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P L A ID O Y E R
P O U R Demoifelle A n t o i n e t t e - L o
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h a r l o t t e
fous l'autorité d'A
ad hoc.
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Vicomte
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B O M B E L L E S ;
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prèfence de Demoifelle
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DE BOMBELLES,
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E S S I E U R S ,
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cro iro is m a n q u e r à m a C a u fe , & p lu s e n c o r e p e u t - e tre
^à vous même f i p o u r l ' é t a b l i r , j ’c m p l o y o is ici à m o in d re
a r t e l l e e f t bien f o n d é e , & v o u s ê t e s f e n f i b l e s : n o u s avo n s
A
it»,.)
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* ^ j C 3c r
Vicom-
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f o t , **»
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pour nous la Nature & les Loix. Q u ’ai-je donc k faire, fïnorc
de juitifier les prérogatives de l’une par les difpofitions des
autres , & de prouver que , quand la premierc nous appelle r
les fecondesvous invitent à nous accueillir?
Vous voyez devant vous une enfant dévouée,dès l’âge le
plus tendre, aux plus cruelles traverfes;
une enfant aban
donnée d’un père qui femble ne la reconncître que pour la
couvrir d’ignominie; une enfant qui n’a eu jufqu’k ce moment
pour reiTource que les pleurs d’une mere condamnée à parta
ger fon opprobre par l’époux qui l’a féduite.D 'une part, elle réclamé un état, fous la promeiTc duquel
elle a reçu la nailTance. D e l’autre, elle attaque un engage
ment poiléricur qui le détruit. Elle demande l’honneur pour
fa m ere, l’exiftence pour elle-m êm e, 6c le moyen du repentir
pour un pere imprudent, qui gémit fans doute de s’être ôté
le pouvoirdelafeconder,qui rougit de l’humiliation h laquelle
fon fan geil réduit, q u i, s’il conferve encore quelques fentimens de délicatcfle & d’hum anité, s’il n’eft ennemi de fa gloire
autan: que de fon bonheur, fait au fond de fon amc des vœux
peur notre fucccs.
Q ue cette façon de penfer doit être douce & facile pour
lui ! Nous avons du moins écarté, de notre part, tout ce qui
pouvoir y faire obilaclc. Vous entendre/ k quoi fe bornera f i
véritable époufe, & dans quelles fortes de conclurions elle fe
renfermera. Cruellement outragée, cxcuiable iï elle cherchoit
la vengeance plus qu’une réparation ; autorifée à pourfuivre le
châtiment d’un délit, dont elle a été l’o b jet, 6c jufqu’ici la
vi& im e, elle fe tait: c’efl dans les foiblcs mains de fa fille
qu’elle remet fa défend*. Elle oubliera tout ce qu’a fo u flcrclcp o u fe, il la mere cil une fois fatisfaitc.
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3
Le V icom te de Bom bcllcs pourroit-il Te diflimuler com
bien cft avantageux pour lui l’aipeét fous leqiiel cette Caufc
fe préfente? Les' deux Adverfaires qu’il force aujourd’hui u
l’attaquer, doivent fans doute lui être également chercs ; mais
il fentira fans doute auili quelles ne font pas également redou
tables. Il n’y a point de reproches que la femme ne fût en
droit de lui faire, & il y en a peu que fa fille ne foit obligée de
iupprimer. L ’une auroit le privilège de lui demander compte
prefque de toutes fcs penfées ; l’autre ne fe permettra d’exami
ner qu’une feule de fes a&ions : la première pourrait, fans en
courir de blâm e, devenir une ennemie inflexiblement acharnée
à fa perte, & regarder comme un triomphe, ou du moins
comme une indemnité pour elle , & l’inftruition qui porteroit
Je flambeau fur toute la vie de fon fédu&eur, & le Jugement
qui le condamnerait à une peine infamante ; la fécondé , intéreflee a la gloire de fon propre nom , cil bien loin de chercher
ù le flétrir ; elle n’attaque une fois celui à qui elle le doit, que
pour le refpeiler toujours. Elle détefteroit fa vi£toire, s'il falloit qu’elle coûtât l’honneur à l’auteur de fa vie.
V oyez donc, M e s s i e u r s , de combien de refTourccr» nous
prive ce nouveau plan de défenfe, <k quels avantages il laiiïe
au V icom te de Bombcllcs. Il ne nous obligera pas fans doute à
le changer : vos cœ urs, & le fien peut-être, nous dédomma
geront de ce facrificc. En fongeant à ce que nous n’aurons
pas dit, vous penferez à ce que nous aurions pu dire ; <5: luimême , en combinant les armes dont nous aurions eu droit
de nous fervir, avec celles dont nous allons faire ufage, fc dé
fendra difficilement de quelques retours amers fur fcs egarcmens pafles : il reconnoîtra une fille à la crainte rcfpe£tucufe
qu’elle aura de rendre fon perc méconnoiflâble.
A ij
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L a validité du fécond mariage contra&é par ce pere aveugle,
eil l’objet de cette Audience. Nous demandons qu’il foit dé
claré abufif. A vons - nous qualité pour hafarder cette entreprife ? Avons-nous un intérêt prenant à en pourfuivre la réuflïte ? C ’eft ce que je vais, M e s s i e u r s , examiner d’abord. C e
fera le fujet de la premiere partie de notre défenfc.
Après avoir prouvé qu’Antoinette de Bombelles réunit en'
fa faveur ces deux fortes de droits, je difeuterai ce fécond ma
riage, contre lequel nous follicitons votre rigueur"; je cher
cherai s’il peut fe foutenir devant la Loi ; ôc ii ce lien que la?
Nature a réprouvé en refufant d’y attacher la' plus, douce récompenfc , le fruit le plus précieux du mariage, la fécondité r
doit être plus ménagé par les Tribunaux..
Dans le cours de cette difcuilion , comme nous- avons ici
deux femmes qui revendiquent chacune de leur coté un titre,
ex clu fif, comme c’eit de votre A rrêt feul qu’elles peuvent au
jourd’hui tenir une dénomination qui n’admet point de par
tage , je ne donnerai ni à l’une ni à l’autre ce titre qui fait
l ’objet de leurs vœux. A fin de prévenir toute équivoque , je les
défignerai Amplement par les noms qu’elles portoient avant
cette union funefte qui les a rendues toutes deux malheureufes..
La fille au contraire n’a- point de rivale; c’e ftla feule à qui
j appliquerai, dès à préfent, le nom de fon pere.
Je dis , M
essieurs
, qu’A ntoinette de Bombelles , née le
A oû t 17 6 7 , & baptifée le 30 du même mois dans KEglifc Paroliliale de Saint Sauveur & Saint Roch de Bioulle prbs
Mon
tauban , a quilité pour interjetter appel comme d’abus du fé
cond mari-ge du Vicom te de Bombelles. Pour cela , il fuffit
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1
qu’elle Toit conflâmment née de l u i, & d’un mariage préexis
tant, aux d roits, à la légitim ité duquel préjudicieroit celui
qu’elle attaque. Sur le premier p o in t, il n’y a , il ne fauroit y
avoir aucune difficulté.
'
Antoinette de Bombelles eft incontefinblement fille du "Vi
comte: il l’a avoué lui-même , & depuis le commencement duProcès. Dans des conclufions fignifiées le 5 Mars de cette an
née, il déclare qu’il a toujours reconnu pour fa fille AntoinetteLou'ife - Ange leque - Charlotte , nie de la Demoifelle Marthe
Camp. Il va jufqu’à. énoncer qu’i/ entendfupplier le R o i de la
légitimer parfes Lettres. Il demande même que cette enfant
fo it enlevée à fa mere, dont elle eft Punique confolation. I l
veut qu?à l’âge de quatre ans elle foit rémife dans un Couvent Y
aux offres qu’il fait d'en payer la penfion.
Ces offres illufoires, ces concluions déplacées dans leur:
énicmble & cruelles dans leurs détails , exiftent. I l en refaite,,
fans aucune efpece d’ambiguïté , que l’enfant eft bien née de
lui & de laDem oifelIe Marthe Camp: Mais à quel titre ?
Il aiîcclc , en- la rcconnoifTant ,• de joindre au nom-honora
ble de fille , une épithete faite pour ne pas déshonorer, &
laquelle l’ufage attache cependant un fans ignom inieux, celle
de fille naturelle. Q ir entend-il par li*?-Veut-il dire que cettcs
enfant foit une de ces produirions du libertinage & de la fo ibleiFe,- auxquelles la L oi refuie un rang cîanvla fociété, &c qu’elle
punit des égaremens de leurs auteurs ? Il veut la faire légiti
mer ! La rcgardc-t-il donc comme le fruit drune cùnjonéliôn
illégitime,' &: clVcrchc-r-il, par fadoucifllm cnt qu’il pvopofé'
en faveur de la' fri le, k-diminuer l’infulte qu!il ne craint pas de
faire a la mere ?
N on , M e s s i e u r s , ce ne peut p:.s être la fun dcflliii : ce
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n’e il pas là le fcns dans lequel il entend le m ot de fille natu
relle : ou il a donc bien changé de langage & de fentimens. I l
a donc oublié ce contrat figné de l u i , drefîe par un Officier
public , muni des noms des témoins appellés pour certifier &c
confolider des droits qui faifoient alors Ton bonheur! I l a donc
oublié ce teftam ent écrit tout entier de fa main , dans lequel il
confirm e l’engagem ent ftipulé par le contrat, &aiTure non-feu
lem ent à cette époufe qu’il dédaigne aujourd’hui , mais aux
enfans qui naîtront d’e lle , tous les droits héréditaires qu’il pou»
vo it tranfm ettre par fa volon té! I l a donc oublié cette fou le
de lettres qui d é p o fe n t& d e la réalité des liens dont il s’étoit
chargé , & de la fatisfa&ion avec laquelle il les p o r to it, & de
la félicité qu’il attachoit à la naiiTance de cette même enfant
à qui il re fu fe , non plus des droits pécuniaires dont elle eil peu
jalo u fe, mais un nom , un titre, un é ta t, dont rien ne pourroit la dédom m ager s’il fa llo it qu’elle le perdît !
C es pieces font précieufes, M sssie t jr s ; il faut les rem ettre
fous vos yeu x: elles font un des principaux foutiens de la C aufe,
& ne feront pas le m oindre fujet d’étonnem ent des perfonnes
qui voudront comparer ces expreffions anciennes du cœur du
V ic o m te de Bom bellcs , avec les démarches a&uelles qu’un
autre intérêt lui fait hafarder en ce m om ent ( i) .
Contrat de mariage.
» L ’an mil fept cent foixante-fix >& le vingt-ncuviem c jour
)) du mois de Janvier , après m id i, dans la maifon du fieur
( i ) C es Pieces ont déjà etc imprimées à la fuite d’un M ém oire à confulter, pu
blié vers la fin de l’année derniere par la mere de l’enfant qui réclame ici fon ¿fat j
les originaux font fous les y e u x de M , l’A v o cat G énéral.
�s-) Merignac , N égocian t, au fauxbourg de Villebourbon-lfc33 Montauban , régnant Louis X V , pardevant nous A vocat au
33 Parlement, Notaire royal de Monclar en Q u e rc y , fouffigné,
33 & en préfence des témoins bafnom inés, ont été conilitués en
v pcrfonnesMeilire Tean-Louis-Frederic-Charles de Bombelles,
35 Ecuyer, Chevalier de l’Ordre R oyal & Militaire de Saint
5) L azare, d’une part ; & Dem oifelle Marthe C a m p , fille de
5J M. Pierre Camp , Bourgeois, 6c de Dem oifelle Marthe Meri-
J jg n a c, mariés, habitans dudit fauxbourg de Villcbourbon35 lès-Montauban , ParoiiTe Saint A ra n s, procédant du confen33 tement de M. fon pere , ici prefen t, d’autre part ; lefquelles
33 Parties, de leur bon gré, fous réciproque Annulation & accep-
tatio n , ont convenu qu’entre ledit Melfire de Bombelles &
33 lad. D em oifelle C a m p , il fera fait & accompli m ariage, qui
33 fera célébré fuivant les Loix & formalités du Royaum e à la
3>premiere réquifîtion des Parties , en faveur duquel ledit M.
)3 Camp a donné «Scconflitué à la D em oifelle Camp fa fille , fu33 ture époufe, & celle-ci audit Meflïre de Bom belles,fon futur
33 époux, la fomme deSooo livres, tant de fon ch ef propre que
33 de celui de ladite Dem oifelle de Merignac fon époufe. . . .
33 Fait en préfence de M. Sidrac N oailh ac, B ou rgeois, & de
J3 M. Bernard Caufte , N é g o c ia n t, habitans de cette ville ,
>3 fignés avec les Parties & nous, Bombelles , Marthe Camp ,
33 Pierre C a m p , Noailhac aîn é, B. C a u fte, Cam bon , Notaire
33 royal. Signés à l’original , lequel cil contrôlé <Sc infinué à
>3 Monclar le y Février i y 66 , par la Coftc , Com mis , qui a
»3 reçu en tout 170 liv. 10 fols. Expédié par nous Jean-Jofepli
>3 la Coite , N otaire royal de M onclar , fouffigné, fucceiTeur
& détenteur des minutes & Office dudit feu M e Cajmbon«
y>
foi de q u o i & c >3.
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Teftament de M . de Bombelles.
« A u nom de D ie u , & c . Nous fouffignés, M eiïïre JeaaLouis-Frédéric-Charles de Bom belles, Chevalier de l’Ordre
>5 Royal , & c. fils de feu Meiîire François-Gabriel de Bom belp le s , Chevalier de Saint Louis, & de Dan;e Jeanne-Catherine
» de Zolles, mariés , habitan? de Monta^ban , étant en bonne
v fantéôc en tous mpsbon§ fens; confidérantl? fragilité de cette
n viej & l’incertitude de l’heure de la m ort, çi difpofé de mes
» biens par mon préfent teftam ent, que j'a i écrit moi - mirve
» en la forme fuivante. En premier lieu , je prie D ieu de me
v pardonner mes pochés , & de recevpir mon ame en Paradis ;
» voulant qu’après mon décès, mon corps foit enfçvel; avec
s) tels honneurs funebres qu’il plaira à mon héritier bas nommé ;
V & quant à mes biens, je donne à Marihe Camp, ma cherc
v époufe y la jouiiTance , pendant fa viç , de mes entiers
» biens & hérédité , à la charge par elle d’erç acquitter les
p charges annuelles , y faire faire les réparations nécefTair
3j res , & de nourrir & entretenir dans fa maifon, à fon pot au
5? fe u , fes enfans qui feront provenus de notre mariage, jufv qu’à ce q.uils aient accompli leur vingt-cinquieme année, ou
» qu’ils viennent à fe marier ; au moyen de quoi je veux que
v madite époufe ne puiiîe être obligée de rendre ^ucun compte
p de fes jouiillmçes ^& en cas que le compte lui en jferoit dcT
>7 mandé, j.e lui donne & l,egue le reliquat, & conilitue en ce
p mon héritière particulière, & e n tous & chacun mes biens
p meubles & immeubles ? noms , yoies, droits , raifons & ac^
é tio n s , préiens & à venir. Je nomme & inilituc pour mes
» héritiers univerfels & généraux, les poithumc & pofthup/jes
p dont
�41
9
*» dont ladite Dame mon époufe pourroic être ou devenir en» ceinte, venant en lumière de notre mariage , pour par eux en
y jouir après mon décès, & après le décès de mon épouje , & en
» faire & difpofer à leur plaiiîr & v o lo n té, en payant mes dettes: 6c en cas où je décéderois fans enfans ou pofthumes ,
v audit cas je nomme & inftitue mon héritiere univerfellc &
» générale, ladite Dam e Marthe Camp, ma chere époufe, pour
» par elle en jouir, faire
difpofer de mes biens & hérédité ,
*> après mon décès , à fes plaiiirs & volon tés, en payant mes .
» dettes. E t , en cette forme , j’ai fait mon préfent teftam ent,
9) voulant qu’ il vaille comme teftament ou comme codicile ,
■
»donation, & difpofition à caufe de m ort, & en la meilleure
» forme que de droit pourra valoir; révoquant tous les autres
» teftametis & difpoiltions de derniere volonté que je puis avoir
faits : voulant que le préfent foit le feul valable. Et après l’a» voir lu ôc relu, & trouvé conforme à ma volonté, je l’ai
9> iigné a la fin d’icclui , & au bas des autres pages. A Mon*
•>* tauban , ce -5 A vril 1766. Signé3 B o m b e l l e s ».
Extrait des Lettres de M . de Bombelles à fa femme.
« A d ie u , chere époufe , je t’ embraffe un million de fois. D e
» Lim oges, du 14 A vril 176 7.
» Je ne cefie de pleurer comme un en fa n t, depuis que je me
” vois éloigné de ma chere époufe , qvie j’adore. D ’Orléans,
« le 10 A vril.
» Sois convaincue du plus tendre amour qu’a pour toi ton
v cher & tendre époux. 14, A vril 1767.
» Ménage ta fanté, je t’en fupplie , ma chere & tendre amie.
» N e néglige pas de me circonftancier l’état 011 tu te trouves,
B
�4*
ID
» Ta groj/ejeeü-eïïe heureufe ? Tes maux d’eftomac ont-ils un
» peu diminué ? . . . .
Crois-moi pour la v ie , avec les fend
ît mens que tu mérites , ton tendre époux. D e Vien^on, du 19
n A vril 176 7.
» Adieu , ma chere amie. Je t’embraiTe un million de fo is ,
» & fuis avec la plus tendre am itié, le plus fidelle des époux,
» petite coquine, que tu es. D e L ille , du 30 A vril 176 7.
» N e penfc pas qu’un garçon doive me fatisfaire plus qu’une
i) fille .N e vient-il pas de toi? V oilà la feule raifon qui me le
» rend cher..............
« C ............N ........... & la C .. . . te font les aifurances les
» plus vives de leurs refpeéts. Peut-être , fi j e nétois ton m ari,
» ils me chargeroient de toute autre chofe. D e L ille , du x i
» Mai 176 7.
» Q ue je fuis heureux , ma chere amie , d’apprendre que tu
» viens de donner le jour à une petite fille qui fera le bonheur
» de ma vie! E lle te reiTemble aÎfurém ent, c’eil tout ce que
v je defirois. Ma coufine B .........ne favoit trop comment me
» l’annoncer ; elle fembloit craindre qu’une fille n’eût quelque
» chofe d’alarmant........Ma fanté délabrée depuis long-tems ,
» éprouve aujourd’hui que le meilleur remede eit la douce fa» tisfaélion d’apprendre que ma tendre époufe fe porte bien ,
» & qu’elle me donne une fcconde elle-même. Je fuis d’une
» gaieté inconcevable, ton état & tes couches heureufes y ont
v la plus grande part. Tous les Officiers du Régim ent te fon t
v mille com plim ens, fur-tout C ........., N .......... & la C . . . . qui
v t’aiment autant que moi. A d ieu , ma chere amie ; recommande
» à la petite d’être bien fa g e , & d’avoir le cara&cre auifi doux
n que celui de fa chere & tendre mere. Embraife-la unm illion
33 de fois de la part de celui que tu crois être fon pere. En-
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»gage-la k le bien aimer ; il ne lui fera pas difficile de fuivre
» ton exemple........ ' . J’ai eu la vifite de plufieurs de mes ca)> marades ; dans le nombre il y en a trois qui font mariés,
» & qui ont reçu aujourd’hui la nouvelle des couches de leurs
» femmes; il femble que nous nous fayons donné le m o t , car
» elles ont toutes fait des filles........... Je leur difpute à tous le
« plaiiir qu’ils reffentent, parce que je crois qu’aucun d’eux ne
» doit aimer autant leur f^mme que m o i, parce que la mienne
» eft la plus aimable de toutes. J ’oubliois de te faire part que
)> notre ami C ..........veut être ton gendre, ainii garde lui bien
» fa petite femme. D e L ille s du 7 Septembre 17 6 7 .
» T u me fais toujours des reproches , ma chere a m ie ..........
v Connois mieux mes fentimens pour t o i , & rends juftice à.
» leur fiabilité ; crois que difficilement l’on fe détachcroitd’un
» objet comme toi. Je n’avois pas befoin de la douce fatisfac» tion d’être pere , & de ce refpeftable titre , pour t’aimer avec
)? plus d’ardeur. Mes fentimens pour toi font à l’abri des rév volutions du tem s, ils ne fauroient s’altérer.. . . .'Je vois avec
» chagrin que tu foufFres beaucoup en nourriilant........ C011fidere que tu n’es pas ta maîtreffe en pareille circonilance ,
» & que tes jours font également précieux à. ta chere fille
»? comme à. ton tzndre époux..........J’ai defiré toujours que les
*> couches fuiïont heureufes pour ma tendre épouje...... Ma chere
» a m ie, ne doute plus de ma tendreiTe pour toi ; elle eft trop.
« légitime , pour que je ne deiire iîncéremcnt de t’en convain
c r e ........ Ma fagefTe 6c ma fidélité me placeront comme l’e» xemple des maris. Quand on a une femme telle que t o i , l’on
>5 n’a pas grand mérite à referver tout pour elle. C ........ , qui
3>n eft point preiTé de rompre le célib a t, attendra que la vir» ginité de la petite foie ¿t maturité ; ainfi il t’en rend rc/ponH ij
�4 1\
1Z
v fable. Fais enforte de la lui conferver. I l fe réjouit d’avance
» du plaiiir qu’il aura de cueillir le jour, des noces ce fruit il
» rare dans le fiecle ou nous fommes , & qui rarement fe cro» que dans le lit nuptial ; mais il efperc que la petite fuivra
» l’exemple de fa mere. JDe L ille , du 0.7 Septembre 1767.
v L e Monfieur que vous citez comme ayant porté obftacle
» aux nouveaux liens que je devois form er, n’exifle que dans
» l’imagination des auteurs de cette impoilure. Mes démarches
» auprès de mes parens., pour donner quelqu’authenticité à
jy ceux que fa ijo r m is avec vous , détruifent ce prétendu fait....
» Je ne dois qu’à vous , M adam e, pour votre tranquillité ( s’il
» eil vrai que vous puiiïiez l’être ) la certitude que,^/? vous■
v n’avie^ que ma fm v le parole pour tinviolabilité de mon fer-» m ent, ce contrat fer oit aujfifacrc que celui qui ejl une preuve» inconteflable des droits que vous aure?L fur moi A tant qu'il cir>
» culera une goutte de fa n g dans mes veines. D u 23 Mars 1769..
» L e voile du myiïcre m ’a offert à tes yeux comme un cri—
v mfnel , qui tramoit fourdement des moyens de rompre des>
v liens qui ri ont befoin d ’autre garant qui le fru it précieux.
jj que tu as porté dans ton fein . Rends-m oi plus de juftice ; &c
» n’imagine point qu’une paiïion brutale ait pu allumer 1c»flathbeaudu tendre am our,quiem braferatoujours mon amei.
y> D u 25 Mars 1770
Tels étoient alors les ientimens du V icom te de Bonibelles : telles étoient les expreflions de fon coeur enflammé'
drune paiïion honnête, & qu’il juroit de refpe&er toujours !i
Peut-il , après les avoir ainii confignées par é c rit, nier
l ’exiftence, la réalité d’un mariage entre lui & celle à qui il lcsadreiTe? Vous v^nez d’entendre le contrat qui l’annonce, le
ccftamcntqui le fuppofe, les lettres qui le ratifient. Dans quel
>
�.4/
. . .
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cfprit peut-il, aprbs l’exhibition de tant de monumens décififs,
relier le moindre doute à cet égard?
M ais, dira-t-on, fuivant les L oix du R oyau m e, un mariage
n’eil valide qu’autant qu'il a été célébré régulièrement. Il doit
exiiler des traces de cette célébration. Rapportez-vous l’acte
qui la conilate?
V oilà fans d o u te, M e s s i e u r s y ce qu’on nous objeélera ; &
moi je ferai à notre Adveffaire a mon tour une autre queftion y
qui fervira de réponfe à la\ienne. L ’acle de célébration, l’ex
trait des regiilresqui le renferm ent, efl-il la feu le, l ’uniquepreuve de laquelle les L oix faflent dépendre l’état des perfonnes mariées & le fort de leurs enfans ? N ’ y a-t-il pas des cas où
l ’on peut être difpenfé de le repréfenter? O ui , . M e s s i e u r s , il y
en a, & plusieurs qiie les Ordonnances elles-mêmes ont prévus.Celle de* 1639 n’admettoit point d’exception L c e t égard ; i l
falloit ou être infcric fur un reg iilrc,. ou fubir la marque honteuie d’une flétriiTure ineffaçable.- La négligence d’un pafteur
ou celle du gardien de ces dépôts précieux fuffifoit pour plon-ger des familles dans le défefpoir , & pour anéantir l’état le
plus confiant, le mieux reconnu d’ailleurs.
O n ne tarda pas h fentir ce qu’avoit de dangereux l’ exceflive
févéritéde cette Loi. L ’ Ordonnance de 1667 tempéra la rigidité
de la Loi précédente. E lle admit par l’article 14 du titre x o
a faire preuve d’un mariage , tant par titres que témoins yf i lesl'egijlres font perdus, au s 'il ri y en a jamais eu.
Sommes-nous dans le cas-de cette exception favorable ? E h !’
M e s s i e u r s , qui pourroit en douter ?
Je ne craindrai point de le dire dans ce fan&uaire où l’huma-’
toté n’a pas moins de dro.ts que la L oi elle-m êm e, dans ce
templc augufte où la Juilice s’occupe à pefer les a£lions des
�*4
hommes & non pas feur culte. L a D lle Marthe Camp n’à ja
mais caché le fien. Elle a mieux aimé paroître aveuglée par une
erreiir héréditaire, que de fe biffer un inflant foupçonner d’impoflure : fidelle h la croyance de fes p eres, malheureufemenc
attachée hune difcipline qui n’eft pas la nôtre, elle n’a pas voulu
h cette infortune, dont on ne peut que la plaindre, joindre une
fauifcté qui l’auroit fait rougir : elle ne le diifimule pas ,
M es
elle eft née Proteftante ; & cette faute de la deftinée »
cette faute involontaire de fa part, en a néceffité d’autres dont
sieurs j
elle n’a pas été maîtrefTe de s’exempter.
Je ne toucherai point ici a cette queftion fi délicate, fi intéreflante, & tout îi la fois fi redoutable , h ce que l’on a cru du
moins,de l’état des Proteftans en France. La politique s’étonne de
la trouver encore indécife. La Religion éclairée ne s’oppoferoit
peut-être point h ce qu’on la décidât : la raifon , la juftice, l’hu
manité l’exig en t, & il femble qu’il ne feroit pas impoifible de
trouver des temperammens qui conciliaiTent dans cette grande
affaire la dignité du culte dom inant, le refpcct dû aux L oix qui
le rendent cxclufif, & l ’intérêt particulier, avec la paix & la
fureté co m munc.
Mais en attendant ce grand événement dont fauteur feroit
béni de toutes les générations, la néceffité a fait établir dans les
Tribunaux une Jurifprudence qui tient lieu d’une Loi précife ,
& en produit imparfaitement les avantages : elle a fait confacrer le principe de n’apprécier les mariages des Protcftans que
par la polfdfion. Quiconque a pu conftatcr que fes parens
ctoient malheureufement engagés dans la Réform e , a été dès
ce moment mis fous la fauve-garde de cette maxime auili fage
que refpe&able : il eft maintenu dans ion état, fans autre pré
caution que d’examiner s’il en a joui ; on fuppofe pour lui qu’il
�A*
n’exiftoit pas de regiftres ; '& les collatéraux qui font ordinaire
ment les affaillans dans ces fortes de combats, font déclarés nonrecevables à en exiger la repréfentation.
Cette Jurifprudencc éclairée autant qu’humaine , & faite
pour honorer le cœur des Juges, non moins que leurs lumiè
res , a produit dans tous les pays où ces efpeces font plus fré
quentes, des Arrêts qui la conftatent : le plus remarquable & le
plus moderne eft celui du ^Juillet 1 7 7 0 ,rendu a T ou lou fefu r
les concluiions de M. l’A vocat Général Cambon : il s’agiiToit
précifément de la queftion que nousexaminons. «N ous favons,
>3 difoit aux Juges cet illuftre M agiftrat, qu’il n’eft pas en votre
33 pouvoir d’établir une forme de mariage pour les Proteftans ;
» ce n’eft pas auifi ce que nous vous propofons ; nous voulons
33 feulement que lorfqu’ils o n t vécu comme de légitimes époux,
33 qu’ils ont été reconnus pour tels,foit dans leur famille, foit dans
33 le public, on ne puifTe pas troubler leurs enfans dans la pof33 feiïion de leur état en les obligeant à rapporter l’a£te de celc—
33
bration du mariage; nous voulons qu’à cet égard ils foient
33 traités comme les C ath o liqu es.il ne faut pas fe demander à
33 foi-même ii l’on eft perfuadé de l’cxiflence du mariage dont
33 on contefte la vérité ; mais il faut fc demander fi l’intérêt pu33 blic n’exige pas qu’on le préfume, & c : une expérience malhcu-
3) reufe a fait connoitre l’inutilité des moyens dont on s’eft fervi
» jufqu’à ce jour pour déraciner l’erreur ; & nous ne doutons
33 pas qu’à l’avenir on n’en emploie qui feront plus conformes
33 aux réglés de la faine politique & aux L oix de l’humanité.....
33 Vous n’avez point à juger fi un mariage qui n’a pas été con33 tr#&é en face d’Eglife eft valable ; mais fi un enfant né de
,} deux perfonnes , dont l’union a toujours été réputée lé)y gitim c, peut être obligé à faire preuve de fa légitimité par la
�4 *
16
» rcmife de l’ailé de la célébration du mariage. Cette queilion
» doit être décidée en faveur d’Etienne Salles, à caufe des cir->
» confiances ».
Le Parlement fuivit de point en point les concluiions de M ,
.l’A vocat Général. L ’enfant fut difpenfé de repréfenter l’aclç
de célébration du mariage de fes auteurs, & déclaré légitime.
E t il ne faut pas croire que cette indulgence foit une faveur
pour ceux qui ont le trifle privilège delà revendiquer, ni qu’elle
puiiïe donner lieu h des abus : ce n’eft jamais une faveur que
d’être réduit à la moitié
des droits
dont on p o u r r it efpé-
rer la totalité. O r , fuivant cette Jurifprudence, les Proteflau?
n’ont qu’une maniéré de conftater l’état de leurs enfans. Les
C atholiques, j’ai prefque dit les nationaux, parmi nous en ont
deux : même en politiquç , les premiers expient donc bien leur
erreur par ce retranchement de leurs facultés,
Enfuite, quel abus peut-on craindre d’un privilège reilreint,
d’un privilège que tant de circonllances peuvent rendre inutile,
& contre lequel le moindre foupçon peut prévaloir?Ce n’eil pas
ici le lieu de m’étendre fur cette queilion ; il me fuffit d’avoir
établi qu’il cil des cas ôù la rppréfentation des regiftres n’eit pas
néceilhire pour opérer la certitude d’un m ariage, & que les
unions dps Proteitans foijt fj.ir-t.out celles auquclics on doit ap
pliquer cette maxime.
Maintenant qu’exige-t-on de nous ? Je fomme notre adverfaire de s’expliquer fur cet article ? Contcftez-vous le mariage
de ma m ere, ou ne le cootefkz-vous pas ? Si vous ne le contcitez pas, vous le rcconnoiilez donc ; & de votre aveu, j’ai la
qualité nécciTajrc fuivre eu Juflice la demande que j’ai for
mée.
Si
�*9
17
Si vous le conteilez, il faut donc m’ admettre îi le prouver par
témoins. J’ai pour moi les préliminaires que l’Ordonnance exige.
Cette même L oi de 1667 qui , à l’article 14,
du titre t o ,
permet la preuve teilimoniale pour découvrir la réalité d un
mariage , au défaut des regiftres, exige cependant, en général,
à. l’article 3 du même titre, un commencement de preuves par
écrit. O r , de ce côté-là , qui a jamais été en é ta t, plus que m oi,
d ’accomplir laregIe?D es commencemensde preuves par écritl
Eh ! j’ena i de toutes les\fpeces : contrat qui a dû précéder la
célébration ; teftament q u i, d’après les termes dans lefquels il
ê(l co n çu , l’a néceiTairement fuivie ; lettres qui,par la force des
expreiTïons qu’elles contiennent, feroient prefque capables d’y
fuppléer. C ’eft déjà une preuve complette que je vous offre, «5c
les dépolirions des témoins ne feront que la développer. Elles
n’y ajouteront rien dont la Juitice ne doive dès à préfent être
convaincue.
Expliquez-vous donc fur cet article. Si vous vous taifez ,
votre iilence me tient lieu de preuves ; & ii vous ouvrez la
bouche pour dénier ce que j’avan ce, je demande à la faire.
Mais vous en connoiiTez trop la facilité 8c la certitude ; vous,
ne vous y expoferez pas. V ou s chercherez à l’éluder ; ce n’eft pas
l’exiftence du mariage que vous attaquerez, mais fa validité.
Vous prétendrez d’abord, je le prévois, que ma mere feule étoit
Proteftante ; vous foutiendrez que vous étiez Catholique , &
que par conféquent l’exçeption fur laquelle je m’appuie ne
peut pas avoir lieu.
Mais, que'dis-je? N o n : vous ne hafarderez point cette aiTer~
tion imprudente. V ous êtes précautionné par vous - même :
vous êtes dirigé par des Confçils éclairés : votre propre coniC
�i8
cience vous fervira de guide plus fur en core, plus inilruic que
ceux même dont vous avez fait choix. Je fuis votre fille ; je
veux l’ê tre , &c je me garderai bien de m’emporter à des mena
ces contre l’auteur de mes jours ; mais lui-même m’épargnera
le chagrin affreux de le voir confondu fur cet article : il
ne forcera point ma merc à rompre le filence qu’elle s’imp o fe ,à rappellerà fon volage époux un tems où leurs cœurs
fembloient moins unis encore par un penchant m utuel, que
leurs efprits ne l’étoient par la conformité de la croyance. I l ne
la réduira point à la trille néceifité de prouver que pour la féduire , il a feint des engàgemens bien plus férieux que ceux
de l’amour.
I l y a plus : quand le danger attaché à cette excuiè ne le
détourneroit pas de s’en fervir, le peu d’utilité qu’il en pourroit tirer la lui feroit fans doute abandonner. C e n’eil pas fur
les L o ix du Royaum e qu’il prétendroit fonder cette diftin&ion
artificieufc, & celles de l’Eglife la profcrivent avec indigna
tion. U n des Pontifes qui en a le plus honoré le trô n e, Benoît
X I V confulté fur la validité des mariages entre Réform és dans
les Pays-Bas, commence par décider qu’ils font valides d’un
Proteilant à l’autre , au point que fi tous deux faifoient abju
ration , ils n’auroient pas befoin de réhabiliter leur union de
vant un Miniftre catholique.
Qiiod attinet ad matrimonia ab hereticis inter Je celebrata
non fervatâ formaperTridenttnumprefcriptâ, quccque inpojlerum contrahentur, dummodo alïttd non objliterit Canoniciim
impedimentum ,SancIitas fua Jlatuit pro validis habenda ejfe:
adeàquc f i continuât utrumque conjugem ad Catholicœ Ecclefïce
Jlnum fe recipere
eodem „ quo antea conjugali vinculo ipfosi
�19
emnino teneri} eùâmfi mutuus confenfus coram Parodia Catholïco non renovetur (1).
Il prévoit enfuite le cas où le V icom te de Bombelles pré
tend fe trouver : & f i l'un des conjoints feulement ejl Catholi
que 3 continue le Pontife , fa Sainteté déclare que le mariage
ejl valide. L e fidele doit faire tous fes efforts pour amener l’au
tre à la connoiifance de la vérité ; mais en attendant, i l faut
toujours q u ii f e fouvienne qu'il efl lié d'un nœud indiffoluble.
'V
Çhiod vero fpeclat ad ea conjugia quœ 3 abfque forma à Tri
dentino Jîatutâ contrahentur à Catholicis cum Hœreticis } fiv è
Catholicus virHœreticam feminam in matrimonium ducat}fivè
Catholica f emina Heretico viro nubat. . . . S i hujufmodi ma
trimonium fit contracium aut in poflerùm contralti contingat>
Tridentini forma non fervatâ y declarat SanBitas fu a
alio non
concurrente impedimento 3 validum habendum effe.......... feiens
conjux Catholicus f e ifiius matrimonii rinculo perpetuò ligatum iri (z). O n n’a jamais rien dit de plus précis, de plus re
la tif à. laCaufe.
.
.
M ais, j’étois mineur, direz-vous , mes fermens n’ ont pu
me lier dans un tems où la Loi m’ôtoit le pouvoir de difpofer de
moi-même. Je rétra&e dans un âge plus mûr ces paroles que
la foibleiTe, la fédu&ion m’ont arrachées. L a D em oifelleCam p
étoit plus âgée que moi. Elle a-com m is un rapt en ma perfonne ; & loin d’avoir à craindre de jouer ici le perfonnage
d’accufe , ce feroit h moi à prendre celui d’accuiateur.
j
’
(1 ) V o y e z la Déclaration du Pape B enoît X I V , du 4 N ovem bre 1 7 4 1 , publiée
ce titre.
(0
Ibid.
c iî
�2.0
Oferez - vous
produire
i
ce moyen de juftification plus
que le précédent ? Oferez-vous affirmer devant les - Tribunau-x
ce que vous avez é c r it , par inadvertance fans doute , à des M agiilrats qui demandoient un compte fuivi de vos procédés, que
ma m ere,en vous époufant , avoit fept ans plus que vous?
Elle eft née le 'Lrj Mars 17 4 1 ; vous le 8 Février 1745. Il n’y
a donc que trois ans de différence. En 176 6 , teins du contrat,
vous étiez mineurs* tous deux : 6c l’on fait trop qu’entre des
perfonnes de cet âge , il n’y a d’autre féducteur que l’amour. •
D ’ailleurs, il j avois eu le malheur de vous perdre , au lieu (
d’éprouver celui de vous combattre ; fi j’avois ici pour ennemi
un tuteur qui réclamât vos droits , ou des collatéraux qui mer
difputaifent, non pas votre nom , feul bien dont je fais cas ôc
qui ne feroit d’aucun prix pour eux, mais une fortune que je
n’attends pas de vous, & que vous ne me laifferez jamais ; je
fens que ces Adverfaires indire&sfcroient fondés h exciper de vo
tre m inorité, à attaquer des fermens dont ils n’auroient pas été
les tém oins, à révoquer en doute des paroles dont il leur feroit
permis de fe jouer , ou à foutenir au moins que la L oi les annulle malgré la bonne foi qui les a di£tées.
Mais vous qui les avez prononcés , ces fermens ; vous qui
les avez données, ces paroles facrées ; c’eit vous qui ofez ici
les rétra&er ! E t dans quelle occafion? Quand ce retour va
coûter l’état à votre fille ; quand il jette dans le défefpoir une
époufe vertueufe qui vous a livré , fur la foi de ccs garans per
fides, ce qu’elle avoit de plus cher ; quand il plonge dans Je
défefpoir une famille qui s’eit fait un honneur de vous accueil
lir , & qui ne fera couverte d’infamie que parce qu’elle vous, a
cru un cœur honnête.
Y avez-vous bien réfléchi? Et f i , ce que je ne crois pas.
�t e
I
ai
votre cœur eft fermé à ces confidérations puiiTantes, celui eje
mes Juges le fera-t-il à l’idée du danger attaché à cette récla
mation , au moins indiferete, contre des nœuds deftinés à. être
éternels ? Que difoit le célébré d’AgueiTeau dans une Caufe
pareille, dans une Caufe où un fieur Bellet donnoit à la France
,-furprife l’exemple que je voudrois , au prix de tout mon fang,
ne vous avoir pas vu fuivre ?
L e fieur B e lle t, marié comme vous pendant fa minorité ,
excipoit, comme vous, du bénéfice de la L o i , pour fe difpenfer des devoirs contraélés au préjudice de fa jcmieiTe. Que lui
répondoit-on ? ce Q u ’il feroit d’une conféquence pernicieufe
» d’admettre une pareille demande; que tous les jours on en
» formeroit de femblables, & que le contrat le plus inviolable,
« le plus authentique, feroit expofé, comme la plus légere pon« v en tio n , à l’inconftance &c au caprice d’un m ineur, qui ne
» manqueroit jamais de prétexte pour rétra&er fon engage» ment ; que d’ailleurs il ne peut intenter cette aftion fans s’acjj eufer lui-même de d o l, de furprife, d’infidélité, fans violer
j? la foi qu’il a donnée à la face des Autels ; & que s’il a négligé
» l’obfervation de quelques form alités, il ne peut que fe l’im « puter, & chercher à réparer par une réhabilitation folem nelle
» les défauts d’une premiere célébration «.
Q u’ajoutoit ce grand homme h l’expofé de ces raifons fi
fortes, à côté defquelles il faifoit marcher celles.qui pouvoient
les combattre ? Que chacun de ces deux fentimens a l'avantage
davoir des Arrêtspour garans ; mais que les circonflances doivent
influer fur l’adoption ,que les Juges en peuvent faire plus que les
maximes de D r o it , & quen général la prétention de ceux qui
veulent rompre leur engagement fu r ce prétexte y femble peu fa
vorable. Y a-t-il jamais eu de Caufe de ce genre, où les cir-
�A
’ ai
confiances aient été plus p r e n a n t e s p l u s réunies que dans
c elle-ci, p o u r faire déclarer le mineur inconftant, indigne de la
fa v e u r des Tribunaux ?
V ou s étiez libre, vous ne dépendiez point de vos parens dont
Je fort vous avoit p rivé, & qui s’armeroient aüjourd’hui pour
m o i1, s’ils èxiftoient encore. V ous étiez gentilhomme. V ous
preniez à témoin de vos ferm ens, non pas l’Am our, cet être
fantaftique & volage qui fe r i t , dit-on, des perfidies, & qui
applaudit aux menfonges ; mais ce D ieu terrible, vengeur du
parjure, ce D ieu envers qui votre piété fembloit devenir plus
fervente en raifon du fecret avec lequel vous affe&iez de lui
rendre vos hommages ;'c e D ieu dont la vérité eil l’efience,
qui pardonne plutôt une méprife dans le culte qu’on lui
re n d , qu’une impofture capable de porter le trouble dans là
Société.
• !fi ' jJ
■'
■'
Mes parens ont été excuiables de vous croire. Ils l’ont dû.
Laifiez à des étrangers une réclamation'dont ils frémiroient
peut-être, s’ils en connoiiToient tous les détails. Mais vous,
m a ri, pere ; vous q u i, fur la foi d’un engagement facré, avez
joui d’ùn droit dont l’ufagc feul impofe des obligations indeftru&ibles ] quand il n’a point le libertinage pour ob jet, & une
indépendance fcandaleufe pour origine ; rougifîez d’employer
dés'm oyens que les Tribunaux ne fauroient admettre dans
votre'bouche ;'ren on cez à vous débattre contre des nœuds
dont la R eligion vous a chargé, & que laJufiice ne peut que
ferrer au moment où vous ofez l’appel 1er pour les rompre.
Antoinette dè'Bom bclles , M
essieurs
, a donc une qua
lité confiante dans la Caùfe. E lle eil fille du V icom te : elle cil
née d’un mariage exiftant entre fa merc & lui. C e mariage eil
avérépar toutes les fortes de certitudes quipeuvent l’dtablirj hors
�ntie dont on ne peut exiger la repréfentation : fi l ’on éleve en
core le m oindre doute h ce fu je t, nous offrons la preuve par
témoins; nous ibm m es dans le cas de l’ O rdonnance qui autorife
à y recourir.
C e n’eft donc pas htortque j’ai eu l’honneur devous dire, en
commençant, que nous avions pour nous la N ature & lesL oix.
R ien ne s’oppofe à notre réclam ation,
fi nous parvenons à
démontrer que la nouvelle alliance qui la motive nous préjudicie, fi nous rendons fenfiMe l’intérêt que nous avons à ne la
pas laifler fubfifter. O r, à cet égard encore peut-il y avoir
le moindre doute?
Ma mere eit vivante ; elle eft mariée à mon pere , & mon
pere a volé dans les bras d’une autre époufe. Il a élevé entre
lui & la prem iere, un mur de féparation qui rendroit fon retour
auiïi criminel en apparence, que l’a réellement été fa fuite. C ’eft
ce mur dont je demande la deftru&ion : & j’ai, fans doute,
l’intérêt le plus v if à le folliciter.
Je fuppofe , M
essieurs
mariage du V icom te
, que cc que je viens dire du
de Bombelles & de la D em oifelle
C a m p , laiiTe encore quelqu’ obfcurité dans les efprits. Je fup
pofe qu’on puiiTe y defirer quelques formalités de plus , & que
ce foit k cet excédent que l’on attache le*fort de fa fille : qui
ne voit que le fécond mariage lui en enleve l’ efpérance, &
meme la poffibilité ?
Com ment leVicom te de Bombelles, uni avec la D em oifelle de
Carvoifin, pourra-t-il réhabiliter fon alliance avec fa premiere ,
fa feule & véritable époufe ? L e contrat de m ariage, dont j’ai
cu 1 honneur de vous faire le â u re , porte l’engagement littéral
de le célébrer fuivant les loix & formalités du Royaume 3 à lapremière rèquijition de l'une des Parties. Je veux croire que jui^
�2-4
qu’à préfent on a retardé l’accompliftement de cette ftipulation;
mais le terme de l’échéance n’en eft pas fixé. I l eft toujours
tems d’y procéder.
C e contrat exifte. I l n’eft pas attaqué. N e l’examinons
que d’après fa nature, fon eiTence, comme un engagement
purement civil. Si les lo ix & formalités qu’il défigne font les
cérémonies fpirituelles auxquelles D ieu attache fes grâces, ma
mere n’a pas perdu le droit d’en requérir l’accompliirement ; & _
ii elle le requiert aujourd’h u i, la préfence de la Dem oifelle
Carvoifin n’y eft-elle pas un obftacle invincible ? Si cependant
notre état dépend de cet accomplilTement, fi nous n’en pou
vons jouir qu’après avoir exclu cette étrangère qui eft venue
clandeftinement ufurper notre place, ne fommes-nous pas fon
dées a la repouifçr ànotre to u r, ôc à fupplier la Juftice de nous
maintenir dans un droit que rien ne l’autorife à nous difputer?
L ’intérêt de la jeune de Bombelles n’eft donc pas moins
évident que fa qualité. V ous ne pouvez donc, M e s s i e u r s ,
refufer de l’admettre à la difcuilion de ce fécond mariage qui
compromet ii cruellement fon état : ¿ k c ’e ftd e q u o i nous al
lons nous occuper.
L e %() N ovem bre 1 7 7 0 , le V icom te dé Bombelles s’eft ma
rié à la D em oifelle de Carvoifin. V o ic i, M e s s i e u r s , l’extrait
qui en a été délivré.
Extrait des Regißres des mariages de tE g life Paroijjiale de
Saint - Sulpicc à Paris.
a L e Z9 Novem bre 177 0 , a été célébré le mariage de Haut
» ôc PuiiTant Seigneur Jean-Louis-Frédéric-Charlcs V icom te
» de Bom belles, Chevalier de l’Ordre Militaire deSaint-Lazare,
A yd c-
�J ï
M
.»A ide-M ajor d’infanterie, âgé de vingt-cinq ans & dem i, fils
» des défunts , & c. decettcparoijje depuis un mois >rue du F ou r,
c¿-devant de celle de Saint-Gervais pendant trois ans, rue de
la Mortellcrie , avec haute ôc puiffante D em oifelle Marie»Françoife de C arvoiiin, fille majeure, & c. de cette ParoiiTe,
» rue du B a c q , au Couvent des R écollettes depuis trois ans ,
» un ban publié en cette Églife & en celle de Saint» Gervais , fans oppofitic^i , difpenfe de deux, avec la per» million. de fe fiancer & marier le même jo u r , accordée
» p ar Monfeigneiir l’Archevêque le 20 de ce m ois, infinuée &
» controllce le même jo u r, fiançailles faites. Préiens & té» moins, du côté de l’époux, & c. & de l’époufe, & c. qui tous
» ont certifié le domicile comme deiTus & la liberté des Par» tics pour le préfent mariage : & ont figné.
Jï Collationné h. l’Original par moi foufligné, Prêtre , V i» cairc de ladite ParoiiTe. A Paris, ce 2.9 du mois de Novem bre
53 de Tannée 1 7 7 1 . Signé , Simon", Vicaire.
T el eft l’Extrait fidelle des Regiftres de Mariage de la ParoiiTe de Saint-Sulpice. O r il nous offre un vice radical, un
défaut eiTentiel qui fuffiroit feul pour opérer la nullité du ma
riage. Il n’a point été célébré par le propre Curé des Parties.
Il fuppofe ay V icom te de Bombelles un domicile évidemment
faux.
