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LE ROMAN COM PLET
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LE
F r a nc s
VOLU ME
S. 0. S. ! OIE FEMME SOMBRE
LES MAIT RES
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ROMAN P OP U LAIRE
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18- 20,
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Tous droits de I raduction, reproduction, adaptation réservés pour tous pays.
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S. 0. S. ! UNE FEMME SOMBRE...
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.
La porte lour de e t ga r nie d ’épaiss es fe r rure s
du Cercle Colonial to ur na le nte me nt s ur ses gonds ,
déc ouvr it un ins tant l’a ntic ha mbr e éclairée q u ’or
na ie nt dos pa lmie r s , puis se r e fe rma. Ma r tin La
Pér e lle se tr o uva de hors , dans la r ue de la P é p i
nière où la lumiè r e éle ctr ique lu t t a it ave c les
a iguille s serrées d ’une pluie line d ’automne bie n
décidée à dur e r t oute la n u it .
Il s’ar r êta une s e conde , pr is d ’une s orte de
déôour age me nt au m ilie u de ce lte obs cur ité
mouillé e . Ma china le me nt, 11 tâta , dans la poche
de son s moking , s on porte fe uille pla t, dépouillé
des bille ts q u ’il conte na it il y a v a it que lque s
he ure s . 11 e ut la te nta tio n do r e monte r , d ’e m p r u n
ter à la caisse d u cercle pour c ontinue r à joue r .
11 é ta it assez connu po ur que la chose fût facile .
Mais il haus s a les épaule s . Il fa lla it être rais on
nable . De puis trois s e maine s q u ’il é ta it à Par is ,
la chance ne lui a v a it pas été favor able , et si cola
c o ntinua it, il r e ntr e r a it e n Afr iq ue c omplète me nt
à seo. 11 est vr a i q u ’il lui r e s tait une ressource
do nt il n’a v a it pas encore tir é pa r t i. Ses doigts
fouillèr e nt dans une des poohes intér ie ur e s de
son vête me nt, s e ntit, i\ travors le p a pie r de soie
qui les e nve loppa it, r oulor les perles des colliers
q u ’il a va it in tr o d uits cla nde s tine me nt en France ,
a la barbe de la douane . S’il les v e nd a it , cela lui
fe r ait do l’ar ge nt aveo le que l il po ur r a it s atis faire
sans re mords sa pas s ion du je u. 11 r e vit, dans un
P A R T IE
éclair , la table de « bac », vio le mme nt illu m in é e
ave c ses plaque s s ur le s que lle s s’a tta c ha ie nt les
ye ux des joue ur s avide s , et il é pr ouva rétros pe c
tive me nt la joie s auvage que lui do nna it chacune
de ses re ncontre s ave c les die ux du has ar d e t du
r is que , maîtr e s s ouve r ains des tr ipots .
11 s ecoua la tête . Non. 11 ne r e monte r ait pas . Il
é ta it de ux he ure s du m a tin. 11 ir a it à Montmar tr e ,
au bar de Pe r ve nche . La pa tr onne , une c ompa
tr iote e t une camarade d ’e nfance à lui, tr o uve r ait
bie n moye n de « lave r » les porle s, c’est- à- dire de
ve ndre les collie rs à que lque s pe tite s fe mme s qui
ne fe r aie nt pas une mauvais e affair e ...
Il je ta les ye ux a uto ur de lui, s iflla légère me nt.
U n ta x i ma r c ha it le long du tr o tto ir oppos é,
ma r a ude ur a tt a r dé . Le chauffe ur r a le ntit encore ,
puis s toppa e t Ma r tin La Pére lle , en de ux bonds ,
tr ave r s a la chaus s ée .
Mais , au mo me nt où il o uvr a it la por tièr e —
non pas oelle qui se tr o uv a it du côté d u tr o tto ir ,
mais l’autr e — une fe mme q u ’il n ’a va it pu voir
ve nir outr ait dans la voitur e e t s’ins ta lla it s ur les
cous s ins . 11 re s ta in te r d it :
—
P ar don, mons ie ur , d it le chauffe ur , Mada me
m ’a va it fait s igne a va nt vous .
La fe mme a va it dft être aus s i s ur pris e que lui.
Elle se to ur na it vers l’intr us , mi- inquiète , mis our iante . Ma r tin s’in c lin a , r e ferma en m u r m u
r a nt une e xcus e. Mais il a va it eu le te mps de
voir de ux grands ye ux s ombre s , un vis age c la ir
do blonde q u ’e ncadr aie nt des boucle s de lu te in te
de l'or pur . Il contour na l’auto, pour gagne r le
tr o tto ir . La fe mme so pe nchait, do nna it un or dr e .
La voitur e s’ébr a nla et après que lque s tours de
roue vir a pour trave rs e r la rue et ve nir se place r
jus te de va nt la mais on dont le joue ur ve na it de
s ortir.
�4
La fe mme de va it ve nir a tte ndr e q ue lq u’un qui
se t r o u v a it au cercle.
Ma r tin La Pére lle re cula un pe u dans l’ombre .
P r éc a utio n in u tile , car l ’inconnne ne de vait guère
pe ns e r à lu i. Il e ût v o u lu la r e voir , s avoir si l’im
pre s s ion q u ’il v e na it d ’avoir cor re s pondait à
que lque chose de r ée l. Mais la s ilhoue tte vêtue de
s ombre fais ait corps ave c l’inté r ie ur du ta x i. C’é ta it
comme si elle s’é la it évanouie , happée pa r la
n u it .
De nouve a u, il haus s a les épaule s e t, sans s on
ger à che rche r une autr e vo itur e , sans s ouci de la
pluie q ui t o m b a it de plus en plus dens e e t drue ,
il se dir ige a vers la gare Saint- Lazar e et p r it la
rue d ’Ams t e r da m.
Il s onge ait :
« Voy ons ... Est- ce que je de vie ns fou ? Je n ’ai
pas encore pe nsé une se ule fois à elle de puis mon
arr ivée à P a r is ... Ce n ’est donc pas que son
visage me h a n te ... E t p o ur ta nt, c’est e lle ... Oui,
c’est e lle , je ne me tr ompe pas . Be r nade tte ...
C’est Be r na de tte ... Mais que peut- elle faire là, à
de ux he ur e s du m a tin , de va nt le Cercle Colonial ? »
Br us que me nt, ce fu t comme si une m a in aux
doigts durs lu i e ût pris le c œ ur , le lu i e ût serré
dans une étre inte de fe r. C’est a ins i. On est une
espèce d’a ve ntur ie r ; on a fa it e t on fa it encore
un pe u tous les métie r s , sans compte r ce que
pe rs onne ne s oupçonne . Si on n ’a pas été jus
q u ’au crime — e t e ncore , est- ce bie n ce rtain ? —
on a s ur la cons cie nce des acte s de b r uta lité ,
des compr omis s ions , on a été un pe u un fo r ba n...
Mais on a dans la mé moir e le s ouve nir du seul
a mour s incère e t pur q u ’on a it ja ma is épr ouvé et
il s uffit d ’un vis age e ntr e vu pour q u ’on éprouve
la mors ure d ’une ins uppo r table jalous ie .
« 11 y a trois ans que je ne l’a i vue , pe nsait- il.
T rois ans que , en d é p it de ce que j ’avais promis
à mon vie il a mi Ar na ud qui m ’a v a it fa it jur e r de
ve ille r s ur sa ve uve e t s ur sa (¡lie, je n ’ai plus
ja ma is écr it, plus ja ma is fr anchi le s e uil de cet
a ppa r te me nt où elles vé gétaie nt toute s les de ux ,
ce la parce que je l’a imais , e lle , Be r nade tte , que
je m ’étais mis en tête (le l’a vo ir e t q u ’elle m ’a
r e nvoyé ve r te me nt à me s nègre s et à mes p la n
t a t io n s ... C’est d é g o ûta nt, t o u t de même , ce que
j ’ai fa it là. On a be au a ime r une fille e t être
repous sé pa r e lle, ce la ne vous dégage ni d ’une
prome s s e , ni des de voirs de l’a m it ié ... J ’ir a i chez
elles d e m a in ... »
La r e vo ir ... Ou i, la r e voir ! il é ta it bie n obligé
de s’avoue r quo, s’il a v a it que lque re mords d ’avoir
ma nqué à la mis s ion que lui a v a it confiée en
mo ur a nt son ami Ar na ud , ce n ’é ta it pas s e ule
me nt po ur cela q u ’il ir a it s onne r à la porto du
pe tit a ppa r te me nt de la rue de Lille . Une pensée
pénible , ins uppo r t a ble , s’in s ta lla it en lui et il se
connais s ait assez pour s avoir q u ’elle ne lui lais s e
r a it pas de repos . T rois a n s ! Be r nade tte a va it
ving t ans , A cette époque . De puis ce temps - la,
Die u s ait que ls événe me nts a va ie nt pu se passer
dans la vie des de ux fe mme s I Elle s’ôta it peutêtre ma r ié e ... Elle a v a it fait sa vie comme il lui
a v a it c o nve nu... L ’idée que IJe rnade tte , a ujo ur
d ’h ui, a p pa r te na it pe ut- être à q u e lq u ’un, que
ce tte jolie fille, à q ui il a va it si longte mps rêvé,
là- bas, on Afr iq ue , après son re fus , a v a it livr é
s on corps et son âme à un autr e homme que lui,
S. 0 . S. ! Une fe m m e s o m b r e ...
fais ait se héris s e r sa chair et a lla it lu i inflige r la
même tor tur e le nte que ces fièvres do nt il a va it
s ouffe rt, a u cours de ses e x péditions dans les
forêts tr opicale s , é te ndu s ur la te rre hum id e , en
pr oie a ux mous tique s e t aux m a r in g o uin s ... Oui,
c’é ta it cela : une chale ur br ûla nte e t un m illio n
de piqûr e s do nt chacune r é ve illa it e n lu i le s ou
ve nir d ’une pe tite doule ur . 11 l’a im a it. Il é ta it
l’a m i de la mais on, elle le t r a it a it si ge ntime nt en
camarade q u ’il s’é ta it cru s ûr du succès : elle
n ’a v a it pas voulu de lu i !
Sous la pluie qui tr ans pe r ça it son parde s s us
sans q u ’il en e ût bie n cons cie nce , Ma r tin La Pére lle se r a id it e t r ic ana t o u t s eul :
— T u dér aille s , mon vie ux I Ce la te va m a l de
joue r à l’amour e ux tr a ns i ! Sois donc toi- même ,
espèce de s auvage I T u as assez d ’ar ge nt pour te
paye r toute s les fe mme s — e t il y en a au monde —
qui ont des che ve ux blonds et des ye ux noirs !
Des cas comme le tie n, ça se soigne !
Il p a r la it t o ut ha ut, en ge s ticula nt :
— Encore un ivr ogne ! d it une fe mme q u i pas
s ait au bras d ’un homme .
Ma r tin La Pér e lle s alua :
— Me r ci, ma da me , grogna- t- il. E t le pire ,
c’est q u ’elle a r ais on. J ’ai ce r ta ine me nt bu un ou
de ux cocktails de tr op. Ce n ’é ta it pas Be r nade tte ...
Il se s ecoua à la ma nièr e d ’un chie n mo uillé ,
héla de nouve au un tax i que , cette fois , pe rs onne
ne lui dis puta et se fit conduire à Montm ar tr e .
Ht
* *
Tous les gens q u i, de puis v in g t ans , a vaie nt
r e ncontr é Ma r tin La Pére lle en Afr ique , des rives
de la me r Bouge ju s q u ’aux forêts équator iale s du
Congo ou bie n en Fr anc e où il fais ait chaque
année un s éjour plus ou moins long s’accordaie nt
pour déclare r :
— Ce t homme - là, c’est un ty pe !
Un ty pe ? Mo t qui ve ut to ut dire e t q u i ne
s ignifie pas g r a nd’ehose. Qui donc n ’est pas un
ty pe ? Il s’a git de s avoir que l ge nre de type é ta it
Ma r tin La Pér e lle .
Sa nais s ance ? U n dr ame d’a mour . He nr i La
Pére lle , négociant e n vins de Pe r pignan, avail
s é duit, au cours d ’u n voyage en Catalogne , une
be lle pe tite Es pagnole do seize ans et l’a va it e nle
vée . La famille de la coupable é ta it ve nue la
re che rche r, l’a v a it e nfe rmée au couve nt. Mais
la cour te folie pas s ionnée a v a il porté ses fr uits ,
lJolorès é ta it e nce inte . 11 a v a il bie n fa llu cons e n
tir au mar iage . Cinq mois après la cérémonie ,
la pauvr e e nfant m o ur a it , m e t ta n t au monde un
fils : Ma r tin.
C’e ta if sa gr a nd’mère mate r ne lle qui s’é ta it
iliar gé e de ! Vie ver. Ma r tin a va it gr a ndi dans un mas
c atalan, non loin de Figue r as . Comme une pe tite
bête s auvage , il a va it cour u la montagne et les
forêts de chenes- lièges, re paire s des contr e bandie r s ,
a v a it a ppr is ave c e ux à chas s er l’is ar d, école buis
s onnière dange re us e mais qui, pour toute la vie ,
donne à un garçon des mus cle s de fer e t un cou
rage in do m pta ble . Qua nd M. La Pér e lle , le g a m in
a ya nt a tt e int douze ans , a va it jugé le mo me nt
ve nu de s’occupe r s ér ie us e me nt do son é duc at io n,
le collège a va it s e mblé à Ma r tin une pris on. In t e l
lige nt, il a va it été un déplor able élève , s’é ta it
�S . O . S . ! Une fe m m e s o m b r e ..
e nfui de ux fois , n ’en p o uva nt plus d ’être e nfe r mé,
y é ta it r e ntr é roué de coups et tr aîné pa r son père .
Mais ce n ’é ta it que le comme nce me nt des t r ib u
lations de celui- ci. Comme Ma r tin a tte ig na it seize
ans , il l’a v a it re pr is chez lu i, pe ns a nt que le com
me rce lu i c onvie ndr a it pe u t- eire mie ux que l’étude .
E t comme le je une ho mme é ta it incapable de
re s te r e n re pos , il a v a it pe ns é que le mé tie r de
cour tie r- voyage ur lu i c onvie ndr a it à me r ve ille .
Malhe ur e us e me nt au cours de ses pé r é gr ina tions ,
il a v a it r e ncontré ses amis les contr e bandie r s . Le
g oût du r is que l’a v a it lancé dans des ave nture s
pér ille us e s . 11 ne v e n d a it guère de v in ; ma is , en
r e vanche , il se lit me ttr e e n pr is on pour une his
toire de ge ndar me tué où 011 ne p u t ja ma is très
bie n démêle r q u i é ta it inno c e nt et q u i é ta it cou
pa ble . Ac q u it t é , faute de pre uve s , il r e ntr a dans
la vie t o u t jus te pour pa r tir a u s ervice . C’é ta it en
1911. A s on r e tour , son père , assez pe u t r a nquille
s ur s on a ve nir , lu i che r cha une s itua tio n au loin.
Ma r tin e ntr a chez u n corr mis s ionnair e de Djib o u t i,
y re s ta u n mois , fit on 11e s ait que lle combinais on
ave c les pêche urs de perles de la côte . Qua n d la
gue rre éclata, il é ta it associé dans une pêche rie
et s ur la r oute de la for tune . Blessé gr iè ve me nt en
1916, décoré, avec une c ita tio n s ple ndide et
r éfor mé, il r e pa r tit.
A pa r tir de ce tte époque , la vie de Ma r tin La
l ’ére lle p r it un caractère assez my s té r ie ux . Un
s a va it q u ’il g a r da it des inté r ê ts dans la pêche rie .
Mais était- ce le be s oin de change r de place ou
que lque autr e r ais on q ui lu i lit r oule r sa bosse un
pe u aux qua tr e coins de l’Afr iq ue q u ’il a va it
dé c idéme nt chois ie comme te rre d ’éle ction?
On le r e trouve e n Aby s s inie , dir ig e ant une
e x ploita tio n agr icole que r u in e n t le c lim a t e t la
mauvais e volonté de ses natur e ls , puis dans le
te r r itoire de T a ng a ny ik a ave c des pla nta tio ns de
caoutchouc. Le caoutchouc ne mar che plus . Le
vo ilà à Madagas car . Qu ’y fait- il ? On s e rait bie n
e mbarras s é de vous le dir e . Le mys tèr e s’épaissit,
a uto ur de Ma r tin La l ’ér e lle . Il tr aite des allair e s ,
dit- on.
Le s que lle s ? T a ntôt on le cr oit riche , ta n t ôt , 011
le vo it r e paraître mis ér a ble , m in é par les fièvre s ,
toujour s plus c uit, plus boucané par sa dur e vie
où le has ar d e t de brus que s coups de tête s e mble nt
joue r les pr e mie rs rôles.
Ma inte na nt, de puis des année s il é ta it a u Congo
en ple ine brous s e , non loin de Ko und é , près de la
lim it e du Ca me r oun, l'ancie nne colonie a lle mande
de ve nue fr ançais e . Qu ’y faisait- il ? L’éle vage des
palmie r s , la pr épar ation de l’huile de pa lme ,
dis ait- il. 11 a v a it aus s i une s cie rie . J1 par ais s ait
riche , v iv a it s e ul au milie u de ses ouvr ie rs fr a n
c s e t indigène s . On le s uppos ait capable de tout.
C’é ta it pe ut- être vrai. E 11 tout cas, il é ta it en
règle avec les lois do son pays e t s e mbla it même
bie n cons idéré en h a u t lie u, car chacun de ses
voyage s e n Fr ance se m a r q ua it par de no m
bre us e s visite s dans les minis tèr e s . Il é ta it cr aint,
un pe u in q u ié t a n t ...
Lt ave c to ut cola, il no lais s ait pas d ’être s y m
pa thique , ce gr and diable maigr e e t ne r ve ux de
quar ante - cinq ans , au vis age bas ané, d o nt les
che ve ux noirs co mme nçaie nt à se pars e me r
aux te mpe s de lils d ’ar g e nt, r e m ua nt, toujour s
pas s ionné pour que lque chose, ha r gne ux , mé fia nt
et ma lgr é t o ut un pe u naïf comme tous ce ux qui
vive nt en dehors de la c ivilis atio n. Viole nt, colère,
il é ta it capable de be aucoup de bonté — une bonté
bourr ue — et malgr é q u ’un l’accus ât de te mps
e n te mps des pire s choses, pa r e xe mple d ’être
vole ur , escroc et, pe ut- être — qui s ait ? — ass as sin,
ses e nne mis ne po uva ie nt s’e mpe che r de lui r e con
naîtr e une ce rtaine dr oitur e , la lidé lité s cr upule us e
à la parole donnée . En r és umé, une espèce de ba r
bare q ui vo y a it e t fais ait les choses à sa fa ç o n...
e t ce tte façon n ’é ta it pe ut- être pas la plus ma uvais e .
T e l é ta it l’homme , assez in a t t e n d u dans un te l
e ndr oit, q ui a y a nt quit t é son ta x i, m o uillé , l’air
d ’un dor me ur m a l éve illé e t liévr e ux pous s ait
ma inte na nt la porte du bar Pe r ve nche , rue HenriMonnie r , e t é ta it s alué à s on e ntrée par un cri
joye ux de la patr onne :
— E h ! C’est Ma r t in ! Comme nt tu vas , pe tit?
— Ça va , ma be lle . Fais - moi appor te r un
w his ky , r épondit- il e n r e me tta nt un pardes sus
tr e mpé a ux ma ins de la « dame du ve s tiaire »
accourue , e t fais ant un e ffort louable mais va in
po ur défrois s e r s on s moking hum ide .
Le bar Pe r ve nche é ta it une de ces pe tite s boîte s
assez inte r lope s comme on en compte t a n t à
Montm ar tr e , is olé de la rue pa r ses r ide aux de
soie pâle pliss ée , éclairé pa r des lampe s tamis ée s ,
me ublé de manièr e incommode et mode r ne . C’é ta it
gr and comme un mouchoir de poche e t la patr onne
Pe r ve nche — de son vr a i nom Cor nille Br e al —
é ta it à l’éche lle du cadre . C’é ta it une pe tite fe mme
d ’une qua r a nta in e d ’année s , noire comme un cr i
que t, pe inte , serrée à étouffe r dans une robe du
même ton que ses r ide aux et coiffée à l’e nfant,
bouclée ... assez laide , d ’aille ur s .
Le ba r m a n a y a nt s e rvi à Ma r tin le whis ky
de mandé, elle v in t s’ass eoir e n face de Ma r tin :
— Je vie ns te te nir c ompa gnie ... P our ce q u ’il
y a de monde ce s oir!
E n effet, la salle e xiguë é ta it à pe u près vide .
Dans le fond de ux je une s homme s à tour nur e
é quivoque s ir otaie nt des cocktails en se racontant
des his toir e s que po nc tua ie nt des pe tits rires
étouffés . Un couple — lu i, un étr ange r , e lle, une
fe mme de Montmar tr e — fu m a it e t b uv a it en
s ile nce . E t , de l’autr e côté, une fe mme blonde ,
s eule, accoudée s ur la ta ble , son ve rre vide , lais
s ait éte indr e sa cigare tte te nue par une ma in pâle
e t line , pe rdue dans une rêve r ie mor n e ...
— Les affaires ne ma r c he nt pas ? de manda
Ma r tin , nonc ha la mme nt.
— Couci- couça! d it Pe r ve nche . T u sais, nous
s omme s t a n t , dans ce c oin! T out le monde , il
pe ut pas faire for tune ! fa ut pas se pla ind r e ... C’est
pas comme to i, he in, b a n d it ? T u en as de l’ar ge nt,
lié?
— Si c’est pour me tape r , Cor nille , d it t r a n q u il
le me nt le k bandit. » en que s tion, tu repass eras ,
Je s uis r a id e ...
Que lle blague I Dis que tu ve ux pas s ortir
tes économie s , Ma r tin , hé ? Je te connais , de puis
le te mps q u ’on jo ua it e ns e mble , che z ta g r a nd’mèr e ! que l b a n d it t u ôtais dé jà, je me r appe lle !
— T u l’as d é jà d it. E n lin , b a n d it ou non, je
n ’a tt a que pas encore les gens dans la rue . J ’ai
joué au cercle e t j ’ai pe rdu bie n plus que je ne le
voula is . C’est pour quoi je vie ns te tr o uve r ... J ’ai
�6
encore que lque s pe tite s choses do nt je voudr ais
me débar ras s e r ... T u sais quoi?
— Do n ne ... c’est a vanta g e ux ?
— Je pe nse bie n. Cin q m ille ... tr ois m ille ...
de ux mille c in q ...
La pe tite fe mme four rage a dans ses che ve ux
d ’un a ir pe rple xe :
— T u sais, elles s ont pas riche s en ce mome nt,
les poule s , ave c la crise. En fin , t o u t de mê me , on
pour r a v o ir ...
Un p e tit pa que t e nve loppé de p a pie r de soie
passa de la poche d u s moking de Ma r tin La Pére lle
dans le corsage r e bondi de Pe r ve nche :
— Tu sais, dit- e lle, fa ut pas compte r que ça
sera t o ut de s uite fa it. F a u t l’occas ion.
— Je sais, r é p a r tit l ’autr e e n s our iant. Je n ’a t
te nds pas cela pour mange r de m a in m a tin
— Je m ’en doute , c o q u in ! Un s e cond w his ky ,
hé?
— Si t u v e ux ...
Ils re s tèr e nt s ile ncie ux , oppress és pe ut- être à
le ur ins u pa r l’atmos phère de ce tte boite pr é te n
due joye us e . Dans le fond, s ur une pe tite e s trade
un jazz mé lanco lique e t découragé e nta m a it une
r um b a que pe rs onne n ’a v a it e nvie de dans e r ...
la de r nièr e de la n u it ... Ma r tin La Pér e lle , appuyé
s ur la table , les ye ux à de mi fe r més , lais s ait errer
ses re gards a uto ur de lu i. 11 e flle ur a a ins i les de ux
je une s gens équivoque s , le couple d ’amants de
has ard e t s’ar r êta s ur la fe mme s olitair e , te na nt
toujour s sa cigare tte éte inte , s tatue de l’indifle r e nc e e t de l ’e n n u i...
Pe r ve nche je ta un coup d ’œ il vers la table :
— Oh l C’est pas celle- là q u i achète r a tes pe rles .
La pauvr e pe tite I Elle n ’a pe r s onne ... Je la laisse
ve nir ici le s o ir ... Mais les te mps s ont ma uva is ...
e t puis , elle ne s ait pas se débr ouille r !
— Elle est jolie , d it Ma r tin.
— T u tr ouve s ? Elle ne fa it pas d ’e lle t, v o ilà!
C’est domma ge , car c’est une bonne pe tite 1 Si
e lle te p la it , c’est pas diffic ile ... Hé ! Nicole , vie ns
un pe u à notre table ! T u t ’e nnuie s , t u te ronge s
toute s e ule !
Av a n t q u ’il a it pu prote s te r q u ’il n ’a va it nulle
e nvie do noue r une a ve ntur e ce s oir, la fe mme
s’é ta it le vée . D ’un pas lége r, elle glis s ait vers e ux :
— As s ie ds - toi, pe tite , r e pr it Pe r ve nche . Je pr é
s e nte ... C’e s t Nicole , une pe tite a m ie ... Un vie ux
copain à m o i, un a m i d ’e nfance , Ma r tin La P ér e lle ...
T u pr e nds que lque chose, Nicole ?
— Un grog, si vous voule z, dit- e lle en friss on
n a n t légèr e me nt.
Elle a v a it gar dé à la m a in la cigare tte in utile .
Ma r tin tir a son b r iq ue t, l ’a llu m a , le lu i te ndit.
Elle d it « Me rci » t o u t bas , ave c une s orto de
t im id it é .
11 l’a v a it déjà re gardée to u t à l’he ure , il l’e xa
m ina ave c plus d ’a tt e ntio n. Elle éLait jo lie , comme
il l’a v a it d it , mais d ’as pe ct dé lic a t, un pe u m a la
dif. Ex tr ê me me nt mince — elle no d e va it pas
por te r la mo indr e ce intur e e t elle s e mbla it nue
sous sa robe noire semée de bouque ts de rosos
q ui d (‘c ouvr a it do frêles é pa ule s — elle é ta it blonde ,
de ce factice blo nd pâle d it p la t in é dont la modo
c o mme nçait à pass e r. Pe u ma quillé e , la bouche à
pe ine rougie , ello d o nna it plutôt. l’impre s s ion d ’une
pe tite d a c ty lo... ou, plus s imple me nt, d ’une je une
fille . C’é ta it a bs ur d e ...
S. O . S . ! Une fe m m e s o m b r e ...
« Il ne doit pas y a voir longte mps q u ’e lle l'ait
ce métie r - là, » s onge a Ma r tin.
A u même mome nt, e lle t o u r n a it s on re gard
ve rs lu i. Elle a v a it des y e ux noirs tr ès gr ands ,
très doux . Ce la le lit pe ns e r à Be rnade tte . T o ut
le r a me na it à e lle , dé c idé me nt, cette n u it.
Un b r u it de monnaie in d iq u a it que les de ux
couple s de cons ommate ur s se pr é pa r a ie nt à se
re tire r . Le s de r nie r s accords de la r umba t r a î
nèr e nt, s’éte ignir e nt. Ce tte fois, les mus icie ns ne
r e comme nce r aie nt plus à joue r . La n u it finis s ait.
On v it s’éclips e r les de ux je une s ge ns , puis
l’homme e t la fe mme .
— Ça n ’est pas comme ça tous les jour s , d it Pe r
ve nche . He ur e us e me nt. Il y a des soirs où c’est
très ga i, ic i. N ’est- ce pas , Nicole ?
— Oui, r é po ndit la je une fe mme . 11 y a des
s oirs ... J ’aime t a n t la m us ique ...
Ma r tin La Pére lle fu t fr appé pa r sa voix . Elle
a va it une curie us e s onorité cr is talline , très pur e .
Pe r ve nche b âilla ne r ve us e me nt, cligna de l’œ il
ve rs lu i :
— T u ne sais pas ce que t u de vrais fair e ? Va
donc r e conduire Nicole jus que chez e lle . T u lui
paye r as un ta x i. N ’aie pas pe ur de lu i, pe tite .
C’est u n brave garçon, ma lgr é ses air s de fou.
Nous nous connais s ons de puis long te mps . Il est
né à Pe r pignan e t moi aus s i e t tous les de ux , on
a d u s ang catalan dans les ve ine s . Des moitiés
d ’Es pagnols , quoi 1 On a joué e ns e mble q ua nd ou
é ta it pe tits , on s’est re trouvés de puis e t chaque
fois q u ’il vie nt à Par is , il vie nt me vo ir ...
Ma r tin a va it froncé les s ourcils . P o ur quo i P e r
ve nche te nait- e lle à l’e mbar que r dans une
a ve ntur e q u i ne le te nta it n u lle m e n t ? 11 a im a it ,
lu i, les belles filles u n pe u épanouie s , celles dont
la force r é po nda it à la s ie nne . Ce tte pe tite , il
c r a in dr a it de la casser en la t o uc ha nt.
De nouve a u, elle le r e gar dait mais , cette fois,
c’é ta it avec une espèce d ’angois s e . Il de va it lui
faire pe ur . Et, po ur t a nt, il a va it l’impre s s ion
q u ’elle le s up p lia it de l’e mme ne r en effet. Elle
de va it avoir bes oin d ’ar ge nt. Apr ès t o ut, p o ur
quoi pas ? P e nd a nt le te mps q u’il s e rait ave c cette
lille , peut- être cesserait- il de pe ns e r à l’a utr e ...
Nicole s’é ta it levée , a lla it che rche r un mante au
do soie noire q u ’e lle a va it laissé s ur la ba nque tte :
— Elle e st ge ntille , pa s ? de manda Pe r ve nche .
C’est une pa uvr e gosse. Sais- tu co mme nt on
l ’appe lle ici. Pe tite Sour ce ... Oui, à cause de sa
v o ix ...
Elle r e ve nait. Elle s our it à Ma r t in po ur la
pr e miè r e fois , d ’un s ourire à la fois hum b le e t
candide . Pe tite Sour ce ... Oui, il y a v a it en elle
que lque chose d ’indic ible r a e nt fr a is ... Pe tite
Sour c e ... Cola é voqua it l’e au lim p id e où on rêve
de plonge r ses ma ins , son fr o nt, cette e au q u ’on
che rche en vain là- bas, dans la br ous s e ... Une
pe tite Source de la gr ande for êt de Par is , touffue
e t dange re us e ...
Il s’é ta it le vé, s oudain décidé. Il serra la m a in
de Pe r ve nche :
— T u re vie ns q u a n d ? cr ia celle- ci. Bie ntôt?
Un autr e s oir, ce sera plus gai.
De hors , il ne ple uva it plus . La n u it é ta it encore
complète e t, dans le ciel s oudain dégagé, des
étoiles br illa ie nt, Nicole r e s pira :
— Il fa it b o n...
�7
S . O . S . ! U n e fe m m e s o m b r e ...
— Où demeure z- vous ? de manda La Pére lle .
— Rue Houdo n, t o ut près d ’ic i...
Il che r chait des ye ux une voitur e . Elle lui
pos a t im id e m e n t la m a in s ur le bras :
— Si ça ne vous fais ait r ie n, mons ie ur , allons à
p ie d ... J ’aime bie n mar che r la n u it ...
Elle a v a it toujour s s on re gard in q uie t. Il s on
ge a que , s ans doute , elle s ouhaita it re culer le
plus pos s ible le mo me nt où elle s e rait seule avec
lui. Elle se mé fiait.
— Comme vous voudr e z, r épondit- il.
Elle mar cha à côté de lui, sans lui pr e ndr e le
bras , sans le touche r .
— Vous aime z Montmar tr e ? de manda- t- il, pour
par le r .
— Ou i... Mais j ’y s uis de puis si pe u de te mps ...
J ’ha bita is s ur la r ive gauche a v a n t...
Ils a r r iv a ie nt place Pig alle . Là, un gr and éta
blis s e me nt de n u it , encore ouve r t, déve r s ait s ur
le tr ott o ir les de r nie r s s oupe urs ; le chas s e ur
a ppe la it des voitur e s :
— Chas s e ur, u n t a x i! d it une voix à côté de
La Pér e lle .
Il re garda ma ch ina le me nt ce lui q u i ve na it de
par le r . C’é ta it un je une ho mme très élégant, avec
une jolie figure fine . Près de lu i é ta it une fe mme
blonde avec un ma nte au de ve lours noir . Il la
vo y a it de trois quar ts . Il fa illit crie r . Be r nade tte ...
C’é ta it encore Be r na d e tte ... Ma is , ce tte fois , il
ne se tr o m p a it pas . Il r e connais s ait l’inoublia ble
vis age ...
Il e ut un mo uve me nt br us q ue , comme s’il
a lla it se je te r ve rs e lle . Mais , to ut de s uite , il se
r e pr it, serra le br as de Nicole :
— Allo n s ... Allo ns vit e !
Ils tr ave r s èr e nt la place , s’e ngagère nt dans la
pe tite r ue Houdo n. A la tr ois ième ma is on, la
je une fe mme s’arr êta. Elle a lla it s onne r, sa ma in
r e tomba :
— Ne monte z pas ave c moi, mons ie ur , dit- elle
douce me nt. Vous n ’en ave z pas e nvie .
Il é ta it tr o ublé , fur ie ux . Son d é p it a ugme nta à
la pensée que cette pe tite fille facile e s s ayait de
se débarr as s e r de lui. Mais , au môme mo me nt, il
v it que lque chose q ui lu i fit p it ié , l’a tte nd r it, car
H ôta it plus s e ns ible q u ’il v o u la it en a vo ir l’air .
Elle n ’a v a it toujour s pas s onné et comme il res
t a it de va nt e lle , indécis , sans rie n décide r , elle
s’é ta it a ppuy é e s ur la porte e t ses ye ux se fe r
ma ie nt ma lgr é elle :
— Re ntr e z, ma pe tite , dit- il.
— Excus e z- moi... Je s uis fa tiguée .,. Ah ! .Ir1 ne
s uis pas la fe mme de la n u it ...
Les mots , pour Ma r tin La Pér e lle , pr e naie nt un
autr e sons. La fe mme de la n u it ! Non, elle n ’é ta it
pas la fe mme de sa n u it , à lu i... Il n ’y e n a va it
q u ’une , c’é ta it celle q u ’il a v a it cr u, de ux fois,
voir ce s oir ... Ce lle do nt il a v a it si s ouve nt rêvé
l’étr e inte , dans les nuits de fièvre do la br ous s e ...
Be r n a d e tte ...Be r na d e tt e ... Dans que lque s he ure s ,
il s e r ait che z e lle, il s a ur a it ... Le b r u it de la porte
qui se r e fe r mait le fit tr e s s aillir. 11a v a it laissé r e ntre r
la pe tite sans même s’en ape rce voir. Il é ta it s eul
dans la rue dés e rte . Où é ta it Be r nade tte ?
Endor m ie rue de Lille dans sa chambr e de je une
fille ou b ie n ... ou b ie n ... ?
C H AP IT RE
II
L a. j e u n e f i l l e d e m i d i
Ma r tin La Pér e lle g r im pa quatr e à qua tr e
l ’e s calie r de la vie ille ma is on de la rue de Lille .
Ar r ivé s ur le pa lie r du cinquiè me étage , il s’arr êta
b r us que me nt e t se d it :
« Qu ’est- ce que je vie ns faire ic i ? »
Il a va it épr ouvé une pr e mière angois s e e n bas ,
lor s qu’il a v a it de mandé à la e jne ie r ge « si me s
dame s Ar na ud » de me ur aie nt encore là. Il a va it
cru to ut gagné q ua nd on lu i a va it r é po ndu oui.
Ma inte na nt, il se de m a nda it ce q u ’il a lla it tr o u
ve r de rrière ce tte porte q u’il r e connais s ait pour
l’avoir fr anchie si s ouve nt autre fois . Rie n n ’a va it
changé de puis trois ans ; on vo y a it encore s ur le
côté d u b a t t a n t la ma r que de la pe tite plaque de
cuivr e po r ta nt le nom d ’Ar na ud qua nd il v iv a it
et que sa ve uve a va it e nlevée parce que , disaite lle — « II é ta it inutile que les inconnus qui
m o nta ie nt s ache nt q ui h a b it a it là. » — Mais ,
dans l’a ppa r t e m e nt, q u ’allait- il tr o uv e r ? Com
m e nt s e rait- il acc ue illi ?
Il ap puy a le doig t s ur le bouto n de la s onne tte .
Le s on du tim br e grêle le s alua comme une voix
pas e nte ndue de puis longte mps . Puis il e nte ndit,
à l’inté r ie ur , un b r u it de pas e t la por te s’o uvr it .
Da ns l’a ntic ha m br e à de mi obs cure , une s ilhoue tte
de fe mme pa r ut. C’é ta it Be r nade tte . Elle re s ta
une s econde pétrifiée , pous s a une e x cla mation de
s ur pr is e e t e nfin cria :
— Mère ! Mère I C’est Ma r lin La Pére lle !
Une seconde s ilhoue tte pa r ut. Des ma ins
pr ir e nt les s ie nne s . Il se r e tr ouva en ple ine
lum iè r e , dans un pe tit s alon où rie n n ’avait,
change non plus . Il e mbras s a du re gard le vie ux
mobilie r , les faute uils de ve lours gre nat, la
gr ande glace vé nitie nne au ve rre tr ouble , le gué
r idon couve r l d ’une de nte lle ancie nne , e t s ur
le que l, dans un vase, s’épanouis s aie nt de s g'aïe uls .
E t ce ne fut que lor s qu’il e ut vu tout cela q u ’il
tour na les ye ux vers M mo Ar na ud qui lui pa r
la it :
— Enfin , vous voilà ! dis ait- e lle. P our quoi
n ’être ja ma is re ve nu ou, t o u t au moins , pour quoi
n ’avoir ja ma is écr it ? Nous nous de mandions
que lque fois si vous n ’étie z pas m o r t ... N ’est- cn
pas , Be r nade tte ?
M®e Ar n a u d , une fe mme mince e t pôle , a va it
vie illi. Ses che ve ux é ta ie nt pr e s que blancs , m a in
t e na nt. On la s e ntait usée ; elle do nna it l’impr e s
s ion de ces être s q u ’on ne m a intie nt q u ’à force de
s oins . Une de ces plante s délicate s que le
moindr e oubli ou un r ayon de sole il tr op v if fait
m o ur ir ...
— Ma r tin La Pére llo a va it sans doute mie ux à
faire que do nous donne r de ses nouve lle s , dit la
voix de Be r nade tte .
�S. O. S. ! Une fe m m e s o m b r e ...
Sa voix é ta it calme , sans émotion. Comme elle
Il ne 1'a vait pas encore- re gardée . 11 se décida à
l’a v a it oublié ! Elle n ’a va it donc ja m a is s e nti que
le faire e t, to ut de s uite , son cœ ur s’é pa nouit .
là- bas, au de là des me rs , il n ’a va it ja ma is cessé
Elle re s s e mblait, certes, à cette fe mme q u’il a v a it
de s onger à elle ?
ape rçue de ux fois la ve ille . Mais ce n ’é ta it pas
— Je ne v o u s in vit e pas à déje une r a ujo ur d ’h u i,
e lle . L ’autr e é ta it élé gante , u n pe u m a q uillé e .
déclara M me Ar na ud , Be r nade tte va s or tir e t cela
Be r nade tte , dans une très s imple r obe de serge
ne s e rait pas gai pour vous de re s te r en tête à
ble ue , é ta it restée «a je une fille q u ’il a v a it connue
tête ave c une vie ille fe mme q u i ne s aur ait que
e t aimée .
vous e nnuye r ave c ses s ouve nir s . Mais de main,
Je s ais , dit- il, tous les r e proche s que vous
si vous voule z... Pour a u jo u r d ’h u i, nous allons
pourre z me faire . 11 y a longte mps que je me les s uis
pr e ndre le por t o... Non, lais se, ajouta- t- elle comme
adressés à moi- même ... Mais ma vie a été si
Be r nade tte fais ait un mouve me nt vers la porte .
compliquée de puis trois a ns ... si difficile aus s i...
Je vais m ’e n occupe r ... Re faite s connais s ance ,
11 s’inte r r o mp it . 11 se r e nd a it compte que s’il
pe nda nt ce te mps - là... C’est si dr ôle de se re voir
e ntr e pr e nait de r aconte r, en effet, t o u t ce qu’a va it
après un te mps si long !
été ce tte vie , il en a u r a it pour des he ure s e t des
La je une fille a tte ndit que le pas lége r, un pe u
he ure s à t o ut d ir e ... même s’il c achait les choses
tr a îna nt, de sa mère se fût affaibli de r rièr e la
q u’il lu i é ta it impos s ible de r évéle r à ces de ux
porte fe rmée . Elle d it le nte me nt :
fe mme s .
— Je sais pour quoi vous n ’êtes ja ma is r e ve nu,
— Asseyez- vous, Ma r t in , d it Mme Ar n a u d . Où
Ma r tin , mais je suis seule à le s avoir . C’est ma
êtes- vous, m a inte n a n t, éte r ne l va g ab o nd?
faute . Par donne z- moi...
— Au Congo, e n ple ine brous s e , non lo in du
— Ne me de mande z pas p a r d o n ... Vous étie z
Ca me r o un... Je vous e x plique r ai.
libr e de ne pas voulo ir de moi. Se ule me nt,
— Que faite s - vous , m a in t e n a n t ?
l’a mour m ’a va it r e ndu l’a mit ié impos s ible . Vo ilà
— Bie n des chos e s ... J ’e x ploite des kilomètr e s
pour quoi j’ai dis par u.
de te r r ains bois és que j ’a i ache tés ... Une pe tite
— Vous ave z s ouffe r t? dit- elle vive me nt.
jung le , po ur mie ux d ir e ... Je récolte l’huile de
— Ne par lons pas de ce la...
pa lme . J ’a i une espèce de pe tite us ine , une
— Au mo ins , vous êtes guér i a ujo ur d ’h u i?
s cie rie ...
Il a ur a it voulu répondr e oui, affe cte r le dé ta
— Vous êtes conte nt ?
c he me nt, l’indiffér e nce q u ’elle té m o ig na it elleIl se m it à r ire :
m ê m e ; mais trop de choses b o uillo nna ie nt en lui
— Ou i, très c o nte nt... Mon s ort ne s atis fe r ait
de puis q u ’il é ta it là e t q u ’il la r e voyait te lle q u ’il
pe ut- être pas t o u t le monde . Mais moi, j’aime
l’a va it aimée et dés irée , plus be lle encore q u ’a u
cette vie .
tr e fois ... Il mur mur a :
— Votre père est mor t, je crois ?
Vous s ave z... c’est un pe u comme les
— Il y a de ux ans . Il en a v a it s oixante - quinze .
fièvre s ... On se cr oit guér i e t il arr ive q u ’on a it
Je s uis ve nu en Fr ance alors pour régle r les
encore des accès ...
affaire s de la s ucce s s ion...
— Ma r tin :
De nouve a u, il s’ar r êta. Il ve na it d ’a voir br us
Elle lui t e nda it les de ux ma ins :
que me nt un pe u de honte d ’évoque r l’énorme
J’ai s ouve nt pensé à vous ... Vous étie z pour
hér itage q u i lu i é ta it éc hu, parce q u ’il se r e n
moi un e x ce lle nt a m i...
d a it compte q u ’il to m b a it ici dans une gêne
Il a v a it pris les mains te ndue s , mais il résista
vois ine de la mis èr e ... O h ! Une mis ère dis cr ète ,
à l’e nvie de les bais e r. Une s e conde , il posa s ur
v a illa m m e n t s uppor tée , ma is que dis a ie nt élo
elles son fr ont lour d, se redres sa :
que mme nt l’us ur e des te ntur e s e t d u tapis q u ’on
— Qu ’êtes- vous de ve nue ? Ou*1 faites- vous dans
ne r e mpla ça it pas e t la pe tite ja que tte de laine
la vie ?
s oigne us e me nt re pris ée de la mè r e ... et aus s i la
— T oujours la même chos e ... Je donne des
s im p lic ité de Be r nade tte .
le çons ... T out ce q u ’il y a de changé, c’est q u ’au
— Vous m ’en voule z! de manda- t’il br us que
lie u de cour ir le cachot à dr oite e t à gauche
me nt. Ma foi I Je le mé r ite r a is ...
comme il y a trois ans , je cons acre to ut mon
— Un pou, r é po ndit en s our iant Mm0 Ar na ud .
te mps à une s eule é lè ve ...
Vous avie z été un si bon a mi po ur nous à la mor t
M™ Ar na ud r e ntr a it ave c u n plate au s ur
de mon pauvr e ma r i, votre a m i, La Pér e llo...
le que l é ta ie nt placés un s ervice à porto e t une
Alor s , votr e a ba ndo n nous a s ur pris e s ... E t s ur
ja tte de gâte aux :
t o ut votre s ile nce ...
Be r nade tte vous parle de sa s it ua tio n? ditElle ig nor ait ce qui l’a va it éloigné. S’était- e lle
e lle . C’est bie n he ur e ux pour nous q u ’e lle a it
doutée q u ’il a im a it sa fille ? Peut- être , mais
tr ouvé ce la. Oui, on lui a confié une éducation
jamais , sans doute , Be r nade tte n ’a v a it d û avoue r
complète . Elle fait tr a va ille r la fille du ba nquie r
à sa mère la déc lar ation de Ma r tin , sa de mande
Dur o y, une fille tte de quator ze ans . Oh I ce soûl
en mariage . Ce la s’é ta it passé e ntr e e ux , un
des
gens char ma nts et, q u i l’a im e nt be aucoup. Ils
dima nc he oû ils é ta ie nt s ortis e ns e mble :
s
ont
ple ins d’atte ntions po ur e lle , lis la s or te nt,
Je n’ai pas d ’excus e, dit- il d ’un a ir s ombre .
ils la dis tr a ye nt. Ains i, hie r soir, elle a été à
No n, pas d ’a utr e excuse que l’e xis te nce ellel’Opér a avoc e ux. Ens uit e , ils o n t été s oupe r
mê me ...
En fin , vous nous re ve ne z ! r e pr it ga ie me nt ladans un gr and r e s ta ur a nt... Elle est re ntrée à je
ne sais que lle he ur e , je ne l’ai même pas e nte ndue ,
mèr e . On par donno à l’e nfa nt pr o d ig ue ... N ’estje do r ma is ... Elle a ains i une vio plus amus ante
oo pas , Bor nade tto ?
que si elle était toujour s ave c mo i. J ’en s uis bie n
— Je n ’en ai ja m a is vo ulu à Ma r tin La Pér e lle ,
c onte nte ...
d it s imple m e nt la je un e fille .
�S . O. S. ! Une fe m m e s o m b r e ...
—
Si nous par lions d ’autr e chos e ? d it viv e m e nt
la je une lille . J ’ai des dis tr actions , c’est e nt e nd u,
mais c’est la vie de Par is , la plus banale q ui s oit,
celle de Ma r tin do it être a utr e me nt inté r e s s a nte ...
Parle z- nous de to u t ce que vous ave z fait de puis
trois a n s ... Vous vive z au m ilie u des nègr e s , je
parie ?
Avait- e lle vu le visage de La Pér e lle s’altér e r
s ubit e me nt? Avait- e lle s oudain pre s s e nti un
dange r inco nnu ou, s imple me nt, ne se souciaite lle pas que sa mère d o n n ât des détails s ur ce
q u ’elle fais ait? La vér ité est que Ma r tin ve na it de
r e ce voir un coup e n ple ine po it r ine . Elle é ta it
s ortie ce tte n u it , elle é ta it r e ntr ée t a r d ... Mais
a lo r s ... alors , cela p o u v a it être elle q u ’il avait
vue d’abor d rue de la P épinie r e , puis à Mo nt
ma r tr e ? Be r nade tte avait- e lle une vie double , un
s ecret que sa mere ig nor a it? 11 s e ntit la néces s ité
de dis s imule r e t en même te mps de s’é tour dir ,
de ne pas s onge r tout de s uite à ce q u ’il e ntr e
voyait br us q ue me nt. D’aille ur s , q u’im p o r ta it?
Quo i q u ’elle fît , n ’était- e lle pas pe r due pour lu i?
Il se m it à pa r le r , d is a nt to u t ce qui lu i pas s ait
par la tête , d é v id a nt au has ard l’éche ve au de
ses s ouve nirs , de ses ave ntur e s . Mme Ar na ud
l’écoutait ave c l’in té r ê t pas s ionné d ’une pe rs onne
qui ne v it plus que de l’e xiste nce des autre s .
Mais , sans cesse, le r e gard de La Pér e lle a lla it
ve rs Be r nade tte q ui s’é ta it assise un pe u à l’écart
e t se dé ta c ha it , dans toute sa llamboyanLe b lo n
de ur , s ur le fond d u pa pie r fané, la tète un pe u
re nve rs ée en ar rière s ur le ve lour s du h a ut canapé
Louis - P hilippe ...
T o ut e n elle é ta it lumiè r e , scs che ve ux d ’un
blond ar de nt q u i, sans a tte indr e au r oux , se
piq ua ie n t po ur ta nt çà e t là de nuance s cuivr ée s ;
son t e in t éclatant de bla nc he ur , où les pomme tte s
roses m e tta ie nt comme une note de vie joye us e ;
sa bouche fr aîche , u n pe u e ntr ’ouve rte s ur les
de nts dans un de mi- s ourire vo lup tue ux ; scs
large s ye ux noir s , étince lants . La robe s imple
r é vé la it les ligne s d ’un corps fe r me . E t c’é ta it ce
corps q u i s ur pr e na it Ma r tin La Pére lle e t l’éblouis
sait. plus que t o ut le re s te . Qua n d il l’a va it
quitté e , e lle a v a it ce tte grâce un pe u gauche des
filles q ui o nt be a ucoup g r a ndi et q ui ne s ave nt
pas encore us e r de le ur be a uté. Il la r e tr ouvait
fe mme , la gorge ha ute , le bus te s ouple , ave c une
me r ve ille us e li^ne de ve ntr e e t de hanche s . Ses
ye ux s’a tta c hè r e nt une min ute s ur les, jambe s
q u ’e lle crois ait d ’un geste a uda cie ux e t nonc ha
la n t e t do nt les bas s oulignaie nt la for me a tt ir a nte .
La voix de Ma r tin s’étr angla une s e conde . Ce rte s,
l’a mour ancie n é ta it toujour s en lui ; mais ce
n ’é ta it plus to ut à fa it le même , ce t a mour un
pe u naïf q u ’il a v a it voué ja dis à la grande lille de
son a mi mo r t. Ma in te na nt, ce q u i s’é v e illa it en
lu i, c’é ta it un dés ir vio le nt, b r u t a l... ce dés ir qui
le boule ve r s ait lor s que , après des mois do s olitude
en ple ine brous s e , il r e ncontr ait à Br azzaville ou
àStanle y- Pool que lque be lle fille d ’Eur ope ame née
là par le has ard d ’une vie ave ntur e us e . Oui,
a ujo ur d ’h u i, il dé s ir a it Be r nade tte comme 011
dés ire u n e ... Il e ut un s ur s aut de r évolte . Que l
homme était- il donc de ve nu? Une br ute ? Un
s auvage ? Car, au même mo me nt, il r e nc ontr a it
ses ye ux à elle e t le ur lumine us e clarté le r e mplis
s ait de honte . Ce n ’était pas e lle qui d é tr uis a it
- - —■- ' —•• —
~
~
9
l ’anc ie n char me , c’é ta it lu i. Dans sa pe au d ’a ve n
t ur ie r é onqué r a nt, il n ’y a va it plus de place pour
u n s e ntime nt p u r ...
—
J ’a i voulu r e ve nir , pensa- t- il. Mais c’est fini,
je ne la r e ve rr ai plus . Ce la va ut mie ux . Il ne
pe ut rie n y avoir de c o mmun e ntre elle et moi,
mê me pas l’a m it ié ...
Qua nd il se r e tr ouva dans la r ue , a y a nt pr omis
de r e ve nir le s ur le nde ma in e t a y a nt lais sé son
adre s s e , il é ta it rés olu à change r d ’hôte l, à
dis pa r a îtr e . Le s e rr e me nt de m a in q u ’il a va it
échangé au de r nie r mome nt ave c Be r nade tte
Ar n a u d , il le cons idér ait en lui- même comme un
adie u éte r ne l.
C H A P IT R E
La
v ie
s e c h è t e
d e
B
111
e r n a d e t t e
A
r n a u d
.
A ce tte époque de l’année — on é ta it en s e p
te mbr e — la fam ille du ba nquie r Dur o y re ve nue
des bains de me r a che va it l’e té dans sa pr opr iété
de la Ce lle - Saint Cloud, une sorte de pe tit châte au
mode r ne s itué en lis ière de la route qui va de
Ve rs aille s à Bougiv a l. C’é ta it là que , chaque
jo ur , se r e nda it Be r nade tte Ar na ud , chargée
d ’ache ve r l’ins tr uc tio n do la je une É.ia no, cade tte
des e nfants , l’aîné, Ric ha r d, a tte ig na nt ses vingtc inq ans .
Be r nade tte a va it vingt- trois ans . Il y avait
h u it ans que son père , pe tit fonctionna ir e colonial,
é ta it mo r t. La mère , ave c la pe ns ion q u i lui
r e ve nait e t l’aide de que lque s amis , d o nt Ma r t in
La Pér e lle , a v a it fa it des miracle s pour que sa
lille c o ntinuât ses étude s . Elle r êvait que sa fille
fût profe ss e ur de lycée . Mais , son baccalaur éat
passé, Be r nade tte a v a it , trois fois , échoué à
l’e xame n d ’admis s ion à l’école de Sèvre s , ce qui
r é duis ait à néa nt ces be a ux rêves d ’a ve nir . Elle
s’é ta it alors re je tée vers l’e ns e igne me nt libr e ,
a va it tr ouvé que lque s leçons pa r d ’ancie nne s
r e lations . C’est ains i que re commandée à
Mm0 Dur oy, elle a v a it comme ncé par s e rvir de
r épétitr ice à la pe tite fille , de mi- pe ns ionnaire
dans un collège de Par is . Mais la s anté assez
délicate d ’Eliane s’a cc ommodait mal d ’un tr ava il
as s idu. O 11 s’é ta it déc idé, de ux ans a upa r a va nt, à
la confie r c omplète me nt à Be r nade tte , ce qui
a va it pe r mis à celle- ci d ’aba ndonne r ses autre s
élève s . Elle pas s ait à pe u après toute s ses jour née s
chez les Dur oy , s or tant ave c la je une fille , l’accom
pa gna nt au te nnis , au théâtr e , dans les mus ée s
e t les e xpos itions , et bie né lé vé e , dis crète , in te lli
ge nte , elle a v a it si bie n su plair e et se r e ndre
indis pe ns able q u ’elle é ta it tr aitée comme l’e nfant
de la ma is on, pr e na nt la p lupa r t des repas à la
table fam ilia le , as s is tant aux r éce ptions , ;i la fois
�10
S . O . S . ! U n e fe m m e s o m b r e ...
bague s , se pos a s ur les de ux fe uille ts ma uve s :
très pr is e e t très libr e , car les he ure s de t r a v a il e t
— Je' crois , ma de mois e lle Be r nade tte , dit- e lle,
de pre s ence é ta ie nt s ubor donnée s aux caprice s do
que je n ’a i pas be s oin de vous e x pliq ue r pour q uoi
la mèr e e t de la fille .
il est néces s aire que j’aie un e ntr e tie n ave c vous .
On a v a it aménagé au s econd étage une grande
Vous ave z r e connu ces le ttre s , n est- ce pa s ?
salle d ’étude s où l ’in s tit utr ic e e t son élève po u
Comme la je une tille fais ait un pas e n a va nt,
va ie nt tr a va ille r t r a nquille me nt, même si la m a i
elle l’arr êta d ’un geste e t d it, ave c un pe tit rire
son é ta it ple ine de monde , ce q ui é ta it assez fr é
que nt, car les Dur o y re ce vaie nt be aucoup aus s i sec où pas s ait une rés ons jice douloure us e :
— Ne croye z pas que j ’aie forcé le s e crétaire
bie n à la Ce lle que , l’hiv e r , dans le ur hôte l du
de mon lils ! J ’ignore s’il e xis te d ’autre s le ttre s
q ua r tie r de l ’Éto ile . Ce tte pièce , s pacie us e , bie n
que celles- ci. Je les a i trouvée s dans le b uva r d de
me ublé e , ave c une grande baie s’o uvr a nt s ur la
s on bur e au où lui- même m ’a v a it priée de che rche r
pe rs pe ctive des cote aux , é ta it u n havr e d t pa ix
un pa pie r ... J ’avoue que je les a i lue s . Elle s s ont
où l'éle ve e t le profe s s e ur, unie s pa r une te ndr e
s ignées , e n toute s le ttr e s ... Be r na d e tte ...
a m it ié , se plais a ie nt à pas s e r de longue s he ure s .
— Ma d a m e ...
Ce ma tin- là — le le nde ma in de la vis ite de
— Ch ut I Lais s e z- moi finir . Vous parle r e z
Ma r tin La Pér e lle chez les dame s Ar n a u d — Be r
e ns uite . Ces le ttre s , dé jà ancie nne s , é vide m
nade tte , assise à la gr ande table , co mme nt a it
me nt oubliée s , n ’in d iq ue n t e ntre Ric ha r d e t vous
pour Éüa n e u n te x te de Mo nta ig ne q ua nd on
q u ’un flir t ... un pe u pous s é... Mais je voudr ais être
fr a p p a e t un dome s tique p a r ut :
ce r taine que les choses n ’ont pas été plus lo in ...
— Mme Dur o y de mande ma de mois e lle Ar na ud ,
Voule z- vous me r épondre e n toute franchis e ?
dit- il.
La je une fille re s ta mue tte , la tête bas se,
— Voule z- vous dire à Mme Dur o y que j ’en ai
encore pour un q ua r t d ’he ur e e t que je de s ce ndrai fix ant obs tinéme nt le ta pis . On l’e ût crue ins e n
s ible si un bizar re pe tit fr émis s e me nt n ’e ût agité
t o u t de s uite après ?
le coin de ses lèvre s :
— Ma da me a d it que made mois e lle Ar na ud
— Voyons , mon e nfa nt , r e pr it M mo Dur o y.
de va it t o u t lais s e r e t ve nir im m é d ia te m e nt.
T ous voye z que je vous parle sans colère. Ma is il
— C ’est bon. Je de s ce nds .
fa ut que je s ache ... J ’ai le dr oit de s a voir ...
Le dome s tique s or tit, e lle se le va :
Elle che r chait à s ais ir le r e gar d de Be r nade tte
— Continue z à lire s e ule , Elia ne . Qua nd je
qui fuy a it de va nt le s ie n, se dét our na it. Br us que
r e monte r ai, je vous e x plique r ai ce que vous n ’a u
m e nt, e lle se le va , v in t à elle :
rez pas compr is .
— Compr e ne z- moi... J ’ai, dans to ut ceci, une
Etait- ce une illu s io n ? 11 s e mbla it que s on clair
grave r e s pons abilité ... plus grave que vous ne le
vis age se lû t un pe u altér é e t que ses mains
pe ns e z... Vous êtes ic i traitée comme ma propre
t r e mbla ie nt légè r e me nt ta n d is q u ’e lle pous s ait le
e nfa nt, je vous ai fa it confiance , je ne vous ai
livr e de va nt s on élève . Mais elle r e ncontra le re
ja ma is s ur ve illé e ... Be r nade tte , vous n ’êtes pas
gar d d ’Élia n e , un pe u in q u ie t dans sa pe tite figure
la maître s s e de mon lils ?
pâlote e t elle lu i s our it :
Ce tte fois, — e nfin I — la je une fille e ut u n s ur
— Qu ’est- ce que m a m a n pe ut vous vo ulo ir ?
s aut, une sorte de r é ve il vio le nt:
murmura- t- e lle.
— Non I Non !
— Curie us e I d it Be r nade tte . Si ce n ’est pas un
— Vous me le jur e z?
s e cre t, je vous le dir a i t o u t à l’he ure .
— Je vous le jur e .
Dans l’e s calie r, elle r e vit le dome s tique :
— Quoi s oulage me nt pour moi I m ur m ur a
— Mada me vous a tt e nd dans s on b o udo ir ...
Mmo Dur o y. Je connais mon lils ... Son char me a git
Ar r ivé e au pr e mie r , Be r nade tte fr appa à la
s ur toute s les fe mme s ... e t même s ur sa mère , car
por te , e ntr a :
j ’ai toujour s été faible pour lu i.. T rop la ib le ...
— Bo njo ur , ma dame . Vous m ’ave z d e m...
Je cr aignais q u ’il vous e ût e ntr a îné e ... C’e ût été
Elle ne c o ntinua pas. Très dr oite , ses de ux
un si gr and m a lh e ur pour vous ... pour nous l
ma ins serrées l’une dans l’a utr e , e s s ayant de lu t
— Vr a im e nt, ma da me ? fit fr oide me nt Be r na
te r contre l’épouvante qui l’e nvabis s ait, elle ga r
de tte . Vous me juge z indig ne à ce p o in t ...
d a it ses ye ux fixés s ur do ux fe uille ts do papior
— Ma pauvr e e nfa nt, il ne s’a git pas de ce la ...
mauve couve rts d ’une grande écr itur e un pou
Dite s - moi la vé r ité : vous l’aime z?
appuy ée — la s ie nne — plaoés bie n e n évide nce
De nouve au, le be au vis age se fe r ma , d e vint
s ur le bur e au d e va nt le que l Mmc Dur o y éta it
glacial. Mais Mm« Duroy ne le r e gar da it plus .
assise.
Mme Dur o y é ta it une gr ande e t forte fe mme ,
Appuy é e s ur la table , e lle a va it mis sa tête dans
ses ma ins . Elle a tte nda it. Le s ile nce de Be r na
s ans be a uté , mais avoc u n visage s ingulièr e me nt
de tte se pr olonge a nt, e lle r épéta :
in te llig e n t e t e xpre s s if. A quar ante - cinq ans , elle
é ta it e ntiè r e me nt bla nc he , ce qui la faisait, pa
— Vous l’a ime z? il vous a d it q u ’il vous a i
ma it ? Vous ne voule z pas me r épondr e ? Ma
raîtr e be aucoup plus âgée . Scs ye ux ble us é ta ie nt
pauvre pe tite , j ’aur ais voulu que vous aye z toute
clairs e t d ur s ; e t, c e pe ndant, on d e v in a it q u ’elle
confiance en m o i... je sais , j ’a i la r é puta tio n
d e va it être b o n n e ; mais c’é ta it é v id e m m e nt une
d ’être d ur e ... Qua nd il s’agit do mes e nfants , je
maître s s e fe mme , ha bitué e a me ne r son monde
ta m b o ur b a t t a n t ; 011 dis ait q u ’e lle é ta it la plus
ne le s uis p lus ... Et je pe ns e à votre mèr e , Be r
s ûre cons e illèr e do s on ma r i, que bie n dos affaires
nade tte , à votre mère qui s ouffr ir ait t a n t si elle
s a v a it..
do Dur oy a va ie nt réus s i grâce à son inte llige nte
Bile a va it le vé la tête , elle e x a m ina it la je une
ingér e nce .
Elle a v a it s uivi le dir e ctio n du r e gard do Be r
fille d ’un re gard qui, pe u à pe u, se nua nça it do
s évé r ité:
nade tte . Sa m a in un pe u lour de , couve r te de
�11
S . O . S . ! U n e fe m m e s o m b r e ..
— C’est bie n, dit- e lle . Je ne vous que s tionne r ai
pas dava nta ge . J ’ai e n m a pos se s s ion ces de ux
le ttre s dé jà be a ucoup trop pr o ba nte s ... Ecoutezm o i... Il ne fa ut, à a uc un p r ix , que mon ma r i
s oupçonne q u’il y a p u avoir que lque chose e ntre
Dic k e t vous . Dans les cir cons tance s actue lle s , ce
s e rait te r r ible . Vous alle z r e ntr e r chez vous . Je
ne vous lais s e rai pas dans l’e mbar r as . Je s ubvie n
dr ai à votre vie ju s q u ’à ce que je vous aie tr ouvé
une s it u a t io n ...
— Vous me chas s e z?
— Non. N ’e mploye z pas ce mo t. Je vous éloigne ,
dans votre in t é r ê t ... E t puis , il nie s e r ait dés a
gr éable que vous re s tie z aupr ès d ’É lia n e ... Ce qui
me reste à vous dire est très p é n ib le ...
