce
que ce n’étoit pas une réparation locative ; c’étoit au
contraire à lui Cavy à le mettre en demeure.
L e sieur C avy, en prenant les étangs à ferm e, et s’obli
geant de les empoissonner, étoit censé , suivant les prin
cipes , les avoir reçus en bon é ta t, faute d’avoir fait cons
tater qu’ils ne l’étoient pas, comme l’ont justement dit les
premiers juges.
Quand le sieur Cavy met sur la même ligne l’étang
�( T7 )
Chapot ét les étangs de G iroux et de Tiroisait , p o u r
faire croire que ce sont trois étangs abandonnés par le
propriétaire depuis l’an 2 ( page 11 du mémoire ) ; il
y a im pudeur et mauvaise foi dans cette allégation; car
les étangs de G iroux et Tirais au sont détruits depuis
5o ans , une route passe au travers, des bois y croissent ,
et'le sieur Cavy pouvoit d’autant moins l'ignorer qu’il en
a fait lui-méme l’exploitation.
Voilà donc le degré de confiance q u ’il m érite ; et c’est
avec un tel mensonge qu’il viendra crier à l’injustice, et blâ
m er le tribunal qui a jugé suivant les titres et les principes.
R
é
p
o
n
s
e
s
a
u
x
u
î j
u
h
e
î
.
.
Il ne falloit pas compter pour rien ce point essen
tiel des moyens du sieur Cavy , puisqu’il en a fait la
batterie principale de son agression. Suivons-le donc dans
scs reproches , pour savoir s’il y aura été plus exact qu’à
l ’égard de l’étang de Tiroisau.
1
10. L e sieur Cavy a accusé le sieur d’A illy de procès
verbaux faits pour un fou r, une huche, un chenil, des
arbres morts. Le sieur d’ Ailly ignore absolument, sur tous,
ces objets, ce que le sieur Cavy a voulu dire.
2°. Il accuse le sieur d’A illy de lui avoir fait dixhuit procès. Il y a dans cette seule- calomnie quatorze
mensonges; c a r , outre le procès termine en lan iq
par 1111 traité, le sieur d’A illy a plaidé, 1 . pour des
vignes ; ce procès est pendant ; 2°. pour le défaut depêche de l’étang de la F ip c , et il a gagné son proT
�( i 8 )
c è s (i); 30. il us reste que la cause actuelle , où le sieur
d’A illy a encore obtenu justice.
3°. Il est tout aussi faux que le sieur d’A illy ait eu
des procès avec scs métayers , quoiqu’il eût eu occasion
d’en avoir. Il a préféré des sacrifices.
V oilà donc encore la véracité du sieur Cavv. On jugera
maintenant de quel côté est la passion et la tracasserie.
L ’homme passionné est celui qui parle et agit contre sa
conscience ; l’homme tracassier est celui q u i , ayant perdu
des procès où il de voit se rendre justice, s’obstine encore
à p la id e r c o n tr e ses conventions.
4°. Le sieur d’A illy est accusé d’avoir fait faire dixsept procès verbaux. A supposer qu’ il y ait dans ce
deuxième fait plus d’exactitude, le sieur d’A illy en ignore
la plupart. Mais il a un garde forestier dont l’état est
( i ) C e procès de l'étang la Pipe prouve beaucoup en faveur de
la cause actuelle du sieur d ’A illy .
L e sieur d ’A i l ly a assigné, en l ’an n , le sieur C a v y , i°. en
d om m ages-intérèts, parce que l’étang nV to it pas pèclié; 2°. pour
être tenu de l’empoissonner, afin d\jtre pêolié en l’an i 5 .
y avoit des réparations à faire;
niais q n e , faute par lui d ’avoir fait constater l'etat des lie u x , il
L e sieur C a v y a répondu q u ’ il
avouoit sa négligence. 11 a éle condam né en iqG IV. de dommagesintérèls par des experts. Le sieur C a v y a été moins récalcitrant
pour l’étang la Pipi», parce q u ’il n ’a (pie cinq cents toises : l’étang
Cliapot »‘il a cinq mille.
L e jugement dont est appel ne condamne le sieur C a v y qu'à
1200 fr. de dommages-intérèts. A dire d ’experts, e t , dans la pro
portion ci-dessus, il eût été condam né à
mj6 o
fr.
�6*
( i9 )
cle parcourir scs propriétés pour y constater les vols et
les dévastations. Si ce garde a été exact dans ses fonc
tions, le sieur d’A illy ne peut pas l’en blâmer; tant pis
pour ceux qui se seroient trouvés dix-sept fois en con
travention visible.
5 °. Après s’qtre peint comme victime , le sieur Cavy
veut encore se donner comme généreux. Il a fai t, d it-il,
des voyages pour le sieur d’A illy ; il s'est sacrifié et n’a
pu être payé qu’après un procès, et avec un jugement
arbitral. (Pages 2 et 9. )
Autre allégation pleine de fausseté et de mauvaise foi*
L e sieur Cavy est expressément défié de produire aucune
procédure, aucun com prom is, aucun jugement arbitral*
I l a fa it u n v o y a g e à L y o n p o u r le sieu r M a r é c h a l,
cela est v ra i ¿ m a is il n ’é-t'ô?^
■"une o b o le ;
------- - - • / -v
' ^ Quoique déTra^é d jblW t, le sfe^ v^ aw Réclama ôôçîr'*’ ^
pour scs journées, (¿ejte sc^mxr,e19 1^ ^ h o rb i ta11te, mais .
», ,elle lui a ¿t.é ,payé£ ¿an^.la nwuid^diipinuj^ioii.
/
.♦ .*JVoihu.VncQie
IiAujwiu«Jfl ¿V^ütcité du sieur
**' Cavy. Ï 1 -ment ,*• il 4 njm:i»^ csiki*
tic mQÜleujje^
raistnïsV Il’Vgna+C' srcftr *T~Aiily .co^mcu*frG{x>ssi& oi-iL.
U S ,
*'
*'*
J 1 1 ÎII3
-"pas imi 1er ce**qtnI blanîe',’fr'ne*récmiîiiifcia
^ ~J *■
’
**En se renfermanî^dôîV,J?T/uîs ^ ^ iil^ objet dC'ÿa c'ïfust^''
'’îe sieur d^VVllÿ’ r’êpète ‘ flVeM TVr itifi&it'tfe :pf-ctfu èŸ •
instance, i° . que le sieur Cavy s’est obligé d’empoisjsounvr et au’il a . dû le faire sans alléguer le ^ p r é l^ e
.*■».*/.■ ,K
'»
»y*u «A*-**
�d’un défaut de réparation démenti par toutes les circons
tances , et d’ailleurs non constaté ; 2°. que l’aveu d’une
pêche partagée en l ’an 7 interprète la cause que le sieur
Cavy dit obscure , et dispense de tout autre examen ; 30. il
répond à l’objection nouvelle du sieur C a v y , que le traité
de l’an 10 n’a pas plus éteint, pour un étang que pour
l’autre , l’action en partage de la p êch e, que d’ailleurs
rien n’établit que cet objet fût alors en litige ; et que,
s’agissant d’une chose à ven ir, tout prouve au contraire
que les parties ne s’en occupèrent pas.
M e. D E L A P C H I E R , avocat.
m (/ .
.
r.-tk .
¿ O
u ^ t
v. .
M c. T A R D I F ,
IL <AA «UÜMMX .'lltwju /<*■ta»wC
cA — V 1
clk ( A A A ( A * A '
cfcr-
V
^
A c iiA A k y
«A-
A.
^
**v'kruV*x
/
avoué.
**— ■
*/
^
< /.•
A
)
X
y ï^
A
R I O M , d e l ’i mp r i me r i e d e L a n d ri o t , s e ul i m p r i m e u r d e la
c o u r
7y 4krW > A *>»iMJi
d 'a p p e l
___ ___ _
. y
U
k
A
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Rochefort d'Ailly. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
ferme
pêche
bail à ferme
étangs
asséchements
contestations de l'attitude procédurière de la noblesse
contestation de l'autorité seigneuriale
experts
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le sieur Rochefort d'Ailly, intimé ; contre le sieur Cavy, appelant.
Annotation manuscrite: « 24 frimaire an 13, 2éme section. Jugement. Déboute la partie de Delapchier de la demande ».
Table Godemel : Demande de dommages et intérêts pour défaut d'empoissonnement d'un étang à Calvy, son fermier, qui lui oppose comme fin de non recevoir une transaction faite entre eux, et prétend en outre, n'avoir point été tenu de faire les réparations nécessaires et préalables à l'étang qui avait été abandonné.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa An 13
1797-Circa An 12
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1425
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0626
BCU_Factums_G1424
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53239/BCU_Factums_G1425.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Rémy-en-Rollat (03258)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
asséchements
bail
bail à ferme
contestation de l'autorité seigneuriale
contestations de l'attitude procédurière de la noblesse
étangs
experts
ferme
pêche
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53235/BCU_Factums_G1421.pdf
c15c16d429917747a6f586ad14462f86
PDF Text
Text
TRIBUNAL D’APPEL
D E
M
E
M
O
I
R
E
POUR
L
e
C i t o y e n
V E R N I È R E , appelant et in tim é;
CO N T R E
Le
L
Citoyen
B R U N , intimé et appelant.
’ o b j e t de la contestation est. la propriété de deux
fossés , la destruction de deux agages et d ’une b o n d e ,
et le rétablissement d ’ un chem in vicinal.
L e cit. V ern ière est propriétaire d ’ un pré à Planchepaleuille: il l’a acquis en 178 3 , des citoyens Assolent.
C e pré provenait du sieur Blich , et il en porte le nom.
E n touré de fossés à tous les aspects, il était arrosé prin
cipalem ent par une prise d ’eau du ruisseau de Ponturin ,
que les fermiers conduisaient par les fossés environnans,
dans toutes les parties du pré.
L e cito ye n Brun
est propriétaire d ’un pré appelé
clos M e r c ie r, à l ’aspect de jour du pré Blich. L e pré
M ercie r provient du sieur F aidit père.
E n tre ces deux prés était un chem in vicin a l, bordé
de saules, servant à l ’exp loitation, tant d ’un autre pré
du cit. V ern ière , appelé Boudanson, que d ’un pré des
religieuses de N o tr e -D a m e , joui à présent par le cit.
A u b ert. C ette double destination est tellem ent évidente,
que le fossé séparatif de ces deux prés vient se diriger
A
R I O M .
�( 3 )
en ligne perpendiculaire , sur le milieu du chem in vi
cin a l, et lui présente ainsi deu x aboulissans égaux et
parallèles.
D epuis long-tem s ce chem in vicinal était devenu à
peu,près inutile au cito yen Vern ière , q u i, acquéreur
des prés Boudanson , a réuni une suite de proprié
t é s , pour lesquelles il s’est fait deux sorties, et q u ’il
lui est plus com m ode d’exploiter l ’une par l’autre ;
mais il n ’en a pas moins toujours surveillé la m aintenue
de ce' ch em in ; ce q u ’il prouve par des diligences, et
un traité de 1788.
X-orsque le cit.V ern ière acquit le pré B licli, en 178 3,
il trouva dans le fossé qui longe ce chem in v icin a l, 1111
établissement d ’agage en pieux et branchages, et il le
rem plaça par un agage en maçonerie. l . e sieur F a id it,
alors propriétaire du pré M e r c i e r , ne crut avoir ni
droit , ni intérêt de s’y opposer. L es reconnaissances
respectives annonçaient un chem in entre deux , et de
plus la prise d ’eau lui était inutile , car le sol de son pré
est beaucoup plus haut que celui du cit. Vernière. lies
deu x voisins ont donc vécu en très-bonne intelligence,
tant que M .r Faidit a été propriétaire; il n’est m ort
q u ’en 1794.
D e u x de ses fils étaient sur la liste des é m ig r é s , et
le pré M ercier a été ven d u , co m m e bien n a tio n a l, au
cit. B r u n , le 4 thermidor an 2.
C e nouveau possesseur n’a pas eu assez du b énéfice
de-son acquisition , il a voulu l’accroître en s u r fa c e ;
deux rangs de saules marquaient trop l’existence d ’ un
chem in ; il en a fait supprim er u n , et a réuni le ch em in
à son pré.
�(
3
)
S’étant donné alors pour b o rn e le fossé oriental du
pré Blich , il a convoité encore ce fossé , non pas pour
l ’arroseraent de son p r é , car cela est physiquem ent
impossible , mais pour l’ôter au citoyen V e r n iè r e , dont
cependant il avait vu l’agage en m a ç o n e rie , lorsqu’il
était d evenu adjudicataire, en l ’an 2.
I l fit assigner le cit. V e r n iè r e , le 2 5 nivôse an 6 , pour
vo ir dire q u ’il serait m aintenu au droit et possession do
ce fossé.
L e cit. Brun a a c h e t é , en l ’an 6 f un autre pré du
cit. D u b o is, et pour celui-là e n c o r e , il est borné à l’oc
cid e n t, par les prés Boudanson du cit. V e r n iè r e , et au
nord/-par un pré appelé G r e n o u ille t, que le cit. V e r nière avait acquis du cil; iBJelferie, en 1789.
C e pré Grenouillet avait été acquis par le citoyen
Bletterie , du dom aine du R o i , et la propriété du fossé
séparatif du pré D ubois était m arqu ée alors par deux
bornes à quatre fa ces, saillantes, portant une inscrip
tio n , et placées aux deux extrém ités du fossé du côté
du pré Dubois. 11 y avait eu m ô m e , en 1 7 7 5 , une dif
ficulté entre les fermiers du dom aine et les sous-fer
miers, pour le net toiem ent de ces f -s é s ; et par transac
tion du 4 fé v r ie r , 1<J sous-ferm ier du pré Grenouillet
p aya des dom m ages-in térôts, co m m e n ’ayant pas fait
ce n etto iem en t, dont il était chargé par son bail du
27 décem bre 1764.
L e cit. Bletterie étant devenu acquéreur, avait fait
assigner Dubois p è re , en 1 7 8 3 , pour la propriété du
fossé a u j o u r d ’ h u i c o n t e n tie u x , et le rétablissement
d ’ une borne qui venait d’être arrachée ; mais com m e
A 2
�•
; <r-«
.
( 4V ,
on ne lui disputa pas la propriété du fossé, il ne 1int
pas au replacem ent de la b o rn e , et ne fit plus de pour
suites.
~
D ubois fils avait bien te n té, en l ’an 4 , de faire citer
le cit. V e r n iè r e , q u’il crut n ’être pas inform é de l ’an
cien état des choses; niais au bureau de paix il se con
vainquit de la nullité de son droit, et ne donna aucune
assignation.
L e cit. Brun deven u p ro p riéta ire, osa davantage:
il assigna le cit. V ern ière , le 21 frim aire an 8, et conclut
èi la maintenue- du droit et possession de ce fossé.
D e son côté , le cil. Vernière fit assigner le cit. B ru n ,
le 9 nivôse an 8 , pour rétablir le chem in vicinal men
tionné ci-dessus, et q u ’il avait supprimé en coupant l ’un
des rangs de s a u le s , pour s’em parer du local.
V o ilà donc trois chefs de d em a n d es, dans lesquels
le citoyen Brun est dem andeur pour la propriété de
deux fossés, et le cit. V ern ière est dem andeur pour le
rétablissement d ’un chem in.
