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AVIS A U L E C T E U R .
L a date de l ’avis interprétatif du sénatus-consulte
du 16 floréal, est du 9 thermidor, et non du 19 ther
midor , comme cela a été im prim é, par erreur, à
quelques endroits, notamment à la page 7 de ce
mémoire.
�PRECIS
EN RÉPONSE,
PO U R
B O N N A F O U X , J e a n , V IA L F O N T e t
autres, habitant le département du Cantal,
intimés;
Jean
C O N TRE
Le sieur BO U RNET, propriétaire habitant
la ville d’Issoire, appelant
EN PRÉSENCE
De dame H e n r i e t t e DE CHAUVIGNY DE
B L O T veuve D E SR O Y S et de sieur A n n e t DESROYS.
E n publiant ses moyens contre le jugement du tribunal
d 'Issoire, qui admet les Bonnafoux au partage des biens
rendus par la loi du 5 décembre 1 8 1 4 au x héritiers ou
ayans cause des anciens propriétaires, le sieur Bournet s’est
mis fort à son aise. Il a représenté les intimés comme ayant
élevé une prétention absurde, que la décision des pre
miers juges n’aurait fait que consacrer avec la plus in
concevable légèreté. Suivant lui, c’est un système qui
aurait pour résultat immédiat d’appeler comme ayans
cause d’un émigré, ses parens les plus éloignés, au lieu de
ses héritiers ou de ses parens les plus proches, c’est-à-dire,
COUU ROYAL!-:
DE 111051.
a*
C H A M BRI'.
�K 'A l
( * )
''de fausser la loi sous prétexte de l’ interpréter; et cette
violation de la loi serait encore proposée à la cour contre
l’aütorité de ses arrêts déjà rendus dans la même cause.
Il nous sera facile de démontrer que ce prétendu sys
tème desBonnafoux, repose sur la disposition même de la
loi, sur la jurisprudence constante des Cours royales et de
la Cour de cassation; que leur demande est fondée sur la
doctrine copsacrée par les précédens arrêts de la Cour
qu’a obtenus le sieur Bournet. Nous aurons donc moins
à critiquer ces arrêts, qu’à en invoquer Jes principes;
car, écrits nettement dans ces arrêts, ils y demeurent
inébranlables. Nous démontrerons d’ailleurs que l’appli
cation que le sieur Bournet veut en faire ci lui seu ly
parce qu’il y était seul partie, en l’absence de ses cointéressés, est en contradiction avec le principe qui les
dicte; que c’est lui, et non les Bonnafoux, qui .repous
serait la chose jugée, si son système pouvait être admis;
c’est lui qui détruirait les principes proclamés par la loi
de iBi/f, et les règles ordinaires de l’hérédité. Les Bon
nafoux,au contraire, les invoquent^car eux ou ceux qu’ils
représentent étaient les plus proches parens et héritiers
du défunt au moment où le droit s’est ouvert; et c’est dans
les arrêts de la Cour elle-même qu’ils puisent leurs
moyens de défense. D ’ailleurs, ils sont dans la lettre et
l’esprit de la loi.
La question du procès est de savoir si un émigré étant
mort avant son amnistie, le bénéfice de la loi du 5 dé
cembre 18 14 ( {l uc tout le monde reconnaît n’avoir d’ef
fet que pour l’avenir) appartient à ceux qui auraient dû
succéder à l’émigré le jour de sa mort naturelle, q u o iq u ’à-
�■C3 )
lors il fût en état de mort civile, ou à ceux que la loi ap
pelait à lui succéder au jour de la restitution; c’est-à-dire,
a u x héritiers naturels qui auraient recueilli ses biens, lors
q u e la loi du 5 décembre a été publiée. L e sieur Bournet
soutient le premier système, et le jugement a admis le se
cond sur la demande des Bonnafoux. Tout consiste donc à
rechercher ce qu'a entendu la loi par ces mots '.leurs héri
tiers ou ayons cause. Cette question s’élève entre le dona
taire du sieur de Lespinasse, père de l’émigré, que la loi
du temps de son décès eût appelé à lui succéder pour le
tout, s’il n’eût pas été émigré, et les héritiers collatéraux
de l’émigré, qui étaient appelés à lui succéder pour moi
tié , au moment où les biens qui font le sujet de la contes
tation ont été rendus. C ’est donc sur cette question qu’il
faut fixer spécialement l’attention de la Cour.
Nous pouvons être assez sobres de détails dans le récit
des faits; quant à la discussion, elle sera toute entière pui
sée dans la jurisprudence, où l’on trouve la saine et véri
table entente de la loi. Nous plaçons à côté des faits un
tableau généalogique tel que l’a présenté le sieur Bournet,
enyajoutantquelques indications qui nousparaissent utiles.
F A IT S .
Il s’agit, dans la cause, du sort d’une partie de la suc
cession de François-Aldebert de Sévérac. On voit sur la gé
néalogie qu’il décéda en l’an 4» après avoir recueilli sa
part dans la succession de Jean-Marie-Clair de Sévérac,
son neveu, mort le i germinal an 2. Marguerite et M a
rie Sévérac, sœurs de François-Aldebert, de va ie nt re
cueillir sa succession conjointement avec Claude-Gilbert
1.
�de Cespinasse, qui représentait Catherine-Marie-Louise
deSévérac,sa mère, alors décédée; mais Glaude-Gilbert
était émigré, et en vertu des lois du moment,il était repré
senté par la nation t qui s’était réservé le droit de succéder
à la place des émigrés pendant une période de cinquante
années. Aussi ses biens furent-ils frappés du séquestre.
Toutefois, le séquestre annoncé sur les biens provenus de
François-AIdebert, fut suspendu par une circonstance
particulière. Il avait légué la jouissance de ses biens à la
dame Chauvigny, son épouse, aujourd’hui remariée au
sieur Desroys. O r , ce droit d’usufruit s’opposait à la
jouissance actuelle du gouvernement, qui leva le séques
tre et laissa la veuve en possession.
I l j i ’estpas inutile, pour la suite des faits, de connaître
la composition des deux successions successivement ou
vertes, de Jean-Marie-Clair, et François-AIdebert de Sévérac. Elle est fort bien indiquée au mémoire de J’appelant, page 4 et 5 ; il nous suiiit d’en tracer les résultats.
L e patrimoine de Jenu-Marie-Glair se composait de la
terre de Vertessère et d'une portion de celle de Sévérac,
situées dans le département du Gantai, et d’une portion
de celle de St-Martin, située dans le département du Puyde-Dôme. Il faut faire une différence entre les deux pre
miers objets qui ont été restitués par le préfet du Gantai,
en vertu du sénatus-consulte du 6 iloréal an io , et la terre
de St-Martin qui n’a été rendue que par la loi du 5 dé
cembre i 8 i/}.On voit que Glaude-Gilbert Lespinasse était
appelé h recueillir une partie des biens de Jean-MarieClair, d’abord de sou chef, et ensuite du chef de FrançoisAIdebert.
�ÏÏ'
(. S )
Quant à ce dernier, il laissait dans sa succession la terre
d’Auzat, outre sa part dans les biens de Jean-Marie-Clair;
et Claude Lespinasse était appelé à y prendre une portion
•égale avec Marguerite et Marie Sévérac, ses deux tantes.
C ’est principalement à raison de la terre d’Auzat que s’é
lève la difficulté. Cette terre est demeurée au pouvoir de
la veuve, même après son convoi, quoique, par ce seul
-fait, la jouissance dût cesser de droit, et elle a donné lieu
•à des difficultés judiciaires qu’il faudra connaître. Nous
n’avons pas besoin de nous fixer davantag^sur la quotité
des portions que pouvait amender Claude-Gilbert Les
pinasse, ou, pour lui, le gouvernement, dans ces diffé
rentes natures de biens.
Nous devons noter ici un fait important qui est devenu
le principe de toutes les difficultés auxquelles s’exposa la
dame de Chauvigny, veuve Sévérac. C ’est un point reconnu
en jurisprudence comme en législation, que là nation
,
n’était pas saisie de droit, des successions ouvertes à l’é
migré, pendant sa mort civile; qu’elle ne le devenait que par
l’appréhension réelle, la mainmise surles biens; que,faute
de cette précaution, les successions échues aux émigrés
étaient dévolues aux héritiers républicoles (pour employer
les termes de la législation d’alors). O r, il ne paraissait pas
qu’il y eût eu séquestre effectué sur les biens de FrançoisAldebert, à cause de l’usufruit de son épouse, et on se
persuada qu’aucun acte de l’administration publique ne
les avait mis sous sa main; que conséquemment Margue
rite et Marie de Sévérac, ses deux sœurs, seules héritières
républicoles, avaient été saisies de la totalité, et c’est dans
cet esprit qu’elles traitèrent avec la dame de Chauvigny,
*eur belle-sœur, par acte du 3o floréal an 5.
*Tf
�( 6 5
Par cet acte, elles prirent la qualité de seules et uniques
héritières de François-Aldebert de Sévérac, et, à ce titre,
cédèrent à la dame de Chauvigny tous leurs droits dans
cette succession, sur les biens situés dans la commune
d’Auzat et autres environnantes. Elles en exceptèrent les
droits que François-Aldebert tenait de la succession de
Jean-Marie-Clair de Sévérac; cette réserve frappait ce qui
était advenu à François-Aldebert, dans les terres de Vertessère, de Sévérac et de St-Martin. Marguerite et Marie
Sévérac se lefréservèrent pour les réunir à pareilles por
tions qu’avait chacune d’elles, de son chef, dans les mêmes
biens, et elles exigèrent que la dame de Chauvigny se dé
partît de son usufruit survies portions qui leur provenaient
du chef d’ Aldebert, leur frère, en sorte que la cession
faite, d’ailleurs, moyennant une rente viagère, fut un vé
ritable contrat aléatoire. A u reste, il paraît assez clair que
la dame’de Chauvigny ne visait qu’à réunir dans ses mains
la propriété de la terre d’Auzat, dont elle était déjà usu
fruitière. Munie de cette cession, elle se considéra comnie
‘'seule propriétaire de cette terre, resta long-temps en
possession sans être troublée par personne, et la vendit
par parcelles à un grand nombre d’individus.
Plus tard, comme nous le verrons, Marguerite et Marie
Sévérac vendirent au sieur Grenier les biens et droits
dont elles s’étaient fait la réserve par la cession du 3o flo
réal an 5 .
Claude-Gilbert Lespinasse décéda le 16 frimaire an 8 ,
tq^ijours ou état d’émigration. Il ne laissait ni frères ni
tœurs; mais son père lui survivait. O r, on était régi par la
loi du 17 nivôse an a ; le père eût donc été seul héritier
�( 7 )
s e ^t Pu laisser une succession susceptible d’èlre *
t r a n s m i s e j mais, d’après la disposition des lois sur les effets
de la mort civile, sa succession avait été ouverte au profit
des héritiers qu'il avait au jour de son émigration, et
q u a n t aux biens qu’il avait acquis depuis, à titre successif,
ils auraient également appartenu à ses héritiers, s’ils n’a
vait pas été réservés à la république. O r , Claude-Gilbert
Lespinasse n’avait d’autres biens que ceux qui lui étaient
advenus par les décès successifs de Jean-Marie-Clair et
.François-AldebertdeSévérac,si ce n’est quelques-uns situés
dans le département de la Haute-Loire ; mais ils étaient
tous sous la main de la nation qui les avait séquestrés h son
profit. Le sieur Lespinasse père n’avait donc, alors, de
droits d’aucune espèce, pas même la qualité d’héritier de
son fils, censé mort bien avant la loi du 17 nivôse an 2.
C ’est en cet état que fut rendu le sénatus-consulte du
G floréal an 10, qui, en autorisant l’amnistie des émigrés,
leur rendit tous leurs biens non vendus, réservés ou af
fectés à un service public.
La terre de St-Martin avait été attribuée à la sénatorerie de Riom ; elle était donc exceptée de la restitution.
I,a terre d’Auzat était dans la main delà damede Chauvigny, déjà remariée au sieur Desroys.
On sait que l’avis du 9 thermidor an 10, permit d’ap
pliquer l’amnistie aux émigrés décédés en état d’émigra
tion. L e i 5 ventôse an 11, le sieur Lespinasse père obtint
un certificat d’amnistie pour son fils; après cela, il sollicita
et obtint divers arrêtés d’envoi en possession des biens.
L e 11 germinal an n , les biens du département de la
Ilaute-Loire furent restitués au sieur Lespinasse père,
du
�* par un arrêté du préfet de ce département. Il faut recon
naître, en effet, que le sénatus-consulte, en ordonnant *
la restitution des biens, l’appliquait à ceux qui étaient hé
ritiers présomptifs du défunt au moment de sa publication.
D ’ailleurs ces biens étaient possédés par le fils au mo
ment de son émigration, et il y avait une différence essen
tielle à faire entre ceux-là et ceux échus à l’émigré pen
dant sa mort civile.
Toutefois, un arrêté du préfet du Gantai, du 25 ther
midor an i l , délaissa au sieur Lespinasse père les por
tions échues à son fils dans les terres de Vertessère et de
Sévérac, du chef d’Aldebert et Jean-Marie-Glair de Sévérac.
Quant aux biens situés dans le Puy-de-Dôme, le préfet
n’ordonna la remise que de ceux possédés par le fils, au
moment de son émigration; il réserva tous ceux échus
depuis, comme n’étant pas rendus par le sénatus-consulte:
cela résultait de diverses lois et règlemens, comme en
convient le sieur Bournet, pag. 8 , et c’est un point fort
essentiel à saisir.
Ainsi la question ne resta plus désormais que pour la
terre de Saint-Martin et celle d’Auzat ; tous les autres
biens avaient été restitués à Lespinasse père. Ces deux
propriétés ont donné lieuàdeux procès successifs; d’abord
entre le sieur Lespinasse et le sieur Grenier, son acqué
reur, pour la terre de Saint-Martin; et ensuite entre le
sieur Bournet, donataire de Lespinasse, et la dame Desroys, pour la terre d’Auzat.
L e 18 vendémiaire an 14 , le sieur Lespinasse céda au
sieur Grenier tous scs droits dans la succession de sou fils.
�(9 )
L e s i e u r Grenier, considérant la terre d’Auza t comme ayant
fait partie de la succession du fils, forma, en 1810, une de
mande en partage de cette terre, contre la dame Desroys,
et en réclama le tiers. Avant toute décision, et par acte
sous seing’ privé, du 16 novembre 1811, 1g sieur Grenier
se départit, au profit de la dame Desroys, soit de cette
demande, soit de tous droits sur les successions de JeanMarie-Clair et François-Aldebert de Sévérac. Ainsi, soit ^
du chef de Marguerite et Marie de Sévérac, soit du chef du
sieur Lespinasse, la dame Desroys crut être propriétaire
delà totalité de la terre d’A uzat. C ’est dans cette confiance,
qu’elle l’a vendue; mais elle était dans l’erreur, comme
le démontreront les faits qui vont suivre. Quelque pénible
qu’il puisse être pour elle de rester sujette à des garanties
contre les acquéreurs, c’est une conséquence qu'elle ne
peut éviter; mais il faudra aussi que le sieur Bournet se
résigne à subir celles qui sont attachées à sa propre posi
tion, quelque singulières qu’elles puissent lui paraître. Il
est d’ailleurs fort aisé de reconnaître qu’il ne s’agit pas,
pour lui, d’une perte quelconque, mais d’un bénéfice
plus ou moins grand.
C ’est en cet état que fut rendue la loi du 5 décembre
1814 t
ordonne que tous les biens séquestrés ou
confisqués pour cause d ’émigration, tous ceux advenus à
VÉtat par suite de partage de succession ou présucces
sion ......... seront rendus à ceu x qui en étaient proprié
, à leurs héritiers ou ayans cause. Une commission
taires■
fut nommée pour l’exécution de cette loi.
Bientôt après, le sieur Lespinasse père, comme héritier
de son fils, se pourvut pour obtenir le délaissement de la
terre de Saint-Martin.
2
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�D e son côté, le sieur Grenier en demanda la délivrance r
prétendant qu’elle était comprise dans la cession de tous
les droits du père à la succession du fils. L e sieur Lespinasse père, disait le sieur Grenier, ne se présente que
comme héritier de son fils. Or, cette qualité-seule repousse
sa demande, car il m’a cédé tous ses droits d’hérédité.
Cette prétention eût été incontestable si Lespinasse
père n’eût pu demander la restitution de la terre, qu’au
titre rigoureux à!héritier de son fils, car il l ’avait cédé au
sieur Grenier. Il fallut donc examiner si cette qualité lui
était nécessaire, et si la remise était faite à celui qui était
l’héritier naturel ou testamentaire de l’émigré au moment
de son décès, ou bien à ceux qui le représentaient,, comme
ses parens les plus proches, et comme étant appelés à lui
succéder au moment de la restitution.