Elle s’in te r r o m p it une s e conde ; elle é ta it de ve
nue très rouge e t elle pa r la p é n ib le m e n t :
— Ric ha r d n ’est pas r a is o nna b le ... Il joue , vous
le s ave z... Son père a, en v a in , essayé de l’in té
resser aux affair e s ... Il nous a déjà fa it be aucoup
de p e in e ... Peut- être n ’ignore z- vous pas que
M. Dur o y a dé jà tr ois fois liq u id é des s ituations
dange r e us e s ... Pe rte s au je u, compte s che z des
us ur ie r s ... pir e e ncor e ... En fin , ces jours- ci, il a
jo ué de no uv e a u... E t , pour pay e r , il a émis un
chèque sans provis ion ! La p r is o n , le dé s ho nne ur ...
On a pu arr ange r la chose. Mais cette fois , mon
ma r i ne pa r donne pas . Il a donné le choix à
Dic k. P a r tir e n Am é r iq ue , che z un de nos cor
r e s pondants , se me ttr e à tr a va ille r s ér ie us e me nt,
rache te r sa c o nd uit e ... ou alor s , il l’a ba nd o n ne ...
Qua nd la chose est ar r ivée , mon ma r i a s uppos é
q u ’il y a v a it une fe mme dans la vie de Ric h a r d .
Il l’a fa it s uivr e . De ux fois , on l’a vu ave c une
blonde . E t on a su que ce tte blonde se r e nda it
s ouve nt dans sa ga r çonniè r e ... Alors , qua n d j ’ai
tr ouvé ces le ttr e s ... Mais vous m ’ave z ju r é ...
Be r nade tte ne r é p o n d it que pa r u n s igne de
tête . Elle s e mbla it incapa ble de pr ononce r un
m o t ; Mmo Dur o y c o n t in ua :
— Que vous m ’aye z me nti ou no n, je ne ve ux
pas , pour votre mère , po ur vous , que mon mari
puis s e vous s oupçonne r . P our lu i, vous serez pa r
tie en vacance s . Il fa ut dis par aîtr e do notre vie ,
Be r nade tte . Qua nd Richar d sera pa r ti, plus t a r d ...
De ses ye ux q u i, pe u à pe u, se m o uilla ie nt do
lar me s , de to ut son vis age contr acté, elle a ppe
la it un éla n, un cri de celle q ui r e s tait e n face
d ’e lle, glacée . Ce fut elle q u i, s ouda in, c r ia :
— Mais compre ne z donc que je vous s auve !
Mon fils e s t u n ... U n ...
Elle fo nda it en larme s . Be r nade tte ne s e mblait
épr ouve r aucune émotio n. Elle é ta it butée e t on
l’eût, dite ple ine d ’une s ourde r a ncune :
-— C’est bie n, ma da me , dit- elle e nfin. Je p a r t i
rai qua nd vous voudr e z.
Mm" Dur oy a tte ig nit dans un tir oir un porte
fe uille , y prit, des b ille ts :
— Voici votre mois , j’y joins une pet ite s omme
qui vour pe r me ttr a d ’a tt e n d r e ... Je vous écr ir ai,
je vous donne r ai re nde z- vous . J ’ai pe ns é à une
place en Angle te r r e où j’a i é no r mé me nt de r e la
tions . Vous pour r ie z omme ne r votre mère .
T onoz...
Elle pos ait les bille ts s ur le bur e a u. Be r nade tte
s’appr ocha le nte me nt de la ta ble . Elle p r it de ux
bille ts de mille francs , re pous s a le reste de la
lias s e :
— Je pre nds mon mois , dit- e lle . Je n ’a i be s oin
de r ie n d’autr e . Adie u, ma da me .
Elle ma r c hait vers la porte . Mme Dur o y la r a p
pe la d ’un cri :
— Be r na de tte ! Vo y o ns ...
La porte se r e fe r ma d ’un coup sec. Mme Dur oy
fit u n mouve me nt comme pour la fr anchir à son
tour . Mais e lle r e tomba s ur sa chaise . Elle con
nais s ait tr op s on fils po ur ne pas se doute r que la
je une fille a va it me nti. D’autr e pa r t, elle r e dou
t a it que son ma r i fût s ur la pis te , q u ’il déc ouvr ît
cette liais on q u ’elle s oupçonnait. Elle le s avait
capable d ’un e s clandre ; il ir a it t r o u v e r Mme Ar
na ud . Mme Dur o y avait pitié de cette autr e mère
q u i, sans doute , a im a it son e nfa nt comme elle
a im a it le s ie n...
Be r nade tte , a y a nt re pr is sa ja que tte e t son
chape au dans l’a ntic ha m br e , é ta it d é jà dans la
r ue . D’un pas t r a n q uille , elle s’e n a lla it ve r s le
tr a m w a y q ui la r a mè ne r a it à Par is . Mais ma in te
n a n t q u ’elle ne se c ontr a igna it plus , son s e cre t, ce
s ecret que rie n n ’a v a it p u lu i ar r ache r se lis a it
s ur son vis age , dans ses ye ux ple ins d ’hor r e ur et
de dés e s poir.
*
* *
P e nda nt ce tte même jour née où Be r nade tte
Ar na ud v iv a it une page douloure us e de sa vie
s ecrète, Ma r tin La Pér e lle v a q u a it à ses affaires
dans ce vas te Paris q u i char rie t a n t de souffrances
e t de joie . Il a lla chez plus ie ur s de ses corres
pondants comme r cia ux , éba ucha des tr ans actions
nouve lle s , r e çut des offres, e n fit lui- même , se
dé fe ndit âpr e m e nt; puis il se r e ndit au m in is
tère de la Gue r re où il e ut une longue conve r sa
tio n ave c un ha ut fonc tionnair e . T o ut cela de m a n
d a it be aucoup de luc id ité e t il n ’en m a nq ua it
certes pa s ; mais de te mps en te mps , e ntre de ux
pr éoccupations sérieuses, se glis s ait une pe nsée ,
to ujo ur s la mê me :
— Jo n ’ir ai pas do main chez les dame s Ar na ud .
C’est fini. Je n ’ir a i plus .
E t , chaque fois , il é pr o uva it une s ouffrance
a iguë, analogue à colle q u ’on re s s e nt qua n d on
a ppuie s ur une ble s s ure to ute fr aîche .
Ma r tin La Pére lle a im a it les fe mme s ; il les
a im a it un pe u br uta le me nt, po ur le plais ir q u ’elles
do nne nt. Il n ’avait, guère e u dans sa vie que des
liais ons r apide s , viole nte s , s ouve nt plus près du
dr ame que de l’id y lle . A Ca dix , en Es pagne , il
s’é ta it ba ttu pour uno dans e us e do nt il a ur a it été
bie n e mbar ras s é a u jo u r d ’hui de r e tr ouve r le v i
s age. A Djib o u t i, po ur une fille du po r t , il a va it
de s ce ndu un homme d ’un coup de coute au e t si
l’autr e en é ta it r e ve nu, c’est é vid e mme nt q u ’il
avait, une bonne c ons titutio n. Mais il n'a va it
ja ma is eu l’idée d ’en ass ocie r une à son e xis te nce
de has ar d et do ris quos . D ’aille ur s , il se dé ta
c ha it aus s i vite q u ’il se pr e na it , ses pas s ade s
é ta nt unique me ut, s e ns ue lle s . T out cc passé no
l’a va it guère prédis pos é à l’étude des s ubtilité s
ps ychologique s . Il connais s ait le corps fé m inin,
s ava it en joue r comme d ’un bel ins tr um e nt pour
en tire r le m a x im um do rés onance s . Mais il en
ig nor a it l ’ftme e t, pour to ut dir e , s’était, fort, pe u
s oucié de la che rche r sous l’e nve loppe de chair .
Dans ce fatras do s ouve nirs vo lup tue ux et b r u
�12 i—
-- - - S. O. S. ! Une fe m m e s o m b r e ...
t a u x , une s eule créature a va it sa place à par t, la
seule q u ’il e ût eu e nvie d ’épous e r, d ’e mme ne r avec
lu i: Be r nade tte Ar na ud . E t a u jo u r d ’h u i q u ’il
l’a v a it re vue , pour la pre mièr e fois , il s’avis a it
que l’a mo ur n ’é ta it pas aus s i s imple q u’il l’a va it
to ujour s pe ns é.
On d it que les contras tes s’a tt ir e nt. Be r nade tte
q u ’il a v a it vue g r a ndir , de ve nir je une fille , l’a va it
a tt ir é , lu i, le pir ate mode r ne , pa r sa douce ur, sa
pur e té, cette sérieuse chas te té si différe nte de ce
q u ’il a v a it r e ncontr é en dehors d ’e lle . Ma inte
na n t, il ne c ompr e nait plus . De vant e lle , hie r , il
s’é ta it r e ndu compte q u ’il l’a im a it to ujour s ; mais
il ne po uva it plus la cons idére r d e là même façon. "
Ce rte s , elle r e s tait très dis s e mblable de celles q u ’il
a v a it pos sédées. Mais jus que là, elle lui a va it
s e mblé prés e rvée pa r u n m ur contre le que l se
br is aie nt ses mauvais e s pe nsée s, ses dés irs , à la
façon de ces be aux jar dins pe uplés de fleurs rares
e t q u ’on ne v o it que de lo in. La ve ille , il a va it eu
l’impr e s s ion que ce mur n ’e x is tait plus , que Be r
nade tte é ta it une fe mme comme les autr e s , une
fe mme q u ’on pr e nd ... e t peut- être q u ’un autr e
l’avait, prise . Ce tte pensée lui é ta it ins uppo r ta ble .
Il é ta it par tagé e ntr e de ux s e ntime nt s : la te nta
tio n de r e voir Be r nade tte afin de s avoir si son
impr e s s ion s erait confirmée et une jalous ie rage us e
à la pensée q u’elle é ta it pe rdue pour lu i.
Ces pensées le pour s uivir e nt d ur a n t la soirée.
11 dîna s eul dans un gr and r e s taur ant, alla au
mus ic- hall, e rra aux e ntr ’acte s pa r mi les be lle s
du pr ome noir , son re gard s’a tta c h a n t s ur les
blonde s comme un homme à la re che rche de
l’illus ion e t finit par r e ntr e r che z lui, de fort
mauvais e h um e ur , mais bie n décidé à ne pas
alle r rue de Lille le le nde main.
Mais ce le nd e m a in , qua nd il se r é ve illa vers
h u it he ure s , il se s ouvint br us q ue m e nt que
M mo Ar n a u d l’a v a it in v it é à déje une r . Il ne
po uva it, sans gros s ière té, ma nque r à sa prome s s e .
Exce lle nte rais on q ui de va it le conduire à s onne r
vers m id i moins le q ua r t à la porte de l’a ppa r
te me nt.
Ce fu t Be r nade tte qui lui o uvr it. T o ut de s uite ,
elle m it son doigt s ur ses lèvre s :
— Ne faite s pas de b r u it ... Maman est couchée ...
Elle est s ouffrante de puis h ie r ...
__ C’est gr ave ? Vous ave z vu un méde cin ?
de m a nda La Pér e lle en e ntr a nt dans le pe tit
s alon.
__Oh ! Je sais co mme nt il fa ut la s oigne r. Elle
s ouffre d ’une ins uffis ance car diaque . Elle a de
te mps en te mps une crise. Il lui fa ut du repos,
du s ile nc e ...
.
— S i j ’a v a is s u . . . V o u le z - v o u s c juc jo m o n aille *.'
On ne se gêne pas ave c un vie il ami comme moi.
— Mais jias du t o u t ! Nous déje une r ons en
tête à tête , vo ilà t o u t! Ce la ne vous e nnuie pas ?
Vous goûte re z de ma cuis ine .
Elle par ais s ait d ’une galté un pe u ne rve us e , un
pe u f é b r i l e et son vis age s e mbla it légèr e me nt
altér é. Ma is , d é jà, e l l e le pr écédait dans la pe tite
salle à ma ng e r toute baignée de s ole il. La table
é ta it coque tte me nt dressée, ave c une nappe hasuiie q ui fit s ourire La l’ére lle . Ce la lui r a ppe la it
Bayonne . Au centre du couve r t fle uris s ait, dans
une pote rie ve rnis s ée , un gros bo uque t do s oucis .
Ce table au d’in t im it é le fr a p p a ; il s onge a, une
s e conde , à ce que po ur r a it être une vie nor male ,
t r a nquille , loin des ave ntur e s ., une vie impo s
s ible pour lu i à moins que ce ne fût ave c Be r
nade tte !
Le s pre mie r s mome nts du dé je une r fur e nt
e mpr e ints de que lque gêne . Comme l’avant- ve ille ,
ils a va ie nt l’un e t l’autr e de la pe ine à r e pre ndr e
le ton de l’a m itié d ’autr e fois . Ma r tin inte rr oge a
la je une fille s ur sa mèr e . Elle s’affaiblis s ait
be aucoup, dis ait- e lle . En r é alité , elle ne s’éta it
jama is cons olée de la mor t d ’un ma r i bie n a im é .
E t puis , la vie é ta it d ur e ...
— Be r nade tte , d it Ma r t in , je ne voudr a is ni
vous froiss er n i être indis c r e t... Mais vous savez
que vous pouve z dis pos e r de m o i...
Elle cessa de ma ng e r br us que me nt, r e s ta les
ye ux bais s és. Il a jo uta :
— J ’a i cru compr e ndr e , avant- hie r , aux parole s
de votre mèr e , que vous étie z r e la tive me nt
tr a nquille , au po in t de vue m a té r ie l...
— Nous l’étions , oui. Ma is ... je préfère vous le
d ir e ... C’est fin i...
— Comme nt, fini? Vous ave z quit t é les Dur o y ?
Elle je ta un re gard in q uie t ve rs la chambr e à
couche r, lu i fit s igne de bais s e r la vo ix e t con
tin u a , s ur un ton as s ourdi :
— O u i... De puis hie r .
— De puis h ie r ... Vous ne prévoyie z pas cette
r uptur e ? Que s’est- il passé?
Elle haus s a les épaule s :
— Ce s e rait tr op long à vous e x plique r . Les
ge ns riche s ont des capr ice s . Maman ne s ait
r ie n, bie n e nte ndu. Je lui a i d it que Mme Dur ov
e t sa fille s’abs e ntaie nt que lque s jo ur s ...
— Mais vous ave z autr e chose en vue ?
Elle fit « non » de la tête . Il ins is ta :
— Qu ’allez- vous fair e ?
— Je ne sais pa s ... Oh ! On ne me lais s e ra pa s ...
J ’ai des amis , dos r e la tio ns ... Je tr o uve r a i...
Elle a va it re pous sé son as s ie tte e t son vis age
contracté dis a it que son t o ur me nt é ta it plus
gr and q u ’elle l’a voua it . Mais Ma r tin , à ce
mome nt- là, ne s onge ait pas à la que s tion m a té
rie lle qui lui appa r ais s a it facile à rés oudre si
Be r nade tte acce ptait son aide . Il s e ntait q u ’elle
ne dis ait pas la vé r ité . Ce br us que dé pa r t de va it
cache r que lque chos e ... e t ce « que lque chose »
là é ta it peut- être le secret q u ’il che r chait à pe rce r
de puis de ux jour s :
t
C’est bizar r e , observa- t- il. Votre mère
m’a va it laissé e nte ndr e que ces gens a va ie nt
toute confiance on vous , q u ’ils vous tr a ita ie nt
comme le ur fille.
— Oui, c’e s t e nte ndu .'Ils m ’ont tr aitée comme
le ur fille ta nt que cela le ur a plu. Du jo u r où j’ai
cessé do p la ir e ... Mais vous ne pouve z pas c om
pr e ndr e . Vous n ’etes pas un civilis é, vo us !
— C ’est vr a i, concéda- t- il en r ia nt. Si vous
s avie z comme je me sens gêné dans les vête me nts
e uropée ns e t auss i dans la vie d’ici ! J ’ai cons cie nce
d ’efre gauche , ... e t j ’ai pour d ’être m a la d r o it...
Ma la dr oit? Comme nt?
Ave c vous , Be r nade tte .
Elle ne r é po ndit pas . Ils en étaie nt, au dessert
q u ’ils gr ignotèr e nt aus s i dis tr a ite me nt l’un que
l’autr e . Elle se le va :
— Ve ne z dans le s alon pre ndre le e afé... Nous
�S. O. S. ! Une fe m m e s o m b r e ...
»erons mie ux . Ic i, j ’ai toujour s pe ur q u ’elle
e nte nde ...
T a ndis q u ’elle pr é pa r a it les tasses, apportait,
la cafe tière fuma nte , il s’é ta it assis s ur le
c a na pé ; il s uiv a it ses mouve me nts s ouple s .
C’é ta it vr a i q u ’il se s e nta it e mbarras s é de luimême . Son gr a nd corps le g ê na it dans cet
a ppa r t e me nt é tr oit. Il lu i ma n q u a it l’e s pace, l’air ,
le gr a nd s ole il, son cadre , e nfin, où il é ta it un
to ut autr e homme . Qua nd e lle r e vint s’ass eoir en
face de lui, de l’autr e côté du guér idon, il p r it
la r és olution d ’être lui- même e t comme elle le
r e gar dait sans pa r le r , il a tt a q ua pr e s que b r u
ta le me nt:
— P our quoi cette contr a inte e ntre nous , Be r
nade tte ?
— De la c ontr a inte ? Pour quoi cette pe ns ée ?
— Si, je le sens. Oui, je sais bie n, il y a le
te mps , la dis ta nce ... Mais nous nous connais s ons
de puis si lo ngte mps ... Alors , c’est parce q u ’il y a
tr ois ans , j ’ai eu la folie de vous dire que je vous
aimais et de vous offr ir ... ce que je pouvais offrir
à une fe mme à ce mome nt- là, que vous me
refusez votre confiance ? Que vous me tr a it e z en
indiffér e nt?
— Je ne compr e nds pa s ...
— Vous ne compre ne z pas que je voudr ais
s avoir ce que je puis faire pour vous être u t ile ...
pour vous s auve r? Ne prote s te z p a s ! Oui, pour
vous s auve r. Je connais la vie , mon e xpérie nce a
été acquis e dur e me nt. Vous êtes sans ar ge nt?
Allo ns ! Ré p o nd e z...
— J ’a i à pe u près tr ois mille francs de va nt
moi, dit- e lle fa ible me nt.
— T rois mille francs , c’est vite ma ngé , s ur tout
ave c une ma lade . Que de viendre z- vous si vous ne
r e trouve z pas une place ?
— J ’e n tr ouve r ai une . •
— Ce n ’est pas ce r ta in. Les te mps s ont d if
ficile s . Vous vous r e me ttr e z à cour ir le cache t. Je
me s ouvie ns . E t votre mè r e ...
— Ma mère , o u i... C’est là mon gros s ouci. Mo i,
je me tir e r a i toujour s d ’affaire s . Mais elle a
be s oin de s oins , d ’une no ur r itur e u n pe u r e che r
c hée ...
— Vous voye z bie n. Be r nade tte , laissez- moi
vous aide r .
— Non.
— P o ur q uo i, encore une fois ?
— J ’aur ais peut- être pu acc e pte r ... un pr ê t,
par e x e mple , s i...
— Si quoi?
— Si vous ne m ’avie z pas d it ce que vous
m ’ave z d it , il y a trois ans ...
— Que je vous a ima is ? C’est ce la? Eh bie n ?
Me ttons que je no vous aime plus , me ttons même ,
si vous vo ule z, que je me s uis t r o m p é àc e rnomontIà...
E lle r e s tait s ile ncie us e , Ma r tin La Pére lle pe r
d it to ut à coup le s ouve nir de ses bonne s réso
lutio ns :
— Allo ns ! dit- il, il v a u t mie ux que je parle
fr a nc he me nt. Eh bie n ! Oui, Be r nade tte , je vous
a ime toujour s . Je crois même que je vous aimo
plus q u ’a utr e fo is ... Non, ne dite s r ie n. Vous
n ’ave z rie n à cr aindr e do moi. Vous ne me
déte s te z pas ?
— Non.
—
13
— Bon. Eh bie n! J ’a ur a i toute la patie nce
q u ’il faudr a . Je ne vous e nnuie r ai pas de ma
pas s ion. Réfléchis s e z, Be r nade tte , pr e ne z to ut le
te mps que vous voudr e z. E t s i, vr a ime nt, un
jo ur , vous voule z de moi dans votre vie , je serai
ce que vous voudr e z. Là , je ne pe ux pas mie ux
dir e . Se ule me nt, à pa r t ir d ’a ujo ur d ’h u i, de loin
ou de près , je pr e nds la r e s pons abilité de votr e
e xis te nce . 11 m ’est atr oce me nt pé nible de vous
s avoir livr ée à tous les has ar ds . Je ne po ur r a i pas
r e pa r tir — car je r e pa r tir a i et vous serez déb a r
rassée de moi pour u n te mps sans doute assez
long — s achant que votre e xiste nce est difficile ,
que vous pouve z ma nque r du néce s s aire ...
J ’a tt e ndr a i des année s . Là, cela vous va- t- il?
Elle s’é ta it levée , toute dr oite , très pâle :
— Non.
— Alors , quoi? cria- t- il. Vous aime z q u e lq u ’un?
Vous ave z un a ma nt?
— C’est ce la! Ins ulte z- moi! dit- elle ave c u n
rire q u i s onnait faux .
Il se co ntint d ’un e ffort qui gonfla les ve ine s
de s on cou vig our e ux , le fit r ougir ju s q u ’aux
ye ux :
— Il n ’e ntre pas dans ma pe ns ée de vous
froiss er, re prit- il plus douce me nt. Ce que je vous
de m a nde ... ce que je vous s upplie de m ’accorde r,
c’est de la confiance , de la fr anchis e ... Réponde zmoi sans colère , comme à un a m i, comme à ... un
frère , te ne z !
— Je n ’ai pas de confide nce à vous faire :
D ’aille ur s , vous avie z raison de dire que vous
êtes m a la d r o it... Vous vous y pre ne z m a l avec
m o i...
Elle a va it d it ces mots d ’un ton mé pr is ant qui
r éve illa che z Ma r tin la viole nce q u ’il s’e fforçait
de conte nir . 11 la s ais it a u poigne t d ’une étre inte
si r ude q u’elle pous s a u n cr i:
— Je v e ux ... comme nça- t- il.
Elle se déga ge a it:
— Br ute ! dit- elle e ntr e ses de nts .
Il r e cula, confus , c onfondu:
— P a r do n! Je vous ai fa it m a l? Oui, je s uis
une b r ute , vous ave z r a is on... Par donne z- moi...
Elle s our it ma lgr é elle de cette h um ilit é
dés olée s uccédant à son e mpor te me nt. Il v it ce
s ourire e t pe ns a que , lu i, Ma r tin La Pér e lle , il
é ta it u n joue t e ntre ses ma ins , q u ’e lle le s ava it
e t cela l’e xas péra, mais ce tte fois contre luimê me :
— Je vous pa r donne , dit- e lle. Mais r e gar de z...
Mon poigne t est r ouge ...
Ses doigts durs a va ie nt lais sé le ur e mpr e inte
s ur la pe au délicate . Il fit un mouve me nt pour
s ais ir ce tte ma in avec le dés ir de pos e r sa bouche
s ur la me ur tr is s ur e :
— N o n ... Allez- vous- en, Ma r tin ... Je ne vous
en ve ux pas, mais alloz- vous- en. Nous ne nous
e nte ndr ons ja m a is ...
Il se de manda ce q u ’il fais ait là, dans ce s alon.
Allo ns ! Il é ta it bon, t o u t au plus , à vivr e avec
ses nègre s , là- bas , dans s on ble d. Ce tte fois, il
é ta it fixé. Ja ma is e lle ne s e rait à lu i. Il ne la
pos s éde r ait ja ma is que dans ses nuit s de fièvre
s olitaire où il s e r ait ha nté par sa blonde ur , par
sa chair bla nohe ...
— Aflie u, dit- il, s our de me nt.
— Adie u, Ma r t in ...
�14
Il de s ce ndit l ’e s calie r, la tête e n a v a n t. Une
fois dans la r ue , il re s pira puis s a mme nt, ju s q u ’au
fond de ses poumons . C’é ta it fini, il ne la re ve r
r a it plus . En s omme , e lle v e na it de le chas s e r...
La Bib le r aconte que lor s que la fe mme de
Lo t h , fu y a n t Sodome ave c son ma r i, se r e tour na
po ur r e garde r e n arr ièr e ma lgr é la défens e des
ange s , e lle fu t changée e n s tatue de s e l. P our
tous les homme s , il s uffit parfois de faire u n geste
q u ’on s’est in te r d it de faire pour change r le des
t in . La m in ute q ui s uiv it celle- ci a lla it décide r
de toute la vie de Be r nade tte Ar n a u d et de Ma r
t in La Pér e lle .
Il a v a it gagné le tr o tt o ir e n face de ce lui où
se tr o u v a it la mais on. P o ur q uo i leva- t- il les ye ux
p o ur r e voir une de r nièr e fois ce tte fe nêtre de r
rière laque lle é ta it le p e tit s alon, ave c ses vie ux
me uble s , q ui lui a ppa r a is s a it comme un paradis
pe r d u?
Es pér ait- il que , pris e de re gre t, elle le r a ppe l
le r a it ?
11 se r e je ta e n ar rièr e , se dis s imula dans le
r e tr ait d ’une porte cochère . La fe nêtre s’o uvr a it ,
e n e fle t. Be r nade tte pa r c o ur a it des y e ux la r ue .
La m a in qui s’a p p u y a it s ur la balus tr a de te na it
u n chape au. Elle a lla it s or tir . Sans doute était- ce
pour cela q u ’elle s’é ta it débarras s ée de lu i.
Elle ne le v it pas e t r e ntr a à l’in té r ie ur . Pour
r ie n au monde , m a in t e n a n t, il n ’e ût q u it t é son
pos te d ’obs e r vation. (Jne m in u t e ... De u x ...
T r o is ... Elle r e par ut. Ce tte fois , le chape au é ta it
s ur sa tête ; elle bo uto nna it ses ga nts . Une de r nièr e
fois , elle se pe ncha pour obs e rve r la. rue . Puis la
fe nêtre se r e fe rma.
Il r e cula dava nta ge , se cacha de r rièr e le b a t
t a n t . Elle s or tait. Elle s uiv it le tr o tt o ir en face.
Il s or tit de sa cache tte , avis a un t a x i dans le que l
il se je t a :
— Suive z ce tte pe rs onne , là, vous voye z?
At t e n t io n ! Qu ’e lle ne me voie pa s !
Le chauffe ur cligna de l’œ il, l’air e nte ndu.
De ux seconde s après , il se r e to ur na it :
— La v ’ià q u i pr e nd un t a x i aus s i.
— Bon, s uiv e z... Ne pe rde z pas la voitur e ,
s ur tout !
Le pr e mie r ta x i s’ar r êta place de l’Opé r a. Be r
nade tte pa ya, trave rs a la place e t s’ar r êta s ur
le te rre - plein de la s tation du métr o.
Ma r tin n ’a v a it pas q uit té la vo it ur e . Il fit
s igne au chauffe ur cio ve nir se place r le long du t r o t
to ir du bo ule va r d. Ce la d u r a ... q uo i? Une s e conde .
Il r e vit Be r nade tte ma r c ha nt côte à côte ave c un
gar çon mince , d ’as pe ct e x tr ê me me nt je une et
é lég ant. Us n ’a vaie nt pas l’a ir de se connaîtr e .
Ma r tin je ta v in g t francs , de s ce ndit. Il s uiv it le
couple de loin tandis q u ’il pr e na it le boule var d
Ha us s ma nn, s’en a lla n t vers la gare S a in t La zar e .
N ’y te n a nt plus , il pressa le pas e t dis s imulé
dans la foule , le long du magas in du P r inte mps ,
il p u t ape rce voir une jolie ligur e pfde e t fine :
« C’est l’homme de Mo ntm a r tr e , pensa- t- il.
C’é ta it donc bie n e lle ... »
.
Ce vis age de l’homme qui pos s édait la fe mme
t a n t dés ir ée , il ne l’o ublie r a it plus . Mais il s in
te r d it d ’alle r p lus lo in. 11 r e vint vers la Chaus s ée
d ’An t in , r a idi dans sa r és olution d ’oublie r e t de
chas s er Be r nade tte de sa pe nsée e t de son c œ u r ...
p u is q u ’elle a v a it chois i!
S . O . S. ! U n e fe m m e s o m b r e ...
*
* *
— Alor s , t u t ’es fa it vid e r pa r la fa m ille ?
— Tais- toi, Dic k, tais- toi, mon a m o ur ... Laissemoi contre t o i... me ts ton bras a uto ur de mes
épaule s ... Là, re s tons là ... Nous parle r ons t o u t à
l’he ur e ...
.
.
Dic k Dur o y s our it. D ’une m a in, il s e r rait Be r
nade tte contre lu i, ta ndis que s on autr e m a in
care s s ait le be au corps bla nc a ba ndonné dans une
pose voluptue us e , après l’étr e inte .
— T u m ’aime s , Dic k? Dis - moi que t u m ’a ime s ...
— Oui, je t ’a im e ... Non, je ne t ’aime pas , je
s uis fou de t o i... T u es be lle ... T u as des s eins
a dmir a ble s ...
— Ce n ’e s t pas comme ce la que je ve ux que
t u m ’aime s , Dic k ... Il y a autr e chos e dans
l’a mour que les care s s e s ...
— T u ne les mépr is ais pas , t o u t à l’he ur e , il
me s e mble ...
— Moi aus s i je s uis folle de to i, de t a c ha ir ...
T u le sais b ie n ... T u sais comme t u me tie ns par
tes bais e rs , par la joie toujour s nouve lle que j’ai
dans tes br a s ... Il me s e mble toujour s que tu me
pr e nds pour la pre mièr e fois ... J ’a i toujour s une
nouve lle s urpr is e , une nouve lle angois s e ... Dans
ces mome nts - là, Dic k, nous ne fais ons plus q u ’u n ...
Je s uis to i e t tu es vr a im e nt m o i...
Il se pe ncha s ur e lle. Elle lu tt a une seconde
ave c u n p e t it r ir e , puis céda.
C’é ta it dans une chambr e d’une élégante mais on
me ublée de la rue Pas quie r , près de la Chape lle
e x piatoir e e t dont une s econde e ntrée donna it rue
de l’Ar cade , lie u aménagé pour les rendez- vous
secrets , les adultèr e s bourge ois e t mondains . Le s
de ux amants a va ie nt jugé pr ude nt de dés e r te r la
garçonnièr e de Ric ha r d Dur oy, r ue de Ville jus t,
où ses pare nts le fais aie nt s ur ve ille r . C’é ta it la
pr e mièr e fois q u ’ils se r e ncontr a ie nt là e t après six
mois de liais on pas s ionnée , il s e mbla it que ce décor
nouve au d é c uplât le ur dés ir e t le ur amour .
Ric ha r d Dur oy se le va . Be r nade tte a va it br us
q ue me nt cédé à la fatigue . Elle dor m a it, jetée en
tr ave r s d u lit , im p u d iq u e , s ple ndide . Il ( la
r e garda un ins ta nt, s oupir a, haus s a les épaule s ,
puis passa dans la salle de bains d ’où il r e vin t,
un in s ta nt après , ha b illé , s upr ême me nt élégant
dans son cos tume mar r on o uve r t s ur une che mis e
de soie.
Il é ta it difficile d ima gine r plus joli gar çon.
I ic vis age r égulie r a v a it des tr aits d ’une finesse
pre s que fé m in in e . La bouche , me r ve ille us e me nt
de s s inée , a v a it une e xpre ss ion gour ma nde , un
pe u moque us e . Le s ye ux noirs avaie nt de* très
longs cils re courbés e t les che ve ux châtains
s’o r na ie nt de longue s vague s nature lle s e t s ouple s
E n d é p it de la ç om ina e t du pe igne , Dic k a va it
toujours une mèche re be lle q u i, pour un souffle
r e tombait s ur le fr o nt, bar r a it le ne z. Ce la lui
do nna it que lque chose d ’e nfa ntin et d’ir rés is tible
Dic k, ave c ses vingt- cinq ans , c’éta it Ch ér ubin ’
Un Ch ér ubin mode r ne , a ya nt dé jà be aucoup roulé
a va nt ins pir é des pas s ions folles aux plus be lle s
filles de Par is . Il é ta it jo ue ur , noc e ur ; mais une
grâce d ’é ta t lui cons e rvait une
fr aîche ur
d ’adolescc
icence. Co mme nt ce garçon cour tis é,
amant- d ’actrice s ou de cour tis ane s , s’élait- il
�S . O . S. ! U n e fe m m e s o m b r e .
laissé pr e ndr e au char me de Be r nade tte Ar na ud ,
be lle mais pa uvr e , pr ivée de tous les raffine me nts
q u i lu i é taie nt familie r s ? C’«s t le secret des
mys térie us e s attr actions de la chair . Ins titutr ic e
de sa s œ ur Elia ne , il l’a v a it à pe ine r e mar quée
d’abor d. Puis a va it comme ncé une pour s uite
amus ée , pour le pla is ir de se pr ouve r à lui- même
q u ’on ne lu i r és is tait pas . Mais la je une fille ,
jus te m e nt, a v a it opposé une rés is tance inat te ndue
pe nda nt pre s que un a n. Alor s , il é ta it de ve nu
r ée lle me nt amour e ux . E t le jo ur où, va inc ue , elle
éta it ve nue e nfin le r e tr ouve r dans sa garçonnière ,
si elle é ta it s ortie de ses bras e nivr ée , lu i é ta it
pris a u t a n t q u ’il lu i é ta it pos s ible de l’être . Dic k
é ta it un a m a n t né, e nr ichi encore par l’e x périe nce .
Il s ava it se montr e r , en a mour , doux d élic a t, e t
par fois b r uta l ju s q u ’au délir e . Elle é ta it de ces
blonde s arde nte s d o nt le corps de ne ige se r évèle
de lave b r ûla n te . Ils é ta ie nt me r ve ille us e me nt
appa r e illés . Ce rte s , de puis s ix mois , Dic k l’a va it
tr ompée s ouve nt. Mais il r e ve na it toujour s à
elle sans q u ’elle s oupço nnât r ie n, convaincue
na ïve me nt q u ’il n ’a im a it q u’e lle .
Elle s’éve illa br us que me nt, cria e n ne le vo y a nt
pas à son côté. Puis comme il s’a ppr o c ha it , elle
r e je ta s ur elle les couve r tur e s , s’y e nve loppa :
— Dic k, dit- e lle , il fa ut que nous par lions
m a int e n a n t...
— T u es ce rtaine que cela ne pe ut pas s’arr ange r
ave c des gestes ?
— Sois s érie ux. II de s’a git plus de pla is a nte r ...
T u m ’as inte rr ogée , tout à l’he ur e . Je vais te
répondr e .
— Oui. Je t ’a i de mandé si ma chère famille
t ’a v a it ...
— Ch u t ! Ne dis pas de vila in s mots . Ce la ne
va pas à t a bouche que j ’aime . T a mère a déc ou
ve r t notre liais on. Im p r u d e n t . T u avais laissé
tr aîne r des le ttr e s ...
— T u cr ois ? C’est pos s ible ... Alor s ?
— Alor s , elle m a de mandé si j’étais ta
maîtr e s s e . J ’ai n ié ...
— T u as d’a u ta n t mie ux fa it q u ’e lle m ’a posé
la môme que s tion e t que j ’ai jur é que j’avais
pour toi le plus gr a nd re s pe ct q u ’on puis s e por te r
à une honnête je une fille ...
— Dic k, ne te moque pa s ... C’e st si gr ave , ce
que j ’a i fa it ... Si ma mère s a v a it...
— Non, mo n p e tit , non, ne me parle pas de ta
mère 1 Elle n ’a r ie n à faire ici !
Be r nade tte s’as s it br us que me nt s ur le lit :
— Éc oute , Dic k ... Quitte ce ton de pe rs iflage
q ui n ’est pas de s ais on. T u es o d io ux ... Donc ta
mère s’est s éparée de mo i...
— P o ur quo i, p u is q u ’elle est sûre que je ne s uis
pas to n a m a n t ?
— Elle v o u la it me s auve r do to i, compre nds - tu ?
Mlle offr ait de s ubve nir à ma vie , e n a tt e nd a nt
que je re trouve une s it ua tio n ... J ’ai to ut re fus é.
Je suis p a r t ie ... Mais ce n ’est pas là ce q ui me
préoccupe . C’est t a s itua tio n à t o i... Qu ’as- tu
la it, v ila in ga r çon? Ce chèque sans pr ovis ions ...
~ Eh bie n, pa pa a cr ié, mais il a p a y é ...
— Oui, mais apr è s ? il ve ut t ’e nvoye r en
Amé r ique . Nous serons s éparés ...
Dic k Dur oy s ifflota :
>— Ou i, je s a is ... Ce n ’est pas e ncore fa it, ce tte
his toire - lù...
15
— Si t u ne pars pas , m ’a d it ta mère , il te
coupe ra les vivr e s , il t ’aba ndonne r a !
— E t après ? je ta Dic k d ’un pe tit air fe ndant. Je
s uis assez gr a nd pour me débr o uille r tout s e ul.
— Dic k, t u me fais pe ur ! Où en es- tu ? T u n ’as
plus d ’ar ge nt ?
— P e uh ... P e u h ... Je fais à pe u près la
ma tér ie lle , quoi !
— Oui, t u joue s ... Un de ces jour s , il t ’arr ive r a
que lque chose de te r r ib le ... T u ne pe ux donc pas
tr a va ille r ?
— Ce la m ’e nnuie te r r ible me nt, déclar a le je une
homme d ’un a ir languis s a nt. Note bie n que je suis
aus s i inte llig e nt q u ’u n a utr e e t pe ut- être to ut
aus s i capable de r éus s ir dans les affaire s , m a is ...
— Enfin , t u as bie n un pr oje t, une id é e ...
— Ou i... Je crois que j ’ai tr ouvé une combine
intér e s s ante ...
— E n de hors de l’Amé r iq ue ?
— L ’Am é r iq ue , ce n ’est pas une combine , c’est
une idée du pate rne l. Mais c’est cur ie ux , j ’aime
mie ux le franc — à la c o nditio n q u ’il s oit m u lt ip lié
pa r pas ma l de mille , na tur e lle me nt — que le
dolla r ?
— Ce tte « combine », comme t u dis , q u ’est- ce
que c ’est ?
— Oh ! C’est encore assez va gue ...
— Na t ur e lle m e nt...
— Vo ilà... Je vais être obligé de m ’abs e nte r
pour alle r à Din a r d ... T u connais Din a r d ?
— Je n ’y s uis ja ma is allée , m a is ...
— Bon. Enfin il y a u n cas ino là- bas, on y joue
gros je u. Be aucoup d ’Am é r ic a ins ... J ai un ami
qui a une s itua tio n intér e s s ante . L ’hive r , il est
à Nice , dans les je ux égale me nt. 11 y a ur a it peutêtre que lque chose à faire pour m o i...
— Le je u ! Encore le je u ! Ce la m ’épouvante
pour to i, Dic k.
— N ’aie donc pas pe ur ... Je tie ns à ma lib e r té ...
e t à ma pe au. Je ne fe rai pas de blague s .
— T u me le jur e s ?
— Je te le ju r e ... T ie ns ! s ur notre amour ! Là,
t u es conte nte ?
Elle s e couait la tête :
— Conte nte ... Ilu m ! Qua nd pars - tu ?
— Dans que lque s jo ur s ...
— Mais nous nous re ve rrons , d ’ic i là ?
— Bie n s ûr ... De ma in si t u ve ux , ic i... Je
t ’a tt e ndr a i en face , au s quar e .
Elle s or tait ses bras nus du lit , e nla ça it son
a m a nt :
— Si ma mère n ’é ta it pas ma la de je serais
par tie ave c t o i, Dic k ...
Il la serra contre lu i, l’e mbras s a. Il ne vo ula it
paB lui dir e que dans la « co mbine » de Dina r d,
il n ’y a va it pas de place pour e lle .
Mais elle n ’a v a it n ul s oupçon, nulle cr ainte q u ’il
pe ns ât à lu i être infidèle . Ma in te na nt, elle
r e gar da it la fe nêtre en face de laque lle s ’a llu m a it
u n rove rbère do nt la lue ur lui pa r ve na it à tr ave r s
les grands r ide aux bais s és . Elle s onge ait q u’il
a lla it fa llo ir quit t e r ce re fuge d ’a mo ur , r e ntr e r ,
ve ille r e t r éconfor te r sa malade e t m e n tir ...
T oujour s me ntir comme elle le fais ait de puis q u ’elle
a v a it sa vie s e crète ...
�S. O. S. ! Une fe m m e s o m b r e ...
c h a p it r e
IV
P a r is - Din a r d .
A l’he ure où Be r nade tte Ar n a u d , a y a n t pr odigué
les plus te ndr e s s oins à sa mi re, s’e ndor ma it
dans sa chambr e de je une fille , Ma r tin La Pe r eile
fr anc his s ait la por te du cercle de la rue de la
P é piniè r e . T o ut le dr ame q ui s’é ta it dér oulé e n lui
de puis le mome nt où il a v a it q uitté la r ue de
Lille a v a it a bo uti à un r e nonce me nt h a ut a in .
Ce t a mour un pe u na ïf q u’il a v a it voué ù la fille
de son ancie n a mi, s on be s oin de se dévoue r à
e lle , t o u t cela é ta it abs ur de . Elle , s’é ta it moquée
de lu i, elle a v a it e u rais on. 11 n ’é ta it fftis fa it pour
jo ue r les amour e ux tr ans is . E t , comme toujour s ,
le vide de sa vie qua nd il é ta it à Par is le r a me na it
là, dans le te m ple du has ar d e t du r is que .
Il a v a it une grosse s omme s ur lu i. Il é ta it
décidé à jo ue r ju s q u ’au jo ur . A dine r , il a v a it bu
force champa gne . Il se s e nta it ple in de vie,
pr ê t a u c o m b a t ... n ’impo r te que l combat.
11 y a v a it d é jà de nombr e ux joue ur s dans la
s alle de baccara qua nd il y e ntr a. On y s e ntait
ce tte atmos phèr e de fièvre q u ’il a im a it e t q u i é ta it
pour be a ucoup dans sa pas s ion du je u. Il tr ouva
une place v id e , s’in s ta lla ,p o n ta a ud a c ie us e m e nt...
Ce tte nuit- là, Ma r tin La Pér e lle gagna d ’une
façon ins ole nte . A m in u it , il p r it la ba nque . Les
bille ts s’e ntas s aie nt d e va nt lu i. Il ve na it po ur la
trois ième fois d ’a ba ttr e ne uf e t son adve rs aire se
le va e t q u it t a la s alle . De va nt lu i, v in t s’ass eoir
un nouve a u ve nu.
Ma r tin la Pér e lle é la it très pâle . Il a nnonça
fr o ide me nt :
— La banque à c inq m ille ...
T a ndis que le cr oupie r r amas s ait l’ar ge nt, il
r e gar dait bie n e n face s on nouve l adve r s aire .
Il ne se t r o m p a it pa s ... Il ne p o u v a it pas se
t r o m p e r ... Ce t homme q u ’il a v a it en face de lui,
c’é ta it ce lui q u ’il a v a it dé jà vu de ux fois ave c
Be r nade tte !
Qu i était- ce ? Il é t u d ia it cette jolie figure aux
tr aits pur s , d ’une je une s s e q u i e ût été a tt e ndr is
s ante sans s on e xpre s s ion ar de nte et c ynique . Oui,
c’é ta it bie n ce la. C’é ta it ce garçon que Be r nade tte
a tt e n d a it en ta x i d e va nt le cercle , le pre mie r s oir.
C’é ta it u n ha b itué . Une sorte de rage le s ais it.
Sur le te r r ain de l’a mo ur , il é ta it b a t t u . Il se
r a ttr a pe r a it s ur celui- ci. 11 e ût vo ulu tue r ce
r iva l. Il l’a tt e in d r a it a u tr e m e n t... e t il t âta dans
la poche de son s moking le mate las de bille ts q u ’il
ve na it de r amas s e r. Il p o u v a it alle r loin avec
c e la ...
Il p e r d it d ’a bo r d, v it dans les ye ux de 1 autr e
une pe tite lumiè r e de tr iomphe .
— Dix m ille , a nnonça Ma r tin.
Aut o u r d ’e ux, des joue ur s fais aie nt cercle . La
pa r tie p r e na it un tr a in inus ité ; Ma r tin la me na it
o
^ n^
ave c un e audace infe r nale . Sa figure bronzée
a va it pr is une te inte ve r dâtr e . Il ne jo ua it plus
pour le plais ir mais ave c une sorte de rage. Nul
n’a ur a it pu de vine r pour q uoi. La vé r ité est q u ’il
jo ua it ave c haine . Ce t in c o nnu, il voula it le
dépouille r , l’accuie r ave c la vague idée q u’il le
tie n d r a it à sa me r c i. Là- bas , dans sa jung le , si le
has ard le lu i e ût livr é , il i’e ût a ba ndonné aux
nègres ou aux fauve s . Le ce rcle , c’é ta it encore
une jung le . E t ici, comme en Afr iq ue , il é ta it
ma îtr e parce q u ’il a va it l’ar ge nt.
Une lois e ncore , il pe r d it. 11 s our it :
— Je re me ts dix mille e n ba nque .
Qu i p e ut dire que l mécanis me mys tér ie ux
pr és ide à la chance ? A pa r t ir de ce t ins tant- là,
Ma r tin La Pére lle r e comme nça à gagne r . Il v it
pe u à pe u le vis age de l’adve rs aire se décompos e r,
pe rdre ce tte fr aîche ur q u ’il haïs s ait. Une m in ut e
vin t où le je une homme je ta scs de r nie rs bille ts .
Ses mains tr e mbla ie nt. Il é ta it vis ible me nt dévoré
de l’e nvie de joue r e ncor e ...
•— Sur par ole , si vous voule z, d it tr a n q uille m e n t
Ma r tin.
Le g a r ç o ne utune hé s ita tio n. llle v a le s ye ux vers
l’homme e n face de lui. Ma r tin s our ia it e t il avait
rés olu ce tour de force de me ttr e dans son s ourire
de l’indulge nce e t de la c o r dia lité ...
Trois coups e ncore ... Le je une homme se le va.
Ce tte fois, il é ta it litt é r a le m e nt décompos é. Sans
affe ctation, La Pére lle quit ta la table . L’autr e le
s uivit . Il che r chait son por te fe uille dans la poche
de s on s moking :
— Voici ma carte , mons ie ur , dit- il.
— Voic i la mie nne , r é po ndit Ma r tin s ur un ton
ple in de r onde ur .
Il a va it pr is le fin morce au de br is to l, y je t a it
les ye ux :
« Ric ha r d Dur o y . Rue de Ville jus t ».
Le je une ho mme a v a it l’a ir déconce r té. La
carte q u ’il te na it po r ta it :
« Ma r tin La Pér e lle .
« Factore rie Ouas s oubé pa r Maloundon- Congo ».
Ma r tin s our it :
— Oui. Je ne s uis ici que de pa s s a ge ...
Il r e pr it la carte , ins c r iv it le nom de son hôte l :
— C’est bie n, mons ie ur . De m a in ...
Richar d Dur o y tr e s s aillit. La m a in do son
adve rs aire v e na it de se poser s ur son épaule :
— Ne vous tour me nte z pas tr op, je une ho mme !
— Mo ns ie ur ...
—>Oui, je sais , on a vingt- quatr e he ure s pour
paye r les de tte s de je u ... Vous me de ve z...
combie n, au jus te ?
— Ce nt dix m ille , d it l’autr e d ’une voix
un pe u étr anglée .
- ..v, auuimc i i- renez
votre te mps , mons ie ur ... Ric ha r d Dur o y. J ’aime
le je u, moi aus s i, et je sais ce que c’est q u ’un
je une homme . On se lais se e ntr aîne r e t e ns uite ...
— Mais , mo ns ie ur ... comme nça Dic k q u i se
r e dre s s ait comme un je une coq.
— C h u t ! d it ave c calme Ma r tin. J ’ar rivo
d ’Afr iq ue , je une homme . Peut- être est- ce pour
cela que je vois les choses d ’une façon pa r tic ulièr e .
Je vous le répète , pre ne z votre t e m p s ... Nous
nous re trouve rons toujo ur s ...
D ’un pas vif, il q u it t a it la s alle , lais s ant s ur
place e t s tupéfié — in q u ie t aus s i — Ric ha r d q u i
�S. O. S. ! Une fe m m e fs o m b r e .
to ur na it e t r e tour na it la carte dans ses rnains
agitée s d ’un lége r tr e mble me nt.
Dans la rue de la Pé piniè r e . Ma r tin re s pira de
toute s ses forces en élargis s ant sa large po itr ine .
Puis il se m it à r ir e t o u t s e ul.
Il ve na it de réalis e r là un to ur assez d ia bo lique .
Il é ta it é vid e nt que ce garçon n ’a v a it pas le
pr e mie r sou pour a c quit te r sa de tte . Il le te n a it.
Comme nt us e rait- il du dr oit q u ’il ve na it d ’acquér ir
s ur lu i ? Ce la, l’a ve nir le d ir a it, mais il de vait
a vo ir s on idée à en juge r par l’air de s atis faction
q u ’il po r ta it s ur sa phys ionomie tandis q u ’il se
m e t ta it e n mar che .
Il s’ar r êta s oudain pour cons ulte r sa montr e . Il
é ta it une he ure trois qua r ts . De ux he ure s à pe ine
a va ie nt sufii pour que se jo u â t ce pe tit dr ame où
s ombr e r a it pe ut- être toute la vie d u fils du b a n
quie r Dur o y ... si ce qu a v a it de viné la Pére lle
é ta it vr ai.
— Je vais monte r che z Pe r ve nche , se dit- il. Je
tr ouve r ai bie n par là une be lle fille pour finir ma
n u it ...
Ce tte pensée en fit naîtr e une a utr e . Une be lle
lille ... 11 songe a s ubite me nt à la pe tite fe mme
q u’il a v a it r e conduite chez elle l’autr e s oir.
— Mais je ine suis c o nduit comme un m u lle !
Pe r ve nche m ’a v a it pr éve nu que ce tte fille é ta it
dans la mis ère e t je ... Apr ès t o u t, pour quo i pas
e lle ? Elle est g e nt ille . Je lu i donne r ai sa re vanche
ave c plus de pla is ir que s’il s’agis s ait de
« mos s ie ur » Dur o y :
Il allonge a ses longue s jambe s e t, bie ntôt , il v it
poindr e l’éclairage ta mis é .d u pe tit bar de la rue
He nri- Monnie r.
Ce tte fois , il y a v a it d u monde . 1 .’orchestre
jo ua it . La s alle é ta it ple ine de fumée . Pe r ve nche
le v it to ut de s uite ; elle l’a ppe la du geste :
— Kh 1 Ma r tin , te voilà ! Ça va comme t u ve ux,
pe tit?
Qua nd il fut près d ’e lle, e lle s’accrocha à son
bras pour pa r ve nir à s on or e ille :
— Les collie rs , h é ? J ’en a i ve ndu un : ce lui de
c inq m ille ... Ça va te r e monte r , ç a !
Il s our it malgr é lu i à l’idée de la s omme q u ’il
p o r ta it s ur lu i e t q ui no ve na it pas s e ule me nt de
s on gain du s oir.
— Je te donne ça t o ut à l ’he ure , r e pr it Pe r
ve nche . E n a tte nd a nt, je te tr ouve une table . Un
cocktail, hé ?
— Si tu ve ux ...
Il s’as s it, re gar da a uto ur de lu i. Aux labiés
é ta ie nt assis dos couple s do fêtards médiocre s ,
que lque s filles, des gigolos plus ou moins doute ux .
Mais nullo pa r t , il n ’a pe r çut Nicole !
— La pe tite n ’est pas là ? de manda- t- il à Pe r
ve nche qui r e ve nait \ ers lui.
— A h ! dit- e lle en r ia nt. Elle te pla it? Je t ’avais
bie n d it q u ’elle é ta it ge ntille : Je sais où elle est.
T u ve ux que je l’e nvoie che rche r?
— Ou i...
Elle donna un ordre à un chas s e ur h a u t comme
trois pomme s , a lla ho us pille r le ba r man et les
doux s erveuses. Puis e lle s’as s it s ur la banque tte
à côté do Ma r tin :
— Dis donc, j ’espère que tu as été génére ux ,
l’autr e n u it , he in ? la pôvr e 1 Elle est e n re tard
pour paye r sa chambr e et elle n ’a plus r ie n à se
S. O. S . ! U N K F E M M E S O M B R E
17
me ttr e . C’est pas une for tiche comme ce rtaine s ,
celle- là !
— Elle ne t ’a r ie n d it ? inte r roge a la Pére lle ,
s ais i.
— Pas un mot. Elle est dis crète . Mais j ’a i idée
que t u lu ie s s y m p a t h iq ue , e t q u ’e lle é ta it c onte nte .
Elle m ’a de mandé s e ule me nt si je s avais qua nd
tu r e vie ndr a is ...
On l’a ppe la it. Elle s’en alla encore une fois,
lais s ant son camar ade d ’e nfance fur ie ux ; mais à
ce tte colère in tim e se mê la it une bizar r e pe tite
pointe d ’atte ndr is s e me nt qui ne lu i é ta it guère
coutumièr e .
La porte s’o uvr it . Il r e vit le ma nte au noir sous
le que l se d e vina it la robe de s oirée. Nicole e ntr ait.
Elle je ta un re gard a uto ur de la s alle , l’ape r çut,
s our it e t s’appr oc ha de la table .
Il r e cula un pe u pour lu i faire place :
— Un cocktail comme ce lui- ci? demanda- t- il.
— Si vous voule z...
Il obs e r vait de t o u t prés le lin visage un pe u
fa tigué, m a q uillé ave c s oin, lille r e s s e mblait ce
soir à une poupée délicate et précie us e . Un peu
ga uche me nt, ave c l’idée « q u ’il ne fa lla it pas lui
faire du m a l », il pos a sa m a in gr ande e t br une
s ur la pe tite m a in a ux ongle s rouges :
— J ’ai à vous de mande r par don pour l’autr e
s oir, dit- il.
— P a r do n? répéta- t- elle en le va nt s ur lu i ses
grands ye ux noirs . P o ur quo i?
— Je vous ai quit té e br us q ue me nt, comme un
malotr u.
Iïlle s our it de nouve a u :
— Il n ’y a pas de quoi vous e xcus e r . J ’avais
bie n compr is , a lle z..,
— Compris quoi ? de manda- t- il brus que me nt,.
— Que vous ne s ouhaitie z pas monte r ave c
m o i... J ’avais v u ...
— Quo i? Qu ’est- ce que vous avie z v u ?
— De va nt le r e s ta ur ant eje n u it , la façon dont
vous re gardie z ce tte fe mme , une blonde très
jo lie ... Je s uis une ma uvie tte à côté d ’e lle ... Ça
ne p o uv a it pas a lle r ...
— Vous ne m ’en voule z pas , alors ?
— Vous en vo ulo ir ? Pas du t o u t ; D’a ille ur s ,
c’est moi qui vous ai d it , s ouve ne z- vous ... Je
n ’aime pas force r les ge ns , moi.
11 l’écoutait par le r , s ur pr is , comme le pr e mie r
s oir, par la lim p id it é de sa voix . 11 y pas s ait des
s onorités de cr is tal e t d ’e au. Il se s ouvint d u s ur
nom q u ’elle po r ta it :
— P our quoi vous nomme - t- on Pe tite Source ?
interrogea- t- il.
— Ali! On vous a d it ... C’est un écr ivain qui
v ie nt que lque fois ici qui m ’a donné ce s ur nom e t il
m ’a prêté le livr e où il y a le pe rs onnage qui le
porte . L ’Aig lo n, d ’Ed m o nd Ro s ta nd. Vous con
nais s e z?
— Oui. C’est vr a i, Pe tite Source , l’amie du duc
de Re ic h s ta d t... Je me r appe lle . Ce la vous va
bie n, d ’a ille ur s . Pe tite Source ! On a l’impre s s ion
q u ’on va, en vous t o uc h a nt, être r afr a îchi comme
lor s qu’on me t ses mains dans de l’eau c our a nte ...
^ 11 a va it d it ces mots d ’une voix un pou changée .
Elle baiss a les ye ux après lui a vo ir lancé un
r e gard fur tif. Sa ma in de s s inait des arabe s que s
s ur la ta ble . Il r e pr it cette m a in e t se pe ncha
br us q ue me nt vors e lle :
2
�18
— Alor s , Pe tite Source , ce tte n u it , je ne
re s te rai pas à la porte .
— Ce s oir, dit- elle viv e me nt, je ne s uis pas
libr e 1
Il e ut l ’impr e s s ion q u ’elle m e n ta it. Elle se
r e fus ait, elle a v a it pe ur de lu i, pe ut- être . Il se
s e ntit déçu, mé c o nte nt :
— T a nt pis ! dit- il s èche me nt.
— Ne s oyez pas fâché ! Je ne suis ve nue que
pour un in s t a n t ... po ur vous voir , ajouta- t- elle
très bas .
Ma r tin a v a it re culé. Le sac à m a in de la pe tite
fe mme é ta it s ur la banque tte . Elle v it q u ’il
l’ouvr a it après avoir pr is que lque chose dans sa
poche e t prote s ta :
— Mais non, mons ie ur , n o n ...
— Si, dit- il s érie us e me nt. Si. J ’y tie ns a bs olu
me n t. Je vous ai fa it pe rdre du te mps , l’autr e
s oir. E t puis , e nlin, j ’y tie ns ...
Elle le r e gar da a tt e ntiv e m e nt :
— Alor s , dit- e lle , c’est v r a i? Vous voule z,
m a in t e n a n t...
— Ou i. Pas ce s oir , puis que c’est, impos s ible .
Ma is ... de main, pa r e x e mple , où puis - je vous
vo ir ?
— Mais chez mo i, si vous v o u le z... Je vous
a t t e n d r a i... A l ’he ure que vous vo ud r e z... Vous
connaiss e z la m a is o n ... Rue Ilo u d o n ...
Il repass a une seconde dans sa tête ce q u ’il
a v a it décidé de faire le le nde ma in :
— Cinq he ur e s , décida- t- il.
— Cinq he ur e s . Vous n ’aure z q u ’à monte r
sans rie n de mande r . C’est au qua tr iè me , dans la
cour, la porte à d r o ite ...
— C’est e nte ndu.
Elle s’éta it le vée , r e me tta it son ma nte au. Une
s e conde , tandis q u ’il l’a id a it , il atta r da son re gard
s ur la nais s ance de la gorge q ui s e mbla it a ppa r
te nir à une adole s ce nte , s ur les bras mince s . Ce tte
pe tite lu i fais ait un ell'et s ingulie r . Il ne la dés ir ait
pas comme il e n a v a it dés iré t a n t d ’autre s . Il ne
la dés ir a it pa s ... comme Be r nade tte . Il é pr ouvait
s e ule me nt de la c ur io s ité ... Oui, de la cur ios ité...
e t pe ut- être aus s i l’a tt r a it un pe u ma ls ain q u ’un
ho mme re ss e nt e n face d ’une e nfa nt à pe ine
déve loppé e ... 11 y a v a it de ce la. Mais encore autr e
chos e . 11 lu i s e mbla it que , dans la crise q u ’il t r a
ve r s a it , ce tte pe tite lu i é ta it néce s s aire , q u ’il
tr o uve r a it auprès d ’e lle l’apais e me nt, q u e lle
ca lme r a it sa liè vr e ... Pe tite Sour ce , oui, Pe tite
Sour c e ...
Elle dis p a r ut sans q u ’il l’a it vue s or tir et il s ur
s auta en vo y a nt de va nt lui Pe r ve nche :
— Co m me nt? La pe tite est pa r tie ?
— Oui. 11 pa r a ît q u ’elle n ’e s t pas libre , cette
n u it ...
— Ah ! ç a ! s’e x clama Pe r ve nche e n r ia n t , ça
m ’é to nne r a it . Elle t ’a monté le coup, la mig no nne !
T u sais , les fe mme s , ça a des capr ice s . Est- ce que
ça t ’e nnuie ? Je pour r ais a ppe le r ...
— N ’appe lle pe rs onne , dit- il e n s our iant. Je
dois la voir d e m a in . T u avais r ais on, Pe r ve nche .
Elle e s t g e ntille , ce tte gos s e ...
Le le nd e m a in, à de ux he ure s do l’apr ès - midi,
Ma r tin La Pér e lle fr a n c h it la gr ande por to du
S. O . S. ! U n e fe m m e s o m b r e ...
b ât im e n t q u i se tr ouve qua i des Or fèvr e s e t gr a vit
l’e s calie r q u i c onduis a it a u s e rvice des Dé lé g a tio n s
Judic ia ir e s . Là, il se lit annonce r a u s ecrétaire du
Commis s air e , Fe r na nd Ma r tia l, e t fut in tr o d uit
im m é d ia te m e nt.
— La P ér e lle ! E n fin ! d it joye us e me nt celui- ci.
Je s avais que t u étais à Paris e t je m ’étonnais de
ne pas te vo ir .
— Excus e - moi, mon vie ux , r e pa r tit Ma r tin en
s e r r ant vigour e us e me nt la m a in de M a r t ia l— un
pe tit ho mme h a u t e n coule urs , au vis age jo via l.
J ’ai eu be aucoup à faire de puis mon ar rivée . T u
vois, aus s itôt que j ’a i un pe u de lib e r t é ...
— Be aucoup à faire ! d it l’autr e , gogue nard. Je
n ’e n doute pas . Ça ne t ’e mpêche pas de t ’amus e r ,
d ’aille ur s . On ne v o it que to i à Montmar tr e e t
dans les mais ons de je u.
— Jo s uis lilé ?
— T u pa r le s ! T u es très s ur ve illé. La Police
ve ille s ur toi comme une mère . E n lin , ju s q u ’ic i,
on n ’a rie n à te r e proche r. T u pe rds ton ar ge nt
et aus s i ce lui que t’octroie génére us e me nt le
Gouve r ne me nt. Ça, c’est ton alïair e . Une ciga
r e tte , vie ux ?
— Me rci, d it Ma r tin en s’ins ta lla nt dans un con
for table fa ute uil. Ça va to ujo ur s , toi?
— Ça boulotte ? A h ! Je ne vis pas dange re us e
me nt comme t o i... Alor s , toujour s dans to n ble d?
— Plus que ja ma is .
— Ça mar che ?
— C’est dur . On a à lutte r contre t a n t de
choses. Enfin , ma factor e rie se déve loppe . Je fais
lo comme rce du bois, de l ’huile de p a lm e ...
— Sans compte r le reste !
— Sans compte r le re s te , comme tu dis ... qui
n ’est pas ce q u i m ’intére s s e le moins .
Ma r tia l s ecoua pe ns ive me nt la ce ndre de sa
cigar e tte . Il é ta it s oudain de ve nu s érie ux :
— C’est d r ôle ... T ous ce ux qui s ont e mployés
dans ce sacré tr uc du contre - e spionnage dis e nt la
même chos e ... On a ça dans le s ang comme le je u
ou les fe mme s ... Alor s , le Ca me r o un?
— J ’ai fa it mon r a ppor t au pa tr on. T a nt q u ’on
ne sera pas débarras s é des ancie nne s firme s
alle mande s q u i s ont restées dans le pays , il y
a ur a toujour s du lo uc he ... J ’ai paré dé jà plus ie urs
coups . La vie des colons français n ’est pas t o u
jour s facile , là- bas ...
— E t tu y re tourne s qua nd ?
— Je ne sais pas a u jus te . En pr incipe , j ’ai
de mande tr ois mois de congé. Si je pe ux pr olonge r
un pe u...
— Oui, ça s e mble bon, Par is , après la brous s e,
he in ?
— Ou i e t n o n ... C est une vie te lle me nt
différe nte et q ui n est pas moins dange re us e pa r
fois ... Là- bas, c’est la lutte contre les éléme nts
contre une natur e hos tile , contre les bêle s m n lr è
les in digè ne s ... Ic i, on se re trouve e ntre frères
d ’uno même race e t on se dévore aussi
— T ie ns ! Serais- tu moins philos ophe q u ’a utr e
fois ?
1
— Ça dépe nd des jo ur s ... J ’ai cu des e mbGt0.
me nts ic i...
— Du côté du Minis tè r e ?
Mais non. Ça va très bie n. Je parle d ’e mbête
me nts m ûm e s .
— A h l Che na pa n! F e mme s ?
�S. O. S. ! Line fe m m e s o m b r e ..
— Ou i... C’est même à ce propos que je vie ns
te voir . Je voudr ais des re ns e igne me nts s ur q ue l
q u ’un.