L e tribunal civil du P u y - d e - D ô m e rendit un juge
m ent interlocutoire, le 9 nivôse an 8 ; il ordonna que
les contestations s é r i e n t soumises à une expertise;
Que les experts diraient, quant aux fossés, s'il existe
quelque indice, agage, 011 au Ire œ uvre de main d 'hom m e,
•tendant à attribuer la propriété desdits fossés à l ’une ou
à l'autre des parties ;
Q u ’ils diraient, quant au ch em in , s’il avait été autre
fois chem in pu b lic, s'il subsiste en c o ie des traces de sou
existence a n cie n n e , et de 1’usurpatiou.
C e lle expertise con ven ait à toutes les parties, et eut
�lieu sans la m oindre réclamai ion. L es experts donnèrenl leur ra p p o r t, le 23 prairial an 8.
I l leur avait été produit des copies de reconnaissances,
qui donnaient au pré Blicli un chem in pour confin
d ’ orient ; ce qui prouvait loul à la fois pour le chem in
et pour le fossé qui était en deçà. Mais quant au fossé,
les experts les trouvèrent m êm e surabondantes.
Ils pensen t, i.° relativem ent au fossé du pré B l i c l i,
que d’après l ’inspection des lie u x , les ponts, l ’agage re
construit par le citoyen V e r n iè re , et qui ne peut servir
q u ’à l’irrigation de son p r é , ledit fossé, indépendam
m ent des reconnaissances, appartient au cit. Vernière.
2,° Quant au ch e m in , q u ’il a existé dans le pré du
cit. Brun , q u ’il avait douze pieds, q u ’à la vérité ils n ’ont
pas trouvé de titres prouvant q u ’il fût destiné à l ’e x
ploitation du premier pré Boudanson, mais que cepen
dant sa direction et l ’ouverture étaient suffisantes pour
c e lle ex p lo ita tio n , d’autant mieux que la reconnais
sance de Colas M o r e l, qui s’y a p p liq u e, réclam e pour
confin de jo u r, un chem in commun.
3 .° Quant au fossé du pré G renouillet, les experts
disent que d’après l ’ usage de donner le fossé aux prés
de m id i, il appartiendrait au citoyen B r u n , mais que
n ’aya n t trouvé ni indices ni titres, et n’étant pas au
torisés a e n q u êter, ils s’en réfèrent au tribunal.
C e tribunal n'était plus celui qui avait rendu le ju g e
m ent in leilo cu to ire; le tribunal d ’arrondissement était '
en activité , et il ne crut pas devoir hom ologuer un
rapport fait en exécution d ’un jugem ent q u ’il n ’avait
pas rendu.
�I
t
•
(6 )
L e cit. B r u n , quoique nouveau possesseur, offrit de
faire les preuves les plus difficiles. L ’agage établi sur le
pré B l i c l i , exigeait celle d ’ une possession de près de
5 o ans; le traité du 4 février 1 7 7 5 , rappelant encore
un bail de 1 7 6 4 , demandait pour le pré Grenouillet un©
p reuve de possession, à peu près im m ém oriale. L e cit.
B run ne fut rebuté par rien : il ofïrit tout ce q u ’on v o u
lut ; et le tribunal d’arrondissement rendit un n ouveau
jugem ent in terlocu toire, le 6 fructidor an 8.
C e jugem ent ordonna que le cit. Brun ferai! p r e u v e ,
i.° que lui ou ses prédécesseurs, propriétaires du pré
F a id it, avaient possédé exclusivem ent le fossé con ten
t i e u x , l'avaient recuré et profité seuls de la jetée p e n
dant 3 o ans utiles avant Cexistence de t a gage.
2,0
Q u ’il prouverait aussi une possession exclusive du
terrain , sur lequel élait le chem in longeant lesdils fos
sés , sans que le citoyen Verniere ij eût ja m a is passe.
3 .° Q u ’il prouverait enfin la jouissance exclusive du
fossé du pré Grenouillet pendant 3 o ans utiles avant Le
'
traité d u 4 février 1 7 7 5 .
E n exécution de ce ju g e m e n t, les parties ont fait
respectivem ent des enquêtes;
11 ne faut pas dissimuler que la m ajeure partie des
tém oins, amenés par le cil. B r u n , oui déposé Irèsfavorablcm enl pour lui.
Presque tous ont fait ou vu faire le nettoiem ent du
iossé du pré Blich pour le cit. F a id it, depuis 17 ans',
2 5 an s, 29 ans, 3 o a n s, 32 ans , 36 a n s, 4 0 ans, et l’un
d ’eux va m êm e jusqu'il 5 o an?. Mais il fallait (ixer l ’é
poque de l’agag e, cl quelques-uns des témoins le disent
�J G ï
( 7 )
fait depuis 12 à i 3 ans. U n autre plus indulgent pour
le cit. Brun , ne le fait pas rem onter au-delà de 7 à 8
ans. Cependant ils conviennent q u’avant cet agage en
m a ç o n e rie , il y avait une digue faile en pieux et en
b ran ch ages, pour faire ¿Hier l’eau dans le pré Blich.
-Ainsi le disent les témoins C arto n , Versepuy et Q u in ty ,
lérnoins du cit. Brun ; les deux derniers ont vu celte
digue de bois exister il y a ¿5 ans.
L e s témoins du cit. V.ernière disent avoir fait aussi le
nettoiem ent du m êm e fossé depuis 8 ans, depuis 12
ans, depuis 14 ou i 5 ans.
Quant à l'existence du ch e m in , les témoins de Brun
l ’ont bien tous vu ; ils l’ont v u m arqué par deux rangs
d ’arb res; les uns en font un se n tie r, et les autres un
chem in à chars. M ais ils prétendent n ’y avo ir vu passer
person n e, et sur-tout le cit. V e r n iè re ; ils disent presque
tous que ce chem in n’était que pour l ’usage des reli
gieuses de N o t ie - D a m e , propriétaires du pré joui ù
présent par le cit. A u b ert ; mais que depuis long-tems,
M . r Faidit s’étant arrangé avec e lle s , ce chem in ne
subsiste plus. U n témoin dit c e p e n d a n t, que ce chem in
était à l’ usage des religieuses et du nom m é Bachot.
L e s témoins du cil. Vernière onl vu ce ch em in pra
tiq u é; l ’un d ’eux l ’a vu il y a 3 o ans, et il lui paraissait
un chem in d ’exploilalion ; un autre y a gardé les cochons
dans le m êm e lem s; un aulre y a conduit des fumier9
po u r les jardiniers v o is in -, il y a 34 ou 35 ans , et il
distingue bien que c ’était un chem in d ’en viron cent
toises, entre les prés Faidit et Assolent.
A l ’égard du ibtsé du pré G re n o u ille t, les témoins
j
�.'/
'
< ( 8 )
du cit. Brun disent q u’il a été n etto yé par D u b o is , son
prédécesseur, depuis 2 4 , 28, 3 2 , 3 4 , 4 0 , et m êm e l’un
d ’e u x , 55 ans. A u c u n d ’eu x n ’y a v u de bornes, mais
seulement des pierres de taille pour arrêter l ’eau. L ’ une
de ces pierres étant à la vérité plus g ran d e, mais ne
paraissant, dit un tém oin , q u ’ une pierre de croisée.
D ans l’enquête du cit. V e rn iè re , les témoins disent,
que ce fossé avait été n e tt o y é , et le jet répandu sur le
pré G ren ouillet, il y a i 5 , 17 , ¿ 5 , 3 o et 40 ans. L ’ un
d ’e u x , ferm ier il y a 42 an s, dit l ’avoir fait ainsi p e n
dant tout Le tems de son bail. L e cit. Jusseraud dit avoir
été ferm ier depuis 1 7 7 2 , et avoir toujours fait faire ce
recurem ent.
L ’ancienne existen ce, au moins d ’ une b o r n e , paraît
assez constatée dans cette enquête. C e u x qui en parlent
expliquent que c ’était une pierre taillée à quatre faces,
sans feliure, en saillie, paraissant bien une b o rn e , et
donnant le fossé au pré Grenouillet. U n tém oin y a
m êm e vu
deux bornes au lieu d ’u n e , un autre y a
rem arq ué com m e de récriture.
Enfin le tribunal d ’arrondissement a prononcé en
défin itif, sur les trois chefs contentieux , le 11 fructidor
a n g.
A tte n d u sur le prem ier c h e f, que le cit. Brun a prouvé
une possession du fossé du pré B lic b , pendant 3 o ans
avant l’existence de l’agage établi p a r le cit. V e r n iè r e ,
et que cette possession lui sert de titre;
A tte n d u sur le second c h e f, que le cit. Brun est en
possession du chem in depuis 3 o ans avant la d em a n d e;
que ce chem in ne servait que pour l ’usage des religieuses
do
�C 9)
de N o t r e - D a m e , représentées par A u b e r t , et q u’il leur
en a été donné un autre en rem p la cem en t; que le cit.
V e rn iè re n’y a plus dé droit de tems im m é m o ria l, et
que les servitudes se prescrivent par 3 o ans ;
A tte n d u sur le troisième c h e f, q u ’aucune des parties
n e rapporte de titres qui lui donnent la propriété du
fossé du pré G r e n o u ille t, q u ’il n ’y a ni bornes ni jets
de part ni d ’au tre , et q u’il résulte des enquêtes que les
d eu x parties ont fait des actes de propriété à diverses
époques.
Sans s’arrêter au rapport d ’experts, le cit. B ru n est
gardé au droit et possession du fossé Blich. I l est o r
don n é la démolition de l ’agage établi sur ce fossé par
le cit. Vernière. Il est ordonné encore la destruction
d ’une bonde placée au bout du m êm e fossé.
L e cit. V ern ière est débouté de sa dem ande en réta
blissement du chem in.
L e fossé du pré G renouillet est déclaré com m un au x
p a rties, et il est dit q u’elles s’en partageront le jet. L a
destruction de l’a ga ge , établi sur çe fossé par le cito y e n
V e r n iè r e , est de m ê m e ordonnée.
L es deux parties ont interjeté appel de ce jugement.
M O Y E N S .
L e but de ce M é m o ir e a été plutôt de rendre com pte
de la cause que de la discuter. M algré la sécheresse de
son o b je t , le d éveloppem ent de plusieurs demandes et
le débat d’ une expertise et d’ une e n q u ê te , com porte
raient un ordre et une étendue de discussion p lu s fa liB
�gan te que nécessaire ; mais ce n ’était ici q u’ une cause
d ’exp ertise, car tout ce qui tient au b o rn a g e, peut-il
bien être fo u rn is à des e n q u êtes? qui ne sait que des
fermiers s’enIre-dispute n t , pied à p ie d , les limites, les
engrais, et les prises d ’e a u ; et sans doute l ’historique
de leurs débals ne doit être q u ’ une voie d ’éclaircissemens très-secondaire.
; :
*
L e tribunal civil l’avait' pensé ainsi; et certes s’il eût
cru q u ’ une enquête fût le seul m ode préparatoire de
sa décision , il n’eût pas fait passer les parties par un
prélim inaire dispendieux, et cependant inutile. Mais il
avait cru , avec raison , que des experis habitués à l’exa
m en des lo c a lité s, distingueraient aisément la vraie
dém arcation des héritages des parties , laquelle fixée
dans le tirs plans, resterait im m uable , et les mettrait pour
toujours à l’abri des procès.
T e l était aussi le vœu des citoyens Brun et V e r n iè r e ,
tous deux présens à l’expertise, el al tendant de ce tra
vail la fin de leurs conleslalions. Elles devaient donc
en effet ne pas être soumises à d ’au 1res épreuves , au
m oins pour les chefs de demandes que les experts ré
glaient positivem ent.
lis avaient re n v o y é au tribunal civil pour le fossé
du pré G renouille!', parce q u ’en effet ils 11’avaienl pas
tro u vé de bornes ni
reconnaissances; mais le tri
bunal avait assez a un exploit de 1 7 8 3 , et d ’un traité
de 1 7 7 5 , qui rappelait nu acte de 1 7 6 4 , et dès-lors la
p reu ve de possession était faite contre un dem andeur
qui de sa part ne rapportait aucuns titres ni docum ens.
L e pis aller au reste p o u va it être d ’o rd o n n er
uno
�( 11 )
p reu ve pour le c h e f se u le m e n t, et déjà*il est difficile
de ne pas trouver le jugem ent dont est ap p el v ic ie u x ,
par cela seul q u’il a refusé d ’hom ologuer le rapport
sage e t lum in eux ordonné par le tribunal civil, contre
leq uel m êm e il est très-rem arquable que le cito ye n
B run n’â proposé aucuns m o y e n s, soit de n u llité, soit
d ’erreu rs, soit d ’am endem ent.
_ L e cito yen V ern ière doit donc croire que le rapport
sera hom ologué sur l ’app el; néam oins et fallût-il entrer
dans lé m érite des enquêtes , et dans le fond de la
cau se, il doit croire encore que leur résultat serait tout
contraire au x inductions q u ’en a tirées le tribunal de
prem ière instance.
■
. C et exam en subsidiaire com porte que les. trois chefs
de dem andeisoient distingués, en com m ençant ce p en
dant par celui du ch em in v ic in a l, dont l’existence
im porte au fossé auquel il est adjacent.
' i .
'
'
,i
I.-■: T
. : r- r o '
•
§. I.er
L ’existence et La prescription d u chem in vicinal.
- C e ch em in a-t-il e x is té ? C e lte question n’est plus
contentieuse. L e s e x p e r t s , les témoins , le ju g em en t
dont est a p p e l, le cito ye n B run lui-m êm e en convien
nent. L e ch em in a existé.
o M ais q u ’était ce c h e m in ? et quand a-t-il é lé réu n i
w la propriété. ; d u 'c ito y e n Brun ?
: Ici diversité d ’opinions.
- ¡Les témoins Brun veulent qu’il ne fût destiné qu’à
i
«a. --i; 1 î
iv . -i:'
'
’
B 2
�♦JF
V
( 12 )
l ’exploitation du pré des religieuses de N o t r e - D a m e ,
joui aujourd'hui par le cito yen A u b e r t , sau f un tém o in
qui le m eltait aussi à l ’ usage du citoyen Bachot. Us
disent q u ’il avait cessé depuis lo n g -te m s d’être un
c h e m in , par un arran gem en t que fit le sieur Faidit.
L e s exp erts, qui en ont vu la trace et la destination,
disent que c ’était un chem in d ’ex p lo ita tio n , et ils rap
porten t à l ’appui de leur opinion d eu x copies de recon n jissan ces, qui bornent le pré B run par un chem in
entre d e u x , de n u it; et une copie d’autre reconnaissance
qui borne le pré V ern ière par un chem in com m un 3
de jour.
L e s tém oins V e rn iè re avaient passé dans ce ch em in
il y avait trente ans : il n’ était donc pas réuni alors
par le sieur Faidit. Si ce chem in co m m u n était pres
criptible , la prescription n ’était donc pas acquise en
l ’an 8.
A insi il y avait pour le cito yen V e r n i è r e , titre s,
lo ca lité, expertise et en q u ête; le citoyen Brun n ’avait
q u ’une p reuve négative à opposer. N e faut-il
pas
s’étonner q u ’il ail eu la p référen ce de voir , sur-tout
dans le jugem ent dont est a p p e l , que ce chem in ne
servant q u ’aux religieuses, a été rem placé ancienne
ment par un a u t r e , et que depuis ce t e m s - là , le cit.*
Brun ou ses auteurs ont possédé exclusivem ent le terrain
dudit chem in pendant tren te ans avant la demande.