On sent que dans le premier cas, le droit, provenant
d’un fait antérieur à la cessioü, appartenait au sieur
Grenier, céda ta i r e , à ses risques, du titre et des droits de
l’héritier, et que, dans le cas c o n tr a ir e , il ne lui restait ni
titre ni droit. Un arrêté de la commission r e n v o y a les
parties devant les tribunaux, et la cause fut portée devant
le tribunal d’ Issoire.
L é sieur Grenier y soutenait que Lespinasse père avait
été saisi de droit, par le décès de son fils, non-seulcment
des biens qu’il possédait alors, mais de tous les droits et
notions qu’il pouvait exercer, ineme de ceux qui étaient
suspendus parla mort civiteetla confiscation *, que la main
l e v é e du séquestre, la restitution des biens, ordonnées à
posteriori, n’avaient fait que lever l’obstacle qui existait à
la libre exécution des lois générales en matière d’hérédité,.
�yH 'i
«tque les choses reprenaient leur cours, comme si le s é
questre et la confiscation n’eussent jamais existé. O r , didisait-il, Lespinasse père, seul héritier de son fils, avait
réuni dans sa main tous les droits de l’hérédité ; il me les a
cédés; ils m’appartiennent donc, et avec eux la terre de
Saint-Martin, pour la part qui en revenait à mon cédant.
L esie u r Lespinasse, en combattant ce système, pré
sentait une thèse tout opposée; il soutenait d’abord que,
p a r l’effet delà mort civile, Claude-Gilbert Lespinasse,
son fils, n’avait succédé ni à J ean-M arie-Clair, ni à FrançoisAldebert de Sévérac, desquels provenait le huitième de la
terre de Saint-Martin ; que conséquemment il ne les avait
pas recueillis dans la succession de son fils ; d’ailleurs, disaitil, passe pour les biens restitués par le sénatus-consulte
de l’an 10; seul héritier de mon fils, à cette époque, j’en
étais propriétaire, puisqu’ils m'avaient été rendus avant
la cession que je vous ai faite quatre ans plus tard, et ils
peuvent y avoir été compris; mais ceux-ci étaient réservés;
ils ne m’appartenaient pas ; je ne pouvais rien y préten
dre, ni même conserver à leur égard de l’espérance, par
cela seul que la loi les avait exceptés et affectés à un ser
vice public, nous n’avons donc pu avoir ni l’un ni l’autre
la pensée de les comprendre dans notre conyention ; et
quelle que soit la généralité des termes que-nous avons
employés , ils ne peuvent s’appliquer qu’aux droits que
j’avais, et non à ceux qui, ne m’ayant été restitués que
depuis, et encore à titre de faveur et non d’hérédité, sont
tout à fait étrangers à la cession et à la qualité en vertu
de laquelle je vous l’ai consentie.En un mot, disait-il, ce
n’est pas à la succession de mon fils que les biens ont été
�rendus*, c'est à moi, directement, comme à celui-là, qui
seul le représentait au moment de la cession.
Remarquons bien ici que Lespinasse se présentait
comme seul ayant cause de son fils *, que Grenier ne le
contestait pas; qu’au contraire il avait intérêt qu’il le fût,
puisqu’il se présentait comme cédataire ; que ni l’un ni
l ’autre n’avertissait la justice que si la restitution était
directe à l’héritier, il existait d’autres ayans droit de
Claude-Gilbert Lespinasse, au moment de la publication
de la loi du 5 décembre 18 14 j qu’ainsi toute la question
se trouyait dans le plus ou moins d’étendue de la cession,
et non dans le nombre ou la qualité des représentans ou
ayans droit de Claude-Gilbert Lespinasse. En un mot, il
s’agissait de savoir si Guillaume Lespinasse, censé par
toutes les parties le représentant <le la succession de son
fils et son unique ayant droit, avait ou non compris les
biens rendus, dans la cession faite à Grenier, ou si on de
vait les considérer comme rendus directement à celui qui
était ou qu’on considérait c o m m e seul a y a n t droit de l’é
migré, au moment de la restitution.
Ces moyens prévalurent, et un jugement du tribunal
d’Issoire, du iCjuin 1816, adjugea lesbiensà Lespinasse;
il déclara que, nonobstant la cession faite à Grenier, il
était demeuré l’ayant droit de son fils pour tout ce qui
n’avait pas été rendu auparavant, c’est-à-dire, qu’il l’était
resté, nonobstant la cession faite à.Grenier, mais seule
ment comme il l’était auparavant. Si le tribunal d’Issoire
ajouta qu’il était seul représentant de son fils, cette ex
pression posée par opposition à la demande du sieur Grcnicr, ne signifiait autre chose, si ce n’est qu’entre eux
�(13>
deux, seules parties litigantes, seuls dont les droits ou les
intérêts fussent mis en question , Lespinasse était le seul
représentant de son fils, lors de la loi du 5 décembre j 814.
L e jugement ne décidait pas, au surplus, que s’il y avait
d’autres représentans de Claude-Gilbert Lespinasse, ils '
n’auraient pas le droit de demander contre Guillaume ,
d’être admis à participer, pour leur .portion, à une décision
qui leur appartenait évidemment comme à lui; car la seule
chose jugée était que la restitution n’ayant été faite qu’en
1814, et ne se reportant à aucun principe d’hérédité an
térieur, on ne devait pas considérer Guillaume Lespinasse
comme saisi par sa qualité d’héritier de son fils, mais seu
lement comme appelé en qualité d’ayant droit, au moment
de la publication de la loi du 5 décembre 181 4- En un
mot, on adjugeait le profit de la restitution au x héritiers
ou ayans cause de Lespinasse fils, en 181 4 5 contre l’ayant
droit de celui ou ceux qui étaient ses héritiers au G lloréal
an 10. Voilà toute la question qui fut alors jugée.
L e sieur Grenier appela de ce jugement ; il demandait la
réformation de la décision p rin c ip a le q u a n t à l ’a ttrib u
tion de la p r o p r i é t é ; subsidiairemetit, il demandait, comme
en première instance, que le feieur Lespinasse fût assujetti
à contribuer aux dettes de la succession.
Par un arrêt du 3 mars 1817, la Cour confirma le juge
ment, quant à la disposition principale, mais le réforma,
quant au payement des dettes: la Cour ordonna un compte
entre les parties.
L ’une et l’autre se pourvurent en cassation; mais le
pourvoi fut rejeté par-un arrêt du 25 janvier 1819. Ne
nous occupons que de la décision principale, et n’oublions
pas d’observer que si la Cour de cassation se fonda seule-
�ment sur ce qu’il était reconnu par la Cour royale que
les biens en litige n’étaient pas compris dans la cession
faite au sieur Grenier, la Cour royale avait décidé que la
loi du 5 décembre 18 1 4 était une loi de grâce et de fa
veur; que les biens restitués avaient cessé d’appartenir à
l’ancien propriétaire-, qu’ils avaient été irrévocablement
réunis à la sénatorerie, plus de deux ans avant la cession;
que si Lespinasse père les y eût nominativement compris,
la clause eût été réputée non écrite, parce que la loi inter
disait à Lespinasse tout pacte, toute transaction sur des
biens qui appartenaient à autrui. Il est bon, en parcourant
les diverses phrases des instances qui ont été portées de
vant les tribunaux, de ne pas perdre de vue la direction
qui leur était donnée, et les principes qui ont été chaque
fois posés parles arrêts, pour arriver à la décision. Nous
aurons à remarquer plus tard, que celui qui décida la
Cour de cassation, comme les motifs écrits dans les arrêts
postérieurs, militent tous en faveur des Bonnafoux.
' Dans l’intervalle, e t le 27 o c to b r e 1817, le sieur Lesüinasse
avait fait donation au sieur B o u r n e t de tous les
A.
droits dans lesquels il avait été réintégré par la loi du 5
décembre 181 4 >et l’arrêt du 3 mars 1817; et désormais,
ce fut le sieur Bournet qui figura dans les nouvelles pro
cédures.
Les parties passèrent bientôt à l’exécution de l’arrêt;
elles vinrent à compte, et les difficultés qui s'élevèrent fi
rent apercevoir au sieur de Lespinasse que son fils avait
droit à uneportion de la terre d’Auzat, à laquelle il n’a
vait pas pensé jusque-là. Un incident s’éleva, et le notaire
renvoya les parties devant la Cour, où s’établit un nouveau
Jitige. I,e sieur Grenier reconnut., dans çles mémoires Un-
�w
( 15 )
primés, que Ie sieur Lespinasse père , au moment de
la c e s s i o n de l’an 14 ? était exclu de la succession de
Irançois-Aldebert de Sévérac^ comme de celle de JeanMarie-Clair; qu’en conséquence, il ne pouvait rien pré^tendreàla terre d’Auzat, comme cédataire de Lespinasse,
puisqu’elle provenait de François- Aldebert; et par arrêt
du 26 avril 1820, la Cour donna acte au sieur Bournet de
cette déclaration, à l’effet, par Bournet, d’exercer ses
d r o i t s sur cette propriété, à ses risques et périls. Il faut
convenir que le sieur Grenier n’avait pas grand mérite à
faire cette déclaration; d’une part, elle n’était que la consé
quence de l’arrêt déjà rendu contre lui, qui ne pouvait
toutefois préjudicier-aux droits des tiers 5mais quand il eût
e u d e s droits sur A u z a t, dans le principe, il ne lui eussent
plus appartenu, puisqu’il les avait cédés à la dame Desroys, par l’acte de 1810, dont nous avons parlé plus
haut.
C ’est à cette époque que le sieur Bournet fit assigner
les sieur et dame Desroys, et divers acquéreurs de par
tie delà terre d’Auzat; il d em a n d a co n tre les uns le par
tage de la t e r r e , et contre les autres le rapport des por
tions par eux acquises.
- Il n’y eutpointdedifficultéàl’égarddestiers-acquéreurs;
les sieur et dame^Desroys prirent leur fait et cause;
mais à l’égard de ceux-ci, il s’éleva des questions sérieuses.
Les sieur et dame Desroys succombèrent, non parce que
le sieur Lespinasse était le seul ayant droit, mais parcequ’ils étaient sans droit ni qualité pour garder la portion
de la terre d’Auzat échue à Claude-Gilbert, et appréhen
dée par la nation, comme succédant à sa place. Nous en.
serons convaincus par la seule inspection de l’arrêt de k
�( 16 )
Cour, et de celui de la Cour de cassation qui l’a suivi
Cela demande quelques explications.
'
i
Nous avons vu plus haut^ que la dame Desroys était cédataire de tousles droits de Marguerite et MariedeSévérac
sur la terre d’Auzat; qu’elle était encore céda taire de tous
les droits du sieur Grenier. Elle et son époux croyaient, à
ces deux titres, que la propriété du.tiers de celte terre,
provenue de François-Aldebert, ne pouvailleur échaper.
Ils présentaient leurs moyens sous unedouble face.
E t d’abord, disaient-ils, au moment de l’ouverture de
la succession de François-Aldebert de Sévérac, ClaudeGilbert Lespinasse, son héritier pour un tiers, était frappé
de mort civile; il ne pouvait donc- pas succéder à son
oncle. Sa part de cette succession eût pu, il est vrai, être
recueillie par la nation, qui se l’était réservée par les lois
sur l’émigration ; mais il fallait pour cela une appréhension
de fait, une mise en séquestre. Jusque-là, le droit de l’hé
ritier n a tu re l n’était pas paralysé; d’autant qu’en matière
de successions collatérales é c h u e s pendant l’émigration, la’
loi du 8 messidor an 7 et les règlemens p o sté rie u rs a v a ie n t
appelé les héritiers républicoles à succéder à la place de
l’émigré. O r, il n’y a eu ni séquestre ni mainmise de la
nation. Marguerite et Marie de Sévérac, sœurs de Fran
çois-Aldebert, et qui auraient concouru avec ClaudeGilbert Lespinasse, ont donc seules succédé pour le tout:
aussi, en nous cédant leurs droits, elles se sont dites seules
héritières, et nous ont vendu la totalité. La terre d’Auzat
n’a donc pas été rendue par la loi du 5 décembre i 8 i 4 j
elle nous appartient donc indépendamment de toutes dis
positions législatives qui n e sauraient s’appliquer à cette*
propriété; et aussi voit-on que toutes les d e m a n d e s en
�( *71)
partage, tousjles procès n’ont porté ique sur les autres
b i e n s , notamment sur la terre de St-Martin, et que ja
mais depuis i 8 i 4 j et malgré qu’on..ait .constamment
plaidé, on n’a réclamé la terre d’Auzat, parce qu’elle était
soumise à des règles particulières; -t .r . , •
'Mais si on n’adopte pas ce premier moyen, disaient-ils
encore, nous sommes cédataires du sieur Grenier, de tous
ses droits a la- succession d’Aldebert,
relativement à *la
A
terre d’Auzat. O r, si cette terre n’a pas appartenu, en en*
tier, à Marguerite et à Marie de Sévéracy si le , sieur
de Lespinasse a été appelé, comme héritier de son fils,
à en recueillir un tiers, ce tiers se trouve compris dans la
cession que Lespinasse a faite à Grenier, et par consé^
quent dans celle qu’il nous a consentie lui-même.
. En deux mots, disaient ils , le sieur Lespinasse ne peut
avoir droit que comme héritier de son fils, au tiers de la
terre d’Auzat; s’il a un droit, il l’a cédé, et il est,dans nos
mains; s’il n’en n’a pas,,Marguerite et Marie de Sévérac
ont pu nous céder la totalité de la succession d’ Aldebert,,
et elles l’ont fait. Dans l’un et l’autre cas, la te rre d’Auzat
nous appartient en totalité ; nousjen avons disposé de,
bonne foi, et nous ne saurions craindre les suites désas
treuses qui résulteraient contre nousd’un désistement pro
noncé contre nos acquéreurs.
Il est évident que le dernier moyen des sieuv et dame
Desroys, n’était que l’application à la terre d’Auzat,.de
celui déjà invoqué par le sieur Grenier pour la terre de
St-Martin, et qui avait été rejeté par l’arrêt de la ,Gour ;
il nejpouvait donc pas faire fortune. Quant au premier,
il disparaissait devant le fait constant que le séquestre avait
3
�:
( Ù 8 - ) ) .....................................
été' apposé''sui'là^terre d’Àuzat j 'et qu’il n’avait été.levé
que p'àr^l’exfceptibn résultante des droits'd’usufruit de la
veu ve'dé S évérac'A in si la iiiainmisedé la nation avait
restreint'Marguerite et^ftlarie de Sévérac, dans le cercle
de leurs droits personnels; et elles n’avaient recueilli et pu
cédél;';qüe les deux tiers. Restait la question de savoir
à qui la loi de 1814 avait fait’la restitution ; elle se ren
fermait dans ces termes précis : La restitution a-t-elle été
faite:â ceux qui auraient été les héritiers dé l’émigré, le’
6 flotéal an 8') jour dé soù décès, s’il n’eût pas été frappé
dèTimërt civile, é trqui le sont devenusau jour de l’amnistie,
ou à ceux’ qui'étaient'appelés à le représenté!* au moment
où la^'lôi a'ordonné qué lés biens seraient rendus ? C ’était
en effet là-véritable question qui pouvait'se présentery
cdmmëî c’est encore la difficulté à résoudre aujourd’hui;
niais1la Ôoür-n^ëut point à ‘ la décider ; car, réduite à ces
termes 1,'^e!llè ^n’appartenait point à la dame Destoys, q u i,;
éfràngère' à la‘famille dè Sévérac, ne pouvait se présenter
■.
_
:«;i .1 •' _•_. •
que COriime cessionnairc,'sans p o u v o i r user d’aucun droit
pér&mh’eT,1ni pouvoir diré que ni en l’an 10; n i en a8 14 5
elle 'feiït(été a^péléé/de son chef,1à rëprésenter Claude-GilberrLespinabe.1
• ‘-n
■
>
'’Aussi l’arrêt dé là Cour prit-il une toute autre direction
que celle qu’il faut recevoir aujourd’hui dé positions diffé
rentes. Nous allons nôus convaincre qu’en rejetant 1les
moyéns' de fya‘ dame De&oys, il ne préjugea rien contre
les droits des"Bohhafoux, ét'qü’àu contraire il'admit des*
p rin cip e qüi tiiüdctal: à lés apj^üyôr dé toute leur'autorité. '
' N e u f qifèstioris1sont posées dahs cfet arrêt sur l'intérêt'
pi-rnbipa!.J,,i' - ’
!:
s* '' ' - «
■
Z
�-c]cux premières ont'pour unique; objet de rechercher
-si-M arguerite et M arie dé Sévérac ont pu^-se^dire seules
héritières dfA ldebert, com m e profitant de.la,.mort civile
de Claude-G ilbert Lespinasse >’ et si elles ont pu céder en
totalité .»la terre d'Auzat.f;- ! jriui '
mi . :v/hnii-i.r.q
'i L es cinq questions suivantes tendent à savoir si la nation
•aoèté saisie de. plein droit, si ¡çlle a ¡conservé par ¿Je sé
q u e s tr e ;'s i le gouvern em ent est resté saisi jusqu’à la loi
de 18 14*
-"ii
L a huitième's’applique à l’étendue de la cession faite
au sieur Grenier. : ' v
;
La neuvièm e^ enfin, a pour .objet de savoir si Te sieur
B o u r n e t, comme représentant le sieur Lespinasse p è r e ,
«on d o n a te u r, peut profiter seul du bénéfice de cette loi.