— Facile . Si ce n ’est pas de mon re s s ort, j ’ir ai
che z le vo is in. De quoi s’agit- il?
— Vo ilà. Je voudr ais être très s érie us e me nt
docume nté s ur un ce r tain Ric ha r d Dur o y ...
— Dur o y ? Le fils du b a n q uie r ?
— T u connais ?
— P lu t ô t ! l i a été be aucoup que s tion de lui,
ces te mps - ci. Emis s ion de chèque sans pr ovis ion :
Si son père n ’a v a it pas eu de sérieuses r e lations ,
il g é mir a it, à l’he ure actue lle , s ur la pa ille humide
des cachots .
— C’est un ma lhonnê te homme ?
— C’est un garçon comme be aucoup d'autr e s .
T rop gâté, ois if, h a b it ué à me ne r la grande vie .
Un be au jo u r , pa pa en a assez, serre les rênes .
Alor s , le g a lo pin fa it des bêtis e s . E t on le re trouve
s ur les bancs de la Corr e ctionne lle ou de la Cour
d ’Ass ises.
Ma r tin La Pére lle b o u illa it inté r ie ur e me nt.
Voilà à que l homme Be r nade tte s’é ta it donnée !
Voilà pour q ui elle l’a v a it re pous s é, lui qui a ur a it
re mué le monde pour lui faire une vie de re ine !
Mais c’é ta it aus s i l’homme q u’un has ard pr odigie ux ,
invr a is e mbla ble , lu i a v a it livr é la ve ille .
Ma r tia l l’obs e r vait cur ie us e me nt.
— Ce n ’est pas s ur la fe mme que t u ve ux être
re ns e igne , dit- il. Alors , je ne te de mande pas qui
elle est. Mais t u me fais l’effe t d ’être mo r du.
Ma r tin tr e s s aillit, se mo r d it les lèvre s e t fit un
geste vague :
— Enfin, q u ’est- ce que tu ve ux s avoir s ur ce
pe tit Dur o y ? de manda le s e crétaire aux Déléga
tions judic ia ir e s .
— T out. Je voudr ais que t u fasses faire dis
cr ète me nt une pe tite e nquête s ur son compte . Il
s’a g it de que lque chose de très g r a ve ... d u s ort
d ’une pe rs onne q ui m ’intér e s s e ...
— Bon. Ve ux - tu r e ve nir après - de main, par
e x e mple ? Je te donne r ai un rés umé de la vie
passée de ce gode lure au q u i, je préfère te le dire ,
n’est guère intér e s s ant, e t un expos é de sa vie
actue lle . Ce la te s uffira?
— Oui. Me rci. Je serai ici après - domain, à cette
heure- ci.
Il se le va it . L ’autr e e n fit a u ta n t e t, lu i ass é
na nt un bon coup do poing en ple ine poitr ine :
— Sacré La Pér e lle , v a ! Pas de blague s , he in?
Quand on est Ma r tin La Pé r e lle ...
— Qua nd on est Ma r tin La Pérolle , on peut,
être aus s i bête q u ’un autr e .
Au mome nt, (le fr anchir la porte , i! te n d it la
ma in à Ma r tia l :
— T oi, crois- tu au de s tin?
■
—■Il fa ut bie n y croire , r étor qua le s ecrétaire
en r ia nt. S’il ne s’en é ta it pas mê lé, d ’après ce
que je sais de ta vie , t u de vr ais déjà être mor t
dix fois .
Le de s tin! T ous ceux qui mè ne nt une vie d a n
gereuse s ont obligés de; r e connaîtr e sa puis s ance .
Ma r tin a v a it re ncontr é le s ien bie n s ouvont. Son
v isage te r rible ou r ia n t , il l’a v a it re connu mille
fois et il a v a it su q u ’il, é ta it inutile de vouloir
le fuir . Ce tte fois, e ncore , il ma r c ha it à scs côtés .
Mais il é ta it mas qué e t la mute où il l’e ntraînait,
é ta it obs cure . Que voulait- il? Qu ’or donne r ait- il?
19
Fe r ait- il que Be r nade tte fût s auvée de l’ave ntur e
où elle s’é ta it e ngagée ? Au contr air e , avait- il
décidé q u ’elle y s ombr e r a it? Ma r tin La Pére lle
n ’a va it s ongé, jus que - là, q u ’à a tt a que r . Ne
faudr ait- il pas q u’il défe ndît?
Malgré ses préoccupations , il n ’oublia pas le
rende z- vous donné la ve ille . A c inq he ure s , il
é ta it rue Houdo n. Il e ntr a dons une vie ille maioù les mur s , les escaliers s ombre s dis a ie nt la
vétus té e t la mé diocr ité, pre s que la mis èr e . Il
tr ave r s a la cour , gr a vit quatr e étages a ux ma r
ches usées, fr a p p a ...
— C’est vous ? En tr e z...
Il se tr o uva dans une chambr e .
Ce tte chambr e r e s s e mblait à be aucoup d ’autre s
où il a va it d é jà pé né tr é ... Cadre à la fois pa uvr e
e t coque t pour des amour s de has ar d. Le s m e u
ble s mode r ne s é ta ie nt de pacotille : u n tapis bon
mar ché c ouvr a it le sol car re lé. Sur le lit é ta it
je té un couvre - pie ds de ve lours noir. Au pie d, une
pe au de chèvr e noire aus s i. Mais que lque chose
fr appa Ma r tin . Il n ’y a va it pas de bibe lots de
ma uvais goût, pas de poupée e nr ubannée , pas de
cous s ins c linqua nts , pas de photogr aphie s . On e ût
d it p lu t ôt le re fuge d ’une é tudia nte mode s te . Au
m u r , une étagère c onte na it des livr e s . Sur la
che minée , ha billé e de ve lours comme le lit , une
pe tite pe ndule bla nche . Sur la ta ble , on voyait
u n pe tit s ervice à thé e n por ce laine rose t o ut unie
et. une vas que en cris tal où ba ig na ie nt de gros
dahlias rouge s . De ux fa ute uils , de ux chais e s ...
Une ar moir e . C’é ta it to ut.
E t dans ce tte chambr e , ce n ’é ta it pas une fille
en pe ignoir qui l’a tte nd a it, mais une je une fe mme •
en jupe t a ille ur , en che mis e tte blanche qui lui
t e nd a it la ma in en camar ade :
— Bonjo ur ?
— Bonjour , Pe tite Source .
Elle e ut un rire q u i c ha nta it :
— Mon nom vous pla ît donc t a n t que ça que
vous le r épéte z tout, le te mps ?
— Oui, r épondit- il, in te r loqué . Il y a que lque
chose de nouve au pour moi, de fr ais ...
11 je t a it les ye ux a uto ur de lu i. Elle lu i d it
d ’un to n changé , un pe u tr is te :
Ce n ’est pas be au ic i, n ’est- ce pas ? On s’y
fa it ...
De nouve a u, comme la pr e miè r e fois, il n’é pr o u
v a it a ucun dés ir de va nt ce tte pe tite . Il s ongea
s oudaiu ave c e nnui a ux gestes pr é vus q u’il
fa ud r a it t o u t à l’he ur e ... puis qu’il é ta it ve nu
pour ce la. Avait- e lle la même impr e s s ion? Elle
s’éloigna de lui :
— As s e ye z- vous ... Je ne vous offre pas de thé .
Un homme comme vous ne doit pas boire do t h é ...
Att e n d e z... J ’ai une boute ille de vin de Cors e . Il
est dé lic ie ux , vous alle z v o ir ...
Elle o uvr a it son ar moir e . Il e nt r e vit , s ur les
planche s s upérie ur e s , le linge rangé. Sur celle du
bas , il y a va it des obje ts de ménage , un fourne au
à alcool. Elle de va it faire sa cuis ine dans sa
chambr e .
Elle r e vint vers lui ave c un plate au s ur le que l
é ta ie nt placés la boute ille annoncée , de ux ve rre s ,
des pe tits gâte a ux , des cigare tte s . Il y a va it dans
to ut ce la, dans sa façon d ’a gir une espèce de p ué
r ilité d ’e nfa nt jo u a n t à la dîne tte . Elle débou
cha la fiole, r e mplit les ve rre s , offr it le coffret, aux
�S. O. S . ! Une fe m m e s o m b r e ...
-— Parce que vous êtes si for t ! Vous de ve z
cigare tte s . Il eh p r it une q u ’il a llu m a ; e lle lit de
étouffe r ic i...
même !
— Un pe u, oui. Mais se battr e to ujo ur s ...
—• Goûte z mon v in , m a in t e n a n t, dit- elle:
— C’est be au de t o u t vaincr e et .de se. vaincre
T a ndis q u ’elle tr e m p a it ses lèvre s dans son
soimême»
Ve r r e , il l’e x a mina une fois dé plus : Ses gestes
11 la re garda àve c un pe u de s urpris e :
é ta ie nt me s ur és , discre ts . Non, dé c idé me nt, elle
— Se vaincre soi- memCj oui. Vous s entez
n’a v a it r ie n de la fille clas s ique . Qu i était- elle ?
ce
la, pe tite fille
D’où pouvait- e lle v e nir ? Que lle s circons tance s
— Oui. Tous les malhe ur s a r r ive nt parce q u W
l’a vaie nt fa it échoue r dans cette chambr e e t dans
est incapable de lu t t e r ... ou parce q u ’on ne ve ut
ce mé tie r ? 11 re pos a le ve rre :
pas lutt e r , q u ’on tr ouve plus facile de céde r ...
— Ou i, dit- il, il est e x c e lle nt... Vous êtes
e t qua nd on cède , après , on ne pe ut plus r e mon
Cors e ?
te r le c our ant...
— Oh ! no n! P o ur q uo i? A cause d e ... Non pas
Elle s’a r r êt a it. Il v it q u’e lle a v a it les ye ux
d u to ut.
ple ins de larme s . Elle se d é to ur na ; puis r e ve nant
— De P ar is ?
à lu i, r e m plit de nouve au s on ve rre vid e .
— Non p lu s ... Je s uis née en pr ovinc e .,.
— Encore une cigare tte ?
— Que l âge ave z- vous ?
Elle s’é ta it rassise, ses de ux ma ins croisées
— Vingt- de ux a ns ...
s oute nant son ge nou plié. Ses cils b r illa ie nt parce
— Il y a longte mps que vous êtes à P a r is ?
que les larme s qu’elle a va it re tenue s y res
— Oue lque s a nnée s ... Mais je n ’étais pa s ...
ta ie nt fixées. Un s e ntime nt q u ’il n ’a va it pas
Elle s’inte r r o mp it br us que me nt e t il v it son
s ouve nt éprouvé dans sa vie e nva hit Ma r tin La
délicat vis age se c ouvr ir d ’une r ouge ur viole nte .
Pére lle : une grande p it ié . E t il y tr o uva de la
Ses cils b a tta ie n t s ur la joue q u ’il- d e v in a it b r û
douce ur :
la nte . Elle a v a it d û vo ulo ir dir e : « Je n ’étais
— Pe tite Source , vous no voule z pas me dire
pas ce que je s uis a u jo u r d ’h u i... » — Elle r a lluma
Votre his toire ?
d ’un geste agacé la cigar e tte q u ’e lle a v a it laiss é
— Mon his toir e ? dit- elle le nte me nt. Oh? Vous
éte indr e e t ne d it plus r ie n.
s ave z, ce n ’est pas que lque chose de très r ar e ...
— Ve ne z près de mo i, Pe tite Source , dit- il.
Je suis née e n province , près de Ne ve rs . Mon
Elle se le va , s’appr ocha. Il l’a ttir a à lui e t,
père é ta it dans le comme rce . Apr ès la mor t de
s ouda in, v o u lu t la r e nve rs e r s ur scs ge noux , che r
m a m a n , il s’est r e mar ié. Ma be lle - mère ne m ’a
cha sa bouche . Elle se dégage a.
ja ma is aimée , e t puis , il est né s ucce s s ive me nt
— Vous ne voudr ie z nas que nous re stions
tr ois autr e s e nfants . Je le urs s e rvais u n pe u de
e ncore un p e u ... camarade s , s im ple me nt? m u r
bonne , à t o us ... P apa est mor t à son to ur comme
mura- t- elle.
j ’atte igna is dix- s e pt a ns ... Je s uis restée encore
Il la lais s a a lle r , se m it à r ire :
un pe u. Et alor s ...
— P o ur q uo i?
— Alor s , Pe tite Source ?
— Je ne sais pa s ... Je ne de vr ais p a s ... Vous
11 y a v a it un c lie nt de la mais on, un gros
m’ave z donné de l’ar ge nt, hie r . Je ne vous ai pas
ma r chand de cuirs qui s’intér e s s ait à moi. Il me
r e me r cié... Vous m ’ave z donné be a ucoup t r o p ...
pa r lait toujour s ge ntim e nt. J ’étais malhe ur e us e
Au jo u r d ’h u i, vous ve ne z pre ndre livr ais on de la
je l’ai écouté e t... un jo ur ...
mar chandis e , h e in ? C’est t o u t na tur e l. Ma is ...
— Je compr e nds ? E t après ?
— Ne dite s pas ce la, dit- il br us q ue me nt. Vous
— Apr è s ? J ’ai eu pe ur de r e ntre r à la ma is on.
êtes une dr ôle de pe tite fille ... Voyons , caus ons
Il m ’a va it donné u n pe u d’ar ge nt. Je suis pa r tie ..!
u n pe u. C’est cela que vous voule z! Je ne de mande
.le s uis ar rivée à Par is où je ne connais sais pe r
pas m ie u x ...
s onne . J ’ai essayé de me place r, je n ’ai rie n tr ouvé.
- Vous êtes g e n t il... Ou i, caus ons . Parlez- moi Je viva is en hôte l, s ur la rive gaucho, dans une
de votre vie , là- bas.
pe tite rue . J ’ai re ncontré un é tud ia nt q u i m ’a
— Ce la vous intére s s e ?
e mme née , .le s uis restée avec lui. Un be au jo ur
Mm0 Pe r ve nche m ’a d it que lque s mots ... Vous
il a dû r e par tir . Il é ta it d o la pr ovince aus s i. Alors ’
vive z au Congo, n ’est- ce pas , e n ple ine brous s e ?
Alo r s ... Je me s uis débr ouillé e , avec une c ama
Qu ’est- ce que vous faite s ?
r a de ... Du Qua r tie r l a tin, je suis ve nue ... Vous
— De s affair e s ... J ’a i là- bas des te r r ains , une
voye z que to ut cela n ’est pas bie n joli
vé r ita b le ju n g le , que je fais défr ic he r e t coupe r.
Elle dis a it tout, cela do sa voix au “ mur mur e
Je ve nds le bois . J ’a i une imme ns e pla nta tio n de
do s ource , sans ia nc une , sans éclat. Pauvr e pe tite
palmie r s d ’où on e x tr a it de l’h u ile ...
épave roulée pa r la vie
Que c’éta it cur ie ux
— C’est be a u, ce pays - là?
qu
elle
a
it
gar
dé
ce
tte
r
aiche
ur , ce t a ir de pur e té,
— Ou i, si on ve ut. Vous pouve z conce voir cela
puis que en s omme , elle é ta it comme les autre s ?
sans l’a vo ir v u . Figure z- vous des fore ts dix fois
Ma r tin La l ére lle s’ctait le vé. I! ,)rit dans 808
plus épaiss es , plus dens es que nos forcis fr a n
mains rude s la tête blonde , la re nve rs a un pe u,
çais es . Le s fr ondais ons y s ont si forte s que le
fo uilla n t les ye ux noirs te ndre s et doux ■
s ole il n ’y pénètr e pas e t, po ur ta nt, il y règne une
— Il y a une chose que je ne compre nds pa s ...
c ha le ur étouffante . Le s arbre s s ont re liés par des
P u.s qu il e n est ains i, po ur q uoi, avec moi, no
liane s q u i o nt l’a ir de nœ uds de s e rpe nts . On est
voule z- vous pa s ...
e ntour é de bête s , la m o r t rôde sans cesse a utour
Oh ? Je ve ux , si vous voule z... Mais
de vo us ... La vie est une lutt e pe r pétue lle contre
— Mais quoi?
tous les piège s de la natur e .
— Je ne pe ux pas bie n vous e x pliq ue r ... N a t u
— Ce la d o it bie n vous a lle r , ce tte vie - là...
r e lle me nt, vous m ave z payée , vous pouve z me
Ou i? P o ur quo i?
�S. O. S. ! U n e fe m m e s o m b r e ..
pr e ndr e . D’abor d, je ne ne pèse pas lo ur d en face
■de vous et je crois que j ’aur ais be au vo ulo ir rés is
te r , il fa ud r a it bie n que j ’y pas s e . Mais j ’aime rais
m ie u x ...
— Qu o i? Dite s .
— Atte ndr e , dit- elle dans un s ouffle .
Une seconde e ncore , il la r e gar da, puis la
lâcha .
— Drôle de pe tite fille ? dit- il e ntr e ses de nts .
Vous êtes une espèce de phénomè ne , Pe tite
Sour ce .
— Vous re vie ndre z?
— Vous voule z que je r e vie nne ?
— Oui. Je v o ud r a is ... Je vo udr a is que ce la ne
s oit que lor s que vous le s ouhaite re z v r a im e n t ...
— Qua nd je vous a im e r a i? C’est ce la? Mais ,
ma pa uvr e pe tite , je ne vous a im e r a i ja m a is . Je
suis inc a pa ble d’aime r pe rs onne .
— Est- ce q u ’on s ait ?
— Moi, je sais . Je ne s uis q u ’une br ute , ma
pauvr e e nfa nt , une b r ute s auvage . Vous vous
moque z de moi et vous ave z rais on.
Elle a v a it bais s é les ye ux , un pe u pâle . Elle les
re le va s ouda in, les p la n t a dr o it dans les ye ux de
l’homme :
— Je ne me moque pas de vous . Vous m ’ave z
donné m ille francs hie r . C’est tr op paye r une fille
comme moi. Je compr e nds que vous s oyez fâché.
Fa ite s ce que vous voule z.
— Je ne ve ux r ie n.
— Vous re s te z longte mps à P ar is ?
— Je ne sais pas . P our quoi?
— Vous m ’ave z payée . Vous ne par tir e z
pas sans que j ’aie pay é à mon to ur . Vous n ’aur e z
q u ’à ve nir .
— Ne r épéte z donc pas t o ut le te mps : « Vous
m ’ave z payée . » L ’a r g e nt m ’est indiffér e nt.
Il y e ut un s ile nce . Il to ur na s ur lui- même ,
pr it son chape au :
— Au re voir , Pe tite Sour ce ...
— Au re voir , mons ie ur.
Elle lu i t e n d a it la m a in, il la s e rra, n ’essaya
même pas de l’e mbras s e r. Mais au mo me nt de
fr anc hir la porte , il se r e tour na . Elle s our ia it,
d ’un bizar r e p e tit s ourire mys tér ie ux , un peu
tr is te . Et ce s ourire fit q u ’il cessa br us que me nt de
lui en vo uloir . Il a v a it be au che rche r dans sa
mémoir e , il ne se s ouve nait pas d ’avoir r e ncontré
une autr e Pe tite Source et elle pr e n d r a it place
dans ses s ouve nirs les plus s ingulie r s .
*
* *
Le le nde ma in, dans l’après - midi, Ma r tin
r e tour na quai des Or fèvr e s . Fe r na nd Ma r tin
l’a tt e nd a it :
— J ’ai tes r e ns e igne me nts , mon vie ux . Vo ilà :
c’est bie n ce que je t ’avais d it avant- hie r . Le
je une Ric ha r d Dur o y est une jolie pe tite cr apule .
O h l r ie n d ’e x ce ptionne l. II y en a fies tas comme
ce la. Vingt- cinq ans . A toujour s fa it la bombe .
Joue ur comme les carte s . Son père qui vo ula it
l’intére s s e r à ses affaire s a d û y re nonce r. A un
ce r tain mo me nt, il a mis de l’ar ge nt dans une
affaire d ’automobile s dans l’e s poir que le g a min
mor dr a it à l’indus tr ie . Non s e ule me nt, cela n ’a
pas mie ux mar ché que la Ba nque , mais Ric ha r d a
fait de fausses tr aite s . lia fallu dés intére s s e r l’asso
Si
cié q u i c r ia it comme un s ourd. Dur oy a payé un
nombr e r e s pe ctable de fois les de tte s de son
fils , les différe nce s dans les cercles, e tc. Mais
a u jo u r d ’h u i, la s itua tion a changé. Il a flanqué le
je une homme à la porte e t lu i a coupé les vivre s .
Ce la pe ut alle r loin. Ric ha r d Dur o y a d ’assez
mauvais e s fr éque ntations . Il est toujour s avec
une bande de gigolos dans s on ge nre qui ne vale nt
pas mie ux que lui e t dont les moye ns d ’exis te nce
ne s ont pas très clairs . Ce la ir a jus qu’à ce que
ce la casse.
— Est- ce q u ’on lu i co nnaît des liais ons ?
— 11 a été l’a m a n t de c œ ur de l’actr ice Marie
Br una , de la be lle Car me n Lope z, la dans e us e , e t
de que lque s dame s de la haute gala nte r ie . E n ce
mome nt, il est ave c une be lle fille blonde que
pe rs onne ne connaît. Si t u ve ux a vo ir des détails
compléme ntair e s , je tâche r ai de s a voir ...
— Me r c i! Là- dess us je suis fixé. D ’aille ur s , je
sais t o u t ce que je voulais s avoir ...
— Enc ha nté d’avoir pu te r e ndr e s ervice .
Ma int e na n t, je pr éfère te dire que si t u compte s
s ur le r è gle me nt de la de tte de je u ...
— T u s ais ?
— Ce la, c’é ta it ce q u ’il y a v a it de moins diffi
cile à s avoir . Ric ha r d Dur o y a pe r du s ur parole
une forte s omme q u ’il doit à M. Ma r tin La
Pér e lle , colon a fr ic a in, e tc., e tc ... Il ne te reste
q u ’une chance , c’est de pre ndr e le t r a in ...
— Le t r a in ? Que l t r a in ?
— Le je une Ric ha r d Dur o y est pa r ti hie r s oir
pour Din a r d.
— Se ul?
— Oui. Il va pe ut- être là- bas e ss ayer une ma r
t in g a le ... à moins q u ’il rêve de s oule ve r une
Amér ic a ine . Il y en a pas ma l à Dina r d. Si t u
ve ux cour ir apr ès to n a r g e nt... Ma inte na nt, il te
r e s te toujours la ressource de dé po s e r une pla inte ...
Ma r tin La Pér e lle s our it :
— Je te r e me rcie . Pas pour l’ins ta nt. J ’ai des
rais ons pour laiss e r la br ide s ur le cou à ce che
va l échappé.
A ton ais e . A pr opos , si t u as l’idée d ’alle r
à Din a r d , tu t ’y trouve r as en pays de connais
s ance .
Vr a im e nt? Qui est à Dina r d?
Chr is tia n Clér is s e ...
— A h ! Ou i! Au minis tèr e de la Gue r re , on
m ’a v a it d it q u ’il é ta it en va cance s ...
Encore un de l’é qujp e o ui s’est débr ouillé !
Ma r tin La Pér e lle s our it. Ce que Ma r tia l a ppe
la it 1’« équipe », c’é ta it un gr oupe d ’amis de
jeune s s e . Ce Cléris s e , a ujo ur d ’hui s e crétaire dans
les service s de Contr e - Es pionnage du Minis tèr e
de la Gue r r e , é ta it né à Bayonne comme lu i. Ils
s’é ta ie nt pe r dus de vue dur a nt de longue s année s ,
s’é ta ie nt r e tr ouvés e t c’é ta it lui q ui a v a it ’ fa it
agr ée r l’éte rne l voyage ur comme char gé de mis
s ions s ecrètes dans les colonie s . Une s olide affe c
tion n ’avais cessé d ’u n ir les de ux homme s mais ,
à ce séjour- ci à Par is , Ma r tin a va it été déçu,
Clériss e é ta it abs e nt. E t br us que me nt, ce que
ve na it de lu i dir e Ma r tia l lu i do nna it une idée .
S’il a lla it à Dina r d ? Chas s pur qui pour s uit sa
proie , il r e tr ouve r a it là- bas Ric ha r d Dur o y . E t il
pas s e rait que lque s bonne s he ure s ave c le copain
d’autr e fois . Ses affaire s en règle , il a va it bie n le
dr oit de s’accorde r u n pe u de r é pit. E t puis , il
�22
S. O. S. ! U n e fe m m e s o m b r e ...
é pr o uva it un imme ns e plais ir à cons tate r le
t r o uble , l’angois s e de s on d é b ite ur . E t p u is ... E t
puis , q u i s avait ce q u ’il po uva it encore découvr ir
là- bas ? Il é ta it assez décidé à me ne r le je une
Dur o y dans des pe tits che mins de sa façon e t à lui
faire paye r che r le mépr is de Be r n a de tte ... puis
q u ’il é ta it e nte ndu q u’il ne s’e n pr e ndr a it jamais
dir e c te me nt à ce lle - ci...
Qua n d il q u it t a le Qua i des Or fèvr e s , son pa r ti
é ta it pr is . Il occupa la fin do la jour née e t le le n
d e ma in à faire les pr é par atifs indis pe ns able s , à
ajo ute r à sa garde- robe ce q u i p o uv a it être néce s
s aire pour figure r conve nable me nt dans une plage
mo ndaine . E t le s ur le nde ma in au m a tin , il pr e na it
le t r a in à la gare Mo ntpar nas s e . Encor e une fois,
Ma r tin La Pér e lle s uiv a it son de s tin qui é ta it de
c our ir au- de vant de l’Ave ntur e .
C H AP IT RE V
R e v a n c h e .
A que lque s kilomètr e s de Saint- Malo, la vie ille
ville des corsaire s , cour onnée de ses r e mpa r ts où
v ie n t se bris e r la me r , q u i garde une allure,
ar chaïque e t r ude , Din a r d a ppa r a ît comme une
oasis coque tte e t r ia nte . T oute par fumée de
myr te s , ave c ses ja r d ins où la douce ur du c lima t
laisse vivr e des figuiers , les ar aucar ias , les palmie r s
e t les camélias , elle donne aux tour is te s l’illus io n
d ’une s tation mé dite r r a née nne où s ouille u n ve nt
plus vif, plus chargé de sel e t d ’iode . C’est une
des de r nièr e s plage s où il est agr éable de s’a t t a r
de r ju s q u ’à la fin de s e pte mbr e I e t, à l’époque
où Ma r tin La Pér e lle y a r r iv a it , la s ais on, fa vo r i
sée pa r un te mps ma g nifiq ue , y g a r da it encore
s on a nim a tio n élégante .
Douce ur du cie l de France e t de ce t hor izon
où le ciel b le u pr e nd des te inte s de gr is aille en
se c o nfo nd a nt ave c les va gue s ... Il en s avour ait
le char me ,"ce ma tin- lù, au s or lir de l’hôte l q u ’il
n’avait, pas q u it t é la ve ille au s oir, avide de ropos ,
d ’o ub li, aus s i. Il se s e nta it apais é, au s or tir du
to ur billo n par is ie n q ui lui a v a it e nle vé ses vague s
e s pérance s de bo nhe ur . Il se r e tr o uva it s e ul, comme
naguère dans sa brous s e . E t Be r nade tte , si près
po ur ta nt, lui s e mbla it de nouve au très lo inta in e ,
dé fe ndue , bie n plus q u ’a v a n t, mê me , p u is q u’il ne
po uva it plus s onge r à elle sans se s ouve nir que ,
de chair e t d ’âm e , e lle é ta it t o u t e ntière à un
autr e .
A ce tte he ure e ncore m a tina le , des baigne ur s
de s ce ndaie nt dé jà des hôte ls e t des villa s , je une s
filles , je une s ge ns , corps jolis e t robus te s , patinés
par l’air e t le s ole il. Il s’ar r êta, un ins ta nt, à
re gar de r un gr oupe fé m in in é te ndu s ur le s able
e n poses gracie us e s e t aba ndonnée s . C’é ta it le
mo me nt du bain de s ole il. Une e x clamation 'lui
fit r e le ve r la têt e . Un homme v e na it ve rs lu i, la
m a in te ndue :
— Ma r tin La Pér e lle ic i ? Que lle s ur pris e ! C’est
bie n to i ! Co mme nt vas- tu ?
Il n ’e ut, lui, aucune s ur pris e , e n re connais s ant
Chr is tian Cléris s e , le s e crétaire d u Minis tèr e de la
Gue r r e , puis qu’il s ava it q u ’il le tr o uve r a it à Di
nar d. Les de ux h o m m e s se s e r rère nt la ma in ave c
une e ffus ion un pe u émue . P our l’u n , comme pe ur
l’autr e , ce tte r e ncontr e é vo qua it des s ouve nirs de
la pre mièr e je une s s e , de l ’équipe comme l’a va it
d it Ma r tia l.
Chris tian Clériss e a v a it quar ante - de ux ans . Mais
il par ais s ait b ie n plus je une que Ma r tin c uit e t
boucané pa r sa vie ave ntur e us e e t ses s éjours aux
colonies . C’é ta it un be au gar çon blo nd, robus te e t
s ouple , à s ilhoue tte s portive . T out vê tu de blanc,
nu- tête , il a vait, sous des che ve ux ar de nts pre s que
roux , une be lle figure régulièr e e t ple ine aux ye ux
ble us , aux lèvre s forte s , au ne z un pe u lar ge , une
figure de jouis s e ur ha r d i e t jo y e ux , a lla n t dr o it
dans la vie , pr e nant le me ille ur de ce q u ’e lle po u
va it offrir. En dehors de sa s ituation au Minis tèr e ,
il pos s édait une large aisance e t ne se r e fus ait
aucune fantais ie . Bon garçon, un pe u lége r, céli
batair e assez cour e ur, il offr ait un complet, con
tras te ave c La Pére lle , âme tour me nté e e t ins a
tis faite sous ses appar e nce s de cors aire .
— Mon vie ux Ma r t in ! dis a it Clér is s e . Que je
suis conte nt ! Mais c’est, une espèce de miracle
de te r e ncontr e r ic i ! P a r que l s ingulie r has ar d
es- tu à Dina r d ?
— Je s uis de puis que lque te mps à Par is . J ’étais
un pe u las , dés ire ux de re s pire r de l’a ir p u r ... Si
je te disais que j ’a i chois i Din a r d parce que je
s avais t ’y r e ncontr e r ?
— Je te dir ais : « Que lle blague I » Co m m e n t
aurais - tu p u de vine r ...
— Je n ’ai pas de viné . Je s avais . C’est Fe r na nd
Ma r tia l qui m ’a a ppr is la chose.
— E t tu es ve nu e xprès pour me vo ir ? C’est
g e n t il... m a is ...
— Mais t u n ’en crois pas un mot. Je te dir ai
donc s im ple m e nt que la pe ns ée de te re ncontre r
a pesé d ’un ce rtain poids dans la ba la nc e ... Mais
s i, pe ut- êtr e, cela a ache vé de me décide r , je
s erais ve nu t o ut de m ê m e ... J ’ai affaire ici.
— Se r vice c o mma ndé ? de manda l’autr e . Le
Congo ne te s uffit plus ? T u te mêle s de la Fr ance ?
Ma r tin secoua la tête :
N o n ... N o n ... Ma prés e nce à Din a r d n ’est
que le r é s ulta t d ’une fa nta is ie ... Je fais une pe tite
e nquête po ur mon compte .
— Sacro Ma r tin ! s e x clama 1 autr e ave c un rire
jo ye ux . T oujour s un pe u my s té r ie ux ! Je ne ve ux
pas être indis c r e t, mais , dis - moi, ta mis s ion est
abs or bante ?
Non. Je compte bie n me dis traire a uta nt que
je le pourr ai.
Le je u, toujour s i Ic i, il y a de be lle s partie s
e t des pontes impr e s s ionnants , t u sais m a int e
na nt que je te tie ns
bie n ^|
que
. , je compte
I —
uo nous
IUJUB pasUUHs orons be a ucoup (1 he ure s e n s e m b l e . N o u a a l l o n a
a vo ir à nous en r aconte r, des choses. Toi, surtout...
Ma r tin s our it :
—
Oui, pas m a l, si cela t ’intére s s e . Voyons ,
pour comme nce r ,' pouvons - nous déje une r e n
s e mble ?
�S . Ô , S . ! lin e fe m m e s o m b r e .
L ’autr e se g r a tta le ne z, pe rple x e :
— Ce s e rait ave c gr a nd plais ir , ma is ...
— Mais quoi ?
— Je vais t ’e x p liq ue r ... Je ne s uis pas s e ul...
— Dia ble ? t u es ma r ié ?
— Ma loi ! Non ! r é p o n d it Clériss e e n r ia nt.
Mais je s uis à Din a r d a ve c ...
— T a maître s s e ?
— O u i... Ou p lu t ôt n o n ... E n iin , une a m ie ...
— T u as un r o ma n ?
Cléris s e pas s a son bras sous ce lui de La Pére lle :
— Vie ns pre ndr e le porto au Ca s ino... Apr ès
tout, cela pe ut s’ar r ange r . Je te pr é s e nte r a i...
— Je s erai la dis cr étion mê me . Qu ’est- ce que
c’e s t ? Une fe mme mar iée ?
— N o n ... C’est be aucoup plus s imple . Une dac
tylo du Minis tèr e . Une lille r avis s ante , tu ve r r as ...
Elle pr e na it ses vacance s a ux même s date s que
moi e t elle é ta it s eule à Par is . Je l’a i e mme née ...
C’est une lille dis ting ué e , c ultivée , r e ma r qua ble .
Je la pousse a u t a n t que je p e ux ...
— Na tur e lle m e nt ! Ali ! lu es toujour s le même !
Elle t ’a tt e nd au Cas ino ?
— Non, elle do it me r e joindr e pour déje une r .
Nous n ’ha bitons pas le même hôte l. Elle r e doute
de tr op s’alliche r ave c moi. C’est délicat, tu c om
pr e nds , e lle est très s érie us e , très r és e r vée ...
Enfin , tu la juge r a s ...
— Sois tr a n q u ille , je ne te d ir a i pas de ma l
d’e lle ... Ça t ’e mbête r a it, he in ?
Un lége r fr émis s e me nt agita le vis age du be au
gar çon :
— Je l’a voue , je tie ns à e lle ... Ce n ’est pas une
lille o r d ina ir e ...
— Ce lle q u ’on aime n ’est ja m a is une fille o r d i
nair e .
Ils é ta ie nt arrivés au Gr a nd Cas ino, be l é ta blis
s e me nt do nt to ut l’étage s upér ie ur e s t occupé par
une terrasse llcur ie . C’est là que se r é unis s e nt,
pour l ’a pé r it if, les baigne ur s chics . Le s de ux
nomme s pr ir e nt place à une table de la balus tr a de
qui s ur plo mba it la me r.
— Ouvr e les ye ux , s auvage que t u es, d it Clé
risse.. T u vas voir la line lle ur des élégance s de
Din a r d. C’est l’he ure . A que l hôte l os - tude s ce ndu?
... — Au Winds o r .
— T ie ns 1 C’est jus te me nt l’hôte l où est mon
a mie . Moi, je s uis à l’hôte l d u Cas ino. T ie ns I
Re gar de 1 Vo ilà le g r a tin q ui s’amène . 11 y a de
jolie s fe mme s ...
S ur la terrasse c o mme nça it à s’amas s e r une
cohue élégante , bizar r e mélange , comme dans
toute s les s tations de plais ir , de gens d u monde ,
d’élégance s fre latée s , actrice s , cour tis ane s e nt o u
rées de le ur cour , famillos riche s , je une s gens bie n
mode r ne s , s por tifs , gigolos , je une s filles hardie s .
Ma r tin se s ouvin t br us que me nt de la rais on qui
"a m e na it là, dans ce tte foule mondaine et il so
r e tour na, che r chant des ye ux s’il n ’ape r ce vait pas
Je jouno Dur o y . Mais si bie n des garçons le r a ppe
la ie nt par le ur a llur e , il ne v it pas le Ch é r ub in .
Clériss e qui s’é ta it r e tour né e n même te mps que
lui mo ntr a du goste une table vide e ntourée d ’un
assez gr and nombr e do sièges :
— Mis s Simps on est en r e tar d, ce m a tin . On a
d û so couche r ta r d à la Villa De a r lin g l
— Qu ’est- ce que c’est que mis s Simps on ?
de manda assez d is tr a ite me nt La Pér e lle .
23
— Un phénomè ne qui occupe be aucoup Din a r d.
Une m illia r d a ir e , mo n che r l
— Une Amér ic a ine ?
— Oui. L ’hér itièr e d ’un r oi du Pétrole ou du
Porc, je ne sais pas a u jus te . C’est une lille q ui a
d û êlr e très jo lie ... il y a tr e nte ans . Aujo u r d 'h u i,
elle doit appr oche r de c inq ua n te ... si ce n ’est pas
cinquante - cinq ans . Elle est folle 1 Elle a la pas
s ion des gigolos . Plus ils s qnt je une s , plus elle les
aime . T u vas vo ir ! C’est un pe u r é pugna nt,
d ’a ille ur s . On s e nt que cette malhe ur e us e est la
pr oie de je une s aigre fins sans s cr upule s qui se
fo nt paye r che r l’illus ion q u ’ils se donne nt. C’est
fâche ux pour une fe mme de ne pas po uvoir
r e nonce r à être e nce ns ée , re che r che e ... aimée !
U n de ces jour s , elle se fera vole r, s inon pir e ...
Elle ha bite une s ple ndide v illa , assez is olée , en
de hors de Dina r d, du côté du Pr ie ur é. On y fait
une vie de b âto n de chais e . La v illa s’a ppe la it
t o u t bonne me nt les « Sapins », car elle est cachée
au m ilie u d ’une vé r ita ble fore t. Mais à Dina r d,
on l’a débaptis ée pour l’appe le r la v illa De ar ling.
Jus te à ce m o me nt, on se r e tour n a it vers
l’e ntrée de la terras se où pa r a is s ait un groupe
b r uy a nt :
— T ie ns ! r e pr it Cléris s e , la vo ilà, ce tte folle ,
ave c t o ut son état- major et les favoris du mo m e nt!
Lé gèr e me nt s oule vé s ur sa chaise , Ma r tin
r e garda vers le p o in t où se to ur na it l’a tt e ntio n
générale .
Une fe mme s’a va nça it, e ntourée d ’un groupe
de je une . e ns , e ncadrée à sa dr oite e t à sa gauche
pa r les üe ux plus jolis éc ha ntillons de gigolos
q u ’on p ût rêve r . L’un é ta it b lo nd , l’a utr e br un,
Le b r un, c’é ta it Ric ha r d Dur oy.
La Pére lle n ’e ut aucune s urpris e . T out é ta it
dans l’ordre . Be r nade tte a im a it , elle a va it
confiance sans doute . Lu i la tr o m pa it, se m o q ua it
d ’e lle .
Mais , t o u t de s uite , ses ye ux quittè r e nt le
jo li gar çon po ur se por te r vers la fe mme .
C’é ta it , e n v é r ité , une a ppa r itio n un pe u h a llu
cinante . On e ût d it une gr ande poupée , une
a uto ma te régie pa r une mé canique invis ib le .
Invr a is e mbla ble me nt haute e t mince , e lle a va nça it
d ’un pas r aide et la robe bla nche vapore us e dont
elle é ta it drapée ne pa r ve na it pas à dis s imule r
s à ma igr e ur pre s que s que le ttique .
Mis s Simps on a va it a ù être très jo lie . Mais rie n
ne se fane aus s i vile que la be auté claire e t blonde
des Amé r icaine s . Sous le far d viole nt, le mas que
é ta it r idé à pe tits plis , la bouche un pe u re ntrée .
Le s ye ux éta ie nt e ffr ayants , des ye ux d ’alcoolique ,
d ’in tox iquée , fixes, s triés de fines raies s anguine s .
Us ée ju s q u ’à la corde , e lle de va it de mande r au
w his ky, comme be aucoup de ses compatr iote s , une
force factice . E t ce qui é ta it lame ntable che z ce lte
cr éatur e , me r ve ille us e me nt ha billée , couve rte de
b ijo ux lour ds , c’é ta ie nt sa volonté de par aîtr e
je une e ncore , toujour s , son s ourire s ur des de nts
tr op blanche s , le geste c âlin ave c le que l elle
s ’a p p u y a it s ur l’épaule du cavalie r blo nd, tandis
que Dic k Dur o y po r ta it son ombr e lle .
— Ou ’e n dis- tu ? inte r r r oge a Clériss e.
— Ce n ’est pas une fe mme , c’est un s pe ctr e ...
— Oui. E t le s pe ctre le plus e nragé de vie et
d ’a mour q u ’on puis s e ima gine r . T ous oes gigolos
que t u vois a uto ur d ’elle la gr uge nt à qui mie ux
�24
S. O. S. ! Une fe m m e s o m b r e ...
de va it être s por tive , e ntr aînée . On se l’im a g ina it
mie ux . Il y a de t o u t, p a r mi e ux, des dans e urs
à che val ou nag e ant. Sa s ilhoue tte é ta it celle
profe s s ionne ls , des boys de mus ic- halle tde s je une s
d ’une championne .
gens d u me ille ur monde dévoyés . Ce lui qui est
Clériss e dis c uta it ave c le s omme lie r et le maîtr e
de r rièr e e lle — je ne sais si t u pe ux le voir — est
d ’hôte l. Marie- José ne q u it t a it pas Ma r tin des
le fils d ’un avocat connu, br o uillé ave c s on père .
ye ux . On voy a it, sous la po udr e e t le rouge dis
A côté de lu i, Ja c k Polde rs , un dans e ur de caba
crets do nt elle é ta it far dée , son vis age se déc om
re t de n u it . Le blo nd s ur qui e lle s’a ppuie , c’est
pos e r légèr e me nt ; les tr aits se t ir a ie nt ; la bouche
Bo b Claus e l, u n gar çon de bonne famille que le
voluptue us e e t rouge pâlis s a it. Elle lais s a to mbe r
je u e t la pare ss e pous s e nt a ux pire s combinais ons .
son sac en r e gar da nt toujour s l’homme qui s e mblait
L ’a u tr e ...
la fas cine r . 11 se bais s a pour le ramas s e r et elle
— Ric ha r d Dur o y , je connais ...
d
it , dans un s ouffle :
— T u le connais ? Alor s , je n ’a ir ie n à t ’appre ndr e .
— P ar p it ié ... Ne dite s r ie n...
Bob e t Dic k — Dic k , c’est le je une Dur o y — s ont
Ma r tin lu i r e ndit s on sac. 11 se dé tour na sans
ins épar able s . Ils s ont la coque luche de la plage .
affe ctation, fit que lque s pas pour r e joindr e Clé
Que che rche nt- ils a u ju s t e ? Ju s q u ’où iront- ils ?
risse. Ne r ve us e me nt, Marie- Jos é se r e poudr ait.
Je ne m ’e n préoccupe guèr e , mais le urs famille s
Qua nd les de ux homme s r e vinr e nt vers la table ,
d o iv e n t être bie n conte nte s !
r ie n ne po uva it déce le r le pe tit dr ame q u i ve na it
Ma r tin a v a it détour né la tête po ur cache r
de se joue r .
l’e xpre s s ion de s on vis age q u ’il ne pa r ve na it pas
Le déje une r fut très gai, a nimé pa r la ve rve de
à r e ndre impas s ible . 11 é pr o uva it une espèce de
Cléris s e , par les récits de La Pére lle . Marie- José
joie s auvage . Son voyage n ’a u r a it pas été in utile .
Cha mbe r t p a r la it pe u, se c onte ntant d ’écoute r et
Dès ce s oir, a u Cas ino le chas s e ur r e tr ouve r a it sa
de s our ire . Mais si Ma r tin s avait ce que s ignifia it
proie e t il n ’a u r a it q u ’à chois ir l’he ur e de l ’halce mutis me , l’autr e é ta it de ces gens he ur e ux qui,
ia li.
dès q u ’ils s amus e nt, ne se pr é occupe nt de r ie n.
Chr is tia n Cléris s e c o ns ult a it sa montr e :
Au des se rt, on appe la « mons ie ur Cléris s e » au
— Il est te mps de nous e n a lle r , dit- il. Marietéléphone . De nouve a u, la fe mme e t l’homme se
José d o it êtr e d é jà a u r e s ta ur a nt.
tr ouvèr e nt s euls .
— Ah ! Elle s’appe lle Marie- Jos é ?
— J ’ha bite le même hôte l que vous , ma de moi
Ma r tin La Pére lle , sans doute arr aché à des
s elle , d it Ma r tin.
réfle xions pr ofonde s , a v a it tr e s s ailli biza r r e me nt.
— Vr a im e nt?
L ’a utr e ne le r e ma r qua pas :
— Qu i s a it? Nous s omme s peut- être voisins de
— C’est u n jo li no m, n ’est- ce pas ? r e partit- il.
c ha m br e ...
Oui. Marie- José Ch a m b e r t...
Elle lova s ur lui le re gard de ses ye ux ve rts et
L ’e xpre s s ion des ye ux de Ma r tin é ta it r e de ve
d it à mi- voix :
nue indiffér e nte . Qu e lq u ’un de cla ir voyant e ût
— Numér o 38...
noté ceci : le pr é nom — Marie- Jos é — l’a va it
— Bon. Vous serez s eule, cette n u it ?
fr appé ; pe ut- être lu i r appe lait- il un s ouve nir . Le
—Je s uis toujour s s eule.
nom de fa mille ne lu i a v a it r ie n d it .
— Atte nde z- moi à de ux he ure s .
Le s de ux amis se dir ig èr e nt vers le r e s ta ur ant
Elle in c lina la tête . Ce t ordre la t r o uva it s ou
de l’hôte l d u Cas ino.
mis e comme si elle l’e ût pr é vu. Mais , le long de
— Nous déje une r ons s ur la terras s e , annonça
son dos n u, cour aie nt des onde s ne rve us cs commo
Clériss e T ie ns ! Je l’avais d it , elle e s t la !
on en voit aux liane s des chats .
11 a lla it ve rs une ta ble où une fe mme é ta it
Le café et les lique ur s pr is , Ma r tin se le va :
assise et c o ns ult a it no nc ha la mme nt le me nu que
— Je vous prie de m ’excus er, made mois e lle e t
c o mme nta it pour elle un ma ît r e d ’hôte l.
to i, mon che r Chr is t ia n. Mais je s uis obligé de
Elle to ur na la tête , v it Ch r is tia n, o uvr it la
pass er à 1 hôte l. .1 a tte nds un télégr amme . E t ,
bouche pour pa r le r e t re sta mue tte .
du re s te , t u sais que je ne suis pas ici tout à fait
— Ma chère Marie - Jos é, d it son a m i, je vous
pour mon plais ir .
prés e nte Ma r tin La Pére lle , u n vie ux e t très che r
— Dommage ! d it Clériss e. Nous avons pr oje té
c a ma r a de ... Made mois e lle Ch a m b e r t ...
d ’alle r cette après - midi, Marie- José e t moi, à
Ma r tin s’in c lin a it , très corre ct. La je une fe mme
Uothéne uf. Nous t ’aur ions e mme né...
lu i t e n d it la ma in ave c un : « Enc ha nté e , m o n
— Me rci mille fois. 1u sais que je ne s uis pas
s ie ur ... » pr e s que in d is t in c t .
t o ut à fa it libr e .
Cléris s e s’a g ita it, a p p e la it le s omme lie r , com
— Na tur e lle me nt ! s e xclama Clériss e on r ia nt .
m a n d a it des vins . Il ne s’occupa it pas de l’homme
Qua
nd on voyage aux frais de la Prince s s e , elle
e t de la fe mme q u ’il a v a it lais sés e n face l’un de
a le dr oit de se montr e r un peu e xige ante ! Alor.s ce
l’autr e ot q u i se r e g ar da ie nt...
s oir, au cas ino ? T u vie ndras bie n y faire un tour ?
Marie- Jos é Ch a mbe r t d e v a it a vo ir de vingt- huit
— Je n ’y ma nque r ai pas . Au r e voir , ma de mo i
à tr e nte ans . Elle é ta it étr ange e t jo lie , grande ,
s
elle,
et excusez- moi d ’avoir tr o ublé votre tête- àmince , s ouple , ave c une pe au dorée d ’One nta le ,
t ê t e ...
des ye ux gris to ur na n t a u ve r t. Le s che ve ux , te ints
Marie- José s our it et tandis que Ma r tin lui b a i
é vid e mme nt, é ta ie nt d ’une r avis s ante te inte
s ait la m a in, ce s ourire pr it une nuance un pe u
a u b u r n , ave c des re lle ts cuivrés . Sa robe do soie
orgue ille us e . Etait- e lle ras s urée ? Pens ait- elle
bla nc he lais s ait le dos pre s que nu. Le cou s’or n a it
tr io mphe r de cet homme dont la prés ence par ais
d ’un collie r de ja d e ve r t e t plus ie ur s brace le ts do
s ait être pour elle une me nace ?
ja de s onnaie nt à chaque mo uve m e nt de scs bras
Cléris s e accompagna s on ami jus q u’au bas de
longs e t mus clés . On d e v in a it que , che z e lle ^ la
la terrasse du r e s taur ant :
min c e ur du corps n ’e x cluait pas la force. Elle
�S. O. S. ! Une fe m m e
s o m b r e ..
— Comme nt la trouve s - tu ? de manda- t- il.
— Ch a r m a nte ... D’une be auté c a p tiv a nte ...
Dis - moi, e ntre no us ... t u es son a m a n t ?
Ce tte que s tion s e mbla ve x e r un pe u le be au
garçon :
— Non, dit- il e nfin. Pas e ncore ... Mais cela ne
s aur ait tar de r . C’est une fille série use , je te l’a i
dit . E t je crois q u ’elle a fa it de la vie une e xpé
rience assez doulour e us e . Elle est méfiante . Elle
m’a impos é ... co mme nt dirais - je ? Des fiançaille s ,
si t u ve ux . Ba h ! Ce la change des fe mme s facile s !
Sur la plage , Ma r tin haus s a les épaule s :
— Les homme s s ont s tupide s . En vo ilà un,
pour t a nt, q u i, avec le mé tie r q u’il fait, de vr a it
être s ur ses garde s . Il est vr a i que m o i...
Auc un télég r a mme ne l’a tt e n d a it à l’hôte l,
pour la bonne rais on q u ’il n ’en a va it pas à re ce
voir. Il e n re s s ortit t o u t de s uite après s’être
muni d ’un pe tit r e volve r e t de différe nts papie rs
qu’il a va it mis dans s on por te fe uille . Il s’en alla
faire le to ur de Din a r d :
« 11 s’a g it de ne pas me tr ompe r , s onge ait- il.
De de ux choses l’une , ou la diable s s e s’est faite
nonne e t je n ’ai r ie n à y vo ir . Mais ceci me s ur
pr e ndr a it. Ou elle est toujour s dans le mé tie r e t
nUe tr a va ille toujour s pour le même homme e t,
dans ce cas, il e s t ici ou dans les e nvir ons . Che r
chons . Le has ar d m ’a aidé en ce q u i conce r nait
Be r nade tte . Pe ut- être va- t- il me te ndr e la pe rche
encore cette fois- ci. »
Il pass a son apr ès - midi à se pr ome ne r, alla
jus q u’à Saint- Enogat, r e v in t, se r e ndit s ur la
plage , c ontinua sa r oute et dépas s a les r uine s du
Pr ie uré. Ch e min fais ant, il e ntra dans plus ie ur s
hôte ls , s’in fo r ma d ’un ho mme q ui pour r a it y être
de s ce ndu. Une ou de ux fois, il montr a my s té r ie u
s e me nt une carte qui r e ndit les gens obs équie ux
et loquace s . Mais il fa ut croire que , cette fois, le
hasard r e fus ait de s’en mêle r , car il ne découvrit
>as ce q u ’il che r chait. L ’après - midi s’avançail
ors qu’il a r r iva de va nt une s ple ndide pr opr iété
entour ée d ’un parc planté de s apins . Au même
Mome nt, des autos s’a r r ê ta ie nt d e va nt la gr ille .
'1 v it de s ce ndre mis s Simps on, e ntourée de sa
hande de gigolos :
-— T ie ns ! pensa- t- il. Voici la v illa Da r ling ,
''vid e m me nt...
Mais il n ’a pe r çut pas Dic k. Il fit le to ur de la
Propriété. Elle é ta it protégée par des mur s e t son
'‘Paisse ce intur e d ’arbre s s ombre s lu i d o nna it un
a.s pect, assez s inis tr e . Le parc s’é te nda it s ur p lu
sieurs kilomè tr e s . T o ut à coup, il se tr ouva de va nt
,lr>e pe tite por te de bois e ntr ’ouve r te , une e ntrée
f*6 s ervice ce r taine me nt. Cur ie ux , il la pous s a,
e ntr a, se pr o m e tta n t de de mande r un re ns e igne
r o n t que lconque , s’il é ta it s ur pris .
D’où il é ta it, on ape r ce vait la mais on, une s or ti1
('o pe tit cas te l re s taur é de s tyle dis parate . Dans
te a gglo mé r a tio n de s apins serrés les uns contre
autr e s , on a v a it l’impre s s ion d’être loin des
be ux habité s . Très lo ir , ve rs l’ha b ita tio n, on
e nte ndait de vague s r ume ur s . II continua à a v a n
cer ave c pr écaution e t, br us que m e nt, il se tr o uva
devant, un p e tit pa villo n. De grande s baie s vitrée s
Pe r me ttaie nt d ’y plonge r la vue . Il n ’y ma nqua
Pas.
Ce de va it être un anc ie n [ pavillon de ohasse
Mu’on a va it mode r nis é et dont la maltre s s e de
25
céans a va it fa it un lie u de rende z- vous de plais ir .
Ma r tin v it une grande pièce dont le sol dis par ais
s ait sous des tapis a dmir able s . Aux mur s étaie nt
pe ndue s des pe aux de bête s . Des divans gar nis
s aie nt pr e s que to ut le to ur des mur s . Le plafond
é ta it c apitonné . Dans un coin, se tr o uva it un bar .
On de va it , là, boire , fume r l’o piu m , faire Die u
s ait quoi e ncore ... Il songea que Ric ha r d devait"
hante r cette salle e t, une fois de plus , il évoqua
Be r na de tte ...
11 r e tour na vers l’hôte l. 11 se s e ntait las , ple in
de dégoût. Le monde , e n vé r ité , n ’é ta it q u ’un
vas te bouge , te mple d u je u, de la lux ur e , e t des
plus honte us e s compr omis s ions . E t lu i, en a va it
eu sa bonne pa r t...
T o ut e n se liv r a n t à une mé dita tio n assez
moros e , il se r e tr ouva s ur la plage . Souda in,
comme il fr ôla it une chais e longue , il pe r çut une
e x cla mation étouffée . Du siège où il é ta it nonc ha
la m m e nt éte ndu, Ric ha r d Dur o y ve na it de s e le ve r
e t le r e gar dait ave c des ye ux épouvantés :
— Vous , mons ie ur , vous ...
Ma r tin s’ar r êta, s our it :
— Je vous avais bie n d it que nous nous r e tr ou
ve rions . Voye z que lle coïncide nce ...
— Mo ns ie ur , comme nça le je une ho mme d ’une
voix étr anglée , j ’ai des excuses e t des r e me rcie
me nts à vous adr e s s e r... Il m ’a été impos s ible ,
ju s q u ’ic i...
— Ce la aus s i, je l’avais pr é vu, r é po ndit na r
quois e me nt La Pér e lle . E t alor s ? Êtes - vous plus
he ur e ux à Din a r d q u ’à P a r is ?
Dic k ne r é po ndit pas . Il a va it une mine de
g a m in bo ude ur e t e ffaré. Ma r tin se m it à rire :
— Je vous ai d it que je vous donnais d u te mps ,
mons ie ur Dur o y. Je fais mie ux . Je vous offre
votre r e vanche . Ce s oir, au bac, si vous voule z...
— E t si je pe rds e ncore ? Si j ’augme nte ma
de tte e nve rs vous ?
— 11 est rare que la déve ine s’acharne s ur un
jo ue ur . Peut- être ce s oir ne me devrez- vous plus
rie n ?
Richar d é ta it très pâle . Il de va it se s e ntir au
bord de l’a bîme . Pe ut- être aus s i ce t homme
l’e(Trayait- il. C’é ta it Faus t r a je uni plus que de
rais on de va nt Méphis tophé lès impas s ible .
— J ’ai un pe u pe ur , dit- il e nfin, ave c un s ourire
forcé. Je ne puis r e fus e r ... Ma is ... si ce s oir, par
e x e mple , je vous dois le double ?
— Si cela a r r iv a it , mons ie ur Dur oy , nous pr e n
dr ions un ar r a nge me nt, n’aye z donc pas pe ur . Je
ne suis pas un ma uvais diable e t j ’aime les gens
q ui ont les même s vice s que moi. Allons 1 A ce
s oir ?
— A ce s oir, r é pondit fa ib le m e nt le je une
Dur oy.
Ma r tin s’éloigna tr a nquille m e nt. L ’a m a n t de
Be r nade tte le s uiv it u n in s t a n t des ye ux . Puis il
r e tomba s ur la chais e longue dont ses ma ins ser
r èr e nt les accotoirs , comme si cet a ppui illus oire
e ût d û le r e te nir s ur la pe nte où il se s e ntait glis
ser ir r é mé dia ble me nt et au bas de laque lle , au
de là du dés honne ur , il n ’y a plus que la mo r t...
�26
S . O . S . ! U n e fe m m e s o m b r e ...
Il pe s a dava ntage s ur l’épaule te ndr e :
— Ve ne z... Nous allons caus e r ...
Il l’e ntr aîna au bar , à pe u près dés e r t, com
m a nd a des cocktails me ur tr ie r s , v it Dic k avale r
le conte nu de s on ve rre sans se r e ndre compte
C H AP IT RE VI
de ce q u’il fais ait e t fit s igne au b a r m a n de lu i
e n appor te r un s econd. P uis il s’accouda s ur la
ta ble , te na nt sa vic time sous s on re gar d calme :
L a p a r t ie s u p r ê m e .
— Voyons , pe tit gar çon, dit- il, ne nous affo
lons
pas . Je compre nds très b ie n ... Vr a im e nt,
La pa r t ie d u r a it de puis de ux he ure s . De puis
vous ne voye z a ucun m o y e n...
de ux he ure s , Ma r tin La Pér e lle t e n a it la ba nque
P our quoi l’autr e de vint- il un pe u plus blême ?
e n face de Ric ha r d Dur o y , de plus en plus p âle .
Son adve rs aire de vinait- il la pensée q u i, à cette
Comme à Par is , r ue de la P épiniè r e , le colon a va it
m in ut e même , lui tr ave r s ait l’e s pr it?
comme ncé pa r pe r dr e . P uis , la chance lu i é ta it
— Allo ns I r e pr it La Pére lle , je suis ce r tain
r e ve nue , acc ablant s on adve r s air e . Vin g t fois ,
que vous ave z une idée . He in ? Ce t ar ge nt, vous
Dic k a v a it v o ulu se le ve r , a ba nd o nne r le je u.
pouve z le tr o uve r ... ou, d u mo ins , une bonne
C’é t a it comme si une m a in de fe r e ût pesé s ur
pa r t ie ... Réponde z- moi...
s on épaule . P o ur s’e n a lle r , il e ût fa llu échappe r
— Pe ut- être , b a lb utia Dick. Mais il me fa udr a it
a u r e gard de l’ho mme assis d e va nt lu i. 11 ne le
u n pe u de te m p s ... Que lque s jo ur s ...
po u v a it pas . Que l étr ange po uvo ir de fas cination
— Je ne s uis pas un ogre ... Se ule me nt, e nte n
avait- il donc ? Dic k s ava it bie n q u ’il se pe r dait,
dez- moi, je une homme . Ce t ar ge nt est à moi, je
q u’il a lla it ve rs la catas trophe . De te mps en
s ouhaite t o u t de même ne pas le pe r dr e ... Vous
te mps , une vis ion pas s ait d e va nt ses ye ux : celle
le tr ouve r e z, n ’est- ce pas ?
d ’un je une ho mme , s e ul dans une chambr e d ’hôte l
Dic k ve na it d ’avale r le s e cond cocktail :
q u i, toute s porte s fe rmée s , va che rche r dans un
— Oui, dit- il. Je cr ois ... Mais si cela n ’est pa s ...
me uble un br ow ning. Ma c hina le me nt, il r e le va it
si je me tr o m p e ...
ses mèche s r e be lle s r e tomba nt s ur le fr ont. C’é ta it
— Alor s , après vous avoir laiss é le te m ps ...
s ous ces mèche s - là, t a n t caressées pa r Be r nade tte
mor a l, je lais s e rai les choses s uivr e le ur cours .
e t pa r d ’autre s , q u ’il fa u d r a it a ppuy e r le canon
Mais cela ne sera pa s ... Vous tr ouve r e z... Un joli
glacé de l’a r me ... Il fr is s o nna it... Qu i pouvait- il gar çon comme vous a des amis , que diable ! E t
appe le r au secours ? Son père ? Il lu i a va it s ignifié
ils ne voudr o nt pas le lais se r dans l’e mbar r as ...
que t o u t é ta it fini e ntr e e ux . Sa mè r e ... Dis pos e
A l l o n s 1 Co m bie n? H u it jo ur s ? C’est à pe u près
rait- e lle d ’une s omme comme ce lle q u ’il de vr a it
le te mps que je compte re s te r ic i.
t o u t à l’he ur e ? Qu i ? Qu i ?
Rie n ne pe ut donne r l’idée du r e gard de détresse
Ma r tin s e mbla it ne r ie n vo ir . En va in , Chr is
que Dic k Dur o y je ta a uto ur de lu i à ce mome ntt ia n Cléris s e , e ffrayé de la rage froide ave c laque lle
là. Ma r tin La Pér e lle évoqua un s ouve nir s inis tr e .
il p o n ta it , a v a it essayé une ou de ux fois do l’e n
Un jo ur de te mpê te , en me r, tandis q u ’il é ta it
tr aîne r . Il l’a v a it r e mbar r é de que lque s mots
s ur un bate au, un ho mme é ta it tombé . II a va it
secs. Il a v a it e ntr e vu Marie- José Cha mbe r t, en
été impos s ible de lui por te r secours. Lu i a va it
toile tte du s oir, à pe ine plus nue que le ma tin,
s uivi, un in s ta nt, ave c des jume lle s puis s ante s ,
q u i fix a it s ur lu i le r e gard in q u ie t de ses ye ux
la lutt e s uprême du ma lhe ur e ux contre les flots,
ve r ts . Au t o u r de la t a b le , on se pre s s ait, pas
alors que le navir e s’éloignait. Il a va it dis tingué
s ionnés par l ’infe r nale pa r tie e t on délais s ait pour
le de r nie r r e gar d de rage dés e s pérée ... Dic k a va it
un Boir l’a utr e ta ble , celle où, impas s ible , les ye ux
ce re gard- là.
fla mbants dans sa face de s que le tte far dé, miss
Il appe la le b a r m a n , paya :
Simps on je t a it les bille ts a ux croupie r s , e ntourée
— H u it jo ur s , mons ie ur Dur oy ... Allo ns !
de sa cour avide .
Bons oir !
i
B r u s q u e m e n t , liv id e , Dic k se le va :
Il se dir ige a vers la s alle de je u, sans un coup
— Je quitte la pa r tie .
d ’œ il vers l’a m a n t de Be rnade tte qui se le vait
T r a nq uille m e n t, Ma r tin La Pére lle le r e joignit
pé nib le me nt e n s’accrochant ix la table , s’en a lla it
comme il s or tait. Le je une homme tour na vers
e3 1n1 .c. .ha
. . .nc
. . . .e
. . la
. . . nt..
......
lu i des ye ux ha in e ux :
Comme il a lla it y pénétr e r , la porte b a t t it ,
— E li bie n ? C’é ta it ce que vous voulioz ? Je
liv r a n t pas s age à un nomme qui le frôla. D’u n
vous dois de ux ce nt c inqua nte mille fr ancs ... Que
mouve me nt ins tin c tif, La Pére lle so r e je ta en
voule z- vous que je fasse ?
ar
r ière . Mais l’homme é ta it passé sans avoir pris
— Ba h ! d it no nc h a la m m e n t Ma r tin . Ce la s’a r
garde à lui.
r a nge r a...
Ma r tin , m a inte na nt, é ta it im mo bile de va nt
II te n a it Dic k par l ’épaule e t le Ch é r ub in s en
ce tte porte q u ’il s e mblait ne plus s onge r à fr a n
t a it des doigts de fer s’e nfonce r dans sa chair
chir . Sa m a in, dans la poche do son s moking, ser
te ndre :
r a it dur e me nt la crosse du br owning q u ’il a va it
— Que voule z- vous que je fas s e ? répéta- t- il.
pr is t o u t à l’he ure . Ce la dur a lo te mps q u ’il m it
Vous s ave z bie n que , ja m a is ...