Vous vo yez, M
e s s i e u r s
,
qu’on fpécifie qu’il de
meure depuis un mois rue du F o u r , fur la PafpilTe dans la
quelle on le m arie, & ci-devant, depuis trois ans , rue de la
Mortellerie fur la ParoiiTe de Saint - Gervais : en initruifant le Prêtre qui l’a réd igé, on l’a trompé ; on lui a fait tranfciire dans fes regjftres un énoncé infidellc. Dans le fa it, il
cil faux que le V icom te dé Bombelles demeurât depuis trois ans
D
�26
dans la rue de la Mortellerie , ni fur la ParoiiTc de S ain t-G er-e
vais. Dans le d ro it, il eft plus faux encore qu’il eût, ni ce domi
cile , ni aucun autre, acquis dans Paris. Nous voudrions pou
voir nous impofer iilence fur la nature de la preuve que nous en .
allons produire , comme fur tout Je refte de ce que l’hiftoire
de la jeuneiTe du V icom te de Bombelles offre de peu avantageux
pour lui ; mais c’eft ici le nœud de la C au fe, & fe taire y ce feroit
fe trahir fui-même.
Difons donc, & fans aucun commentaire, qu’il a été conduit
au F ort-l’Evêque le zy^Novembre 1768 ; il n’ en eft forti que
le 10 A oû t 1770. N ous rapportons l’écrou qui conftate l’épo
que de fa détention & celle de fa liberté. O r , le Fort-l’Evêque
n’eft pas fur la Paroiffe de Saint-Gervais ; en fuppofant que fa
retraite forcée dans cetteprifoneût pu lui procurer un domicile)
il eft évident que ce ne feroit pas celui qui lui eft fuppofé dans
l ’acte.
OnafTure qu’en fortant du F o r t-l’Evêque il a été en effet
demeurer deux mois dans la rue de la Mortellerie ; mais outre
qu’il étoit probablement en chambre garnie , ce court féjour
n’eit ni celui de trois ans que l’a&e de célébration articule, ni
celui d’un an que l’Ordonnance exige pour tout homme qui
change de Diocèfe, ni même celui de fix mois que les L oix pres
crivent h tout particulier qui refte fur fa ParoiiTe.
Voilh donc dans le fait une fuppofition révoltante dans l’a&e
de célébration ; vous en avez fouvent annullé, M e s s i e u r s , de
moins coupables, de moins fujets h la cenfure. Dans le d ro it, il
eft bien moins foutenable encore.
Où éto it, où pouvoir être en Novem bre 1770 le vrai domi
cile du Vicom te de Bom belles, relativement à fon mariage?
I l eft né le 8 Février 1745 , il n’a donc été majeur que le 8
�Février 1770. Mais alors il étoit en prifon. Quand il en eft
fo rti, il avoit donc pncore le môme domicile légal avec leque^
il y étoit entré. O r ce domicile légal étoit celui de Ton Cura
teur; & Ton Curateur demeure àM ontauban. C ’eft donc dans
cette Capitale du Quercy qu’il falloit publier les bans : c’eft lk
qu’il falloit aller chercher le propre Curé du V icom te ; c’étoit
de ce Curé qu’il falloit obtenir la permiflion pour célébrer à
Paris fur la ParoiiTe de Saint-Sulpice.
A u terme de la-Loi, il faut un an révolu, pour que le domi
cile foit réputé changé d’un D iocèie à l’autre. Quand le V icom te
n’auroitpas été en prifon à fa majorité , il n’auroit pu fe marier
légitimement à Paris , fans la permiflion de fonPafteur deM ontauban, qu’après le 8 Février 1 7 7 1 . A in ii dans tous les cas poffibles, le domicile qu’il s’eft prêté dans i’a&e eft fa u x , & la bé
nédiction nuptiale furprife fur ce fondement ruineux croule, s’a
néantit avec lui.
Q ue ce défaut, M e s s i e u r s , foitpéremptoire, qu’il emporte
la nullité de l’aftedont il eft la bafe; c’e ft, je crois , ce qu’on
ne nous difputera pas. C e principe eft trop bien é ta b li, pour
qu’on puiiTe avoir feulement la moindre idée de le contefter.
Et qu’on ne nous dife pas que nous hafardons ici un reproche
que nous avons à redouter nous-mêmes. Q u ’on ne fe récrie pas
que nous n’avons pas plus que la D em oifelle de Carvoifin l’autorifation du Pafteur , fans laquelle une conjon& ion, quelque
légale qu’elle foit d’ailleurs, eft néceflairement proferite ! Quelle
différence entre fa fïtuation & la nôtre ! N os obligations nos de
voirs , nos charges, nos rifques, font-ils donc les mêmes ?
Vous avez un aile de célébration , vous le produifez. U ne
imprudence frauduleufe l’a corrompu ; mais fans ce la , il fuffiroit feul povu: affûter h jamais votre repos & celui de votre poiléD ij
�rite, il D ieu n’avoit pas refufé cette bénédi£tion à une union qu’il
réprouvoit. Nous n’ en produifons pas ; nous n’en pouvons pas
produire ; nous n’en devons pas produire. Aftreints aux Loix de
votre E g life , forcés de vous y conformer, fous des peines qui ne
peuvent vous être inconnues, par combien dedédommagemens
êtes-vous indemnifés decctte gêne falutaire?Vous parvenez à des
charges, fans les payer par des facrileges : vous pouvez préten
dre aux honneurs, fans les acheter par une trahifon : vous ne por
tez pas fur le front un fceau de réprobation , que vous ne puiflîez faire difpaïoître, qu’en vous couvrant d’ un m afque, impie *
quoiqu’il ait une forme religieufe. Les remords ne vous trou
blent point au milieu de vos fuccès.
Mais nous , réduits h ne nous livrer qu’en tremblant aux
plus douces impreiiions de la nature , perpétuellement flottans
eatre notre confcience & nos defirs, craignant de donner à nos
unions une publicité capable d’alarmer un faux zele , & de les
laiifer auifi dans une clandeftinité qui les rendroit fufpectes ,
exclus de tout par une fermeté vertueufe , rongés de remords
fi nous écoutons une ambition complaifante , fufpendus fans
ceile entre l’exiftence & le néant ; combien la politique nous
vend cher cette tolérance apparente quron peut toujours nous
contefter fans rifque, <5t nous enlever fans paroître commettre
d’injuftice! Quand on nous opprime , ce n'eft que l’humanité'
que l’on outrage , & l’on croit fouvent accomplir la Loi.
V oyez donc s’il eft poilible d’établir aucune cfpece de comparaifon entre nous : le mariage de ma mere eft revêtu de tou
tes les formalités q u i, fuivant la nature des chofes, peuvent le
rendre authentique. Ce qui y rrjanque peut facilement être fuppléé. Je fuppofe que l’on n’y ait pas obfcrvé toutes les réglés y
au moins n’y en a-t-on enfreint aucunc.On n’établit pas encore.
�qu’il ait ¿té célébré par le propre Paiteur ; je vous l’accorde ;
mais vous ne prouvez pas auffi qu’il ait été célébré par un autre:
o r, c’eft précifément ce que je vous reproche ; c’eft ce que j’arti
cule contre votre union. M a mere n’a pas acccompli la L oi ; mais
vous l’avez violée. Elle peut réparer fon omiilion , il elle eft
réelle, & votre délit cil auifi conilant qu’irréparable.
N e m’oppofez donc point une. fimilitude imaginaire. N e
me forcez point à m’appefantir fur les détails d’un acte dont
toutes les circonftances né peuvent manquer de tourner contre
Vous , & qui n’a point été altéré par la feule imprudence.
Vous y avez fuppofé à mon pere un faux domicile. E it-c e
au hafard que cette falfification a été commife ? N o n , fans*
doute. Vous faviez qu’il avoit des engagemens aM ontauban ,
il en convient lui-même dans fon Mémoire à confulter ; dansce Mémoire cruel, où ma naiiTance eil mife au rang des crimes,
& où l’on traite comme une calomnie l’équité de ceux qui
Veulent bien rappeller mon exiilence à celui qui me l’a don
née,
Je veux croire que vous ignoriez la nature & la force de ces
Engagemens : mais vous ne pouviez pas vous diflimuler de quel
genre étoient ceux que vous alliez former vous-même. Vous
deviez favoir f & vous faviez que pour les rendre facrés il falloit qu’ils fuiFent contra£lés avec un homme libre. Pour vous
mfpirer de la défiance & du doute , c’étoit aiTez- même d’un
foupçon. O r les déclarations formelles qui vous avoient été
faites d un mariage antérieur & fubfiilant,fuffifoient fans doute
pour vous obliger a des recherches , à des informations.
Si vous craigniez d’alarmer votre nouvel époux , s’il répugnoit a la délicatciTe de votre cœur de 1 i montrer ces alarmes y
t'es inquiétudes peu confolantcs en e fe t ; la publication des
�3°
bans ¿toit un moyen fur de les difliper , fans qu’il fût poffible à celui qui en étoit l’o b je t, de s’en plaindre. O r vous
n’avez pas eu recours à cette voie falutaire. V oici un certificat
qui le prouve.
'
« A déclaré n’avoirproclamé les bans d’un prétendu mariage
j? à Paris, de Meflïre de Bom belles, Officier au Régim ent de
35 Piém ont , dans fon Eglifc paroifliale de Saint Jacques de
5) Montauban , ni dans aucune de fes deux annexes , ni n’a
» donné aucun ordre de les proclamer : &c a figné. A Montau» ban , ce io Septembre 1 7 7 1 . Signé } H u c a f o l , Chanoine
» Sacrifie , Curé de Montauban 35.
C ’eil donc volontairement que vous vous êtes prêtée aux
efforts frauduleux par lcfquels on cil parvenu à éluder la L oi :
vous êtes donc au moins complice de cette trame obfcure qui
vous a donné un mari : vous n’avez pas drç>it de vous plaindre
de la Juftice qui va vous l’ôter.
C e n’eilpas fans y avoir bien réfléchi, ' M e s s i e u r s , q u el’on
a fuppofé au Vicom te un domicile de trois ans , dans un autre
quartier que celui de S. Sulpicc.Si l’on avoit informé le Curé de
cette Paroifle des circonflances, de la détention du jeune
hom m e, il auroit de lui-même fait des informations. Il auroit
fallu lui éclaircir le fait du Fortr-l’E vêque, la minorité, le domi
cile de droit à Montauban ; il auroit refufé fon miniilere,.ou exi
gé une publicité connue du mariage dans la V ille où demeuroit le Curateur du m ineur, parvenu depuis peu à fa majorité.
Alors la Dem oifelle de Carvoifin auroit perdu l’objet auquel
elle vouloit s’attacher h. quelque prix que ce fût : alors elle fenioit bien qu’unç rivale autoriféc fefcroit élevée contre fes pré
tentions. Il auroit fallu y renoncer, & elle a préféré la fatisfa&ion prompte d’un goût paffager , à une patience qui l’au-
�31
roit mife en état de contra&er une alliance plus folide & plus
durable. Q ui peut-elle accufer du trille fort auquel elle va fe
trouver réduite? Elle eft digne de pitié , fans doute, mais mé
rite-t-elle la moindre indulgence ?
Je l’ai prouvé ,
M
essieurs
, fon mariage avec le V icom te
de Bombelles eft: nul. I l porte un cara&ere évident de fuppofition & de clandeilinité. L e feul défaut de la préfencç du ,
propre Curé , l’énonciation'd’un domicile qui n’eft point le
véritable, l’affe&ation avec laquelle on a trompé & le Pafteur
& peut-être des témoins trop confians , tout vous oblige à
profcrire un a£te dont l’impoilure eft; le principe , & que la
Jurisprudence la plus confacrée réprouve. Mais eil-ce le feul
vice qui en juftifie la condamnation ? N o n ,
M
essieurs
, vous-
y en trouverez encore un autre qui n’eil pas m oindre, & qui
prenant une nouvelle force des griefs dont je viens de vous
parler, doit achever de faire perdre à la D em oifelle de Carvoifin tout ce qu’elle a. pu confcrver jufqu’ici d’efpérance.
Je fuppofe encore, comme je viens de le faire tout à l’heure,,
que le mariage de la D em oifelle Camp fût in com plet, qu’ il y
m anquât, du côté des formalités , une forte de perfe&ion dont
il étoit fufceptible ; cependant, le V icom te de Bombelles luimême ne peut pas le n ier, il exiftoit un engagement ; le con
trat pardevant Notaires feul étoit un lien.. Pour que le V i
comte fût en droit de fe croire d é g a g é, il falloit opérer fa
délivrance. E t de qui pouvoit-il l’attendre ? Etoit-ce de fa vo
lonté uniquement ? Pour fe retrouver indépendant, fuffifoit-il
qu il s allât jetter aux genoux d’une maitreiTe nouvelle ? Etoitd libre , par cela feul qu’i l . étoit ïnconftant ? E t la L oi qui
avoitratifiéfes premiersfermens,chan'geoit-elle avec fon cœ ur?
N o n y M e s s i e u r s > il ne p o u v o i t recevoir f o n affranchiiTe--
�3%
ment que des mains de celle qu’un nœud commun & réci
proque attachoic à lu i, ou de la Juftice , q u i, fans approuver
fa légéreté , avoit le droit de la rendre légitime après en avoir
pcfé les motifs : 01* il n’a employé aucune de ces deux voies.
Il n’a eu aucune efpece de confentemcnt de la Dem oifelle
Camp. Le contrat qui l’enchaînoit à elle n’a été réiilié par au-r
çun Jugement ; & cependant, au préjudice de ce titre exiftant,
il n’a pas craint de contracter un engagement nouveau. Il a
promis à une autre époufe une foi dont il ne pouvoit pas dif-r
pofer. Il
3.
confommé une efpece de fteliionat de fa perfonne,
Je dis , M e s s i e u r s , qu’il n’en faudroit pas davantage encore
pour vous décider a annuller fon fécond mariage , & ce n’eft
pas k moi que vous vous en rapporterez fur cette décifion intéreilànte. C ’eit h
M.
Je Chancelier d’A gueifeau, de l’autorité
duquel j’oferai m’apjpuyer, & qui ne laiiTera , je crois, fublifter
aucune efpcce de difficulté dans vos efprits.
I l portoit la parole en 1691 dani> une Caufe qui a trop de
rapport à notre efpece , pour ne pas en faire le rapprochement.
I l s’agiiïoit d’un iieur Pierre L efcu ier, qui avoit pouffé plus
loin
que le V icom te de Bombelles l’oubli de fes fermens i5c
de fes devoirs. Jouet d’un tempérament fougueux & d’une
imagination foible , il fe marioit prefque dans toutes les V illes
où il alloit. En 1691, il fe trouvqit trois femmes vivantes ,
toutes trois époufées en face d’Eglife ; & toutes trois récfajnoient des droitsqui ne pouvoient être adjugés qu’à une feule.
Entre le premier de ces mariages & )c n ô tre, il y avoit des
différences de toute efpece ; c’étoiçnt des Catholiques ; le mari
étoit en puiilance de parens ; la femme étoit une fervante. La
célébration avoit été faite iur de faux noms , fur de faux cer-?
tificats de publication de bans.
Rien
�33
r R ie n de tout cela n’appartient au mariage de la Dem oifellc
Camp. Mais ce qui fait un trait de reiTemblance effentiel,
c’eft que le jeune homme avoit contracté , étant mineur ,
qu’il avoit, comme le V icom te de Bom belles, paiTé dans les
bras de fes nouvelles maitreiTcs, fans avoir fait prononcer la
nullité de fon premier engagement. Il s’agiffoit de . faire un
choix entre ces trois mariages. M. d’Agueiïeau fe décida en
faveur du premier. Après a ^ ir expofé les raifons qui le déterminoient,
« N ou s n’ajouterons p lu s, continua-t-il, à toutes ces re» flexions, qu’un dernier moyen qui ne nous paroît pas moins
» décifif que ceux que nous avons eu l’honneur de vous pro» pofer.
» Quand on voudroit foutenir , qu’aprbs tout ce qui a fuivi
» ce premier mariage....., il n’étoit pas encore entièrement Iégiwtim e peut-on douter au moins que ce m ariage, tout im jî parfait qu’il e i l , ne fût .un véritable engagem ent, une obli» g a tio n queLefcuier feul ne pouvoit violer?
,
:
v Si nous rccoimoiiïbn<; que les voies de nullité n’ont point
» d e lieu en France ; qu’il' faut que l’ Autorité R oyale inter» vienne pour refqudre une fimple promeiTe ; qu’il n’y apref» que point d’obligation qu£ l’on- puiiTc annuller fans les L ct» très du Prince ; exceptera-t-on de cette réglé générale la
» plus indiiToluble de toures les obligations, & le con tratlç plus
» important de la fociétç civile? Perm ettra-t-on à un homme
V
qui'fe,croit e n g a g é , qui a perfévéré dans cet en gagem en t,
» de fc rendre Juge de la validité de fon engagement ,
» de rompre Jes JUtuds par fon autorité particulière , & de con» tracier un fécond mariage’fans avoir fait déclarer la nulhtc
Ttdu premier}
�34
» Nous n’ignorons pas cependant, continue fur le champ
v l’habile Magiftrat , que l’on a confirmé plufieurs mariages
» contractés au préjudice cTun premier engagement. M ais dans
quelle efpece a-t-on pu rendre de pareils Juge mens» ? C ’e il,
d’une p art, quand les féconds mariages n’avoient en euxmêmes aucune forte de nullité qui les rendît indignes des
regards de la Juflice , & de l’autre, quand les premiers au
contraire étoient infeétés de tels vices , de tels défauts qu’ils
fuiTent abfolument intolérables ; &
alors même il falloir
qu’on eût réclamé auffi-tôt après leur prétendue célébration
l'autorité des L o ix & la protection de la Juflice. O n avoit
du moins rendu cet hommage aux L oix d’implorer leur fecours pour parvenir à. fe dégager.
C ’cft ce que M. d’AgueiTeau remarque expreiTément: « &
» quoiqu'il f û t plus régulier, ajoute-t-il, etattendre que le pre» mier mariage fû t déclaré nul , on exeufe cependant la préciyj pitation d'un homme qui s'engage avant la fin d'un procès ,
m dont l'événement ne peut être douteux ». Il y avoit donc des
procès commencés dans ces efpeces ; il y avoit une réclama
tion confiante & immédiate. L e bigame en ce cas prévenoit
la décifion des Juges, mais il ne fe croyoit pas en droit de
s’en paifer. Il avoit d’abord m anifeftéfa foumiilion avant que
de fe livrer h fon impatience.
Eft-ce là , M e s s i e u r s , ce qu’a fait le V icom te de Bom belles? Quelles démarches a-t-il faites pour parvenir à fe débarraiTer de fes anciens nœuds? Quelles réclamations s’eft—il
permifes ? Quels efforts a-t-il hafardés pour s’y fouftraire? A u
cuns. Il les a laiile fubfifter dans toute leur force. C ’eft par une
marche oblique qu’il eft parvenu à les cacher. C ’eft en évitant
d’en donner connoiffance au Paftcur qu’il féduifoit de concert
�31
avec fa nouvelle époufe, qu’il a réufli à les dérober aux regards.
% Mais par-lk même il en conilatoit l’exiftence. C et aveu tacite
équivaut à une reconnoiflance authentique ; & n’eft-ce pas là.
le cas de s’écrier comme le faifoit encore M .d ’AgueiTeau dans
la même Caufe :
« N e doit-on pas rentrer dans le droit commun , & décider
v que ce premier mariage, défe£tueux à la vérité dans fon com « m encem ent, cil néanmoins un empêchement capable de di» rimer ceux qui l’ont fui^i ? Et ne peut-on pas dire que la fe>9 conde & la troiiieme femme font ici fans intérêt , puifqu’in» dépendamment de la validité du premier mariage il faudroit
J3 toujours prononcer la nullité des engagemens qu’elles fou» tiennent, & que dans le concours d'un mariage douteux avec
» un mariage n u l, le premier mériteroit toujours la préfe» rence » ?
C et oracle , M e s s i e u r s , eft d écifif, & acheve de trancher
toute efpece de difficulté. V ou s v o y e z quel parfait accord
regne ici entre le vœu de la Nature & la difpofition des Loix.
Q ue pourrois-je ajouter de plus en faveur de la Caufe que je
défends? Sous quelqu’afpeft qu’on l’envifage, elle eft renfermée
toute entiere dans ces mots précieux : dans le concours ctwi ma
riage douteux avec un mariage n u l, le premier mérite toujours
la préférence.
Je vous préfenterai cependant encore , M e s s i e u r s , une
autre coniidération; c’eit que ce mariage nul dans le droit cil
reile ilériledans le fait : au contraire cette union douteufe jufqu ici, je le fuppofe, mais préférable par tout le reile, a été
fuivie d une heureufe fécondité. En rendant l’un à fon néant ,
c n 1 abandonnant à fa propre invalidité, vous ne frappez que
E ij
�36
fur la coupable , qui a cherché de fang froid h vous tromper.
Elle n’a perfonnè qui réponde à Tes plaintes. Elle gémira feule
d’une imprudence qu’elle a volontairement commifc. Elle ne
pourra accufer de dureté des L oix qu’elle a bravées avec ré
flexion.
En anéantilfant l’autre que tant de motifs rendent ficrée ,
vous puniriez l’innocence : vous flétririez pour jamais cette
. enfant d’autant plus digne de p itié , q u elle ne connoît pas
encore fes malheurs, & que ia ienfibilité ne commencera que
dans le tems où celle qu’ils auront fait naître fera epuifée.
C e n’uft pas to u t, M e s s ie u r s , la dégradation d’A n toi
nette de Eombelles aurait encore des fuites bien plus fùneftes.
U n peuple entier attend votre déciiiou en tremblant. Si elle
nous étoit contraire, il la regarderait comme l’A r rôt de fa
propre condamnation. Le fort de cinq cens mille familles dans
le Royaum e , l’état d’un million de C itoyen s, il n’eit plus tems
de fe 1^ dilfimuler, dépend de notre fuccbs : jamais Caufe, avec
une apparence plus bornée , n’a eu des rapports plus étendus.
Quand la D em oifelle de Carvoifin feroit bien fondée, quand
fon mariage feroit auifi régulier qu’il eit illégitime , quand en
le contractant elle auroit obfervé toutes les Loix qu’elle a vio
lées, la Juitice auroit peine peut-être à la défendre'contre Je
grand , contre le prodigieux intérêt politique qui la combat :
niais elle n’a pas même cet avantage. Quand elle n’auroit que
nous pour Adverfaires, fa perte feroit encore inévitable. Que
fera-ce donc aujourd’hui que le bien public la nécciïite ? Cette
rivale indiferete n’a que des torts de fa part à nous oppofer.
Pourrez - vous balancer entre elle &c une ii nombreufe partie
de la nation ?
�37 .
t t i m i • \ ~ iz m u zssB jB ta y m m r r i td T n hiiv * B z w e E a x m -w , r r r . m jg ’iir a m r —
O B S E R
Du
D é f e n s e u r
V A
t a ra u ux u m
» » r ÿ t r i& a a l
T I O N S
des D a m e &
Demoifelle D E
B O M B E L L E S,
J ’ a u r o ï s voulu pouvoir me borner à ma C au fe, & n’être
pas forcé de convaincre le V icom te de Bombelles d’un mau
vais procédé de plus. Mais il a néceflité un cclairciffem ent,
pour lequel je ne produirai que des faits & des pieces.
L e V icom te de Bombelles a fait imprimer dans tous les pa
piers étrangers , avec des réflexions injurieufes, & fait courir
dans Paris , avec des apoflilles contraires à la vérité , la lettre
fuivante :
« J’ai reçu avec la plus grande reconnoiffdnce s & lu avec le
>?plus v if intérêt, le Mémoire que M . le Vicomte de B om )) belles a eu la bonté de m envoyer. C ’eil quelque chofe de
v bien iingulier en effet que la hardieiTe avec laquelle on ofe le
» compromettre par des imputations de la nature de celle dont
» il fe plaint. Peut-être eft-ce fon mariage même qui en effc
» l’origine. I l eit poflible que quelques collatéraux, du côté da
» Madame fon ép ou fe, aient conçu de l’inquiétude de cet
33 événem ent, & qu’ils aient imaginé ce lâche & mal-adroit
» moyen pour fe tranquillifer. A u r e fie , l’éclat même qu’ils
»auroient néceffité , ne peut fervir qu’il rendre leur honte pu” blique , & à. faire briller l’innocence du C lien t, ainji que les
33 talens du Defenfeur. J’ai l’ honneur d’ail’urer M . le V icom te
33 de Bombelles du refpeil avec lequel je fuis fon très-humble
33 & trbs-obéiflant ferviteur. Signé , L in g u iît.
Lucienne, ce 4 Juin i y j t „
�ïù
f
.
Dans les copies^iftribuées >
à Paris , de la main du V ico m te,
fc trouvoit Tapoftille ci-jointe de la même main :
« L ’ original de la lettre ci-deiTus a été communiqué ? en
» plein P arqu et, à M e Linguet qui nioit Ton exiftence , par le
» V icom te de Bombelles qui l’a dans Ton porte-feuille. A.
» Paris le 10 Mars 1772.. S ig n é, V icom te
de
B
ombrlles
».
L ’apoilille du 10 Mars & la date du 4 Juin, font remar
quables.
Toutes ces manœuvres avoient pour objet de me compro
mettre , en iniinuant qu’après avoir été le Confeil de M. de
B om belles, j’avois préféré de devenir celui de ia fem m e, &
que j’étois reité confondu , fans défenfe, devant mes Confrè
res, fur l’articje de la lettre. C e plan annonce , de la part de
M. de Bom belles, beaucoup d’art & de fang-froid, mais peu
de ménagemens pour la vérité.
Il eitfau x ( je fuis fâché d’être obligé de le dire à un Gen
tilhomme ) que l’original de cette lettre m’ait été communi
qué eh plein Parquet. Il cil faux que j’en aie nié l’exifl;encc.
I l eft faux que le V icom te de Bombelles m’ait jamais parlé
dans fa v ie , ni au Parquet, ni ailleurs ; au contraire, c’eit
moi-même qui ai interpellé en plein Parquet à l’occafion des
bruits femés fourdement «5c des alTertions configoé^s dans les
papiers étrangers , M e le Blanc , A vo ca t du Vicom te. Je l’ai
fommé de repréfenter cet o rigin al, dont il annonçoit qu’il
comptoit tirçr grand parti dans la Caufe. M e le Blanc ne l’a
pas voulu faire -, mais après une difcuiïion même allez v iv e , il
s’eft: retiré en difant: E h b ien , j e déclare que vous nave^ j a
mais été le Confeil de M . de Bombelles ; êtes-vous fatisj'ait ■
Cette déclaration a été faite devant M. l’A vocat Général de
Verges & cinquante Avocats que j’avois engagés à être pr^"
�//
39
fens à la conteilation , & Juges de mon procédé. O r , ce pro
cédé , le voici :
L e x Juillet 1 7 7 1 , tems où j’étois accablé de toutes parts de
lettres , de complimens, de félicitations que je ne méritois point,
fur des objets auxquels je n’ai jamais eu aucune p a rt, fur des
ouvrages que je n’ai connus qu’avec le P u b lic , le V icom te de
Bombelles m’adreiîa, par la petite p o ite, un de fes Mémoires
imprimés, avec la lettre que^voici :
« Paris , le x Juillet 1 7 7 1.
« M
o n s i e u r
,
» Défendre le Citoyen chargé des intérêts du M onarque, &
« obligé de maintenir fon autorité, a été l’emploi glorieux ,
» dont vous vous êtes ii bien acquitté dans la calomnieufe im» putation faite à M .... Il n’eil point étonnant q u ’ un h o m m e
)) en place foit en butte à de grandes révolutions & à des épreu« ves fâcheufes. Mais pourquoi un Citoyen ignoré par état &
» par caraôere , eit-il l’objet d’un acharnement odieux ? C ela
« eft, on ne peut pas p lu s, difficile à concevoir. Je me fers
» avec plaiiir de cette circonitance , pour rendre hommage à
>■
>vos talens & à votre mérite. J’ai l’honneur d’être, Monlieur,
« vo tre très-humble & très-obéilfant ferviteur.
Signé j
t
B om belles.
J’étois alors dans l’idée fauiTe qu’une politelTc devoit tou
jours être payée par une autre politeiTe, & qu’on ne fe com promettoit point par un procédé honnête. J’avois pour princ’pc de
rcP°ndre à toutes les lettres que je rccevois. L ’expérience m ’en
�4°
a corrigé, & je fuifis cettJ occafion de prévenir toutes les perronnes qui continuent à m’honorer de leurs lettres , de n’êtré
pas furprifes de mon filence. M. de Bombelles m ’a donné à ce
fujet une leçon que je n’oubjierai jamais. Je lui répondis : je le
connoiiTois ii peu, j’avois ii peu de relations avec l u i , que pour
lui faire parvenir mon rem erciem ent, que jere.gardois comme
un d evo ir, je fus forcé d’adreiTer ma lettre à M e Perrin, A v o
cat aux C o n fe ils, qui avoit figné fa Confultation. M e Perrin
certifiera ce fait.
Je n’ai é c r it, comme on peut le v o ir , à M. de Bom belles,
que de ces chofes vagues qu’indique l’envie de donner dans le
fens d’un homme de qui l’on a reçu une marque de confidération. Si je parlois des collatéraux , c’çil que ce font ordinaire
ment ces fortes de parens qui ont intérêt h attaquer des ma
riages. Je fuppofois que les prétendus ennemis de M. de B om
belles ne pouvoient être que de cette clafTe. Jevoulois lui prou
ver que j ’avois eu l’honnêteté de lire fon Imprimé ; & e n voyant
la hardiefle avec laquelle il défioit fa première époufe de fe
montrer, qui auroit jamais pu foupçonner qu’elle exiftât ?
Cependant au mois d’O ftobrc fuivant, cette époufe fe préfenta chez m o i, & implora mon iècours ; je ne balançai point
à le lui promettre. Je lui ai tenu parole , & je la feconderai
jufqu’à ce qu’un Jugement folemnel ait éclairci & fixé fes
droits.
Je n’ai certainement ni dû ni pu me croire lié envers M. de
Bom belles, par un envoi fans conféquence, par le préfent d’un
Imprimé fur lequel on ne m’a même jamais demandé d’avis. Si 1a
maxime contraire s’établiiToit, les Portiers des A vocats devicndroient donc les arbitres de leur délicateiTe. Un Plaideur qui
feroit la dépenfe d’adrciTcr à tous les Jurifconfultcs, attachés à
un
�41
lin T ribun al, un exemplaire d’un de fes Mémoires , feroit sûr
de n’y point rencontrer d^Adverfaires.'1 -0'jii-•: v u :
J
L ’induclion tirée de ma lettre eil rabfurde ; mais la date
tju’on y fuppofe éil une particularité cffreufe. Je-neToupçonne
pas M .-d e Bombelles ders’étre imaginé''que j’aurcis perdu la
fiennc du 1 Juillet. Je ne l’âccufe pas d’avoir gratté la fin de ce
îfiot fut 'la mienne , & 'd ’en avoir fait f u i n , àfin^qu’elle pût
£>aroître avoir précédé-fa Confultation , qui eft du Z) Ju in , &
«qu’il eût le droit d^nfinuer que j’avois pu voir fon Mémoire
en manuferit. Ces idées font trop violentes , pour que je m’y
arrête. Il eft poifible, après to u t, que le 4 Juillet j’aie daté
du 4 Juin. Cette méprife n’a rien,d’improbable*
Mais comment M. de Bombelles, qui doit avoir les faits préfens, & q u i n’a pas pu fe méprendre fur les époques, a-t-il ofé
non-feulement laiifer fubiifter , mais même appuyer l ’efpece de
doute qu’il'faifoit naître fur celle-là. ? I l (ait que c’eft un Impri
mé qu’il m’a fait parvenir. Sa lettre prouve aiTez qu’il ne m’avoit
jamais écrit avant le z Juillet. E lle prouve qu’il me faifoit un
envoi, & non pas qu’il attendît de moi un avis : la mienne, qui
eft une réponfe, ne dit rien autre chofe. Si j’avois été fon C on f e il, lui aurois-je parlé de ma reconnoijfance , en accufant la
réception de fo n Mémoire ? Lui aurois-je rappellé les talens de
fo n Défenfeur, ii j’avois été ce D éfcnfeur ? Jamais il n’eft
entré chez moi •, jamais il n’a eu avec moi de corrcfpondance
d aucune efpece. Com m ent ofe-t-il donc eifayer de me com
promettre ainfi & dans la Capitale & dans les pays étrangers, fur
un prétexte dans lequel il me feroit fi facile de trouver une im pofture criminelle ?
Je laiiTe au Public & à lui-mcme le foin de l’apprécier j mais
je n c vpuis m’empêcher de déplorer'le fort de q u ic o n q u e a
F
�42
le malheur de fixer un inftant les regards dans une carriere
pénible, & d’y rencontrer des Adverfaires peu délicats. I l
éprouve à chaque inftant la vérité de cet adage fi connu, fi
affreux , fi cru el, & cependant fi fen fé, en fuppofant qu’on
puiffe proftituer ce nom aux armes du crime : Calomnions
toujours nos ennemis. Qu'importe q u 'ils f e ju ftifient /
Ils
guériront la plaie , mais ils ne feront pas difparoître la cica
trice. Cette réflexion n’eft pas étrangère à. la C au fe, fi l’on en
croit d’autres bruits femés par le V icom te de Bombelles contre
fa fem m e, avec auffi peu de fondem ent, & u n e m alignité auffi
courageufe.
Monf i eur D E
V A U C R E S S O N , Avocat Général,
M e L I N G U E T , Avocat.
M e M O Y N A T , A vocat du Parlement.
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D e l’imprimerie de L . C E L L O T rue D auphine, 1 7 7 2.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum.De Bombelles, Antoinette-Louise-Angélique-Charlotte. 1772]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vaucresson
Linguet
Moynat
Subject
The topic of the resource
validité d'un mariage entre un homme et femme de confessions différentes
protestants
vices de forme
suspicion de bigamie
diffusion du factum
opinion publique
actes de mariage
Description
An account of the resource
Titre complet : Plaidoyer pour demoiselle Antoinette-Louise-Angélique-Charlotte de Bombelles, procédant sous l'autorité d'Antoine Maugis, son tuteur ad hoc. Contre Charles-Frédéric Vicomte de Bombelles ; Et demoiselle Marie-Françoise de Carvoisin. En présence de demoiselle Marthe Camp, Vicomtesse de Bombelles.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de L. Cellot (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1772
1770-1772
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
42 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0802
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0801
BCU_Factums_G0803
BCU_Factums_G0804
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53051/BCU_Factums_G0802.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Montauban (82121)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
actes de mariage
diffusion du factum
opinion publique
Protestants
suspicion de bigamie
validité d'un mariage entre un homme et femme de confessions différentes
vices de forme
-
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PDF Text
Text
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} Sous-A id e M ajor d’ in fa n terie,
Chevalier-N ovice de l 'O rdre R o y a l & Militaire de Saint
L azare, In tim é, D éfendeur & Demandeur.
C O N T R E
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Demoifelle Marthe C a m p , Fille majeure,
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Appelante comme d’ abus , 6' JDéfendereffe
E t contre Antoine M A U G IS , Tuteur ad hoc d ’ AntoinetteLouife-Angélique-Charlotte
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o m b e l l e s
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Appelant & Demandeur.
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Epoufe dudit Vicomte de Bombelles.
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E t de Dame Magdelainc-Claudine-Charlottc-Renée d e B o m
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En préference de Dame. M arie-Françoife
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Veuve de M efffire Antoine H e n n e t , Lieutenant-
Colonel d ’Infanterie , Intervenante.
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L o r fque la fcène s’ eft ouverte dernièrement pour attaquer
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fous vos yeux le V ico m te de B om belles, je n’ai pû voir fans,
étonnement que la principale A & rice qui l’avoit dénoncé
comme Bigame à toute la T e r r e , & qui avoit eu le courage
de l’accufcr de'libertinage o u tré, de féduiflion, d’apoitafie,
de trahifon, de lâcheté & de tous les forfaits im aginables,,
refuiat de com m encer 1’attaque.après l’ y avoir appelle; qu’elle
fe fut môme condamnée au filen ce, dans le feul lieu où il lui
convcnoit de parler, & qu’ elle n’y parut que pour y faire un
coup de th eltre, & immoler encore une fois le V icom te de
Bombelles à la haine publique , par l’exhibition maligne d’ un,
enfant qu’il ne ceiTe de lui redemander.
M ’ c Îl-cg pas encore un phénomene tout a fait nouveau ,
que cet enfont qui ne foupçonne pas même les diftindion^
introduites par les L oix dans l'état des perfonnes, qui ne fçait:
rien de ce qui a précédé fa naiflance , & qui n’ a connu fon
pere pour la premiere fois que par le baifer & les larmes qu’il
en a reçu s, en fe rencontrant avec lui dans ce champ de
bataille, vienne foutenir l’ état de fa m ere, elle préfente ,
tandis qu’ elle n’ ofe plus rien demander pour elle-meme.
Cependant, il faut l’avou er, après ce que la DemoifeJle
Cam p s’eft permis contre le V ico m te de Bombelles , il eût
été bien plus étrange de la v o ir , ou revenir fur £bs pas pour
revendiquer comm e m ari, un jeune homme qu’elle a couvert
d ’opprobre : ou periiiter dans l’horrible defiein de le livrer
com m e Bigame au iupplice honteux de ce ilellionnat,
& de
faire déclarer, par le même A rrê t, fon enfant fille légitime
d ’ un pere infâme !
Si l’impoilibilité d’opter entre ces deux partis Ta réduite
h la néceilïté de fe remplacer par fa fille & de lui remettre
fes intérêts , fa paiîion n’ a rien perdu h ce changement. E lle
�y trouve au-qontraîre deux avantages : le prem ier, d j fauver
par les reticences du refpect filial toutes les injures & les
..calomnies entaifées dans fon L ib e lle , & de biffer douter fi ce
*1 eft pas par pure bienféance qu’elle les a fait fupprimer dans
la Plaidoirie : le fécond, de fe rendre favorable par l’ interpo
sition d’ un être innocent, qui pour être le fruit d’ un amour
illic ite . n’en eft pas moins digne de votre pitié. Je ne trou
verai point à redire à fa dexterité.
Mais ce qui a frappé une partie de fes Auditeurs , & ce qui
m ente en effet laplusiérieufe attention, c’eilq u e perfeverantà
fedire mariée au V icom te de Bombelles, & ayant fait proviiion
d aétes de m ariage, les ayant même fucceflivem ent employés
pour l’enlever à fa véritable époufe & le faire difparoître par
des coups d’autorité, elle failè dire aujourd’hui qu’ elle n’ en a.
p o in t, qu'elle, ne .peut pas en produire , qu’ elle ne le doit pas ;
& qu au lieu d’ailes elle ait recours à de nouveaux expédiens
q u i, en donnant la facilité d’époufer les gens à leur infçu &
malgré e u x , aboutiroient non-feulement a l’ aviliilèment, mais
à l’abolition totale du mariage.
Si elle n’a point d’a&es , elle a donc étrangement trompe
le Public, & l'Europe entiere , a qui elle promettoit ci-devant
d en produire, (a) & qui ne s’ eft prévenue en fa faveur que
fur ce fondement.
^ Elle en a ,
M e s s ie u r s ,
& j’en ai les,expéditions procurées
d après les fienncs. Mais ce font des acles faux. C ’eft ainix
qu elle s’eft acquis l’état de femme , & qu’ elle a jetté le trou
ble & 1 amertume dans le mariage d’ une fille de qualité, inno
cente & vertueufe, qui n’étoit point faite pour entrer en conurrence avec elle.
.
c — __________
^oyez. ce t t e pro m e tte dans la n o t e au bas de la page 6 de I o n M é m o i r e à t o n * '
l u l t e r , c d m o n 111 4“,
A i;
�4
I l eft vrai que le V ico m te de Bombelles qui aimoit éperduement la D em oifelle C a m p , & qui conferveroit encore
pour e lle T e ftim e , il elle ¿voit confervé du refpeét pour la
v é rité , a fait les plus grands efforts pour la faire admettre
dans fa famille ; ôc la naiilànce de leur enfant eft diftinguée
des autres par ce rayon d’honnêteté. Mais il ne lui a jamais
été poiîible de l’époufer.
L e rôle d’époufe trahie & dégradée, qu’on lui fait jouer
depuis fix m ois, eft une intrigue concertée dans le tourbillon
d’ une cabale infenfée, donc je ferai connoître les Chefs. V o u s
v e rre z , M e s s i e u r s , que cette époufe trahie & dégradée n’eft
qu’une fille à qui le befoin d’une ombre de mariage pour cou
vrir les foiblefles de l’amour, a fait imaginer mille ftratagêmes
pour paroître m ariée, .& à qui le dépit de ne l’être pas a fait adopter le projet d’une vengeance inouic. E lle n’a tourné
contre le V ico m te deBombelles la prétention d’ être fa fem me,
que pour le punir de ce qu’il a , par fon mariage a ctu el, irré
vocablement ceiTé d’ être fon Amant!
D ans une affaire qui n’ eft de fa part qu’un jeu cruel de
l’ amour , je n’ai garde de vous porter contr’elle aucune plainte
des calom nies, des faux & des attentats, dont il a prefque été
la vi&ime. Quand elle en feroit l’auteur, on contrarie même
par les unions furtives une efpece d’iden tité, & l’on ne peut,
fans retenir une partie de l’ opp rob re, deshonorer ceux avec
qui l’ on a une fois mêlé fon iang.
Je ne veux que défendre de fon inimitié un jeune homme
qui n’a pû fe défendre de fa bienveillance & de fes charmes.
En repouiTant fes attaques , je me fouviendrai qu’elle lui a été
chcre ; & quoique le combat.i'oit a tro ce , je tâcherai qu’elle
cil forte fans bleifure. Je ménagerai mes forces de façon à
�1
lui faire tomber ion mafque , fans la frapper trop rudement.
-
Quand jeur ancienne liaifon ne m’impoferoit pas cette mo
dération , je m’en ferois un devoir pour l’enfant qui leur doit
fon exiftence. I l ne faut pas que cet enfant ait à rougir un
jo u r , ni de fon p e r e , ni de fa mere.
C ’eft aux auteurs de l’intrigue que doit en refter toute la
honte. Ci-devant ils fe propofoient de fupprimer la perfonne
du V ico m te de Bombeî^es.
L ’appel comme d’abus qu’ils ont fubftitué à leurs' vaines
tentatives auprès du M iniftere, & qu’ ils ont repris après avoir
pareillement échoué par deux fois au Tribunal de la NobleiTe,
a pour objet de lui enlever la D em oifelle de Carvoifin fon
epoufe, qu i, méritant le plus v if attachement par fes qualités
perfonnclles , devient encore plus intereifante pour lui par le
courage même qu’elle a eu de lui refter fidelle dans fa difgrace.
Mais d’un c ô té , le nom d’épouie que poiTede la D em oi
felle de C a rv o ifin , fe rencontre avec un titre autentique. D e
l’autre, la D em oifelle Camp n’ofe plus y prétendre, & ne '
rapporte aucun a&e de mariage ; il n’en faudroit donc pas
davantage pour réprimer fes incurfions.
I l étoit refervé à elle feule , ne pouvant établir fur fon
mariage la légitimité de fon en fan t, de prendre les chofes à
rebours, & de com m encer par foutenir que fon enfant eft
légitime , pour en conclure qu’elle eft mariée.
N ous n’avons garde de diriger nos efforts contre cet en
fant qui n’a point de v o lo n té, & dont elle règle la langue &
les mouvemens. S’il ne veut qu’ un éta t, un nom & un pere
certain, nous avons prévenu fes d é firs, il a tout ce qu’ il
demande. L e V ico m te de Bombelles a coniigné de lui-même
( il y a long-tems. ) dans les regiftres de la C o u r fa. reconnoii-
�6
fance oc ics offres de légitimation (a). P ar-là il lui donne ce
qu ’il a de plus eftim able, fes parens, avec un nom connu en
France depuis cinq cens ans. I l prie même la C ou r de lui ac
corder tout ce qu’elle pourra.
L e furplus des demandes hafardées fous Ton nom ne mé
rite aucune attention. L a légitimité originelle des enfans ne
dépend pas de la volonté des peres. I l n’ eft pas plus poffible'
au V icom te de Bombelles de faire que la fille de la D em oi-.
felle Cam p ait été légitime en fiaiiTant, que de lui donner une
autre rrjere.
I l eft d’autant plus abfurde de commettre cet enfant avec
la D am e de B om belles, que non-feulement on ne prouve
point le mariage de la D em oifelle Cam p fa m e re , mais qu’on
n’ofe produire pour elle-même fon propre extrait de Bap
tême.
Je pourrois m ’en tenir-la & conclure dès-k-préfent h ce
que la mere & l’enfant foient déclarés non-recevables dans
leurs prétentions. Mais comme ils font au pouvoir d’autres
M o teu rs, qui fçavent où l’on fabrique des a & e s, & qui en
feront paroître quand il leur p laira, il faut répondre à ces
Adverfaires fecrets.
L e V icom te de Bombelles ne fera point à la D am e fon
époufe, dont le mariage eft autorifé par les deux fam illes,
l’injure de foumettre ce mariage a l’infpe&ion d’ étrangers qui
n ’ont rien h y v o ir , & qui auroient mauvaife grâce à invo
quer des L o ix dont ils foulent aux pieds l’autorité. (b) C ’eft
à la D em oifelle Cam p d’établir fon mariage avant que d’ atta
quer celui des autres.
( d ) Arrct du 5 Mars 1 7 7 1 .
(ß) Non cß audiendus legem invocans qui contra legem facit.
�O r d’ aprcs cc qu'elle a écrit & fait plaider , s’ il y avoit de
fon côté quelque mariage, il feroit nul, & il faudroit en punir
les auteurs.
Mais il n’ y en a p o in t, ôc il faudra peut-être punir les impofrcurs qui ont abufé de fa complaifance.
Elle n’a pas même le miferable avantage d’ avoir le m oindre
reproche à faire au V ico m te de B om belles, & c eft à lui feul
qu’il iied de fe plaindre.^
P R E M I E R E
P A R T I E .
Confcqucnces du prétendu Mariage , s’ il ctoit réel.
Si dans l’état de la nature il y a peu de différence entre le
mariage & le concubinage , il y en a une très-grande dans l’ état
civil.
Tous deux commencent par la tradition m utuelle de foimême. Mais l’un fe form e par le feul concours des volontés ,
qui ne confultent que l’inftinct de lapaffion , & dont les vues
indifférentes fur la propagation de l’efpece fe terminent a la
poiTeffion refpeélive des deux individus.
L ’autre fe form e par l’intervention de l’autorité légitime ,r
qui ajoute a l’union volontaire des deux Contra&ans un lien
extrinfeque plus fort & plus durable. C ’ eft une pollicitation
publique faite entre les mains de ceux qui font prépofés pour
la recevoir , par laquelle chacun des Contra&ans fe charge
envers l’Ê trc Suprême & envers toute la fociété humaine
dès cet inftant & pour toujours,de la perfonne qu’ il s’ attache,..
& du fardeau des enfans que cette union pourra produire.
Tous les peuples du Monde y ont impoié les
c o n d itio n s
�8
les formes qu’ils ont jugé les plus convenables à la concorde
'
des époux , au bien-être de leur poftérité , au repos de leurs
familles , & à l’harmonie de toute la fociété dont les familles
font comme les premiers élémens ; & fuivant le plus ou le
moins d’importance , ils y ont appofé des peines plus ou
moins féveres.
N o s L o ix font te lle s, que la D em oifelle Camp ne gagneroit rien à être mariée comme elle le dit , & que fa famille
pourroit y perdre beaucoup. Sa religion prétendue réfor
mée , dont elle fe fait un m o y e n , ne lui donncroit aucun
privilège , & ’ne l’expoferoit qu’ à de plus grandes rigueurs.
§ . I.
N
u
l
l
i
t
é
.
I l eût p e u t-ê tre mieux valu pour le V ico m te de B om bélles qu’il y eût un mariage , & fçavoir où le prendre : il
y a long-tems qu’ il n’en feroit plus queftion. U n e fille-fans
naiiTance , fans fortune & d’une R eligion décriée n’auroit pu
refter fa femme. Sa famille quoiqu’ en ligne collatérale , in
vitée par nos L oix à venger l’ affront d’ une ii honteufe méfalliance , n’auroit pas héiité h la faire déclarer nulle.
La
D am e Hennct fa tante ne paroît ici que pour l’atteftcr.'
Lui-m êm e y feroit encore recevable. L ’impoifibilité d’en
acquérir plutôt la preuve auroit prorogé fon aftion , & il
ri’auroit pas grande peine à faire prononcer la nullité ; ou
p lu tô t, com m e la nullité eft de plein droit dans les circonftances où fe trouvent les Parties , il n’ auroit eu befoin que
d’ une fimple proteilation pour fe mettre en état de paiTcr k
il’autres nôçes.
i° .
�■M
9
i° . Incapacité de leurs perfonnes.
Ils n’ étoient ni capables d’être unis enlemble par le lien,
conjugal, ni en âge de difpofer d’eux-mêmes.
i° . C e lien , qui dépend des L o ix de l’Etat & de la R e li
gion , ne fçauroit s’adapter aux perfonnes qu’elles réprou
vent.
L ’ un des obftacles le^ plus diriments , c’ eft la difparité de
culte. D ieu lui-même defendoit k fon peuple de donner des
femmes aux In fid eles, & d’en prendre chez eux *. Dans c *m^e.1usfoçialis
le Chriftianifme , le mariage avec un Payen , ou même avec Deut. ch. 7^/3!
un Juif , feroit un crime , & non un contrat.
