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1
MARCELLE DAVEr
1
•
1
COLLECTION FAMA
94 . Rue d' Alésia
PA RI S
IUV'
�FRANÇOISE ROLAND
LE CLOS
DES CERISIERS
Françoise Ro land, écrivain au style
mouvementé, vivant, ne ra conte pas
ce que fo nt ses héros. Ell e les montre
en actio n, tels qu'ils sont, tels que les
a pétris la vi e... tels qu'ils souffrent. ..
Et ce second roman, tout frémissa nt de
mo uvement, d'émotion, de gaîté parfois,
ne fa'it que co nfirmer 10 jeune répu ta ti o n de l'auteur de ce liv re douloureux
et poig nan t qu'est
-
" De la Sorbonne au Calvaire"
-
~'Itl
EN VENTE
PARTOUT
l li'
TALLANDIER
1'"li.
PRIX :
15 fr.
-F
�r
FILLE D' ARTISTE
��MARCELLE DAVET
FILLE D'ARTISTE
ROMAN
"
SOC l rtTrt D'rtDITlONS
PUBLICATIO)l"S ET INDUSTRIES
ANEXm~
~,
ANe' LA MODE NATIONALB
Rue d'i\lé'iia. Qi -
PARIS (X[V
~ )
��FILLE D'ARTIS'TE
CJJAPlTI1E PHE!\llER
11 Y cut comme llJl IJruit de J'euilles remuées; 011
entendit crier le sable du j ardin et le Père d'Armoy
dit Joucement :
- Je vous r épète, llarold, qu'on nous ~coute.
Le marquis <.le 1\[arbort hau
~sa.
lcs épaules avee Ul1
léger mouvement d 'impatience.
- Vous êtes nerve ux, Ja cques ; il Il 'y U personne,
je vou s le jure, ct volre imagination vou s égare.
- Cependant, j'ai bien cru entendre, PlU' deux
foi s...
~ screz trompé, Nous sommes seul s.
- Vous VOl
Holande et lluhef'l 11C doivent l'Cllll'er qu'a[ll'ès le
th éâtre. 1\l es <lomcstiques so nt Il une fête loca le, ü
1\lontf'rrUlIll ; et vous ne supposez pas quc Noël .. ,
- Ah 1 Dieu me garde de SOupçollIler d'une vilenie ce malhellreux enIant.
- Vous le voyez donc, Jacqucs, vos crainLe ' sont
vailles ct je puis pader lih rement.
- ConLilluez, mon cousin,
Le marquis de Marbo l'L secoua lentement la fill e
t:l'ndl'C de sa cigarelle, puis il rcprit :
- Vou s ignorez, Jacqu es , - dn moins, j e le suppose, - les diveTS événements qui ont bouleversé
ILlltre ~amile
, c,t ('ertain~,
pcut-C·tre, vous paraisse nt
JO ysléJ'lcllx. Mal
~ \ ous-mêllle, Il 'avcz-vou s pas été,
�6 .
FlLLE
n'ARTIS TE
pour nous tous, une sorte d'énigm e vivante ~ Je ne
vous él~nerait
pas ~n
vous disant com~ien
votre
brusqu e vocatio n religieu se nous 8 surpriS , 6tupéfiés, devrai s-je dire 1
U y eut, SUI' le beau et oalme visage du. prê~e,
comme ' une contrac üon rapide . Mais sa VOlX n accusait nul trouble .lorsqu 'il répond it:
.
- L'heure de Dieu sonne qua.nd il lui plaît.
- Sans doute. Aussi bien je ne vous demand e pas
votre secret . et notre fami Ile, si c]]e a regretté le
brillant officier de cavaler ie que vous étiez jadis,
n'a rien perdu pourtan t. Comme misonar~,
vous avez porté au loin le rayonn ement de votre fOl,
et vous nous avez tous honoré s.
Le vieux marqui s eul un sourire ct tendit affectueusem en t sa main au religieu x.
- Sous la robe blanche , comme sous l'unifo rme,
vous avez servi votre Dieu, votre patrie et votre race.
Vous DC m'empê cherez pas de vous dire, une fois
au moins, mon respect et ma gratitu de.
Il soupirn ct dit, un peu amer:
- Votre souven ir, votre œuvre, ce n'est pas assez
cepend ant pour laver la tache faite au viei,1 honneu r
de Mal'bor t.
- Vous étiez au fin fond de l'Afriqu e, je Il e sais
plus au milieu de quelle peuplad e sauvag e; il m'était difficile de VOLIS avertir, c t, cl 'ailleur s, le courage m'a manqué .
Et brusqu ement, comme si celle que.sljo n seule e(H
compté pour lui, il demand a :
- Est-cc que vous VOliS souvene z hien de Marie P
- Ma peLite cousine Marie 1
Il y cul sur les lèvres du Père d'Anno y un mélancoliq u e o urire.
- Oui, ma fille, ma fille unique, l'enfan t choyée,
aùorée, par l:1rJllOlie j'ai connu 10 rrrande douleu r,
el oussi l'humil iation suprêm e de ~a
vie.
Le religieu x ne p:1rai~
sa it point avoir entenù u . il
dit, d'une voix lenle :
'
.- Il me souvien t cl 'nne peti te fllIo uu peu hauIrune , • dont la volontiJ despoti quo fli~a
une sorle
do reme dun s voire splendi dc chlllc<lu. J'ni joué
�FILl.E
D' ART IST!!
7
avec ell e, dans cc parc ; j e me suis prêté à ses capri<Jes ; quan d les vacance s me r;lmena ient auprès
de vous, ma petite oo usine Marie s'empa rait de ma
personn e, et je devena is le plu s fidèle e.t le plus patient de ses suj ets.
- Ah 1 l 'heureu x temps 1
- Il me so uvi ent encore d'une jeune fill e très
belle, d'une sens i,Lililé frémissante, devan t laquelle
moi, le j eune officier de chasseu rs, je n'ét;lis pas
sans trouble . ..
EL il ajouta, presque tout bas :
- Comme c'est loin, lout cela ... comme la vie,
la vraie vic a emporLé cc rêve ...
Le m arqui s de Marbor t soupira .:
- Dieu sc plaît à détruir e les songes que nous
éclHlfaudons. Combie n de fois, jadis, lorsque Marie
me rcvena it d'un e long ue promen ade ù cheval faite
avec nous, lorsqu' auprès de voLre clair uniform e je
voyai s la blanch eur de sa roue, combie n de foi s ai-je
souhait é, Jacques , de vous la donner pour la vie 1
« EL voilà, vous VOliS êtes j eLé vers le oloîlre, comme j e ne sais vers quel my stérieux refuge, eL un
étrange r d éles(;é m'a pris ma peLite Marie. En vérité, Dieu est cruel.
Des lèvres pûles du père d'Armo y, les paroles de
résig na lion s 'ée happèJ' en l :
- Que volre volonté soit raile, Ô mon Dieu.
El, so us ses do ig ts, les gra in s du Rosaire glissèl'en t. Mais l 'dme du vieillar d éta it moi os prêle ù lu
sO llmi ssiorn eL l'org ucil le domina it Lout enlier.
- Ma fille, l'eprit-i l a mèrcm ent , de quels soins je
l 'uvais entouré e 1 Dellx fil s m'éLuicnt n és avant eUe,
et la mort me les avait repris. Quand elle vinL au
monde, le d esLin m'cnlev a sa m Orc. J'ai tâehé d'être
ur lui avait
pOUl' eeLle enfflnt LouL ce que le Seigne
retiré, eL j e l'ai aimée, exclusi vement , d'unc tendrosse si grande qu 'elle eût dO., semble -l-il , lui Lenir
lieu de lout.
- Vous n'a viez pa! compté , Harold, iur cette
huforœ de la naLure qui émcut les ~trC8
~raIldc
mains ; vom n'aviez PiiS pensé que, SOll S ln loi univcr5elJe, re rœur de j eun e fill e s 'ouYTirélil.
�8
l'II.LE
"'ARTH! TK
- Je le savi~,
et d'avanc e, j'avai s fait co sacrifice suprêm e du père qui sait que l'enfan t d.e ~a
chair lui préfére ra, un jour, un étrange r. laIS .JO
voulais que celui-ci fût digne de Marie.
La yoix grave du prêtre laissa lomber , comme une
senlen-ce, ces seuls mols :
- Il l'était.
- Comme nt savez-v ous ?
- Même dans les plus austère s cl oUres , même parmi les déser ts de l'Afriqu e, les échos de la vie de ce
monde parvien nent, ct je Il'ai rien ignoré, mon cousin, de ce qui fit votre douleu r - que je comp rends
- et votre « humi.li ation » - que je ne compre nds
. pas.
Le marqui s de Marbor t rapproc ha so n fauteuil de
{'elui du prêtre.
- Ain 'i, fit-il, sourùem ent, vous avez su que Marie s'était éprise d'un vagabo nd ?
- Un artiste, orrigea doucem en t le P ère d'A rmoy.
Si vons voule7., dit dédaign eu seme nt le marqui s.
Un grand al'ti le, a-ceentua le religieu x. Il eSI
morL pauvre, méconn u, mais il lai sse un pur héritage de gloire ct quC'lque jour, son pays en fera
une sor te de Chopi n.
Cet éloge, probe ct sincère , irrita le vieillar d.
- Je n'ai pas à juger son talent musica l, dil-il
avec colèl'e. Il était fil s d'un paysan des Ahruzze s ;
cerlain s même Jlrét endaien t que SO li origine était
doute1J
~e ct qu'il n'avait pas de nom véritab le. Mai~
il pos'éda it un arl inferna l. .. cL il était b CilU , c'est
vrai, royalem ent beau. Par' le sortilèg-e de ln musi~IJC
~t
par ce visage de sédu-ction, il me pdt il
,lamai'! le cœur de Marie.
- Comme n t l ',avaiL-elle connu P
-:-.A Clermo nt, lout un hiver, Oll il ùonnai t des
l~dLIon.
musicn les ; Il Royat, où je ne eni. quel
tilracte ur de thMtre ) 'engnge a pour lA eaison. Et,
mfin, elle. mit dcman.~
do prendre nvec lui des leÇOI~S
de v~lon.
Et J eus la raibk~
~e
de COliS ntil'.
l\Ti~,
,j'y so nge, Il cello (;poql1e-ln, \'(HJ~
élirz '11('01'e
�l'ILL!'.
V'II.RTl8TP.
9
lieutenant de chasseurs à Clermont, et voue avez dO
l 'entendre, J a'cqueB il
- Plusieurs fois. C'est ce qui me permet d. vous
dire : c'était un grand artiste, Harold.
Et il ajouta doucement :
- Il devait avoir une belle âme, cal' l'arl, ù cc
degré-là , c'est un peu du divin en nous.
- Comme il l 'avait prise, comme il l'avail conquise 1 soupira le vieillard. Celle enfant, du jour
où elle aima, J1e fut plus que l'image même de la
révolte.
« A mon refus de la laisser épouser ccl homme,
elle opposa une volonté froide ; nos deux orgueils
se cabrèrent, lIOS deux éner:gies luttèrent . .Te ne cé,dai pas. Elle quitta li! mai on paternelle ; des « actes
respectueux » me fUTem t apporlés. Et devan t li!. loi
fl1Qnçaise, devant le consul d'Italie, Marie de Marbort, la descendante d'une face rgale à la race ill us lre des Montmorency, Marie de Mal'uort devint
la femme d'Angelo Saveli, le fils d'une paysanne et
de Dieu sait qui 1 un vague professeur de musique,
un sans le SOli ... cl comme vous le dites si bien, un
artiste 1.. .
JI po~a
sa main droite sur l'épaule du religieux,
cl .il aj01lta :
- Elle est morte, Jacques, VOliS entendc7. il Elle
. st morle, il y a dix-sept ans, le jour où, pour son
Inconcevable passion, elle a franchi la parle du château. Je l'ai pleurée, oui, vraiment, comme si je
l 'avais vue, au fond de son cercueil. Elle est rayée
de ma vic, de mon cœur.
- Elle esl veuve, interrompit Jacques.
- Qu'importe 1... E11 e est Mme Saveli 1 lIne élrang re 1... Que sa nouvelle famille l'assiste. D'ailleUl ,
acheva-l-il avec mélancolie, depuis dix-sept ans, je
n'ai jamais su rien d'elle Un hasard seul m'a appd la mort de cel homme.
Le P~J'e
d'Armoy prononça gravement:
- Vous avez souffer l, lIarold ; vous avez Lenucoup
et même inju Lemont soufferl. Et ' Marie a péché envers vous par ingratilude. )\Iuis anprrs de Celui qui
nous jugera à la minute dernière, clle ama l'excuse
�10
FILLE
n'ARTISTE
dit .on amo\lr. Le Christ fut indulgent aux Iauleli
du cœur. Vous, Harold, quand il vous demandera
compt~
de volre dureté envers Mario, qu'apporterezvous dans la balance P Votre orguei], Harold . Je
crains (lue ce ne soit une mauvai se défense.
Le marquis de Marborl redressa fièrement Sil noble tête blanche :
- Comme chef de famille, comme défenseur de
t'honneur de toule une race, je ne devais pas , je ne
pouvais pas agir autrement. .. Dieu seul sait ce qu'il
m'en a coûté ... el combien, depuis, l'oubli m'eût
semblé doux. n jugera.
- Peut-être, dil le religieux avec douceur, votre
volonté d'êlre impitoyable fondra-t-elle un jour sous
une cause encore inconnue ; peut-être sen lirez-vous
qu'il y a plus de noblesse parfois dans le pardon
que dans la justice. ]1 en faut si peu pom quo, dans
nI,me, la vraie lumière jaillisse ,
Le vieillard hocha lenlement la tête :
- Non, car j'ai mi s l'irréparable entre Marie et
moi. J'ai appelé dans ,l e vieux château de mes pè.
rcs, cc . ... nid d'iligle .. , où j'ai vécu, où je mourrai, mes seuls parents, les seuls héritiers désormais,
de la fortune et du vieux nom des de Marbort : no 'lande de Chabry, la fllle de ma sœur, morto il y li
dix mois ; Hubert ct Noël, les deux m s de mon frère aîné, tombé glorieusement dans la charge des cui.
rassiers de Reichshoffen. Et j'ai le projet de leur céùer, moi vivant, tous mes biens : château, lerres,
argent, afin qu'après ma mort, si Marie venait ré.
damer ses droits, il n'y ait plus rien. Je consulterai mon notaire là-dessu s ; mais il me 8emble que
cette chose-là peut sc faire. Qu'en pen sez-vous, heques P
Une sourde indi g nation !oulevail l'âme du prÔlre
quand il -épondit :
- .Je ne ~lis
si l'a cte que vou~
vou~
proposez est
légal m,. n~
; m nis cr que je puis vous dire, IInrQld, e est qu'Il sora ulle mauvaise /Ici ion .
pointe d'ironie, le murql1j~
de ~rlho
. Ave;- un~
Jetn $cchernent :
�FILLE
n'ARTIS TE
11
pas du
Je crois, Jacques , que nOlis JI'avon~
tion.
concep
même
la
ruot justice
- Pardon nez-mo i; je n'ai point voulu YOUS pei11er ni YOU orrense r en qnoi que ce soi l. Croyez,
mon cou in, que, dalls tout ceci, je n'ai eu, avec
beauco up de compas sion pour vous-m ême, que le désir de YOUS yoir moins sévère fi l'égard de celle qui
fut pour moi une petite amie d'enfan ce tendrem ent
chérie.
Au-ùes us des grands arbres du pure, à travers les
feuilles argen tres d'un saule, tout d'un coup la lune
urgit, décqup ée en croissa nt dan:; la nappe sombre
du ciel. Elle éclaira soudain le visage pfLle, comme
creusé d'une invinci ble et profond e triste!\s r, du Père d'Armo y.
Dan l 'e prit de 1\1. de larborl , une lueut' sc fil
jour, grandil , illumin a tout le pa sé : Jacque s avail
aimé Marie. Il avait dtî le 11\i dire; elle avait dlÎ le
repous el" ... ct il s'était jeté vers Dieu.
si
Le 1" ligieu ne parlait plus ; sur ses lrait~
de bontr, rlr
h aux, il y avail comme une aur~ole
douceu r ... El le marqui s pen a :
- Celui-c i connai t le charme dlJ pardon .
Il so upira; l'image de l'enfan t lointain e, eJ .n 5s~e
sous ses yeux.
il jamais, sc rles~ai
Le parc sc velouta it de clair de lune, la silhoue lle
du château be dessina it, impréc ise, derl'i('l' e l s branches des che'rlrs ;lU Join, vers ln vallée, on perc vnit
les lunlière de Clenno nl ct, plus proches , celles de
noyaI,.
- Lc ven l fr-aichil ; vouleZ-VOlis que n0118 regaP
gn ion s l châ tcau, J nCfJlIc~
('..ommc il vou plaira, mon cousin.
d ••
LClI deux homme s sc levèren t. La robe hlonl'he
e du jUl'1· li g iellx, un COllrl in tant, éclaira l'omhr
clin, le IIcni1 do ln mr.iqon austère' .
- A clemain ct bonne nuit 1 dit ""ec IIne gl':\r~
un peu hAutnin e le marqui 'l de Mnrbor l.
Le Prrc d'Armo y s'inclin l\ gravem ent :
avec VOIlS, Harold 1
Q\l1' la paix de Di!'11 ~oil
El il rdC'nnn am hruit la porte de sa rhllmh r
.,
�FI1.L E
!J 'AlIT 1 8 1 II
CJIAPlTHE Il
Le dom esti que ven ait d'am
dev ant la terr as e, ct il cru t ene r !es deux. chev~ux
devOIr con seil ler Implcm ellt :
.
.
_ Que Mademoiselle fas e alle .
cc qu'a « Vic toir e Il, aujo urd 'hui ntIo n ; Je ne sai
, mai ' elle est S\lr
l'œi l.
l\olllnde de Cha bly se mit à rire
:
- Sois tran quil le, mon brav e
Denis, 011 le dom ptera .
Et vrai men t, ne sem blai t-ell e
qué rir, rédu ire ct dom iner , cell pas créée pou r con e
mou lée dan s une ama zon e imp belle fille de 22 ans,
ecca
sous le bras , le feut re étro it posé ble, la crav ach e
che veu x cou leur de soleil ? San hard ime nt ur des
s M.te, ~l1e
ache va
de bou tonn er ses gan t, caressa
lure du chev al, et tOllrnée ycrs de la mai n l'en coM. de MaJ'bol't et le
relig ieux , elle dit avec gaie té
:
- « Victoire Il me para it, en
crCet, excit~
; le
ven t est bon ; un tem ps de galo
p
- Sois prud ente , ma peti te fille III alm ra.
.
Soyez tran quil le, mon IIde .
Câline, elle offr it son Cron t.
- A tout à l'he ure.
Hub ert de Mar bort , en tenu e de
heval lui ail i,
s'ap pro cha it ; Rol and e souleva
légèrem~t
le drap
o~bre
de su jup e ; le jeun e hom me
cl'oi~a
1
m,aln~
; elle y po a la poin te de son
peti t pied , el,
d un ~onple
mou vem ent, elle
avec Ilr:1ce lUI' ln selle de cuir s'en lent , reto mba lll
fallve.
- Merci, mon cou sin 1
Elle tour nait vers lui un visa
ge volon laire , dan s
l~ue
de beau x yeu x , un
Qua nd elle le rega rdai t ail1lli, peu dUTS, étin cela ient .
il oub liai t tout il no
sava it pIns ni le bien , ni le
mal . .. Il dcvel1'ait
lI1I
�FILLE
D'ARTIS TE
13
Bsclave, prêt à toules le serviab ilités. Il aimait Rolande.
Roland e l'aimai t-elle P n savait que leurs destinées devnien t s'unir ; des fiançail l es , depuis longtemps auLorhées par lem oncle, les qvuient déjà enet s'ils no hâtaien t pas la célégagés l'un à l'au~re,
bration de lellr mariag e, c'était par une questio n
de pUl'e com'en ance mondai ne, le dcui,l de Roland e
élaIll encore si l'licen t.
Du moins, ils vivaien t en absolue li,bel'té, toujours en embJe, presque toujour s seuls, leur si proche parenlé autoris ant et ex.plifJu ant, aux yeux du
monde, celle si complè te in limité.
La douceu r du mulin de juin glissait sur toutes
choses, mettait comme une vapeur d'argen t au-dessus des monlng ncs d'Auve rgne, où l'ascen sion lenle
du soleil se fai sa it peu à peu lumine u so.
f\.olande ct Hubert , sortis du parc, goCllaienl avec
Ilne sode p 'ivresse ce charme mervei lleux de la nature qui s'éveill e. lis aimaie nt ces promen ades matinales; Je long c1es roules encore déserte s, ces galops
fous sous la caresse violent e du vent qui cinglai t le
visage et surtout , après la griserie de ces courses
vertigin euses, Je Lemps de repos où, les d'e ux chevaux m i,s au pa s, lai ssnT! t J10Lter les rênes mollem en l
d:m leurs main s, ils allaien t devant eux, sans but.
Ce jour4lit, comme tant d'autre s, ils avaient galop(', humé l'air pur, respiré le ' parfum des fleurs
foulées sous les pieds des chevau x.
Dans les champs , pas un soul puy Ran ; sur la roule
large, pns un promeJ leul'. A .Ieurr droiLe, un étroit
sentier s'onvra it, empli d'ombr e.
Roland e, du hout de sn cravach e, désigna le peLit chcmiu :
- Il va nu c( Bois do B01llogne )) n 'cst-ce pns,
HubeI·t P
un
- Olli, Roland e. Voule7.-voue qu'oll y monte
,
instant P
- J'allais vous le demand er. J'ai bien de! chos('~
ù vous dire, ct, là-bas, nous serons très Jimes.
Le sentier, dans ]a {ratche ur du malin, et Sons ('c
ciel pUT de l'Auver gne, exhalai t toute llllO hnrmOIl il'
�T'ILLE
D'A n'flBTE
de parfulJ1ti. Des roses sauvages émaillaient les buis.
sons, et, tout en haut, dans ce qu'on a surnommé
'le « Bois de Bonlofl'ne » il y avait, au Coreux des
d'oisea ux bavards.
arbres, un gazouilJjsOn~rmp
Hubert sauta lestement à terre, et, deboui deva~t
Sa cousinc, il tendit les uras, EUe glissa contre lUi,
si l(~dre
si charmante qu'il en out chaud au eœur,
atchés'~
un arhre, ils s'ao;sircnl tout
Les t'h~valx
pr~s
l'un de l'autre, dans la mousse encore humide
de ln mlllinée rosée.
Hubel't avait pris la rnuin de Rolande et il la ca!'essait doueemen t.
Elle cessa de fixer dans le lointain ses grands yeux
d'émeraude pâle, ct elle regarda son fiancé.
- Huhert, dit-elle, hi er soir ,tandi s que VOliS étiez
au
eL qu'on m'y croyait en voire compagniethéâlre,
...
. Il ('0Upa bru squemen t:
- Au fait, I\olnnde, pOlll'CJlIOi, ou dernier moment,
{JoH)'(luoi m'avez-vous l'éponr1n : cc A'llez tout soul,
mon cousin; j'ai mieux ù faire ici, cc soir 1 »
Elle sourit :
- ,Je vOus ai di t ~ (c La Cllriosi!é est un péché,
Hilbert... lin pécllé capital. Tl faudra VOUS en Confesser au Pl-re d'Armoy. » VOliS avez scnti ma raillerie, ct vous êlcs parli lout sc ul, bien sagement,
sans plus rien demander.
J,! jeta, un pell i l'ri lé :
- M'expliqucl'ez-vous, aujourd'hui Ï'
- Je vous ai cllll'aÎné ici pOlir ccln.
« Quand vous avcz éLé parti, lJlIlJert, j'ai éteint
lou lcs les lumiôrcs de ma chambrc, et jc mc suis acr(Judée à la fenêtrc. Ainsi, jc vis l)a SSC I' le long de
~sc , puis descen dre l'esl'aliel' de pierrc, puis
la tel'n
JO~lger
la g,rflllcle Illlpc cll1 parc, pOur sc perdre cnsalle 80\18 1 ombl'e pllls ohs('lll'C de la [annelle, notre
Oncle
le Pèrc d'Armoy.
,\ lors...IIllmld ct notrc C()u~in,
Elle sc IlIt, leg rils mi-clos, comme hésitante à
pourSllivrc : il in sista
- Alors?
-
Eh J)ien 1 mon
('ou~in,
qlle
VOIl~
dir,'l-jc P Ln
�l'U,LE
D'ARTIS TE
15
nnit était si belle et l'ombr e si tentant e que je ne
rBsistni pas longtcm ps ... .Je descend is au jardin.
marcha is très doucem ent, à petils pas, ne voulan t
pas révéler ma présenc e, et contre les arbres touffus
qui encerd ent la tonnell e, un instnnt je m'arrêt ai.
- Ah 1 Roland e ...
LJn éclair ilumin a les veux d'Hube rt ; il fixa sa
cousine , l'espace d'une seconde :
Continu ez, fit-il sourdem ent. Mon oncle et le
nt P Qu'avez -vous appris, Roland e P
causaie
Père
- Tout ce que nous sa.vions déji\ concor nant nolre cousine Marie, et tout ce que nous ignorio ns,
c'esL-il-dire les projets , à nolre égard, de l'oncle Harold.
Hubert inlerro gea, anxieu x :
. - Diles, ob 1 dites, Roland e.
- Mon oucle a diL, Hubert , qu'il consult erait son
f\otaire pour savoir si l'acLe qu'il vcul a,c compli r est
légal... cL ceL acte, mon ami, ferait passer sur nos
lêtes toule la forlune princiè re des de Marbor t.
Huherl cuL un ébloui ssemen t:
- Quoi, balbuti a-l-il, éperdu , le châleau , le ch tlleall aussi P
- 11 a dil : lClTes, maison s, Litres. Donc, c'est
hien le château . Le « Nid d'Aigle », avec ses mervci lIeuses boiserie s, ses collecti ons, ses pins séculaires ... le « Nid d'Aigle » avec 80n parc immen se,
ses serres aux fleurs l'ures, le ( Nid d'Aigl e)) sera
il HOUS .•• ù nous. Huberl 1. ..
Elle rayonn ait de joie orgueü lcllse, cl 'ambi lion sa... la volupté de posséde r la grisait JUSqU'fi
t~faile
1 Ivresse.
Hubert murmu ra :
- li n'y 8 ras que lIOUS deux, T\olande. Tl y a
Not.',!. ..
- Noi'l 1. ..
Elle haUSSA ]('gèreJl1cnt seg belles épaules en un
de dédain.
~est
- NOI',I !c c'outen teru de si peu 1 VCJl\S ne MVe1.
donc pas, Hubert , que voIre frère n'a ni désir, ni
10us
l"I~sumcr
rêve, ni volonté . L'art seul lui ~cmhl
les biell9.
Je
�JG
FILL E
!)' A R1'IS 'l'B
Et elle mur mur a, son geu sc :
- Noël n'es t ,p as de ce rn ou
.
D'u n gest e fier elle redr essa dc ..
sa petI te tête tllIer,
Iliqu e, et elle ajou
.
l
ta, pren an t dam les Slen
nC8 a
mai n de son fian cé :
- Mar quis et mar quis e de ~rnbot,
héri tier d1l
lit re, du ehô.leau des arncêtres,
de la fort llne ct de la
race ... c'es t nou s ... nou s deu
x 1
Et, rede ven ue fem me, - peu
t-êt re pou r mie ux
asse rvir l 'hom me à gen oux
dev ant elle , 1\0'
land e mur mur a :
- Je vou s aim e, Hub ert 1
11 bais a les doig ts men us, dév oIem
ent, a\,(>,c Ull
resp ect infi ni, mai s il ne parl a
pos. Tro p de bon heu r
étai t en lui. Epr is jusq u'à ]a
folie, il sc senl ait le
maî tre - mie ux enc ore, l'élu
- de cell e créa ture
mer veil leus e... Il se redr essa
lui auss i, orgu eille ux:
ù son tour ; il ouv rit les
bras , com me s'i! vou lait
étre indr e la vie.
Rol and e parl a de nou vea u.
- 11 faut que vou s sach iez, Hub
ert, que le Pèr e
d'A rmo y a prot esté avec éne rgie
con tre le pro jet de
noIr e onc le. D'ai llen rs, j'av ais
déjà enU , par je ne
sais que l inst inct de divi nati on
que le Pèr e ne non
aim e pas.
- li n'a rien à nou s repr och er.
- Non. Il ne nou s con nais sait
pas Ilva nt sn velllle
ail chfl teau ; nou s som mes ses
cou
été, l'un ct l'au tre, d'un e corr sins ct nou s avo ns
ccli on palf aile avec
lui.
- Il nou s préf ère Nolll.
Rol ano e dit avec iron ie
- Mais Noël le fuit ... com me
il Cnit tout le mon de
et le Pèr e Il bea u dév erse r sur
lui
ce, Noël n'a pas l'Am e d'un ('on des flota d'él oqu enverl i.
~olande
r~vfl
un mom ent, puis elle dit
ft miVOl X:
, - C'es t une étra nge flgn re
que ce Pèl'e Jacq ues
d Arm oy 1 Offi cier de cava lerie
dev enu mis sion - e, ~ l' un
mur
cou rage el d'un e éne
' rgie surp
rena nts,
Jlr~te
Irré proc hab le, :\me d 'upÔt re et
de ~old
(ois.
tRI a
�FILL E
D 'AUT ISTE
J7
aIL fail lei sain ts ou
- Un de ce ~ hom mes don t
borl . Do. mm age qu'i l
l('s héro s, ajou ta Huh ert de Mar
Har old wn influen{,6
cle
l'on
sur
soit c()n tre nou s, car
peu t être gran de .
elle se mit ft rire :
Elle Je vit soud ain !SOucieux et re onc le m'a dor e 1
no.t
et
- Mais je suis là, moi 1
1 les J)ea ux millio.ns
Allons 1 ne faites pas cett e tête
aura 1
les
on
du mnrlJ.uis de Marbo.rt,
CliA PIT nE JII
vou s d6ra nge pas P
- Puis -je rent rer, Noël ~ .le Tle
répo ndit avec plus
me
hom
La vo.ix brèv e du jeun e
:
é
érit
sinc
de
quo
e
de poli tess
ais, mo.n Père .
- Vou s TIC me déra nge z jam
" rece voir le prêpoUt
leva
se
bort
Mar
de
l
Et Noë
sile ncie use, ause
mbr
cha
e
cett
Lre. La cha mbr e s'ill umi na
nie
ban
t
t \re, d'aI l la clar té se m hl/l.i
ct de ce viche
blan
e
ro.b
e
cett
de
e
so uda in n caus
to.ut d'un cou p
ch~sée
sage de paix . L'o. mLr e sem bla
se tenc lait, s'of le sim ple gest e d'un e mai n qui
ra~
les choseR ...
sur
nna
rayo
IraI t, cl. un peu d'am our
- AsseY('1.-Vo.UR, mo.n Père .
No.·;l app roeh nit, un
Aup rès de Ja ' fenê tre clo. e,
hau tain e, il resta
peu
faut euil . Et avec une gr!1ce un
.
x
gieu
reli
le
deb ou t devlln t
and j) ('elu i-ci ; puig. - Vo.lIS trav llille z, No.ël P dem
P
i
quo.
Je savo ir à
de pap ier épu rEt se~ doig ts effJeuralt'nt lei feui lles
Ses Sur le larg e bure au.
les phil oso. phes , les
- Je term ine lIne étud e sur Jeur s paro les, préts cL
poèt es qui ont, par leur s écri
paré lu Révo.lution fran çaise.
n l'r(' haYMre~
- La Révolution quI men a les
fand P
peu ple.
La név olul ion 'lui lihé ra le
- -
�18
FILLE
D'ARTISTB
Le Père sourit.
- Si votre oncle Harold VOUIS enle.c.dait. ..
.
Le jeune homme dit avec douceur :
- Mais je TI'approuve ni ne désa~lJrouve
Je
constate, voilà tout. Et je tâche cl 'écm'e avec une
Împartialiu.\ complète. Il y a eu, dans ces ~eurs
iuoubliables de 8g, de l'horreur et de la bcaute. On
ne peut nier J'un si l'on accepte J'autre.
Le religieux demanda uvee intél'êt
- POtinai-je lire volre travail, Noël P J'co aurais
un très vif désir.
11 Y eut dans le regard du jeune homme une
courle lueur d'ironie.
- Je veux bien. Mais vous serez déçu ; tout ccci
ne peut être qu'à mon image ... lIne œuvre infinne,
comme moi-même J.. .
- Ah 1 Noill 1 toujour's ceLLe révolle qui gronde ell
vous ... Qlland donc accepterez-vous d'une âme souTOise ce qni fut la volonté de Dieu P
Il Y eut soudain, tout aH fond du parc silencieux,
le brusque galop d'un cheval, et dans l'air, le sifflement d'une cravache.
C'est R()landc qui dompte ( Victoirc Il, dit
NoUl ; ct doucemen t, il ounÏl la fenêtre.
Les na~eux
fumants, un peu d '~clme
an mors,
«( Victoire », docile mailltennnt, $'arr(\lait devant lc
cM tean. Rolande sau la à telTe. ta longue traîne de
son amazone s'enroulait alJlour ÙU hras blanc, et sur
le l'Ou aux lignes fières, l'é{'harpo claire du lnrge
fpllll'e retombait. Un domestiqlle ayant emmené le~
rhevaux, IIilbert el la jeune fille mnrchaielll ~ pelits pas, tOUL le long des vasles allées.
Le l't'gord cie Noël les ~uivrt,
s'allul'doit sur leur
drllx visages ~i J'l'oches, SUI' leurs mains qui, t01lt
d'ull roup s'étaient uoies.
ob~édante
EL il dit, comme malglt) lui, reprenant ]a pensée
de tout li l 'heltre :
- Je ne Comprend/'ai jllmail\ 'l\l'il )' IIi! des rréallll'es de b aulé et des êtres déchm.
Le pl'c'tre murmura tloUl'cment :
dnnll l':Îlllr..!\(l\('z birll, NOël, fille ln senlr. hcautr- est
VOl~
�19
te 8\11' lM lèvr es du
Il Y avai t Ulle iron ie mée han
:
dt
jeun e hom me qua nd il rep
rt ; je ne vois pas
- Je ne vois pas l'âm e d'H ube
form e terr es tre.
leur
vois
je
s
l 'rIme de n.ol and e, mai
...
J!on Irèr e est beau , et Hol and ex, une dou leur mon yeu
]1 n'ac hev a pas. Dan s ses
oil sc mél ang eait à la
tait, se préd . ait, ull e dou leur
.
e
hain
la
et
foi s ct l'am our
s'ap puy a un inst ant
l.a mai n du Père d'A rmo y
.
me
hom
e
jeun
Sur l'ép aule du
e pitié tencIre, mon
- Mon enfa nt, dit- il avec un
1
pail He enfa nt
Le vi sage de Noi:'l , 'ndo llcit :
un enfa nt mal heu - Oui , Ull enfa nt, r épé ta-t- il,
frrr e, robu ste,
mon
me
com
i
reux . Tou t peti t, j'éta
s
m ême jeux , les mèvigo ureu x ct droi t. J'av ai s les
horr ihle
- un ~o ir
,
soir
uo
mes plai sirs. El pui s,
z bien ,
save
s
vou
;
- il Y eut cet acci d ent stup ide al dô à mon imp ruchev
cIe
t
den
mon Prre P Cet acci
à
la vi e sauv e, mai~
den ce, li ma tém érit é. J'eu s
er infi rrest
~
i
a
v
e
d
je
s,
our
touj
r
quel prix 1... Pou
ec cell e épa ule
hor rihl eme nt cIrvié, grol rsqu e,lIvSUI' mon pa.'~
r~e,
s
min
ga
aux
dire
f/lit
Ihff orm e, qui
1. .. »
ge : « Vein e, voic i un bOSR U
e nt :
cem
dou
la
e
proi
x
gieu
Le reli
1.. .
oi'l
su,
bo
- Vou s n 'Mes pas
1
me
com
tout
t
c'e
1
- Oh
-- Et VOll S n'êt es pas laid ...
-- - De grâc e 1
P
p/lq que je Vllh vou s men tir
~r z
-- Vous ne pcn
,
rÔle
mon
ni
it
sera
ne
Î,e
piti,:, par l'h/l rilé P
P~r
mis
Il
Diru
e
qu
di s, oilJ,
nI mon dev oir . .Tc vou~
le
ur votr e fron l , nn sple nrli,
~ \'olr e rega rd,
dan
laid
ais
j/lm
t
n'e
l'on
l'ayoTll1cment d 'inte llige ncl' , cl
in t d'un e lumi~re
qua nd on port e, sur 8Oi, le rene
térie ure.
NOL;] rfl iII/l dm ernc n t :
l'/llé. Fini pou r moi ,
- N'en rp"c he que je suis IlIl
de mon âge , lout ce
!
me!
hom
des
vie
la
tout cc qui fail
et cl.'tte
le ~port
val,
dU'
le
:
que , jlldi ., j'aim ai s lant
hél Il !!,
in,
dest
Le
ls .
enr rihe mil itair e don t jo rf·va
l.',
firm
n
J
.
~
t
l
h
o
n
r
m
i
'
l
Il
n,
ctio
me con dnm nr. " ] 'ina
�F ILLE
D' ,-\llT ISTlI
.i e suis un ill!Îrme 1 Le moi ndr
e
v~ m e nt
de ce lle
pauvre épaul e m'e st un e w uffr mou
mon b ra ~ gau che est in erte , ou anœ lIltoléJ'ablc, et
à peu près .
- Taisez-vous , Noël 1
-- Je vous tlpo uvan te P J e ~
e .
Qua nd jlprès l'aff reux: ac cideu t a i s , j 'a i l ' h fi bitu~
nia m ère com prit quelle pau vreoù j e faillis . m ourt r,
mais ce fil s don t olle étai t si fii' chose sera It cl ésor re, m a ntere cessa ùe
m'a im er.