P o u r juger a in s i, le tribunal de prem ière instance
s’est fondé sur les e n q u ê te s ; mais il était un tém oin
plus fort et moins suspect que tous le s a u tre s ,q u i n’avait
pas fait rem on ter à 3 o ans la destruction du c h e m in ,
et ce té m o in , c ’est le cito ye n B run lu i-m êm e!
�( i3 )
^
Il a dit p a r é c r it , au p r o c è s , que c ’est lui ( B r u n )
qui a arraché les arbres qui bordaient le c h e m in 'd e
son côlé ; que c ’est lui ( B ru n ) qui a d étru it le c h e m in ,
mais q u ’ il ne devait q u’ un passage au cito yen A u b e r f;
que c ’est lui ( B r u n ) qui a chan gé cette servitude d u
consentement d u citoyen A u b ert , en lui ouvrant un
autre chemin.
Il est donc indubitable que le chem in contentieux
n ’a pas été d étruit, et le terrain possédé exclusivem ent
par les citoyens Faidit et B run pendant trente ans
avant la demande. Il est donc bien certain que ce n ’est
pas le cito ye n Faidit qui changea anciennem ent cette
servitude pour s’em parer du terrain , puisque c ’est le
citoyen Brun lui-m êm e qui l ’a changée d u consentement
du citoyen A u b er t ; et le citoyen B run n ’est acquéreur
que depuis 1794L e chem in n’était donc pas détruit en 1794. Il n ’y
avait pas de changem ent alors, et sa bordure d ’arbres
n ’était pas arrachée. lia question de propriété est donc
toute nue : ce n’est plus une prescription im aginaire qui
en disposera.
Q u e le cito ye n V e rn iè re ait ou non passé sur ce
c h e m in , ce fait est indifférent ; car le genre de ce lle
possession ne laisse aucunes traces.
C ’est d ’ailleurs un droit de pure faculté , et la pres
cription dès-lors n ’a p u
courir suivant les principes
que a die cotitradiclionis. ( V. D en i% a rt, C oquille
Henri/s ).
L e chem in n ’a été d étru it, d ’après le cito yen B r u n ,
q u ’en 1 7 9 4 .1 1 étail libre au cito ye n V ern ière d ’y passer
�. ( r4 )
ou de n ’y pas passer ; car rien ne pro u ve q u ’on l ’en
ail jamais em pêché. Il préférait ¿ ’exploiter 'ses prés l’un
par l ’a u lr e ; mais il avait toujours intérêt à la conservalion du chem in. Il a su que le cito yen B run l ’avait
d é t r u it, et il s’est pou rvu en rétablissement dans les
six années de la destruction.
>
Si la p reu ve négative que le citoyen V e rn iè re n ’a
pas usé du ch em in était une voie de prescription contre
lui > il relèverait cette prescription par un fait consigné
dans les enquêtes m ê m e ; car 011 y voit q u e ce ch em in
est d evenu depuis long-tem s im praticable par une m arre
d ’eau qui en occupe encore une partie.
O r , il est encore de principe q u ’on ne perd pas la
possession d ’ un héritage ou d ’un chem in qui se tro u ve
obstrué, par des eaux , 'demersœ rei, ou autrem ent im
praticable , et que le droit de passer n ’est perdu en ce
cas par aucun laps de lem s, quanw is id tempus prœterier it, ut servit us itineris am ittatur. ( L. i 3 . cod.> deaq. '
poss. L 7. et làf. JJ'. quem ad. servit, a m itt.). L e cito yen V ern ière d ’ailleurs, co m m e propriétaire
riverain d ’un chem in d ég ra d é, se fût dû lu i- m ê m e un
chem in sur son héritage jusqu’à une réparation ; il n ’a
donc dans aucun cas ¿perdu le droit d ’en user à son
loisir.
•
1-
.:
L e cito yen Brun cite son adjudication dé l ?an>2 ,
qui 11e confine pas un chem in. Il faudrait lui dem ander
au contraire s’ il a bien acquis le droit de fa ire détruim
un agnge qui était bâti sous les y e u x du propriétaire
et sans contradiction. .Au reste', la nalion s?cm paran t
des biens d’ém igrés à litre de con q uête ou de déshér1
�rence , .a -t- e lle pu m eltre un grand soin h rechercher
les litres vicin a u x ; elle savait si bien que ses agens agi
raient avec précipitation , q u ’elle ne garantissait pas la
co n te n u e ; mais celte objection du citoyen Brun m èn e
à une découverte de plus. L e cito yen C orn udet, son
voisin , a acquis un pré confinant le pré Blich au m êm e
asp ect, provenant des H o s p ita liè re s.O r, l ’adjudication
qui est du 2 venlôse an 2 , porle pour confin un chem in
de service entre d e u x d u pré verger du citoyen Vernière.
O r , les prés Brun et C ornudet étant sur la m êm e lign er
peut-il y avoir 1111. chem in de service po u r l ’ un sans
q u ’il soit pour l ’autre.
A ce tilre s’en joint un a u lre du 27 janvier 1 7 8 8 ,
par lequel 011 voil que les nom m és Bachot ayant voulu
em piéter ce chem in , le cito yen V ern ière les força à
le laisser libre.
M a is , dit-on , cette servitude n’est pas nécessaire,
et la faveur de l’agriculture ne veut pas q u ’on en laisse
subsister d'inutiles.
Il 11’y a dans ce lte objection à répondre q u ’à un m o t,
c ’est à celui de servitude ; car ce n ’en est pas une que
réclam e le cito yen V e r n iè re , ce 11’esl pas sur le pré du
citoyen B run q u ’il veut passer, c ’est dans un chem in
com m un qui est entre les deux p r é s , et qui ne fait partie
ni de l ’ un , ni de l’autre.
C ’esl ainsi que les experts ont reconnu ce c h e m in ;
c ’est ainsi q u ’il était tracé entre deux rangs de v ie u x
saules jusqu’après 17 9 4 ; c ’est ainsi encore que l ’ont
désigné les témoins en l e ■
disant, un chem in à chars.
Ce 11’est donc pas une simple servitude sur le fonds
�( 16 )
d ’a u tru i; ce n ’est pas non plus un sentier iter\ ce n ’est
pas m êm e actus , c ’est bien distinctement ce que les
lois appellent v ia , un vrai ch em in vicinal destiné a u x
hom m es, aux bêtes et au x voitures. J u s agencli, vehendi
et am bulandi. ( 1. i . er^
de Serv. prœd. rust. )
L e citoyen V ern ière n ’a-l-il pas intérêt d ’ailleurs de
n e pas laisser perdre un ch em in qui lui deviendra trèsutile dans plusieurs hypolhèses. Il peut ven dre le petit
pré Boudanson qui est au m ilieu des autres; ce pré
peut faire partie du lot d ’ un de ses enfans ; il peut
l ’affermer particulièrem ent lu i-m ê m e : il a donc eu
raison de d em ander le rétablissement de ce chem in.
L e cito yen Brun ne l ?a détruit q u ’après 17 9 4 ; il ne
l ’a donc pas acquis par la prescription. S’il n ’est pas
acquis par le cito yen Brun , il n’est pas perdu pour le
c ito y e n V e r n iè re ; ainsi sa dem ande doit être accueillie.
§•2,
'
*
L a propriété d u fo s s é oriental d u pré B h ch .
Si le précédent paragraphe p ro u ve l ’existence d ’ un
chem in entre les deux prés des parties, com m ent sera-t-il
con cevab le que le citoyen Brun puisse le traverser, pour
se trouver propriétaire d ’ un fossé au-delà du chem in.
R em arq uon s d ’abord à cet égard la différence des
motifs qui ont d éterm in é le tribunal dont est appel.
Q u a n d , relativem en t au ch e m in , il a cru plutôt les
tém oins que le cito yen Brun lui-m êm e , il a dit que la
destruction du ch em in était faite auciennêinent p a r l e
c ito ye n
�( 17 ) t
cito ye n Faidit ; mais com m e d ’autres témoins disaient
y avoir passé il a trente a n s 3 il a bien expliqué qu’il
ne trouvait la preuve faite que d ’une possession de trente
ans avant L’exp lo it cle demande.
R ela tivem en t au fossé Blich , il a déclaré q u ’il y
avait preuve de possession dé ce fossé pendant trente
ans avant Cexistence de L’a gage fait par le cito yen
Vernière.
O r , il est constant que l ’agage a été bâti depuis quinze
ans au moins.
,
!
! J,
•>') " ir.
M ainten an t l’inconséquencélest paljpablé.Leitribundl
de prem ière instance a jugé qu’ il y. avait possession du
fossé pendant quarante-cinq ans, et possession du chem in
pend ant tren te ans.
~>i .!).■. ■
■
■
's w«?,
I l a donc jugé q u ’un propriétaire '3 en >nettqyariii un
fossé au-delà d ’ un c h e m in , peut>fairé acte de possession
utile , et prescrire le fossé par celte possession.
L a raison y résiste, et la loi dit que les propriétaires
d ’héritages séparés, par un chem in , n ’ont jaimais do
bornes à régler entre eu x j ,si' via 'p u b lica intervenit,
fin iu m regundorum a g i non polest. ( 1. 4* -iïi.fin. reg. ).
V eut-on dire que le tribunal n ’a pas entendu juger
( üne cliosç aussi extraordinaire
niiais »alors il faudra
4 dire que le sieur ^Faidit n ’a pu faire- des açtds dè p ro
priétaire sur le fossé , qu’après en-avoir fa it sur le ch e
min. Or,,, il est impossible; d’établir que le chem in soit
. détruit et possédé depuis quarante-rcinq ans. Il est donc
tout aussi impossible d ’établir la possession du fossé pour
le citoyen, B ru n ; car elle cloit avoiu.éfé-acquiselors'de la
construction de l ’agage,.sinon il n’^ a -p a s prescription.
C
�C e p en d a n t.vo yo n s encore si la possession du cito yen
B r u n , telle q u ’elle e s t, aurait été , in dépend am m en t
de cet interm édiaire , suffisante pour lui acquérir la
prescription.
N on seulem ent il faut que les trente ans nécessaires
pou r prescrire soient utiles et co n tin u s; mais il faut
en core q u ’ils se soient passés sans le m oindre trouble
et sansle m oindre acte de promiscuité qui portât atteinte
à une possession exclusive,*
'
C a r sur ce point la loi est bien claire. E lle exige
l ’im m obilité la plus p a r fa ite , le silence le plus absolu de
la part de ce u x qui ont.un intérêt contraire. Possessio
lég itim a e s t , cum omnium, adversanorum silentio et
tacU urrutaleJirm atur. (1. 10 de aquir possèss.)
O r , pou vons-n ous trouver cette abstention entière
v o u lu e par'la loi dans ce qui s’est passé , m êm e d ’après
les témoignages.
N e cherchons m ê m e que dans l ’enquête du cito yen
Brun. Gailori , f e r m ie r 'e n : 178 4 , dit que l ’agage du
^citoyen Vernière^fut fait pendant sa fe rm e , et q u 'a u p a r a fa n t'il y avait une digue en mottes pour mener
■/’eau 'au pré B lic h .
. V e r s e p u y o t Q u in ty déposent tous deux de 25 a n s ,
- e t ;disent \qu alors>\üs> fermiers du pré Blicli faisaient
-nhp- digue avec des'm ot les-pour prendre l ’eau.
V o ilà donc tout le contraire de silen tio , taciturnitate.
V o ilà au contraire des actes très-interruptifs de pos
session. !
:j!)
1
A Pons m ê m e jusqu’au témoin du cito ye n Brun , qui
idépose do 5 o an s, et disons que s’il y a eu des inter»-
�ruplions.qui rem ontent à s 5 a n s, il n ’en restera pas 3 o
utiles. 1 :.
L e cito ye n B run s’était cependant chargé de prou ver
u n e possession paisible et e x clu siv e , il ne l ’a pas faite.
I l était donc m al fondé de vouloir priver le cito yen
Vern ière:d u fossé, et sur-tout de conclure incidem m ent
ii- l a destruction de l ’agage.
.
Car cet agage ne lui nuit pas. O utre q u’il n ’est pas*
bâti ch ez l u i , il lui serait physiquem en t impossible de
profiter de l ’e a u , co m m e l ’ont, dit les experts. Sa de
m an d e est donc m é ch a n te , car elle n ’a pas d in térêt réel,
f L e cito ye n B ra n , au m om en t de l ’audience définitive,
a m ê m e 'fo rm é e x abrupto une dem an de en destruction
d ’une bonde q u ’i l a prétendu être sur le fossé du pré
B licli, et il a oblenu ce q u ’il dem andait sansile m oindre
exam en .
... I i
.
i:
.: >
S’il en eût été question lors de l ’e x p e rtis e , le plan
dém ontrerait que celte b o n d e , placée pour form er un
amas d ’eau entre le pré.B lich et le petit pré Boudanson,
est e n tiè r e m e n t , de m êm e que ce ré s e rv o ir, hors la
ligne angulaire du pré du cito yen Brun. Il était donc
encore mal fondé dans cet incident.
!
L e cito yen Y ern ière n’y insiste pas davantage, parce
que son drgit1évident à la propriélé du fossé Blich rendra
cet autre exam en inutile. C ette propriété n ’avait pas
.besoin {Fénquêtes ; car le citoyen Brun avouait n’avoir
•détruit lc.ch em in interm édiaire que depuis 1 7 9 4 } et
<ce chemin' était sans, contredit un\obstacle ins.unuon-r
vtnble pnur q u ’i l p û t Ê tre'allé posséder animQ dom ini
•mnifosséi situai au-delà.1' M
<y<o;."r'r
C a
�( 20 )
Y eû(-il ëu du doute* il .fallait, 'co m m e le dit D o m a t , *
se décider en faveur de celui qui avait le titre le plus
apparent. (/. 3 . de La Possess. )
N ’é lait-ce donc pas le cit. V e r n iè r e , déjà proprié
taire sans contradiction de tous les autres fossés de son
p r é , dont la propriété était entourée d ’eau et d ’ou
vrages de m a ç o n erie, et auquel seul la prise d ’eau po u
va it être utile.
Il a en sa faveur des reconnaissances. A la vérité elles
n e sont pas copiées d ’une m anière auth e n tiq u e; mais la
loi du 17 juillet 179 3 a disposé des originaux! Ces c o
pies anciennes ne p euven t pas être dites faites pour la
cau se, et de telles pièces fugitives sont devenues trop
précieuses au x propriétés, pour q u ’on doive les rebuter
sans de grandes raisons.
x '
'
En fin le cit. V ern ière a en sa faveur Ta vis très-positif
des experts , et certes cela seul devait décider de la con
te sta tio n ; car si on prescrit un ch am p e n t i e r , on n e
prescrit pas un bornage , et il est de principe ¡que toutes
lés questions de cet le nature doivent être soumiseâ.à un©
vérification.
1
Il n’y a lieu à exa m in er la possession, q u e si l’ une de9
parties prétend avoir celle de 1 héritage q u ’il faut borner.
S i super iocis prior detuLcrit q iierim on ia n t.\i.' 3 . c .J i n .
R ég i )
»:
<
•
M ais s’il n’ est question que du bornage en lu i-m ê m e ,
le juge doit re n v o y e r à des experts d e fin ib u s cogriosccndis pcrtinet a d mensores nüttercy e i il ne .doit p a s ,
co m m e le tribunal do prem ière instance y répudier leur
ra p p o rt, sans des causes d ’am endem ent^iniais a iic o n -
�( 21 )
J
traire ju g er par leur avis. E t per eos dirimere ipsam
fin iu m quœstiotiem. (/. 8. eod. tit. )
§. 3 .