à se domin e r , à r éfr éne r la colère s ubite e t vioIl s’in te r r o m p it. Il s’é ta it r e tour né, r e gar dant
lontc qui l’e nvahis s ait. Les doigts se de s s e rr ère nt,
la s alle illu m in é e . Ma r tin v it que ses ye ux
puis la ma in r e par ut. Il é ta it r e de ve nu ma îtr e de
s’ar r êta ie nt s ur la table où se tr o u v a it mis s S im p
lui- même :
s on. Ce la dur a une s e conde , mais ce tte seconde
« Que lle folie j ’aur ais fa it e ! songea- t- il. J ’e n
r évéla à La Pére lle que lque chose de plus te r r ible
ai
trop fa it de ce gonre- là, dans ma vio ... N ’ira»
que t o u t ce q u ’il p o u v a it s uppos e r e t s ouhaite r.
�S 4 0 . S . ! Une fe m m e s o m b r e ..
po r te ! C’é ta it écr it. Du mo m e n t que Marie- José
é ta it ic i, ce t homme de va it y être . P e u impor te
où il loge e t s ous que l nom on le connaît. Le p r in
c ip a l est q u ’il y s oit. Marie- José est ici pour
« tr a va ille r ». Allons ! Ma n u it n ’est pas finie !
Il se décida à pénétr e r de nouve a u dans la
s alle de baccara e t, im m é d ia te m e nt, il ape r çut
Clériss e e t s on amie q ui ve na ie nt à lu i :
— T u e n as as s e z? de m a nda le pr e mie r en
r ia nt. Dis donc, t u t ’e nte nds à me ttre les gens à
sec, toi ! Le ma lhe ur e ux n ’e n r e vie ndr a pas !
E t comme Ma r tin fais ait u n geste d ’in d iffé
re nce , il c o ntin ua :
— Ce la t ’e s t égal ? A mo i aus s i, d ’a u ta n t plus
que le je une ho mme n ’est guère intér e s s ant. T u
sais , il est de la bande à la Sim p s o n... Il va être
quatre he ure s . Est- ce que t u re ntre s ?
— Oui.
Marie- José est fatiguée . Nous allons la re con
duir e à l’hôte l. Comme ce la, t u seras che z t o i et
tu n ’auras pas à cr aindre les mauvais e s re ncontre s .
La Pér e lle je ta un coup d ’œ il vers la je une
fe mme . Très pâle dans sa robe coule ur paille
dont les longs plis mo ula ie nt si é tr o ite me nt son
corps q u ’elle la fais ait nue , elle par ais s ait ne plus
pouvoir se s oute nir . Iis s or tir e nt, tr o uvè r e nt une
voitur e dans laque lle ils mo ntè r e nt. Le tr a je t fut
s ile ncie ux . De va nt l’hôte l Wind s o r , Clériss e bais a
la m a in de Marie- Jos é, serra celle de Ma r tin :
— A de main. Je te la confie ...
Les de ux chambr e s é taie nt au pr e mie r étage .
L ’as ce ns e ur ar r êté, Marie- José de s ce ndit la pr e
mièr e , passa d e va nt Ma r tin. Le garçon d ’étage ,
s omnole nt, s’a va nça it .
— Me rci, mon garçon, d it La Pér e lle . Nous
connais s ons nos chambr e s . Nous n ’avons be s oin
de r ie n.
De bout dans le couloir , ils a tte nd ir e n t que le
b r uit de la descente de l’as ce ns e ur se fût éte int.
T out é ta it s ile ncie ux . On d is t in g u a it s e ule me nt
de vague s br uits de re s pir ations e ndormie s , de
fonde me nts e t, au lo in, le c ha nt de la me r. La
je une fe mme lit que lque s pas indécis , m it la cle f
dans la s e rrure , se r e tour na :
— Vous vo ule z...
— Oui.
Elle e ntr a la pre mière . Ma r tin la s uiv it e t la
Porte se re fe rma de r rièr e e ux.
L ’éle ctr icité in o nd a nt la chambr o r évéla l’allér ation du vis age do la je une fe mme . L’a ttitude
Qu’elle a lle c la it de puis le ma tin cédait à un
affais s e me nt s ouda in, à une s orte d abandon
Résigné. Le nte me nt, elle e nle va le ma nte a u qui
l’e nve loppa it, apparut, comme nue dans la robe
qui a va it pre s que la te inte de sa chair ambr ée ,
klle a lla s’ass eoir s ur un fa ute uil près d ’une
table , a tt e ig n it d ’un geste ma c hina l un e tui à
c>garettes qui y é ta it pos é, un br ique t. Elle les
reposa aus s itôt, ses ma ins tr e mbla nte s lui in te r
disant, le geste fa milie r :
— Ne tr e mble z pas , d it ir o niq ue me nt Ma r tin.
Je n ai pas l’in te ntio n de vous tue r .
— Que voule z- vous ?
Nonc ha la mme nt, Ma r tin p r it son propre é tui,
lui t e n d it une cigare tte , lui offr it du feu ; puis il
en a lluma une lui- même , s’as s it à s on to ur :
— Marie- Jos é, cette potite mis e en Bo èn e ne
vous r appe lle a ucun s ouve nir ?
Un fris s on lége r pas s a s ur les épaule s nues*
mais elle ne r é po ndit pas . Elle s e mbla it m a in te
na n t r e pre ndre s on s ang- froid ; elle os ait re garde r
l’homme e n l'ace d’e lie e t un lége rfr is s onr e tr ous s a
t o u t à coup ses lèvre s s ur des de nts fine s et
aiguës :
— Marie- José Fargas , ce m a tin , vous m ’ave z
m ur m ur é : « P a r p it ié , ne dite s r ie n. » Je me
s uis t u . Je me suis t u parce que je pouvais croire
à votre s inc ér ité . Ce s oir, je n ’y crois p lu s ...
Le s ye ux ve rts e ur e nt un éclair fur tif, puis dis
pa r ur e nt sous les longue s paupièr e s frangée s de
cils noirs :
— Je ne compre nds pa s ...
— Vous ne compre ne z pas ? Bion. Nous allons
donc r e pr e ndr e l'his toir e à s on dé but. Il y a s ix
ans de ce la, au camp d ’a via tio n m ilita ir e d ’Alge r ,
un officier que nous appe lle rons Je a n G ..., e ut le
ma lh e ur de to mbe r amour e ux d ’une for t jolie
ve uve r ouma ine — oui, vous étie z r o uma ine , dans
ce temps - là — e t, dans sa pas s ion, de lu i confier
ce r tains secrets intér e s s ant la c ons tr uction d ’un
nouve l a ppa r e il. U n p la n , q u ’il a va it toute s r a i
sons de croire r angé dans un t ir o ir de son bur e a u,
dis pa r ut mê me . L ’ollicie r, affolé, fit des confi
dences à u n age nt du contre - e s pionnage q u ’il
connais s ait. E t grâce , à ce t ho mme , il é vit a le
cons e il de gue rr e . Le p la n fut r e tr ouvé dans un
cas ier où il a v a it été, parait- il, mis pa r mégar de .
Je a n G... s e ule me nt coupable de néglige nce ... et
d ’im pr ude nce , fu t e nvoyé dans le ble d, à un poste
pé r ille ux ... où il est pe ut- être e ncore . Mais l’age nt
du contre - e s pionnage a v a it , lu i, pa r plais ir et
parce que c’é ta it son métie r , c ontinué s one nquête .
La fe mme t r a v a illa it pour le compte d ’u n e s pion
d u gouve r ne me nt de Ba lta vie q u i se fais ait
nomme r le comte de Sode r ling e t se dis ait attaché
m ilita ir e . Elle é ta it sa maîtr e s s e . Je te nais tous
les fils . Je fis ar r ête r S ode r ling ... Marie- José
Fargas , la je une ve uve , a lla it s ubir le même s ort.
Un s oir comme celui- ci, e lle me r e çut dans sa
c hambr e d ’hôte l. Elle é ta it toute je une , c’é ta it
pre s que un e nfa nt. Elle pr ia , s upplia , ju r a n t ,
que cotte te r r ible leçon lu i s e r vir ait. Ma r tin La
Pére lle é ta it , lui aus s i, plus je une q u ’a ujo ur d ’hui.
Il fa ib lit. Ce tte nuit- là, Marie- Jos é fut sa m a î
tre s s e. 11 ne l’e ût pas dénoncé alors q u ’il s or tait
de ses bras . Il la fit s’e nfuir . Est- ce e x ac t?
— Ou i...
— De puis , plus ie ur s fois , il a p p r it que MarieJosé Fargas c o ntin ua it sa vie dangorous e . P a r
t o ut où son e xis te nce d ’ave ntur e s la c onduis ait,
on r e tr o uva it , sous des noms dive r s , l’homme
d ’Alge r , ce lui q u ’on a va it condamné à un an de
pris on sous le nom de Sode r ling. Aujo u r d ’h u i, ce
m a tin, j ’ai r e tr ouvé Marie- José Far gas de ve nue
made mois e lle Cha mbe r t, dac tylo de Minis tèr e à
Par is e t, s elon son procédé, te na nt la dragée
haute a un br ave gar çon qui n ’y vo it pas plus
lo in que le b o ut de s on ne z, ce qui est bie n
fâche ux dans notre mé tie r . Un ins ta nt, je me
s uis de mandé si je me tr ompa is , si Marie- José
n é ta it pas s incèr e me nt amoure us e , si elle ne
s’é ta it pas r a ngé e ... T out ar r ive avec les fe mme s !
He ur e us e me nt pour moi, co s oir, e n r e ntr a nt
dans la s alle du bac, j ’a i croisé un homme que
j ’ai r e c onnu... Vous tr a va ille z toujour s pour Sodor ling. Sa prés ence ici m ’en est le s ûr gar ant.
�28
S. 0 . S. ! Une fe m m e s o m b r e ...
Elle alla che rche r son ma nte a u, s’e n e nve loppa :
Ce que vous voule z fair e , cette fois e ncore , est
— T u es le mie n aus s i dés or mais , Ma r tin La
facile à de vine r . Vous linir e z sans doute pa r
Pér e lle . Mais , cette n u it , t u es le plus fort. Que
céde r à Cle ris s e , comme vous m ’ave z cédé ja d is .
ve ux- tu que je fas se?
Vous ave z po ur mis s ion de lu i ar r ache r des r e n
— Voici : T u vas pa r t ir . T u lais seras à l’hôte l
s e igne me nts ... E t puis , vous d is p a r a ît r e z...
une le ttre où t u dir as à Cléris s e ... ce que tu v o u
a pr è s ... He in ? c’e s t cela ?
dr a s ... Que t u t ’es tr ompé e s ur tes s e ntime nts ,
Elle secoua la tê te , le r e gar dant e ntre ses cils
que tu ne l’aime s pa s ... E t une fois ar r ivée à
bais s és ave c une e xpre s s ion mé pr is a nte . 11 se le va
Par is , made mois e lle Cha mbe r l e nve r r a sa dé mis
br us que me nt, la s ais it a u x épaule s :
s ion au Minis tèr e où elle est e ntrée Die u s ait par
— T u as t o r t d ’essayer de te moque r de moi,
que lle infe r nale combinais on. Il fa ut que , t o u t a
.Marie- José. 11 me s era facile , si je ve ux , de re s s us
l'he ur e , qua nd Clériss e te che rche r a, tu ne sois
cite r l ’ancie nne his toire et d ’autre s que je connais .
plus là. T u as compr is ?
Ou i, parce que je t ’a i pos s édée , j ’a i e u des s cru
— Ou i... Ce sera fait. T u n ’as plus rie n à me
pule s . Au jo u r d ’h u i que t u t’attaque s à u n de
dire ?
me s a mis , à u n honnête ho mme , je n ’e n a ur a i
— Ceci encore : méfie- toi. Si je te r e tr ouvais
pas . Je te pe r dr ai. J ’en s ais assez s ur to i pour te
e
ncore
, je ne te ménage rais plus .
faire fin ir tes jo ur s e n pr is on. Si nous étions en
D ’un geste fr ile ux , elle s’e nve lo ppa it dans son
te mps de gue rr e , ce s e rait Vin ce nne s ...
ma nte au ; il ne vo y a it plus d’elle que sa tête
— N o n ! cna- t- elle. T u ne feras pas c e la...
br une , ses ye ux ve rts où p a lp it a it u n reste de
Ma r t in , écoute - moi...
te r r e ur . Elle r e s s e mblait à un pe tit a nim a l m a l
Elle se c olla it s oudain à lu i. de to u t son corps
fais ant, va inc u et q u i, po ur ta nt, che r che rait
s ouple e t chaud q u ’il s e nta it n u sous la robe .
encore à mordre .
— Ou i, c’fcst v r a i... Je tr ava ille encore pour
— Ad ie u, Marie- José, dit- il.
lu i... Il m ’y for ce ... Je n ’ai ja m a is cessé d ’être à
— 11 s’en a lla it vers la porte . Soudain, il s’a r
lu i... T u ne sais pas ce q u’a été ma vie , Ma r tin
r
êta,
r e vin t vers elle :
La Pér e lle I Ce t ho mme me tie nt de puis ma pre
— J ’oublia is ... Qu ’est de ve nu ton frère ?
mièr e je une s s e , je n ’ai ja m a is p u lui échappe r ...
Elle tr e s s aillit :
Je tue r ais pour lu i, parce que je l'a ime !
— Mon frère ?
Mais écoute ce que je ve ux te d ir e ... Il m ’a
— Oui, Mur do c h... Car t u t ’appe lle s de to n
obligée s ouve nt à des choses q u i m ’o nt r é pugné ...
vrai nom Marie- José Mur doch.
T on Clériss e , je le déte s te ... La s e ule idée de lu i
— T u le connais ?
a p p a r te n ir fa it que toute m a chair se hérisse
— Je le connais . Ce la t’éto nne ? il a tr ava illé
d ’ho r r e ur ... T o i, ce n ’est pas la mê me chos e .. Je
pour moi, autre fois , à Djib o ut i. C’est un garçon
me s ouvie ns de notr e n u it comme t u dois t ’en
adr oit. Où est- il ?
s o uve nir ... J ’étais toute je une alors , t u le dis ais
— A Par is .
t o u t à l'h e ur e ... Môme dans les br as de mon
— T oute la fa mille , alor s ?
a m a n t, j ’a i gar dé longte mps le s ouve nir de tes
— C’est son dr oit.
caresses de ce tte nuit- là... Je crois que tu m ’a u
— Que fait- il ?
rais s auvée , si t u avais v o u lu ... T u ne l’as pas
Elle ne r é po ndit r ie n. Ma r tin se m it à rire :
c o mpr is ... C’est toi q ui m ’as re je tée dans ce (pie
— T out ce q u’on ve ut, comme toujour s . Où
t u appe lle s m a vie dange r e us e ... Je t ’aur ais
peut- on le tr ouve r ? N’aie pas pe ur . Je né lu i ve ux
s u iv i... Aie p itié de mo i, ne me dénonce pa s ...
pas de ma l. Ce la m’amuBe rail de le r e voir.
Elle se s e r rait de plus e n plus contre lu i. Elle
Il a va it tir é de la poché de son parde s s us un
s’ofTrait. Epo uva nté e , to ute sa c hair fr émis s ante
car ne t e t un s tylo :
à l’idée d u s or t q u i l’a tte nd a it si cet homme la
— L ’adresse ? J ’atte nds .
liv r a it , elle se d is a it sans doute que s i, de no u
Se p t... r ue Moulïe ta r d, dit- elle d ’une voix
ve au, il la te n a it dans ses bras to ute une n u it , ce
hés itante .
s e r ait comme là- bas , à Alg e r ... Ma r tin La Pér e lle
Me rci. .1 aur ai do tes nouve lle s pa r lu i, au
é t a it un ho mme , fa te n t a t io n l’e flle ura. De puis
t a n t de jour s , il a v a it les ne rfs e xace rbés pa r son be s oin.
Mon frère ne m a jamais tr a hie , reprit- elle
in u tile pas s ion pour Be r nade tte . Lu i aus s i songea
ave c colère .
à la n u it q u ’ils po ur r a ie nt pass e r, e lle cons e n
- Oui, je sais que vous vous aime z. Il fa ut
ta n te , s oumis e comme une e s clave , lu i s atis fai
bie n que , chez les pire s ba ndits , il reste une
s ant ses plus étrange s capr ice s ... Mais il se r e pr it,
om
imbre de s e ntime nt. C’est à toi à t ’ar r ange r à ne
la re pous s a d o uc e me nt :
rie
n cr aindre de moi. A bon e nte nde ur ... Adie u,
ien
— No n , Marie - Jos é, n o n ... Ce n ’est pas cela
itniMO-- .InHi».
..
Marie
Jos é...
que je ve ux . Ma int e na n t, je te connais . Je ve ux
Elle s’avança vers lui, la ma in te ndue , avec
être libr e de te t ue r , le jo u r où je le vo udr a i, le
un s ourire :
jo u r où lu te tr ouve r as s ur ma route e t où j ’e s ti
— Mé cha nt !
me
rai que
vas wop
tr op fo r t ... Compr
- tu? Te
me rai
que tt uu vas
. e ndsconnaîtr
nre ndre encore ce ..
tte n_..:i
u it , ce saornii.
e r ait rr ee connaîtr
ee
II s our it a son t o u r :
que tu es une fe mme . P o u r moi, tu n ’es plus une
_ Le s homme s s ont ce q u ’on les fa it Adie u I
1
•___ Allons 1 lu ve ux vivr e ?
Souvie ns - toi...
a u w u i
fe mme , ma is un e nne mi. Allo ns
Re ntr é dans sa chambr e , il se je ta s ur son lit,
.le vais te dic
te r me s conditions
- ----"
- - Irt
- -f -t n- .t
dicte
mais ne se lais s a pas s ur pr e ndre pa r le s omme il
Jans la lu t t e , une éf pa
ule tte
do la robe s’é ta it
S L
L he ure s du m a tin, il e nte ndit de vant
r o mpue ; un de s s eins coule ur d ’ambr e était, nu.
hôte l le r onfle me nt d ’un mote ur et bo ndit à la
Il d é to ur na les ye ux :
fone tre . On his s ait une malle s ur un tax i. MarieU n e nne mi, Marie- José. T u n’es que cela.
�— 29
S . O . S. ! U n e fe m m e s o m b r e .
Jos é l’e s pionne , e n cos tume de voyage , monta
dans la voitur e q u i dé ma r r a . 11 re s pira :
— Allo n s ! dit- il to ut ha ut. Le jo u r du ju g e
me nt de r nie r , v o ilà pe ut- être une action qui
pès e ra dans la balance .
*
*
Ce ne fut que le soir q u ’il r e vit Chr is tia n Clérisse q u i lu i confia sa colère et sa déce ption.
Marie Jos é a v a it q uitté Din a r d . Mais ce tte colère
e t cette déce ption, Ma r tin ne fu t pas lo in de les
par tage r. Elle é ta it pa r tie , oui ; ma is , c o ntin ua n t
son je u pe r fide , elle n ’a v a it pas écr it ce que Ma r
t in lu i a v a it dicté . Sa le ttr e dis a it que , la n u it ,
en r e ntr a nt à l ’hôte l, elle a v a it tr ouvé une
dépêche lu i a nno nç a nt la ma ladie d ’un par e nt,
q u ’elle d e va it se r e ndr e im m é d ia te m e nt en pr o
vince , assez loin de P a r is ... Mais q u ’ils se r e ve r
r a ie nt, q u ’il e ût confiance e n elle :
« Elle a eu pe ur de Sode r ling, songea- t- il.
Elle ve ut pr e ndr e ses ordre s a v a n t d ’agir . Ma l
he ur à elle si elle n ’aba ndonne pa3 s on pr o je t de
s éduire ce gr and imbé cile de Chr is tian 1 »
Le « gr and imbé cile » en que s tion déve rs a ses
pe ines dans le gile t de s on vie il a m i :
— C’est in o uï ! J ’avais l’impr e s s ion q u ’elle
a lla it céde r ... Je te le dis à to i, mo n v ie ux ...
Ja ma is je n ’a i te nu à une fe mme comme à cellelà ...
Ma r tin juge a in u tile de dis cute r. Dans son
e s prit, l’alîair e Marie - Jos é é ta it classée, pour
l’in s t a n t . On ve r r a it plus ta r d . Il se conte nta de
plais a nte r un pe u Clérisse et de lu i pr odigue r les
cons olations d ’usage en par e il cas. 11 a v a it autr e
chose en tête q ui le pr éoccupa it bie n davantage .
P o ur ta nt, il chercha- dans tous les re coins du
Cas ino s’il n ’ape r ce vait pas Sode r ling. 11 ne le v it
nulle pa r t . 11 a v a it fui de r rièr e sa complice ou il
se cachait.
Pe u lu i im p o r ta it , d ’aille ur s . L ’his toire de l’es
pionne n ’é ta it q u’un inte r mè de . La grande chasse
comme nça it.
Il r e vit Dic k Dur oy dans la s alle de bac, mais
cette fois, aux côtés de mis s Simps on qui ne le
q uit t a it pas . Sur la plage , au r e s taur ant, il m a r
c hait dans l’ombre de l’Amér ic a ine . P o ur Ma r t in ,
c’é ta it clair ; il a lla it essayer de faire paye r ses
dette s de je u. il é p ia it a r de mme nt le je une
homme e t scs alte r na tive s de bonne e t de m a u
vaise hum e ur . T a ntôt il cr oyait à sa chance , ta n t ôt
l’e s poir d e va it l’a ba ndonne r . Bob e t lui échan
ge aie nt des re gards fur ie ux . C’é ta it à q u i, é vi
de mme nt, r éus s ir a it à plume r la malhe ure us e ,
yictime do sa pas s ion pour la chair fraîche . Puis
il d e vin t vis ible , auss i bie n pour La Pére lle que
pour tous ce ux qui s’intér e s s aie nt à ce tournoi
s>rigulier, que le be au Bob r e pr e nait l’avantage .
Dic k ma igr is s ait, p âlis s a it; ses tr aits se tir a ie nt.
B co mme nçait à re s s e mble r à une bête aux abois .
Alo r s , Ma r tin s’arr ange a pour se tr ouve r s ur son
Passage. L ’autr e l’é v it a it vis ible me nt . P o ur ta nt,
Un s oir, dans les ja r d ins du Cas ino, ils se t r o u
vèr e nt face à face. Ma r tin s’avança :
— Eh bie n, mons ie ur Dur oy ?
— Mo ns iour ...
— Vous abus oz un pe u de ma lo ng a nimité , il
me s e mble ? avez- vous pris vos dis pos itio ns ?
L ’autr e b lê m it , se m o r d it les lèvre s :
— Oui, mons ie ur , dit- il. J ’atte nds un e nvoi
d ’ar ge nt im p o r ta n t...
— C’est que je compte ne pas m ’attar de !' m a in
te na nt à Din a r d ... Dans combie n de te mps pe n
sez- vous...
Dic k dé to ur na it les ye ux ; les mots s or taie nt
dillic i e me nt de sa gorge serrée :
— Je ne sais pas a u jus te ...
— C’est cur ie ux , d it le nte me nt Ma r tin . J ’aur ais
jur é , a u contr air e , que vous avie z une idée ... une
idée très précis o...
Le je une homme é ta it livide . Son re gard s’effara
da vantage . On e ût d it q u ’il s’affolait à la pensée
que La Pére lle po uva it lire e n lui :
— Encore quatr e ou c inq jo ur s ... Pas p lus ... Je
vous pr ome ts ...
Sa détress e a va it que lque chose de si po ig na nt
que la dur e volonté d u bour r e au fiéchit une
s e conde . Il fut, si l’on pe ut s’e x pr ime r ains i, s ur
le bor d de la pit ié . Ce Dic k n ’é ta it q u ’un ga min,
e n s omme , un gosse tr op gâté , incapable de rés is
ter a ux te ntat io ns . Mais un geste déc ida de to ut.
Le je une Dur o y a va it tir é son mouc ho ir , e s s uyaiI
son fr ont où pe r laie nt des goutte s do s ue ur . Dans
ce mouve me nt, il fit to mbe r une e nve loppe mauve
do nt la s us cr iption é ta it d ’une écriture connue de
l’adve r s aire : celle de Be r nade tte . Un flot de
jalous ie s ubme rge a le c œ ur de Ma r tin, e xas péra
sa r ancune :
— Vous pe rde z que lque chose, dit- il s èche me nt.
Ma china le me nt, Ric ha r d r amas s a la le ttre en
dis a nt « Me rci » e t il la ga r da dans ses ma ins ,
froissant, ne r ve us e me nt le papie r . T a nt que Ma r
tin le ve r r a it, il ne s e rait plus que haine et v io
lence :
— C’est bie n, mons ie ur Dur o y. P o ur la de rnière
fois, j ’e nre gistre votr e promes s e . Quatr e ou cinq
jo ur s , pas plus . C’est conve nu ?
Il pe r çut à pe ine le « oui » que m u r m u r a it
Ric ha r d. 11 s’éloigna. Il t r io m p h a it ... Mais de
que l tr io mphe !
— Quatr e ou c inq jour s , pe ns ait- il. Mfidnte nant,
je sais l’idée q u ’il a. La réalis e ra- t- il?
*
* *
C’est, la chasse à l’homme q u i comme nce . Ma r tin
La Pére lle s’est découve r t s oudain un go ût nouve au
pour les pr ome nade s noclur ne s . On le vo it moins
a u Cas ino. On le r e ncontr e s ur la pr ome nade
Robcr t- Surcouf, r e mplie de gens qua nd il fait
be au. Ce tte pr ome nade contour ne la pointe du
Mouline t. Lo r s qu’il en a a tt e int l’e x tr é mité , il
r e tourne en ar rièr e . Il dépas s e l’e mbar cadèr e des
bate aux de Saint- Malo e t de Saint- Se rvan. 11
lui pla it, à cette he ur e , d ’alle r seul au bor d de la
me r. Les soirées comme nc e nt à être pli}s fraîche s .
U n ce rtain nombr e de baigne ur s s ont par tis et
ce ux q u i r e s te nt r e ntr e nt à le ur hôte l ou
s’e ntas s e nt au je u ou au ciné ma . Il vie nt une
he ure où t o u t est dés e rt. C’est colle q u ’il pr éfère .
Il c ontinue sa route le long de l’Ans e de
Dina r d, ar rive s ur la plage du Pr ie ur é. Là,
il a ba ndonne la r ive , contour ne les r uine s d ’où
s’e nvole nt des oise aux de n u it tr oublé s pa r ce
piéton do nt le pas s onne dans l’ombr e . Il ar rive
à la villa Da r ling, longe le mur et s’ar r ê te ...
�I
30
S. O. S. ! Une fe m m e s o m b r e ...
— Je pars ce s oir, vie ux . T u déje une s ave c
La pe tite porte du parc est toujour s ouve rte .
m o i? Die u s ait qua nd nous nous re ve rrons
Pe rs onne n ’y passe e t on oublie de la fe rme r .
Il re garde cette porte innoce nte , la dépas se , e ns uite .
Le sole il é ta it r e ve nu. Sur la plage , Chr is tia n
r e vie nt. A ce mome nt- là, sa marche ne fa it plus
Clériss e ve na it au- de vant de La Pére lle .
a uc un b r u it. 11 est h a b it ué à F a llût e t il s ait,
— T u re ntre s à P a r is ? de ma nda celui- ci. T on
q u a n d il le fa ut, re ste r si im mo b ile q u ’il se
congé est fini ?
confond ave c la n u it . 11 pe ns e :
— Non. Mais Din a r d n’est plus dr ôle . T out le
— C’est pa r là q u ’il pas s s e ra...
monde
s’en va. E t puis , e nfin... 11 me ma nque
U n jo u r , de ux , tr ois se pas s e nt. Pe r s onne ne
q ue lqu’u n . T u compr e nds ?
v ie nt. Le qua tr iè me jo u r , il est là de puis un
— Mon pauvr e Clériss e I Qua nd cesseras- tu
ce r tain te mps d é jà q u a n d uno ombr e s’avance
d ’avoir confiance dans le c œ ur des fe mme s ?
ju s q u ’à cette por te , la pous s e ... Mais t o u t de
— T u me trouve s bête , h e in ? Oui, é vid e m
s uite , comme épouvanté e , l’ombr e re s s ort, s ’e n
me nt, to i, t u es u n homme for t 1 Moi je s uis
v a , s’e lface ...*
d ’a plomb pour t o ut le reste, mais ce la... Ne
Le le nde m ain, même manège . L ’ombr e , mince
par lons plus de ces choses, tie ns 1 Vie ns pre ndre
e t délicate , est e ntrée dans le ja r d in . Que lle
le Porto 1
he ure est- il? De ux he ure s , pe ut- êtr e ... Est- ce
Ils fir e nt que lque s pas , a lla n t ve rs l’hôte l du
pour cette n u it ? No n. L ’ombr e se gliss e dehors
Cas ino.
au b o ut de que lque s minute s à pe ine . Elle a llume
— A propos , d it Clériss e. Qu ’est- ce que t u
une pe tite la mpe éle ctr ique de poche , je tte a uto ur
dis de la nouve lle ?
d ’elle des re gards fur tifs , s’e n v a ...
— Que lle nouve lle ?
Le s ixième jo ur , Ma r tin La Pére lle re ncontr e ,
— Quoi ? ' lu ne sais pas ? Mon Die u I On ne
le m a tin , s ur la plage , Dic k Dur oy . Il ne lu i dit
parle po ur ta nt que de ce la, ce m a tin . La plage
r ie n, mais s’arrange à pas s e r de va nt lu i. Le
est assez a gité e ...
je une homme s alue va gue me nt. Ma r tin s ourit.
— Je sors de l’hôte l. J ’a i écr it des le ttre s toute
Méphistopliélès d u t s ourire ains i de va nt F a us t
la ma tiné e . Qu ’est- ce q u’il y a ?
hé s ita nt à s éduire Margue r ite . E t Eaus t a d û
- - -s as
- siné
î- ^ mis s oSimps
•
-A a as
— yOn
on, cette n u it.
r ougir e t p â lir comme Dic k.
Ma r tin s’arr êta ne t, r e gar dant Clériss e avec
Vo ilà la s ix ième n u it . Il y a du monde à la
s tupe ur :
v illa Da r ling , des autos s ta tio nne nt de va nt la
— Quoi ? Q u ’est- ce que tu dis ?
gr ille , le ja r d in est illu m in é . On e nte nd un
— L ’Amér ic a ine , t u sais ? On l’a tr ouvée , ce
orche s tre q ui joue . Les ois e aux de n u it des
m a tin , dans son s alon, égorgée.
r uine s t o ur b illo n n e nt ave c des cris aigus . Ma r tin
— Ce la de va it ar r ive r , r e ma r qua tr a nquille m e nt
ne quitte pas la pe tite porte . N u l de ce ux qui
Ma r tin. Ave c t o ut ce monde inte rlope dont elle
s ont là e t d o nt le ve nt appo r te par fois ju s q u ’à
s’e nto ur a it...
lui un éclat de voix ou un rire ne s oupçonne
— T u sais q u ’il y a va it fête chez e lle , cette
l’e xis te nce de ce tte pe tite porte du fond d u parc
n u it ? Ve rs de ux he ure s , tous les invité s par tis
par laque lle on pe ut e ntr e r e t s or tir ce pe ndant.
— ou, d u moins , on le cr oyait — e lle est re ntrée
E n tr e r ? Non. On n ’e ntre ra pas , car on est dans
dans sa chambr e , s’est fa it dés ha bille r par sa
la mais on. Mais on s ortira e t c’est ce que Ma r tin
fe mme de chambr e e l l’a r e nvoyée . Que s’est- il
a tte nd. Un pe u a v a n t de ux he ure s , la fête se
passé e ns uite ? On e n est r é duit a ux hypothès e s ...
te r mine . Le s voitur e s s’e n vo n t et ceux des
T ous les dome s tique s couchaie nt au de r nie r étage ,
invités qui n ’e n ont pas r e tour ne nt vite vers
la soirée a va it été fa tig a nte , ils ont dor m i. Sans
Dina r d car il s’est mis à to mbe r une pluie line et
doute , elle est re de s ce ndue pour une rais on que l
froide d ’a utomne .
c onque ... à moins q u ’elle a it e nte ndu du b r u it ...
Ma r tin est ce rtain que c'est pour cette n u it. Il
L ’ass as s in a va it dû se cachor. A moins q u ’elle lui
s ait bie n q u ’on ne tar de r a pas dava nta ge .
a it donné re nde z- vous ,.. Ave c cette folle, on ne
De ux he ure s e t de mie ... T rois he ur e s ... T out
s ait pa s ... Br e f, qua nd le va le t de chambr e est
est s ile ncie ux et il fa ut l’ore ille du cour e ur de
de s ce ndu, co m a tin , vers h u it he ure s , le pre mie r ,
brous s e pour dis t ingue r le b r u it des pas qui
e lle é ta it dé jà froide .
écras e nt les aiguille s de s apin, dans le par c.
— E t l’as s as s in? A- t- on idée ...
E n lin , q ue lq u’un s ort. C’est l’ombre mince et
— 11 est ar rêté.
délicate des autre s nuit s . Elle s’arrête . Ah ! Ma r
La Pére lle qui s é ta it re mis à mar che r s’im m o
t in n ’a va it pas pe ns é à cela : la clef dont pe r
bilis
a do nouve a u. 11 d u t s’impos e r un te r r ible
s onne ne so s e r vait d e va it être s ur la vie ille
e ffort de volonté pour ros ter impas s ible :
s errure , à l’inté r ie ur . L ’ombr e fe r me la porte
— Dé jà ? qui est- ce ?
avec pr é caution. Elle s’en va . S u r la plage du
— Une cspèco d ’intondant- s e crétairo q u ’elle
P r ie ur é , elle je tte la cle f à la me r.
a va it che z e lle . Un in d iv id u taré, de mœ ur s dou
C’est fini. T o ut dor t dans la v illa Da r lin g . La
teus es. 11 pa r a it , d ’après les dome s tique s , q u ’il y
pluie efface los pas des de ux homme s q u i, l’un
a va it e ntre e ux des r e lations intime s . Et puis , les
derrière l’a utr e , à gr ande dis tance , r e tour ne nt
chosos s’é ta ie nt gâtée s . Il y a que lque s jour s , on
vers Din a r d. Et la me r qui monte s ur le s ablo de
los a va it e nte ndus so dis pute r viole mme nt. Br e f,
la plage du Prie ur é d é t r u it la trace do ce lui qui
on a tr ouvé l’homme do r ma nt dans le parc, ivreest ve nu je te r la cle f... q u ’on ne r e tr ouve r a pa s l
mor t e t à pe u de dis tance du fourré où il é ta it
affalé, on a découve r t un poignar d japona is qui
*
* *
é ta it toujour s s ur la table du s alon. 11 nie , n a t u
r e lle me nt. Mais cela ne pe ut être que lui. Lo parc
■tus*;
�S . O . S. ! U n e fe m m e s o m b r e .
é ta it fe r mé, la ma is on aus s i et il é ta it le seul
des dome s tique s q u i e ût une cle f. Il a été ar rêté,
s éance te na nte . E t à moins que l’e nquête ne
r évèle que lque chose de no uve a u...
— Il n ’y a pas eu de vol ?
— On.ne s ait pas . Mis s Simps on é ta it le dés ordre
incar né e t l’ar ge nt t r a în a it pa r t o ut. Auc u n me uble
forcé, e n t o u t cas. D ’aille ur s , d ’après le pe u que
j ’a i s u, on c r o it p lu t ôt à une ve nge ance .
— Oui, une ve nge anc e ... ce do it être une
ve nge ance ...
Il a v a it tiré s on mo uc ho ir , e s s uyait s on fr o nt
couve r t de s ue ur :
— Qu ’est- ce que t u as ? de manda s ouda in Clérisse. C’est ce que je vie ns de te r aconte r q ui
t ’impr e s s ionne ?
— Non. Je pe nse que je dois couve r u n accès
de fièvr e ... Ce la me r e pr e nd de te mps e n te mps .
Ce n ’est r ie n. Allons déje une r . Il sera to ujo ur s
te mps de pr e ndr e de la quin ine , ce s oir ...
P e nd a n t le (Jéje une r, il ne fut plus que s tion du
me ur tr e de mis s Simps on. Ma r tin La Pér e lle
écouta p a tie m m e nt Cléris s e q ui l’e ntr e te nait de
sa déce ption amoure us e . E n r é alité , il e nte nda it
à pe ine ce que l’autr e lu i dis a it. Il s onge ait que
sa ve nge ance s a va mme nt combinée a va it ma nq ué .
Il é ta it ce r ta in, lu i, que c’é ta it Dic k Dur o y qui
a va it tué l’Amé r ic a ine . Mais il é ta it le s eul à le
s avoir ...
C H AP IT RE VII
A
l ’é c a r t ê .
De puis le jo ur où Ma r tin La Pér e lle a v a it acquis
la ce r titude que Ric ha r d Dur o y é ta it l’a m a n t de
Be rnade tte Ar na ud , il a v a it décidé q u ’il les s épa
r e r ait.
Auc un être h u m a in n ’est c omplète me nt bon ni
c omplète me nt ma uva is . Ma r t in é ta it capable
d’a m it ié , de bonté , de dé voue me nt, do délicate s s e .
Mais le fond de sa natur e a va it que lque chose do
s anyage . C’é ta it , par ce rtains côtés , un p r im itif.
En d ’autre s te mps , on d ’autr e s pays , il e ût dis
puté Be r nade tte à Dur o y au coute au ou nu br ow
ning. Il é ta it Ca ta la n pa r sa mèr e , c’est- à- dire
Es pagnol. L ’Es pagne est la contrée des pass ions
violentes , des amour s s anglante s . E t sa vie aux
colonies , les lutt e s q u’il a v a it eu à s oute nir au
cours de sa vie a va ie nt décuplé che/, lui ces ins
tincts que la vio civilis ée e ût pe ut- être adoucis .
Le has ar d lui a va it four ni sa pre mièr e ar me :
f^ick é ta it jo ue ur . Il a va it rés olu rie le dépouille r ,
de l ’aocule r a u dés honnour , au s uicide . Il ne
tue r a it pas le je une homme lui- même , mais il le
Me ttr a it dans une telle s itua tio n que la mor t s e rait
s°n seul re cours , E t peut- être cela eût- il fini comme
31
æncnc»
ce la, en e ffe t, si mis s Simps on n ’e ût pas e xis té.
Mais il a va it compris que Dic k, infa tué de luimême , cavalie r s e r vant de l’Amér ic a ine qui che r
c ha it l’illus ion de l’a mour , pe ns ait à e mpr unte r
— si l’ont pe ut dire — l’ar ge nt qui lui é ta it n é
cessaire à celle- ci. Il a v a it d û pe ns e r que s’il
de ve nait l’a m a nt de cette fe mme vie illie , elle ne
lui r e fus e r ait r ie n. Que s’était- il pas s é, au jus t e ?
Miss Simps on avait- e lle eu cons cie nce de l’atroce
comédie q u ’il lu i jo u a it ? S ’était- il tr a hi tr op t ô t ?
L ’affaire a va it ma nqué . E t c’est alors que La Pé
re lle ave cs on ins tin c t d ’ave ntur ie r , r ompu à toute s
les rus es , et à qui n u l re s s ort de l’âme hum a in e
n ’é ta it inc o nnu, a va it de viné chez Dic k la nais
sance de l’idée du me ur tr e . A vr a i dir e , il n ’en
a v a it pas espéré t a n t . Dic k ass as sin, conda mné,
c’é ta it l’atroce fin d u r o ma n ave c Be r nade tte . Pas
une s econde, il n ’a v a it s ongé à la doule ur de
celle- ci. La lu tt e é ta it e ngagée , tous les moye ns
é ta ie nt bons .
La n u it du cr ime , il a va it v u Ric ha r d s or tir de
la v illa des Sapins , il l ’a v a it s uivi, il l’a v a it vu
a lle r je te r à la me r la clef de la pe tite porte .
Auc un doute n ’é ta it pos s ible . C’é ta it bie n lu i qui
a v a it fa it le coup. E t le de s tin v o u la it q u ’il ne fût
pas s oupçonné, il a lla it échappe r à ia jus tice .
Re s tait le p a r ti de le dénonce r. Mais sans q u ’il
s’e x p liq uât bie n po ur quo i, cela lu i r é pugna it . Il
n ’e ût po ur r ie n au monde é cr it une le ttre a no
nyme .
D ’a ille ur s , q ui s avait si l’e nquête n ’a lla it pas
ame ne r la découve r te du vé r ita ble coupable ? Il
fa lla it att e ndr e . La ma chine é ta it en marche ; on
ve r r a it ou elle s’ar r ête r ait.
Ce soir- là e t les de ux s uivants , Ma r tin s’a bs tint
de par aîtr e au Cas ino, afin de ne pas se tr ouve r
en face d u jeune homme . Mais il se t in t s oigne u
s e me nt au c our ant de l’affaire Simps on q u i, du
reste, s’é ta la it à la pre mièr e page des jo ur na ux .
L ’homme ar r êté n ia it , é vide mme nt. Mais t o ut
l’accus ait. U n rés e au de pr e uve s r e nda it sa dé
fense impos s ible . La pluie qui ne ces sait de t o m
be r a v a it effacé toute tr ace , lavé le manche du
po ig nar d. La s eule découve r te faite é ta it q u ’on
a v a it d û vole r une s omme do nt on ig no r a it le
m o nta nt, la fe mme de chambr e a y a nt vu, le
m a tin du cr ime , miss Simps on fourr e r un pa que t
do bille ts dans le tir oir d ’une table du s alon. Or ,
le tir oir a va it été tr ouvé e ntr ’ouve r t et tous les
papie rs q u ’il c onte nait boule ve rs és . Se ule me nt,
on n’a va it pas r e mis la ma in s ur l’ar ge nt. L ’assas
s in l’avait- il caché ? Ou — autr e hypothès e —
l’Amér ic a ine était- e lle de s ce ndue de sa chambr e
ave c la pensée de 1ns mottr e e n s ûre té e t avaitelle eu le te mps de le faire ?
Tous les familie r s do la v illa des Sapins a va ie nt
été inte rrogés , Ric ha r d Dur o y comme les autre s .
Il é ta it clair que la convicton de la jus tic e é ta it
faite . Le coupable é ta it ce Br own dont la r é puta
tion é ta it déte s table e t qui, à Din a r d même , a v a it
commis uno e s croque rie vis- à- vis de comme roants
que mis s Simps on a v a it dés intére s s és .
In s t r u it de t o u t oela, Ma r tin La P ér e lle r e pa r ut
au cas ino le qua tr iè me s oir. Il tr ouva Dic k Dur oy
dans un pe tit s alon, l’a ir de méchante hum e ur ,
l’œ il s ombr e . A la vue de son adve rs aire , le je une
homme e ut un s ur s aut, puis il se le va , v in t vers
lui :
�S. O. S. ! Une fe m m e s o m b r e ...
— Je vous che r chais , mons ie ur . Voulez- vous
m’accorde r un mo me nt d ’e ntr e tie n ?
— Je s uis ve nu pour ce la, je une ho mme . Quoi
de nouve a u ?
Dic k affe ctait un air dégagé ; ma is Ma r tin
déce la à d ’impe r ce ptible s signes une in quié tud e
q ui to uc h a it à l’angois s e . Il je ta un r e gar d cir cu
laire dans le s alon vide e t se r a ppr ocha :
— Ve ne z dans le ja r d in . Nous serons plus t r a n
quille s .
— Volontie r s .
Il ne p le u v a it plus ce soir- là. Mais le cie l é ta it
s ombre . Ma r tin ne po uva it vo ir le vis age d u je une
homme ; ma is ses gestes s accadés e t le s on as
s our di de sa voix , que lque chose de pr é c ipité dans
s on d é b it lu i liv r a ie n t son s ecret. Plus que ja ma is ,
il é ta it ce r tain de ne pas s’êtr e tr o mpé . Il a tt e nd it ,
ramas s é mo r a le me nt s ur lui- même comme il l’e ût
été ph y s ique me nt dans l’a ffût, à la chasse.
— Voici, mons ie ur . Je vais être en me s ure
d ’a c quitte r ma de tte . Mais il y a une pe tite com
plic atio n. Je ne dois touche r l’ar ge nt q u ’à Paris .
J ’aur ais dés iré me le faire e nvoye r ic i, mais je
dois four nir ce rtaine s garantie s e t ce n ’est pas à
Din a r d que je puis le faire . Vous re ntre z à Paris
vous - même ?
— Oui. De ma in ou après - de main.
— Si vous le voule z bie n, nous allons pre ndre
re nde z- vous . E t je vous r e me ttr a i la s omme .
— J ’a i votr e par ole ?
— Vous l’ave z.
Ils fir e nt e ncore que lque s pas e n s ile nce . Dic k
fit un mo uve me nt pour r e tour ne r vers le cas ino.
Ma r tin l’ar r êta.
Il lis a it dans la pensée de Dic k. Celui- ci ne
v o ula it pas lu i r e me ttr e l’ar ge nt à Din a r d. Il y
é ta it c onnu, on le s a va it sans le s ou. C’e ût été se
me ttr e à la me r c i d ’une indis c r étio n e t e xcite r
des s oupçons . A P ar is , il s e rait à l’a br i, au bes oin
s’as s ur e r ait le concours de complice s bénévole s .
— Save z- vous à quoi je s onge , mons ie ur Richar d
Dur o y ?dit la voix de Ma r tin dans l’ombr e .
11 e ut la s e ns ation que Dic k a v a it tr e s s ailli vio
le mme nt. Il r é p o n d it d ’un ton biza r r e me nt
a lté r é :
Co mme nt le saurais- je ?
— J ’a i e nvie de vous offr ir une de r nière
c hance ...
— Co mme nt ?
— Oui, a v a n t que nous nous s éparions pour
to ujo ur s . Car nous ne nous re ve rrons vr a is e m
b la b le me nt ja m a is ... à moins que cela ne s oit
dans le ca bine t du juge d ’in s tr uc tio n ...
Le gr a vie r cria s ous les pas do Dic k qui a va it
chance lé.
— Qu o i? dit- il d ’une vo ix étouffée .
- S a it - o n ja m a is ? O u i, j ’ai e nvie de vous offrir
une de r nièr e p a r t ie ... Oh ! Pas à la table de bac,
n o n ... Se ul à s e ul... A Pécar té, te ne z, un je u bie n
in no c e nt...
Il s e nta it q u ’il te n a it Dic k aus s i s ûr e me nt que
s’il l’e ût serré à la gorge . Dans le noir , il pe r çut
c o m m e u n s anglot étouffé que le garçon essaya de
change r en un éclat de rire :
— Dr ôle d ’idée I E t que l sera l’e nje u, mons ie ur
La Pér e lle ?
— Je vous le d ir a i t o u t à l ’he ur e . Ve ne z.
! ls se r e tr ouvèr e nt dans le pe tit s alon. On e nte n
*0 -0 0
d a it , a u loin, une mus ique de jazz a u r y thme s yn
copé, que lque dans e amér icaine :
— T ie ns ! d it no nc ha la mme nt Ma r tin . On de va it
dans e r s ur ces rythme s - là che z mis s S im ps o n...
L ’autr e le re garda. Il é ta it v e r t ; pa r to ut s ur
s on visage , pe r laie nt de pe tite s goutte s br illante s .
Il a va it l ’air , ave c sa gr ande je une s s e , d ’un e nfant
ma lade . D’un geste ur us que , il a lla pre ndre un
je u de cartes s ur une étagère , le je ta de va nt Ma r
t in :
— Voic i... Ma inte na nt, réponde z- moi... L’e n
je u ?
— Mon s ile nce , d it tr a nquille m e nt Ma r tin.
Dic k bais s a la tête . Il é ta it vis ible q u ’il n ’es
s ayait même pas de compre ndr e c omme nt cet
homme connais s ait son affre ux secret. Il se lais sait
alle r à la de s tinée :
— En s e pt points , r e pr it Ma r tin . Je donne ...
Il d is t r ib u a it les dix carte s , r e tour na it la
onzième :
— Ato u t : ne uf de p iq u e ... Je cri^s que , chez
les tire us e s de cartes, c’est la mor t, n ’est- ce pa s ?
Le je une homme fris s onna. Au lo in, la mus ique
obs édante jo ua itto ujo ur s . Il re le va ma china le me nt
une mèche q ui lui t o m b a it s ur les ye ux , m u r
mur a :
— Ce ja zz...
— Oui, un pe u é ne r va nt, 11’est- ce pas ?
Ce fut la de r nièr e phras e prononcée . On n’e n
te ndit plus que les points prononcés e t les mots
cons acrés : « Je pr opos e ... — Combie n? »
La chais e de Dick tomba ; il ve na it de se le ve r :
— J ’a i pe r du...
— Ramas s e z donc votre chaise . Il n’y a pas de
bonne par tie sans r e vanche ...
Dic k le va vers lui des ye ux hagards . Ma r tin
a v a it re pris les carte s , les b a t t a it :
— La de r nièr e , cette fois. Je vais vous faire
une pr opos ition. Je vous l’ai d it, Je me moque de
l’ar ge nt. Je joue pour mon plais ir . Ce tte fois , je
double l’e nje u...
— C’est- à- dire de manda Ric ha r d q u i s e mblait
pr ê t à s’évanouir .
— Voic i : je vous ai d it : mon s ile nce . Mais ceci
ne m’intére s s e pa s ... Ce la n ’intére ss e que vous . 11
e st jus te que , moi aus s i, je gagne quoique chose.
Joue z- moi votre maître s s e , mons ie ur Dic k
Dur o y ...
— Ma ...
— Oui, je une homme . Ne la nommons pas. Je
l’ai aimée a va nt vous e t c’est pour quoi je ve ux
vous pe rdre . Vous ave z c ompr is ? Si je gagne , je
me ta ir a i. L ’ar ge nt vous s e rvira à vous re le ve r, si
vous e n êtes capable . Je s uis bon pr ince . La fe mme
s eule m ’intére ss e. Si vous r e fus e z...
— Vous me dénonce z...
— Par ble u !
Ric har d, écrasé, inc lina la tète :
— Jouons , dit- il.
11 ne r e gar da it que les carte s e t ne le v a it plus
les ye ux s ur son adve rs aire .
Enfin , il se le va :
— Pe r du ! murmura- t- il d ’une voix r a uque .
— Je n ’ai q u ’une par ole . Vous 11e me deve z
plus rie n et on ne s aura ja m a is ... Mais il reste une
de r nière fo r ma lité ...
Il t ir a it do sa poche un bloc- notes e t un s tylo,
dé c hir a it une fe uille ;
�S . O . S . ! U n e fe m m e s o m b r e ..
33 -ex^o-
— É c r iv e z...
— Qu o i ?
e nne mie . Chère e nne mie dont la seule prés ence
le boule ve r s ait d ’un émoi q u ’il s’é to nna it de s en
— Ras s ur ez- vous ... Ce ci s e ule me nt : — « Je
t ir si te ndr e , si p it o y a b le ...
reconnais a vo ir joué et pe r du ma maître s s e Be r
— Ass eyez- vous, Be r nade tte , dit- il. Ce la me
nade tte Ar n a u d que je charge de paye r ma de tte
fa it ma l de vous s e ntir en défens e contre m o i...
vis- à- vis de mon adve r s aire Ma r tin La Pér e lle . » Que craigne z- vous donc ?
Dick v a c illa it ; sa tête to u r n a it . La m a in de
Elle r o ugit légèr e me nt :
Ma r tin pe s a s ur s on épaule :
— Par don ! dit- elle e n lu i t e nda nt la m a in. Je
— Bon. Signe z... U n mo t e ncore . Je pa r tir a i
ne méconnais pas votre a m itié comme vous ave z
de main m a tin . Vous , vous resterez ici encore de ux
l’a ir de le cr oir e ... Nous nous s omme s ma l quit té s ,
jour s.
l’autr e jo ur , e t je l’ai r e gr e tté ... Vous ave z été
— C’est bon. Vous ave z ma parole !
très g e n t il...
Il e ut un rire ame r , d é c hir a nt :
Il a lla it s’ass eoir près d ’e lle, il r e cula, reste,
— Que l rôle vous me faite s jo ue r !
de bout, les ma ins dans ses poche s , la cons idér ant
— Est- ce que pa r has ard, vous seriez r o ma ntique ,
d ’un étrange re gard. De puis q u ’elle é ta it e ntrée ,
mon p e t it ? A notre époque , une his toir e comme
l ’hor r e ur de ce q u ’il é ta it rés olu à faire lu i a ppa
celle- là ne dépas s e pas la monna ie cour ante . En
r ais s ait pour la pre mièr e fois. Dire à cette fe mme
s omme , votr e liais on a dur é le te mps nor m al,
q u ’il a im a it : « Je sais que vous ave z un a m a nt.
n’est- ce pas ? U n autr e se prés e nte , on l’agrée . Je
Ce t a m a n t est u n as sas sin e t. pour se s auve r , il
me conduir a i en homme d u me ille ur monde , soyez
vous as ve ndue à m o i... » ! Ce la lu i s e mblait
tr a nquille . .
impos s ible . Mais , dans une âme comme celle de
Pos éme nt, il range a le papie r dans s on por te
Ma r tin , un mo t s uflit par fois à déc ha îne r un
fe uille , et il mar cha vers la porte . Au mo me nt de
orage. C’est ce que ve na it de faire incons cie mme nt
s or tir, il se r e tour na. Dic k, e x ténué, s’é ta it a ba ttu
Be r nade tte en lu i dis a nt q u ’il a va it été « très
sur la table . P our la pre mièr e fois, sans doute , il
ge ntil ». Très g e ntil! Ce tte e xpre s s ion é ta it te lle
'le vait compre ndr e ce q u ’é ta ie nt la pas s ion, la dou
me nt dis pr opor tionnée ave c la viole nce de s e nti
le ur et le r e mor ds ...
me nts qui le pos s édaie nt, ils t é m o ig na ie nt chez
e lle d ’une te lle inco mpr éhe ns ion de s on vér itable
caractère que ses s crupule s s’é vanouir e nt. Il ne
r e douta plus de lu i faire ma l :
— Je ne s uis pas très ge ntil, dit- il s èche me nt.
Ces mots- Ià me v o n t très m a l. Vous vous en
ape rce vr e z vous - même qua nd vous s aure z po ur
quoi je vous ai de mandé de ve nir et ce que j ’a i à
vous dir e ...
— Pr e ne z gar de , Ma r t in ! J ’ai pe ur que vous
C H AP IT RE V III
pr éte ndie z vous mê le r d ’une chose q u i ne
vous re garde nulle m e nt. Votr e pne u me l’a fait
pre s s e ntir. Il s’a g it de ma vie in tim e , m ’avez- vous
écr it. Je ne sais ce que vous pouve z ima gine r ,
L e c œ u r d e M a r t in L a P é r e l l e
mais je ne vous pe r me ttr ai pas ...
— Il n ’est pas que s tion d ’im a g ina t io n, ma lh e u
re us e me nt, Be r nade tte .
— Alor s , c’est pir e encore. Quoi? Vous m’ave z
— Je s uis ve nue puis que vous m ’ave z appe lée fa it s ur ve ille r ?
de façon si pr e s s ante ... Mais je ne compr e nds pa s ...
Elle a va it pr ononcé ces mots avec une te lle
Qu’est- ce q u ’il y a ?
in to na tio n mépr is ante q u ’il s e ntit le rouge lui
Ma r tin La Pér e lle é ta it de puis la ve ille à Paris
monte r à la figure . Il se c o ntint d ’un e ffort vio
son pr e mie r s oin, a v a n t même de r e ntr e r à son
le nt, se r appr ocha d ’elle :
hôte l, a va it été d ’e nvoye r à Be r nade tte un pne u
— Ma pe tite Be r nade tte , voule z- vous que
ma tique ains i conçu :
nous caus ions en amis , en vous fais ant le moins
de ma l pos s ible ? Vous s ave z que je vous a im e ...
“ J ’ai à vous par le r de choses e x tr ê me me nt
’ave s qui intére s s e nt votre vie dans ce q u ’e lle a
Je vous aime de puis longte mps ,, d ’un a mour qui,
pr oba ble me nt, ne finir a q u ’ave c moi. Ce que j ’ai
e plus in tim e e t do plus caché. Ne vous étonne z
Souve ne z- vous s e ule me nt que j ’ai toujour s
fait, je ne l’ai fa it q u ’ave c l’idée de vous s auve r ,
de vous ar rache r à une e rre ur q ui pe ut pe rdre
votre a mi. Ve ne z de ma in, à de ux he ure s , à
toute votre e x is te nce ...
Imtel Savoy, rue de Riv o li. Vous compr e ndr e z,
«près m ’avoir e nte ndu, pour quo i cet e ntr e tie n no
— De quoi vous mêle z- vous ? rétorqua- t- e lle
l'e ut avoir lie u che z vous . Je vous atte nds . —
ha uta in e me nt. Allo ns ! Carte s s ur ta ble , Ma r tin.
Qu ’avez- vous appr is ? Que j ’ai un a m a n t ? C’est la
Me r lin L a P é r e l l e . »
vé r ité . J ’ai dispos é de ma vie , j ’en avais le dr oit.
.Depuis le déje une r , il a tt e n d a it, c o mpta nt les
J ’a ime un homme à qui je me s uis donnée en
r'| 'nutes, g ue tta nt le b r u it de l’as ce ns e ur. Enfin,
ple ine volo nté , de toute ma chair et de toute
le é ta it là, elle ve na it d e ntr e r e t, hé s ita nte ,
mon fime . Si c’est cela que vous voulie z e nte ndr e
“quiète , pre s que hns tilo, elle r e s tait près de la
de ma bouche , il va ut m'e ux , en e iïe t, que cela
P°rte, fix ant s ur lui ses grands ye ux noirs q u ’un
s oit d it , une fois pour toute s .
r erne vo lup tue ux s oulignait. Elle é ta it là e t il lui
J e t a it la plus dur e par tie à jo ue r , car il s ava it
II a va it re mis dans ses poches ses ma ins crispée s
len que , dans cinq minute s , e lle s e rait son
do nt il s e ntit les ongle s s’e nfonce r dans ses
B-
!.. ! U N I
F l i U M K S O M U Ki r -
3
�S. O. S. ! Une fe m m e s o m b r e .
quée , en le me naçant sans doute de t o ut révéle r
paume s . Le pa pie r é ta it là , dans la poche de
à
son père . 11 de va it être affolé, a ux abois , il a
dr oite . Un geste e t la confiance de Be r nade tte en
écr it n ’impor te quoi pour se s a uve r ...
c e lui q u ’e lle a im a it a lla it s’e ffondr e r ...
— 11 a s igné, Be r nade tte .
— C’est votr e dr o it, e n e ffe t, Be r nade tte .
Elle t r e m bla it de tous ses me mbr e s :
Ma in t e n a n t, je vais r épondr e à la que s tion que
— Il a s igné, s oit... A h ! Comme chantage ,
vous m ’ave z posée t o u t à l’he ur e . Je ne vous a i
c’est
bie n organis é ! Vous vous êtes d it : — « Elle
pas « fait s ur ve ille r ». Je vous a i s uivie , une fois,
l’aime . Pour le s auve r , elle en passera pa r où je ■
moi- même . Je vous ai vue ave c l’homme . Ce la me
s uffis ait. Mais le has ar d a vo ulu que nous fus s ions , voudr a i. » — C’est ce la, h e in ? M’avoir par
n ’impor te que l moye n, c’est ce que vous voule z ?
lu i e t m o i, mis e n prés e nce ... Si més ir able que je
E t c’est cela que vous appe le z de l’a m o ur ? Il est
vous parais s e , me faites- vous l’ho nne ur de croire
jo li, votre a mour ! Les homme s qui ja dis abus aie nt
à ma par ole ?
de le urs captive s n’e s s ayaient pas de les be rne r
— O u i...
pa r des mots , au moins ! C’est cela ! Ou je pe r drai
— Bo n. Je vous jur e , Be r nade tte , que , si j ’avais
à jamais Ric ha r d Dur o y ou t u m ’a ppa r tie ndr a s !
r e connu que ce t ho mme fû t digne de vous , je me
Oh! Mis ér able ! Mis ér able !
serais e ffacé, je n ’aur ais ja ma is r ie n te nté contre
Elle s’é ta it levée . Il cr ut q u ’elle a lla it fuir , mais •
votre bonhe ur . J ’aur ais s ouffe rt encore un pe u
e lle r e c ula it dans le fond de la pièce , loin de la
plus mais vous n ’aur ie z plus ja ma is e nte ndu p a r
porte . Elle s’arr êta qua nd elle r e ncontr a le div a n
ler de mo i. Ou i, je s ais que vous êtes la maître s s e
du pe tit s alon où ils se tr o uva ie nt, s’y a ppuy a . Il
de Ric ha r d Dur o y , le fils d u b a n q uie r ... e t ce
la r e gar da it, très pâle :
garçon est un mis érable !
— Alors , Be r nade tte ?
— Ce ci est indig ne de vous , Ma r tin . E t vous
D’une ma in tr e mblante , elle e nle vait sa ja que tte
ête s un bie n ma uva is ps ychologue . Croyez- vous
q u ’elle je ta . Ses doigts s’a tt a qua ie nt m a inte na nt
q u ’une in s ulte suffise à détache r une fe mme de
a ux boutons de la che mise tte . Le cou, la naiss ance j
ce lui q u e lle a ime ?
de la gorge parais s aie nt, dans le ur bla nc he ur
— E t si je vous appor tais une pr e uve de ce
s atinée , douce à l'œ il comme elle de va it l’être au
que je vie ns de dir e ?
touche r . Elle d it d ’une voix étouffée :
Elle haus s a les épaule s :
— Paye z- vous ... Mais ne vous étonne z pas s i,
— Mon pa uvr e Ma r tin ! Qui c o nna îtr a it Ric ha r d
apr ès , je vous ha is ...
Dur o y , s inon m o i? Je sais que ls s ont ses défa uts .
Il alla à e lle. 11 v it le re cul, la contr action de i
Je sais q u ’il a commis des e r r e ur s ... Il me les a
to ut ce corps d ’amour e us e , horrifiée à l’idée de
avouée s , je les lui a i pa r donnée s ... On ne pe ut
se livr e r sans a mour . Il l’a ttir a à lu i, la bais a
r ie n m ’a ppr e ndr e que je ne s ache .
dans les che ve ux :
— Non, Be r nade tte , vous ne s ave z pas t o u t ...
— Rattac he z votre corsage, Be r nade tte ... Ma
Il s’ar r êta. ‘1 vo ula it dir e : — « Vous ne savez
pauvre pe tite , vous ave z cru ce la? C’est le seul
pas que cet ho mme est un as s as s in. » Mais il
Daiser que je vous donne r ai ja m a is ...
s e ntit que ja ma is ces mots ne pour r a ie nt fr a nc hir
— Ma r t in ...
ses lèvr e s . Il é ta it s eul à s avoir que Hichard
Il l’a ttir a à lu i, douce me nt, ave c des gestes ‘
a v a it commis un cr ime . Avait- il le d r o it de se
frate rne ls :
déchar ge r de ce s ecre t s ur e lle que ce dur farde au
— Ve ne z vous ass eoir près de mo i... Voulezécr a s e r ait? Il e ut e nvie de lu i crie r : — « Allezvous un ve rre d ’e au?
vous- en, j ’ai m e n ti, je ne sais r ie n ... » Mais le
— Oui, murmura- t- e lle .
pa pie r lui b r ûla it les doigts . Ce la, au moins ,
Il alla dans la salle de ba in , r e vint avec un
q u ’e lle le s ût.
ve rre ple in dont elle avala le conte nu le nte me nt,
— J ’ar r ive de Din a r d , Be r nade tte .
le corps secoué pa r des s oupirs convuls ifs . Le
Elle p âlit :
ve rre vide , il le lui r e pr it d< s ma ins , lui e nle va
Est- ce encore le has ar d q ui vous y a con
s on bér e t, lui caressa les che ve ux :
d u it ? Avoue z que c’e s t s ing ulie r ...