O n voit que les huit premières questions n o n t aucun .
trait à la difficulté actuelle, et que la neuvième ne va être
e x a m in é e qu’en considérant Bournet comme représentant
Lespinasse, et en opposant sa qualité, d’ailleurs certaine,
aux prétentions des sieur et dameDesroys.
... . -,
Si nous parcourons les motifs de l ’a rrêt s u r les huit pre
mières q u e s tio n s , nous y voyons la Cour reconnaître
-qu’à la mort de François-Aldebert de Sévérac,- la nation
fut appelée à lui succéder pour .un tiers, par suite de la
- m o r t civile dé Claude-Gilbert Lespinasse j qu’elle opéra
sa mainmise sur les biens-,: que cette mainmise se conserva
sur la nue propriété, nonobstant la mainlevée du séquestrc q u 'e x ig e a l’usufruit de la veuve ; (jue VEtat{est demeuré
hanti jusqu'à la loi du 5 décembre i8 i4 ; que conséquem-inent la cession faite paç,Marguerite et Marie
Sévérac à
-la dame: de Cliauvigny, le 3o florçéajian^, n'q,pu lui çon-
1- . u / 7: -lin ob g'i- :! ,1 -i-j;.- t‘ i ’Ja
�,
,
.
.
.
( ao )
"férer queles deux tiers; que cette dame ne peut davantage
invoquer la' cession du sieur Grenier, qui a reconnu luimême n’avoir aucun droit à la terre d’Auzat’/'
'
Jusque-là’ tout est exclusivement applicable aux faits
particuliers qui intéressaient la dameDësroys, et demeure
tout à fait étranger à la qùestion qui nous occupe; mais il
fallait s’en rapprocher en abordantila dernière question.
Il faut donc appeler un peu plus ¡’’attention sur ces der
niers motifs du jugement.
Ils partent de ce point, que les droits dù gouverne
ment n’ont cessé d’exister que par la promulgation de la
loi du 5 décembre 18 f 4 ? et que
remise a ¿té ordonnée
au profit' des propriétàiresjdeurs héritiers ou ayans cause.
• O n n è voit là encorérien qui nedérivedelaloi elle-même.
TLà Cour dit que Lespinasse , aux droits duquel est le sieur
Bournet, a été reconnu el\déclarë être.le seul représentant
de Claude, son fils; par l’arretdu 3 mars 18 17 , et que
le ju g e m e n t et V arrêt n'ayant pas 1été attaqués p a r le s
sieur et dame Desroys, il >doit demeurer pour constant
que Guillaume Lespinasse a été seul appelé à recueillir le
bénéfice de la loi ;
■y
.. . •
j
Que d?ailleürs Claude1étant décédé le 16 frimaire an 8,
et ayant été amnistiénle i 5 ventôse an 11, sous l’empire
de la loi dû 17 nivôse , le père a été seul saisi de sa suc
cession ; qu’à la vérité son droit avait été suspendu; mais
que lorsque les biëns^dnt élé>rendus, ils n ’o n t pu l’être
qu’à Lespiüasse père',rommefson seul héritier au moment
de son dëiïes. ’ * ^
1 :,u‘
^
Q u’ènfîÜ ^ïts môVne^ hiotifs qüi Qnt fait adjuger à Lespirias^ j4ë£e le hüitiètfiié de îd terre de St-Mdrtin, mili
tent pour lui attribuer le tiers de celle d’Auzat.
�Nous sommes parfaitement d’accord sur ce dernier
motif. Il est incontestable, en effet, que la terre de SaintMartin et celle d’Auzat sont soumises à la môme règle,
comme rendues seulement, l’une et l’dutre, par la loi de
i 8 i 4 >et aussi, les Bonnafoux ont-ils cru devoir les com
prendre l’une et l'autre dans leurs demandes.
Quant aux autres motifs, ils s’appuient principalement
sur la chose jugée : s’ils semblent ensuite aborder la ques
tion , nous ne devons pas p e r d r e de vue que cette question
ne s’agitait qu’entre un héritier ou représentant de ClaudeGilbert Lespinasse, et une autre partie qui ne l’était ni,
ne pouvait l’être ; qu’ainsi la Cour n’avait qu'une chose à
e x a m in e r , celle de savoir si le tiers de la. terre d’Auzat,
échu à Claude-Gilbert Lespinasse, n’ayant été ni pu être
cédé à la dame de Cliauvigny, soit par Marguerite et
Marie de Sévérac, soit par le sieur Grenier, comme cédataire de Lespinasse père, celui-ci, par un droit nou
veau, résultant d’une loi postérieure à la cession, n’était
pas, des deux parties plaidantes, le seul appelé à recueillir
les biens rendus par cette loi. La justice n’examinait pas
si d ’autres héritiers ou ayans cause du propriétaire, pou
vaient y avoir des droits, alors qu’ils n’étaient pas présens
ni appelés pour les faire valoir. Nous nous bornons,
quant à présent, à cette remarqüe qui est nécessaire pour
bien saisir ce qui résulte des faits ultérieurs.
Les sieur et dame Desroys se pourvurent en cassalion ;
ils firent valoir d’abord les moyens qui leur étaient per
sonnels. Sur les premières questions, ils soutinrent que le
tiers de la terre d’Auzat avait été rendu, non par la loi du
.5 décembre 1814 > mais par le sénaîus-consulte du 6 flo-
�*(t
réalan 10; subsidiairement, ils prétendirent que la loi du
5 décembre 18 14 n’était applicable qu’à ceux qui duraient
été héritiers ou ayans cause du propriétaire, au moment
de sa promulgation ; que conéquemment Lespinasse pèrë^
ou Bournet, son donataire, n’était appelé'qu’à la moitié
des biens, comme héritier ou ayâtït cause "seulement du
chef paternel,' et que l’autre moitié était dévolue à M ar
guerite et à Marie de Sévérac; tantes maternelles 'de
Claude-Gilbert, et ses représentàns'fde ce chef. Oi', di
saient les sieur et dame Desroys, nous sommes cédataires
•de-Ma-pguwite et Marie de Sévérac; donc l’arrêt viole ou
applique faussement la loi de ;8i4jenattriljLuantàBQjLumet
la totalité de la portion de Claude-Gilbert Lespinasse,
dans la succession de François-Aldebert de Sévérac? tandis
qu’il nous en reviendrait la moitié.
Ce dernier moyen aurait pu être fort bon , si la cession
de Marguerite et Marie de Sévérac eût été postérieure à
la loi de 18 14 » mais, étant de beaucoup antérieure, elle
ne pouvait attribuer a la d am e D e s r o y s aucun titre, au
cune qualité pour réclamer des biens ou des droits qui
n’étaient advenus à ses cédantes que dix-sept ans après la
cession; elle n’était ni de son chef, ni du chef d’autrui,
ayant cause de Lespinasse fils, a u 5 décembre 18 14 - Cette
circonstance détermina l’arrêt de la Cour de cassation,
sur lequel il est absolument nécessaire de fixer un mo
ment son attention.
Nous ne devons pas douter que cette Cour régulatrice
n’eût abordé le moyen du fond, si elle eût pensé que
Ma rguente et Marie de Sévérac elles-mêmes n’étaient
pas appelées par la loi de 18 14 : c’eût été le seul moyen de
�( - }
.
proclamer la véritable pensée du législateur, et de ramener
à l’exécution de la loi. O r, c’est là’ le but de son institution.
S’arrêter en pareil cas à une simple exception,' c’eût été
employer un moyen évasif, d’autant moins digne d’elle,
que l'arrêt contre-lequel était dirigé le pourvoi semblait
aborder la question, quoique dans un sens tout différent,
comme nous l’avons fait entrevoir. Cependant o d lit dans
l’arrêt de la Cour de cassation, ce motif unique et fort re
marquable sur le second moyen :
•
« Attendu que pour revendiquer subsidiairemen t, non
» pas le tiers, mais bien la moitié du tiers contentieux
» sur la succession de Claude-Gilbert de Lespinasse, la
» veuve de Sévérac, épouse Desroys, étrangère à cette
» succession, se présentait comme subrogée aux droits
» des deux religieuses, Marie et Marguerite de Sévérac,
» ses belles-sœurs, en se fondant à cet effet sur une cession
» rque celles-ci lui avaient faite le 3o floréal an 5 •, mais at» tendu qu’ il est reconnu, en fait, que cette cession
» consentie en floréal an 5 , n’a point porté ni pu porter
» sur la succession de Claude-Gilbert, décédé en frimaire
» an 8 5 q u ’elle portait! seulement sur la succession de
» François-Aldebert de Sévérac, frère des cédantes, dé>> cédé en germinal an 4, et que, même sur cette succession,
» la cession dont il s’agit ne conférait nullement à la ces» sionnairele tiers en question; qu'ainsi, ne pouvant plus
» représenter les deux religieuses , Marie et Marguerite
» de Sévérac, la veuve de Sévérac, épouse Desroys, était
» "sans qualité pour en exercer les droits. » ,
Toutes ces décisions judiciaires consacraient en défini
tif, ce principe non contesté, que la loi de i8 i4 avait fuit
�(=>4 )
une grâce, une faveur, soit aux anciens propriétaires des
biens réservés par lesénatus-consulté, s’ils étaient encore
vivans, soit à leurs héritiers et ayans cause, au momentde,
la loi. Elle les appelait donc directement, non par une res
titution qui eût son principe dans*un droit antérieur, mais
par une sortede libéralité qui ne remontait pas plus loin
que la loi elle-même. C ’est pour cela que les tribunaux
avaient refusé à toutes dispositions antérieures du proprié
taire, à toutes cessions ou transactions, la force de frapper
ces biens qui avaient cessé d’appartenir à l’ancien proprié
taire, parce qu’il en avait été dépouillé irrévocablement.
Or, l’attribution a u x représentans, les saisissait tous, quand
bien même un seul d’entr’eux se fût présenté; car il est de
principe (tout le monde le sait), qu’un seuf des héritiers
qui exerce une action du défunt, conserve les droits de
tous. Ainsi, tout en agissant en son nom personnel, par
suite de la donation de Lespinasse père, et en se faisant
adjuger comme h é r it ie r o u ayant cause du fils, les biens
que venait de rendre la loi, Bournct n’empêchait pas
que les autres ayans droit ne vinssent ensuite réclamer
contre lui la participation à une chose qui leur était com
mune; car il ne pouvait avoir fait prononcer la remise à.
son profit, comme héritier ou ayant droit, sans que la
décision profitât à tous ses cointéressés.
Marguériteet Marie deSévérac étaient décédéespendant
ces discussions': les Bonnafoux qui les représentent, cru
rent que leur droit était suffisamment reconnu par ces ar
rêts, et qu’il leur suffisait, sans avoir besoin d’en demander
la réformation, en tant qu’ils avaient considéré Lespinasse
père comme' sèul héritier, de demander contre son dona-
�,* >
7«’
taire, leur portion d e l à chose commune. TJs assignèrent
soit le sieur Bournet, soit lès sieur et dame Desroys,,pour
v e n ir à partage des Liens délaissés par Jean-Marie-Clair
et F r a n ç o is -A ld e b e r t de Sévérac, et quifseraient advenus
à C la u d e - G ilb e r t Lespinasse, s’il n’eût pas été émigré.
- C ’est sur cette demande qu’est intervenu le jugement
du tribunal civil d’Jssoîre, du 25 août 1829. 11 est presque
littéralement transcrit au mémoire du sieur Baurnet*
page 18 et suivantes. Nous ne le reproduirons pas.
Trois sortes de moyens sont proposés contre ce ju
gement.
i°. Sur les qualités des demandeurs. On se borne à dire*
sur ce point, qu’elles ne paraissent pas suffisamment
justifiées, et qu’on se réserve d’examiner les actes de fa
mille. Nous n’avons donc pas autre chose à répondre à
cette assertion vague, si ce n’est que les qualités sont jus
tifiées par le rapport des actes de famille et des actes de
l’état civil, et qu’ils doivent produire leur effet tant qu’ils
n’auront pas été critiqués valablement.
20. Sur la procédure tenue par les Bonnafoux. On se
plaint de ce q u ’ ils ont été admis à participer à la resti
tution s a n s avoir même formé tierce opposition aux
arrêts de la Cour, qui avaient considéré Lespinasse père
comme seul ayant cause de son fils. Nous avons déjà fait
pressentir le motif pour lequel la tierce opposition nous
avait paru inutile. Nous appuierons davantage sur ce
p o i n t ’, mais il nous semble plus convenable de discuter
d’abord la question du fond, qui est la principale, parce
q u ’ il nous sera beaucoup plus facile ensuite de reconnaître
si lesarrets jugent quelque chose sur la question qui nous
�( 26 )
occupe; s’ils peuvent faire p ré ju d ice su x droits des Bonnafoux, et si au lieu d’avoir à y form er tierce opposition, il
ne leur suffit pas, au contraire, d’en invoquer le bénéfice.
3°. Sur le fond des prétentions des intimés. C ’est là le
seul point qui mérite une discussion sérieuse.
Commençons par bien définir avec la jurisprudence, le
véritable sens de la loi du 5 décembre 181 4 7 voyons
quelles conséquences elle doit naturellement produire, et
nous examinerons ensuite les principales objections qui
nous sont proposées.
Pour bien saisir les résultats delà jurisprudence, il faut
d’abord établir la position extraordinaire créée par la loi
de
Si elle avait voulu, comme la loi de l’indemnité, du 27
avril 1825, faire une restitution à l’émigré en la rattachant
aux droits antérieurs tels qu’ils existaient au 1“ janvier
1792; si elle avait fait cette restitution « à l'ancien pro•» priétaire ou aux Français qui étaient appelés par la
» loi, ou par sa -volonté , à le représen ter à Vépoque de son
» décès, sans quon puisse leur opposer a u cu n e in c a p a c ité
» résultante des lois révolutionnaires, » il n’y aurait eu
rien que de naturel dans son exécution; il aurait fallu re
chercher ceu*x qui étaient désignés par la l o i , ou par
l'émigré lui même, pour lui succéder, pour le représen
ter, soit à titre gratuit, soit à titre onéreux, soit à titre
universel, soit à titre particulier, au jour de sa mort,
parce que les biens restitués, n’auraient pas cessé de repo
ser sur la têle de l’ancien propriétaire; que dès lors ils
auraient pu être compris, et que, de droit, ils auraient été
censés compris dans toutes les attributions ou dispositions
�( 27 )
universelles des biens de l’émigré, dans tous les traités,
c e s s i o n s , transactions relatives à ses droits et conçues en
termes généraux, parce que ses droits n'auraient-été que
suspendus.
1‘ : r 1
O r, da^s ce cas supposé, la cession faite à Grenier, par
Lespinasse père, aurait frappé tous lés biens qui auraient
appartenu ou dû appartenir à son fils, au moins tous les
droits qu’il y amendait*, le sieur Grenier aurait :iobtemi
le huitième de la terre de Saint-Martin, et le tiers de la terre
d’ Auzat, puisque sa cession était générale; et ce tiers d’Au- ,
zat cédé par lui-même à la darne Desroys, qui l’avait no
minativement acquis, n’aurait pas pu lui être ravi par le
sieur Lespinasse p ère, qui n’aurait été ni pu être admis à
reprendre ce qu’il avait vendu.