\
Il ne faut pas faire aux Proteftans l’ injure de les abaifler'
au même rang : ce font nos freres dans le Chriftianifme , &
nos concitoyens dans l’ Etat. S’ils font encore dans la folle
prévention , que l'Efprit-Sainc a retiré de l’ Eglife le dépôt de
la révélation pour le placer dans leurs mains , au moins ne
font-ce pas ces Fanatiques des fiécles précédens , dont toute
la religion confiftoit dans l’horreur de la n o tre , qui , peu
contens de fe confédérer , prenoient les armes pour le fuccès
de leurs opinions , & qui traitant notre Eglife de proftituée ,
nos Souverains Pontifes d’ A n te th rifts, nos Prêtres de P i
rates , & nous-mêmes d’ id o lâ tre s, profanoient ôcravageoient
par le fer , par le feu , par la luxure , temples , autels, &
tout ce que nous avons de plus facré. Mais quoiqu’ il n’ y ait
de proferit que leur do&rine , leur culte , leurs aiTemblées ,
leurs çonfiftoires , leurs temples 6c leurs Miniftres , & que
chacun d’eux,pcrfonnellement conferve fon exiftance légale
& fon aptitude a la plupart des effets civils ; l’averiion fecrette
que la plupart ont pour nous , les remords dont ils femblent
R
•
�M
i
jfo
>
rongés quand ils fe foumettent un inflant à l’ autorité légi
time , l’empreiTement avec lequel ils fe rallient au premier
fignal & pour le plus léger in té rê t, cette tendance perpétuelle
à form er un état dans l’Etat les a fait décheoir de tout emploi,
& même de l’ honneur d’ être admis à nos alliances.
Ils nous en ont donné l’exemple dans les pays où ils domi
nent , & nous n’avons fait qu’ ufer de reprefailles.
- Ils nous ont fourni une raifon déplus dans l’ opinion même
qu’ ils ont du mariage. A u lieu qu’il eft de fon eiïèn ce, dans
notre Eglife , que les deux Contra&ans commencent par fc
remettre dans les mains de l’Ètre Suprême pour s’ accepter
mutuellem ent de fa main , comme un préfent céle ile , & que
* Quodcwjùnxit le nœud de leur union foit l’ ouvrage de D ieu même * le
^
Vlat!** N ovateur audacieux qui les a égarés à fa fuite, l’ a dégradé, en
lui ôtant tout ce qui peut lui concilier la faveur du C iel & le
refpeét de ïa T e r r e , & l’a converti en un marché profane &
fordide , qui s’accomplit com m e les autres par le fimple con
cours des volontés.
A u ili ne s’ eft-on pas contenté pour eux des L o ix de FEglife , qui défendent le mariage avec les H érétiques, fans
l’ annuller : nos L o ix , plus féveres , le déclarent nul avec
e u x , fans qu’il foit befoin de recourir aux Tribunaux pour
en faire prononcer la nullité.
» V oulons ( dit l’ Edit de
» D écem bre 1 6 80 ) qu’à l’avenir nos Sujets de la R eligion
» C atholique, A poftolique & Rom aine ne puiiTent, fous
» quelque prétexte que ce foit , contraéïer mariage, avec
yj ceux de la R eligion prétendue réformée , déclarant tels
» mariages non valablement contractés , & les enfans qui en
» proviendront, illégitimes « .
L*i Déclaration du 18 Juin 1 6 8 ^ vouloit même que les
v
�2?>
II
mariages en contravention à. cette L o i fullènt expiés par la
démolition des Tem ples où ils auroient été célébrés.
L a profcription générale de leur fede,prononcée par l’ Edit
du mois d’ Oét. i G B 5 ,a corroboré la prohibition de s’allier avec
eux. Cette profcription fubiiite toujours ; elle eft: confirmée
par la volonté du Monarque rég n a n t, coniignée dans la D é
claration du 1 4 Mai 1 7 x 4.
» D e tous les grands deiïèins
» ( y eft-il dit ) formésy par notre augufte Bifaïeul dans le
jj cours de fon R e g n e , il n’y en a point que nous ayons plus
» il cœur de fuivre , que celui d’éteindre entièrement l’hé» réiie dans ce R oyaum e. . . .
I l répugné donc que notre
» fang puiife fervir à la perpétuer a .
Q uel que foit le mépris voué par nos L o ix aux P ro teftan s,
nos mœurs en ont pourtant préfervé ceux d’entr’ eux qui ont
le courage d ’être honnêtes , & qui , après avoir apporté dans
la négociation du mariage la bonne foi requife , ne font point
difficulté pour fon accompliiTement de fubir le joug de nos
ufages. O n ferme les yeux fur leur diveriité de croyance en
confidération de leur docilité , & l’ on renverfe pour eux la
barriere qui les féparoit d’avec nous.
Mais elle eit inébranlable pour tout autre , & fur-tout
pour ceux qui n’étant arrivés au mariage que par débauche ,
par intrigue & par fraude , n’auroient pour toute excufe que
le fcrupule injurieux de fe conform er au furplus de la Nation.
L a conjugalité de pareilles gens n’ eft tolérable qu’ entr’e u x ,
& jamais ils ne pourront atteindre jufqu’h nous , tant q u ’ils
perfevéreront dans leur contumace.
L a profeilion même de leur prétendue réform e étant un
obftacle invincible au mariage de la D em oifellc Cam p avec
B ij
'
A
�Ii
le dernier d’entre les Catholiques , fon mariage feroit. nul de
plein droit par l’incapacité de fa perfonne.
Vainem ent auroit-ellc eiTayé de fe rendre capable en lui
faifant changer de religion. N o s L oix obvient à de fi miférables expédients. L ’Edit du mois de Juin 1 6 8 0 , en proro
geant encore pour quelque te m s, & a r e g r e t, la tolérance
de la R eligion prétendue réform ée , défend k tous Sujets
de quelque qualité , condition } âge & fe x e que ce fo it , faifant
profejjion de la Religion Catholique, Apoflolique & Romaine ,
de jamais pajjer de l’ une à l’ autre pour quelque caufe 3 raifon ,
prétexte , ou confidération que ce puiffe être ; & aux Miniftres
cfc les recevoir ; enjoint môme aux Procureurs Généraux d ’y
tenir la main.
L es Edits de Mars 1 6 8 3 , & Février 1 G 8 >5 , renouvel
lent la même défenfe. L e délire d’ une abjuration prohibée ,
fur-tout d’ une abjuration fecrette & démentie au dehors par
toutes les marques de Catholicité , ne feroit donc pas ceilèr
la prohibition d’ époufer ? L ’incapacité primitive de la Dem oifelle Camp n’ en fubftitueroit pas moins ; & par conféquent
fon mariage n’eut été qu’ une vaine cérémonie qui 11’ auroit pû
lier le Vicom te de Bombelles , ni l ’empêcher de difpofer
ailleurs de lui-même au premier changement de volonté ; à
peu près comme une donation faite à une perfonne incapable ,
n’ empêche pas qu’on ne puiife enfuite difpofer au profit d’ une
perfonne capable.
2°. Sa minorité
fe r o it
encore un autre moyen de nullité.
I l n’en eft pas du mariage comme des auçrcs contrats , ou
comme des autres établiUèmens. On 11e inet dans tout autre
qu’ une portion plus ou moins foibîe d’intérêt ; on m et dans
celui-ci fa perfonne toute entière. C ’eft une chaîne indiiTo-
�x3
lubie qu’ on s’impofe pour paiîèr le refte de fes jours avec
une autre perfonne dont il faudra fupporter k l’ avenir tous
les défauts , tous les caprices , toutes les infirmités , toutes
les infortunes.
I l étoit de l’équité , fur-tout dans une affaire de cette im
portance où deux perfonnes vont confondre leurs deftinées ,
de ne pas abandonner la jeuneffe , ni à fa propre imprudence ,
ni aux fuggeftions étrangères : c’eft l’âge des grandes paillons
& des plus déplorables naufrages.
I l étoit bien plus jufte encore de ne pas expofer le repos
& l’honneur des familles a fa témérité.
L e mariage eft la
conilitution d’ une nouvelle famille aux dépens de deux au
tres , dont l’honneur & les intérêts deviennent déformais
communs par cette alliance. I l leur importe d’ être bien afforties , & de reftcr Juges des alliances qui leur convien
nent.
Calvin lui-même , qui femble avoir pris h tâche d’abolir
toute autre autorité, refpe&e du moins celle-ci ; & quoiqu’ il
Semble dans, tout le refte avoir travaillé bien plus au détri
ment , qu’ à la réform e des m œ urs, au moins ne veut-il pas
Nque fa fecïe foit l’écucil de la minorité , ni qu’on y donne
fiabilité aux mariages contractés entre jeunes gens fans la par
ticipation de leurs pareils.
I l impute à l’Eglife Catholique un
ufage & des L o ix contraires , qu’ il traite de Loix très-impics
envers D ieu , & très-injufies envers les hommes ( <2). L ’ impu
tation eft calomnieufe : mais du moins il en rélulte qu’à fon
avis c’eft une injuftice, & même une impiété de maintenir de
pareils mariages.
•
fJ o n f i i ; c ; i l.r g e s fa n x e r u n t partim in D eu m îM inifeftè im picis , partim in hrm ints
2ri,-jui[]imas , qu ales f u n c , ut co m u v ia int r a d o lefien tu lo s parentum in iu fu c o n t r a d i j
Jirma raïajue montant. Inftit. lib. 4 , cap. 19 , n. } 7.
�*4
N o s L o ix y ont p ourvu, & ont voulu que les enfans de
fam ille & les mineurs ne puilcnt contrarier ni mariage , ni
engagement h. ce fujet , fans le confentement des perfonnes
dont ils dépendent. » Si ceux qui voudront fe marier ( dit
îj l’art. 40 du fameux Edit de Blois ) font enfans de fa» mille , ou en la puiilance d’ au tru i, défendons très-étroitement de paifer outre à la célébration defdits mariages ,
s? s’il n’apparoîtdu confentement des peres , m eres, Tuteurs
jj
» ou Curateurs » .
Quand donc l’ un des deux prétendus mariages d’ entre la
D em oifelle Cam p & le V ico m te de B om belles, ou que tous
les deux enfemble feroient véritables , ils ne pourroient être
valables , s’ ils n’ ont été autorifés , ni de Tuteurs , ni de la
fam ille du V icom te.
O r , quoiqu’ aux deux différentes époques de ces prétendus
mariages il fût encore loin de fa m ajorité, qu’ il n’ eût que
vingt ans à la premiere & vingt-un a la fécondé, on ne voit, de
fon cô té , ni dans l'un ni dans l’autre mariage, aucune ombre
ni de T u te u r , ni de famille. L a nullité en feroit donc inévi
table fous cet afpeét.
C e jeune homme n’ eft point de pire condition que tant
d’ autres dont le mariage a été caifé , même après la naiifance
de pluiieurs enfans, & il ne perdroit pas fon honneur pour
avoir ufé d’une reiTource que les L o ix de l’honneur même
accordent h fon âge.
Son mariage feroit encore nul fous tout autre afpeél:.
2°. Défaut de formes.
I l y a deux fortes de folemnités établies pour le mariage ;
les cérémonies religieufes, & les formalités civiles.
�11
Les unes ont pour objet d’ élevcr le mariage au plus haut
degré d’ honneur par tout ce que la R eligion a de plus augufte ; les autres , de mettre tous ceux qui peuvent y avoir
intérêt en état de s’ oppofer à ce qu’il ne fe faiîè rien k leur
préjudice.
Dans tous les fiécles & dans toutes les parties du Monde
civilifé, la R eligion de l’Etat a toujours préiidé aux mariages
des particuliers. L a nô^re , qui ne s’interpofe dans aucun
autre c o n tra t, s’eft réfervé celui-ci : E lle a voulu que la
tradition des deux époux , & le ferment de ne fe plus quitter,
fe fiilent dans fes Tem ples aux pieds de fes A utels , & que
leur union y fût fcelléepar la bénédiction facerdotale ( a ) C e font là les mœurs antiques de la Monarchie Françoife ,
conftatées pour la premiere race par les Capitulaires de la
fécondé ( b ) , & confacrées à. perpétuité dans la troiiiém e par
nos L o ix récentes , notamment par la Déclaration du i <5
Juin 1 6 9 7 , qui veut qu’on ne puiiTe fuppUer par aucun acle
à la bénédiction des Prêtres que /’ Eglife a ( dit-elle )Jî rcligieufement ohfcrvée depuis les premiers (iécles de Jon établijfement.
N os Prêtres font donc les Miniftres eifentiels de nos ma
riages.
( a ■î Aliter lagitimum non ejl csniugium , nifi [acerdotaliter, ut mot «■_/?, bÒiecintar.
vand. cp. 1 . ad Ep. Afr. a ° . p 6 . » . . Matrimonium Ecclefia conciliât, confirmât
-, (’¡¡flirtai bineàiSHô. T e m ili. ai uxor. lib. i . . . & 4. C.onc. Carth. c. 1 3.
. '■. )
7 , c. tOi,. On appelloit Capitulaires les Réplemens qui étoient
oix d Etat &. de l’Eçlife. Celui-ci eft conçu dons les munes termes que la reponfe du
“ape F.vari fie, .
f 1]"a.P cc'a,at' on
Benoît X I V . du 4 Novembre 1741 , qu’on cite pour la Dem oiC.
p
^
contraire. Mais fi elle croit le Pape infaillible, Evarifte l’ctoit
••vjnt Benoit X ( V . au moins connoiiToit-il mieux l'efprit du Fond teur de laKelirion,
ont il a ere contemporain , & fa reponfe étant confirmée par les Conciles & par les
tori'A111165 r ,X ' e^e
Prevaloîr à celle d’un M oderne, qui n’a pû de fa ièule aucotiférèr*1
^¡î^"er
Eideles de la benédiâion nuptia'e qui eft de Droit divin, ni
l’O
r ^0 ' r lrnP:,ft'‘tion iês pouvoirs aux Miniftres protfftsns qui n’ont pa» reçu
runauon canonique , ni ratifier des inipartitions illicites dans leur principe.
�iG
L a préfence
du propre C u ré c il fpécialement recom
mandée par les Conciles & par l’ Edit de Mars 1 6 9 7 , comme
une des J oit limites ejjhitielles ( y e ft-ild it) , & des plus propres
à empêcher les conjonclions malhcureufes qui troublent le repos,
& jlétnjj'ent F honneur des familles , & qui fouvent fo n t encore: plus honteufes par la corruption des mœurs , que par Vinégalité
de la naijfance. « Défendons ( ajoute-t-il ) à. tous Cürés &
» Prêtres de conjoindre en mariage autres perfonnes que
93 leurs vrais & ordinaires Paroiffiens . . . . fi ce n’eft qu’ ils
» en ayent une permiilion fpéciale & par écrit du C u ré des
33 Parties qui con tra& en t, ou de l’Evêque D iocéfain 93 .
L a nécefiité des publications préparatoires eft également
établie & par le vœu général du monde Chrétien que nous
ontf-tranfmis les Conciles , & par les Ordonnances de nos
R o is , notamment par FEdit de Blois , qui fert de fondement
à la Jurifprudence de tout le R oyaum e : L o i d’ autant plus
chereà la N a tio n , qu’elle n’eftpas une de celles qui lui ayent
été impofées par la feule volonté des R ois , mais une L o i
qu’elle a requife elle-même dans la plus nombreufe A ilem blée
de fes Etats généraux , pour fe mettre h. FuniiTon de toute la
T erre qui venoit de s’expliquer par l’organe des Peres du C o n
cile de Trente.
jj P our obvier ( di t Fart. 40 ) aux. abus & inconvéniens
33 qui aviennent des mariages clandeitins , avons ordonné
» que nos Sujets de quelque é t a t , qualité & condition qu’ils
j> loient , ne pourront valablement contracter mariages fans
33 proclamations précédentes de bans , faites par trois jours
9j de fêtes , avec intervale com pétant, dont on ne pourra
93 obtenir difpcnfc , fin on après la première proclamation
yy faite ; après lefqucls bans, feront époufés publiquement « .
La
�17
L a Déclaration du 1 6 N ovem bre 1 6 3 9 , do::née princi
palement en interprétation de cet article , veut » que la proy> clamation des bans foit faite par le C uré de chacune des
)> Parties « .
I l faut avouer néanmoins que le défaut de publications ne
fuffit pas entre majeurs pour opérer la nullité du mariage.
Mais il fuffit entre mineurs ; & toutes fois ( dit Lacom be )
que ces Caufes f<^font préfentées , les Gens du R o i , chargés
de l’ordre public oc de l’efcécution des Ordonnances , fe font
élevés avec force , & ont fait valoir ce m oyen comme vi& o rieux ( a ).
C es L o ix font générales , & n’exceptent perfonne.
A la vérité il ne faut pas aiTujettir , com m e on faifoitautrefois en certains pays ( b ) , ni même admettre aux publications
fie à la bénédiftion nuptiale ufitées entre nous les profanes
qui ne font pas initiés h nos m yfteres , tels que les Juifs &
les Payens. L eu r race avilie ne mérite pas qu’on s’embarraiîe
des folemnités avec lefquelles ils la perpétuent. Mais par-tout
où l’on veut bien admettre les Proteftans à nos cérémonies ,
foit qu’ils contra&ent avec nous , foit qü’ils contra&ent entr’eux , il f a u t , s’ils veulent participera nos avantages , qu’ils
rempliiTent les mêmes conditions : ils n’ont par-devers eux
aucune autorité qui puiile les en difpenfer.
O r il ne paroît pas que ce foit l’ intention , ni de l’ Eglife ,
ni de nos L o ix , qu’on les réduife par des refus de mariage à
un célibat licen tieu x, ou à des conjon&ions illicites. Q uel
qu’ ait été le zele du Légiflateur en aboliifant leur fe£te , il
(a) D iftio n n . de Jurifp. C a n o n , au mot Bans, ic ft. i .
#
Kb ) V . Lfg. Vifigoth. lib. x i , c. 6. En 6^0 les Juifs étoient obligés à faire bénir
leurs mariages dans nos E g life s, à peine du mort.
�18
n’a pu croire que fa parole eût l’effet de changer les cœurs.
Mais convertis ou n o n , en leur ôtant leurs Chefs & leurs A ffemblées , il les a remis dans leur état p rim itif, réunis au
furplus de la Nation , fournis aux mêmes Pafteurs ; & a
voulu , entr’autres chofes , les accoutumer infeniiblement à.
la réunion par l’ uniformité des mariages , qui eft de tous les
liens politiques le plus doux & le plus fort. » Enjoignons
v ( eft - il dit par la Déclaration du i 3 D écem bre 1 G 9 8 )
« aux Sujets réunis d’ obferver dans leurs mariages les folem » ni tés prefcrites par les Canons & par les Ordonnances a .
O n les admet en conféquence dans la plupart des D iocèfes,
& notamment dans celui de Montauban , à la bénédiction
nuptiale , lorfqu’ils s’y préfentent avec le refpeâ: convenable.
I l y en a plus de 40 0 exemples dans la feule V ille de M ontau
ban , patrie-du V ico m te de Bom belles, & de la D em oifelle
Camp.
D ’ailleurs le contrat de mariage de la D em oifelle Cam p
contient à ce fujet une claufe formelle. Elle en a impofé au
Public, quand elle a ci-devant oie dire que, malgré des exem
ples nombreux & l’ufage reçu parmi eux d’ emprunter nos
formes , la droiture de fon pere l’ avoit empêché de fe ré* V o y . M ém o’ re
à confulter, page
y-
foudre à cette fauife apparence de Catholicité *.
Elle en impofe encore à p réfen t, quand elle fc vante d’ a
voir mieux aimé paroître aveuglée par une erreur héréditaire,
* V o y . Plaid,
pag. 14.
que de fq biffer un inftant foupçonner d’ impofturc *.
V o ic i ce que porte le contrat non-feulement figné d’elle ,,
de fon pere & de fes proch es, mais difté par eux au N otaire
étranger qu’ils avoient fait venir fccretem cnt : Les Pairies ( y
eft-il dit ) fou s réciproque Jlipulatlon & ' acceptation font con
venues qu’ entre ledit Mejfire de Bombelles & ladite D anoifdU.
�Camp , il fera fa it & accompli mariage , qui fera edebre fuivant
les Loix & formalités du Royaume.
N ’ eût-il été parlé que de célébration , l’on ne pourroit
1 entendre des Proteftans , qui n’en ont point. I l n’y a rien
de ii contraire à la célébration qu’une bénédiétion au défert.
L e defert eft un lieu à l’écart , non fréquenté du P ublic , &
même dérobé à fes regards. L a célébration fuppofe au con
traire un lieu ouvert K topt le monde & fréquenté par la m ul
titude ; elle annonce de plus un a£te public ôc des Témoins
légitimes.
Mais la claufe ne s’arrête pas la ; elle ne laiile aucune am
biguité. Q jii fera célébré (dit-elie ) fuivant les Loix & forma
lités du Royaume ; c’eft-a-dire , fuivant le rit catholique ,
après publications , & clans l’ Eglife paroiiliale de l’un ou de
1 autre des Contraéhms.
O r il eft prouvé parles certificats des Pafteurs compétansr,
& avoué par la Dem oifelie Cam p , qu’il n’y a eu ni publica
tion de bans , foità Saint-Orem s de V ille-B ourbon , Paroiile
fur laquelle demeuroit fa famille , foit h. Saint-Jacques de
Montauban , ParoiiTe du V ico m te de Bombelles , ni célé
bration de mariage dans aucune des deux ParoiiTes , ni permiflion de leurs Curés ou de leur Evêque d’aller fe marier
ailleurs. Quand donc elle perfiileroit 'a fe décorer, comme
ci-devant , du mariage qu’elle plaçoit dans la ParoiiTe de S.
Simeon de Bordeaux, ce mariage étranger ne-pourroit lui
Servir de rien.
Quand elle y fubftitueroit un mariage au défert , ce ne
icroit qu’ une nullité de plus. Il n’ y a .d e Miniftres capables
c^c rccevoir le co:ifentement des Parties & de leur impartir
la bénédiction nuptiale , que ceux qui tiennent leurs pouvoirs
C ij
�20
de la PuiiTance fpirituelle & de la Puiiîance temporelle. L es
Miniftres Proteftans n’ont ni m iilion, ni cara&ere ; leur miniftere eft même réprouvé , & fujet à la peine de m ort par
les L o ix de l’Etat. I l y auroit donc de l’ abfurdité a vouloir
faire protéger leurs impartitions facrileges par un Tribunal où
l’on ne monte qu’ après avoir juré de les punir.
On fçait quelle eft la Jurifprudence des Parlemens qui
ont des Proteftans dans leur reiTort, & notamment celle du
Parlem ent de Touloufe , dans le reilort duquel eft la V ille
de Montauban , & auquel il auroit appartenu de prononcer
fur le mariage de la D em oifelle Cam p , s’il avoit exifté. Il
n’a jamais accordé le nom , le rang , les honneurs & les pré
rogatives du mariage h ces aiTortimens bizarres bénis au défert
par des P iofcrits que nos L o ix ne nous préfentent qu’ avec
l ’image funefte d’ une corde au col ; & fon A rrêt du 2 4 Mai
1 7 6 4 , contre lequel toute la Se&e s’ étoit pourvue au Conf e il, eft demeuré dans, fa force , malgré le crédit dont elle
jouiiToit alors ( a ) .
Si la difparité de culte , fi la minorité , fi le défaut de
publications . il l’aficétaition d’éviter Tuteurs , Parens & Pafteurs légitim es, font tels , que chacun de ces vices fuffit pour
opérer la nullité d’un mariage : de quoi pourroit fervir à la
D em oifelle Cam p un mariage qui les raÎTembleroit tous ?
Non-feulement fa réalité lui feroit inutile , mais il lui
importe , <Sc.à toute fa-famille
dule pour y ajouter foi.
qu’on ne foit pas aflez cré
L e Miniftere public & la C o u r ne
pourroient pas en fouffrir le fcandalc ,. ni fe difpenfer de
févir contre les auteurs.
( 1 ) Le l'aileuie.it d<; ,>ronob'c ne pfrin< t pas meme la Lo-hauitstion ,
traite
com m ? Concnl)MVi;rcs ¡Ci otftin is qui fc marient de la forte. Y o y . Arréti des i A vril
1746 , & 7 Juin 174 ?. Cod. matrim.-
�y
§.
IL
y
D
é
l
i t
.
L es L o ix ont pris foin ( dit la D éclaration du 22 N o
vem bre 1 7 3 0 ) de caraéèérifer le genre de crime qu’elles
ont appelle rapt de féduclion. C ’eft ( ajoute-t-elle ) par la cor
ruption des mœurs f l’inégalité des conditions & le défaut
d’ autorifation qu’il fe caraétérife. Mais la marque la plus demonftrative , c’eft lorfqu’entre deux familles il y a ignorance
d’un côté , & obfeifion de l’ autre,
O n connoît la févérité de nos L o ix contre ceux qui font
contra&er des mariages aux mineurs , h. l’ infçu de leurs fa
milles. 35 V ou lons (d it l’Ordonnance de Blois', art. 4.2) que
ceux qui fe trouveront avoir fuborné fils ou filles mineurs
» de 2 ^ ans , fous prétexte de mariage , fans le gré , fçu ,
» vouloir &. confentement exprès des peres & meres , ou
jj
» desTuteurs , foier.t punis de m ort, fans efpérance de grâce
» & de pardon. ; . ; & pareillement feront punis extraordi>5 nairement tous ceux qui auront participé au rapt en aucune
53 maniéré que ce foit « .
L a Déclaration du 26 N ovem bre 1 6 3 9 s’éleve fpécialement contre l’efpece de féduétion , qui trouble le repos , &
flétrit l’honneur des familles par des alliances inégales. i> Elle
îî
enjoint très expreiTément aux Procureurs Généraux 6c h.
35 leurs Subftitùts de faire toutes les pourfuites néceflaires
» contre les ravifleurs & leurs complices , nonobftant qu’il
)j 11 y eût plainte de Partie civile ; & aux Juges, de punir les
x> coupables de peine de mort , fans que cette peine puiiTe
, 53 être modérée. E t afin que chacun rt^connoiin^ajoute-t’ellc)
�22
» combien nous déteftons toutes fortes de Rapts , défendons
» très-exprefTément aux Princes de nous faire inftance pour
v accorder des Lettres , & aux Juges , d’ y avoir égard. «
» E t comme lafubornation (e ft-il dit encore dans la D é » claration de 1 7 3 o ) peut venir également de l’ un ou de
» l’autre côté , & que celle qui vient de la part du fexe le
» plus foible eft fouvent la plus dangereufb , les L o ix n’ont
» mis aucune diflindion à cet égard ent;re les fils & les filles,
jj & elles les ont également aiTujettis à la peine de m o r t ,
i) félon que les uns ou les autres feroient convaincus d’être
» les auteurs de la fubornation c< .
L e contrat de mariage qu’on a fait foufcrire au V ico m te
de Bom bdles le 2 9 Janvier 1 7 6 6 , n’ annonce que trop la
fédu&ion la plus criminelle , & le côté d’où elle procède.
L ’âge & la qualité des Parties , le lieu , le tems où il s’ eft
paiïe , la qualité du N otaire qui l’a reçu , & celles des perfonnes qui s’y font trouvées , tout eft démonftratif.
Quoique la Déclaration de 1 6 3 9 exige que les articles
de mariage entre mineurs foient arrêtés en'préfence de quatre
proches de l’une <Sc de l’autre Partie , on voit ici d’un côté ,
jufques dans le fein de fa famille & de fa patrie , un mineur
qui n’avoit pas encore alors 21 ans , tiré de defTous l’aîle de
fon T u teu r, fouftrait à une tante qui lui tenoit lieu de mere ,
h fes fœurs , à tous fes autres parer s , à tous fes amis , em
barqué toutfcul au milieu d’ une troupe de gens que fes parens
n’ ont jamais vu ; & de l’autre , une fille de 24 ans , affiftée
de fon pere , de fon oncle *, & de pluficurs amis de fa famille.
On y voit tous les Notaires de la V ille mis h l’é c a r t, & h
leur place un N otaire de campagne , venu exprès d’ une Jurifdi&ion étrangère ponr tromper mieux la vigilance du T u
teur & de la D am e Hennet.
�23
C 'e ft dans unFauxbourg , & chez l’ oncle de la Dem oifello
Camp que fe tient l’ ailemblée , & c’eft dans la débauche noc ■
turne d’un fouper que le N otaire de M ontclar en Q uercy ,
déguifé en {impie convive , fait figner aveuglément a ce jeune
homme , deilitué de con feil, la promeffe de faire entrer dans
fa famille une perfonne dont la naiifance & la fortune ne
pouvoient lui convenir , & qui , par le foin même de fe ca
cher , avoue tacitement q u elle auroit été rcfufée.
Fut-il jam.iis rien de fi. contraire aux bonnes mœurs ? efl>
ce ainii que l’ on négocie les mariages ? Q ue tout le monde
s’ interroge. E ft-il un fcul homme , foit parmi les gens de
qualité j foit dans la plus mince Bourgeoifie , qui trouvât bon
que l’on prît fes enfans dans de femblables pièges ? E ft il une
duppe qui n’eût bonne grâce h. s’en plaindre & h s’en retirer ?•
Si donc il étoit vrai que ce contrat de mariage eût été fuivî
de bénédiction nuptiale , fi l’on pouvoit ajouter foi aux
propos inconfidérés de la Dem oifello C a m p , qui vient s’ aceufer elle & ies parens d’avoir enlevé de nos ParoiiTes dans
leur defert un mineur né de parens Catholiques , pour le lie r,
à l’infçu d e T u .e u r , de parens & d’ amis , pnjr un mariage
facnlege &c clandeilin , ils n’en feroient pas quittes pour la
nullité de cette abfurde cérémonie ; il faudroit leur faire
expier l’attentat commis fur les droits de l’E g life , fur la li
berté de ce jeune homme & fur l’honneur d’une fam ille d is
tinguée , qui n’ avoit pas mérité que perfonne lui fît la m or
tification de vouloir s’y gliflèr furtivement.
Elle ne feroit point reçue à dire contre un jeune homme
aveuglé par l’am our,qu’ils ont compté fur fon honnêteté,dans
une affaire où ils bleifoient eux-mêmes de fang-froid les pre
miers principes de 1 honnêteté..
�24
I l ne ferviroit de rien d’excufer l’obmiiïïon des bienféances
& des formalités par l’apoftaile & 1’aviliifement qu’elle a
ci-devant fuppofé dans la perfonne du V ico m te de Bombelles.
C ette circonftance ne feroit qu’aggraver la féduction fouifertc
par ce jeune homme. C e feroit un rapt fait tout à la fois à fa
famille & à fa religion , & cette double féductionne rendroit
que plus irrémiifible la peine encourue par feS Sédudeurs.
Les Edits qui défendent de recevoir aucun Catholique à
la profeilion de la prétendue réforme , font tous antérieurs
à la profcription générale de la Sede. L e Calvinifm e avoic
encore alors la coniiftence que lui avoit donnée l’Edft de
Nantes. Cependant la réception d’ un Transfuge étoit dès-lors
un crime (i grave , qu’il emportoit interdidion pour jamais
de l’ exercice de cette religion & démolition de fes prêches
dans le lieu du délit, &
contre fes Miniftre amende hono
rable , banniiTement perpétuel hors du R oyau m e , & confïfcation de tous leurs biens ; ce qui a été depuis converti en
peine de m ort par la D éclaration du i 4 Mai 1 7 2 4 .
Ordonnons ( dit l ’art. 2 ) que tous les Prédicans qui
» auront fait fo n d io n s , foient punis de mort. Défendons à
» tous nos Sujets d’avoir diredem ent ou indiredem ent aucun com m erce avec eux
à peine contre les hommes de
v galcres à perpétuité ; & contre les femmes , d’ être rafées,
v & enfermées pour le refte de leurs jo u rs, & de confifcan tion des biens de? uns & des autres « . Si la plus fimple
fondion , fi le plus fimple commerce entr’ eux font punis de
la forte , comment p un iroiton des fondions & des intrigues
tendantes à féduire un Catholique ?
Loin que le mariage foit ouvert à la propagation du C a l
vinifme , la rigueur de cette L o i ne feroit au contraire que
pl u
�2<
plu3 inflexible contre quiconque , pour fignaler fes con
quêtes , choiiirôit le plus important de tous les contrats.
Cum uler encore Hi-deiTus le rapt d’ un m ineur, abufer
d’ un moment d’ yvreiTe & d’enchantement pour le précipiter,
à Finfçu d’une famille refpeétable , dans l’ignominie d’ un ma
riage impie & mal aiTorti, ne feroit-ce pas la plus abomina
ble de toutes les fédu&ions ?
*
Non-feulem ent il n’y ^uroit pour lui aucune obligation de
réhabiliter , mais toute ratification poftérieure de fon pré
tendu mariage pur lui-même , ou par les parens, feroit inutile :
la fédu£tion ne fe couvre pas. L a peine de m ort efl: prononcée par PEdit de Blôis , nonobjlant tout confcntenient que
les mineurs pourraient alléguer par après avoir donné au rapt}
lors d ’icelui, ou auparavant. L a Déclaration de 1 6 3 9 veut
que cette peine demeure encourue , nonobjlant le confenternent qui pourroit intervenir puis après de la part des peres ,
meres , Tuteurs & Curateurs *.
* Voy. dans'
L a D em oifelle Cam p ne gagneroit donc rien au mariage
&
dont elle fait tant de bruit : ce feroit au contraire s’expofer dîins ^emfart au
'
m
mot tia.pt , celui
elle-même & toute fa famille à la rigueur de nos L o ix , que du m Juili.1717.
d’infifter plus long-tems dans cette allégation.
•
O n prendroit même pour infulte à. Juftice l’ acharnement
avec lequel cette famille fe préfenteroit pour demander la
récompenfe de fon crime & la reilitution de fa proye.
Mais ils ne font point fi coupables que la D em oifelle Cam p
ou fes Confeils voudroient le faire croire. O n va démontrer
que la fédu&ion n’a point été confom m ée, & que fon mariage
n’eil qu’ une miférable impofture. Si l’ on a le défagrément
qu il faille confondre fes menfonges , au moins aura-t-on la
farisfaition de iàuver fa perfonne,
D
�160
ié
S E C O N D E
P A R T I E .
Faujfcté du mariage & gravité de Vimpojiurc.
. On nes’ efl: tant étendu fur la nullité & fu ries autres vices
du prétendu m ariage, que pour faire fentir qu’ en le fuppofant réel , il n’y auroit du côté du V icom te de Bombelles
aucun intérêt de le nier , & que de l’autre la D em oifelle
Cam p & fes Complices ne feroient pas il hardis que de le
foutenir. Ils ne
le
foutiennent, que parce qu’ une fille irritée
contre fon A m ant rifque moins à le calomnier publiquem ent
en majorité , qu’ à l’époufer clandestinement en minorité.
D ans le doute , entre la défertion d’ un mariage réel & la:
fimulation d’ un mariage qui n’exiite pas , il feroit encore
plus tolérable d’en laiiTer rompre la chaîne à ceux qui ne
la peuvent porter , que de la faire porter h. ceux qui ne fe
la font point impofée. Mais il ne peut plus y avoir de doute en
cette matiere.
,
^
L es L o ix euiTent été fort imparfaites , fi elles n’a v o ie n t.
réglé que les conditions & les formes du mariage. Il fa llo ir,
auffi en déterminer les preuves. L e bon fens ne permet pas
d’abandonner h la licence des conjeétures , ni à la foi d’ au
trui , même de Citoyens connus & d’ une réputation entiere ,
beaucoup moins h la foi de gens inconnus ou proferits , lef o r t , l’état & l’honneur de qui que ce T o it, ni par con féquent le mariage d’ou dépend 1 état & 1 honneur de plufieurs
perfonnes.
* Chapitre
4*
Juftinien nous apprend par fa novelle 7 4 , * que faute
de cette attention l’Empire fe trouva de ion^tems plein de
troubles occafionncs par des fuppofitions de mariages. I l n’ y
�17
a ( dit-il ) point de nom flateur que la folie de l’ amour ne
faiîb prodiguer à. l’ objet aimé. A v e c des Tém oins on en iaifoit
' une affaire férieufe.
Sa novelle a pour objet de remedier à cet abus. Elle in
troduit en conféquence pour les perfonnes de qualité , &
pour les Citoyens du fécond ordre , deux genres de preuves
littérales, & déclare qu’on ne regardera plus à l’avenir comme
mariage toute union qui ne fera munie de l’ une ou de l’ autre
de ces preuves.
N ous avons imité Juilinien. N ous avons même encore
plus rétréci la fphere de la preuve teftimoniale. N o s O rdon
nances la rejettent en toutes conventions de quelque im
portance , & veulent au-delà de 10 0 livres des a£tes fous
leing p riv é , ou des atteilations d’ Officiers publics qu’ elles
aient prépofés à. cet effet.
Elles portent bien plus loin la précaution pour les a&es
d ’ une auffi grande importance que le font les mariages.
» Pour pouvoir ( dit l’Edit de Blois,article 40 ) témoigner la
îj
form e qui aura été obfervée ès mariages , y ailiiieront
» quatre perfonnes dignes de foi pour le moins , d o n t1fera
» fait regiflre.
L ’ Ordonnance de 1 6 6 7 , titre z o , s’ explique avec encore
plus de précifion : » Les preuves du mariage ( dit l’ art. 7 }
» feront reçues par des regiitres en bonne forme.
» Les ades de mariage ( ajoute l’ article 1 0 ) feront écrits
» & fignés par les perfonnes m ariées, & par quatre de ceux
"»> qui y auront affilié . . • C ’ eft ainfi que fe prouve l’ étac
des perfonnes.
U faut néanmoins diilingucr entre l’ état des peres &
h
D ij
�28
meres vivans , & l’état de leurs enfans, après leur décès..
Chacun n’ eft tenu de fçavoir que ce qui eft de fon fait. U n
enfant peut ignorer en quel lieu fon pere & fa mere ont été
mariés. A lors c’eft la poifeifion d’ état qui décide ; furtout
s’ils ont été mariés dans un Pays où il n ’y ait point de re
giftres. L ’article 1 4 permet en ce cas-là de prouver d’ abord
le défaut de regiftres : » Si les regiftres font perdus ou
» qu’il n’y en ait jamais e û , la preuve en fera reçue , tant par
» titre que par Témoins.
C ette preuve faite : » Les mariages & Baptêmes pourront
» ( ajoute-t-il ) être juftifiés tant par les regiftres ou papiers
* V o r le roccs
verbal de l ’ O rd.
1667*
domeftiques des pcres & meres décédés , que par Témoins
» fau f h. la Partie de vérifier le contraire. *
W
L ’ A rrê t du Parlem ent de T o u lo u fed u 9 Juillet 1 7 7 0 ,
ne regarde non plus que les enfans de pcres & meres décé
dés , qui ont vécu comme légitimes époux , & qui ont été
reconnus pour tels , Joit dans leurs fam illes. , f o it dans le
public.
■ Mais quand il s’ agit,com m e ici,de perfonnes vivantes dont
l’une prétend avoir époufé l’ autre , nos L o ix n e connoiilent &
n’admetent que des a&es de mariage fignés des deux Parties
& datés du lieu , & du jour où s’ eft faite la célébration : tout
autre a&e eft inutile.
O n n’eft pas marié pour avoir figné un contrat de ma-
fJ ïu ïfÎ z tr b Z riaSc - * }C elui qu’on a faic f°ufcrire au V icom te de Bom niumx ft’,d ed o n a t. b elles, n’eft point une de ces déclarations par lcfquelles les
' iU
deux Contra&ans fe prennent dès-à-préfent pour mari &
femme ; ce n’eft qu’une promeife de mariage qui fera fa it
& accompli à la premiers requifition de Vune des Parties. P û telle ferieufe , elle ne prouve rien. Tous fcs jours il arrive
�t& h
qu’on change de volonté , & qu’ on fe quitte au m om ent de
conclure.
U n teftam ent, des-lettres ou d’ autres a£tes prouvent en
core. moins. O n ne s’époufe point par teftament. C elui du
V ico m te de Bombelles ne contient qu’ une qualification de
chere époufe. O r , il ne s’ agit pas de fçavoir s’il l’a traitée d’é—
poufe , mais ii elle l’a'été.
Ses lettres dont on ^ recueilli ii précieufem ent toutes
les expreflions , ne laiflent appercevoir qu’un déiir ardent
de l’époufer , & une anticipation des qualités d’ é p o u x , en
attendant l’opportunité de le devenir. Mais on n’y trouve
pas* un feul mot qui annonce raccom pliflem ent du mariage
projetté.
L a plus apparente de toutes , celle du 2 1 Mai 1 7 6 7 , où
ü fait mention de Mademoifelle de L . dont il invoquoit la
médiation , eft relative au contrat de mariage. C e contrat
paffé avec.tant d’indécence , a l ’infçu de toute la fam ille, &
emporté par un N otaire étranger , étoit un m yftere pénible
hi reveler. Je la prie bien inflament ( dit-il ) d'adoucir Madame
Hennet, & de lui dire la chofe tout au long,. E t .comme la
m odicité de la dot pouvoit nuire h. la négociation , je fuis
bienaife de te prévenir ( ajoute-t-il ) de ne pas dire que ton pere
ne t’ a donné que 8000 livres .
. . . il faudra grojfir de
beaucoup l ’ objet, & faire parade.de groffes efperances de tes
parens.
Celles des 3 0 - Avri l & 2 7 Septembre de la même an née , annoncent combien elle fe déiioit de la legereté de fon.
Am ant dont elle avoit déjà fait l’ expérience. T u as tort ( lui
écrit-il ) de me recommander que l’ abfence ne produife pas le
même ejjet que l ’ année demiere . .. : connais mieux mes f e 1*
�L\
3°
timens pour to i, & rends juftice à leurfiabilité. Ils fo n t à F abri
des révolutions du tcms. Crois que difficilement on fe détacheroit d ’ un objet comme toi.
N o n feulement on ne trouve dans tout ce qu’ elle a publié
aucun veftige de bénédi&ion nuptiale ; mais, en y voit clai
rement qu’il rapporte l’ origine & la coniiitance de fes liens
uniquement à leur contrat de mariage j & à l’ enfant qu’ ils
ont eû après leur réconciliation : f i vous rdavic^ ( dit-il par fa
lettre du 3 Mars 1 7 6 9 ) que ma Jimple parole pour Vinviola
bilité de mon ferm en t, ce contrat feroit auffi facré que celui qui
cfl une preuve incontefiable des droits que vous aure^furm oi,
& c. . . . Ces liens ( ajoute-t-il par celle du 2 ^ Mars 1 7 7 0 )
n’ ont befoin d ’ autre, garant que le fr u it précieux que tu as porté
dans ton fein.
L ’objet même de ces lettres , qui eft de la tranquilifer ,
annonce qu’ils étoient encore en
1769
&
7 0 dans les
ternies d’une ilmple expe& ative, dont elle craignoit l’ évanouiffement par 1*événement de la condition qu’ il y a perpétuelle
ment appofée de ne paiTer outre à la célébration qu’après avoir
obtenu l’ agrément de fa famille,
C ’eft apparemment pour donner plus d’importance à de
pareils a&es , qu’elle l’ accufoit ci-d evan t, d ’avoir défavoui
pour la deshonorer , des acles fg n és de fa main. C e font d’ un
feul coup deux calomnies. I l n’ a ni cherché à la déshonorer,
ni défavoué aucun des aéles ci-deiïjs. Loin de les defavouer ,
il en fera tout à l'heure ufage pour là convaincre d’impofture.
T o u t ce qu’il prétend quant h p réfen t, c’efl: qu’ ils peuvent
bien prouver une fimulation de m ariage, mais ne prouveront
jamais un mariage réel.
JEn un m o t , dans tout Payjs où l’on tient reg'ftre ces ma-.
�31
riages, & où les regiftres n’ont péri par aucun accid en t,
quiconque fe dit marié ne peut le prouver que par un extrait
de ces regiftres.
L a D em oifelle Cam p l’ a bien compris. A u d i a - 1 - elle
cherché à fe procurer cette efpece de titre. E lle a même
dans fon porte-feuille deux extraits de mariages au lieu d’ un.
L e premier dont elle a fait dépofer l’ original par le
•nommé C infraix chez R^uzan , N otaire à Bordeaux , le i 3
Mars 1 7 7 1 , eft intitulé , extrait des regijîres de l ’Eglifc Paroijjialc de Saint Simeon de Bordeaux. I l porte qu’ après trois
publications & fiançailles, entr’ elle & le V ico m te de Bom bclles , la bénédi&ion nuptiale leur a été impartie le 8 Fé
vrier i j 6 6 , en cette Eglife par le fieur Linars , C u ré de la
Paroiilè , en préfence de quatre Tém oins , appellés de Le^ement, A dingaJD orid el & Gabrouil, qui font dits avoir figné
avec les deux époux & le Curé.
I
e fécond dont elle a fait dépofer l’ original par un foi-
difant M iniftreProteftant, chez D up ré, N otaire àMontauban,.
le 1 G A o û t 1 7 7 1 , eft intitulé , extrait des regiftres des ma
riages S’ baptêmes des Eglifes Protejlantes dcMontauban de Vannte 1 7 S6. Il porte que leur mariage a été béni le x 1 M ars
de la même a nnée , par Jacques S o l - E l i o s , M iniftre du
Saint Evangile * ; il eft die figné par trois perfonnes :
» n eft ,<cn-r
fçavoir Louis Lecun, Jacques Brun & Jean-Pierre M o lle s , *Îa,"s 1aôe
,
3
1
'
3 E lu o s , mais on.
qualines de T ém o in s , fans fignature , ni de M in iftr e , ni de a fait demander
p q rr- _
0
1 arC 1CS-
comment il fep ro nonçoit ;
C eft le premier de ces deux ailes qu’elle a fait parvenir Sol'^ilos'
1 année derniere au parent de la D am e de Bombelles , C o n dufteur de l’ intrigue ; & c’eft avec cet a<5le qu’ a été livré
le premier aiTaut h l’é t a t , h l’honneur fie à la .liberté du*
c ’eft
�32
V ico m te, fous Je nom des perfonnes les plus refpe&ables qu’ on
avoit eû la hardieiïe de réduire & d’ interpofer.
C ’eft avec le fécond qu’ elle a paru depuis, elle-m êm e, fur
la fcên e, annonçant à toute l’E u ro p e, que puifquele V icom te
de Bombelles avoit l’impudence de nier qu’ il l’eût époufée à
S . Sirncon de Bordeaux, elle alloit le confondre en lui prou
vant qu’il Fa époufée au déjert.
Je pourrois dès-à-préfent prendre avantage de cette du
plicité même de mariages , pour écarter le dernier malgré
la préférence qu’elle paroît lui donner. C ar enfin fi elle étoit
mariée en l’Eglife Catholique , pourquoi fe marier encore
dans le rit Proteftant ? Si elle ne l’étoit pas , pourquoi jetter
ou entretenir le Public dans cette erreur pendant quatre an
nées entieres , fans excepter les perfonnes les plus auguftes ?
E t fi elle a pû fuppofer le premier de ces deux m ariages, pour
quoi n’ auroit-elle pas auiïi fuppofé le fécond ?
Mais i °. ces deux a&es font faux & fabriqués , avec cette
différence que la fauflèté du fécond eft bien plus marquée :
2°. l’inéxiftence d’ un mariage quelconque eft démontrée
par les précautions mêmes qu’elle a prifes pour paroître ma
riée , & par la poiTeiïion refpeétive dans laquelle font reftées
les Parties.
§. I.
F a u s s ÉTÉ DES B E U X a c t e s & abfur dite du fécond.
Quand on époufe ce que l’ on aim e, on ne refufe pas de
iigner fon engagement. L e V icom te de Bombelles
avoit
bien figné le contrat de mariage avec la D em oifelle Camp*
II auroit bien auifi figné le mariage m êm e, s’il eût franchi
Je pas.
Cependant
�Cependant il n’ exifle nulle part aucun reg iilrccc m a lic e ,
où il Te ioic inferit & ligné avec elle j & il attelle le Ciel q u 1
ne l’a jamais conduite, jamais accom pagnée, ni a B ordeaux,
ni au d éfert, ni en aucun autre endroit pour l’ épouler , &
qu’il ne connoit aucun des Perfonnages dénommes dans les
deux aéles dont elle s’eit munie.
Leurs noms mêmes font il bifarres qu’on feroit tente do
croire que ce font des ncrçns phantailiques. Quels qu’ ils foient,
la fauiTeté de ce qu’ ils attellent n’e il plus douteuie.
i °. Acte de Bordeaux.
L ’ illulion de ce mariage étoit déjà diilipée avant que le
V ico m te de Bombelles s’en mêlât. D ès l’ année derniere fur
fa* dénégation , & fur le rapport qu’ en avoit fait la perfonne
interpofée contre lui auprès de la D am e fon époufe , on avoit
provoqué à ion infçu la vérification des regiilres Se S. Simeon ,
& elle avoit été faite par le C u ré , fous les yeux & à la rcquifition du Sf . Intendant de G u yen n e, qui avoit commiflion
fpéciale à cet effet. Les regiilres ont été parcourus d’ un bout
à l’autre. L ’a&e ne s’ y trouve p a s, & le C u ré certifie n’ avoir
jamais vû ni connu le Vicomte de Bombelles ni la JDemoiJelle Camp.
Quant à l’extrait délivré fous fon nom , il convient que
fon écriture & fa iignature font imitées a s’y méprendre.
Mais il dénie en être l’ A uteur & offre de s*itifcrire en fa u x.