— Be r nade tte ... Ma chère e nne mie ... Non, je
— Non, ce n’est pas le has ar d. Je voulais s avoir
ne s uis pas si ma uvais que vous le croye z, je
de quo i é ta it c apable Dur oy . A Par is , nous nous
n ’aur ais pas pu, moi non plus , et po ur t a nt, Die u
étions re ncontrés au cercle , il a v a it pe rdu contre
s ait si je vous a im e ... Mais c’est jus te me nt parce j
moi ce nt vin g t mille francs . In u t ile do vous dire
que je vous a im e ...
q u ’il ne les a v a it pas payés , n ’est- ce pas , puis que
Il lui care ss ait toujour s les che ve ux d ’un m o u
vous le connais s e z si bie n ? A Din a r d , nous nous
ve me nt très doux :
s omme s re trouvés face â face . Il me doit a ujo ur
— Ma pe tite fille , écoute z- moi...
d ’h ui plus de de ux ce nt mille fr a nc s ... Savez- vous
Il v it q u’elle ple ur ait. Alor s , il la serra contre
c o mme nt il a pr é te ndu s’a c quit te r vis- à- vis de
lu i :
moi ? Lis e z ce c i...
— Ne ple ure z pa s ... Ce la me fait m a l...
Le pa pie r q u ’il frois s ait de puis le comme nce
—
Ce n ’est, pas vr ai q u’il a fait ce la, dite s ?
me nt de l’e ntr e tie n pas s a dans les ma ins tr e m
murmura- t- e lle e n s anglotant.
blante s de la je une fe mme . Il v it ses tr aits se
— Ali! vous ave z la confiance che villée au
décompos e r . Mais e lle se re dre s s a, t in t tête
cœ ur . Si, Be r nade tte , il a fait c e la... E t s i, moi,
comme un fauve :
je l’ai acce pté, c’est que j’avais mon idée ... Ce tte
__Mis érable ! Ce n ’est pas vr a i ! Ric ha r d n ’a
idée , je ne m’en cache rai pas, c’é ta it de vous
pas pu faire c ’la I
ar r ache r à ce garçon qui est s ur une pe nte dan__Vous ne re connais s e z pns sa s ignatur e ?
;ereuse où il vous e ntraîne ra. Je n ’ai ja n ois eu
— Ce n ’est pas cela que je ve ux dire . Ce tte
a pensée que vous m ’appa r tie ndr ie z, Be rnade tte .
chose im mo nd e , c’est vous q u i la lu i ave z e xtor
Î
�S . o . S . ! U n e fe m m e s o m b r e ..
Mais si vous vo ule z... Si vous re connais s e z que
j ’ai r aison, que i’ave nlur e où vous êtes e ngagée
est indigne de vous et ne pe ut vous appor te r que
de la s oullr ance ... pire encore pe ut- êtr e ... Venez
avec moi. Je compte pa r tir de ma in s oir pour Ma r
s eille. Je vous e mme né. \ ous n ’aure z rie n à
re doute r de moi. Ja ma is plus le mo t a mour ne
sera prononcé. Nous as s ure rons ici le s ort de
votre mure pour que lque s mo is ... pour le te mps
q u’il vous plair a de voyage r ave c moi pour vous
guérir. Si ma r ude vie vous e llr aye , je vous ins
talle rai dans une villa où je vous r e joindr a i le
plus s ouve nt pos s ible. Voila ce que j ’ai pe ns é...
Décide z... Voule z- vous la n u it pour r éllécliir
Nous re ve rrons de main m a t in , si vous vo ule z...
Allo ns ! Dite s ...
Elle a va it la tête appuy é e contre la poitr ine de
Mar tin. Il v it ses ye ux se le ve r s ur les siens avec
une e xpre s s ion où il n'y a v a it plus — e nfin!
ni haine ni r ancune . Elle a tt e n d it une s e conde
a vant de r épondr e d ’une voix lasse :
—■Non, c’e s t impos s ible ?
— Vous ne voule z pas ?
■
— Je ne pe ux pa s ... Si je partais ave c vous , un
{nois ne s e rait pas écoulé que je m ’e nfuir ais , que
je r e vie ndr a is ...
— Comme vous l’a ime z! dit- il s our de me nt.
Elle se détacha de lui, se le va. Mais ce fut
pour r e ve nir pre s que tout de s uiie lui poser les
^e ux mains s ur les épaule s , le r e gar da nt bie n
dans les ye ux :
. — Uui, je l’aime . Je ne s uis pas un ange , Ma r
tin, pas plus que vous n ’ètes un s aint. Mon pauvr e
a mi, vous voule z vous tr ompe r vous - même , Moi,
Je mour rais lu- bas d ’ôtre s éparée de Lic k ... Vous ,
vous s oullr ir ie z... Non, il ne fa ut pas . Ab a nd o n
nez- moi. Ma r tin . Vous ave z fait ce que vous
avez pu. Dans de ux jours il sera à Par is , je serai
dans ses bras , j ’a ur a i to ut o ub lié ...
11 se dégagea d ’un geste br us que où r e pa r a is
s ait sa s auvage r ie :
— Vous êtes crue lle !
•— Je le sais. Cela va ut mie ux . Pardonne z- moi,
•Ie vous ai compr is , ma inte na nt. 11 n ’est pas jus t e
que ce s oit vous qui sou li rie z.
— Je s oulïr ir ai to ut de môme , soyez tr a nquille .
Il ramas s a le fatal papie r q u ’elle a v a it laissé
t°nibe r par te r re , le lui t e nd it :
"— T e ne z, vous le lu i r e ndr e z...
— Ma r t.n I
— Taisez- vous . 11 me fa ut e ncore vous dire
‘jue lqne chose. Je connais la vie , Be r n ad e tte ... Je
^ v r a is dire « toute s les vies ». Je sais dans que l
che min dange re ux vous vous e ngage z. Au bout
? e ce che min- là, il y a l’abîme e t vous y s ombre re z
é ta le m e n t. Que l abîme ? C’est- à- dire où éohouejez- vous? Où le naufrage vous jettera- t- il? Je
ignore. 11 vie ndr a une he ure où vous vous s ouvienI ’ez de moi. Appe le z- moi. Un m o t... Non, tene z,
08 trois le ttre s de l’appe l de détresse : S. O. S. »
' e s 'iurai ce que cela ve ut dir e . Je r e vie ndr ai.
jjle d it tr is te me nt :
Ma r t in , pour quo i nVst- ce pa s vous que j ’aime ?
Parce que c la n’é ta it pas écr it, probable me nt. Alle z vous- en, m a inte n a n t, ma pe tite liernaÿ t t o . . . Allez- vous - e n...
. .lui t e n d a it son bér e t, sa ja que tte . Elle ae
babilla s ile ncie us e me nt. 11 l’accompagna ju s q u ’à
35
la por te de l’a ppa r te me nt. Au mo me nt de s ortir,
e lle lu i je ta les bras a uto ur du cou :
— Ma r t in ...
Elle lu i t e nd a it ses liv r e s . 11 c o m p r it : c’é ta it
une aumône q u ’elle lu i fais ait. Il fr is s onna, to ut
s on dés ir te ndu vers elle ave c une inte ns it é qui
le secoua des pie ds à la tête . Mais il déta cha les
de ux ma ins de Be r nade tte , les serra ne rve us e
m e nt :
— Non, pas ce la, Be r na de tte ... Pas même ce la :
Adie u.
De bout au m ilie u de la chambr e , les tr aits con
tractés , le corps doulour e ux comme a p r js une
ba ta ille , il écouta le b r uit de l’as ce ns e ur q u i des
c e ndait, puis cons ulta sa montr e :
— Dix m in ut e s ... Elle sera loin. Il ne fa ut pas
que j ’aie la te nta tion de cour ir apr ^s e lle .
Le te mps écoulé, il m it s on chape au, s or tit à
s on to ur apr^s a voir glis s é une liasse de bille ts
dans son por te fe uille .
Il a lla r e te nir sa place au t r a in de Mars e ille
pour le le nde ma in soir e t celle s ur le pa que bot
q ui ne pa r tir a it que que lque s jour s apr s, lit que l
que s autr e s course s, a lla , qua i des Or f vre s , dir e
adie u à Fe r na nd Ma r tia l. Qua nd il se r e trouva
au bor d de la Se ine , il fais ait n u it. De nouve au
il cons ulta sa m'ôntre , puis s’accouda au pa r a pe l,
s onge ur :
— Je ne pa r tir a i pas si je ne sais que que lqu'un
ve ille r a s ur e lle ... 11 n ’y a que lu i... Oui, il m ’est
dévoué comme un c hie n. Allons ! Le has ard fait
bie n les choses, encore une fois . Si Marie- José ne
s’é ta it pas tr ouvée s ur mon c he min , j ’ignor e r ais
où ile s t à l’he ure a c tue lle ... C’e s tà lui égale me nt
que je confie rai l’a r g e nt... Allo ns ! L ’adre s s e ?
Il fouilla dans son por te fe uille :
— Se pt, rue Mo ulîe ta r d ... Je serais étonné de
ne pas le tr ouve r à cette he ur e - ci..,
Il appe la un ta x i, donna l’adre s s e .
La mais on où il s’arr êta é ta it s ituée dans la
partie de cette vie ille rue toute proche de l’églis e .
Elle é ta it très ancie nne et assez mis ér able . Il
s our it :
— T oujour s le même procédé. Le c o quin !
Il e ntr a , se re ns e igna aupr ès de la concie rge .
L ’homme é ta it là. 11 s’e ngage a dans l’e scalie r
humid e e t s ale .
Qua nd il r e s s ortit, de ux he ure s apr ès , sa p h y
s ionomie s’é ta it un pe u dé te ndue . Il s e mblait
de barras s é d ’un gr and poids . Ce tte fois, il de s ce n
d it la par tie de la rue Moulîe ta r d q u i s’en va vers
la rue Saint- Jacque s e t se r e nd it boule var d SaintMiche l où il se lit s e rvir à dîne r dans une bras
s erie .
Une he ure plus ta r d , il se r e tr ouvait s ur le b o u
le var d.
P our l’homme s e ul, e rr ant sans b u t , s ans pe ns ée s
de fête ni de plais ir , la n u it de Par is a que lque
chose do tr a giq ue . On re garde les innombr a ble s
fe nêtre s illu m iné e s , on se d it :
— Il n ’y a rie n pour moi, ic i. Pe rs onne ne
m ’a t t e n d ... Il n ’y a pas une porte q u i doive s’ouvr ir pour m o i...
Ja ma is n u it dans la plus s ombre forêt afr icaine
n’a va it par u plus lour d ; à Ma r tin La Pér e lle que
celle- ci. Il ne s avait s’il d ;va it être conte nt ou
méoonte nt do lui- même . En cac hant à B r nade tte
le crime de Ric ha r d Dur o y , no l’avait- il pas livr ée
�36
S . O . S . ! U n e fe m m e s o m b r e ...
L ’aube glis s ait son pr e mie r r ayon dans la pièce
lui- même au pire de s tin? P o ur quo i avait- il re culé
qua nd elle s’éve illa.
au de r nie r mo me nt? La répons e é ta it facile . Il
— O h ! J ’ai dor mi, dit- elle confus e . E n voilà
s’é ta it t u parce q u ’il l’a im a it . Mais n ’était- ce pas
l’a ime r ma l ? N ’e ût- il pas m ie ux v a lu être br uta l une façon de vous te nir compagnie 1
Il e ut un geste évas if q u ’elle ne po uv a it com
po ur la libé r e r ?
pr e ndr e . Elle lui a v a it donné, ce tte nuit- là, tout
E n lui- même , une voix r é p liq ua :
ce q u ’il é ta it ve nu che rche r : le s ile nce et une
—
T u ne l’aur ais pas libé r é e . T u n ’aur ais rie n
chale ur huma ine contre lu i...
e mpêché e t e lle t ’a ur a it ha ï d a v a nta g e ...
Elle t ir a it les r ide aux , o uvr a it les pe rs ienne s ,
Etait- il, au mo nde , un être aus s i s e ul que lu i?
s’affair ait a utour de lui comme s’il e ût été to ut
Le s autr e s , ce ux q u ’il c o udoy ait, a va ie nt sans
natur e l q u’il fût là :
doute une s œ ur , une fe mme , une maîtr e s s e , une
— Voule z- vous vous r a fr aîchir dans le cabine t
a m ie ... Qu e lq u 'u n à q u i ils p o uv a ie nt dire : de toile tte ? Je vais vous faire du c a fé , pe nda nt
« Vo ilà ce q u i m ’e s t a r r iv é , a u jo u r d ’h u i... »
ce te mps - là...
Une a m ie ... 11 n’en a va it q u’une dans ce Paris
Il acquie s ça d ’un s igne . Il l’e nte ndit r e mue r de
noctur ne e t q u ’élait- e lle ? Une fille de Mo n t
la vais s e lle , moudr e le café. Qua nd il r e vint, elle
m a r t r e ... P e tite Sour c e ... ’
lu i pr és e nta une tasse fuma nte , des tar tine s , du
Il se moqua de lui- même parce que , d ’un coin
be urr e , un pot de la it , le s e r vit, p r it e lle même
de sa mé moir e , ja illis s a it s oudain un ve rs , celuis on pe tit déje une r . Ils n ’a va ie nt pas encore
là même que le duc de Re ic hs ta dt adre s s ait à la
échangé un mo t.
Enfin, il se décida à parle r :
P e tite Source du dr ame :
Je n 'a i plus qu’à ple ure r. J ’a i bes oin d 'une é paule ...
— Je suis ve nu vous faire mes a die ux , Pe tite
U n t a x i fr ôla le tr o tt o ir . 11 y mo nta , se lit con
Source , dit- il.
— Vos a die ux ? Comme nt?
duir e rue Houdo n.
S ur le pa lie r , il hés ita. P uis , pr e s que malgré
— Oui. Je pars ce s oir.
— Vous parte z où?
lu i, il fr a ppa .
— Mais là- bas, e n Afr ique .
Nicole o uvr it tout de s uite .
— Oh 1 vous parte z ! Vous par te z !
— O h ! C’est vous ? E n tr e z...
Ses ye ux se r e mplis s aie nt de lar me s . Il resta
Elle é ta it s eule e t d e v a it se dis pos e r à se cou
inte r loqué . P our quoi ple urait- e lle ? Qu ’avait- e lle
che r, car e lle é ta it e n p y ja m a de flane lle bla nche .
donc espéré de lui?
Elle lu i p a r ut plus je un e , plus fr êle , plus blonde
— Je r e vie ndr ai, pe tite fille ... Ou i, b ie n t ôt ,
que ja m a is , un pe u pe r due dans ce t a mple vête
m e n t q u i la c ouvr ait ju s q u ’au cou e t ju s q u ’à ses pe ut- être . Nous nous re ve rrons .
Il che r chait du r e gar d que lque chose a utour de
pie ds chaus s és de pe tite s mule s noire s e t ne r évé
lu i. 11 t ir a son porte fe uille e t glis s a des bille ts
la it r ie n de s on corps .
sous la pe tite pe ndule blanche de la che minée :
— Je ne s uis pas s ortie , ce s oir, dit- e lle. On
— O h ! No n! N o n! dit- elle. Je ne ve ux pa s ...
a ur a it cru que je de vina is que vous vie ndr ie z...
— Si, Pe tite Source . Je ve ux que , d ’ici mon
Sur la ta ble , il y a v a it une tasse de thé à m o i
r e tour , vous vivie z a votre g uis e ... que vous ne
tié v id e , un livr e o uve r t à côté d ’une la mpe
soyez plus obligée de ... Enfin, vous ferez ce que
a llumé e . Il s’as s it lo ur de me nt, s ans pa r le r . Elle
vous voudr e z...
a lla re fe rme r la porte à cle f e t r e vint vers lui.
— Vous êtes bon!
Comme il la r e gar da it ave c une s ingulière
— Croye z- vous ? dit- il amèr e me nt.
e xpre s s ion, un pe u in q u ié ta n t e , e lle lu i s our it e t
11 pr it son chape au, se dir ige a vers la porte :
d it d ’une voix q u ’elle s’e ffor çait de r e ndre ha r die
— La cle fl dit- e lle.
e t assurée :
Elle o uvr it . Au mome nt de s or tir, il se r e tour na,
— Alo r s ... c’est pour ce tte n uit?
a
ttir
a à lui le mince corps pe rdu daus le py jama
Il s ecoua la tête :
de flane lle blanche :
— N o n ... T o ut ce que je te de m a nde , c’est de
— Av a n t de pa r tir , dit- il, je voudr ais s avoir ...
t ’as s e oir à côté de moi, de re s te r là ... e t de
Pe tite Sour ce , po ur quoi, les pr e mièr e s fois que
te t a ir e ...
nous nous s omme s r e ncontrés , n ’avez- vous pas
Elle ne que s tionna pas , a lla pr e ndr e le coffret
v
o ulu...
à cigar e tte s , des a llum e tte s q u ’e lle pla ça s ur la
Elle le va vers lui le r e gard de ses ye ux noirs
table . Puis e lle v in t s’as s eoir s ur une chais e bas se,
pr
ofonds
qui, à ce tte minute - là, lui pa r ur e nt res
prés de lu i, s age me nt, s ans le touche r , sans même
s e mble r à ce ux de Be r nade tte :
io r e gar de r . Sans le pa r fum lége r qui s’e x ha la it
— Parce quo je vous aime , murmura- t- e lle to ut
d ’e lle , il e ût pu ignor e r sa prés e nce .
bas .
Au t o u r d ’e ux, c’é ta it le gr and s ile nce d ’une
11 la serra contre lu i, une s econde . Des gens
n u it do Par is , tr o ublé de lo in en loin pa r le b r u it
mo nta ie nt 1 e s calie r, je ta ie nt des r e gar ds ve rs la
d ’une porte ouve rte ou fe r mée , pa r le r oule me nt
porte ouve r te . 11 s’en alla.
lo inta in d ’une vo it ur e , pas u n pas dans l’e s calie r.
Ma r tin La Pér e lie , l’homme qui ne s’a tta c ha it
P uis , ces br uits même s s’e te ignir e nt.
nulle pa r t , r e pr e nait sa route .
Ma r t in s e ntit s oudain un poids lége r contre son
épaule . P e t it e Source s’é ta it e ndor mie e t, t o ut
n a tur e lle m e nt, sa tête é ta it ve nue se niche r là
comme s i, ce re fuge q u ’il é ta it ve nu che rche r
près d ’e lle , ce fût e lle q u i le lu i e ût de mandé.
Alor s , il s’in te r d it t o ut mo uve me nt, cossa do
fume r , po ur ne pas la dér ange r .
�;î7
s # o . S . ! Une fe m m e s o m b r e ..
D E U XIÈ M E
CH AP IT RE P RE M IE R
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P ART IE
faire des r e pr oche s ? Il fa lla it te défe ndr e , ma
pe tite . Ma inte na nt, t u es sa maîtr e s s e , pas la
mie nne , he in? E t t u re vie ns , comme ce la...
U lu i br oyait les bras , dans une étre inte ne rve us e .
D ic k e t B e r n a d e t t e .
Elle gé mis s ait, sans e ss ayer de se dégage r et
s’a b a t tit contre lu i, fr émis s ante :
— Comme t u me dis ce la, Dic k ! T u es donc
ja lo ux ?
— Ain s i, c’est vr ai ? T u as fa it ce la, Dic k ? T u
11 la re pous s a b r uta le m e nt :
® ’as ve ndue ?
— Ja lo ux ! Si je s uis ja lo ux ? Est- ce que t u crois
. Dic k Du r o y ,r e n t r é àP a r is , de ux jour s après Marque c’est de gaie té de c œ ur que j ’ai fa it une
lln La Pére lle , s elon la promes s e q u ’il a v a it faite à
chose par e ille ? T oi, ma Be r nade tte , que j ’a i eue
celui- ci, a v a it tr ouvé en a r r iv a n t a sa gar çonnière
toute ne uve ... T oi, à un a utr e ! A h ! il fa lla it que
de la rue de Ville ju s t un mo t de sa maître s s e , lui je fusse bie n ma lhe ur e ux et foii, ce tte nuit - là...
dis ant q u ’elle v o u la it le voir im mé d ia te me nt. E t
T o i! T o i!
°omme a v a n t le d é p a r t, ils ve na ie nt de se
— T u m ’aime s ? T u m ’aime s t a n t que cela?
re trouve r dans la chambr e de la mais on me ublée
— Est- ce que t u ne le sais pas ?
de la rue Pas quie r . Mais , cette fois , ils n ’étaie nt
— Dic k ! cria- t- elle. Ce n ’est pas v r a i! Ma r tin
Pas dans les bras l’u n de l’autr e : que lque chose
La Pére lle m ’a r e ndu le pa pie r , mais il ne m ’a
s épar a it. Ce que lque chope, c’é ta it le papie r
pas touchée , je te le jur e !
Slgné pa r Dic k e t que Be r nade tte ve na it de je te r
— T u me ns !
entre e ux , s ur la table .
— Non, je ne me ns pa s ... T u ne connais pas
Dick re je ta sa mèche , de s on geste coutumie r .
ce t h o m m e ... Oui, il m ’a im a it . Mais il m ’a im a it
1 u*s, pour se donne r une conte nance , il se pe ncha
assez pour ne pas vouloir me de voir à un mar ché.
comme pour déc hilïr e r le doc ume nt q u ’il ne con
Il m ’a r e ndu t a parole , compr e nds - tu? Regardenais s ait que tr op bie n. La vé r ité est q u ’il é ta it
m o i... Si j ’avais a ppa r t e nu à un autr e qu à to i,
affolé. Co mme nt Be r nade tte avait- e lle cela en sa
est- ce que t u ne t ’en ape rce vrais pas ? RegardePossession? 11 fa lla it que ce fût La Pér e lle q u i le
moi, Diclc, re gar de - moi...
hu e ût r e mis . Que lui avait- il d it ? Que s avait- e lle ?
Il la r e gar da, e n e iïe t : mais ce q u ’il che rchait
^°n adve rs aire avait- il te nu son s e r me nt? S’étaittoujour s à lire dans ses ye ux , c’é ta it si e lle s avait
” tu ou avait- il r évélé ù la je une fe mme ce q u ’il
l’a utr e chos e , le c r ime ...
était le seul à a voir de vin é ? Ce la, il le s aur ait
— Il ne t ’a r ie n d it d ’a utr e ? interrogea- t- il.
lac ilomc nt. 11 connais s ait assez s on amie pour
— Rie n d ’a utr e ? Qu ’est- ce que t u ve ux dir e ?
savoir q u ’elle se tr a h ir a it de va nt lu i :
— Je ne sais pas , m o i... Sur m o i...
, ■C’est une plais ante r ie 1 dit- il e n s’elTorçant
— U m ’a d it que tu étais s ur une pe nte dange
de pre ndre un a ir dégagé.
re use , que t u courais à l’a bîme ...
,
Une plais ante r ie , Dic k? Non. Une action
— C’est t o ut? T u me le jur e s ?
asse, mis ér a ble ... Co mme nt as- tu pu faire ce la?
— Oui, t o u t ... P our quoi? T u as donc fa it lày e nte nda it ù pe ine ce q u ’e lle dis a it. Il n ’a v a it
bas que lque chose que tu cr aignais que je s ache ?
(lu Une pensée : « Que sait- elle, au jus te ? »
U r e s pir a. La Pére lle n ’a va it pas pa r lé . Que l
,
E h ! oui, j ’a vo ue ... Ce n ’é ta it pas plus jo li
homme était- il donc, ce lui qui, après l’avoir to r
,,e ja pa r t de mon adve rs aire que de la mie nne ,
tur é comme il l’a va it fait, m o ntr a it s oudain un
aille ur s ... Nous de vions être ivr e s , tous les de ux ! tel dés intére s s e me nt? Il s our it, se d é te nd it :
Ivr e s ? Oui, t o i, tu l’étais de p e ur ... Je te
— Que ve ux- tu que j ’aie fait, folle ? J ’ai jo ué ,
c°nno i8, Dic k ... T u tr e mblais q u ’une fois de plus
comme t o ujo ur s ... En voilà la pr e uve ...
on ave rtis s e ton père de ta conduite . E t tu n ’as
— Si t u voulais de ve nir s ér ie ux, Dic k ... Songe
hés ité à me s acr ifie r ...
à ce qui a ur a it p u ar r ive r si t u avais eu affaire à
,,
Mais dis donc, Be r nade tte ... T u m’accus e s ...
un autr e h o m m e ... T u lui dois plus de de ux ce nt
a u r a ia m o i a u s s i le d r o it d e t e d e m a n d e r de s
mille francs , n ’est- ce pas ?
f °nipt e B. T u c o n n a is s a is c e t h o m m e ? U t ’a v a it
— Je ne lui dois plus r ie n, puis que ...
'a it la cour ?
— Dic k, si tu étais honnête , si tu étais vr a ime nt
Ou i...
un homme , t u tr ava ille r a is e t, plus tar d, pou à
.
jit m a inte n a n t, q u ’est- ce que tu vie ns cherpe u, t u lu i r e ndr ais cet a r g e nt... Cela me r e ndr a it
ftr ici? Puis que tu as e ntro les mains ce papie r
si he ur e us e !
• a ^d ii, c’est donc q u ’il te l’a r e ndu, en écha nge ...
Il l’a ttir a ù lu i é mu, va inc u pa r ce t a mour
I rut;quc me nt, il se je ta it s ur e lle , lui s e r rait abs olu e t confiant :
1(-8 bras :
— Ma pe tite Be r nade tte ... Oui, tu as r ais on...
' Il t ’a pris e , d is ? 11 t’a pr is e ? E t tu vie ns me
Il fa ut que je de vie nne r a is onna ble ... Ecoute , je
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S . O . S . ! Une fe m m e s o m b r e ..
v a i 3 te dire que lque chose. Je crois que je vais me
r éconcilie r ave c la fa m ille ...
— T on p.r e te par donne ?
— Je ne ne sais pas e ncor e ... Mais en a r r iv a nt
de Din a r d , j ’ai tr ouvé un mo t de lui, en môme
te mps que le tie n. O h l r ie n d a im a ble , t u penses !
Il me d it de ve nir à la banque de ma in m a lin ...
— Il fa ut y alle r , Dic k.
— Ou i... J ’ir a i... pour lo i, puis que cela te fe r ait
pla is ir que je fusse s ér ie ux ... Mais c’est bie n diflicile 1
Elle se serra contre lu i, lis s ant les mèche s
r e be lle s de sa che ve lure br une :
— Lic k , mon chér i, je ne puis pas t ’aime r da
va nta g e ... Mais ce s e rait si doux pour moi d ’avoir
conliance en toi !
Il fris s onna. Confiance en lu i! De va nt ses ye ux
par ais s a it la vis ion de l’Amé r ic a ine , éte ndue ,
un poignar d dans la gorge , Jà- bas, à la v illa des
Sapins . Confiance en lui ! Sub it e me nt, l’horr e ur
de lui- même le p r it, le s ubme r ge a e t, ma lgr é ses
efforts, des lar me s mo ntè r e nt à ses ye ux . Elle les
v it , .ut boule ve rs ée :
— Dick ! t u ple ur e s ? Qu ’est- ce que t u as ?
Il s’a b a t t it contre sa poitr ine en s anglota nt :
— Je s uis m a lh e ur e ux ... Je s uis ma lhe ur e ux
d ’ê tr e ... ce que je s uis ! Console- rnoi, Be r nade tte .
Cons ole - moi!
As s is e s ur le g r a nd lit q u i, a v a n t le dépar t,
a v a it vu t a n t de folie s , elle le be rça te ndr e me nt,
ave c tous les mots que pe ut tr o uve r une a mo u
reuse. De ux ou trois fois, le mis ér able garçon e ut
la te nta tio n de déchar ge r s on cœ ur , de s’accus e r...
La honte e t aus s i la pe ur de pe rdre ce t a mour le
fit se t a ir ■. Pe u à pe u, il se c alma. Ne fallait- il
pas q u ’il s’a c c o utum ât à être seul ave c son ho r
rible s e cr e t? Pe u à pe u aus s i, il la serra plus fort,
o uvr it son corsage po ur a ppuy e r sa tête s ur les
seins pa lp it a nts :
— Vie ns , Be r nade tte , vie ns , s upplia- t- il. Il n'y
a au monde que to n a mo ur q ui puiss e me faire
o ublie r ...
— Oub lie r quo i, mon chér i?
— Ce v ila in pe rs onnage qui s’appe lle Dic k ...
11 n ’y a que lo i qui puisses l’aime r , qua nd m ê me ...
Vie ns , He r nade tte , vie ns ...
*
* *
La banque Dur o y é ta it s ituée rue Saint- Lazar e ,
non loin de la T r in ité . Ce n ’é ta it po int un de ces
établis s e me nts s omptue ux et un pe u doute ux
comme on en a vu s ur gir de chaque pavé après
la gue rre , mais une vie ille mais on s olide , nantie
d ’une clie ntèle s ûre . De puis trois génér ations , le
nom de Dur o y s’é ta la it en lettre s (I or s ur le b a l
con de fer forgé d u pr e mie r étage et M. Pie rre
Dur o y , le patr on actue l, m é r it a it d ’être appe lé
par ses concur r e nts , ave c une pe tite nuance de
mé pr is , « l’honnête b a n q uie r », ce qui n ’est pas si
c o ur a nt dans la vie actue lle .
C’é ta it un homme de cinquante - cinq ans , encore
fort b e a u,a ve e de gr ands ye ux noir s qui r appe laie nt
ce ux de son fils, des tr a its calme s e t éne rgique s
a ux que ls les te nme s blanchie s do nna ie nt uno
étr ango (fvue e ur. En affaire s , il é ta it fr oid, ponc
tue l, intr a ns ig e a i.t. Dans ses rappor ts ave c ses
e mployés , il é ta it jus te , assez sévère , mais oapable
de bons mouve me nts . Mar ié à vingt- huit ans , il
a v a it e tc e x ce lle nt ma r i. S ’il s’é ta it olïe r t que lque s
fantais ie s au de hors , il s’e ta it toujour s ar r angé à
ce que sa fe mme n ’e n s oullr it pas . La nais s ance
d ’un fils a va it comblé tous ses vœ ux . 11 a va it
compté que Ric ha r d lu i s uccéde r ait, a v a it essayé
de le forme r. Un s ait co mme nt ii a v a it réus s i. Ce
garçon très jo li, cour e ur de fe mme s , pare s s e ux,
jo ue ur e t sans s cr upule s , é ta it la plaie de sa vie ,
la cause d ’une s orte de mar tyr e s oigne us e me nt
dis s imulé. P e nda nt tr ^s longte mps , i l a v a it été
in dulg e nt, fu is que lque s f o lie » tr op fortes l’a vaie nt
las s é. 11 a va it résolu de l’a ba nd onne r à son s ort.
Mais ce s ont là choses q u ’on d it e t q u ’on ne fait
pas qua nd on est vr a ime nt p^re e t sa br o uille ave c
Dic k ne I e mpé chau pas de s’occupe r encore de
lu i, be aucoup plus que le je une ho mme le s uppo
s ait.
Ce matin- là, qua nd Dic k a r r iva , il n ’é ta it pas
tr ès lie r. Dé lais s ant le rez- de- chaussée où il ne se
s ouc ia it pas d ’être ape r çu pa r le pe r s onne l, il
m o n la t o u t de s uite au pre mie r où se t r o uv a it le
bur e a u de Duroy e t le gar çon de bur e au l’in tr o
d uis it t o u t de s uite e n lu i dis a nt que « mons ie ur
l’a tte nd a it . »
Le ba nquie r é ta it s e ul, assis de va nt sa table de
t r a v a il. Le re gard q u ’il le va s ur son fils , à l’e ntrée
de celui- ci, e x pr ima it une inq uis itio n douloure us e .
On e ûl d it q u ’a v a n t de parle r il che r chait s ur ce
vis age pâle , un pe u fatigué, la répons e à une que s
tion secrète. Mais ce ne fu t q u ’un éclair. Il re de
v in t calme , pre s que cordial :
— Te voila? Ass ieds - toi, nous avons à caus er.
Dic k obéit. H é ta it vis ible me nt ma l à l’aise e t il
re sta les ye ux bais s és , é v ita nt le re gard de son
père :
_ T u ar rive s de Din a r d? de manda celui- ci.
— Ou i...
— Je sais. T u n e t ’étonne ras pas si je te dis que
je ne s uis pas par ticulièr e me nt s atis fa it de la
façon d o nt tu t ’es co nduit là- bas?
— Ma is ...
— Ne te donne pas la pe ine de te défe ndr e , je
s uis au c our ant. Mon pauvr e garçon, je ne vo u
dr ais pas t ’acc able r ... Mais il y a des mome nts
où je me de mande si tu ne de vie ns pas fou. Qua nd
tu as q u it t é Par is t u ve nais de pre ndre au Cercle
Colonial une culotte for midable . T u s avais pa r
faite me nt, d ’après notr e de r nière conve rs ation,
que tu ne de vais plus compte r s ur moi. E t tu ne
trouve s rie n de mie ux que d ’alle r joue r là- bas un
je u d’e nle r. Sine ce r ne nt, — t u vois , je to parle
s ans colère — où avais - tu la tê te ?
L ’a ir malhe ur e ux , Ric ha r d mar mo nna que lque
chose où il é ta it que s tion d ’une m a r tin g a le ... de
l’e s poir q u ’il a v a it e u de a se re faire »...
— Oui, r e pr it M. Dur oy. fous les joue ur s dis e nt
ce la! Et 1 e xpérie nce des uns ne corrige pas les
autre s . Br e f, rés umons - nous ; t u as pe r du à Dinar d
comme à Par is . E t contre le même adve rs aire . T u
vois que je suis re ns e igné. Combie n dois- tu?
De nouve au, le je une homme mur mur a q u e lq u e
chose, si bas que son père ne c o mpr it pas . Il s’ini*
pa tie nta :
—
Ce nt
—
—
Qu o i? lu ne pe ux pas par le r ? Combion ?
m ille ? Ce nt c inqua nte ...
De ux ce nt pas s és ...
Pas s és ... do combie n?
�S. O. S. ! Une fe m m e s o m b r e .
— Près de de ux ce nt c inqua nte .
— P ar fa it. Co mme nt compte s - tu les paye r ?
— Je ne sais pas , r é po ndit Ric ha r d d ’une voix
étoulîée .
— Evid e m me nt.
Il y e ut un lour d s ile nce . M. Dur o y , accoudé
sur son bur e a u, fix ait s ur son fils un r e gard d ’une
inte ns ité te r r ible . Lutta it - il contre la colère ?
Etait- il s e ule me nt accablé? Il é ta it difficile de le
savoir. Qua n t à Dic k, il é ta it pito y able . Sous ce
regar d qui de va it lu i pr oduir e un e lïe t d ’insupPortable angois s e , il s e mblait d im in u é , rape tis s é.
— Éc oute , d it br us que me nt le père .
Dick fit « oui » de la tête .
— Je pe ns e , r e pr it le ba nquie r , que l’he ure est
venue pour toi de t ’en re me ttre à moi c omplète
me nt. T u as pe r du t o ut dr o it de dis cute r mes déc i
sions. T u sais très bie n que je ne t ’aba ndonne r a i
Pas. Mais t u dois compre ndr e q u’il ne te reste
lu ’un pa r ti, c ’est de te s oume ttr e a bs o lume nt à
ma volonté. Y es- tu déc idé?
Le garçon e ut une ve lli ité de r évolte :
— J ’a i eu de gr ands tor ts , p re, c’est e nte ndu.
Mais je ne s uis plus un e nfa nt. Si tu ve ux m ’aider, i| me s e mble que je pour r ais me tir e r d ’a f
faires. Je ne ma nque pas d ’idée s e t...
Il s’ar rêta ne t. M. Dur oy ve na it de fr appe r s ur
*a table de s on poing fe rmé.
— Ma lhe ur e ux ! T u os e s ... T u oses encore me
servir de ces abs ur dités ave c le s que lle s lu as
essayé de me dupe r ce nt fois? le s idée s ? Je les
Sonnais, tes idée s I Voilà où elles nous ont me nés ...
Tais- toi 1 Mon pe tit, joue r s ur parole qua nd on
sera inca pa ble de re mbours e r e t q u ’on n’est pas s ûr
(>’avoir un r é po nda nt, cela s’appe lle vole r . lu as
compris ?
Jl s’é ta it le vé ; il mar cha à son coffre- fort, l’ouyHt, en tir a un pa que t de jo ur na ux q u ’il je ta s ur
t a b le :
— J ’ai là des fe uilles de potins , de chantage ou
*or> nom est é cr it en toute s le ttre s . On y p a r i' de
^ s mises énorme s au Cas ino de Dina r d. C’est à
?rever de rire . Se ule me nt, tu es mon fils e t moi,
J° ne ris pas . Et puis il y a autr e chos e ... Mais
Pela, c’est si g r a ve ... P e n d a n t ton s éjour là- bas,
y a eu un crime , n ’est- ce pas? Une Amér icaine
assassinée. T u fais ais partie de l’e s cadron dos
Je,| nes imbécile s qui e nlo ur a io nl cette fe mme .
é ta it ve nu se rass eoir de va nt s on bur e au. A
V0lx plus basse, il co ntinua , sans re garde r Ric ha r d:
.. — Un homme a été ar r êté pour ce me ur tre . Or
apu pr ouve r une s orte d ’a lib i. L’e nqui’te pié tine ,
" n hés ite ... On a, a u jo u r d ’h u i, la pre s que ce rtitude
'R'e ce n ’est pas lui qui a tué e t q u ’il faut cherc*ier pa r mi les familie r s de mis s Simps o n...
■Piclc s’é ta it renvers é s ur sa chaise . Il regarI a)t son p(*TO ave c des ye ux te r rifiés . Dur o y , la tête
•aisséo, fe uille ta it un re gis tre . Il d it ave c calme :
~7~ Voyons , mon pe tit. Ne crois- tu pas que le
p ille u r pa r ti est de faire ce que je vais to dire ?
*8- rnoi que tu m ’obéir as ...
y a va it dans sa voix qui tr e m b la it légèr e me nt
J1110 prière tr is te , déc hir a nte . Il é ta it clair q u’il
s’e x plique r a it pas davantage , q u’il ne prommi? ra*t pas les mots q u’il a va it peut- être s ur les
,'(Vres mais q u ’un reste d ’a mour pour son fils
pUÎT a it . E t Dic k ... Dick qui a v a it tr e mblé que
'‘Niade tte s ût, c o mpr e nait que Dur oy , lui, a va it
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de viné e t que ce q u ’il ne dis a it pas , c’é ta it : « Je
te s auve ... Je ve ux te s auve r, compre nds - moi
d o nc ... »
Il avala sa s alive ave c une contr action du gosier
q ui r e s s e mblait à un s anglot :
— Je ferai ce que tu voudr as , père .
— J ’ai décidé que tu pa r tir ais en Amé r ique . T u
s ais que j’ai un a m i là- bas qui est mon correspon- •
d a n t ... que lqu’un s ur qui je puis compte r comme
s ur moi- même . Ce t e iïur t que tu n ’as ja ma is voulu
faire ave c moi, ic i, t u le feras là- bas ... Il fa ut
que tu le fas s e s ...
Il ache va d ’une voix s ourde :
— Sinon tu es un homme pe rdu.
Il v it s on fils friss onne r des pie ds à la tête et
d it plus douce me nt :
— C’est conve nu?
— Ou i... Conve nu...
— Bon. Je vais m’o c c ip e r a ujo ur d ’h ui de r e te nir
ta place s ur le pa que bot le plus pr ochain pour
Ne w Yo r k. T u vie ndr a s de ma in che rche r mes
ins tr uc tio ns . Ah ! Un mo t e ncor e ... L ’homme à
q u i tu dois ce tte pe tite for tune , qui est- ce? Un
colon afr ic ain, m ’a- t- on d it ... Donne - moi son nom
et s on adres se. Je me me ttr a i en r a ppor t ave c lu i
po ur r égle r ta de tte ...
Ric har d fouilla dans s on por te fe uille , t e nd it la
carte de Ma r tin La Pére lle :
— « Factore r ie Ouas s oubé, pa r Ma lo undo u, Congo
Bie n. » Le nécessaire sera fait. T u as de ux ou trois
jour s pour prépare r ton d é p a r t ... A propos , pe n
d a n t que nous s omme s en t r a in de liquid e r ton
pass •, est- ce que tu n ’avais pas u n e ... a mie ? Oui,
e ncore une vila in e action que tu aur ais c ommis e ...
Ce tte je une fille qui ve na it che z nous , l’in s t it u
tr ice de ta s œ ur ... N ’y avait- il pas que lque chose
e ntre vous ?
— Non, père , Rie n. Un flir t qui n ’a pas été loin.
— T a nt mie ux . T u n ’as plus rie n à me dir e ?
Dick je ta a uto ur de lu i un re gard de détre s s e ;
puis :
— P è r e ... Est- ce que je pour rais alle r dire au
r e voir à ma ma n?
— Il le faut, Ric ha r d. Je pr épar e r ai les voie s.
Je lui aiïir me r a i que tu t ’ame nde s , que tu ve ux
comme nce r à vivr e ta vie d 'ho m m e ... Ne me fais
pas m e n tir ...
— Je to jur e ...
— Ne jur e pas. T âche d ’agir pr o pr e me nt... de
de ve nir un ho m me ... T u m ’e nte nds ? Un homme !
Dick cour ba la t/ te . Etre un homme 1 Comme
cola de va it êt r-* difficile !
Il s’en alla le nte me nt vers la porte , sans oser
te ndre la ma in à Dur oy. Ce lui- ci le r appe la j
— T u es sans ar ge nt, na tur e lle m e nt?
11 tr e s s a illit. Sans a r g e n t ... Oui, cela r e ve nait
au même , puis que ce lui q u’il a va it, il n ’y e ût to u
ché pour r ie n au monde .
Le p re, pr e na nt son s ile nce pour un acquie s ce
me nt, lir a de ux bille ts do son por te fe uille :
— Tiens 1 Voilà de ux mille francs. T u n’a u'a s
pas un sou do plus . Pour les achats nécessaires à
ton dépa t, fais- moi e nvoye r les note s ... Et pas de
cercle , he in ?
— Non. Je te pr ome ts ...
Il s or tit. De rr i re lu i, le banquie r s’e ffondr ait
s ur son fa ute uil, secoué par do lour ds s anglots :
— E t c’est ça, mon fils ! Ça ! Ça !
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S . O . S . ! U n e fe m m e s o m b r e ...
— Ma is ... il y a énor méme nt d ’ar ge nt, là ...
D’où vie nt- il?
*
Il s e ntit comme une m a in de fe r lu i serre r la
* *
gorge , mais s’efforça de rire :
— Il est à moi, sois tr a nquille ! Je puis en dis
De ux jo ur s s’é ta ie nt écoulés e ncore ... de ux
pos e r...
affreuses jour née s r e mplie s pour Dic k de te r re ur
—• C’est ton père qui te l’a r e mis ?
e t d ’angois s e . E t , de no uve a u, les amants se
— Mo n pèr e ? Non. J ’ai les dons pate r ne ls dans
r e tr ouvaie nt rue Pas quie r . Il v e n a it d ’annonce r
une autr e poche . — Il t â t a it les de ux mille francs
s on d é p a r t à Be r nade tte . C’é ta it la de r nière fois
r e mis pa r Dur oy q u’il a va it gardés dans la poche [
q u’ils se vo y aie nt. Effondrée s ur le gr and lit , e lle
de s on ve s ton. — Non, c’est à moi.
ple ur a it :
— Mais à toi, comme nt, Dic k? Il y a là des j
— Je te pe r ds , Dic k ? Je te p e r d s ! C’est fin i!
mille e t des m ille ... Voyons , qu’est- ce que cela
Qu ’est- ce que je vais de ve nir ?
v e ut dire ? T u de vais de l’ar ge nt à Ma r tin La
Il se pe nc ha it ve rs e lle , la s e r rait dans ses br as ,
Pér e lle e t...
s incère à ce tte minute - là comme il l’é ta it toujour s
De nouve a u, la m a in de fer s erra la gorge de
aux he ure s de pas s ion :
Dic k. Il a v a it cru se libér e r e n se débar r as s ant
— No n, ce n ’est pas fini, Be r nade tte , mon
de l’ar ge nt m a udit. Le cercle se r e fe r mait a uto ur
a m o u r ... Nous nous r e trouve rons . Je t ’éc r ir ai, je
de lu i, toujour s plus étr oit. Il é to ulla it . Encore
te tie ndr a i a u c our ant de t o ut ce que je fe r a i...
une fois, l’espace d ’une seconde , il e ut e nvie de se
T u vo ula is que je sois s érie ux ? Je le s e rai, t u
je te r à ge noux , de cache r sa tête dans la robe de ,
ve r r as ... Je fer ai for tune , là- bas e t sais- tu ? Je te
Be r nade tte , d ’a voue r ... Mais il se r e pr it, secoua
fe rai v e n ir ... T u me r e joindr as . Je t ’épous e rai,
la tête e t se m it à rire :
— Allons ! J ’aime mie ux t o u t te dir e . De puis ,
tie ns ?
Elle e s s uya ses y e ux , s o ur ia nt ma lgr é e lle :
mon r e tour , j’a i joué de nouve a u, là ... Il me
— Ou i, e t nous aur ons be aucoup d ’e nfants ,
r e s t a it que lque chose, j’ai to ut r is qué e t, cette
n ’est- ce pas ? Ah ! Dic k ! Que t u es fou !
fois , la chance m ’a favoris é... Une chance inso- 1
— F o u? P o ur quo i? E t , après t o u t ... pour quoi le nte , vr a im e nt :
ne pa r tir ais t u pas ave c mo i?
— Je ne puis acce pte r ce la, Dic k.
— Ce s e rait e ncore uue folie , Dic k, pir e que
—- Il fe r ait be au voir que je ne puis s e pas
toute s les a utr e s ... E t puis t u oublie s m a m a n ...
t ’aide r à s or tir d’un ma uvais pas ! Suis- je ton
Je ne puis l’a ba nd o nne r ...
a m a n t , oui ou non?
— C’est v r a i, ma pa uvr e chér ie , tu as t a mè r e ...
Elle s our it tr is te me nt :
Co m me nt va- t- elle?
— T u es mon a ma nt, o ui... Je ne sais plus très
— Ma l... j ’a i bie n d u s ouc i... Son pa uvr e cœ ur
b ie n si c’est po ur notre bonhe ur ou notre ma l
s’a ffa iblit, elle est très a né mié e ... Le mé de c in d it
h e u r ... Mais toi- même , t u as be s oin d ’ar ge nt.
q u ’il fa ud r a it be aucoup de t r a n q u illt é , a uc un
Il hés ita a v a n t de r épondre . Il che r chait dan« ;
to ur me nt, u n s éjour dans un pays de c lim a t très
son ce rve au l’a r g ume nt me ns onge r pa r le que l il
d o u x ... T o ut oe la, c’est bie n diffic ile ... Il fa udr a it
la c onva inc r a it :
de l’ar ge nt, je n ’e n ai pa s ...
— Ecoute , dit- il e nfin, n ’ins is te pas , ma
Dic k se fr appa le fr o nt :
chér ie . Je ne ve ux pas e mpr r te r cet arge nt- là. Je
— Je s uis im p a r d o n na b le ! C’est à caus e de moi
ve ux rompre ave c to ut mon pas s é... s auf lo i, bie n
que t u as pe rdu ta s itua tio n, que tu te trouve s
e nte ndu. Il me s ?mblo que cette s omme gagnée ;
dans cette te r r ible pas s e ... Mais j ’en a i de l’ar ge nt,
au je u me por te r ait ma lhe ur . En s or tant du cercle
ave c, je me s uis jur é de no plus touche r une carte
moi !
— Mon pa uvr e Dic k ...
de ma vie . Je tie ndr a i par ole .
— T u ne me crois pas ? Mais s i, j ’en a i e t je vais
— E t t u n ’as pas pour q u’il me porte ma lhe ur ,
t’en d o nne r ... Att e nd s ...
à moi?
Il alla fo uille r dans son parde s s us . Il lu i t o u r
— Non. T oi, il te s auve r a. Moi, il me pe r dr a it
n a it le dos , elle ne p o u v a it voir q u ’il décous ait
pe ut- être . Mon père me donne r a ce qui m ’est
fiévre us e me nt une e nve loppe de toile . Ce tte
nécess aire . Je dois appr e ndr e à compte r , dés or
e nve loppe c onte na it l’a r g e nt de Dina r d, pris à la
mais . Me ts cet ar ge nt dans ton Bac e t n ’en parlons
v illa des Sapins , la n u it d u c r ime , e t de s tiné
plus jama is .
d ’abord à a c quit te r sa de tte e nve rs La Pér e lle ,
Elle o uvr it son sac à ma in , s’efforça de caser
ma is a uque l il n ’a v a it ja m a is osé touche r , saisi
les liasses sans y par ve nir :
d ’une pe ur s upe r s titie us e . Il lu i s e mbla it q u ’un
— T o ut ne tie ndr a pa s ...
s eul de ces bille ts s uffir ait à r évéle r ce q u ’il a v a it
Il tir a do sa poche un jo ur na l :
fa it e t à le pe rdr e . Etr a ng e mélange do bon e t de
— Enve loppe lo reste.
ma uva is dans ce tto âme légère . Il é pr ouva it
Elle o bé it e t, s ouda in, se m it à rire :
s ub it e me nt une joie s auvage à l’idée de se déb a r
— Je pe ns e ... Ja ma is jo n’oserai change r tous
ras s er de cet a r g e nt q ui s auve r ait Be r nade tte de
ces b ille ts ... On croira que je les ai volés !
la mis èr e . Elle n ’a u r a it r ie n à cr aindr e , e lle, et
Il se mor d it les lèvre s , se fit ma l, pour ne pas
lu i, il s e rait d é liv r é de l’obs e s s ion. Il r e vint vers
p âlir , pour ne pas crie r. La pe ur le r e pr e nait. Ce
e lle ave c une énor me lias s e .
ue dis a it Be r nade tte é ve illa it en lui la pensée
— T ie ns ! dit- il. Ave c ce la, tu seras tr a nquille
’un nouve au dange r . Si on s’é to nna it, en effet,
po ur longte mps . T u pour ras s oigne r ta mère e t te
dans son qua r tie r par e x e mple , q u ’e lle e ut de
tir e r d ’affaire s ...
l’a r ge nt, elle qui de va it être couve rte de dette s
EÜe r e gar da it ave c s tupe ur le pa que t de bille ts
on po ur r a it la s ur ve ille r , la que s tionne r . Qu ’cllo
q u ’il lu i p la ç a it dans les ma in s :
3
�S. O . S . ! Une fe m m e s o m b r e ..
41
«CNCNC-
par lât et la filièr e s’é ta b lir a it t o ut de s uite ,
de puis s on r e tour , il dé vor a it les jo u r n a u x ; il
s avait que l’a lïa iie c ha nge ait de face, q u ’on c om
me nçait à croire à l’innoce nce de Br own, q u ’on
che rchait dans l’e ntourage de l’Am é r ic a in e ... Ce
C H AP IT RE II
q u’il a va it cru de voir le s auve r po uv a it le pe rdre :
. —7 11 y a une appare nce de vér ité là- dedans ,
dit- il en s 'efforçant de re s te r na tur e l. T u en seras
quitte pour a gir ave c prude nce . Change un s eul
L ’a r g e n t d u c r i m e .
bille t dans to n qua r t ie r , pa r e x e mple . Puis un
autre dans un g r a nd magas in. Ev ite les banque s ,
s urtout, elles s ont toujour s s ur ve illée s ... Qu ’est- ce
1 ue t u as ! P o ur quo i me re garde s - tu de cette
Mme Ar n a u d se s oule va pé nib le me nt s ur son
façon?
lit , s’accrocha à ses couve rtur e s pour ne pas
Ce q u ’e lle a v a it ? Non, elle ne p o u v a it pas le
r e tombe r e t a ppe la d ’une voix pla intive :
*ui dire . C’e ta it abs ur de e t infâm e , ce tte idée qui
— Be r nade tte I Qu ’est- ce que t u fais ? T u me
ve nait de lu i trave rs e r l’e s pr it et lui caus ait s ou
lais s e s? Vie ns ...
dain un malais e ins uppo r t a ble . Non, ce n ’é ta it
Que lque s minute s s’écoulèr e nt. 11 s e mbla it
Pas pos s ible ; elle r e je ta le sac e t le p a que t à côté
que , dans la pièce vois ine , la je une fille , s ur pris e
d’elle, v o ùla n l n ’y plus pe ns e r e t t e n d it les bras
pa r ce t appe l, e ût pr is son te mps po ur y r épondr e .
a Richar d :
Enfin , e lle p a r ut , s our iante , s ur le s e uil de la
— Mon c hér i, voilà b ie ntôt l’he ur e ... Je vais
chamur e :
être obligée de te q u it t e r ... Alor s , c’est fin i? Je ne
— Je s uis là. T u as be s oin de que lque chose?
^ re ve rrai pas ?
La ma lade r e tomba ; 1 e ffort q u ’elle ve na it de
. — No n... Je pars de ma in s oir. De ma in m a tin ,
faire par ais s ait avoir épuis e ses forces. Elle r épit:
•je vais voir m a m a n et je pass e rai sans doute la
ave c l ’e gols me incons cie nt de ce ux qui s oulïr e utr
Journée ave c e lle ... Je pe nse q u ’e lle voudr a
t
Pour quoi ne restes- tu pas près de moi, c e
^ ’accompagne r à la gare . Alors , tu vo is ...
s oir? Je m ’e nnuie ... Qu ’est- ce que tu fais ais , dans
Lüe re fe rma ses bras s ur lut en s a nglota nt :
t a chambr e ?
— Dic k, mon Dic k ! C’est notre de r nie r bais e r 1
— O h l Rie n de bie n intér e s s ant. Je 'c la s s a is
Jur e - moi...
des vie ux jo ur na ux pour les ve ndr e au poids e t
De ne pas t ’oublie r ? Mais puis que je t ’ai je re lis ais ce r tains a r tic le s ... Me vo ilà, tie n s ! Je
m ’ins talle à côté de toi.
. — Non, ce n ’est pas ce la que je te de ma nde ...
— Va che rche r tes jo ur na ux . T u finiras ici.
"Ure- moi que tu n ’as r ie n à to r e proche r que des
Un tr e s s aille me nt que M®e Ar na ud ne r e ma r qua
f°lies de je une s s e ...
pas s ecoua to ut le corps de Be r nade tte :
cacha s on vis age dans le cou tiède :
— T u ne voudr ais pas ! dit- elle en r ia nt. Il y
Je te le ju r e ...
en a un tombe r e au ! C’est e ffr ayant, ce q u ’on pe ut
. " 7 Jure - moi que tu auras d u cour age , que t u
acc umule r de choses inutile s dans une ma is on!
de vie ndras un homme ! Oh I Dic k, c’est la s eule
Elle a v a it r oulé un p e t it faute uil près de la
ch°se qui puis s e me faire s uppor te r cette affre use
couche , s’y as s e yait e t d ’un geste te ndr e , elle pr it
8®Paration...
la m a in de sa more , y posa s on fr ont :
J ’e s s aye r ai... Je te jur e que j ’e s s aye rai...
— Ma pe tite Be r na de tte ! Comme ta tête est
l'- lle le gar da contre e lle ; il se r é fug ia it dans sa
c ha ude ! T u n ’es pas ma la de ?
chale ur, dans s on pa r fum comme si elle e ût été
— Mo i? Je ne me s uis ja ma is mie ux portée .
CaPable de le défe ndr e contre tous les dange rs
— He ur e us e me nt, mon Die u l Q u ’est- ce que je
(l.u' po uvaie nt lo me nace r . Et elle a v a it l’improsde vie ndr a is s i...
?.'°U q u’il é ta it faible , si fa ib le ... Un pauvr e être
— Eh b ie nl T u me s oigne rais . Ce la te for ce r ait
Vré au ma l, quo le de s tin e mpo r ta it comme le
à guér ir . Je de vr ais peut- être e s s aye r...
Ven*' fait d ’une fe uille mor te e t e n q u i, de puis
— Ma pauvre pe tite 1 m ur m ur a la mère d ’une
ilU| ,Itjues minute s , elle s ava it q u ’elle ne pour r a it
voix qui se m o uilla it de lar me s . Me guér ir I A h l
JaiiiaiH plus a voir confiance ...
Je ne sais pas ce q u ’il fa ud r a it pour cola!
, ~~~ Dic k ... Dic k, mon a ina nt, a d ie u ... dit- elle
Be r nade tte a ppuy a plus for t son fr ont s ur la
lof t bas.
ma in mate r ne lle . 11 y e ut un s ile nce . M me Ar na ud
r e pr it ave c hé s ita tion :
p .'l no c o mpr it pa s ... Il ne po uva it c o mpr e ndr e ...
e dis ait adie u à l’homme q u ’elle a v a it cru con— T out à l’he ur e , tu dis ais que t u allais ve ndre
aitre et q u ’e lle a v a it a imé . Ce rte s, elle l’a im a it
ces jo ur na ux au poids ... Dis - moi... Nous n ’avons
plus du to ut d ’ar ge nt?
."Ujours ... Mais , épo uvantée , e lle déc ouvr ait en
"J un inc o nnu q ui, pe ut- être, a v a it tr e mpé ses
— Nous ne s omme s pas très r iche s , é vide m
ainB dans 1e s ang...
me nt, d it la je une lille e n r e le vant la tête . Mais
nous dépe ns ons si pe u...
— Si pe u! Et le mé de cin? Les mé dica me nts ?
Ah ! C’est un gr a nd ma lh e ur que tu aies pe rdu ta
place ! Je n’ai ja ma is compris , d ’a ille ur s ... T u es
oe rlaine do n ’a voir rien fa it q ui a it offensé ces
gens q u i é ta ie nt Bi bons pour toi?
— Je ne crois pas , ma m a n, T u sais, capr ice de
ge ns r iche s ... Ils ont dû s’avis e r to ut à coup
�42
S. O. S. ! Une fe m m e s o m b r e ...
q u ’Eliane é ta it ma in te na nt assez forte pour s uivre
dans un fourr é du parc. L ’e nquête a va it re com
des cour s ... ou je ne sais que lle a mr e chos e ...
me nce , hor r ible me nt diüic ile , car l'as s as s in n ’avait
— Ou i... El impos s ible de r .e n t r o uve r i T u ne
lais sé aucune trace , a ucun indice q ui pe r mit de
sors plus , de puis que lque s jo ur s ... T u as re noncé
lid e n t m e r . Aucune e mpr e inte . 11 de va it être
à c he iche r ? l'u t ’es de courage e ?
ga nte . On a v a it inte r r ogé s ucce s s ive me nt tous
« T u as re noncé à s or tir. » De puis que Dick
les familie r s de la ma is on, fouillé le ur vie. 11 n ’y
é ta it p a r t i, sa maître s s e n ’a v a it plus be s oin de
en a va it q u ’un q u ’on n ’a v a ii pu joindr e , dis aie nt
préte x te pour alle r le r e joindr e . Elle a v a it fait les jo ur na ux par us ce jour - là, le tils d ’une pe rs on
toute s les agences de pe r s onne l e ns e ignant. Elle s
n a lité très connue à t'aris . 11 é ta it a bs e nt...
r e gor gaie ni de diplôme s sans e mploi. iM“ « Ar na ud
L ’épouvantab le ve ille ! P ar la porte ouverte
ne se d o uta it pas q u ’e n ce mo me nt e lle to r tur a it
Be r nade tte e nt e nda it le faible s ouille de lû
sa lille . Mais Be r nade tte , s’o u b lia n t e lle- même ,
ma la de e ndor mie . La te te dans ses mains , elle
s e ntit la néce s s ité de la ras s ure r :
r e s tait de va nt sa ta ble , n ’os ant r e mue r . Il ne fal
— Non, c’est vr a i, je ne sors plus . Mais j ’atte nds
la it pas qu e lle s o upir a t, q u ’e lle ple ur ât comme elle
une le ttr e . Je crois que j ’ai tr ouvé que lque chose.
en a v a it e nvie . Lic k ... i- iek, un as s as s in! Qu’on
J ’a ur ai la répons e ces jours- ci. Que ique c nos e qui le déc ouvr it ou non, q u ’il r e s tât im p u n i ou\ ju’il
‘ ne sera pas tr s bie n payé, é vide mme nt, mais qui
lû t pr is , po ur e lle , il a va it tué. Elle le s avait.
me pe r me ttr a de ne pas te quit te r . Je tr a va ille
Sa iik re se mour a it, faute d ’ar ge nt. Eilu a avait
r ai ic i. Une tr a duc tio n anglais e pour un é dite ur ...
plus r ie n. Elle a va it e ngagé to ut ce qui, dans la
— C’est t r ,s bie n, c e la ! J ’avais e nte ndu dire ,
mais on, po uva it avoir une pe tite va le ur . Lncore
autre fois , q u ’il y avait be aucoup de débouchés
que lque s bijo ux à ve ndre e t ce s e rait la fin. Et
dans ce tte partie - là. Une allair e en amène une
elle a v a it la , cachée dans s on ar moir e p e r s o n n e lle
a utr e ...
s ous une pile de linge , une for tune : quatre ce nt
— C’est ce q u ’on m ’a d it. Va , tr anquillis e - toi,
m ille fr a nc s ! Le s a lu t ! Bie n plus que le s alut
m a m a n chér ie . Nous Unirons bie n pa r s or tir de
des année s e t des année s de vie pour elles de ux ’
là.
la guér is on, la pos s ibibilite de de pays e r la malade ’
— C’est q u ’il fa ud r a it be aucoup d ’ar ge nt, m u r
ce qui, lui a v a it d it le mé de c in, é ta it la seule’
mur a la ma lade . Le méde cin me le dis a it encore
chance de la pr olonge r , s inon de la s auve r... EUe
a ujo ur d ’h u i. L>es que le bi.au te mps r e vie ndr a, il n ’os ait pas y touche r , pas même en distraire un
s e r ait bon que j ’aille à la campagne , dans un
b ille t, un s e ul... Elle s ava it que ce t arge nt éta it
e ndr o it où l ’a ir ne s e rait pas trop vif. Ou peutcelui q ui a va it dis par u de chez ¿’Amér ica ine assas„ r\ ~ - - - - 1 - - - - - 1 être à Ro y a t... C’est e x ce lle nt pour le cœur .
s im e . On a v_____________—
a it che rché e n va- -in,
pié tous
ceux
‘m ve'i/.ic
luus ceux
— Oui, c’est une tr . s bonne idée . Des q u ’il
n ui to uc ha ie nt de près ou de loin à mis
on,
misss Simps
^
fera b a u ... Nous arr ange rons cela.
g ue ttJU
a iiU
nt o»
si a«uv/u»»
uc un »c
ne fa
is ait de
iciioaii*
uu dépens es exagé— J ’ai encore pe ns é à une chose : pour quoi
rees. On n ’a va it r ie n tr ouvé. L’ar ge nt é ta it là. E t
n ’écrirais- tu pas à Ma r tin La Pére lle ? 11 n ’est pas
e lle , Be r nade tte , elle ne po uva it doute r puisque
re ve nu nous voir, c’est un drôle de type . Mais je
en fe uille ta nt les liasses re mise s pa r Richar d, elle
crois q u ’il ne r e fus e r ait pa s ...
a v a it tr ouvé s oigne us e me nt épinglés , des paque ts
— Je vais y s onge r, m a m a n ... Mais voilà dix
de bille ts amér icains .
he ur e s , tu as assez bavar dé comme c« la, il faut
Ab o m in a t io n ! w o ir là de quoi
...... vivr
...........
e , do quoi
q
d or mir . Je vais te • o n ne r ta potion et puis , dodo!
êtr e r iche d u jo ur au le nde main, te nir dans
sa
Elle passa ses bras a uto ur de la malade ,
m n in la vie d ’un être q u ’on aime e t ne pas oser
l ’e mbras s a. Die u ! Que ce corps dont la vie s’en narce tiu’en os ant, on pe r dr a it un autr e être q u’on
a lla it un pe u chaque jo u r é ta it frêle ! Une e nfant
• î ne aus s i e t q u ’on se pe r dr a it s oi- même 1 Elle
e ût pesé plus lo ur d. Sile ncie us e , elle s ’occupa des
a a it la complice de son a m a n t puis qu elle rocépr é pa r a tif* de sa n u it , la lit boir e , la bor da, 1 ins
I ¡L pa r e e nt v o lé ; mais , a u moins p> rs onne ne le
talla confor table me nt, é te ig nit la lampe q u ’elle
v iv a it ne pouva it le s oupçonne r. Qu ’elle l’e nta mât
r e mplaça pa r une vi ille us é, posa s ur la table de
e t un has ard po uva it lance r la police s ur la piste .
n u it la pe tite s onne tte d ’appe l :
Savait- e lle s i des numér os des bille ts n ’éta ie nt pas
— Là I dit- e lle . Je lais se la porte de ma
chambr e ouve r te , sois tr a n q uille . T u s ais , il n ’en
C°E n Udis tr air e u n ... un s e ul, pour ache te r l’in dis
faut pas be aucoup pour me ¡réveiller...
pe ns able qui c omme nçait à ma nque r , e lle y a va it
Elle r s la encore un ins ta nt, la r e gardant
s ongé. C’é ta it une chance à cour ir. Mais
s ’as s oupir . Quand elle fut e ndor mie , elle gliss a
. au
mome nt o ù elle en a v a it la pensée, été
- - 1 a it m
ie ir ve nu
. . . u iliv p n u nui■
hors de la pi ce, r e ntr a dans sa chambr e où
-\i rre
un fait nouve
au qui I ava it
e mplie deinte
te rre ur
l’a tt e n d a it s on to u r m e n t ... son e nfe r !