L a propriété d u fo s s é d u pré Grenouillet.
C
e
q u ’à jugé à cet égard le tribunal dont est ap p el,
n ’est point du tout ce que les deux parties demandaient.
L e cit. Brun avait form é une dem ande pétitoire , et le
cit. V ern ière avait conclu à ce q u ’il en fût débouté. L e
tribunal n’a ni adjugé la d e m a n d e , ni débouté de la
dem ande.
I l a ordonné une prom iscuité, à laquelle personne
n ’avait conclu , pas m êm e subsidiairement.
E t com m e personne n’est obligé de v iv re dans l ’in
division, c ’est avoir ordonné im plicitem ent un partage
de terrain; mais un partage ne s’ordonne pas d ’office.
A in si, contravention au principe que sententia debet
ésselibel/o con /orm is, contravention à l’ordonnance qui
adm et à req uête civile, quand il a été jugé autre chose
que ce qui était demandé.
Peut-être bien est-il fondé en raison que le juge qui
n e voit pas clairem ent à qui appartient une propriété,
ordonne que les conlendans en feront le partage. C ’est
le jugem ent de Salomon ; mais le jugem ent de Salomon
n e serait pas autorisé par l'ordonnance de 1667.
A u fait q u ’y avait-il a ju g er? la dem ande pétitoire
du cit. B run q u ’il s’ était soumis a a p p u yer d ’une p reuve
de possession exclusive de 3 o ans utiles avant le 4 février
>
�.
( 22 )
i 7 7 5 , kc ’e s tr à -d îr e , de plus de 55 a n s ,.t a n t p a r tifres
que par témoins.
........... , .
L e cit. B run n ’a rien pro u vé par titres, et certes il
n e peut pas dire non plus ayoir rien p ro u vé par témoins.
I l était d em an d eu r, il n’établissait pas sa dem ande ,
il devait donc être débouté.
S i , ne pouvant obtenir le fossé en tier, il cro yait pou
voir prétendre à une m oitié, c ’était à lui à la demander.
Jusques là le cit. V ern ière n ’avait à défendre q u’à ladem ande de la propriété du fossé, et pour établir q u’e l l e .
n ’était pas fo n d é e , il a peu djefforts à faire ; car le jugery
m ent m êm e dont est a p p e l, constate dans ses motifs,}
q u ’il résulte des enquêtes que les deux parties ont f a i t
des actes de propriété à diverses époques.
L e cit. Brun n ’a donc pas fait la p re u v e à laquelle,Ü.
s’était soumis d’une possession exclusive.de 3 o ans utiles
avant 1 7 7 5 , et peu im portait que le cit. V ern ière eût
p ro u vé de sa part une possession e x c lu siv e ; il ne s’y
était pas o b lig é, et il était défendeur.
.
U n autre vice du ju gem en t dont est ap p el, est d ’avoin
Ordonné la destruction de l ’agyge établi sur ce fossé,
qui n’avail été d em an dée aussi q u ’en fin de cause.
;
S ’il en eût été question avant le jugem ent définitif,
Je cit. V ern ière aurait fuit constater qu^ 'cet agage ne
î u À tp a s a u cit. B r u n , q u ’il ne Umcbe pas m ê m e .a u terx u i ii .d e 'sou pré , et que l’eau ne peilt pas rem o n ter
au niveau dé ce pré. Ainsi encore il a été statué sur
une chose inconnue.
Y/r.
1
M ais fallûtril discuter sur le droit à la prom iscu itéd u
iüssé, il est de la plus grande évidèndo/que le cit.; B n in
n’ en a aucun.
�’
( 23 )
Q u e le cÎt.D u b o îs, précédent propriétaire de son pré,
ail fait n etto yer le fossé par échappée, m êm e à plusieurs
rep rises, cela s’exp liq u e; le pré Grenouillet était au
dom aine du R o i , il avait été déguerpi pendant lo n g te m s , co m m e les titres l’in d iq u e n t, et c ’en était assez
p o u r autoriser les voisins à ne pas respecter infiniment
cette propriété.
M ais tout prouve q u e depuis que le cit. Jusseraud
fu t ferm ier du dom aine , et encore plus quand le pré
Grenouille! fut ven d u au citoyen Bletterie, l’ un et l’autre
surveillèrent davantage , el alors le cit. D ubois ne net
toya plus le fossé.
11 est rem arquable q u ’aucun des lém oins du cil.B ru n
n e parle d ’un seul n e llo y em en l pendant les vingt dernièresannées, et encore on sait com bien le tems s’abrège
quand il faut se rappeler du passé. U n seul m ê m e , et
très-suspect, parle de 20 ans. Mais fallût-il se fixer à
cette é p o q u e , qui croira q u e , si le cit. D ubois était pro
p riétaire, il cessa tout d ’un coup sa prétendue posses
sion, quand le pré Grenouillet n ’était plus domanial et
déguerpi. Ou plutôt qui ne croira pas que jusqu’à la
v e n te du pré G re n o u ille t, il usurpait fu rtivem en t, et
n e possédait pas.
L e s conjonctures sont fortes , et cependant les titres
produits les rendent surabond antes, ou au moins les
fortifient.
L o rsq u ’on voit par un traité de 1 7 7 $ , qui est basé sur
un bail de 1 7 6 4 , un sous-lerm ier du pré Grenouillet
p a y e r un dédom m agem ent pour le fossé q u’il n ’a pas
fa it; lorsque le cit. B le tte r ie , assigne le cit. D u b o is, en
�rétablissement d ’ une born e qui lui donnait le fossé 5 ar
rachée depuis quelques jours; q u ’un tém o in explique
que le résultat de cette discussion fut que le cit. Bletterie
n etto ya le fossé, il est aussi clair q u’il puisse l ’être en sem
blable m atière, que la propriété était au cit. Bletterie.
L e tribunal de prem ière instance a adopté le traité
de 1 7 7 5 , co m m e un titre en faveur du cit. V e r n iè re ,
puisqu’il a exigé une p reuve de 3 o
ans a n térieu rs;
cependant ce titre était basé sur un autre de 1764. Alors
par une conséquence nécessaire, il fallait partir de cette
prem ière é p o q u e , et le cito ye n V ern iè re avait 36 ans
en sa faveur.
E u un m ot le cito yen V ern ière a pour lui titres et
possession; mais sur-tout le dernier état bien exclusi
v e m e n t établi. L e citoyen B run 11’a pas le m oindre
titre , et il n ’a établi que quelques anciens actes de
possession é p a r s , q u ’encore rien ne p ro u ve avoir été
anim a dom iai.
L e cilo yen V ern ière a établi de plus une ancienne
existence de bornes qui lui donnaient le fossé en lier :
c e lle preu ve 110 peut êlre détruite p a rle s tém oignages
négalifs q u ’il n’y en avait pas. L ’exploit donné en 1783
par le cito yen B lelterie , a ch ève la dém onstration; car
il parle d ’ une borne arrachée depuis quelques j o u r s .
Si ce n’est pas là une preuve co m p lè te , les déposilions
qui y sont relatives achèvent de la rendre suffisante.
L e cito yen Brun a certainem ent senti la force de ces
preuves ; mais pour faire bonne contenance , il a cru
q u ’il so rendrait plus intéressant en se p la ig n a n t,lu im ê m e de n ’avoir pas assez o b t e n u , et il a aussi inter
jeté appel.
11
�Jg&
( 25 )
I l est lésé d i t - i l , 1 .° pour n ’avoir pas obtenu de
do m m a ges-in térêts relativem ent au fossé Blich . S’il avait
p rou vé que ce fossé est à lu i, on lui rappellerait q u ’il
n ’a détruit le chem in q u’après 1 7 9 4 , et q u’ainsi jusques
là , si le citoyen V ern ière a eu droit d’après les experts
et les tit r e s , il a été en bonne foi depuis cette époque ;
2.0 P o u r n ’en avoir pas obtenu pour le fossé G renouillet ; mais il serait singulier de lui en avoir a c c o rd é ,
lorsqu’il n ’était pas établi propriétaire;
. 3 .° Parce que ce fossé a été déclaré com m un. L e cit.
V ern ière ne s’occupera pas de ce ch ef d’appel, les m oyens
précédens y rép o n d en t;
4 .0 Enfin parce q u ’ un tiers des dépens a été com pensé;
mais c ’était une conséquence du jugem ent q u i, sur trois
ch efs en faisait gagner deux au cito yen Brun.
Si
le citoyen V ernière avait besoin de m oyen s de
considération, c ’en serait un bien grand sans doute que
l ’exagération ridicule des prétentions toujours croissantes
du cito yen Brun. A v e c son voisinage sont arrivés l ’agi
tat ion et les procès; mais le cito ye n V ern ière se félicite
de ce que le jugem ent qui va se rendre en sera le t e r m e ,
et réprim era l ’avidité usurpatrice d ’un voisin aussi tracassier.
/ «
/V ~ A * :
P ar conseil, DE L A P C H IE R.
VERNIÈRE,
av o u é
A RIO M DE L ’IMPRIMERIE DU PALAIS, CHEZ J.-C. SALLES.
\
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Vernière. An 10?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Vernière
Subject
The topic of the resource
chemins vicinaux
jouissance des eaux
biens nationaux
émigrés
agage
bornage
experts
irrigation
témoins
prescription acquisitive
vie monastique
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le Citoyen Vernière, appelant et intimé ; contre le Citoyen Brun, intimé et appelant.
Notation manuscrite : « 18 thermidor an 10, 1ére section. Jugement : annule les enquêtes respectives faites en 1ére instance et sans s'arrêter au jugement du 1er juge, homologue le rapport d'experts et fixe les droits de chaque partie ».
Table Godemel : Litige sur la propriété et possession de deux fossés et d 'un chemin qui sont intermédiaires aux héritages respectifs des deux parties
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa An 10
1783-Circa An 10
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
25 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1421
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1422
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53235/BCU_Factums_G1421.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
agage
biens nationaux
bornage
chemins vicinaux
émigrés
experts
irrigation
Jouissance des eaux
prescription acquisitive
témoins
vie monastique
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53183/BCU_Factums_G1225.pdf
ca80fc749fb569cac3cd42f6cbbe51cb
PDF Text
Text
o
r
MÉMOIRE
POUR
avoué à Ambert, accusé de com
A n t o i n e DUPIC,
plicité de faux;
CONTRE
TRIBUNAL
L e com m issaire du g o u v e r n e m e n t ,
'
et le citoyen
BARRIERE,
poursuivant,
plaintif.
U n avoué, en prison pour une accusation de faux , appelle
nécessairement sur lui l’attention publique. Son état est tout entier
dans le domaine de l’opinion, et elle exige qu’avant de se justi
fier devant ses juges, il donne publiquement le tableau de sa con
duite, quand il ne craint pas d’en rendre compte.
L e cit. Dupic est accusé de complicité d’un fa u x , com m is,
dit-on, par un huissier, en supprimant les copies d’une notifica
tion de transcription à des créanciers inscrits.
L a participation du cit. Dupic consiste dans la rédaction du
projet de cette notification , faite par lui sur papier lib re , et
remise , non pas à l’huissier, mais aux parties, q u i, à ce qu’il
paroit, se sont adressées à plusieurs huissiers pour les corrompre.
L e cit. Dupic ignore si cette corruption a eu son effet , et
cette incertitude lui a fait rechercher le corps de délit dans la
procédure, dont copie vient de lui être remise. M ais, au lieu d’un
original d’exploit sans copies, il y a vu une copie sans original,
Barthélémi Roussel, a-t-il dit, a donc fait usage de cet exploit
contre ses créanciers, et ceux-ci ont été privés de la faculté d’en
chérir. Mais non, Roussel interrogé ignore lui-même s’il y en
A
cr imine l
SPÉCIAL
d
u
puy de Dome
j
1
�un; et tout ce qu’on voit de certain dans la procédure, c’est que
le cit. Barrière a voulu deviner qu’il y avoit un exploit faux ;
qu il n’a pas même cherché à savoir si on le lui opposcroit pour
lui faire perdre ses créances , et qu’il a mieux aimé faire une
dénonciation, soi-disant civique, sous le prétexte ridicule d’un
tort possible et imaginaire.
Quoi qu’il en soit, le cit. Dupic est accusé , et dans les fers:
avec un état et une fam ille, il ne peut, sans doute, supporter que
très-impatiemment d’être compromis dans une querelle étrangère.
D ’autres considérations peut-être l’afiligeroient plus encore; mais
l’expérience du malheur lui a appris qu'il faut toujours s’attendre
au pire, et que dans les événemens majeurs on doit moins compter
sur les hommes que sur la justice, le temps ou le hasard. Il lais
sera donc les réflexions et les plaintes, pour ne s’occuper que des
causes de l’accusation dont il est victime.
F A IT S .
L e cit. Dupic avoit été chargé, comme avoué, de plusieurs
affaires pour le cit. D um aret, de L y o n , qui a des propriétés à
Saint-Germ ain-l’Hcrm.
Il a eu aussi la confiance de Barthélemi Roussel, cultivateur,
passant pour avoir une très-grande aisance, et auquel on ne
donnoit pas une mauvaise réputation.
Dumaret et Roussel eurent un procès pour arrérages de ferme,
pendant le papier monnoie. L e tribunal d’appel ordonna que
D um aret, demandeur, scroit interrogé sur faits et articles pour
des reçus qu’ils n ’avouoit pas; Roussel ne consigna pas les frais
du vo yage; l’interrogatoire n ’eut pas lieu , et il fut condamné.
Quel que fût le sentiment qui l’agitùt après cette condamna
tion , il alla demander au cit. Dupic s’il pouvoit vendre. La
réponse fut affirmative et devoit l’être ; il ne s’agissoit ni de la
quantité de biens à vendre, ni du p rix; tout cela ne pouvoit être
que 1 affaire du consultant.
�C3 )
Roussel conduisit ensuite son acquéreur, simulé ou non, chez le
cit. D upic, croyant qu'il pouvoit recevoir cette vente. Celui-ci les
mena chez le cit. C lavel, notaire, qu’il trouva dans la ru e, et
auquel il dit qu’il s’agissoit de passer un acte : il les quitta sans
autre explication (i).
Vraisemblablement le cit. Clavel ne voulut pas recevoir cet acte;
si c’étoit faute de certificateurs, Roussel n ’en dit rien, car Dupic
le connoissoit assez pour offrir de l'être. Mais il vint lui dire que
Clavel avoit pensé que Roussel ayant été protuteur ne pouvoit
pas vendre solidement, et qu’il le prioit de les mener à un autre
notaire. Alors on alla chez le cit. Ponchon.
L e premier mot de Ponchon fut de demander des certiiicatcurs; pour cette fois, Dupic étoit présent, et offrit de certifier
l’identité de Roussel. Que ceux qui cherchent des raisons à tout
veuillent bien expliquer pourquoi ils refuseraient de certifier la
simple identité de ceux qu’ils connoissent.
Mais le cit. Ponchon rappela au cit. Dupic qu’il fulloit deux
certificateurs : Dupic auroit pu sans doute s ’en adjoindre un autre;
mais c’éloit bien assez de se croire obligé à ne pas refuser lui—
m êm e; il fut bien aise que l’acte s’ajournât.