Il a Procureur en Caufe h cet effet. L a faufleté de cet a£te eft
même fi bien avérée, que la D em oifelle Cam p n’ ofe plus s’en
fervir, ni même en faire mention. Il ne relie plus qu’à confondre
celui de Mautauban.
E
�4)
34
x ° . -Acte de Montaubar 7
C ’eft ici la pièce avec laquelle on a donné une fi cruelîe
atteinte à l’honneur du V icom te de Bombelles.
On a fenti que la religion de ion pere qui n’a jamais été
fuipecte ; celle de fa mere qui a été l’ exemple de fa Patrie ;
celle de fes fœurs dont l’ une eit R eligicufe , & l’autre de
meure en Couvent ; celle de toute ià famille dans laquelle
il n’y a jamais eû de Proteftant ; la C ro ix de Saint Lazare
dont il eit lui-m êm e décoré , & qui ne fe donne qu’aux C a
tholiques, jetteroient de l’invraifemblance fur un mariage au
défert , fi Ton ne commençoit par ajufter fa perfonne à
cette fable.
'
On a donc com m encé, pour préparer les efprits à l’illufion,,
par lancer fur lui avec la plus grande hardiefîe un trait d’ au
tant plus empoifonné , qu’ il eft trempé dans le fanatifme. L a
D em oifelle Cam p l’a repréfenté ou fouffert qu’ on le repréfen ta t, non pas feulement comme ayant déguifé fa f o i , mais
comme ayant feint d ’ abjurer (a religion pour féduirc une jeune
perfonne, & Ta traduit tout-h-la-fois aux yeux des Catholi
ques
com m e indifférent fur la form e du mariage , & aux:
yeux des Proteftans comme ayant voulu abufer de la leur
pour fe jouer plus facilem ent de fa future. » Il ne la réduira
p as, ( dit-elle encore h préfen t, ) à la trifte néceilîté de prou
ver qu’il n’a réuifi auprès d’ elle que par le facriiice de fa ca
tholicité.
Mais fans parler du mélange abfurde & impur q u ’elle fait
ici des m yftercs de fa religion avec ceux de l’am our, fans par
ler de l’ ignorance de fon Profelyte qui n’ a jamais fçu la diffé
rence de leurs d o gm es, & auquel il n’eit pas arrivé une feule
�Fois d’ affilier à leurs aflcm blées, qu’avoit-il befoinde déguifer
fa f o i , pour époufer une fille qui ne tenoit alors h. aucune re
ligion , & qui par une claufe expreife de fon contrat de ma
riage , avoit flipulé avec toure fa famille que le mariage feroit
célébré , fiiivant les Lo'tx & formalités du Royaume.
Cette claufe a paru fi énergique k la D em oifelle Cam p & h
fes complices , qu’ils ont cru devoir la fupprimer dans l’édi
tion donnée de fon contint à la fuite de fon Libelle , & d’y
fubflituer des points. Im pofleurs mal-adroits , en la laiflant
fubfiflrer , ils en auroient été quittes pour dire qu’ on s’en étoit
écarté par de fécondés réflexions ; au lieu que par leur fuppreilion frauduleufe , ils déclarent que cette calomnie ne leur
étoit pas encore venue à l’e fp r it, & qu’ils ne connoiifoient
d’ autre ouverture à l’imputation d’ ap oilafie, ni d’ autre m oyen
d’amener un mariage proteflant, que de faire une lacune dans
le co n trat, en dérobant au Public la claufe qui leur faifoit
obftacle. Mais elle n’en exifte pas m oins, & ils ont été forcés
par nos clameurs de la rétablir. Il en réfulte que loin par le
V icom te de Bombelles , d’avoir exigé ni flipulé une bénédic
tion au défert , c’efl au contraire la D em oifelle Cam p & fon
pere qui , malgré la répugnance dont elle fait aujourd’ hui pa
rade , fe font- fournis de leur plein gré à une célébration en
Eglifc catholique.
C ’ eil même évidemment l’ infpiration & la force de cette
claufe qui a produit le faux aéle de célébration en l’ Eglife de
Saint Simeon de Bordeaux. C e t a fte , tout faux qu’ il e i l , a
du moins une date certaine. Il s’ annonce , comme délivré par
le Curé , le 28 Mai 1 jG G ; & il c il bien légalifédu lende
main 2 9 par M. de la R o fe , Confeiller au P arlem en t, &
Lieutenant Général de Bordeaux. Sa légalifation reconnue
E ij
�HP
36
par celle qu’ il a mife tout récemment au bas de la copie colladonnée , eft conftam m entdu 29 Mai 1 7 6 6 . L a D em oifelle
Cam p tenoit donc encore alors le V ico m te de Bombelles pour
Catholique , n’imaginoit pas d’ autre mariage poilible avec lui
qu’ en face de TEglife
ne croyoit pas encore l’avoir époufé
au défert le 2 1 Mars précédent.
Si rimputatïon d’apoftafie eft abfurde , l’ a&e de mariage
^ fabriqué fur ce fondement I’eft encore,davantage. C et a¿te
e prem^r^me qm > fa? la feule garantie d’un Ecrivain téméraire * , a jette
cett<TaffaheT'-t- tant
monc^e dans l’erreur , n’a vu le jour pour la premiere
tention quelle fois que le i G A o û t i 7 7 1 . C e jour-là , un homme qui s’eft
dit Jean Murât de Graillé , & qui s’eft. qualifié PaJIeur de V E glïfe réformée y & Détenteur des. rcgijlres des baptêmes S’ mariages
des Eglifes protejlantes de Montauban , eft entré ch e z D u p ré ,
N otaire R o ya l en la même V i l l e , accompagné de deux Habit ns qui ont dit le connoître, apportant l’a&e en queftion qu’il
a certifié & figné en leur préfence , & dépofé pour fervir de
minute.
Il eût été difficile de prendre confiance en un pareil acle_
L ’époque même de fon apparition le rendoit luipe& : C ’eft
après le diferedit total de celui de Bordeaux , qui avoit fervi
à faire illufion au Public pendant 4 ans.
Son origine ténebreufe augmentoit la défiance. En général
un extrait n’ eft qu’une copie tirée d’un regiftre qu’on a fous les
yeux . <Sc délivrée par un Officier public, dont la fignature fait
foi en Juftice. Ici au contraire , c’ étoit une prétendue copie
d’un regiftre que perfonne n’a v u , délivrée à un Officier pu
blic par un inconnu , fur l’unique autorité duquel portoient
f exiilence du regiftre & la foi de l’extrait , & qui amencit
pour garants , non de fa probité ni de ion regiftre , mais fim r
�fil
37
plement de fon individu & de fa dénomination de Murât ,
deux Compagnons y eux-mêmes fu fp e& s, dont l’ un eit Ber
nard C o d e , fur le théâtre duquel montoit la Dem oifelle
Camp > & l’autre un neveu du Juge-M age, dévoué au fleur
M erignac, oncle de cette fille , pour fervices pécuniaires.
C e qui mettoit le comble à. la perpléxité , c’ eft d’une parc
l ’affectationde cet incopnu , de n’ avoir déclaré ni d ép ô t, ni
domicile où l’on pût aller com pulfer& confulter fes prétendus
registres ; & de^ l’autre , îe refus opiniâtre par la D em oifelle
Cam p de déclarer , fuivant les fommations qu’ on lui en a
faites, le domicile du prétendu Jacques Sol-Ehos , qui eft dit
avoir béni fon mariage, & de ce foi-diiint Jean Murât qui eft
dit en avoir délivré <Sc dépofé l’extrait. Par-la toutes les voyes
étant fermées à la recherche de la vérité , il étoit impoflible
de fçavoir s’il y a un regiftre , fi le prétendu mariage y eft
inferir, & depuis quand exifte le regiftre ou l’infcription.
T out ce que l’on voyoit par l’extrait, c ’eft que le prétendu
afte de mariage n’eft figné ,. ni du V ico m te de Bombelles , ni
de la D em oifelle Cam p y ni de fes parens qui n’y font pas
même préfens, ni de Jacques Sol-Ehus»
Il ne porte aucune date de lieu ,. pas plus que s’il n’avoic
été fait nulle part ; il .n’indique ni V ille r ni Fauxbourg, ni
Porêt 5 ni Campagne , où l’on pût .aller à la recherche du
mariage de la D em oifelle Cam p ; il le laifie dans un défert
aufi] vague que les efpaccs imaginaires.
Il ne dit pas non plus quelle partie du Monde habitent les
trois Tém oins y dénommés. Quand donc il n’eût porté fur lefront aucun autre indice de faufTeté* encore étoit-il impoflible,
parmi taht d’incertitudes, d’y ajouter la moindre foi„
Mais la D em oifelle Cam p a elle - même diilîpé tous les:
�/
doutes. Elle avoit déjà fait im prudem m ent, à la fin de fori
M ém oire à confulter du mois de N ovem bre dernier, l’aveu
difert du fdencc des regijlres , dont elle annonçoit l’ extrait au
commencement. Elle déclare aujourd’ hui qu’il n’y a pas
même de regiftre ; l’extrait qu’ elle en a fait dépofer par
Mu r â t , & qu’ elle promettoit de montrer au P u b lic , n’eft
donc pas un ex trait, mais une pièce originale de nouvelle fa
brique.
I l n’y a pas même de Sol-Elios ifur te rre , & il n’ en paroîtra
» N om
du S o -
r e c ! " latin & Cn
pas , ce n’eft qu’ un nom en l’ air. *
com ble de l’impofture , c’eft qu’on a mal choiil le lieu
& le jour du mariage. L e 2 1 Mars 1 7 6 6 , le V icom te de
Bombelles n’étoit pas à Montauban ; il étoit a Touloufe de
-^ e
puis cinq jours , & y eft refté jufqu’ au 2 7 du même mois.
T els font les a&es qui, jufqu’ à préfent, ont fervi de baie à la
plus horrible diffamation dont il y ait mémoire. L a différence
des d e u x , c’ eft que l’extrait de Bordeaux , cite au moins un
regiftre & un C u ré qui exiften t, au lieu qu’il n’y a ni regiftre
ni Miniftre pour l’extrait de Montauban.
Mais ce qui rend cette derniere impofture encore plus reprehenfible , c’ eft le parjure qu’on y ajoutoit ci-devant pour
mieux tromper le Public. » N ous eûmes ( faiioit-on dire à la
» D em oifelle Cam p ) pour Témoins de nos fermons , ce M ir> niftre , nos amis , nos parens & D ieu . . . Jamais s’efton joué fi licencieufement de la crédulité humaine ?
Si la probité eft de toutes les religions , fes parens & fes
amis ont du frémir de fe rencontrer avec la famille du V i
com te de Bombelles , mais plus encore avec Sol-Elios , Sc
D ieu dans cette citation impie. D ieu qui voit to u t, n’ a jamais
vii ion.m ariage, & ne voit aujourd’hui que l’impudence de
�ti'b
39
ceux qui la font parler. I l n’ a reçu d’ elle aucuns fermens
il
n’ en reçoit que l’ outrage d’ être appelle en faux témoignage :
& S oI-EK qs ne peut' fervir qu’à porter fon parjure au plus>
haut'degré d’évidence.
*
'
'*
F ou r n’être plus le jouet de fa duplicité , 6c de peur qu’ il
ne lui prît fantaiiie d’imaginer un troifiéme a&e de mariage ,
le V icom te de Bombellcs lui a fait faire deux fommations *, . * }^cs 14 & 7*
■j.
,
•.
j
_
Januer 1 7 7 1.
de declafer comment il lufcplaifoit d’ être mariée , dans quel
fieu elle aîrnoit mieux placer la fcêné , à B ordeaux, ou au dé-'
fert , & auquel des deux extraits elle vouloit s’ en tenir. Elle
n’ a oie s’ expliquer. Elle eft forcée de .les abandonner tous
deüx , 5c ne pouvant dire ni dans quelle partie du M onde , ni
par qui elle a été mariée , elle a recours à fon enfant pour la,
iolution de ce problème.
^
1
C ’eft fous le nom de .cet enfant qu’elle offre aujourd’hui la
preuve p arT ém oin s, non pas d’ une bénédiction nuptiale, feul
a& epar où puiile commencer un mariage , mais d’ une pré
tendue poiTeifion d’état , com m e fi l’ on pouvoit acquérir des
maris par prefeription , ou par conje&urcs.
Suppofons pour un moment que ce foit le V ico m te de
Bom belles qui pourfuit la D em oifelle Cam p , lui qui n’ a pris
aucune précaution pour s’aiïurer d’elle , qui ne s’ eil fait re
connoitre mari , ni par teila m en t, ni par aucun autre aétey
qui loin d’avoir des ailes de mariage n’avoit pas même ci-de
vant l’expédition de leur contrat, ni ne fçavoit où répofoit la
minute emportée par leN otaire inconnu : L ’ ayant laifïee dans
tous les tems maîtreiTe de fa perfonne & de fes b ien s, de quel
œil le regarderoit-on s’il prétendoit la tirer des bras drunm ari?
avec des lettres ou d’autres témoignages de leur ancienne fa
m iliarité, & en faifant parler contr’ ellc l’ enfant qu’il en a eu. I
�40
N e fcroit-il pas infâme par l’affront même qu’il auroit voulu
lui faire ?
Q ue chacun reprenne maintenant fon rôle. E lle aura pû
d ifp o fer, & même ( pour parler comme elle ) trafiquer de fa
perfonne, fans qu’il pût l’en empêcher : & l’on fera d’autres
loix pour lui ! Il fera marié fans qu’ elle le foit ! I l deviendra
fon efclave avec des Tém oins !
,
Te ne m’arrêterai point à combatre un expédient, fi pro
pre à bouleverfer toutes les familles , & fi difertement ré
prouvé par nos Ordonnances , ni à démontrer l’impoifibilité
fpéciale , de remettre le fort de qui que ce foit à la difcretion
d’ une fille qui n’a celle , jufqu’à p réfen t, d’être livrée à des
gens affez peu délicats, pour lui fabriquer de faux aétes , ou
pour lui en altérer de véritables.
Je vais lui épargner de nouvelles intrigues , en faifant voir
que non-feulement elle n’ a ni titre , ni pofleiïion d’ un mariage
quelconque , mais que tout l’efpace d’entre fon contrat de
mariage & la rupture définitive, eil rempli par une inten
tion & par une poiTeffion , qui réfiftent invinciblement à fes
fables.
§. I L
I
n e x i s t a n c e
d
’
u n
M
a r i a g e
q u e l c o n q u e .
L a réalité ne fçauroit fe ren con trer, ni fubfifter avec la
fi&ion.
O r , tout ce que la D em oilelle Camp a fait ou fait faire
d’a&es avant & depuis le 8 Février , & le 2 1
Mars 1 jG G ,
époques prifes par fes faux extraits de mariage , ne font que
de vains fantômes deftinés uniquement à faire illufion aux
gens
�41
gens de fa force , & ils font tous démentis par la poilèflïon
refpe&ive des Parties.
i° .
t
Preuves de jîtnulation.
%
O n ne s’ avifa jamais de faire des a6tes évidemment nuls
pour des fins férieufes, ôc encore moins de faire des aétes
faux quand on en a de véritables.
Tels font néanmoins^ tous ceux qu’ elle rap porte.-C eux
qu’elle a fait confentir par le V ico m te de Bombelles , font
nuls ; ceux qu’elle a fait faire à fon infçu , font faux , ôc d’ une
fauiTeté ii averée , qu’ elle n’ ofeplus s’ enfervir.
i
°.
Son contrat de mariage attentatoire aux L o ix du
R oyaum e , qui défendent le mariage avec des Proteftans ,
6c a l’honneur d’ une famille diftinguée qui n’ en a rien fçu ,
n’eft pas feulement nul , il conduiioit à des peines capitales ,
il l’on eût paiiéà l’exécution en minorité. L e foin même que
fes parens ont pris d’ appeller unN otaire étranger, qui n’ avoit
aucun pouvoir d’inftrumentcr b. Montauban , le réduit écarté
où ils fe font cachés en faifant le co n trat, & le m yftere dans
lequel ils l’ont retenu , même après la premierc rupture du
V ico m te de Bombelles avec leur fille, annoncent clairement
que leur intention n’ étoit pas d’en faire ufage contre lui. C e
u étoit done qu’un a&e iimulé , un a£te détourné de fa fin
naturelle à quelque autre ufage , & dans lequel on n’avoit
recherché qu’une vaine apparence , fans afpirer à la réalité.
En le réunifiant aux autres aéies de même époque , furtout avec le teilainent holographe qu’on a fait dater du <5
A vril fu ivan t, il eil évident qu’il n’ a point été fait pour fe
m arier, mais pour couvrir de l’ombre d’ un mariage l’ enfant
ou les enfans dont la naiifance eil difertement annoncée par le
teiiament.
F
�6
4*
1 ° . C ’eft dans la même vue qu’a été fait ce te ila m e n t,
qui ne feroit ni o u v e rt, ni entre les mains de la D em oifelle
C a m p , s’il étoitférieux.
I l eft aifé d’y recoftnoître par le ftyie même , le Praticien
de Campagne , qui avoit rédigé le contrat de mariage. Il y
fait dire au V icom te de Bombeiles , qu’ il s’ en rapporte pour
•
Même expref- fes honneurs funebres a fon héritier bas nommé : *
fo."ratUeje aima-e
Q u’il donne a M arthe.Cam p , f a chcre époufe, l’ ufufruit de
na»efes biens , à la charge de nourrir , a fon pot-au-feu, jufqu’à.
2 5 ans , les enfans provenus de fon mariage :
Q u ’il nomme pour fes héritiers généraux le pojlhume, ou les
pojîhurnes dont elle pourroit être ou devenir enceinte , venant en
lumière de leur mariage ;
E t qu’ à défaut de poithumes , il Î’inftituc elle-même fon
héritiere générale , pour jouir & difpofer de fes biens à f e s
plaifirs & volontés.
O n eil fcandaîifé au premier afpcét de voir une prétendue
femme préfager la m ort d’ un jeune homme plein de vie & de
trois ans moins âgé qu’elle , & s’ occuper de fcs funérailles &
de fa fucceilïon. Mais il lui faut rendre jufticc : elle avoit en
core alors ailèz d’honnêteté pour ne pas expofer férieufement
des idées fi trilles , ni des défirs fi rampans.
Q uelle étoit donc fa penfée ? En Pays de D ro it écrit, tout
le monde fçait que les teilamens holografes n’ y font reçus
que du pere aux enfans , & qu’ ils font nuls à l’ égard de toute
■Voy. Maynari, autre perforne. * En même-tems qu’on fuggeroit celui-ci
r o i ’ de i/Z/t au V icom te de B om beiles , on ne lui en iaiflh point ignorer
concernant les
tfjia m e /is , art, ¡ 6 .
Ja nullité. C e ne pouvoit donc pas être pour tefler c u ’il
.
.
n
1
i
écrivoit ce teltamcnt. On ne peut pas le lui avoir diété pour
s’enrichir de fes dépouilles. L a D em oifelle Cam p ne fe i’ eit
�n r
43
évidemment procuré qu’ à dellbin de pouvoir mettre devant
elle un monument où elle fût traitée de chere epoufè, & peutêtre d’ avoir auiïï un vernis d’honnêteté tout prêt k jetter fur
les pojlhumex qui viendraient en lumière de leur trop grande fa
miliarité. C e n’eft donc qu’ une fimple précaution pour fuppléer au défaut de mariage.
3°. C ’ eft par la même précaution , & k défaut d’ autres
titres , qu’elle eft refté^ nantie de fes lettres. Jamais femme
s’avifa-t-elle de garder les lettres de fon mari en preuve de
mariage ?
4 ° . U ne autre efpece de précaution encore plus démonftrative , ce font les faux a£tes de bénédiction nuptiale qu’elle
s’eft procurés jftratagême auquel on n’a recours que quand on
n’ eft pas marié.
L ’aéte de Bordeaux qui eft daté du 8 Février 1 7 6 6 , n’a
été , comme on l’a vû , légalifé que le 29 Mai fuivant. Elle
étoit donc encore alors occupée k iim uler un mariage.
T o u t l’efpace. poftérieur eft rempli par la même iim ulation. Elle faifoit encore ufage de fon extrait de Bordeaux
en Février 1 7 7 * , lorfqu’elle l ’a fait palier à l’ Ennemi ca
pital du V ico m te de Bombelles , pour tromper les perfonnes
illuftres qui commençoient a le p roteger, & au mois de Mars
fuivant, lorfqu’ elle l’a fait dépofer par un Particulier de Montauban chez Rauzan , N otaire a Bordeaux , pour y fervir de
minute , & s’en procurer l’ expédition qu’elle a dans fon
porte-feuille.
C e n’ eft qu’au mois d’ A o û t 1 7 7 1 , qu’elle s’ eft avifée
de fe faire marier au défert le 2 1 Mars 1 7 6 6 .
Jüfques-lh,
c e f t fur l’acte de Bordeaux du 8 Février 1 7 6 6 , q u elle a
F ij
�44
afondé toutes íes prétentions. I l n’ y a donc dans l’ intervale
du 8 Février 1 7 6 6
au mois d’A o û t 1 7 7 1 ; aucune place
où l’on puiiTe faire entrer un mariage férieux.
A in ii toutes fes précautions fe tournent con ti’ elle , & les
ailes dont elle abufoit fi étrangement pour prouver un ma
riage , prouvent précifément tout le contraire par la perfeverance même de l’ ufage qu’ elle en a fait jufqu’au moment ou
elle a vu qu’ils alloient être convaincus de faux.1
Si quelque chofe en cette matiere pouvoit fuppléer au dé
faut de titre , ce feroit la poilèilion. L ’ eiïènce de la pofleffion
d’état confifte dans l’opinion publique, mais principalement
dans l’opinion de ceux qui font obligés d’ en prendre connoiffance , & qui ont intérêt de ne pas s’y méprendre.
i ° . I l y a des indices dont la préfence eft équivoque ,
mais dont l’ abfence eft démonftrative. Par exemple , l’ unité
' de nom & l’unité de domicile , ne prouveroit rien pour la D emoifelle Cam p. C e t indice eft commun aux époux & aux
concubins , & par conféquent ne fçauroit fervir à. diftinguer
les uns avec les autres.
Quelques précautions que prennent deux A m a n s , pour
couvrir d’ une apparence refpe&able le vice de leur familiarité,
le Public , pour l’ordinaire , n’ eft point duppe d’un nom de
guerre que prend une fille dans fa groiTeiTe , ni des témoigna
ges d’affedion, ou d’une adreife de lettres qu’elle fe fait écrire
par fon G alant, ni même d’une réfïdencc en domicile com
mun ; il ne la rcconnoît point tant qu’il ne la voit point recon
nue par la famille , ou par l’ autorité publique.
Mais quoique l’ unité de nom & de domicile 11c prouve
�45
rien , la diverfité prouveroit beaucoup. U n e fille honnete
une fois m ariée, n’a rien de plus preiïé que d’ oublier fon riom
pour prendre celui de fon mari , avec qui elle ne doit plus •
faite qu’une même perfonne. L a D em oifelle Cam p étoit trop
jaloufe de ion honneur pour manquer à cet ufage. Cependant
elle convient * avoir continué de porter fon nom de Camp “ Pair. 7 ¿e f>n
j
• n
n i»
Mémoire a t o n pendant toute 1 année i 7 6 6 , & jufqu au moment de 1 an- iuiter.
née i 6 6 7 , où fa groifeife s’ eft déclarée. Toutes les lettres
qu’elle a reçues du V ico m te de Bombelles dans cetintervale,
quoiqu’il la traite d’époufe , font à l’adreiïe de Mademoiselle
Camp. C ’eft donc la.groiTeiîe , & non pas le mariage , qui a
été eaufe du changement de nom fur-venu depuis.
Si depuis le mois d*Avril 1 7 6 7 , il lui a écrit quelques
lettres fous le nom dont elle s’étoit décorée, c’eft par conven
tion , & parce que l’ ufage eft à Montauban d’ aller retirer foimême fes lettres au Bureau. A u reile ce menfonge officieux , .
après de longues interruptions , a pris fin au mois d’A o û t
1 7 7 0 , où recommence l’adrefle de Madcmoifclle Camp. '.
Une' des plus flétriiTantes calomnies dont elle l’ait n o irc i,
c’ eft l’imputation de l’ avoir tirée des aras de fon pere, & d’ être
enfuite venu loger che^ elle. Elle n’ o fe y infifter. I l eft en effet
de toute fauiîcté quM Tait jamais emmenée chez lui. .Elle
u auroit même pas pû décemment y conientir. I l a toujours
.lo g é en chambre garnie *. Elle n’y a fait que quelques appa-
• Cen-
ntions furtives , n’ v a accepté que quelques foupers , ôc dans fuite chez Caiil,
fpVo
„.
t
/tv que quelques
1
• n.
9 pas une Alaitre
«-s
autres
vilites
n»y a palié
înltans
, oc
qujer. perru_
feule nuit.
^Si jamais la maifon du mari doit être le domicile de la femme,
c eft fur-tout quand elle n’a plus d’ autre logem en t, & que fa
calamité la force de chercher un afyle. L a D em oifelle Camp
�4-6
s’eft trouvée dans cette crifc au mois de N ovem bre 1 y G G. La
maifon de Ton pere venoit de périr avec la majeure partie du
Fauxbourg. C ’étoit le moment de prendre gîte eliez le V icom te
de Bombeiles , s’il eût été Ton mari. Son defaftre qui l’ a
ramené auprès d’elle , n’a point empêché leurs rechûtes: c’eft
l ’époque où elle eft devenue féconde ; mais il ne l’a pour
tant point réduite à cette extrémité de loger avec l u i , elle a
été loger ailleurs.
Il
eft faux qu’ il l’ait fuivie chez fon pere pendant ia grof-
fe fle , ni qu’il y ait transféré fon domicile. Il-n’ y a p a s logé
une feule fois ; il a même eû la délicateilè de n’ y accepter en
tout qu’un feul repas , & dans la feule vue de leur prouver
qu’il ne les méprifoit pas. A in fi ils font reftés diftinéb par le
nom & par le domicile.
A - t ’il du moins fait ufage des droits que lui donnoit leur
contrat de mariage , & entr’autres chofes eft-il muni de la dot ?
L eu r contrat de mariage porte qu’il lui fera payé par le
fieür Cam p pere, lors de la célébration, laJbmnic de 6000 llv.
dont il donnera fa reconnoiiTance. A -t-il reçu cette fomme ?
E lle n’eft pas fâchée qu’ on le croie ; mais pourtant elle eft
forcée de convenir qu’il n’ en eft rien. O r tom be-t-il fous le
fens que ce jeune homme , qu’ elle fuppofe avide d’ a rg e n t,
eût négligé fa dot s’il s’étoit chargé de fa perfonne ?
E lle l’accufoit ci-devant, de lui avoir demandé au mois de
Juin ï j GG , à elle 1 5 00 ^vres » ** ion pere 3 0 0 0 liv. E lle
n’a pu juftifier ce fait , & n’ a voulu communiquer les pré
tendues lettres qu’elle citoit : mais elle lui a fait donner copie
de fa lettre écrite du Fort-l’Evêque le 3 Mars 1 7 6 9 . C e jl un
lieu très-onéreux ( lui m arque-t-il) je m’y trouve à /’ étroit }
vous nie rendrie£ Jervice d'emprunter à votre pere ou à vos
�m
47
parens cent ¿eus dont j ’ ai ajj'e^befoin. Je ferai très-fenjible à
cette marque d ’ amitic de votre part. Dans cette détreife auroitil demandé à emprunter cent écus , pouvant exiger fix mille
livrer ?
z ° . V o y o n s maintenant quelle a été l’opinion de ceux qui
étoient obligés de les connoître , & qui avoient L»céiêt de ne
pas s’y méprendre. Com m ent ont-ils été regardés l’ un par les
plus proches parens de l’autre ?
L e fleur Camp pere s’eft-il mépris jufqu’au point de re
garder le V ico m te de Bombelles comme fon gendre & de
lui payer la d o t , ou de lui prêter quoique ce Toit ? I l s’ en eft
bien gardé.
Com m ent la D em o ifelle Cam p a-t-elle été regardée a Ton
tour par tout ce qui tient au V ico m te de Bombelles dans Montauban , par la D am e H ennet, par les D em oifelles de Bom
belles ? O n peut le conjecturer par la maniéré outrageante
dont elle a traité la D am e Hennet.
A-t-elle du moins réglé quelques affaires de ménage , payé
quelques dettes , compté avec les Fermiers , reçu de quel
ques Débiteurs ? R ien de tout cela : perfonne ne l’ a reconnue
pour femme.
Il
n’ exifte pas un fcul aéte public où cette qualité lui foit
donnée ; pas même l’extrait de Baptême de Ton enfant.
C ’eft ici une obfcrvation a faire qui fera fentir un jour h.
cet enfant le prix de fa légitimation. L ’ ufage du D iocèfe ,
même pour les Froteftans , lorfqu’ un enfant doit fa nailfance
^ des perionnes m ariées, eft de le qualifier de légitime, ou de
faire mention du mariage de les pere & mere. L a D em oifelle
Camp , qUi a
b ap tise en l’ Eglifc paroilïiale de V ille —
bourbon , n’oferoit nier cet ufage. Son propre extrait de
�48
Baptême en fait foi.
Ses pere & mere y font dits mariés.
E lle a efîayé d’obtenir par furprife du Prêtre qui a baptifé
fon e n fa n t, les mêmes qualifications, & de lui faire croire
qu’elle étoit reconnue pour femme. Dans ce deiTein elle avoit
apofté , pour tenir l’enfant fur les fonts de Baptême fous
le nom de la D em oifelle de B om belles, qui depuis en a donné
fon défaveu , une certaine Antoinette Biargues , qui fe difoit
commife à cet effet par cette D em oifelle. L e Prêtre n’ a point
donné dans ce piège , il s’ eft contenté d’exprimer le nom du
pere & de la mere bien conflatés par les lettres qu’ elle rapportoit. Mais il s’eii abftenu d’exprimer q u ’ils fuiTent mariés,
ôc n’a point voulu rifquer fur l’ enfant la qualité de légi
time.
3 0. Enfin elle n’a tenu compte de l’erreur des dupes qui
croyoient à fon mariage. E lle a au contraire refpeété l’ opiniorT
la plus générale qui ne lui paroiiToit pas favorable, & elle y a
conform é fa conduite.
Q uoiqu’elle prît la qualité de femme , la vérité a prévalu
dans fin/tant périlleux de fes couches. Celles d’ une femme
légitime fe font fans m iile re , & s’annoncent avec éclat. E lle
a été cacher les fiennes en Paroifîe étrangère à quatre lieues
de Montauban.
On ne lui fera certainement point un crime d’ avoir laifTé
le V icom te de Bombelles vingt-un mois au F ort-l’ Evêque ,
fans le venir trouver & fans lui prêter aucun fecours. Mais fi
elle avoit été fa fem m e, quelle exeufe pourroit-elle alléguer
de fon indifférence ? L e mariage n’exifte-t-il donc que dans
la prdfperité? N ’embraiTe-t-il pas l’ enfemble de toute la vie?
Q u ’ y a-t-il de plus humain que de partager l’ adverfité de ceux
mêmes
�125
49
m êm es, dont on ne partage plus les plaifirs ? Juiqu’aux fem-mes les moins fid elles, ne fe font-elles pas un honneur de
voler au fecours de leurs maris , quand il leur arrive quelque
accident? (a)
Il
n’ y avoir rien dans la conduite , ni dans la détention du
V ico m te de Bombelles dont elle pût rougir ; & c ’eft faire un
cruel ufage de fa calam ité, que d’ y chercher des fujets d’ ou
trage & de le traduire en cette prifon , comme un homme
perdu de dettes, traînant dans la débauche une vie pénible 6’
fcandaleufe. Les lettres qu’ il rapporte de fes Supérieurs prou
vent la confideration qu’ils avoient pour lui. L e certificat du
Greffier & du Concierge du Fort-l’Evêque attellen t, qu’il n’ y
a été conftitué Prifonnier que par ordre du R o i } & qu’ il n’ a
point été écroué pour dettes. Elle-m êm e rapporte dans fa lettre
du 3 Mars i 7 6 9 la preuve qu’elle ne l’ignoroit pas : Pour
ne vous laijfcr ( y eil-il dit ) aucun louche fu r les raifons qui
ont déterminé Sa M ajejîé, je vous envoyé la lettre que NL. Gayot
C h ef du Bureau de la Guerre , m a écrite dans les premiers inftans de ma détention; & elle fçait k n’en pouvoir douter, qu’ il
n’ étoit que pour avoir déplu à des perfonnes en place : caufe
qui n’ ayant pas empêché des Officiers Généraux de l’ honorer
de leurs v ifite s, une fille de qualité de l’ admettre h fon al
liance , une PrinceiTe du Sang de figner leur contrat, n’ auroit
pas pû difpenfer la fille d’ un Com pagnon Teinturier de venir
folliciter fa délivrance & abroger fa captivité, s’ il eût été fon
mari. U faut donc pour fon honneur , qu’ elle avoue n’ avoir
m écon n u , dans cette longue épreuve, les fentimens & les
devoirs d’ une fem m e, que parce qu’elle n’ en avoit acquis ni
Içs droits , ni le cara&ere.
' r>a X ^ onf { ‘r ùum om n is v itee , fF. d e r i t u n u p t , I „ 1 .
ri
1 rr^ i t’uinanum quàm fo r t u it is cafibu s m u lieris m a ritu m , v tl uxorem y i n p .v
c>peut ejfc ? ü. toi, Wauim . &ç, L . 1 1 , 7.
°
�5°
O n voit, i ° . Q u'elle n’ a point d’a â e de mariage ; 2 °. Q ue
tous fes a&es font de vains iïmulacres ; 3 0. Q u ’elle n’a point
de poiTeflion ; & 40. Q u ’ il y a poiTeflîon contraire. Elle n’a
donc jamais été fem m e, & par conféquent, ni elle , ni fa fille
à qui elle ne peut avoir communiqué plus de droit qu’ elle
n’en a elle-m êm e, ne font recevables k venir troubler le ma
riage du V icom te de Bombelles & de la D am e ion époufe.
E lle n’a même que des torts & pas un.feul fujet de plainteT R O I S I E M E
P A R T I E .
Torts de la Demoifelle Camp, & demandes contr’ elle.
L a D em oifelle Camp étant convaincue de faux fur le ma
riage & la bigamie qu’ elle imputoit au V icom te deBombelles,
que refte-t-il qu’ elle puiiTe lui reprocher ? Sont-ce les fautes
antérieures au contrat de mariage & revelées par le teilament*
Eft-ce la rupture occafionnée par la fupercherie de ces a£tes ?
E ft -ce la groiTelfe poilérieure à leur réconciliation ? E il-ce la
iimulation de mariage qu’ elle a exig ée, & h. laquelle il s’eft
prêté pour fouftraire cette avanture h la malignité publique ?
C e ne font-la que des foibleiTes de fon â g e , & des excès de
com plaifance, repréhenfibles à. la vérité dans la perfonne des
Séduéleurs , mais pardonnables h un jeune homme leduit.
Q u ’elle ait commencé par feindre une groiîcilfc , pour furprendre un contrat de mariage, qu’ elle ait enfuite abufé d’une
groiTefTe ré e lle , pour fe foire donner le titre de fe m m e , il
ne s’en plaindra pas , puifqu’il y a confenti. Mais devoit elle,
pour fe confcrver une fi&ion de mariage , chercher h. fe dé
faire de ion prétendu mari ; em ployer , pour lui ôter l’hon
neur, les mêmes a&es qu’ il n’avoit foufcrits que pour lui fauver le fiçn ; avoir recours aux ilratagêmcs les plus défefperés*.
�11
pour mettre en péril la liberté & p e u t-ê tre la vie d’un
jeune homme qui n’ a point d’autre tort que d’avoir accepté
.fa
< bienveillance ?
Elle n’ e ftp a s (il e ftv ra i) l’ auteur du complot. L eV icom te
deBombelles & laD em oifelle de Carvoiiin fon époufe feroient
encore heureux & florifl'ants, fi leur mariage n’ avoit porté
ombrage, d’ un c ô té , à l’implacable avidité d'un parent comp
table , & de l’autre à la^niferable jaloufie d’un parent ambi
tieux. C e font-lù les deux paiîions qui ont recherché cette
fille ; & qui ont fait paile avec fa vengeance. Mais c’ eit
£lle qui leur a fourni d’abord le faux extrait de Bordeaux ,
pour arrêter tout à. coup le V ico m te de Bombelles dans la plus
brillante carriere, & le faire enferm er comme Bigame ; projet
qui feroit exécuté
fans la fageife & la probité du Magiftrat
chargé de la P o lic e , qui avant de fouffrir qu’ on attentât à la
liberté d’un C ito y e n , a été d’avis que l’on commençât par vé
rifier l’ aéle fur lequel on avoit obtenu l’ ordre du R o i.
Elle s’efî: prêtée depuis à toutes les autres manœuvres.
Fabrication d’ un nouvel a&e , qu’ elle a elle-m êm e, finon
com m andé, du moins apporté deM ontauban, Ôcfubftitué im
perceptiblement au premier , pour renouveller la fable de fon
m ariage, & y ajouter l’épifode d’ unefédu&ion préparée par
une feinte apoftafie.
Enquête clandeftine à cent lieues du V ico m te de B om
belles, pour le traveftiren P roteilant malgré lui ôc fans qu’il
put s’en défendre.
Inquifition fur toute fa vie pour lui trouver des crimes ;
attention de fouiller jufques dans les regiilres du Bureau do
la Guerre , pour voir s’il y eft bien ou mal noté.
AfTociation avec to u t ce qu’ elle lui con noît d ’ e n n e m i s ,
G ij
�?*
pour recueillir tous les propos ignominieux qu’ on a pû tenir
fur fon compte.
Libelle deftiné à prévenir les efprits par un tas d’horreursj
chargé d’un faux titre qui pût lui frayer une route k la publi
cation , tourné en form e de M émoire a con fu lter, <Sc fuivi
d’une Confultation encore plus iniidieufe, tendante a foulever les Proteftans , les uns par une fauiTe démonftration d’ a t
tachement k leur fc6le , les autres par la fauife annonce qu’il
s’agit Je leur état y & à faire croire à tout le monde que le ma
riage en queftion étoit hors de d o u te , en ne répondant que
fu r la validité ; toutes fuppofitions mifes par déception , fous
le cautionnement & la foi d’un minïftere propre k fubjugüer
la confiance du Public r qui fait k l’O rdre des A vocats cet
honneur bien mérité de croire qu’il n’en efl aucun qui voulût,,
au mépris de fa confcience & de fon ferm ent, écrire le con
traire de ce qu’il verroit dans les a ile s , bâtir des fyitêm es de
diffamation fur des pièces dont il connoîtroit la fauiTeté , ni
y abufer du nom deD ieu pour attefter des bénédiélions nuptiales>
impoilibles par l’inéxiilence du M in iftre, & par l’abfence des
Parties («).
Précautions de toutes efpéces pour empêcher que la vérité
ne fe fit jour par aucun endroit ; édition de fon contrat de
mariage avec fuppreilion de la claufe eifentielle ; dexterité de
ne pas laifler voir fon a&e de bénédi&ion au d é fe rt, dont
l’abfurdité frappante auroit pû revolter le P u b lic , & néan
moins de le lui annoncer d’ un ton d’ aiTurance, avec promefîe
de le produire , & réfolution de n’ en rien faire.
Machinations pour furprendre & faire inférer dans les ga
zettes étrangères des lettres & des notes outrageantes, qui
( a ) Terfonnc de ceux qui connoiflént lc E é fe rfc u r de ia D em oifellc Camp , ne
croira qu’ il ait tu connoiliance de toutes ces faulletés, à moins qu'il ne l ’allure
lui-mcrac.
�12 ï
13
annoncent au V ico m te de B om belles, qu’ i/ pourra triompher
dans les Tribunaux , mais qu’ il cjl condamne au Tribunal de
l ’ honneur, comme ii l’honneur pou voit avoir d’autres Tribu
naux que ceux où l’ on prononce avec connoiilance de cauie,
ou d’ autres organes que ceux qui ont fait vœu de la plus icriipuleuie impartialité.
Affectation de traîner partout avec elle cet enfant qu’elle
refufe à ion prétendu m ^ri, & d’abufer du fruit de leur
am o u r, pour allumer contre lui la haine dans tous les cœurs.
Déchainement général excité par Tim pollure de fes titres
& de fes déclamations,- qui ont réduit ce jeune homme h la
néceffité , ou de perdre ion honneur en ne fe montrant p a s,
ou d’expofer fa vie en fe m ontrant, com m e il a fa it, fans y
manquer un feul jour.
L e V icom te de Bombelles pourroit entreprendre les F auf, faircs, & s’il ne craignoit de rencontrer parmi eux la perfonne
qu’il veut épargner , il dénonceroit à l’inilant au M iniilere
public les deux ades faux.
Il
nom m eroit, pour parvenir à la découverte des Auteurs
du p rem ier, le M agiftrat qui en a été porteur auprès de la
D am e de Bombelles ,. le iieur Intendant de Guyenne . qui a
été chargé de la vérification r «5c le nommé C in fra ix , qui en a
fait le dépôt chez Rauzan , N otaire à Bordeaux. L eur cons
cience eft engagée à. déclarer qui leur avoit remis cette
p iè ce , & C infraix doit en répondre fur fa tête..
Il
nommeroit fur le fécon d , Bernard C o ite & M e. Jean-
Marie de Foreftier , neveu du Juge-Mage de Montauban ,
qui fe font préfentés le 1 6 A o û t i 7 7 1 avec J e a n Murât pour
en faire le dépôt ch czD u p ré N o ta ire , & ils ne pourroient fe
difpenfer de livrer l’A u te u r , s’ils ne veulent paifer pour A u
teurs eux-mêmes ou pour Complices*.
J
�/X*
u
Mais !e reiTentiment ne l’emportera point à fufciter une
attaque il propre à le venger ; il ne veut qu’ achever fa défenfe ; & laiiTant la perfonne des coupables pour fe borner à
leur ouvrage , il fe contentera quant à préfent de requerir
pour toute fatisfa&ion :
i
’
Q ue les deux expéditions foient lacérées, & que men
tion en foit faite fur les deux originaux.
2 °. Q ue l’Enquête clandestine faite au mois d’ O & obre der
nier par le Juge-M age de Montauban foit déclaré nulle.
3 0. Q ue le M ém oire à confulter & la Confultation du i 2
N ovem bre fuivant foient déclarés calomnieux.
L ’ Enquête a pour objet de prouver qu’ il a fait femblant
d’ époufer la feéle de la D em oifelle Cam p pour parvenir à.
époufer fa perfonne , c’eft-k-dire de prouver le contraire de
ce qui eft démontré par la claufe du contrat de mariage qui
avo itété frauduleufement retranchée. E lle devient par conféquent inutile à la D em oifelle Cam p depuis le rétabliifement
de cette claufe , & fa Ie&ure ne feroit que le com ble de l’infulte qu’elle a faite à fes Juges de les interpofer , moins pour
ju^er de fon mariage que pour être témoins & fpe&ateurs de
fes outrages.
Elle lui eft encore inutile par fa nullité manifefte , nonfeulement comme ayant été faite fans demande préalable 6c
Cms être ordonnée , mais comme étant prohibée form elle
ment par le titre 1 3 de l’ Ordonnance de 1 G G 7 , ayant même
été faite avec la plus infigne mauvaife f o i , fans y obferver
aucune des formalités requifes avant l’abrogation des Enquêtes
* V. le procès- d ’ examen a fu tu r , * c’eft-h-dire fans aflignation de Tém oins
pour prêter ferment , ni de Partie pour aflifter à la preftadon ; compofée d’ailleurs de Tém oins dévoués , 6c qui ont
été dépofçr d’ eux-mêmes,
�C ’ eft même une de ces inquiiitions odieufes fur la vie d'au
trui donc l’ufage n’a jamais été permis en France , 6c qu’ on a
toujours réprimé ( dit M. l’ A vocat Général Bignon ) par des
dommages-intérêts. Cette Jurifprudence eft confacrée par fon
Réquisitoire & par l’A rrê t de la C o u r intervenu en confor
mité le 1 4 D écem bre 1 6 ^ z *.
*
Quant au L ibelle qu’on a répandu avec tant de profuiiorr Aud
dans le public au mois dt^ N ovem bre dernier , fous le titre
impofant de Mémoire à confultcr, tout ce qui cara£lérife un
Libelle diffamatoire sTy rencontre. i° . D éfaut de caufe : la
D em oifelle Cam p n’avoit point k fe défendre , perfonne ne
1 attaquoit. 2°. D éfaut de droiture : il ne tend point k inftruire les Juges qui n’étoient encore faifis d’ aucune a&ion ,
niais fimplement k s'emparer de la prévention publique.
3 °. FauiTeté 6c délire: il eft rempli de faits calomnieux étran
gers k fon prétendu mariage , tels que les dettes , la fabrica
tion de faufîes lettres de change , la débauche, 6cc. 6c ceux:
même qui peuvent s’ y rapporter font tournés a d’autres ufages^
T out y refpire la vengeance & l’ exécration. I l ne feroit donc
pas jufte de laifler exifter ce monument ignominieux.
O n ne s’en prendra point k la D em oifelle Cam p. Eût-elld
etc l’ame du co m p lo t, on n’ignore pas ce que peut contre'
fon Am ant une femme en fureur, quand elle croit fon amour
nieprifé y & qu’elle fe voit obligée de rentrer dans la fphere
d ou elle étoit fortie. C ’eft un torrent qu’il eft impofTible d’arrescr , 6c auquel il faut laifTer un libre cours. A ufli jufques.
dans les outrages dont elle accable le V ico m te de Bom bclIesr
il ne fcnt que la douleur qu’elle exhale. I l ne cherchera point'
d autre vengeance que de brifer les armes dont, elle s’eft fer—
vie pour le perdre.
�S’il requiert que défenfes lui foient faites de fe dire F icomteffe de Bombelles , & qu’ on lui arrache ce nom qu’ elle a
cru pouvoir,fe féliciter de perdre, ce n’eft point pour la punir
de la témérité qu’elle a eue de l’u fu rp er, ni des efforts qu’ elle
a faits pour l’a v ilir, c’eft pour rendre hommage à la vérité, &
le fixer fur une époufe refpecta b le , qui feule a droit de le
porter.
S’il requiert que l’enfant dont elle fe fert pour l’ attaquer
foit remis en d’autres mains , avec offres d’em ployer à fa fub
f iftance le peu de fortune qui lui refte , c’eft tout-a:la-fois
pour donner à fa religion un témoignage authentique de fon
attachement inviolable , & marquer fon obéiffance aux L oix
de l’E ta t, qui veulent que les enfans dont les peres fo n t Catho
liques , & les meres de la Religion prétendue réformée , même les
enfans nés hors mariage & tous autres, foient baptifés & élevés
en l ’Eglife Catholique , & enjoignent aux Juges d ’y tenir la
» D é c l.d u iF e v .
1 6 6 9 , a rt. 39 i
du 51 J a n v . i é S i ,
Edit d’ O ftobre
i 6 8 y , a rt. 8 ,
main.
Il
ne fe propofe qu’une meilleure éducation fous les auf-
pices d’ une R eligion plus pure. D u refte il n’entend point
féparer la mere d’avec l’ enfant : elle pourra le voir tant qu’elle
voudra. I l defire même que cet enfant conferve pour elle tout
le refpect qui peut lui être dû; & qu’ il ignore (s’ il eft poffible)
ou du moins qu’ il joigne fes efforts à ceux de fon pere pour
faire oublier la faute qui lui a donné le jo u r, ainfi que l’éclat
dont elle a été fuivie.
• Monfieur D E
V A U C R E S S O N , A vocat Général.
M c. L E B L A N , A vocat.
D e l’im p r . d e C H . E s t C h e n a u l t ,
ru e de l a V i e i lle d r a p e r ie
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Bombelles, Jean-Louis-Frédéric-Charles. 1772?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vaucresson
Leblan
Subject
The topic of the resource
validité d'un mariage entre un homme et femme de confessions différentes
validité de mariage contestée pour minorité
protestants
vices de forme
suspicion de bigamie
diffusion du factum
opinion publique
rapt de séduction
actes de mariage
faux
Description
An account of the resource
Titre complet : Plaidoyer pour Messire Jean-Louis-Frédéric-Charles Vicomte de Bombelles, sous-aide major d'infanterie, chevalier-novice de l'ordre royal et militaire de Saint Lazare, intimé, défendeur et demandeur. Contre demoiselle Marthe Camp, fille majeure, appelante comme d'abus, et défenderesse. Et contre Antoine Maugis, tuteur ad hoc d'Antoinette-Louise-Angélique-Charlotte de Bombelles, aussi appelant et demandeur. En présence de dame Marie-Françoise de Carvolsin, épouse dudit Vicomte de Bombelles. Et de dame Magdeleine-Claudine-Charlotte-Renée de Bombelles, veuve de messire Antoine Hennet, lieutenant-colonel d'infanterie, intervenante.