« Elle avai t hon te, com
pren ez-v
si belle, si fière , suivie de ce pau o us, de so rtir, ell e
voû té, con tref ait, mal in gre , quivre gosse d e 15 an s,
bet s des un s ct la piLi é des antr exci tait les quo liété jusq ue-là un com pag non de es. Hub ert, qui ava it
tant s, préféra les ca mar ades ha j eu de tous les in slesq uels il pou vait m esur er sa rclis , r obu stes , avec
j eun
blia. Et l'or gueil auss i - le terr e forc e. Il m'o uMar oort - lui fit r ejet er loin de i ble or g ueil d es de
hIc. Ain si, j'ai vécu seul, mo n lui cc frèr e mi sé raP
lu révolte, le tem ps, l'in justice ère ; el la soli tud e,
de
Dien et d es hom mes m'o nt fait l'êt re que vo us
voyez.
Le r eli g ieux pro non ça g rave men
t
- Fa çade que tout cela 1 vjlin :
:1 pparenc e 1 J e sens en VO li S des sent e ct f a l s~e
des gén érosit és ct des gra ndeurs im ents très n ohl es ,
n ati ves que votr e infort ulle a end orm ie , et qui se
r
sous un souffl e ven u d'F n-Haut, éveill eron t un j our
ou p e ut -~ tJ' c sous
la force d'un se ntim ent hum ain
qui vou s dom in era.
NotH pro tes ta IlVe{) npl'e té :
- Non, m on Pèr e. J 'é tais bon
, j'étais co nfia nt.
Mai s on a détr uit to ut cela . Ma
m ~ l' e
t mor te. Mon
frèr e n e m'a im e pas. Il y a
ùes mimlt.es on j e le
hais . Ma cou sine Hol and e ...
Sn voix trem bla sur le nom ché
ri.
:- Ma cou sin e Rol/lnd e, qua nd
elle ava it auss i
qUl11ze an s, et que nou s cou ri
on e en sem bl e le lon g'
d'c s dU1~;s ~e
Ga scog n e, où viva
qua r: d J é talS un adol eBce ut vigo it encore ~ n m ère,
ureux et hard i, ma
COU SIne Rol and e diMit
: « Noël, on nou e mar i era
plus tard ... Noël, tu veu x bien
?
Il eut un sang lot et, viol ent, il J e t'aim e tant 1. .. li
j
- Et mai nten ant , c ' e~ t Hub ert etl\ :
qu'clle aim e 1
�FILL E
2\
n'An TI S'I K
- Pau vre peti t 1. ..
uyé e a u do sier du
Noël pleu rait . Sa lète pâl e, app s l a rme~
brûl ante s
sa it cl
faul 'uil, les yeu x clos , il lais
ré.
alté
cou ler sur so n visa ge
ùou ce·
la pres~f\
LI'! reli gi eux lui prit la mai n ct
nl ent.
me vou , oël, dit- il
- D'a utre s ont soufrert. com
surg i dan s leur vie.
it
ava
me
fem
Une
avec grav ité.
on de vivr e. Cell e
rais
leur
En elle , il avai en t mis
e. Qua nd la créa ture
fem me part it au bras d'un autr
nou res te, Noë l.
u
Dic
,
hum aine n ous aba ndo nne
sur !\O ll vi age,
Noël élai t redevel1u calm e ; mai~
ilIag e ùou 1111
ail
laiss
les
n
réce
la Ira e des larm es
lour eux .
dou c el ll·, ouh liez ce
- Mon Père , pria -t-il avec
souf fran ce , me
mes
que j e vou s ai dit ; oub liez
parl cr i lon" d'en
e
tum
cou
pas
révo ltes ... .Te n'ai
do n t je V01l '\
sc
e
l
faib
Lemps. J'ai eu un in slan t de
on.
dem and e pard
Le prêt re dit sim ple men t:
is un hom me com - Aut refo is , Noë l, qua nd j 'éta u, j'ai trou vé moi
Die
de
ore
me vou s, ct si loin enc
La paix est ven ue; la
auss i la dou leur sur ma roul e.
sur VOII , mon ennite
ouh
ln
e
s'es t [ail e . J
ère
~umi
ant.
pi e ; le poin ts lu! ~e crép u scul e entr a dan s la
ent aux ride aux , sc
èr
min eux des étoi les s 'acc roch
e les mai n plll s
entr
ct
es,
glac
les
s
ref1ètèrent dan
cele r le cru ci fi,.
élin
t
Père d'A rlTIoy, ell es flren
dl~
nt.
arge
1
CHArlTRE IV
Talt 10 hall du !IllLa port ière de velouTs qui s6pa1ft bon ne figu re du
ct
t,
men
rète
Ion lut soul evée disc
vieu x Den is app aTu t.
~ .
-
Le ('on rrie r, mon lliellf Je
MarCJui
�!'ILU'.
Il'ARTISTE
:\lerci, Denis.
Ilal'old ùe Muroort prit le journal, par~out
I~ s
pl'emières colonne, ouvrit les revues ; soudam, 11
trcssa illit. SUI' Je plateau de cuivrc au'!: armcs de
Marbort, ct cacMe lout d'abord par les feuilles banales, une petite cnve loppe bordéc de noir s'p laJail.
Elle parlait le limlJ/'c d'une nation étrangère; elle
semblait comme un l'appel du pn s é, un souven ir vivanl... un ~ymboJe
au s i dc doulellr. Sur ce frê!e
morceau de papier, les main s du vieux marqUIs
lremill cl·e nt. Il murmura « l\larie ... » ct d'Ull geste
hru sq 1l e, il ori sa l'enveloppe.
Il li oa il. Une pûl eur so udaine envah it so n vi fige;
il lisa it encore. Des lannes rui s~e l ' l'e1
le long de
ses joues ; il continua sa lectllre. Et q 1l and cc fui
fini, rpmnd ~es
yeux cnrcn l lu la d e rnit~e
ligne, el
RO ll ('rl'llI', lm jllsqu'ù la fin lu couJle d'amertume,
il l't péla : Marie ... cl un son g lol monla ù sr lhre~.
Du holl, où le PlTe ù'Armoy li ~n il , on IJréviaire,
cc fri s on de douleur cOU /'ut jusqlJ'~
lui . 11 se ]evu,
ct s'élll ll ça j1lsqu'à So n cOllsin :
- I1nl'old, quc vous arl'ive-l-i1 P
Jacqlles, mon ami, apr)f'o(hez-l\u~
; venez
](1 ... ct li ~c z,
li sez retle leltre ; 1i ~c z lout hout. J';\Ï
hc ~o jn d'y voil- clair Cil moi.
te religieux regarda J'~cli"r(,
cl ('Olomc l'nulre
avait fait lOlll /1 l 'heurc, il mllrlllllra : l\lurie.
- Oui, Jncqucs. Celle lel1r(' cst lJirn de farie.
Et il rrpril avec ulle llutorilé {jl'Ilve :
Li. ez, mon cousin.
Le Pt'ore d'Armoy ~omenr
lenlement
« nome, le
«
J\fOIl
lor
jllin .
phe,
,II TI Y a diY-hllit an s dl' reIn, le jOllr 01'1 VOliS
m nv~ ~ z {'ha ss(or de chez VO\l~,
parcc qlle je suivai s
ln 'VO/r !lt' mO.1I rœur, el non l'l'Ile ri" "o (rc orguril,
VOllq m av.c7. Jt. tr; ceq porolrs ('1'11 'Ilr~
: « RnppelczVVOm
OIJ~,
lnn r, 1'J1I 1111'( yPll:t rhl nHII'qui. dc Mnroorl,
l'11'q morte ~ jall1aill ».
�PILL E
D' ART ISTB
pas une Coii,
me rend rez celt e just ice que
vou s. J'ai
vers
crié
en ces ùix- huit ann ées, je n'ai
bon heu r
le
tout
isi,
cho
is
'ava
.i
que
e
tu, par l'ho mm
avo ns
s
Nou
as.
ici·b
e
nùr
qu'u ne fem me peu t atte
ère.
mis
la
que
é, pres
Con nu les priv atio ns. la pau vret de tout . Et jam ais
lieu
it
tena
S
Not re tend res e 1I0U
e forl une , ùe cc luxe
ne m'e t ven u le regr et de cett
; seul el'ern~
dès
e
itué
hab
viez
auq uel vou s m'a
votr e
de
r
dési
le
ct
ie
lIlen t ln nos talg ie de ma patr père , mai s vous m'a ·
mon
é,
.
n
offe
ai
s
pard on. Je vou
fus ln plus cou pab le,
vez meu rtrie . ï c'es t mQi qui
pitié .
en
ne
pren
me
r
qlle le Seig neu
avec Lui. Bie ntôt , il
(( Bien tôt, je sera i fnce à face
de ju tice, le poid s de
me juge ra. Dan s la bala nce
ct loya l amo ur - je
ue
uniq
mon amo ur - de mon
mou rir, mOIl prre ,
l.'espère, era très fort . Je vais L'h omm e que j'aie'.
vivr
de
nlé
Je n'ai pas la volo
s.
mai s n'es l plu s; je le rejo in
lang ueu r qui me min e
de
adie
mal
« Cell e étra nge
cicn ce, C'u x qui sc
dél'Oute ici le prin ces de la
par hon té ct en
ble
sha
mi
lit
mon
pen che nt vel's
e le nom . Celle
porL
je
t
don
sou ven ir du gran d arti ste
l'en fant voi",
'aut rcfo
qui ful votr e peti te Marie d
, la fille lle
il'cs
capr
.
le
z
i.!\ie
!onl aire don l 'OU H slIh
ùe Jacq ue
's
côt{
Ilm:
Ivre de lihcl"lé qui galo pnil
uverglle, la
c1'A
es
rout
lles
viei
~
c
d
le long
~l'Armoy,
son l'êve
mil
qui
ente
Jeun e fille pass ionn ée ct viol
s, mon
jadi
de
ie
Mar
e
cell
eil,
orgu
'e
au-d essu s de votr
pen ée,
e
votr
s
dan
r,
mor te dan s votr e cœu
pèr~,
mou rir. El
de
t
men
vrai
rvc
aeh
lie
mal llten nnt,
rien su, si je n'av ais,
vou s n'cn aurie1. fllIS dOlllc
.
lré~o
no
Cipr
cOIl
s
vou
il
mon pèrc ,
am, un pur
sepl
dix~
i
u
p
c
d
.•« J'ai prt' de Jlloi,
viei lle con e
rett
de
c
hIJOU, UIIC vrai e neu r détn rh(: r pl~
e ellc ore
1)('ll
fleu
une
,
oort
ron ne ùes de ~la
s, dor( 'e
z7.e
Abru
des
t
vell
d'av oir rI ~ parf umé e au
, « sa
fille
te
1 ma peti
8n soleil d'It alie . J'ai mu fille
de
tout
peu
un
e
vlitr
ln
s
fille )), il e "l vrai . .. mai
Je
...
rir
mou
vai'!
1 Je
môm e. Ah 1 gr-Q('(, pou r clic
vou s la ùtHlI1e.
uis je n'eu Tien dem llud é ; j'uu
«( Pou r mol , jllm
pOli r
~rais,
...
ère
mis
la
il,
l'cx
:
lids lout ~uporlé
(( VOU S
�FlL l.E
O'A RT ISl F.
ell e 1 Ayez pit ié de
sa
be au té 1 Accueillez-la. jeu ne sse , de a pu rel é, de sa
l'é ter nit é, je me nti rai Au bo rd de la tom be , face fi
gre tte qu oi qu e ce 80 s 8i je voua disaill q.ue. je reit
de ma nd e pa rdo n. Pa de mo n passé ; malS Je vo us
rdo n de l'of~nse
qu i v<?us ,fut
Caile, de la rlouleur dO
pas possihle qu e la fill /lt je vous al ch arg é ; Il n est
e de Marie ne tro uv
e pa s, un
jou r, le ch em in de
vo
« Qu an d cel le let tre cœ ur ..
.,.
cessé rle viv re el mo tre vous pa l'v len dra , J au rai
n
en
fan
t sera rec ue illi
ve nt de la Miséricorde
. i rie n ne lui vie nte au couelle y de me ure ra à jam
de vous,
déCenrlra co ntr e le ma ais . Le cloHre, du mo ins , la
l,
co ntr e la
Il Moi, j 'j\i
foi en vous ..1e rois vic.
qu e vo us lui sr,Tez sec ou rab le. Vou
ire
1ft ram en er da ns le ch z la pre nd re pa r la ma in po ur
rez pit ié ... pit ié de moâte au des an cêt res ... :Vous aun tou rm en t, de ma
el d'e lle , su rto ut d' lle
, qu i vo us bé nir a à do ule ur,
jam ais .
Il Mon pèr<"
ad ieu .
mo rte , la p<,tilc MarieCette fois, elle est bien mo rte ,
.
Lai ez-Ia vo us cri er,
borrl de la tom be , pa
du
rdo ll cl me rci . »
Dan~
lr'\ ma ins de
pc lite let tre tre mb lai Jac qu es d'A rm oy , la pa uv re
t
sur le plateau de cuiVT; il la pli a avec soi n, ]a posa
e,
- Ha rol d, mu rm ura ct pui reg ard a son ou sin .
Marie l'a utr e oir , qu -t- il, qu an d no u pa rli on s de
an d VOlIS m'
Il 'éta it plu s rie
n po ur vous, co mb ien aff irm iez qu 'el le
no us éti on s loi n
de pen cr li c lie arr
reu e réa lité ... lIé las
plu s 1... et vou~
1 clic n'e t
our
ma lgr é vous, elle viv fre7., Ha rol d ; c'e st do nc qu e
ait en co re en vo tre
cœ ur.
:-: Jacqu.es, je cro ya
is la ha ïr, la
VO ICI qu e Je ple
ure ... voici qu e son mé pri ser ... ct
ad i u me déch ire , qu e son ap pe l
me
Le prê tre mu rm urn bouleverse.
do
- Elle éta it tou jou rs u em en t :
la pe tite Marie
. Le vie illa rd
rut Caire un eff ort su .
11 ten ta de se pa
r lui -m êm e;
do mi ne r.
- Cela png era , dit
- Vous oublierer. P -il fro ide me nt, j'o ub lie rai .
- Oui. Elle Il t mo rte
, il y a dh -h lli t an s
; ali-
�l'I1.LIl
D' AlITI8TI !
2r.
jounJ.'liui, olle meurt de nouvea u. J'ai vaincu ma
souffra nce j adis, je ln maiera i encore.
Jacque s d'Armo y posa sa m ain sur l'épaul e du
marqui s.
- Vous oublier ez, avez-vo us dit, Harold P Vous
oublier ez la morte ; elle n'a plus besoin de rien, j,l
est vrai, et Dieu, mainte nant, est son refuge ; mai s
la vivante , Harold , l'ou blierez- vous P
Je ne la connais pas.
Vous savez qu'elle existe.
Elle es t la fille de l'étrang er l
EUe est la fille des de Marbor t.
Le viei.Jlal'd répéta avec dureté :
- Jc ne la connai s pas.
J acq ues le rcgarda fixemen t :
- Ainsi donc, cclle lettre, ce lf e pauvre lcltre frémissant e dans laquel.l e unc créatur e hum aine - la
chail' ue votre c h air, l'enfan t de votre S;lllg, de votre
ruce - a j eté tou le sa douleu r, loule son angoiss e,
ce lte lettre, vous all ez la déc hirer, la brûl er, la lanCer au vent de l'oubli P
L'antill uc orguci l des de Marbor t fit brille r les
yeux du viei,J.lard :
1 - Aujour d'hui, comme autrefo i s, Jacque s, j e sui s
e seul maiLre de mes actes , ct j e ne recon nais ,'.
perso nne le droit de me juger.
Il rép éta froid ement :
- A perso nne.
Mois le reli g iellx ne dé armait pas.
~
Vous Il' êtes pas seul au m on de, Harold : vou
avoz une famille ; les hé riti ers \lI l'ecls de votre honneur et de votre !lom . .J e V{JUS d 'mande , je vou s
suppli c de Ics côn ull er.
d Unu hésitati on impcrc eptihli passa dans le rcga rd
11 mnl'CJuie.
avez peut-êt re raieoll, m1lrmu ra-t-il.
- VOI~
Il appu ya enr un timbre ; le domest ique parut.
- Priez MMe Roland e, M. Hubert et M. No!!1 de
v.nir me rejoinch'. ici. sane tareler.
d'abord . Elle Iut, dan s l'enonIls entrhe nt. ~lIe
(h'c ll1rnt de ln porie, !O I ~ ln lenl ll1'e de velou r!; rcrll'-
�25
FILLE
1)' ARTISTE
lut.e, une apparitioll de j eun esse or!5ueil~
et st1re
de ses droits.
Le marqui s de MarLort s'était levé à soo .apP!,oche.
et il la considérait avec fierté. Celle-là était blCn de
son sa nrYb ' de sa race , Ulle indomptable faite pour les
dominations.
- Vous m'avez fail appeler, mon oncle. Que voulez-I'ous de moi P
Elle parlait d'une voix mestwée, neLte, un peu
basse .
- Assied s-toi, mon enfant ; je dois attendre tcs
co usin s.
Pourtant, elle resta deLout. SOIl regard, sous la
frange des cil s abaissés , sc posa un in stant sur le
vi sage d'Uubert qui venait d'entrer, cheU'cha la silh ouette de Noël, tout au co in de la porte vitrée, e t,
len tem ent, s'aba issa sur Je P(\ re d'Armoy. En celuici, elle pressen tait l'obsta cle.
- Hilbert, No 01 cl Uolancle, conlnlen ça gravement
Je marqui s de MOl"Lort, vous savez tous, n'est-ce pa s,
jusqu'au moindre détail, ce quj a fuit le drame .d e
ma vie?
- Oui, mon ollcle.
- Eh bi en 1 en voiei l'épilogue.
La lellre, la pauvre lettre de do ul eur, de prihe
ct Je m or t s'o uvrÏl de nouveau.
- Veuillez lire, Jaequcs .
El tout haut, Icntenlt llt, gravement, le r eli gir.ux
r e{'ollllllcnça. Et il litt .iu qu'n la nn.
Sur celte famille ainsi réunie pout" juger une cau e
comrllulIC, le si lence, COlllme un vojle, tomba soudain.
- HoluIldc, appela le marquis, pad ez la première.
Doi s-je a cc ueillir celle en fant P
Mlle de Chahly tressa illit. Ln petite fill e des de
~laf'hort
l'entl"llllt au châ teau fiui pour e ll e et Hubert, le rêve d 'o rgueil, le r~ve
d~ré
et n lJg niflque.
Il s Ile seraient plU8 que les plll"cn ts pauvres reeucillis
par eharitl, auxquel s, dnn a le beau gA leau des roia,
~n l~'troie
gue la moindre part.
Il venl violent,
IrréSIstIble, balaya ùon s cet~
âme altière les Rem/lul s , ln pitié, et n olonde dit durem ent:
�l'ILLE
27
D' AnTISTE
- Quand l'honne ur do toute ull e ra{!c a failli \lombrer tout elltier par la faute d'un d e ses m em hres, le
té.
pardon sera it une d éfaillan c e, et l'oubli une I~che
douce
voix
d'une
dit
Le Père d'Armo y
- Il s'agit d 'une en fant innocen te.
Elle jeta, ironiqu e :
- Madem oiselle Savelli ? et ene appuyu mécham llient sur le llom.
11 murmu ra :
- Dlle pe tite fille ... une pauvre petite orphel ine ...
Lc m[lrqui s, alors, sc to urna vers Hubert :
- Quelle l'st ta pensée, mon enfan t ~
Celui-c i n'é tait pas mau vais. Mais il senlit su r lui
pese r le regard vert de Roland e, e t sa volon té sombra tout enlière sous la volonté de la femme aimée.
o ncle , dit-il simpl ement, vous ne pouvez
- ~10n
aCcueil lir ici la fill e de l' étrange r ; mais elle est seule
cl mi sé rnble ; sC80 ure1.-la.
De nouv ea ll, In voix du religieu x, comme un
SOuffle, pa ssa sur 18s nmes :
- De l'argr.n t 1 ù qui demand e un peu d'amou r 1...
Et il e tut.
- Nom 1
Î1ne silhoue tte un peu voûtée, difform e, hélas
~a
malS l1èrù encore, sc dressa .
- Mon ollcle ?
- Tu es rainé, le ellef de la fam ille apr(:s moi.
n eut lin rire amer.
-:- Mai' /lOI! 1 VOIlS sunz hien flu e j'ni cl onné
p.1Clns pou voirs il mon frère. Je ne suis l'i en , moi,
[!Cn 1... Un inlltilc, un infirme 1 Pourqu oi cL à quoi
JOn me COllslIlter ?
1 - .POl'c· que' VOliS ê tes nnc ûme, vou s Nol'l 1 j c la
Parcc flU C, S()us la mi. rre dc l't'Ilc e nvcC r e l' ~ i e ux.
loppe charfl('l J e, il y Il lIli C inl clli gen ce , lIllC di g nil é
je Je sais.
et \ln c nol,l cssr, lJui ne Will pas ailcu'~,
jetez has cc
Allons, oi'l d l' Marhor t, soyez ~ iIlC PJ'("
ma sgu d'il'flllie, où vo us Clichez yolre sOllffra nc e,
soyez
"'O
us-rl~mc
1
Le h ail visage du
j CUlW
homme ,
Jill .
Icq u -] dClI"t
�l'I LLE
D' lUrn ' J'~
yeux admira bles rayonn aient, se leva vers le vieil·
lard, et Noël dit, très haut :
Quand on a cu le tri te courag e de chasser ~e
chez soi une enfant de vingt ans, coupab le d'avon
écoulé ln voix de son coenr, plutôt que celle de l'or·
gueil, quand on a continu é, pelldan t des années,
11 laisser "ivre, souffrir , moul'Ïr dans la mi ère, ulI.e
femme, double ment sacrée pui (Ju'e11e ét<.lit mère, II
Il 'y a ~u'ne
manièr e de l'achete r cl 'un coup tout
cela : cet dc s'en aller lJien vite dans ce vieux cou·
vent d'lLalie , d'y prendrc par la main UIIC petite fille
l'II dcuil, de la serrer biclI fort contre son
œur, eu
lui disant tendrem ent, hllmble ment : pardon 1
Le marqui s n'avait pa ' Cail lin mouve menl, pas
UII geste, pour arrêter sur le J1>vres de .
011 ncve1l
les dures el véridiq ucs paroles .
El qlland il se lut :
- Allcz·v ous·en tous, dil-il seuleme llt ; je déciderai.
Il fui seul avcc le religicu x.
Dans le ciel, soudain nbsomh l'i, de gro ' 111Iages
s'amon celaien t.
- Ferlllez dOliC la roi ~ l\e,
.Jacqucs.
Cclui-c i c leva. Sur la table de llIlIrbrc du
alon, il alla prcndrc un pctit livre à couver ture
rosc, ct, lcnlcm cnt, il tourna lcs fcuillet s.
- Ja ques 1 appela de nouvca u le marqui ' , avezvous un indi('at eur des ehcmin s de r l' cl· date ré·
cente P
- Le voici, mon cou in.
Il tcudait 1- livre . Jes deux hOlllmc s C l'egal'd;'' lc rnal'fJui de l\larhor t cl '.
l'C'nl. E
'1, brusqu cmcnt,
IIHlnda :
- Jacquc s, voulez· vous all-I' ('lIl'l'chel' la fille de
\lal'Ïe P
Le prètl'e murmu ra, tl" s Lns :
.le VOll q remerc ie de me lu demand e/' .
'- Quand partirez -vous ~
- -- Cette Iluit, mon cou in .
1., vicillnl'd monlm le ciel d(.i' llÎr(. Ii' ~ f.duir qui
illl' cllclinil'nt les mOJltage~.
'
A l'f'C ('e leOp~
~
�l' ILLE
n ' ARTISTE
Le Père cl ' Arm oy sourit :
- J ' IilU ai vu Lien d'autres 1 Que sont les ol'ages
de la nature auprès de ceux qui grondent dans l'âm e
ùes homme s il Mals la paix de Dieu tombe SUl' toules
l:hoses. Eo co moment, elle es t sur vous, Harold :
L Ini.
cz
~ uy
CI/APlTH.E V
- J\\;tdeilloisell e Sa velJi il Ell e csl ail jardin, ma
Mère.
La Sup érieure sc louma vers )e reli gieux.
- Voul ez-vous qu e nou a llions la rej oindre il
Il s fjllilt b' 'nt le sombre parloir , co ntourn èrent un
~ o n g ves LiLule, aux dall es humides , ct, brusqu emenl,
Il s sc trouvèr ent en pleille lumièr e. Tout le .<.:icl
? 'Ilali e riait n n - d e~ s u s de leu rs lêtes , el, du j ardin
6 de soleil, un lourd pndum de m ag nolia mail'
I r~ ' adi
Leul vers eux.
au cl'eux: d ' un bosq1l et, , ous un auri de
a in,
~oud
d 'orun 0rre rs en Jl eurs , un c fin e silh ouette
el
nge
fellllI
.
(.
sombre s
IIl'g lt. Hobe n oire, c heve ux noirs, prun oll es
largem ent ot n crtes, toul dan s ce pelil être, encore
l'nfantin ct si h Ul'lltalil l:iembl ail parl er des deuil s
'
ln ulti pi cs .
y sc e/'ra ; sa voi x ll'elJld'Armo
Père
~ e coeur du
hl;ul 16gè rern enl.
-- Ell e ... c 'e l elle, n'es l-ce pus P
La ]\!l- rc Sup -ri cu/'c iU l'li lJ:t lu lC: k , cl, 1)0. 1' deu '
fois, elle appela :
- Mar-ic-An ge 1 Ml\rie.Ange 1. ..
de cu n(lirl c Loa ut.é. D' un
L'enfan t dres a un vi ~ 8ge
co arri he ses b O l c J c~
eta
rej
elle
bOllve mcn l b rusCj ue,
inon », cl 50 bouche volo])·
CI , coupérs b cc ln
r ~ ./fI
pllr', ('u t IJn sou ri. r. de ICl/ IUII''' , li n de i lll 1 r1-~
dru 'sc:
�30
FILLE
D 'hHTlSTI1
- Ma Mère, ma honne Mère, vom me cherchiez ~
Et découvrant tout à coup, à côté de l~ !orme féminine familière, la robe blanche du rehglCux, elle
ajouta :
.
- Mais vous n'êtes pas seule ... cl vous avez un aIr
bien grave. Qu'y a-t-il donc, ma Mère P
- Marie-Ange, ma petite fille, soupira la Mère Supérieul'e, j'aurais souhaité, égoïstement, v.ous garde!
toujOllfS dans celle mai sOIJ de Dieu. MalS la lettre
de ~otJ'e
pauvrc maman Il touché le eœUJ' inllexible,
cl M. de i\farhort vous appelle. Le Père cl 'Armoy ?st
venu vous chercher. Vouiez-vOlls Jo suivre, Ma)'leAnge ~
La jeune fille murmura :
- Le Père d'Armoy ... Jacques d'Armoy .. . Maman
disait: « Mon cousin Jarques )J. Très souvent, elle
parlait de vous. Elle disait: (( C'est un hiSros )J , rI
parfois aussi: (( C'est un sain l ».
- I)e grâce, ma perile fille ...
Les grunds yeux bruns sc fixèrcnt très doux, Sur
le visage Ùll prêtre.
- Maman m'.wail raeouté loute sa vic; je s/ris
que vous y fflles mêlé, je sui s heurcuse de vous voir :
c'est Ota premÏcrc joie, depuis ... depuis ...
ElIc ne put arhcvcr ; sa voix sc brisa dans un
Sllllgio t.
('oul'age, ma p/111vre pelite, supplia le Pèrc
d'AI'moy. Vous n'C-Ics plu sC ille; YOllS n'ôtcs plus
abandonnéc. Songcz qU'OH \Olld nLlcnù. Il y (\ tout
dc mêmc une justice, Muric-Ange. Le ('OCIl I' 'ùe votrc
gralld-prl'e S'ollvrirn tont :\ fai t, quand VOllS serez
dal
~ scs hrns.
Elle dit., ll'ès douremcnt :
-:- -! c VCllX ,la v.;riIL. Il vous il envoy(o, mon Père,
mlllS Il Ile m !limc pas P
. Un~
inlpcr.r'CPl iblc h(.~itflo
pnA8n d :iIls ]e regarù
SI (IrOII.
- VOIre gl'allù-pl'orr Il (-lé nlÏ~
fare :\ fare avu(' AOD
c]P\'Oil', cl !I a acceptf Jp l'nr('onlplir. C'Cit d('jll hicn
beau, Murtc-,~ng.
N'ell JcmundcJ. pl\.~
dll\'nntage ;
tQule :-h~c
:Iellt l'n 80n temps.
Ln ./olle telf', IIlI pell pale, S'IlPPUYIl 1(~lremI'J
�f'lL LE
0 ' ART ISTE
31
('o ntre l'ép a ule de la Mère Supérie ure, cl hl fille de
Marie de Marbor t supplia ;
faut-il
Conseil lez- moi ... fa u l-il r esler I CI...
par ti r P J'a i p eur d e l'in connu, d e cc g rand-père,
Jadis si dur, si or g u ei Ue ux . .. j e suis si p eLite. si
faible ...
- Vo tre mère l'a voulu, mon enfa nt.
- C 'es l vrai.
. Le P ère cl ' Arm o y releva cl 'un e main trbs douce Je
.I eun e fro nl sou cieux .
- Venez, Mari e-An g e. Un vi cux cœur endurc i r
s pas m au vnis - vou s dési re , sans oser l'avoue
~1ai
u lui-m êm e, et vo us ne savez p oinL qu el chemin de
lumi ère vous p ouvez OU\Tir sous ses pas.
ù' Mll e Savelli sc r eùressa , ù'un ges Le ferme, cL elle
Il simplem enl :
- Je s uis prêle il \'O US sui vr e, m ou P ère.
Le reli gieux co nsulLa sa m o n tre :
. -- Tl Y a lU I train de nuit qui n ous amèn el'a très
ez - vo u ~ 'lue n o us le
Vll û nu-del ;\ d e lu fronliè re . VOl1
e L vos bagage s P
us
vo
,
e
L
~
r
p
ous
[J re ni ons r Serez-v
Un so uri re tl'ès j eull e illumin a l es lra its d élicat s :
- Mes bagage s P Ah 1 m on Nre, YOUS all ez voir .
.l\l le co urut jllliCJ u 'à la porte du couven t. Deux
Il e s ' Ila ient pus écoul ées qu'elle e n r csso res
1~Il\t
tl\~ , bCl têtc brun e coiffée d ' un bére L d e velo urs, un
clJ n,c pr.' otégeân t ses fill es é puul es, c l dan s les
('e
rnl~
J~l n l ~ llll pelit sac ùe loil e o il ten a ie nt un peu de
,In ge (' t qu elques rellqll es du so u ve nil'. Le v ent soueva d'ull souffle légc l' le c hille d a ns lequel ell e se
drùp uil, eL Je Père d'A rrn oy di sting u a, SO II S l'é to ffe
.
gon1bl'e , la form e svelLc d'lIu vi olon.
- C'es l to ul, murmu ra-L-il avc r ull e do u ce piti é.
C'es t to ut. .l e sni s p UIlV IO , Jl C Je sa vi eZ-VOlis
pa s, Illon P ère P
( ~ Mu seul e fo rtu ne, 111 011 prul 1\'(;·01' .. . c 'es t ccci.
é l' , ~, SUl' SO it cœm, la fill e d ' An gelo Sa velli se rrait
ll'Oltem ent le violon.
Marie-A n ge P
~ i e ieno,
Vous ê les mu
Un rcluir d e puss ion illumin a le pâl e vi sage .
-:- Ah 1 mo n Père, si j e ne l 'é tuis point, j e lie
~ pas dign e du nom que j e porLe 1. ..
S el"1
�PI LLR
D' AJ\TltlTB
Son nom 1 le nom de celui que 115 marqui s de
l'rlarbort appelai t avec m 6pris « un artiste n, ~e
nom
détesté, il était sa gloire, à celte enfant d e. Selze an~,
pauvre entre les plus pauvres , e t à celte m~nule,
VOIlà que Jacques retrouv ait dans ces yeux SI beaux l e
l'ollet même de l'orgueH des de MarborL. En un
é.clair, il entrevi t le conflit possibl e, la lutte ontre
le grand-p ère et la p eti te-fille, si glorieu se du .S~Dg
,
paterne l et qui 11 'abdiqu erait rien de ce~t
léglllm.e
fi erlé. C'était une chose nillurel le et .Jus1e. Mals
'lu 'en pen serait Harold de Marbor t ~
- Nous partiro ns donc celle nuit, puisque VOll S
êles prNe, mon enCant, dit le Prre d'Armo y.
Elle joignit les main s, supplia nle :
- Oh 1 une fois en core, une dernièr e fois, lai ssezmoi aller sur « leur tombe lI. Dites , vous voul ez
'bien ~
11 répond it, ému :
- Je viens avec vou s, Marie-A uge.
La supé riellre mit un baiser sur le ffont qui sc
lendait vers elle, ct, matern elle, elle ajoula :
Je vais vou s prépaTel' Cjuelr]u es provisiollS Je
roule, ct faire d'resser votre couvert. V O LI S pl'endr
c~
un léger repas avant votre d ;parL.
11s s'en allèl'en t.
L'humb l e village qui avait élé le vllla gc nalal
d' An g~ lo Savelli dressa i t, à dellx pas J e la fro n ti ère
françai se , quelqu es m aiso ns mi séra bl es où vivaien t
de pauvres famille s, ulle éb~Ji
e au loc her rustiqn e,
le gral\d COUVClIt, refllgc des ol' pheline s ct des mlllheureu x cl, tout proch e, Ull élro it CÎmelii'rc aux
t o mb
e~
to utes pareille s, avec leur croix de bois ulliforme. Mai s, sur cc li eu si c(llme ct d'nn e uustéri té
si g,rulldo, le soleil d'Italie jetai t j'or de ~I\
Il1Tni èrc
ct. J'oùou r des orange rs parfwn ait l'ail'.
-- C'est ici, dit Marie-A nge.
Doucem ent, elle s'agenouill<1 :
Mamnn 1 sa nglota it-clk
Le prêtr6 songoo it :
Il Ainsi, ils é.toient l~,
tom les dem: 1... La jeullc
fill- ardente qUI courait ~ dle\al Ir. 101lg de~
mOll-
�l' f LLF.
D' AR'lIST~
r, au visa ge de beau té
tagn es d'A uve rgn e: l' étra nge
t.
l'ar
de
re
fièv
III
que con sum ait
t com me ils j'a11s étai ent là, unis dan s la mor
s deu x tom bes
Jeur
SUl"
vaie nt été dan s la vie ; el
er effe uilla it
rosi
e
mêm
le
,
ées
étro itcm ent rapp roch
Ses péta les pou rpre .
ses lèvr es, les mot s
Le prêt re pria i t ; un à un, sur nt plus hau t que
tilie
mon
d'im plor atio n iI'ég rena ient ,
bJes croi x de bois ,
la terr e, bien au-d essu s des hum , les rêve s anes
ain
llUm
dépa ssai ent les tend ress es
e min ce écro uform
la
de
s
essu
au-d
nt
cien s, s'éle vaie
ient l'inv isib le
rcha
che
Ils
lée sur la terr c hum ide.
à Die u.
ient
r.t, d'u n seul él;m , ils alla
pl'~Renc
.
line
phe
l'or
ta
répé
..
.
- Mam an ... J\lam an
acqu es d'A rmo y.
J
a
mur
mur
...
ic
Mar
...
elo
- Ang
Deu x nom s... plus ricn 1
de vie et d'am oUT ...
Et il s ava ient été deu x être s
CI1 API TnE VI
répo ndre , Noël P
- Vou s 1)C voul ez pas mc
hord un t le vastc jarrc
pier
dc
r A s~ i s sur lc para pct r gard a it ob
tiné men t la rou te
r tn, lc jcun c hom m
le loin tain , aus
dan
ulniL
dél'O
sc
j e Cle rmo nt, qui
t il dem ouut,
Hoy
de
ns
dps dcrn irrc 5 mai so
c:~SOl
t.
muc
l'aIL
nOllV CIlU
Ncr veu e, n oJan de l'ap pela de
- Noël P
, et bru squ eme nt, il
.Alors, il se reto urn a VCI'S elle
) Ut Ot fa ce.
- Quc vou lez- vou s de moi P
hau tain (tt si froi d,
Ceci fut dit d'un ton si net, si
rlan t, elle dem eura
Pon
t.
ailli
ll'cs,
que Mlle de Challlv
:
ore
enc
l'aIm e, et répé ta, 'une fois
ndre
répo
me
pas
lez
vou
Vous ne
2
�f'IL~
1)'.-\nnSTll
11 haussa légèrement les épaules, ce qui fit dévier
.
un peu plus le pauvre busle contrfa~.
- Que vous dirai-je, Rolande P J'al agI selon ma
conscience; vous avez jugé selon la vôLre . Nous ne
sentons pas de la même manière ct nous ne parlons
pas le même langage, voilà Loul.
Elle jeta, ironique :
- Voilà toul 1. .. comme c'est simple 1. ..
- Mais, Rolande ....
- Et vous êtes là, coupa-t-elle avec rage, impassible, dislant, habitué à planer au-dessus des hommes, de leurs désirs et de leurs rêves, cL vous ne
voyez pas - ou vous nc voulez pas voir _ que,
grflce il votre belle conscience, vous venez de faire le
malheur de votre frhe ...
A on tonr, il l'intefJ'ompit :
- Mon frère a le seul honheur enviable, Rolande:
il vous a. SeraiL-il assez fOll pOUl' ,ouloir autre
chose ?
Elle murmura :
- Il fi 'y a pas qu'Hubert ... il Y fi moi.,.
Il dit, if ollique :
- L'amoui' ne vous ~ufit
oonc pas ? L'amOllI'
cl 'un garçon jeune, robuste .. , eL beau ? cal' il esl
beau, mali frère, n'esl-cc pas qu'il est beau, dite,
Rolande P
11 lui avait pris la main, et d'une pression invoIOIltaire, il meurtrissait le !ln poignet.
VOliS me fuites mal, Noël.