Elle ne s or tait plus , a va it ,l;' -d it sa mère . Non, le
Elle n ’a va it pas me nti en dis a nt q u’elle clas
moins pos s ible . Jus te pour faire les achats in d is
sait des jo ur na ux . Ils é ta ie nt la, en pile s , étalés
pe ns able s , vers le s oir, en hâte , r as ant les mur s .
s ur sa table . De puis le jo ur où elle s’é ta it séparée
'le a va it la ce r titude d ’être filée
filé,
de I ick, elle lis a it e t r e lis ait tous ceux qui re la
Elle s e n é ta it avis ée un jour
j.ui
e ue a va
v a it été
jo
ur qi| u ’elle
ta ie nt le cr ime de Dina r d. Elle a v a it étudié
faire une course dans Paris . Ave nue de l’Oné r a ,
l’e nquête . I ’a bo r d. la Jus tice a v a it été convaincue
br us que me nt, comme elle s’é ta it arrêt* e m a c h in a
de la c ulp a b ilité de ce Br own, l'inte nda nt, irnli
leI nme
nt de vant
une vitr
vitr ine
ine ,, elle
i' " " r“çu,
"'
une
e ue aavait,
va it ape
nu u n o
I~ ~ —
v id u i o me ux . Mais de pui- , l’homme avait fourni dans
une glace , q ue lqu’un qui la r e gar dait. C’é ta it
un a libi indis c uta ble . Il n ’était pas à la villa la
un ôtr>* bizar r e , pe tit, un pe u contr e fait, ave c
n u it du cr ime , mais dans un t r ip o t clande s tin do
une alTreuse figure au nr z camar d, a ux ve ux
Din a r d . Les lé mo ig na g 8 é ta ie nt forme ls . Il é ta it
ve r ts , aux livr e s viole tte s . L ’homme , vê tu d ’un
e ntr é vers le m a tin e t, iv r e ,é t a it tombé, as s ommé
pardos s us r âpé , un chape au mo u tr ès e nfoncé s ur
�S . O. S. ! U n e fe m m e s o m b r e ...
le fr ont, a v a it une phy s ionomie mis ér able et
abje cte , l’air abs e nt d ’un domi- idiot. Elle a v a it
cru à un has ar d, s’é ta it éloignée ave c dégo t.
Mais ce même j nur , elle l’a v a it ape r çu de nou
ve au, la s uivant, de loin. Le le nde main, elle l’a va it
r e vu. Et de ux fois dans s on qua r tie r même , il
a v a it s urgi d ’un coin d ’ombr e , a va it mar ché un
in s t a n t s ur ses pas , puis s’é ta it effacé. Il n ’e s s ayait
pas de l’a bo r d "r , mais il la r e gar dait de loin.
De puis , elle n ’a va it plus de repos . Ce tte affreuse
figure , elle la r e voyait dans ses rêves. Il lui s e m
b la it to ujour s q u ’elle a lla it l’ape r ce voir, un soir
comme celui- c', collée à la vitr e d ’une fe nêtre . Il
e ût fallu pour cela q u’il e ût des aile s comme un
ois e au. Mais Be r nade tte ne r ais onnait plus . Elle
é ta it à l’he ure où la pe ur affole, fait pe rdre le
sens des r éalités . Qua nd on fr a ppa it à la porte ,
e lle de m a n d a it : « Qui e s t là ? » d ’une voix
tr e mbla nte . Elle fr is s onnait à la pensée que le b a t
t a n t ouve r t a lla it démas que r l’ho mme , le gnôme
que s uiv r a ie nt pe ut- être , dans l’ombre de l’esca
lie r , des policie r ve na nt l’ar r ête r ...
Dr o ite , im mo b ile à sa table e ncombrée par les
jo ur na ux , e lle r e s tait les ye ux fixes, r e gar da nt, en
face d ’e lle , la fe nêtre mas quée pa r des r ide aux de
ve lours us é. Par ins ta nts , il lui s e mbla it que ces
r ide aux r e mua ie nt. Si l’homme é ta it e ntré sans
q u ’elle le v it ? S’il é ta it caché là ? S’il a lla it s ur
gir t o u t à coup e t lui dire : — « Je sais que
l’ar ge nt est là ... Jj’a r g e nt q ui accuse Diclc
Du r o y ... » ?
P our écarte r ces idée s abs urde s qui confinaie nt
à la folie , elle r ame na sa pensée vers sa m^re .
Celle- ci 'ui a v a it d it t o ut à l’he ure : — « P our quo i
n ’écrirais - tu pas à Ma r tin La Pér e lle ? « —
Ma r tin La P ér e lle ? Ou i... Mais voici que , t o ut
à coup, dans son ce rve au s’évnqua la scène de
l’hôte l Savov. Pour quoi Dic k, de ux jour s apr ès ,
lu i avait- il de mandé si Ma r tin ne lui a v a it rie n
d it à son s uje t? Elle fa illit crie r. T o ut s’éclair a it
po ur e lle . La Pér e lle s avait ! Il a v a it s ur pris ou
de viné le cr ime de Ric ha r d et c’est pour cela qu'il
lui a va it offe rt.de l’e mme ne r , pour cela q u’il vou
lait, l’ar rache r à Dic k, pour la s auve r de l’abîme
où il lui a v a it p r é d it a u ’elle s ombr e rait,!
Non. C’é ta it fini. Elle ne p o uv a it plus lui
écrire . II é ta it tr op tar d. « S .O.S . » l L ’appe l de
d é t r ns s e I A quoi b o n? A l’he ure où elle se to r
dait. les ma ins dans cet apparte me nt, s ile ncie ux ,
condamnée e lle - même au s ile nce , il de vait être
s ur la me r. Elle ferma les ye ux , un in s ta nt, v it un
ciel étoilé, un imvir e e t, s ur le po nt, un homme
pe ne hé s ur le bastintratre r e gar dant les Ilots
s ombr e s ... I,’appe l ne lui p a r v ie nd r a it pas . La
fatalité l’a v a it voulu. Elle s ombr e r ait sans secours,
sans recours.
*
* *
La des ce nte co mme nçait.
Ce nt fois, d u r a n t les jour s q ui s uivir e nt, Be r
nade tte alla vers l’ar moir e . Entr e de ux pièces de
linge r ie , elle t â t a it l’énorme liasse en se dis a nt :
— Un b ille t ... Rie n q u ’u n ...
Mais elle re fe r mait, ave c une s ourdo épouvante .
En a lla n t chez les comme r çants , che z le pharma®*en, elle a v a it ape r çu e ncore l’homme qui
‘ e ffrayait. Un s oir à la tombée de la n u it ,
Mme Ar na ud se tr ouva plus ma l et Be r nade tte
c our ut chez le mé de c in. Comme elle r e ve nait
pre s que de va nt sa de me ure , elle he ur ta l’inconnu
qui fais ait le gue t, lui s embla- t- il. Elle e ut
l’impre s s ion q u ’il a lla it l’abor de r , lui parle r . Mais
il se r avis a, s’écarta e t, je t a n t un re gard fur tif
de r rière e lle , elle le vit, immobile , la s uiva nt du
re gard ave c s on a ir hagar d.
Ens uite , elle n ’e ut plus le lois ir de s’occupe r de
ce qui po uva it se pass er a u de hors . L ’é ta t de sa
mère s’ag gr ava it de jour e n jour . Le méde cin,
d e vina nt dans que lle s itua tio n tr agique les de ux
fe mme s se tr o uva ie nt, au point de vue ma tér ie l,
après une ou de ux allus ions à la néces s ité d ’un
change me nt d ’air , se ta is ait. D’aille ur s , le mo m e nt
v in t où, de toute s façons , il e ût été impos s ible de
faire voyage r la ma la de . Be r nade tte a lla it se
tr ouve r s eule au monde e t sans ressources. Elle
n ’a va it pas écr it à Ma r tin , un ma uvais orgue il l’en
a va it détour née . Lors de le ur de r nière e ntr e vue ,
à l’hôte l Savoy, elle a va it été libr e de chois ir son
de s tin. Elle l’a va it chois i. Elle d e va it en porte r
le poids , s eule, e t ne pas r e cour ir à ce t homme à
qui elle n ’a ppa r tie ndr a it jamais .
Mme Ar na ud s’éte ig nit, sans s ouffrance , le
27 déce mbr e . Au m a tin du 28, qua nd le docte ur
ar r iva pours a vis ite quotid ie nne , il ne p ut que cons
tate r que to ut é ta it fini. La douce fe mme qui
n ’a va it vécu que pour s on ma r i e t pour sa fille ,
re pos ait e nfin, e lle n ’a ur a it plus à s’inquié te r
pour pe rs onne .
Le méde cin cons idéra ave c pitié cette be lle
fille pâle do nt les ye ux n’a vaie nt plus de larme s :
— Ma pa uvr e e nfa nt, dit- il, q u ’allez- vous
fair e ? Puis- je vous être utile à que lque chos e ?
Ave z- vous de la famille que vous puiss ie z pr éve nir ?
— No n... Je n ’ai plus pe rs onne ...
Ce fut à cel te minute douloure us e q u ’elle songea
pour la de r nièr e fois à Ma r tin La Pére lle . Mais
elle écarta sa pe nsée . Elle a va it chois i. Dic k é ta it
loin ; elle n’avait, plus de ses nouve lle s . Peut- être
l’oubliait- il dé jà. Il é ta it si lé ge r ! C’e ût été à lui
de la s ecourir e t elle ne pouva it même pas lui
écrire , ignor a nt où il se t r o uva it. Elle répéta
far ouche me nt :
— Pe r sonne ! Non ! Pe rs onne I
Elle acce pta l’aide du docte ur qui lui offr ait de
la s econde r dans les pénible s formalités néces
s aire s. La concie rge , une vois ine s’intér e s s ère nt
aus s i à e lle . Elle e mploya se* de r nière s ressources
pour l’e nte r r e me nt qui fut. de la classe la plus
mode ste et. que , s eules , les de ux brave s fe mme s
s uivi"e nt ave c e lle. Mais , le s oir, elle vo ulut r e n
tr e r che z e lle , e t s’e nfe r ma dans l’a ppa r te me nt.
Elle passa de longue s he ure s à to ut me ttre en
ordre , e ndo r ma nt sa doule ur dans des besognes
ménagère s . Vers onze he ure s du s oir, le loge me nt
a va it re pris son as pe ct ha bit ue l. Se ule m a nq ua it
la clv're prés ence qui, de puis toujour s , occupait
le oœ ur e t la vie de Be r nade tte .
Ce Tut dans la chambr e de la morte q u ’elle v in t
s’asseoir, s ur le pe tit fa ute uil bas quYlle plaça it
générale me nt au che ve t du lit. Elle a va it a llumé
la ve ille us e comme elle le fais ait chaque s oir et
elle resta là, dans la pé nombr e , les mains s ur les
ge noux, s ong- ant...
Une pensée la ncina nte , toujour s la même , to r
t u r a it s on e s pr it fatig ué:
�44
— Si j ’avais eu le courage de touche r à cet a r
ge nt, j ’aur ais pu la s oigne r mie ux que je l ’a i fa it ...
Pe ut- être ne serait- eile pas mo r te ...
Ce t ar ge nt qu e lle s e nta it Jà, dans l’ar moir e , lu i
é ta it odie ux à la façon d ’un être déte s té. Il é ta it
la caus e de to ut, du d é pa r t de Dic k, de l’a ba ndon
où e lle se tr o uv a it. Co mme nt avait- e lle pu gar
de r ces bille ts ma udits q u i pa r la ie nt d ’un crime ?
Il fa lla it les détr uir e . Ce ne s e r ait que lor s qu’elle
les s aur a it ané antis q u ’e lle r e s pir e r ait, q u ’elle
po ur r a it r e garde r la vie en face . Car elle vo ula it
vivr e ; e lle é ta it tr op be lle , tr o p vigoure us e pour
se laiss e r a lle r , pour s onge r au s uicide .
« Je br ûle r a i le pa que t de m a in m a tin , » se dite lle .
C’e ût été très s im ple , e n effet. F o ur quoi eut- elle
s oudain une crainte a bs ur de ? T o ut ce papie r
dans la c he miné e ... Si e lle a lla it me ttr e le fe u au
tu y a u ? On vie nd r a it , on tr o uve r a it les fr agme nts
des bille ts , on s’ape r ce vr a it q u ’elle a v a it voulu
faire dis par aîtr e de l ’ar ge nt, e lle qu’on s ava it au
de r nie r de gré du d é n ue m e nt... Encore un d a n
ge r ... Elle fe r ma les ye ux , v it e n pe ns ée le fe u de
che minée , les pas s ants s’a ttr o up a n t e t, au pr e
mie r r ang, l’ho mme q u i l’é p ia it de puis t a n t de
jo ur s ... 11 pr o fita it du dés e s poir po ur monte r
dans l’a ppa r te m e nt, il d is a it:
— Vo y e z... Ce b ille t à de mi br ûlé v ie nt d ’Am é
r ique ...
Alor s , la pensée de la Se ine lu i v in t . Alle r loin,
du côté de Saint- Cloud ou de Sur es ne s , je te r le
pa que t dans un coin dés e r t. Si on le r e tr ouvait,
on ne s aur a it ja ma is d ’où il é ta it ve nu.
Elle finit pa r s’e ndor mir , la tête a ppuyé e s ur le
lit de sa mère . E t qua nd e lle se r éve illa, assez
ta r d , dans la ma tiné e , cour batur ée , la tête do u
lour e us e , elle r e tr ouva sa r és olution de la ve ille .
Elle r és olut d ’a tte ndr e la tombée de la n u it
pour me ttr e son pr oje t à e x écution. Elle fit un
pa que t très serré e t bie n e nve loppé des liasses.
Pe r s onne ne po ur r a it s oupçonne r ce q u ’elle e m
po r ta it.
Elle s’avis a q u ’elle n ’a v a it pas d ’ar ge nt pour
pr e ndre un ta x i. Elle che r cha dans la mais on ce
q u ’elle po uva it avoir encore q ui p ût se ve ndr e . Il
lu i r e s tait un collie r ancie n d ’améthys te s qui
a v a it a ppa r te nu à sa mère . Elle descendit, e t, chez
un a ntiqua ir e q ui lui a v a it dé jà ache té des bib e
lots , o b tin t ce nt francs à caus e de la montur e
d ’or.
A s e pt he ure s d u s oir, elle s or tit de che z e lle ,
po r ta nt son far de au m a u d it , bie n lége r en vé r ité ,
ma is q u i lu i par ais s ait si lo ur d.
Sur le q ua i, elle ar r êta un tax i e t donna l’ordre
au chauffe ur de la conduir e au po n t de SaintCloud. Au mo me nt où e lle m o n ta it dans l ’a uto,
il lui s e mbla vo ir se détache r de l ’ombr e d ’une
mais on la s ilhoue tte de l’in d iv id u q ui l’in q uié ta it .
Était- ce une h a llu c in a tio n ? Sa tête bo ur do nna it .
Elle n ’a v a it même pas songé à ma nge r de puis la
ve ille . Son cerve au ma lade p o u v a it bie n e nfante r
des fantôme s . Elle se r e je ta s ur la banque tte , d it :
— Alle z vite !
Et ramas s ée s ur e lle - même , ple ine d ’angoiss e ,
to ujour s ave c l’idée q u ’e lle é ta it pis tée , e lle
gue tta tout le long du tr a je t si elle ne voyait pas
une autr e voitur e la s uiva nt. Mais , à cette he ur e ,
il y en a v a it t a n t q u ’il e ût été bie n impos s ible de
S. O . S : ! U n e fe m m e s o m b r e ...
•¿x s n
o
s’en re ndre compte , en a dme tta nt que ce fût vr a i.
E nfin, la voitur e s’ar rêta. Elle de s ce ndit, paya
e n change ant le fame ux b ille t de ce nt francs .
Comme elle a lla it s’éloigne r , elle v it un autr e
ta x i q u i s’ar r ê ta it égale me nt à l’autr e e x tr émité
du po nt. Un homme en s or tit q u ’elle ne pouva it
pas bie n voir à cause de la dis tance mais q u ’à sa
t a ille e t sa s ilhoue tte elle cr ut r e connaîtr e pour
s on e s pion; elle s’appuya au par a pe t, dé fa illante .
L ’in co nnu n ’a vança it pas. Mais la voitur e q u ’il
a va it quittée , re mis e en mar che , longe ait le t r o t
to ir à une a llur e le nte . Elle te nta de se r ais onne r.
Ce n ’é ta it pas ce lui q u ’elle r e douta it. Non, ce
n ’é ta it pas lu i, elle de ve nait folle ! Si on a v a it
s ur pr is son secret, si elle a va it dû être arr êtée ,
elle l’e ût été de puis longte mps . Dé libé r é me nt,
jo ua n t le t o u t pour le to ut, elle s’e n a lla a u bor d
de lâ Se ine .
Là , elle re s pira. La n u it é ta it s ombre , le qua i
dés e rt. Elle s’é ta it ce r taine me nt tr ompé e . Elle
p r it sa cour se , a lla n t vers le po nt de Sèvre s . A
cet e ndr oit, la rive longe le parc, elle n ’a va it
<mère à cr aindre d ’être épiée .
Il fais ait fr oid, elle gr e lottait, serrée dans un
vie ux ma nte a u de loutr e usée dans le que l e lle
d is s im ula it le pa que t tandis que , de l’autr e ma in,
elle te n a it son sac. Elle s’appr ocha du bord de
l’e au, se lais sa glis s e r assise par terre . C’é ta it là
q u ’elle je tte r a it la for tune ma udite ; ma is , avant
de faire le geste décis if q u i la libé r e r a it, elle
lança un coup d ’œ il c r a intif a uto ur d ’e lle.
On m a r c h a it ... Elle é ta it ce rtaine qu'o n ma r
c ha it le long du parc. C’é ta it l’homme , e lle l’e ût
ju r é . T a nt pis ! Il a r r iv e r a it tr op tar d. Elle se
pe ncha e t, do toute s ses forces, elle je ta le
p a q ue t ...
E n même te mps , elle se s e ntit prise aux
épaule s . U n souffle cour t, ha le ta nt, lu i eflleurale
cou, les ore ille s . Elle se d é b a ttit , v o u lut cr ie r ;
ma is sa vo ix s’étouffa dans sa gorge ; e lle m u r
m ur a s e ule me nt :
— N o n ... No n...
P uis e lle cessa de lutt e r , s’a ba ndonna . Ello sen
tit t o u t tour ne r a uto ur d ’e lle et_olle_s’évanouit.
CH AP IT RE III
M ARIE- JOSÉ.
Il po uv a it être m in uit .
Entr e Ville bon à l’étang célèbre e t Ve rs aille s
le délicie ux village de Vé lizy dormait dans sa
ce intur e de che ne s , de châtaignie r s , de boule aux
e t de tr e mble s , reste d ’une ancie nne forêt o ui
s’é cla ir c it ma lhe ur e us e me nt un pe u chaque année
Mais une villa , pe rdue dans son jar din ombr acô
r e s tait allumée . De te mps en te mps , on y e nte n
d a it los aboie me nts de de ux énorme s chions de
garde , des danois Ar le quins qui, nu moindr e
b r uit, vouaie nt s aute r après la grille . Une mais on
un pe u re tiréo, un pe u secrète, re fuge d ’a m o u
�S. O . S . ! U n e fe m m e s o m b r e .
r e ux ou de gens q ui cr aigne nt les intr us et les
im po r tuns , amants de la s olitude et d u s ile nce ...
Dans un s alon bie n me ublé , aux me uble s
XV I IIe cossus e t de goût re che r ché, de ux pe rs on
nages caus aie nt à vo ix basse. Ils é taie nt assis près
de la che minée où b r ûla it un gr and fe u de bois ;
une lampe torchère éle ctr ique b r illa it à l’e x tr é
m ité opposée de la pièce , tr op loin pour q u’ils
lus s e nt ne tte me nt éclairés e t ce n ’é ta it que
lor s qu’une haute flamme ja illis s a it du foyer
q u ’on po uva it ape r ce voir le urs vis age s .
De ces de ux pe rs onnage s , l’un é ta it une fe mme
vêtue d ’une douille tte ouatée d ’un ve r t jade très
doux . Elle a v a it d û être s urpris e dans s on s om
me il et s’être re le vée pour acc ue illir le vis ite ur
noctur ne assis e n face d ’elle, car lors que le vête
me nt s’o uv r a it, on ape r ce va it un py ja ma de soie
du même ve r t a douci. Ce tte fe mme é ta it jolie ,
fine , de pe au dorée e t elle a v a it d’étrange s ye ux
ve rts que le vois inage de la flamme s e mait, par
in s ta nt, de reflets dorés . Pe nchée e n a v a n t, elle
inte r r oge ait fiévr e us e me nt l’homme q ui chauffait
ses ma ins à la flamme , e t se r e tour n a it pour lu i
r é pondr e .
U n ho mme , o ui... Mais si dis gracié pa r la n a
tur e , e n vé r ité , q u ’il n ’e ût pas fa llu g r a nd’ehose
pour q u ’il ne dé p a r ât pas une bar aque de mons tre s
dans une fête for aine . Il é ta it p e tit , ave c une
omopla te re s s ortie d ’un s eul côté, ce q u i,
lor s qu’on le r e gar da it de biais , le fais ait par aîtr e
bos s u. La figure é ta it pla te , le ne z ca ma r d, les
lèvre s d ’un ton vio le t q ui d o nn a it à toute sa p h y
s ionomie un a ir malade e t ma ls ain. Mais dans sa
figure pâle luis a ie nt des ye ux ve rts comme ceux
de la fe mme . Ces ye ux a va ie nt une pr opr iété pa r
ticulièr e q u i ne c o ntr ib ua it pas à r e ndr e l’in d i
vid u moins in q u ié t a n t . Le ur pr opr iéta ir e s avait,
à volonté, les éte indr e , le ur im p r im e r une e xpre s
s ion va gue , hagar de q ui d o nn a it l'impr e s s ion de
l’id io tie ; dans ces mome nts - Ià, les grosses lèvre s
s’affais s aie nt, l’infér ie ure t o m b a it, tandis que le
cou, dé jà cour t, r e ntr a it dans les épaule s . Il s e m
b la it alors que l’homme p o r tât un ma s q ue ... un
mas que de chair . Mais , en ce mome nt, il fa ut
croire que ce tte oomédio é ta it in u t ile , car les ye ux
ve rts p é t illa ie n t d ’inte llige nco et, t o u t le vis age
é ta it a nimé par une s orte do malice q u ’on e ût pu
dir o d ia b o liq ue , car elle d o nn a it l ’idée que cet
être é ta it né po ur le mal et. ne devait, se complair e
que dans le ma l. Le diable ? Non. Méphis tophélès d o it avoir une autr e allur e , il est be au cava
lie r e t il resto e n lu i que lque chose de l’ange
déc hu. Un démon s orti de l’e nfe r et dévolu aux
basses bes ogne s , fa it pour ha nte r des nuits de
c auche ma r , pour se glis s e r dans l’ombre ot y
pe r pé tr e r des crime s ignor és ...
— Alors , d is a it la fe mme , tu es bie n ce r tain que
o’est e lle ?
— Co mme nt ve ux- tu que je me sois tr o mpé ?
dit, le gnome d ’une voix fêlée ot r a uque . Voilà
de ux mois que je la s ur ve illo. T u compr e nds ,
j ’a tte nda is le mo me nt d ’e ntr e r en s cène. Mais je
ne pe ns ais pas que ce s oit dans une occasion
comme ce lle - là...
— Elle a vo ulu se s uic ide r ?
— Oui. Je la s uivais de puis q u ’olle é ta it s ur la
berge . Qua nd je l’ai vue s’a p la tir près du bord
do l’e au pour so laisse r glis s or, j ’ai s auté de s s us .
45
Elle s’est débattue e t elle a pe r d u connais s ance ,
f.ï La fe mme e ut un étr ange s our ire . Elle d it à mivoix :
— Que lle ve nge ance , s i...
Le gnome s ur s auta et tour na ve rs e lle u n v i
sage fla mboyant de colère :
— Une ve nge ance ? Contre qui ? La Pére lle me
l’a confiée , ce tte fe mme , a va nt de pa r tir . Il m ’a
d it : « Ve ille s ur e lle . Si un dange r la me nace ,
je compte s ur toi pour l ’en tir e r . » J'a i jur é . Je
lu i dois assez po ur te nir ma prome s s e . U m ’a
s auvé la vie , ne l ’oublie pa s ...
, . Elle r it d ’un pe tit rire fêlé, un pe u doulour e ux :
— Il t ’a s auvé la v ie ! Es- tu bie n ce r ta in que
c’é ta it un s e rvice , pa uvr e être ?
— N ’impo r te ! r épondit- il, la voix s ourde . Ce tt
vie , si mis ér able q u’elle te par ais s e , Marie- José,
j ’a i la faibles s e d ’y te nir . Et puis , u n s e r me nt est
s acr é... E t e nfin, quo i? T u parle s de ve nge a nce ?
Qu ’est- ce q u ’elle t ’a fait, ce tte fille ?
— Elle , r ie n. Mais lu i...
— Je ne te pe r me ttr ai pas d ’y touche r , à lui!
cr ia s oudain le gnome fur ie ux . Pas plus q u ’à elle ,
d ’aille ur s , car s’il me l’a confiée , c’est q u ’il
l’a im e ...
— Il l’a im e ! répéta- t- elle. Ou i, sans doute , il
l’a im e ... Elle m’a s e mblé be lle , d ’a ille ur s ...
— Oui, elle est be lle . Éc oute , je le sais mie ux
que pe rs onne , puis que voilà des jour s et des jour s
cjue je la s uis . E t c’est pour cela que , ce soir, au
he u de l’avoir r ame née che z e lle ou même chez
moi, je l’ai conduite ic i...
— Qu ’est- ce que t u ve ux dir e , Mar cus ?
— Je vais te l’e x plique r , Marie- José.
Il se r a ppr ocha d ’e lle , v in t s’as s eoir c âline me nt
à ses pie ds , a ppuy a sa tête hide us e s ur les ge noux
de la je une fe mme . C’é ta it, e n vé r ité , u n s pe c
tacle étrange , de va nt ce fe u r ouge oyant, que ce
couple , ce tte jolie fille aux che ve ux a u b u r n , à la
grâce plia nto et ce mons tr e . Se uls , les ye ux ve r ts ,
a bs olume nt pare ils , r é véla ie nt la par e nté étr oit
de Marcus Mur doch et de Marie- José Fargas ,
l’e s pionne , frère e t s œ ur .
— Écoute - moi, pe tite s œ ur , d it le gnome . Tu
sais combie n je t ’aime . T u sais que , dans tous les
actes de ma vie , tu os la pr e mière à qui je pense.
Ma r tin La Pér e lle m ’a s auvé la vie , ja dis , je lui
ai une grando re connais s ance et je fe rai toujour s
to ut ce que je pour r a i po ur lui. Si j ’a i arr aché
ce tte fe mme au s uicide , ce s oir, c’est pour te nir
l’e ngage me nt que j ’avais pris vis- à- vis de lu i.
Mais si ce tte fomme est ici ce s oir ... c’est pour
toi.
— Pour moi ?
— Ou i... Elle est très be lle , tu l’as d it ot c’est
en qui m ’a donné une id é e ... T u eB malhe ur e us e ,
Marie- Jos é?
— Pour quoi dis- tu ce la? De quoi le mêle s - tu?
— L à ... Là ... No nous fâchons pas . Mur doch
s ait ce q u ’il s ait. T u es malhe ure us e parce que ,
en dé pit des année s , tu es toujour s aus s i a m o u
reuse do ton a m a n t , notre be au Sode r ling...
— Ch ut! No prononco pas co nom. T u sais bie n
que , dans ce tte v illa ...
— Oui, S. — t u vois , je ne dis que l’in itia le ! —
est, un riche Ro uma in, M. Mihale s co. Br e f, S. Mihalesce exige do toi quoique chose que tu ne poux te
décide r à faire .
�46
—
... ....... ...........
— C’est v r a i...
— Il t ’a la it , grâce à ses re lations , e ntr e r comme
dactylo au s ervice des Ar chive s secrètes de la
Gue r r e . Ce ci, e n t ’o r do nna nt de de ve nir la m a î
tresse d ’un ce r tain s e crétaire , très a ma te ur de
fe mme s , Chr is tian Cléris s e e t d ’o bte nir de lu i des
re ns e igne me nts s e cre ts ... He in? Où en sommesnous , ma pe tite s œ ur ?
— Je s uis pris e e ntre l’e nclume et le ma r te a u,
dit- e lle. Er ic s’imp a tie nte . Et moi, je ne pe ux me
déc ide r à céde r à ce t homme q u i me dé pla ît.
— C’est po ur quo i, pe tite s œ ur , j ’ai pe ns é à une
s ub s titutio n de pe r s onne ...
— Qu ’as- tu encore inve nté ?
— Une chose très s imple . La be lle Be r na
de tte Ar na ud est ic i. Elle va y re s te r parce que
t u es bonne , que t u t ’intére s s e ras à e lle , à sa
tr is te his toire q u ’elle ne pour r a ma nque r de te
r aconte r . T u la dress eras, et tu la je tte ras dans
les bras de Clériss e . E t c’est elle q ui joue r a le
rôle que t u te refuses à jo ue r .
Elle haus s a les épaule s :
— T u es fou I C’est invr a is e mbla ble ! A force
de che rche r des combinais ons ma chiavélique s , tu
tombe s à côté, mo n p e tit ! P o ur q uo i ve ux- tu que
ue ce tte fille cons e nte à ... C’est une Fr ançais e ,
’abor d. Elle n ’est pas du m é tie r ... Et puis ,
e ncore faudr ait- il que Cléris s e s’é pr it d ’e lle. Et
p u is ...
— E t p u is ... E t p u is ... r ailla le gnome , j ’ai
réus s i des choses plus difficile s que c e la ! J ’ai
pr omis à Ma r tin La Pér e lle de ve ille r s ur son
a mie , je l’ai arr achée à la mor t ce s oir ... Mais je
ne lui ai pas jur é que je ne la ferais pas s e r vir aux
r oje ts de ma s œ ur c hé r ie ... e t, s ur tout, à son
onhe ur!
— Mon b o nhe ur ! mur m ur a farouche me nt
Marie- José. Ou i, tu as r ais on, mon b o nh e ur !
P our moi, il n ’e xiste q u ’un être au monde et
pour rester à lui, pour que rien ne vie nne s ouille r
notre a mo ur , je fe r ais ... je fe r ais ...
— Ce que je te dir ai de faire , Marie- José. Vie ns ,
nous allons alle r voir la re s capée ... Où est- elle ?
— Dans la chambr e d ’a mis , au s e cond... Ma
fe mme de chambr e P h ilip p a est auprès d ’elle.
— P a r fa it ! Vie ns ...
Ils q u it t è r e n t le s alon, mo ntè r e nt l’escalier do
la v illa . Qua nd ils fur e nt ar r ivés au de uxième
étage , Marie- José précéda son frère et o uvr it une
porte . Une fomme qui v e illa it près d ’un lit se
le va. C’éta it la fe mme de chambr e P h ilip p a , uno
br une nu dur vis age d ’Or ie ntale :
— Eh b ie n ? inte r roge a Marie- José à voix
basse.
— Elle dor t to ujo ur s , ma da me . Elle n ’a rie n
d it , elle n ’a posé aucune que s tio n. Aus s itôt sortie
de son évanouis s e me nt, elle est tombée dans !o
s omme il.
-r- Bon. Laiss e- nous .
La fille s o r t it . Le fr ' r e e t la s o ' u r s ’a p p r o c h è r e n t
d u lit o ù r e p o s a it B e r n a d e t t e .
Lor s que , pe nchée s ur le fle uve , elle s uiv a it des
ve ux le pa que t des bill ts q u ’elle ve na it d ’y je te r,
Marcus Mur doch l’a v a it s ais ie aux épaule s ,
convaincu q u ’e lle a lla it se lais se r glis s e r dans
l’e au. Ave c l’aide du chaulTeur de la voitur e qui
s uiva it à vide de puis le po n t de Saint- Cloud, il
l’a va it tr ans por tée dans le t a x i, a v a it donné
S. O. S. ! Une fe m m e s o m b r e ...
l’adres se de sa s œ ur . De puis q u ’on l’a va it
dés habillée e t couchée . Be r nade tte é ta it , en effet,
re ve nue à e lle. Mais elle é ta it si faible q u’elle ne
s’é la it étonnée de r ie n, et de IVévanouis sement elle
a va it s ombr é dans un tota l a né a nti s e me nt.
Elle r e pos ait, pâle , mais apais ée par le s omme il.
Ses boucles blonde s étalée s s ur l’ore ille r e nca
dr aie nt son be au vis age d ’un cadre d ’or cuivré.
Des couve rture s un pe u r e je tée s s or tait le ha ut
du bus te , s culptur a l, d ’une bla nc he ur de la it .
Marie- José la r e gar dait, restée à que lque s pas .
Mur doch, lui, v in t to ut près d u lit. Douce me nt,
il écarta le couvre - pie d, le dr ap :
— Re gar de ...
Be r nade tte a ppa r ut à de mi- nue , dans toute
la gloire de son corps s ple ndide et je une . On
voyait les be aux seins durs , les jambe s de s tatue :
— Crois- tu q u ’elle est be lle ? clit- il à voix basse.
— Oui, bie n b e lle ... T rop be lle pe ut- être ,
mur mur a Marie- José.
D’une ma in hés itante , e lle r e c ouvr itBe r nade tte .
Puis s ile ncie us e , e lle r e tour na dans le couloir où,
appuyée au m ur , la fe mme de chambr e a tte nd a it :
— Re tourne z ve ille r , P h ilip p a , ordonna- t- elle.
De main m a tin , dès que ce tte je une fe mme
s’éve ille r a, ve ne z me che rche r ...
Elle re de s re ndit et s’arr êta dans le couloir du
pre mie r étage . Elle m it la m a in s ur le bras de
son fr 'r e :
— Vie ns dans ma chambr e , Ma r c us ... Je ne
dor mir ai pas cette n u it ...
Et comme il r e s tait mue t, les tr aits as s ombr is ,
elle lui serra le .bras dava ntage :
— Pa vre Marcus ! Pre nds gar de 1 Ce tte fille
est bie n be lle ... T u ve ux mon bonhe ur , m’as- tu
d it ? Die u ve uille que ce ne s oit pas po ur notre
ma lhe ur à tous q u ’elle e ntre ici !
*
*
*
L ’homme qui a va it loué la villa de Vé lizy sous
le nom de comte Miha hs c o é ta it un e s pion, ou, si
l’on préfère ce mot, un agent, du service secret de
Re ns e igne me nts tr a va illa nt pour le compte d ’un
é ta t de l’Eur ope Ce ntr ale , la Baltavie et, s ur te ut,
en r éalité pour une or ganis ation politique qui
a va it des r amifications un pe u pa r tout. D’abor d
attaché milit a ir e auprès d ’un général ha lta ve , e t
connu alors sous le nom de Sode r ling qui éta it
pe ut- être le s ie n, il a va it dis par u il l’époque de
la fame us e affaire d ’Alge r ii l’oecasion de laque lle
Ma r tin La Pér e lle , agent du Contre - Es pionnage
français , a va it connu Marie- José Fargas . De puis ,
on l’a va it re tr ouvé un peu pa r t out, tis s ant sa
tr ame comme une ar aignée , ins ais is s able . Il a va it
plus ie ur s états civils dont il se s e rvait comme de
mas que s . Il arrivait- parfois q u’on en déce lât un.
Alors , 1’hoinme dis par ais s ait, pr otégé sans doute
pa r des gens q u’on ne s oupçonnait pas . Mais
comme plus ie ur s affaires de détourne me nt, de
plans et de docume nts avaie nt, to ut de même
pe rmis de l’ide ntifie r, il pr é fér ait agir dans
l’ombre . I! a va it des auxiliair e s un peu pa r tout et
une des plus adr oi'e s était ce tte Mar'e - Jos é Fargas ,
sa maître s s e , la plus jolie fille que Ma r tin a va it
r e trouvée fi P ina r d .
Il y a va it bie n dix ans q u ’ils é ta ie nt e ns e mble .
Lu i, be au garçon, s éduis ant, doué de cette
�S. O. S. ! U n e fe m m e s o m b r e ...
a tt r a ctio n mys térie us e à laque lle les fe mme s ne
r és is te nt pas , a v a it eu d ’innombr a ble s ave ntur e s .
Mais un lie n re s tait s olide me nt noué e ntre MarieJosé et lui ; il r e ve nait toujour s à e lle . Se ule me nt,
chez lu i, l’a mo ur n ’é ta it plus guère q u ’une
alïe ctue us e ha b itud e née de la complicité, lïlie
é ta it épris e comme au pr e mie r jo ur . Elle a va it
réalis é sous ses ordre s des tours de force qui
e us s e nt pu lui coûte r la vie . Elle n ’é ta it rétive
que lor s qu’il fa lla it alle r ju s q u ’au bo ut, elle en
s oulïr a it a bo min a ble me nt, natur e d ’amoure us e
fidèle q u i, dans la vie dange r e us e à laque lle elle
é ta it voue e , jo u a it ave c dés e s poir de s on a to ut
s upr ême : sa be a uté...
Qua n t à Mar cus Mur doch, il é ta it , on le s ait, le
frère de Marie- Jos é. Lu i aus s i é ta it un age nt secret
et pe ut- être plus te r r ible que les autre s , car
pe rs onne ne le connais s ait e t n ’e ût s oupçonné ce
ma lhe ur e ux contr e fait, un pe u id io t, q u i v iv a it
mis ér a ble me nt dans les ville s où ses mis s ions
l’a me na ie nt, toujour s logé dans que lque qua r t ie r
ouvr ie r ave c, pour façade , que lque pe tit mé tie r
obs cur. A l’he ure prés e nte, rue Mouffe tar d,
Mur doch r acc ommodait les chaus s ures en chambr e .
On lu i d o nn a it du tr ava il par pit ié . 11 é ta it
l’homme des comités populair e s , ce lui q ui attis e
s e cre te me ntle s haine s , s us cite des mouve me nis de
r évolte q ui se pr opage nt s oute r r a ine me nt de
na tio n en nat io n pour éclate r a ux jour s de
r é volution. T oujour s pr êt à s e rvir q ui le pa y ait,
il a va it , un ins ta nt, s ervi d ’indic a te ur à Ma r tin,
e n Afr iq ue . Re connu et démas qué par les s ie ns , il
e ûté té e xécuté si La Pére lle ne l’a va it la it s’évade r .
De ce la, il lui a va it gardé une re connaiss ance qui
ne fin ir a it q u ’ave c lui e t c’est pour quoi l’age nt
de contre - e s pionnage colonial a va it eu l’idée de
lui confie r la s ur ve illance de Be rnade tto. On a vu
co mme nt Mur doch s’é ta it a c quit té d ii sa mis s ion.
Se ule me nt, malgr é to ut, e ntro La Pére llo e t sa
s œ ur pour q ui il a v a it une vé r ita blo pass ion
fr ate rne lle , il n ’hés ite r ait pas . Et Be r nade tte
a lla it se tr ouve r prisf) dans une vé r ita ble toile
d ’araignée où ello a lla it e lle - même s erre r los fils
a uto ur d ’elle ju s q u ’à ne plus pouvoir s’en
dégage r .
*
* *
--
■
—- - - - - - - - r
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.c x x s »
Be r nade tte fixa s ur elle des ye ux égarés :
— Où suis- je donc ?
— Mada me a d it q u ’on la prévie nne dès que
vous seriez r é ve illé e ... Elle va ve nir .
— Mada me ? Qui ?
La fe mme ne r é po ndit pas e t glis s a hors de la
pièce d ’un pas fe utr é. Be r nade tte e nte ndit le b r uit
de la clef to ur na n t dans la s e rrure . Elle éta it
e nfe r mée . Alor s , assise s ur son lit, elle a tt e n d it ,
r e gar dant ave c angoiss e cette por te qui a lla it
livr e r pas s age à u n être in c o n n u ...
Ce tte porte s’o uvr it. Une fe mme pa r ut, s’a ppuy a
au b a t t a n t re fe rmé. Elle s our iait. Be r nade tte ,
s oule vée s ur les ma ins , fix ait s ur elle des ye ux
e lïarés .
Elle é ta it jo lie , ce tte inc onnue , ave c s on fin
vis age un pe u a ngule ux , ses ye ux ve r ts , ses be aux
che ve ux châtains où cour aie nt des reflets coule ur
de mar r on d ’Inde . Elle é ta it vêtue s imple me nt
d ’un cos tume genre s por t, jupe cour te , pull- ove r
de s oie , un collie r d’ambr e au cou. Mais dans
ce tte s implic it é , elle é voqua it l’idée d ’un
bibe lo t pr écie ux , r afliné. E t ce s ourire ave c
le que l elle cons idér a it Be r nade tte a va it que lque
chose d ’infinim e nt s é duis a nt...
— Je vous de mande pa r don, ma da me , mur m ur a
Be r nade tte . Mais q u i êtes- vous ? Où suis- je ?
— Ne craigne z r ie n, made mois e lle , d it une voix
chanta nte aux into na tio ns bizarr e s . Vous ête s en
s ûre té e t chez q ue lq u’un qui ne vous ve ut que
du bie n.
— En s ûr e té ? J ’étais donc en d a ng e r ?
— Je ne le sais pas . C’est à vous de me lo dir e ...
Be r nade tte r ougit t o ut à coup e t son re gard se
r e m plit de fraye ur :
— L ’ho mme ... L’h o m m e ... Où est- il?
— Que l ho m m e ? De quoi parle z- vous ?
— Un ho m me ... s ur les bords de la Se ine ...
— Un ho m me ? Vous ave z été a tt aquée , peutê tr e ? C’est ce la, n ’est- ce pa s ? Je re ve nais de
Paris e n vo it ur e ... Oh I Je n’ai pas de voitur e ,
je ne suis q u ’une s e crétaire de minis tè r e . Dans la
voitur e de mon a mi, devrais - je dir e . Je vous ai
ape rçue de lo in, éte ndue , évanouie s ur la r ive . Le
c na ulïe ur vous a re le vée , ompor tée , mise dans
l’a uto . 11 é ta it tar d, j ’ai ponsé q u ’il v a la it mie ux
ne pas ale rte r la police . Vous ave z d o r m i...
Qua n d Be r nade tte s’éve illa e nfin de son lour d
— Je vous r e me r cie ... Mais je ne puis vous
e ngour dis s e me nt, elle re garda a uto ur d ’e lle ave c
im por tune r dava nta go. Où s ont mes vête me nts ,;
ce tte s tupe ur vague q ui s uit los^ rêves . Elle
Je vais pa r tir .
rofer ma les ye ux . Sans d o u t ‘, rêvait- e lle e ncore ,
— Dé jà? Non, vous pre ndr e z que lque chose
p u is q u ’elle né r e connais s ait pas sa chambr e de la
a v a n t ... Et puis pour quoi si v it e ? Ne craigne z
ruo do Lille . Mais dor ri re le r ide au de ses
rie n do moi. J ’ai votre âge , à pe u prés e t je de vine
pa upi res bais sées, e lh v it s oudain se dér oule r
que vous ave z agi sous l’ompire d ’un gr and
dés e s poir ... N ’est- ce pa s ?
son a ve ntur e do la ve ille : sa fuite dans la n u it,
— Ou i...
sa course au bo ni de la Soine ... Elle se r ovit jo ta nt
à l’e au l’ar ge nt du cr ime e t elle e ut, dans sa chair ,
— Vous ôtes on d e u il? Vous ave z pordu
lo s ouve nir do ces mains la pr e nant aux é paule s ...
quo iq u’un de che r, pe ut- êtr e ?
Ello r o uvr it les voux avoc un s oupir ci’agonio.
Los youx do Be rnade tto se r e mplir e nt de
lar me s :
L ’h o m m e ... L ’h o m m e ... Où l’avait- il c o nd uit e ?
N ’étnit- ollo pas on pris on ?Ma is r ie nno r o s s e mb la it
— Ma mère , dit- elle to ut bas .
moins à une pris on quo cette chambr e spacie us e
— Oh I Pauvr e pe tite 1 Que lle hor r ible chose I
e t élégante où elle se tr o uva it . Comme elle
Marie- José é ta it m a inte na nt to ut près du lit.
s’a g ita it ne r ve us e me nt, une fe mme assise prés
Elle to nd a it les ma ins , d ’un geste affe ctue ux .
do la fenêtre , nccupéo à un t r a v a il de coutur o, so Bornade t.le éclata e n s anglots .
le va, s’appr ocha :
La voilà qui ploure toute s ses lar mos , si longte mps
—
Désirez- vous que lquo o ho s o ? demanda- t- elle r épr imée s e t s ans bie n s’en r e ndre compte , elle
avec un fort acce nt étr ange r .
s’a ba t s ur le soin de l’inc onnue . Ce tte douce
�o o o
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chale ur fém inine , ce pa r fum c apite ux q u i émane
d ’e lle , c’est comme un re fuge q ui s’ouvr e à celle
q u i, de puis si longte mps , n ’a pas e nte ndu une
par ole de vé r itable s y mpa thie . Marie- Jos é la
berce douce me nt, assise s ur le lit . Elle répète :
— Pauvr e pe tite ! P auvr e pe tite !
De ce tte voix c ha nta nte q u i lu i donne t a n t de
c har me ... qua nd e lle le ve ut.
P uis , s e r rant Be r nade tte contre e lle, e lle d it
t o u t bas :
— Ma pa uvr e pe tite , vous ave z vo ulu vous
s uicide r ?
Be r nade tte se r e je tte e n ar rièr e , s ur pr is e :
— Me s uic id e r ? No n... N o n ...
— N o n ? Alor s , que faisie z- vous s ur le bor d de
la Se ine , à ce tte he ure ?
Be r nade tte re cule e ncore . Elle est pr e s que
contre le m u r e t ses ye ux où les ple urs se s èche nt
r e pr e nne nt le ur e xpre s s ion de te r r e ur :
— Ce que je fais ais ... A h ! Ou i... L ’ho m me ...
— Mais que l ho mme ? Voyons , raconte z- moi...
Vous êtes po ur s uivie , pe ut- être ?
— Ou i... Oui, je cr ois ...
— Ex plique z- mo i... Je po ur r a i pe ut- être vous
a id e r ...
Les ma ins de Be r nade tte mo nte nt à s on vis age ,
s’y cr is pe nt pour le cache r. Raconte r sa tr ag ique
his toire à ce tte inconnue ? Est- ce pos s ible ? Livr e r
le secret qui la fa it agonis e r de puis t a n t de jo ur s ?
N o n ... N o n ... Elle ne par le ra pas . Mais tandis
q u ’e lle pr e nd ce tte r és olution, toute l’hor r e ur de
sa s itua tio n lu i a ppa r a ît. Elle l ’a v a it un pe u
oubliée . Sans a r g e nt... de ux ter me s en r e tar d rue
de Lille ... Plus r ie n ... La r ue ... Vo ilà que ce que
lu i a va it p r é d it Ma r tin va se r éalis e r. Elle va
s ombr e r ... Elle s ombr e ...
De ux mains détache nt les s ie nne s , s’en e mpa r e nt
e n les s e r rant. Marie- José l’a r e jointe e t d ’une
voix ple ine de p it ié , elle d it :
— Alor s ?
Be r nade tte n ’en pe ut plus . Re pous s e r cette
fe mme , c’est se pr ive r pe ut- être de la s eule s ym
pathie q u ’elle puis se connaîtr e au monde en ce
mo me nt. De ux bras s ouple s l’a ttir e nt, sa tête
r epose s ur une épaule . Le pa r fum de t o u t à l’he ure
l’e çve loppe de nouve a u. Ah ! si elle po uva it rester
là toujour s , ne pas r e voir la rue , ne pas r e voir la
v ie ...
— Par le z donc, re pr e nd la fe mme . De quoi
avez- vous pe ur ? Je no s uis q u ’une fe mme comme
vous . Une fe mme s e ns ible , ma l défe ndue contre
e lle - même ... comme vous , pe ut- êtr e? Une fe mme
qui a im e , q u i s ouiïre s o uve nt... comme vous ,
dite s ? Allo ns , pa r le z...
Ces mots , co s ont sans doute ceux que Be r na
de tte a v a it be s oin d ’e nte ndr e . Elle cède , to ut se
déte nd en e lle . Elle parle . E t , d u r a n t le long
r écit q u ’elle va faire à ce tte cr éature de qui elle
ignor e to ut, même le no m, e lle e nte ndr a s e ule
me nt, de te mps en te mps , une voix a tte ndr ie ,
mouillée do larme s , dir ajt- on, qui d it douce me nt :
— P auvr e p e t it e ... P auvr e pe tite l
Ma inte na n t, le r écit é ta it t e r miné . Marie- José
é ta it toujour s assise s ur le lit e t Be r nade tte
a p p u y a it 6a tête s ur l’épaule de la je une fe mme .
Life é ta it épuisée cornmè après une longue course
e t n ’a v a it plus la force de r éfléchir . Elle s’é ta it
S . O . S . ! U n e fe m m e s o m b r e ...
o o o
déchargée du secret q u i l’étouffait de puis t a n t de
jo ur s e t elle en é pr ouva it un étrange s oulage me nt :
— P our comme nce r, d it Marie- José après un
long s ile nce , vous a lle z rester ic i...
E t s ur un geste de Be r nade tte , e lle r e pr it vive
m e nt :
— Que lque s jour s , le te mps de vous r e me ttr e !
Vous ne pouve z r e ntre r s eule dans cet a ppa r te
me nt où vous ave z t a n t s ouffe rt. Il fa ut d ’abord
que vous r e tr ouvie z votre é quilibr e . Puis que le
has ar d vous a conduite ic i, je vous oflre l’hos pi
t a lit é , de gr and cœur.
— Mais je vous gêne rai, obje cta Be rnade tte .
Ne m ’avez- vous pas lais sé de vine r que vous ne
vivie z pas s e ule ... que vous a v ie z... un a m i ?
— La mais on est assez gr ande po ur que vous
ne vous gênie z pas m utue lle m e nt, déclar a MarieJosé en r ia nt. D’aille ur s , il voyage be a uco up, je
s uis s ouve nt s e ule . E t puis , je vous le r épète , il
s ’a g itde que lq ue s jo ur s ,le te mps de vo us r . ni, ttr e ...
Vous m ’êtes te lle me nt s y m pa th ique ... Et vous ne
vous ima gine z pas combie n votre his toir e m ’a
é m ue ...
— Vous êtes bonne ! d it Be r nade tte ave c élan.
Comme nt pourrai- je ja ma is r e co nnaîtr e ...
— Nous parlerons de cela plus ta r d ; je vais
vous lais s e r, m a int e n a n t. Vous ave z une s alle de
bains à côté de votre chambr e , ma fe mme de
chambr e vous appor te r a ce q u ’il vous faut. Nous
déje une rons e ns e mble . C’est dima nc he a u jo u r
d ’h u i e t je ne vais pas a u Minis tèr e .
— Excus e z- moi si je s uis indis c r è te ... Mais vous
ha bite z cette mais on q u i me p a r a ll très be lle ,
vous ave z une fe mme de c ha mbr e ... e t vous tr a
va ille z ?
Marie- José r o ug it légèr e me nt :
— Je ne s uis pas cliez moi, ic i, vous le save z,
mon a m i e s t très bon, je l’aime be a uc oup... Mais
j ’a i une natur e très indé pe nda nte , j ’ai te nu à
c ontinue r le mé tie r que j ’e xerçais a v a n t de le
r e ncontr e r ... Sait- on ja ma is , ave c les homme s ?
Voye z, votr e a m i à vous , c e ... Dic k, il vous
a im a it , vous pouvie z e s pére r e n l’ave nir . 11 vous
a quitté e , vous ignor e z même où il e s t...
— C’e s t vr a i, mur m ur a Be r nade tte . Vous ôtes
plus sage que moi. Moi, j ’aurais t o ut a ba ndonné
po ur lu i...
La je une fomme se r e tir a e t e nvoya P liilip p a
pour se me ttr e à la dis pos ition do Be r nade tte . A
m id i, toute s de ux déje unèr e nt en tête à tête dans
la confor table s alle à mange r bie n chauffée . Be r
nade tte , pour la pre mièr e fois de puis dos mois ,
g o ûta it une ce rtaine déte nte , malgré ses chagr ins ,
fille s’a nima un pe u pe nda nt le re pas e t MarieJosé l’obs e rva curie us e me nt, impre s s ionnée
malgr é e lle par cette be auté q u i r e s s e mblait si
peu à la s ie nne . Mais , s achant de sa protégée co
q u ’elle vo ula it s avoir, elle s’a va nça it m a inte na nt
ave c circons pe ction, soucieuse de gagne r to ut à
fa it sa confiance . Ce no fut que lor s qu’elles
e ur e nt passé au s alon où le café é ta it s e rvi q u ’olle
fit un pas dans le pr oje t q u ’olle m é d it a it s elon
les ins tr uc tions do Mur doch :
— Je voudr ais vous tir e r d ’affair e , dit- e lle. Je
vais tâc he r de vous tr ouve r une s itua tion e t,
po ur cola, je vais faire appe l à mes r olations .
P our comme nce r, jo de vais dîne r , ce s oir, ave c
un a m i... Je vous e m m è ne ... Non, no n, ne pro-
�S. O . S . !, U n e ¿ fe m m e s o m b r e ..
'«yt
te s te z p a s ! C’est un garçon c ha r ma nt e t très
in flue nt e t il fera tout pour me faire p la is ir !
C’est mo n che f a u Minis tèr e , vous ve r r e z...
— Mais je s uis en d e u il... e t un de uil si réce nt.
Je n ’ai pas de robe conve nable ...
— Je vous en pr ê te r a i u n e ... J ’en ai une noire ,
très jo lie , q ui fera l’a iïa ir e ... Oui, vous alle z
encore pe ns e r que , pour une e mployée de ministi re, j ’ai be aucoup de chos e s ... Mon a m i e s t très
gé né r e ux ...
Elle v in t passer ge ntime nt ses bras a uto ur du
cou de Be r nade tte :
— Se ule me nt, ma pe tite a mie , je vais vous
de mande r que lque chos e ... Ce mons ie ur — il se
nomme Chr is tia n Cléris s e — cr oit que je vis dans
m a fa mille , il ne fa ut pas le détr ompe r . Ma lia i
s on ne re garde pe rs onne , compre nez- vous ?
— Oh ! Vous pe ns e z bie n que je ne d ir a i pas
un mot de cela ! Vous ave z été si bonne pour moi,
je ne voudr ais pas vous faire le moindr e tor t.
— Ou je me tr ompe for t, conclut Marie- José ou
Clériss e vous tr ouve r a que lque chose. Vous s ave z,
ces gens- là connais s e nt t a n t de m o n d e ... Courage ,
ma pe tite a m ie l Les ma uva is jour s vo nt finir po ur
vous , j ’e n ai le pr e s s e ntime nt.
E t elle a jo uta s ur un ton dont la pa uvr e Be r
nade tte ne po uva it compre ndr e l’a m b ig uité :
— Que lle chance que ce s oit che z mo i que vous
aye z échoué!
Le s fils ténus de la toile c omme nça ie nt à se
te ndr e . Bie ntôt, ils for me r aie nt u n rés e au si
puis s ant que la mouche , re prés e ntée pa r Be r na
de tte , n ’a ur a it plus q u ’à se s oume ttre e t à mo ur ir .
C H AP IT RE IV
N e to u c h e z pas a la h a c h e .
— Allo ! Allo ! Qui est à l’a ppa r e il? Ic i, Chris
tia n Cléris s e , o u i... Co mme nt? C’est vous , MarieJos é? Qu ’y- a- t- il? A h ! Bo n ...
Chr is t ia n Clériss e Be r e tour na e n s our iant vers
Be r nade tte :
— C’est pour vous , made mois e lle Be r nadotte .
Votr e amie vous d e m a n d e ...
11 lui t e nd a it Je réce pte ur e t s’éca r tait, par dis
cr étion. Be r nade tte Ar na ud se pe ncha s ur la
bouche d ’ambr e de l’appa r e il :
— Allo ! C’est toi, Marie- Jos é? O u i... Bo n...
Rie n de grave ? N o n ..., A to ut à l’he ur e ...
Elle se r e tour na vers Chr is tian Clériss e :
— C’est Marie- José Charnbe r t. Elle s’oBt t r o u v é e
un pe u s ouffrante e n r e n t r a n t e t e lle m e d e m a n d e
d e r e v e n ir le plus v it e pos s ible. Si cela no v o u s
c o n t r a r ia it pas , m o n s ie u r ...
— Vous voudr ie z pa r tir t o ut de s uite ? Mais
oui, a lle z,' made mois e lle Be r nade tte . Vous te r
mine r e z les t r a va ux de clas s e me nt de ma in, cola
a.
O . S. I U N E P K M I I B S O M B R E
49
n ’est pas a utr e me nt pre s sé. Ce n ’est pas grave ,
j ’e s pere?
— Non. Se ule me nt, les par e nts de Marie- José
ne s ont pas là, ce s oir. Je crois q u ’elle a un pe u
pe ur , toute s eule.
— Ah ! P o ur ta nt, il y a va it encore de ux le ttre s à
tr ans cr ir e . C’est e nnuy e ux ...
— Donnez- les- moi, mons ie ur . Marie- José connaît
la s téno, e t elle a une ma chine . Elle vous les
r appor te r a de ma in m a tin.
— Oui, si vous voule z.
Be r nade tte glis s ait des papie rs dans une pe tite
s ervie tte . Puis elle a lla dans l’antic ham br e
re pre ndr e son ma nte a u e t son chape au. Qua nd
elle r e vint dans le bur e au de Chr is tia n, elle
r e tr ouva celui- ci à la même place , abs or bé, l’a ir
s oucie ux :
— Made mois e lle Be r nade tte ...
— Mons ie ur ?
— Marie- José Chambe r t a de la chance d ’avoir
une amie comme vous . Vous l’aime z be aucoup ?
— Ou i... Mais il faudr a it p lu t ôt dire que c’est
moi q ui ai de la chance d ’a voir une amie comme
e lle ...
Elle re s ta songe use u n ins ta nt.
— Vous s ave z combie n j ’étais s eule e t dés e m
pa r é e ... Si je m ’e n tir e , c ’est bie n grâce à e lle ...
e t à vous .
\ — Ne par lons pas de m o i... Je n ’ai r ie n fait
pour vous . Qua nd Marie- José m ’a d it q u ’elle a va it
une amie très chère dans une passe dillicile , il
s’est tr ouvé jus te me nt que j ’avais be s oin de
q ue lq u’un q u i p û t m ’aide r , le s oir, che z moi, à de
pe tits tr a va ux de clas s e me nt e t de copie . Vous
laite s pa r faite me nt mon affaire e t c’est moi q u i
de vr ais la r eme rcie r.
De nouve a u, il r e tomba dans ses réfle xions et
comme la je une fe mme se dir ig e ait vers la porte ,
il la r appe la douce me nt :
— Made mois e lle Be r nade tte ...
— Mons ie ur ?
— Je voudr ais vous de mande r que lque chos e ...
T o ut à l’he ur e , vous ave z bie n voulu me faire
compr e ndr e , très délic a te me nt, que vous re portie z
s ur m o i un pe u de la re connais s ance que vous
de ve z à Marie- Jos é... Voule z- vous me tr aite r un
pe u en a m i?
— Ma is ... je ne de mande pas m ie ux , r é pondit
Be r nade tte e n s our iant.
— Savez- vous , made mois e lle , que je s uis très
ma lhe ur e ux ? Non, ne pre ne z pas cet a ir s ur pr is ,
vous s avez bie n ce que je ve ux d ir e ... Je vo udr ais ...
Voyons , vous qui vive z dans l’in t im it é de MarieJos é, connais sez- vous ses s e ntime nts à mon
égar d?
— Ses s e ntime nts ? Non, je ne compre nds pas
b ie n ...
— Vous êles très dis cr ète ... Allons ! Vous n ’êtes
pas sans s avoir que de puis longte mps déjà je fais
une cour as s idue à votre amie e t sans aucun
s uccès . J ’ai cr u, plus ie ur s fois, que je ne lui
déplais ais pa s ... J ’avais obte nu d ’elle une sorte
de prome s s e ... E t p uis ... v o ilàI C’est une s ing u
lièr e cr éaturo que cette Marie- José, n ’est- ce pas ?
Be r nade tte a v a it bais s é les ye ux . Elle s e mbla it
hor r ible me nt gênée :
—- Je no sais pas , vr a im e nt, mons ie ur ... MarieJos é ne m ’a ja ma is rie n d it , à ce s uje t.
4
�50
—
Chr is tian Clériss e e ut un mo uve me nt ne r ve ux :
— Bo n ... Bo n ... Je n ’ins is te pa s ... Bons oir,
made mois e lle Be r nade tte . A Ue main !
— A d e ma in , mons ie ur !
Be r nade tte Ar na ud se r e tr ouva dehors et
re s pira. Elle n ’a im a it gue re m e n tir et l'inte r r oga
toire de Cléris s e lu i a v a it donné une impr e s s ion
pé nible .
Elle a v a it l’impr e s s ion de se débattr e au m ilie u
d ’un imbr oglio obs cur dont e lle ne pa r ve na it pas à
déme ie r le s ecret.
b e u x mois s’e taie nt écoulés de puis la n u it où
Marcus Mur docli r e mplis s ant la mis s ion que lu i
a v a it conliée Ma r tin La Pére lle a va it r e cue illi
Be r nade tte s ur les bords de la Se ine e t l’a va it
conduite che z sa s œ ur . E t ces de ux mois , la je une
fe mme les a va it vécus comme 011 v it un rêve
he ur te et inco npréhe ns ible .
T o ut d ’abor d, Marie- José lu i a v a it découve r t
im m é d ia te m e nt la place q ui de va it lu i pe r me ttr e
de s ubs is te r. Elle l ’a v a it prés e ntée ce mume jo ur
où Be r nade tte lu i a va it r aconté l ’his toir e de 3 a
vie à Chr is t ia n Clériss e et a v a it obte nu de lui
q u ’il s’occupât d ’e lle. Le s e crétaire a ux Ar chive s
secrètes a v a it be s oin d ’une pe rs onne qui vint,
trois fois pa r s e maine , che z lu i, le s e conde r dans
des tr a va ux dive r s . Il a v a it pr is im m é d ia te m e nt
l ’amie de Marie- Jos é, tr op he ur e ux de faire
que lque chose qui p û t lu i ôlr e agréable . E t to u
jour s dans ce même b u t , il la p a y a it bie n plus
que le tr a va il lour ni ne v a la it . Be r nade tte aiors ,
a u bout de que lque s jour s , a v a it e nns l’in te ntio n
de r e ntre r che z e lle . Elle ve ndr a it la plus gr ande
par tie des me uble s , paie r ait ce q u ’eile de vr ait et
loue r a it une pe tite chambr e où e lle s’in s ta lle r a it
ave c ce qui lui r e s tait. Marie- José l’a v a it con
vaincue de n ’en r ie n faire . P our quoi ne c o ntin ue
rait- elle pas à vivre à Vélizy ? La mais on é ta it
grande , Marie- José s ouve nt s eule ; elle s’e nn uy a it ;
Be rnade tte s e rait pour elle une coin pagne précie us e .
Ne s ympathis aie nt- e lle s pas é tr a ng e me nt?
Be r nade tte a v a it cède . Elle a va it pe ur de la
s olitude . Elle se s e ntait aba ndonné e . Auc une
le ttro ne lui é ta it pa r ve nue de Dick et ello
n ’a va it a uc un moye n d ’avoir de ses nouve lle s . La
Pére lle é ta it lo in . Marie- José l’a ida à me ttre
ordro à ses affaire s . Les te rme s en r e tar d payés
ave c la ve nte des me uble s , on m it ce ux qui res
ta ie nt dans une mans ar de inoccupée à Ve lizy. Et
une vie assez douce comme nça pour celle qui,
vr a ime nt, n ’a v a it plus pe rs onne a u monde qui
s’in q u ié t ât d ’e lle.