Annotations manuscrites: condamnation du mari.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Ch. Est. Chenault (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1772
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
56 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0803
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0801
BCU_Factums_G0802
BCU_Factums_G0804
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53052/BCU_Factums_G0803.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Montauban (82121)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
actes de mariage
diffusion du factum
Faux
opinion publique
Protestants
Rapt de séduction
suspicion de bigamie
validité d'un mariage entre un homme et femme de confessions différentes
validité de mariage contestée pour minorité
vices de forme
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53053/BCU_Factums_G0804.pdf
7bab98375141e5b3d333b6a63ba26d8a
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REPLIQUE
POUR
Demoifelle
A n t o in e t t e -L o u ise A
n-
procé
dant fous l'autorité d’Antoine M augis, fon T u
teur ad hoc.
g e l iq u e
-C h a r l o t t e
C O N T R E
B
C
o m b e ll e s
d e
C
h a r le s
ess ie u r s
De
B om belles ,
r é d é r ic
M
a r ïe
Vicomte
-F
d e
r a n ç o is e
.
En préfence de Demoifelle
teffe d e B o m b e l l e s ,
M
- F
Demoifelle
&
a r v o is in
de
Cam p3
M a r th e
Vicom
,
tous les incidens bifarres que cette C aufe préfente, le
plus fingulier p eu t-être, le plus é to n n a n t, c ’eft que dans l e ,
;
A.
�prodigieux efpace de tems que nos Adverfaires y ont d o n n é ,
elle foit devenue beaucoup plus obfcure qu’auparavant ;
8c
qu’après fix A udiences em p loyées, s’il faut les en croire , à
nous répondre, la partie la plus eiïentielle de nos moyens foit
reilée fans rép on fe, que le véritable nœud de l’affaire, l’article
qui d ev o it, ce fem ble, mériter fu r-tou t leur a tten tio n , foit en
core à traiter de leur part.
V ou s vous le rappeliez, M e s s i e u r s , je l’avois réduite à.
deux points principaux. P e u t-o n , d oit-on préfum er qu’il y a
eu un premier m ariage? L e fécond m ariageeft-il valide? V o ilà
les deux queftions que je me fuis attaché à réfoudre dans la
«feule & unique A udience où j’ai eu l’honneur de vous entre
tenir. A llia n c e lég itim e, contra&ée par celle que je défends :
alliance a b u fiv c , contrariée par la D em oifelle de Carvoifin.
T e lle a été la divifion toute naturelle de m on prem ier P la i
doyer. J’ai prouvé que la nature & la raifon fe réuniifoient
pour confirm er les droits de l’u n e , com m e la Xuftice & les
L o ix pour proferire l’ufurpation de l’autre.
N o s Adverfaires ont affe£é d ’abord de publier q u ’ils fe c o n form eroient au m êm e plan , & il jette en effet plus de clarcc
dans la difcuffion. Mais ils l ’ont bientôt perdu de v u e , ou du
m o in s, ils ont jugé à propos de n’en rem plir qu'une partie. I l*
ont oublié qu’il s’agiffoit moins pour eux d ’attaquer, que de fe
défendre ; &
cette méprife inconcevable nous donne dès à
préfent un avantage qui ne vous eit certainem ent pas échappé.
T ou s leurs efforts fe fon t dirigés contre le premier m ariage.
I l n’y a pas un d’eux qui ait ofé prendre fur lui de juftifier le
fécond
& en le lailîant ainfi H l’éca rt, ce n’efl pas qu’ils aient
réellem ent dédaigné nos moyens d’abu s, ce n’eil pas qu’ils les
aient jugés infuffifans, ils en ont eux-m êm es fenti & reconnu
�*33
3
la force ; mais dans l’impuiiTance où ils fe trouvoient de les
détruire , ils ont mis en ufage un ilratagcmc un peu étrange ,
pour fe difpenfer même de les attaquen
* Vous avez entendu le Sieur de Bombelles & la Dame
Herinet, renvoyer a leur affociée la corvée pénible de les com
battre. On vous a hautement & pluiieurs fois annoncé que le
Défenfeur de la Demoifelle Carvoiiin briferoit, en fe jouant,
dans nos mains ces armes importunes dont on feignoit de méprifer l’éclat. Q u’en eft-il arrivé? La Demoifelle Carvoifin a
paru à. fon tour dans la lice , & ce qu’elle devoit faire, elle
a fuppofé qu'on l’avoit fait d’avance. Elle s’eft exeufée de ré
pondre aux moyens d’abus, fous le prétexte que fes prédéceffeurs ne lui avoient rien laifle à dire à ce fujet.
Cette fubtilité commode peut épargner des embarras, mais
elle n’eft pas propre à convaincre des Auditeurs éclairés. Tout
ce qu’il en réfulte, c’eil que la nullité du iecond mariage eit
démontrée & avouée même par nos Adverfaires.
Et en effet, toutes les irrégularités qui peuvent anéantir §
fuivant les L o ix , un a&e de cette nature, fe trouvent raflemblées dans celui-ci : abfence du propre Pafteur, faux domicile
prêté à l’une des Parties, mépris des formes juridiques, au
dace à enfreindre de foi-même un engagement antérieur donc
les Tribunaux feuls pouvoient prononcer la réfiliation. Il femble que le iieur de Bombelles, en cherchant h rompre les liens
qu’il avoit contra&és h. Montauban, ait fait en même tems tout
ce qui dépendoit de lui pour les affermir par la foibleife qu’il a
donnée h ceux qu’il eifayoit d’y fubilituer. Lui & fes adhérens,
par leur filence fur cet article, rendent donc un hommage forcé
aux vérités que nous vous avons préfentées.
En diminuant leur tâche, ils ont allégé la nôtre. Puifqu’ifc
A ij
�4
fe font bornés h nous oppofer des fins dé non-recevoir, nous
nous bornerons de notre côté à en établir l’illufion. Nousprouverons que la Dame & la Demoifelle de Bombelles font recevablcs à excipcr de la nullité d’un mariage qui fait tort à leurs
droits à toutes deux. Nous démontrerons qu’il y a eu un enga
gement férieux & effectif, confommé entre le Sieur de Bom
belles & la Demoifelle Camp. Nous ferons voir que la validité
& la réalité de cet engagement font juftifiées de toutes les ma
niérés qui peuvent aiTurer l’état des hommes, par lapoiTeiIion&
par les titres.
On a nié l’une, M e s s i e u r s , & l’on a feint de vouloir at
taquer les autres ; & c’eft encore ici la rufe que l’on a fubftituée
aux raifons, c’efl: l’adreiTe que l’on a mife en œuvre, au lieu de la
folidité des preuves.
D ’une part, pour rendre la pofleffion douteufe , pour don
ner lieu de croire que le mariage de la Demoifelle Camp n’avoit jamais été approuvé de la famille, ni reconnu publique
m ent, on a fait intervenir dans la Caufe une tante qui avoit
déjà joué un rôle peu honorable dans les préliminaires qui
l’ont néceiîitée. D e l’autre, pour affoiblir les titres que nous
étions en état de produire, mais dont, par des ménagemcns
particuliers, par des raifons faciles h pénétrer, nous nous étions
abftenus jufqu’ici de faire aucun ufage , on a traduit fur la fcene
un Curé de Bordeaux, de la main duquel cil émané un de ces
titres.
Ce Curé eft un corps de réferve, qui doit agir dansfon terns.
On r 'annonce avec appareil. Il doit , dit-on r s’infcrire en
faux. Il doit invoquer la rigueur des Loix contre l’abus qu’on
s’eft permis de faire de fon nom , contre le délit qui ofe imiter
fa fignature au poin t, comme il l’avoue dans fes lettres, de lui
faire illufion à lui-méme.
�I£ j
• Il y a loin , M
e ssie u r s
5
, des bords de là Garonne h ceux
de la Seine. Ce Curé pétulant pourroit bien ne pas fe croire^
obligé de tenir fervilemént la parole qu’il a donnée au fieur de
Bombelles.La chaleur qu’on luiprête ici pourroit fediffiper dans
le voyage ; & fi réellement il le f a it , s’il a la hardieiTe de paroître devant vous , il ne parlera peut-être pas plus du prétendu
faux, que laDemoifelle de Carvoiiin des moyens d’abus. Quand
il nous aura entendu, quand il aura vu briller enfin au grand
jour ces armes redoutables que nous voulions bien laiiTer dans
robfcurité , & que nos Adverfaires eux-mêmes ont eu l’impru
dence d’en faire fortir ; il n’y ajoutera pas celle d’en rendre la
vérification néceiTaire. L e cri de fa confcience l’emportera fur
la crainte qui l’anime aujourd’hui. Il tremblera de devenir , par
une dénégation trop facile à confondre, plus criminel aux yeux
de la L o i, qu’il ne peut jamais l’être par l’aveu pur & iimple de
la vérité.
Quoi qu’il en foie, à ces moyens puériles ,1e iieur de Bom belles en a joint d’autres qui n’ont pas plus de force. Il a eifayé
d’appuyer l’intervention de la Dame H ennet, & la menace de
l’infcription de faux, par des reproches fcandaleux , qui ren
d aien t l’une & l’autre moins révoltantes s’ils étoient fondés.
Vous vous rappeliez, M e s s i e u r s , de quelle maniéré il a ré
pondu aux égards , aux ménagemens que nous avons affe£tés
pour lui. En refufant un état à fa fille , il n’a ouvert la bouche
que pour en déshonorer la mere. Il ne lui efi: pas échappé un
toot qui ne foit une infultc , pas une phrafe qui ne contienne
une calomnie.
Il s'eft efforcé de dévouer à l’opprobre cette femme refpectable, dont il a fouillé lrinnocence, &c qui jouiroit e n c o r e d’une
gloire fans mélange ft elle n’avoit eu le malheur de le cro ire
*
�6
vertueux. Sédu&ions , intrigues, manœuvres de toutes les efpeces , complots coupables dans tous les genres ; il n’y a point
de délit dont il ne l’ait accufée ; point de maniéré de refroi
dir l’intérêt que fon infortune excite, qu’il n’ait mife en ufage.
Ces reproches au fond,M e s s ie u r s , ne doivent point influer
fur la Caufe, mais il eft cependant nécefiaire de les réfumer &
de les détruire. Tout ici tient à la délicatefle, à l’honneur. C ’eft
au nom de la vertu trompée, que la Demoifelle de Bombelles
demande la réhabilitation de fa mere & la iienne. Il eft donc
important pour elles, avant tout, de prouver combien cette
vertu leur a été chere. Il leur eft eifentiel de faire voir à qui
appartiennent ici les qualifications odicufes,iicruellem ent, ii
légèrement prodiguées du côté du iïeur de Bombelles.
Nous allons donc, avant to u t, difeuter les inculpations par
lefquelles il s’eft flatté de rendre fa premiere femme fufpe&c,
& de rejetter fur elle ce mépris public , cette indignation gé
nérale dont il avoue lui - même qu’il fe fent pourfuivi. Nous
écarterons enfuite l’intervention frivole de la Dame Hennet, &
nous finirons par un examen rapide des deux reifources qui
juilifient nos droits & notre efpérance, de cette polfeilion qu’on
nous difpute, de ces titres qu’on feint de vouloir nous enlever.
§1Rèponfe aux reproches faits a la Demoifelle Camp par le Sieur
de Bombelles, & c .
L e premier reproche que le fieur de Bombelles fait à la
Demoifelle Camp , c’eft d'avoir joué la comédie. Il n’ofe pas,
à la vérité , tout à fait la placer au rang de ces A&rices ambu
lantes , animées par le double attrait du gain & de l’indépen
dance f qui promenant de V ille en Ville leur art & leurs talens /
�7
en flétriflent trop fouvent l’éclat par le défordrc qui en accom
pagne le développement. Mais tout ce qu’il étoit poiîible d in -
finuer de méchant & d’infidieux , en parlant de cet amufemcnt
prétendu de la Demoifelle C am p, a été prodigué k l’Audience.
La réflexion a fait retrancher en partie cette calomnie cruelle
de l'imprimé. On y lit cependant encore, pag. 37 , en parlant
de deux perfonnes que le iieur de Bombelles n’aime pas, que
l’un cil Bernard Lacojle , fur le théâtre duquel mcntoit la D e
moifelle Camp. Qui ne p^endroit à ce mot le iieur Lacofte
pour un Dire&eur de t r o u p e & la Demoifelle Camp pour une
de fes gagiftes ?
Vous vous rappeliez , M e s s ie u r s , les détails avec lefquels
cette idée a été préfentée dans les plaidoiries. On vous a dit que
la Demoifelle Camp, chargée de jouer un rôle, avoit cru trouver
dans le iieur de Bombelles un inftituteur propre h lui donner
le goût de la déclamation ; qu’elle l’avoit prié de vouloir bien
être fon guide dans ce jeu délicat, où il eft ii facile de laiiïer
pénétrer dans le cœur les fentimens que la bouche exprime^
On vous a affirmé que cette propofition étoit le fruit d’un ar
tifice profond , & que le deifein de l’écoliere, en montrant
tant de docilité , étoit de parvenir, comme elle y a réuili,
a-t-on d it, à captiver fon maître. On a été juiqu’à vous nom
mer le drame qui avoit donné occafion à un manege fi adroit,
fi bien concerté. Qui oferoit, après des détails fi précis, fe dé
fier de la vérité du fait qu’ils confirment?
Cependant, M e s s i e u r s , il n’y a pas un mot de vrai dans
tout ce récit. N on feulement la Demoifelle Camp n’a jamais
pris de rôle dans aucune de ces fociétés, devenues fi fréquentes
aujourd’hui,peut-être au détriment des mœurs ; non-feulement
elle n 'a jamais paru dans aucune de ces repréfentations bour-
�m
\
8
gcoifcs qui font les délices de tant de jeunes gens , même dans
lçs grandes V illes, où la perfection des théâtres devroit, ce fein»ble,dégoûter de ce plaifir difpendieux «Sc pénible : mais iî n’y a
jamais eu de fociété de ce genre formée h Montauban pen
dant le féjour qu’y a fait le ficur de Bombelles. Je vais yous en.
donner la preuve.
Certificat de M . le Premier Préfident de la Cour des Aydes &
Finances de Montauban.
Amable-.Gabriel-Louis-François de Malartie , C hevalier , Com te de
M ontricoux , certifions à qui il appartiendra , que Dam e Marthç
Ç a m p , VicomteiTe de Bom belles, a toujours joui avant & depuis l’an*
née 1 7 66 , époque de Ton m ariage, d’une réputation inta& e; q u il eji
fa u x qu'elle ait jamais jo u é la comédie. En foi de q u o i, & c . Fait à Mon
tauban le 6 Juin 1 7 7 1 . S ig n é, M a l a r t i e d e M o n t r i c o u x ,
Lettre de M . de la Mothe 3 Chevalier de l'Ordre Royal &
Militaire de Saint Louis , à M . Linguet.
Montauban ce 7 Juin 1 7 7 1 .
Il s’eft répandu i c i , M onfieur, des bruits fi injurieux fur le compte
de Madame de Bombelles & fur les maifons qui l’ont reçue , que je ne
dois pas v o u s laifler ignorer la faufieté de tout ce qui s’en eft dit. Ces
mauvais propos ne peuvent venir que de M. de Bombelles.
Mademoifelle Camp a toujours paiTé pour une perfonne de bonnes
piœurs ÔC de très-bonne conduite ; elle n'a jamais donné dans aucun
fpcclacle yni penfc à jouer la cojnedit; elle a toujours fréquenté de fort
honnêtes gens. M. de Bombelles la v it pour la premiere fois chez Ma
dame de L efcu re, femme du Procureur du R o i au Bureau des Finances
de cette V ille , Chevalier de Saint Louis ; il la v it enfuite dans de fort
bonnes maifons de gros Com m erçans, au Fauxbourgde Villebourbon,'
qui a toujours été fon lieu d’habitation: enfin, M. de Bombelles époufe
cçîte jeune perfonne} 8i la prefenta dans toutes les maifons comme
Madame
�9
Madame de Bombelles fa femme ; & le jour qu’il l’apréfenta à Madame
de la M o th e , j’avois grande aflemblée chez moi ; il lui dit : Voilà Ma
dame deBom belles ma f e m m e ..............................
J’ai l’honneur, & c . Signé, L a M o t h e , C h evalier de l’Ordre M ili
taire de Saint Louis.
Lettre de M . de la Cofle , à M . Linguet.
Plufieurs perfonnes m’ont a ffu ré , M onfieur, que l’A v o c a t de M. de
Bombelles avo it avancé en pîeine Audience les plus grandes infamies
contre moi &c ma famille. Je n’ en ferois pas du tout affe&é ii cela s’éto it p a fle ic i; la V ille entiere auroit pris mon parti. £ïous nous connoiffons tous dans les petits endroits, & cent cinquante ans & plus
d’ une roture honorable dans le commerce en g r o s , fans interruption &c
•fans la moindre ta c h e , feroient y o ir combien cette roture eft préférable
& infiniment au-deffus d’une nobleffe qui eft affez lâche pour s’avilir
par des calomnies atroces & des m enfonges, les uns 8c les autres ii
aifés à détruire. C ’ eil être bien m a l-ad ro it, pour défendre une Caufe
tléfefpérée au Tribunal de l’honneur, que d’em ployer de fi indignes
m oyens , & qui ne peuvent pas foutenir la plus petite information.
Perm ettez cette courte réflexio n , qu’il feroit inutile d’étendre avec
v o u s , M o n f i e u r ........................• .
Je me bornerai à vou s dire que '
j’ai v u quelquefois chez moi M. de Bom belles, mais pas fréquemment ;
c’étoit chez ma mere , v e u v e très-refpe&able, âgée alors de près de
quatre-vingt ans, demeurant dans la maifon paternelle affez éloignée
de la mienne , viva n t avec fes trois filles, mes fœ u rs, qui n’étoient
plus jeunes, que fe rendoit prefque tous les jours M. de Bom belles,
& ou il v o y o it Mademoifelle Camp : la Com pagnie étoit ordinaire
ment nom breufe, &c toujours dans la Chambre de ma m ere, d’où
elle ne fortoit jamais. O n cite ma m ere, croyez-en mon affertion que
tous les habitans de cette V ille attefteroient avec plaifir ; on cite ma
mere , dis-je , comme un exemple de toutes les vertus fo c ia lc s ,& furtout de celles qui. ont trait à 1’,honneur, à la mofleftie & à la plus féyerc décence; mes fœurs en ont h é r ité ,& foutiennent ces qualités par
13
�••*•»
10
la meilleure éducation. Q u elle apparence , d’après ces vérités dont il
m’eft bien permis de m’honorer & qu’il feroit très-facile de p ro u v e r ,
j
que Mademoifelle de Camp ait pu être fubornée dans une maifon fi ref-
j
pedable ! C ’eft de ces horreurs que les honnêtes gens n’imaginent pas.
j
Je permis à mon fils & à ma fille de repréfenter chc{ moi, avec leurs amis
j
& amies, quelques pieces de théâtre des plus décentes & des plus châtiées ;
|
la premiere repréfentation ,par Andromaque ,fu t le 21 Avril 1768. Rap-
I
prochez cette date de celle du dernier départ de M . de Bombelles ,
r
v o u s verrez s’il s’eft trou vé à nos comédies de fociété. Il ne s’en cil
. !
pas joué ici ailleurs que chez m o i, depuis qu’on donna quelques repré-
|
ientàtions chez M. de la C o r é e , Intendant de cette V ille ; Madame de
Bombelles ne repréfenta pas plus che{ M. de la Corée que che{ moi. E lle
[
• n'a jamais mis les pieds fu r les planches pour y jouer aucun rôle. Elle ne
!
v in t chez m o i, comme fpeûatrice , qu’aux premieres repréfentations»
A yan t appris dans ce tems que M. de Bombelles a vo it jété mis au Fortl’E v ê q u e , elle renonça
à toutes fortes de fociétés , & o n ne la vit plus abfo'
lument autre part que che[ elle. Le jour qu’on donna Zaïre chez m o i, le
3 Décem bre 1768 , M. de G o u rg u e , Intendant de cette G énéralité, y
aifiita; c’étoit Mademoifelle R a u ly qui rempliffoit le rôle de Zaïre.
Eft-il poffible qu’aux plus infignes menfonges on ajoute encore le
Iranfport des tems & des perfonnes ? ..........
J’ai l’honneur , ôcc. Signé , B. l a C o s t e .
A
Montauban le 6 Juin \yyx.
Je ne fais point de réflexions, M
, fur ces notices
i
accablantes pour le fieur de Bombelles ; mais s’il ne peut
les démentir, je lui demande à lui-m êm e quelle idée on
doit fe former de fa ftncérité , & quelle confiance on doit à
' j
e s sie u r s
1 audace avec laquelle il rejette comme des impoilures toutes
les pieces dont il redoute l’effet.
Û n autre reproche ou il n a pas ete plus vérid iq u e, ni moins
im prud ent, c’eit celui qu’il a mis dans la b ou ch e de la D am e
|
j
�n
m
i
Hennet, & qui a dû certainement faire fur vous une certaine
impreiiion , parce que d’une part il eft grave ; que de l’autre il
tombe fur une des principales pieces que nous avons em
ployées dans notre défenfe ; & , qu’en troifieme lieu , vous ne
pouviez pas être en garde contre la hardieife avec laquelle on
a ofé le dénaturer.
*
J’avois parlé du teftament du (leur de Bombelles, dans lequel
il déiigne à chaque phrafe la Demoifelle C am p, par le nom de
fa chcre époufc. Je l’ai cité^ non pas comme une piece dont on
pût jamais faire ufage pour s’approprier la fucceflion du teftateur, mais comme une preuve de la vérité qu’il nie aujour
d’hui, comme une reconnoiffance authentique de la réalité de
ce mariage qu’il s’efforce de dégrader. J’en ai produit une ex
pédition (ignée du (leur de Bombelles. Je l’ai mife fous vos yeux
a la premiere Audience : je vous ai fait obferver quelle portoit
non-feulement fon n om , mais fon cachet & le fceau de fes
armés , imprimées avec le plus grand appareil. Il étoit préfent ;
il n’a pu méconnoître ce monument de la tendrefle qui l’animoit dans des tems plus heureux, & d’une paillon qui ne lui
infpiroit alors que des deiirs honnêtes. Il n’a pu fe tromper
fur la voie par laquelle elle nous étoit parvenue, ni oublier à
qui nous en étions redevables.
Quelle a été ma furprife, M e s s i e u r s , quand j’ai entendu
inculper avec véhémence la Demoifelle Camp à cette occafio n , & fon mari lui faire un crime de ce qu’elle avoit fon
teftament en fa poffefllon ! Q uel a été mon étonnement, quand
on l’a accufée devant vous d’avoir violé , pour fe le procurer,
le dépôt d’un Officier public, de l’en avoir fouftraitclandeftineH^nt, ou arraché avec un éclat coupable ; d’avoir ou trompé
ou corrompu l’homme intégré à qui il avoit été confié 1 &
’
B ij
�c’eft le iîeur de Bombelles qui fe permet ces indignes décîa**
mations !
Pour le confondre, il ne faut que repréfenter la piece. Nonfeulement, M e s s i e u r s , ce n’efl: point l’original, ni une ex
pédition furprife en fraude, à la vigilance d’un Officier qui fe
,foit laiffé ou tromper ou écarter des devoirs de fon miniiîere ;
non-feulement ceii’eil qu’ une copie j non-feulement cette copie
cft expédiée, délivrée delà main du iieur de Bombelles lui-même;
m ais,comme ii la Providence, prévoyant dès-lors l’excès d'au
dace auquel il fe livreroit un jour à cette occaiion, avoit voulu
ménager à fa déplorable époufe un moyen fûr pour le couvrir
de honte, elle a difpofé les choies de maniéré qu’il y a configné
lui-même la preuve qu’elle pouvoit fe trouver innocemment
hors l’Etude du Notaire. Voici ce qu’on lit au dos, écrit de fa
main : ( Copie du tejlament que j'a i dêpofé che?L M . Plancadc,
Notaire Royal à Montauban 3 le 5 A v ril iy 66 . Signé y
B
o m belles.
)
C ’efl cette copie, M e s s i e u r s , que lui-même a remife dans
le tems à la Demoifelle C am p , pour aiTurer fon état, fur la
quelle i l vient aujourd’hui feindre fi groffiérement de fe mé
prendre , fans fonger qu’une impofture confondue eft plus
nuifible encore à fon inventeur qu’à fa viftime.
Voici quelque chofe de plus férieux. Dans le Mémoire à
confulter, du 12 Novembre 1771, dans ces repréfailles que la
néceifité a arrachées à la vertu gémiffante, à l’honneur défefpéré, on rend compte avec franchife de ce qui a précédé &
même motivé, le mariage dont nous foutenons ici la validité.
O11 avance que la famille de la Demoifelle Camp a cru le fxeur
de Bombelles Proteftant ; &c que, par une confiance bien mal
placée, on a penfé devoir faire ufage pour l’enchaîner, des
�* '■'t4&
13
noeuds confacrés par cette Religion, dont il affe&oit de devenir
l’enfant adoptif.
C ’e ft, fi on l’en croit, une calomnie affreufe.Il paroît péné
tré d’horreur & d’inquiétude fur le feul foupçon de cette apoftaiie. O n le croiroit animé du zele le plus pur pour la vraie
Religion; & dans l’efpérance apparemment de prouver mieux
fpn éloignement pour un culte proferit, il s’ell permis d’en
traiter les Miniftres & les Seftateurs avec un emportement,.
une fureur capables d’indigner la vraie charité , & de fcandalifer la dévotion même la plus outrée. 11 dénonce en confé- ‘
quence la Demoifelle Camp comme une calomniatrice achar
née qui le compromet de gaieté de cœ ur, comme une femme
irritée qui fe livre aux machinations les plus odieufes pour
fatisfaire fa vengeance.
Q ue ces cris, que ces déclamations lui conviennent peu !
Q u ’il auroit été plus prudent à lui d’obferver le filence fur cet
endroit délicat du Mémoire à confulter 1 Qui fait mieux que
lui combien les faits en font exacts, & avec quel fcrupule la
vérité en a été pefée ?
O u i, M e s s i e u r s , j’ai ici la preuve dans ma main de tout
ce qui y eft avancé, & fur-tout de cette affe&ation d’apoftafie,
par laquelle le iieur de Bombelles eft parvenu à éblouir des
parens trop crédules, à féduire une fille trop confiante, à abufèr une Ville entiere, où une trifte néceflité a familiarifé les efprits avec des contrafles que nos yeux fupporteroient diffici
lement dans cette capitale, avec de certains déguifemens que
la Religion tolere, que l’honneur ne condamne p a s ,& que le
befoin exciife. Je la tire d’une information juridique où cin
quante témoins ont été entendus d'ans'toutes les réglés de lx
procédure, par le C h ef de la SénéchaufTée de Montaubaru.
�* *
i4
, que je ne m etois pas encore per
O b fervez, M e s s i e u r s
mis d’en faire ufage. Je m’étois impofé des ménagemens fans
nombre pour ce malheureux jeune homme, & fur-tout une
réticence abfolue fur cette piece redoutable. Je la lui avois
laifle entrevoir dans mon premier Plaidoyer; mais, en même
tems, je l’avois engagé , conjuré en quelque forte de ne pas
me forcer à m’en fervir. Il l’a voulu. C ’eft lui le premier qui a
ofé vous l’indiquer, & qui m’a fait par-là un funefte devoir
de la mettre fous vos yeux. Q u ’il ne s’enprenne donc qu’à
lui-même de l’effet cruel qu’elle va peut-être produire. Q u ’il
n’accufe que lui-même des plaies que vont lui faire des armes
qu’il nous a mifes à la main, quand nous la reculions, de peur
d’être forcés de les faiiîr, & d’en faire ufage.
Dcmoifellc Marthe Carrejóles :
D é p o s e , qu’il y a environ cinq ans &
demi , avant qu’il fut
queiîion du mariage du fieur de Bombelles avec la D em oifelle C am p ,
&c ledit fieur de Bombelles étant en v o y a g e avec le fieur Samuel D u
mas , la Dépofante & la Dam e fa mere , ledit Jîeur de Bombelles leur dit
vivre intérieurement dans la religion protejfante , mais qu’à caufe de f a croix,
qu'il indiqaoit avet la main , il allait à la rnejje.
Dame Sufanne Dunions , époufe du jîeur Jean Lefcure :
D é p o s e . . . . que le fieur de Bombelles a dit plufieurs fois
à elle D é-
pofa!>te, chez le fieur fon pere, qu/V vivoit intérieurement dans la religion
protejlante, que çétoit celle de fe s peres ; &c qu’il dit même un jour à la
D épofante, q u 'il yenoit D ’EXHORTER SA B o R D l E R E ( i ) , q u i yenoit de
dueder dans ladite religion,
Demoifelle Marie Dumons, fille au fieur Gérard Dumons ;
DÉPOSE , que le fieur de Bombelles lui a plufieurs fois déclaré q u ’//
vivpic dans la religion protejlante ; 6c dans une occafion , qu7/ yenoit
(0 Mitaÿçre, Fermière,
i
�M
D'EXHORTER SA BORDIERE , qui venolt de décédsr dans la religion protejlante.
D lle. Emilie Plantier, fille au fieur François Plantier, Officier Suijfe:
D é p o s e , qu’étant à la campagne de la Dam e D elon, le fieur de Bom-
belles, qui avoit dîné dans le même lieu, vint vo ir la Dame D elon, & que
ledit fieur de Bombelles dans la converfation particulière avec la D ép ofante, lui dit qu’/7 vivoit intérieurement dans la religion prétendue réformée,
qui étôit la religion de fon pere ; mais qu'à caufe de fon emploi & de la croix
dont il étoit décoré, il alloit à la rnejfe une fois l'an.
Le Jteur Daniel Dumas 3 Négociant :
D é p o s e , qu’étant avec les Dames C o rre jo lè s, mere & fille , & le
fieur de Bombelles en converfation, ledit fieur de Bombelles leur dit
qu’/Vproftffoit intérieurement la religion protejlante ; mais qu'étant Chevalier
de L'Ordre de S. Lazare, en portant la main à fa croix , il alloit quelquefois
fepréfenter aux églifes des catholiques. Q u ’un autre jour étant allé avec
ledit fieur de Bombelles v o ir le moulin du fieur Mariette qui n’étoit pas
fin i, après a vo ir examiné enfemble certaines pieces dudit m o u lin , ledit
fieur Bombelles lui répéta qu ’/7 ¿toit vraiment protejlant, quoiqu'ilf it audehors les acles de catholique romain, & c .
MeJJire François de Beaudeau , Lieutenant-Colonel d'infanterie, &c.
D é p o s e ..................de plus que le fieur de Bom belles, pour obtenir
la D em oifelle Camp en m ariage, a déclaré être protejlant ; le D épofant
l ’ayant raillé & badiné fur fon peu de religion , ledit fieur de Bombelles
a toujours paru très-embarrafle.
Françoife Gailhard, époufe de Guillaume M oulis:
D é p o s e ................. que ledit fieur de Bombelles ajjîjloit régulièrement
aux lectures qui fe faifoient de la bible 6* autres livres de piété che£ ledit fleur
Camp ; qu’il a dit à la dépofante, dans certaines occafions: où eft-ce
qu’elle alloit ? que lui répliquant qu’elle alloit à la m e fle , ledit fieur
de Bombelles lui difoit: qu’eft-ce qu’elle y alloit faire? qu’elle,lui ayant
répondu qu’elle alloit y faire ce que lui fieur de Bombelles y faifoit
lui-m em e, celui-ci lui a dit dans lefdites occafions, qu’i7«|y
PLUS.
a l l o it
Demoijllle Marthe Dumons:
D é p o s e , , , , qu’il y a enYJron fix ans, & avant k mariage dudit
�16
fieur de B om bellesavec laD em o ifelle C a m p , dans le tems de la m o i£
fon , ledit fieur d eB om bellesd it à la D épofante , & à ceux de fa maifo n , qu ’/7 étoit p r o ttfa n t, mais qu'il ne pouvoit pas le faire paroîtrt, craintc
de perdre la penjion def a croix ; qu'il pria la fam ille de la Dépofante de lui
prêter des livres protejlans ; qu'il dit même cheç la Dépofante qu’il venait
d
' EXHORTER LA FEMME du nommé Duron, Jon Bordier, qui venoit d'ex
pirer dans la religion protejlante, qu’il a vo it môme été détourné par un
catholique romain qui étoit furvenu.
M effîn de Viço^e de la Cour :
D é p o s e ................. qu’il fe rappelle encore que ledit fieur de Bom-
belleslu i confia un jour, qu'ayant mûrement étudié les deux religions catho
lique & proteflante, il étoit réellement convaincu que çette derniere étoit la
meilleure ; qu'il étoit D E C I D E A LA PROFESSER TOUTE SA V I E .
Telles font, M e s s ie u r s , les voix qui s’élevent contre le
fieur de Bombelles. Telles font les effrayantes vérités dont
nous aurions voulu lui faire grâce. Comment eft-il poffible
qu’il fe foit aveuglé au point de méconnoître nos égards, &
de nous réduire à rompre un filence fi précieux pour lui ?
Il eft vrai qu’il s’efl: flatté, en s’expofant au rifque de voir cette
enquête devenir publique, d’en affoiblir, non pas l’impreflion,
mais l’effet judiciaire, en la fuppofant contraire aux formes.
Il a prétendu qu’elle étoit défendue par la Loi. Il a cité l’arti
cle de l’Ordonnance de 16 6 7 , qui abroge les examens à fu
tu r, & s’eit efforcé de le diriger contre l’information qu’il feignoit de braver.
J’examinerai ailleurs, M
e s sie u r s
, ce fubterfuge. Je vous
ferai voir que cet. article de la Loi n’a aucune forte d’applica
tion ici. Mais quand il feroit vrai qu’en effet ces témoins en
tendus par le Juge en vertu d’une Ordonnance en réglé , ne
pourroient arracher de vous une condamnation rigoureufe »
ni
�17
‘
ni faire punir comme apoftat l’homme vil que leurs déposi
tions çlémafquent, ces déportions infufîifantes aux yeux de
la L o i, ne le feroient pas à ceux de l’honneur. Les faits qu’elles
confiaient n’en feroient pas moins des faits démontrés pour
tous les cœurs fufceptibles de quelque délicatefTc. Il n’en feroit pas moins prouvé que la foi de la Demoifelle Camp a été
furprife par une affeftation hypocrite, & que fes parens ont
ete abufés par un attachement impofteur pour un culte qu’ils
ont le malheur de regarde? comme le feul vrai. C ’en eft aifez
fans doute , foit pour exeufer leurs démarches lors du fatal
mariage, foit pour juftifier les aveux du Mémoire à confulter;
Il n’étoit queftion alors, ni même ic i, du châtiment que
peut meriter un homme capable de faire fervir une piété frauduleufe a raccompliflement de fes defirs effrénés. Il ne s’agiffo it, il ne s’agit encore, que d’examiner Ci la famille de la D e
moifelle Camp a pu croire, en la livrant à ce terrible Catho
lique , 1 unir à un homme fincere que l ’a m o u r ramenoit à une
croyance familiere dans fa maifon ; car il n’eft plus tems de le
difTimuler, M e s s i e u r s , le fieur de Bombelles pere avoit été
marié deux fois. Sa premiere femme étoit une Proteftante ,
nee & morte à Montauban. Il ne devoit donc pas fembler fi
extraordinaire que le fils imitât le procédé de fon pere; & l’ap
parence de fon abjuration, toute facrilége qu’elle auroit pu paroître à des yeux éclairés de la vraie fo i, pouvoit éblouir des
efprits malades, à qui les circonftances ne laifToient le tems ni
de 1 examen ni d elà réflexion.
Ce n’eft donc point par malignité que la Demoifelle
Camp a fait faire cette enquête. Ce n’eft point par le d e iïr de
fe conformer fervilement à fa pafTion qu’un des faits qui y font
configneS a ¿té produit dans le Mémoire à confulter : ce n’eft
C
^
�' Ai
18
point encore par ce motif odieux quelle reparoît ic i, c’eft
u n iq u e m e n t par le befoin de rendre hommage à une vérité
dont l’i m p r u d e n c e du fieur de Bombelles a rendu la m a n ife ftation indifpenfable.
Après avoir ainfi difcuté & détruit les trois principaux griefs,
que dirai-je, M e s s i e u r s , des autres qu’il a hafardés avec au
tant de hardiefle, & encore plus de légéreté ! Q ue répondrai-je,
par exemple , à ce reproche, de l’avoir calomnié fur l’article
de fes dettes, fur fa facilité à les contra&er, 8c fa négligence à
les éteindre ; d’avoir eu l’indignité de lui fuppofer de fauffes
lettres de change, & un dérangement total dans fes
d’avoir effayé par-là de lui enlever fes protégions 2c
dit ? M a réponfe fera encore bien fimple. C e fera
duire les lettres que l’on écrivoit ù la Demoifelle
affaires ;
fon cré
de pro
Cam p,
comme à l'époufe de ce Débiteur fu gitif, & les aveux
naïfs que faifoient fes parens & fes amis, du défordre où ils ie
voyoient plongé.
M
a d a m e
,
La cruelle fituation où vo u s met la conduite de M. de Bombelles ,
nie touche jufqu’au fond du cœur. Je ne faurois deviner le m o tif d’un
fi étrange filen ce, fur-tout après la promeffe qu’il m’a v o it faite , 6c
l’air pénétré dont je crus m’appercevoir en lui lifant v o tre lettre. Sans
chercher
le juftifier d’un procédé fi condam nable, je ferois tenté d’en
attribuer ,1a caufe à quelques petits dirangemens dans fes affaires , qu'il
n d peut-etre oje vous confier, dans la crainte d’augmenter v o s cha
grins , plutôt qu’à une indifférence qui ne peut fuccéder fi vîte au ten•
dre amour que vo u s lui aviez in fp iré , & à l’eftime qu’il ne fauroit
v o u s reftifer. •
•
•
•
.
Mais quand il auroit des torts aufïi réels
que vous le craign ez, vo u s devez etre affurcc de le ramener
à fespre^
�*9
miers devoirs par cette aimable douceur qxii l’avoit it bien captivé,'
£c plus encore par vo tre ve rtu qui a toujours des droits fur les coeurs
les moins acceifibles........................
J’ai l’honneur d’être , Sec. Signé, CoNSTANS,
L ille , ce 31 Mars tj6 8 .
Lille y.le 18 A vril ty S 8%
M A
d a me
;
\
V o u s ferez fans doute fort furprife de recevoir une lettre d’ un in
connu. J’ofe vous certifier que ce n’eft qu’avec le plus grand regret du
inonde que je me détermine à vous é c rire , pour vous demanderf l x louis
d ’or que j'a i prêtés il y a quatre à cinq mois à M . votre époux, lorsqu'il
tomba affeç dangereufement malade; i l Tri avait promis de me les remettre
fous quinze jours, mais vraifemblabument il m'a oublié, puifqu’il eil parti
fur un congé de fix femaines, fans me les a vo ir donnés ôc fans me rien
dire. L’incertitude oii je fuis de favoir où prendre M. vo tre m ari, 8c
le befoin urgent que j’ai de cette fom m e, m’o b lig e , malgré m o i, à
avoir recours à vous, pour vou s prier d’a vo ir la bonté de me rendre le
fervice de me la faire paffer le plutôt que vou s le p o u rre z, ôcc.
Signé, J a u v e ll e , Capitaine au Régiment de Piémont,
M
a d a m e
,
J’ai l’honneur de vous informer qu'il m'ejl dû par M. le 'Baron de
Bombelles, Officier au Régiment de Piémont , la fomme de 420 livres. M . de
Bombelles m'a donné une lettre de change de 800 livres , qu il a tirée fur
M . Gurijfon , Négociant à Bordeaux , de pareille fomme , le 12 du mois de
'Mars, payable au S d'Avril ; elle a été envoyée 6*proteflée, avec réponfe que
l'on n'avait pas de fon ds, & que l'on ne connoijfoit pas le tireur de la lettre
de change qui m'a. été renvoyée
dont ¿ai été obligé de rembourfer les
irais fur le champ. Il y a grande apparence que M . de Bombelles s'ejl
fervi de cettefubtilité pour trouver le moyen de partir troisjours après qu'il eut
c 1;
. _
�iy>
xo
fa it cette lettre de change , quoiqu’il ni avoit promis, parole d’honneur, qu'il
ne partiroit pas avant que cette lettre ne foitpayée3 d'autant que je devois lui
remettre le furplus de l'argent qu'il avoit befoin pour fon voyage. V oilà
com m e il m ’a a m u fé , & c . Signé, D e f o n t a i n e .
16 Mai 1768.
L ille , 13 Janvier 17 Î9 .
M a d a m e ,
Je prends la liberté de vous é crire , pour vo u s prier de vouloir bien me
faire tenir l'argent de la. dépenfe que M. le Baron a fait che£ moi. Je vous fais
part que pendant fon abfence j’ai pris fes intérêts , je lui ai fait gagner
500 liv re s , que Meilleurs de la V ille de Lille ont jugé en nia faveur
pour fon profit. La lettre de change de 1200 liv . n’a été rem bourfce
que ce qu’il avoit reçu , vous obligerez infiniment. Il m’a fallu mettre
en gage tout ce que jep ofled e , me réduire à la derniere mifere. Infor
m ez-vous de fon dom eilique comme j’ai agi pour Monfieur ; j’ai délivré
fon billet au Commandant de la citadelle. J’ai l’honneur, &cc. Signé,
G e r m a i n , Cuifiner à la citadelle de Lille.
M a chere Sœur,
............................................... V ous me marquez que vous ne recevez
aucune lettre de mon frere pour moi ; je n'entends plus parler de lui
comme s’il n’étoit pas au monde. Je voudrois bien favoir s’il efl toujours
enfermé ; je fu is perfuadée qu'il nefa it plus ou donner de la tête. Je le regrette
de tout mon cœ u r, je voudrois p ouvoir lui rendre fervice..................
Je fuis tcu te à v o u s , v o tre affeftionnée fœ ur S a i n t e - D o r o t h é e
B om belles.
Vous v o y e z , M e s s i e u r s , que la Demoifelle Camp n’a
rien avancé de trop, qu’elle n’a dit c[ue ce qui étoit nécciTaire
à fa Caufe, & ce qu’elle étoit malheureufement en état de juf"
tifier.
*
M a is, s’écrie encore le mari perfide qui l’outrage , & qui ,
�iSt
21
'
dans fa fureur, confond tous les objets, elle a cherché à foulever l’Europe entiere contre moi dans l’unique defïeiii de me
déshonorer fans qu’il y eût de Caufe engagée, fans que rien pût
fervir de prétexte à cette incurfion; elle a publié, pour me per
dre , un libelle affreux, fous le nom de Mémoire à confulter.
Profitant de la fermentation univerfelle qu’a produite cet écrit
empoifonné, elle s’eft liguée avec les Chefs d’une Maifon cé
lébré , où a été élevée mc^n enfance. Ceux-ci oubliant leur de
voir , la décence , les égards qu’ils devoient au Public, à mon
nom , à eux-mêmes , à la vérité, font devenus mes ennemis
irréconciliables par une funeite complaifance pour cette femme
intriguante. Une lettre a paru, qui me retranche du Corps
auquel ma conduite ne pouvoit faire qu’honneur, & qui a
porté un coup mortel à ma réputation. Elle me livre à une
forte d’excommunication publique, elle m’a rendu la fable &
l’opprobre de la Société. L ’effet de cette rufe infernale eft telle
q u e, même en gagnant ma C a u fe, je n’en ferois pas moins
perdu, & que fi je ne la gagne pas, la mifere , la honte, le
défefpoir, font mon unique partage.
Je ne chercherai point, M
e ssie u r s
, à affoiblir cette pein
ture , qui n’eft réellement que trop fidelle ; mais je demande
rai à notre Adverfaire de quel droit il fe plaint de nous ? Le
Mémoire à confulter, dit-il, a été publié fans caufe. Eh quoi !
le fien, cet Imprimé du 25 Juin 1 7 7 !, qui peut être mis au rang
des monumens d’audace les plus finguliers & les plus incroya
bles, cet ouvrage où il ne parle delà D llc Camp que comme
d’un fantôme chimérique , évoqué du néant par fes ennemis,
° ù il ne préfente fon mariage avec elle, que comme une inven
tion miférable,defl:inée uniquement à troubler fon repos & fon
bonheur; cette produ£Hon de l’impoiture, où il affe£te le lan
�gage de -la vérité fçnfible & de l’innocence outragée , ne meritoit pas une réponfe ! La Demoifelle Camp eft criminelle d’a<>
voir ouvert la bouche pour fe défendre, dans un tems où
fon exiftence même étoit rejettée comme une infâme ca.lomnie 1 Elle a dû fe taire, dans le tems où on la défioit de
parler, & où l’on annonçoit qu’on regarderoit fon iilence f
comme la conviftion du crime de fes amis }
C ’eft à ce défi formel que la Demoifelle Camp a cru devoir
répondre, en attendant que les Tribunaux pulïent s’occuper
de fa réclamation ; elle a pris ? pour fe défendre, la même
voie que l’on avoit employée pour l’attaquer. Et c’eft l’obli
gation indifpenfable de repouffer cette injure , dont le (leur de
Bombelles ofe aujourd’hui lui faire un crime ! C ’eft parce
qu’elle ne s’eft pas biffée calomnier, qu’il s’efforce de la trayeftir en une infâme calomniatrice !
Mais que devoit-elle donc faire ? Q uoi ! relier dans l’inac
tion ? Attendre, pour préfenter fes larmes à la Juftice, que la
douleur en eût tari la fource ? Patienter dans Faviliflement &
l’indifférence ? Ne devoir qu’au mépris de la pitié, des fecours
eue fon innocence avoit droit d’exiger ? N ’ofer lever vers les
Tribunaux, qu’un front chargé d’ignominie? Abandonner k
fon Adverfaire tout le triomphe de la vertu ? Prendre fur elle
toute l’humiliation du crime ? Enfin, l.aifïer dépendre du tems
& des formes de la Juftice, une réparation tardive, dont fii
contenance, peut-être, l’auroit fait juger indigne?
N o n , M e s s i e u r s , elle n’a pas eu ce courage indiferet,
elle ne devoit pas l’avoir. Quand elle en aurait été capable
pour elle-meme, l’intérêt de fa fille lui défendoit de s’y livrer»
Il étoit trop important pour cette enfant, dont les pleurs & l ç
�13
défefpoir ont afîiégé le berceau, que la vérité fût connue fans
délai. Elle a donc brillé ; & fes rayons, on l’avoue, ont percé
le fieurj de Bombelles à jour. Le fends de fa conduite, une
fois con n u, la réclamation a été univerfelle.
Il a mis fa reffource dans des Loix rigoureufes, qui ne lui
offrent, comme vous le verrez bientôt, qu’un fupport incer
tain ; mais la Demoifelle Camp a mis la fienne dans une prote&ion plus honorable & plus fûre, dans l’honnêteté, clans
leftime publique. Elle ne ^ouvoit agir autrement, fans fe man
quer à elle-même, fans trahir fa fille. Elle n’a d’ailleurs em
ployé d’autres intrigues pour fe faire des Protefteurs, que
l’excès de fon infortune. C ’efl au fleur de Bombelles lai-même
qu’elle doit fes partifans.
. x
Si la lettre écrite par le Confeil de l’École M ilitaire, doit
faire placer dans ce nombre les Chefs de cette maifon refpectable ; fi l’Arrêt de ce Tribunal, plus redoutable peut-être pour
.un homme fenfible, que ceux où la Juftice apprécie les for
mes , & non pas les procédés, fait un violent préjugé en fa
faveur : ce n’eft pas à la furprife, aux intrigues qu’elle en eft
redevable. Je le déclare ici, M
e s sie u r s
,
& j’y fuis autorifé
par le Confeil même de l’Ecole. La Demoifelle Camp ne connoiffoit encore aucun des M em bres, elle n’en avoit vu au
cun : elle n’avoit ni parlé, ni fait parler à aucun quand cette
lettre a été écrite & envoyée. Elle a été le fruit libre, volon
taire , fpontané de l’indignation commune qui a faifi toutes
ces ames généreufes, en voyant un de leurs Eleves fe dégrader
ainfi lui-même, & s’avilir par un procédé dont perfonne ne
pouvoit mieux qu’elles, apprécier la noirceur.
V o u s fa v e z , M e s s i e u r s , fur quels principes on s’attache
«
�24
former cette pépiniere cîe Héros deiVnfs à devenir lin jour la
reflource de l’Etat & le rempart de la Patrie. L ’honneur , la
délicatefle la plus pure font fur-tput les objets qu’on leur ap
prend à refpecter. T out dans leur éducation eft fubordonné à
ces grands mobiles du vrai courage Sc du feul héroïfme au
quel des hommes doivent prétendre. O n leur apprend tout à
la fois les exercices du Guerrier Si les vertus du Citoyen : mais
çelles-ci ont toujours la préférence. Des mains, des cœurs ,
fignalés par l’habitude des uns & des autres , leur en rendent
la pratique facile. Cette jeunefle, élevée à l’ombre des lauriers
dont leurs Iniïituteurs font couverts , puifent dans leurs
exemples le defird’en cueillir bientôt de pareils. Ils apprennent
d’eux à chérir la gloire, & plus encore cette paix avec foimême, ce repos de l’ame, cette tranquillité intérieure produite
par la vertu , fans laquelle ce que nous appelions un grand
homme n’eft le plus fouvent qu’un homme dangereux.