JI l'ut lIl1C SfJI'Le de "ire cruel :
- Je vous fuis lllal ~ .. . Pauvre petite lllle 1 Je
l." EL ValLs, lorsque
ne V011S croyais pa,; si sen~ibl
VOllS r~vnchez
cc VicLoire », si fort quo, slIr ln belle
rolJe nOIl'e, le sang l'Ollge mct de largcs tuchcs, estf'e qllc VOIlS ne lui faites pas mnl P
Ln tète' fière de Holundo sc l'C'dl'c.SQ :
- Bile cst rebelle ; je ln dompte.
~I mon frr re IJuhrrl, qlJnnù vous raites pc cr
~lIr
IUJ VOtl'C volonté impér('lI~e,
qlland vous ~ 'ent'hntncz sous une pretendllc tcnclreMC ...
Elle CI't111a, si'lre de lui illfliger une doulour :
- .Te l'aime.
�l'ILL E
D' ART ISTB
35
ptUit.
Le cou p ava it port é : Noël
.
reux
heu
est
il
et
e
l'aim
Je
,
:
bas
plus
a,
li mur mur
,
âme
son
sez
enli
s
vou
...
- Vou s lui faite s du mal
,
vil
pas
l
n'es
Il
.
.
dési rs .
vou s lui souf flez Ics mau vais
gran de
tres
ce
sour
une
sûr,
suis
et il y a Cil lui, j 'cn
ci sez son che min ...
de loya ulé. Mai s vou s ob CUI'
:
ique
iron
Elle eut un rire
~ .. . Je vou s répè te que
l
Noë
fini,
avez
s
Vou
vou s me faite s mal ...
l'étr eint e se fit plus
Sur l es doig ts frém is "ont s,
dure :
1... Il Y a dix
EL moi , Rol and e 1... el moi
ans flue vou s
dix
..
IL
ma
s
faile
me
s
aTis que vou
amo ur pou r
e
voir
par
té,
me tort urez par votr e beau
z
s évo que d'un ave nir
un antr e, par lout ce que vou
and e, Rol and e, RoRol
1
Ah
d, ont je serai excl u 1. ..
..
!.
ond e
No· ) 1...
sous la souf rran ce
I! lu rega rda ; elle étai t pille, el
ses doig ls cl. il
erra
de88
Il
t.
illai
Physique, clle défa
land is que sur
lol,
de sang
CUL UII cri, une Rorle
sc pos aien t:
ent
cem
dou
es,
lèvr
ses
,
la peau déli cate
Part lon ...
it cc visa ge qui, jadi s,
"lI . cou rbai t la If,te ; il fnya
le skn , cc lèvr es qui
vers
si auv ent pen ché
s {!t~l
aval ent mcn ti à leur serm ent.
chedou ce, elle carCSSa les fins
D'u nc mai Il lrè~
vcux 1I0ir's.
jl retr ouv a slIhite- NOI:I, dem and a-to elle , - cl
, l'ùtr c sub til cl
rllSÛ
de
num l dev ant lui la cr1aluI'I!
ffert, - Noë l,
8OlI
lant
t
avai
il
cl
IC'lu
<XHnpliqué par
P
ïssez
est·{'c q Ile V011S me hn
JI dit, 1.. voix som de :
sniH plIl8 ...
- ./e ne Mi!! pas ... je nc
rass i! 1 Nou s ilvio na
le
lier.
ouh
..
!.
Nol;
,
r .- Oub liez
.Je n'av ais p<lS l'.lge
nt.
enfa
une
1111 rêve ... j'éta is
~I
prl'l 1t'z I1l1c je ne suis
cl eng agc' r loul Ull avc nir. Com Jes drç on la(,C~
...
parL
la
~
c
l
i
a
r
...
!JilR sl'llle flllll ivc
Cl de ... la fnla lilé.
avie z fllûn ze um,
Oui , Rola llde . Qua nù vou~
prom ise. .1'f.lnis
(Itil'z
~
l
O
V
m'nirnil'7, ; vom
V()IJ~
�F1LL l'
D ' Al\1'ô
Tl~
l'ail lé des ùe Milr bort , l'hé ritie
r du nom , du litre ,
ct - par suit e de la triste
aven turc de )1ot~
' e ?OUsine Mar ie l'hé ritie r d'un e fort une prln
Clèr e.
Voi là p<>urquoi, si jeun e mai
fort e -voiJ à pou rquo i vou s mur mur iez s déjà ~i
d'un e VOlX dou c e oh 1 si dou ce - qua nd nou s
cou rion s sur les dun es
gasc onn es :
« Noël, je t'aim e, on sc mar iera
, nous deu x ... tu
vou dras bien P.. •
Sa voix eut un hru sque sang lot
:
i je vou lais 1. .. Vous étie z le rêve
où s'en cha ntait Illon ima gina tion arde nte
;
moi tout e la beau té, tout e la vou s inca rniez pOt~r
poé sie, et je port aI s
mon amo ur d'en fant avec , déjà
, tout l'or g ueil d'un
hom me . Mais voilil 1 la roue
Il tour né ; les cho se
ont cha ngé de fnce. Je suis
d eve nu un infi rme , un
raté ; j'ai été repo ussé de part
~
mat erne ls. La noh le race des out : môm e des ùl'a
Mar bort d evan t e perpétu er à traytll's les si(:cles,
fo rle et bell e, Hnh ert,
lout natu rcH erne nt, est dev enu
je suis r entr é dan s l'om bre . .Tc l'ajn é. C'es t .iu tirc,
n'M ai s plus J'ien ; il
est dev en ll tout . Et c'es t alor
s, Rol and e, que vou s
avez vu qu'H uhe rt étai t heau
.
sc tul ; d e~
larm es, mal g
yeu x. Ellc le hrav a du regl ml ré lui, voil aien t '1;
:
- Et apri 's P C'cs t tout ?
.. Vou s m'l1vcz a s~ ez
accu sée ? il sez cha rgée il Estc e hir.1\ fini cc réqu isito ire P
- Ah 1 Ile raill ez pa , jeta -t-il
bl'u tal n'ill s ulle /.
pas, au moi n s, ccl.le dou leur
que v u s a;ez faite , ce
œur flue vou s avez meu rtri à
lout jam ai s 1. ..
- On dit oc1a ... et pou r une
/lutr e, l'am ur repou sse.
Diell .vou s ente nde , Uol nnd
me VOlldl'lllt enc ore se pen che r e . Mai s !'Jllclle fem ver~
moi ?... Mêm e
pllr pitié , mrm c par cha rité ,
pn s une n'o! ornil s 'uni r
11 un être diff orm e ...
Il s~ lul. Dall s ses yeu x bleu!! , llll
e lueu r nl ll1lvai Ac
mo nta It: lueu r d révo lte , de
ranGlill e , con lre la vic
crue lle et la fem me oub lieu se.
Mai s tlola
~al'Jni
pa R. La fJLJo sliolJ que , pal' deu nde ne ùnx foi, clle
n
�FIl.I .E
U'AI \TlST Il
37
de lJOU lcau lui brû lait Je~
aVait vaiu eme ut jJv~e,
:
lèvres, et elle dit
sera .là, seJ'eZ-VOIlIi
- Noë l, qua nd Mlle Savelli
P
i
o
n
~
r
pOur elle ou pou
ndit :
H répo
! vou lez dire .
- Je ne sais pas ce que VOU
de !avo ir que vou s
,
-elle
- J'ai beso in, insis ta-L
YOUS ne me sere z pas
Il'êt es pas mon enn emi , que
ltosLile ...
- Hostile t En quoi P...
ée ; vou s com pren ez
- Mais en tout , fil-e lle agac
est con sidé rée ici
te
hiclJ, Noë l, que si cett e peli
. ..
borL
Mar
de
ie
Mar
de
('omme la fiHe
, ache va-t -il rail leur .
tage
héri
bel
le
rez
perd
s
Vou
logi que .
(~'est
Elle cria :
- Je ne yeu x pa3 1...
CJIAPlTHE V[J
...
- Vous rIe la fille de sa fille
1 Ah 1 mon P\re ,
ée
s
clla
it
ava
l
, - Une fille qu'i
our il
1'am
ue
lJ
l {)rguej,} serai t-i] pl us fort
nl. Ent rez dan s
enfa
te
peti
ma
ce,
fiall
- Ayez cOll
r prêt il tout es
cœu
un
avec
la mai on de vos aïeu x
sion . Vous y
hen
pré
les tend ress e ', à taul es les com atte ndr i, pllls replus
t
'bor
Mal
trou vere z Har old de
dra le para ître .
lIlué de rcm on.l s qu'i l nc vou
mur a l'orp heli Jle.
mur
,
mer
]';ri
à
e
- Je SIIis prèl
dellx ct'tJsins :
vos
ore
- Vous allez COllllaÎtre enc
un
Noël t
han
méc
que
le
faib
Hubert - plus
uvee
a
vivr
z
alle
a
vou
n,
enfi
- ct
mal hclI reux ellf anl,
RQlande de Cha oly.
-t-elle mon ami e?
- Ma COli ine Ho1anùc P Serndit,
très ba& :
e
'
J
t
~
r
p
le
lui,
gré
mal
Com me
...
trop
.- Ne l'e J1él"l'z pas
- Pou l'flu oi P
vol le peti le tune ,
- Oh 1 pou r dei rai ons (JIU'ait pas.
cndr
1l'Op jf'un c ellc ore, Ill' (;4)lOpr
sou dnin , fi rcm ellt
Le (( 1 id d'A igle » arp(lis~t
�38
FILL E
D'AR TIST I,
déc oup é sur le fond som bre des
mon tagn es, el drap é
loul enti er dan s les feux du
sole il.
Voici le châ teau des de Mar
hort , ma peti te
fille .
.
La voit ure Cranchi&sait la larg
e ave nue , s'ar rêta lt
Je long du perr on .
Le prt:~e
desc end it le prem ier.
.
_ Mam an 1 mur mur a l'or phe
line , rom me SI, il
('Clte mill llte poig nan tc, elle
app elai t à son seco urs
la mor le bien -aim ée.
Pers onn e au-d eva nt des voy age
urs ; pas une tète
aux fenê tres . La baie du salo
n s'ou vrai t toul e grD.nde. Ils en lrhe nl.
Har old de l\lar l.or l se lenn it
deh out, aup rè de la
vast e che min ée de mar bre ;
sa h,m le taill e, que
null e dou leur n'av ait plié e,
gard
gan ce du gran d seig nem . Hub ait tOlJ jour s l'élé ert cl. Hol anrl e, assi s
sur lin rann pé de velo urs
pou rpre , tour nnie nt les
pag es d'ul le reV1JC.
Ils ent rère nt: la robe blan che
prol{g~ant
de sn lumin ells e clarté. ln robe noir e
de l'en fant . Et cc ful
très sim ple.
J\1011 rou sin, dit lenl
eme nt le rclig iem :, VI'lIl S
m'a viez con lié une mi!\sion
; je l'ai rem plie . Voici
la fille de Mnric dc Mar h Tt.
1)'111\ gcsl c, il nUi ra l'or
phe line .
vit ulle form e svel te, que l'ém otio Le vieu x mar quis
Il ploy ail Il dem i,
d.c eou ds ch,v~x:
hru ns al)f(lol nn t lin vi~nge
cl 'une
hfle sse dc mt'ùaIlle, et de ~rnds
vers lui, inqu iets et. ten dr es 'Veux noir s levé s
.'
,
II n'eu l pa un gc~le
pou r serr er con lre lui ('cLic
paU \Tc prli le cho se pilo ynb
ll! ; mai~
il po~a
slIr le
fron t rnlr sa longue mai n
n.rc une gra nd(· 110\l(,l'ur : aris locr atiq \le, et il dit
- Soi~
1:1 hil'llVelllJe dans mil m'lÎ on,
mil pl·fi te
fille, 1\1 y Irol"'cJa~
Irs ~oins
qlli 11'·0 11\ 11(.1'1'. sair es
el le rt'~pC(1
qui l'r~1
dl).
Hnn 1 il n'av ail pa~
njou l ~ : et hl lCrtdes~
Le pallVlI' Jl!'lil (·O'l Ir :c glaç
a.
-- C()rn~T1el
l'apr(>~-tu
? njou la Ir' vlci llnn l.
Sur les 1,'vrcs lrcmbJ.·t!~,
ln dou x 'I.lnm pR. il r.omfi 11' \ITl~
m IIsiqup..
�39
- Marie-Allge !...
Le mal 'q uis tres sail lit.
clle >l, son nom à
Mar ie-A nge l. .. son nom à ((
lu, en l'en fant
vou
ient
Com me s'ils ava
«( lui) ).
perp étue r leur
et
ore
ellc
fois
ulle
ehù ie, s'un ir
amo ur.
scru tait les trai ts
Sile ncie ux, Har old de Mar bort che frém is ante .
bou
la
,
olld
déli cals , le rCll"ard pror
lanc e, un sou ven ir, l'im age
1] clJe rcha it ulle l'es emb
jadi s aim ée, jadi s chassée,
,
fille
d'uI le autr e jeun e
t ,cep end ant viva nte dan s
- mor le aujo urd 'hui , uré.
80n vieu x cœu r tort
ln rrnice, la finesse
De la mèr e, celle-ci IIvait pris s le tein l mal , la
Mai
pm.
ll'l's
sein
et le fron t au dC$
lum ineu ses, lout cela
che velu re som brc, les prun ellc s
te la beu uté délestée
pan
frap
e
llièr
"app elai t d'un e mU
de l' Ha lien .
cha sser los pen sée
Le mar quis fit un effo rt pou r
il app ela :
et
t
obsé dan les qui l'en vah is. aien
1
- Hilb ert
proc ha du vlelllard.
Celui-ci refe rma h' livr e et R'ap pren d au foyer ~a
- Voici la fille de }Iaril'. Elle moi lu cras bon
(lluec l{ogitiHlc, et sOllgc qu'a prrsert.
Pro lerl ur. Je le ln confie, Hub SCl'I'Ollt ln peti te
Le jeun e homJrle s'ill(' ina, ct jl rép ond it:
)'orplH!linc lili lClldail,
mai n ~ue
aur(l. ellc ore
mon ond e, 'lll'c lie VOl~
-- .1 p~,'.rc
longeOp~,
n'av ait pas bou gé ct
Qua nt ;1 Rol and e, ('OIl IiTie elle
pa:sniL, Ic mar quis
se
qui
cc
para issa it inul lcnl ive fi
lc de 1I0ÏJ', ct il dit
condllisil. vers clic 1\'J1 l'an 1 vrtl
dOli t'cm PII 1 :
e JI' d('uil d'un e Blère ;
. - COl llmc loi, cel1('·('j [Iod
lclIl' commU/lC \'OtlS
t1llll
e
relI
que
,.
Jp. pen ,~ nola ndn
cl je le <lem/11H1(!
,
c
~
o
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(
10111') /lull'e
U:lÏrll miellx qlf~
de Marie,
Olle
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Œ
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d "1/'(' une grlllldc
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de Cha hly répo lI( it
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VOli S le eou haime
rom
le,
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Il cn ~el'\,
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clio ('011 li n 11/1 le
I'
Et lour nan l il 11ll1lV('UIl Iii p:lf,
livr~
r:Oll llll"I lC';.
�40
l'IL LE
\J'A RT IST E
CJIAPlTH.E Vl Il
Depuis hu it jou rs
gle », Marie-Ange n'aqu 'ol le ha bit ait au « Nid d'Aiva
riv ait fré qu em me nt au it pas vu encore Noël. Il armélancolie ct de sauva jeu ne ho mm e de s accè de
wciété de ses sembla gerie qu i lui fai sai en t fui r la
pliqu6 à sa petite cobles. Cela, Rolande l'a va it exusine, qu i s'étonnai!.
absence prolongéc.
de celte
- Noël e t un mi san
rc CJue vous voudrez, thr op e, un miso gy ne , et tout
vous occupez pus de avait-elle ajo uté en ria nt. Ne
lui ; il e t ter rib lem
ch an t, d'a ille urs.
en t méCe pe nd an t, le Pè re d"A
rmoy aVl\Îl dit ,
ùe Noël : « Un ma
lhe ure ux en fan t ll, eten pa rla nt
« ma lheur eux
po ur ce
en fan t», sa voix vib
rai! d'u ne tendre sge co nte nu e. Leql1
l
d
's
deux fallait-il
Marie-Ange reg ret tai t
de ne pouvoil' jug er cro ire ?
('onais~<:e
en tonte
de cau
sar d la mît enfin en e, et elle a llenda i t qu e le hachosc eu t li en, nn mapré ('nec de son cousin. La
tin , aloI' qu ' IIc JI'y
guère.
pen ait
Elle s'c n allait, cc ma
gn et le rub an de ve tin-Hl, ayant pa s'é à SOli poilours de son gra nd <"l
paille, et ur l'h erb
Hlpeuu de
,
verdoyantes, elle avnn\nhu mi de ncore , de s pelou ses
pa rc, tou t ' proche du iL il petits pus. Au fOllù du
lac où Rolallde t Hu
na ien t leu r bain qu oti
be rt
die
n, il y nvait un e lar ge prenelle, un peu som hre
tont.inguait à peine l'e ntrel lel lem en t tOIlHue qu 'on diséo .
Srd uÏl e ~ar
ce oin
e , on om hlnlt rég
tan t cl p:\IX, Mnric- rl~iqu
ne r
ng e cn lra .
Le bru il qu 'rll e lit en
fro
i
ssn
n t Je 1,lgbr R hrnnrhl'3 fil ~e levor hrt
l sq
f0nd de ln ton ne ne et uem nl lin ho mm c assill [Ill
lA jru ne fillc s'arrÔln,
snisie.
�HLU!
D' AlITI ' Tll
41
que
Entrez donc, d.it une voix rnol'tlaule ; e~L-c
•
Je vous fais peur P •.
Marie-Ange regarda longue ment l'incon nu, et elle
murmu ra , presque malgré elle :
- Noël...
1 jeta la voix
- Vraime nt 1 vous me reconais~z
ironiqu e, je n'en suis pas surpris ... je ne suis pas
comme tout le monde, moi l... je porte une marque
visihle 1...
Et il ajoula, avec un rire qui sonna comme une
plainte ou un cri de révolte :
- No(:] 1e llossu l, ..
Une émoti n doulou reu se agitait l'âm de la jeune
fille ; pourtan t elle domina son trouble et dit avec
douceu r:
- Vous vous trompe z, mon cousin : je vous ai
rL'COllnu à vos yeux .
- Mes yeux P fit-il surpris .
Elle ajouta, et des larmes obscur cirent son pur regard :
- Vous avez les yeux de maman ...
P Ent-il
en Noël de M~rhol
Que se ras~fl-i
e P
aimahl
peu
flccueil
son
de
ironie,
n
o
~
de
regret
!e
fille,
jeune
la
de
ha
l'approc
se
foujou rs est-il qu'il
el lui demand a, la voix chang ée:
- Vous êLes la fille de Mnrie ?
Elle sourit ct dit genlim ent :
- Oui, je suis la fille de votre cousine l"rnrir. ~
laquelle vous ressem hle7., oh 1 d'une manièr e si {rapponle, 'lue là, sur le seuil de reLIe tonnell e, quand
vous VOU3 êles tourné vers moi, j'ai reçu comme
Un choc au cœur.
Et elle aj Ulll, plllR grllve :
- VOliS m'avez parlé uureme nt ; TOIIl! avo7. dit je
tlo Mis (ju -lIcs l'aroles lIlé hantes ; .ie n'al rien enlendu, rien retenll ; il! n'ai vu que vO! veux, Noël...
•
.
vos yellx si hea1lx... .
Elle le conlem plait avec une admlra tion nai've,
'!!lC tendrl's,e i chal'manle, que lui, le dé~hTit.,
subitem ent une
! Infirme que tous repoussaient, eutdepuis
longtem ps,
'lue
le
ineffab
joie
de
;tnprcssion
l(:IUll 1 il ne COJlIl/lis&'IÏl pIUR.
. -
�Il eut Je dé:tir violcnt de crier à cette petile flUe
sa gratitude, son bonheur, rIe lui jeter 30n âty10
vraie au visogc, de lui montrer en III 1 seul co up ce
qu'il valait, ce CJII'il était vl'aimeT l. El puis, un vent
d'ironie, de doule, balaya cc sincère élnn, el il redevint j'êtrè scepti que, qlli sc plaisait ~ voir souffrir.
- Vraiment, fit-il moqueur, vous lr01H'eZ flue j'ai
de beaux yeux ~ .Ie suppose que vous voyez mnl ,
ma f'ousine, ail hien que, par pilié, vous me jetez
un mensonge. Mnis, c'est illutile, je ne mendie pas.
Un éclai r illumilln le pâle visnge :
- .Je n 'ai pas menti . .le ne mens jamais, jeta la
jeune fille avec feu.
- Oh 1 aIl 1 railla-l-iJ mérhflmmcnl, vous avez
d onc aussi l'orgueil des de Marbort, mademoi elle Savelli ~
JI appuyait sur le nom étranger, avec Je désir
Jllauvais dc peiner cel le ellr"nl, 011 peut-être, pour
lui eillendre dire ù son tour des ('ho~e
blessantes,
afin quc pal' celle inf'OnnllC, dont il TIC s"vail encore
rien, il éprouy;ît - comme par tous les aulrcs - la
douleur dc .ourfrir.
]\Jais Je vi~age
charmant, si pûle SOl1~
ses houdes
bntlle8, s 'n]trra so udain ; les lon gucs pnupil-rcR batvoilèrent 10
tircnt commc des aile d'oiseau, cle~
doux regard cL, 80115 les <'ils nb"jssés, lenLement,
liilc ncie use/11f'nt, de longues larm eR rouIt'ronL.
Alors, Noi;1 de Marhorl éprouva dans tont, SIOn être
nn bOlllcvcrscrnenL pa~siolné,
en même Lemps
Qll'IJJ1t· SCl~nt
iol
i ]lf"Ofondc, si 1I01l"clle, 'lll'clle
dépa~8(I
lout <:e fJll'il IIvait irnngillé. 11 rcssentit 1(J\11
d'un f'OUp la joie amère de ln ~i Ilcéri lé, le })('Boin dc
s'h llmili er, de déposer, anx pied5 de f'L'tlc enfant Cil
pleurs, IOllte ln vieille rr"ollj' qui g-rondail en lui.
Il s'approcha de M conqine, prit unI' de~
petites
rnil~
qlli ~'IlPJy1ie
l.
frfrn;8sfllllr'l au Crêles tiges
des !'O~el\X,
et il la baisa avec ferveur.
Surpi~(·,
('Ill" releva lin peu la lêl(' l''l Ir, berlll r gard de Noi;j Illi en Ir" dallS l 'thl1e.
li y cut, ur son jeune vi~nge,
IIlle suuiLe cxr~
".ion d'f'\tonnl!ment, 0(\ I:ralit"dr cl dl' roülI\TlI"X).li'
r.hnrn r.~
�43
_ Marie-Ange, murmura doucC1J\ent le jeune
homme, Marie-Ange, j'ai été brutal, je vous ai f;lit
du mal, je VOliS demande pardon.
Sur les traits délicaLs, unc ondc rose parut, et un
sourirc illumina la mohile physionomie. Les pleurs
comme par miracle, cessèrcnL.
~
Nod, dit sirnplcmeuL l'orphcline, oublions
toul ccd, el soyons ;:uois, voulei\-vOuS P
11 jeta, Uil peu arncr :
_ 1\;la pauvrc petite cousine, quc] ami détestahle
je fcrai 1. . . l\léchanl, - vous vellez de le voir, moqueur, funla~qC
.. .
_ Original, misanthrope, misogyne, ajoula-t-elle
avec malice ...
sc mit :1 rire :
_ Allons, mon portrait est complet 1 L'artiste qui
l'a rai t passcr sous vos yeuX, 1';1 habilement composé.
C'e~t
Rolande, n'esl-ce pas P
El commc elle ne disait. ricll :
_ Olt 1 vous pouvcz l'avouer 1 l\oJande et moi.
nous ne sommcs guère cn sympathie.
EL il dClIlanda, curieux:
_ Î.Ollllllent la trouvcz-VOllS, notre cOll5ine de
n
Cha hl)' p
Brusquemcnt, Made-Ange revit lC8 cheveu'l d'or,
Ics ycux d'émcraudc cl la fièrc sillloucllc d'amazollc.
Elle est si belle 1 murmura-t-clle, cxtasi~e.
_ Bclle ~ oh, oui ; mais bonne ~
_ Je ne sais pas.
_ Avcc VOLIS, comment est-elle ~
hésita :
_Elle Suns
tIan, {roirle. Etrangère, comprene7.VOUR ~
_ Et.. .. mon frhe !Tullcrl ~
_ Corrcct. Hicn de pIns.
Noi;1 dr i\1arIJorl ~c mit il rire
_ Pal'hlcll 1 elle lui (1 fail la leçon. Oh 1 c'est un
('l?ove parfait. Et fluant 11 clic, 10rs<[lI'cllc 'vcut
<'royCi\ qll'plle va à Ron hut loul droit, el lant pi'·
pour lCR ob~t"r1s.
_ Olli, clle n'est guère tendre, je le crnim, murmura l\hric-AIIlSe.
�-- On es t toujo urs un peu dur quand 0 11 Col t ~ i
terribl em ent volonta ire ; e l puis, les faibles sont d es
inutil es ; cell X (lui tom bent on t tort de tom ber . Ta lll
pis pour eux si on les écr ase .
V Oli S p ensez qu e cc liont les théories de
Rolande P
.
- J' en suis sOr . AU$si, m a pe tite cousine , méfiezvous.
L'o rph eline ouvrit plus g rarnds ses yeux inqui ets.
- Rola nd e ne m'aim e p as ; elle 11e veut pas m'aim er .. . HuberL TIan plus. Po urquoi P oh 1 dites-moi
pourqu o i P
li la r egarda tendl'em en t :
- Pour de m épri sables r aison s, qLle vo us n e soupçonn ez seul em ent p as , pauvre pe tile fill e que vou s
ê tes .
Ain si ava it re po ndu le r elig ieux, d an s la voiturc
des de MaJ'bo rt qu i l'am enait vel'S le (( Nid d'A ig le)l.
El ('e souven ir dressa tout 11 co up dan s son esprit le
no ble vi sage du prêtre.
- Le Père d'Arm oy m'a dit co mm e vous , Noël ;
et j'ai ,con fian ce en lui ; m nma n cs t m orte, j e n'ai
tro uvé de Icndrcs!\e qu' cil son C(l'ur.
De n Ollveau , l 'nil e de la pitié crrJ eura le fro nL du
j eun c ho mme . Tl <,o n sid éra un in sta nt J 'cnfant pâl e,
vê lu c de no ir, qu e SO li inl cr vc nti o n loya le avait ram enée dan s la nIai so n des a ncêt res , cl parce qu'li
é lai t le propre arti sa n d e ('e reto ur, il seJl lit t.out d'un
coup sn l'cspon snbiliLé . 11 se pro mil de vei ll er sur
J'orph elin e , d 'ê tre po ur ell e un e so rte d e g rand frère
afrcrlue ux , vi g il ant, e l - comm e ell e l'avait d eman dé - un ami.
�CHA PIT RE IX
vée au (( Nid d'A iJam ais enc ore, depui!! son arri
la boit e de laqu e
ert
ouv
ait
gle )), Mar ie-A nge n'av
on.
dan s laqu elle dor mai t le viol
lleu x qui, sous les
JI avai t été l'in stru men t mer 'vei
ains soir s s'ét ait
cert
doig ts exp erts d'A nge lo Sav elli,
t, sous les cormen
vrai
si
me
com
évei llé, frém issa nt,
. 11 étai t le
aine
hum
des légè res palp itait une âme légu é à son enfa nt.
it
aVil
pi're
le
que
seul héri tage
euse cha mbr e qui
Deb out, dan s la clai re ct luxu
lle occ upa it mai nqu'e
et
e,
mèr
sa
de
e
avai t été cell
yeu x fixés sur le
les
,
yait
I.na n t, l'or phe line revo
enc ore si proc he,
viol on mue t, tout cc pass é, men t d'un e gran de
arte
app
ot'! dan s UT! mi~érable
et d'am our , touj ours
"ille itali enn e, rich e de gloi re
Ang elo Sare,
fièv
de
é
brûl
s
IlPau, touj our
velli ach eva it de mou rir.
nts. Ang elo et 1\IaLes r,rli sles ne son t pas prév oya dan s leur s mai ns
ors
trés
!
vrai!
rie ava ient tenu de
ns, tout cela que d'Ulljoin te ; Ir eon rert s, le leç,Q
, accu mul é, Cl/X l'aloité
exp
é,
serv
Ires aura ienl con
de lell/' inso ucia nce
il
vnic nl vu se fond re au sole
les imp révo yan tes,
ciga
les
été
ient
hcu reus e. Ils ava
d'am our .
et
nie
d'ha rmo
gris ées de chant~,
t ven ue. A pein e
étai
é
vret
pau
la
,
adie
mal
Avec la
vieu x cOll vent
du
l's
oe1l
nes
la vov aien t-ils 1 Les bon
aien t le Lea u
tinu
x con
(-levai" nt Mar ie-A nge ; eux deu
rt en plei ne
m
t
étai
Lui
ée.
paf
e
~
rêve de leur .ieuns,
t.
fr'on
son
cxta c;e, les lrvr cs de Mar ie sur
e min ute, plus bea u
L'or phe line le revo yait li cett
vie.
la
s
eneOl'e dan s la mor t que dan
ell, de élève!!, ce
arad
cam
des
lé
défi
Ce fut le long
dev ant ce mor t
er,
salu
ven ant
'ut le prin rc ht~rie
l'Ita lie, ct ce lure nt,
glor ieux , le g-rnie mêm e de
de l'Et al.
s
{rai
aux
{un h.ai lles
onfi n, )e~
El il n 'y eut plus
e.
calm
le
s
dan
ra
rent
Puis , tout
fem me il moi tié
'une
'lU
e,
d, lin!! cell e imm ense Rom
il.
olle li <,ôté d 'nne fille ttc en dcu
�4fi
Les so uven irs se pressaient, sc' précisaient dans
l'âme de Marie-Ange, 'et des lal'nleS brillaient dans 1
ses yeux. Hélas 1... mort le père chéri qui était son
orO'lleil ; mort.e, la douce et jolie mamiln 1
Devant elle, l'orpheline voyait. se profilcr le grave
et austère panora ma des montagnes ù'Auvergne que
les neige s de déC'emhre recouvraient.
Une nostalgie aiguë des choses d'autrefoi s la han le passionné désir de les retroutait, ct elle érolJ~a
ver.
Marie-Ange, rlnuccment, enlf'ouvrit la boite de
laque. Ses mains pie1l ses saisirent avec IIne sorle dC'
rrspect le violon endormi. D'un gesle telldre, elle
l'appuya contre so n épaule ... sous ses cloigls frémissants l'ar<: hel vibra ot, soudoin, comme malgré
elle, poussée par une force inconnue, elle joua.
Jusqu'ail fond de la mai on silenciell e, la musique divine relentit. Elle frôla les hauts plAfonds aux
pout.rC's centellaires, lOHcha les boi se ries l'ares, les
fin es sculptures, caressa les meuble!! i1ncien s, le velonrs des la pi s, l'éLincellernent des luslres. Elle franchit les 11111rnilles, ouvrit chaque porte ct forço
chnllllC CŒU!'. Elle fut, dans le \ ieux château comme
Je Prince charmrwt de la légende réveillant la BPlle
(·nrlor mir .
A celle minllle, Holande, assise auprès du Marqui s
de 1\farbort, fruilletail des aJ'Chives pou siéreu ses , relisant à "AUre voix les hauts fails d'armes des chevaliers du trmps passé. Au-d ess lls de celle gloire ancestrale, parmi tant d'org ueil ct de terrestre aniLé
'
le souffle céleste rie la musique pn sSfl.
Mil,) de Chahly inlerrompit sa !rc ture f"t su rprise,
regarda le vieilla rd.
'
Celui-d était drvenu p:\lc.
- Qu'esl-ce ~ inlrrf'ogell-l-il durement.
- TOlls les pianos dll chûteau sont fcrmé s i'I clef ...
pt les rlefs, VOl~
le ~ avez fnit jeler dnns l'élang, mon
nndr. Je ne sa is donc pa ~ d'où vicnt tant d'harmonie.
: - (;0 n'est pas le Ron ri'un pinno, dit le rnflrqllis :\
VOIX: ha sse ; éCOlt~,
Rolnndc, éC<l\lle ... On dirait ...
- Un violon, fit Ja jC'ullc /lllc avec ('..aIme.
�1"1LLE
D' ARTl~E
47
La voix irrit ée gro nda :
de sait pou rtan t
Qui s'cs t perm is P.• tout ,1e mon e de mus ique .
ndr
ente
ais
jam
bien ici que je ne vrux
Rol and e insi nua dou cem ent :
...
- C'es t peu l-êt re Mlle Sav elli une Cois de plus ,
Elle se tut, heu reus e d'av oir jeté
le nom de l'étr ang er.
llar d.
Son ne Lou ise, ord onn a )e ,'iei
Elle obé it.
du viol on ava it jeté
Jusq u'il l'off ice, la cha n son
gro nùe r, la pau vre
I>on cha rme . « Elle va se faire hrav e Den is et sa
le
ient
gea
son
peLÏle dem oise lle )J,
le lirn bre réso nna it.
fem me. il l'ins tant préc is où
ent de lil port e son
rem
cad
l'en
s
dan
Lou ise mor dra
visa ge inqu iet.
de desc end re
Prie z Mad emo isel le Mar ie-A nge
che;l, moi .
e enfa nt, cou pab le
Tre mhl :lnt e, aya nt pitié de cetl
it pas, la viei lle
nna
pço
sou
ne
d'un e faul e qu'e lle
fem me tran . mit l'or dre.
le cha nso n, et, calL'or phe line a rrêl a la frém i ssan
rts inst ants qui vecou
me, presq1le heu reus e de ces
, elle desc cnd it
tisle
d'ar
âme
son
er
naie nt de gris
auss itôt.
eler , gra nd- pèr e?
- VOU q m'Il vcz fait app
rrou cé de J'aïe ul un pur
cou
rd
Elle offr ait 3U rega
gran ds yeu x - tout
visa ge d'in noc enc e cl ses bea ux
lo.
nge
d'A
pare ils à CCliX
ière , com mc emCe {ut nola nde qui 1 arJa la premif de jusl e colè re.
Ïnet
insl
enL
vem
mou
porLée par un
? crirl -t-cl le presElcs-VOUR folle, ma cou sine
-
-
que.
l1l sur les lèvr es lrem
IJ n cc pou rquo i"? " ingé nu pa8'
bbUiles.
sam qu'o n etH bewin de
VOli S dev rirz savo ir - que voLre grnn d-pl !rc
~ ons
VOllS exp liqu er les rli
e.
siqu
mu
ln
ft hor reur de
eUT le marqula.
Lcs pruncll1'5 noi,·c. ~ fixèrent
il
rre
d-p
gran
,
- C'c::;1 vrai
Il dit, dpr emc nt :
ie-A nge, je Le M . -.T e te défe nds , ente nds -tu, Milr
re . l( ~ i, rerp.ollnf·
Ill/n
~
Ile
f.nd_ un" "01I Tell e ~{l1I(,.'
�FILLE
D'AUTIS TE
ne doit ni parler ni ~voquer
celle chose odieuse , la
musiqu e l encore moins en exhaler le son. Et lu
compre nds trè3 bien pourqu oi.
La j olie tête brune sc courba un peu : les frêles
épau les fléchire nt comme sous le poids d'un trop
lourd fardeau .
- Je vous ai faiL de la peine, murmu ra doucement ~ l arie-Ang,
je vous en demand e pardon . J'aurais dû me souven ir, ell effeL, que tout cc qui vou'
rappell e mon père doit - ainsi que me l'a dit Roland e - VOliS faire honeur . Comme nt pouvez- volltl
même me suppor ter auprè'l de vous P
Le regard du vieillar d s'adour il.
- Tu e la fille de Marie de M:1ruorl.
Elle dit, avec une sorte de violenr e :
Je su is aussi lu fille d'Ange lo Savelli.
- Tais-to i l
L'anLiq lle orguei l de sa race illum inait son clair
visoge, quand elle jeta, presq\1e malgré sa volonté :
- Cc nom de Sav lli, que VOliS déle~tz,
que j'entends passer sur les lèvres de Uoland e avec un dédain
mépris ant, cc nom, grond-p ère, c'est mon hérilag e,
à moi - Ull nohlc cL pur héritag e - et c'est Loule
ma Cl erté.
Mlle de Chablv eut un rire léger, qui vihra comme Ulle insulte .•
- ~rgueil
URe
Marie-A nge lui fil face ct la brava du regard :
- Orgueil pour orgueil , Roland e ; vou~
ètc'l mal
venue à me faire un IcI l'eproc:hc, vous, si hautain e,
si fihe.
L'altièr e jeune DIle eut un rcJoir /lU tond de ses
ycux som bres :
- Ma mc·re 8 'nppela it Yvon ne de "lrhMI , et cil >
ne s'est pas mésalli éo l eria-l-e llc IIVOC eoU're.
trne tCllCll'esse infinie voila un i/lstant les prlne'~
sombr es:
- C'est vrai, nolrmd e ; ma mère, li moi, a PI<rM
('Olltl'C J'orgu eil; du moins, VOIIR Cil jugez
Bill 'i. El
je porte le poids d'ulle faule IlUO je n'ai point
romllli. r.. fois alors, si vou~
deviez me le faire Il~i
('J'uelle ment enlir, pourqu oi est-on venu me cher-
�l' I1.LE
D' AllTIOlTE
49
cher là-bas , dalls ce vieux COll \ ' Cll t de la lrolltièr'e
itaHenne ~
Une émotio n intenee boul ever sa le vieillar d.
- Roland e, dit-il doucem ent, mais d'une voix ferme, j e te prie de me laisser seul avec ta cousine .
Une lueur de m éconten tement éclaira le beau
visage de MU e de Cbl\;bry ; pourtan t, elle se leva et,
sourian te :
- A tou t à l'heure , mon oncle, dit-elle gentim e'n t.
115 furen t seuls : Je grund vieillar d et la petite
fUIe ... l'aïeul redouta ble el l'en fant sans défen se.