A u départ de Roussel , le cit. Ponchon donna à quelqu’un la
commission de lui faire venir un nommé Girodon, de Marsac ,
son débiteur. Roussel ayant ouï ce no m , dit au cit. Ponchon
qu’il connoissoit aussi ce Girodon, qui ne refuseroil pas d’être
son certificateur (2). ,
Peu de jours après, on retourna chez le cit. Ponchon: Je cil.
Dupic se croyoit encore obligé d’être un des certificateurs; il 11 y
voyoit aucun motil réel de répugnance; l’acte fut projeté et dicté
par le notaire. D upic, absent pendant ce travail, attendoit qu’oa
vînt le chercher pour signer.
Lorsqu’il revint , la dictée en étoit aux certificateurs ; il on
(1) Déposition du cit. C lav el, 2e. témoin.
(a) Déposition du cit. Ponchon.
A 2
�« ¿t.
( 4 )
entendit nommer deux, et dès-lors il ne vit plus de nécessité ii
être là, en troisième. Pour ne pas fatiguer R oussel, il appela le no
taire en particulier, et lui dit que sa signature devenoit inutile (i).
L e même jou r, Roussel dit au cit. Dupic qu’il vouloit aller
à Lyon payer M . D um aret, qui l’avoit tenu quitte pour 800 fr. ;
tandis que B arrière, son agent d’affaire , qui se disoit cessionnaire de la créance, vouloit G,000 f. L e cit. Dupic écrivit; et
il étoit si peu de moitié dans un projet de iraude, que dans cette
lettre il avertissoit Dumaret que Roussel venoit de prendre des
arrangemens. 11 croyoit si peu que Roussel eût projet de réduire
tous ses créanciers à 5oo f . , que dupe, lui-même, il s’offroit pour
caution de 800 f. et 20 quartons de blé au cit. Dumaret (2).
T ou t sembloit terminé pour le cit. Dupic ; mais quand l’acte
fut enregistré et expédié, l ’acquéreur vint le lui porter, pour le
prier de le retirer cle la transcription, avec les extraits d’inscription.
Malgré la diligence recommandée par cet acquéreur, le cit. Dupic
avoit perdu cette affaire de vu e; mais Convert, plus pressé, vint
lui-même à Àmbert , et le cit. Dupic l’accompagna pour retirer
l ’acte et les extraits du bureau des hypothèques.
11 fut question alors de la notification de ces extraits aux créan
ciers; on chargea Dupic de la faire: il en fit le projet où il tacha
de renfermer tout ce qu’exige la loi pour les formes ; et comme,
par un hasard qui se trouve heureux, il n’avoil pas de scribe pour
en faire transcrire l’original et les copies sur papier tim bré, il se
contenta d’écrire en marge qu’il falloit écrire l’exploit tel qu’il étoit,
sans rien omettre, et il le remit aux parties elles-mêmes ( 5 ), qui
l ’emportèrent pour en consulter, à ce qu’elles dirent, la validité,
à Saint-Germain.
C ’est ici où il faut dire , puisque la position du cil. Dupic l’y
(1) Même déposition.
(2) Lettre écrite le 5 fructidor an 1 0 , au cit. Ribonlet , cote /VZ.
(3) Déclaration de Iloque à tous les avoués , 1 2 '. i 5e. 16 e. 20e. 2 1 e. 29e.
33e. 34 '. tém oin, cote 3çj.
�oblige, que peu après la remise de ce projet d’exp lo it, Roussel
et Couvert ayant sans doute médité leur suppression de copies,
et peut-être ayant déjà tenté de l’exécuter, revinrent chez le cit.
Dupic lui dire, que, pour empêcher Roussel d’être victime de ses
créanciers, un homme Ircs-capable leur avoit conseillé de suppri
m er les copies de la notification dont il avoit fait le projet, et
ils lui proposèrent, s’il vouloit s’en charger, de lui payer ce
qu’il voudroit, offres qu’ils portèrent jusqu’à 1,800 f. ou 2,000 f.
L ’indignation du cit. Dupic à celte proposition étoit contenue
par l’envie qu’il avoit de recouvrer son projet d’exploit : il le
demanda sous un prétexte; mais sans doute la leçon étoit bien
faite ; on répondit que le projet avoit resté à Saint-Germain ; et
alors le cit. D u p ic, par un reste d’égard pour son ancien client,
se contenta de le menacer d’une dénonciation, s’il usoit de ce projet,
ou s'il signifioit l’exploit sans copies.
11 paroit que les Roussel et Convert ne furent pas trts-effrayés
de celte m enace, puisque le même jour, ou peu de jours après,
ils cherchèrent à acheter la probité de trois huissiers.
Il n’est pas question, comme l’a dit Barrière dans sa dénoncia
tion, de Roque, huissier de confiance de D upic; de Roque fils,
clerc de Dupic ; de l ’exploit dicté à ce dernier par Dupic : tout cet
arrangement captieux, pour rattacher Dupic à tout, est démenti
par un fait du pur hasard.
C ’est que les Roussel et Convert, au lieu de s’adresser d’abord
à ce Roque fils, pour écrire sous la dictée , et à ce Roque père, pour
signer de confiance, se sont d’abord adressés à un gendarme (Privât,
qui est en jugement el en prison), pour le prier d’acheter une signa
ture d’huissier, moyennant 48 fr. (1).
Trivat n ’alla pas chez Roque; il alla chez Àchard, lui proposa
ses 48 fr. ; Achard refusa.
Après A chard, Privât alla chez Monleillet : Monteillet refusa
( i 1) Déclaration de M onteillet, A ch ard, la veuve Pom m ier, et de Privât
lui-inèmo.
A 3
�( 6 )
encore; et ce fut après ces deux huissiers qu’on s’adressa à R oque(i).
Roque, à ce qu’il paroît, alla boire avec Roussel et Corwert.
L ’exploit fut fait : la signature fut payée, dit-on, avec une tasse
d’ argent; et l ’huissier alla en personne faii’e enregistrer l’exploit à
St. A nthêm e, bureau étranger aux parties, aux créanciers, et à
l ’huissier lui-même.
L e cit. Dupic ignoroit tout ce tripotage d’huissier, de gendarme
et d’enregistrement, se confiant dans l’idée qu’il avoit dissuadé
Roussel de tout projet frauduleux , lorsque le cit. Barrière est
venu avec fracas, à A m bert, dénoncer à la chambre des avoués
un prétendu exploit dont il avouoit suspecter seulement l’existence.
Si la chambre des avoués eût connu cet exploit supposé si nuisi
b le , elle auroit vu que, pour en détruire l’e ffe t, il n’étoit pas
besoin d’une procédure criminelle ; mais elle ne put le juger que
sur les rapports infidèles du cit. Barrière; elle demanda une dénon
ciation écrite. L e cit. Barrière sortit avec le cit. Crosmarie pour la
rédiger. C ’est après cela qu’on manda le cit. D upic, pour s’expli
quer et répondre (2).
A u premier mot d’un projet d’exploit, il faut le dire, le cit. Dupic
6e confirma dans l ’idée que le6 Roussel avoient eu peur de sa menace.
Il leur en sut intérieurement bon gré; et, regardant dès lors toutes
les clameurs du cit. Barrière comme une terreur panique, il ne
voulut pas révéler leur turpitude, et les exposer à un procès crimi
n el, dès qu'ils s’étoient repentis.
M ais quand, au lieu d’un simple soupçon, il ouït dire qu’un
exploit avoit été fait réellement, et que, pour lui en cacher la
connoissance ii lui-même, on l ’avoit fait enregistrer à St. Anthêm e,
alors son premier mouvement fut de déclarer avec vivacité qu’il
éloit vrai qu’on lui avoit offert 1800 fr. pour supprimer les copies
de cet exploit; et il termina par demander que celle explication 11e
fut pas réduite à une simple conversation entre collègues; mais
(1) Int’ rrog.itoire de Privât et Roussel.
(*) Déclaration des avoués.
�J>$(T )
( 7 )
que la dénonciation fût remise au substitut du tribunal crim inel(i).
C ’est ainsi qu’un prétendu coupable a provoqué lui-m êm e une
instruction judiciaire, au lieu de la redouter; il a voulu être con
fronté avec ceux qu’on disoit n’avoir agi que par ses conseils. Il est
en jugement avec eux ; et certes s’il avoit préparé et fa cilité le
fa u x , ils n’auroient pas manqué de tout rejeter sur son compte,
pour se disculper sous le prétexte de leur ignorance.
T e l est le précis exact des faits confirmés par les dépositions. S ’ils
ont suffi pour rendre le cit. Dupic suspect, il est au moins bien
certain qu’ils ne peuvent le faire considérer comme coupable. Ce
seroit sans doute assez, pour l’établir, de ce qu’il a déjà d it; mais
' il doit suivre sa défense sous toutes les faces, parce qu’on ne peut
traiter légèrement une accusation qui attaque la liberté et l’honneur.
M O Y E N S .
S- IL e cit. D upic est étranger au délit dénoncé.
Si le cit. Dupic jouissoit d’une fortune brillante, on n’eut pas
osé l’accuser d’un faux minutieux, et d’avoir vendu son honneur à
celui qui vouloit le commettre. Mais c’est un malheur inséparable
de la médiocrité qu’elle est en butte aux soupçons enhardis , et
qu’en rougissant de leur injure elle n’en est pas moins obligée de
les combattre.
M a is, quelle que soit la calomnie qui poursuit le cit. D upic,
ouvertement ou dans l’om bre; s’il n’a pas reçu de ses ancêtres
l ’héritage de leur illustration ( 2 ) , il en a reçu celui d’une probité
qu’il n’avoit jamais ouï suspecter dans l'exercice de son état et des
(1) Procès verbal de la cham bre, cote 9 , expliqué par les déclarations dei
avoués.
(») Guillaume D u p ic, l’ un d’eux, étoit grand bailli d’Auvergne en i 35o.
A 4
V
�f
.
(8)
fonctions qu/il exerce depuis 1789 (1 ) ; et cet héritage, quoi qu’on
en dise, il le transmettra intact a ses enfans.
Le cit. Barrière devoit voir le passé avant le présent, n?épouser
la passion de personne; ne pas croire qu’ il lui suffiroit, pour réussir,
d'indiquer trente-neuf témoins avec note de ce'qu’ils dévoient dire;
ne pas mentir à sa conscience, lorsqu’il savoit que le conseil d'un
faux venoit d’un autre que du cit. Dupic ; et enfin méditer un peu
plus, avant de dénoncer, quelle éloit la nécessité et quelle seroit
la suite de sa diffamation.
Il est peut-être sans exemple qu’un défenseur soit en jugement,
parce qu’un huissier n’a pas posé des copies d’exploit; sous prétexte
que ce défenseur a conseille cet exp loit, et en a fait le projet.
Est-ce donc le conseil, 011 le projet, qui ont valu une accusation?
Mais ce seroit une chose bien périlleuse, que de donner des con
seils, s’ils exposoient aux résultats d’un commentaire fort différent
quelquefois du con seil lu i- m ê m e , et si on couroit la chance d’être
incarcéré par provision, pour éclaircir jusqu’à quel point le conseil
a influé sur le mode de l’exécuter.
Si c’est le projet, c’est peut-être pis encore; car il seroit inouï de
trouver dans le projet d’un exploit quelque chose de relatif à la
suppression des copies qui en seront faites ensuite.
Il y a plus : car, dans l'existence de ce projet m êm e, tout autre
qu’un dénonciateur passionné doit voir la preuve que l’auteur du
projet n’a pas entendu se mêler de ce qui seroit fait au delà.
Sans doute Dupic, voulant faire faire celte suppression de copies,
auroit écrit l’original, et même, si on veut, les copies; il auroit
tout fait signer par l ’huissier qu’on suppose lui être si bien dévoué,
et il auroit tout retenu.
( 1 ) Le cit. D u p ic, accusé , a été reçu au serinent d'avocat au parlement
«le P a ris, en 178 9 ; accusateur public au tribunal «lu district d’ Am bert,
procureur national des eaux et forêts, greffier, avoué à Ambert avant l’an a
et «lepnij l’an 8. Depuis sa détention , il a été nommé membre de l’univer*ite de jurisprudence, sur la p résen tation du m aire d'^l/nherc.
�( 9 )
Mais on aime mieux choquer toutes les vraisemblances pour
l’uccuscr. On -veut qu’il ail été assez imbécille pour faire marchander
des probités d’huissiers de rue en rue, avec son projet d’exploit à
la m ain, et que , pour comble de simplicité, après s’êlre mis en
évidence par le refus successif de deux huissiers, il ait donné ainsi
au troisième une pièce de conviction de cette importance.
On ne veut pas voir qu’il y a incompatibilité dans ces deux
suppositions. Mais il y a constitution d’un autre avoué, dit le
dénonciateur. Mais les parlant à ne sont pas en blanc; mais il y
a une noie marginale et une date fixe; mais Dupic a nié devant
ses collègues avoir fait ce projet. Mais tout cela se He à la vente
qui elle-même étoit frauduleuse; et Dupic y a participé, puisqu’il
est allé chez les notaires.
Voilà donc, sans l’affoiblir, tout le faisceau de l’argumentation
qui est résumée contre le cit. Dupic. Eh bien, que ce faisceau soit
divisé ou entier, il est impossible qu’il tienne contre le simple regard
de l’impartialité.
O iii, Dupic a constitué un autre avoué que lui : mais il dtoit
l’avoué ordinaire du cit. D um arel; e t, dans un exploit qui devoit
lui être signifié, il a pu aviser, sans crim e, au moyen de ne pas
perdre cette confiance.
O ui, il a rempli les parlant à. L ’huissier auroit confondu entre
le domicile réel de chaque créancier, et leur domicile élu. L e ré
dacteur a voulu éviter une nullité, et il ne laissoit rien à fin ir,
précisément parce qu’il 11’avoit à se mêler que d’un simple projet.
L a note marginale confirme ce qu’on vient de dire. Il étoit à
croire qu’un huissier de Saint-Germain Iranscriroit cet exploit.
L a date du i 5 fructidor, mise en marge du projet, n’est pas de
la main de D upic, quoi qu’en dise la dénonciation; donc il a passé
par d’aulres mains : d’ailleurs l'enregistrement du 20 suppose un
exploit du 17 (1).
L e cit. Dupic a nié ce projet; il en a donné les raisons : il
(1) Cote 4.
�M
.
C «o )
ne croyoit pas qu’on eut osé faire l’exploit. Sans doute ce n ’étoit
pas par supposition qu’on ignoreroit la part qu’il y avoit, puisque
la dénonciation qu’on venoit de lui lire, et où il est dit que le
projet est de sa m ain, devoit'dicter sa réponse. S ’il a agi par mé
nagement, il n’a plus rien ménagé ensuite, lorsqu’il a vu qu’il y
avoit un abus de sa bonne foi ; et on ne dira pas qu’il ait agi comme
s’il craignoit les éclaircissemens.
Ce n’est donc pas là une objection contre le cit. D upic, et ce
seroit attaquer la chambre des avoués; car le moyen de croire
qu’elle ait voulu tendre un piège à un de ses collègues, en lui de
mandant s’il avoit écrit un projet dont elle étoit déjà saisie, et
qu’elle savoit bien être de son écriture? Aussi quand elle a inséré
dans son procès verbal qu’il avoit déclaré tous les faits calomnieux,
on voit que cette rédaction étoit pour abréger, puisque cette con
cision est démentie par tous les témoignages des avoués eux-mêmes,
et que l’un d'eux rapporte même l’explication que le cit. Dupic
donna à sa réponse (i).