Pe r sonne ? Oui e tn o n . Il y a v a it bie n q u e lq u ’un
q ui c o ntin ua it a ve ille r dans l’ombr e , mais ello
1 ignor ait, car il se cac ha it s oigne us e me nt. Ce
que lq u’un, c’e ta it Marcus Mur d o c h. Il s ’im a g i
n a it a voir r e m p li, e t au de là, les inte ntio ns de
Ma r tin en confiant sa pr otégée à Marie- José. Et
il a v a it rés olu de re ste r dans l’ombr e . P our de ux
raisons : la pr e mi re, c’é ta it que Ma r tin lui a va it
comma ndé de ne pas se faire connaître ; la s econde ,
q u ’a v a it de vinée sa s œ ur , cVs t que ce dis gracié,
ce m a ud it, n ’a v a it pu, sans é motio n, voir la
me r ve ille de be auté q u ’é ta it B r nade tte . II en
r ê va it s ouve nt dans son antr e de la rue Moulletar d e t il pr é fér ait no ja ma is In voir quo liçe dans
ses ye ux l’hor r e ur q u ’il é ta it ce r ta in de lui
ins pir e r .
S. O . S . ! U n e fe m m e s o m b r e ...
-o n s v c »
Apr ès l’e ntrée de Be r nade tte chez Clériss e , une
quinza in e de jour s s’e la it écoulée dans le calme .
P uis ce caune a v a it été tr uublé pa r le r e tour à
Ve lu y d ’i^ric Sude r iing, alias comte Mihale s co.
l’a m a n t de Marie- José. il a v a it d ’abor d été fort
s ur pr is de tr o uve r une inconnue im a llé e che z sa
maîtr e s s e . Mais il fa ut croire que les rais ons
q u ’elle lu i avaitdonnée s de ce tte a do ptio n é taie nt
éloque nte s , car il lu i a va it la it le m e ille u r accue il.
De puis , e lle pa r tage ait la vie d u coupie . Mais
pe u a pe u se no ua it le nœ ud du dr ame . Pas plus
que Marcus , Sode r ling n ’a va it pu v o ir Be r nade tte
s ans être éblo ui. Il é ta it le type de l’homme à
conquête s . E t Be r nade tte , a ba ndonnée , e t che z
q u i le s ouve nir de Ric ha r d Dur e y pour q u i e lle
a v a it ta nt s ouffe rt comme nça it à s’e s tompe r dans
le pas s é, s ubis s ait aus s i le charme de cet homme
be a u, inte llig e nt, rus é, in ca r natio n de 1 a ve ntur ie r
cos mopolite q u i a r e mplacé, dans 1 a dm ir a tio n
des fe mme s naïve s , le T zigane e ns orce le ur.
L à é ta it le dange r pour e lle . Be r nade tte , faite
po ur l’a mour , s outir a it de n ’êtr e plus aimée .
Loyale , ple ine de re connais s ance e nve rs MarieJos é, e he lu t t a it contre cet e ntr a ine me nt in vo lo n
tair e . D aille ur s , e lle se cr oyait s ûre d ’e lle et
encore protége e pa r le s ouve nir de Ric har d. Mais ,
d é jà, e lle ne g o ût a it plus le repos mé lancolique
q u ’elle a va it connu les pre mie rs te mps de son
ins ta lla tio n à Vé lizy. L ’atmos phèr e é ta it tr ouble
a uto ur d ’e lle e t e lle e n s oullr ait.
Ce s oir, le coup de téléphone de Marie- José
a va it augme nté son malais e . Que se passait- il làba s ? P our quoi la je une fe nlme la r appe lait- e lle ?
Elle lu i a v a it d it, à l ’a ppa r e il, que le chauffe ur
l ’a tt e nd r a it ave c la voitur e place de la Concorde .
Elle r e co nnut to ut de s uite l’a uto , mais elle
re s ta inte r loqué e . Un homme se te n a it de va nt la
portièr e . C’é ta it le comte Mihale s co. 11 v in t à elle :
— Monte z, made mois e lle Be r nade tte . Je vous
e x plique r ai en r oule .
Ins tallée à côté de lu i, ello le re garda avec
in q uié tud e . Elle ne se s e ntait ja ma is compLtem e n t e n s écur ité ave c lui.
Ce r tains êtres ins pir e nt à pr e mière vue la
confiance . Er ic Mihales co é ta it a tt ir a nt mais à
la façon d ’un de ces je une s fauve s d o nt on so
de mande toujour s s i, en jo ua n t ave c e ux, on ne
s ’a ttir e r a pas un coup de de nt. C’é ta it un be au
garçon mince e t b r un, ave c de longs ye ux la n
gour e ux , des che ve ux noirs b r illa nts , un vis age
a ux tr aits d ’une r égular ité pr is que gê nante pa r
sa pe r fe ction. Mais de to ut cela se dégage ait
que lque chose de faux e t de cr ue l. Fa ux , il l’é ta it.
Il a v a it joué t a n t de rôle s dive r s , incar né t a n t do
pe rs onnage s dillçr e nts q u ’il ne s ava it peut- être
plus très bie n lui- même ce cju’il «t a it . 11 me nta it
comme on re spire ; mais il n’é ta it nulle me nt
incons cie nt. Il agis s ait et pa r la it toujour s dans un
b u t dé te r miné. Se ule me nt, il e ût fallu être
be aucoup plus ave r ti quo Be r nade tte pour voir
cla ir dans ce tte âme obs curo e t tortue us e .
Elle s’infor ma :
— Marie- José est ma lado ? Qu ’est- oe qu'e lle a ? .
Ce n ’e s t pas gravo ?
— Non, je ne ponstf pas . Mais ello s’est évanouie
co s oir en r e ntr a nt à la v illa . Elle est t r s fatiguée ,
jo crois. Ce tr a va ii as s idu ne lu i convie nt pas. 11
y a longte mps q u ’e lle a ur a it quitté | o Minis tèr e
�S . O. S. ! Une fe m m e s o m b r e .
si elle m ’a v a it é c outé... E t puis , Vé lizy est lo in.
Le tr a je t jo ur na lie r y est auss i pour que lque
chos e ...
— Elle de vr ait pr e ndre que lque s jo ur s de repos.
— Oui. (Qu’elle le ve uille ou non, je vais l’o b li
ger à le faire . C’est d ’aille ur s à ce propos que je
Î’ai priée de vous té lé pho ne r . Il fa ut que vous lui
r e ndie z un s ervice .
— Vous pe ns e z bie n que j ’y s uis toute dis pos ée ,
d it Be r nade tte ave c éla n. De quoi s’agit- il ?
— On vous e x plique r a cela là- bas. Ce la n ’a r ie n
de te r r ib le ...
Dans la pénombr e de la voitur e , elle le v it
s our ire :
— Lais s ons les affaire s s érieuses, voule z- vous ?
Je s uis conte nt de vous voir s e ule. Nous n ’avons
pas e ncore bie n pu faire connais s ance , tous les
d e ux ... Savez- vous que vous m ’ins pir e z un v if
in té r ê t ?
Il p a r la it s ur un to n de badinage . Be r nade tte
s’efforça de s ourire aus s i ; mais une bizarr e
angois s e lui s e r rait la gorge sans q u ’elle e n dé te r
m in ât la caus e.
— Me croyez- vous si intér e s s ante ? r épondit- e lle
Je ne s uis q u ’une pa uvr e fille comme be aucoup
d ’a utr e s ...
— Comme be a ucoup d ’autre s ? Non. D’abor d,
votre be auté vous me t hors de p a ir ...
— Oh ! ma b a u té ...
— Allo n s ! dit- il d ’un ton care s s ant, vous s avez
bie n que vous êtes très be lle ... Be lle à da mne r un
h o m m e ... ou plus ie ur s ...
Elle se r e nfonça un pe u dans le coin de la
voitur e :
— Si Marie- José vous e nt e nda it, dit- e lle, elle
pe ns e r ait que vous me faite s la c o ur ...
— Vous fa ir ° la cour ? re prit- il gr ave me nt. Non.
Mais je serais he ure ux d ’être votre a m i... Un a mi
très affe ctue ux , très dé vo ué ...
11 lui pr e nait la ma in. Elle e ut un mo uve me nt
po ur la lui r e tir e r et puis elle se juge a abs ur de .
Un a mi ? Si c’é ta it vrai ? Elle se s e ntit si is olée ...
Les larme s lui v inr e nt a ux ye ux :
— Vous êtes g e ntil, murmura- t- e lle. Ou i, un
a m i... J ’aur ais bie n be s oin d ’un a m i, en e ffe t...
— Vous n ’en aure z jamais de me ille ur que moi.
Alor s , c’est e nte ndu ?
— Ouv d it - e lle fa ible me nt.
101le a v a it un pe u pour. Il lui s e mbla it que ces
s e ntime nts q u ’il e xprimait, de va ie nt en dis s imule r
d ’a u t r e s . Pour t o u t dir e , Er ic Mihales e o ne r épon
dait pas pour elle à l’idée q u ’on pe ut se faire d ’un
a m i. Un a m a n t, o u i... Elle eut un mouve me nt de
r e cul. Qu o i? Elle o u b lia it Ric h a r d ? lit, s ur tout,
elle o u b lia it la r e connais s ance q u ’elle de va it à
Mar i '- José q u i, e lle , a im a it cet ho m me ?
Mihale s e o ne fit r ie n pour augme nte r son
tr ouble .
— Nous ar r ivons , dit- il. Ve ne z. Marie- José est
couchée . Nous allons alle r dans sa chambr e .
Ils e ntr è r e nt dans la villa et mo ntè r e nt l’esca
lie r pour gagne r la chambr e de Marie- José, s ituée
au pre mie r .
Ar r ivé s ur le palie r , Er ic s’arrêta :
— Nous allons voir la malade , dit- il à voix très
ha ute .
Be r nade tte a va it fait un pas pour le de vance r.
Il la r e tin t e t se pe ncha s ur la r ampe de l’e s calie r :
— Éc o ute z... On dir a it q u’on marche dans le
ja r d in ...
Il ne bais s ait pas le to n, mais p a r la it toujour s
très ha ut. Be r nade tte e ut l’impre s s ion q u ’il n ’a va it
a bs olume nt rie n e nte ndu, mais q u ’il vo ula it pr é
ve nir de le ur ar r ivée . En e fïe t^e lle pe r çut, dans
la chambr e de Marie- José, un br us que mouve me nt
e t elle e nte n lit se fe r me r une porte qui de va it
être celle de la s alle de ba in :
— Il y a que lqu’un chez Marie- Jos é? de mandat- elle.
— La fe mme de chambr e , sans doute , r é po ndit
Er ic d ’un ton indiffér e nt. C’est c ur ie ux ... J ’avais
eu la s e ns ation q u ’on m a r c h a it ... Je me suis
tr ompé. Ve ne z...
Qua nd ils e ntr è r e nt dans la chambr e , Be r na
de tte cour ut to ut de s uite à son amie . Marie- José
é ta it couchée , en effet, dans son gr and lit. Au
milie u des de nte lle s e t de la soie, elle é ta it pâle ,
le vis age conlr acté :
— Je ne sais pas ce que j ’a i, répondit- e lle aux
que s tions de Be rnade tte . De la fatigue . . La tête
vid e ... Je ne pour r a i pas alle r au Minis tèr e
d e m a in ...
— Elle est e nragée ave c s on Minis tèr e , dit
gaie me nt Er ic . Je vous fais j u g e , made mois e lle
Be r nade tte . Voilà une je une pe rs onne qui n’a ur a it
q u’à se lais se r vivr e . Elle s e rait choyée , dorlottée ,
mè ne r a it une vie de grande da me ... Non I II fa ut
q u ’elle aille gr atte r du papie r c omme ... c omme ...
— Comme moi, par e x e mple , d it Be r nade tte .
— Vous , j ’espère bie n q u ’un jo ur vous n ’aure z
plus be s oin de tr a va ille r non plus . De jolie s
fe mme s comme Marie- José e t vous ne s ont pas
faite s pour une bes ogne d ’e mployée ... En t o ut
cas, de main e t les jours s uivants , Marie- José
re s te ra chez e lle . E t c’est à ce propos que nous
voulons vous de mande r un s ervice , made mois e lle
Be r nade tte .
— Je suis toute à votre dis pos ition.
— Voilà. Il faudr a it que , de main m a tin, vous
a llie z au Minis tèr e . Vous pr évie ndr e z M. Clériss e
que Marie- José est soulTrante e t obligée de se
re pos e r que lque s jo ur s ...
— C’est un bie n pe tit s ervice e t très s im ple ...
— Pas si s i m p l e , d it Er ic d ’un ton s ingulie r .
Il v e ut un s ile nce . Marie- José, les ye ux baissés,
to r tilla it ne r ve us e me nt un coin du dr ap ga r ni de
de nte lle . Er ic v in t s’accoude r au lit :
— Allons , Marie- Jos *, c’est à toi de pa r le r ...
Raconte ce qui t ’est a r r ivé ... Avoue ton c r ime ...
Ma r ie - Jo s é e u t u n r ir e s in g u lie r :
— Mon c r im e ? T u as de ces mo ts ... Enfin,
Be r nade tte , t u seras juge ... J ’ai e mpor té, tous
ces jours- ci, des papie rs à class er, des copies à
me ttr e au ne t pour M. Cléris s e ... T u les lui r e n
dras d e m a in ... Mais il y a autr e chos e ... Une
chose e nnuy e us e ...
— Quoi donc ?
— Je ne sais par que l has ar d, dans ces papie rs ,
il s’est, clis sé un docume nt q u i... qui n ’a ur a it pas
dû s or tir du Minis tè r e ... Je ne pour r ais t ’e x pli
que r ce que c’est, c’est trop fort pour moi. C’est
que lque chose comme une formule c him iq ue ...
Se ule me nt, je me figure que M. Clériss e s e rait
très méconte nt de ce tte e r r e ur ... Il fa udr a it
r e me ttr e le docume nt en place sans q u ’il le voie ...
T u lu i offriras de me r e mpla ce r ... O h ! De ma in
�52
S . O . S . ! U n e fe m m e s o m b r e ...
s e ule me nt, bie n e nt e nd u. E t t u profite ras d ’un
mo me nt où il quit te r a son bur e a u pour le r ange r
là où il doit être . Mais q u ’il ne te voie pas , s ur
to ut, il m ’en v o ud r a it te r r ible me nt. T u as
compris ?
— O u i... Mais où faudra- t- il le r e me ttr e ?
Elle é ta it ve nue s’as s e oir s ur le lit . Elle s étaie nt
à pe u près dans la pose du pre mie r jo ur , qua nd
Marie- José a v a it arr aché à Bar nade tte le r é cit de
sa vie . La m a in de l’e s pionne p r it ce lle de
Be r nade tte ; elle la r e gar dait dans les ye ux :
— T u ve r r as ... 11 y a, dans le fond d u bur e a u,
un s e crétaire ave c des tir oir s . II est fe r mé à cle f.
La cle f est dans le tir oir de la table de Clériss e .
T u la pr e ndras . Le doc ume nt se tr o u v a it clans le
tir o ir du h a u t ...
Be r nade tte a v a it arr aché sa m a in de ce lle de
la fe mme . Elle la r e gar da it ave c s tupe ur :
— Ma is ... ma is , alo r s ... ce d o c ume nt... T u l’as
pr is ...
— P a r mégar de , e nte nds - tu bie n ? P a r mégar de ! Ne t'avis e ja ma is de dir e autr e chose si tu
étais s ur pr is e ... T u compr e nds ?
— Mais t u e s ... t u e s ...
— Une étour die , comme vous , made mois e lle
Be r nade tte ! in te r v in t Er ic . N ’ave z- vous pas ,
vous , gar dé de l’ar ge nt do nt la pr és e nce e ntre
vos ma ins c o ns titua it un dange r?
— Vous s ave z...
— Marie- José a ce tte faible s s e de n ’avoir rie n
de caché pour m o i... Je sais e ncore autr e chose.
Ce t ar ge nt a été r e tr ouvé. La Se ine n ’e n a pas
vo ulu, made mois e lle Be r nade tte . Il a été re tr ouvé
dans les he rbe s q u i bor de nt la be rge , il est e ntre
les ma ins de la police . Un mo t s uffir ait, si nous
voulions pa r le r ... E t de vous à Ric ha r d Dur o y,
votre a m a n t , la lilièr e s e r ait facile à s uivr e ...
Be r nade tte chance la. Elle s e ntit la m a in de
Marie- José r e pr e ndr e la s ie nne , la s e r re r:
— Ne l’e nnuie pas , Er ic, d it Marie- José d ’une
voix languis s ante . Elle fera ce que je lui d e m a n d e ...
N ’est- ce pas , Be r nade tte ? La chose est, d ’aille ur s ,
bie n moins grave que t u te le figur e s ...
Elle e ut un de r nie r s ur s aut de r évolte . Mais
elle bais sa la tôle , vainc ue . Elle é ta it pris e dans
l’e ngre nage e t e lle se r e nd a it compte q u ’e lle ne
pour r a it dénonce r ces gens sans se pe rdre ellemême .
Re ntrée dans sa chambr e , e lle se d é b a ttit
longte mps , en pr oie à un cauche mar confus .
Entr e que lle s ma ins était- e lle tombée e t dans
que l c he min dange r e ux ces gons la conduis aie ntils ?
Tous les s ouve nirs de sa cour te vio, de son
ma lhe ur e ux a mour la po ur s uiv ir e nt cotte nuit- lit.
E t , do toute s ses forces, elle invo qua Dic k qui,
sans doute , l’a v a it o ublié e ...
*
* *
E t tandis que Be r nade tte lu t t a it va ine me nt
contre le c our ant qui l’e ntr a în a it, la chambr e do
Marie- José é ta it lo théfitre d ’une scène s ingulièr e .
Er ic Mihalcs co a v a it q u it t é sa maître s s e , v o ula nt,
dis ait- il, la lais s e r re pos e r. Et, à pe ine ètait- il
s orti quo la porto de la s alle do bains »’o uvr a it e t
Marcus Mur doch e ntr a it e t »’a va nça it vers sa
s œ ur q u i le r e gar da it ve nir , un bizar r e s ourire
s ur les lèvre s.
Le gnome é ta it pâle e t ses ye ux b r illa ie n t
d ’u n éclat far ouche :
__Que vas - tu faire , Marie- Jos é?
__Ce que je vais fair e ? d o r m ir ... T u sais bie n
que j ’a i la migr a ine ..__Ne te moque pas de moi, dit- il, la voix
mauvais e . J ’a i e nte nd u... Que lle tr ame ourdissezvous e ncore , toi e t t o n a m a nt m a ud it , he in? Que
compte z- vous faire de ce tte fille ?
__ Pas gr a nd’ehose de for t, Ma r cus . Elle
ma nque d ’e s tomac, comme on d it vulga ir e me nt.
Se ule me nt, m a in t e n a n t que j’a i en ma possession
le doc ume nt do nt Er ic a va it be s oin, j ’aime mie ux
que ce s oit elle que moi qui se fasse pr e ndr e ...
s i, du mo ins , que lqu’u n doit être pr is .
Il se pe ncha s ur e lle , la s ais is s ant a ux poigne ts :
__Est- ce que t u oublie s q u ’elle m ’a été confiée ?
Je ne va ux pas gr a nd’ehos e, mais je s uis encore
capable de la défe ndr e e t de me défe ndr e . J ’ai
donné ma parole !
__E h b ie n ? Est- ce to i q ui agis ou m o i? l u
pe ux ig nor e r ...
__Non. Je ne pe ux pas . h t c est hor r ible , ce
que t u ve ux fa ir e ...
Elle s e d é g a g e a , b r is a n t 1 e t r e in t e de s m a in s
d e Mur d och e t p r e n a n t la t ê t e d u m o n 3 t r e , elle
d it e n r ia n t d ’u n a ir d e p it ié :
— Que t u es bête , mon pe tit fre re !
— Marie- José, dit- il d ’une voix hale tante ,
prome ts - moi que t u ne feras pas ce que t u as
dé c id é ... Que t u ne la pe rdras pa s ...
E t comme e lle r ia it toujour s , il g é m it :
__ j 0 guis pr is e ntr e e lle e t t o i... P o ur quo i
fais - tu ce la?
Elle se redressa dans s on lit , te r r ib le :
— P o ur quo i? T u n ’as pas compr is ? Elle a touché
à la ha che ...
__Quo i! Qu ’est- ce que t u ve ux dir o, ave c ta
hache ?
.
. , . , _
__T u ne connais pas 1 his toir e ? hoo ute ... lu
as t o u t de même e nt e ndu pa r le r de Charle s I«f,
le r oi d ’Angle te r r e que lo dic ta te ur Cr omwe ll fit
déc apite r ?
— Oui. Que l r a ppo r t...
__ Comme le roi Char le s Ior a r r iv a it s ur
l’é cha fa ud, il ha r angua le pe uple . P e n d a n t q u ’il
p a r la it , il v it un des aide s d u bour re au q u i pre
n a it la hocho q u i d e va it lui tr a nc he r la tête e t il
s’inte r r o m p it pour d ir e : — « Ne touche z pas à
la h a c h e ! » — E li b ie n ! Mon pe tit, q ua nd j ’ai
r e cue illi ioi Be r nadotte Ar na ud, je n ’avais pas ,
é vid e mme nt, de très bonne s inte ntions à son
ég ar d...
— P o ur quo i? Que t ’avait- e lle fa it?
— Je te le dir ai un jour . Mais je l’eusso peutêtre épar gnée si elle n’a va it pas touché ii la seule
ohose
laque lle je tie ns nu inonde : mon amour
pour Er ic . Compr e nds - tu? Eric l’airne , j ’en suis
ce r taine . H la dés ire . Ah ! Je connais ses ye ux ,
qua n d lo dés ir y pas s e ... Elle a touché à la hache ,
Mur doch. Je no l’épar gne rai pas . Si, de ma in, e lle
se s auve , je la pe r dr ai autr e me nt. On no touche
pas à l’a mour de Marie- José Fargas.
— Je te l’arr ache rai ! cria Mur doch, s ouda in
fur ie ux .
— Alor s , c ’e s t la gue rr e ? Soit. Mais pr e nds
�53
S . O . S . ! U n e fe m m e s o m b r e ..
gar de , p e t it frère . Qua nd une fe mme ve ut en
pe r dr e une autr e , elle a plus de tours dans s on
sac q u ’il y a de grains de sable au fond de la me r !
C H AP IT RE V
S .O . S. !
Le s ole il de s ce ndait s ur la gr ande forêt a fr i
caine . Mais ses r ayons se he ur ta ie nt à la voûte
épais s e formée pa r les arbre s géants . Là r é gna it
l ’obs cur ité et il m o n ta it du sol l’ode ur puis s ante
e t ma ls aine de l’h um us toujour s en t r a v a il. Des
tr oncs pour r is r e s s e mblaie nt à de vastes éponge s
et d ’innombr a ble s ins e cte s s’y liv r a ie n t une
bata ille ar de nte , ja ma is aba ndonné e , pour le ur
s ubs is tance . Ce la, c’é ta it le doma ine in ta c t de la
natur e . Mais , plus loin comme nçait le doma ine
de l’ho mme . Da ns un c he min pe rcé à coups de
hache e t pa r le fe u, c he mina ie nt des noirs , les
uns chargés d ’outre s e t de calebass es , d ’autre s
t r a în a n t des char iots chargés de bois . E t s ur le
s e uil de sa gr ande ma is on cons tr uite en te r re e t
s oute nue pa r d ’énorme s troncs d ’ar br e s , dont
to u t le d e va nt é ta it formé pa r une vas te vé r a nda ,
Ma r tin La Pér e lle r e gar da it ses tr a va ille ur s
r e ve nir , la jour née finie .
11 l’aimait., ce tte brouss e q u ’il a v a it conquis e
e t va inc uo. Vê tu de bla nc , un coute las à la ce in
t ur e , le fus il en bandouliè r e , il é ta it dans son
élé me nt. Se battr e contre la diffic ulté , conqué r ir
pied à pie d la forêt, lui ar rache r ses riche ss e s,
te lle é ta it sa joie . Il ne connais s ait que celle- là.
A d ’autr e s le bonhe ur pais ible , l’ivresse d ’a ime r
e t d ’être a imé , la douce ur de protége r un être
qui ne v it que pa r vous . Le de s tin les lui a va it
re fus és e t il no s ava it de la vie que ce tte lutte
âpr e e t toujour s r e nouve léo.
Il s our it à un gr a nd nègre q ui s’a va nça it vers
lu i:
— Bonno jo ur né e ? Bon tr a va il, Ba mbo?
— Oui, ma itr e . Be aucoup bossé. Maîtr e conte nt.
Ba mbo r ia it do toute s ses de nts . Ma r tin lu i
fr appa s ur l’épaule :
'f — C’est bie n, Ba mbo . T u me r e ndras tes
compte s ce s oir. Va s oupe r, mon v ie ux :
Une pe tite négress e, s volte e t élancée , qui
s e mbla it une s ta tue tte de bronze , r e joignit en
c o ur a nt Ba mbo qui s 'éloignait. Ma r tin s oupira e t
haus s a les é paule s . Allo ns 1 Encore une n u it qui
a lla it ve nir I Le jo ur é ta it occupé par lo tr a va il
do l’e x ploita tion. Mais q u ’elles é ta ie nt longue s ,
ces he ure s noctur nos où les s ouve nirs to ur na ie nt
a uto ur de sa couche comme les papillons a utour
d ’une la m p u l En va in, il e s s avait parfois d ’egayor
sa s olitude par la prés ence d ’une do ces pe tite s
llllcs noir e s , docile s aux dés irs du ma itr e . Le ur
a mour na ïf, le ur complais ance de je une a nim a l
intére s s é lui r e nda ie nt plus prés e nte l’image de
celle q u ’il a va it laissée en Fr ance e t q u ’il ne
r e ve r r ait peut- être ja m a is ...
Ce fut à cette min ute précis e où la vis ion de
Be r nade tte Ar na ud se dre s s ait po ur la milliè me
fois s ur le fond s ombre de la for êt afr ic aine
q u ’un nègre a cc our ut:
— Maitre 1 Ma it r e ! J ’appo r te le cour r ie r !
Il offr ait à La Pér e lle une corbe ille tressée q ui
conte nait des le ttre s et des jo ur na ux . Il p r it le
iaque t, r e ntr a dans la mais on et, se je t a n t s ur
e div a n de cuir qui ga r nis s ait la pièce q ui lu i
s e r vait de bur e a u, il e n comme nça l’e x ame n.
Soudain, il tr e s s aillit e t son vis age bronzé
pr it la coule ur gris e de la terre . La le ttr e q u ’il
a va it ta nt de fois re doutée en l’e s pér ant é ta it là.
Il la t e na it dans ses mains tr e mbla nte s . Il l’ouvr it.
U n pa pie r s’en échappa. Il po r ta it les trois le ttre s
fatidique s du s ignal de détre ss e :
— « S. O. S. »
C’é ta it to ut. Pas u n mot, pas une e x plica tion.
Be r nade tte a ppe la it au s ecours. Mais de que lle
natur e é ta it le dange r q u i la me naçait ? Il ne le
s aur a it que là- bas ...
Ma c hina le me nt, to ut e n r éfléchis s ant, il r e gar
da it les autre s le ttr e s . T out à coup, son r e gar d
d e vint fixe. Que lque chose comme une r évolte le
s e coua. Av a n t de par cour ir le conte nu de la mis
s ive q u ’il v e na it d ’ouvr ir , ses ye ux a va ie nt cour u
à la s ignatur e . Ce tte s ignatur e é ta it : « Pie rre
Dur oy. d
Il lu t :
— « Mons ie ur . Mo n fils m ’a avoué a voir con
tr acté vis- à- vis de vous une lour de de tte pour
laque lle vous ave z eu la bonté de lui accor de r
un délai. Ce délai est pass é de puis loni^te mps . Je
tie ns la s omme à votr e dis pos ition et vous la
ferai te nir , si vous le s ouhaite z, en un chèque à
la banque que vous voudr e z bie n me dés igne r.
« Ceci r églé, mons ie ur , puis - je vous adre s s e r
une pr ière ? Qua nd vous vie ndr e z en France ,
voudre z- vous m ’accorde r la fave ur d ’un e ntr e tie n?
C’est un père q ui vous s upplie , dans l’inté r ê t de
ce q u ’il a de plus che r au monde ... »
Ma r tin La Pér e lle s oupir a. Allo ns ! Il a lla it
r e pr e ndre la route qui le r a mène r a it au pays de
l’a mour e t de la doule ur . Car il s a va it bie n que ,
lor s qu’il r e me tt r a it le pie d s ur le sol de Fr ance ,
ce s e rait encore pour y s ouffr ir ...
Î
*
* *
Le voyage lu i a va it pa r u inte r min a ble . Il
é t a it a r r ivé, e nfin 1 E t après que lque s he ure s
d ’un lour d s omme il, les pre mière s qui lui e us s e nt
été accordée s de puis q u ’il a va it q uit t é le Congo,
il se t r o u v a it à sa fe nêtre de l’hôte l Savo y, dans
uno chambr e vois ine do ce lle où Be r nade lto é ta it
ve nue . Il é c o ula it l’énorme b r uit que fa it Par is ,
il r e gar da it le mouve me nt de la rue de Rivo li e t
il se d e m a nd a it ave c uno étr ango angois se dans
que l dr ame il a lla it se tr ouve r je té . Lui si fort,
si r ude , il r e s s e ntait que lque clioso qui r e s s e mblait
à de la pe ur . Non pour lui. Mais , pour la pr e mié je
fois, pe ut- être , il c r a ig na it de ne pas vaincr e .
Contr e cjuoi allait- il avoir à lutte r ?
11 a lla it appr ondr e , a u cour s de la jour né e qui
�54
S. O. S . I Une fe m m e s o m b r e ...
comme nça it, q u ’il y a une chose plus affreuse
—
Je s uis mons ie ur Dur o y , d it le ba nquie r .
que toute s les autre s , une bata ille où les forces
C’est bie n à mons ie ur La Pér e lle que j ’ai
s’us e nt t o u t de s uite : celle contre le vide .
l’ho nne ur ...
Il alla d ’abor d r ue de Lille , au domicile de
Ma r tin s’in c lina :
Be r nade tte Ar n a u d . Là, il a p p r it ave c s tupe ur
__E n e ffe t, mons ie ur . Votr e le ttre m ’a touché
que la mère é ta it m o ’te . Qu a n t à la je une fille ,
au m o me nt précis où mes affaires me r a ppe la ie nt
la concie rge ig nor ait où elle é ta it . Le s me uble s
en Fr anco. J ’ai jugé in u t ile de vous écrire , ma
a vaie nt été pre s que tous ve ndus pour paye r les
le ttr e s e r ait ar rivée en même te mps que moi.
te r me s en r e tar d. Elle a va it fait e nle ve r le reste.
__ O u i... Ve uille z vous ass eoir, mons ie ur. Je
Ens uit e , e lle é ta it ve nue de ux ou trois fois voir
vous re me rcie de vous être r e ndu à mon dés ir.
s’il y a va it des le ttre s pour e lle . E t puis , on ne
La conve r s ation que nous allons a voir est pour
l’a v a it plus re vue . Elle n ’a v a it pas donné
moi d ’une grande im po r ta nc e ...
d ’adresse.
Ma r tin a va it pris un s iège. Il a tte nd it, l’e s pr it
Une ressource r e s tait, a va nt de s’adre s s e r à la
en éve il, pr ê t à la ripos te :
police , pa r ti auque l r é pug na it Ma r tin pour une
__ Mons ie ur , r e pr it Dur o y, ] a i e nte ndu po ur
rais on pa r tic uliè r e ... Sa s itua tio n d ’age nt de
la pr e miè r e fois prononce r v o t r e nom dans des
contre - e s pionnage colonial et ses r e lations lui
circons tance s e x tr è me me ntpé nib le s ... Ce pe ndant,
e us s ent r e ndu la chose facile e t il e ût eu à sa
crovez que je ne nour r is contre vous aucune
dis pos ition les plus fins limie r s de Par is . Ce
hos tilité Je ve ux vous par le r d ’homme à homme ,
e n t o u t e s inc ér ité, e t je vais vous de mande r de
moye n lui e ût conve nu s’il se fût agi de re tr ouve r
s imple me nt une Be r nade tte s eule, pe rdue dans
me r épondr e en toute fr anchis e ... et de me
l’océan par is ie n. Mais que lque chose le gênait,- donne r votr e parole que ce q ui sera d it ici
c’é ta it l’e xiste nce de Dic k Dur o v. Qu ’était- il restera a bs olume nt e ntre nous .
adve nu de l’assassin de FAmé r ic aine de' P in a r d ?
_ Vous ave z ma parole , mons ie ur . De quoi
Sa maître s s e n ’avait- e lle pas été le r e joindre là
s
vOU8 ¿ 0VPZ vous en doute r , de mon
où il se t r o u v a it ? Fair e re che r che r Be r nade tte ,
ne serait- ce pas , dans ce cas, la compr ome ttr e
fils Ric ha r d Dur o v, votr e dé bite ur . Je me suis
e ngagé à r égle r la de tte de je u de mon fils , je le
ir r é mé dia ble me nt ? Donc, la ressource qui r e s tait,
c’était, d ’alle r che z ce lui rm’il a v a it chargé de
fe rai
Je vous en pr ie , no m ’inte r r ompe z pas,
ve ille r s ur e lle, c est- à- dire Marcus Mur doch.
Ce ci quo in n’il s’agisse d ’une très forte s omme ,
Rue Mouffotar d, une dés illus ion l’a tte nd a it . La
e st pe u de chose r e la tive me nt à la que s tion dont
.
.
concie rge lui a p p r it que Mur doch é ta it pa r ti je s ouhaite vous e ntr e te nir .
de puis que lque s jour s .
_ Ve u ille z vo us e x plique r , m o n s ie u r , d it fr o id e
—
Il est en pr ovince , lu i dit- e lle . T1 ne m ’a m e n t La Pére lle .
.
pas dit où. Pe ns e z, il ne re çoit jamais de le ttre s ,
__F x c u s e z - m o i... Le s u je t q u e je v a is a b o r d e r
il n ’v a pas à s’occupe r de lui faire s uivre sa
est s i... si pé nib le ... Enfin, voici : qua nd mon fils
cor re s pondance . Je crois a u ’il a fait un p e tit
est re ve nu de Dina r d où il vous a v a it r e ncontré
héritage . Le pa uvr e homme I Ça ne lu i fera pas
et où il a v a it pe r du contre vous la s omme en
de mal I
mie s tion nous avons e u, ici même , un e ntr e tie n
La s ituation se c o m p liq u a it é tr a nge me nt pour
où il m ’a avoué sa folie. J ’ai cons e nti à me s ubs
Ma r tin. B e r n a d e t t e dis par ue , Mur doch abs e nt,
titue r à lu i. E t , po ur lu i é vite r de nouve lle s t e n
il é ta it dés ar mé. Que faire ?
tations je l’ai e x pédié en Amé r iq ue pour q u’il
p r e n n o lo che min d u t r a v a il... Ile s t p a r t i... Ma is ...
Il songea s ubite me nt, à la le ttre du b a nquie r
Dur ov. Celui- ci dés ir ait le vo ir . Oui s ait si, là,
_ Mais ? de manda Ma r tin, impas s ible .
il ne tr ouve r ait pas le fil conducte ur rru'il che r
__p nr(] on... Vous étie z bie n à Din a r d a u mome nt
de I’ass as s’nat, de mis s Simps on?
c hait e t oui le r a mène r ait à Be rnade tte ?
— F n effet, ma is je ne vois pa s ...
Apr ès le déje une r , il se r e ndit à la banque
__Vous s a ve zé vid e mme nt que mon ma lhe ur e ux
et fit pass e r sa car te au d ir e c te ur .Im m é d ia te m e nt,
fils a été mê lé indir e c te me nt à ce tte histoire ?^
il fut in t r o d u it dans le grand bur e a u où a v a it eu
lie u l’e ntr e tie n s upr ême du père et. du fils. A
_ je sais, comme t o u t le monde le s a va it à
l’e ntrée de Ma r tin , un homme assis de rrière une
Dina r d, q u ’il fais ait pa r tie du cercle ha b itue l de
table chargée de dossiers se le va.
l’Amér ic a ine .
.
Qui eût. vu 1° b a na nie r Dur o y que la n^s mois
__ V o u s s a v e z a u s s iq u e l h o m m e s u r q u i s é t a ie n t
a upa r a va nt l’e ût à pe ine re connu a u jo u r d ’hui. Il
portés les s oupçons a p u é t a b lir u n a lib ie t p r o u v e r
son innoce nce ?
a va it ma ie r i, sa t a ille r e bus te se c o ur ba it. Il
— J ’ai lu cela dans les jo ur na ux .
a va it l’appare nce d ’un homme dur e me nt frappé
pa r le s ort. E t , en effet, nuol mal secret, aurait, pu
__Ce coupable pr és umé écarté, les re che rche s
r éduir e cet être for t e t h a b itué à ln lutte plus
ont, été dir igée s d ’un autr e c Ué , c’est- à- diro dans
le cercle dont, nous par lions t o u t à l’he ur e . Dans
que le secret q u ’il portait, en lu i, ce lui de la déchéance de ce fils en q ui il a v a it m is tout, son espoir? ces sort es d ’e nquête s , on procède pa r é lim ina tio n.
Les de ux homme s , au pr e mie r cime de le urs
Aujo ur d ’h u i, ce ux qui e nto ur a ie nt mis s Simps on
re gards , se me s ur èr e nt. Dur o v s e mbla it vouloir
o n t été mis l’un après l’autr e hors de caus e ... Doisje c ontinue r , mons ie ur , ou m ’avez- vous c ompr is ?
pé nétr e r dans l’iime de cet inconnu dont l’a p
pa r itio n dans la vio d " Ric ha r d avait ce r ta ine me nt
Le ma lhe ur e ux père é ta it d ’une pfile ur livide ,
c ontr ibué à le pe rdre . Ma r tin , lui, se d is a it:
des goutte s de s ue ur co ula ie nt s ur son visage .
« Que me ve ut- il? » E t une sorte de r e mords
Ma r tin se r a id it contre l’émotion q u i le pr e nait
malgr é lu i :
l’effie ura à la pensée q u’il se tr o u v a it d e va nt le
père de sa vic time ,
— Je crains de vous compre ndr e , mons ie ur ,
�S . O . S. ! U n e fe m m e s o m b r e .
dit- il. Le cercle des inve s tigations en se r e s s e r r ant...
— S ’est re fermé s ur mo n fils. 11 n ’est pas encore
arr êté mais il a re çu l’ordre de re gagne r la Fr ance .
On l’a d é jà inte r r o gé ... 11 se d é ie n d ... E t m o i...
m o i...
11 s’ar r êta de no uve a u, s uffocant. Ses mains
cris pée s s ur le bur e au g r illa ie n t le bois :
— Que puis- je pour vous , mons ie ur ? de manda
La Pe r e lle .
— M’aide r , mons ie ur , m ’aide r , si c’est en votre
p o uv o ir ... Mon lils allir me que , ce s oir- là, il s’est
re ndu au Cas ino après la fête donnée chez mis s
Simps o n... 11 d it vous y avoir r e ncontr é... Vous
alle z être co nvo qué ... Alor s , je voulais s avoir ...
— Si j ’étais dis posé a fo ur nir témoignage ? d it
Ma r tin q ui se le va.
— Etes- vous bie n ce r tain de votre mé moir e ,
mons ie ur ? Songe z... Un mot pe ut tout c ha nge r ...
pe ut s auve r la vie d ’un homme , l’honne ur d ’une
fa m ille ... Un mo t pe ut to ut pe r dr e ... C ’est si
g r a ve ... Oui, je sais que mes paroles pe uve nt
par aîtr e choquante s et ma démar che s ing uliè r e ...
Ma is , mons ie ur , il s’a git de mon fils ... de mon
fils , e nte nde z- vous ? Si ce t a lib i est pr ouvé , il est
s auvé. S m o n ... S in o n ...
Ma r tin a v a it re pous s é sa chaise . Sa m a in se
c r is pa it s ur le doss ier. Une épouva nta ble lutt e se
liv r a it dans l’âme de cet homme . Ce q ui a r r iv a it,
il l’a v a it vo ulu. Son a mo ur déçu, sa ha ine contre
Dic k Dur oy a va ie nt échafaudé l ’épouvanta ble
tr ame q u i d e va it conduir e le je une homme au
cr ime . Et voila que , de va nt la do ule ur de ce père ,
de va nt son h u m ilia tio n , il r éalis ait pour la
pr e mière fois ple ine me nt l’horr e ur de s on acte .
Qua nd il a va it connu Kichar d Dur oy , ce n ’é ta it
q u ’un gar çon faible , sans pr inc ipe s , jo ue ur et
par e s s e ux ... 11 la v a it me né, par un c he min te r
r ible , ju s q u ’à l’as s as s inat, c’e ta it lui q ui l’a va it
a r mé du coute au qui a va it tué mis s Simps on.
11 é ta it son ma uvais génie , pre s que son complice I
— Vous me pr e ne z au dép o ur vu, mons ie ur , ditil. La chose est très gr ave , en elTet... Je n ’ai pas
l’ha bit ude de le nir un jo ur na l de mes acte s ...
J ’allais au Cas ino tous les soirs ou à pe u pr è s ...
Ce tte nuil- là sans doute , comme toute s les autre s ,
j ’y é ta is ...
— Les e mployés , inte r rogés , ont déclaré que la
par tie s’est torminéo au m a t in . Le Cas ino a fe rmé
à s ix he ure s . Rappe le z vos s ouve nir s ... Je vous
a ur a i une r e connaiss ance é te r ne lle ... Songe z...
Co mme nt vous convaincr e ?
__Vous n’ave z pas à me convaincr e , mons ie ur.
Je v a is fa ir e l’im p o s s ib le p o u r m e s o u v e n ir ... p o u r
t r o u v e r u n p o in t de r e p re q u i m e p o n n e t t r a de
r é p o n d r e s i o n m ’in t e r r o g e ...
— Vous mo le pr ome tte z?
— .le vous le pr ome ts ...
Ce n ’é ta it plus une lutte dont l’âme de Ma r tin
é ta it le thé âtr e , mais un vé r itable ouragan de
pas s ion e t d • dés e s poir. A cette min ute s upr ême ,
s on a mour pour Bo r na de lte lui appa r ais s ait comme
une pe tite chose à côté de celle- ci : il a va it pe r du
un h o m m e ... il po uva it être l’ar tis an de sa mo r t,
s on bourr e au I
Epo uva nta ble minute que colle- cil Duroy ne
p o uv a it s avoir ce q ui sn pas s ait dans la cons cie nce
do cet inco nnu, mais il s a v a i t q u’il lui de m a nda it
d e jn e n t ir et se dis a it q u ’il n ’a v a it aucune rais on
55
-¿x
x p
-
pour le fair e . 11 lu t t a it , lu i aus s i, de t o ut son
a mo ur t a n t de fois de çu pour ce fils coupable et
il e ût donné sa for tune pour le s auve r.
Encore une lois , les de ux re gards s’accrochèr e nt,
plongèr e nt dans les pr ofonde urs de l’âme . Une
gr ande pitié hum a in e boule ve r s ait La Pére lle .
D ’un éla n s ponta né, il te nd it la m a in au ba nquie r :
— Je compatis de t o u t mon cœ ur à votre s ouf
fr ance ...
— Oui, vous compr e ne z combie n je souffre,
n ’est- ce pas ? Si lége r, si coupable q u ’il s o it ... je
ne parle pas du cr ime , .mais de sa conduite a nté
r ie ur e ... c’est t o ut de même mon p e t it ... et sa
mè r e ... sa me r e ...
Ma r tin plia comme sous un coup porté pa r une
m a in invis ib le . Ce g a min a va it une im r e qui, à
l’he ure actue lle , de vait ple ure r, s ouffr ir comme
cet ho mme do nt il de vin a it l’agonie mor ale . Ah !
Que l pois on é ta it donc cet a mour qui lu i avait
fa it oublie r t o ut ce la ... qui é ta it po ur ta nt la vie
toute s imple ? 11 cour ba le fr ont :
— Laissez- moi une n u it pour r éfléchir , m o n
s ie ur . De ma in , je vous d ir a i...
Les de ux ma ins de Dur o y se cr amponnè r e nt
aux s ienne s , les broy re nt e t Je banquie r m ur m ur a
d ’une voix indis tinc te :
— Par p it ié ...
Ils n ’éctiang^re nt plus u n mot. T o ut 'é t a it dit .
Ma r tin se r e tr ouva dans la rue . 11 a r r iva à la
T r inité sans s avoir co mme nt il y é ta it ve nu. Et
là, comme le s oir où il a va it erré s ur le boule var d
Saint- Miche l, le s e ntime nt de sa s olitude l’acca
bla . 11 n ’é ta it q u ’un pa uvr e homme . Ja dis , il
a va it r a illé, blâme ceux que l’a mour c onduis a it à
toute s lés lâche tés . Aujo ur d ’h u i, il é ta it à le ur
r ang. Que fair e ? A qui de mande r secours dans
le dés arroi de sa cons cie nce ? Il d it to ut ha ut :
— Pe tite Sour ce ...
E t , t ib u t a n t comme un homme ivr e , il s’e n alla
vers Mo ntmar tr e .
Qua nd il fut de va nt la mais on de la rue Houdo n,
une idée te r r ible lui vin t. Elle aus s i, la pe tite lille
s e courable e t te ndr e , de va it avoir dis par u. Il
tr e mbla en d e m a nd a nt à la concierge :
— Made mois e lle Nicole Vince nt ha bite toujour s
ic i?
— Bie n s ûr , d it la fe mme sans se r e tourne r .
Vous s ave z l’étage?
Il monta .
Quand il e ut fr appé , il pe r çut le pas léger de
la je une fe mme e t sa voix de manda :
— Q)ui est là ?
— Mo i, Ma r tin La P é r e lle ...
Il y e ut une e x cla matio n étouffée . La porte
»’o uvr it e t Nicole pa r ut. 11 la r e vit te lle q u ’il
l’a va it s ouve nt évoquée là- bas, on Afr ique , dans
une robe toute s imple , à pe ino ma quillé e . Les
bras ba lla nts , elle le r e gar da it ave c s tupe ur :
Il la bous cula pre s que pour e ntr e r , d it gauche
me nt : « P a r do n! » E t qua nd il fut en face d ’e lle,
dans sa chambr e , il vit q u ’elle le cons idér ait ave c
une sorte do fr aye ur , comme s 'il e ût été pour elle
un inc o nnu :
— Vous êtes étonnée de me vo ir ? dit- il, u n pe u
honte ux .
— O u i... No n... Je vous a tte ndais t o ujo ur s ...
P our quoi n’avoir jama is donné de v o b nouve lle s ?
— Je ne sais pas , r épondit- il, bour r u. Je s uis
�56
S . O . S. ! U n e fe m m e s o m b r e ...
a ins i... Il fa ut nie pr e ndre comme je s uis.
— Je ve ux bie n, dit- elle e n s our iant. Mais
avoue z que vous êtes dr ôle ... Enfin, vous êtes là ...
Elle r e s tait de va nt lui sans faire un mouve me nt
pour s’appr oche r . E t elle d it s ouda in, d ’une voix
changée :
— Q u ’est- ce que vous ave z ? Vous ave z que lque
chos e ... Vous n ’êtes plus comme a v a n t ...
— S i. Je s uis comme a v a n t ... C’e s t vous qui
m e voyie z m ie ux que je s uis . Je n ’a i ja ma is
c ha ng é ...
11 s avait bie n le contr air e . Il n ’é ta it plus le
mê me , e n e lle t, de puis s on te r rible e ntr e tie n ave c
Dur o y . T o ut s’en a lla it à va u l’e au dans son âme .
Et' une sorte de rage s auvage le pr e na it contre
lui- même , contre la vie , contre to ut, avec un dés ir
de s accage r, de faire du m a l. Là- bas , en Afr iq ue ,
il e ût passé sa fur e ur s ur ses nègre s ou pris son
fus il, tué des bête s innoce nte s . 11 a v a it Pe tite
Source sous la m a in , c’est elle q ui pa ie r a it. 11
l’a tt ir a à lu i, d ’un geste br us que :
— T u m ’aime s toujour s ? ricana- t- il.
Elle le va s ur lu i un r e gard où il y a v a it de la
s oumis s ion et de l’angois s e :
— Ou i...
— T u m ’as d it, un jo ur , que je t ’aur ais qua nd
je v o ud r a is ... Eh bie n ! C’est a u jo u r d ’h u i... Je te
ve ux , e nte nds - tu?
Elle ne r é po ndit pas . Elle a v a it toujour s s on
re gard d ’ine x pr ima ble angoiss e , un re gard d ’a n i
mal qui a pe ur . Mais elle n ’essaya pas de rés is te r
qua nd il la p r it dans ses bras . Ave c une hâte
br uta le , il a r r ac ha it la robe, le linge , la je ta it s ur
le lit. lit br us que me nt, il to mba a coté d ’elle et
se m it à s anglote r , comme si un re s s ort a va it
br us que me nt cédé en lu i...
Elle le r e gar da ple ur e r un long ins ta nt. Il s e ntit
sa ma in se poser s ur ses che ve ux, les caresser. Et
comme a v a n t le dép ar t, e lle a v a it passé une n u it
la tête appuyé e s ur la poitr ine de l’ho mme , ce
fut lui q u i, to ut na tur e lle me nt, v in t poser la
s ienne au cre ux de l’épaule de la pe tite fomme .
Il a va it e nfin tr ouvé le re fuge où s’apais e r ait sa
colore e t auss i son c ha gr in, ce chagr in q u ’il por
t a it e n lui de puis si longte mps :
— Là ... Là, d it Pe tite Source . Je s avais bie n,
moi, que l’he ure n ’é ta it pas encore v e nuo ... T u
ne m ’aime s pas e ncore ... Mais je s uis bonne pour
écoute r ce que tu as à d ir e ... Qu ’est- ce q ui te
tour m e nte , Ma r tin ? P a r le ... P a r le ... Apr e s tu
iras m ie ux ...
Quand le jo u r so le va dans la 'c ha mb r o , Ma r tin
La Pére lle é ta it toujour s couché aupr ès de Pe tite
Source q u ’il n’a v a it nas pos s édée . Mais il a va it
parlé toute la n u it , il a v a it tout d it : son a mour
pour Be r nade tte Ar na ud e t l’hor r ible his toire do
Dick Dur oy. Elle l’a v a it écouté s ile ncie us e , avec
sa douce patie nce de pe tite e s clave amour e us e .
Qua nd il s’ar r êta, à bout de forces, olle posa sa
ma in fr a id ie s ur son fr ont chaud :
— Ve ux- tu que je te dise co q u ’il fa ut faire ,
Ma r tin?
Il s our it malgr é lui :
— Je crois que j ’étais ve nu te le domande r ,
Petit«' Source , parce que , en vé r ité , je ne sais plus
d u t o u t ...
Elle le va ve rs lu i
de gr ave s pe ns ée s :
b o ii
r e ga r d c la ir o ù pa s s a ie nt
— Me ntir po ur s auve r u n ass as s in, c’est très
gr a ve ... Mais pe ut- être pour la pauvre Be r nade tte
Ar na ud , faut- il...
— T u crois, Pe tite Sour ce ...
— Si elle l’aime , Ma r t in ... E t puis , si t u n ’avais
pas fa it ce que t u as fa it , sans doute , Dic k Dur o y,
si ma uvais q u ’il s oit, n ’aurait- il pas tu é ...
11 s’é ta it le vé , ma r c ha it à trave rs la pe tite
chambr e que r e mplis s ait la clarté de l’aube . Elle
v in t le r e joindre e t, qua nd e lle fut près de lu i, il
lu i t e n d it les de ux ma ins :
— Ma cons cie nce 1 Allons I Je tâc he r a i de s a u
ve r ce garçon, quo iq u’il ne le mé r ite guèr e ... Mais
il fa ut d ’abor d que je la r e tr ouve , e lle ... E t qua nd
t o u t sera fin i...
— Que feras- tu, Ma r t in ? demanda- t- e lle avec
angoisse.
— Ce que je ferai ? r épondit- il ave c gr a vité . Je
t ’épous e rai, Pe tite Source , et je t ’e mmène r ai ave c
moi, dans la brous s e , lu- bas ...
Elle bais s a le fr ont :
— Oh I non, Ma r tin, non 1 T u ne pe ux pas
m ’épous e r ... T u sais bie n ce que je s uis ...
— E t moi ? Que suis- je donc ? Un homme qui
a commis toute s les faute s et qui a, ce nt fois ,
fr ôlé le c r im e ... T u es la Pe tite Source d o nt j ’ai
be s oin, dés or mais , pour pouvoir continue r à vivr e ...
La Source fraîche où le voyage ur épuis é baigne
son fr ont e t ses mains pour a voir la force de po ur
s uivre sa r o ute ...
— Ce sera comme t u voudr as , dit- elle douce
me nt.
Il l’a ttir a à lu i e t, douc e me nt, gr a ve me nt, avec
une te ndre s s e qui ve na it du me ille ur de son être , il
imp r im a s ur s e s lèvre s le pr e mie r bais e r d ’a mo ur ...
C H AP IT B E VI
L e d e s t in d e B e r n a d e t t e A r n a u d .
D e p u is une he ure , Ma r tin La Pér e lle é ta it dans
le bur e au de Fe r na nd Ma r tia l, a ux Délégations
Judic ia ir e s . Sur sa prière , le s ecrétaire s’é ta it mis
en qua tr e pour lui fo ur nir lo re ns e igne me nt q u ’il
dés ir a it, Enfin, un e mployé appor t a un doss ier et
Mar tia l fe uille ta :
— Mon che r a m i, il est e xact que tu es c onvo
qué comme té mo in dans l’allair e de l’as s as s inat
de mis s Simps on. A l’he ure actue lle , la convoca
tion doit être ar rivée là- bas en Afr ique . T u n ’as
q u ’àa lle r t e prés e nter a u cabine t du juge d ’ins tr uc
tio n. C’e s t Mare s cot qui s’occupe do l’alfair e . C’est
un ho mme c ha r ma nt et q u i te re ce vra très bie n.
Il ost de me s a mis , d ’aille ur s . lit si t u as des r évé
lations à fa ir e ...
— Je crois, d it Ma r tin , que jo s uis de s tiné à
inte r v e nir comme le deus ex m ac h ina...
�S . O . S . ! U n e fe m m e s o m b r e ..
— Je ne ve ux pas être indis cr e t, mais t u m ’in
tr ig ue s ...
— Ne te s ouvie ns- tu pas que Ric ha r d Dur o y
m ’intér e s s ait t o u t s péciale me nt e t que je suis
ve nu te de mande r des r e ns e igne me nts s ur s on
c ompte ?
— C’est v r a i...
— J ’étais à Dina r d au mo me nt du me ur tr e et
je puis affir me r que Dur o y est in no c e nt...
— T u es s ûr de ce que t u dis ?
— Abs olume nt.
Ma r tia l r e gar da une seconde s on a mi ave c cur io
s ité. Puis il haus s a les épaule s :
— J ’a i toujour s pe ns é q u ’on ne s aur ait ja ma is
la vér ité s ur la mo r t de l’Amé r ic a ine . Nous allons
e ncore nous faire in ju r ie r pa r les jo ur na ux e t pa r
le pub lic . Encore un crime q ui re s te ra im p u n i...
— Il y en a be aucoup ?
— Oui. Et ce n ’est pas to ujo ur s notre faute .
— Vr a im e nt ?
— Il y a des coupable s q u ’on nous ar rache .
Que lque fois , on a mo r a le me nt la ce r titude q u’on
ne se tr ompe pas . Mais un rése au de fils invis ible s
se te nd a uto ur de l’homme q u’on ve ut s auve r et
tous nos efforts vie nne nt se br is e r contre lu i...
Encore une fois , il s cr utait le vis age de Ma r
t in La Pére lle impas s ible :
— En fin , t u es tr o p des nôtre s p o u r q u ’on
puis s e te s oupçonne r de faux té moigna ge . E t
puis , t u haïs s ais ce Dur o y , il n ’y a pas de rais on
pour que tes s e ntime nts a ie n t changé. C’est donc
t a cons cie nce s e ule ...
— Oui. C’est ma cons cie nce q u i m ’ordonne de
parle r .
En pr ononçant ce tte phr as e , il s onge ait à Pe tite
Sour ce . Sa cons cie nce , c’é ta it e lle ...
Il se le va :
— Je te re me rcie , Ma r tia l. Je vais a lle r au
P a la is ...
— Att e n d s ... Je voudr ais te dire que lque
chos e ...
-— Quoi donc ?
— Que lque chose de g r a ve ... e t qui do it rester
e ntre n o us ... T u vas me pr o me ttr e ...
— J ’ai l’ha bitude de gar de r des secrets.
— Je sais. La moindr e indis cr étion dans l’affaire
d o nt je vais te par le r s e rait très e mbêtante pour
nous . Mais si je viole le secret profe s s ionne l, c’est
par a m itié pour toi, Ma r t in ... Le s jo ur na ux igno
r e nt encore la chos e ...
— De quoi s’agit- il ?
— Voici : tu portes inté r ê t, n ’cst- ce pas , à une
fe mme q ui se nomme Be r nade tte Ar na ud ?
Ma r tin bonrlil, lit té r a le me nt :
— Je la che rche ! Je ne puis a r r ive r à s avoir ce
q u ’elle e&t de ve nue 1 T u sais que lque chos e ?
— Mon vifMix, ta protégée est compr omis e dans
une all'aire d ’e s pionnage ...
— D ’e s pionna ge ? Be r nade tte Ar n a u d ? C’est
impos s ible !
— Mon che r a mi, elle a été arrêtée , il y a que l
que s jour s . Elle est au secret. On e s t s ur la trace
(le ses complice s ...
— Ses complic e s ? Qu i s ont- ils?
— De vie ille s connais s ance s à toi, je pense :
Er ic Sode r ling e t Marie- José F a r gas ...
Ma r tin d e vin t atr oce me nt pâle . 11 b a lb u t ia :
— MaiB c o m m e n t ? P o u r q u o i ?
57
— Un docume nt dérobé dans le s ervice de
Chr is tia n Cléris s e . Hé 1 là I T u ne vas pa r tour ne r
de l’œ il ?
La Pére lle a va it chance lé. Il se r a tt r a pa au coin
de la table :
— Clér is s e ? Que lle infe r nale combinais on y
a- t- il là- de dans ? Ah ! P our quoi n ’ai- je pas parlé ?
Pour quoi n ’ai- je pas fa it ar r ête r ce tte mis ér able ?
— Qui ? La fille Ar na ud ?
— Non, La Fargas I E t t u dis q u ’elle e t Sode r
lin g ne s ont pas ar rêtés ?
— Non. Vo ilà où nous e n s omme s . Marie- José
Fargas a va it réus s i, je ne sais comme nt, à e ntre r
au Minis tèr e de la Gue rre comme dac tylo, sous
un faux nom.
— Je sais.
Ce fu t au to ur de Ma r tia l de bo ndir .
— Co m m e nt? T u s ais ? E t t u n ’as pas a ve r ti?
Sais- tu que cela re s s e mble à une tr ahis on ?
— T u me me ttr as e n accus ation tout, à l’he ure .
Continue . •
— Elle a v a it égale me nt réus s i à faire pe r dre la
tête à Clériss e qui é ta it amour e ux d ’e lle. On pense
q u’elle a dû s’e mpare r du doc ume nt, e n pre ndre
copie . E t c’est Be r nade tte Ar na ud q u ia été pincée .
— Je ne compre nds pas.
— T oi qui es si bie n r e ns e igné, t u ne dois pas
ignore r que Be r nade tte Ar na ud e t la Fargas étaie nt
amie s intime s .
— Ah I Ce la, c’est faux , par e xe mple 1 cria La
Pér e lle . Elle s ne se connais s aie nt pas , je le jur e I
— Ouais ? r étor qua Ma r tia l, nar quois . Ce tte
fois , mon che r Ar gus , t u es e n défa ut. E t cela
pr ouve une fois de plus que l ’ho mme le plus for t
se fera toujour s roule r pa r la fe mme q u ’il aime .
Clériss e a fait la connais s ance de Mlle Ar na ud par
Marie- José Fargas et to ut le s ys tème de défense
do la pre mièr e est basé s ur cette a mit ié .
Ma r tin passa la ma in s ur son fr ont couve rt de
s ue ur :
— Ah I Ce la ... ce la... c o mme nt...
Il pous sa un cr i. Une illu m in a t io n s ubite ve na it
de se faire dans son e s pr it :
« Mur do c h? pensa- t- il. Le coup vie nt de Murdoch. Ah I Ce tte fois, je serai im p ito y a ble , je les
pe r dr ai tous . Oui, mais Mur doch a d is pa r u... »
— Br e f, r e pr e nait Ma r tia l, Clériss e s’est ape r çu
do la chose pre s que to ut de s uite apr ès le dépar t
de la fille Ar na ud qui é ta it ve nue pour r e mplace r
Far gas . Il a donné l’ala r me . On l’a r attr apée
comme elle a lla it pre ndre le tr a in à la garé de
l’Es t. Mais on ne s’é ta it pas avis é t o ut de s uite
que les de ux autre s a va ie nt dé jà filé. E t , de puis ,
impos s ible de les r e trouve r.
Un ins ta nt, Ma r tin re sta a c c a blé ; puis il se
redressa ; il s our ia it d ’un s our iro te r r ible :
— C'es t 'a de r nière par tie , dit- il. Oui, j ’aur ais
pu peut- être pr éve nir tout cela si j ’avais pa r lé.
Je ve ux r ache te r mes torts . Jo vais me faire con
fier la mis s ion de r e trouve r les de ux e s pions on
fuite . Dans h u it jour s , pe ut- être a v a n t, ils s e ront
e ntr e les mains de la Jus tice .
Il ma r c hait vers la porte . Ma r tia l le r appe la :
— F t le juge d ’in s t r uc tio n ?
— Sois tr a nquille . T out sera fait. Je te re me rcie,
vie ux . T u n’as pas me nti » l'e s pr it de « l’Équip e ».
Jo n ’oublie r ai pas ce quo tu as fa it pour moi.
— A bie ntôt, alors ?
�58
S. O. S. ! Une fe m m e s o m b r e .
— Qu i s a it ? Ce tte fois, je vais , je crois , vers
une ave ntur e assez dange re us e . Je sais ave c qui
je vais me me s ure r, ce n’est pas la pre mièr e fois.
— E t to ut cela pour une fe mme I Ah I Ma r t in ...
Ma r tin ...
La Pér e lle , campé au m ilie u du bur e a u, se m it
à rire :
— Il fa ut bie n que je une s s e se passe ! Mais ,
ce coup- ci, si j ’en re viens je me range rai.
— T u vas te m a r ie r ? d it l’autr e en r ia nt aus s i.
— Je pourr ais pe ut- être faire que lque chose de
plus bête . Au r e voir !
*
* *
La jour née ne fais ait que comme nce r pour
Ma r tin La Pér e lle . 11 comme nça par r e tour ne r rue
Mouiïe tar d et r e mit à la concierge une le ttre
t( pour mons ie ur Mur doch, qua nd il r e vie ndr a it
de voyage ». Ce la, c’é ta it une carte jetée au
has ar d. Le gnome a v a it sans dout* q uitté la
Fr ance en même te mps que sa s œ ur à moins q u ’il
n ’a it lin i,e n que lque coin, son e xis te nce . D’aille ur s ,
m a inte n a n t, il n ’a va it plus be s oin dé lu i pour
connaître le de s tin de Be r nade tte Ar na ud. Il é ta it
re ns e igné. Mais si Mur doch v iv a it, il y a ur a it tôt
ou tar d un r ègle me nt de compte s . C’é ta it lui é vi
de mme nt qui a v a it i e rdu Be r nade tte . Il pay e r ait
che r d ’avoir tr a hi la confiance que La Pére lle
a v a it cru pouvoir place r en lui.