- Assieds -to i, Marie-Ange.
Elle glissa sUt" les ge noux, tout proche dc M. de
Marbor t, et eUe leva vcrs lui ses grands yeux sombres. Il porla sur le jeune front une main car~
san te, ct il demand a, très doux :
- Ainsi donc , tu n'es pas heuTcuse ici, Maric·
Ange P
Elle jeta avec ferveur :
- Vous êtes bon, g rand -père; vous m'avez donné
le pain quotidi en, la mai son familia le, le" vêteme nts
que je por te . .Je vous dois tout.
« Pourqu oi, à tant d'aumô nes, n'ajour ez-vou s pas
la plus précieuse il ... Je ne sui s pa s heureu se, grandpère, parce que votre coeur m'est ferm é.
- Mon cœur, murmu ra le vieillar d, en ai-je encorc un 1 j'ai tnnt souffer t...
- Grand- pèr , mamlln est morte CD vous dcmanpardon ...
d~nt
- Mllis eUe n'a rien regretté ...
- Peut-on regrett er /lon bonheu r P L'homm e
qu'elle aVilit choisi lui avait fait une vie de beauté .
je me souvi ens, Elle a connn
.J'otais bi en petite, mai~
de!! heures m erveille uses, de heures d"amou r ct de
triomph e. Sans doute, ~o n nom à elle lui était cher.
Elle savait J'histoir e des de Mnrhor t, aussi bien que
R.olande, et elle en aVilit une légitim e fl erté. J'ai appris fi 'ell e les exploits deR chevali ere de Franco , ntSs
sur colte terre cl' Auverg ne, dans ee chllteau où no~
som mes , ct qui tous ont ajouté un fl euron à la couronne des d e Marbor t.
« Tous ont présent s en moi ; ceux de la. Révolu-
�l'ILLE
D' AfinSl'K
tion qui tomb~
~ ,.ent
vidimes de leur dévouement au
Boi ; ceux qui ont servi la patrie dans tous les temps,
wus tous les régimes, partout où pas ait Je drapeau
de France ...
Le visage du vieillard s'illuminait.
- Tu ~nis
cela, !1rtite Y Vraiment, lu sais tout celû
Elle releva son front volontaire, cl ses yeux noirs
étincelèrent :
- Oui, grand-pi'rc ; mais je suis la fille de celui
pour lefJlJel les rlocheR de Borne onl sonné le glas, de
celui dont l'Italie entière prit le deuil, et qU'1.}n
prince royal li-m~e
est venll Si\ll1er sur son lit de
mort. .le m'appelle Marie-Ange Savelli, ct c'est un
beau nom 1 Il faut que vous le sarhiez, grand-père.
Elle rayonnnii d'admiration" de pa~sioné
respert, cl clic étail Jolie miraculeusement.
Le mar1Ji~
rie ~Iarhol
la conlemplait avec un
hnoi indicihle ct il senlflil, au fond de lui, germer
une Lendrcs~
in soupçonnée.
- Ne diR pl1~
rien, Marie-Ange, implora-t-il ; je
le comprends ... jc ne puis te hlâmer ... reste là, ma
petite-fille, cl. donne-moi 1<'1 main, v lIX-l.u P
Le rrrpu5<'l1le entra dans la chamhre el fana ln
~oie
des roussi ns ; J'am lire peu i) pell gagna tou le,
choses, envcloppa cl '1111 même voile le grand vieillard
('l l'enfant brune, tendremen L a;.~ise
:1 ses pieds.
CHAPJTnE X
-
J\ in~,
pel i le fille
on VOllS Il défendu III Dlusiqlm, pauyre
?
El Noi'i IOlrn~
H'TlI Mnrie-Ange lm visage d'af.
fcr l\JCU (' pi 1ié.
- Ou i, et (' 'est lin C'1'(we-C'oeuT 1 Si vou'! !l!viez
tout re <lIlC pcut l'es~uCitr
pour mon fime la moin.
drc note' dn violon. C'e~t
1011te mOIl enfanre beuTeu~ .. , mil lllê-rll 1'1 l1'I .m P;)" (' fflmhlQ, If) f'inl eJ'ftnTi .. "1
f
�.")1
d-pè re est le maî tre,
le passé glor ieux . Mais mon gran
Noël ; j'ob éis.
da jusl ice ct
dé~ir
Et elle ajou ta, dan s un gr'and
d'éq uité :
bon pou r moi . Et
- D'ai lleu rs, il est bon, très
nd il me regarde,
depuis quelflue temps, il a, qua
fond des yeux.
au
e
ress
tend
de
com me ulle lueu r
1 j'ai ljUll bet
men
Ah 1 s'il pOllvait m'a ime r vrai
1...
Nor!
,
!\()in qu'o n m'a ime
é passion née , el il
Elle a vai t jeté ce cri de sin('érit Il la trollvoil jolie
lui.
anl
dev
out
deb
la con tem plai t,
charOle délieot qui
et il s'atl.elldl'i.:;sait, pris par le jusq u'au fond de
ému
,
nge
ie-A
Mar
s'ex hala it de
beaulé.
l'êtr e par tant de grâc e et de jour , gen tim ent, com bon
dire
lui
ue
ven
t
Elle étai
et voilà qu'i l la reme clle le fai'flÏt hien des foi s son ausl ère cabique d'ha bitu de dan
tenu it plu~
oué de la gard er aullet de travail, en UI! dr.s ir inav sœu l' tr'~3
aimée. El
te
près de III i, ai flsi qu'u ne peti
:
eux
ouri
il dit, soudaill
peti le rous ine ; il
- VOliS êtes un pen pille, ma
pris l'air . VoulezY a long tem ps que VOli S n'ave;/; nte pas, ven ir avec
uva
épo
vous
vous, si le froid Ile
"'
rnoi jURqu '0 Cle rmo n t P
e.
reus
heu
fille
te
peti
de
Elle elll un élan
Oh 1 qlle vou ' êtes gen til 1
Alors, vous voulez bien P
Si je veux 1
sera terr ible et
En aulo déc ouv erle ; Ic VC1 It . VOU !! Il 'aur ez
vile
nt
eme
foll
lJUII je vais
VOli S ~aVe7.
pas pcu r P
), mai s j'iri lis jus- }>Pllr il avec vous P oh 1 Nol:
qu'o u bout du mon de 1
il
rire el ~ol1dni,
Celle naïve con fian ce le fil sou
"n ClIt dll1l1d ail cWllr.
nge ; j'ai une af- Alors, préparez-vous, Marie-A être sans rela rd.
y
fi
e
faire li Cle rmo nt qlli m'o blig
et rejo igne z-m oi au
All('7, prr'venir voIre gran d-pt 're
1
,Na rllge.
r'lui
i
ains
,
rure
Rérpt de (olll'rnro, man teau de four
le ven t cl la nrig e.
pre, Mlle Savolli pou vail hrn vrrbort.
E1\e cou rut chez M. de Mar
�l'ILLE
D 'An
T J~lE
Grand-père, Noül m'em mèn e a Clermont. Vous
voul ez bi en il
Il sour it :
Va, m a petite mIe et recommand e-l ui d 'être
prud ent ... Ah 1 e t p uis, ajo uta- t-il, comme elle s 'apprê tait H. partir, dis-lui do nc de le m ener ch ez tante
Aurore.
L'in stant d'après , côte à côte avec so n couoin ,
dan s la confo rtabl e (( Delage )J , elle savo urait la
g rise ri e ci e la vi,tesse, l'âpre caresse du von t clu nOI'c1
f] ui fo uettai t son vi sage .
Le traj et os t si co urt de Boya t à Clel'mo n l, que
lo rsque Noël arrêta 'so n aulo deva nt le ga rage h a·
bitu e), ell e e ut un cri J e regr et :
- Déj à 1
Il so uJ'it encore.
- Au printemps, Marie- A,oge , n o us feron s de 1011g ues pro m enad es .
. Vo us eO lldui sez mer vei ll eusemen t.
Tl so urit.
All ons vo ir Cler'm ont, m a petil e co usin e.
Et vou s me co nùuirez c hez ta nl e Auror e.
- Oh 1 ce rta in em ent, j e l'aim e bien.
Il s s 'en all èr ent le lo ng des ru cs, au g ré dn basa rd, rapprochés pa r ce tle solitud e à (l eux et par l'intimité d e lelU' cau serie.
- La premj ;\re fo is que j'ai v u tunl e A11I'O l'C , dit
Ja j cun e fill e, J':li sen ti po nr cll e lIn e vraie sy mpa thi e. Ell e cs t SI bo n ne , SI do nce, et o n se nt d a ns ce
vi eux cœur un tréwr cl ':ll'fec tion qui so uffre d'êlJ'e
in empl oyé . Savez-yo us po urfJuoi elle n e s 'es t pas m ari ée , NOt: ] il
- Il parait !Ju'ell e parle en cl ic le J'cgret d'un
amour déç u .. . un am our p our son COUSill, Harold
de Murbort, qui, lui , préféra vo tre gra nd'm1. r e. Elle
est r es tée la fi ancée fl (U-l e de ('elui qlli J 'n m éconnu e.
- JI d oit être c ruel d'aim er qui Ifle vous a ime pa s.
Pauvre Lante Aurore 1
El il s J'ccltsce ndirent la r ue du Po rI, o ù so trouve,
dan s le bas , l 'église d o Notre- Dame , lieu de pélel'iJl nac, Rfl n c tll airc déborc1 aln t d' e:<-vnl~),
crue Il mllr .
�mure des prières et l 'od ell!' de l'encen s empli ssent
(mil et jOUl'.
Il eut un imperc oplible mouve ment de recul, mais
elle s'appuy ait à son bras, si gentim ent, qu'il
n'osa pas jeter un refus. Et, docile, il pénétra comme elle dans la Ilef assomb rie.
De multipl es cierges brùlaie nt auprès de la Madone, symbol e de tant de cœurs qui s'élevai ent vers
la Vierge immacu lée.
Marie-A nge avait joint les mains, et toute son
âme fel'vclI1le élait sur ses lènes. A la sortie, comme
elle oltrait de l'cau sainte au jcune homme , il la
prit et ne se signa pas.
- Noël, dit-elle avec douceu r, est-ce que vous ne
priez jamais ~
- Jamais .
Et il ajouta, amer
Vous ne voudrie z tout de mtlme pas que je
remerc ie Dieu de m'avoi. r fait infirme , ridicule el
malheu reux P
Mais il lui vil les yelL'\: pleins de larmes, cl il
:Jjouta tendrem ent :
- N'ahord ons pas un tel sujet, ma petite cou ine.
Je VallS ferais de la peine, ct je m'M vouùra i trop.
Elle hasard a'
Un jour, peut-êt re, la prièro revi endra d'ellemême ù vos lèvres comme un chant oublié 1 Il faudrait pour cela bicn peu de chose, Nod.
- Et que fauc]rai l-il, Marie-A nge jl
Simple ment, elle dit:
- Le bonheu r, Noël.
1\ eut un tri ste sourir e:
- Ma pauvre petite, le honllcu r ne va pas sans
amour, ct qui m'aime rait, moi, qui oserait m'aimer Poo.
Tai scz-volls 1 implora l'orphel üne, c'est trop
trislc de vous entcnd re parler ain si.
Ils travers aient à ce momen t la place Delille et
l'instan t d'après , ils élaient dans la maison de Ml~
Aurore de Mnrbor t, laquelle maison avait deux entl'tlc : l'unc fnee ù un vieux couven t, l'autre, rue drs
Jnrohin s.
�l'lU ,B
Il' AHTI f, TE
La vieille demoiselle se trou vail être de cette branelle des de ~larbot
que la fortune n'avnil gUPl'e favorisée, el elle, ivait modesLplTlent, Jouant une partio
de sn maison cl ne couservant pOllr elle et sa bon ne
Fanchette qU'Ull geutil, mai~
[l'l'S restreinl appartemellt.
Le timbre de la porle ayant résonné, elle ouvrit
elle-même cl s'écl'Îa :
- J)onjouf', mes e,nf,llIts 1 Comme c'est aimable
li vous de venir voir Hile vieille recluse 1 Tu es fraîche comme un joli bouton de rose, ma pelite Marie-Ange. Donne les jOlies, si tll n'a~
pas peur que
me
. ~ viellx bai<;el's ne Ic~
fallent.
Elle embrassa la jrune nlle ct se retourna vel's
Noël:
- El loi mon peliL il Ça va P Monlre un pen que
je II' regarde.
Elle le (H asseoir dans un larg'e fallteuil, auprès de
la fent'Ire, rL ln main :l srs épaules, clic le COJltempla LrlldrcmellL.
fI a des yeux, cc gl\'~()n-I:1,
des yellx i\ détour.
url' LOlllrs les Ll'Ies. Non ? Tu llis que lion P
« .J 't'u uppelle :'t Marie-Ange.
mil ;1 l'ire, cl, penclt(.c vers Ron eou1.'()) phl'Iillc ~e
~il1.
il ROll 10111' l'cl\vplopl'n d'un long ct offeducux
rc'ganl.
La viroi11e demoiselle s'étail re~lJé,
cl ~ou('bée
'CI'S ln chernin(;e, elle activait ln flamme du foyer.
Le blell regard de Non enveloppait la jeune fillc,
('1 il devenait si dOllX, si trollhlant, CiuO Marie-Ange
ahni~sfl
illVolol1lnin'lllclll Ics paupÏ<"rl's, UIOI'R (]u'\JIle
vi age.
rmdc ms/' ('0111 ai 1 SUI' ~()l
- Eh biell 1 pelitr, flue l'rn semhle P inlerrogra
lalllc' t\UI'()(,c, IOIl cOllsin n'a-t-il pas les pl~
beaux
v/'ux dll monde ?
• )lIft, SavcIli c{'p('la simplement cc qu'elle avail dit
l1/1 jOli/' :
fI il le. YI'IlX de maman ...
- El Ir~
y;'ux de lOIl gl'an!1-pl'rc. Qunncl Hnrold
de Marl>Ol't (;lllÎl jtl1>lle ct <lU 'il n'gardait une femme,
rpllc fellIITJ(' Mail pri:e ail pii'ge de 8('S vellX. Nol"
.
llli rl'~embJc.
�55
da s'êt re trop oomSam dou te, eut- elle le regr et
é, car clic paru t
pass
an
e
plai sam men t aba ndo nné
réag ir el di 1 avee gaie té :
I.e
Hol ande , quo dev ient -elle P
- ! El noIr e belle
ît
para
ne
Elle
~
n
olnl 'iage , qua nd le cél "lIre -l-o
sc cou ert
Bub
d'
ud
niga
d
gran
ce
guè re pressée, el
~lme
1
Elle ajollLa, morfllCuse :
le pau vre
sail pas ce qu'i l se prép are,
Il ~Ie
pays ».
du
vOIr
fcra
lui
cc
e
and
[\ol
garç on Il
and a Mar ie-A nge .
Aim e-t-e lle son fiancé P dem
-
Noül dit âpre men t :
dOIl ncra ; celt e pe- Elle aim e le litre l'Ju 'il lui
pou na bro ùer il
lle
tite cou ron ne de mor fJui se qu'e
l'ar gen t, le hel
e
aim
clic
oir;
uch
mo
l'an gle de wn
que ra pns de
man
ne
l
boI'
arge nt don l Har old de Mar
e le chùte~u
aim
elle
;
nom
n
O
~
de
dole r l'hr l'ili er
.
~
s
e
'
l
î
a
m
en
era
des ancêtI'es où elle régn
a tant e Aur ore.
- C'es t un peu forl 1 s'cx e];tmC 1
sadl
je
flue
é,
Huh ert n'es t pas l'aîn
droi ls, dit pos éme nt
- Je lui ai c{odé tous me~
mil pau vre et chè re
ez,
savi
s
vou
Si
1" jeun e hom me,
mép risa bles hoces
à
tant e, com bien je tien s peu
dlel s 1
' 8 Il'
)'C!UX hlen s pa~
11 sou pira , ct dan s ses Jargc~
refle t d'ul l rêve inlDricur,
bou illan t d,m s les fiHe!'
Tail le Aur ore serv it le t1l~
repr it com me sai 'ie
tasses de porc elai ne, cl elle
:
ite
d'un e pensée suh
e enfa nt a
j'y son ge 1 ] 'nnivl1c de cell
- ~Iais
d'Hah~rites
les
n,
cnfi
('nr,
eR,
chos
Ghn ngé toute!-l
Honi
,
hert
H1I
ni
toi,
ni
rold de l\Iarhort, cc n'c~t
elli.
Sav
nge
ric-A
:\1a
t
lanù e : ("es
veu t, il y 1\ tOI1- Evi dem men t, maiq rl'lOnc1 ()TI
loi.
la
ner
tour
de
jour s Jl10Yl'fl
lc.~
de Mnl'hort doit "c,t rr enlr e
(( L'hé;'ilap-e de~
de
pas
e
pell
s'ap
ne
mai m deI! d(> l\!ar borl . Celle-ci
,
c
g
n
A
e
i
r
H
I
~
nt
rdl1
regn
Ml1rbort, hl-il en
:
Ln vieille cJcmoiselle llIu rmu ra
nge rait lOllt."
nrra
qui
en
moy
- Il Y aura it un
lf
yell
~
c
l
s
• Toë] Jeta , lin éc.lair dan
, ~
- JftJlurrt ., UJll 'It Nui.-Al~
�l'ILLE
O'ARTIS TE
Elle secoua sa vieille tète avec une douce ironie:
- Hubert est fiancé à Roland e ; il ne reprend ra
pai III parole. .. non, je ne songeai s pas à Hubert .
Elle parlait à demi-v oix ; la jeune fine, panché e
ver~
la croisée ouverte , regarda it les mouvem ents de
la rue, et Je bruit des tramwa ys l'empê·chait d'entendre. Mai~
Noël avait compri s. Un voile passa devant ses yeu.x.
De grâce, supplia -t-il, n'évoqu ez jamais, jamais urn pareil rêve. Ah 1 l~ n le Amore , par pi Lié 1
Marie-A lnge fermail la fenêtre, et debout auprès du
feu, elle tendaiL ses petits pieds à la Gamme du foyer.
Mais soudain , elle pada :
Vous avez dit tantôt des choses que je n'ai
pas très bien compri ses ; 'voulez- vous m'expl iquer,
Noël ~
- Volonti ers.
Elle dit poséme nt :
- Si mon grand -p ['e - dûjà très bon pour moi
- acllève de m'aime r, si je suis vraime nt sa petitefille, de cœur, comme de nom, légalem ent, tout ce
quj est à lui doit me revenir , n'est-cc Pas P
- Oui, Marie-A nge.
- Et s'il mourai t sans avoir' pris des di spositio n s
('cr
ite ~ , vous n'auric z rien, Nom il
- Rien.
- Ni Hubert P
- Ni Hubert .
- Ah 1 murmu ra-t-ell e, tristem ent, je comprc nd5
pourqu oi Roland e me déteste 1
El, cachan t eon visage entre ~cs
mains 1rembl antes, brusqu ement, elle Ile mit il plelu·cl'.
CHAPITnE Xl
Tante Aurore ayant réclamé Marie-A nge nuprè8
d'elle pom quelque s jours, l'existe nce au cMteau
avnit repris omme pnr le passé. Mlle de Chably
en profitai t pour retrouv er auprès de son oncle un
�57
peu de ce pouvoi r absolu qu'elle détenai t autrefo is
et que l'arrivé e de l'orphe line avait atténué , semblait-il.
Elle servait de secTétaire au marCJuis, lequel avait
repris une corresp ondanc e suivie avec les membr es
les plus éloigné s de ses paren t8, dans un bul ignoré
de Roland e, et qui ne cessait de l'intrig uer quelqu e
peu.
M. de Marbo!'t se tourua vers sa nièce, qui, penchée sur le bureau en marque teries, caoheta it une
dernièr e lettl'e.
-- C'est assez ponr aujour d'hui, moo enCant. Et
je te remerc ie de celle illgrate tûche que tu accomplis si genlim enl. C'est du moins Ja dernièr e fois
que je t'impor tune de ln sor le, car si je ne tl'ouye
pas de ce côté ce que je {'herch e, il scrilit inutile de
"obstin er encore.
Elle osa demand el' :
- Q1le cherchez-VOllS donc, mOIl oncle ?
Il sourit :
-- UII mari pour ta cousine .
Elle sursau ta :
- Un mari 1 mais c'est une enfant 1
-- Pas si enfant que cela; sa dix-hui tièm e onn(:e
vier, l de sonner.
UJl souriJ'e dédaign eux effleura les lèvres de RoIUllùe.
Il 111 'eul pas l'air de le remarq uer et. continu a :
-- Avec sa silhoue tte menue ct ses cheveu'\: courts,
die a l'air d'une p ,tite fille. lluberl est Lon fiancé ...
('L c'est biell domma ge 1...
Elle dressa subitem ellt un visage inquie t:
- Mon oncle, vous n'allez pas, je suppose . lui demander de reprend re sa parole ?
Il soupira et dit presque hésitlln l :
- Non. Je ne le pui s, ni le dois.
Alors, elle jCla avec violen( 'e :
- D'ailleu rs, votre' volollté serail impuiiM tnl.e. Je
iuis sC.re de l'amou r d'llube rt.
yeux
Il la regarda , cherch ant ~es
- Et toi. l'aimes -tu ?
Elle Cut d'une sincéril é brutale :
�1·,ll.l.ll
fj'AtlTlllTIf,
.- If me fera marquise de J\'farborL
- Tu seras marquise de l\Tul'bort, ma fille, dit-il
avcc duuceur. NoU a cédé son droit 11 ce Litre ù Huhert, cL nul ne songe 11 l'enlever Lon 1ianc~
1 Mais
pour cetLe pctite Maric-A!ngc, je veux trouyer cnrorc
un de l\larborL Alors, seulement elle scra ma vraie
fillc, l'héritière de ce ,·ieux domaioe ancestral, oil
LOlls CCliX de ma race 0111 vécu.
Le Leillt de Holamle, lc mCI'veillelL'<. leint de jar,inthe blanchc, pâlit jusqu'à d('\ cllir livide. A sentir B'écrouler le fève am bi t ieux dans leq ue! el!e se
CUllll·duisuit, cc fut CIl elle comme un décbiremeul.
p. u' cacher son ll'oùble, elle bai'\sll Ull peu la tête,
et l'on m' vil plus d'clic tjllC la lIas~e
dorée des cheveux blollds.
- Celte leUre que' III "iells d'écrire, continua le
IlWI'c[lllS, ellc cst Iour CC cousin très éloigné, il est
vrai, mais qui porte mon nom. fi ovait Jcux fil~,
.1 i?llore cc qu'il:> sont dcvnu~.
Le bail lIieu fas~c
clu'un d(' ('cs jeunes gcns soit Cllcurc vivant cl ]ilJrû.
C'c~l
mou de/'llicr espoir.
Un nom mOllta ;lIIX lèvrc~
ùe Rolande
- El Nol'! P
M. (je J\larbort haussa les épaules.
-- ~larjc-Age
a droit il lIll nlliri qui [IC soit IIi
IIll sallvage !Ii UII infirmC!. D'ailleurs, Noël ne VOI1dr:dt pus.
1. brllit que fil une porte cn s'ouvrant coupn
court ù la conversaliun. Hubcrl cnlra. Holande s'éluit levér à SOli approchc, et le \ ieux rnllrquis aùmirait le (,ollple ll1el'veillcllx Cjll'ib fO/'lIluicl1l. Ccuxci étaic'III digncs <le la gio/'ipilse lignél!. Salis doutc,
le (C Nid ù'Aigle » aurait él6 pOlll' l'UX, ct lous les
gl'UlldH dOll1aines, cl tout J'or dl'~
de l\Ial'l>ol'l, M'il
Il'y fI\ait pas Cil ('('ILe rH'lile fille, ('elle ('1I{Ullt ùéj:\
si clu\rc 1\11 ('({'Ill' (lu vieillilrt!.
JI iii 1111 l'l'l'Olt, ('l!asHU lu doul'c illlugc de son esf'1'Ïl et, dl' 1I01lVCfl1l, il ne vil plu~
qu'eux dellx, Hube,'!. et l\O!illldt" dl' Iwlil devanl Illi. Il lc\l[, soul'il.
- l\lcs cnfants, tlit-il a\ce IIlle gnl/ldo bonté, des
r,nnVf'lIanCC8 mondaincs 0111 rcturdé jUMlu'ici votre
mélri~c
; fIluis toul Il une fJn. VOl~
Hos jeunos d
�voua vous aimez ; Y1C pensez- vous pas que nous
pourrio ns fixer elIsemb le la claIe de ce grand jour?
La voix tenclre de Roland e murm1 lra doucem ent:
- Ce grand jollI' sera tri te, puisqu 'il marque ra
de vous.
la fin de notre vie pr(~s
Elle espérai t, elle avait cette espéran œ folle qu'il
allait di 1"e :
VOllS resterez ici.
Il n'en fuI l'ien.
- C'est inévitab le, mOTl enfant. J'ai racheté , lu le
sais, le chtileau de la mère, en Gascog ne. Je te le
donne en dol.
- Oh 1 mon onde ...
- Quant fi toi, futllr marqui s de l\lnrbor t, je veux
que tu tiennes dans le monde le rang qui te ccm,ien!., cl je te donner ai, par contrat , une fortUJle
s\1ffisante. Ceri bien réglé, profXJscz !llle dale, me
nfants.
Ulle sO\1rde rage ernpr('h nit Rolanrl r de parler.
1 Avoir cm, si longtem ps, t01lt
Quelle désil~on
tenir, 10111 posséd er: « le Nid d'Aigle », le bel hôIcI Je la l'bec Vcn(]('m e, il Paris, la maison de r.lerIii l'CS ùrposés dans les hallljue s, ct en i!lrc
111 on 1, )~
rrdllile il lin vieux cll5lcall d(.mofl(:, à quelque s cenlaines de milles frafles, avec la gloriole vnillC d'une
'OUl"Olllle de mnrC]l1ise 1 '1'0111 celn, il callse de celle
petite fille si malcf1e ontreus ement smgie nans IClIr
du Père d'Armo y, 'lui aVili t jeté mf\l il
vie, il {,l~e
propos les grallus mots de devoil', de réparat ion ...
. Ah 1
il cause de Noi:J cl de SOrl inlf'rvr illion ridicule
beau
mon
à
,
J
c
n
l
~
h
o
c
l'uniC]lI
seul,
lc
il-ellc,
songc'a
llf!"C diRparuc, Lont
1 ~brie-A
("c<;t ~1a,.ie-AJg
r~ve,
lont J"rdcviendrail commc avant ; je
~'apln1ir,
.(,l1le maÎlres se, se1lle h(.ril~
'erni~
dl' juin vous
pn mars; le moi~
- NolIS SOJlm('~
obstiné dans
t
Marbor
de
LM.
i
Conv;l'l1l-il ? rcprcna
'on projd.
nolfl1lr]e.
1I1111rrl ~e tOllrnll vl'r~
- !\In ('htlrif', VOli !lavez IIvrc C]lIc.Jle fervrlJ!" j'Ht'/'nds le jour fIni ' VOliS feru miClIllC Juin, œ lI'('8t
P
pa' trop tôl, di lf'~
cL il I\\lt 'OIIS
rrl/lins aux. ép~uh
Elle 111i mil Ic~
�I;!)
lèvre!> a~iJes
les beaux yeu: verts à demi-o~.
-- Ce sera on jllin, Hubert, je vous le promets.
- Merci.
Et tandis que sur les fragile pauière~,
la douce
caresse longtemps s'alLardjlil, la hautise do lout à
l'hew'e reprenait Rolande.
. C~
CJIAPITkE
XII
Désobéir au marquis, nul, on vérité ne l'eCit osé,
au « Nid d'Aigle », et Marie-Ange moins que per-
sonne. Il avait déclaré qu'ulle de Marbort devait savoir monler (\ cheval. C'rtait nn désir ct un ordre.
La jeune fille s'était incl il1 ée. On lui avait offert un
cheval très doux, choisi toul expl'~s
pour Ulle déhutnnte, ct Hubert, complaisamment, lui donnait
dps leçon s. Trt~s
vile, elle avait acquis les principes
eStien lieis ; et elle mOIl lai t avec celle grll.ce exquise
qu'elle meltait en toules choses.
Seulement, elle ~le
pouvait réagir ('ontre un sentiment de craillte, ct le « lr<le » la prenail dès
qu'elle sc nleLLail en selle.
Co malin-là, les ehvau~
amenés devant le pOl'J'on, elle acheva il de houlon 11er ses gauta, nerveuse
comme à l'habitude, ct pâle malgré M volonltS ùe
se dominer.
'- J'ai peur, jeta-t-eUe il Noiq, en cOl1fidenc e.
Il se ,mit i\ ri,'e.
Peur P Vou s si nudaciellSe en aulo . vous qui
voulez touj01ll's aller plu s vi le, en ore pl~s
vi le ...
- Oh 1 fit-elle avec dOtl CfilUI', en auto, c'esl bien
différent 1
- Pourqlloi P
Elle le caressa d'un r eg:l.rd.
- 1\1ais parce que je s li ~ avec VO \l i
- C'cst genlil de me dirp ccla.
11 . ourit, rl pOUl' cacher son lroubl e, il ajout.1 :
Mon frère eSl \In beau ('uvalier : il doit ('Irl!
.Igr(·ilble pour un/) femme de sr pl'onlencl' avec Jlli.
�FILLE
O ' ART15TE
I.ll
Elle secoua sa tê te mutine :
- Oui ... mais voilà, j'ai peur ...
Ce mot frappa les oreilles de RoJ ulH.le.
- Peur P releva-t-el,l e, que veut dire ccci P Savez-vous, Marie-Ange, qu'on Ile l'a j amais entendu
sur les lè vres des de Marbort P
L'intention était méchan te, mais la jeune fille ne
se lâcha pas.
Oh 1 fit-elle gaiement, je ne pose pas pOUl'
l 'héro'isme 1 .le ne sui s pa s braye, je l'avoue, et je
vous admire, Rolande, qui ne lrcmlYlez devanl rien.
Mlle de Chably répéla durem en l :
- Devan t rien.
Hubert s'approchait :
Vous ne venez pas avec 1iOUS ~ demanda-t-il
;'\ sa fiancée.
- Non ; j e n' en ai guère envie, ce malin.
n la regarda avec r egre t, et elle soutÏL :
Ne fail es p as trop la cour à Marie-Ange, je
serais très capable d'être jalo use .
Les yeux du jeun e homme s'udoueirOllt
- 11 n 'y a flue vous au monde, Rolande, n e le
:;avcz-vou s pa s ~
Elle lui offrit son visage qu'il caressa d'un bai ~e r
fervent.
- Eh bi en, partez-vou s P denlilndoa à la fenêtre
la voix de M. de Marborl..
Au revoir, grand-père 1 Q1Iand vous ,oudrez,
IlllberL
Il ] 'aida à ~e m ettre en selle, ct dOlleemen t, à petiLs pas, les deux chevaux franchirent ln grille du
jardin.
NOU3 pousserons jusqu'à Clermont, IJu hert il
Je dési rerlli3 prend re d es n ouvell es do Lan to Aurore,
c[ui es t ~ouf
fr anl,e
, m'a-t-on dit.
- Vol olltiers. Un temps de galop, voulez-vouy ~
II Jo vit pille, el diL gen tim ellt :
- N'ayez pas peur, ma petile cousine. « Cél!a r ))
est doux comme un agnrau. EL je suis si pl'ès de
VOliS que je pourrais d 'ni ll elll's le main len iT.
lmc se raidit.
- Je n'ai pa s peuT. Au g:IJOp 1 allons 1 bop
�HZ
FlLI.E
D'AR TlS'fl::
Et, IJrus4uemcnt, elle cravacha « César ». Alors,
H se passa une chose inouïe, et lellemellt brusque,
tellemen t rapide qu' H nuert, d'ai lIeurs stupéfait, n'eut
pas le Lemps d'i'n lcrvenir. Le chevlll de !\Iarie-An ge,
ord in airement si calme qu'à peine s'il vibrait sous
l'éperon, se eabra souda in, hennit, comme pris d'une
rage folle, et cl 'un ga lop furielLx, qu i Llan t la large
route llationak, il emporta sa cavalière à travers les
bois, les rochers el les pl'és.
Marie-Ange avail pOUS5U un cri, un seul : « Hubert 1 »
PUii; elle s'élait lue, cramponnée à la 5e)]0, ayant
Jàehé les gu iù es. El souda in, lInherl la vil '1ui glissait en tra vers de la selle, probablement évanouie.
Jamais les oùieux calculs de Rolande n'avaient
effle llré l'ûme du j enne homme. Au~si,
qua1lld il vil
le danger CJue courail Marie-Ange, il épel'onna son
cheval et le lança à la poursuite de « César )). Ce ful
une COIIl'se folle. Au moment Oll, d'un bond prodil!lIbert rejoigllait. sa
gieux, sautant un largc fOSM~,
eOllsilne, J'animal, futigué peut-être de c-olll'ir, s'arrè la
net, sc cabra, droit sur ses jambes ùe derrière, cl,
d'un brusqlle cffort, il j eta vio lemmcllt ù terre la
jeunc fille inanimée. Puis, libre de LOlile entrave, il
l'<'pd t SOli galop fmieux ùans la rlircdioll du cllâleau.
Iflll>eri avait sau lé à terw cl, à gelloux prl's de la
jeune Jille, il l'appela, anxic\l'l: :
- Marie-Ange.
Elle ne n'pondit pas. Ses yellx étaient dos, et elle
av,liL la p.1leur ù'une 1I10rte. Tl chercha 1ft place du
('(l'lU',
y <'ol/a son oreille; ('clui-ci JmUnit normale1Il1'lIt: C'élnit mirarJe qll'elle IIC se fl'il. point lure. Il
la pnl, la ro~a
en lravers de ln selle, cl, qllanù il fut
fi rlirvnl il son tOI1I', d'lin brns !1i1H. :tl alllOlif de sc~
('pailles, il ln relinl ronlre lui.
Cc fui ninsi qu'il Dt, H110 heure oprril, son entrte
/l1l « Nid d'Aigle 1).
- Dt·j11 de reloul', dit <Ivre élollllernCJlt M. de Marbort ; ('clic pelile ~!lIric-.\ng('
n'a vraimenl aueuJl
goùl pour les prolllelliides de ec genre.
- MHi~
.if 1\ '('ntcnrl que lf'~ p<1S <l'lIl1 l'he,,;d. re-
�FILLE
llJal'<{ ua Nod.
li' AIITlS 1'8
C'est peut-êt re un camara de d'Il ubert
qui lui rend visite.
El ouvrall t la porle vitrée, il passa sur la lerrasse.
- Mon Dieu 1 cria-l-i l au ssilôl, qu'e st-il donc arrivé P
bas du pcrron ct reçllt claus scs
11 courut ju ~ qu'a
bras Marie-A nge évanou ie.
Lc visage pâle de 1\'l. de Marbor t apparu t dans l'enr.adrem clll de la baie.
Un acciden t, lIubert P... Hubcrt 1... dis-mo i
que cc n'es t rieJl ... dis-moi qu'clle n'cst pas ...
Il 6tailliv idc el les mots hésitaie nt sur ses lèvres.
- EJ1e vit, mon oncle, je vous l'aiJirm e, cria 'ViVCfllenl le jeune homme .
El il ajou la :
- Il J'allt III port e r sur son lit el la soigner en
hâle. Où esl Holande P
- Descen d Ile Ù Royat, sitôt vol re départ.
-- Alors, appelle Louise, NoH. Elle n'est point bIcsmefl.
~se
sée, et l'éHlol.ioll seul e il cau sé son évanOli
Dons la cllamh re de la jeulle filJe, tOllt le monde
sc pressai t, jusfJ. u 'au vieux Denis bouleve rsé.
dit Noël; je vais lui faire respire r
- Eca['tz-VOl~,
des sels ; ce ne 'era rieIt.
Au fQncl de la pièce, Hubert raconla it l'accido nt
de l\1:1l'bol'l.
tlU marqui~
- Ull cheval si doux 1 c'est à n'y rien compre ndri) 1 1l11Jrmurait le vieillal' ll.
Ppnch(: vers l'adoru ble vi sage de ~ a peU1e cousine ,
NoN appelai t doucem ent :
Marie-A nge ... Marie-A nge ...
Elle ouvri tien lemen 1 ses bcollx yeu'C noirs, où 1'6une express ion
s é
moi de tout à l'heure avait lai~
.
sourire
de
tenla
cl 'angoi sse, et elle
SoUrrl'l' Z-VOlIs P demand a le jcnne homme .
Elle r6polld it, ('omme si la vision tragiqu c de lout
regard :
d l'heure pa ssait encore devant son
peur.
si
eu
j'ai
...
peur
- J'ai ell
- Ma petite fille, murmu ra oouocm cnt le marqui s'étail rapproc hé tilt Iil.
ql1i~
trois, pen{'bé s ver!! elle, et égllElle Je/; vit tollS lc~
�FILL.K
D' AII'l'J ~TE
lement j]llxiellx. Elle regarda Hubert, et elle dit
avec ironie :
.,- Quelle mauvaise élève je fais, n'esl-ce pas,
m o n cousin P Rol ande aUTa raison de se moquer de
moi.
- Mais ce n'est pas votre faute, protesta le jeUille
homme. (( César » est deven u subiLemen t affolé.
- Pauvre (( César » 1 Il il. voulu se débarrasser de
sa cavalière ; j e le montais tro p mal : et il a bien
fait.
Et, lasse , elle r eferma les yeux.
- Si ces messieurs voulaient descendre, dit Louise , je vais coucher Mademoiselle ; un bon sommeil
la r em ettra lont à fait.
- Vous avez raison ; Hubert, allon s voir si ce capri cieux cheval es t rentré.
Il s desce ndirent.
- Voul ez-vo us r es ter mIl instant, m o n sieur Noël
je vais préparer un bol de tilleul.
- Anez, Louise.
Sur l'oreiller aux blanches d entelles, la tête bruIl e, aux c h eve llx coupés, reposait, très ca lm e maintelIanL. Un large cercle bl euâtre cernait les yeux, mai s
nne teinte plu B rose colorait le fin visage.