Enfin, qu’y a-t-il de commun entre le transport de Dupic chez
deux notaires, et une suppression de copies d'exploit? S’il eût voulu
ou cru faire une fraude, auroit-il ainsi parcouru les études de
notaires avec Roussel? se seroit-il présenté pour son certificateur?
et après tout cela auroit-il fait courir et laissé son projet d'exploit,
pour consommer sa conviction? Certes, la fraude ne marche pas
ainsi avçc éclat, et ne laisse pas sur sa route des signaux de reconnoissance.
(i) Le douzième témoin dépose que D upic expliqua « qu’avoir suivi les
» parties chez un notaire, avoir retiré l’état des inscriptions, avoir fait un
>* projet de n otification, n’étoit pas repréhensible ; et qu’il n’appeloit faits
» calomnieux que ceux qui tendoisnt à le rendre com plice d ’un faux, h
�( II )
§.
11.
I l n’y a pas de fa u x ; le cit. D upic n’en est pas complice.
L e cit. Dupic n ’a pas cherché à se défendre par des fins de non
recevoir, parce que, n’ayant rien à se reprocher, il lui étoit égal
d’être accusé d’un délit quelconque : mais un crime de faux est un
poids si terrible pour un homme public, qu’il doit, s’il le peut, en
détourner de lui jusqu’à la seule dénomination. C ’est donc déjà un
grand intérêt pour le cit. D u p ic, d’examiner s’il y a eu un fau x, et
s’il a pu y être compris sous prétexte de complicité.
Déjà on peut dire, en général, qu’il n ’y a pas de faux dans
une suppression de titre, parce qu’un faux en écriture n’est pas un
acte d’abstension ou négatif, et qu’il suppose une action tendante
à altérer ce qui est, pour le transformer en ce qui n ’est pas.
Aussi ne voit-on pas qu’en principe on mette sur la même ligne
les suppressions de titre et les faux qu i, dans le droit crim inel,
semblent faire deux délits bien distincts.
Lange, en traitant du fa u x , observe que « l’on ne peut former
» une inscription de faux au sujet de la suppression des actes,
» parce que l'on ne peut déclarer fausse une pièce qui ne paroit
» p as; mais que parmi nous on en fait la poursuite comme d’un
« larcin (i). »
L e tribunal de cassation a été plus loin encore, dans un jugement
du i 5 nivôse an n , comme pn va le voir par l’extrait entier copié
sur l’arrêtiste (2) : « Un créancier, porteur d’une reconnoissance de
» 55 o f r ., reçoit du débiteur un acompte de i 5 o f r . , et en inscrit
» le reçu au dos du billet. Par la suite, le créancier gratte et efface
» cette quittance, et cite le débiteur en payement de 55 o fr. L e
» faux y est attaqué par le débiteur. L e tribunal spécial ( de la
(1) Pratic. f r . , cliap. X IV , du faux , tom. I I , pag. 64, édition de 172g.
(aj Journal du palais, n°. i i , page
«
3
344
�\
( 12 )
»
»
»
»
Manche ) a cru y voir un faux en écriture privée..........mais le
tribunal de cassation n’a considéré ces rature et grattage d'écrilure que comme une suppression d’ acte tendant à libération.
Sur ce m otif, il a cassé et annullé le jugement de compétence. »
L ’application de cette décision se fait sans peine ; car s i, entre
le créancier qui a gratte un écrit, et l’auteur d’un projet d ’exploit
posé ou non, il faut chercher un faussaire, ce n’est certes pas le
premier qui sera jugé l’être moins.
Pourquoi d’ailleurs vouloir trouver un faux où la loi n’en indique
pas? C a r, sans doute, un huissier qui ne pose pas des copies, ne
commet pas un délit d’invention nouvelle ; et dès-lors il faut cher
cher comment la loi punit, pour juger la culpabilité par la peine.
L a première loi qui paroisse s’être occupée de ce délit, est l ’or
donnance de 1 555 . A u tit. V I elle d it, art. X I : « Pour obvier à
» plusieurs inconvéniens qui peuvent advenir de ce que souvente» fo is, quand les huissiers signifient quelques requêtes ou autres
» choses, ils n’ en baillent copie, ce qui vient à gros intérêt des
» parties, nous avons enjoint et enjoignons auxdits huissiers de
» bailler promptement lesdites copies.......... sur peine de Go sols
» d’anietule pour la première fo is, et pour la seconde sur peine
» d’amende arbitraire. »
L ’ordonnance de 1GG7 veut, en l’art. II du lit. II, qu’il soit laissé
copie des exploits, à peine de nullité et 20 fr. d’amende ; et en
l ’art. III, qu’il Soit fait mention, en l’original et copie, de ceux à
qui elles ont été laissées, à peine de nullité et même amende. En
l ’art. V II du tit. X X X I I I , elle veut qu’il soit laissé au saisi copie
de l’exploit. L ’art. X I X est consacré à fixer la peine de l’inobser
vation : « T o u t ce que dessus sera observé par les huissiers , à
» peine de nullité, dom m ages-¿nierais .,. interdiction, cl 100 fr.
» d ’amende. »
Ainsi le pis-aller, dans les cas les plus graves, est l’interdiction
et des doinmages-inlérêts, outre la nullité et une amende.
Pourquoi donc être plus sévère que la loi elle-même; augmenter
les peines, (juand, dans l'incertitude, on doit les restreindre; appeler,
�( *3 )
sous le nom de faux , des peines corporelles, quand la loi en indique
textuellement d’autres?
L e genre de ces peines prouve donc que le délit dénoncé par le
cit. Barrière n’ est pas un faux.
S ’il y avoit un fa u x , il y auroit trois distinctions à faire entre
les accusés : l’auteur du faux, celui qui l’a voulu, et ceux qui l’ont
facilité. L ’huissier tient le premier ran g; Roussel, le deuxième;
D upic, P rivât, Roque fils et Couvert, le troisième. Si les deux
premiers ne sont pas en délit, c’est avoir prouvé que le cit. Dupic
n’est pas complice.
L e faux consisteroit dans ce que l’original eonstateroit le con
traire de ce que l’huissier a fait. Mais pour dire qu’il y a un fau x,
il s’agiroit de v o ir, dans cet original , s’il a certifié avoir porté
sept copies, tandis qu’il ne les a pas portées; car s’il n’y avoit pas
dit expressément les avoir portées, il est clair qu’il n’y auroit pas
même l'ombre d’un faux.
Cependant on veut qu’il y ait un fau x, et cet original ne se voit
pas : on veut qu’il soit constant qu’il certifie autre chose que ce qui
a été fa it, qu’il soit constant que les créanciers n ’ont pas reçu de
copies; et précisément l’un d’eux a été ouï en témoignage, et s’est
présenté avec sa copie. T ou t cela étonne, et fatigue l’imagination.
Aussi la loi ne permet pas, il faut le dire, que des accusations
de faux soient .admises d’après la seule terreur des parties inté
ressées; elle entend vo ir la pièce suspectée, avant de s’enquérir
s ’il y a un délit et des coupables : sans cela, en e ffet, comment
jugeroit-elle qu'il y a un faux?
« Dans t o u t k s les plaintes en faux, dit l’art. D X X V I du code
» des délits et des peines, les pièces arguées de faux sont déposées
» au g re ffe.. . . . elles sont paraphées......... etc.
» Le tout ii peine de nullité'. »
Ici quelle est la pièce iausse ? E s t-c e la copie produite par le
dernier témoin? Non ; puisqu’elle est la preuve contraire de la
dénonciation. Ce n’est d’ailleurs pas elle qui a donné lieu au procès,
puisqu’elle n ’a été connue que quand le cit. Dupic étoit en prison.
�( *4 )
Est-ce le projet? N o n ; car il n’a rien de commun avec les copies
supprimées, et avertit au contraire l’huissier qu’elles doivent être
posées. Est-ce enfin la relation de l’enregistrement? mais on ne
s’est pas même avisé de la dire falsifiée.
Voilà cependant tout ce qui est déposé au greffe; on n ’a donc
pas satisfait â la prem ière formalité que la loi exigeoit à peine de
nullité.
Ce n ’est pas seulement parce que la loi le dit ainsi, qu’on l’ob
serve; mais c’est qu’en effet il est inconcevable de préjuger qu’un
huissier a fait un faux sans connoître la pièce fausse.
Dira-t-on qu’il est intéressé à ne pas la produire? Mais le faux
est un délit m atériel, qui veut une culpabilité de fait. L a lo i, au
reste, ne se commente pas ; elle a voulu un dépôt de pièces avant
l’instruction, comme elle a voulu qu’avant de poursuivre un homi
cide de fait, on sût s’il y avoit un homme mort.
Evidemment un juri ne peut pas déclarer qu’ il est constant qu’il
y a un faux : alors il n’y a plus de questions subséquentes.
Si donc il n’est pas constant que l’huissier Roque soit l’auteur d’un
fa u x , comment concevoir qu’il y ait des complices? Roussel ne peut
être convaincu de l’avoir voulu et p a y é ; et m êm e, par respect
pour les principes, il faut dire qu’il est extraordinaire qu’un créan
cier ait pris l’initiative, avant desavoir s’il y avoit un exploit faux,
et si on le lui opposerait. Il ne peut pas dire qu’il craignoit cet
exploit pour l’avenir, comme on le diroit d’une obligation fabriquée
sans le débiteur. Sa créance étoit exigible; et, au lieu d’en pour
suivre le payement, au lieu de ne voir, même dans l’exploit en
registré ù St. Ànthêm e, s’il existoit, qu’un exploit nul ( i ) , il é*
(i)
« Les huissiers feront enregistrer leurs actes, soit au bureau de leur ré» siden ce, soit au bureau du lieu où ils les auront faits. » L . 22 frim aire
an 7 , art. X X V I .
« Toute violation des formes prescrites, en matière c iv ile , par les lois
» émanées des représentans du peuple, depuis i j S j , donneiont ouverture à
» cassation , quand même elles ne prononceroient pas la peine de nullité.,
l'- \ germinal an 2 , art. II.
�( i5 )
mieux aimé s’en croire empêché, et chercher un faux avec le même
zèle qu’un autre mettroit à en éviter le résultat; en un m ot, se
créer un fantôme pour avoir la jouissance de le combattre.
Mais si Roussel a voulu faire un fa u x , ne vaut-il pas autant
croire qu’il s’en est tenu au désir, et ne l’a pas consommé; ou, si
on veut, qu’ayant son exploit dans sa poche, il a craint les suites
d’un fau x, et l’a déchiré sans en faire usage.
Alors la tentative du crime n ’est pas un délit ; car il fa u t, d’après
la loi ( i ) , qu’il n’ait pas dépendu du coupable que la tentative du
crime n’ait eu son succès.
i
Ce principe nouveau est conforme aux anciennes m axim es, qui
ne regardoient le faussaire comme coupable, que s’il usoit de l’acte
faux. S i talis utebatur illo instrumento fa ls o .... quia s i non produæerit, non potest com pelli producere (2).
'
Les auteurs admettoient m êm ela résipiscence en cette matière,
au delà de la production de la pièce fausse.
« Aujourd'hui, par l’usage, il est permis en France à tous ceux
» qui ont produit des pièces fausses, quoiqu’ils en aient été les
» fabricateurs ou n o n , de s’en départir, sans pouvoir être recher»chés.... Seulement ceux qui les ont produites sont, nonobstant
» cette déclaration, responsables des dommages-intérêts (3). »
Qu’on avoue donc que le cit. Barrière s’est grandement écarté
de ces principes, en faisant incarcérer plusieurs citoyens, pour la
prétendue falsification d’un exploit dont on pouvoit ne pas se
servir, et qu’on ne lui avoit pas opposé, même indirectement.
Si Roussel aussi n’a pas fait un faux, à plus forte raison faut-il
dire que le cit. Dupic n’est pas coupable de l’avoir préparé et faci
lité. Cette vérité est si claire, que le moindre raisonnement seroit
oiseux.
(1) Loi du 22 prairial an 4.
(2) Boerins , d t 'd s . 29t. J11I. c la r ., liv. 5.
(3) Bornier, toui. I I , pag. m . Scoevola, a d leg. 2 4 , d e ja ls i s . P ap on ,
livre 7.
�C 16 )
Toule l’accusalion, on le répète, porte sur. Roque et Roussel.
Us pourvoient être coupables , sans que les autres le fussent : mais
s’il n y a pas de faux pour eu x, il n’y en a pour personne. Il est,
au reste, démontré dans la première partie que le cit. Dupic y est
absolument étranger.
Aucune loi ne peut être invoquée contre ce qu’il a fa it; et sa
position est tellement favorable, qu'il peut défier son dénonciateur
de motiver un jugement qui le condamne.
L e conseiller d’état Portalis, qui a présenté la première loi déjà
décrétée du code civil, a dit : « Il faut que le juge ait le droit d’in» terpreter les lois, et d’y suppléer : il n’y a exception que pour
» les matières criminelles. L e juge, dans ces matières, choisit le
» parti le plus doux si la loi est obscure et insuffisante, et il absout
» l’accusé si la loi se tait sur le crime (i). »
Voilà le dernier état de la législation. Si le cit. Dupic craignoit
une peine, il trouveroit là l’expression positive de son absolution :
mais cet examen n’appartient qu’à ceux des accusés qui auroient
des reproches à se faire; le cit. Dupic ne veut se présenter qu’à
découvert et sans armes, parce qu’il se repose autant sur l’impar
tialité du tribunal dont il attend la décision , que sur le témoignage
de sa propre conscience.
Chacun ici peut être sainement jugé par ce qu’il a fait. Privât,
accuse, avoue avoir cherché des huissiers, sur la réquisition de
H ousse!; Roussel, accusé par Dupic lui-m êm e, ne l’accuse p as,
même en récrimination ; Roque, accusé, se cache : Dupic seul a
prévenu les recherches de la justice.
Mais il est accusé ; il esl en butte aux conjectures. Que ceux qui
sont prompts à juger jettent un regard sur eux-mêmes : les actions
les plus indifférentes peuvent avoir des résultats fâcheux. Personne
ne peut se dire assuré d’être à l’abri d’une accusation.
E n niisujnS, il n’y a pas de fa u x , parce qu’il n’y en a pas sans
la pièce fausse.
(i) Code c i v i l , première livraison
, page 17.
�t y 0)
Cff.
C 17 )
Il n’y a pas de fa u x , parce qu’on ne voit pas si l’original, sup
posé existant, mentionne faussem ent que les copies ont été posées.
Il n’y a pas de fa u x , parce que le contraire de la suppression clés
copies est prouvé par le rapport qu’un créancier a fait d’ une copie.
Il n’y a pas de faux, parce qu’une suppression de copies n'est pas
un faux.
Il n’y a pas de corps de délit, et il y a nullité, parce que la pièce
arguée n’a pas été déposée au greffe, d’après le texte de la loi.
Ainsi le délit n’est pas constant.
S ’il y a fa u x , il est constant qu’il a été machiné entre Roussel
et Roque seulement, et que le citoyen D upic, après avoir remis
un projet d’exploit aux parties, n’a eu aucune part directe ni in
directe à ce qui s’est passé ultérieurement.
Ce qu’il a fa it, lors de la vente et depuis, marque sa franchise
et l’ahsence des précautions que la fraude n’oublie pas. Ce qui a été
fait hors sa présence ne laisse pas douter que, s’il se méditoit un
fa u x ; on le préparoit et on l’a consommé sans lui.
Bien loin donc qu’il soit constant que le cit. Dupic soit complice
d’un faux, il est au contraire très-constant qu’il ne l’est pas.