Mais, par une exception tirée de quelques termes de
cette loi, on a jugé qu’elle avait créé une position toute
spéciale, qu’elle n’avait pas restitué, mais seulement rendu;
que les^biens n’avaient pas oontinué, après le séquestre ,
de reposer sur la tête de l’émigré; mais qu’il en avait été
irrévocablement dépouillé, et que l’État lui faisait une
sorte de grace, une concession bénévole , qui n’aVait
d’autre principe que le mouvement de sa volonté, et qui
n’ayant aucune relation avec un droit antérieurement
existant, ne prenait naissance que du jour même'de sa
promulgation, n'effaçait pas l'incapacité intermédiaire,
et ne pouvait être soumise à toutes les dispositions de
l'homme, ni aux attributions légales, antérieures au 5 dé
cembre 1814. Si donc, parce qu’on a créé une exception,
le sieur Bournet est parvenu à faire mettre en dehors des
actes consentis par Lespinasbe père, au sujet de la succès-
�(ÎSf
'
* *
( 28 )
sion desonfils, toutcequilui étaitrendu parla loi de 1814,
comme étant étranger à cette succession, il faut qu’il ad
mette toutes les conséquences de ce principe, et qu’il ne
rapporte point à la succession du fils, prétendu ouverte
en l’an 8, la remise prononcée par la loi de 1814- 11
n’y aurait pas de doute si Claude-Gilbert Lespinasse eût
vécu à celte époque; il eût recueilli directement, puisque
c’était à lui qu’on donnait: mais il était mort; la loi
l’a p ré v u , et elle devait le prévoir; elle a appelé les
héritiers ou ayans cause. Dès qu’elle ne voulait pas
reconnaître comme ayans cause les cédalaires univer
sels de droits par actes antérieurs, comment aurait-elle
appliqué la qualité ^ ’héritiers à ceux qui la cherchaient
dans une succession que la loi ne voulait pas reconnaître,
et avec laquelle, vraie ou supposée, elle ne voulait pas
entrer en relation?
Et encore, si on pouvait le supposer, à quel jour eûtelle reporté la fixation du 4foit ? Étail-ce au jour de la
mort naturelle de celui qui déjà était mort civilement ?
Comment, en Défaisant partir l’attribution de propriété,
que du 5 décembre 1814> en 11’efTaçant pas Yincapacité
antérieure) aurait-elle pu reconnaître pour héritiers ceux
qui l’auraient été au jour de la mort naturelle, plutôt
que celui qui était appelé par d’autres lois, nu jour de
la mort civile? Eu ce cas, l’attribution à tel ou à tel,
suivant qu’il plairait d’appliquer telle ou telle l o i , aurait
donc été l’effet d’un caprice* plutôt que la dépendance
nécessaire d’un principe ! On tombe en effet dans le
caprice, dans l’abstraction, dans des conséquences indéfi
nissables, quand, à propos d’une exception, on veut re
�pousser le principe môme sur lequel elle a été fondée, et
q u ’on veut revenir au principe général, pour l’appliquer
à celte exception créée précisément pour échapper au
principe.
A u reste,Voyons comment l’a entendu la jurisprudence
des arrêts.
L e premier arrêt es£ celui de Lépinay do St Luc et de
l’abbé Duclaux : il est rapporté dans Dalloz , ann. 1819 ,
pag. 11 3.
Comme dans l’espèce, le sieur de Saint-Luc, émigré,
était m ort avant toute amnistie (en 1799V
Il laissait une fille unique, madame de Sully.
Celle-ci obtint l’amnistie de son père, et se fit envoyer
en possession des biens rendus par le sénatus - consulte :
toutes circonstances absolument semblables î^i celles du
procès actuel. Elle mourut le 3o janvier 1809, après avoir
institué l’abbé Duclaux son héritier universel.
Convenons ici que le sieur abbé Duclaux, légataire
universel, la représentait pleinement, et que si les droits
que lui attribua plus tard la loi du 5 décembre 1814, s’é
taient référés h. la quqjité d’hcritier ou ayant cause, fondée
sur des faits ou sur un droit antérieur à la loi; qu’en un
mot elle se fût appliquée à celui qui était l’héritier au mo
ment du décès, l’abbé Duclaux, seul, en aurait été in
vesti, caria dame de Sully était la seule héritière de son
père, et il était le seul héritier de la dame de Sully. Il en
éleva la prétention. Pour échapper à cette conséquence,
il fallait donc décider qu’on ne devait considérer comme
héritiers on ayans ca u se, que ceux qui se trouvaient
l’être au 5 décembre 1,814, et non ceux qui pouvaient
�\o'à
’
(3o)
rattacher leur droit à une époque antérieure, comme
celle du décès ; il fallait reconnaître comme tels ceux
qu’appelaient les lois en vigueur au 5 décembre 18 14 ? et
non ceux que désignaient autrefois des lois maintenant
abrogées. L e sieur de Saint-Luc, héritier au moment
de la loi, comme plus proche parent existant du sieur de
Saint-Luc, émigré, réclama la préférence; il soutint que
madame de Sully n’avait pas trouvé, en 1799, dans la suc
cession de son p ère, les biens que venait de lui rendre la
loi de 1814 5 qu’elle n’avait pu les transmettre h l’abbé
Duclaux ; qu’il fallaitexaminer quel était, au jour de la
loi de i 8 i 4 j l’héritier appelé comme plus proche parent
existant.
Celle prétention avait été proscrite par un jugement du
tribunal de la Seine et un arrêt confirmatif de la Cour
royale de Paris. 11 avait été jugé que la remise des biens
était une véritable restitution en entier, qui effaçait toute
trace d ’émigration, de séquestre ou de confiscation ; que
les biens étaient dès lo rs censés n'être pas sortis des
mains des anciens propriétaires qui les avaient tran sm is
à leurs héritiers ou ayans cause. C ’était la doctrine de la
simple suspension que le sieur Bournet veut encore faire
prévaloir aujourd’hui. On appliquait ensuite cette doc
trine aux faits particuliers, et on disait que lu dame de
Sully ayant été Vunique héritière du marquis de SaintL u c , et l’abbé Duclaux étant son légataire universel,
il était le représentant universel et l’ayant cause, non-seu
lement de madame de Sully, mais encore du marquis de
Sjiint-Luc.
fin, l’arretajoutait l’argument d’aujourd’hui,
que sans cela il faudrait supposer qu’A deux époques éloi-
�Vi
( 31 )
g n(ie5 l'une de l'autre, il se serait ouvert, au profit de deux
personnes différentes, deux successions du même individu.
Cet arrêt fut cassé, malgré sa logique forte et persuasive.
La Cour de cassation déclara que la loi n'avait fait cesser
les effets de la confiscation que pour l’avenir, mais ne les
avait pas-abolis pour le passé; q u il ne peut être question
de restitution par suite de cette loi, qui n’a réellement
rendu les biens qu’à titre de libéralité; que dès lors ils
n’avaient fait partie ni de la succession du marquis
Lépinay, ni de celle de la dame de Sully ; qu’ainsi, il n’y
avait pas deux successions du même individu; qu’enfin,
ils n ’avaien t pu appartenir ni à madame de Sully nia l'abbé
D u c l a u x , puisque, jusqu’au 5 décembre i 8 i 4 ,ils étaient
irrévocablement réunis au domaine de VElat; l’arrêt ajoute
enfin que la remise était faite non par la voie civile des
successions, mais par la voie naturellé de justice et d'é~
quite.
Il semble que tous ces motifs sont faits pour la cause
actuelle; e t, en effet, les circonstances étaient à peu près
identiques.
Si on avait dû, dans notre espèce, considérer la voie
natu relle des successions, regarder les biens comme ayant
sans cesse appartenu à l’ém igré, et étant restitués aux
véritables héritiers qu’il avait laissés par son décès, les
biens auraient incontestablement appartenu au sieur Lespinasse père; mais alors, comme nous l’avons déjà observé,
ils auraient été compris dans la cession par lui faite au
sieur Grenier; et il aurait fallu les lui adjuger comme
l’arrêt*de Paris l’avait fait au profit du*sicur abbé Duclaux;
mais comme c’était seulement une attribution faite à titre
�( 3» )
de libéralité, le 5 décembre 18 14 >à Claude-Gilbert Lespinasse ou à ses ayans cause, que cette attribution n’était
pas faite par la voie ordinaire des successions, et que le
décès de l’émigré mettait ses ayans cause en ligne, il ne
faut plus aller chercher la voie ordinaire d’une succession
ouverte en l’an 8, alors que, par sa mort civile, l’émigré
n’avait pas de succession, ni invoquer une loi transitoire
qui attribuait au père le droit exorbitant d’une succession
exclusive; il fallait et il faut rechercher quels étaient au
5 décembre i 8 i 4 » d’après les lois existantes, les héritiers
ou ayans cause de Claude-Gilbert Lespinasse; reconnaître
les parens les plus proches en degré qui étaient appelés
par la loi à le représenter. Or, dans la ligne paternelle,
c’était son père; dans la ligne maternelle, ses deux tantes;
voilà les conséquences les plus naturelles, les plus directes,
les plus sûres, et elles ne produisaient pas d’injustice, elles
n’appelaient pas des étrangers pour exclure les parens
les plus proches; car il ne pouvait plus être question de la
succession exclusive du p è re , sous la loi du 17 nivôse an a:
c’était un fait, un droit auquel le p r in c ip e de rem ise des
biens demeurait tout à fait étranger par la disposition de
la loi.
Voyons l’arrêt Devenois, du 9 mai 1821 (Dalloz, 1821,
p. 397) ; il est encore dans les mêmes termes.
Une succession s’était ouverte au profit de Devenois,
émigré. 11 mourut, en i 8 o 5 , sans avoir été amnistié; sn
plus proche parente, habile à lui succéder, était la demoi*
selle Leguerney; elle mourut eu 1808.
Les biens furent,rendus par la loi de 181 4- CJombat
entre l’héritier naturel de~la demoiselle Leguerney, et
�(r 3 3 )
qui, en omettant tous lès faits antérieurs, se serait
trouvé héritier, représentant, oü ayant'cause, si l’on veut,
de Devenois, émigré, en supposant sa succession ouverte
seulement le 5 décembre 1814.
"T ...
<
■. r
'A rrêt de Caen, qui, suivant l’ordre ordinaire des suc
cessions , regarde comme héritier ou ayant cause du sieur
Devenois, la demoiselle Leguerney, qui, en effet, lui au
rait succédé à' l’époque de son décès; mais cet »arrêta est
encore cassé par des motifs qui ne sont *qu’un résumé'de
ceux de l’arrêt de Saint-Luc. La Gourde cassation déclare
enfcore qu’il ne s’agit point de restitution, mais d’une libé
ralité exercée le .5 décembre 181 4 5 qü’elle n’a pu être at-,
tribuée à la demoiselle Leguerney, quoiqu'ellefût au décès
de Jacques Depenois sa plus proche parente. .
. :/
Ainsi, ce n’est pas le plus proche parent, celui qui est
habile à succéder au moment du décès de rémigré, mais
celui ou ceux qui lui succéderaient comme plus proches,
au 5 décembre 1814, qui sont appelés comme ayans cause
de l’émigré, à recevoir une libéralité qu’il ne peut recueil
lir lui-même par suite de son déçès.
>
Si nous jetons un coup d’œil suril’arrêt de Béthune, du
3 janvier 1821, au même volume de 1821, p. 493, nous y
voyons quelques circonstances différentes, mais une dé
cision semblable Les biens sont attribués aux frères consanguinsdu défunt,au préjudice d’héritiers collatéraux éloi
gnés qui prétendaient les exclure, et n’avaient aucun titre
pour cela.Toutefois cet arrêt, de simple rejet parla section
des requêtes, semble fondé sur une interprétation diffé
rente de la loi ; il dit que le droit du père, héritier de son
fils, n’a été que suspendu par les lois sur l’émigrationj
ce lu i
5
�C34)
mais, d’une part, la succession ouverte était celle du fils,
non émigré ; c’était le père qui l’était, et sous ce rap
port j on pouvait dire que le droit de l’émigré n’était que
suspendu jusqu’à son amnistie. O r , il avait été amnistié
vivant, et avait par conséquent repris ses droits successifs.
Ici les circonstances sont diamétralement opposées; la
succession ouverte était celle de l’émigré; il n’a point été
amnistié vivant, il est mort émigré. On doit donc dire
qu’à son égard le droit des héritiers républicoles n’a pas
été seulement suspendu, mais qu’il n’a pas existé, ou qu’iï
n ’a existé que partiellement, pour profiter des remises suc
cessives de certains biens non réservés par le sénatus-consulte de l’an 10.
>■
'
A u reste,- les arrêts postérieurs ont de nouveau con
sacré le principe admis par les deux premiers que nous
avons cités, que le droit de l’émigré avait été irrévocable
ment détruit et non pas suspendu.
Témoin l’arrêt Barbançon, du 16 février 1824. L ’arrêt
de Paris, contre lequel on s'était pourvu, avait déclaré
que « les biens invendus de l’émigré appartiennent à ceux
» qui se sont trouvés les plus proches parens, lors de la
» publication de la loi du 5 décembre 1814, et non aux» héritiers qu'il a laissés en mourant. » Rejet du pourvoi
par la section civile. lia section des requêtes avait admis,
sans doute, par suite du système de simple suspension,
iju’elle semblait avoir embrassé par l’arrêt de Béthuue.
On sent bien que par ces mots : Les plus proches pa
rens, la loi entend toujours cette proximité qui appelle à
succéder, surtout alors qu’il s’agit de leur rendre des
biens; car ce sont ceux-là, chacun suivant leur droit, à
�£®7
■ .
( 35 )
qui doit profiter la remise, puisqu’elle est faite par la 'voie
naturelle de justice et d’équité.
1
Témoin encore l’arret Dupille, du 4 juillet 1825. (Dalloz,
i825, p. 283.) L ’émigré était rentré, avait été rayé, et
était mort en '1812, après avoir disposé, au profit de ses
neveux Dupille, d’une foret confisquée, mais qui ne lui
avait pas été l’endue. Elle le fut par la loi du 5 décembre
18145 e*- ^es Dupille furent mis en possession par la dame
Biencourt, leur tante, qui aurait été héritière par moitié
avec eux. Rien de plus juste si le droit de l’émigré n’avait
été que suspendu ; car, en l’y rétablissant, en effaçant
Vincapacité antérieure, la loi faisait disparaître tout obs
tacle au droit de propriété toujours subsistant de l’émigré,
et sa disposition demeurait valable; mais la dame Biencourt
se ravisa. Trois ans après, elle réclama la moitié; elle lui
fut adjugée, par le motif qu’au moment de la promulga
tion de la loi, elle était pour moitié l’ayant cause de l’é
migré. On voit que les circonstances, ici, sont tout à fait
les mêmes, et qu’en outre il y avait, dans l’affaire Dupille,
des fins de non-recevoir tirées du fait même de la dame
Biencourt, de son consentement à la mise en possession
des Dupille, de sa reconnaissanc^expresse ou tacite de
leur droit exclusif, qui eût existé, en effet, si les mots
ayant cause, dans la loi de 1814, se fussent appliqués à
ceux qui l’étaient au jour du décès de l’émigré ; car ils n’eus
sent pu l'être que parcequel'émigré n’aurait pas cessé d’être
saisi, et qu’alors il aurait pu céder. La Cour rejeta les fins de non-recevoir, et jugea nettement le principe.
Sur le pourvoi, on s’appuyait de la loi de l’indemnité,
L e pourvoi avait été admis; mais la section civile le re5.
�n
( 36)
jeta eücore, ,en maintenant sa jurisprudence sur le véri
table sens de la loi de 18 14 j elle ajouta que la loi de 1825,
en admettant un principe diamétralement opposé relati
vement aux biens vendus,, n’avait rien innové aux dispo
sitions de.celle de *18iA 5 relative aux biens rendus.
Quoi de plus positif?
< Nous pourrions pousser plus loin les exemples de ju
risprudence. Qujil nous suffise de dire qu’elle est uniforme
sür cette question. L ’application à la cause s’en fait d’ellemême. N ’employons donc pas de temps à le démontrer;
bornons-nous à parcourir les principales objections du
sieur Bournet,,et la conviction s’opérera d’elle-même, si
déjà elle n’est complète.,ij(
On dit que la jloi de 181 4 faisait une justice et non une
libéralité. '
A cela, deuxjréponses :
i°. Les arrêts ont répondu par une décision contraire;
■2°. La justice serait due aux ¡véritables héritiers, à ceux
que la loiappelle aumomentoù on veut l’exercer,lorsque
le propriétaire ne vit plus pour en profiter lu i-m ê m e .
On ajoute que,.le père était seul héritier, soit au m o
ment de la mort de.son fils, soit au moment de son am;
nistie... : ;
‘
•
'
* Nous répondons encore:;,
s
. i°. La. succession ,s’éfait ouverte par la mort- civile, et
alors, le pèvef.n’était point, héritier ; pourquoi irait-on
clioisif répqque(lde la mort naturelle, puisqu7alors il 11’y
avait pointj de f>ucqes,sion? N ’publions pas que lu loi de
i 8 z 5 } seule,y a fait cesser l’incapacité, résultante des lois
antérieure^;,que,le ^natuç-çonsuite de l’an 10 ne Tarait
�( 3y )
pas détruite pour les biens qu’elle exceptait de la restitua
tion, et qu’à l'égard de ceux-là, l’incapacité n’a cessé que
par la loi de 18 142°. Qu’importe donc l’amnistie? Elle aproduit ses effets
par la restitution des biens non réservés en l’an io : pour
c e u x -là , pas de difficulté. Le père était seul héritier, seul
ayant cause de son fils, lors de cette remise,par conséquent
il devait seul en profiter; mais dès que la voie civile des suc
cessions n’est pas le point de départ de la loi de 18 14 >
qu'elle n a point (Teffet rétroactif comme le disent encore
les arrêts, qu’elle ne se reporte à aucun principe, à
aucun droit, à aucun fait antérieur à sa promulgation;
d é f a u t de propriétaire, elle appelle ses ayans cause,
au moment où elle parle ; il est évident qu’il faut recher
cher quels sont ces héritiers ou ayans cause au jour de la
promulgation de la loi.