Le premier foin du iîeur de Bombelles, en arrivant à Paris,
en 1767 , avoit été de rendre Tes hommages à fes anciens
Maîtres : ion cœur , encore innocent alors, 11e rougiffoit point
des modeles refpe&ables dont cette maifon eit remplie ; il n’avoit pas à craindre d’en être repouffé par l’air de pureté qu’on
y refpire. En les informant de fa fituation a£tuelle , il s’étoit
ouvert fur fon mariage avec la Demoifelle Camp. Il l’avoit
publié hautement avec une fatisfaftion qui annonçoit encore
l’ivreffe du bonheur & la franchife de la vérité. Je fuis de même
autorife, M
e ssie u r s
, à vous le plaider; j’en fuis avoué par
le Confeil de l’Ecole. Il n’y avoit donc perfonne qui n’y fût
informe de l union contra&ée par le fieur de Bombelles ¿1
Montauban , &r perfonne qui ne l’eût félicité, en apprenant de
lui
�u s
lui les qualités de fon époufe, les agrémens de fa figure, la
douceur de fon cara&ere, les charmes de fon efprit.
Jugez, M e s s i e u r s , quelle a dû être la furpfife de ces Juges
intégrés, quand, dans un premier Imprimé, ils ont vil le fieur
de Bombelles traiter lui-même de calomnie & d’impofture ces
aveux libres que fa bouche leur avoit fi fouvent faits ; Si quand
enfuite ils ont été convaincus, par la réclamation de l ’infortunée
ainfi trahie, que le fieur de Bombelles manquoit aux fermens
les plus facrés, que ce ma)i parjure, ce pere dénaturé fe jouoit
des nœuds que tous les autres hommes refpeûenr. -Honteux
d’une telle corruption dans un cœur forti de leurs mains, ils
ont fongé du moins à empêcher quelle ne devînt contagieufe,
8c à tirer de l’efpece de honte qu’elle pouvoit faire à l’Ecole ,
un préfervatif pour les autres Eleves qui auroient pu être un
jour tentés de l’imiter.
V oilà, M e s s i e u r s , ce qui a difté cette lettre que le fieur
de Bombelles ofe vous préfenter comme le fruit d’un complot
odieux tramé pour le perdre, ce monument à jamais mémo
rable de l’impartialité du Confeil de l’Ecole Militaire, &: delà
vigilance avec laquelle les Chefs qui le dirigent s’acquittent .des
fondions que le Roi a daigné leur confier. La Demoifelle
Camp y trouvoit fon avantage, parce que fa Caufe étoit inti
mement liée à celle de l’honneur & de la vertu. Le devoir Sc
l’inclination l’ont portée à les en remercier : l’accueil.qu’ils ont
cru devoir à fa beauté , à fes malheurs , lui a fait réitérer deux
ou trois fois cette marque de fa reconnoiffance. Voilà à quoi
fe réduifent ces liaifons, cette intimité que' le fieur de Bom
belles n’a pas balancé à fuppofer, pour rendre fon époufe dé
favorable , fans faire attention qu’il compromettoit une maifon
dont le nom feul exclut tout foupçon de manège, & à laquelle
D
�»
i6
il ne devroit jamais penfer qu’avec ce mouvement de refpe&
qu’éprouvent toutes les ames honnêtes qui en font forties.
J’ai répondu , je crois, M e s s i e u r s , à tous les griefs; j’ai
écarté tous ces reproches étrangers à la Caufe dont il ne l’a
chargée que dans l’efpérance de vous faire illufion , & de dé
rober à vos regards, au milieu de tant d’objets inutiles, celui qui
feul mérite votre attention, la réalité du premier mariage. Avant
que de l’examiner à fond, j’ai encore un mot à dire fur l’inter
vention -de la Dame Hennet. J’ai à faire évanouir ce fantôme
fans confiftance, que l’artifice a produit & que la malignité a
paru animer au moins pour un inftant.
Que veut-elle ? Que demande-t-elle ? Q u ’efpere-t-elle ?
Vengeance pour moi & juftice pour mon neveu. Vous l’avez
féduit, vous m’avez outragée ; vous avez fait de moi dans
votre libelle un portrait odieux : vous m’avez rendue ridicule
& haïffable: la Juftice doit réprimer des écarts de cette nature;
une pareille licence eft plus dangereufe que les travers même
que vous me reprochez.
J’avoue, M e s s i e u r s , que le portrait de la Dame Hennet,
qui fe trouve dans le Mémoire à confulter, du 1 2 Novembre
177 î ,n’eft pas à fon avantage ; mais avant que d’accufer la main
qui l’a tracé, qu’elle fe rappelle donc le perfonnage qu’elle
joue dans l’imprimé de fon neveu, & les déclarations faits ici
même, à cette Audience.
Q u ’y a-t-clle dit r>Q ue c’eft elle, & elle feule, qui a empêch’é
le mariage de la Demoifelle Camp d!’être ratifié ; qu’elle prcnoit fur elle les fuites de l’affaire & la honte qui en couvre
l’auteur ; que le fieur de Bombelles n’avoit rien fait que par (es
coiifeils ; quelle l’avouoit de tout : & en effet c’eft de fa main
�///
17
qu’il a reçu les lettres dont il excipe. C ’eft elle qui lui a procuré
des atteftations , des certificats qui femblent un peu le raffurer.
C ’eft elle qui éloigne de la Demoifelle Camp une de Tes bellesfœ urs, & qui n’ayant pas eu le même empire fur l’autre que
le Cloître dérobe à Tes follicitations, lui a voué une haine irré
conciliable. Et c’eft d’après un femblable procédé , qu’elle fe
plaint que la Demoifelle Camp l’injurie, en fe défendant des
infultes dont elle-même l’accable !
Q uoi ! par écrit & déV vive voix à cette A udience} vous
vous déclarez ma plus cruelle perfécutrice, 8c vous prétendez
que je vous honore ? Un caprice inconféquent vous infpire
contre moi une rage opiniâtre : vous bravez, pour me nuire,
le cri public : vous étouffez celui de votre confcience : vous
facrifiez l’honneur de votre neveu : vous confentez à partager
volontairement fon opprobre : & vous exigez que je vous
refpe&e ! Vous corrompez fon cœur pour le rendre parjure:
vous me cherchez des ennemis d a n s-fa famille : vous n’aviez
voulu entendre parler de lui ni de fes fœ urs, depuis la mort
de leur pere : vous nourriifiez pour eu x, & par une raifon
dont je vais rendre compte tout à l’heure, une averfion invin
cible en apparence ; cependant vous la faites céder au plaiiir
de le voir devenu méchant, dès que fa perverilté peut affurer
mon infortune. Vous lui tendez les bras, dès qu’il eft devenu
parjure, infidele , méconnoiiTant. Mes malheurs vous recon
cilient : & vous voulez que je vante votre bienfaifance, que
j’orne le tombeau, où vous allez defcendre, des éloges dus à
la générofité ! Mais pour perfuader que je vous ai calom
niée , ceffez donc de prouver par votre conduite, que ces
calomnies font des vérités néceffaires. Ah 1 il vous étiez
bonne, indulgente , véridique , amie de la vertu , ferois - je
infortunée ?
D ij
ùi
�Si votre demande, tendante à la réparation,eil illufoire, dé
mentie par les procédés même au moyen dtfquels vous
croyez la juftifier, que faut-il penfer de cette prétendue juftice
que vous follicitez en faveur d’un neveu q u i, comme vous le
déclarez vous-même , vous doit fes funeftes égaremens 1 D e
quel droit, à quel titre intervenez-vous ici pour lui? Etesvous fa tutrice, fa curatrice ? Avez-vous , pouvez-vous avoir
quelque qualité dans la Caufe ?
Vous vous accufez de l’avoir perverti : c’eil: un aveu qui
vous expofe à partager avec lui les rigueurs de la Juftice ; mais
ce n’eft pas un titre qui vous nutorife à le défendre, ni qui
puiffe donner du poids à fes foibles allégations. La Loi vous
exclud formellement de l’a&ion que vous intentez: elle vous
repouffe à l’inftant même où vous feignez d’implorer fon
pouvoir.
Mais mon alliance, fi l’on vous en croit, avec le fieur de
Bom belles, eft difproportionnée ; elle feroit la honte de fa
famille j & c’eft un des cas où les collatéraux font admis à faire
caffer un mariage, qu’ils feroient dans toute autre circonftance forcés de refpeûer.
D e la difproportion I Et où la trouvez-vous ? M . de Bom
belles a de la nobleffe, mais j’ai de la vertu. Il flétrit fa famille j
m o i, j’honore la mienne. Cette difproportion eft-elle fi défa
vorable ? S’il y a de la honte à la franchir, ce n’eft fans doute
que pour moi : mais d’ailleurs , de combien eft-il plus noble
que fon pere ? Celui-ci n’a pas cru déroger, en époufant en
premières noces une femme du même culte que m oi, & d’une
condition inférieure. Son union en a-t-elle été moins refpectée ? A-t-il trouvé dans fa famille une Madame Hennet, prête
à la combattre & à tout facrifier pour la faire anéantir ?
�2Q
r ' 'Vous vous êtes permis d’avilir l’homme refpe&able dont je
tiens la naiffance. Vous l’avez travefti en un Compagnon T ein
turier. Si votre ame étoit fufceptible de quelques remords,
vous lui en feriez aujourd’hui une réparation plus éclatante
que ne le pourroit être celle que vous prétendez. Auriez-vous
,ofé hafarder une pareille impofture devant nos Compatriotes,
juges naturels d’une imputation de cette efpece? Perfonne ne
fait mieux que vous, que il le goût de la médiocrité lui a fait
quitter de bonne heure urç commerce honnête , où fes parens
s?étoient diilingués comme lu i, il s’en eft retiré avec la confidération publique dont il jouit encore ; fucceffion précieufe ,
aiïurée à fes héritiers, & que vous ne tranfmettrez probable
ment jamais aux vôtres.
Des iiecles d’une roture utile & fignalée par des vertus, va
lent bien fans doute, comme vous le difoit tout-à-l’heure un
de ces Négocians que vous haiflez parce qu’ils nous connoiir
fent tous deux & nous rendent juftice, valent bien quelques
années d’une noble-île dégradée par des lâchetés & des par
jures.
. Comme collatérale, vous n’avez pas à vous plaindre d’une
alliance où ma famille court plus de rifque que la vôtre. Com
me (impie tante, vous n’avez rien à dire dans les affaires où
les qualités doivent être pefées autant que les raifons. Cette
tendreffe, dont vous vous enorgueilliffez , cette affeftation
d attachement pour votre neveu peut-elle fuppléer à des titres
que vous n’avez pas, & que vous n’avez jamais pu avoir?
Vous lui tenez lieu de pere, dites-vous. A h ! combien frémiroit l’auteur de fes jours , à ce langage cruel pour lui! Com
bien il rougiroit de fe voir ainfi remplacé 1 Avez-vous donc
oublié, avez-vous perdu de vue ce monument de fes der-
�3°
nîeres volontés, cet écrit où fa main mourante a coniîgné le
dernier fentiment qui ait rempli Ton cœur ? Ne vous fouvenezvous plus que dans Ton teflament il a paru ne rien tant redou
ter pour fes enfans, que de voir vous mêler en quelque chofe
de leurs affaires ? Voici ce qu’on y lit:
Le fieur de Bombelles pere, après avoir fait Tes difpofition s, ajoute :
« Sur-tout j e recommande que mon frère & ma fœur ne Je
» mêlent en rien de tout ce qui me regarde & mes enfans »>.
Il n’en faut pas davantage , M e s s i e u r s , pour écarter la
puérile intervention de la Dame H ennet, & pour juilifier ce
qui a été dit d’elle dans le Mémoire à confulter. Cet oracle domeilique eil un arrêt foudroyant, qui la condamne au iilence.
La nature & la Loi défèrent à un pere qui fe voit arraché par
la mort des bras de fes enfans le droit de choiiir les mains à
qui il veut confier leur foibleffe ; mais s’il a la nomination, il a
fans doute auffi l’exclufion. D ’après le teflament du fieur de
Bombelles pere, la Dame Hennet n’auroit pu avoir le nom de
tutrice auprès des enfans qu’il laiffoit ; elle ne peut donc pas
aujourd’hui en exercer les fonûions. Ses vains efforts ne doi
v e n t a rrê te r ni vos regards ni les nôtres. Portons-les donc fur
de plus grands objets. Examinons en détail ce mariage intéreffant, à la deilinée duquel une partie de la Nation croit voir
la fienne attachée,
§. 11.
Preuve de la, pojfejjlon d'état de la Demoifelle Camp,
Il cil bien étrange, fans doute, que ce foit au mari de la
Demoifelle Camp qu il faille prouver qu’elle eil mariée j il eil
étonnant que ce foit lui qui fe preiente pour dénier des fermens
�que fa bouche a proférés, & des faits dont il a lui-même été
le premier mobile. Encore s’il avoit fuivi par artifice le même
plan que les égards, les ménagemens nous ont fait adopter;
fi, au lieu de fe produire lui-même fur la lice, il n’y avoit laiffé
paroître que fa prétendue fécondé époufe, comme la Demoiielle Camp n’y a expofé que fa fille, alors la querelle étant
entre deux perfonnes étrangères l’une à l’autre , chacune des
combattantes auroit p u , ^ans rougir, nier des particularités
qu’elle auroit été cenfée ne pas connoître. Toutes deux auroient pu fans honte affe£ter une ignorance entiere du paiTé,
& exiger des démonftrations rigoureufes de tous les événement
auxquels elle auroit paru n’avoir pas eu de part direfté.
Mais que ce foit le fieur de Bombeiles qui vienne en perfonne montrer cet air novice & défintérefle ; qu’il feigne ic i, â
cette Audience, d’écouter ce que nous difons, avec un air de
curiofité & de furprife, comme fi c’étoient des chofes abfolument nouvelles pour lui ; qu’il affe£te d’en prendre des notes ,
comme s’il avoit befoin du fecours de l’écriture pourfe les rappeller, & q u e ce petit artifice dût l’aider à préparer fes réponfes, c’eft encore, M e s s i e u r s , un de ces incidens bifarres
qui, comme j’ai eu déjà l’honneur de vous le dire, diftinguent
cette Caufe de toutes celles qui l’ont précédée.
Q uoi qu’il en fo it, donnons-lui la fatisfaftion qu’il foühaite*
Procurons-lui le'plaifir d’entendre prouver géométriquement*
des faits qu’il connoît au moins auffi bien que nous. Dém on
trons que fa premiere femme a en fa faveur la pofTeiilon & les
titres.
Q u eft-ce que la poiTeiTion d’état ? D e l’aveu de nos A dverfaires , page 50 de leur Imprimé , elle conjijle dans l'opinion
publique j mais principalement dans l'opinion de ceux qui f ont
�< X L \
3l
obligés d'en prendra connoijjancc, & qui ont intérêt de ne pat
s'y méprendre. Si cette définition eft jufte, qui a jamais eu une
poiTeifion d’état plus confiante, moins problématique, que la
Demoifelle Camp ?
Q ui font les perfonnes obligées de prendre çonnoiflance de
l’état des Citoyens ? Ce f.n t fans doute les Chefs de l’Adminiftration, tant eccléfiaftique que civile. O r la Demoifelle Camp
vous préfente, M e s s i e u r s , fes atteftations en form e, éma
nées de ce que chaque forte de Magistrature a de plus refpectable. M. l’Evêque de Montauban, dans un Certificat du 7
Oitobre 1 7 7 1 , déclare que,
D ’après les inftru&ions que nous avons prifes fur la conduite de la
D em oifelle C a m p , elle a toujours j o u i , en qualité de fille , d’une
bonne rép u tatio n ; que depuis environ 1766 elle a été reconnue pour
Vépoufe de M. de Bombelles, & qu’elle a mérité l’eitime du P u b lic, & c .
D onné à M ontauban, le 7 O & obre 1 7 7 1 . Signé,d e B r e t e u i l , E vêq u e
de Montauban.
M . le Premier Préildent de la Cour des Aides & Finances
de Montauban certifie que
Dam e Marthe Camp , VicomteiTe de Bombelles, a toujours j o u i ,
avant & depuis l’année 17 66 , époque de f i n mariage, d’une réputation
intatte ; que la fagefle, de fa conduite & l’auftérité de Tes moeurs lui
ont mérité l’eitime publique, & c . Fait
Signé t M a l a r t i e
de
Montauban le 6 Juin 1 7 7 1 .
M o n t r ic o u x .
M . le Commiflaire départi dans la Province, attefte que
D em oifelle Marthe C a m p , habitante de M ontauban, & connue fous
le nom de Dam e de Bombelles depuis l’annee 1766 , a toujours e u ,
avant & depuis fo n mariage, u n e conduite irréprochable, qui a mérité
l’eftime du P u b lic, & c . Fait à Montauban le 9 O & obre 1 7 7 1 . Sig n é,
de G o u r g u e .
Vous
�33
Vous le v o y e z, M
e s sie u r s
: à la certitude de l’état de la
Demoifelle C am p , ces trois pieces joignent une vérification
particulière de Tes procédés, & une atteftation précife de la
régularité de fa conduite. L ’Infpe£teur-né des mœurs, le Ven
geur de l’honnêteté publique, le Pafteur univerfel, l’Evêque,
qui a dû plus que perfonne être en garde contre un mariage
célébré par des Proteftans; le Commiflaire départi, à qui eft
confiée l’exécution des R^glemens rigoureux prononcés contre
tout exercice d’un culte profcrit ; le premier Préfident d’une
Cour fouveraine , à qui l’obfervation des Loix ne peut jamais
être indifférente, fe réunifient tous pour attefter que la Dem oi
felle Camp a été reconnue époufe du fieur de Bombelles, &
que l’année 1766 ejl L'époque de fon mariage. Si jamais il y a
eu quelque choie d’authentique, c’eft fans doute une vérité
confirmée par la réunion de trois témoignages, doxit un feul
fuffiroit pour rendre un fait inconteftable.
Si les perfonnes obligées de prendre connoiflance de l’état
des Citoyens , rendent hommage à celui de la Demoifelle
C am p, que font celles qui ont intérêt de ne pas s’y méprendre ?
Ce font fans doute les parens qui forment cette fécondé clafle:
o r , dira-t-on qu’ils aient méconnu le mariage dont nous foutenons la validité? Mais vous avez entendu le fieur de Bombelles fe récrier fur une prétendue ligue formée, pour le perdre,
entre eux & fa premiere époufe : vous l’avez entendu fe plain
dre à grands cris de ce que la Demoifelle Camp a fafeiné les
yeux de fa famille, de ce qu’elle eft Finftrument dont fe fer
a ie n t des perfécuteurs dénaturés, pour compromettre fa
gloire troubler fon repos. N ’eft-ce pas là un aveu b i e n précis
E
�V A
34
de la juftice que rendent Tes parens à fa véritable époufe ?
C e qu’il appelle former une ligue contre lu i, c’eft être fufceptible de quelques fentimens d’équité : ce qui lui paroît une
perfçcution cruelle, c’eft l’attachement aux principes d’hon
neur & de délicateffe qui animent toutes les perfonnes de fa
race, excepté peut-être, puifqu’il faut le dire, la Dame Hennet,
qui s’expofe fi courageufement à partager fon opprobre. Hors
çlle, quel parent, quel allié voyez-vous paroître ici pour com
battre nos réclamations? O u plutôt, de quel parent, de quel
allié ne font-elles pas avouées ?
O n vous a cité à l’Audience les Demoifelles de Bombelles,
fœurs de notre Adverfaire, comme complices de l’interven
tion illufoire de la Dame Hennet. O n n’a cependant pu pro
duire que je ne fais quel défaveu fait au nom de l’aînée, d’un
pouvoir donné par elle, pour tenir en fon nom la jeune Char-,
lotte de Bombelles fur les fonts de Baptême. M ais, en fup-'
pofant que cette aînée q u i, d’ailleurs, refte dans le filence >
fe foit lailTée furprendre par les infinuations intéreiTées de la
Dame Hennet, ce fuffrage du moins ne feroit-il pas plus que
fuffifamment compenfé par un autre fuffrage d’un tout autre
poids, & qui nous eft affuré ? c’eft celui de la cadette, Ile—
ligieufe à Montauban.
Avant & depuis fa Profeifion, elle n’a cefle cle rcconnoître
la Demoifelle Camp pour fa belle-fœur, & la petite fille pour
fa niece, & de leur prodiguer les noms ainii que les careffes les.
plus tendres. 11 n’y a point d’année où elle n’ait donné par écrit
des preuves de fon attachement &: de la ferme perfuafion où
elle éto it, que l’engagement de fon frere avec la Demoifelle
Camp eft folide & irrévocable. Il n’y a pas une de ces lettres
O^i elle ne parle du mariage, de l’accouchement, de la petite
�* 6
' 35
nicce* Depuis même que le Procès eft commencé, le 14 Fé
vrier 1771 , voici ce qu’elle mandoità la Demoifelle Camp:
V ous avez eu t o r t , ma chere fœ u r, de me vo u lo ir du m al; vous
connoiflez l’amitié que j’ai pour vous ; je voudrois p o u v o ir vous dé
livrer de toutes vos peines, mais cela n’eft pas poilible. Q ue vo u lezvous que fafle une pauvre religieufe ? Je ne puis que vo u s exhorter
d’etre foum ife à la volonté de D ieu , de faire bon ufage de toutes les
croix que le bon D ieu vou^ envoie : fi cela dépendoi de m o i, de ce
moment ici vo u s feriez au comble de vo s .deiirs. Je conviens que vous
aveç un trijîe f o r t , fachant qu 'il ne dépendoit que de vous , A V A N T VOT RE
mariage
, de prendre un bon parti. Il faut efpérer que tout s’accom
modera d’une façon que v o u s v iv r e z heureufe......................
Ce témoignage n’eft pas moins précieux, il eft peut-être en
core plus décifif que ceux que j’ai déjà eu l’honneur de vous
citer. La fœur Dorothée avoit plus de préjugés à vaincre,.que
perfonne: Catholique,Religieufe, enchaînée ainfi doublement
en quelque forte, à l’obfervation de ces Loix que l’on oppofe
à la Demoifelle C a m p , quelle incertitude, quelle évidence
ne falloit-il pas aux droits de celle-ci, pour fubjuguer les ferupules de fa belle-fœur, & l’engager à reconnoître en elle une
alliance q ui, au premier coup-d’œ il, pouvoit paroître fufpefte
à l’Eglife ?
Si le mariage n’avoit pas été public 8c confiant, en quelle
qualité la Demoifelle Camp auroit-elle paru aux yeux de cette
pieufe reclufe ? A quel titre auroit-elle ofé lui préfenter le fruit
de fon union ? Si le mariage n’avoit pas été connu & avoué;
fi ce n’avoit été, comme l’affure fi agréablement la D am e
Hennet dans fes lettres, quun goût v i f , mais faffager ; 8c
comme le dit, avec une componûion très - édifiante le i«eur
�■
3
*
de Bombelles lui-même, quune foibleffe expiée par fa conduite
pojlérieure ; fi enfin ce n’avoit été, comme on vous l’a plaidé fi
hardiment, qu’une continuation de défordre & un concubi
nage fcandaleux, la Religieufe fe feroit-elle prêtée à y donner
la moindre approbation ? Eft-ce avec elle que l’objet de ce
commerce impur auroit cherché à vivre dans l’intimité ? Son
amitié feroit-elle devenue le prix d’une liaifon malhonnête ? Et
le premier devoir que lui auroit prefcrit la délicateffe de fa
confcience, n’auroit-il pas été de bannir à jamais d’auprès
d’elle cette ufurpatrice d’un rang & d’un nom qu’elle déshonoroit ?
'
.
.
Mais elle s’eft biffée tromper, dira-t-on ; la clôture rend les
filles ainfi ifolées, plus crédules, moins défiantes. Rien de plus
facile que de leur en impofer fur ce qui fe paffe au-delà des
murs impénétrables qui leur ôtent la vue du fxecle & de fes
vanités.
Ah, M
e s sie u r s
, fur .cet article j’en appelle à l’expérience.
Les Cloîtres font inacceffibles aux perfonnes étrangères qui
n’y doivent point entrer. Mais le font-ils de même aux nou
velles ? On s’y pique d’un mépris rigide pour le monde & fon
vain éclat ; mais a-t-on une pareille indifférence pour les incidens qui l’agitent ? N ’y cherche-t-on pas plutôt à s’affermir
dans un fage éloignement pour ce théâtre de corruption , par
la liberté avec laquelle on apprécie les fcenes qui s y jouent,
& par le defir impétueux que l’on a d’en être initruites dans le
plus grand détail? Eit-il bien vrai qu’il foit aifé, à cet égard ,
d’abufer les habitantes de ces retraites facrécs ? Quand toutes
les vertus trouvent auprès d’elles un afyle, la vérité feule en eftelle bannie ? Et n’eft-ce pas fur-tout quand les événemens ont
quelque rapport aux perfonnes de la m aifon, ou à leurs far
�37
milles, que la cùrioiifé commune devient plus a&ivé, plus
infinuante, & mieux informée ?
■
Je veux croire qu’il auroit été poffible d’en impofer à la Sœur
Dorothée fur le mariage de la Demoifelle C am p, & de métamorphofer à fes yeux un défordre criminel en une conjonftion
légitime ; mais fes compagnes auroient-elles été auffi faciles,auiïi
peu clairvoyantes? Cette prétendue belle-fœur entroit dans le
Couvent; fa figure, fa taille étoient faites pour fixer des yeux
oififs que la nouveauté futaout a droit de frapper. Si le nom de
Bombelles qu’on lui donnoit, n’avoit été qu’une impofture
les Religieufes, les Supérieures, & par conféquent la Demoi
felle de Bombelles elle-même, auroient- elles tardé à en être
averties ? Celle-ci fe feroit-elle opiniâtrée, au milieu de tant de
leçons d’innocence & de modeles de pureté, à paraître la proteftrice du fcandale & garnie du libertinage, fur-tout en faveur
d’une Proteftante, à qui rien ne l’attachoit d’ailleurs, & pour
qui la feule différence des cultes devoit lui infpirer au premier
coup-d’œ il, plus d’éloignement que d’inclination ?
Je ne crains pas de le dire, M
e s sie u r s
, jamais il n’y a eu
de preuve de poffeifion d’état, c’eit-à-dire, de la publicité de
cet état, plus forte que la reconnoiffance de la Sœur Dorothée.
C ’eff iine voix* accablante qui crie contre le fieur de Bom
belles , & qui devroit porter dans fon cœ u r, finon les re
mords, au moins la honte & l’effroi.
Q u’on y joigne maintenant cette quantité innombrable de
lettres de toute efpece, & de tous les amis du fieur de Bom
belles j informés par lui-même de fon mariage. Q u ’on y joigne
ces fuferiptions adreffies cle Lille à la Demoifelle Camp, par le
Cuifinier qui a nourri fon époux, & qui demande fon paiement;
par cette Dame indignement trompée, à qui l’on remet une
�T8
fauffe lettre de change pour l’endorm ir, & Te ménager le
moyen de s’évader fans en être obfervé;, par ce Camarade qui
réclame une dette d’honneur ; & qui tous n’ont pu être ins
truits , dans le fond de la Flandre, d’un mariage contrarié à
M ontauban, au fond du Q u ercy, que par une publicité bien
notoire. Q u ’on y joigne les aveux, les déclarations faites par
le iieur de Bombelles lui-même, ioit dans Ton teftament qui a
donné lieu de fa part à une calomnie fi audacieufe & fi im
prudente, foit dans fes propres lettres qui portent toutes, pen
dant plus de quatre ans, une fufeription feule fuffifante pour
le condamner, puifqu’elles font adreffées à Madame la Baronne
ou la Vicomteffe de Bombelles, fuivant qu’il plaifoit à fon
mari de s’intituler Vicomte ou Baron ; foit à l’Ecole Militaire,
où il s’eft fait publiquement gloire de fon alliance avec la
Demoifelle Cam p, comme j’ai eu l’honneur de vous l’obferver.
Q u ’on réuniife, M
e s sie u r s,
toutes ces efpeces de preuves,
& qu’on voie s’il y a jamais eu une pofleiTion d état mieux
déterminée, plus authentique que celle que nous annonçons
aujourd’hui. Dans quel efprit le concours de tant de témoi
gnages , fans interruption, peut-il laifler fubfifter la moindre
idée d’incertitude ?
%
Faut-il répondre aux miférables chicanes, aux impoftures
criminelles par le moyen defquelles notre Adverfaire s’eil flatté
d’affoiblir cette chaîne terrible de preuves qui l’eiFraie & l’acca
ble ? Il avoit commencé par accufer la Demoifelle Camp d’a
voir em ployé, pour furprendre à fa tendrciTe des dénomina
tions honorables, un ftraragême inSigne d’un cœur honnête.
Il a articulé en propres ternies , quelle avoit d’abord fuppofé
une groflefle, à la faveur de laquelle on l’avoit engagé, pour
�39
lui fauver l’honneur, à lui donner le nom d’époùfe. Cette im
putation développée , étendue à l’Audience , s’eft évanouie à
l’impreflion, comme celle qui regardoit le théâtre du fieur
la Coite. O n n’en retrouve plus qu’un mot échappé par mégarde à la page 50.
C ’eft la défavouer (ans doute, que de l'avoir ainfi fupprimée.
Mais quel fruit s’eft promis le fieur de Bom belles, de la hardiefîe avec laquelle il a oie la haiarder d’abord à l’Audience ?
Quel avantage efpéroit-il d(une inculpation inconféquente dont
il ne lui refte que la honte ; puifque, malgré le trifte courage
dont il n’a donné que trop de marques dans la C au fe, il fe voit
aujourd’hui forcé de l’abandonner ?
Quelle raifon a pu l’engager de même à avancer, à la page
45 de fon Imprimé, une abfurdité ridicule qui n’avoit.point
paru à l’Audience ? Ses propres lettres, pendant quatre ans,
portent conftamment une fufcription non fufpeôe & tran
chante. Elles font toutes adreflees à Madame de Bombelles.
EmbarraiTé fur ce fait, qu’il ne peut nier, puifqu’on en produit
la preuve écrite, il dit qu’il n’a employé cette dénomination y
que par convention, & parce que cefl l ’ufage à Montauban
et aller retirerfoi-même fes lettres au Bureau de la Poße.
Mais fi cette alïbrtion eft fauffe ; fi cet ufage prétendu n’eft
pas plus en ufage en Montauban qu’ailleurs ; fi dans cette Ville
commerçante il y a , comme dans toutes les autres , un Fac
teur établi exprès pour la diftribution des lettres , que réfultet-il de lexcufc frivole & menfongere que préfente le fieur de
Bombelles ? Ne donne-t-il pas par là un nouveau poids à ces
mêmes lettres , dont il eflaie d’alléger le fardeau ? N ’en conftate-t-il pas l’authenticité , par les efforts qu’il multiplie pour
1 éluder? Si elles n’ont pas été myftérieufes, fi elles ont dû par
�40
venir à Ton époufe par la voie ordinaire , il elles ont dû lui
être portées indiftin&ement comme les autres par TOfficier
chargé de ce miniftere , n’eft-il pas évident que les droits,
dont la fufcriptîon contenoit l’aveu, n’avoient rien de clandeftin & de problématique ? N ’eft-il pas clair que ion intention
étoit qu’on fût à la Pofte & par-tout où les marques de fa
tendreile pour la Demoiielle Camp pourraient être connues,
qu’il l’avouoit pour fa femme , que des nœuds indiflolubles
l’engageoient à elle, & qu’à chaque fois qu’il prenoit la plume
pour lui écrire , il çonfirmoit des fermens par lefquels il lui
avoit en i j 66 engagé fa foi-fans réferve ?
Mais ce menfonge officieux, dit-il à la même page 4 5 ,3 pris
fin au mois d’Août 17 7 0 , où recommence l’adreffe de Mademoifelle Camp ; ces deux derniers mots font imprimés en
lettres italiques : &r pour vous en prouver la juftelTe , M
sie u r s
es-
, nous produifons une lettre du 9 Septembre 17 7 0 ,
adreftee à Madame Cam p, pour remettre à Madame fa fille.
Mais a-t-elle fait dans le ménage quelqu’a&e capable d’in
diquer fa qualité ? A-t-elle payé des dettes , compté avec des
fermiers , xeçu de quelques débiteurs ? Non , M e s s i e u r s ,
elle n’a pas reçu des débiteurs, parce que le iieur de Bombelles
11’avoit que .des créanciers. Elle n’a pas payé de dettes, parce
que fa fortune n’y auroit pas fuffi , & que , il elle avoit voulu
faire face aux demandes qu’occafionnoit le dérangement de
fon mari, elle auroit ruiné fa famille fans le libérer. Enfin elle
n’a point compté avec des fermiers, parce que le fieur de Bom
belles n’avoit point de fermes.
Ilne poffedoit pour tout fonds qu une maifon de campagne,
cftimee dans fon partage 27000 livres. Il lui avoit promis
Uy’
�¡r t
41
lui en afîurer l’ufufruit ; par ion tjeftament 11 lui en donnoit
même la propriété. Cependant il l’a vendue dans fes befoins.
Elle ne s’en plaint pas ; mais on voit combien il eft difficile
qu’il fubfifte des traces d’une adminiftration ainfi raccourcie.
Mais dans l’extrait de baptême de fa fille , on ne fait pas
même mention de fon pretendu mariage. Charlotte de Bom
belles n’y eft dite ni légitime, ni iffue de pere & mere mariés.
Cela eft v ra i, M e s s i e u r s ; mais pour en tirer une induction
férieufe, il faudroit que toutes les preuves de l’état que nous
réclamons fuiTent réduites à ce titre feul. Il faudroit qu’il fût
bien conftaté que le Vicaire qui a baptifé l’enfant n’ait pas eu
désraifonsperfonnelles de haine q uil’aient dirigé dans la rédac
tion de l’a&e de baptême ; il faudroit qu’on ne pût pas le foupçonlier d’un zele amer & vindicatif, q u i, par un déplorable abus,
a influé jufques fur les fondions de fon miniftere. Il faudroit
enfin que la fimple omiifion d’un mot fût une nullité irrémé
diable , à laquelle rien nepûtfuppléer ; il faudroit qu’on n’eût
pas d’exemples, fur-tout dans les baptêmes des Proteftans, des
correftions ordonnées par les Tribunaux en pareil c a s , & que
la Demoifelle de Bombelles ne pût pas un jour demander, s’il
en étoit befoin , que le regiftre refté imparfait à fon égard par
négligence ou par malignité, fut réform é, comme tant d’autres
font parvenus à en faire rayer des qualifications injurieufes que
la malignité ou la négligence y avoient fait inférer.
Mais au m oins, dit le iieur de Bombelles , fi j’avois en
tendu contra&er un engagement férieux ,fi j’avois voulu tranfferer à la Demoifelle Camp mon nom & les droits d’épo-ufe ,
Jer* aurois auili voulu toucher le prix i je n’aurois pas
©mis den exiger la d o t; on juge bien que je ne fuis pas
�4*
hom m e à m’endorm ir fur un pareil article. C ependant vou s
a vo u ez que les 8000 livres portées par le contrat n e'm ’ont pas
é té délivrées. C e l a eft encore v r a i , M
e s sie u r s
; & com m e
cet article a quelque chofe de fp é cieu x , il mérite explication.
Au moment du mariage, les deniers étoient prêts & les efpeces comptées ; elles ont été offertes au fleur de Bombelles ;
mais foit qu’il voulût donner une plus grande idée de fa mo
dération , foit qu’il crût cet argent plus en fûreté dans les mains
de fon beau-pere que dans les fiennes, foit que la poiTefïion de
fon époufe lui fuffît alors, & qu’elle remplît exclufivement
tous fes defirs, il refufa pour le moment. Quand le féjour
de la garnifon de Lille eut changé fes mœurs , & que le défordre lui eut fait connoître le befoin ; quand après d’inutiles
efforts pour dérober fon inconduite aux yeux de fes compa
triotes , elle eut percé jufqu’à M ontauban, & qu’on l’eut vu
forcé de vendre cette maifon qui devoit fervir d’afyle & de
douaire à fon époufe; quand après avoir épuifé ces reffources,
il n’en vit plus d’autres pour lui que la d o t, & qu’il la demanda
par forme d’emprunt, le pere de la Demoifelle Camp crut de
voir fagement fe refufer à la demande d’un diffipateur que ce
foulagement paffager n’auroit pas tiré de l’abîme où il s’étoit
précipitéIl
n’avoit plus rien qui pût répondre des fonds qu'on lui
auroit confiés. C etoit l ’unique patrimoine de cette enfant, que
fon cruel pere méditoit peut-être dès-lors d’abandonner. Il
n ’étoit permis de le lui remettre que fous la condition expreffe
d’en faire un emploi ; & cet em ploi, dans fon cœ ur, étant ou
l’acquit de quelques dettes peu honnêtes, ou peut-être même
le moyen d’en contra&cr de nouvelles , il n’auroit été ni pru
dent , ni licite au fe u r de Camp pere de s’en defTaifir. Il devoit
�réferver à fa malheureufe petite-fille ée débris d’une fortune
que lui-même ne pouvoit pas augmenter, puifqu’il avoit d au
tres enfaus à qui il fe devoit également.
Vous voyez donc , M e s s i e u r s , que ce refus n avoit rien
que de fage & de légitime ; mais nous ne devons pas diffimuler non plus que c’eft là probablement l’origine de la conteftation que nous éprouvons aujourd’hui. Le fieur de Bombelles,
dans fa détreiTe, trouvant une perfonne preffée de fe marier,
qui fe préfentoit à lui ¿Vec un revenu à peu près sûr , ne
voyant plus rien à efpérer d’une famille trop prévoyante , qui
ofoit fe piquer d’économ ie, & lui préférer l’enfant à laquelle il
avoit donné le jo u r, a regardé un fécond engagement comme
une efpece de bonne fortune dont il failoit profiter.il a envifagé la crédulité & la précipitation de cette fille aveugle,
comme une reffource inattendue qu’il ne failoit pas laiifer
échapper. Quoique fa main n e lui appartînt plus , puifqu’il en
avoit déjà difpofé, comme c’étoit la feule chofe au monde
qu’il pût donner à la Demoifelle de Carvoifin en échange
des avantages quelle lui faifoit, il a étouffé le lcrupule qui
s’élevoit dans fon cœur , à la feule idée de ce ftellionat d’un
genre nouveau.
C ’eft alors qu’il a cherché les moyens de n’être plus marié ;
c’eft alors , pour la premiere fois , qu’il a trouvé douces les
Loix rigoureufes
fous lefquelles les Proteftans gémiffent.
L ’amour en avoit fait un Réformé : l’intérêt en a refait un
Catholique. Serm ens, devoir, honneur , il a tout facrifié à la
médiocre opulence de la Demoifelle de Carvoifin , prêt peutêtre à la trahir bientôt elle-même pour une rivale plus riche ;
prêt , fi [c fécond mariage eft annuité , comme fans doute il
le feia , & fi fes efforts prévaloient contre le premier, à cmF ij
�44
braffer une nouvelle religion 8c une troifieme époufe, dans le
cas oii il trouveroit un autre culte propre à favorlfer l’incons
tance , 8c une femme affez hardie pour recevoir fa foi I
M a is , a-t-il dit encore , il mon mariage avec la Demoifelle
Camp a été fi public & fi connu, pourquoi la Demoifelle
Camp a-t-elle paru elle-même s’en défier ? Pourquoi a-t-elle
affe&é de cacher fa groffeffe 8c fa délivrance? Pourquoi eft-ce
dans un village, à quatre lieues de Montauban , dans une
Paroiffe étrangère , qu’elle a été accoucher ?
Pourquoi ? Et c’efl vous qui le demandez ! vous qui infiftez
fur l’époque de ce défaflre malheureufement fi fameux, fur
ces ravages caufés par l’inondation du Tarn en 1766 \ vous
avouez que la maifon du fieur Camp pere a été du nombre
de celles que la riviere en fureur a renverfées ; vous avouez
que c’eft là où a recommencé une familiarité intime entre vous
8c l’infortunée dont vous ne détaillez ici les faveurs que pour
les faire paroître déshonorantes , après les avoir furprifes à
l’aide du voile le plus honorable 8c le plus fait pour les juftifier.
C e fyftême de réconciliation n’eft qu’une chimere. Il n’y
avoit point eu jufques-là de brouillerie entre vous 8c la vic
time de vos différentes paflions. Mais ce qui eft vrai 8c cer
tain , c’eft le renverfement de la maifon paternelle , où avoit
habité jufques-là là Demoifelle Camp. En attendant qu’elle fût
reconftruite, la famille défolée avoit été forcée de chercher
une retraite qui devoit être plus difficile à trouver en raifon de
ce qu elle etoit plus néceffaire, parce que le grand nombre des
perfonnes qui avoient befoin du même fecours, le rendoit
rare. Le fieur Camp avoit été forcé de fe loger à l’étroit 8c dans
une maifon remplie, contre la coutume de la province, d’une
�/>/. /
45
m ultitude de difFérens m énages. 11 n’eft pas étonnant q u u n e
jeune femme , dans une premiere groiTeiîe., fe foit trou vée
im portunée de ce m élange. Il n’eft pas étonnant qu’elle ait
cherché à fe procurer un C jo u r m oins d éfagréable, & qu’elle
fe foit tranfportée à la cam pagne, p our y attendre la fin d’une
incom m odité paflagere , dont le bon air & le grand exercice
fon t peut-être les plus sûrs rem ed es, ou du m oins les plus
grands adouciiTemens.
Et dans quelle campagne s’eft-elle retirée ? A Bioulle , dans
un bien qui appartient à fou pere. C ’eft là ce qu’il plait au fieur
de Bombelles d’appeller une ParoiiTe étrangère : comme s’il
étoit défendu à une femme d’aller accoucher dans un village
où fon pere a une maifon, quand celle qu’il occupoit à la ville
eft détruite par un accident; comme fi cette précaution, fage à
tous égards , étoit une preuve de honte ou un indice de la dé
fiance qu’elle-mêmc avoit fur fes droits.
Jufqu’ic i, vous le voyez , M E S S IE U R S , la poiTeifion de la
Demoifelle C a m p , fa qualité d’époufe légitim e, eft établie
par toutes les preuves qu’il eft poifible d’en donner , d’après
les deux premieres conditions qu’exigent nos Adverfaires euxmêmes ; les Magiftrats de tous les ordres la certifient ; toutes
les perfonnes qui ont intérêt de ne pas s’y méprendre la pu
blient. Les parens la reconnoiffent ; le fieur de Bombelles luimême y rend un témoignage éclatant. V ous pouvez juger
dès à préfent fi le titre qu’elle réclame e f t , comme il le dit
avec tant d’agrément & de délicateffe dans fon Imprimé,
page 4 4 , un nom de guerre qu’une fille prend dans f* groffeffe , & fi les monumens qu’elle cite fo n t, comme il 1 ajoute au même endroit, des témoignages d'affection qu elle
fc foit fa it écrire par fon galant. Non , M e s s ie u r s > ils ne
�46
méritent pas cette qualification auffi honteufe que groiîîere.
C ’ert en tout le langage du cœur & de la vérité.
M a i s , pour y mettre le dernier fceau , il y manque encore
l’opinion publique ; il y manque cette voix univerfelle qui a ,
quand il s’agit de 1 état des hommes , plus de force que les
écrits ; cette voix qui fupplée aux regiftres, qui difpenfe de les
chercher quand ils font perdus, qui autorife à les réformer
quand ils font défeftueux ; enfin cette voix qui fubjugue la
Juftice elle-même & difte aux Tribunaux des Arrêts que la Loi
les force d’adopter. Avons-nous en notre faveur cette relTource ?
O u i, M
e ssie u r s
, & en voici la preuve.
Cette enquête , dont j’ai déjà eu l’honneur de vous parler,
contient la dépoiition de cinquante témoins ; il feroit facile
d’en faire entendre mille, fi l’on en avoit befoin.Tous atteftent
qu’il n’y a point eu dans Montauban d’incertitude ni d’embar
ras fur la qualité de la Demoifelle Camp ; tous déclarent qu’ils
l’ont vue préfentée dans les meilleures Maifons de la Ville par
fon mari, & ouvertement avouée comme époufe légitime; tous
publient que fa groileffe a été connue & à l’abri de toute efpece
de fufpicion.
D e ces témoins, les uns font des femmes de condition qui
l’ont reçue avec honneur, qui l’ont traitée avec les égards que
méritoient fa vertu & fon état, & qui la chériflent, la coniiderent encore dans l’humiliation où la perfidie d’un époux vo
lage 1 a réduite; les autres font ou des Magiftrats, ou d’anciens
Militaires retirés du fervice, ou des Officiers qui y font encore
engages ; Catholiques pour la plupart, & par conféquent moins
fufpe&s, (i le foupçon pou voit avoir lieu dans une occaiion
où ils ne parlent qu au nom de 1 honneur & fous la foi du fer
ment : d’autres font des perfonnes d’un état moins relevé, mais
�m
4*7
non moins croyables ; des Négocians diftingues par leur
probité, des Ouvriers aifés qui rendent gloire à la Juftice, 8c
confignent entre les mains du Magiftrat le récit naif de ce qui
s’eft paffé fous leurs yeux.
Il
n’y a point d’affertion du iieur de Bombelles, qu’ils n’aient
démentie d’avance. Il n’y a aucune de fes calomnies qu’ils
n’aient détruite. Il feroit trop long de vous rendre compte
de tous1ces détails, par lefquels ils appuient la vérité à laquelle
ils font hommage ; màis il ne m’elt pas permis non plus de
les fupprimer tous. Cette partie de laCaufe n’eft pas la moins
eiïentielle , puifqu’elle porte fur des faits, 8c que les faits font
ic i, M
e ssie u r s
, un des principaux mobiles qui doivent fer-
virà vous diriger.
Par exemple, le fieur de Bombelles , en fe débattant contre
l’évidence , en cherchant à fe fortifier lui - même contre
le jour qui lui blefloit les yeux , s’eft hafardé à foutenir qu'il
n’y avoit jamais eu aucune liaifon p a r tic u liè r e entre lui 8c la
famille de la Demoifelle Camp ; que jamais il n’en avoit fré
quenté les parens ; qu’il n’avoit point habité chez eux aVec
elle , 8c qu’au moment de la catailrophe occasionnée par le
débordement, elle n’étoit pas venue loger avec lui. Il a rendu
compte des repas qu’il a pris chez le fieur Camp pere, qui fe
réduifent, dit-il, à un feul depuis cette calamité : repas qu’il
n’a même accepté que par délicateiïe, 8c dans la feule vue de
leur prouver qu’il ne les méprifoit pas.
Qui ne croiroit voir , à ce tableau , un Gentilhomme foigneux de fe refpe&er, toujours fur (es gardes pour ne pas
commettre fa noblefle avec la roture , 8c qui veut bien condefeendre aux defirs de ces Bourgeois, de façon à honorer
leur table fans s’expofer au rifque de fe trop familiariftr • Q u*
�48
ne croiroit, à tout le refte des peintures indécentes q u ll s’ eil
permifes avec tant de profuiion & de confiance , que c’eit la
Dernoifelle Cam p qui le recherchoit avec ardeur ; qu’il ne fai•foit que fe prêter à Tes empreflemens , & que les faveurs prodiguées dans ce tendre com m erce, c’étoit lui qui vouloit bien
les accorder ?
L ’enquête, M
essieu rs
,
préfente des idées bien différentes.
O n y voit u n fieu rd e Bombelles peu reffemblant, à ld vérité,
,à celui que nous com battons, mais tel qu’il étoit alors , fou
rnis , tend re, aimant fon époufe , plein d’égards pour fa fa
m ille , révérant fon beau-pere, portant le deuil de l’aïeule ,
affiftant les enfans dans les devoirs pénibles que la coutume
impofe dans ces triftes circonftances. O n le voit agiiTant libre
ment dans la maifon , ufant des droits d époux , fe montrant
au lit fans contrainte avec la femme que fon cœ ur & les L oix
lui ont donnée : 011 le v o i t , ce qui eil effentiel après l’aiTurance avec laquelle il affirme qu’il n’a jamais habité avec elle
fous le même toît
on le voit prendre une maifon commune ,
y V ivre, y demeurer enfemble.
11 faut , M
essieu rs
,
vous en
convaincre par les propres expreffions des témoins.
Françoife Gaillard, époufe de Guillaume Moulis ;
DÉPOSE , ' q u e ......................................................................
;
vers le commencement du mois d’A v ril ou Mai 1766 , ledit fieur de
Bombelles lui dit qu’il étoit marié avec la Dernoifelle Camp, & qu’elle dev o it l’appeller Madame de Bom belles; que ladite Dernoifelle Cam p &C
fa famille ayant délogé du fauxbourg de V illebourbon à caufe de l’inon*
dation, étant venu habiter en v ille, ledit (leur de Bombelles co-habitant dans
la même maifon avec ladite Dam e ; qu’ils y vécurent comme mariés jufqu’au départ du fieur de Bom belles; que pendant cette époque la Dam e
M erignac grand’mere de la Dam e de Bombelles étant décédée, ledit Jieur
dt Bombelles prit & porta le deuil.....................
JElifabeth
�49
Elifabeth D elm as, époufe du fieur Beffon cadet :
D é p o s e , que lors de l’inondation du Tarn de 1766 , ayant été
obligée de quitter fa maifon du fauxbourgd e V illebourbonpour venir
loger en v i ll e , elle prit un appartement dans ctllc qu'habitoient le Jîcur
de Bombelles & lefieur Campfo n beau-pere ; qu’elle qui dépofe v it le iieur
de Bombelles vivre avec la Demoifelle Camp comme mari & femme , la traiter
en cette qualité , & particulièrement les avoir vus occuper une partie de l'apparlement, y coucher enfemble , & vivre en commun avec les Sieur & Dame
Campfes beau-pere & belle-mere. D ép ofe de p lu s, qu’elle a v u porter le
deuil audit fieur de Bombelles , de la mere de ladite Dame Camp fa
belle-mere.