Ainsi s’évanouit une accusation grave et pénible, dont le résultat
éloit aisé à prévoir, mais dont le caractère médité et haineux a
besoin de toute l’attention d’un tribunal éclairé et intègre. L e cit.
Dupic la demanderoit à titre d’indulgence, s’il n’étoit certain de
l’obtenir à titre de justice. Il ose seulement demander célérité, dans
l’impatience bien juste d’être rendu à son état, à sa femme, à ses
enfans, et de ne plus courber sa tête sous le poids insupportable
d’une odieuse diffamation.
L. F. D E L A P C H I E R , homme de loi.
>
�( 18)
i
L e JU R IS C O N S U L T E S O U S S IG N É , qui ¡1 vu le mémoire justifi
catif pour le cit. D upic , signé du cit. Delapchier son conseil , adhère
entièrement aux principes qui y sont développés ; pense que l ’application
en est juste ; e t , par une suite , il est d’avis que le cit. Dupic doit être
a c q u itté sans difficulté' de toute inculpation , dans une aff.iire où la justice
est à la recherche d’un f a u x qui ne paroit pas e x is te r , et qui d’ailleu rs,
en le supposant réel , seroit absolument étranger à cet accusé.
Il n’y a point de corps d e d é l i t , ni par conséquent de coupables.
On prétend en effet que l’huissier Roque , chargé de notifier un contrat
d’acquisition, le certificat de transcription et les extraits des inscriptions
hypothécaires subsistantes , aux créanciers in scrits, pour satisfaire à l’ar
ticle X X X de la loi du 7 brumaire an 7 , se borna à faire un original
de notification, et supprima les copies, afin de priver les créanciers de
la faculté d’enchérir.
L a représentation d ’une des cop ies, faite par l ’un des créanciers , dément
déjà l’assertion qu’il ne fut fait qu’un simple original ; mais quand la sup
pression des coptes seroit vraie , ce fait matériel ne constitueroit pas lui
seul un faux , il n’en résulteroit qu'une n u llité dans la notification. Pour
constituer le fau x, il faudroit que l’huissier ne se fût pas borné à trahir
son devoir , en ne délivrant pas aux créanciers les copies commandées
par la loi , et qu’il eût attesté dans l ’original de la notification la d é li
vrance de copies qu’il auroit supprimées. Alors , mais alors seulem ent, il
auroit commis un f a u x , par la fa u sseté de la relation qu’il auroit faite,
d ’ un point de fait sur lequel l’acte de son ministère qui la contiendroit ,
étoit destiné à f a ir e f o i .
E n un m o t, le faux consisteroit dans cette relation mensongère , et
ne peut se trouver que là. E h bien , que l ’on produise donc l'original
d’exploit; qu’on le dépose au greffe, au désir de la loi. Q u’on dise au
tribunal : Prenez et lisez ; voyez dans cette pièce la relation mensongère
d ’un bail de copie qui n’a pas été fait : alors l ’accusation aura une base.'
M ais cette relation mensongère , prétendue insérée dans un acte public ,
ne paroit point ; quel est le résultat ? qu’on poursuit une chimère , une
vision. «D ans tout jugement crim in el, la première question tend essen» tielleinent à savoir si le fait qui forme l ’objet de l’accusation, est cous
it tan t on non , » nous dit l’article C C C L X X IY du code des délits et des
peines.
Or , lorsque le tribunal sp écial, dont les membres cumulent les fonc
tions de jurés pour reconnoitre le f a it , ayec colles de juges pour appli-
�19
quer la loi ,î s’inte r r o g e r l u i m êm e et se dem an d era L e fa it dé noncé .
savoir
q ue l’ huissier R o q u e a m entionné . dans l'origin a l d e n otifica
tion. don t il s 'a g i t , qu 'il avoit d é livré copie a chaque c r é a n c i e r i n s c r i t
est-il con stan t : Et p o urra-t-il ,sans voir, ,1a pi è c e r é p o n d r e a f f i r m a t i
v e m e n t Ou i , l e f a i t es t c o n s t a n t N on sans d o u te , et p a r l a croulera
tou t l'éd ific e que l’on a bâti en l’air. L ’huissier sera nécéssairem en t absous
faute de corps de d e l i t c o nstant: O r s i l e p r i n c i p a l a c c u s é e s t a b s o u t
à d é fa u t d e c o r p s d e d é l i t , c o m m e n t p o u r r o i t - i l a v o i r d e s c o m p l i c e s
• M ais, tout décisif q u ’est c e moyen pour faire acquitter le cit le cit. D u p ic
p a r le tribunal , il ne suffiroit peut-être pas pour l e j u s t i f i e r d e t o u t s o u p ç o n
aux yeux du publ ic. L a m a lig n ité d ir o it s 'il a é c h a p p é à la p e in e c'e s t
que la p iè c e a rg n é e d e fa u x a disparu. Eh b ien ! la malignité va se taire
aussi car en supposant qu'il eut été commis un faux par l'huissler Roque
et que le délit fut prouvé , la prévéntion la p lu s a rm ée seroit dans l’im
.
puissance d’élever c ontre D u pic même u n s o u ç o n r a i s o n n a b l e d 'a v o i r
participe à l a prévarication de cet officier ministériel Que produit-on
contre D u p ic ,
M a is
en effet ? un projet de notification écrit d e sa main.
d resser le, projet d ' un acte de procédure voulu p a r la lo i e s t c e
c o mmettre un crim e ? Com m e la passion est aveugle ! Au lieu de l'a ccu ser
la production de
ce projet s u ffit s e u le p o u r p u b lie r s o n in n o c e n c e c a r
e n f i n u n p r o j e t d r e s s é p a r u n a v o u é n 'a u r o i t p a s c o u r u l e m o n d e , i l
auroit resté entre les mains de l'avoué rédacteur , si ce lu i c i a v o it d u
être l'artisan et le m inistre d e la dénonciation ,si la transcription du
projet s'étoit fait chez lui s'il avoit fait signer
l ’original de confiance
p a r l ' h u i ssier R o q u e s ans le charger des c o p i e s
Du fait constant que le projet produit p a r les moteurs de cet te affaire,
étoit sorti des mains de D u p ic , résulte d on c la conséquence qu'il l’avoit
livré à l'acquéreur p ou r qu ’il fit faire sur ce type les notifications voulues par la loi ; que dès-lors rien de ce qui s 'e s t f a i t d e p u i s n ' a é t é f a»i *t
n i p ar lu i, ni sous sa direction. Enfin ,q u e s i l 'h u i s s i e r a v o i r p r é v a r i q u é
dans ses fonctions , en vendant sa signature au bas d ’un exploit par leq uel
il auroit attesté faussement avoir délivré d es c o p ie s q u i n’ont jamais été
rem ises, tout cela seroit com plétement prouvé étranger à D u p ic , par la
seul production de son projet.
'
à Clermont-Ferrand -, l e 15 fl oréa l ,an 1 1
BERGIER
A R I O M , de l’imprimerie de L A N D R I O T , seul im prim eur du Tribunal
d ’appel. — A n X I .
V
I __
1
�" f t * * - « * * n, /
7 ¿ l -------(
V ~ 'u *"*■ “ •"> *= **- w a «.
° ^ Hoor « * * % & _ » Ù. U ^ & s r 'h '* i } f ¡~ + X á u r
^ ***•&. ^ <ax»W i Ì .
'^ /
,UU^
^ 'fc<rÉ ^ j r
A iu t& f
/ y / °''
tM»
auuu^o cA t^aw JU utn xi 'i * . .
Ok>HAivi o b u 2 r » r
S fw Jt í^ »*A“
#D«uo<A^ / t ^
Mlk^WM. <AMlÚ^- t)«.
^ " W " * ^ ¡^ u«m (T Í
® * * * '* - U < x »
^U toM t/tt-
¿LCMm Í Ci^JwÚ r- <\ cZc^
Ì
A
U.
(M tU M .
« U U lU
Í» ^ * * * C S ÍU
vi cA>- (o tin & x ^ ^ * .' »*«> A*xt^\\*jtr •>• « J f e í í r «k*i«uí
•■ t*x «MO»IUA*j
/fr «» t e l*
4 \ ^ Jm
&M CA¿ C u* IW V ».
'1
^
^M X U /¿LCW v^kól
^
( ¿ S iy < M A
y tu i
4
UM «
(M IA « p *
^ U*'*M
/o. ^«Jbr «Lu / ít a « ¿ » ir / ova
/tJ£U.
*
/
y, /v ^ ^ " W ^ w jo U
^ - / c w v / k L ^ ‘ w * r^ ',Ä -*/
p ^ 'U <*Ar CWVla/S^T-
o X . u í ÌS.
^ 1* J W t^ Y M A
v,
^AAMUXT 6 m
^-*.VI bvr cü«A lt=ar-^Ä » é t M t J f j J ^ y , il< u ^ f> J
ÿfotAtp* ^
CA^JkA. W « O ^ K --- W * A * k ‘ J ,
O/txvl CAA- U iu A fts ^ r
/’ *
i
L
Í
J
¡
^
ttrjA f^ A A T
y V j . « r ; / W ~ ------ * - « * - " * — -* V ~
O r t 't J f i r w M '^ O I i á .
«k. «AA^-nI
0 aa¿(
(d u a / im J
IU|4 U ^ m^i
/ ' tw
* nuM
•
/Vu tw• ^-v
i r '
‘P*+ V« i' f»<>
¿ « .«
- • f'«»»Atvvj/,
vr
f V
^
O^ c u l t o r
.
"** * - / ^
^Ow«A A i ^CAIUA (Ji /Ía / (iiaAxiiiA>(
- .
/
'
^ Ú Í m í . ^ w » .u t iÁ ^ A » w * a r cui^ mm^ - - .
^IU^OmmMj a»>Jt<r«Mr ^ « ^ * €*->
4*
tv (**rfàtm ft ' iï^ /NVl
Î * ÿ L ,'f> * r
^
r Ä*K f C^A*ir»ÍUM
4
ß jjy/^.i
|^ > ,
< u tï/ Ç /*> *■ ?, » - />
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Dupic, Antoine. An 11]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Bergier
Subject
The topic of the resource
huissiers
faux
fausse identité
corruption
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Antoine Dupic, avoué à Ambert, accusé de complicité de faux ; contre le commissaire du gouvernement, poursuivant, et le citoyen Barrière, plaintif.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : huissier : le défaut de délivrance de copie par l’huissier, ministre de l’acte, ne constitue qu’une nullité dans la notification. pour constituer un faux, il faudrait que l’huissier eut attesté, dans l’original, la délivrance de copie qu’il aurait supprimée (l’original n’était pas représenté).
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 11
An 2-An 11
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
19 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1225
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0227
BCU_Factums_M0312
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53183/BCU_Factums_G1225.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ambert (63003)
Saint-Germain-l'Herm (63353)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
corruption
fausse identité
Faux
huissiers
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53154/BCU_Factums_G1126.pdf
5b0ced36d73bfb4598d189fc27623d13
PDF Text
Text
CONSULTATION
POUR
L e citoyen J e a n - J o s e p h C H O U S S Y -D U P I N , homme
de loi, habitant de la ville d u P u y , In tim é, et défen
deur en opposition;
CONTRE
Dame C a t h e r i n e -M a r i e - F r a n ç o i s e F A U C H E R
,
,
et B a r t h é l é m y V A C H E R , son m a ri de lui auto
,
risée propriétaires
,
,
habitans de la ville d ’A r l a n t ,
A pp ella n s et demandeurs en opposition.
L e s SOUSSIGNES, qui ont vu et examiné les pièces
et procédures de la contestation pendante entre JeanJoseph C h oussy-D upin, d’ une part, C a therine-Marie
Faucher et Barthélém y V a ch e r, son mari, d’autre part,
sur la demande formée par ledit Choussy, en main
levée et radiation d’une inscription de la somme de
32,000 francs, formée contre lui, au bureau des h yp o
thèques , par ladite Faucher et son mari ;
E s t i m e n t que la dem ande fo rm ée par le citoyen
A
�( 2)
C h o u ssy, est à l ’abri de toute contradiction raison
nable.
L e citoyen Choussy et la D am e Faucher ont été.
unis .-par le mariage, en i y 6 5 , séparés de fait depuis
1780, et par le divorce, depuis 1793.
Après des contestations sans n o m b re , sur lesquelles
nous aurons occasion de revenir dans la suite, les par
ties passèrent un com prom is, le i
5
nivôse an
3,
pour
régler leurs difiérens, et spécialement pour prononcer
sur l’appel d’un jugement d’un tribunal de fam ille,
rendu à Craponne , par défaut , contre la D am e
Faucher, le 4 octobre 1793 , lequel appel était alors
pendant au tribunal de Brioude.
L ’objet de ce procès était la liquidation des reprises
et créances respectives que le citoyen Choussy et la
' D am e Faucher avaient à exercer l’un contre l’autre
' parsuite de leur divorce, provoqué par la D am e Faucher.
^ Les parties ont nommé pour leurs arbitres, le citoyen
’ Bergier et le soussigné : elles ont voulu qu’ils rendissent
leur j u g e m e n t sans appel et en dernier ressort.
Ce jugement a été rendu les 2 7 , 28', 29 et
3o
prai
rial an 3. .
Parmi les nombreuses dispositions de ce jugement
qui a 119 rôles d’expédition, celle qui donne lieu à
la contestation actuelle, est concue en ces termes:
■r.iii 1’
« Déclarons Choussy débiteur, toute compensation
« faite,, de la sommé de 1 7 ,2 2 0 liv. 7 sous 8 den. pour
« excé d en t, et des intérêts depuis le 10 octobre der« î^ier , époque où .ont été arrêtés les calculs d’intérêts
«'par le jugement dont est appel.
�c 3 }
«
«
«
te
«•
•
« Pour opérer le paiement doludito créance, et par
les motifs oxprimés au jugement dont est appel, disons qu’il a été bien jugé par ledit ju g e m e n t, en ce
qu’il déclare la citoyenne Faucher propriétaire j u s
qu’ à concurrence de son du des sommes consignées,
en conséquence des saisies et oppositions par elle faites,
a à la recette des consignations du district d’A m b e r t ,
« tant, par D u m a r e t, acquéreur d’ une maison et do
te maine vendus par Choussy, que par P o m ier, débi« teur dudit Choussy ; en conséquence quelle retirera
« des consignations sur Lesdites sommes consignées , La,
« susdite somme de 17,220 L 7 s. 8 d . , montant de sa
« créancej ainsi quelle avisera; au moyen de ce, déce clare Choussy quitte dès à présent envers Lad. Faucher.
Une disposition postérieure fait main-levée pure et
simple audit C h ou ssy, de toutes saisies et oppositions
sur lui faites de la part de ladite Fau cher, soit au sceau
des lettres de ratification prises sur les aliénations par
lui faites, soit entre les mains de ses débiteurs, ou de
toutes autres saisies ou oppositions fuites ou à faire.
Enfin une dernière disposition de ce jugement porte:
qu’il sera exécuté en dernier ressort et sans appel, con
formément à la loi.
Ce jugement arbitral a été homologué par le tribu
nal de Brioude, le 2 messidor suivant ; il a ensuite été
signifié par le citoyen Choussy à la D am e Faucher
el à son m ari, le i 5 du même mois.
l ’ ar cette signification, le citoyen Choussy a sommé
la D am e Faucher et le citoyen V a c h e r , son m a r i, de
se conformer à ce ju gem en t, et de retirer les papiers,
A 2
�(4 )
.• .
dont il avait été condamné h lui faire la rem ise, des
mains de Lem erle , notaire, chez qui il avait été obligé
d ’en faire le d ép ôt, sur leur refus de les recevoir, et
il ajoute de rech ef, les sommant au ssi de se conformer
et satisfaire en tout à La teneur dudit jugem ent.