L e père, dit-on, était encore vivant à cette époque; il.
était le plus proche parent, le seul héritier, le seul ayant
cause de son fils.
O ui, sans doute, il serait seul héritier, si la loi se repor
tait à l ’é p o q u e du décès du fils; encore faudrait-il user
pour c e l a d’une loi exorbitante et seulement transitoire;
mais c ’est du droit commun qu’il s’agit, et le père n’est là
que comme plus proche parent de la ligne paternelle, hé
ritier pour moitié, par conséquent; mais les deux tantes
étaient vivantes aussi, et elles étaient héritières’pour l’au
tre moitié, comme plus proches parentes de la ligne ma
ternelle. Pas de doute ce semble sur ce point.
Si le père eût été décédé en
que serait-il arrivé?
On n’aurait pas dit qu’il était plus proçhç parent; car, en
q u
’à
> >2
�ce cas, il eût fallu appeler son propre héritier, puisque
son droit personnel fût remonté au 6 floréal an 8 , jour
qu’on qualifie comme celui de l’ouverture de la succes
sion naturelle; ou au moins au jour de l’amnistie , qu’on
considère comme celui où la succession a été ouverte
légalement. Si cela était impossible, comme l’ont décidé
tous les arrêts, s’il eût fallu, dans ce cas, appeler les plus
proches parens des deux lignes comme les ayans cause
reconnus par la loi, il est évident que la survie du père,
en 1814, ne lui donne d’autres droits que ceux que sa
proximité lui attribuait au moment de la promulgation
de la loi, c’est-à dire, la succession exclusive dans la ligne
paternelle seulement.
L e sieur Bournet croit faire une objection fort sérieuse,
en disant que pour exécuter la loi de 1814, il faut re
chercher si, au moment où la loi a paru, l’émigré avait
ou non un héritier.
S’il en avait u n , c’est à lui que les biens doivent être
•endus.
S’il n’en avait pas, c’est à ses parens les p lu s p r o c h e s ,
ï ses successibles, à ceux que les lois existantes appelle*
aient à être ses héritiers.
Nous aurions besoin de quelque explication sur cet argunent pour le bien saisir. L e sieur Bournet voudrait-il dire
jue pour que les parens les plus proches, au 5 décembre
1814» profitent de la loi, il faut que l’émigré n’ait pas
laissé de parens au douzième degré au jour de son décès?
Mais alors, comment aurait-il, au 5 décembre i8i/|, des
yarens proches que le sicUr Bournet lui-même appelle
les successibles? Il est difficile de concevoir de quelle
ouche ils seraient sortis.
�tu
( 39 )
D ’ailleurs, dans quels termes de la loi, dans quel exem
ple de jurisprudence, aurait-on trouvé le principe de cet te
distinction fort peu intelligible pour nous? L e sieur Lépinay deSamt L u c, lesieurDevenois et autres, n’avaientils pas laissé des héritiers naturels à leur décès ? N ’a-t-on
pas, précisément à cause de cela, agité la question entre
les ayans cause de l’une et l’autre époque? N ’est-ce pas
pour cela qu’il a fallu examiner si'l’émigré était demeuré
saisi ou dépouillé, capable ou frappé d’incapacité dans les
temps intermédiaires? si lui ou son héritier avait p u trans
mettre, céder, donner, avant la-loi de 1814, lesbiens ren
dus par elle seule ? N ’a-t-on pas enfin nettement décidé
qu’ils étaient rendus à ceux qui se sont trouvés les plus
proches parens de l’émigré, lors de la publication de la loi
du 5 décembre 1814, et non aux héritiers qu’ il a laissés
en mourant? (Arrêt Barbançon.)
A u reste, le sieur Bournet est si embarrassé lui-même
pour fixer le principe de cette hérédité de Lespinasse
père, qu’il hésite entre le 16frimaire an 8, date du décès
du f d s , et le 18 ventôse an 1 1 , date de son amnistie. Si
on s’appuie sur le droit commun, ce serait peut-être bien
plutôt l’époque de la mort civile qu’il faudrait consulter;
et si, comme il le faut sans doute, on s’appuie sur le droit
exceptionnel, on reconnaîtra, avec l’arrêt Saint-Luc, que
la remise n’est pas faite par la voie ordinaire des succes
sions , qu’elle est le résultat d’une volonté actuelle de la
loi, et qu’il faut la prendre telle qu’elle est; que la restitu
tion faite par le sénatus-consulte de l’an 10 doit profiter i\
ceux qu’il appelait; la remise de la loi de 1814 à ceux
qu’elle indique ; que les biens qu'elle rend n’ ont pas fa it
�'G 4° )
! partie de la succession de Lespinasse fils, puisqu’alors
ils étaient irrévocablement réunis au domaine de VÉtat ;
. q u’ainsi il n y a pas deux successions du même individu,
et qu’ils ne peuvent appartenir qu’à jceu x; qui se sont
trouvés ses ayans.cause, non-com m e ayant appréhendé
sa succession en l’an 8 ou en l’an 1 1 , mais com m e rétant
les plus proches pour recevoir des biens qui ne lui appar
ten aien t, ni à l’ une ni à l’autre ép o q u e, et qu'on rem et
aujourd'hui à ses .héritiei'SiOU ayans cause, à ceux qui je
représentent.
•
'
On invoque l’art. I er de la loi qui maintient les droits
acquis à des tiers, et on dit que la qualité d’héritier du
sieur Lespinasse était un droit acquis.
Mais, d’une p a rt, puisque la transmission de la loi ne
s’opérait pas p a rla voie ordinaire dûs 'successions, on ne
concevrait pas trop cet argument appliqué à une qualité
d’héritier.
D e l’autre, on voit, à ne pas en doiiter, que cet article
appartenait plus à u n but p o l i t i q u e , qu'aux droits de successibilité attribués par les lois civiles : c’est ce que prouve
le préambule de la loi et la loi elle-même. L e Monarque
a fait cesser la proscription d’une classe recommandable
de citoyens; il veut leur rendre les biens non vendus;
mais il veut concilier cet acte de justice avec les droits
acquis par des tiers en vertu des lois existantes, >avec
l'engagement contracté de maintenir les ventes de biens
nationaux, avec la situation des finances , etc......... E vi
demment cela n’a rien de commun avec la qualité de ceux
à qui la loi va faire la remisé , et que d’ailleurs elle désigne
clairement.
* ! -..p
�(4 0
Comment, au surplus, le sieur Bournet n’a-t-il pas
aperçu qu’il ne pouvait pas être à la fois Yhéritier ou
Yayant cause, et le tiers qui aurait des droits acquis?
C ’est aux héritiers ou ayans cause qu’oryen d ; mais la re
mise n’aura pas lieu à leur profit, quand il se rencontrera
des tiers qui seront préférables à l’héritier, et ils feront obs
tacle à la remise, toutes les fois qu’ils aui’ont des droits
acquis par les lois existantes. Les tiers sont donc ici une
exception posée contre l’héritier , et leurs droits acquis
une exception à la remise des biens.Qui ne voit cela? et
comment peut-on confondre le tiers et 1h é u t ic i, ,pour
n’en faire qu’une seule et même personne?
Nous ne suivrons pas le sieur Bournet dans ses discus
sions ; cela serait fort inutile. Après avoir posé le principe,
et fait connaître parfaitement le sens clair et formel que
présente la loi de 18 14» et qu’a consacré une jurispru
dence positive etnon interrompue , il nous suffit de dire
que si le sieur Lespinasse avait tiré de sa qualité d’héritier'
de son'fils, en l’an 8 ou en l’an 1 1, un droit à des biens
qui n’ont été rendus qu’en 1814 > ce droit successif aurait
passé dans les mains du sieur Grenier, puis de la dame
D e s r o y s , qui étaient des tiers, et qui avaient acquis de
bonne foi; que si, comme on l’a jugé, la cession ne com
prenait pas les terres de Saint-Martin et d’Auzat, parce
que Lespinasse fils en avait été irrévocablement dépouillé,
et qu’elles n’ont été i’endues qu'en 18 14 »ehes ne peuvent
a p p a r t e n i r qu’à ceux qui étaient ses héritiers ou ayanscause au 5 décembre 18 14* H faut nécessairement que ce
point de départ admis par toutes les parties, excepté la
dame Desroys qui l’a contesté, produise toutes ses conséG
�(
4
2
-
quences, au profit du Marguerite et Marie de Sévérac,
que représentent les Bonnafoux. .
Aussi, pour soutenir le système contraire, le sieur
Bournet se refggie-t-il dans ce mot de l’arrêt de Béthune,
que le droit de l’émigré n’avait été que suspendu. Nous
avons fait voir ci-dessus l’espèce de cet arrêt qui n’est
point applicable, et nous avons montré en même temps
que ce système de suspension, indiqué par la section des
requêtes, par arrêt de simple rejet, avait été constam
ment repoussé par la section civile, avant et après l’arrêt
de 1821.
C ’est cependant sur ce point que roule toute la défense
du sieur Bournet; c’est avec ce moyen qu’il croit pouvoir
affirmer que les droits de Lespinasse père sont consacrés
par la jurisprudence des arrêts. Nous ne croyons pas
avoir besoin de rien ajouter pour prouver le contraire.
Les intimés auraient-ils à redouter l’arrêt de la Cour
rendu sur la demande du sieu r Bournet contre la dame*
Desroys? serait-il nécessaire d’y former tierce opposition,
à peine de voir repousser leur demande en partage? enfin
le défenseur des Bounafoux sera-t-il convaincu qu’il ne
doit pas hasarder une plaidoirie qui ne serait quun bou
leversement des principes, comme n’a pas craint de le dire
dans un écrit particulier le sieur Bournet, ou celui qui est
avec lui ou sans lui la véritable partie de la cause? Le défen
seur avoue qu’il n’est pas encore arrivé à cette perfection.
Il ne dira pris que c’est de la part du sieur Bournet une
assertion imprudente, une œuvre éphémère des désirs.... ou
des illusions de Vamour-propre) mais il se croirait fort imprii'
�tf/f
( 43 )
.
>
dentlui-même, s’il se permettait de flétrir a vecce tou de mé
pris., la conviction de ses cliens, et la décision des premiers
juges, surtout dans les termes où se présente la question.
Il croit pouvoir et devoir la soutenir avec bonne fo i, et en
tout esprit de justice et d’équité.
Quant à la prétendue nécessité de la tierce opposition ,
nousavouonsquenousnesoinmespasnon plus convaincus.
L ’arrêt de la Cour décide, non pas que les droits de Lespinasse fils avaient été suspendus, mais que les biens étaient
rendus à ses ayans cause par la loi de j8 i4 , et ne pou
vaient pas être compris dans des cessions de droits antérieuresà 1814, quelquegénéralesqu’ellespussent être, parce
que ces biens n’appartenaient alors ni de droit ni de fait,
à Lespinasse père, comme héritier de sou fils. Il n’avait
pas à décider cette question entre divers héritiers ou ayans
cause de Lespinasse fils, et à faire choix entr’eux, mais
entre Lespinasse père, qui se présentait comme seul
héritier ou ayant cause, et ses propres cédataires qui n’a
vaient d’autre titre que leur cession, d’autre droit que ce
lui qu’elle pouvait produire. Ainsi, en attribuant les biens
aux ayaris cause, comme rendus et censés leur appartenir
seulement au 5 décembre 18x4 , elle a consacré le droit do
tous les ayans cause, qui peuvent successivement se pré
senter pour y prendre part, s’ils établissent leurs droits. II
en est de ce cas comme de celui où un héritier se présentant
comme unique, obtient contre un débiteur de la succes
sion, un jugement qui le condamne à payer une somme
ou à délivrer un immeuble au demandeur comme seul et
uMqiïe'ïïcnlier du déjunt. Est-ce que plus tard d’autres
héritiers ne peuvent pas se présenter? est-ce qu’ilsauraient
besoin, pour être admis, de former tierceopposition au ju-
�, .
( 44 )
gement? Il est bien évident que non. Où donc est la dif
férence ? A u reste, rien ne sera plus facile que de former,
en tant que de besoin, une tierce opposition qui lèvera
cette prétendue difficulté de procédure.
Mais, dit-on, en termes tranchans, nous n’avons encore
aujourd’hui d’autre adversaire que les sieur et dame Desroys; car ils ont traité avec les Bonnafoux dont un modique
salaire a acheté la complaisance.
Nous n’avons rien à répondre à cette assertion, que
nous ne qualifierons pas non plus im p ru d en te. Les B on
nafoux sont seuls en qualité; nous ne connaissons aucun
acte qui les dépouille de leur droit; et quand on suppose
rait qu’ils l’ont cédé, la question serait toujours de savoir
s’il existait réellement au jour de la cession. C ’est donc
toujours leur droit et leur qualité qu’il faut examiner; car
c'est ce droit et cette qualité dont les résultats sont soumis
à la justice. Nous ne nous ferons point ici les apologistes
des sieur et dame Desroys, de la situation fâcheuse où les
a mis une fausse confiance, tout est terminé la dessus. Ils
ont été condamnés, ils ont dû l’être; mais c’est de ce la
même que découle la nécessité de reconnaître que Lespinasse père n’y avait pas droit comme unique héritier
de son fils, et nous ne craindrons pas de dire qu’il faut
examiner telle qu’elle est la question élevée par les
Bonnafoux, et que rien ne peut ni la dénaturer, ni empê
cher l’action de la justice en ce qui les concerne.
M e D E V I S S A C , avocat.
M e Clle C H I R O L , avoué
Clermont imprimerie de THIBAULT LANDRIOT
�L e s A N C IE N S A V O C A T S S O U S S IG N É S , vu le Mémoire
produit, dans l’intérêt du sieur B o u rn e t, devant la Cour royale
de Riom ; le précis en réponse pour les sieurs Bonafoux ; Je
jugement rendu par le tribunal d ’Issoire , le 25 août 1829;
ensemble la consultation , par eux déjà délibérée , le 10 mars
précédent;
Ne peuvent que persister dans l’opinion q u ’ils ont émise
dans cette précédente consultation, et sont d’avis qu’aucun
des motifs allégués par le sieur Bxjurnet, à l’appui de son a p p e l,
ne saurait prévaloir sur ceux qui ont déterminé le jugement
attaqué.
,, /
La question se réduit à un point bien simple ; il s’agit de sa
voir à qui a profité la restitution opérée par la loi du 5 décembre 1814. Or, il est évident que cette restitution a été faite
à ceux qui étaient héritiers au moment où cette loi a été pro
mulguée. La jurisprudence de la Cour de cassation est formelle
à cet égard : nous ne rappellerons pas les nombreux arrêts que
nous avions cités dans notre première consultation , et dont le
Mémoire dcM *. De Vissac a présenté une analyse aussi exacte
que décisive.
Si la loi du 5 décembre a restitué à ceux qui étaient héritiers
au moment de la promulgation, il est évident qu'il importe peu
q u e , d ’après la loi du 17 nivôse, M. de Lespinassc fut le seul
héritier de son fils, soit au moment où ce dernier est mort,
soit lorsqu’il a été amnistié. Les biens restitués par la loi du
du 5 décembre n’étaient, en cflet, ni à l’une, ni à l’autre de
ces deux époques dans la succession de Claude Gilbert : ils n ’y
sont entrés que par la loi du 5 décembre , et alors existait un
ordre nouveau de succession , d’après lequel moitié seule
ment appartient à M. de Lespinassc, comme représentant de
la ligne paternelle , et l’autre moitié aux daines Marie et
�M a rg u erite, com m e représentant la ligne maternelle. Évidem
m en t, c’est donc dans cette proportion, de moitié seulement,
que la restitution a du profiter à M. de L ’espinasse, ou à son
cessionnaire. C ’est là une conséquence de l’interprétation que
la jurisprudence a donné à la loi du 5 décem bre; o r , recon
naître à M. B o u r n e t, cessionnaire à M. de Lespinasse, avant
1814, le droit à la totalité des biens que cette loi a restitués,
ce serait supposer que ces biens existaient dans la succession,
de Claude G ilb e r t, avant la l o i du 5 décembre ; ce serait opposer
un principe diamétralement contraire à cette lo i, qui, comme
tout le monde le s a it, n’a été q u ’une loi de grâce.