Une émotion i1lfini e bouleversait l'âme du j eune
homme; il se ntai t après avo ir c u i peur de la perdre, eOlllbien et comm ent cette e llfant Ri douce, I1U
charme étrange, lui lcnait au coeur.
- Marie-Ange ... Marie-Ange ... ma pelile chérie .
Un so ufflc lége r passait su r ses lèvres ; el le dormait.
Un élan de pa s8io nn ée tend resse i!lc lilla No(; 1 vers b
léger, il cf'fJeurn son front.
j eune fill e, ct rl'UII b~jscr
Quand il dcsce ndit ù w n tour, il delnanda si (( César » éLait revenll. On lui mOlltra, d s ns la cOllr dn
rh:\ten u, l'arnimal en~or
cOllvert d'écume, mai s dé barra ssé d c sa se].]e et calme maintenant, comme
honteux de sa folle équipée.
- C'est à n'y rien comprendre, murmurnille brave Denis ; bien sl1r, on avai t ensorcelé (( C~sar
Noël enlra dan s l'ocurie. La petite selle d'amazone,
ùoublée de velo urs lIloir, achelée tout exprès pour
Marie-A nge, reposai t à sa plare. JI J'enl eva , examina
».
�l'étrier, la sangle ... et brusquement. il appela :
- Denis 1
Le vieux domestique s'approcha :
- Qu'est-cc que ceci ? fit durement le j eune hom-
me.
Et il mon Irai l, profondément cn foncée son s le velours de la selle, lll1e fi,ne lume d'acier.
- Une épingle 1 s'écria Deni s stupéfail.
- Ulle épillgle qui a dû pénétrer et même 'e ca ' cr, pui sque le b out manque, S Ul' le J1an c ùe ce pauVre « César Il. Je Ile m'élolllle plus qu'il 'oit devenu fllrieux.
JI r élléchissait, !J,île, les sourcil s froneù:;.
- Q:.Ji est entré ù l'é{' urie, avunt que lu harnaches
les chevaux, Deni s il
Le vieillard hésilni t ...
Il in ~i ta :
- VII ùomestique il
- ~on
: Mademoiselle Rolande est venue, ODlIne
<'llaque matin donl1l'J' du ~ Il cr
n « Virloire )).
, oiiJ tressa illi 1
- r,'cst bien.
Et il ajouta :
-- Dl'flÎ s, je voudr;lis que cetle ét rau ge découverte
ne s'éb ruite pa s. Je te dema nde de n'Cil parl er à perOnne. Dans l'inr<~1
de> Mlle Mal'i
e- ' \ng
l~.
'1'11 me
('omprends ~
- - VOliS serez oOl'i , j\fonsieul' Nod.
LI' jeune homme ~'arpoc
ha
de « César )). 11 le
fla tta dl' la main, le l'a rtJSM , cherchant ln trace d e
l'impercrpfihle hless ure.
- V'oiln, dit-il fout ;\ ('oup.
Et, sur le flalle gallch cl !· "animal, il montrait Il
Deni s, :\ l'endroit p['rd~
OIJ devait ~'a
puyer
le genoux de Mnrie-IIn ge, 1111(' toutt' pelile gOlllle de sang,
11 peine s~c hét ' ...
�J1'(LU
~
li ' ,\
HTI
CHAPITRE
~' l l
xm
Cet accident de cheval, qui aurait pu coûter la vie
à Marie-Ange, acheva de détruire en elle le pen de
gotlt qu'elle avait pour cc sport.
Et M. de ' Marborl, effrayé lui-même du danger
qu'avait couru sa peUle-fille, n'in sista plus pol)r lu
décider ù mOIl ter cn('ore (( César ».
Après deux jours de repos et les bon
~ soins de
Louise, toul fut oublié de ce que RolaJlde appelait
uvee irollie (( Ull accident l'iùiculc ».
Le Père d'Arm oy, r evenu depuis peu ,lU (( Nid
d'Aigl e » et mi s au courant de ceLLe malen contreuse
chulé, avait di L simplelIl ell t, -- rejeté malgré lui
dans les chers souve,"irs de sa jeunesse :
- Ma cousine Marie l'ut su maintenir w n c1wval ; elle JI 'u vail p as pcur, cl ~ a mui n fi ne domptait
les chevaux: 1('s pills rebcJl (,8 . :\luri(!-An ge n '('st en core qu'une petite fil10.
- Une pelitc fil1() qui Il peur, avnil jd.; û'dlement Rolamle.
Et Hubert ajoulait -- s an~
lll échan r el.1 d':Jile1
~ ,
- mais <.fans Je Iwnl désir d 'être sinc\'/'C et d'expliqucl' pourquoi, pllrllli tOllle celle raçc d'amolOJ
c~ ,
Marie-Ange, seule, fllilHlil La cll e :
1
- EJJe est si peu UIlC de ~l a rbot
Une sorte de nl éJan colie s '(! lail répandue 81Il' les
lrai~
du grnnd -prrc li celle LI'0p juste r emarque, el
Hubcrt, l'cgrcLLan t de l'avoir pei né, s 'él ait tu. Mais
les beaux yel~x
de Hol arHle dr' Cbuhly urillaient d'une
lueur mauvalSC, dont l '(Icl nt inattendu s'imposait
sans ccsse li l 'cspri l du reli gieux.
Il y songcait encore, ;1 celle minute, où, aynIIL
nchevé ses pri,\rcs, il sc rcndait d ll ll S la chambre rle
Nod.
Le jeune horrlTTH' l ':\('('neillit de bOTllle grJi cc, cl.
rnÛrne avec UII cmprcsSClll CIIL ,lffec tu CII'L
- Mon PhI", e1il ·il nm ~ il( ~ I, ~ i VO li S n'illi(·7. VI' nll
�FILLE
n' ART1S'j C
67
chez moi, je vous aurais sans doute imporluné de
ma visiLe ...
Le prêtre coupa doucement :
- Vous m'auriez fait plaisir, Noël. Malgré vos
révolLes apparentes ct votre parti-pris de nier Dieu,
chaque fois que je me penclJC sur votre âme, je III
sens imprégnée de la divine présence ...
Et Noël, très Las, avoua :
-- II faudrait peu de chose, .. si peu de chose, pour
que je redeviorllle ce que j'étuis autrefois . . . avant...
Le prêtre acbeva la I.riste phrase :
- Avant votre injuste souffrance, mon enfant.
- Non. Que m'aurait importé celte déchéance
physique, si des forces morales ne m'avnient abandOllné P••• si j'avais, dflTlS ma misère, dM1S ma douleur, cOllservé la tendresse de ma mère et ...
11 hésita.
Et l'amoul' de Rolamlll, dit lentement le religieux.
Un édair s'alluma dans les beaux yeux bleus de
NotH.
- Et l'amo1ll' de Holalldc. C'est vrai. Jadis, j'ai
enduré les pires souffrances, .i 'ai pleuré, .i 'ai sangloté, à CRllse d'elle. Elle a fait de moi un révolté.
Mais c'est fini . .Je l'ai jug'ée.
JI ellt un riro méprisant :
L'amour de Rolande 1. .. me l'offriroit-clle il
genoux, f]UC je JI'en voudrais plus.
Que vous a-t-elle donc fait encore, Noël P
Une minute, le jeUl1e homme sembla hésiter. SalllS
doute, cc qu'il ·voulait dire était difficile, - tCl'1'ibl e mème - cl sc~
l~vres
demeuraicnt close~.
Mais, lO1l1 IIU fond du coulo!r, on enlendit le
bruit légrr d'lin pas féminin, et le joune riro de
Morie-Ange vibra dans la chamùre.
NoE! ~e pcneha vers 10 ,religieux et lui dit sourdertlent :
- Mon Pi-re, on )(IIIS n l'Il con t'; ln chute de choval don t notre petite cousine faillit être victime, ct
yous Ilve1. pemé, sans doute, comme lOllt le monde
lei, qu'elle éluit une bien mauvaise écuyère, puisqu'un anirnal (ls~i
0011X' f]llC « César )l l'avail Hi
�1 LI .Li:
() 'AII'lI S1 ll
facilemen t jetée à terre ~ Vous avez pen sé cela, mon
Père ... et vous avez eu tort, car, en vérité, si notre
belle Rolande, qui est une amazone accomplie, se
fût trouvée ce jour-l;\ à la plare de Marie-Ange, je
ne sais si son adresse, sa force el sa tactique eussent
~ ufi
pour mailltcllir dan s la sagesse celle bète affolée.
Je ne vou s comprend 5 pas, dit avec surprise
Jacques d'Arm oy.
Noël se leva . Dam le tiroi" de droile de SO li bu l'ca u de Iravail, iJ prit une petile boîle et ln lcndil
au prêlre.
- Ou vrez, dit-il simplement.
Qu'e t-ce ?
- Vovez "ous-même.
- Une épi li g ie 1 s'éc r'ia le Père ù'Arlllo) . Et dal
~
Ses doillt , il J'clint un ins lanl la fiue lalll e d 'acier.
- Oui, ulle épi'll g le . Ulle épingle solide e l rési~
IUllt e, qu'ulle IIl ain bien intentionnée avait ellfoncée
darl ti la se lle de \I a rie- Ange, c l qui a p éllét ré si profondément dan
~ la ( ~ hair
de C' pauvre « Césa r »
qu'une goullt de ~a l g y e t e ncore l'es tee.
- Ait 1 s'écria le prê tre,
El lentelllent, minulicu 5cflIcnt , l'ioël lui fil ]e rl~
l'il de sa visilc li J't"i'urie , c l d e la façon dOlIi il avait
lrouvé la malrnconll'Cu e ": pinglc.
- Quelqll 'u JI a provoqué l' accident , murmura hl' 'Iigiellx ; qu elqu'uli 1\ tenLé ('e lle c hose horrible
luer l\laric-Angc 1. .. oh ...
Et il ajouln, Ir . yeux fi'(r~
li ur Je j eunc homm e
- Mai s qlli ~ ... le savez-vous?
En lre les do.i g l& f rémil;~a
nl ~ de Noël , unc fill e cigaretle achevait de sr consumer. Jl la j cln, ouvrit
J '1~lIi
d e cllir fall ve, rn prit Iln c nouvell e, cl. l'a yu llt
allumée posément, il dil d'ull e voix ('nlme :
.Vous a-t-o n a nnon ré, m o n Pi're, qll e le TllII TIIIg'e de m o n fr ère c l (lt: l10J alldc ,:IIli! fix é pour le
:15 ju illr t P
- Non. E t-ec trrs 11(11 ?
- Oh 1 Lout à fait. ~ l o n ollrle 8 fll'OfJOSrl la ùate,
cL n os fin II r(ls 1'0111 Il l'('rp lée. A r elle occll"ion, il )
Il cu comrn e UIlC ~()r le
de ,'o ll bcil de fllllill ('. On Il
d,ri,(rll(\ TI) 'IlP lwll'r 1 rIIP d CTlJ:l nd er mon ~v i ~.
�lJ y avait , VO\ CZ- vous, ccrtain es form alités [1
l'c:uplir'. Ce fam eux· « droit d' aî nesse )), cc bea n ti tre ùe « marqui s dc \I arbor l )) q ui n lC r evenai l
ap rès la Ill or t de 10011 o!lde, on voulait , ayo il' ~ i
«
vraime nt .i '~ - renollç ai s.
- Et qu a veZ-V( ·:IS décid é ~
- Ah 1 mo n Pèrl' 1 j e n 'ai eu a ucun IIl éri le ;1 10 1l !
('éder 1 Si vou s ~n \ iez com hi en j e suis t! {: l'Jr.hti dc
"C'" c hoses.
Comm e mal g ré lui, le prê trc Il IUl' rnura :
j lJl e de Chabl y doit ê tre Il e UT'ellSc.
- Al ol~,
- Ilc uf'cll cP ... m ais, mo n Père 1 1 U ' c~I -(' p qll'lI ll
1if re san s argen 1 P
Harold I IC dull.! pa ; [\olall tle ~
so urit :
ël
~o
ci e
l' a~
- COlllm e Oll voil bicu qu e vo us Il 'è t c~
OIl o,lI l "](('C 1ll0 JI(.l c , vous non plus 1.. . Sa ns doute ,lll
es t g ~n rl' u x. Il do nn e des l'CilI e uffi s<l ll lcs ,'t lTl OII
f'rc>rc cl Ult hea u don lain e :l "'a fl anr·,;.'. \ Iai: VI Il ,
"o llll aissez Lien lTI al Ro la nd , " j vo u. t' I ' O~ " Z ql lC ce la
lui suffit 1
Vallila s 1. .. van i tullun, III Urlllura le relig ieux.
J\lais NOt'! Il l' parut pas l 't'nl t' ndre. Il ajouta , lOll j <l lr ~ très J'alm e :
- Ah l ,. tIl S doute, s 'il Il 'y a va it. [)as l\fari e-A n gc .. .
c
J ' hériti èrc directe , n 'l~t-e
e ~ 1
ge
c - An
- cal' ~ lari
rcdf'toul
...
e-Ange
,ruri
pas
vail
a
'y
l> 'i l n
~ pa~
viendra it cO lnm c pa l' le p a~ t<é' . n olnnd o ell]e srrai l
l gc . ..
la fill e c héri c ... Mai s vo il à, il ~ . a ~ l a ri e-A
El br u 'qu elll cllt , fixant ~ u r le pr l~ tJ' C Jill lon g TI'gOlrtl :
- Ah 1 m o n Pi.' l'e, Ri Il C I ~ ; (lr )) , Cil désal'ç0 l1 lldll 1
'e p ctit
~ a caval ièrc, ]'c ût étendue ra id e JlJ urle , <.l a l ~
celle
si
:e,
nss
rafTI
'a
l
e
r
~
r
f
n
mo
coin de !lo i!') où
scs ycux ' i
pauvre p'lil ' fllI c ava it n .i a m a i ~ c l o~
bcau x, CO ll1lll e tout sc (M me rvcill eusem cnl arran gé
n oland c 1
u ~ inc
PO Ul' les désirs a mbiti cux dc m a co
...
aillit
'
tre
Le prêtre
-- Ce ll/' épingle , pO ll J'sui vit " ui:J, ('(' lI c peli te épin gle qui IKJU v<lil tu cr, qui d OTlc J'a voloJltrt ire/ll cnt CII r {) I ( ' I ~1' ù a n ~ ln ~ I ' I JI ' P :\I{] n P,\ rc , oh 1 mO Il P:-'rc, lc
a V(';r-"OIl S ?.. .
�(1)
FILLE
li' AIlTISTE
Il s'était levé, et dans ses prunelles lumjesc~
montait Je reflet d'une arngoisse tragique.
- Noël. .. mon pauvre enfant ...
Noül murmura sourdement :
- Il n'y a qu' « elle »... « elle » seule qui ail intérêt à supprimer Marie-Ange. 11 n 'y a qu'orgueil,
qu'ambiLion déc1Juînée dans SOIl âme ... MOin frère est
incapable - même rar amour - d'llIlC l;lcheté el
d'lI11e horreur pareillc. Mais « elle ) ... « elle» 1...
Il ajou ta dans un sanglot :
- Et je l'ai aimée 1...
Un bouleversement Se faisait (jans l'esprit du Père
d'Armoy. A lui aussi, la vérité sc précisait, s'imposail. Pourtant, il se souvilll qu'il y a péché Il juger
Irmrl'airemcnt autrui, el il dit ;lvec douceur:
- Pcut-èlre vous égarcz-vous, mon pauvre enfanl :
li faut craindre d'être injt ~Ie
cl l'accusation, s~n
preuve, est déloyale ... NOl; 1, je vous en prie, atlc/de~
p011l' condamnc!'.
Je jcuiJle hom- Altendrc P quoi ? fil ~premflt
Ille: un nouvel attentat eonlre Marie-Ange P Ah 1
g'ronrla-t-i1 avo<, colère, celte fois cc sera difCicilc,
CUI' je ferai bonne garde ... cl malheur ~
cclui qui
oserai 1...
Il se tu t : mais dans ~es
) l!\lX d III'Cis, ulle soudaine ]ucur avait passé ...
])c1)oul pl'r~S
de lui, le Père d'Armoy lc conlcnl]llail, grnnd cl svelte, élégnnl malgro sa malheurcusj'
difforrnilll, d lu'an, <.l'nne beall1é intérieure qlli ~c
n'l1élflit dam son étrange rrgard.
Une questioll bl't'Jlait les IhTes ùu pd'Ire : le désir
de lire dalls ce CCCIII' lourmcnll), de s'entendre confier
Je doux secrel qu'il devi naiL, Jor3quc dalls J'encndrement de III pOl'tc, demeurée pal' mégarde cntt'ollverle, le clair vi~1lge
de Marie-Ange IJpparut.
- Puis-je entrer, NoOl P
Et elle njoula gentillJen 1 :
leur~
; deI! !lellrs toutes
- Je vom apporte de~
(rnirllea que j'ai cueillies e'tpJè~
pour VOU!. Et, toul
~ coup, apcl'('c\'ant ln l'Obr hlanche (]" religiclllc,
elle sc l'l'cula, c·onl'u.() :
Oh 1 pilrrloll ; .if' H11IS noyai. ~(,1JI
cl ""il:'1 qlle
�71
.ie dérang e peul-êl re une grave COll verslltio n P
- Non, ma pelite fille, dit Je prètre avec bonté,
nous aviom fini de causer. Entrez, vous ct vos fleura.
- Des roses, murmu ra le jeune homm e; comme
plies son t belles el odorallles 1
- Je les ai prises sous la Lonnelle où nous nous
somme s rencon trés POUl' la rl'cmiè re rOls, VOU8 so uvenez-vous, Noël ~
S'il sc souvenl lil 1. ..
li dit un peu confus :
- Le jour où j'ai été 8i hêteme nt mé<,hant 1
elle corrige a avee douceu r :
~his
- Le jonr où " OI1 S avez promis d'être mon ami.
Dall B IIll tube de (,l'islaI, eHe venait cIe placer les
/leurs délicates, ct dIe s'extasiaH, heureu se :
- Comme eetLe l'ose pourJlre est jolie 1. .. la plw;
~ rag, Noël P
helle vraime nt, ne l'Ouvez-()
- Oui, Marie-Ange, la plus belle.
il la l'ose IIU'il pellsait ;
t pa~
ce n' ~taj
Seul(~mn,
el son l'e gard rcmonl ait plus hallt, vers la fleul' vi'Vante, la douce /l eur de ch;1ir qui lui souriait .
CHAPITRE XIV
Tante Aurore, est-ce que je vous plais P
Dans le peli t sa lon où Mlle de MarborL sc tenait
avoc Noël, Marie-A nge Savelli venait d'entre r. Elle
souriai t Il Lous cieux, mais ses gl',mds yeux sombres
eherchn ient les beaux yeux bleus tlu jeune homme ,
quêtaie nl un éloge, une approb ation, ct, penché e un
peu vers lui, el le sembla it offerte en une sorte de
Lendresse crain live. Au fond de SOn regard, montaÏ l
e~r.
l'incon scie nt désir de l'amou r dOinl toule jel1
est IÛl ou tard envahie .
Vers la radieus e o.pparition, il s avnic:nt tous deux
dit avec
le
()i~p
IOurné leur "i sage el hl vieille dem
-
gaielé :
~i
Peste J ma refile fille, je serais bien rliffidle
Elltre clonr lont n fllÏl
lu ne me phisais pa~.
e.
l'admir
l'on
!JIJ('
'Tlle l'on le voie,
-
�Lc \oituI'c C 1 Cil ba~
t'I je Ile veu\: pas trop
faire attendre Denis.
- Laisse Deni en paix; il n'est. pas Louis XIV 1. ..
j'ai IJien Je droit de jouir Illl peu de toi avant qllc
lalll de regards étrangers te courtisent.
Marie-Auge s'approcha lentement ; ct ce fui, dau s
l 'él roi te pit'lce, une brusque et divirne clarté.
UII chd-d'œuvre, ct 111 es coiffée
- Ta robe e~t
<li vinemenl.
Tante Aurore ajouta, après une pau e :
El Rolande, commen tel-elle P
nelle, merveill eusement helle. Je ne pense pa ~
qu'il <oit possiblc de trouver HIlC fCTOme compara hl il lIolre cousine Rolande.
Elle est déjà au concert ?
- Oui. Iluocrt J'ur co mp:.lglle.
Nopl dit nonchalamment :
- ~10n
fr('re doit être ùeilll lui au. ~ i.
Fil/' répon dit, sind're :
- Je ne sais pa s.
Commenl, lu 11C • aj~
pas 1 s'ex(']n ma taill e
Aurore, vas-tu ŒIOJ
~ faire croin' (IUC r('~
yellx"]?! n ' ~
\'oie n t P/lS clai r P
La jeulle fille mu rm ura, rèveu C
- Tl'è so uvent on rcgarde san s voir ... .Ic' n'ai
pa t( vu )) Hubcrt.
Tanle Aurorc assujettil sur son IIf'Z d'?norTile 111 lIeltes, et fixant Marie-Ange :
- Cet le pel i1 est :unOlireURC
s 'énia-l-ellc brl~IJ lIemcn l.
Ju sq u'à la rlicirne de ses fil ~ heveux noirs, l 'orpheline rougit. Mais (,]Jc dem r lJl'a muclle cl lJi 1111
oIVf' lJ ni unc protcstation III r HI;~(-rc
nt
,' ur BCS 1/0\-['(".
- Qlland on ne voit plus les autres, poursuivit J;I
\if'ille demoi selle tCIJIlCe, r'est qu'oll en voit Urt seul.
Ça, pelite, qllcl elle prillCc Charmant qui [ait IJaUre
"c jeune cœlll' P
Cc ful Noël qui répondit lin peu sèchement:
(:Otll me VOlIS êtes cllricus',
tan le Allrore
Lai~
, pz ('l'fa, cl pcrrnetlcz que j voic un peu mn cou~ inr.
VPIlR l ':\r('a!lal'f'z, 1'1 ,ir 11 'ni pu f'l1rorf' lui fairc
lin rornplimcnl.
�FILlJ.o:
l, ', \lIT
I ~TE
7::
11 s'a pproc ha de l.a j eune fille, el il la contempla
avec une tendresse émouvante, pris toul d'un eoup
d'une sortc de ver tige, grisé par l 'i n lensit é mî~/l'
ùe son rêve. Combien elle était jolie 1 Est-ce qu e
Laille Aurore aurai t raison ? Ce cœur d'enfant SI'
sera il ùonné ? Mais à flui P En d ' hors de Hubert t'l
de lui-m ême, ell e fréquentait peu de jeunes gens.
Des eamal'ad es Ut! , on frère mOlltaienl quelquefoi,
ail (1 Nid d'Aigle )l. Leq uel avail retenu ses LeulI'
)CUX ~
Ava it-e llc l'espoi!' de reJlcontrer celni que lunk
.\llrore apprlail l( le prince Charmanl )) il ('('Ile l'C' pl'é 'cn taLioll ?
One a n gob
~c
lellaillait Je l'CCIII' de \foH. CC/,Cll dalll, il conlilillai i ;1 oOUl'il'O, c l ce rut avec loul. S{)11
l'a ime qu'il d:l :
Ma petite eOl~i
c , ,ou
~ l'.;
~ d(:lieieuSC lOcllt j o IiI' ,
Elle le Icga l'ùa 01, ('(K}ue tle, pOUl' la première f o j ~
peut-être, elle in sista
- Bion vrai P
Au Cond des )eux de volours noir, il ) avait la
douce \ oln nt,é de 'édui re, cl l'exqu i 0 ensa li olJ de
sc se lltir dé irable.
n fI!péta :
- Vou " l'.lcs jolie ... j{Jlic ...
Un pOli ùe 1'0 'C eo lol'/\ le fin visage, cl wus le !'(,~af(
1 bleu qui frôluit se5 bras nus, les prullelle,
IJrle~
lelltemenl s'aba issèreJil.
- Tan le A11 1'0 ['e , dit-elle, ' oyez co que t,rl'3nd-p 'fi'
111 ': 1 ùOllné
°
P
Elle III Il trait le co llier do perles, le plIl' collier
qui s'e nroill ai i il son CO li, care sail Reg épa ul es, ct
l'etombait moll em enl sur le tull e du eO I'sflge.
- Harold a bien l'a il, déclara la vieill e demoi8elJ e. Cr collier 1~lai
;'. la mère. Elle le po rtait, IIjOIlla-l-ell e IIvec mélnncolie, le prem ier ~ oir
où oll e ende noya i l'ar{'he l ma gi que
le,ndil ùan s le a~il1o
d'An gello avelli. Ce pur l'olli ef de perles a connu
l'aurore d'un grand ct noble amour.
LcB doi gt!! de Mflric-An{!e l'fflcllraicnt leq g'r:\ in ~ rl~
lir'I
~ , (' 1 lin l'moi illlf'lI'l' III h01f'vI
~ lI il.
�l'lL!.!!
n'",T\TltiTE
Allons, petile romanesque, lui dit affectueusement tante Aurore, ne pense plus li tout colil. Re.Ioms ta voiture et va prendre ta place dans ceLLe
urillanle réunion mondaine.
l'oumée vers Noël, b jeune fille demanda douceIIlent :
- Alors, vrniment, vous fie venez pas, Noël P
11 eut un rire ironique.
- L'orgueil de mon oncle Harold souffririlit trop
de "oir à côté de sa noble silhouette, l'être cootrefait que je sui s. D'ailleurs, je 11 'ai moi-même au(;une ollvie J'uller monlrer ma lJOsse.
El plus doux, il ajouta:
-- Alc~,
ma peLil.e Marie-Ange... flIl1USCZ-VOUS el
oubliez ma misère et ma mécl!aneeLé.
JI l 'flccompaglHl jusque daJls la rue, la miL Cil voilure ct quand olle nu fut plus vi siLle ;\ ses yelL"," ,
il rurnon La dloz Lanle Au rore.
Quelques instanls après, Marie-Auge descendit de\ ant le lhéfllre, où son grand-père qui l'avait pp.tiemment attendue, lui uffrit le bras pOlir entrer.
Lorsque Marie-Ange, appuyée au hr;);; de son
grand-père pénétra clans la vaste salle, il y eut sur
leur passage un murmure d'ndmiration. 011 connaissait peu la jeune fille. SOli deuil lui ayanl. jusqu'alors interdit les réuniOllS mondaines, ct meme les
~implc
s ,isites, quelques amis illiimes de Ljlllie Aurore a vaieln L seuls approché celte petite orphol i Ile
dont on connaissait la mélancolique histoire.
Mais tout le monde se souvenait de Mario de Marbort el d'Angelo Savel1i, cl l\ celle mlnute où leur
enfant s'offrait ù tant de regards, leurs deux nom~
étaient sur toutes les ltivres. Jamais, OH n'avait en
général blâmé la conduite de M. de ,Marhort. M~mc
parmi la noblesse, 011 eûl désiré un peu de pitié,
lant de jours écoulés, un lolnl
('l !Uns dOllte, nprè~
pardon. Aussi, le geste du vieillard accueillant sa pelilc-1iUr, orpheline et pauvre, avait-ll été hautement
nppllludi.
. (:ellc ~lproh\tin
de l\Il (otH.luile, le marquis la
hs;ot nUllll 1t'CHilI t dans le~
yt'UX de ~es
ami6. Au fond
�df~
Fl LI.E
Il',\ l\'11,.;, E
oon vieux cœur, jadis brutale ment déchiré , 111l
a paisem en t . sc, faisa il.
Quant il Marie-A nge, un peu intimid ée tout d'aelle , dès qu'elle
bord par trop de regards braqué s ~ur
fut assise ct coofort ableme nt installé e, elle oublia
I.out pom s'absor ber dans l e sujet même que trailait le confére ncier.
II'L de LOI'ade parlait hiell, ct il connais sait l'art
de séduire son auditoi re. Le lilre seul de sa confé·
rence a ait plu :
« Les femmes d'autre fois ... Les femme s d'aujou rll'hui, .. Les femmes de demain ... »
Il cut de l'espril , de l'ironie , de la tendres se. JI
p;trla de la femme avec ulle sorte de douceu r câlin p, ct cc lan gage choisi de l'homm e qni sc souCil I.l'e Je ~
viril t des ltemes bienheu reu ses pas g~ c~
qui ex:al
paroles
des
pal'
,
conclut
JI
els.
matern
hras
laient la vl'llie j eune fille, rcslée l'honne ur du foyel'
frall rais.
applaud issemel lls éclatèr ent de toutes rarts, el
D~s
Comme le cOllférencier, q11ittallt ln scène, sc gli ,~sait
.\ son lour dans la salle pour assislcr à la seconde
partie du concert , tous les veux le suivire nl.
Il sc plaça à côté d e M, ' Lccoint e, maire de Clermont, dont la femme , encore .ieune cl charma nte,
avait été une amie de pemioll de Marie de Marbol 'l.
Soudn.i!n, il ilperçu t nohncl e, dont la hC:l1\lt vraimenl sans dtrallt lui arracha it un eri d'admi ration.
- Snprisl i 1 III mervci lleme créatur e 1
- C'cst Mlle de Chahly , explifJlIn 'lmr Leroinl e.
,~ d'elle, SO li fiancé.
rl'
- L'bcUI'eux; mOI"lr] 1
- Mais il es·t bien, lui amsi.
, - C'est vrai. El ce grand vieillar d ù cÔté de la
';PlIne fille P
SOli oncle, Ic marqui s de Marbor l.
-
De Marbor t, murmu ra Yves de LOI'ade, où
donc ai·je entelld u ce nom-là P
Il parut l'r.f1él'hir, scruler le passé, remllcr uu flo t
de souven irs :
- J'y suis 1 s'!'leria- t·il, sa ti sra it d'avoir résolu le
problèm c. C'cst en Champ agne. J'avais un camara de
�'ili
FI
.L ~
Il ' '111'1 >1'11 :
(Jt:' régimcllt, rJ1'ficiN (:(J UlJlJC moi, qui ~ 'appelait HIIbc rt dc l\larLurl.
- - J\lais c'cst Je fiancé de Rolande de Chably ~ Ne
Ic rcconnai ssez-vous pas P
A {'clle minute, comm c s'il avait eu l'intuitiol1
qu'on parlait. de lui, JJuLel't tourna les yeux du côlé
des Lecoint c, ct Ics salua d'un sourirc.
- C'est lui, c'est bien llli ! .J 'al[i
~ g rand plaisir ù
lui crrcr lu maill.
- C'est hien facil e ; 1\ .la sOl'ti e, 1I0U " Ics attcndrons au ba s de l'csculi er.
La séancc s'(lch c\'/l dan s un In'uit I{'gel' de convcr-ltlio!1 B, dc froi ssements de l'Ohc", qui Co;t proprc il
Ioul e" les fins de spectuclcs.
Commc les de ~ la'hor
s'upJlrêttlipllt Il regagner
lelll' yoitul'c, M. Lc.coiJllc ct sa femme lc ' aluèrent.
\uJll'ès d 'eux , Yvcs de LonllJ e illclinait sa silhouette
t"/llga nl l'. Il ,inl ver ho H:tllt' p dl' n o lalld(' pt lui dil
ga i IIICUt :
Je 8 ui ~ H aill1cnt tl"\s IU'Ill'rtlx de V O l ~ revoir ,
IIH111 rhel' ('alll:1l'ncl e,
":1 l'Om Il H' I11l b!' rL, s Ul'pri
~ , ~ e
laisait :
Vo u, Ill' Ill" r'('('o n 1111 i ~sc :t. dUllc pa "
\ ull elllclIl.
EII Cltnmpag ll l'", pJ'
{> ci ~ a Jc jeune 1101111111'.
Ilulll'l't Sl'l'l'a COl'di :tI ,']) ll' ll! la main tcnd]), ' \t'/ ~ llli ,
Il dit au s~ itô
:
- .J c lai , lom (ll'l'scntCI', voulez-,oll s il
Il sr rcloul'lla ct 'a perçut qlle les Lrro ilile rlanl
p a l'ti ~ , ~1.
ùc Mal'hort Pl le tlrllX jellll c' fi Il!', 1'01II'IIr1ail'lIt in 'cr 1111 reu ù ' impali encc.
-- Mon ond e, dit-il simplement, j'ai 1'('('(H1UlI ('n
.\'1. de Lo rnclr, lIU olldcn raill a l'aoc.
0- Ab 1 jc serni s lI cllrClI'- d(> lui sc rrcr la main 1
Il{'j à, lc jellne homme s 'inclinait vers le vieillard
qlli, Cil qllC'lqu cs plll'oles aimables, lui di sait son admiration pOlir son laIent rlc onfércncier.
- nolandr, ma ('h(lr'il' , .il' l ' OIl~
pr(o
~e nte
M, dl'
Lorade.
Il s 'inclinait, éhloui pal' l'éclat drs yrllx vrrl pMI'
rI ln blonrl l' loi son qui étincelail.
�l ' Il.1.!!
U'AHTI1o\ 1t.:
77
100 nièce, la fiancée d'Hube rl, ex... CeHe-ci e~l
pliqua lc marqui s,
El, d 'un geste , appelan t l'orphe lino,
- El voi ci ma petite-fille ... - comme à regret,
il lai ssa lomber le nom détesté - Marie-Ange Savelli.
Mais alors, il y eut sur le visage express if d'Yves
de Lorade, une surprise indi,cihle ct il dit avec élan:
- Seriez-vous appa rentée, j\J adem oiselle, avec Angelo avelli, le célèbre mu.iri en ?
D'une voix où viurait une fier t( ~ con ten ue, la jeune
fille rrpond il
- Je sui s l;t fille d'Ange lo Savelli.
-\lors, pour cet homm e d ' un e intellig en('c supérieure, rien n'ex ista que celte ellfant brune , toute
p:lle dan sa l'ohe blan che, avec l'étroit ruban de
velours lI1auve qui erclait son front volonta ire.
- Ah 1 l'I1adem oi clIc, dit-il avec une émotio n profOl1de, pui squ'il m'est donné le grand honrneur d'approc'l1er la fille de cc génie suulim e que fut le mu~ dire mon adAIIg' '10 a velli , lai ez·moi vou
~icen
miratio n, mon culle, pour celui qui re"tera, dam s l"
domain e mu sical, le plu grand homm e de l'Ilalie.
Il était penché , incliné vers la forme svell e qu'un
li' uhl e infini pâlissait. Elle lui lendit ulle petite
lIl1r ~o rt e de respect fervent,
~
Av
main fJ' é Jli s~a l1e.
]{'Yres.
il y appuya ~es
Cc fJui "uivit, cc fJui t'e passa t.:Jl'uiIP , 'faric-All ge
n'en eut pas conscience, Comnl(' en un 1'1\\'(', elle
de MflJ'hort priel' Yves de Lorade de venir
,; ollta ~1.
les voir au « Nid d'Aigle », avanl de ret01ll'IIe1' à
Pari '\. Comme en UII rêve neon', elle crut entend re
l je1lne homme formul er une brève promcsse , puis
elle sc l'e trouva dan s la vieille , oi Lure qui por lait les
famille matem cll l', 'ellle avec le mararill es de ~il
fJui s, - Holanù e ct IIlIbert rtant repartis en alllo _
rt rI' fut enrore - lui 'emhla- I-il, - la contillu ation
de ('e rCove, quand elle surprit ~o n grand-p pre Tllllrmurrr presque in eo n CÎemm('Jd :
- Il Y aurait dOli C une sor le de noblesse à être
vaudrait-il des pnrlin c( grand I\rti st.e )l et Jr ~tnie
('hC'mins P
�CHAPITRB XV
VOliS m'avez tenu au courant de vos projets oc
_
mariage pour Marie-Ange 1 Avez-vous l'espoir de les
voir aboulir P
M. de Marhort se tourna lentement vers le Père
d'Armoy qui l'interrogeail el il dit avec un F.oapir :
-- lIélas 1 il faul. y renoncer.
« Les cousins aux.q1Jels je pensais sont mariés tous
drux-. 11 n 'y a plus, pOll r porler encore le nom de~
de Marhorl cl le donner librement il une jp.une fille,
qlle cc malheureux Noi>].
Une seconde, le prêlre hésita. Des mols lui venaient aux lèvres ; pourlant, il ne les prononça
poin l, cl les ycux au loin, il parut rêver ..
L'or plUc des soirs de printemps cnveloPPilÏt les
moindrcs coins du grand jardin : la terrasse était
Llanche sous le bleu du ciel assomhri et sur l'étang
silenciellx, les ailes des cygnes caressaient l'onde.
Ulle barque s'immobilisait entre les roseaux. Ilnlande, allongée lout au fond, les bras repliés sous la
nuque, écoutnit Huhert qui lisait. La t(lle blonde
élincelAit allX feux du couchant, ct dans sa l'obe dl"!
pâle soie crr'me, la femme semblait une grande 01111'-
t6.
- Et ceux-ci, demanda Je Père, mont.rant le groupe du regard, quand les mariez-vous P
- On avait décidé le 15 juillet. Mais ma 'nièce :1
relardé la dale avec des prétextes de toiletles de
l'OS~ea,
que sais-je 1 Au fond, la vraie raisÜ'~,
je
la devillc tri's bien, JuequeB. Holnnde regl'eUe dl'
qllilter le « Nid d'Aigle ».
- Ne pOllvez-vous donc pns les garder P
Le vieillard dit d'ulle voix ferme :
- Non. Ceci cst lc hien de J\lal'ie-AIlg'e ct i'llarieAnge doit régncr scule, CIl rnaîlT'es~c,
au ('h!lleau,
quand jc ne serai plu~.
T p prNrc approuvn ~implecnt
:
�Fn, LII
D' Al\Tlil'CE
7!}
- Je vois avec plaisir, Harold!, que la vérité vous
est apparu e.
- Plus encole que vous ne le suppose z, murmu ra
le marqui s.
Et il ajouta, comme saisi de l'instin ctif besoin de
raconte r so n t'lme devant celui qu'il savait être un
.i uge éclairé et loyal :
- Cetle petite-fille, lJue j'ai tout d '8 bord l'eniée,
repoussée en mon cœur, que j'ai accueil lie, à cause
tIe vos Î!n stan ces e t des dures paroles de Noël, je ne
l'ai pas aim ée imm édiatem cn l.