L e citoyen Choussy a cru devoir ensuite faire des
réserves et protestations en ces termes :
« Auxquels ledit instant déclare ne pas acquiescer
« ni icelui approuver quant a u x articles qui auront
« été ju g é s à son préjudice et contraires aux lois , c ’est« à-dire , qant a u x chefs qu’il se trouvera lésé , et
« dont les dispositions seront contraires à la l o i , pro« testant et se réservant de se pourvoir en cassation,
« s’il y a lieu , etc. »
Il est assez évident par soi-m êm e, i.° que ces pro
testations étaient insignifiantes, et ne pouvaient porter
atteinte à ce jugement ni en empêcher l’exécution ;
2.0
Q u’elles n’avaient rien de relatif à la somme
de 17,220 livres 17 sous 6 deniers, que la D am e
Faucher devait retirer du bureau des consignations
d’A m b e r t, puisque ces protestations ne frappaient que
sur les articles qui auraient été ju g é s à son p réju d ice,
ccst-à -d ire , a u x chefs q u 'il se trouverait lésé.
Q uoiqu’il en s o it , la Dame Faucher et son mari
ayant voulu attaquer ce jugement arbitral au tribunal
do Brioude , sous prétexte qu’elle avait révoqué le
compro uis, elle a été déclarée non-recevable dans sa
demande par jugement du 27 thermidor suivant , et
il a été ordonné que le jugement arbitral serait exécuté
selon sa forme et teneur.
�I
L ’un et l’autre de ces jugemens ont été depuis for
mellement exécutés par toutes les parties.
L a D am e Faucher et son mari ont retiré les papiers
que le citoyen Choussy avait été obligé de déposer
chez L e m e r le , notaire , en exécutioii du jugem ent
arbitral.
Il a été obligé de les poursuivre depuis pour le paie
ment de la moitié des frais du jugement arbitral et de
ceux du jugement du 27 thermidor ; il a fallu un nou
veau jugement pour les y contraindre ; ils ont exécuté
tous ces difîérens jugemens et en ont payé tous les frais.
Tous ces faits sont consignés et avoués p a rle citoyen
V acher et sa fe m m e , dans un dernier jugem ent du
tribunal d’A m b e rt, du 16 thermidor an 8.
C ’est dans cet état de choses que le citoyen Choussy
ayant appris que la D am e Faucher et son mari
avaient fait une inscription sur ses biens de
32,000
liv.
sous prétexte de cette prétendue créance de 17,220 liv.
7 sous 8 deniers et des intérêts , s’est pourvu contre
eux pour obtenir la radiation de cette inscription.
On a dit en commençant que celte demande du
citoyen Choussy était à l ’abri de toute contradiction
raisonnable.
Et en efTet on voit dans les défenses fournies par la
D am e Faucher et son m a r i, le 19 nivôse d ern ier,
qu’ils opposent deux moyens au citoyen Choussy.
L e p r e m ie r , q u ’;i raison des protestations contenues
dans sa signification du jugem ent arbitral, du mois de
prairial an
3,
ils n ’ont pas dû se présenter ch e z le
receveu r des consignations po u r retirer celte sommet
de 17,220 liv. 7 sous 8 deniers.
�L e second., que cette somme de 17,220 liv. 7 sous
8 deniers provenant de ses biens dotaux , il n’est ni juste
ni honnête que le citoyen Choussy s’en libère en assi
gnats qui étaient déjà dans le plus grand discrédit à
l ’époque du jugement dont il s’agit; que ce paiement
en assignats est d’ailleurs contraire à la loi du 2 5 mes
sidor an 3 , qui a suspendu le remboursement des dots
des femmes.
Quant au premier m oyen , on a déjà vu combien
il était frivole.
L e citoyen Clioussy a observé dans ses réponses aux
défenses qui lui ont été signifiées par ses adversaires,
qu ’il n’a fait ces protestations que parce qu’il avait
éprouvé jusques là des chicanes inouies , qu’il était
menacé d ’en éprouver de nouvelles, et de tout genre^
et qu’il a voulu par là se mettre en mesure contre
toutes les tracasseries qu’on pourrait lui susciter.
Mais quoiqu’il en soit de ces motifs , il n’y a rien
dans ces protestations dont la D am e Faucher et son
mari puissent tirer lo plus léger avantage contre le
citoyen Choussy.
11 est bien essentiel de rem arquer, i.° qu’ils ne sont
pas recevables à critiquer le jugement dont il s’a g it,
en ce que ce jugement a'confirmé le premier jugement
du tribunal de famille , qui portait que les sommes
consignées seraient aux risques de la D am e Faucher
jusqu’à concurrence du montant do sos créances contro
son mari.
C e t t e lin de non-recevoir résulte, soit de ce que ce
j u g e m e n t est e n dernier ressort, soit de ce qu’il a été
pleinement exécuté par eux.
�(
7
)
a.0 Qu’ils ne prétendent même pas que les arbitres
aient mal jugé en laissant cette consignation aux risques
de la D am e Fauclier.
D e soi'te que toute la contestation se réduit sur ce
point à savoir silesprotestationsconsignées dans la signi
fication du i
5 messidor an 3 ,
ont dû arrêter l’exécutiou
de ce ju g e m e n t, et empêcher la D am e Faucher de
retirer les deniers consignés.
Or , il est difficile de trouver quelqu’obstacle au retirement de ces deniers dans cette signification , lors
qu’on y lit ces mots : Les sommant aussi de se conf ormer
et satisfaire en tout à La teneur dudit Jugement.
' On veut abuser des protestations qui suivent, mais
« c’est une maxime certaine , dit Denizart , au mot
« protestations, N.° 3 , que quand l’action est contraire
« à la protestation, elle la détruit. »
D ’ailleurs non-seulement cette protestation n’a rien
de contraire à la sommation qui la précède de retirer
les deniers consignés, mais elle la confirme au contraire
formellement en ce qu’elle ne porte que sur Les articles
qui auraient cté jugés, à son p réju d ice, c’est-à-dire ,
quant a u x chefs qu’il se trouvera Lésé. D ’où il résulte que
cette protestation n’avait rien de commun aux deniers
consignés que la D am e Faucher devait retirer, puisque
cet article n’avait pas été jugé au préjudice du citoyen
Choussy , et qu’il ne s’y trouvait pas lésé.
11 était donc difficile de trouver un prétexte plus
frivole ù l ’inscription que la Dam e Faucher et son
mari ont fait faire sur le citoyen Choussy.
I l ne reste q u ’à exam iner si le prétexte du paiem ent
en assignats est plus imposant.
�( S )
0 u ce moyen est opposé com m e une simple consi
dération 011 comme moyen de droit.
Si c ’est comme moyen de considération, il se retourne
contre la Dam e Faucher: c’est elle qui a nécessité
la consignation des deniers; non-seulement elle a fait
mal-à-propos des opposilionsau bureaudes hypothèques
et des saisies entre les mains de tous ses débiteurs,
quoiqu’elle le supposât millionnaire, comme elle le dit
dans ses défenses du 19 nivôse d ern ier, mais elle n ’a
pas môme eu égard aux cautions les plus satisfaisantes
que le citoyen Choussy a présentées , et q u ’il a fait
recevoir, de sorte que celte consignatiçn et le dépé
rissement des assignats est uniquement de son fait, et
n ’est arrivé que par sa faute.
A u surplus, ce n’est pas seulement ces 17,220 liv.
q u ’elle a fait ainsi dépérir par les chicanes qu’elle a
multipliées à l’infini pour nécessiter cette consignation,
elle a encore fait perdre au citoyen Choussy plus de
24,000 liv. qui formèrent le restant des assignats con
signés qui sont restés pour son com pte; on sent d ’après
cela que si les motifs de considération pouvaient être
de quelque poids aux yeu x de la justice , le citoyen
Choussy serait seul en droit de les invoquer en sa faveur. ‘
Quant au moyen de droit résultant de la loi du 2 5
messidor an
3,
il se retourne encore contre la D am e
Faucher cl son mari.
L e jugement arbitral rendu en dernier ressort était
du mois de prairial, il était rendu contradictoirement
avec la D am e Faucher cl en présence de sôn fondé
de pouvoir qui avait assisté à toutes les séances.
�( 9 )
^
C ’est dès-lors du moment que le Jugement a élé
rendu que le paiement est censé effectué, puisque ce
jugement porte que le jugement du tribunal de lamille
est confirmé, en ce qu’il déclare la Dam e Faucher
propriétaire j u s q u à concurrence de son dit des sommes
consignées.
Voudrait - on compter ce paiement d u . j o u r d e l a
signification du ju gem en t, cette signification est du i 5
messidor, par conséquent bien antérieure à la loi.
E n fin , la loi de suspension qu’on oppose au citoyen
C h o u ssy , porte une exception en sa faveur pour le cas
particulier dans lequel il se trouve.
L ’art. I I I est ainsi conçu: «Sont compris dans cette
« suspension provisoire, les remboursemens deâ capi«■taux q u i, en cas de dissolution du mariage, doivent
« être restitués par le mari ou ses héritiers, à la femine
«■ou aux héritiers de la femme. »
Art. I V « L a suspension prononcée par l’article pré« cèdent n’aura lieu que dans le cas de dissolution du
« mariage, par la mort d’ un des époux ou par l’effet
«■du divorce prononcé sur la demande du m ari, sans
« cause déterminée."
A in s i, toutes les fois que le divorce a élé demandé
pour cause d ’incompatibilité d’humeur et de caractère
par une fe m m e , après avoir quitté son mari depuis
1 5 ans , comme dans l’espèce, il n’y avait plus lieu à la
suspension prononcée par cette loi, et le mari pouvait
se libérer après comme avant la loi du 2 5 messidor.
Ce qui ne laisse pas mêm e le plus léger prétexte h
la D am e Faucher , d’exciper de cette loi qui con-
'Vjf-
'
�( to )
damnerait formellement sa prétention, si elle ne lui
élait pas étrangère par la circonstance que tout était
terminé entre les parties pour cet objet, depuis le 3 o
prairial précédent, époque du jugement.
D élibéré à Clerm ont-Ferrand, le 10 germinal an 9.
D a r t i s - M a r c i l l a t , B o ir o t, P a g è s- M e ijia t.
L E C O N S E IL S O U S S IG N É , qui a vu la présente
Consultation, est entièrement du mêm e avis et par les
mêmes raisons. Outre qu’on a prouvé dans cette con
sultation jusqu’à la démonstration que les protestations
du citoyen Clioussy ne pouvaient apporter aucun obs
tacle à ce que la D am e Faucher retirât les effets con
signés , comme d ’ailleurs ces protestations ne frap
paient pas sur l’objet des sommes consignées, mais sur
les chefs qui pouvaient être sujets à cassation, dès que
la demande en cassation ne fut pas form ée, et que le
délai de la former fut passé, la D am e Faucher aurait
dû dès-lors renier les effets consignés; mais de plus,
1111 jugement en dernier ressort mettait la consigna
tion à ses risques.
D élibéré à H io m , le 12 germinal an 9.
G a s c iio n , P a g e s , A n d r a u d ,
L. F. DELArciiiEii.
L E C O N SE IL SO U SSIG N E , q u i a vu les Consulta
tions ci-dessus, e s t i m e , qu’indépendamment de la dé-
�667
( i i )
faveur complette qui accompagne la personne et la
pr ét en ti on de la D am e Faucher , contre le citoyen
C h o u s s y , il est évident que son inscription S'e peut se
soutenir, parce.qu’à supposer que les protestations du
citoyen Clioussy contre le jugement arbitral, rendu en
j
j
t
dernier ressort par les cil oyensBergier et Boirot, eussent
le degré d’intensité que la D am e Faucher leur donne,
elles 11e seraient toujours pas plus considérables qu’un
appel en cassation; o r, il est certain que l’appel en tri
bunal de cassation ne pouvait arrêter l ’exécution du
jugement arbitral, ni pour le principal, ni pour les in
térêts , ni pour les dépens, et qu’ainsi les protestations
du citoyen Choussy n ’empêchaient point la D am e
Faucher de retirer les effets consignés. En les retirant
de la consignation , la D am e Faucher ne se com
promettait en rien , au lieu qu’en les laissant à la con
signation, il y avait beaucoup de danger. Elle a donc
bien voulu courir la chance de l’é v é n e m e n t, et dèslors elle ne peut en imputer la faute qu’à elle-même.
A u surplus, les consultations détruisent si parfaitement
les objections de la D am e F aucher, qu’on ne conçoit
pas comment elle pouvait persister à faire valoir son
inscription, qui est absolument sans fo n de m en t.
Délibéré à R io n i, ce i 3 germinal an 9.
C. L . R o u s s e a u .
L E S SOUSSIGNES, qui ont pris lecture des avis déli
bérés à R iom , les 9 , 12 et i
• sus-transcrits,
L
3 du mois courant,
qui sont
)
�( 12)
E s t i m e n t que si les faits et les jugemens rappelés et
datés dans le prem ier des susdits a v i s , sont exacts , la
justice ou ses ministres ne sauraient trop-tôt s’ empresser
de rejeter ou d ’ordonner la radiation d ’ une inscription
aussi injustem ent hasardée., e n faisant su p p o rter à ce u x
qui se la sont p e rm is e , les frais et les dépens qu’ils au
ront ainsi tém érairem ent occasionn és, sans prétexte
co m m e sans raison.
Pour avis, au P u y , le 2 5 germinal an 9.
L
obeyrac,
Gallet.
J e suis du m ê m e avis.
< a*X/ou}
U
cl*-s (o/
_
*
M ouredon .
.
t»
/ o O t
CaM
A
(V V a ^ - % “
^
/
»
/Ao»ru; rû.
Q)<a
A
Jr* ~ o - mii" /lopxj**Xîxrv^'*y'*y '
R I O M , de l’I m prim erie du P a la is , chez
J.-C. S a l l e s .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Choussy-Dupin, Jean-Joseph. An 9?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Dartis-Marcillat
Boirot
Pagès-Meimat
Gaschon
Pagès
Andraud
Delapchier
Rousseau
Lobeyrac
Gallet
Mouredon
Subject
The topic of the resource
hypothèques
divorces
tribunal de familles
créances
jugement arbitral
biens dotaux
assignats
dot
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation pour le citoyen Jean-Joseph Chousy-Dupin, homme de loi, habitant de la ville du Puy, Intimé, et défendeur en opposition; contre Dame Catherine-Marie-Françoise Faucher, et Barthélemy Vacher, son mari, de lui autorisée, propriétaires, habitans de la ville d'Arlant, Appelans, et demandeurs en opposition.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Protestation : voir Réserve : des protestations générales contre les dispositions qui pourraient lui faire grief, dans une sommation faite par l’une des parties de se conformer et satisfaire en tout à la teneur d’un jugement, ne sont pas un obstacle à ce que la partie qui a reçu la sommation retire une somme consignée.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 9
1765-Circa An 9
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1126
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0105
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53154/BCU_Factums_G1126.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ambert (63003)
Brioude (43040)
Arlanc (63010)
Le Puy-en-Velay (43157)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
biens dotaux
Créances
divorces
dot
hypothèques
jugement arbitral
tribunal de familles