Nous ne croyons pas devoir insister plus long-temps sur une
démonstration que le M émoire de M. De Vissac a rendu évi
dente, et nous ajoutons que rien de contraire à ces principes,
ne résultant des prétendus arrêts rendus , soit avec M. G re
nier , soit avec M. D esrois, ce n’était pas le cas, pour les consultans, de se rendre tiers-opposans à ces arrêts.
Délibéré à Paris , ce 23 avril 1831.
D E L A C R O IX -FR A IN V IL L E .
SC R IB E ,
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Avocat à la Cour de cassation.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bonnafoux, Jean. 1831]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Chirol
Delacroix-Frainville
Subject
The topic of the resource
émigrés
successions collatérales
mort civile
séquestre
amnistie
sénatorerie de Riom
rétroactivité de la loi
doctrine
préfet
arbre généalogique
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse , pour Jean Bonnafoux, Jean Vialfont et autres, habitant le département du Cantal, intimés ; contre Le sieur Bournet, propriétaire, habitant la ville d'Issoire, appelant ; En présence De dame Henriette de Chauvigny De Blot, veuve Desroys, et de sieur Annet Desroys.
Table Godemel : émigré : 5. ceux qui, héritiers d’un émigré à l’époque de son décès, n’ont recueilli qu’une partie des biens restitués à sa succession en vertu du sénatus consulte 6 du floréal an X, l’autre partie ayant été affectée à un service public, doivent recueillir cette dernière partie des biens, remise en vertu de la loi du 5 xbre 1814 et ce, à l’exclusion de ceux qui, devenus héritiers plus tard, se sont trouvés habiles à succéder avec eux lors de la promulgation de cette loi. – ici ne s’applique pas la règle consacrée par la jurisprudence, que les héritiers de l’époque de la remise doivent être préférés aux héritiers de l’époque du décès.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Thibaud-Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1831
1792-1833
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
44 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2621
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2620
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53536/BCU_Factums_G2621.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Issoire (63178)
Molède (15126)
Saint-Flour (15187)
Auriac-l'Eglise (150013)
La Chapelle-Laurent (15042)
Moulins (03190)
Paris (75056)
Auzat-la-Combelle (63022)
Saint-Martin-des-Plains (63375)
Mozac (63245)
Vertessère (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
amnistie
arbre généalogique
doctrine
émigrés
mort civile
préfet
rétroactivité de la loi
sénatorerie de Riom
séquestre
successions collatérales
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53548/BCU_Factums_G2711.pdf
8c67dc929beeff3c72866e905e5d9a0c
PDF Text
Text
Ru
I'
1a
COU R R O Y A L E V-
DE RIOM.
POUR
2° CilAMBRr.
Les sieurs H U G U E T , ancien A v o u é , et C H IROL,^
Av ou é à la C o u r royale de R i o m , intimés;
CONTRE
Le
sieur M A R I E ,
A v o u é à la même C o u r 3
ap p elan t.
parcourant
N
E
le mémoire du sieur Marie, on recon
naîtra sans doute sa profonde connaissance des affaires
et son habileté dans la discussion; mais en méditant
un peu sur les moyens q u ’il oppose à ses adversaires ,
on ne tardera point à s’apercevoir q u ’ils sont plus
subtils et plus spécieux que vrais;
Q u e , pour la p lu p a rt, ils ne pourraient être opposés
q u ’au sieur de V e y n y ainé, s’il réclamait lui-même les
f rais de partage qui font l ’objet de la contestation;
Q u e le sieur Mari e se complaît tellement à con
fondre les sieurs H uguet et C hir ol avec le sieur de
V eyny ,
q u ’il méconnaît entièrement les véritables
droits des intimés, droits qui résultent de
la dis
traction q u ’ ils ont obtenue de la justice, et qui n'ont
jamais appartenu à leur client;
Qu e le sieur Mari e, ne pouvant sérieusement con
tester le prélèvement des frais de partage,
voudrait
que ce prélèvement ne fût point fait sur les valeurs
•
’i
�réelles de la succession , mais
seulement
sur des
chiffres, lors d ’ un compte qui est encore à faire, qui
peut n ’avoir jamais l i e u , auquel les intimés ne seront
point appelés, a u q u e l, p e ut- être , ils seraient obligés
de faire procéder eux-mêmes pour être payés de leur
créance;
Q u 'enfin le sieur Marie reconnaît q u ’aux termes des
articles 2 i o 3 et 2109 du Code civil, les cohéritiers ont
un privilège pour la garantie des partages faits entr’eu x,
et des soultes ou retours de lo ts , mais q u ’il veut q u e ,
pour exercer ce pr ivilè ge , on attende le compte défini
tif, et que cependant on laisse vendre les immeubles,
purger les hypothèques, et distribuer le prix; q u ’enfin
l ’on consente à rendre ce privilège illusoire.
C ependant la créance des sieurs Hu guet et Chirol a
pour origine les frais de partage de la succession de
V e y n y , frais exposés pour obtenir et faire exécuter les
arrêts en vertu desquels la dame de Mariol est devenue
propriétaire des immeubles dont le prix est à distri
b u e r , sans lesquels elle n ’aurait pas eu de titre de
propriété va la b le , sans lesquels l ’aliénation n ’aurait
pas eu lieu, et les créanciers personnels de la dame de
Mariol ne seraient pas devant la justice à disputer sur
le rang de leur collocation.
A v an t de répondre aux objections du sieur Marie,
il est indispensable d ’entrer dans quelques détails.
�FAITS.
L a créance des intimés a pour objet les principaux
frais exposés pour parvenir au partage de l ’importante
succession de V e y n y .
Les contestations fort sérieuses qui sont nées de
l ’ouverture de cette succession ont déjà été appréciées
par la C o u r , et il suffit, pour la connaissance du procès
a c t u e l , d ’en rappeler quelques faits capitaux.
G ilb ert -P h il ip pe de Veyny., marquis de Vi ll em o nt,
décéda en 1 7 6 7 , laissant huit enfans m in eu rs, de son
mariage avec la dame Daup hin de Montrodès.
Par son testament du 9 août même an née , il avait
légué à Augustin de V e y n y , son fils a în é , le qua rt en
préciput de tous ses biens situés en pays de co u tu m e,
et de plus l ’avait institué son héritier universel des
biens de droit écrit; il avait nommé sa veuve tutrice
de leurs enfans , et lui avait donné l ’ usufruit d ’une
grande partie de ses biens.
L a succession du marquis de Villemont ^ quoique
très-considérable, était grevée de dettes et de charges
nombreuses ; elle était affectée de plus au paiement
des reprises d e l à dame de M ontro dès , qui plus tard
furent fixées en capital h la somme de iG o ,382 livres.
Il
survint
bientôt
des difficultés;
la
dame de
Montrodès voulant faire liquider ses créances et son
douaire, se démit de la tu te lle, et le sieur Boivin
fut nommé tuteur onéraire des mineurs de V e y n y . Il
prit en cette qualité l ’administration des biens de la
succession.
�(4)
L a veuve céda une partie de ses reprises à un sieur
L e r o y - d u - R o u l l é , qui d ’a b o rd ,
et en 1 7 7 7 ,
forma
contre le sieur Boivin une demande en reddition de
compte de sa gestion, qui ensuite fit procéder à la
saisie réelle des biens
composant
le marquisat de
V i l l e m o n t ; cette saisie fut immédiatement suivie des
oppositions d'un grand nombre de créanciers, et parti
culièrement de la dame veuve de Y e y n y .
A u milieu de ces embarras, et pour en éviter les
conséquences ruineuses, l ’on du t songer à prendre des
mesures pour payer les créanciers de la succession.
Les enfans de V e y n y , dont l ’aîné était devenu majeur,
abandonnèrent à la dame de Montrodès la jouissance
provisoire du château de Vi lle m on t et de ses dépen
dances, pour lui tenir lieu de l ’intérêt de ses reprises
dont elle se réserva de pouvoir exiger le paiement
quand elle le jugerait convenable, en faisant la remise
des biens dont il s’agit.
Tous les enfans firent ensuite, le
23
juin 1 7 7 9 , un
acte contenant un règlement approximatif et provisoire
de toutes les affaires de la succession, et un partage
provisionnel des biens restés libres après le délaisse
ment fait à la mère commune.
Il y est indiqué que le sieur de V e y n y ainé était
alors seul majeur-, tous ses frères et sœurs encore en
minorité y étaient assistés de leurs curateurs respectifs.
Il est convenu, au surplus, que toutes les clauses et
conventions contenues dans cet acte ont été accordées
en considération les unes des autres, et q u ’en con
séquence aucune d ’elles ne pourra être attaquée sous
«
�(
5
)
^
%•
«
prétexte de minorité ou autre m en t, sans que ledit
traité demeure anéanti dans son entier.
Par cet acte qui ne contenait aucune convention
définitive, et contre lequel toutes les parties pouvaient
r e v e n ir , le domaine appelé de La font fut attribué au
lot du sieur de V e y n y de Theix.
Il parait que le sieur de Theix vendit ce domaine à
la dame de M a r i o l , sa sœur, le 16 juillet 178/f; mais
la dame de Mariol et le sieur de Theix considéraient
si peu comme définitif le partage de 1 7 7 9 , et cette
vente de 1784? que par exploit du 9 décembre 1 7 8 5 ,
et conjointement avec le sieur de V e y n y d ’Arbouse et
la dame Dussauvage,
deux de leurs cohéritiers, ils
formèrent contre le sieur Auguste de V e y n y ,
leur
frère a în é , une demande en partage définitif de la
succession de leur père commun ; ils conclurent prin
cipalement à ce que chacune des parties fût tenue de
rapporter à ce partage tout ce qu'elle pouvait détenir
des biens de celle succession , de même que les aliéna
tions q u ’elle pouvait avoir faites; et à cet égard il faut
remarquer ici que chacun des ayant droit avait déjà
vendu tout ou partie des biens attribués à son lot par
le partage provisoire de 177 9.
C e partage fut ordonné par une sentence de la
sénéchaussée de C l e r m o n t , du
mais
l ’exécution
de cette
i 3 décembre 1 785 }
sentence
fut
long-tems
suspendue.
Les troubles de la révolution amenèrent les changemens
de
ju r idic ti on,
l ’émigration
du
sieur
de
V e y n y ain é, le séquestre de ses b ic u s , et des dise us-
.
�(
6
)
sions entre la nation et les autres héritiers de V e y n y .
Enfin l ’instance fut reprise devant le tribunal de
C l e r m o n t , par assignation du 11 nivôse an 11 , à la
requête de madame de Mariol q ui demanda l ’exccution
de la sentence de 1785 , et le rapport de toute aliéna
tion d ’immeubles, fictivement ou en nature.
M. de Theix décéda laissant pour héritières une fille
lé giti m e,
et
une
fille
adop tive ,
l ’ une
et
l ’autre
mineures.
Les sieurs et dame de S a m p ig n y , et le mineur de
Vandègre, intervinrent dans la cause, comme donataires
d ’ une partie des biens de M. Augustin de V e y n y , leur
père et beau-père.
Il s’éleva des contestations fort sérieuses sur lesquelles
n’ avait point statué la sentence de 1^8 5 ^ et enfin 3 le
21 avril 1 8 1 5 , fut rendu un jugement contradictoire
q ui ordonna de nouveau le partage, prononça sur
toutes les difficultés, et compensa les dépens pour être,
employés comme frais de p a r ta g e , et prélevés par
ceux qui les auraient avancés.
Disons en passant, q u e , quoique défendeur à la
demande de ses cohéritiers, le sieur de V e y n y ainé
avait
fait
diligence
pour
parvenir
à
un
partage
définitif, et que son avoué avait avancé les principaux
frais de l ’instance.
L a dame de Mariol et le sieur de V e y n y appelèrent
de ce jug ement; et le 22 janvier 1 8 1 9 , la C o u r r e n d i t
un arrêt q ui réforma plusieurs de ses dispositions, et
ordonna son exécution qua nt au surplus. Tous les
dépens, comme en première ins tance, fu ie n t coin-
�(7 )
pensés pour être employés en frais de partage, et il
en fut fait distraction au profit de MM** I l u g u e t ,
G a r r o n , Donio l, Marie et Bresc hard, avoués respectifs
des parties copartageantes.
Les experts procédèrent enfin aux opérations or
données par le jugement de
i
8 i 5;
et après avoir
composé la masse des biens immeubles de la succes
s i o n , ils formèrent des lots d ’a tt rib u t io n , en faisant
échoir au lot de chacun des héritiers de V e y n y , les
immeubles par lui vendus; par ce moyen le domaine
de L a f on t fut attribué au lot du sieur de V e y n y de
Teix.
A u surplus, pour satisfaire à
du jugement de
i
8 i 5,
1 une
des dispositions
les experts déclarèrent dans
leur rapport que les immeubles non vendus étaient
susceptibles de division, mais que ju sq u’à ce que le
résultat d ’un compte eût fait connaître la position
respective des parties, il leur était impossible d ’indiquer
de quelle manière les lots à faire de ces immeubles
pouvaient être composés.
C e rapport d ’experts était daté du 27 mai 1821 :
il avait donné lieu à des frais très-considérables, vu
l ’importance et les difficultés de l ’opération; il fallut
encore que l ’avoué du sieurde V e i n y ainé fit l es avances
des frais d ’expédition et de signification.
Cependant les experts avaient obtenu un exécutoire
s’élevant à plus de Gooo fr. M* I l u g u e t , avoué du
sieur de V e y n y , était lui-même créancier de tous les
frais de l'instance qui avait eu lieu sur l ’app el , et l ’on
sait que la position de M. de V e y n y , q ui poursuivait
�)
(8
la liquidation définitive de la s u c c e s s i o n n e lui per
mettait pas de les acquitter.
Les experts et l ’avoué crurent prudent de prendre
une inscription sur tous les biens de la succession -, elle
est sous la date du 5 février 1822 ; elle fut prise pour
avoir paiement des frais d ’expertise et de tous autres,
faits ou à faire, pour parvenir au partage. .
L e rapport d ’experts a été homologué par un arrêt
contradictoire , du 16 juin 1828 , q u i , comme les pré
cédentes décisions, a ordonné que les dépens seraient
employés en frais de partage, lors duquel il serait fait
prélèvement au profit de MM*S C h i r o l , D e b o r d , et
autres avoués, de ceux exposés par chacun de leurs
cliens, et dont distraction a été faite en leur faveur.
L a procédure relative au partage de la succession
de V e y n y en est demeurée l à , et il reste à faire le
compte des sommes que les divers cohéritiers peuvent
respectivement se devoir pour cause de rapports et prélèvemens , m o b i l i e r , restitutions de jouissances
et
dégradations, etc. L e notaire chargé de cette opération
longue et difficultueuse n ’a point encore rempli sa
mission.
C ’est dans cet état de choses, q u e , le
3
novembre
1 8 2 9 , M n,e de Mariol a vendu le domaine de La font
au sieur Massis,moyennant
5o,ooo
f r . ; q u e l ’acquéreur
a fait notifier son contrat d ’acquisition aux créanciers
inscrits, et q u 'u n ordre a été ouvert au tribunal de
Riom , sur le prix de cette aliénation.
Les sieurs l l u g u e t et C h ir ol ont produit leurs titres
de créance avec demande en collocation. Ils ont été
�colloques par le règlement provisoire du juge-commis
saire, au 4e r a n g , et par privilège, attendu la nature
de leur créance.
L e u r collocation a été contestée par INI* Marie, colloqué lui-même à un rang postérieur.
L e sieur Marie n ’est créancier que de la dame de
Mariol; son titre consiste dans une cession qui lui a été
consentie , le 2 février
1824 ? par l a dame veuve
Lacliap elle, d ’ une somme de 32,210 f r . , qui était due
à cette dame elle-même par la dame de M a r i o l , en
vertu d ’obligation du
25
décembre 1816.
D ’autres difficultés, étrangères h. la collocation des
sieurs Hu guet et Chirol, s’étaient élevées relativement
au règlement provisoire, mais l ’on n ’a point à s’en
occuper ici; on ne doit enfin faire connaître le jugement
dont est appel que dans la partie qui concerne la collo
cation contestée.
C e ju g em e nt , en date du 24 niai i 832 , a maintenu
cette collocation. Les premiers juges ont motivé celte
décision sur ce que la créance des sieur Huguet et
Ch ir ol se compose de frais faits pour arriver au partage
judiciaire de la succession du sieur de V e y n y père,
entre ses cohéritiers, au nombre desquels se trouve la
dame de Mariol.
Ils ont considéré que ces frais doivent être réputés
dette de la s u c c e s s i o n pu isq u’ ils sont exposés dans
l ’intérêt de tous les cohéritiers et de leurs ayant-droit.