J acques d'Arm oy dit avec douce ur:
- Le so ir où, la tenant par la main, je l'ai conuuite auprès de vous, vos bra s ne se so nt pas ouverts ,
doulou reux.
Harold. J'en jli \prouvé un sa i ~ i se ment
c,ette enfant avait soif ùe tendresse , e t vous avez été
si froid, si di stan t...
C'est vrai. Tout me choq uait en elle. Soogez
Son lI om ... son visage, ses yeux. Oh 1 ses
...
donc
yeux sur to ut, si pareils à eeux de so n père 1 Et depui s, j 'a i sc nti qu'elle lui r essemb lait d'une manièr n
plus profond e. Elle a SO Il ûme, Sjl se nsibilit é, sa F-Pdu cti oTl. Un jour - sans savoir le mal qu'elle roc
causait - ses doi g ls ont fait chanter le violon . Ah 1
Ja cques, ('C t art mervei lleux, ce t art inferua l qui m'a
pri s jadi s Je ('oeur de Marie, elle Je possède comme
so n père. Je sou ffr ais ... la colère (aisa it. tremble r
mon êlre ... e l mnl g r'é m o i, je ~ ubi sa i s son charme .
- Je n'ai jaln ais entend u j Olie,' Marie-A nge 1
- Je Je lui ni défendu .
- Oh 1 JJ arold 1
Vous m e blâmez ?
La noble tête du vieillar d sc courba ayec lassitu-
de.
-
J 'ni eu tort, je le reconna is.
- A101'(\, VOll S lui permet trez désorm ais ...
- Peut-êt re ...
Et il ajonta, d'nne voix basl'e dans laquell e vibrait
un e in fi lIie tClldresse :
- Je ln voudrai s h eureuse , cette p etit e ... je vouflu e son honheur' r.1rhelÎ1t Je mal l'I lle j'IIi fail. i,
draj~
r-n mPrl'.
�t Il 1L
Il ' \
!In" 1'1:
Et comme Je pr(!tre levaiL ven lui un regard de
!lul'prise indicible, il eut un pâle ~oul'ire,
- Vous V01\ étonnez, Jacque~,
de me voir tout i.
coup si humble, moi que VOli S :l'lez connu si orgueilleux P de me sentir i fendre, moi autrefois si dur P.•
Peut-être qu'à mon insu, Dieu a changé mOIl âme
et flu e mes yeux voient aujourd'hui ce qu'il Ile
voyaient pas hier.
Le religieux pro nonça gravement les ~ aintes
paroles de l'Ecritule :
- Alors, lc Seigneur dit: « Quc la lumière soil 1
Et la lumière fut. »
- Cela s'est fait peu ù peu, sans heurt, sans bruit,
dans le my s f(~re
de ma pensée, soli!.aire comme moimême. J'ai aimé celle petile fille pOUT sa douceur qui
jamai.' Jle sc démen!., son humilité con stante qui lu
porte 101jour", il s 'effacer devant les autres. .. Je l'ai
aimée pour SOIl patlVl'e roeur douhlement frappé, el
pour <"e charme indéfinissable, ~ j prenant, si pel' onlIel, qui, lui, du moins, me rappelle Marie.
« Jacques le croirieZ-VOlis, j'en viens muilltenant il
pellser que Marie eut peul-~tr
mison.
- JJnrold 1
- Oui rai son d'écouler SOli coeur, plutôt que la
vieille voix de la J'ace. Je n'avnis il lui demander Cil
somme qu'une seule clIO e : de ne pas déchoir. ,l 'ni
cru que c'élait ulle déchéance cl'épouser un artisle
pauvre.
cc ,l'ai méprisé d homme, qui est mort couvert
de gloire cl q1l'un roi e, t venu al uer, C'est Jonc
1111 ('
orlc dc nohlr
<.~ e,
el Oll est grnnd, non pai'
~ Cl le l( ' l
pnr le nom 'lue l'on porte, mais par eel1\i
IIu'on ellllohlit soi-même.
~o lrdemn
t le père d 'A l'mo)',
- Ah 1 n~ Irl1f'
vou pen sez a l'es choses Irop lard, Harold ... Songez
Il ID joie q1l'nurnit eue Mnde i V01l8 aviez pu lui
crier ('ela 1 Songez que peut-~r
el le vivrait ('f)f'ore 1
' d ~,
- Taiscz-vous, .Jacques 1 N'éveillez PO! ('r ,.emOl
qui me ronge ...
cc QllclIe lTi ~l r e 1.. A\oir v(,rn dal
~ !C$ lénèlHependant (li -sept anée~
.. .
d t' l'(,~pi
Il H ' t nI If" YI\! d 'oi ~I' IIX 1)I·d l j r~
J' ~ il . ,,' il Y
�SI
cut durant ulle minute comme une traînée luminuage .
nellse ù(\ns Je ciel ~a ns
sur J'otan g, où voguait maintc ua nt la baril~,
Là-b
Rolande troubla la séronité du
que légè rc, Je rire cl~
soir.
a,cc une gracousin, dit le Pt:re cl'Arno~,
- ~Ion
vité douce, vous ne sa uri ez croire comhie ll je suis
ému de tout ce que vous avez bien voulu me confi er.
Münte nallt, je sa is que J'aveni r de l\ lane-A nge es!
bien placé en lre vos ma ina, et que j'ai eu raison
d'aller la prendre , au fond de ce t austère couven t
cl '!Lalie, où la Mère Supérie ure sollha itait de la cloîtrer. Je l'ai reprise, j'en su is certaill , pour SO li 1'011 helJr ct pour le vôtre.
- La "oid, Jacques : la vo~ el-VOUS il Elle remon Le
la granùe alléc\ avec M. de Lorade.
Le prêtre so urit :
- Comme elle est gaie 1 J'entel1d sa voix rieuse
ct je vois so n visage heureux . La joie va bien 11 la
,ieunes 'e. Il font IJn joli couple, ne trouvez-vous
pas ? M. de Loraùc es t de bonne nobles.e . Il passe
pour un garron séricux, ct ...
- El, conclu t en sOllrian t le viellx Illarqui s, à
défaut d'un de larbo rl - pllisque, décidém ent, il
to ul il fait aen'yen a pllls - il frrail lIll reli-f1I~
...
e
('cplabl
nll'z donc' ('('
- Grand- père, oh 1 g ra nd-père, 1 ('~n
{'oucher de soleil. C'est admira ble 1. ..
La petite main de Marie-Ange se levail. montra it
de pourrre , le
le monlagln cs d'Auve rg ne ('Olronée~
commr l1nc
fallait
sc
ait,
décolor
c
~
ciel imrnen e fJ\i
grande fl eur.
Sur la nalure ollverle drjil à la lIu it, le so leil (Josa il
Une lenle et dernirl' e caresse, el, pen ft peu, un cropusc ule hritif s'é lendail su r toulcs chos~.
- Comme il fail doux 1. .. comme il fail bon 1. ..
rnurm1l1'll ln jeune HIle. Je rn 'ni jnmais vu un soir si
rn ('C've ill ellx 1
sourire nt ;1 "e jCtltltl
i\f rie :\1arbort el le pr~lc
grave.
re~tn
Loradc
de
M.
s
Mai
enthous iasme.
~ d" spec tacle ùe la nature, ,'(~
X(!UX, détourn~
Se~
'lll!' 1(· vi";JV"
l it' l'(\:;;\;''n l Jl1~
d()tl~.
tr~
\"1(\ 'lri~
�extasié sous Iles courtes boucles brunes, et le chaud
regard de velours noir.
Marie-Ange semblait boire le · vent. léger deacendu
des plateaux sauvages, humer cel air rude et violent
chargé de l'arôme des fleurs prÏin lanières, qui POU5saient au bord des ravins. Elle III quelques pas lout
le long de la vaste allée, cl la ro~e
pourpre qui nnimail d'une façon charmante la pâle blancheur de sa
robe, glissa de sa ceinture. Yves de LOT'ade se baissa,
reprit la ileur délicale cl la l'clint entre ' ses doigts.
Depuis huil jours, qu'ayant simplement accepté
l'aimable invitalion de M. de Marbort ct d'IIubcrl,
il vivait au {( Nid d'Aigle », il suhissait., d'une manière intense le channe de IVlarie-Ange Savelli. Un
brusque el délicieux amour lui était venu tout d'lJJ\
coup pour celte jeune fille au profil de viel'ge italienne, qu'il sentait vibrnntl' cl soosible ù toutes les
Et il prolongeait son séjour
belles et nobles cho~es.
à Clermont, remetlail sans cesse la date du déparl,
dans ce désir fou, unique, de vivre encore auprès
d'elle.
- Hio/l Il'es t pIns joli que la Fra1ncc J .ieLa MarieAnge, toute il son admiration passionnée.
Yves ùe Lorade cita cc vers:
C'est la terre où flClLril l'immortelle beauté J
EL il ajouta lcnùl'emenl :
- Pourlant, Ô petite fille enthousiaste, les poètes
onl challté voire patrie?
- 1\Ia Pairie jl murmura l'orpheline, d'une voix
qui fit chaud au coeur d1l vieillard, ma vraie Patrie,
(' 'c5t la France.
- Cependanl. .. repriL le jeune homme.
-- Cependant, je suis née snI' la lerre italienne,
vonlcz-vous dirc P C'c
. ~L
vl'ai. Mais puisqu'il faut
forcémcn t que je sois infidèle, .i 'ni bien )e droit rIe
choisir mon infidélité, lI)'cst-ce pas? Eh bien 1 j'ai
choisi 1
Pour J[I premirre foi8 pent-êlre, M, <le Marhol'l in
terroges sa petite-fille:
Que connais-lu de l'Ilalie, Marle-Ange ?
Rome. J'en gnrde lin ~ouv(\nir
(',onfU8 et. An~
�':harme . .le n'aime guère Jes grandes villes . Il n'y a
pas aS3ez de ciel.
Elle parut réfléchir un court instant, puis elle re-
prit :
-- Et je connais encore, je connais surtout un
pauvre village, près de la frontière de France, un
ViMage fait de fIllelqlles chaumières, d'un cher et
vieux couven t, d'un étroit cimetière, et d'une' église
hanale ... là, dan s ce coin de lerre, ignoré, où leq
brllil'! du monde parviennent à peine, il y li une
humble maison où naquit celui qui devait être si
grand, cl rrue ' Oll S Gve? appelé, Monsieur, (( le plus
grand homme de J'Italie ».
fi jl. iflrarrlf5, Mademoisell e, l'~rne
harmonieustl
de sun pnys.
Les pnlnelles ardentes se veloutèrent de douce1ll'
ct s'ottachèrent sur M. de Marbort :
- Ah 1 p-ra nd-père, Ri VOllS saviez, si vous pou'Viez savoir le charme de ectl(' soliluùe, le parfum
d'oranger qui flolte S01l8 {'Il ciel, el la beaulé, III
Inélanrolir!11e heauté l'lu'il peut y avoir au-desl~
d'flne pa1 Jvre tomhe... orl dorme;lt ('('llX que l'a1110nr et la morl. onl unis 1. ..
Elle sc tul. Ses yellx chel'Chèrent la robe blanche
f~1I
Prre d'Armoy. N'était-il pas sail ref\lge, son soulJen P D'instinct, clIc l'appelait n son secours, contre
la possihle colère que ses pa raIes imprudentes poulaient su sciler chez l'orgueillcux vieillnrd.
Mni~
il n'~
fllt rirn. M. de Mnrbort appnyn une
l11ain cnre~Mt
sur le jeune front inquiet levé vers
lui, et il murmura:
- Peu l-être, lin jour, si Dicu ne me retire pas
trop tôt de ce mnndc, peul-être imi-j(] « J:i-ha~
n,
1110 i Il Ussi.
- Oh 1 /Ifnnd-père 1...
Dnns re rri-Jil, il y eut un tel espoi l', une telle
lrois hommes en fu/{rfllituc!r, qll'ulle mÎ,n nte, le~
J'cn 1 bouleversés.
Yv'~
de Lornde, qui savait maintenant toule la
d01oJrn
~ e his toire de crlte Camille de Mnrbort sc
l'O,jouissail en son coeur d'avoir, par ses éloges, j"exlr('~sion
df' son admirntion envers Angelo Sa"el1i,
�lïl. l. E
Il' '. 1; 1~
E
oontribué il faire naître dans l'esprit du vieillard
ee désir de jusLice el d'apai sement. Mais, comme
il devina Marie-Ange subitement attristée par l'évopensées
cation de tant de souvenirs, il chassa le~
gui l'a ssa illaionl, et reprit simplement un nouveau sujet de conversation.
Ils parlèrent de Paris, d'autems n la mode, ct même un peu de politique ... Et, invincihlement, il s en
revi n ren 1 ;) l'art mmical. Il di 1 le cha l'me qu 'jl avait
éprouvé ;\ "un e audilion des conrerls C<>lonne, où un
artiste de valell!' s'était fait entendre ulle première
foi s. Et il ajouta, d'un élan :
- Mais vou , ~.Jademoi
elle Marie-Ange, vous devez jouer divinement bien 1 Me lai sserez-vous reparlir sa n que j'aie eu la joie dc vous en lendre P
\Iarip-Angoc rOIlg-it 1'1 pâlit toul à la fois.
- .I c lit' jOllc jamais, Monsieur, dit-elle simplefllenl.
Tl .irl ll, malgré lui :
Pourquoi P
Et o1lrlai n, 1\1. dc i\1nrborl dit, lui aussi, d'Uine
h.lIc voi'( grave :
\1ai !l p01lrquoi, Cil efCpl, Ile jouerais-tu plu ~,
,ln ri!'-A lige
P
(;rnnd-pi" rr 1 halbutia-t-elle, interdile.
Va, mon pnfanl, va chercher Ion violon.
Ellp 1'0111'111 j usqll ';1 sa cham brr, e doigts mu\l'irellt 1'(lcl'in si bien fermé. Et elle leur apparlll, il
lou s tl'ois, le pl'êlre donl s'ac hevail la muelle prihe,
le vieillard vainqlleur de SO Il mauvai s orgueil, ct le
jeune hommr passionn (\ el tendre <]ui la rêvait Cil
-O Jl (,ŒUT".
Elle clint debollt devant eux, svelte ct fine, aveC
visng' extasié dan
~ leqllel brûlaient comme deu~
ll1ag.nifiqlll'g diamants, les beaux yellx d'Angelo Sn\ l']Ji. Et la divine mil igue, s'(\IpvrI danll la nOl/ce
lIuit.
Elle fil sC! dre5~(,.·
CJl )'~Iroile
barque où Hubert de
\farhort Ji ~a il dc ~ vers d'amour, la hautaine !>i1hOl/ellc dr. Holandr. do Chablv.
- Ol'r~-c
<'l'ri P ~'écrja:t-le.
Ikoutez, écoute?,
Hubert 1
III.
�FII.U'
n'Ali'!'!>" !'!.
Il fui debout e u m èrue Lemps qu'cll e.
--- Mais c'cst Marie-A nge Savelli 1
Elle regarda pa ssionné ment.
A travers les touffes des roseaux , elle ' disting uait
très bien trois ombres mascul ines.
- L'oncle Harold, le Père d'Armo y, M. de Lorade .
fit Hubert .
Et la June , une large lun e moqueu se , surgiss ant
soudain COlllfile par un miracle . au-dess us du toit du
château , rilll poudrc r, idéalise r, en f]u elque sorte ,
le beau vi sagc de la musicie nne.
- Marie-Ange, murmu ra-t-cll e, oui. c 'est bien Méll·ie.A.Jngc. Allons, le grand-p ère oB l en exlase devant
sa miral'lI lcll 'c pelil.e fill e . Tallt mieux 1 011 tant
pis 1..,
Et ~O l l'ire ironiqu e fit vibrer étrange ment qlleIque
loin taiu écho.
CHAPI TRE XVI
~ , voki le (·o urriel'.
le Mar<]ui
Illl paf(ue l de lctll'ps sur le plateau
aussitô t.
it
"ai sa
d'argel lt cl di ~[la
Le vieillar d nllira les j o urnaux , les revues, les mil
:" part. et IClldnrnl à Roland e lllle fille envelo ppe:
Des ffil il'ilnlio n s san s doute pour ton prorhe
Illariag e P
- Oui : une amie de pen sion .
- Voici If J.· ... vPll ir du PU Y- c! C-('I)III1 ' H. L(, veuxlli. Huhert P
- ~ r rci, mOIl oncle,
\1. de Maroor t sc mil lt l'ire
aujour d'hui.
- Tout le monde a sa di~lrjbuton
rr Ccci pour toi, Noël.
- Le Père d'Armo y, dit, le jeulllC homme en rer'onflai8 sant la longue écriture du religi e ux..
-
~l
o J\ ies
1'l
])l'nis
ur
~lI
il
- - Et. ccri eJ'Jtolie, Marie-Ange.
- La Bonne Mi're Supérie ureP Oh 1 donnez , grandpàre 1
�:--'I j
- Tiens, Ht le vieillard SUl'pl'io, l'II \"oi('j III)!) qu e
ju n'avais pas aperçue lout d'abord .
Il l'ouvrit, ses yeux coururen t à la signa ture.
Mon sieur de Lorade ? Que peut-il me )'ou-
-
loir P
- Sans doute vous remercier de votre bonne hospitalité, mon oncle, fit remarquer Huberl. Voilà
huit jour~
qu'il est parli, ct je le crois un garçon
1()lh
extrêmemen t correcl.
Le marquis lisait. Sa physionomie, qu e Holande
ohservait ù la dérobée, exprima des se ntiments diver~
: surprise, plRi sir, incertitude ... n plia posémen l Ja [ettre, )a reti nt dan s sa mu iIl, demeura si~ jeux.
Soudain, le vieillard sc dérida ft r-oInpre son roulisme, et il :lppela d(JUcemcllt :
- Marie-Ange 1 Vi('I1
~ ici, ma pel ire-fille.
A J'i nslunl, elle fut près d e Jni.
- Grand -père, que voulez-vou s de moi il
- Tc monlrer celte leltre. M. de Lorade Le demand e en mariage, mon Cil f,lIIl t.
ElIn cu 1 1Jn cri dc ~ Ilrpi
se indicible ct de défense
;" la fois.
- Mai s je ne veux pas me marier, grand-père 1
Il la regarda bil'n en face :
.
- Pourquoi P
Elle di L corn me LIlle plain le :
- Mais je Ile suis (JI 1'une petite fill e ...
Il sourit:
- SaalS doute que nou, Pl1iHryu'OIl t'i1ime. Quand
l'amour effleure un vi sage, c'est que ce visage est
déj:l proche de ses lèvres. 'l'li as 18 ans, MarieAnge, cl M. de LOl'ade Il <.:ompl'is )a femmn c~quise
l'fue I.u sera s. Ecoule un pcu cc cr lI'i! nIe di L :
«( Je Ile pui s ni lie veux l'ouhlier. Elle est le r~vc
des jours qui me res tenl ù vivre . ./e vous la demande, ~1ol
s ie\lr,
avec toule la ferveur de mon
[lme. EIIe est IIne noble flenr cl 'une l110hle famille ...
el en fin ct sllrtout elle es t Iii fille cl 'Angelo
avelli. Je l'aime pour toutes ces cho Cg ..• mai s je
crois bien que je l'aimerais tout de même si eile
n'ôtait pas de gl'llnde race, si elle ne porta i t pail un
�l'ILLE
D'AR'CiS TE
87
Hom glorieu x ... que je l'aimer ais tout simplem ent,
pan;e que c'est elle,., et c'est assez, »
Une confusi on charma nte envahis sait d'une teinte
rose le délicieu x visage de la jeune fil.le,
- Prends cette lettre, mon enfant, ajouta le mjlTquis avec bonté; tu la liras; tu la reliras : tu y
cherche ras J'écho d'un coeur que je crois sincère , et
III te décider as seule et libreme nt.
11 songea it à Marie, et il eul un soupir :
- Je reconn ais que chacun est maître de ~ a destinée ; que nulle autorité ne doit interve nir et, quelle
que soit la répon se, Marie-A nge, je la respect erai.
Laisse-m oi te dire seulem ent que M, de Lorade me
parait réunir de sérieuse s et nobles qualités cl flue
je te croirai heureus e auprès de lui.
De nouvea u, le silonce tomba entre eux. On n'entendait plus que le bruit du journa l de mode dont
l'oland e tomnai t. les feuillet s.
Celle-ci réfléchi ssait. Un travail obseut' se faisait
dans sa pensée, ct elle entrevo yait la possibi lité d'une
solution qui arrange ralL toute chose : ses projets
orgueil leux et le bonheu r même de Maric-Arnge, dont
après tout, elle n'était pas ennemi e.
de Lorude épousa nt I~ petit.e cousine , c'était de
~1.
lIOllveau le vide au « Nid d'Aigle », l'hériti ère di)'(-:(:le envolée , et elle seule reine ct maîtres se absolue
dan s le vieux cht'iteau convoit é.
M. de Loradc avait une carrièro littérai re fi pour; une carrière qui lui ouvrira it un jour le che~tlivre
Il'lÏin de l'Acadé mie, ct il ne pouvllil y renonc er. Sil
vie tout entière devait donc s'accom plir à Paris.
forcém ent sa femme , et
A Paris, il entl'a~ri
îtrait.
dispara
Il
I( l'ins trmc
S::lllS doute, Marie-A nge ne partira it pas de Clerlnonl sans emport er une grosse part ùe la fortune
de!\ de Marbor t. Mais, pui 3QU'il fallAit se rélligmcr 1)
perdre une ('hoRe, pourqu oi pas l 'hÔtel de lu pIllet·
VendÔme ? Le jeune ménage y inst-alle rait son nid
Ce serait parfait.
Ainsi, Roland e d e Ch9hly voynit al'l'iver un sau"eur inatten du, et [elle (-tait. sa gratitu de envers
de Rn f'ollsiœlC qu'clIc dit on riant,
le fiIllH'(i ~vrnlc
�l' II.LB
lJ 'ARTI 8lH
heur
~ e de taquiner un pcu la facile jalousie cl 'llubcrt :
- .\1. de LOTade est tout à !aiL eharmullt, et je
ne r onnais pas beaucoup d'homme.;; capables de lui
ètre comparés,
Marie-Ange tourna vers sa cousine ses beaux yeux
candides :
Vous l'u <:l'epleriez, vous, Hola Ilde ?
--- Si j'étai s libre ? Certes 1
_.- Méc hante 1 fit Hubert urn peu "oxé.
Elle dit gaiemen t :
J'ai dit : Ri j'étais lihl'e. Traduisez
si je ne
\ () lI ~
aimai ' pas.
- A la bonne heure 1
- Et je 11e comprelld/'ai point l'hésita tioll de Marie-An ge, qui, elle, n 'a pas d'arnour au l'ccur.
La fille d'Angelo se retourna vers le co in un peu
~ Ofl
ure qu 'offccl iOllllai L Noël. Illstinctivemen t, clic
ch 'rchait uupr\s de lui UII appui. Le conseil de dire
oui, 011 peut-être, la l'ui son de dire nOIl, oël n'~
lail plus lù. Il avoit JI) CJuitter la pièce, silencieuseIIH.'IlI, et rel!u/{ ller sa chalilbre 011 la tOlillelle fleul'il'
'lui était son r efu ge préférr 1
- Grand-père, dit simplellll'ill l'orpheline, VOIl
~
répondrez i't M, de LOt'ade qlll' .i l' °llis très flallée Je
~ a
demande ... et que je Ve1lx ... qllr j 'ai hesoill de
n:n ·chir ...
- C'est juste, fil le vieillll"ù. Va, pclit,.
Elle s'éloigna, de cette dérll arche souple qui la
renùait i attrayante, el descendit au jardin.
Elle cherchail Noël; elle avait be ~ oin
de voir Noël.
JI grand lrouble lui venait. En son l'oeil l', lout était
:,ornhre, et elle ne savait pIns ce qu'elle ~olhait,
cc QlI'ellc voulait; mai s elle se lltoÎl que ùu cÔlé de
NOl\) seul emenl lui viendrait la IlImière. Là-ba s, souS
la tonnelle où elle l'avait connu, elle le trouverait.
ElIc s'approcha à lrlls pelits pas, écarta le~
Cellilles 1:gl:res ... alors, die le vil. Il Hnil I~,
assis S\I('
un banc, le [l'ont dan s ~
main s, el entre ~CI
doiglS
mal joint
~ , de gros!es larmes coulaient.
Marie-An!!!' ~ r rejeta brusflllcmcnl l'II ,w rihl' ,
t.()I1
" l'r
",~
,·
~
!.lIl',lvaill'lIu
VII
~
()II ';l\ait l' lk
1 1 1111
�pris il Etait-cc possible P Nofl, si dur, si sceptiq ue,
J\ oël, si mailre de lui-mêm e, NoiH pleurai t 1 POlirquoi, pour qui P
Etait-ce la crainte de voir partir sa petite amie P
Mais alors, il J'ilirner ait, non comme une sœur, non
comme une eO ll sine, mais aillsi que l'on aime la
femme élue, la femme rêvée, celle que 1'011 destine
11 port e r son lIom.
Marie-A nge sen lait descend re en clic un ùour'Cll!'
onfuRe, en même temps qu'elle voyait au fond
d'elle-m "me s'éveill er el palpite r une grande tendres 'e en marche .
Elle é tait venlle auprès de Noël c herche r 10 lnmière, ct voilà que celle lumière l' éclairai t, l'ébloui sùe Lo~a iL ... Ah 1 nOll, elle n'épou sera it pa s Yves
aimait,
qu'elle
celui
,
voulait
qu'elle
Celui
..
1.
rade
c'était l'autre, l'être di gracié, méconn u, que mêl
me sa mère aVait repouss é, ce No';l dont l'âm e ~Ini
l'Oll'
hClIUX,
si
yetlx,
les
donl
noble cL génrel~,t
tenaien t tout le ciel.
ln tonnell e, 1'11 c hanta nt. Aimi,
Elle revint ver~
le jeune homme opprell drait . a pré cllce cl il aurait
r ses larmes. Elle fut o11tre les
Jc temps de ~{:che
de roses, IIlle "pe~
g tlirand
feuille ' 'crie, ous le~
pari lion radi ctI . e.
ollc on regard elH'ore humide de
Noël leva ~crs
pleurs ct il dit, un peu amer :
- Commc vous êtes gaie, Marie-A nge
Elle murmu ra :
- Oh J Noi;I, je s ui ~ lellcme n t, lelleme nt hCIIl'Cll . e J
Il jela bl'llLalelllen L :
- Parce que VOliS allez !lOUS quiller ?
chc\' 'illfe.
Elle seco lln les rOlules boucles clr ~a
- Parce que je resle, au contrai re.
Il eul vers ('lIe le regard du noyé qui ~c l'aecl'oc hc
;'1 la brait he de salut.
pas Yv!'!> de Lorodc P
Vous . 111 'épo~sercz
- JamaiS, Noël.
Pourqu oi P
Elle dit cl 'nne voix ferme
�~ li)
Ce serait mal de donner sa vie sans amoUJ'. El
je n'aime pas Yves de Loradc.
Il osa demander:
- Serait-ce que vous en aimez lUi Ullf.l"ll ?
Elle dit oui, très doucement.
JI insista :
- Un autre cl cel antre, sans doute, vous aime
aussi, Marie-AJlge P
Les beaux yeux noirs fixèrellll SUl' le jeune homme
le\lr flamme merveilleuse, et la voix tremblante murmura humblement :
- .Je ne sais pas ...
l1s sc turent. De la Ion nello fleurie, des roses
s'effeuillèrent; elles glis
~ èJ'en
l l sur la têle brune de
ln jeune fille et frôlûrenl les mains de Noël. Un parfum s'exhalait des fins pétales, du feuillage touffu
el des plan les vertes.
Noël songeait l.t sa jeunesse mélancoliCjue, à li
tendresse dédaigllre par Holande, II rclle solj tucle
d'âme et de cœur, qui l'avait si bien prrparé à un
amonr fervent, sincère, Illlifj1Je, Il cc rnagniIiCJuc
amour qu'il éprouvait ot>puis la venue de Mari('·
AIllg-e. Mais pouvail-il croire qu'il lui élait chef',
fJu'il rénlisait le r<:ve do cette enfant jolie, lui qui
~ f)
savait iIlIiI'HlI', ridicule, lui don! une mère jèldis avait. eu llonle il
Cependnnl, le silrnce elltrc cux devcnait 101lrd, cl
IIne hm , quc tri "tesse frôlait l'ûme ùe ln jeune fille.
Avait-elle compris tout fi l'heure P Etait-cc bien
pOUl' elle, à cause d'elle, que S1l1' le vi sage tourmenté de Noël, il roulait des larmes hl'lllnlllel P
Son chagrin li 'a vilit-il pil~
une anlre cau se, mIe
cause étl'Ilngè)'e il
Et. le doute, le clollte d('>('llvnnt, snI' elle aussi ,
gOllfte ft goulfe tombait.
Lc jellne homme eut-il COltS iencc (l'une ~ouf(ran
ce possible pour ce coeur cie prtite mIe P Il sc leva,
entoura d 'nn bras tendre les fn:les épullles et il dil
avec clouceur :
gal'(rf)J~
CIII'( ' I'" ? C'nl bien
- Alors, lions vou~
vrai P
ct livrant au hlc'II regard de NoN, SC . ~
Elle ~olT'i,
�\11
grands yeux sombre s pleins d'urie secrète tendresse,
:
elle répond it simpleU1~nt
- ,Vous êtes tout ce que j'ai de plus cher au
monde ct. je pc conçois nul bonheu r où vous ]1e sefiez pas.
CHAPITRE XVII
Le timbrc dc la pUI't.e d'entré e ayaut résonné plir
deux foi s sous la pOllssée d'une main impatie nte,
Mlle Aurore de MarLor! se leva et vint ouvrir ellemême.
- Toi ! Rolande 1 s'écria-t-elle, slIrpris e en J'Cl'élégan te silhoue tte de la jeune fille.
eOl1n(is~Uft
- Bonjou r, tanle Aurore. Esl-re que vous ne voule7. pns m'ernh ro ;o:;ser P
Elle se courba it vers )e vieux' visage J'idé, si fiu
,/lus ses c lleveux de neige.
- Volonti ers, ma fille ; d'autan t plus gue, soit
dit suus reproche, c'e,,' nn pluisil' qlli ne m'arriv e
THIS so u ven 1..
VOliS me g1'ondez, I:JIlle Aurorp P
le droit. Tu ne me g:1tes
- .1 'Cil 31ll'ais pl 'L~ qlC
pas, sais-lit P
~ rL'co11nai ssez que je ne sors
- C'esl vrai 1 MHi
quolidi enne à cheval en comladr
gnère. Ulle promel
pagnie d 'Huberl , à travers la cnmpuwne, daJIS les
hoi s ou les chemin s les plus déserts, et c'esl tout.
el je n'étais pas faiLe pour le~
.le suis une salv~ge
.
es
temps modern
, en effet, plniMnla la vieille
- .Te le vois a s~ez
inc du moyen- âge, guerroy ant
chiilela
en
elle,
demois
auprès de Ion époux.
- .le n'aumi s pas Cil peur, dit Rolande, 00 S'I18ennt dAns le grand fauteuil, Cllce il Ja fen~tr
~er:l
Ir ouverte .
1\1l1e de Mnrbol't reprit SIt pIllee c.o1ltumlère, entl'e
.
r.lticn et son chat cl 1'01lvrage ('{)mrnec~
~on
?
o
continu
je
fJlIC
~
l
!
m
'
l
r
'l'li
�l'U_LI.:
U ' !\E\'IIRTL>
Vous travaillez toujours, mu tanle, Qu'est-cc
donc quo cc tricot ?
O Il~
de ~oê1.
U Ile brassière pOlir les (lOUJ
Les poupon s ùe Noël l 'écrÎlI ~lJc
dc Chahl>
Cil riallt ; \-DUS "o us mOfJlIC7. de moi, j e suppose?
~oël
est p "rc de famille : Depu is qu alld il
La \' ieille fille assujettit .;u r 'Oll pelit nez ses énormes IUllelles, cl, regarda1llt Hola ndc :
- Comment 1 tu ignoreR ('c lle œuvre f'l13. l'il llhk
<jlle di ri ge leH I cousin P
-- Absolument.
- Tu ne sai s pas, ct nul Ill' I I ' ,a it peut-,;;n'
au « Nid d'Aigle )l - qu'il s'es t eréü i't Clermonl
une sorte de « Pouponnière )l , où l 'on so i ~ nr.
klo é l l~
ma
l nde~,
Ollon les f q'o it avec leul' j eune 1111'l'C, ct gnlce ;' 1 laqu Ile on so ulage bien des mi'l' j'("
et J'ail 'a uve biell ùes petits jl
- Et oiq est :'1 la tête ùe 'elle (( POII[l0I111Ît:rC » ~
- J\.(ais oui , Seulemenl, IIC lui en parle pa -, Tu
~ ai ' comrnent il cs L.,
- Original?
- Si lu veux , Peul-t' Ire pl'I.:f'l'e-t-il qu 'o/l ign ore
le bien qu'il fai l.
- Je ne lui ùirai rien, lllnl' \lIl'o/'e . 1) 'ailur~,
j e ue suis pas "enue pour vou s parlr:r de _ 0"1.
- Au fail, pelite, qu el est Je bul de III visilt' ~
Cnr je me douLe qu 'il y Il un bul. 'l'Il ll'CS pa ~ Ulle
ililpul ive, toi, cL tu ne fni s l'ien ~a m
rai so n, Mai ",
cl 'aoord, di s- moi, tOit mariage ~
- II ubel'l a ma pl'Omesse , eL rie Il Ile me t1é\A1ChcJ':1
de lui. SC1l1emen t, le maria ge , la vie nouvclle ct. ..
le départ, du « Nid d'Aigle )l, toul cela cst un peu .. ,
dur.
Une ironi e brillait dOiJ1 fl les pelit ye ux rJ1al icieux, dOl'ri/'rc les gros~e
lunett es :
- Ton drpnr l d1l « :\T ic! d'Aigle )), surtout, n'cs le pa s, nolande P
Avrç IITI élan de fran c hi se qui ne manquait pa'
.l" llol)lt'sse, la jeunc fille a vouo
G' t: . ~ t vrai.
- Tu
Et
PH fl' i1 Il cite_
.i r
Il' "'l'ai .i1l
~ C}1I'
hou L, Lallte A\lrore . .le
�F I LLE
D ' A RTl ôTTi
He puis suppor ter cette idée que je 111 'eu irai du
châ teau 1
- Mais tu n'y es pas née 1 tu ne l'as r as toujours
habité 1 et tu sav ai , ~ bien que lu n'avilis pas le droit
de le croire chez toi il u « Nid d 'A igle l) P
Elle dit à mi-voix :
- Cc droit, j e pensais que je "au ra is Ull jOll r ,
.- Comme nt P
- En épousa nt Bubert de MarlJort, l'hérili er di rect ct re co nnu, le chef futur de la famille, en devc11anl la fill e, ln Haie fill e J e mon oncle Ilarol rl,
Tan le Alll'Ore reproch a douçern eul :
- Tu oubilia is donc ta cousi,ne Marie ~
- La femm e d ' .\mgelo Savcll i il fit ,avec hauteur'
l'altière j eun e fill e,
- ,\];JI'i e de Marbo !'l, corrige a simpl eme nt la vieil l('
demoisclle,
Roland e jela, la voix dure :
No n, Ma rie Savelli ; Maric de \Iuruor t élait
q\l e sa
(11 0 l'le da li S le cccu r de SOli pr.rc, ct j e oais
volonl é me substitu ait ,'1 elle,
- Et tu aurais ac<:cpté P
- Pourqu oi pas P Ma COU ,5i n c Mari(' expi ai 1 s a
(~ palerne!!", N'rlait· cr
faule, ~ n !'ébeWon ;) l 'a ulori
pas j 1l ~ 1 i,' (! il
- Comme lu cs duro, n olande 1
- .J'ai l'o rg uei l ùe m a race, ÙC mon nom , et tC
nom, moi , jl' le pOI'I('rai bi en,
Les bea ux yeux d 'é meraud e se in tillaien t cl l c~
lourd s cheveu x blonds faisa ient com me une aUl'éole
altier,
luminc u se à ce j eun e vi ~ ng-e
«( Ou i, songeni 1 1\ Ul'Ort' de Marhor l, cell e·ci osl
Vraiment de la li g née indomp lable des nmazones ,
: pa s de
II ne volon té ne ll c, une in lclligen ce d'élite
»
cocllr.
d,.
l
pel
Irll8
cl
ncrfs
'Et, comme co nlT' n~ l e , la vision frêle de ~ ' rali
I\n R'e , nvcc so n rega rd dc velonrs, Ma hon che frél f~ âlllc Je douecuJ', urg it en SO li
llli ssa nie el sa peli
cspl'Ï l.
El le dit ('(l'trllll e malgr() elle:
d'Aigle )l , ulle ch.) ,
- Oui, 1\1 :Jurai- élé, nu «( '~id
Mab
t reoi~,
d'al
aÏel1lcs
~
e
l
h
o
n
allx
ltlhle
!\crnb
1' ~ l a i 'le
�PILLE
D' Al\'l'J5TE
le destin a voulu que, de l'amour malheureux de
Marie, naquit une petite fille ... et celte petite fille
a tous les droits de sa mère devan t la loi do Dieu eL
des hommes. Ne le sens-Lu pas, Rolando P
Mlle de Chably évila de l'épondre. Elle dil seulement :
- L'oll<:le Harold a cherché un de Marbort pour
redonner à Marie-Ange Savelli le nom perdu. Ainsi,
il eût été logique qu'clle continuât, au « Nid d'Aiglc » l'antique lignée des aïeules. ,Mais il n 'y a plu~
que Noël. ..
- Et pouJ'/juoi pas Noël P fit. hrusquement tallte
Aurore,
Holande se mit à l'ire:
- Noi!1 garde au cœur un amOllI' malheureux, ..
uu amoul' d'ellfnlnl. .. un 111110111' qui vient de trèS
loin, el donl il ne guérin) pas. Il esl. semblnble fi
ces jeunr.s fillc8 de votre temps dont vous parliez
lout l" J'hourc ... celles dOJ1t on ,n'u pas voulu, el qui
cn p0rlcnl le dcuil A j~'mais,
Elle sc luI. Sur lcs lèvrc <; milices rIe la -vieille demoiselle, il y eut une sOlte de sourire narquois, mais
lomber sam répondre la dernière phrase
elle lais~
de sa ni~('P.