M. Pierre S adou s , Lieutenant Général & Criminel au Sénéchal & Préfidial de Montauban :
D é p o s e ....................... :
:
:
.
. .
. .
. .
:
;
:
qu’ il a v u la Dem oifelle Cam p être annoncée dans les maifons fous le
nom de Madame de Bombelles , qu'il a vu habiter l'un & l'autre enfemble
dans une maifon qu'ils avoient louée dans la ville.
D am e Marie Vigie , époufe du fieur Baudon :
D épose , que lors de l’inondation arrivée en 1766 , le fieur Camp
& fa famille vinrent loger dans la maifon qu’habite la D é p o fa n te .. . .
qu’elle a vu quelquefois le fieur de Bombelles pafler dans la chambre
de la D em oifelle Camp avec de la lumiere ; que plufieurs fois la D é p o
fante demanda audit fieur Cam p comment fe portoit Madame fa fille:
ledit fieur Camp lui répondoit qu'elle fe portoit bien, mais n ’étoitpoint
encore levée de fon U t, q u elley étoit avec ledit fieur de Bombelles fon mari.....
& a ajouté qu’elle a v u porter le deuil audit fieur de Bom belles, à la
mort de la grand’mere de fadite époufe.
Demoifelle Madeleine A lbert, fille du fleur Alexis Albert :
D é p o s e .............. qu’elle a auiïi très-fouvent entendu que ce dernier
VM. de Bombelles) appelloit M. Camp,papa, & l’époufe de ce dernier, ma
bonne maman ; & à chaque inftant elle entendoit crier dans le degré &
d une chambre à l’autre, Madame de Bombelles, ma chere femme ; qu’un
jour la Depofantc étant à fa fen être, elle entendit que le fieur de Bom-
G
<
�5°
belles dit à fadite ép o u fe, en la tenant dans fes bras : ma chere époufe,
l’enfant que tu p o rtes, à mon retour faura bien me crier papa. D épofe
de p lu s, que lors de la mort de la Dam e M erign ac, grandVnere de la
Dam e de B om belles, la Dépofante fut y faire fa v ifite , ôc tro u va ledit
Sr dô Bombelles en d e u il, & rece vo it les vifites. D épofe de plus, qu’elle
a v u plufieurs fois le domeftique du fieur de Bombelles dans la maifon
du ficur C a m p , & que ce dernier faifoit tout ce que ladite Dam e de
Bombelles lui com m andoit, & que ledit domeftique l’appelloit iouvent
Madame de Bom belles; qu’elle qui d ép o fe, ayant quelquefois ren
contré la fervante de ladite Dame , & lui ayant demandé l’état de la
fanté de ladite Dame , ladite fervante lui répondoit qu’elle ne pouvoit
point lui rien dire à caufe quelle ¿toit dans J'on Ut avec ledit Jîeur de B om
belles J'on mari.
Les autres dépofitions, M e s s i e u r s , ne font ni moins for
tes ni moins précifes fur le fait du mariage public, fur celui de
la groiTeiTe& delà cohabitation connue, confommée fous les
yeux du p ere, de la mere & de toute la Ville. O r , je le de
mande , cil-il poifible de foupçonner, dans une liaifon de
cette efpece , la moindre apparence de clandeftinité ? Peut-il
tomber dans l’efprit qu’elle n’ait pas été précédée d’un mariage,
d’un engagement affez fort, affez facré, pour motiver la con
fiance de la famille & l’abandon de la jeune perfonne ?
L e fieur de Bombelles dit qu’il ne l’avoit pas époufée. Il
foutient que rien ne l’attachoit à elle. Mais qu’alloit-il donc
faire ii librement dans la maifon? C ’étoit de l’aveu de fes pa
reils qu’il vivoit chez eux dans, une fi exceifive familiarité. O n
ne cachoit ni la grofleiTe, ni l’auteur de cet état j-uftement
regarde comme la bénédiction la plus confolante pour une
femme légitime, & comme le dernier degré d’ignom inie, le
com ble de la dégradation pour une fille fans liens. T o u te la
Ville le connoifloit cet é ta t, & y applaudiflbit.
�/ai
51
S’il n’y avoit pas de m ariage, le pere Si. la mere proftituoient
donc eux-mêmes leur fille ? Eux & toute leur famille étoient
donc flattés de la honte qui la couvroit ? Ils fe déclaroient
donc les entremetteurs d’un commerce impur, qui les déshonoroit plus encore que l’infortunée qu’une indigne complaifance facrifioit à l’ignominie ? L a V ille entiere, témoin paifible
de leur filence & de leur crédulité , étoit donc duppe ou com
plice de cette impofture & de ce libertinage ?
Mais cette idée réHolte &: fait frémir. L e dernier excès de
la dépravation des mœurs , c’eft lorfque des parens fans pu
deur , étouffant la voix du remords & celle de la n atu re,
prennent fur eux de tracer à leurs enfans le chemin du crim e,
& que par une tolérance intéreflee , ils les encouragent à un
défordre dont ils reçoivent le prix ; mais cet horrible attentat,
ce n’eft pas au grand jour qu’ils le confom m ent; c’eft dans les
ténebres qu’ils concluent leur coupable marché ; c’eft fous la
voile d’une feinte ignorance qu’ils cachent le confentement
honteux qu’ils y donnent ; & le premier indice de l’opprobre
auquel ils fe d évo u en t, efl l’obfcurité, où ils enfeveliffent leur _
infâme trafic.
Et malgré leurs efforts, jamais la malignité publique ne laiffe
leur lâcheté impunie. Leur procès eft inftruit dans tous les
cœurs , & leur arrêt prononcé par toutes les bouches à cha
que inftant du jo u r , fur-tout dans les petites Villes , où les
ames , fans être plus pures fi l’on v e u t, font au moins plus
aifément affe&ées, où le fcandale trouve moins d’excufe &
de proteôeurs , où l’oifiveté & la jaloufie entretiennent une
cenfure plus a&ive peut-être , plus vigilante que ne le feroit
celle de la vertu. L a voix commune y fait bientôt juftice de
G ij
�l'apparence ttiême du défordre , avant que les Vengeurs des
L oix & de l’honnêteté en aient pu être inftruits*
Mais il eft fans exemple que des parens, dans ces fortes de
lieux , aient ofé fe glorifier eux-mêmes de leur lâch eté, qu’ils
aient produit leur opprobre au grand jo u r, & appellé publi
quement le corrupteur de leur fille pour l’encourager à coniommer leur déshonneur. Il eft fans exemple que des voiiins
fe foient' laides abufer fur une négociation de cette nature ,
qu’ils aient regardé un étranger comme un ép o u x, & un fédu&eur comme un mari.
Il eft encore plus fans exemple que des femmes fe foient
réunies pour admettre dans leur fociété une fille qui auroit
porté les marques viiibles de fa foibleffe , & qui n’auroit pu y
paroître fans rappeller à chaque inftant à fes compagnes qu’elle
avoit manqué au premier des devoirs de fon fexe. Q ui ignore
de quelle févérité fe pique ce tribunal privé fur des fautes de
ce genre ? Q u i ne fait combien ces cœurs , û tendres d’ail
leurs , font inflexibles 3 impitoyables pour celles qui ofent
ufurper leurs privilèges fans en avoir le d r o it, & avec quelle
rigidité les femmes mariées foutiennent entre elles les préro
gatives d’une vertu à laquelle on ne peut plus leur reprocher
de manquer?
E n fin , il eft encore fans exemple que les Chefs des deux
hiérarchies fe foient réunis pour légitim er, chacun en particu
lier , un défordre qu’il auroit été de leur miniftere d ’arrê te r &
de punir; qu’un E vêq u e, un Premier Préfident de C ou r fouverain e, un Intendant atteftent de leur fignature la réalité
d’un mariage qui n’auroit été qu’une licence fcandaleufe ; &
q u e , pour protéger une fille fans honneur , ils aient prodigué
des témoignages qui ne pouvoient être accordés par eux qu’à
�53
la vérité la plus notoire, à la délicateffe la plus preffante.
P e fe z ,
M
essieu rs
, toutes ces preu ves, raffemblez toutes
ces induftions , & jugez s’il ne nous eft pas permis de nous
appliquer ce quedifoit en fon tems
M e
Cochindans la fameuie
affaire de Bourgelat. « Toutes les voix fe réuniffent pour affu» rer la légitimité de l’enfant, & par conféquent le mariage
»'*de fes pere & mere. C e ne font point ici de ces dépoiitions
» préparées avec a rt, fou tenues ou par dévouem ent à la Par*> tie , ou' par corruption, ou par foibleffe : c’eft un langage
» uniforme d’un nombre infini de Parties différentes ; c’eft un
» concert de toutes fortes de perfonnes q u i, entraînées par
» la notoriété , fe réuniffent dans un point de vérité qui n’a
» jamais trouvé de contradi&ion ; & c’eft l à , ajoutoit cet O ra» te u r, ce qui forme la poffeffion d’état ».
Q uelle eft la demiere reffource du fieur de Bom belles, pour
éluder l’effet de cette enquête foudroyante ? C ’eft , com m e
j’ai eu l’honneur de vous le dire , d’en attaquer non pas l’au
thenticité, mais la validité. Elle n’eft pas ‘juridique, fi on l’en
croît ; c’eft le fruit d’une efpece d’émeute populaire , d’un at
troupement indécent & criminel que le Juge n’auroit pas dû
to lérer, & dont il ne nous eft pas permis d’exciper contre
lui. Eft-ce férieufement qu’il parle ainfi ?
D ’abord , la qualité du plus grand nombre des témoins en
tendus annonce affez que ce n’eft pas le peuple feul ici qui x
parle j & que leurs dépoiitions n’ont pas été produites par
une forte d’emportement aveugle , à laquelle en effet cette
cluffe de la fociété n’eft quelquefois que trop fujette. Mais
quand réellement l’obfervation du fieur de Bombelles feroit
vraie , qw en refulteroit-il contre l’enquête ? Rien dont il put
s applaudir, rien qu’il lui fut poifible de tourner en fa faveur*
�1
I
V
.
54
C e ferait la preuve d’un déchaînement univcrfel contre Ton
procédé ; & d’oii viendrait ce déchaînem ent, fi ce n’eft d’une
conviction intime de ce que ce procédé a de criminel ? Le iieur
de Bom belles, comme la Dem oifelle C am p , eft hé à M ontauban ; il y a des parens , il y a eu des amis tant qu’il a été
vertu eu x;fa famille doit naturellement y avoir plus d’influence
que celle de la Demoifelle C am p , fur-tout dans l’ordre de la
NobleiTe. Pourquoi donc tout cet O rdre s’eft-il, avec les au
tres , déclaré contre lui? Pourquoi, de tous'fesCom patriotes,
n’y en a-t-il pas un qui n e l’accufe & ne le condamne? Si l’en
quête eft en effet le fruit d’une impulfion com m u n e, c’eft
donc de celle que peut donner à des ames honnêtes un prin
cipe d’h onneur, de délicateffe &c decom paifion dirigée par la
juftice.
Eft-il vrai enfuite qu’elle ne foit pas juridique ? Mais j’ai eu
l’honneur de vous l’obferver,
M
essieu rs
,
c’eft fur une O r
donnance du Juge qu’on y a procédé. Cette Ordonnance
fubfifte , elle n’a point été attaquée par la voie de l’appel ; jufques-là, dans l’ordre même de la p rocédure, les effets en
font facrés ; il n’y auroit qu’un Jugement fupérieur qui pût les
anéantir.
M a is , dit le fieur de Bom belles, ils font profcrits de plein
droit par la Loi même ; l’article I du titre 1 3 de l’O rdonnatice de i 6 6 j abroge à perpétuité ces fortes de procé
dures , & défend aux Tribunaux de les reconnoître ou de s’y
prêter. Ic i,
M
essieu rs
,
le fieur de Bombelles fe trompe ;
après avoir hafardé, dans le refte de la C a u fe , tant de faits
fau x, il fe permet une fauffe application de la Loi. V oici ce
qu’elle porte :
« Abrogeons toutes enquêtes d’examen>ià fu tu r, &
celles
�55
» par turbes, touchant L'interprétation d'une coutume ou ufage}
» & défendons à tous Juges de les ordonner ni d’y avoir
» égard , à peine de nullité ».
M a is,
M
essieu rs
, eft-ce donc ici de l’interprétation d’une
Coutum e qu’il s’agit ? Eft-ce de la valeur d’un {impie ufage
qu ’il eft queftion ? N ’eft-ce pas d’un fa it, d’un fait important
à éclaircir, d’un fait précieux à tous égards, puifque de là dé
pend l’état de deux Citoyens ; d’un fait effentiel à la C a u fe, &
fans la connoiffance c^uquel vous ne pouvez la juger?
A vant l’Ordonnance de 1667 , avant que cette L oi eut fixé
une forme invariable pour les procédures, cette partie de la
légiflation étant dans le plus affreux défordre, n’y ayant point
de Loix générales, chacun cherchoit à expliquer en fa faveur
les petites Lôix particulières qui dirigeoient chaque canton ;
cette multiplicité infinie de Coutum es qui défigurent & défolent encore la F ra n ce, donnoit lieu à une infinité d’ufagés
ou plutôt d’abus contradictoires entre eux com m e leurs fources : les Juges inférieurs étoient cependant forcés de fe déci
der d’après ces notions faciles àfaifir ; & les Parties qui avoient
gagné, avant que de paroître devant les Juges d’appel, avoient
foin de faire conftater, par une enquête , la réalité de l’uiage
qui avoiwdéterminé le premier Tribunal en leur faveur; c’étoit
une efpece d’efcorte qu’elles avoient foin de donner aux pieces
de leur procès , Si c’eft ce qu’on appelloit examen à fu tu r ,
c ’eft-à-dire , examen fait d’avan ce, atteftations prém aturées,
deftinées cependant à juftifier la Sentence, dont le fait certifié
etoit l’origine.
L a procédure une fois devenue uniform e, il étoit fage de
Supprimer ces traces d’une barbarie honteufe qu’il eût été bien
a iouhaiter qu’on eût pu faire difparoître dans toutes fes par-
�i
56
'
ties. V oilà l’objet & le fens de l’article de l’Ordormance de
1 6 6 7; mais jamais le Légiflateùr n’a entendu fupprimer ou
annuller des recherches faites de l’autorité du Juge fur 1111
point fufceptible de la preuve teftimoniale , & dans des circonftances où les délais auroient pu nuire à cette preuve.
Q u o i qu’il en foit au refïe du vrai fens de la Loi , voulezvous qu’elle tombe en effet fur notre enquête ? voulez-vous
qu ’elle nous défende de produire ain fi, avec les formes juri
diques , une démonftration écrite de votre parjure & de la
vérité de nos droits ? Eh bien ! nous y confentons ; qu’en réfultera-t-il ? Q u e ces dépofirions ne feront plus des témoi
gnages judiciaires : nous le voulons bien : ce fera une procé
dure inutile ; mais les pieces qui lacom pofent ne feront pas pour
cela anéanties.
C e n’eft plus une information que nous préfentons à la Juftice , c’eft un afte de notoriété légalifé par un Juge, & {igné
de cinquante de nos Com patriotes, qui fe font unis pour
certifier ce qu’ils ont v u , les faits dont ils ont une parfaite
connoiffance ; ce font des atteflations perfonnelles que chacun
d’eux a données en fou particulier devant un homme public ;
ce fera un commencement de preuves par écrit, à la faveur
duquel nous demanderons d’être admis à faire la preuve complette en vertu de la même Ordonnance. Ces pieces que vous
réprouvez, mifes fous les yeux des Magiftrats , ferviront à
convaincre l’homme en eux , en attendant que les mêmes faits,
les mêmes détails, produits avec l’appareil des form alités,
puiffent fubjuguer le Juge.
Mais avons-nous en effet befoin de ce délai ? Aurons-nous
recours à ce fupplément apparent d’une preuve déjà faite ?
N on j
M
essieu rs
; ce ft tout ce que nous pourrions faire fi
nous
�m
M
nous n’avions d’autre; appui que la poiTeiîion antérieure de
l’état que nous réclamons pour l’avenir. Mais à cette pofleifion
déjà invinciblement démontrée aux yeux de l’honneur & de
la con fcien ce, nous allons joindre des titres qui ne permet
tront plus à la Juftice de balancer; nous allons faire voir que
ces titres facrés n’ont été ni fouillés par la fraude, ni enfantés
par le menfonge. Si la bouche qui les attaque étoit auiTi pure
que la main qui les préfente , il ne manqueroit rien au bon
heur des Parties.
\ /
§.
III-
Preuves de l'état de la Demoiselle Camp par titres.
R é f l e x i o n s
p r é l i m i n a i r e s .
N ous vous arrêtons i c i , vont fans doute s’écrier nos A dverfaires : vous voulez parler probablement de ces aftes de
célébration , ou furpris , ou fabriqués dans les ténebres ; vous
allez multiplier les efforts & les fophifmes pour les pallier ;
épargnez-vous cette profuiion inutile de paroles & de raifonnemens : deux obfervations feules fuffifent pour vous réduire
au illence.
D ’ab o rd , vous êtes Proteftante, vous le publiez haute
m ent; dès-là il eftim poifible que vous foyez mariée valable
ment , il eil donc impoifible aufll que vous foyez même
admife à produire les monumens d’un mariage chimérique.
. E nfuite, ces a&es dont vous croyez faire ufage , en les produifant les premiers nous les avons réduits en poudre avant
m ê m e qu’ils aient pu repaffer de nos mains dans les v ô tre s ;
nous fommes prêts à nous inferire en faux , ii vous ofez feu
lement feindre de ramaffer les débris de ces menfonges : abanH
�ïf
dbnnezrles donc volontairement!, avant; que d’y être réduits par
là force. .
"Vtoilà-, M e s s i e u r s , ^ peuprès,ce. qu’ont dit , ou du moins
ce q u ’o n t voulu dire:nos.Adiyerfaires ; ils ne m’accuferont pas
d’affoiblir leurs o b jeô io n s, mais bientôt ils me reprocheront*
encore moins d’y répondre..
V ou s prétendez donc qu’un mariage contra&é par des Proteftans ne peut être valide ÿ q u e, fans examiner là nature des
titres , ou l’authenticité des monumens qui le con fiaien t, il
faut l’annuller ; & fur quoi fondez-vous cette étrange déciiion ? L e mariage en lui-même n’eft que l’exercice du plus na
turel de tous les droits : tout être qui a reçu la vie a , par cela'
m êm e, contrafté L’o bligation de la donner;. & l’un des plusgrands adouciffemens peut-être à la néceflité de conferver ce
p réfen t, fouvent fi douloureux , ii funefte, c’eft le pouvoir de
le communiquer.
A la v é rité , des confédérations d’un autre ordre ont fait?
quelquefois déroger à cette Loi univerfelle ; une vertu plus
fublime a fan&ifié des privations qu’une vertu plus commune
redoute : le célib at, qui femble contrarier la n ature, a été
confacré par une autorité qui a droit de la maîtrifer.
M ais, outre que cet effort de l’héroïfme religieux n’eft re
commandé qu’à ceux qui s’en font crus capables, outre qu’il
n’eft méritoire Sc exigible que quand il a été volontaire *au
moins dans l’origine, les Proteftans n’en font pas fufceptibles;
leur croyance n’y attache aucun prix ; l’impuliîon de la nature
fe fait donc fentir en eux avec toute fa force ; il eil néceffaire1
qu’il produife des effets; il efi donc néceffaire auift, ou qu’il»
aient recours au mariage qui légitimera ces effets-& les rendra
utiles à la fo cié té, o u q u ’ils fe plongent dan» 1« libertinage qui'
les enrendra les fléaux,
�O r cft-il v r a i,
*9
M
essieurs
, qu’il y ait
des
Loix qui
les
réduifent à la fécondé partie de cette alternative ? Eft-il vrai
.qu’une Com m union entiere de Chrétiens éclairés par les lu-mieres de l’Evangile , foient punis d’une erreur qui leur
en
cache quelques vérités, par une dénégation abfolue de tous
les droits attachés à la qualité d’homme & de citoyen ? Eft-*il
vrai que vous foyez aftreints, par des réglem ens, à flétrir
leur race, & que le malheur feul de ne pas fuivre une croyance
affez épurée, les fouïnette , eux & toute leur poftérité, à ne
-pouvoir contracter que des liens h o n teu x , à ne connoître de
l’amour que ce que l’animal le plus méprifable peut en difputer
à l’hom m e, à ne chercher dans L’union des fexes que la fatisfa&ion d’un befoin m om entané, à devenir, dans les plus doux
momens de leur exiftence, tout à la fois vils & cruels : v ils ,
par la baffeffe qui leur ferait rechercher un .plaiiir paflager,
malgré la honte qui y feroit attachée pour eux; c ru e ls, par
ljindifférence avec laquelle ils en envifageroient les effets, par
l’infenfibilité qui ne les empêcheroit pas de donner le jo u r
à des êtres dévoués comme eux au plus ignominieux ef.clavage ?
N on,
M essieurs
, il n’exifte point de L oi pareille. Si en
effet il en exiftoit une , elle feroit l’opprobre de la légiflation.
M a is, je le répété, il n’en exifte pas. Je porte ici le défi à nos
Adverfaires d’en citer une , une feule qui préfente feulement
la moindre idéfc de cet oubli de la part du L égiflateu r, & de
cette humiliation prononcée contré les Sujets.
Ils nous renverront, je le fais, à l’Edit d’O ftobre i
<585 ,
à
la Déclaration du 14 Mai r7»4 ; ils citeront tout au long les
articles 1 de l’un & 15 de l’autre. Le premier interdit aux Ré*fofiïrés tout exercice de îeur R eligion, il prcyfcrit les
H ij
�éo
■blées qui ont le culte pour objet. Je l’avoue : mais qu’en rél’u lte-t-il ?
Si le mariage n’eft p o in t, dans cette C o m m u n io n , un aile
religieux , peut-on croire que la rigueur avec laquelle la R eli
gion a été fou droyée, a pu s’étendre jufqu’au mariage ? Si
une des méprifes des Proteilans , fi un des points de la croyance
funefte qui les entretient dans le fchifm e, c’eft le refus de
croire que D ieu ait élevé l’union des fexes au degre de facre
ment , &: qu’il ait attaché la profufion de fes grâces fpirituelles
à la promelfe par laquelle deux individus s’engagent l’un à
l’autre fur la terre, eft-il poflible d’imaginer que le Légiilate u r , en profcrivant cette cro yan ce, ait auffi.voulu profcrire
cet engagem ent ?
O r,
M
essieu rs
, vous le favez , aux yeux des Réformés
le mariage 11 eft que ce qu’il a été fi long-tems avant que le
jour qui nous”éclaire fût levé pour le genre hum ain, ce qu’il
eft encore chez tous les peuples à qui cette lumiere eft incon
nue f un pur contrat civil ; c’eft devant le Magiftrat qu’ils le
contra&ent : c’eft l’autorité laïque qui forme les noeuds dont
ils fe chargent ; s’ils affe£lent de les confacrer par la média7
tion du Minillre des autels , c’eft un hommage poftérieur &
abfolument volontaire qu’ils rendent à leur Eglife : [’interven
tion du Pafteur n’eft point néceffaire ; & fi, foit par le caprice
des contra£lans , foit par un accident imprévu , foit par quelqu’autre raifon , la célébration eccléfiaftique n’a pas lieu , l’u
nion n’cn a pas. moins la plénitude de fes effets civils, pourvu
que la puiffance politique l’ait ratifiée.
Je fais,
M
essieurs
, qu’ils font à plaindre par cette liberté
même ; je fais q u e , fous prétexte d’épurer leur culte en cette
partie, ils en ont en quelque forte dégradé les M iniftres, &
�61
qu’en croyant délivrer leurs liens d’une fujction im portune,
ils fe font privés des fecours qui peuvent le plus contribuer a
les rendre précieux pour des ames éclairées par la veritable
foi. Mais il ne s’agit point ici d’apprécier leurs principes en
th éo logien , il n’eft queftion que d’en conftater la nature en
politique ; & la voilà : c’eft: de réduire le mariage à n’être
qu’une promeffe , un contrat fournis comme les autres à l’in
fluence du M agiftrat, dépendant excluiivement pour fa vali
dité, de la puiffance ^emporelle , qui parmi nous ne s’en eft
réfervé que la police. O n ne peut donc pas dire qu’il faiTe
partie des exercices profcrits p arl’Edit de 1685. Cette L oi ter
rible qui a renverfé les Tem ples & anathématifé les C oniiftoires ; cette L oi qui a coûté à la France tant de Citoyens utiles,
& enrichi il rapidement les Nations étrangères de nos dé
pouilles , ne ftatue donc rien de contraire au mariage des P ro
ie ftan s\A l’égard de la Déclaration de 1 7 2 4 , que porte l’article 1 5 ?
Que les Particuliers nouvellement réunis à la Foi catholique
feron t, comme tous les autres Sujets, obligés à exécuter , félon
leur forme & teneur, les loix du Royaume fu r le fa it du ma
riage. V ou s vo yez l à , M e s s i e u r s , deux claffes de Citoyens
exa&ement marquées ; y eft il qu eftion , peut-on fuppofer qu’il
y foit queftion des R éform és? Sont-ils compris dans cette expreflion générique, comme tous nos autres Sujets ?
. Mais fi cela éto it, rien de plus inutile que la diftin&ionmarquée par la Loi ; fi ces enfans rebelles à l’Eglife étoient
déjà fournis aux Ordonnances politiques, même avant que
d’être rentrés dans le giron de leur M ere , quel befoin étoit-il
de faire mention de l’obéiffance à laquelle ils feroient aftreints
après leur retour ? Sans doute, en abj,urant leurs erreurs, il*
�6t
•h’auroîent pas acquis le droit de braver les L oix de leur patrie:}
to u t le changement qui fe vferôitjOpéré en e u x , c’eftque l’homïnage forcé qu’ils auroient rendu auparavant à des conilitu*tions qvùls ne reconnoiffoieilt point., feroit devenu'raifonnable , volon taire, confécju.ent, lorfqu’ils auroient adopté la
façon de penfer qui les môtive.
S i,, en qualité de Prqtéftans, ils éto’iënt déjà afïujettis aux
‘formules des C ath oliqu es, à quoi ferviroit d’annoncer qu’ils
n’en feroient pas exempts cjuand ils de.viendroient .Catholi
ques eux-mêmes? D e cela fèul que la Déclaration de 1724 les
y aflreint dans le cas de lëu'r abjuration comme les autres Su
jets , il s’enfuit que
Ces
autres Sujets ne font pas ceux de leurs
freres qui perïiiloi<?nt daiis le fcliifme
que cette nouvelle
efpece de dépendance ne leur devenoit commune ¡qu’avec le?
•Catholiques , dont ils pàrtageoiéht déformais le bonheur & les
,dogmes.
Mais , dira:t-oti, ils perdoient à cette'régénération ;;Ies fectateurs obilinés de l’erreur reiloient lib res, tandis c^ueles enfans adoptifs de la vérité devenoient efclâves ; le fort de ceuxci étoit plus rude precifétoent en raifon du droit qu’ils acqué^oient à des adouciffemens,.
N on,
M
essieu rs
, on ne nous fêra point ce raifoilrte*
ment 'blafphématoire; outre les biens que ce changement leur
afïuroit du coté du falu t, cette fervitude apparente leur valoit
autant d’avantages , que la liberté chimérique qu’ils abjuroient
produifoit d’inconvéniens ; ils rentroiént en polleffion de tous
Jes privilcges dont leurs anciens freres étoient privés.; la bar
rière élevée par une L oi inflexible entre eux & tous les états
de la v i e , s’évanouiïïoit ; ils redevenoient capables de tout#
Içs 'diftin&ions focialcs dont l’apiniàtreté des' aïitrèS le s ‘éScluOiif
�/¿)3
il falloit bien qu’en rentrant dans,le Corps de, la Nation } eii
quelque fo rte , ils en fupportaffentles ch arges; & une de
ces charges étoit l’obfervance ilrifte des L oix fur le fait des
unions conjugales.
Q uant au refte de ces efpritsy d’ailleurs fi paifibles, qu’une
déplorable prévention fixoit dans-la révolte contre les dogmes
de FEglife feulement , ils reftoient dans l’excommunication
politique &
religieufe prononcée contre eux.; tous les arts ,
toutes les profeffions^ tous les méders leur étoient interdits ;
le com m erce, feul état peut-être fur. lequel la>force n’ait point
dep rife, ni l’autorité d’empire, le-commerce étoit leur uniquereffource, comme il a été dans tous les tems & dans tous lespays celui de toutes les fettes écrafées. par une Religion dom i
nante & exclufive.
Maisda politique ,• en les mutilant' ainil de toutes parts en-'
quelque f o r ^ , en coupant tous les liens faâices qui: auroient
pu les-attacher à'la fociété., ne pouffoit pas: cependant la ri—
gueur au point de leur interdireTufage des facultés naturelles:'
dont cette même fociété, devenue fi impitoyable pour eu x , ne
' pouvoir manquer cependant de tirer avantage;.elle les p totégeoit dans leurs unions entre eux ; aucune Loi., je le répétéencore, M e s s i e u r s , & il cil important de le répéter fouv e n t, aucune Lot ne les dévouoit au plus affreux de tous les
anathêm es, à- celui de ne pouvoir perpétuer leur race- fans
honte, ou fans crainte.Il y a bien plus : le Souverain les encourageoit à remplir
ouvertement cette fon& ion’précieufe, cette deftination eflentiellede tout être vivant. D ’a b o rd ,. ce même Edit accablant1de
»-6S5 les invite à r e s t e r d a n s LE R o y a u m e , en attendant
quil-plaif-e à-D ieu de-Us iclairer, W leur promet q u ils y pour*
�64
font continuer leur commerce & jouir de leurs biens, fans être
troublés ni inquiétés fous prétexte de ladite Religion , à condi
tion s comme dit e fl, de ne point faire d’exercice} ni de s’a f
fembler fous prétexte de prieres 3 ou de cidte de ladite Religion,
C e ft là déjà un engagement tacite, à la vérité, mais bien pré
cis , de refpecler leurs mariages & leur poftérité. Sans c e la ,
les promeffes de l’Edit ne feraient qu’une vaine ironie & une
cruelle dérifxon. Les exclure de l’a&e le plus important de la
\'ie, auroit-ce été tenir la parole de les biffer jouir de leurs
biens fans' les troubler ni empêcher ? Pourrait - on regarder
comme un état paiiible la contrainte violente où paiTeroient
leurs jours, des êtres condamnés à combattre éternellement
les plus doux penchans de la nature ?
Ainfi donc le Souverain, même en refufant fa fan&iorl à
un culte que la rivalité du fien ne pouvoit plus tolérer, en
banniffant de ces exercices mécbaniques ou ingénjeux qui font
tantôt la fo rce, tantôt la gloire d’une nation, des efprits opi
niâtres qui vouloient avoir d’autres dogmes , d’autres autels
que les tiens, s’eft engagé cependant à les tolérer dans le
refte. Il a donné fa parole de leur conferver la jouiffancp de,
burs biens fans trouble; c’eft-à-dire, le droit d’en acquérir & .
de les tranfmettre, & par conféqupnt de fe faire à eux-mêmes
des héritiers capables de les recueillir. Et ce n’eft pas encore
tout : en portant le coup mortel à l’exiftence politique de l’er
reur, il a pris des mefures pour fixer la maniéré dont pour
raient fe perpétuer légitimement à l’aveiiir les infortunés dont
la Providence n’auroit pas encore diifipé l’aveuglerrjent.
C ’eft, M e s s i e u r s , une particularité prefque ignorée. C ’cft
un fait fur lequel il eft bien étonnant qu’on fe foit mépris , &
qu’on ie méprenne encore tous les jours. Non-feulement les.
mariages
�*5
mariages des Proteftans,.entre eux ne font.pas proscrits, mais
ils font autorifés. Non-feulement le Lég'.ÎÎateür n’a. pas eu dèffein de leur en interdire à jamais la faculté , mais il a eu l’in
tention de la co n ferver, de la protéger ; & cette intention
bienfaifante, il l’a exécutée au milieu des a&es rigo u reu x qu’une
perfuafion qu’il^ne nous convient point d’apprécier ic i, lui
faifoit multiplier d’ailleurs.
Précifém ent, quinze jours avant la révocation de l’Edit
de N a n tes, le 1 5 Septembre 1685 , dans le tems par conféquent où tout le plan de la nouvelle légiilation étoit fix é , où
la ruine de la liberté de confcience étoit décidée, où les m oyens
en étoient prêts , où l’Ordonnance qui devoit la confomm er
étoit dreiTée, dans ce tems , ce jour là m êm e, il paroît un
Arrêt du Confeil qui réglé la maniéré dont les Proteilans
pourront s’époufer à l’avenir. O n leur permet de célébrer
leurs mariages par l’interpoiition du Miniftre , pourvu toute
fois , dit l’A r r ê t, que ce fo it en préfencc du principal Officier de
Jujlice 3 & fous la condition exprefle quV/ n'y aura ni prêche,
ni exhortation, ni exercice religieux d'aucune efpece. Q u e
faut-il de plus,
M essieu rs
? Eft-il poilible de m éconnoître,
à un indice auifi frappant, le vœ u du Légiilateur & fa v o
lonté }
Et qu’on ne dife pas qu’il a lui-même annullé immédiate
ment après cet oracle émané de fa bouche ; que par l’Arrêt
du 15 Septembre il reftreint le droit de marier en préfencc du
Juge, à un certain nombre de Miniftres choifis & nommés par
les Intendans ; & qu’au contraire par l’E d it, il enjoint à ces
mêmes Miniilres d’abjurer ou de fortir du Royaum e. C e fer°it certainement manquer à la Majefté R oyale , que. de fupppfer 1 Adminiftration aiTez variable, aiTez inconféquente pour
I
�fe livrer , dans un fi court intervalle & fur le même o b je t, à
une contradl&ion auffi vifible. D e cela feul que l’Arrêt &
l’Edit font de la même époque & de la même main , il s’en
fuit qu’ils font concertés : & il n’efl: pas difficile en effet de les
concilier.
Dans le premier inftant d’une révolution fx facheufe pour
tous les individus qu’elle concernoit, il étoit important de pa
cifier les efprits, & deloigner des Provinces préparées peutêtre à la fermentation, des hommes que la nature de leur miniftere, l’habitude de la parole, la confiance , le refpeft
qu’infpiroient leurs malheurs, & le mérite de la perfécution fi
impofant aux yeux de la multitude, pouvoient faire paraître
propres à allumer l’incendie que l’on redoutoit. Il falloit donc
d’une part éloigner les Minières, dont l’ame trop fiere ou trop
fenfible n’auroit pu fe prêter à un changement fi rude, & de
l’autre conferver ceux qu’un cara&ere plus doux ou mûri par
l’expérience, difpofoit davantage à la foumiffion ; c’eft ce
qu’opéroient très-bien ces deux Réglemens.
Par l’E d it, tous étoient indiftinftement compris dans l’alter
native de l’exil, ou de la converfion, dont la menace devoit les
intimider. Par l’Arrêt, plufieurs étoient exceptés. O n laifToic
aux dépofitaires immédiats de l’autorité royale , le choix de
ces Pafteurs deftinés déformais à confoler en fecret leurs ouail
les , dans l’humiliation à laquelle la politique croyoit devoir les
réduire. Ils étoient chargés de veiller à écarter les Pafteurs
mutins en vertu de la Loi rigoureufe, & à conferver les do
ciles en vertu de la Loi indulgente.
C ’eft encore à peu près aujourd’hui l’état où cft cette
partie de l’Adminiftration. La Loi publique repouffe les M i
nières Proteftans : la tolérance fecrete les rappelle 'ik les
�ftiaintient ; ils font connus des Commiiïaires départis dans les
Généralités. T an t qu’ils n’abufent point de la confiance dont
on les h o n o re, ils font protégés ; ils ne font punis que quand
par un éclat dangereux >mais heureufement encore plus rare,
ils bravent des Loix qu’il faut toujours refpe&er, parce qu’en
fin ce font des L o ix , & que tant quelles exiftent, il fa u t, pour
le bien comm un , qu’elles foient au moins ménagées en ap
parence , loj^ même que la fageffe du Gouvernem ent veu t
b ie n , par des raifons perfonnelles, en fufpendre l’exécution.
E n fin , M e s s i e u r s , non-feulement le Gouvernem ent ne
profcrit point ces mariages , ou plutôt il les autorife ; mais
de fpn côté l’Eglife les approuve : la Puiflance laïque les to
lère , & la Puiflance eccléfiaftique les confacre. Rappeliezvous le B ref célébré du Pape Benoît X I V , que j’ai eu l’hon
neur de mettre fous vos yeux à la premiere Audience. C e
P o n tife , dont la mémoire fera à jamais chérie de l’univers
chrétien „ confulté fur l’opinion q u e l’on devoir avoir des
mariages contra&és par des Proteftans entre eux , ou avec des
Catholiques, décide que , dans un cas comme dans l’autre ,
l’union eft valide & indiffoluble! Dans le premier , fi les Par
ties reconnoiflent
leurs
erreurs &
qu’elles les abjurent ,
le changement que la grâce opere dans leurs cœurs n’en
apporte aucun à leur état : ils n’ont pas befoin , pour
afllfrer leurs liens, de les renouveller par l'intervention d'un
Prêtre , quoiqu’aucun Prêtre n’ait concouru à les former (1).
( i ) Quod altinet ad matrimonia ab Hareticis inter fe celebrata , non fer
rata forma per TriJentimini preferiptd , quccqiu in pofierùm contrahentur,
dumniodò aliud non obßiterit canonicum impedimentum , Sanclitas Sua ß a tuit pro valìdis habenda ejfe : adeòque f i contingat utrumque conjugem ad
liì
�68
Dans le fécond c a s , l’obftination dp la Partie infidelle ne. nuit
point à la validité des engagemens de l’autre. Qiûelle fe fouvienne quelle ejl liée éternellement ( i) ^dit le Saint Perë, Il
lui eft permis, recommandé m êm e, de faire tous les efforts
pour difliper l'aveuglement de cette malheureufe moitié 'id’elleniêm e,m ais non pai dëVen féparer. ,
Voilà d o n c / ' M e s s i e u r s
une Loi nouvelle, une Loi
précife' dans cette matière, qui achève de lever toute difficulté,;
Je ne réponds pas à la maniere plus qu’indécente dont on s’y*
eft pris pour l’éluder ¿page i j de l’imprimé du iieur de Bbmbelles. O n y cite une phrafe du Pape Evàrifte, qu’on dit con
temporain du diyin Fondateur d e ’ notre Religion, quoiqu'il
foit mort l’a n 10 8 de l’ere chrétienne. Cet anachronisme eft'
plus excufable que le badinage qui raccompagne : JÌ la D emoifelle Camp croît le Pape infaillible s dit le fieur dé Bombelles", Evarijle l ’etoit avant Benoît X I K . O r , la décifion du
premier eft contraire à celle du fécond , & par conféquent
elle doit prévaloir fur l’indifcrétion dùin moderne, qui n'apu 'l
de fa feule autorité , ni difpenfer les Fideles de la B énédicliort^
nuptiale qui ejl de droit divin , ni conférer pour Vimpartition ^
\
Catholicœ Ecckjitz Jlrium fe recipere, tockm quo antea conjugall vinculo ipfoç
omnino teneri , ctiarnfi mutuus confenfus coràm Parocko Catholico non rtnovetiir.
(2.) Quod vero fpecht ad ta conjugia qua abfqiit forma à Tridentina
fiatutd contrahentur à Catholicis cum Hxrcticis , ftve Catholicus vir Ilareticamfaminam in matrimonium ducatftve Catholicafxmina Ilœretico viro nubat. . .. Si hujufmodi matrimoniumfit contracium , aut in poflerùrn contraili
continuât , Tridentini forma noti fervatd , déclarai Sanclitas Sua , alio non
concurrente impedimento, validum habendum ejfe. . . . Sciens conjux Catho
licus fc ijlius matrimonio vincalo perpetuò ligatum iri.
�69
fes pouvoirs aux Miniftres Protejlans qui n'ont pas reçu Üordi
nation canonique , ni ratifier des impartitions illicites dans leur
principe.
Je ne prétends point , M e s s i e u r s , développer ici jufqu’où s’étend l’autorité d’un Souverain Pontife. Je me borne à
examiner ce que celui-ci a fait; & je vois que , quoiqu’il con
nût la décifion de fon prédéceiïeur, quoiqu’affurément celles
des Concita^ ne lui fuflent pas cachées , quoique fes lumiè
res fuffent égales à fes connoiffances & à fa droiture, ou plu
tôt parce qu’en lui les unes égaloient les autres , il a cru devoir
prononcer l’oracle que j’ai mis fous vos yeux : oracle infini«
ment précieux dans la Caufe: oracle dont nos Adverfaires 11e
réuifiront jamais à obfcurcir le fens ou à diminuer la fo rce ,
parce cju’il eft conforme aux vues d’une faine politique, parce
qu’il s’accorde avec la charité de la Religion bien entendue,
parce qu’enfin il émane d’une autorité infiniment refpe&able ,
d’un homme que la fupériorité feule de fon génie permettroit
de regarder comme un guide irréfragable, quand à íes autres
qualités il n’auroit pas joint celle de C h e f de l’Eglife.
Ici nos Adverfaires m’arrêteront encore. Q u ’im porte, di
ront-ils , une décifion qui 11e concerne que des Etats étran
gers ? Benoît X I V n’a eu en vue que les Proteftans de H o l
lande ou des Pays-Bas : &: dans ces contrées en effet ils ont
une exiftence légale ; mais il n’en eft pas de même en France.
Il .n’y a point de Proteftans dans notre patrie. Les Tribunaux
n’en connoiffent point. T o u s les François fontcenfés C ath o
liques fans exception : vous cherchez ici des Loix pour des
êtres chim ériques, dont il c il même défendu aux Juges de
regarder la réalité comme poifible.
L a première partie de cette objection,
M
essieu rs
, fe dé
�70
truit par la feule lefture du Bref. Quoique Sa Sainteté femble
en reftreindre l’application, parce qu’EUe ne répond qu a ceux
qui l’avoient confultée, cependant les termes qu’Elle emploie
font généraux. C e n’eft pas un ufage national, ni un point de
difeipline particulier qu’Elle fe propofe d’expliquer, c’eft la
dodrine de FEgliie entiere qu’Elle développe, fur un article
çffentiel pour tous fes enfans.
Quant à l’cxiftence des Proteftans, je ne m’arrêterai pas à
combattre longuement cette obje&ion indigne elle-même d’une
réfutation férieufe, quoiqu’elle foit tous les jours très-férieufement hafardée ; ce n’eft pas volontairement que. je m’arrête
fur ces matieres délicates , où l’intention la plus pure ne fauve
pas toujours des interprétations malignes, & où il eft quel
quefois plus dangereux d’indiquer la vérité, que d’appuyer
l’erreur en mille autres occafions. Je me contenterai de vous
ob'ferver que les Proteftans, par le fait & par le droit, ont
réellement dans le Royaume cette exiftence que je leur fuppofe ici.
•A l’égard du fa it, il ne peut pas être révoqué en doute ;•
nous fommes entourés de ces Citoyens utiles qui s’épuifent
pour expier, à force de fervices, les maux qu’a caufés le fanatifme de leurs peres , ou plutôt peut-être celui de leur iîecle.
Des Provinces entieres en font compofées ; mais auffi pacifi
ques déformais que leurs ancêtres ont été furieux, ils ne fe
diftinguent que par leur foumiifion.
O n peut fe méprendre quelquefois fur l’exiftence d’un par
ticulier. Il eft des cas où les Tribunaux peuvent, fans incon
vénient , la méconnoître ; mais il n’en eft pas de même de celle
d’un peuple nombreux, d’une nation entiere.
Quand il y auroit en effet une Loi qui fupprimeroit les R é
�'Ào i
7*
formés dans toute la F ra n ce, & qui défendrait aux Cours de les.,
fuppofer exiftans, s’il eft de notoriété publique- qu’ils exiftent»
qu’ils viven t, qu’ils contra&ent fous l’autorité duPrince, il s’enfuivroit évidemment que la L o ia f u b i une révocation tacite;
que le Souverain l’abroge dans le fait, & qu’il confentàfon inexé
cution dans ce cas-ci,com m e dans tant d’autres. M ais,
sieurs
M
es
, il n’y a point non plus de Règlem ent de cette nature.
Je réitéré ici à j^os Adverfaires le défi que je leur ai déjà porté fur
l’article du mariage. N on-feulem ent il n’y a pas d’Ordonnance
qui interdife aux Proteftans la faculté que la nature leur donne
de refpirer l’air de la France , d’y élever leurs enfans , d’y foutenir leurs droits civils ; m ais, vous l’avez v u , il y en a de pré*
cifes qui leur conferent ces prérogatives, & leut en affurent la
jouiflance.
V ou s vous rappeliez ce même Edit d’O & o b re 168 5, que
j’ai eu l’h o n n e u r d e vous c it e r ; cette Loi fanglante qui a terraffé
le fch ifm e & fait couler tant de p le u rs , d o n t la v ra ie Religioit
feule n’auroit peut - être pas exigé le facrifice. ^Eh bien , cet
Edit les autorife en termes précis à demeurer dans le Royaum e,
leur garantit l’exercice de leur commerce &: la jouiflance
de leurs biens. Jamais-cette parole authentiqe n’a été révo
qué!! En accablant le c u lte , on a donc toujours refpe&é les
perfonnes; ils ont donc une exiftence de fait & de droit dans
'le Royaum e. V ous pouvez d o n c,
M essieu rs
, vous d e v e z3
dans ce qui n’eft que purement civil, dans ce qui ne concerne
point la croyance ou les exercices religieux, & fur-tout dans
toutes les difeuflions qui portent fur leur état politique, leur
donner la même attention , la même b o n té , les mêmes fecours
qu aux autres Citoyens.
Il n y a point de L oi civile qui proferive leurs mariages;
�il ne peut pas y en avoir : il y en a u n e, au contraire , qui les
autorife : il y en a une qui en réglé la forme & qui en fixe l’ap
pareil; & l’E glife, loin de réprouver cet arrangement, le con
firme. Elle donne prefque la force & la validité du Sacrement v
à ces nœuds temporels que l’intervention feule du Magiftrac
laïc a formées. Les Proteftans font donc en droit d’en pro
duire les monumens. Ces traces écrites qui confiaient un con”
trat refpeftable, lors même qu’il eft dépouillé de la dignité fpirituelle qui le décore pour nous, font admiffibles dans les T ri
bunaux.
C ’cft ce qu’il falloit démontrer d’abord, afin d’éca rter,
d’une part, quelques fcrupules que laiffoient appercevoir des
perfonncs même bien intentionnées, fur le fond de cette
C au fe; afin tde juftifier en quelque forte le G ouvernem ent,
qui n’a pas penfé que la croyance
4 e la
Demoifelle Cam p fût
une raifonpour luirefufer l’accès des Tribunaux; & , d ’autre
part, afin de ne point laifler à nos Adverfaires ce prétexte, dont
ils auraient triomphé avec afFeâation,
J’ofe vous fupplier,
M essieu rs
, de vouloir bien ne point
perdre de vue les réponfes que je viens de faire d’avance à leurs
obje&ions. Il n’arrive que trop fouvent que dans des querelles
de la nature de c e lle -c i, dans des plaidoieries que la divifion
des audiences éloigne néceffairement les unes des autres, on
o u b lie , ou l’on s’efforce de faire oublier aux Juges ce qu’ils
avoient d’abord entendu. O n renouvelle, on rajufte les diffi
cultés: on feint d’ignorer quelles ont été détruites ; & la rapi
dité de la parole fécondant cet artifice, l’avantage du fond
femble en quelque forte refter à la Partie qui parle la derniere,
tandis qu’elle n’a vraiment que celui de la place : elle femble
avoir tout dit viâorieufem ent, précifément parce qu’elle a'
rien dit qui pût lui affurer la vittoire,
V ou s
�75
V ou s ne fouffrirez pas,
M
essieurs
, que cette rufe foit ici
mifeen ufage, ou du moins elle le fera fans fruit, fi 011 o fe l’em
ployer. V ous voudrez bien vous fouvenir que j’ai démontré la
réalité des droits civils des Proteflans ; que j’ai juftifié le privi
lege de leurs unions ; & qu’en perdant les prérogatives qui dé
pendent , dans un Etat p olicé, de la volonté mobile du Sou
verain , ils ont confervé du moins celles que donnent les loix
confiantes, immuables de la nature.
E x a m e n d e s t it r e s q u i p r o u v e n t le m a r ia g e .
Examinons maintenant ces titres, annoncés depuis fi longtem s, & com battus, au moins par des m enaces, avant même
que nous fuffions décidés fur l’emploi que nous en devions
faire. Il y en a deux,
M essieu rs
, comme on vous l’a dit, &:
tous deux font des aftes de célébration du même mariage; l’un
émané d’un Miniftre Proteftant, l’autre d’un Curé Catholique.
T o u s deux ont été dépofés chez des Notaires, afin de ménager
le m oyen d’en tirer .des expéditions exactes ; tous deux ont été
légalifés folemnellement par les Juges des lieux avant le dépôt :
il n’y a donc rien qui n’en garantiffe l’authenticité.