C e jugement est fondé encore sur l ’article
8^3
du
Code c i v i l , d ’après lequel chaque cohéritier est tenu
des dettes de la succession, personnellement pour sa
2
�part et portion, et hypothécairement pour le tou t,
sauf son recours contre ses cohéritiers;
Sur ce que d'ailleurs les frais d ’un partage judiciaire
doivent être considérés comme des frais de justice, et
que suivant les art. 2101 et 21 04 du Code civil, ils
constituent une créance privilégiée sur tous les i m
meubles soum is au p a rta g e;
Q u e le domaine de Lafont, dont le prix est à distri
buer,
dépendait de la succession de V e y n y ,
a été
compris dans le partage des biens de cette succession,
et se trouve passible du privilège attribué à la créance
des sieurs Hu guet et C hi roi ;
Sur ce q u ’enfin ce privilège a été conservé par une
inscription régulière, et que rien n ’établit q u ’avant
cette inscription la dame de Mariol, comme acquéreur
du domaine de L a f o n t , en eut purgé la propriété.
C e jugement a été rendu contradictoirement avec
tous les créanciers qui avaient produit h Tordre, avec
la dame de Mariol elle-même que l ’on n ’a pu décider
à en interjeter appel.
L e sieur Marie a attaqu é plusieurs de ses disposi
tions, mais sur-tout celle qui maintient la collocation
des sieurs Ilu guet et C hi roi.
Il a cru nécessaire de faire imprimer un précis de
ses moyens de défense, dans lequel il examine d ’abord
la nature de la créance des intimés, et soutient q u ’elle
n’est point privilégiée; dans lequel il cherche à établir
ensuite que dans aucun cas, le domaine de L a f o n t ,
dont le prix est h dis tribuer, ne saurait être aiiecle au
paiement de cette créance.
�E n répondant au mémoire du sieur Marie, les i n
timés suivront Tordre q u ’il a établi lui-même dans sa
discussion,
pour q u ’il soit plus facile de saisir les
réponses q u ’ils ont à faire à ses argumens.
S IerE x a m e n de la nature de la créance des sieurs
H u g u et et C hirol.
C ’est avec raison que les premiers juges ont consi
déré la créance des intimés comme une dette ou plutôt
comme une charge de la succession de V e y n y .
Il faut distinguer, en effet, les dettes des charges;
et ces deux expressions employées par la loi ont chacnne
leur signification particulière.
Les dettes de la succession sont celles qui grevaient
le défunt au jour de son décès, et qui , de lui , ont
passé à ses héritiers.
Les charges sont plus spécialement des dettes qui
n ’ont pris naissance que depuis ou lors de l ’ouverture
de la succession.
Les auteurs les plus recommandables ne font pas
la moindre difficulté de considérer les frais de partage
comme étant une charge de la succession.
P o t h i e r , coutume d ’O r l é a n s , tit. 1 7 , sect. 7 ; des
charges des su ccessio n s, s’exprime a i n s i , n° 107 :
» Les charges des successions sont les dettes du
d é f u n t , les frais funéraires, les fr a is d'in ventaire , de
partage et licita tio n .
Dans son traité
des successions, chapitre
5,
le
même auteur indique encore quelles sont les dettes
*
�et
autres charges de la succession,
l ’art.
3
et il classe en
les frais d ’ inventaire et tous ceuæ fa it s p o u r
parvenir à la liquidation et partage des biens.
L e b r u n , traité des successions, liv.
4 > c-hap.
2,
sert. 4 , fait remarquer la différence essentielle qui
existe entre les dettes et les charges des successions.
Il dit
que les charges naissent à l ’occasion
de
la
succession, que les dettes concernent l ’ héritier, et que
les charges regardent principalem ent la succession
la q u e lle elles dim inuent de p lein d r o it , p a rce q u 'e lle s
se prennent p a r une espèce de d éliba tion .
Espiard , son co m m en ta te ur, recherche ensuite qui
doit supporter les frais funéraires , ceux de s c e l l é ,
d ’ inventaire et de p a rta g e, et il ajoute que ces frais
s o n t , non des dettes, mais des charges de la succession.
Ces auteurs en font si peu une ques tio n, q u ’ ils ne
disent pas même pourquoi les frais de partage sont une
charge de la succession; mais l ’explication en est toute
naturelle.
L a succession ne devant se composer réellement que
des biens qui restent libres après l ’acquittement de
toutes les dettes et charges, ded u cto cere a lie n o , il est
évident
que tous
les frais à faire pour opérer la
subdivision de cette succession en autant de lots ou de
portions q u ’il y a de parties prenantes doivent être
prélevés sur la masse, qui se trouve ainsi diminuée
d ’a u t a n t ; de même que chaque cohéritier devant sup
porter une portion des frais de partage, proportionnée
Ji son amendement , son
lot
se trouve
réellement
diminué de la valeur de cette portion de frais.
�Or une foule de causes prévues par la loi peuvent
obliger des héritiers à faire un partage en justice; la
minorité ou toute autre incapacité de quelques-unes
des parties ; la nature des biens de la succession ,
l ’inégalité des amendemens, la difficulté de composer
des lots , l ’intervention de créanciers personnels des
copartageans, la résistance, le refus de l ’un d ’entr ’eux,
les difficultés sérieuses qui s’élèvent souvent entre les
cohéritiers peuvent donner lieu à la nécessité de faire
un partage en justice.
Ainsi , chacun des héritiers ayant un droit à la
succession indivise, et ne pouvant l ’obtenir que par
l ’eifet de la division , que par la disposition d ’ un lot
particulier qui puisse remplir chacun d ’eux du droit
qui lui appartient, il est de la nature de cet acte que
les frais à faire pour y parvenir soient prélevés sur la
chose même qui est soumise au partage.
Aussi, que voit-on pratiquer le plus ordin aire m en t,
relativement aux frais de partage?
C o m m e celui qui fait diligence, et le plus souvent
c'est le deman deur, fait l’avance des principaux frais,
de l ’expédition des jugemens , du rapport d ’experts,
et q u ’il avance une portion de irais plus considérable
que celle q u ’ il doit supporter en définitive; comme il
est juste que ses cohéritiers lui remboursent tout ce
q u ’ il aurait ainsi payé de t r o p , il serait juste aussi
que le jugement qui ordonne le partage prononçât au
profit de celui qui a ainsi fait l’avance des irais, une
condamnation contré ses cohéritiers, au paiement de
la portion contributive de chacun d ’e u x ; et cependant
�la jurisprudence constante des tribun aux est d ’ordonner
que les frais seront compensés ou employés comme
frais de partage, et prélevés sur la masse par celles
des parties qui les ont avancés. E t pourquoi ce prélè
vement ? parce que
chacun des cohéritiers venant
prélever le montant des frais q u 'il a exposés dans
l ’instance en partage , et le prenant sur la m a s se ,
aucun des héritiers ne paye plus q u ’ il ne doit pour sa
portion. Mais le mot seul de prélèvem ent indique
assez que ces frais sont une charge de la succession ,
une dette q u ’ il faut d ’abord acquitter avant tout
partage , de manière que ce prélèvement opéré , la
succession est censée n’avoir jamais été composée que
de ce qui reste.
L e sieur Marie semble bien reconnaître tout cela ,
mais il pr éte n d, page 8 de son mémoire, que ce prélè
vement
ne doit avoir lieu que lors des compte et
liquidation qui sont à faire
entre les héritiers de
Y e y n y ; c’est ce compte q u i , suivant le sieur Mari e,
doit seul être considéré comme étant le partage lors
du que l doit avoir lieu le prélèvement des frais, et il
en donne pour raison , d a b o r d , que si le sieur Y e y n y
aîné réclamait lui-même les frais exposés en son n o m ,
et pour lesquels les intimés ont été colloqués, il serait
obligé d ’attendre cette opération définitive, parce que
des compensations pourraient avoir lieu entre lui et ses
cohéritiers, parce que le compte seul pourrait apprendre
s’ il serait ou non créancier ou dé biteu r; et en second
l i e u , que les sieurs I ïu gu et et C h i r o l , q u o i q u ’ayant
ob ten u d e l à justice la distraction des dépens, n ’ont
�(
‘5
)
pas plus de droits que n ’en aurait le sieur de V e y n y
lors de ce compte définitif, et que cette distraction
n ’a opéré en leur faveur q u ’ une simple cession des
droits du sieur de V e y n y , leur client.
C e tt e prétention du sieur Marie contient une double
erreur; erreur sur ce q u ’on doit entendre parle partage
d ’ une succession; erreur sur les effets et les conséquences
de la distraction des dépens que la loi accorde aux
avoués q ui les ont avancés.
Rappelons d ’abord quelques dispositions du Code
civil, pour démontrer q u ’il n ’est pas dans l’esprit de la
l o i , q u ’il soit fait deux opérations pour effectuer un
partage.
L ’art. 824 dispose que les immeubles seront estimés
par experts, non pas pour en faire immédiatement le
partage entre les co-héritiers, mais pour présenter la
base de l ’estimation; dire si les immeubles peuvent être
commodément partagés; ensuite, en cas de division,
fixer les lots q u ’on peut en former, et leur valeur.
Si les immeubles ne peuvent pas être partagés com
modément , ils doivent être vendus par licitation.
A r t . 827.
Après que les meubles et immeubles ont été estimés
et vendu s, s’il y a l i e u , les copartageans doivent être
renvoyés devant un notaire, pour y procéder aux comptes
q u ’ils peuvent respectivement se devoir.
C ’est aussi
devant cet officier q u ’ ils doivent procéder à la forma
tion de la masse g é n é r a le , à la composition des lots,
et aux fournissemens à faire à chacun d ’eux. A rt. 828.
L a masse générale étant composée, l ’art.
83 o
nous
�*'
(
, G }
•
apprend que les cohéritiers à q u i i l est d û prélèvent
une portion égale sur la masse de la succession; et la
loi ne précise pas pour quelle nature de dette ce pré
lèvement doit avoir lie u ; de manière que s’il n’est dù
au cohéritier que des frais de partage, il doit les pré
lever sur la masse de la succession ; d ’un autre côté,
cet article ne dit pas non plus que ce prélèvement
sera fait plutôt sur les meubles que sur les immeubles:
il parle de la totalité des biens, de la m asse, expression
q ui s’applique évidemment aux uns et aux a u t r e s , qui
les embrasse tous.
Aussi d ’après l ’article
831,
ce n ’est q u ’après que
les prélèvemens ont été faits, q u ’il est procédé, sur ce
q u i reste dans la m a sse, à la composition d ’autant de
lots égaux q u ’ il y a d ’ héritiers copartageans.
En i in les lots sont faits par l ’un des cohéritiers,
s’ils peuvent convenir sur le choix, sinon par un expert.
Article
834 -
Toutes ces dispositions, dont l ’enchaînement et la
suite présentent toutes les formalités à remplir pour
arriver à un partage ju d icia ire, ont pour b u t la com
position de la masse de la succession à partager. C h a
cune de ces opérations préliminaires, commandée par
la l o i, tend à un même résultat , celui de former cette
masse telle q u ’elle doit être réellement soumise au
pa rta ge, et de la dégager de toute charg e, et sur-tout
de tous prélèvemens.
Si donc il arrive souvent q u ’après l ’estimation faite
parles experts des biens d ’ une succession, et la division
cles immeubles eu différons l o is , le rapport est homo
�logué par la ju stice, et les lots soumis au sort avant
q u ’il soit procédé aux co m ptes, et sans q u ’ il soit fait
une masse générale, c ’est parce que les parties intéressées
ne s’y apposent p o i n t, parce q u ’il leur appartient de
diviser les opérations à faire pour arriver au partage
définitif, et que les opérations du compte à faire entre
elles pouvant être longues et difficiles, il leur importe
le plus ordinairement de se mettre en possession des
imm eubles; mais il est certain que la loi étant o b l i
gatoire pour tous, si l ’un seul des cohéritiers s’opposait
à l ’ homologation du rapport d ’experts, quant à l ’attri
bution définitive des lots en immeubles, tant que la
masse ne serait pas composée comme elle doit l ’être,
d'après le Code civ il, il faudrait se conformer à la loi,
et attendre que tous les élémens q ui doivent composer
celte masse fussent connus et fixés par le compte, pour
att rib ue r à chacun le lot q ui devrait lui revenir.
Il faut donc conclure de cette marche indiquée par
le Code civil que le prélèvement à faire sur la succes
sion ne peut pas être x’estreint sur une partie des
biens q u i composent la succession,
et que le sieur
Marie n ’est point fondé à prétendre que, dans l ’espèce,
le prélèvement des frais de partage, ordonné par les
jugemens et arrêls ci-dessus énoncés, ne doive avoir
lieu que lors des-compte et liquidation à faire entre
les héritiers;
E n d ’autres termes, 011 ne peut pas soutenir q u ’ il
y aura un premier partage des immeubles q u i seront
dispensés du prélèvement des frais de partage, et q u e ,
lors d ’ une seconde opération,
3
contenant le comple
�définitif entre tous les copartageans, ce prélèvement
des frais de'partage n’aura lieu que sur les valeurs mo
bilières;, s’il en existe.
Si un pareil système pouvait être a d o p t é , les cohé
ritiers pourraient partager les immeubles, seule chose
réelle dans une succession, et ensuite se refuser à un
co m pte, ou le faire traîner en longueur, et souvent
celui qui
serait débiteur
de sommes considérables
pourrait aliéner les biens échus à son l o t , et ne pré
senter ensuite aucune garantie pour le paiement, de
ce q u ’il devrait k ses cohéritiers.
L 'o n conçoit cependant q u ’il pourrait en être ainsi
dans le cas où les immeubles étant divisés par les
experts , les lots indiqués et tirés au sort , ou
désignés par voie d ’att ribution , les copartageans se
devant des comptes respectifs, et pouvant faire opérer
des compensations e n t r 'e u x ,
devraient attend:e d ’ un
compte la connaissance de leur position respective.
L e sieur Marie place les intimés dans cette position,
lorsque, les assimilant à M. de V e y n y aîné, il prétend
que ce dernier, s’ il demandait lui-même à ses cohé
ritiers le paiement de ses frais de partage, serait ren
voyé h ce compte.
11 faut, pour répondre à cet a r g u m e n t , se rappeler
d ’abord que ce n’est pas M. de V e y n y qui réclame,
niais bien les deux avoués qui ont avancé pour lui des
dépens, et qui en ont obtenu la distraction.
Kn second lieu , il faut rechercher quel doit être
l’cllet de cette distraction, et sur-tout si elle e$l une
�*9
(
A*»'7
)
y
cession pure et simple des droits du client au profit de
son avoué.
u
Reportons-nous à des idées raisonnables autant que
naturelles.
Le
action
ministère
a paru
d ’un
avoué
pour l ’exercice d ’une
si important pour
les justiciables,
que le gouvernement a senti la nécessité de n ’en accor
der les fonctions q u ’à des personnes d ’une moralité et
d ’ une capacité reconnues, et sous la condition d ’ un
cautionnement.
L ’ on a compris en même tems que si les devoirs de
cette profession recommandent à ceux qui l ’exercent
l ’obligation d ’accorder leur appui aux malheureux qui
le réclament; si leur première et leur plus belle mission
est de présenter aux magistrats les plaintes du faible
et de l ’opprimé, ils ne doivent pas refuser leur minis
tère, parla seule considération que leurs cliens seraient
dans l ’impossibilité de faire l ’avance des frais à exposer
pour soutenir leurs réclamations. Mais par cela m êm e,
les avoués étant exposés à perdre honoraires et dé
boursés,
une législation a n cienn e,
réglemens et des arrêts,
•;v •
fondée sur des
renouvelée par le Code de
procédure, a considéré comme juste de leur accorder
la distraction des dépens, lorsqu’ils affirmeraient les
avoir avanefés.
Q u ’est-ce que cette distraction ? L e sens grammatical
de ce mot l'explique suffisamment. Distraire une chose
d ’une a u t r e , c ’est considérer q u ’elle ne doit pas en
faire partie, q u ’elle ne doit pas l&ire un seul tout avec
cette chose.
Po u r q u o i cette distraction? Parce que la procédure
�est faite au nom du client q ui seul réclame devant la
justice, qui seul est en nom dans les actes, signés par
son avoué; parce q u 'il n ’est pas juste que le client q ui
n ’a point fait l ’avance des frais du procès, en obtienne
la condamnation contre sa partie adverse, et en profite
au préjudice de l ’avoué qui les a sortis de sa poche ,
et qui seul en est le propriétaire; or, bien évidemment,
l ’avoué aurait le droit de les saisir et d ’intervenir en
son propre nom pour réclamer sa chose. E t c’est pour
éviter cette intervention de l ’avoué que le législateur
a accordé cette distraction; il n ’a exigé de l ’avoué que
son affirmation pour l’o b ten ir, parce que cet officier
ministériel ayant déjà la confiance du gouvernement
qui l ’a investi de ses fonctions, cette affirmation devait
paraître suffisante.