El tr flll celle-ci qui reprit loul d'uo
coup, a~er'
une indifférence voulue:
'avi(z-\o1~,
lanle Aumre, qu'on 1\ newRlldé
~1aJ'ie·Ang
en mariage il
- Nullemcllt 1
- Oh 1 ln Icllre est al'rivée hior, L'ollcle 1J1l1<.»J
l'il luc, devanl 'I)(U~
f(:1lti~,
pl il doit venir VOl~
18
cOlllmuniquer,
- Aujourd'hui. ..
-- Mni~
.. , je suppose, ,'\'Otls wmmes descendllS ensemble, lui, pour passcr à la houquc, moi, cher. 1118
tailleuse.
« Et tu n~
lenll Il me voir avont lui, pens" ln
vieille dernoi~lJc,
POUI'([lloi P »
Elle demanda :
dit le nom de ce flnncé évarr- Tu ne III 'us pl~
1ne!.
M(m~iel'
de Loradc.
- Le ('<lnffll'('rH'il'r (Ill (lrrnicr f:oncp,rl P
�_
Lui-l1~me.
Mon ollc1e Harold l'avait engagé
~ venir nons voir : il est rest6 huit jOUl'S et s'est
t[Jl'Îs de M<lfie-Ange,
_ Je JI 'eu 8ui~
pas él.onnée, olle est si charmante 1
R.olande jeta avec vivacité:
_ Mais M. de Lorade ~l1si
e~t
tout 11. rait ChMInant, je vOus as~ure,
_. Lili plaît-il P
,-, Je ne ~aji)
pas.
_ Enfin, qu'a-t-elle oit quand ton ()flt'le lui a
transmis celfe demande en mariage il
_ EHe ..1 eu l'ail' tout à fail surprise ; elle a
l'Qugi cL a dit, salls qu'on puisse savoir ~n vraie pen~ée
: « .le l'l:J1échil'ai, grauù-père, »
,
Mlle de Marborl l'cgarda longuement sa nièce,
_ Tu C'i un fille sensée, toi, Rolande. QlIelle est
Lon idée, Ill-dessus P
_ M. de Lorade a tout cc que pent sO\lhaiter ln
jeune fille la plus exigeante, l\lill'il'-Ange devrait ac<lime beaucoup, hlllte Aurore; elle
repter, Elle vou~
ne fera rien salIS \'o us cOllsuller ; j'e ~ rèJ'l}
'lllC vom
lui con
~ei le\'cz
ce mariage.
(( Tiens, liens 1 pensa Iii vieille fille.
_ Personllellemellt, ce mariage le serail agréable,
no]anùe ~ demonda-t-clle d'no air illùifférent.
- Oui..
, r.(' pe til mot é1ail tOlllhr OIV( '~ 11 Ile cornpli'tc
Irnw:hi sc de la jolie houche ,olonLaire.
- Vellx-tll m e dire pourquoi P
Elle répéta de nOllveau :
- Oui.
~ se erois(-relll, puis Mlle
Un instant, 1eurs IcgaJ'd
(Je f:llIlhly expliqua posé meJll :
_ J'avais pen sé ceci, tonLe Aurore : que MarirAnge, épou~,H1l
Yves de Loradc ct deVOIrl! restel' nullJl'elleJnelll ~I PUI i8, 00 le retiendra fla carrière littéraire, il serait 110tll)'('] qUI' ] 'onrle Harol d lui donne ,
Uv -r. In parl de fortune qui lui conviendrait, l'hôtel
<le la pla ce Venùôme.
- lit non moillls naturel, ll<'llCYO Ml! de M/lrh!),,! ;1\('(' clllme, qu'il vous gArde, HlllH-rt ct loi, al!
�CI Nid d'Aigle ", qui devie ndrait ainsi vo~r
e part lé gitime. C'est bien cela?
- Tout à fait cela .
Ain si, Lu n'aurais pas c u entier la colossale
fOI'lune ù es de MarborL ; mais, touL de même, c'est
Loi qui tiendrais le plu s beau morceau. Bien calculé,
ma Lille.
Il \' avait dan s la vo.i x de la vieille demoiselle
ull e {ro·nie aiguë yui blessa l'orgueil do Rolande.
Poul'lant, elle garda sa douc eur aimaule et cct ac{'enL de frllllchise qui n'était pa s sans charme.
L'oncle llarold va venir vous 'vo ir, LanLe AUi
J·ore. Salis douLe, vous parlera-L-il de to ut cela.
- f:t Lu voudrai s que je lui souffl e re dont III a s
tant envie, n'c sL-ce pa s P
Mon Diell. ..
- - 11.11 fond, ce tlue lu proposes , pOUl' n'être peult·tre pas la purfaite .il ~ tice,
ne ~ erail
pn s mal 101lt
de même.
EL ell e ajuuLa, après IIne millut e de silcn ee :
-- .l e parlerai à llnroJtI, petil e ...
Rolallde sc leva. Avec plus d'affcction que de cou·
lume, ell e embrassa li vi :;uge rid é , les cheveuX
hlancs, el ell e di 1 genl i men 1 :
- Je VOli R en l'em cJ'l·i e de IOllt rn.:ul'.
Fll e s 'on alb , empo rlaJIl. au fond de son llme 01'~ I\eil
c u . , e,
r o nlme un r ~ p{)ir
lnmin eux, ln promesse
ri . tanle Aurore.
CFlAP1THE XVIll
Le ('loch!'!) tic Notre-l)ullI e du T'orl ~() lI1 è l'( ~ lI
III
~e
s 'ollvl'Ïrent
:;orLie de J'offi{'c, el les porlCH ùe l'égi
toulcs grnndp s pour lai sser pl ~se l ' les fidèles.
Iilrc-An~
s 'afla l'daiL II sn pril're, l'tlmc plus lwut
que le s mi s('J'cs d c {'c mondc, 10 111.' l\ 1'1i1'r1cllr my s ti'lue
moment.
'
Mai
~, ayant Vil nu fond de ln nef a ~8 ombrjc
où Je"
Ilnit"r'
~ ·, '(.ll'ig-nllir,nl, la hl'llltr silltollrlfp du Phr
nu
�FILLE
n'Al\TISTJ<.
J'Armoy, clle fil simplement le sig ne de la croix et
~o
n SO[]
rti
LOUf ..
Au dt! ll ors, proche de la porte, elle attendit le
prêtre. Sa robe Llall ehc, SOU8 le soleil, parul d'une
pureté Ioule semulable il ('c ciel de juin el chacun
de ses gestes semaÏl de la clarLç,
_ Ma petile fille, dit-il avec celle amabililé COllfloise dOl lt il ne sc départait jami
~ , voulez-vous re!honl er tout de suite au « Nid d 'A igle » ou "ous
plaît-il de prom ener un peu dan s Clermont ~
_ J'ai promis à Noël de J'attendre au Jardill public, aussillJt après les vêpres. 11 viendra lrr.s pro lJ e faire linc
babl eme nt en auto, et nou s irons e , n ~em
vi sile à sa poupollnière .
Et cllc ajollta auss itôt, ~c>uie
u se
de n'être un ennni pOlir rersonne :
._ :l'lai s j'irai se ule jusqu'au jardin, mon P~re
;
ne vous rroycz pn s obI igt': lIe lYl'ae('Olll pagne r .
11
1l0urit :
_ L'obl ip-ulion me serait dOllee, mon enfant.
i)'niJl cllrs, j' irai volontiers moi au ssi l'qvoir les oiSC'ilUX sa llvnges cl les ht- Ies plu s o u moins féroces de
1'(' , i f ' lI\. j ardilll lall l aimé de mou enfan{'e,
SeuleIn ~ Il,
je veux, avonl tOlite au lre <'lIGSe, dire bon.JO III' :1 IItn rO
Ll ~ ile
Auron>.
\ ln ri c-,\ nge se mil ;', l'i re
_ Ah 1 · tanl. pi, ! Nod m'allendra, mai
~ je I l('
résiste pa 5, moi non plus, au plai sir d'allC'!' voir
lante Aurore . .Tc vir l ~ avec YOU~,
mon P~r
e .
La vieill e d('l
(l i ~e le
les accu ei llit aver 1Ili e j oie
Vpritahl(' :
.Ia('ql!~,
ql1clle surpri se 1. .. M6rlitez-"()I~
lin
[l.l'oche dôp nrt au pa.ys Ùl'S nèg res , pour me fIlin'
:1I 11 'l i relie vi~e
iilnllcndlle il
, -_ Mais non, ma btlllllC cousine; je ne pen se fJlI ~
:, '1 llill f'1' la J'l'flllre avant ln lin de l'wnnée. Vous sn VPl bien 'I"e j e doi,.;, avont mon départ, marier Hu bert et n olandc.
- Oh 1 dan s ce CO!!, fil Mll e dl' 1\11I1'l>ort av!!{' imIii!', YOU R av!!z le lemp
de prépa rer vo~
malles 1
_ Vou s trollvez qlle pour ulle !1unc{>e tendrement
Pl'i
~e,
MIll' dE' Chahly mancplC' <1 ïrnpa lie,o re il
•
�PluLôt 1
Cependant, je ne reculerai certainement pas
mon départ au-delà des limites fixées pal' mon supérieur. Et Harold tient absolument ù ce que la bénédiction nuptiale soit donnée par moi à ces enfants.
Mlle Aurore murmura, montrant ,Marie-Ange du
regard :
- Et les lloces de celle-ci, quand les célèbre-t-on P
La jeune fille se mit ù rire:
- Les noces p mais, tante Aurore, il faut être
d'eux, je s upo
~e
1 Où voyer.-vous le fiancé P...
SUI' le nez de la vieille demoiselle, les grosses IuHetLes tremLlèrent, signe cerLain de surprise indicihIe.
- Que veux-tu dire, petiLe ? Aurais-tu, par basard,
l'cf usé M. de Lorade il
Mlle Suvclli répoudit posémen t
- J'ai l'cf usé M. dc Lomde.
AUl'Ore de I\lal'uort sursa uta :
- Hcfu sé M. de LOI'ade 1 un garçon si charmant 1
un hornme célèLre, un futur académicien 1... Es-tu
fnlle, petite il
Et toul'llée vers le prêtre:
- Vous saviez cela, vous, Jacques P
- l\Iarie-Ange il donné sa répo nse définitive, prise
aprè' fIllirC réllexion, ce maLiu, dan s le salon où
nou s étions Lous r6u nis. Et notre cOl~i
Harold a dù
IFl comJl1l1l1if)uer Flujourd ' hui fi M. de Lorulle.
LFI vieille fille rcga l'da lon g uemell L sa nièce.
- J'avai s parlé fi 1011 gralld-père, petite ; il parai ssu it heureux eL flatLé de celLe recherche. De ton
('ùté, tu m'ovai s exprimé, ù plusicllrs reprises, une
sy mpathie sind'l'C pour cc .iell'ne Ilolllrnc ; je croyais
donc quc c'étail chose faile .
Bru squemellt, elle sO llgea Ù Holandc, aux espoirs
déçm de celle-ci, el elle entrevit, salis pouvoir s'expliquer sn pell sée, une fOlllc de cOfllplicnliolls qui allaient surgir ù cause de celle déci
~io
l illuLt en due de
Marie-Alllge.
Ellc posa sur la Lête brulle .lUX courts cheveux hoUclés, une main fine el ears~l,
el elle dit nvec douceur :
�Ji'ILLIl
D'ARTIS TE
99
- Pour avoir refusé M. de Lorade, lu dois avoir
Une rai son grave, une rai so n bien gra ve, ma fille ~
La voix chanlan te. un peu basse, de la petite Italienne, lai 'sa tondJer simple ment:
- .Je n'ai qu'une raison, ma lanle, el elle me Plll'ait suffisa nte: je n'aime pas Yves de Lorade.
,- Tu Ile veux pas, à moi qui l'aime i sincèrel11ent, au Père d'Armo y, qui a été .Ie meill eur ami
de ta mère, tu ne veux pas nous dire pourqu oi ~
- TailLe Aurore 1
Une cOllrusion charma nte envahis sait les traits candides ; sur les lèvres fra1ches entr'Ollverles pour les
paroles de vérité, l'aveu passa, ingénu et troubla nt
qualld même :
- Parce que c'est un autre ql1e j'aime .. ,
Mlle de l\larhor t ct le prêtre sOl1rirent. Comme un
so uffle slIr leurs dellx [tmes de honlé, ret amour,
('e cri de lendres e avait pa ssé , ct ils Je respira ient,
tel un parfum .
- Petite fille chérie, mllrmu ra la vieille demoipelite fille dont le cocu/' avait un secret, cc
~cl,
'C 'J'ct, nous le diras-tu lout il fail ~
« Ne devron s-nous pas, par jeu, nous amuser ~
deviner le nom de cclIIi qlle tll as élu P
Un wurire éclaira le mobile visage, ct Marie-Ange
tOllrmura doucem ent :
voulez &1\o i r son nom, tan le
on nom il vou~
\III'ore P le nom de l'homm e que j'aime il ..
Elle allait parler, jeter, dan s lin élnn de tout l'être,
1e chhes sy llahes, si SO llvent répétée s en so n i\me ...
tnni s la porte s'o llVl'it tout ft coup, eL Noi'l de Marbort paruLEt, sai. i ~ 101ls deux d'un t!Lonncment indicib le devanl cc qu'ils compre naient, cc qu'ils devinai ent,
tUlile Aurore ct le Ppre d'Armo y regarda ient d'un
regard il ln foi s surpris cL charmé le visage radieux
...
de ~lI'Îe-Angc
Noiq ne vil rien, ne devinn rien. Il vint ver la jeu'
ne fill cl ln gron da genlimenL :
1 Vous me donnez d
relire ou~inc
- ~lédHne
c :/ IV, .tendc7.-vous 01'1 vous ne ven!'z pas 1
,
'"
.' :
jela, con rl~I
l~Jc
�jf)O
FU.LIe;
D ' AH'fISTE
- Oh 1 Noël 1 c'est la faule du Père d'Armoy qui
m'a enlralnée ici ... et de tante Aurore, qui me fait
bavarder comme une pelite pie ...
Elle se so uvint du sujet de leur conversalion et
rougi t ju squ'à la ra-cine de ses fiu s cheveux. Puis,
offra,nt ses mains enfnnlines :
- Pardonnez -moi, Noi:l, et partOll s .. si du moins,
vou s voulez bien encore de moi.
Le beau regflrd bleu du jeune homme s'adoucit. ..
un rêve so udain y pa ssa .
- .)e vous veux enco re, Marie-Ange ... je VOliS veuX
toujours ...
Il avait parlé ba s, si bas, que le reli g ieux et )a
"ieUle fille, nn peu à l'écart dan s l'en ca ùrement de
la fenêlre, n'avaient pu l'entendre.
Mai s la douce phra se chanta comme ulle mu sique
dan s l'âme de l'orpheline.
Elle lendit ses doigts menu s il .Tarques d'Armoy,
. ()In front à la hOTine lante et, IDuie frémissante d'une
joie imprévue, elle suivit son cousin.
Entre eux, ù travrrs les propos qu'il s é<.:hangeain t
sc percevait la douceur d'une intime Gornmunicalion. Il s parlaient d'art ct de mu siq ue et rIe ... Pa sca l,
dont ils avaient ellsrmble vi sité la maison matale cl
lu et commenté l'oeuvre imm or tell e. Noël avait senli, jl.U cOlllact de so n intelligell cc pénétranle, s'éveiller le frémi ssant csprit de Marie-Ange, ct ç'nvail é l{'
UII régal pOUl' lui, le fin leltrlS, d'ouvrir i.t 1:1 IllJuit"re intel1rA' luelle ceLLe jeune smlsibililé.
Ln Lend l'esse qui rem plissa il et débordai t SOli il me
s'étaiL élnrgie en quelquc 80 rle, à mesure que lui
devenait plus familier ce pctil êtrc de grû('e cL de
séduction.
.
A celle heure où, OI ss is tout proche l'un de "110tJ'e, SUl' \lll banc du .lardill public, il pouvait s'enivrcl' <.le la pré ellce chérie, il song'l'ait il ('cL (( ellvahi R~e
menl
dq pa ss ioll » dOlll fi parl é ju!!lcllI en l cC
P.lS<· ul, sujeL de le1lf8 cause ri es cl dc )r uJ's clltn"
1iOll s.
Oui, il éLail cnvHhi d'l'Ile, de S011 charllle el ' de ~l l
IH'[Iu lr, ri 'il ne ~ : "ail
plus, tant wn Irouble élllii
:." l all <1 ,
'il ;t lll'ait (' rH'Ol'e ;t " ' r l d,' t'orel' d'(\OlC, de
�l' Il.LE
lJ' ;\.1\11&'1'1;
101
Yoloulé el d'énerg ie, pour scellcr sur ses lèrrcs Je
chel' secret qui les brûlait.
D'ailleu rs, que pensait -elle, eetle petite MarieA.nge, dont les beaux yeux trop éloquen ts révélai ent
l'intens ité d'un rêve P Vers quel élu montai ent les
d(lsirs de ce coeur de vierge pensive P Quel homme
-. Je premie r - avait troublé cette enfant P Noël se
le demall dait avec angoiss e. La perdre, ce serai l déjà
horribl e, mai s la donner ... à un aut.re, ec sera it, il
le sen tait, les affres de la mort.
Il songea it à ces choses, cepend ant qu'elle avait
Ouvert un livre de Samain , el il l'enten dit murmu rer,
de sa voix musica le, ce doux vel'S, musiqu e luiIllf:me :
Ton sotwen ir est comme un livre bien-aim}.
Doucem ent, il appuya sa main sur ' la pilge
- Ne li sez plus, Marie-A.ngc ... cc poème fail mal.
Elle parut réfléch ir quelque s seco ndes :
Quand on est tri ste, Noël, cles vers comme
mais
peuven t être déprim allts, c'est vrai
~eux-ci
Ils sont si doux quand on est heureu x 1. ..
une paix M>
11 y avait sur son visage ang~liq\e
feine ct le rellet inten se d'une joie très 8ûre.
fl demand a, un peu malgré lui:
___ Ain si, vous f:tes heurem e, Made-A nge P
- Oui, fTl-elle, ouvran t SCH yeux immrns es.
Il osa demand er :
-- Pourqu oi il
qui lui fit \ln viMge de clarté.
Elle cut un ~olrje
- Je sui s jl<'llt'ell sc, parce que la vi e, si méchan te
autrefois, es!. deyenne Il'ès bonne ; parce que grand.
Père m 'n fail llne plaGe Cil SO li CŒIII' . .Je suis heureuse , parce que tflnle Aurore et le Père d'Armo y
Il)'ento urent de tendresse ... ct puis, Noël, je suis heureu se pou!' des choses plus simple s: parce qu ' il fait
une journée de soleil, que ce jardin est plein de
roses, que le ciel est loul bl eu HII-dessns de nos tètes ...
Et elle njouln, très ùou cem ent :
- Et parce que vous êles lil, Noë;!. ..
s ien~.
1{ lui prit 18 mnin cl, III relint cinn .. le~
�FILLB
D'ARTISTE
Ce fut comme un frêle oiseau, dont il sentait 80u5
ses doigts palpiter la chail' vivante.
- !Via pelile cousine, demanda-l-il, très bas , pourquoi avez-vous refusé d'épouser M. de Lorade P
Elle se mit à rire :
- Alors, vous aussi P Vous avez donc lous juré de
me poser celte question aujourd'hui P
JI la, regarda, ne comprenant pus.
'
- Oui, tanle Aurore et le Père d'Armoy, tout iJ
l'heure, m'ont Jemandé, comme vous: Pourquoi a8lu refusé M. de Lorade P
- Et vous avez répondu P
- Mais simplement ceci, No';l : je n'aime pas M.
de Lorade ; je vous l'jli déjà dit, d'ailleurs .
Il chercha ses yeux.
- Vous m'avez dit aussi q1le vous en aimiez um
autre.
Les longs cils ne s'abaissèrellt pns sur le beau regard velonlé.
- Oui, Noijol.
Alors, il jeta, âprement :
- Mnis fluel autre P Huhert P
Le beau ri.re de Marie-Ange vibra dans l'air.
IIl1herL P Certes non, .ie n'ai pas envie de
Ill() baltre avec Rolande.
- Oh 1 Rolnnde 1. ..
Elle nime voIre frère.
Il dil. avec mélancolie:
- Le cœllr de Holwnde e ' 1 11Il livre fermé, donl
personne ne IrOllvera la clef, j'en ai peut'.
Elle le regnrdn, un {'ourt instant, puis elle interrogea, avec timidité :
- Vous J'llvez aimée, Nol]] P
11 ne n in pas.
- Oui, je l'al aimée. Elle fut. 10 r~ve
de mon adolescence el je croyais en elle avec passion. Mais le
destin m'/l fait l'être misérable que vous voyez, et
nolnnde m'C RI npparue telle qll'elle est yrniment :
un êlre d 'orgllt'i 1 el de violence.
Il njoul1, tr('s simplement :
je ['ai mépl'i- ,l'ai souffrrl par ellc. LoJlgtemr~,
'~\,
hnÏr, l\1oinlrl1l1111, ("c~t.
ra~,
Mllrifl-A ngr. Je
�FIl LI.
Il '.UI'I ŒTt,
JO:]
souhai t' son bonheu r el celui de mon frère. Je ne
euh; jaloux ni d'elle ni de lui.
Il dit, avec ulle ferveur conten ue :
- Mon coeur est plein d'une autre image, ..
Un inslunt , leurs regards se croisèr ellt : celui du
jeune homme tout illumin é de passion : celui de la
jeune fille rempli d'une iueffub le tendres se.
En même temps, le même émoi lellr venait, indicible, profond et si cha te. que nul désir impur ne
les frôlait. Ils sentire nt confusé ment que celle minute é tait unique , qu'elle r:onlona it peut-êt re tout
leur destin, un grave et précieu x bonheu r, et il s
la savourè rent en silence.
deveDans le grand jardin où les promenu,~
naien l plus l'arcs, la fraîche ur du soir, tôt venue dan s
Ce pays de mon tagne, IJl'usquell1en t tomba su r eux
et Ics envelop pa. Le vert des plantes et des ga'w ns
s'assom brit el le ciel, décolor é, sc nuança de mauve.
Enlre les mains de oel de Marbor t, la petite main
pri oJ1nipre cul UlJ fl'émis rment, cl !'l'iarie-Ange dit
avec une len te douceu r :
- Mou alOi, mon grand Hmi, Vonh avp7., vons ;\U8~i,
lIn secrct, un chet secrel ...
Il répond it :
Comme VOlIS,
- Vous aimr7., No(q ?
Comme vous, Marie-A nge .
Ellc upplia - el sa voix trembla
- Oh 1 Noël 1 dite '-moi (1 son » nom.
II souri 1.
Le Hom de cclle que j'aime P
Oui, Noi;!.
11 eeoua doucrm l'llt III tête :
Ma pauvrc pelite ('ousinc , si je suis assez peu
; i,
pOlll' JlC pas sa voir domptc r mon ('oeur
g~c
étant ce que j e su .i s' : un infirme , .i 'ai la faible sr
d'aimcr IItorr, d'aime r quand même, du moin mil
volonlé sera a 'SI'Z forle pOlIT' taire le nom bien-ai mé,
Elle étai t pnle, ct cs yeux si noirs s'aHsombl'isa i ' lit CII('orr. 11 repl'i t, avec une sorte de l'age :
- Oui, j'aime . .J'aime IInc cnfant jolic cL tendrr
mon âme tout ent ière;
dOnt le pl'cmir r l.Ollri('(' n pri~
�]04
.i 'aime
une fleur vivante, ooe fleur de chair, doot la
jeunesse radieuse m'éblouit, me rend ivre... mai
~
j'aUl'ais trop peur, si j'avouais mon rêve, de la voir
s'incliner vers moi par pitié ... et jamais, vous entendez, Marie-Ange, jamaii:! je ne lui dirai : je "ou~
aime.
Elle avait compris. Pouvait-elle douler encore que
c'élait bien elle l'élue ~ Une joie infinie la boulevera, renver ant en son coeur Loules les conventions,
Lou s les préjug (' , et elle sentit que, pour leur bonheur à Lous d eux, l'aveu devait venir d'elle-même.
C'est donc elle qui devra parl er la premirre ?
Elle Je regardait, d'u,n 10ll g reg ard si chargé d'u/fIour, et clic s'inclinaif v e r ~ lui, déjà offerte, déjù
dOllllée.
- Marie-Auge ... balbutia-t-il, éperdu.
Elle dit trè bas, si has qu'il cruf avoir mal enfendu:
- Je vous aime, oi!l...
Il jeta par deux foi s le nom chéri :
- Marie-Au g e 1 Marie-Ange 1
Alors, elle ~ r redressa, et d'une main rclevjlnt Je
front du jeune homme , clle répéta avec ferveur :
- .Je vous aime, oi;1.
Il crÎ::l presque :
- Cr n'est pa ~ par pitié il por c harité, pour con-olcr le m a lheureux 'Jue j e ~ lIi s P... Songez donc,
:\laric-AlI gc , Ull bossu l. .. Vous aurez Iionle 1
Ellr dit, exta siée
- Je nc connai rien de heua comme "ou~
- Un ré \ ollé 1
Elle rrp{-fn :
- Je 'Ile ç O/l/lai . lien de hOIJ ('onunc vou
Il halbu'ia :
Lili jeu ... C'est moi
- Je ne rève pus .. cc Il'c ~ t pu~
que vou s ailliez ~ c'est il rau (' do moi que VOliS avez
refu
~ é Yve do LOI'ade ?
EI1' 'Iourit.
- C ' o.' l ù cause de VOIlII.
JI delllandn, hésilllTll encore Il ('roire bIen r~cl
h'
('her bonhour .
�FU,LE
LJ' AUTISTE
105
- l1 Y a longtem ps que vous m'aime z, dites, ma
chérie P
Elle ful d'une sincérit é ing6nu e :
- Je vous ai aimé, Noël, dès que vos ye ux 8e sonl
posés sur moi.
11 l'nUira contre lui, d'un geste leud re :
- Ma petite fille jolie ... ma petite, il moi... bien
..
môi
à
Et il aj o uta, à son tom, la phra w étCl'll eJ]e, celle
que par Lo us les Lemps, dan s Lous les mondes et. sous
tous les Gieux, murmu rent tous les coeurs épris, doot
nulle autre jamai s n'égale ra la beaul é.
- Je vous aime, Marie-A nge.
Et il la regarda . Quelqu e chose d'alang ui, de 1I0UV/Jau sc dégage a it de so n visage tendre so us les courts
cheveu x de nuit. L'amou r illumin ait son âme, et
autou!' d'ene, sans le sa voir, par l'h armoni e d e ses
gestes, elle créait de la lleaulé .
Noël de MarborL, qui avait d epuis des années, {Jorle poids de tanl de doulcu r, de tant de souffra nce,
t~
N'ool se sentait tout d'un coup un jeune homme nouveau, un Nre de ferveur et de jeunesse. Et cela il
Causc de celle enfant charma nle qui venait de lui
offrir sa vic. D'un geste câlin c t puéril, il pencha sa
tètc brulle sur l'épa ule de Marie-A nge ct il murInura :
- Ma bien-ai m ée ... mail doux refu ge ...
Elle senlil en elle, cn celle minute , le doux orgueil
d 'êl re cellc qui con sole, celle qui bel'<'c, et, d 'jnslinct, elle fut matern elle.
Sn main frôla les beaux cheveu x noirs, le Iront au
dess in si pur.
- Noël, mon amour ...
Le clair regard l'envelo ppa, la caressa , et ce fut
l'âme.
comme si tout le ciel lui entrait dn~
Alors, elle nppuya lentem ent ses lèvres sur les pauPières Crémiss un tes , ct les yeux bleu s, les beaux' yem
bleus sc fermère nL sons ses baisers.
�JU6
FiLLE
() ' AUTISTB
CHAPITRE XIX
Tante Aurore cl le Père d'Armoy sont demeurés
dans l'étroite pièce qui sert de salon à ln vieille demoiselle, et ils ont ressassé des souvenirs, évoqué des
visages anciens, l'ouvert ensemble le livre d'autrefois:
Ils ont padé aussi un peu, beaucoup, de ce Noël SI
beau malgré sa malheureuse infirmité, de ceLLe petite
Marie-Ange, si divinement jolie, el de leur âme à
tous les deux, ct de leurs cœurs, qui, sans doute,
sc sont frôlés.
Et j) Clu~e
de tant de paroles échangées, ,d e tant
de choses remuées ensemble, les heures on t passé si
vite que, reeonnaissant 10 pas des deux jeupes gens
dans J'escalier, ils s'écrient Lous les deux :
- Déjà 1
La porle s'ouvre, Oui, cc sont eux, Lui, avec un
rayonnement de lumière au fond de ses prunelles
cl 'océall ; 'Jle, lys merveilleux que le visage de l'amour a frôlé.
- Comme vous renl.rez tM, me5 petits ! s'exchlma tan le Aurore, vous )l'êtes donc pas ailée à la PouP
pou n il~re
Marie-Ange dit avec confusion :
- Oh 1 NOl:l, c'est vrai, nOlis avons oublié no!
pouponJ !
Il sourit:
NOliS irons plus tard, ma chérie.
Mn chérie ... le petit mot tendre u frôlé Mnrie-Ange
comme une ('lIl'e8'0 ... Elle appuie son front contre
l'épaule douloure1lse dont No,;] de l\!arborl Il tant de
honte. El il~
sont si l'isihlemenl heureux, perdu!
dans leur l'Ove, sépurés du l'este du momie, qu'il8
ouhlient ln pr(>~en
du rrligicu'( et de III bonne
11111 te.
�~ II. LE
l.J' ,>1"1'1 1 . 1 1.
I f)'~
Cell e-ci s'est levée cl, prenan t la jeune fille par la
main, dou cement clic J'llllire contre elle. La tête
charma nte quille à regret l 'a ppui 011 ell e 6Lait si bien,
mais Mal'ie-A nge sourit tout de m ême, èl ses bras se
nouen t, d 'un geste tendre, au COll de lu vieille fille.
- Tante Aurore , murmn ra-t-ell e, ma chèro tante
Aurore, Noël m ';lime et je sui s heureus e.
Ah 1 ah 1 fait avec malice Mlle de Marbor t,
c'est don(' « Lili » qui fai ait rêver cc petit cœur-là P
- C'était lui.
- .Te m'en dontais , su is-tu ... Les petites filles ca·
eh ent hien mal leur er ret.
s am .. i 1...
- Et les grands gA r ~o n
- Oui, j'avni dev iné J'amou r cl Noël. Et je \lis
e l ~e , mes enfrlnts .
heur(,ll se, hi en hrl
La jenne fille regnrdn longlle ment le Père d'Aravec grnvité :
moy, ct elle pron~a
l'or.
- Je VOIlS doi s mo n honhen r. Vou s avrz n~ehi
venn me ('her~trs
gneil de mon grand-p ère ; VOl~
cher dan s ce vieux rOllven t d'Itali e 011 l'on r~tenclai
m'enfe rm er ; sans vous, je serai s lIne petite fille
nt
~a n ~ amonr. Mon Phe, oh 1 mon Plore, comme
VOII remerr ier ~ ...
Le religiel lx orri'ta d'lin geste cpt élon de grntitu de:
- J'ni simplem ent fait moo d evoir. Et faire ~n
devoir, je vous n s~ ur e, mon cnfnnt, c'e t IIne chose
~ i rnri le. Dicu pnrle : on l'érout e ct on oMit.
l\fnrhor t. ct il
« J'IIi montré ln vérité fi Harold d
vom tout.
Bme.
helle
une
a
qu'il
par('e
J'a vue luire,
Pour rhncnn , n l'hrlll'e prrdest inre, re qui rtait somhre s'rrlnir e, rt tOllt s 'illumin e de la vraie lumière
IJui vient cl'en Haut, »
Tl r 'gardai t Non el Nocl sen lit qu'il parlait pour
Jui.
- J'nllrai q matJvai -e g-rlÎ(' Ù VOliS contred ire, mon
Pèr(', répmld it-il, gravem ent. Âlljollr rl'hlli, je suis
trop heurcllx. Tl n'y a plu s en moi ni rancun e, ni
doute, ni révolte,
« Le honh f' lIr ti en t lOllte la plare . POlir la pt'cmiè re
foi s, dep"i s si lon/!tem pd, j e /tof'lte la rlOllrellr de vi .
Vre. Et rI' Diell qll e vou s servez ~ i noblem nt, mon
enfin le vi age d e .pitié,
Pho, re Di en dOllt je voi~
�l'lLLt:
J) ' At\TliilC
je suis tout prêt ;, lui adres"<!J , moi aussi, une action
de grâce.
Quand ils pénétrèrent dans le grand salon du « Nid
d'Aigle », OIJ le marqui s, Rolande et Ilubert étaient
réunis, ils porlaienl encore sur eux le rayonnement
de leur bonheur.
l\'lalgré l'heure tardive, il faisait encore plein jour.
Cependa,nt, parmi un ama de nuages, la pourpre du
soleil se fanait. Et par les fenêtre s largement ouverles SUl' le jardin fleuri, le p,nfum des roses montait ,
coi vra n l.
Marie-Ange entra. Ses cheveux bouclés voltigèrent
autour de son front, lalndi s qu'elle penchait vers le
virill a rd SOli doux vi~agc
d'enfant heureuse.
- i\ou s avons fait une promcnade exquise, ditelle avec gaieté ; grand-père, vous avez eu torl de ne
pas de cendrc' avec nous . Clermont était ensoleillé el
sur la place de la Polerne , le panorama, aujourd 'hui,
était splendide.
« Ah 1 que l'Auvergne e 1 belle 1 gl'and-pl'rc, cl
('ornbicn j'aime ce pays 1
- Pctile enthousiaste 1 fit-il av('(' tendresse.
Et la trouva Il l jol ie, plu s .iol ie même que de coutume, il pen sa soudain i, la leUre qu'il avait re~'u
le
mntin mÎ'me de M. de Lorade, lettrc dans luquelle le
jcun homme di~at
son regr!' t, 8011 chagrin ... et le
vague espoir qu'il ('on
~ ('I·vrli
Cil Mpil de tout.
- V lIx-lu lire ceri, MOl'ic-.\ngc P
.11 lend ilil (, lu jeune 11llc la mincc feuille de papIer.
Marie-Ange, il)llr1l lu ù son I.ollr, dit grQvemellt :
jamoi~
SR
- li nc c10il pas espérpr .. . je:' ne ~crai
(('mmp , grand-père.
El l,Il e I·{op[·ta, le rcgard tournr vers NOlll :
- Jamni s.
Le vicillard soupira :
Til .~ lihrc, ma petite-fillc.
Elle jela, arde/lle :
-- Olli, ~ilr('
d 'ail,ner ... de f!1~
marier à mon goOt.
JJ Irc s ~adil
. .h a ll-ellc (']1)I
~ J c!rjà? Et comm('
IR m~rc
jadis, rlvait-cllr rlu un hOlnrnc de ~ol1din
�l' ILL!::
1, ' ,\1\1IS'I'E
1 U'J
inférieuro ~ r\ liait-il eonna Jtre ;1 nt.uvcau hl mê.nw
blessure d'orgue il ?
li d!'nla.nda, presqu e avec humilit é :
- ,'\-Iuri e-Ange, si lu penses ù qu elqu'un ... si ton
Goeur cs l déjà donné, di -le mo i ... veux-tu ~
La fill e d'Ange lo s'ageno uilla co ntre le grand fauteuil tlu marqui s ct elle dit, presque bas:
- Grand- père, n'av iez-vo us pa rêvé de me voir reprendre ce nom qui fut celui de mu mère, ee vieux
nom des dc ,\Iarbor'l ~
- Cel'lcs ; lOais il n 'y a plus aucun de Mal'bort,
fil -il avec mélan!'olie. Le dernier e t mort ù la g uerre .
.1 'n i chercl t{' j Il . qu'en A lO(> riq Il e, o ü un ti c mes co usin s avait éntigré à la névolut ion,
Elle j eta, m al icieuse :
avez Inal cherell l\ grand-p ère,
- - VOIl
Il la regarda , surpri s,
VOLIS u"ez III al cherc hé, repril -e11e avec forcc
mais, moi , j 'ai lrouv '.
El elle ajou la, arden te :
Et celui -là, j e l'aior l.
- J 'a i ll'O lIvé un de ~ Jarh
en, oh l 'OI1S v 11bi
voudrez
vous
el
re,
Ille, g r'and-pè
ùre7. hiell me dOllller ir lui P
Elle le\ail vers Je vieillar d lI ll pur visage tOlll l'CSsourir!', il r etrouplPIHli s5:ltl l d'amou r, rt clan ~()Jl
d!.' 1:11 il',
vail le so ur ire ml~Oe
Hélas 1 jatli s, une a1ltre jeune' fille s',: lait a{lenouilde même devanl lui . line autre avail prié, ~ lIp
l e~
plié; un e nutre ovnil crié: Il Ph'c, oh 1 pi' re, c\ :~ t
le honh ellr ... e'est ln \ie que j e V01lS demand e ... »
Durelllcnt , il ava it répond u: Il No n 1 » La vision doupréri ,;ait, s' inl er posail l'nlre celle enrant
~c
10lre~
cl ses ycux qlli ne voyaip ·,t
pied~,
ù ~cs
oyt'·c
pl
brllne
que Il l'aulre ». Il passa sa Iu:till sur SOJl front a\ec
(·garl'mcnl.
n el(·ve- lui, dit-il ;) Marie-Ange, rrl1'\c-l oi, el
di s-moi quel (' ~ I ('C d c \l arhor l.
l>'lIn hond .'oul'le, elle ful deIJoul, el sa main alvo lo Jltail'rm e JlI il r éc/llt, f'l qu e Ic
tirui t l\oi'l re~lé
aperçu .
pas
n'avait
s
marqui
- !lIon oncle, mlJrmu ra le j eun r l'\Jmme, luut-il
, i, .il' \011 la dcmand e ù genoux P...