De là, il se r e ndit au Palais de Jus tice . Il fut
re çu s éance te nante par le juge d ’ins tr uc tio n. Il
cr aig nait que sa dépos ition fût accue illie avec
s ce pticis me . Mais il compr t à la façon dont
M. Mares cot l’éco uta it que celui- ci é pr o uva it un
s oulage me nt ce r tain en e ntr e voyant le moye n de
me ttre le je une Dur oy hors de cause. Le banquie r
a va it dû faire jo ue r toute s les influe nce s q u ’il
pouva it pos s éder po ur s auve r son fils. Quand
Ma r tin s or tit, il é ta it convaincu que l’affaire se
te r mine r ait par un non- lieu. Ceci ne t r a n q uillis a it
pas sa cons cie nce . Il a vait, en s omme , caus é la
mor t de l’Amér ic a ine e t il é ta it t o ut près de se
cons idére r comme le vér ita ble assassin :
« Ma r tin, se dis ait- il, en se r e tr ouvant s ur le
boule var d, au fond, tu es un être mépr is able . T u
as d it , l’autr e jo ur , que tu avais s ouve nt frôlé le
cr ime . Ce tte lois , pas d ’e rre ur, il est commis . 11
ne te reste q u’à te p unir . »
Im m o b ilis é une seconde au milie u du tr otto ir ,
il r éfléchit. Il se s e ntait alTre use me nt las e t ple in
de dég oût. Rie n de to ut ce qu’il a v a it fait ne lui
s e r vir ait. La fe mme pour qui il a va it api no lui
a p p a r tie nd r a it ja ma is . Que lui r e s tait- il?
« P e tite Source I pensa- t- il. Allo n s ! Il est
peut- être pos s ible de r ache te r le mal q u ’on a fait
en re n 'a n t un être he ur e ux . Qua nd j ’a ur a i s auvé
Be r nade tte , je ne s onge rai plus q u ’à e lle ... »
T o ut le reste de l’apr ès - midi se passa en dé
mar che s au Minis tèr e de la Gue r r e , à la Préfe c
tur e . Il o b t in t facile me nt ce q u ’il vo ula it. On le
connais s ait, il a v a it mainte s fois accompli des
miss ions dange re us e s . C’était lui q u ’on la nça it s ur
les traces des de ux e s pions Sode r ling e t MarieJos é Fargas .
Il s’agisunit, ma inte na nt de tr ouve r lo pr omior
indice qui lui p 'r m e t lr a it de les r e trouve r. En
possession du docume nt volé, ils de vaie nt, ou
l’avoir r e mis à que lqu’un à Par is e t s’e nfuir Die u
s ait où. Ou bie n, ils le por ta ie nt eux- même s en
Ba lta vie . A pr e mière vue , il é ta it difficile de de vi
ne r à que l p a r ii ils s’é ta ie nt arr êtés . Et c’é ta it
s ur cette énigme que les policie rs b uta ie nt de puis
l’ar r e s tation de Be r nade tte Ar na ud .
C’é ta it là- dessus q u ’il m é d ita it en r e gagnant
s on hôte l vers h u it he ure s du s oir. Comme il a r r i
v a it près du Savoy, il ape r çut, lui to ur na nt le
dos et abs orbé en appare nce par l’e xame n d ’une
v it r in e , une s ilhoue tte do nt la vue lu i fit bondir
le c t'ur. Aucune hé s ita tion pos s ible. C’é ta it Alurdoch. Il fit que lque s pas comme un pr ome ne ur et
he ur ta l’homme de l’épaule . Ce de r nie r se r e tour na
le nte me nt e t, sans rie n dir e , il s uivit Ma r tin.
Ce lui- ci r e ntr a tr a n q uille m e n t dans le hall de
l’hôte l e t l’as ce ns e ur his s ait bie ntôt La Pére lle et
sa proie e nfin r e jointe ju s q u ’à Tétage où se tr ou
v a it son a ppa r te m e nt. Une fois q u ’ils y fur e nt
e ntrés , la por te fe rmée à cle f, l’a ve ntur ie r n ’a tt a
qua pas t o ut de s uite . Il cons idér ait Mur doch dont
le vis age défa it, contr acté, in d iq u a it une émotion
qui confinait à la pa niq ue . Puis , toujour s pour
as s ure r sa ple ine pos se s sion de lui- même , il a llu
ma une cigar e tte , alla fe r me r les pe rs ie nne s e t pr it
un s iège, tandis que l’a utr e , le fr ont bas, re s tait
de bout agité par un t r e mble me nt convuls if.
Un s ourire ame r , te ir ible e t qui s ous - e nte ndait
toute s les me nace s , se de s s ina it s ur les lèvre s de
Ma r tin La Pér e lle :
.
— Eh bie n, Mur d o c h ? dit- il. T u vie ns che rche r
ta récompe ns e po ur la façon dont tu t ’es a cquit té
de la mis s ion que je t ’avais confiée ? Mes c o mpli
me nts ! Comme infa mie , on ne fait pas mie ux !
Marcus e ut un br us que mouve me nt, ses mains
se te ndir e nt c o m m e pour une s upplic a tio n. Mais ,
a us s itôt, Ma r tin le v it se redres ser, r e pr e ndr e son
a plo mb :
— J ’écoute r ai vos re proche s plus tar d. Pour
l’ins ta nt, il n ’y a pas un ins ta nt à pe rdue ... Pas une
m inute , e nte nde z- vous ? Apre s , vous me tue re z
si vous voule z. J ’aur ai to ut pe rdu e t cela me sera
bie n égal. Mais par pit ié , plus un mot. Ve ne z, pa r
tons . La mor t n ’a tte nd pa s ...
— La mor t ? Quoi ? Qu ’est- ce que t u ve ux dire ?
Les lèvre s du gnome tr e mble r o nt e t des larme s
pa r ur e nt au bor d de ses paupière s bordée s de
rouge :
,
__ Elle vous a tt e nd ... El le ve ut vous voir a va nt
de m o ur ir ...
— B e r n a d e t t e ? r ug it La Pére lle .
Ce nom lui é ta it ve nu tout, na tur e lle me nt aux
lèvre s . Qui donc 1 intére s s ait au monde , s inon
elle ? II no réfléchis s ait pas que s’il lui é ta it ar r ivé
ma lh e ur , Mur doch l’e ût sans doute ignoré.
__No n... No n... Marie - Jos é...
Il a v a it pr ononcé ce nom si bas que son inte r lo
cute ur le pe r çut à pe ine :
— Que lle est. cette comédie ? de manda- t- il r ude
ment,. Si t u sais où est ta s œ ur conduis- moi vers
e lle . Nous avons un compte à régle r, e lle e t
moi.
— Elle est à l’he ure où on règle tous le s c ompte s ,
g é m it Mur doch. Vous n ’ave z donc pas lu les jo ur
na ux do ce s oir ?
Il je ta it un jo ur na l s ur la table . Ma r tin s’on
e mpar a, vit en tête en le ttre s grasses :
« Une e s pionne re che rchée pa r la Police tue
�S . O . S . ! Une fe m m e s o m b r e ..
s on a m a n t e t se tir e e ns uite un coup de r e vol
ve r ... »
— Où est- elle ?
— A Br ux e lle s ... Ve ne z... Il y a e ncore un
tr a in ce s oir. Nous n ’avons que le Le mps ... Ve ne z
vit e !
E t comme Ma r tin, s tupéfié, r e s tait une min ute
sans r épondr e , le mons tre cria :
— Mais vous ne compr e ne z donc pas ? Si MarieJosé é ta it e n s ûr e té, ja ma is je n ’aur ais par lé,
vous m ’aur ie z tue sans m ’ar r ache r un mo t ! Mais
e lle va mo ur ir 1 II fa ut ve nir . 11 fa ut qu e lle vous
dis e ... C’est le s eul moye n de s auve r Be r nade tte
Ar n a u d que j ’a i pe r due , moi, sans le vo ulo ir 1Ah,
croye z- moi, c’est bie n sans le vouloir ! J ’ai été un
im b é c ile ... Un imbe cile , e ntende z- vous ? J e n ’avais
pas c o mpr is ... Ve ne z... Ve ne z...
Ma r tin La Pér e lle é ta it dé jà dans l’e s calie r.
Dans la r ue , il pous s a Mur doch dans un ta x i. A
la gare du Nor d, ils ar r ivèr e nt jus te à te mps pour
se je te r dans le tr a in q ui pa r ta it pour Br ux e lle s .
Ce fut dans le c o mpa r time nt de pr e nd, re, tous
r ide aux bais sés e toù ils é ta ie nt ass urés d ’étre s euls,
Ma r tin La Pére lle a y a nt montr e au che f de tr a in
une carte qui a v a it paru be aucoup impr e s s ionne r
celui- ci, que Mur d och pa r la, d ’une voix r a uque ,
br is ée ...
Il r aconta d ’abor d co mme nt il a v a it filé Be r n a
de tte , la s ur ve illa nt, e t co mme nt il a v a it — s elon
ce q u ’il cr oyait — ar r aché la je une fe mme au
s uicide . E t c o mme nt, ce tte nuit- là, il l’a v a it
ame née che z sa s œ ur , à Vé lizy. A ce mome nt- là,
il a v a it un pla n. 11 s avait que Marie- José é ta it
e xcédée pa r la pour s uite de Chr is tian Clériss e ;
on je tte r a it Be r nade tte dans les bras du secrétaire
qui s’en é pr e ndr a it ce r ta ine me nt, car il a v a it s e m
blé à Murdoch q u ’a ucun homme ne po uva it rester
indiffér e nt à sa be auté. Cela libé r e r a it .Marie- José
de son rôle tout en la lais s ant libr e d ’acc omplir
la mis s ion impos ée par Sode r üng. Mais ici é la ie nt
inte r ve nus de ux facteurs impr é vus . D’une pa r t,
la ha ine de Marie- José pour Ma r tin. Qua nd elle
a v a it s u q u ’il a im a it Be r nade tte e t q u ’il a va it
chargé Mur doch de ve ille r s ur e lle , l’idée d ’une
ve nge ance infe r nale a v a it ge rmé dans son e s prit.
Ce s e rait Mlle Ar n a u d , sans méfiance e t ple ine de
re connais s ance , q u ’on c ompr o me ttr ait dans l’affaire
du do cume nt volé. En effet la malhe ure us e Be r na
de tte a v a it bie n re mis le docume nt on place
comme le lui a v a it or donné Marie- José, mais elle
a v a it été s ur pr is e pa r Clériss e , s’é ta it défe ndue
ma la dr o ite me nt. Ce lui- ci, s ur le mo me nt, n ’a va it
pas bie n compr is ; il a im a it Marie- José e t ne vou
la it pas croire tju’il s’é ta it tr ompé à ce po int.
De ux he ure s a vaie nt s ulli pour démê le r l’im br o
glio ; un a ge nt du contre - e spionnage avail d cou
ve r t de puis que lque te mps la r e traite de Soderling , le faux Mihale s co. E t on s avait le pseudoRo u m a in a m a n t de puis longte mps d ’une dange
reuse e s pionne . Br e f, Be r nade tte q u ’il a v a it lais
sée pa r tir a v a it été r attr apée près de la gare do
l’Es t. Elle ve na it d ’e nvove r à Ma r tin les trois
le ttre s fa tidique s qui le r a p p e la ie n t; elle se s e n
t a it s ombr e r comme il le lui a va it pr é d it. MarieJos é e t Sode r üng lui a vaie nt donné rendez- vous
à la gare do l’Es t pour pa r t ir ave c e ux. T andis
quo la malhe ur e us e e r r ait sans les tr ouve r — e t
il y a v a it de cela une e xce lle nte rais on, c’est q u ’ils
avaie nt pr is le tr a in à la gare du Nor d, a ba ndon
na n t idtir vic time — elle a va it ete arrêtée par les
policie rs , be p uis , elle se d é b a tta it, e s s ayant
in utile m e nt de prouve r s on innoce nce . Le s de ux
autre s a va ie nt dis par u. Sous un faux nom, ils
a v a it n t gagne la Be lgique , la Hollande , le Lux e m
bour g où les a tt é n ua it un e s pion baltave à qui ils
a vaie nt r e mis le docume nt. P uis , ils étaie nt re ve
nus u Br uxe lle s . C’e tait là que les a va it r e joints
Mur doch, allolé par la tour nur e q u ’a va ie ntpns e le s
événe me nts et par l’e mpr is onne me nt de Be r na
de tte . Le pr oje t du couple é ta it de s’e mbar
que r à Anve r s pour l’Afr ique .
Mais le s econd lacte ur im p r é vu é ta it inte r ve nu.
Marie- José e t Mur doch a va ie nt to ut pr é vu, sauf
ceci : l’a mour de Sode r üng pour Be r nade tte .
De puis long te mps , le be au garçon é ta it las de
Marie - José. Il a va it cède à ses ins tance s , é ta it
par ti ave c e lle . Mais de puis ce dé pa r t , des scenes
affreuses éclata ie nt jo ur ne lle me nt e ntre les de ux
amants . Elle é ta it jalous e a bo mina ble me nt e t lui
se m o n t r a it crue l i t lu i r e pr oc ha it d ’avoir livr é
Be r nade tte à la Jus tice . A Br ux e lle s , dans l’hôte l
où iis se cachaie nt, une scène plus hor r ible que
les autre s a v a it éclaté. L ’un et I autr e s’éta ie nt
r e proché de vie ille s his toire s e t, finale me nt, dans
un ve r itaole coup de folie, Sode r ling a v a il déclaré
q u ’il a lla it r e ntr e r en France e t se livr e r . En
avait- il vr a im e nt l’in te n tio n ? Mur doch pe ns ait
que c ’é ta it pe u pr obable , il a va it voulu, en pa r la nt
ains i, e xas pére r Marie- José. 11 a v a il tr op bie n
réus s i. D’un coup de r e volve r, la je une fe mme ,
folle à la pensée de pe rdre cet a m a n t q u ’elle a do
r a it, l’a va it a ba ttu à ses pie ds . Puis elle a va it
re tour né l’ar me contre e lle - même . La balle a va it
été se loge r dans un poumo n dont on n ’a va it pu
l’e x tr air e . Marie- Jose é ta it pe r due . 1.11e v iv r a it
encore que lque s jour s , ju s q u ’a ce q u ’une hé mo r
ragie inte r ne l’e mpor tât . La police a va it été ale r
tée e t elle a v a il to ut dit. Cumme elle n’é ta il pas
tr ans por table , elle é ta it toujour s à l’hôte l sous
bonne gar de . Mais son frère a va it été autor is é à
p é n é t r e r a u p r o B d ’e lle . E t elle l’a v a it s u p p lié d ’a lle r
che rche r Ma r tin . Elle vo ula it lu i pa r le r a v a n t de
mour ir .
Ils ar r ivè r e nt à Br ux e lle s en ple ine n u it . Ma r tin
se re posa que lque s he ure s e t, dès le d é b ut de la
ma tiné e , fit les démarche s néces s aires au Cons u
la t et à la Police be lge auprès de laque lle sa q u a
lité d ’age nt du contre - e s pionnage français e t sa
mis s ion l’a cc r éditaie nt. A dix he ure s du m a tin,
escorté de de ux policie rs e t s uivi de Mur d och, il
pé nét r a it dans la chambr e de l’hôte l où Marie- José
v iv a it ses de r nie r s mome nts .
La fièvre qui la te na it r e nda it à la je une fe mme
un illus oire éclat. Elle a va it r e tr ouvé sa be auté
de ja d is , du te mps où la vie no l’a va it pas br ûlée .
Elle é ta it te lle , en vé r ité , que Ma r tin 1 a va it con
nue e n cette n uit déjà lointa ine où elle s’é ta it
donnée à lui pour se s auve r . Le de s tin r a me na it
ce t homme pr. s de son lit au mome nt où elle a lla it
finir . La r ancune do Ma r tin s’apais a à la vue de
la mour a nte . Il s avait, dès lor s , Bor nade tle s auvé e ;
l’accus ation ne tie nd r a it pas de va nt les ave ux de
l’e s pionne . Et il a va it été si dur e me nt secoué par
le De s tin lui- même , tous ces de r nie rs te mps , q u ’il
ne se s e nta it plus lo dr o it d ’en vouloir à pe rs onne ,
Il s’appr oc ha . Sur un ordre donné par les policie rs
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l’infir mièr e se r e tir a. La porte se r e fe r ma. Ils
é taie nt s euls .
«
— Ma r tin La P ér e lle ... dit- e lle fa ib le me nt.
— Me voici, Marie- José Far gas .Vous dés ire z me
voir ?
— Ou i... C’est s ing ulie r , n ’est- ce pas , que ce
s oit vous que j ’aie a ppe lé , vous q u i de ve z me
ha ïr ?
11 ne r é po ndit pas . Elle r e pr it d ’une voix fié
vre us e :
— Si, vous de ve z me h a ïr ... E t si je ne m ’étais
pas fa it jus tice moi- même vous m ’aurie z tuée ,
n ’est- ce pas ?
— Je ne tue pas les fe mme s , Marie- José Far gas .
E t vous s ave z bie n que j ’ai pe ine à me décide r à
en livr e r une . Souve ne z- vous ... De ux fuis , je vous
a i fa it gr âce ...
— Je me s ouvie ns ... E t c’est po ur cela, au mo
m e n t où plus r ie n ne pe ut me r ame ne r à la vie ,
que je ve ux vous donne r le moye n de s auve r
celle que vous a im e z... Car vous aime z ce tte Be r
nade tte , n ’est- ce pas ?
Il v in t s’as s e oir près du lit :
— Elle a été, je crois, le s e ul a mo ur de ma
vie . Je pe nse que je l’a ime r a i toujour s . Mais elle
ne m ’a im a it pas , e lle ne m ’aime pa s ... E t si je
l’aime e ncore , moi, il n ’y a que vous q u i le s aure z,
car ja ma is plus je ne lais s e rai de vine r ce la à pe r
s onne ...
Elle e ut un faible s ourire :
— Là où je vais , Ma r tin , on ne t r a h it a ucun
s ecret. Ec o ute z... J ’a i pr épar é une le ttr e e n vous
a t t e n d a n t ...
— P our moi ?
— Non. Pour Chr is tia n Cléris s e. Je lu i avoue
l ’infe r nale comédie q u e j’a ijo u é e ... Que m ’impor te ,
m a in t e n a n t ? Vous savez que Sode r ling est m o r t ...
mor t pa r moi ?
— Ou i...
— C’est lu i q ui m ’a pe r due ... Je l’a i aimé
comme une chie nne e t je lu i ai o bé i... comme
une chie nne qui étrangle un homme pour une
caresse du m a îtr e ... Be r nade tte est innoce nte .
J ’ai voulu la pe rdre pour me ve nge r de vous e t
aus s i parce que Sode r ling a v a it le vé les y e ux s ur
e lle ... Mais elle n ’a r ie n fa it ... r ie n ... Un juge
be lge e s t ve nu, il a re çu ma dépos itio n, e t moi,
j ’ai libér é ma cons cie nce ... Je me s uis libérée
moi- même , Ma r t in ... Je ne pouvais plus v ivr e ...
1)es e xis te nce s comme la mie nne , c’est l’e nfe r ...
On s uppor te cela un ce r tain nombr e d ’année s et
puis , un jo ur , on e s t si lasse q u ’on ne de mande
q u ’à s’en a lle r ... Je m ’en vais , Ma r t in ... Ditesmoi que vous me pa r donne r e z...
— Donne z- moi ce tte le ttr e , Marie - Jos é...
— Pre ne z- la... Elle est sous mon or e ille r ...
Re me tte z- la à Cléris s e ...
—- Ce sera fait.
— Est- ce que vous ne voule z pas rue pa r d o n
ner, Ma r tin La Pér e lle ?
Il s’in c lin a , p r it la m a in maigr e posée s ur le
bras , l'e ffle ur a de scs lèvre s :
— Allez- vous- en en poix , Marie - Jos é... Vous
ave z r ais on, notr e mé tie r est in fe r na l, po ur que lque
cause que l’on tr a v a ille ... Si Be r nade tte Ar na ud
a v a it été pe r due par vous , je vous aur ais haïe .
De ma in, e lle sera libr e . Alle z en p a ix ...
E lle le r e g ar da av e c un é tr a ng e s o ur ir e :
S. O. S . ! U n e fe m m e s o m b r e ...
— Vous êtes un ho mme s ingulie r , Ma r tin ...
T o ut en vous déte s ta nt, chaque fuis que vous
vous êtes tr uuvé s ur ma r oute , je vous aimais un
pe u... Vous vous s ouve ne z de notre n u it de ja dis ?
— Je ne l’ai ja ma is oublié e ...
— J ’étais très jo lie , n ’est- ce pas ?
— Oui.
— Ce fut une be lle n u it , Ma r tin ...
— Oui, Marie- Jos é, une be lle n u it où nous
avons oublié un in s t a n t qui nous étions , vous e t
m o i...
— L ’aviez- vous vr a im e nt oublié, Ma r tin ? Avezvous a im é , ne fut- ce q u ’une he ur e , la pauvr e
pe tite e s pionne pr omis e à un de s tin tr agique ?
Mon a m a n t est mo r t, Ma r t in ... Ce lui que j ’ai
a imé ju s q u ’au c r ime ... Je l’a i t u é ... J ’aime r ais
s avoir e n m'e n a lla n t , alors que tous ma udir o nt
l ’e s pionne , q u ’un ho mme se s ouvie ndr a de la
fe m me ...
C’é ta it in fin im e n t tr a gique et doulour e ux , ce
de r nie r mo uve me nt de coque tte r ie de ce tte m o u
r ante q u i s up plia it q u ’on ne se s ouvint que de sa
be auté de fe mme . Ma r tin compr e nait. De no u
ve au, il se pe ncha e t ce fur e nt les lèvre s pâle s de
Marie- José q u ’il e lfle ura ce tte fois :
— Alle z e n pa ix , répéta- t- il. Je ne pe ns e rai
ja ma is à l’e s pionne , mais je me s ouvie ndr ai de la
n u it d ’Alg e r ... Adie u, Marie - Jos é...
— Adie u, Ma r t in ... e t me rci I
Elle se r e je ta en ar rièr e , épuisée et il l’e nte ndit
mur m ur e r d ’une voix où pas s ait t o ut le re gre t de
sa vie infâm e :
— Mon Die u ! J ’aur ais pu être une fe mme
comme les a utr e s ...
Il la q u it t a . E t , vers c inq he ure s , comme il
r e pr e nait le t r a in po ur Par is , il a p p r it q u ’elle
ve na it de m o ur ir ...
*
* *
En r e ntr a nt à P a r is , il t r o uva un pne uma tiq ue
du ba nquie r Dur o y. Celui- ci le r e me r cia it d ’a voir
s auvé son fils et le s up p lia it de lu i accor de r une
de r nière e ntr e vue . Ma r tin r é po ndit q u ’il se r e n
d r a it à la banque dans la jour née du le nde ma in.
Au m a tin de ce le nde m a in , un coup de té lé
phone de Ma r tia l lu i a p p r it que Be r nade tte s e rait
ibérée dans l’apr ès - midi. Il a lla l’a tte ndr e au
greffe de la pr is on. La malhe ur e us e fille é ta it
comme folle . Il l ’e mme na au Savoy, p r it une
chambr e pour elle et qua nd elle fut un pe u c a l
mée , il la q uit t a pour a lle r voir Dur oy.
Les de ux homme s e ur e nt un long e ntr e tie n.
Qua nd il s or tit de la ba nque , Ma r tin La Pérolle
a v a it ache vé s on œ uvr e . Il ve na it d ’obte nir du
b a nquie r q u ’il cons e ntit au mar iage de Dic k et de
Be r nade tte . Aus s itôt unis , les de ux je une s gens
p a r tir a ie nt pour l’Amér ique oii Ric ha r d r e fe rait
sa vie . Ela it- il as s agi? Le père l’e s pér ait. Et
il a va it cédé assez facile me nt à la prière do La
Pér e lle . Il e s pér ait aus s i que l’influe nce d ’une
fe mme aimée et a im a nte co ntr ibue r a it à s auve r
le garçon dévoyé et coupable .
Co Boir- là, à l’hôte l Savo y, Ma r tin e t Be r na
de tte dîn è r e nt e n te tc a tête , dans l’appa r t e me nt
où on les s e r vit. P o ur la de r nière fois , Ma r tin
r e m plit ses ye ux do la vis ion de ce tte fe mme
q u ’il pe r da it à ja m a is . Elle a v a it p âli, ma ig r i ;
�S . O. S . ! U n e fe m m e s o m b r e ..
61
s on visage doulour e ux a v a it pour lui un char me
plus pr e na nt encore qu autr e lois . Ce fut après le
re pas q u ’il lu i pa r la de Dic k e t lu i r aconta
ce q u ’il a v a it conve nu ave c le ba nquie r . Elle
E P ILOGU E
r e ve r r ait son a m a n t dès le le nde main ; celuici la pr és e nte r ait à s on père comme sa üancée
e t t o u t s e r ait réglé pour le mariage e t le
dépar t.
— Ce n ’est pas une vie facile que vous ave z de vant
— Je suis conte nte , Ma r tin , d ’être ve nue ici
vous , Be r nade tte , d it gr a ve me nt Ma r tin . Kic har d
ave c vo us ... Qua nd je me s e ntais tr op m a lh e u
Dur oy est un gar çon faible , q ui ma nque de sens
re use , tr op aba ndonné e , je s uis s ouve nt ve nue
moral e t s ur qui le pr e mie r ve nu a de l’influe nce .
dans ce tte vie ille églis e ... Je fais ais le tour du
Il faudr a que votr e a mo ur le s a uve ... Ce sera
Calvair e et je me disais que Jés us qui est mor t
une r ude tâche .
pour s auve r tous les homme s a ur a it peut- être
— J ’a ur a i le courage de l’acc omplir , réponditpitié u n jo ur de la pauvr e pe tite fille que j ’étais
e lle . Mais , Ma r tin , je voudr ais vous de mande r
q ui a va it fa it le ma l sans le v o ulo ir ... Il vous a
une chos e ...
e nvoyé vers m o i...
— P a r le z...
La Pér e lle et Pe tite Source é ta ie nt montés par
— Vous q u i étie z à Din a r d , e n même te mps
cette be lle apr is - midi de pr inte mps ju s q u ’au
que lu i, a u mo me nt du me ur tr e d e l’Am é r ic a ine ...
Sacré- Cœur. E t elle l’a va it e ntr aîné vers la
— E h bie n ?
vie ille églis e Saint- Pie r re . Ma inte na nt, l’un à
Elle d it t o u t bas dans un s ouffle :
coté de l’a utr e , ils fais aie nt le tour de l’enclos où
— C’é ta it bie n lu i, n ’est- ce pas , q u i... L ’ar ge nt
se tr ouve le Calvair e a ux s tatue s naïve s . Ma r tin
Ce t ar ge nt q u ’il m ’a v a it confié, v e na it b ie n ...
s our it :
— Que l ar ge nt ?
— Je s uis u n dr ôle d ’e nvoyé de la P r o v i
— C’est v r a i... Je ne vous ai ja ma is d it ...
de nce ... Mais il fa ut bie n croire to ut de même
Elle lu i r aconta l ’é pouvantable calvair e q u ’elle
q u ’il y a, au- dessus de nous , q ue lq u’un qui nous
a va it gr a vi au m o me nt de la ma la die e t de la
dir ig e , puis q u’il ar rive les choses que nous
mo r t de sa mèr e , qua nd e lle a v a it, dans l’ar moir e
n'avons n i che rchée s ni voulue s ...
de sa chambr e , l’e nve loppe ave c les qua tr e ce nt
— C ’est v r a i... Vous ne me che rchiez pa s ...
mille francs q u ’elle a v a it fini par je te r à la Se ine .
E t vous ave z été assez long à me v o ulo ir ...
— Ce t ar ge nt, c’é ta it bie n ce lui q ui a dis par u à
D’a ille ur s , je ne s uis toujour s r ie n po ur vo us ...
la Villa des Sapins ? Je vous s upplie de me dire
Il
se m it à rire e t pos a sa forte m a in s ur la
la v é r it é ... C’é ta it lu i, l’ass as sin.
frêle épaule :
— Il a pu pr ouve r un a lib i.
— Rie n? Que vous faut- il? Vous êtes t o ut, au
— Ne me réponde z pas ains i, Ma r tin ... Je suis
contr air e . Je n ’ai plus une pensée q u i ne s oit
ce r taine , hé la s ... Dite s , c’é ta it lu i?
pour vous , ma Pe tite Sour ce ...
Il in c lina la tête . Elle éclata e n s anglots :
— Oui, vous êtes très b o n ... Vous m ’ave z
— Ah 1 Ma r tin ! P o ur quo i n ’est- ce pas vous
habillée comme une fe mme r iche , vous m ’ave z
que j ’ai aimé ?
donné une bague si be lle que j ’ai toujour s pe ur
Il
caressa les be aux che ve ux blonds un peu de la pe rdre . Ma is ...
te r nis :
— Vous me re proche z de n ’avoir pas fait de
— L ’a mo ur souffle où if ve ut, Be r nade tte , ma
vous ma maître s s e ?
c hé r ie ... Il ne fa ut rie n re gr e tte r. Vous ave z un
J ’ai pe ur que vous ne m ’a imie z pas , Ma r tin,
be au rôle à jo u e r ...
que vous n ’aye z pour moi que de la p it ié ...
— E t c’est vous q ui ave z to ut s auvé ? re prit- e lle .
Il
pass a sous lo s ien le bras dé lic a t q u i t r e m
Il e ut au bord des lèvre s l’ave u te r r ible : b la it un pe u :
« Ou i, ma is c’est que j ’avais t o u t pe r du,
— Ecoute z- moi, chère pe tite fo lle ... Nous nous
d ’a b o r d ... »
mar ions de main e t, le s oir, nous serons dans le
Mais il n ’e ut pas lo courage do détr uir e l’idée
tr ain de Mar s e ille . Je vais vous e x p lique r ... Je
q u ’elle se fais ait de lui. Si e lle a v a it su la vé r ité ,
n ’ai pas eu de r o ma n dans ma vie e t je n ’ai guère
s ans doute , elle l’e ût mé pr is é ... Ce c h âtim e nt
eu le te mps d ’en lir e . Je suis dans la s ituation
q u ’il a v a it pe ut- être mér ité lui s e mbla trop
d ’un mons ie ur qui a ache té u n livr e q u ’il s ait
dur .
être très be au, pa s s ionna nt... Il le pose s ur la
table , il le caresse do l’œ il e t il re cule le mome nt
Ce fut la seule lâche té de Ma r tin La Pére lle .
Il
r e v it e ncore de ux ou trois fois Be r nade tte . où il l’o u v r ir a ... 11 re tarde sa joie pour q u ’elle
s oit plus vive et plus c omplè te ... Compre ne zPuis elle q u it t a l’hôte l p o ur alle r vivr e che z ses
vous ?
futur s be aux- pare nts . 11 ne v o u lu t rien s avoir ni
Elle lova s ur lu i ses be aux ye ux pr ofonds où
du mar iage ni du d é p a r t ...
pas s ait un re proche :
— P our quoi me nte z- vous , Ma r t in chér i? Pas do
r oman, dite s - vous . Et Be r ...
Il lui posa la ma in s ur les lèvre s :
— C h u t ! Il ar rive aus s i q u ’on ouvro un livr e
e t q u ’on le re je tte alors q u ’on en a lu lo tie r s, en
s onge ant : « Ce s ont là des ave ntur e s qui
n ’a r r ive nt pa s ... e t c’est t a n t mie ux . » — Je ve ux
un r oman tout s imple e t qui dur e r a ju s q u ’à mon
�ooo-
62
—>■
—■—-- - - - - - - -—- .. -• -..... —
S . O. S. ! U n e fe m m e s o m b r e ...
de r nie r jo ur . Au milie u de ma brouss e s auvage
et chaude , vous serez ma Pe tite Source fraîche ,
celle où s’abr e uve le voyage ur las . E t comme il a
be aucoup erré par le monde , c’est aupr ès d ’elle
q u ’il cons tr uit sa m a is o n... la de me ure où il
vivr a ju s q u ’à la fin... Vous ve rre z, ma p - tite
fille chérie , que lle be lle vie nous aur ons là- bas ...
la- bas où les homme s ne pour r ont plus nous
faire de ma l e t où vous régne re z s ur un pe uple
de nègre s q u i vous tr aite r a en s ouve r aine ...
Elle se m it à rire à s on tour , d ’un rire frais qui
ne r e s s e mblait guèr e au s ourire tr is te q u ’il lui
a v a it connu les pr e mie rs soirs ; elle é ta it c ha r
ma nte , v r a im e nt, dans s on t a ille u r gris , un
[
r e nard arge nté a uto ur du cou, coiffée d ’un pe tit
fe utre d ’où s’é c ha ppaie nt ses che ve ux blonds :
— Ce la m ’est bie n égal, Ma r tin , dit- elle. C’est
s ur vous que je ve ux régne r.
— Ma Pe tite Source c hér ie ...
Il le va la ma in vers le Chr is t du Calvair e :
| T— Je le jur e de va nt lu i... Ja ma is fe mme ne
sera plus aimée que vous qui ave z r afr aîchi mon
âme e t m ’ave z r e ndu le g oût de v iv r e ...
— Alor s , Ma r tin , il n ’y aur a pas non plus de
fe mme plus he ur e us e ...
E t , serrée contre lui, elle a jo uta :
— E t vous s ave z, Ma r t in ... Moi qui, un jour ,
vous ai cons e illé de me ntir , je ne me ns pas ...
F IN
J
‘P r o c h a i n
Vo lu m e à p a r a ît r e
;
CŒURS EN RODAGE
par L ID O N E
1 fr.
Im p r im é en P r a n ce .
5
0
le r o m a n c o m p l e t
6794-10 -36. R égie lm p . Cr ét é . — Co t b ell.
�LI DONE
CŒ U R S EN RO D A G E
P RE M IE RE
c h a p it r e
, p r e m ie r
Al e r t e a u x g a z !
—• Ma my , appe la douce me nt Doriane Da lbr ay
en s’a ppr o c ha nt de sa mère q ui s omnolait.
La vie ille dame o u v r it les ye ux :
— Ma chér ie , tu ve ux me parle r ?
Doriane , une adorable br une tte aux ye ux noirs ,
s’as s it s ur le bor d du lit.
— J ’ai vu la concie rge : les malade s ne s eront
pas obligés de des ce ndre dans la rue .
— Mais je ne suis pas m a la d e ! se dé fe ndit
Mmo Da lb r a y , s e ule me nt un peu fatiguée .
-— Je sais bie n, s our it c âlinc me nt sa fille, mais ce
n’est pas une raison pour r is que r d ’alle r pr e ndre
fr oid.
Les douze coups de m in u it tintè r e n t à la pe n
dule de la che minée .
— Le s ignal ne tar de ra pas , é m it Dor ia ne en se
le va nt.
Comme pour lu i donne r rais on, un long h u r
le me nt de s irèno e m p lit l’air.
Sur de ux tons espacés de s econde en s e conde ,
l’ale r te é ta it donnée : les Par is ie ns de va ie nt s uivre
les ins tr uc tio ns donnée s le m a tin môme pa r les
quo tid ie ns . Ce la, ave c calme e t e ns e mble , afin de
facilite r la tâche de la police et des pompie r s .
Dor iane laissa une s imple bougie s ur la table de
P ART IE
che ve t (l’éle ctr icité é ta nt coupée ), e mbras s a sa
mère , se coiiïa d ’un coque t pe tit bére t ble u et
s or tit du 60, boule var d Hoche chouart où elles occu
pa ie nt au tr ois ième étage iin coque t a ppa r te m e nt.
Le boule var d à pe ine éclairé pa r que lque s becs
de gaz b a is s é s a um a x im um a va ituna s pe c ts inis tr e .
Le re gar d, pe u à pe u, s’fia b it ua it au no ir , et
dans un ciel d ’e ncre , en fix ant bie n, on po uva it
voir file r des étoile s : fe ux de pos itions d ’avions
invis ible s do nt les vr ombis s e me nts se mê laie nt
lugubr e s aux mia ule me nts des s irènes.
La foub* se dir ig e ait assez docile me nt vers des
abr is en béton que le gouve r ne me nt a v a it fa it
cons truir e pour pr otége r la popula tio n. De ux
d ’e ntre e ux a va ie nt été creus és place P igalle , pour
les numéros impair s du boulçva r d , e t place
Blanche , pour les numér os pairs .
Dor iane se r e nda it vers ce de r nie r en se félici
t a n t d ’avoir douce me nt obligé sa mère ù se
repos er.
—
Elle s e rait re ntrée four bue , mur mur ait- e lle ,
e t pa r trop impr e s s ionnée .
Le long des tr ottoir s , tous phare s éte ints , les
tax is se pr e s s aie nt, iminobilos , po ur le plus gr and
dés e s poir des clie nts qui voy aie nt tour ne r le
c ompte ur au ta r if de n u it.
Les voiture s particulièr e s et les a utobus s’a li
gnèr e nt aus s i s age me nt. Se uls , les cars de police ,
les phare s voilés de ble u, c ir c ula ie nt r apide me nt
chargés d ’age nts mas qués .
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P aul BEHT NA7
Le P é c h é d o Ma r t h e .
Le Lo u v e t e a u .
L ' E s p io n n e d u Bo ur g e t,
E n fa n t de l'A m o u r .
Or p h e lin s d 'Als n c e .
Le » Millio n s de l’On c I* F r it ».
Le P a s s e ur d e la Mos e lle .
Le Se c r e t de T hér ès e .
L a Péche r e s s e .
Ar ie t t e S a p h ir .
Le Se c r e t de la fla nuno .
L *t Lè vr e s clos e s .
P r in c e e t As s as s in.
Le Se cr e t m o r t e l.
L ’H é r it ie r de Cha nte r l&l
Dés e s pér ée s .
G e o r g e » d e B O IS F O R E T
L ’A n n e a a d ’Ar g e n t .
Eue . CHAVET T E
A im é d e >on co nc ie r g e .
P tarr* DE C OU RC E LLE
Le Cr im e d ‘m>e S a in t e .
L a C h a m b r e d 'A m o u r .
L a Môm e a u x Be a u x Ye u x .
Le « Ouv r iè r e s de P a r i».
La Bu v e u s e de La r m e ».
1 « Mè r e Co up e - T o ujo ur ».
Le » De u x Gos s e ».
P s n fa n e t C la u d ln e t
La V o Ic u m d ’H o n n e o f.
Glg o le tt e .
Am o u r de F ille .
Le Millio n de 1« Be nne .
La Me n d ia n t e d ’Am o u r .
F ille d 'Als a c e .
Le Mo r l q u ’o n tue .
La Prince s s e Millia r d .
F ille de F o r ç a t.
La Da n*e us e as s as s inée .
Qu a n d on aim e .
La Re in e de » Pe r le ».
C h a r le s E S Q U I E R
L a Co ur o n n e de ronce ».
Le n Ve n de ur » de la r me ».
P a ul F ÊVAL
Le Bo s s u.
Le Ch e v n lle r de L a in iè r e .
Le C a p it a in e F a n t ô m e .
Le » Mys t èr e » de Ix in ilr e »
Le » H a b it s No ir ».
r.e Ca v a lie r F o r t u n e .
P a u l F Ê V A L It la
Ma m 'r e lle F la m b e r g e .
I,e » Ch e va uc hé e » de Laga r r ièr e .
Coca r d as s r e( l*as s e poll.
Lee IVimIRi d « L o n d r a .
E m ile G A B O R X A U
L a Ca r d a a u Cou.
Le Do e s lc r n * 113.
Mo n s ie u r Le e ocq.
L ’A IIa lr e Le r o ug e .
L » Cr im e d ’Or c lv a l.
L ’Ar g e n t de » a utr e ».
G u s t a v e G A IL K A R D
Sous la Da g ue .
C r è v e t o u t , h us s a r d d e la Gr a n d e .
L a Dé m o u e .
G . de G A S T YN B
L a D a m e d e P iq u e .
H e n r i G E R M A IN
Ve ngée .
P a u l JT Jm C A
Ln / r a n s d ’A m o u r .
H e n r i K E H O Ü Î.
Le P e t it Mu e t .
Ge orge s da L A B R U YE R E
Ch a n t e r e ln e .
1 « Pos s édée s d e P a r t s .
Edm ond LADOU CET T E
La Ma s q u e de F e r .
L a Gue r r e de » Ca mls a r d».
Le R o i de s H a lle s .
L a Re v a n c h e de M&zar in.
L ' O r p h e lin e d e Baze lUe *.
Le « F a is e ur s d 'Kp a v e s .
M a u r ic e L A N D A T
B la n e b e t t r .
L a Ro b e Houi;c.
F le u r d ' A m o u r .
Le s A m a n t s de F lo r e nc e .
Le » Ma r t y r » d ' u n a m o u r .
C a lv a ir e de gosses.
L o u is L A U N A Y
I » B o n R o i H e n r lo t .
L a Re in e de s Ca m b r io le ur «.
G o o r g e a L E F A U IU J
L a D a m e a u x Ou is t it is .
E d m o n d L E P E L L E T Œ It
Ma d a m e Suns - Géne .
L a Ma r é c ha le .
Le R o i de Bor ne .
Ga s to n L E R O U X
Le R o i My s t èr e .
U n H o m m e d a n » la N a ît .
L a Re in e d u S a b b a t .
Chér i- Blb l.
Ge o r g o « M ALDAGU JS
L a Bo s c o tt e .
M a m ’ze lle T io t t la .
La P a r ig o t e .
De u x B â t a r d ».
Le s d e u x Mic he lin e .
T r a h is o n d 'A m o u r .
Le J e u de la Mo r t .
J u le s M A R Y
L a Fée P r in t e m p s .
Gue t- Ap e ns .
De u x In n o c e nt s .
Le W a g o n 303.
La Be lle T énébr e na e ,
Le » Da m n é e » de Parte .
L ’Ou t r a g é e .
La Jolie bo ite us e .
C h a r la a M f l H O U T » .
Ch a s te e t F lé t r ie .
Le P é c h é de la Gé né r a le .
M o r t ¿2 Am e r a .
L a F ille s ans N a is .
Mor t e s e t Viv a n t s ».
D ia n e d e Br io lle *.
Ric h e s e t P a uv r e s .
L a Re v a n c h e de s h um b le «.
L u c le n - V lc t o r M E U N T E M
La Ca p o r a l,
X a v ie r d a M O N T Ê P E K
F ille s d n S a lt im b a n q u e ,
L a P o r t e us e de P a in .
Sa Ma je s t é ¡’A r g e n t
Yv e s M O B .*.
L ’Ens or c e le us e .
M ic h e l M O R F E Y
Mig n o n .
Le s Noce s de Mig n o n .
Ma de mo is e lle Cc nt- Milllo **.
L a Mie a u x Bais e r s .
Le Gos s e de P a r is
Mlr e t t e .
F ih n c é c Ma u d it e .
L a F ille de Mlg n a o .
Mig n o n Ve ngée .
L a S u lt a n e Blo n d «.
L a Da m e Bla n c h e .
P ON SON du T EBHAB.
Cnde t F r ip o u ille .
Re n 4 d e P O N T - J E S T
Ave ugle .
P a ul ROU GE T
^ Je a n n ln *.
Fille d Ev®.
La F e m m e de l’A u t r *.
Be lle Am ie .
P ie r r e
OALE S
F t lle de S o ld a t .
L a Cour s e a u x Millio n s .
La Mariqulta.
Le Do c t e u r Mir ac le .
L« Se cre t d u F a k ir
Co que lu c h e 1“ .
.
Ga oraoa
Mis » B a b y .
C h a ir de Be a u t é .
8 HW
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344
.>45
¿4 6
¿4 7
¿4 8
¿4 9
¿5 0
P . Da n c r a y
Ju ly a n e .
L e C œ u r e t la C h a ir .
H . d ’Yv- gnac
L a c h a n s o n d e s cœ ur s .
P . Do r c y
J. Bo n n é r y
Av a n t le b o n h e u r .
Sous* la c e n d r e m a l é t e in t e .
H . de T e s ta r d
L a L u m iè r e d a n s I e s T é n è b r e s
M . Alla g e
L a G it a n e .
G . S p it z m u llc r
A Cœ ur pe r d u!
C h . Le Fachy
L ’A m o u r e n dét r e s s e .
G u y De s v a u x
O m on be au rêve !
J . C la ir s a n g e
L ’A m o u r , p o is o n d u c œ ur
A . D e lc a m p
J . Jo s e p h - Re n a u d
e t E lo y Ala r y
L ’H o m m e à la F le u r .
L e C lo w n Filas s e .
H t n r i De m e s s e
F ille d 'A r g e n t ,fe m m e d e c œ u r |
J. Cha nte us e s
U n r o m a n d ’a m o u r .
J. Bonné r y
L a F e m m e d u Ra ja h .
V. Gœ d o r p
C o u s e t t e d ’A m o u r .
Je a n M o r n i
L e C œ u r e s t m a it r e .
H . d ’Yv ig n a c
L e D é m o n d e l ’a m o u r .
P . Da r c y
G . S p it z m u lle r
Le s d r a m e s d e Pa r is .
L a m o r t acc us e .
H . de T e s tar d
J . C la ir s a n g e
N o b le s s e o b lig e l
Q u e m o n c œ u r a d e p e in e !
J . d e S a in t - M a r e
P o u r q u o i p le u r e r !
S r e id i
Le s Cœ ur s qui se c he rche nt
C h . L e Fa ck y
L ’A m o u r a t u é .
Lé o n c e P r a c h e
E.- P. M a r g u e r it t e Q u a n d le b o n h e u r a r r iv e .
5 .- B. M ila
J u s q u ’a u m a r t y r e .
P a u l Da n c r a y
C o u r t is a n e .
C h . Mé r o u v e )
P o ur u n r e gard.
J. Cha nte ug e s
L n T e n d r e s s e o u i ve ille .
M . Lnnd a y
U n e s e c o n d e d e F o lie .
H . de T e s ta r d
C o n c h it a fa r o u c h e Am a n t e .
L u r y Aug é
L ’H e u r e d u C r é p u s c u le .
H . C h a n t e r e lle
Le s B o n h e u r s s e p a ie n t .
E . S a illa r d
L e s b e a u x y e u x d e n u it ,
J. B o n n é r y
L ’In c o n n u e .
J. Cla ir s a n g e
Le s P ar ole s t r o m p e n t .
G . C la v ig n y
N o r a . l’Ir la n d a is e nu g r a n d
c œ ur.
P. Da r c y
L ’A m o u r s ’éve ille .
J . d e S a in t - M a r c L ' In fa m ie .
M . La n d a y
L ’A m o u r n ’e s t pn s u n m a t c h ,
R . N a v a ille s
L a F é e a u x F le u r s .
Ge o r g e s S im
L e F e u s ’é t a n t .
G . De s v a u x
Je c r o is à l ’a m o u r .
P . Da n c r a y
F ille d e Da n s e u s e .
H e n r y Ga y a r
L a F ia n c é e Ve uve .
J. Cha nte ug e s
L ’E t e r n e lle C h a n s o n .
R . L e M o in e
P a uv r e M ic h e lin e .
N . de Gu y
L a P a s s io n c r im in e lle .
E u g . T h é b a u lt
Fr a nc e tte .
P a ul Da r c y
A u ja r d in s e cr e t de m o n cœ ur
Je a n C la ir s a n g e
Le s lèv r e s s ce llé e s .
M . La nd a y
U n e F e m m e à p ile o u face .
R . N a v a ille s
L a R a n ç o n d u p r e n .ic r a m o u r
H . d ' Yv ig n a c
L a P e r le N o ir e .
P. Da n c r a y
T r a ît r e à l ’a m o u r .
L . Pra che
‘J ’a i d o u t é d e t o n a m o u r .
J. C lia n t e u g c »
Q u a n d le B o n h e u r pas s e .
!. . L é t a n g
Am o ur tr a qué .
Ro b e r t L é r a c
L e C œ u r q u i s e ve ng e .
A . Bo is s iè r e
E n t r e t o u t e s le s F e m m e s .
J. d e S a in t - M a r c L ’A m o u r e s t le p lu s fo r t .
P a u l Da r c y
C œ u r s d e v in g t an s .
Re n é L e M o in e P o u r q u o i a im e r ?
M . L o n d a y e t A . tie
L 'é t r a n g e a m a n t d u m al.
Lo r d e
L ’e x o r c is m e d ’a m o u r .
J. Cla ir s a n g e
M a d e m o is e lle X.
C h r is t ia n B r u ii»
Cœ ur s dépravés .
H . C h a n t e r e lle
Ja c q u e s M o r Ja n d U n c œ u r d é c h ir é .
P o u r q u o i n e pa s s ' a im e r ?
G u y De s v a u x
D e t o u t le u r g r a n d a m o u r .
P a ul Da n c r e y
H e n r i Ga y a r
J. Cha nte uge s
A lb e r t Bo is s ièr e
Ge o r g e s S im
M a u r ic e L a n d a y
e t A .- L . T o u r
C l. De s v a llic r s
P a ul Da r c y
C h r is t ia n B r u lle
H e n r i d ' Yv ig n a c
J r a n C la ir s a n g e
Ro b e r t L é r a c
Lé o nc e P r a c ha
Js c q u e s M o r la n d
Ro b e r t N ^v a ille *
N» 143
L ’a m o u r c h e m in e .
L e r e t o u r de s cho s e s .
L e R o m a n d e Ro q u e l.
L a M a is o n s a ns s o le il.
L e M a r c h n n d d e p o is o n .
L ' o m b r e d u pas s é.
V iv t t t e , e n fa n t d e l ’a m o u r ,
Le s a d o le s c e n t s pa s s io n n é s .
A m o u r m a ît r e d u m o n d e .
Q u a n d l ’a m o u r ve ille .
Le s y e u x d o n t je r é ve .
T u n ’es q u ’à m o i.
J e v e ux v iv r e m a vie .
E s t r e lla , fille d ’Es p a g n e .
DU ROMAN
N 0-'
351
352
353
354
355
G u y De s v a u x
L e c œ u r ja lo u x .
P a ul Da n c r a y
L e c r im e de s a ut r e s .
Ge o r g e s S te ff
M im i B le u e t .
A n d r é D e lc a m p L o r s q u e l’e n fa n t p a r a ît .
A . d e L o r d e e t L e s e c o n d c r im e d e la d a m e
M . Landay
e n n o ir .
3 56 Ge o r g e s S im
L a F ia n c é e a u x m a in s d e g la c
3 57 J. C h a n t e u g e s
J o u r s d e F o lie .
3 58 R . N a v a ille s
Ma ît r e s s e d e s o n c œ u r .
3 59 Je a n T h in o
L a N y m p h e e n d o r m ie .
3 6 0 P a ul Da r c y
T o u t m o n c œ u r p o u r t ’a im e r
361 J .V a ld ie r e t C h . D é L ’e n fa n t d u d é s ir .
362 A . Bo is s ièr e
L a Jo c o n d e a u x e nc hè r e s .
363 A. S a lm o n
V a in q u e u r d e la H a in e .
364 R . Lé r a c
M o n r êv e e n v a in te s u it .
365 J. C la ir s a n g e
C h a n s o n d ’a d ie u ... C h a n s o n
d ’a m o u r !...
355 M . F e r r îè r e s
M is s T o r p é d o .
367 Ge o r g e s S im
De s t in é e s .
368 P a ul Da n c r a y
Le s N u it s d ’a m o u r d e la Riv ie r a
3 69 S u z a n n e M ila
Le s D a m e s de s Lo u v ie r s .
3 70 L é o n c e P r a c h e
11 fa it s i b o n pr è s d e v o u s !.
371 J . C h a n t e u g e s
D a n s l’a ng o is s e d ’a im e r .
372 M a r c B o u ia n
M o n s e ul b o n h e u r .c e s t vous .
373 M a u r ic e L a n d a y A u n o m d e l ’A m o u r !...
374 C l. D e s v a llie r s ' L e De s t in d e S u z y .
3 7 5 P . Da r c y
M a n n e q u in , r u e d e la P a ix .
376 J . C la ir s a n g e
E n t r e d e u x Pa s s io ns .
377 R . N a v a ille s
L o in d e s Re g a r d s ja lo ux .
378 G . S im
M a d e m o is e lle M illio n .
379 P a u' Da n c r e y
Le s a m a n t s d e S t a m b o u l.
3 8 0 M a r c B o u ia n
C e u x q u i v o le nt l’a m o u r .
381 Ge o r g e s S te ff
L a fe m m c a u x y e u x d e c h a tte
382 J e a n S t r o b e l
L e c œ u r pe u t s e t r o m p e r .
383 P a u l Da r c y
L e d é s ir s ans l ’a m o u r .
3 84 A lb e r t S a lm o n
D ié n il, la jo lie ba y a dè r e .
385 J e a n V a ld ic r
A m o u r «le Pè r e .
3 8 6 Ja c q u e s C r é v e lie r B e r n a r d le déclas s é.
387 Ja c q u e s M o r la n d T u n ’a im e r a s ja m ais .
3 8 8 M a r c B o u ia n
N i fe m m e , ni m aît r e s s e .
3 89 Jo s é Re y s s a
Q u a n d o n s 'e s t a im é d ’a m o u r
3 9 0 C l. De s v a llie r s
L a M a is o n P o s s éd é e .
391 M . F e r r iè r e
P o u r t o n a m o u r , ô Ma r ie C ln u d e .
392 C h . B r ûlis
T r a in d e N u it .
3 93 P. Da n c r a y
Rê v e d ’o r ie n t . Rê v e d ’a m o u r
394 J. Cla ir s a n g e
F r a p p é d a n s sa t e ndr e s s e .
395 E . G lu c k
L ' A m o u r v a in q u e u r .
3 96 Lé o n c e P r a c h e
T o i q u e j’a t t e n d a is .
397 Je a n d e M o n a d e y L e De s t in d e F a uv e t t e .
398 L ^ o n M a / o r g u e s N id t iè d e d e io ie c t d a m o u r .
3 99 Ge o r g e s S im
L H o m m e d e P r o ie .
4 0 0 P a ul Da r c y
L a Re c h e r c h e d u B o n h e u r .
401 G . G a illa r d
L 'Ir r é p a r a b le .
4 0 2 J. Cha nt e ug e r .
C o n s t a n t e , t e n d r e , ch é r ie .
4 03 M . F e r r iè r e
L e Dé fi d e l'a m o u r .
4 04 C h . B r û lis
L a M a is o n d e la ha in e .
405 J . C la y m o r s
Le v r a i vis a g e d e l ’a m o u r .
4 0 6 J . C la ir s a n g e
L e p lu s c h e r t r és o r .
407 E .- G . G lu c k
L e r o m a n d e l ’ir r é g u liè r e .
4 0 8 G . G a illa r d
P o u r le c œ u r d e Gr a c ie u s e .
40 9 Je a n V u ld ic r
L a P ie r r e d 'o m o u r .
4 1 0 P . Da n c r a y
L a D a m e d e Ve nis e
411 Ge o r g e s S im
Le s E r r a n t s .
412 C l. De s v a llie r s
Q u a n d le c œ u r fle ur it .
4 1 3 L é o n Mn z o r g u c s Le s t e n d r e # s e r va nte *.
414 Ro b e r t L é r a c
De u x cœ urs se che r c he nt.
415 W ille t t o
L a g r a n d e p it ié de De n is e .
416 L é o n c e P r a c h e
M a lg r é t o u t , p a r l ’a m o u r .
417 J . C h n n t e u g c s
L a M a r q u e in e ffa ç a b le .
418 P a ul Du r c y
M a r ié e s a ns a m o u r .
419 M a u r ic e L a n d a y C r im e e t Dé s h o n n e u r .
4 2 0 J r a n C la ir s a n g e
P a r fo is , le c œ u r d é fa ille .
421 C l. De s v a llie r s
L ’A m a z o n e in c o n n u e .
4 2 2 C h . B r ûlis
L a F ig u r a n t e .
4 2 3 M . F e r r iè r e
D e u x fe m m e s , d e u x a m o u r «
4 2 4 L o t t e d e Ra u v c L e C œ u r a *s ii s e t r o m p e .
425 P a ul Da n c r a y
A u v e r t ig e d e s ia zz.
4 26 J. C ha nte ug e s
E t l' a m o u r l ’a s a u v é !...
427 Lé onc e Pra che
M a d e m o is e lle P r in t e m p s
4 2 8 Ge o r g e s S im
L'E p a v e .
4 2 9 M ic h e l C e r d a n ' L a F e m m e s ans b o n h e u r .
4 3 0 L é o n M a z o r g u e s L ' A m o u r e n fin , r a y o nne .
431 P a ul Da r c y
Ve d e t t e d e c in e m a .
432 S u z y d e M o n c h y L e b o n h e u r s e r e t r o u v e
433 C h r is t ia n B r û lis F iè v r e .
4 3 4 Je a n C la ir s a n g e A m o u r lo i s u p r ê m e .
4 35 N o r é B r u n e i
L ' é n ig m e d e Ma l- P a».
4 3 6 P a ul Da n c r a y
O n r e fa it s a v ie .
437 M ic h e l C e r d a n
C la u d e Ré a l.r e in e d e b e a u t é .
4 3 8 C l. De s v a llie r s
S o u s le m a s q u e d e c h a ir ...
439 J. Ch a n te u g e s
L ' A p p e l d a n s la r afale .
440 L é o n c e P r a c h e
Notre am our de me ure .
441 J . d e M o n a d e y
L e S e c r e t d e l'a m b a is a d r ic e .
Im p r im é e n F r a n c e
P O P U L A IR E
N "»
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A n d r é D e lc a m p L a Da n s e u s e d ia b o liq u e .
P a ul Da r c y
Cœ ur romane s que .
L é o n M a z o r g u e s E p e r d u m e n t !...
Ja c q u e s C la y m o r s P a u v r e v ie u x c œ u r !...
P a u! Da n c r a y
J u s q u ’a u c r im e ...
J. de Mo n a d e y
D e l ’A m o u r e t d u S a n g .
M ic h e l C e r d a n
L e C r im e d u b e a u F r a n ç o is .
R . N a v a ille s
L ’A m o u r e n d a n g e r .
P a ul Da r c y
F e m m e t r o p jo lie .
C l. De s v a llie r s
Le s d e ux r a pts . . t
M . F e r r iè r e
Le s C œ u r s
la t o r t u r e .
D o la Zu c c a i
De s a m o u r s e t Vîes p le u r s .
Andr é Hachr
L a “ V a m p '* a u x y e u x d e
fla m m e .
N o r é Br une i
L e m o r t d u k ilo m è t r e 3 0.
Ge o r Re s S te fl
L a Vie r g e a u x c e n t o m o u r s .
P a ul Da n c r a v
Am o ur
p a s s é ...
t e ndr e s s e
p r é s e n t e ...
Ro b e r t N a v a ille s Ré fu g ié s e n n o t r e te n d r e s s e .
A . d e Lo z iè r e s
Le s t r o is m a r is d e C h r is t ia n e .
Lé o nc e Pra che
Ra c h e l, fille d e S a t a n .
N o ë l d e S a iz e
L a Vé n u s d e s Palace s .
M ic h e l C e r d a n * L a Ve n g e a n c e d e M n r ie - L o u .
J e a n d e M o n a d e y L e M y s t è r e d u Dé s e r t .
P a ul Da r c y
S e u le ... a ve c s a s o u ffr a n c e ...
M . F e r r iè r e
T o u t u n pas s é d ' a m o u r ...
Ja c q u e s C la y m o r s P o u r g a g n e r s o n b o n h e u r ...
D o là Zu c c a i
L a F ille a u c œ u r p e r d u .
P a ul Da n c r a y
M ir e ille , fle ur d e P r o ve nc e .
C l. De s v a llie r ;
U n c œ u r e t d e s m illio n s .
An d r é Ha c he
Pa« d e b o n h e u r s a ns v o u s !
Ro b e r t N a v a ille s Pa s s io n d e Je une s s e .
M ic h e l C e r d a n
L a m a is o n d u b o r d d e la r o u t e .
M . F e r r iè r e
E n pe r d a nt ton a m o u r .
L é o n c e P r a c he
L n D n m ? e n v e lo u r s noir
V a le n t in H ir s o n L 'a m o u r e u s e é b lo u ie .
P a ul Da r c y
F ia n ç a ille s d e p r in t e m p s
C l. De s v a llic r s
Ap r è s le d r a m e .
N o ë l d e S a iz e
T o n ic o , d a n s e u r m o n d a in
E d o u a r d C <1*
L e m a s q u e d e l ’o m o u r .
M ic h e l C e r d a n
L e c o llie r d e pe r le s no ir e s .
M a u r ic e La n d o v C ’e s t ç a . l'a m o u r .
P a ul Da n c r a y
U n e fe m m e s e s o u v ie n t .
Je a n d ’Yv e lis e
L'E ta n g a ux né nupha r s
Ge o r g e s S t e ff
A u t e m p s d e s ce r is e *.
Ro b e r t N a v a ille s M o n a l'a v e n t u r iè r e .
H e n r i Ga y a r
L ' A m a n t t r a g iq u e .
C l. D is v a llie r '
De v a n t I a m o u r v a in q u e u r .
D o là Zu c c a i
Da n s lo p a r fu m de s r os e s .
M . F e r r iè r e
M n is l' o m o u r r e p r it s e » d r o it s .
M ic h e l C e r d a n
Le s cœur - ' e s clave s ,
P a ul Da r c y
L'a m o u r tant a tte ndu.
L id o n e
L a p o u r s u it e a m o u r e u s e .
Ro b e r t N a v a ille s S o us le s ig n e d u m a lh e u r
Lé onc e P rnc he
L 'é t a p e d o u lo u r e u s e
V a le n t in H ir s o n
Io n fa ib le cœ ur ...
C l. De s v a llie r s
P r inc e s s e d e s onge ...
P a ul Da n c r a y C œ u r fé m in in , é t c fn a lle é n ig m e .
A n d r é e M a illa n e L 'E n lè v e m e n t d e l'E t o ile .
M ic h e l C e r d a n
M a r ia g e m a n q u é .
P a ul Da r c y
D a n s l' o m b r e , l' a m o u r v e illa it .
Re n é V ir a r d
L ’a m o u r nux y e ux clo s .
Andr é Hache
L ' a m o u r Ir a p p c 5 la p o r t ?.
J e a n d e M o n a d e y L ' in c o n n u e d u Palace ,
H e nr i Ga y a r
L e F ia n c é d e M in u it .
G u y De s v a u x
C œ u r à lo u e r .
P «u l Da n c r a y
C a m b r io le u s e e t m o n d a in e .
D o là Zu c c a i
L ’A m o u r r a c h è t e .
L id o n e
L e C œ u r d e Bc r il.
L é o n c e P r a c he
L e r ê ve q u e :'a i fa it.
C l. De s v a llic i's
Le s e cr e t d e s o n cœ ur .
W illie C o b b
Bê t e d ’a m o u r .
5 12
5 13
5 14
515
5 16
517
518
5 19
5Z0
P a ul Da r c y
L « b o n h e u r v in t d A m é r iq u e .
Ro b e r t N a v a ille s T u s e r as m o n d e r n ie r a m o u r .
M ic h e l C e r d a v
P o u r le s y e ux d ’u n e b lo n d e .
E .- G. G lu c k
A im e r , s o ufl. ir , p a r d o n n a i
P a ul Da n c r a v
P o ur ga g ne r to n a m o u r
H e n r i Ga y a r
B e n g a li, m o n be l a m o u r .
B o u n c ix
L A m o u r e s t t o n e n n e m i,
G r o r g e t t c Ric t t a L e s fe m m e s p r é fè r e n t le s b r un s .
Lé o n c e P r o ch o
F e m m e a d ult è r e .
coi
5 22
523
5 24
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529
530
531
532
533
£*nU^ r ^ Û,Ciy '
L ' a m o u r g u id a le ur s pas .
C l. De s v nHie r s
Lo fe m m e a u ca b r io le t
Ro b e r t N a va ille s Re in e d o m o n c œ ur ,
H e n r i C a n le lo u p P o u r q u o i m 'a s *t u m e n t i ?
P a ul Da n c r a y
F u ir , , , o u c h e r c h e r l' a m o u r ?
G u y De s va ux P r inc e s s e gr is e a u x y e ux d e ja d e .
Andr * Hs cho
I^n voix de * <eurs.
Je a n d 'Yv c lis e
P la is ir d ' a m o u r ...
Ro d o lp h e B r in g e r S o n c œ u r .., h E lle
Je a n d e M o n a d e y L e p r ix d u s ang.
V n le n t in H ir s o n I . a m o u r e t s o n o m b r e
M ic h e l C e r d a n
L e P r in c e M iiè r ^ ,
L é o n c e Prae .hr
Le s d e u x a m o u r s de C o le t t e ,
455
456
4 57
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6 9 9 3 - IO .S à
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C r é t é . C o t t o li.
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A name given to the resource
Les Maitres du roman populaire
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Arthème Fayard lance les Maîtres du Roman Populaire en 1914.<br /><a href="https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/exhibits/show/fondbastaire/les-maitres-du-roman-populair">En savoir plus sur les Maitres du roman populaire</a>
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Title
A name given to the resource
S.O.S. une femme sombre
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cobb, Willie
Publisher
An entity responsible for making the resource available
A. Fayard
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1936
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
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Les maîtres du roman populaire ; 534
application/pdf
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Language
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BCU_Bastaire_Maitres_Roman_Populaire_C20748_1206789
Relation
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