Cependant le fieur de Bombelles affirme qu’ils font faux.
Les v o ilà , s’écrie - 1 - i l , c’eft: moi qui les révélé ; & il vous
entendez vous en fervir, je fuis prêt aies attaquer par les voies
de droit. J’ai de plus un Affocié qui m’aidera dans ce com bat
difficile : c’efl le C uré dont vous avez ufurpé le nom ; il défavoue hautement fa fignature, comme je défavoue mon ma
nage. Unis par cette conformité d’intérêt, de fentim ens, for
tifiés par cette complicité m utuelle, nous vous offrirons des
athletes redoutables, dont vous ferez prudemment d’éviter
le choc.
�74
A h ! gardez pour vous ces infirmations de ménagement &
& de prudence ! C ’étoit dans votre Caufe qu’il en falloit faire
ufagé. Q uoi ! vous vous flattez par de vains propos d’éblouir
la Juftice fur des aftes écrits que vous-même lui préfentez? Ils
fubfiftent tant qu’ils ne font pas attaqués ; vous ne les attaquez
point, en difant que vous les attaquerez : jufqu a ce que vous
ayez formé votre infcription de faux, 8c qu’elle ait été admife,
jufqu a ce que vos moyens aient été jugés pertinens & valides,
ces a&es font la réglé dont les Tribunaux ne peuvent s’écarter.
C ’eft votre L o i, comme la nôtre & la leur: vos efforts, pour
les éluder, font puériles, & vos tentatives illufoires.
Mais feriez-vous recevable à la former, cette infcription de
faux? Quel en feroit l’objet? D e faire déclarer nulles ces pieces
qui vous importunent ; de les rejetter du procès, où vous les
redoutez ? Mais elles n’en faifoient point partie : c’eft vousmême qui les y avez incorporées. Si réellement vous les croyez
fauifes, pourquoi les tirer de l’obfcurité où nous les laiffions ?
Nous ne les avons jamais produites. Si dans le Mémoire à
confulter le certificat du Miniftre Proteftant a été d’abord an
noncé, d’autres vues, le refpeft pour des préjugés mal fondés, le
peu d’envie de s’embarraffer dans les difcuffions où vous nous,
avez forcés d’entrer, nous avoient décidés à les laifler à l'écart*
Si celui du Curé Catholique a été vu , comme vous le dites*
des Magiflrats & des principaux parens de la Demoifelle Carvoifin, c’étoit par l’ordre d’une autorité fupérieure ; mais dans
le procès, & même dans le Mémoire à confulter, il n’en a pas
été queftion. C ’efl: donc vo u s, & vous feul, qui en avez opéré
la repréfentation : or on n’efi: pas recevable à attaquer foi-même
des titres qu’on pouvoit fe difpenfer de produire. D ès que,
par le filence, on étoit en droit d’attendre le même avantage
que peut procurer l’attaque, celle-ci neit point tolérée par la
�75
Juilice, qui réprouve toutes les procédures inutiles. Votrô pré
tendue infcription de faux ne feroit donc pas admillible dans la
forme, quand même vous auriez la hardieffe de l’entreprendre.
Mais l’auriez-vous, cette hardieffe ? Au fond du cœur les
croyez-vous faux, ces ailes que vous inculpez avec tant de
légéreté ? Soutiendriez-vous jufquau bout une procédure férieufe, dont la fin ne pourroit être que de vous convaincre
vous-même ^’une impoilure iniigne , & d’ajouter encore, s’il
fe pou voit, à l’opprobre dont cette Caufe ne vous a déjà que
trop couvert ?
J’en appelle ici à vous-même : c’eil votre cœur que j’inter
roge : ofez nous en développer les replis : faites-nous voir qu’il
eft vuide de crainte, exempt de remords ; que le tems en a
effacé jufqu’au moindre fouvenir de cet engagement qui fait
aujourd’hui votre effroi, parce que vous avez perdu l’innocence
avec laquelle il a fait vos délices. Ah ! je ne veux ici d’autre
Juge que votre confcience. Trouvez moyen de mettre au jour,
d’une iganiere certaine, les fentimens qui l’agitent & peut-être
le déchirent en ce moment, & nos conteilations feront bientôt
décidées.
Ces a£les font faux ! Et comment le prouveriez-vous ? Eftce celui de Bordeaux que vous attaquerez d’abord? Le Curé
le dénie hautement ; il foutient qu’il ne l’a ni (igné ni délivré ;
mais ce Curé prudent qui prévoit les événemens, qui voudroit
tout à la fois vous fecourir & ne pas s’expofer, avoue pourtant
que la iignature reffemble ti fort à la tienne, qu’elle lui fait illu
sion à lui-même (i). Il n’y a donc pas là de moyen de faux. Les
Experts pourront-ils fe défendre d’une illufion qui trompe la
6 ) V o y e z la Lettre de ce C u r é , au fieur de Bombelles.
K .j
�76
Partie la plus intéreflee à s’en garantir ? D es étrangers démê
leront-ils l’impofture d’un écrit qui en impofe à celui même
dont on a co n trefait la main ?
V ou s offrez de prouver que vous n’étiez point à B ordeaux,
mais à T o u lo u fe , à lep oque indiquée par l’a&e. A h ! ne pouf
fez pas l ’imprudence jufques-là ; outre que la preuve contraire
feroit trop facile, nous en avons une déjà faite , qui vous difpenfera de cetté ignominieufe & pénible corvée. Dans l’année
même de votre m ariage, dans la premiere ivreffe de votre féli
cité , dans ces momens où vous ne refpiriez encore que pour
le bonheur & la vertu , vous avez avoué à vos amis le fecret
de votre mariage à Bordeaux : la Juftice leur a arraché cette
confidence, dont vous avez perdu la mémoire. V o s anciens
camarades ont dépofé de ces aveux échappés à votre franchife,
dans un teins ou elle ne pouvoit pas être fufpefte.
Le Jieur Paul-Elit Vialette c£Algnan , ancien Officier du Régiment de
Piémont :
D épose , qu’il a v é cu d’une étroite liaifon avec le fieur île Bom~
b e l l e s .......................................................... qu’étant revenus enfemble
l’h iver fuivant en cette v ille , ledit fieur de Bombelles dit au D é p o fant pendant leur route & en la ville de P a ris, qu'il ¿toit marié & avoir
époufé la Demoifelle Camp, à Bordeaux ou aux environs.
Mefjîre François de Btaudau , Lieutenant-Colonel d'Infanterie,
D épose , que M. de Bombelles , long-tems avant de partir de cette
ville (d e M ontauban) lui a déclaré & avo u é fon mariage avec la
D em oifelle C a m p , lui ajfurant avoir époufé à Bordeaux.
Et vous parlez de vous infcrire en faux contre l’afte de Bor
deaux !
Serez - t o u s plus heureux contre celui de Montauban ? Il
porte, dites-vous , une fignature idéale, parce qu’il fe trouve
�2
o
7
77
foufcrit Sol-Elios. Ce mot, par un rapport qui n’eft aiTurément
point fans exemple, iignifie le Soleil en Latin & en Grec ; en
conféquence vous vous écriez agréablement que cejl un nom
en l'air; qu’on ne trouvera point fur la terre l’individu auquel
il s’applique. Vous niez de l’avoir jamais connu : oferiez-vous
l’atteiier fur la foi du ferment? . . . .
Mais non , je vais vous
épargner la tentation d’un nouveau parjure. Ecoutez & rou-giiTez.
^
V o ici, M e s s i e u r s , une preuve non douteufe de Texiitence
de cet homme chimérique. Voici une lettre de ce fantôme que
le iieurde Bombelles méconnoît, & qu’il met au rang des vifions fantaffiques dont la Demoifelle Camp remplit l’Europe
pour troubler la paix de fon ménage. Le fieur Sol-Elios, après
avoir été douze ans Miniilre à Montauban , s’eft retiré à S&verdun, dans le Comté de Foix. Voici ce qu’il écrit le 6 de ce:
mois à un de fes Confreres :
O u i , cher a m i, c’eft mol qui prêtai mon miniftere à M. de Bom
belles, pour fe lier par les noeuds les plus facrés avec Madame de Bom
belles t ci-devant Mademoifelle Cam p. C ’eft donc mal-à-propos que c e
Gentilhom me fournit aujourd’hui des doutes à fon A v o cat fur mon»
exiftence , puifqu’il m’a vu y qu’il me co n n o ît, & qu’il devroit fe rap p eller du peu que je lui dis lorfque je lui départis la bénédiâion nup
tiale................................................................................................. ........
M . de Bombelles prétend que je fuis un fo u rb e, un im p o iïeu r, dont on
a emprunté le nom r ou qui l’a lui-m ême prêté pour donner quelquecouleur à l’impofture. Q u e ce Monfieur me connoît mal
M. de Bombelles prétend qu’il n’y a jamais eu à M ontauban, ou aux en
virons , de Pafteur défigné fous le nom de Sol dit E lios.............. Il n’eil
du tout point fondé fur cet a rticle , puifque j’ai d e fle rv i, en qu alité
de P a fteu r, ce pays là l’efpace de dix à douze ans ; que je fuis également
connu fous ce nom dans le Périgord tout comme ici. C et cchapatoir'fc'
�78
de fa part eft d’autant plus groiîiérement tr o u v é , qu’il eft aifé de.fe
convaincre de la vérité du fait par les Regiftres des baptêmes & des
mariages de l’un &C de l’autre endroit, tout comme par l’a tteftation( i) que
je vo u s e n v o ie , fignée d’un certain nombre de Bourgeois &. Habitans de
cette Ville , tout autant de perfonnes compétantes pour attefter que je
v i s , que j’exiftois il y a une quarantaine d’années , puifqu’elles m’ont
v u naître & que je laboure ma quarante-huitieme. Je fais qu’il n’eil
pont de plus méchans fourds que ceux qui ne veulent point entendre,
& que M . de Bombelles perfévérant toujours dans fon im pénitence,
Soutiendra que toutes ces fignatures , comme n’étant point munies du
fceau de la V ille , font des pures fictions : mais que ce M onfieur, ou
tout autre en qui je puiffe me co n fier, me fourniffe un fauf-conduit
de la C o u r , & je le co n vain crai, s’il le fa u t, de mon exiftence. Signé,
S o l dit E lxo s.
C e Pafteur eft donc un homme bien réel : le mariage qu’il
a béni a été folemnel.
»
M a is, ajoute-t-il, l’a&e n’eft pas figné des Tém oins; il ne
l’eft pas des Parties. Quand cela feroit , qu’en réfulte-t-il ?
N ’eft-ce pas l’ufage des lieux & la Loi des contra&ans qu’il
faut fuivre ? Vous-mêmes, M e s s i e u r s , pendant l’inftruftion
de cette Caufe , vous venez d’établir, par un Arrêt folemnel,
qu’il n’eft pas toujours néceflaire pour la validité d’un atte de
célébration, que les Témoins & les Parties l’aient figné; &
l’efpece étoit bien plus forte, il étoit queftion d’un mariage cé
lébré fuivant le rite Romain.
Le fieur Gobaut réclamoit la Loi qui lie les Catholiques
fur cet article : la Dame de Lepine produifoit la Coutume qui
les en difpenfe en Flandres & ailleurs. Dans cette matiere pro( i ) C ette atteftation fignée de dix-fept des principaux H abitans, a
été remife fous les y e u x de M , l’A v o cat Général.
�blématique, malgré les inconvéniens qui pouvoient réfulter de
cette opinion, vous avez prononcé en faveur de la Dame de
Lepine. Les Proteflans , attachés à l’ancienne difcipline, confervés par la révocation même de l’Edit de Nantes dans la
jouiflance des droits civils que cet Edit leur affuroit, ont confervé, comme les Catholiques des Pays-Bas& de l'Allemagne,
l’ufage immémorial parmi eux de ne pas exiger la fïgnature des
Témoins ni celle des Parties. En voici la preuve.
N o u s , fouifign és, Chapelains & Anciens de la chapelle de leurs
Hautes-Ptiiflances NoiTeigneurs les Etats-G énéraux des P rovinces
unies des P a ys-B as, auprès de fon Excellence M. Leitevenon de BerK e n ro o d e , leur AmbafTadeur à la C o u r de France , déclarons & cer
tifions q u e , fuivant l’ufage de nos églifes , nos regiftres des mariages
font uniquement lignés de nous C h ap elain , & de celui de nous qui fe
tro u v e en fo n & io n , & que ledit ufage ne demande ni même ne com
porte que les parties & les témoins lignent dans nofdits regiftresr Eu
foi de quoi nous appofons i c i , à côté de nos fignatures, le cachet de
notre Com pagnie. A Paris en C on iiiloire ce
Juin 177 2 . Signé, D u vO iS iN , C hapelain; F .G . d e l a B r o u e , Chapelain; L. S e r r u r i e r ,
Ancien ; F r é d é r ic D u v a l , Ancien (1 ).
D e ce c ô té , l’a&e de Montauban efl donc en réglé.
Mais il y a bien plus : ces témoins , dont la fïgnature n’a
pas été reqûife , parce quelle n’étoit pas nécefTaire, ont
rendu un nouvel hommage à l’authenticité de la cérémonie ,
que leur nom & leu r préfence ont légitimée. Ils ont été entendus
tous trois dans l’enquête dont je vous ai déjà tant de fois parlé;
& voici comme ils s’expriment.
Le Jitur Louis Ltcun, Négociant, âgé de 4 7 ans.
D épose , qu’étant dans une maifon, dans cette ville, vers le mois dier
Mars 1766 x il vit la cérémonie du mariage du Jicur de Bombelles avec la
0)
ligalifation de M. l’Arabaffadeur de Hollande eft jointe à ce certificat.
�I ..
8o
Demo'ifelle Camp ; fe rapellant ce fait très-particuliérem ent, que le Pafteur demanda, audit fleur de Bombelles, s’il vouloit pourf a légitime époufe,
la Demo'ifelle Camp , & quayant répondu avec beaucoup defécurité q u 'o u i,
ledit Pafleur, qui avoit déjà pris le conftntement de la Demo'ifelle Camp ,
bénit leur mariage, à la très-grande fatisfaâion de l’une & de l’autre des
Parties.
Les fleurs Jacques Brun & Jean-Pierre Moles dépofent la
même chofe.
Eft-ce un a£e de cette nature, eft-ce une piece ainiî juffifiée
que vous réufllrez à convaincre de faux ? L ’auteur fe préfente
& l’avoue; les témoins l’atteftent ; ce n’efl: plus un afte fuppofé,
ni un être imaginaire, comme vous l’avez avancé. Comment
éluderez-vous cette intervention, bien autrement férieufe, bien
autrement frappante que celle du Curé votre protefteur, quoi
qu’elle n’ait pas l’apparence judiciaire ?
Direz-vous que c’eflt une nouvelle impofture , qu’après
avoir appofé ce nom au bas d’ùn a£te , on n’a pas eu plus de
peine à le foufcrire à la fin d’une lettre ; que le Sol-Elios de
Saverdun n’efl: pas plus croyable que le Sol-Elios de Montauban ? N o n , vous ne le direz pas. La lettre porte un de ces
caraftçres de franchife & de probité, auxquels çn ne peut fe
méprendre. L ’atteftation des Habitans, qui y eft jointe, n’eft
pas fufpe&e. La Cour peut d’ailleurs ordonner à ce fujet des
informations qui l’éclai.rçiffent, M, l’Avacot Général peut en
prendre : nous fommes prêts à fubir tous les examens. Il n y
a pas de recherches qui nous inquietent. Avez-vous le même
çourage ? Montrez-vous la même fermeté }
Le Curé de Bordeaux nie qu’il ait rien infcrit fur fes regiflres
de l’afte dont il paroît avoir délivré l’extrait. Il en offre la vé
rification i
�8i
rification ; mais , qu’en réfulte-t-il ? O u qu’il les auroit fouftraits depuis que l’affaire a éclaté , ou qu’auparavant même ,
toujours précautionné , toujours attentif à fe prémunir contre
les événemens, il fe feroit difpenfé d’infcrire fur ces regiftres la
célébration dont il donnoit un certificat en bonne forme ;
qu’il auroit joint à la prévarication envers les Loix de fon Eglife,
une autre prévarication envers les Parties, en leur délivrant
une copie d’un a&e dont il n’exifteroit point d’original , &
qu’il en comniettroit aujourd’hui une troifieme , en niant la
vérité de cette copie même , écrite & (ignée de fa main.
Mais cette triple infidélité pourroit-elle nuire à la Patrie qui
eft innocente, & qui a rempli , autant qu’elle le pouvoit, les
devoirs que la Loi lui impofoit ?
C ’eft une fuppofition ! Mais fi l’on avoit pu recourir à cet
indigne artifice , (i l’on avoit eu befoin de cette fupercherie,
& que la famille de la Demoifelle Camp fe fût dégradée au
point de la mettre en ufage, pourquoi auroit-on choifi, par pré
férence , le nom d’un Curé d’une grande V ille , o ù , fi l’on vous
en cro it, la Demoifelle Camp n’a jamais été ? Pourquoi l’aller
chercher dans la Capitale de la Province , dans la Métropole ,
où réfidoit le Tribunal qui dans ce tems-là devoit connoître
du fa it, s’il avoit jamais excité quelque plainte ?
Q uoi ! en fuppofant que ce certificat de mariage dût exciter
des conteftations, c’étoit alors au Parlement de Bordeaux
qu’elles auroient été portées. Et c’eft un Pafteur de Bordeaux
dont on auroit pris le nom pour appuyer une femblable impofture ! Y avoit-il rien de plus redoutable , pour les fabricateurs de cette ufurpation clandeftine, qu’un pareil théâtre ?
Pouvoient-ils préfumer que le Curé de Saint Siméon ne feroit
L
�pas inftruit d’une querelle où fon nom auroit paru avec tant
d éclat ?
S’ils avoient eu en effet à contrefaire un titre, une fignature , à fe l’approprier fans la participation de la perfonne inté—
reffée, n ’auroient-ils pas choiii celle de quelques Pafteurs de
ces Paroiffes éloignées , de ces Villages perdus en quelque'
forte dans les landes impraticables dont le Q uercy & le'
Périgord font remplis ? Là ils auroient pu croire leur crime
enfevelir Us auroient pu fe flatter d’être à couvert de la récla
mation d’un homme qui n’auroit peut-être jamais entendu
parler d’eux , quelque bruit qu’eût pu occafionner leur affaire.Mais eft-il naturel qu’ils euffent choiii un Pafteur connu
dans une des Villes les plus commerçantes de la France î
Eft-il naturel que, pour dépofer la produftionde la fourberie *
ils euffent encore préféré le lieu où il a fon domicile , & où
par conféquent il étoit plus facile de la découvrir ?
Enfin cette piece eft légalifée du Lieutenant Général deGuyenne , Membre du Parlem ent, qui auroit été Juge de
l’Inftance dans la q u e lle elle auroit été produite , comme je'
viens de le dire,, avant la Loi qui attire devant vous, M e s
, tous les appels comme d’abus. N ’auroit-on pas re
douté les regards de ce témoin incorruptible , & fa jufte in
sie u r s
dignation , s’il avoit pu s’appercevoir qu’il eut été trompé £
Laiffonsdonc ces vains reproches, ces menaces encore plusvaines d’une infcription de faux : elle n’eft pas admifïible :
quand elle le feroit en apparence, elle ne pourroit réuûir dans>
le fond. Ces fortes de reffourccs femblent avoir été celles de
tous les. époux réfra£hires , q u i, fans être dans une pofition
auffi odieufe que celle du fieur de Bombelles, avoient le même
intérêt à fecouer des liens dont ils fe trouvoient furchargés».
�213 '
83
Il y a peü de Caufes de cette nature, où les a&es de célébra
tion n’aient été ou attaqués ou menacés, fans que la Juilice ait
même daigné s’arrêter à ces démonftrations illufoires.
Dans celle du Com te de la R iv i e r e c o n t r e la Demoifelle
de C o lig n y , au dernier fiecle > on s’élevoit contre l’aûe. L e
Com te de la Riviere avoit déclaré ne vouloir pas s’en iervir ;
la Dem oifelle qu’il réclamoit pour é p o u fé, & qui nioit lui
avoir jamais appartenu à aucun titre , é^cipoit hautement de
cette déclaration. Elle étoit appuyée des plus vives , des plus
preiTaiites foilicitations qui aient jamais été faites. Sa famille
intervenoit en fa fav eu r, & cette famille étoit com pofée de
ce qu’il y avoit de plus grand dans le R oyaum e , à com
mencer par la Maifon de Loraine : mais elle avoit écrit des
lettres où elle fe difoit mariée ; elle avôit eu un enfant qu’elle
avoit reconnu, & donné au Com te d elà Riviere. Ces circonftances prévalurent fur l’irré g u la rité de l’a fte, quel qu’il fût. L e
mariage fut confirmé.
Je ne finirais pas , fi je voulois citer toils les Arrêts rendus
dans les mêmes cfpeces. Je me bornerai à un fe u l, parce qu’il
eft célébré encore dans le Languedoc, où il a produit la même
fenfation que l'affaire de la Demoifelle Cam p produit i c i , &;
quêtant tout récent, il a l’avantage d’indiquer une Jurifprudence moderne. C ’eft celui qui a été rendu le 19 Avril 17 6 9 ,
au profit de la Dem oifelle Chabaud. Elle étoit Proteftante &:
ne s’en cachoit pas. Elle produifoit un aûe de célébration d’un
C uré Catholique argué de faux. Par une fingularité remar
quable, ce Curé, fugitif au moment où il étoit cenfé avoir (igné
l’a fte, avoit depuis été condamné aux Guleres. O n ne trouvo it ni chez l u i , ni au Greffe , de regiilre qui juilifiàt l’extrait.
Il y a plus : l’infcription de faux avoit été form ée; elle avoit
L ij
�§4
même été ' admife ; & il y a bien plus en co re, le faux étoit
prouvé. Entre autres indices, l’a&e portoit que la Bénédiôion
nuptiale avoit été impartie un Dim anche 11 Juin, O r , le i x
Juin de cette année n’étoit pas un Dim anche , mais un Jeudi.
L ’afte étoit donc faux & nul en lui-même.
M ille autres circonftances fortifioient encore cette preuve
indubitable. C ependant, après les plus mûres délibérations ,
après un renvoi de la Grand’Chambre à l’une des Enquêtes, ce
qui éèartoit d’autant toute idée de furprife & de précipita
tion , le mariage a été confirm é; & l’enfant qui en étoit pro
v e n u , déclaré légitime : tant eft grande aux yeux des T rib u
naux la faveur d’une union contra&ée fincérement, & fur-tout
d’une union féconde.
V o u s vo y ez d o n c ,
M
essieurs
, que dans aucun fens , la
menace du fieur de Bombelles & de fon Curé n’eft à crain
dre. Dans aucun cas leur infcription de faux n’eft admiiîible.
N os a& es, ou plutôt les leurs, font à couvert de cette efpece
d’attaque & par la forme & par le fond.
M a is , continuent-ils, pourquoi deux a&es ? Si le premier
eft bon , pourquoi avoir provoqué le fécond ; & s’il eft infuffifan t, qui aiTurera que celui-ci vaudra mieux? L ’un a-t-il pn
fuppléer à l’autre ? LJti Miniftre Proteftant a t-il quelque chofé
de commun avec un C ure C atholique? D ailleu rs, ajoute
ront-ils probablem ent, vous venez de citer un Arrêt du C o n fe il, qui enjoint aux Réformés de fe marier devant un Juge
L a ïc ; mais il n’y en a aucun qui les autorife à contrafter, foie
devant un de leurs Pafteurs , foit devant un des Miniftres de
nos autels. La Demoifelle C a m p , par cette duplicité d’a ô e s ,
ind iqu e, dune p art, la con viâion où clic eft elle-même de
lh ir infujBifance j & de l’au tre, par leur nature même , il eft
�2 \S
85
clair qu’elle a dérogé au règlement que vous produifez en fa
faveur.
Il
eft ju fte ,
M
essieu rs
, de répondre à ces deux objections.
L a premiere, fur-tout, eft celle que nos Adverfaires ont déve
loppée avec plus de complaiiance : c’eft celle fur laquelle ils ont
fondé les efpérances de leur triom phe, s’il eft vrai qu’en effet
ils fe foient flattés de triompher.
\
. Certainement l’Arrêt du Confeil du 15 Septembre 1685
étoit ce qui pouvoit arriver de plus heureux aux Proteftans
François. Dans l’horreur des défaftres qui les accabloient de
toutes parts, ils fe trouvoient à peu près par-là réduits à la con
dition des Catholiques en A n gleterre, en H o llan d e, par-tout
où domine la croyance des enfans dénaturés de l’Eglife R o
maine.
O n vous a plaidé qu’ils y gémifloient dans la plus cruelle
oppreiTion ; que c’étoit par repréfaillcs, que la main de nos
Souverains s’étoit appefantie fur ceux de nos compatriotes
qu’une Foi commune lie avec ces Nations commerçantes &
guerrieres. Rien n’eft plus faux affurément. Les Catholiques à
L o n d res, à Am fterdam , dans toute l’étendue des ProvincesU nies & de la Grande-Bretagne, ont des prérogatives plus ou
moins reftreintes ; mais nulle part leurs unions 11e font gênées,
L a feule marque de dépendance à laquelle ils font obligés en
vers le G ouvernem ent, c’eft de fe marier devant le M agiftrat,
comm e les Se&ateurs du culte autorifé. En afBmilant l’état des
^Proteftans François en France à celui des Catholiques étran
gers chez nos vo iiin s, on ne faifoit donc aux premiers aucun
tort réel.
Si la fin du dernier fiecle & le commencement de celui-ci
avoient etc plus paiiibles, fans doute ce règlement utile n’au^
�86
i'oît jamais reçu d’attéinte, je ne dis pas de l’autorité publi*
que, puifqu’elle l’a toujours refpe&é , mais du caprice des Par*
ticuliers qui devoient l’obferver. Mais ces deux époques ont
été troublées par dés guerres il cruelles ou par des révolutions
de finance fi fingulieres , qu’il a été difficile au Gouvernement
de porter/fans ceife un œil, attentif fur tous les objets qui mé*
ritoient fes regards.
Tandis qu’on enfanglantoit les deux mondes , pour donner
uil Maître à la Nation qui a découvert le nouveau, & que les
convulllons du fyilême agitoient Ci cruellement cet Etat au
quel on l’avoit préfenté comme un remede , TAdrainiflration
perdit de vue les Proteftans, que leur imperceptibilité même
rendoit cependant plus dignes que jamais d’eftime & de pro*
teftion,
D ’autres querelles non moins funefles
concouroient à
augmenter fes embarras. Des diviflons intérieures que ia fa*
geife des Magiftrats & la douceur du Prince ont à peine cal*
mées , abforboient encore l’attention que l’on auroit pu don*
ner à ce qui fe paifoit dans une Communion autrefois rebelle
& redoutée , & maintenant oubliée, méprifée , depuis quelle
nvoit ceiTé d’être puiffante ou fanguinaire.
O n abandonna donc à euxvmêmes les Proteftans, & le foin
de leur difcipline civile. L ’Adminiilration , contente de veiller
fur la profcription du culte, négligea de s’occuper de l’état
des perfonnos, qui pouvoit lui paroxtre aiTuré par l’Arrêt du
Confeil. Sans défendre leurs mariages, on ne fe mit pas en
peine de les approuver. Les Juges , qui dévoient en être les
témoins, les miniftres juridiques, refuferent de remplir fans
ordres ces fondions délicates. Peu inftruits des intentions dç
la C o u r , timides, aveuglés peut-être par des préjugés, ils crai
gnirent de touchera. 1 cncenfoir, en fe mêlant d’une cérémonie
�217
%1
<jui, parmi n o u s, tient au culte & au dogme. Enfin , les Proteilans, av ec le règlement à la main, ne trouvoient perfonne
qui voulût les marier. Us ne pouvoient fe préfenter devant des
Magiftrats de leur F o i, puifqu’ils n’en avoient pas ; ni devant
des Magiilrats Catholiques , puifqu’on les refuloit. Que faire
dans cet abandon, dans ce dénuement abfolu de reffources ?
Us imaginèrent, d’une part, de former leurs vœ ux, de pro
noncer leurs f^rmens en préfence de ceux de leurs Miniftres
que la tolérance de l’Adminiftration leur laifioit; & de l’autre ,
l ’efprit toujours rempli de l’Arrêt de 1685 , toujours attentifs
à rendre hommage à la Loi du pays , à la volonté du Prince,
voyant que parmi nous les Curés font de vrais Magiftratsdans ce qui regarde le mariage, fongeant que dans l’adminiftration de ce facrement,rAutorité laïque eft m êlée, incorpo^
•rée à la Puiflance fpirituelle; que ces deux pouvoirs font con
fondus & réunis à l’inflaiit de la célébration , dans l’individu
facré q ui, en ratifiant le confentemem prononcé parles Par
ties , y attache tout à la fois les grâces du Ciel & les effets civils
aux yeux de la L o i , ils s’aviferent de fe préfenter devant nos
Pafteurs, non pas pour y recevoir un facrement dont leur
incrédulité les rend malheureufement indignes, mais pour y
conilater juridiquement leur union, & en tirer un monument
capable de la faire valider. Le Miniftre continua d’être l’hom
me de leur confcience, & le Curé devint à leurs yeux celui
de la Loi.
Cette coutume, introduit? pa;r>la néceiïité, a donné lieu à
une Jurifprudence adoptée par •l*‘ fagefl'e des Cours , & tacite*
ment confacrée par le iilence du Gouvernement. Il n’y a peutttre pas d’années, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire à 1»
première Audience, où quelque Parlement du Royaume n’ait
à juger quelque Caufe de cette efpece : & jamais, M e s s ie u r s 7
�88
le certificat du Curé, ainfiproduit,n’afouffert de difficulté. Les
exemples en feraient innombrables ; mais vous les connoiifez
auffi bien que m o i, & la voix de la notoriété publique ne per
met pas même de révoquer en doute la vérité de ce fait.
M aintenant, que deviennent les obje&ions auxquelles j’ai à
répondre ? Non-feulement la Demoifelle Camp n’eft pas repréhenfible d’avoir en fa faveur deux certificats, mais c’eft
précifément çette innocente duplicité qui fait la fûreté de fa
Caufe. Si elle n’en avait qu’u n , fon droit pourrait paraître
douteux. C ’eft la réunion des deux qui le rend inconteftable.
Les Ordonnance«, qui enchaînent les Catholiques parmi nous
à l'obligation de ne fe marier que devant leur propre Curé ,
font précifes, O r , le Pafteur, qui marie les Proteftans, n’eft
pas leur propre Curé : il faut donc prouver que ce font des
Proteftans qui fe font préfentés devant lui ; & c’eft ce que fait
l’aûe de célébration du Miniftre. L ’un attefte aux Tribunaux,
que les Parties font étrangères à la Loi ; l’autre leur fournit le
voile favorable dont ils ont hefoin pour déguifer la difpenfe
néceflaire qu’ils accordent de çette Loi rigoureufe. D e tous les
mariages proteftans qui fe célebrcnt dans le Royaum e, il n’y
en a pas un qui ne foit fortifié de cette double formalité ; il n’y
en a pas un qu’on ne puiiTe juftifier par ce double titre qui cou?
cilié tous les intérêts, & aflure aux enfans le ta t, l’honneur, la
fucceffion de leurs peres.
A la vérité on ne le$ produit pas toujours tous deux. Il y
a des cas où l’on fe contente du premier : le fécond eft une
pièce fecrete, que l’on confie à la difcrétion du Miniftere pu
blic & à la fageiTe des Juges. Il eft rare que ces fortes de ma
riages éprouvent une attaque auffi violente, auffi finguliere
�89
ên tout f*ens que celle dont nous nous plaignons, & que les
deux titres foient expofés à une difcuffion pareille à celle à
laquelle nous avons été contraints de nous livrer. Cela n’eft
cependant pas,
M
essieu rs
,
fans exemple.
A in fi, dans cette mémorable affaire dont j’ai déjà eu Thon«
neur de vous parler, dans celle delà Dem oifelle C h a b a u d ,o n
produifoit également deux titres, deux certificats. Celui du
Miniftre étoit^figné d’un fleur Paul R a b o t, Pafteur à Nifmes ;
celui du Curé portoit le nom d’un fîeur C a n o n g e, Deffervant
de IaParoifTe de Maffanne dans le voifinage d * cette Ville. C e
lui-ci, comme je vous l’ai obfervé, étoit violemment inculpé de
faux ; la main qui l’avoit fouferit, & la piece m êm e, étoient
■également fufpeftes : l’autre emporta la balance. Les Juges,
■en voyant la preuve d’un confentem entréel, n’héfiterent point
-à confirmer le mariage.
• M a is , dira-t-on, c’eft donc un facrilege. Si cette licence eft
to lé ré e , l’adminiftration d’un de nos facremens ne fera plus
qu’un jeu ; & ce jeu affligeant pour l’E glife, cette profanation
criminelle n’aura bientôt plus de bornes.
-
Je crois d’abord,
M
essieu rs
,
que cette décifion eft un peu
rigoureufe. O bfervez , je vous fupplie, ce que j’ai déjà eu
l’honneur de vous dire. D es deux minifteres que le Curé rem
plit à l’égard des Catholiques , il n’en exerce qu’un envers les
Proteftans. C e n’eft pas un facrcment qu’il leur proftitue; c’eft
lin certificat pur & fimple qu’il leur délivre. Il n’eft pas pour
eux le miniftre des Autels & le canal de la grâce. Il 11e fait que
les fonftions d’un Magiftrat ; il eft témoin de leur union ; il
rend compte de la déclaration qu’ils lui en ont faite. Iln e paroît
pas que la piété la plus févere puifl’e s’alarmer au moins des
M
�90.
fuites de cette complaifance qui retient des Citoyens dans
l’E ta t, 6c légitime des engagemens que le refus rendroit en
core plus fcandaleux que ne peut l’être la conceifion.
E nfuite, je n’entends pas juftifier les Minières Catholiques-,
qui fe prêtent à des importunités innocentes au moins de la
part de cetix qui les follicitent, quelque jugement que l’on en
porte à l’égard de ceux qui les écoutent. L ’idée qu’on en doit
avoir, dépend peut-être de leurs motifs. Si la feule ardeur de
contribuer au bien de la Patrie les enflam m e, s’ils ne font di
rigés que par
151fenfibilité pour
des êtres malheureux que leur
fécours arrache à l’opprobre, & dont leur indulgence fixe l’état
& le f o r t , il cû plus difficile de les condamner.
S i , au contraire , c’eft un vil intérêt qui les anime ; s’ils met
tent à prix d’argent leur facilité ; fi, à la premiere faute de
paroître ouvrir les portes de leur Eglife à des enfans déshéri
tés, qui en font exclus, ils joignent celle d’en vendre l’ou
verture , ils/ont criminels & puniflables fans doute; mais alors
c’eil leur nfiotif, & non pas leur a&ion, quieft malhonnête. La
mefure du délit eft celle de l’avarice qui L’a infpiré.
Peut-être même la connoiffancc de ce délit eft-ellc matière.à N
la cenfurc des Supérieurs Eccléfiaftiques, plutôt qu’aux recher
ches des Tribunaux féculiers. D u moins , quand ces Mimllrcs
prévaricateurs, comme il eit arrivé quelquefois, ont étépourfuivis par les Officiers R o yau x, ce n a ete ni pour avoir attefté
une célébration laïque s s’il eft permis de parler ainfi, ni même
pour avoir mis un prix à cette extenfion de leurs fon&ions-;
mais, ou ils avoient eu l’infidélité de ne pas inferire fur les regifHes l’original de l’a&e dont ils délivroient des copies , ou ils
avoient fouilrait ces archives précieufes pour ôter aux Parties
intéreifées la faculté d’y recourir. C ’eft cette duplicité vile (k
baife, que les Tribunaux ont cru devoir punir de la peine des
�\
. ................■;$'
.
galeres dans le Curé de M afiane, que j’ai deja eu
1honneur
de vous citer.
A cet égard, c’eft à celui de Bordeaux à fonder fa confcience
.& fa mémoire : c’eft à lui, qui offre fi fièrement la vérification
de fes regiftres, à examiner fi en effet il a fupprimé la feuille
qui contenoit l’afte dont il s’efforce de décréditer l’extrait, ou
fi, par une malverfation encore plus criminelle en quelque
forte , il n’affij^ne que le mariage du fieur de Bombelles ne s’y
trouve pas configné , que parce qu’en effet il ne l’y a jamais infcrit. C ’eft à M. l’A vocat Général à fe procurer, à cet égard,
les éciairciiTemens, & à prendre les conclufions que fa fageiTe
lui di&era.
Mais quelle que foit la perverfité du P afteur, il eft impoflible que les Parties , qui fe font livrées à fa f o i , en fouffrent.
L ’aûe eft valide, quoiqu’émané d’une main coupable. T o u t ce
que la Juftice exige , c’eft qu’on lui préfente une preuve de ce
confentem ent, qui conftitue l’effence du mariage. C ’eft qu’elle
ne puiffe douter de l’intention qu’ont eue les Parties, de s’u
nir , & de la démarche qu’elles ont faite pour effe&uer cette
union.
O r ici cette preuve eft complètte : le contrat civil a été
formé de la maniéré la plus authentique. V ous y trouverez ,
comme dans l’affaire du Com te de la Riviere , des reconnoiffances fans nombre de la part d’un des conjoints, & un enfant.
V ous y trouverez , comme dans celle de la Demoifelle Chab a u d , deux certificats qui fervent d’appui , de juftification
l’un à l’autre. S’il y a également un Curé pervers , dont les re
giftres foient reftés imparfaits dès le tems par une prévoyance
infidieufe, ou aient été mutilés depuis par une infidélité en
core plus repréhenfible, cette parité n’eft à craindre que pour
M ij
�9*
le Minière prévaricateur. L ’extrait qu’il a*délivré eil bon , a u
tant qu’il peut l’être : il attefte, il certifie le fait qu’il étoit im
portant ici d’établir, celui d’une union conjugale entre les per..fonnes qui y font nommees.
1
U
4,
Et c’eil cependant,
M essieu rs
%
, cette liaifon confirméer
jnfiifiée d’ailleurs par tant d’autres preuves, légitimée par la
poffeifion la plus folemnelle, que l'on s’efforce de dégrader ici;,
c’eft ce mariage contrafté fur la foi de l’honneur , ratifié par
toutes les efpeces de titres qu’il étoit poifible d’y donner
pour fupport., qu’on fe propofe de réduire à un honteux con
cubinage.
C é d e z, s?écrie le fieur de Bombelles à fa véritable époufe,
cédez fuivant mon caprice votre rang 8c vos titres : vous étiez,
vertueufe , & je vous ai réduite ; vous jouiifiez d e‘toute la :
gloire atachée à la pureté de votre fexe , & je vous l’ai ravie.
J’ai eu jecours, pour vaincre votre réfiftance, aux artifices le$
plus recherchés, aux combinaifo-ns les plus hardies. Sermens,
devoirs , honneur , religion, j’ai tout employé pour parvenir
à vous pofféder : mais vos droits s’évanouiffent au moment
où j’ai lahardieffe de m’accufer moùmême de libertinage. Vous
n’êtes plus mon époufe ; vous ferez la complice & la viftime
de ma foiblefie. J’ai facrifié votre jeuneffe & vos charmes à mes
defirs. Je veux vous facrifier une fécondé fois à mon inconftance 8c au reffentiment de la Dame Hennet. Cette ennemie
implacable veut fe vanger de vous , 8c je ferai de moitié dans
fes projets, j arce que mes affaires font ruinées &: mon cœur
volage , parce que j’ai des dettes & q u e je n’ai plus d’am our,
parce que vous ne m’offrez que de la beauté & des vertus, 8c
que je n’ai plus de tendreffe ni de reffources.
Et toi j être malheureux, qui m’appellois ton pere tpi dont
�'ÀZ2?
la naiflance me càufa un plaifir ii v if, quand mon ame encore
honnête ne connoiffoit ni les befoins , ni'les remords ; toi qui
•m’as {urpris ici même des carefles dont je croyois la Source
tarie dans mon cœ u r, toi qui m’as fait Sentir encore une Sois
combien il Seroit doux d’être vertueux, renonces à TeSpérance
de me jamais fléchir. Je t’ai donné le jour , mais c’eft pour te le
•rendre odieux. T u as reçu la vie Sur la foi de l’engagement le'
‘plus facré, m^is ce n’eft que pour te dévouer à la honte &
confommer ton opprobre. Fuis : Sois anéantie comme je vou
drais l’être.-Les noms de pere, d’époux,m e font en horreur.Cruels objets dont le-Seul afpe£Vme tue , c ’eft vous qui m’avez
perdu , je vous perdrai à mon tour. Abandonné de mes amis,
méprifé de mes parens, proScrit par la Société entiere, je n’ai
plus que l’affreufe couSolation de vous faire partager mes in-fortunes.
T e l eft , M e s s i e u r s - , le terrible tableau que le fleur de?
Bombelles a préfenté lui-même à cette Audience. T el eft l e
fens des déclamations dont il a rempli ce Tribunal. Vous prête
rez-vous à ce trânfport inSenSé? La Juftice s’avilira-t-elie au
point de devenir l’inftrument de fa fureur , & condamnerezvous à- une flétriiTure éternelle deux êtres innocens , dont'
tout le crime eft d’avoir des droits trop certains à Son amour ?
Et par qui leur Sont-ils diSputés , ces droits-? Quelle eft leur
rivale en.ee moment remarquable? Quelle eft la perTécutrice
•ardente qui les pourSuit à grands cris ,<cn faifant retentir lesnoms odieux de bâtardiSe & de concubinage ? Faut-il le dire !
c’eft:une'fille imprudente, qui cédant au defir effréné d’avoir
•un mari , a foulé’ aux pieds , pour fe l’aiTurer, l'honnêteté
¡publique, les mœurs , le s L o ix , Sa- propre conSdence ; une
.¿Ule fans dolieatefie , qui s’eft ailez peu refpe&ée elle-même
$pOUr»accepter-une main qu-elle - Savoip être-déjà donnée ; une
�-94
fille fans fcrupule , qui a confenti a devenir heureufe par uti
crime ; une fille fans pudeur , q ui , dans le moment. même où.
ion prétendu mariage eft attaqué , que dis-je , attaqué , dérmontré n u l , ne rougit point d i l’avouer, d’en faire ufage ,
de vivre publiquement avec l’époux que la Juilice s’apprête à
arracher d’entre fes bras ; une fille,indifcr.ete enfin , qui ayant
été jufqu’ici traitée par nous avec des ménagemens fans exem
ple , ne les a ¿reconnus, que par des calomnies-atroces , &
un emportement fans bornes ! Et voilà celle qui invoque ici
la fainteté des Loix qu’elle a violées, contre uns femme refpeftable qui les a toutes obfervées ; contre une enfant qui n’a
pu les enfreindre , puifqu’elle ne les connoît pas!^
, ' Et quels font fes titres ? Eft-ce Timpofture de cet a£te dç
célébration furpris fur un faux expofé , où elle prête à ce mari, *
qu’elle trembloit de laiiTer échapper , un domicile qu’il n’g.
jamais eu ni pu avoir? Eft-ce l’audace qui lui a tout fait méprifer , pour fatisfaire une paifion que la raifon feule auroit dû
.combattre, & que les çirconftances rendoient coupable? Eft,ce la précipitation avec laquelle, fans atten’djre la proclama
tion des bans , fans daigner approfondir des avis trop multi
pliés & trop certains , elle s’eft hâtée de former un lien dont
elle ne pouvoit tirer que le frivole avantage d’impofer filencç
pour un inftant à fes remords, & de confommer, fous un voile
honnête, le facrifice honteux quelle méditoif de fa pudeur ? .Et c’eft vous qui prétendez rejetter fur nous l’ignominie dup
à un commerce impur ! Je fuppofe pour un inftant qu’il fui
poifible à ces Juges qui nous écoutent, d’héiîter entre vous &
nous ; .je fuppofe qu’ontrouvât de part.& d’autre la même préci
pitation , la même légèreté à s’engager, le même abus dans les
préliminaires ainfi que dans les fuites de l’engagement, l’égalité
Blême de ce prétendu defojrdrç produiroit-elle.entre nous'im e
�%2i
égalité de ' droits ? Cette enfant qui réclame un état que la
Juftice lui d o it, ne fera-t-elle comptée pour rien dans fa ba
lance ?
V ou s
la
voyez,
M
essieurs
, cette enfant déplorable, dont
la bouche ne peut encore exprimer de vœ u x , & dont la fituation n’en eft que plus touchante. Les larmes de fa mere ont
_été fon premier aliment : la honte de fon pere a flétri fes pre-,
miers regards ; faudra-t-il qu’à Imitant où elle commencera à
fe con n oître, dans ces momens où le cœ ur eSî plus fcnfible
en raifon de fon inexpérience, elle ne trouve autour d’elle
que des traces du défefpoir de l’une , & du crime de l’autre ?
La considération des enfans eft toujours ce qui vous a déter
minés dans des C au fes de la nature de celle-ci
on vous a vus'
pluiïeurs fois donner les effets civils à des mariages dont vous
biffiez la validité douteufe. Ainii le 12 Mai 1633 , par A rrêt
rapporté au Journal des A u d ien ces, fur les conclusions de
M . l’A vocat Général Bignon , fans vous e x p liq u e r fur la na
ture d’un mariage évidemment n u l v o u s avez cru devoir
déclarer les enfans légitimes* AinSi le 25 Mars 1709 , fur les.
conclusions de M . l’A vocat Général le Nain , vous avez pro
noncé de même dans un cas encore plus défavorable : il s’agiffoit d’une alliance contra£ïée par un homme condamné à
mort ; il n’avoit point purgé fa contumace ; il s’étoit marié
dans les cinq ans ; fa femme ignoroit fa condamnation ; fes
enfans fe diieient légitimes : vous les avez jugés tels, & le P u
blic éclairé a applaudi à votre décision.
Pouvez-vous craindre qu’il en foit autrement ici , Si vous
montrez en notre faveur une indulgence q u i , d’après to u t ce
qui précédé, ne fera réellement qu’une juftice? A h ! croyez-en
ce co n co u rs, ces acclamations qui ne partent ni d’une vaine
curioiite , ni d’un tranfport frivole dont nous rougirions d’être
�96
les objets. N o n ,
M essieu rs
, cet intérêt général dont le
Public honore la Caufe de la Dem oifeile Cam p & de fa fille,
a pour principe l’amour de l’honneur & de l’équité ; & cet
accord unanime, j’ofe le dire , eft une époque glorieufe pour
la Nation.
Dans la dépravation commune des m œ urs, l’innocence &
la vertu ont donc encore des .partifans; cette ardeur généreufe
qui a toujours fignalé les François, s’eft réveillée au bruit
d’un crime nouveau qui fembloit fouiller leur gloire. Si cette
ardeur eft devenue plus vive à l’afpect des perfonnes intéreffée s , fi les charmes attendriffans de la mere, fi les grâces
n aiffantes de l’enfant ont donné lieu à leurs protecteurs, c’eftà-dire à toute la France , de fe réjouir de -voir leur affection
,fi bien placée, fera-ce à vos yeux une raifon pour être en
garde contre un penchant que tant de vertu juftifie ? C e
triomphe journalier fera-t-il flétri par votre Arrêt ? Et vou
driez-vous qu’on dît un jou r, la Nation entiere follicitoit pour
elles , & le premier Tribunal de la Nation les a condamnées ?
Non , M e s s i e u r s , vous ne réfifterez point à ce concert
univerfel qui vous preffe au nom de l’honneur & de l’intérêt
commun de la Patrie. Il y a eu un premier mariage , ce fait
n’eft point douteux ; le fécond mariage eft nul, ce point eft
encore démontré, & vous voyez qu’on n’a pas même effayé
de combattre les preuves que j’en ai données. C ’eft donc au
premier mariage qu’il faut revenir , c’eft le feul qu’il vous foit
permis de confacrer.
Monfieur D E V A U C R E S S O N , Avocat Général.
Me L IN G U E T ,
...................*""
Avocat.
............................
D e L'Impr. de L. C E L L O T , rue Dauphine. 1772..
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
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Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Bombelles, Antoinette-Louise-Angélique-Charlotte. 1772]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vaucresson
Linguet
Subject
The topic of the resource
validité d'un mariage entre un homme et femme de confessions différentes
validité de mariage contestée pour minorité
Protestants
vices de forme
suspicion de bigamie
diffusion du factum
opinion publique
rapt de séduction
défaut d'actes de mariage
faux
témoins
Description
An account of the resource
Titre complet : Réplique pour demoiselle Antoinette-Louise-Angélique-Charlotte de Bombelles, procédant sous l'autorité d'Antoine Maugis, son tuteur ad hoc. Contre Charles-Frédéric Vicomte de Bombelles, et demoiselle Marie-Françoise de Carvoisin. En présence de demoiselle Marthe Camp, Vicomtesse de Bombelles.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de L. Cellot (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1772
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
96 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0804
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0801
BCU_Factums_G0802
BCU_Factums_G0803
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53053/BCU_Factums_G0804.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Montauban (82121)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
défaut d'actes de mariage
diffusion du factum
Faux
opinion publique
Protestants
Rapt de séduction
suspicion de bigamie
témoins
validité d'un mariage entre un homme et femme de confessions différentes
validité de mariage contestée pour minorité
vices de forme