'Ille, moi au~
�IIIl
Sous les cheveux de lTleige, le fier regard d'Harold
étincela. Allons 1 la fille de sa fille allaiL reprendre
le nom des ancêtres; l'ancienne souillure s'effaçait.
De plus, elle serait heureuse, puisqu'elle aimait. De
là-hnut, Marie, peut-être, pardonnerait.
Dans l'âme du vieillard, une grande paix descoodit.
Il regnrcla Norl et le vit, 110n plus avec son épnule
dévi(.e, celle infirmité pour laquelle, si longtemps, il
l'avait déclfligné ; mais tel qu'il était: heau tout de
m{\me, beau de jeunesse, de clistinrlion, d'élrg-ance,
avec ses yeux admirables, tout pareils ù eeux de Marie.
Il 1:1 wntempln, elle, dehout aupr(~s
de rell1i qu'elle
aimait, hrune fille cl'ItAlie qlle le ciel de FrflllCe poétisnit, ct il song-efl que par eux deux. en dépit ùu
sang- rléhrien d'Angelo Savelli. sc continuerait cette
nohle cl hnrmoiel~
lignre des do Marbort.
AlOI' , i\ son tour, il gOI~la
IIITl honhe1l1' que, deplus.
puis longtemps, il ne conais~t
- nolnnde ! Hubert! appela-t-i! cI'une voix brève.
Ils s'approchèrent : lui, robuste et beau en sa
jelrne force ; elle, lumière vivante sous ses cheveux
qui la vêtaient de rlnrté.
- Mon OITlrle P firent-ils à la fois.
D'un /leste tendre, mais plrin de gravité, M. de
Mnrhort mil clflns la main de Noël la petile main de
l'orpheline, ct il dit simplement:
- No;'! vient de me demallncr Marie-Ange en marioge. P"iRIlIJ'il sc marie, il reste l'aîné avee tous ses
df()it~.
Tl sera mon f1]q hien-nimé.
Et il a.io1lra, cflvclonnnnt d'un regard orgueilleux:
Ill. fille cl' Angelo Savelli :
- Voici la nouvelle marquise de Marbort.
�FILLE
D'AI\TI8TE
Hl
CHAPITRE XX
JI Y a chez certaines natures particuli èrement bien
dou re" cl habitu ées il accomplir leur devoir, des
millules où, comme mal g ré elles, cl sa ns presque
~'e
n dou tcr, clics arrivcnt au sublim e. Chez d 'a utres,
tourn éc' vers le mal, le milieu, les circollstanccs, les
passion s, lout contribue Il déchaîner les forces mauvai cs, ct elles desce ndent d'un se ul coup jusq u'aux
pluR ba s degrés de la Iaule, souvent même jusqu'au
crime.
Ain si chez rlolande de Chahly.
Quand elle vit ~larie-Ang
flan cée n Noël de Marhart, offiriellement proclaméc marfTuise, reconnue
comme J'h ériti l're iJlconl e lable de la vieille ru('e,
('e qui dem eurait en elle de droit, de loya l, s'écroula.
nc vaguc irn; sistihlc halaya les dcmiers srrup ul cs,
Jes relTlonh. L'o rp-u eil demeuré ~{' ul mallre dan s rclte
tlme dévo)ée, l'org uci l parla si haut, CJue nulle
antre voix Ile s'c ntclldil.
El Holund e, pour la ~, '\lIl1 le foi s, décida la mort
ùe ~larie-Ang.
Cependant, au rh:Îtl'an, on h;\lait les préparatif:!
Il Il douhle mnriage. Le Père d'Armoy, qni dcvni t le
hénir, prolon gea it de quelques jours so n rongé ct la
~raJlùe
tailleu se de Clermont prc s~n it ses meilleures
ouvrières, afln de trrminer au plu vite le merveilleux Irou
~ ea ll de Marie-An ge Savelli.
Le « id d 'A igle » s'ppano ui sM il dans un e at.
mo. phrre de rl'te ct de joie: le j eun e honh eur des
fln(
'é~
r e rnpli
~sa
it le'! n,log sn ll cs, rai . nil vihrer jusqU'fIll" moindrcs f1 e l' ~ du grand jordin, ct, en d{'pit
des som bres de!bcins de Holnnde, l'amou r, tr iom.
phant, surg i sa it de partout.
~ i x: llc1lJ'es du ~()ir.
l nc bri se pas~c,
légère ct si
�11 2
l'Il ,LE
D A lI'l'I ti'n;
douce qu'à peine si sous Sil c.:'ll'esse les tiges frêlos
de brins d'h erhe s'in cl in ent un im tanl.
Sur le la c, les cygnes o ndul ent avec une grâce sa van te, et la barque s'imm obilise IlU milieu des rosea ux.
Holand e descend les m ar ches du pe rron. Sous les
lueurs pourpres du couc ha,nt, sa ch eyclure d'or Oamba ie el les plis so upl es dc sa robe blanc he mou.lenl
son corps de sl.8 lue,
Un in slan t, ell e tourn e la INe Cil arrihe. Son regard emhrasse le chùteau avec ses lo ul's h ilr di (~s , nettement découpées sur le ciel d ' ull bl eu sombre, le
parc av ec Son dédale co m pliqllé d 'Illll;cs , de charmilles, de bosquets ... d, là-baR, la na ppe arge ntée du
lac.
Ell e marche il petil,; p ~s ; la frange ~()ye
u se ci e Sil
r einlure dénouée lraÎn e ;) te rre el frois e, nll passage,
de déli ra is pétal es de fl eurs ,
Elle va vers l'étang ,
Elle allire la barque légô l't' ; SO li pied efflcure ]e
bord de la plan che ; cl \," SO I/pI c nlouvC lll ent, ell e
glisse tbu l au fond,
L'cau eSl claire, Pas un pli I IC la riù e, cl il n'y LI
de potiles vagues !'J 1I';) l 'e ll dl'oil précis Oll les cygnes
reposent leu/'s ail es.
Ou foncl du parc, 101l l anim ée pnr 1I1l {' IOIlg' 1JI'
r OIlI'Se, voici CJue surgil r ~ , 'ie- An ge.
Elle liell l dans
l'es hnl S un o grosse gerbe de roses pOl lr pre , cl elk
chant.e une câ lin e cl tellùre chanso n il ali r nn e, dOll1
l ' harrn o n ie in lense empli l le vas te j ardin ,
La voix de Roland e int errompt le m élodi clIx l'e(ra i Il :
- Marie-An ge J uut! prom enad e en ba rque, voul ez.
vous p
- Volonti ers,
Ell c s 'a van !'r, ell r. ct sc' 1' (l ~ ('q,
Ell e j etle les J] eurs
slIr les genoll x de n olnndo cl ell e di t :
- No us fCI'ons un e j onchée pourpre Sur J'ca u ; cc
serl! joli.
,\Iainlcnnnt , e1Jf)~
~o nl li), tOlllos le.'> deux, CIl face
l 'un o rie ]'Autrf' ; Mll e de Chaill y rain e avrc lIu e ~i )re
Il
�1' 1 LLE.
1) '
A n l'lSTE
113
maîtrise, et hl fille d'Angelo Savelli admire cetle
jeune force.
Sur l'élang, la barque glisbC, lenle et souple, laissan l sur son passage un sillage embaumé. Car MarieAnge, une à une, sème les l'oses au fil de l'eau. Et
quand clle n'a plus rien, que ses mains sont dépouillées de l'oooranle moisson, elle dit :
Des roses 1.. . des l'oses eneo·r
Je les ado te à la souf! ra nec.
lWes ont la sombre attirance
Des Clloses qui donnent la modo
El de ses doigts menus, ses doigts souples de
musicienne, elle semble caresser lentement chaque
fleur.
Là-bas, face à l'étang, sous la tonnelle odorante
cl touffue, qu'il affectionne, Nool rêve. Le proche
bonheur donl il esl sûr l'emplil \,out entier d'une
joie ineffable, ct il a besoin, à certaines heures, d'être
seul, loin même de la présence de Marie-Ange, pour
sc l'ecueil.lir, savourer la douceur de vivre et sentir
eu lui, bien certaine, la si chère réalité.
il a passé l'après-midi ù Clermo n l, il visiter bU pouponnière, el il est remonté plus tôl qu'on ne le
-croyaiL, cherchant de suile un refuge là où, si souvcnt, jadis, il il porté sa peine.
« Je serai de retour vers huit l.leul'cs seulement ll,
a-t-il dit ù MOl'ie-Ange. Il songe 1.1 la joie qu'elle
aura ù le retrouver plus tôl qu'ellc ne le pensait. 11
sourit cl sc Ibe pour aller vers elle. Mai s une h:mlc
sil houet te ma sculine barre l'en lrée de la charmille :
Huberl t
_ Toi l rail NoHl, surpri s, je te croyais ;1 Clermont.
_ N'y étai s-lu pas loi-même ~
_ .Tc s ui~
pa ~s é 11 la pournil~e
el j'ai abrégé ma
,i sile, Ù<l
~ JIl:J ~lch
de I-:venir ici.
lIubert !le mit n 6rc.
_ J'ilv81~
reun cz-vo\l!i uvec de~
rumarndes ; lJIais
�114
je lc~
ai trouvés insipid es, et .i 'ai refusé de dî!ner
avec eux.
Noël raille gentim ent :
Il te tardait de retrouv er Roland e.
L'autre répliqu e :
Et toi Marie-A nge P
- C'est vrai.
Côte à cÔle, SUI' le mêm'e banc , ils s'assire nt. Leur
commu ne félicité l'appro chait leurs ùmes, les unissail de nouvea u et ils se se ntaient frères de cœur
comme de chair.
- Elles nous croient fI Clerm ont; tout à l'heure ,
qlland elles passero nt devant la Lonnelle, nous leur
jeLlero ns des fleurs au visage. Elles se ront surpris es.
Elles auront lIne minute de frayeur . Elles seron t furieu ses et ravies. Et nous leur ùem nlldero os parùon .
Veux-tu , Noël P
- Mais où sont-ell es il demand a le jeune homme .
- Dan s la barque, sur le la c. Je les ai aperçue s
en venant , sans qu'elles s 'en doulClfll. Tien s, Cil écarLanL ces grosses b['anche~
de frêne , on peul. très hie/l
les apercev oir'.
Noël se leva. Et penché contre son frère, il regardail comme lui la barCJlIe fragile, les deux jeunes
filles, face à fa ce , la têLe brune courbée sur les roses ,
le fro nL pâle, nimbé d'or fauve. Il s voyaien t les gesles de l\larie-A nge, glanan t les fleurs le long de l'eau,
le 111011 vernen t so uple de so n corps, qui faisai t par
in stanLs s'incliln cr la barqne .
Holnllde sc leva . Du bOllt de !la rame, elle
indiqua it 11 Sll cousine une rose pourpr e, ]argem enl
ouverle , qui d é j~
sombra it au sein de l'cau.
Marie-A nge étendit la main, ~o
p encha ... et soud aill, les deux jeunes gens, glacés d'lIoITe ul', virent
ceLLe chose épouva ntable : les pieds de Holand e appuyant d'un mouv emellt brusqu e sur Je rebord de la
frêl e cmhal'c a tion, et celle-ci , cha virée, tounnan l sur
eJl-m~rn,
en traîna nt le!! deux: jcunes filles et la
pourpr e moi
s~o
Jl
de roses.
Aussi lôt, d'ailleu rs, Holand e l'emonLo il la surfnce
et l'on enlend it : « Au serours 1 » Blêmes et terrifiés ,
les deux jeun
. ~ gens avni()Jnt bondi sur la berge.
�Marie-A nge 1 cria Noël, désespé ré, et il s'élanprêt à sautel' dans le lac. La main vigoure uie
de son frère le relint.
- Je te le défends 1 ordonn a-t-il ; lu ne sais pas
nager. Tu te sacrifie rais vai,nem ent. Mais je te jure,
Noi'l, que moi, je vais te la rendre 1
A l'elldro it même où la robe blanche de la jeune
fille avait disparu , el sans plus s'oocup er de Roland e
qui, d'ailleu rs, regagn ait parfaite ment la berge, il
plongea .
Un instant , qui parut U!C\ siècle li Noël... un instant
rapide cepend ant, et Hubert de Marbor t reparut , soutenant le corps inerte de !\Iarie-A nge. Noël la prit
entre es brils, el, i'hurgé de son précieu x fardeau , il
courut comme un fou vers le « Nid cl' Aigle ».
-
~:ait,
CHAPITRE XXI
Depuis lluit jours, Marie-A nge Juttait contre ]a
mort. Le froid qui l'avilit saisie d:. ns l'eilll, la peur
qu'elle ilvnit eue, t01lt cela av:.it bouleve rsé cet organisme délicat, et ln fii:vre, le délire, des cauche mars
affreux , la clouai en t sur son lit, épuisée , doulou reuse
et pitoyab le.
'l'Ante Aurore , préven ue en h51.e, et Nom, ne la
qllill:.i ent guère. Penché s sur ce visage bien-ai mé,
ils épiaien t le moindr e signe qui eOt pu leur rendre
l'espoir .
une méning ite, ct J'angoi sse
Les docteur s crni~et
.
chlltcllu
le
rél1naÏl dans
M. de Mllrbor t ig,norni l ln CllllSe de J'accide nt. Hu: « Je t'en supplie , que
bert Avait imploré son fr~'e
notre oncle n'appre nne rien. J'ai t,ml aimé Roland e.
�llli
FILLE
J) '
ART/': fll
Je mow'fa is de honte s' il sava it Ol! elle est !l'IUI bée 1 »
Hubcrt avail ~a uvé
Marie-A ngc ; Noë.1 pouvait-il lui
en vouloir de l 'ac lc horribl e de sa fialn<Cée P Il s'était
tu. Scul le Père d'Armo y savait. Mai s il était, par
espril el par profess ion, habitu é au sil ence , et sur
ses lèvrcs, l'affrcu x sec ret rcstcrai.L scellé.
Dcpuis le jour funeslc où Hola nde ava it teIlté, en
fai sa n t habil cmcn t chavi rer la frêle embarr a lion, dc
noyer sa pet itc cousine, ellc élait bourrc lée dc remord s. Ell c a vai t ngi, sembl ail-il, so us l' em pire d'ull
instant de fo lic. Dég risée , elle voya il clair dans son
ae le, elle se jugea it cl se fai sait horreur .
Jam ais, dcpui s, clic n'avait osé affronle r la co lère
ct le mépris d 'I1ubert. EL vu ici que cc soir, taldi
~
qu ' un proc hc crépu sculc envahi ssa it la tClTa sse fl curic 011 elle sc tenail, el le l'aperç ut qui venait ven
elle.
- Vou s a vez rai L ccla ! VO LI S a vez pu fpirc cela 1
VOli S, Holande 1.. . cria- t-il, presquc mal gTé lui,
avC('
unc lelle dOlllc1ll', 1I1lr. si affrcuse m élan coli e, <tu(' la
jpl1nc fillc on tressailiL ju sCJl1'ù l'âme.
I! s'as it sur les mal'Chcs de pierrc dll perron, ct
le fron l dans sc ' ~ waill s, pf:l'O uJ é, an(;nnLi, iJ ne leva il
pas les yeux vers elle.
Mll e de Ch ailly, dehout, appuyéc Il la ualu stl'adr,
drcssa it vers le ri el un visagc impass ihle ct ra~
une foi s elle nc se retol/rna vers so n fia,nrÙ.
- flolaJ1de, reprit tri stcme nl lc jeunc hommc , eslce po silJl c qlle VOliS que jc plaçais si haut. Qlle jr
croyais si droite, si m'J'r , vous soyez descend uc si
bas 1
- Pour mieu'{ monter , Hllucr t l
li cul un pauvre so urire de rn{opri s :
- Pour sa li sfaire votre esprit de domina tion, volre opi il i,1t rc dési l' de po se~
i () I,
cl ccl honibl c org ueil flili vous asscrvit lout elllièrc.
Elle jela i\prcmeut :
POUl' (\trc m:lrqui~e
de Marhol't, c'cst vrai
- Grâre ;\ un crime, Roland e?
Ellc ne r1pond it pas, mai s elle avait pBli.
- Une rois déjà - je le devine maiute nant
�117
vous avcz aHenlé à la vic de ce tle pauvre petite fille.
L'acc ident de cheval. .. Vous J'aviez provoq ué, Rolande ~
E1lc ful d'une franchi se brutale .
- Oui.
Il murmu ra, très bas :
- Quelle femme eles-vo us donc, Roland e P Sans
pitié, sans scrupul e, sans conscie n ce .
« Je vous ai lrop aimée pour pouvoi r vous haïr,
mais le voile se déchir e; je vous vois telle que vou s
êtes : lIne bell e sta lue dc volon lé el. d'orgue il. Ah 1
Roland e, si vous sa vie? le mépris que j'ai dr YOl1S 1
La voix du jeun e homme , graye, assourd ie, montait vers la j eune fllle, impla ca bl e, comme la voix
de fixer le ciel
même de sa conscie nce. Elle ('e . ~sa
brun, la cime verte des arbres, le lointain horizon ,
ct, lonle proche de so n ('ousin, cli c Illi mil les mains
aux épaules :
- Compre nez, mai s compre nez donc, Hubert , c ria l-elle, avec violenc e , que, depuis 1'ani vée de cetle
malheu reuse enrant j 'a i passé des heures horribl es; :1
1I1e scntir {' haque jOlll' dépos:é d{>e de cc qui fai "a it
le but suprêm e de ma vie 1 Celle petite 1 elle me
volait mon bonh eur. Oui, mon bonhen!". C'esl-à -dirr
la joie d 'ê lre fnuuleu se ment riche, sol1veraine absolue dan s cc chûleau de légonde ; le plaisi r d 'affron 1er
le monde, Pari s, uJle couron ne de marqui se au rronl
ct de J'or plei n les doig ts. Si vous saviez la soif que
j'ai de vivre, de gOÎller à toules les ivresses , d'éblou ir
de plaire, de domine r ... Ah 1 TIuhr,rt 1. .. et celte pecrouler mon rêve 1 J'ai VII , peu fi peu, mon
lile a I~il
onde conqui s par so n charme , Noël, que je croyais
en mon pouvoi r, c/lvoo.té par sa gr:\{'e, vou s-mê me
subissa nt su séducti on ...
JI coupa dou emcnt :
- Il Il'y ilvait que vous dan s mon eoeUT. Et vous
Ic Sil\' z bien, Rolande .
Celle foi ~, il la regul'Clait, ct ses beaux yeux francs
l'envelo ppai ent d'un e len le ct triste ejl.resse.
Elle rut émue, malgré elle.
- VoIre amour ('Ôt dfÎ me surrire, dit-elle simple-
�Ils
ment. Pardonnez-moi, Hubert, d'avoir été avide de
trop de choses.
II prit le~
poignets délicats qui pesaient sur se~
épaules, ct il murmura
- Ces main s, que je croyais si douces, ces maim,
par deux fois, ont tenté l'horrible chose ... ce sont
des mains de criminelle, Rolande. Comment pourJ'ais-je désormais les unir aux mienrnes P...
Elle euL un cri - un cri d'angoi sse:
V()U S ne m'aimez plus, Iluhert P
Il avoua, humble, le front courbé :
- .Je voudrais nI' plus vous aimer. Je ne peux pas
Elle re ~p i ra, comme dél ivréc d'un poids affreux.
Une minute, elle s'é lait vuc vaincue, vrniment vain('Ile ; Mpollill ée de LOlll!' fortune, chassée pal' les
siens, ahandonnée par l'homme qu'elle aimait, et,
pOlir la prern il-re fois, elle se n ti t qlle l'amour d 'TIu!Jert lili éla i t au ss i nécessfl ire fJue l'ail' pOlir respi rel',
ct qu'elle était ft loi, au-dessus et par-dessus touLes
les aulres choses. La peur qu'elle aVili telle Qe le perdre lili fit so ndaill le cœur humble d'une amoureuse,
et elle di t avec douceur
- .Te regrelle le mal que j'ai fait. ..
JI halbutia :
i c'était vrai 1
- Pardof\lTlez-moi, Hubert
Elle avnit joinL les main, et elle s'inclinait vers
lui, presfJllc il genoux.
Il la regarda far'Ouchemenl :
- Rolande, dit-il avec force, si Mnrie-Anrre meurt,
je ne pourrai s jamais vou s pllf'donnel'.
0
VOIlS me {'hnssel'icz, Huhert P cria-locHe,
li étenclit la main, comme pour un serment.
- Dans ma vic, nolnndc, vous ne seriez plus qu'une morLe ... fine morLe dont le souvenir me ferait
horreur .
El il s 'éloi::rna, pâle de ('olhe, de douleur, cl beau
de volonté loyale,
D'un gestè rperdll, elle enfonça ses doi/lts dans
ln mn~
se
dorre de A('S chev(,\Ix ; ct, femme misrrable,
consciente r1'nvoir tout perdu pnl' Sa fnule, saisie de
regrets, dE' remords, l'âme pleine d'une tendresse
�PILLE
D'ARTIS TE
119
indicib le pOUl' l'homm e qui la repouss ait, celle orgueilleu se, pour la premiè re fois, écla ta en sanglots_
Un courL instant , on n'enlen dit plus que le bruit
de ces larmes, el la petite voix mélililc olique d'une
rainette au fond de l'étang .
Mais il y eut soudain le glissem ent d'un pas sU.r
les dalles, et la brusqu e clarté cl 'une robe hl anche
contre la façade somhre du ch:lLeau.
- MOIl Père, cria Holand e avec angoiss e, mon Père, quelles nouvell es apporte z-vous il
Un sourire passa sur les lèvres du religieu x.
- De bonnes , d'excel lelltes nouvell es. La crise que
pro)e docteur redouta it tant chez Marie-A nge s'est
dui te, et elle a cu un effet saI li Laire. La fièvre est
tombée , le d6Jire il cessé; tout danger de méning ite
est définiti vement écarté. Marie-A nge est sauvée, Rolande.
- Sauvée. Oh 1 mon Père, Dieu soit loué 1
- Elle a reconn u Noël, son grànd-p ère, elle ;l. même parlé.
A cc mot, Roland e sc redress a brusqu ement :
- Elle a parlé 1 cria-t-e lle, prise d'une terreur affrellse, qu'a-t-e lle dit P
Le prêtre regarda gravem ent nolnnd e de Chably .
- Elle a dit: « Je suis vraime nt tl'Op maladr oite 1
.J adis, un acciden t de cheval, mainte nant une noyade ... quelle bêle de pelite fille je (ais 1... »
Une seconde , Holand e parut hésiter ; PlliR, elle
reprit, belle malgré Lout dans J'aveu de sa faule :
- Mon Père, j'ai voulu tller Marie-A nge Savelli.
Je l'ai préméd ité, préparé . Par deux fois, je l'ai tenté. Elle le saiL; ellc ne peut l'ignol' er. Pensez-;vou1!
qu'elle gardera toujour s le silence P
Il affi l'ma :
- Oui, Roland e.
- Ainsi, mon oncle Ile saura rien P
- Marie-A nge, j'en sllis s(ir, Ille parlera jamais.
a, RoCUl' elle a une petite âme exquise . Elle oublier
.lande, ct yom pardon nera.
L'orgue illeuse jeune fille courba son front allier.
- Quelle honle, murmu ra-t-ell e, quelle honte sur
moi 1
�liil
11 n'y aura pas de honle publiqu e. Vous 8UVelG
bien que, pour notre honneu r à tou~,
nom qui sa·
vons, nous en gardero ns le secrcl.
Elle répéta, plus bas :
- Quelle honle ... quelle honte sur mon âme tout
cnlière 1
La main du religieu x se leva, vers le ciel :
Pensez à Celui qui rachrle , Roland e, à Celui
qui efface toute souillu re cl purifie toutes les laidellf s.
Pensez ?l Celui qui, Ra ns pérhé, expia les péchés des
autrcs ... à Celui pour lequel toute Caute, si grande
,oi t·elle, mérite le divilll pardon .
- Le pardOIl de Dieu, mon Père, oui, je l'implo re
cl je l'espère , car je me repens, oh 1 de tout mon
êtrc, car j'ai 110l"rclll' de mon acte, horreu r c.le mon
orgueil , car je suis prête à tout pour rachele r. r.'bis
le pard o n de s homme s, le trouver ai-je, hélas 1
- Je vou~
ai promis celui c.le Marie-A nge. Noël 0
l'i1me trop haute pour ne pas absoud re. D'aille urs,
il s VOl! t êtrc hellreu x. Le bonheU!" rend indulge n t. Il s
ouhliel 'unl, Roland e.
Elle eourha le fronl, el ses cheveu x fauves louchèrent J'humb le robe blanche .
Mon Père, supplia- t-cI1e, ayez pitié de moi. ..
J'ai beso in d'un IlUtre pardon , le seul qui compte
vraime nt: le pnrdon de l'homm e que j'aime.
Sur la jeune fille repenla nte, le religieu x posa une
main paterne lle.
- 1\1on enfant, murmu ra-t-il, l ' humilit é es t difficile. Je crois à volrc repenti r. Mais ce terrible orgueil, qui vous fit crimine lle, est-il vraime nt dompté ,
mort en vous P
Elle dit dans une sincérit é compli\ te :
- Je suis prêle Il tOIl S les renonc ements .
Alors, le pl'(!lre pronon ça avec gra vilé :
Dieu VOliS Il épargn é ce remord s abomin able
d'avoir Lué. Marie-A nge vivra. Elle sera III femme de
No~l.
Je ln !!ollhai le lleurcu !e, nux dépens de mon
prop"C bonheu r.
- Ello ,'ivra au cbAt/"8U c10q 8Jlœlre ll.
�1;?1
Je ne dern.md o <{ll'un humble loit pour y (';, faute.
ma
cher
- Elle aura de l'or plein les mujll"l8.
- Je ne ,:eux rien que Je pain quotidi en.
- Elle aura lout ce que vous rêviez, Roland e.
La jeune fille leva vers le religieu x ses yeux splendides qu'illu minait une divine tendresse :
o
- Que m'impo rtent ces vaim hocb ets, après le cl'JTu"
1'aTOOlll
que
veux
ne
Je
..
1.
couru
f{uels j'ai
uert. Tout à l'heure , quand il m'a crié son mépri s,
j'ai senti comLie n il m'était cher, et que, vraime nt ,
il était pour moi l'essenc e même de la vie. Le reco nquérir, seul, compte désorm ai s . .le ne <'l'oyais pa s
l'aimer tant, l'aimer si bien. Mon Père, oh 1 mOIl
Père, c'est son pardon à lui que je demand e 1. ..
peu fi
~s ail
Autour du château , où l'ombr e croi
peu, le silence jetait ses voiles. Il n'y avait de vivant,
.sembla it-il, que ce prêtre, c lltre les doig ts duquel
brillait un C1'ueif1x, et coupab le, il est vr<l i, mai s repentan te, celle femme, érronlfoe li ti.es pied s, ct coml'ne la Magdel eine, traînan t Huprrs d'une noix invi ·
sible ses mag-ni {lques ch eveux cl 'or.
Doucem ent, humble menl, Roland e de Chably impl ora de lTlouveau :
Ayez pilié de moi , ayez pi tié de moi 1. ..
- Prion s, dit avec r1oucell[' le religieu x.
El, ensemble, il s comme ncèren t l'arlmil'able prièIl
fi' : « Notre Père, qui êtes aux cieux...
-
�l '"
"'· Il.U!
1)' A !t'fUnK
EPILOGUE
Maric-Ange triompha dc la mort. On la vil revivre.
J'cl1rurir, ct, autoll!' d'e1Je, tout s'épanouit de DOl!veau.
Alors, a11 « Nid d'Aigle )l, il n'y eut plus de place
que pour la joie,
Un lel honheur était dans )'tlmc ùc Noël qu'il llC
en J ui Ic goùt de la vongeancc.
scn tai t pl~
D'ailleurs, sa flan rée avait si geuliUlent imploré
la grâ<:e de Holunde.
- SOllgez, Nüël, ft tout cc que ma présence lui a
causé de déceptiolls 1 et le mal illvololllllire q11C jc
llli ai fait 1... Je T1'ai aucunc hainc COlltrc elle, Noël,
et gardons le si le1lcc. MOIl g'l'Uud-pèl'c lui ell 'voudrail 1l'Op.
Holallde, d'aillc1II'8, avide de r:lchclr:r, s'était ingénire :" t'Iltourcr Mnrie-Angc de soins, ct humblemcnt,
ell' Illi avait demandé pardon.
Seul, lIubel'l nc désarmait pas.
11 aV;jit pu, pOUl' complnirc à Il fiancée, céder lui
�FILLE
n'ARTIS TE
l2:1
aussi à un désir d'orgue il et de fortune , convoi ter ce
titre de marqui s el les biens immens es de son oncle,
mais pas à un prix pareil 1 Et main tell au t, il en voulait à Roland e des compro mis auxque ls il avail tout
de même glissé.
Mais il aimait trop pour être longtem ps sévère. Sa
rancun e fondit, un soir où le Père d'Armo y virnt
implor er en faveur de la jeune fille. Celle-ci sut trouver les mots qu'il fallait pour que cc coeur blessé
s'ouvrî t de nouvea u, ct simplem ent, lIulJerl enferm a
dans sa main la main tremhla nte de Holarnde.
Ils se sont mariés d'ans la cllupcll c du château .
Le brave Denis et la vieille Louise ont dépouil lé le
grand jardin de ses fleurs innomh rahles, cl la maison
de Dieu, parée de roses, resp lendiss an te de lumière ,
souriai t, sembla il-il, à tant de jeunesse et d'amou r.
Harold de Marbor t, entouré d'amis ct de parents
venu s pour la double cérémo nie, a condui t les deux
mariées à "aulel. Et là, le Père d 'Armoy , très ému,
a pronon cé les graves paroles qui san,c tifient les mariages chrétie ns.
La veille, à la mairie de Clermo nl, les invités et
les curieux se pressai ent en fOllle pour apercev oir
les deux: cOllples.
L'admi rable beau!.é de Roland e, la grâce exquise
de Marie-A nge, la nohle allllre du grand vieillar d
ont provoq ué partout l'unani m e concert des louanges.
Mais que leur import ait à eux qualre 1 lis avaient
hâ Le de voir sc termi,ne r ces cérémo nies success ives
'
seuls, ann de savoure r .I eur joie.
hGle d'~re
retroua
désert
chàleau
Le
Mainte nant, c'est fini.
femvé son calme ; il est ùix heures. HuberL ct ~a
de
terres
leurs
gagner
nnit
de
me vont pal' un train
Gascog ne où il s demeur eront dé~0r"mais.
La voiture aux armes des ancêtre s es!. là, arrêtée
sic'ge, 1\1Iend.
el Denis, sur ~on
devant 111 telTa~,
; les par~
r
e
v
1
l
o
ent
hrgem
sont
vitrres
porLes
Les
fums 1I0tlent impréc is . .. Il semble que ln nni! vibre
toul cntU're ; reLIe pure cl douro nUÎt d'Anvl 'rgnr,
�1;!,4
FILLE
D' ARTISTE
dont ceux qui parlent garderont à jamais le nostalgique souvenir.
Holande traverse le hall. Dépouillée oe sa robe
blanche et des vo iles nuageux qui la viHirenL tout
Je jour, elle par:1ît plus grave, un peu pâle, et daos
ses ycux, il y a co mme un l'eOet nouvcau .
Elle s'a vance vers Harold de MarborL :
- Mon onc le, dit-elle simplement, si heureu se que
je sois jlujourd 'hui, j'ai une peine ... une peine très
gl'aJlde à vous quiller. Vous avez élé si bon, si bon
pOlir l 'orphelin e pauvre, ù laquelle vous avez lout
donné 1...
Le vieillard ouvre les bras ; une lIlinlltc, la lête
blonde s'ap pui e conlre l'épaule de l'aÏl·lll.
- Tu rcvienda~,
11.0 la Il <1 e. Ma Jlai
~ o n
sera toujours La m:1i son. Sèche les larmes ; que mon souveHil' ne t'atlri ste pas, ct va \ crs la vic nouvelle qu'Huhert le fera très douce, j 'en sui s sl1r.
Le j cune h OmTl1C~
dil gravement:
- .l'en ai pdl! J'engagement. devan t Dieu , j e lI'y
faillirai pas.
lIola nd e, très (\m ue, s'ava nça vers Noël et sa jeuIle femme.
L'aÎIl(~
des de \1<1rhol't tendit M main loyale et,
ploll gea llt son beau rcgard bleu au fond des yeux
cl ' émera IIde, il dit, très doux :
- SoyCl
~ heureuse, Holaude 1 je le so uhaite de lou te mOIl âme.
Elle in clina un peu la tête, et ses lèvres murDlU l'èren l très bas :
- Pardon.
])'lIn joli ge~
le,
Marie-A nge offrit F.On clair vi~age.
- Emhrassez-moi, dit-elle gentiment.
Et, sur le fJ'Ont de HoJandc, le bui ser d'oubli ct de
paix, un ÏillsLant, s'allarda.
Renll'Ollil, ma bieJl-am~.
Ln voi turc a di spafll au Lournan l de ]11 l'on te, emporlanl vers SOIl destin le jeune couple que Dieu
vient d'unir.
EL mnintenant, Noël n e s'occupe plus de personne.
Le vioux marqui s n-t-ll regagné RH l'hnmhr(' P
�F 1l,LI::
IJ ' All 'fI STE
l U.
Le Père d'Armoy et tante AurON ont-ils cessé leurs
interminabl es ca useries P Qu'importe 1
Plus ri en n 'ex iste, hormis j'e nfant jo lie qu e par
deux fois il a failli perdre, qU'lin des tin méchant
tenlait de lui arrac her el que mainloIl allt, rien au
m onde II C pou rrait lui ravir .
. ils rem onlent la terrasse fl eurie ; i J~ traversent
lc sal on dése rt ; il s en tren t da ns la douee chambre
CJu e 1'0 11 il prépa rée pOUl' eux .
. - Oh ! r\oël, suppl ie Mari e-An gc , n'allum ez pas 1
La issez la lune errer partout. On y voiL, je vous assure, très bi en .
Ell e es t deoout contre la fenêtre ; il l a regarde,
ex tasié.
Elle voi t briller les oeaux yeux bl eus qu e toul de '
suile elle a aimés . Et il y il en eux une tendresse si
g rand e, ll'lle ard eur si pro fond e, qu'ull émoi subit la
boul evel'!lc et la fait fri ssonner.
Ell e se serre contre Noël.
_ Marie-An ge ... mon cher am o ur.
Ell e r épond :
- Mon r: her bo nheur.
doucement les paupières , défaill alltp
Et dI e b a i s~e
cl ' un e j oie tro p grand e, eomm e pl'ise de ver ti ge , cnIre les bras c:1 lin s qui sc refcr ment sm elle.
Au dehors, un vent léger effeuill e les pétales délira ts des roses .. . un ross ig nol chanl e a u - d es~ u q de l'étang ... les r yg nes en dormi s onl replié leurs ailes .
.Et dnns (' clle di vi ne n uit Ilupt ia le, s'ex hal e toule
Ull e gO lllm e de Jlnrfum s d'ha rmo nie , I : \ld
i ~ <fl U', d :lIl'
l'ombre, le m ys térieux Amour sourit.
(,.lu clqll es mois plus lard, dall S un humb le village
de ln fronti ère i f;\ lie llne , t l'Oi~
voyage ul'H s'arrêtt:l'en l.
Sur la tOl nhe d 'Angl'Io el de Marie, IOll g teillps, il s
pd èrenl.
QU fI,nd il s repartirent, ayant. visit é le vieux couvent,
cl lai ssé cl 'abond nn tes 1I11môn es , il ~ emm enai ent avec
1' 1' '< les Il IIm hl cs cer{'ue ils 0 1'1 reposa icn t, dcpui s tant
d' :ln
l~('s
déjà, coux qui s'é taient si purement aim és.
r ~ t (" e~ t p01lrquoi , dan s le r.im eti hl' de C,l eTmont ,
�126
J)' AlnJSTI~
PIl,I,E
tout au fond de l'allée principale, où se dresse le
hautain monument de celle puissanle famille des de
Marbort, on pcul lire, gravé à jamais sur le marbre,
à côlé des noms orgueilleux des comtes et des marquis, celui dc Made de MiHbort, el ce nom très simple el pourtant si grand :
Angclo
SAVELLI
Eclairé de la vraie lumière qui vient d'en Haut,
Harold de Marhol'l, coupable d'avoir péché par J'orgueil, a noblement racheté.
1
FIN
�Pour pmltrf: lelldl prochain sm le DO 59B dt la t.:ellectloa "F.H ll ..
DANS LA'- PAIX DU SOIR...
Par
JOSÉ
BOZZI
CHAPITRE PREMIEH.
Céraldi,ne d? Fonlaubré poussa les volels de sa fe·
nêtre. Le soled, au ss itôt - il attenùait peul-(!I re ce
signal - entra t\ !lots da,ll s la pièee où les cretoJlnes
n e uries de la tapi sser ie cl c1es coussins meltaient
leul' note gaie et j eune. Elle sourit eXfjui semenl et
elle joignit les JlIuim en un geste familier, gesle n
la foi s d'o ffrallde ct d'hymno de grâce à la nature.
Le so uril'e gravé au coiJl de la lèvre ne s'en déla·
cllait poillt. 11 se mblait in sc rit ln pour longtemps,
cllr Géraldine était joycu se et enthousiasmée sans
cesse pal' cc spcc la cle JIlille fo is parcil ct mille fois
renouvelé (ILÜ lil comblait daus ses aspirations les
plu ' 'Ïlirne
~ ,
Elle fit deux pas SIlI' le lourd bal co n ' de piene cl
elle étendit ses bra s dan s ln direction dll jardin en
une pri se de possession.
Elle InIlJ'muf'lI qllelqlle 'hose de discre t et de doux
ct, comBlc le so leil avait ('(\pondu à l'appel de celte
jolie dél':;sc , Illl chien so rLit de sa niche cl, muscau
eu l'ai,., vinl sc planter :1Il milieu ùe ~'alée.
(A 8!ÛVre.)
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impr. 1938
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