Q uel est l'effet de cette distraction ? son effet ne
peut être douteux. Il n ’est pas d ’accorder à l ’avoué
des
céder
droits
qui
ne lui appartenaient
une créance
qui
appartenait
po in t; de lui
à son
client ,
mais bien d ’empêcher que la créance de l’a v o u é , la
somme q u i n ’apparlient q u ’à lui , ne soit comprise
dans la condamnation qui est obtenue par le client
contre sa partie adverse; d ’empêcher que le client ne
s'approprie* une chose qui ne lui appartient p a s , ou
que celle chose puisse être compensée avec* la somme
q u e l e c li e n t pourrait devoir lui-même à son adversaire.
L e législateur a pensé (¡ne tous les cliens pourra:ent
n’être pas justes ni reconnaissans envers ceux qui leur
prêtent leur ministère;
il a pensé que le client qui
aurait obtenu la condamnation des dépens pourrait en
�profiter, et faire mettre le jugement à exéc ution, en
son n o m , et comme si ces dépens lui appartenaient;
elle n ’a accordé la distraction à l ’avoué
que pour
prévenir cet abus trop commun.
Mais est-ce là une cession que le client fait à sou
avoué? la cession est le transport d ’ un droit ou d ’ une
créance; la première condition du cédant est d ’être
propriétaire de la chose cédée, c’est de pouvoir trans
mettre un droit qui lui appartient, et qui avant la
cession n ’appartenait pas au cessionnaire. Ici le client
n ’est point propriétaire, la créance n ’a jamais résidé
sur sa têle ; elle a toujours appartenu à l ’avoué ; le
juge en accordant la distraction ne transporte donc
pas à l ’avoué une chose qui appartint au r l i e n t ; il
ne fait au
contraire ,
par cette
distraction , que
déclarer, au préjudice du client qui obtient la con
d a m n at io n , que les frais ne lui appartiennent p o i n t ,
q u ’ils appartiennent au contraire à son avoué.
Cela est si vrai d ’ailleur s, que si la distraction était
une véritable cession, elle aurait pour conséquence
immédiate de libérer
le client
envers son avoué ,
tandis que la loi ne lui accorde pas cet effet, et la
distraction obtenue par l’avoué ne lui enlève pas son
recours contre son propre client pour être payé de ses
frais, dans le cas où la partie condamnée aux dépens
serait insolvable.
L ’appelant invoque à l ’appui de sa prétention la
définition donnée par Pothier et par P i g e a u , de la
distraction des dépens. Mais quoique ces auteurs aient
écrit que l ’avoué était cessionnaire ; que le client lui
�faisait un transport (les frais, il faut bien croire q u ’ils
n'ont pas considéré la distraction comme une véritable
cession, et q u ’ ils n ’ont employé cette expression que
pou r préciser le fait d ’une manière plus laconique.
Ce pendant Pothier ne dit pas que la distraction est
un transport que le client fait à son procureur j il dit
un transport que le client est cen sé fa ir e etc.
Mais au su rp lu s, dans un passage qui suit de près
cette définition,
Pothier examinant la question de
savoir si celui qui a été condamné aux dépens peut
opposer au procureur qui en a obtenu la distraction
la compensation des sommes q u i lui sont dues par le
client du ^procureur, rappelle un arrêt de la grand’
ch a m b re , du 19 mars 1 7 3 8 , q ui avait jugé que la
compensation ne peut être opposée au procureur; et
Pothier dit que cet arrêt est fondé sur une grande
raison
d ’utilité
pu blique
qui
doit
prévaloir
à la
subtilité du d r o i t , parce q u ’ il est de l ’ intérêt public
que le procureur q ui a été obligé de faire de grosses
avances pour
défendre une pauvre partie dans un
procès q u ’on lui faisait inju stement, ait un recours
assuré pour s’en faire rembourser par la partie qui a
fait le procès in ju st e, et q ui a été condamnée aux
dépens; parce que sans cela les pauvres 11e pourraient
pas trouver de défenseurs.
Pothier dit encore q u ’on doit feindre, en faveur du
procureur, que la créance résultant de la condamna
tion de dépens dont la distraction lui a été accordée,
lui
a passé directement sans avoir subsisté en la
�( a3 )
’
personne de sa partie envers qui la condamnation est
intervenue.
Il dit même dans une note, que le parlement avait
jugé que le procureur qui a obtenu la distraction des
dépens adjugés à
sa partie
sur
un
des
chefs du
jugement n ’est pas obligé de souffrir la compensation
de ceux auxquels sa partie a été condamnée sur un
autre c h e f , q uoiq ue par le même jugement.
« La C our,
ajoute P oth ic r , a cru devoir porter
jusque là la faveur de ces distractions, et établir pour
régie générale dans quelques cas que ce so it, que la
créance des dépens, dont le procureur se fait adjuger
la distraction, est censée n’avoir jamais résidé q u ’en
sa personne, et non dans celle de sa partie à qui ils
ont été adjugés. »
Ces principes sont rappelés encore par D e n i z a r t ,
dans sa collec tion, V° D istra ction de d ép en s, n°5 G
et 7 , où il cite un grand nombre d'arrêts qui les ont
consacrés; et dans le recueil de R o u sse au -L a co m b e,
Y 0 Procureur ad lites.
Il s’en faut donc de beaucoup que , même dans
l ’opinion
de P othie r,
la distraction des dépens soit
une cession faite par le client à son avo ué , et que cet
avoué n’ait pas d'autres droits que ceux q u ’aurait eus
le client lui-même.
Mais s’ il est vra i, s’il est démontré que la distraction
confère à l ’avoué des droits personnels , et que sa
créance ne puisse être c o m p e n s é e avec les sommes qui
sont dues par son c l i e n t , presque tous les raisonne-
�mens du sieur Marie manque nt de base et doivent
s’évanouir.
Nous avons prouvé que les frais de partage, étant
une charge de la succession, doivent être prélevés sur
la masse générale des biens q u i la composent, et que
les immeubles q ui en dépendent ne sont point dégagés
de ce prélèvement par cela seul q u ’un rapport d ’experts
aurait déjà fixé le sort de ces immeubles et en aurait
fait
avec
des lots d ’att ribut ion . Nous pouvons soutenir
fondement
que lors
même
que
les frais de
partage seraient dus au cl ient, il est une foule de cas
où le prélèvement de ces frais ne pourrait pas être
renvoyé exclusivement à l ’époque des compte et l i q u i
dation à faire des valeurs mobilières de la succession.
Les héritiers peuvent mettre du retard à faire pro
céder
à ce Compte ,
il
peut s’élever e n tr’eux
des
difficultés très-longues , et celui qui avancerait les
frais de poursuites serait loug-teins privé du recou
vrement de ses avances, et souvent dans l ’impossibilité
d ’obtenir sa portion héréditaire.
U n simple légitimaire qui demanderait le partage à
un héritier institué serait obligé d ’avancer des frais
considérables dont son adversaire devrait en définitive
supporter la plus grande pa rti e, et l'impossibilité d ’y
satisfaire le mettrait presque toujours dans le cas d ’a
bandonner ses poursuites et de renoncer à ses droits.
11 en serait de même dans beaucoup d ’autres circons
tances que l’on pourrait citer.
A u s s i , dans de semblables circonstances, celui q ui
réclame peut obtenir une provision, même pour su b
�venir aux frais de partage, et les tribunaux la refus ent
rarement; en refusant de l ’accorder, ils encourageraient
la résistance et l ’injustice de l ’ héritier qui possède tous
les biens de la succession, et priveraient le malheureux
du seul moyen q u i lu i soit présenté pour recouvrer
sa légitime.
Lo in donc, que dans un cas semblable, le cohéritier
q ui aurait vendu son lot en immeubles pù t dire à sou
cohéritier q u i demanderait à faire le prélèvement des
frais de partage sur le p r i x , q u ’il ne doit les prélever
que lors du compte et liquidation définitive à faire
en tr ’e u x , le cohéritier q ui a fait l ’avance des frais de
partage devrait obtenir d ’en faire le prélèvement sur le
Aprix des immeubles v e n d u s, soit parce que ces immeubles
sont frappés de l ’obligation de supporter ce prélèvement
comme tous les autres biens de la succession , soit
d ’ailleurs à cause de la garantie hypothécaire que chaque
cohéritier doit avoir sur le lot de son cohéritier; mais
ce n ’est pas le m om en t d ’aborder cette question , qui
trouvera sa place dans l ’examen de la seconde proposition
du sieur Marie. Enfin dans l ’ hypothèse posée, le cohé
ritier qui aurait avancé les frais de partage et q u i de
manderait à les prélever sur le prix de l'immeuble
v e n d u , aurait toujours le droit de demander un sursis
à la distribution de ce p r ix , afin de conserver les
choses entières, ju s q u ’à ce q u ’il eut été procédé au.
compte définitif.
Mais si le cohéritier lui-même avait tous ces droits
pour prélever les frais de partage q u ’ il aurait avancés,
comment l ’exception du sieur Marie pourrait-elle être
4
�( =6 )
opposée à l ’avoué q ui a obtenu la distraction ? Com m en t
cet av o u é , qui est un tiers étranger à la succession,
peut-il être renvoyé pour le paiement de son exécutoire
à un compte dans lequel il n’est point p a r tie , où son
intervention pourrait être fâcheuse; à un compte que
le caprice ou la volonté des héritiers peut ajourner
indéfiniment; qui peut d ’ailleurs ne présenter aucun
résultat positif , soit parce que les copartageans se
tiendraient respectivement q u i t t e s , soit à cause d ’un
concert frauduleux que l ’on est loin de supposer dans
l ’es pèce, mais dont les exemples ne sont que trop
fréquens.
Il est évident q u ' u n pareil système n ’est pas dans
l ’é q u i té , q u ’ il n ’est pas non plus dans les dispositions
de la loi, et que les frais de partage devant être prélevés
sur la masse comme charge de la succession , l ’avoué
qui les a avancés doit en faire le prélèvement sur q u e l
que partie de cette masse q ui soit disponible, et que
le prix
d ’ un immeuble étant en dis tr ib uti on, c’est
précisément sur ce prix que son prélèvement doit être
exercé.
Remarquons bien que dans l ’espèce,
la
dame de
Mariol ne peut pas s’y opposer, tout a été jugé contra
dictoirement avec elle , et les arrêts q ui ont ordonné
la distraction des dépens en faveur des intimés lui sont
communs. Com m en t donc le sieur Marie le pourrait-il,
lui qui n ’est créancier que de la dame de M ari ol, et
qui ne peut avoir d ’autres droits que ceux de sa
débitrice ?
A u su rplus, le sieur Marie commet une erre ur,
�(
27 )
lorsqu’il dit que la dame de Mariol ayant exposé aussi
des irais de partage, ainsi que tous les autres cohéri
tiers du sieur de V e y n y ainé, et chacun d’eux devant
aussi les prélever, c’est une raison de plus pour ren
voyer ce prélèvement à
l’époque de la liquidation
définitive. Mais la dame de Mariol n ’a aucuns frais à
réclamer. L ’on a vu dans l ’exposé des faits que tous
les avoués avaient obtenu la distraction des dépens
exposés par leurs cliens respectifs.
Il reste k répondre à quelques autres objections du
sieur Marie.
Les premiers juges ont puisé l ’ un des motifs de leur
décision dans les dispositions de l ’article 873 du Code
civil; et le sieur M a r i e , pour en repousser l ’applica
t io n , présente deux objections; la première, que cet
article ne peut avoir d ’effet q u ’autant que les biens
du défunt auraient été affectés et hypothéqués pendant
sa vie au paiement de la
dette , o u , en d ’autres
termes, q u ’il ne peut y avoir d ’ hypothèque si elle n ’a
pas été créée avant l ’ouverture de la succession ; la
seconde, que les frais d ’ un partage ne sont pas une
dette du d é f u n t , et q u ’ils ne grèvent les biens de la
succession que par suite de l ’action judiciaire qui est
intentée par l ’un des héritiers,
action q ui eut été
évitée ainsi que les frais q u ’elle entraîne , si les cohéri
tiers s’accordant en tr ’eux avaient fait un partage à
l ’amiable.
L a première objection n’est pas sérieuse, caries dettes
personnelles au défunt ne sont pas les seules qui soient
affectées hypothécairemant surlesbiens de sa succession.
�( =8 )
Les charges de la succession, qui n’ont pris naissance
q u ’après son o uve rt u re , les frais funéraires et de der
nière maladie; les frais de scellés et d ’inventaire sont
des dettes postérieures au décès, et qui cependant sont
payées par privilège sur tous les biens meubles ou
immeubles.
Q u a n t à la seconde ,
il est vrai que les frais de
partage ne sont pas une dette du dé f u n t ; mais ils sont
une charge de la succession lorsqu’il y a nécessité de
faire ce partage en justice; si les frais de scellés et
d ’inventaire ont pour objet la conservation des droits
des créanciers de la succession, ils ont aussi pour b u t
de conserver les droits des cohéritiers m ineu rs, des
cohéritiers absens, de tous ceux, en un m o t , que leur
incapacité ou leur éloignement empêchent de pouvoir
agir au moment du décès.
Lorsque des héritiers sont m in eu rs, ou absens, ou
interdits, cette incapacité, qui n ’est relative q u ’à eux,
empêcherait cependant les héritiers présens et majeuis
de faire procéder valablement au partage , à raison de
l ’incapacité même de leurs cohéritiers; aussi l ’art.
838
du Code civil dispose que si tous les cohéritiers ne sont
pas présens, ou s’il y a parmi eux des interdits ou des
m in eur s, même émancipés, le partage doit être f a i t
en j u s t i c e , etc. L e partage fait en justice doit donc
être considéré comme une nécessité lorsqu’il est com
mandé par la loi; les frais faits pour y parvenir ont
pour objet de faire déterminer la portion qui revient à
chacun des copartageans, de lui en att rib ue r la pro
priété exclusive, de le mettre à même d ’en disposer, et
�(
29
)
d ’en faire le gage de ses créanciers. Ces frais ne sont
donc pas moins utiles que ceux d ’inventaire et d ’appo
sition de scellés.
E t comment le sieur Marie peut-il sérieusement pré
tendre que dans l ’espèce on pouvait éviter un partage
judicia ire, et que les héritiers de V e y n y pouvaient
s’accorder entr’eux. L e partage provisionnel de 1779
démontre suffisamment l ’importance de la succession ,
les dettes considérables dont elle était grevée, les alié
nations déjà faites, et toutes les questions q u i devaient
s’élever entre les héritiers.
Mais ce partage n ’était
que provisoire, parce que presque tous ces héritiers
étaient encore mineurs; qui donc a vo ulu le premier
sortir de ce provisoire pour obtenir un partage définitif?
quel est celui qui a traduit ses cohéritiers devant les
tribunaux pour faire procéder à un partage judiciaire?
C ’est la dame de Mariol que représente le sieur Marie;
c’est elle qui a formé une demande en partage, le 9
décembre 1 7 8 5 , et qui l ’a réitérée par exploit du
11 nivôse an 1 1 ; et ce partage n ’est point encore ter
miné : il reste à faire le compte des sommes que les
cohéritiers se doivent respectivement, opération trèscompliquée qui peut faire naître de nouvelles con
testations et ramener les parties devant les tribunaux.
Concluons de tout ce q u i précède que les frais de
partage sont une charge de la succession , et q u ’ils
doivent être prélevés sur tous les biens qui la composent;
que ce prélèvement devant se faire sur la masse générale
des biens soumis au partage, on ne peut y soustraire
aucune partie de ces biens; que si des immeubles sont
�vendus avant que le partage soit réellement consommé*
le cohéritier auquel les frais sont dus a le droit de les
prélever sur le p r i x , et ne peut être renvoyé h des
opérations éloignées ou incertaines; q u ’enfin l ’avoué
q u i , ayant avancé les frais de partage en a obtenu la
distraction a un droit personnel , indépendant des
droits de son c li e n t, q u ’il ne peut pas être considéré
comme le cessionnaire de ce dernier, et q u ’en supposant
que le cohéritier auquel il serait dû des frais p û t être
renvoyé au compte déf initif à faire entre tous les cop arta gea ns, cette exception ne saurait être opposée k
l ’avoué q ui a obtenu la distraction.
H â t o n s -n o u s d ’arriver k l ’examen de la seconde
proposition soutenu par le sieur Marie.
S II.
P riv ilèg e de la créance des intim és.
Jusqu’ici
l ’on a
considéré la créance des
sieurs
Huguet et C h ir o l comme devant être prélevée sur la
masse de la succession, parce q u ’en effet cette créance
est de sa nature une charge de la succession , q ui doit
être acquittée par voie de prélèvement.
Mais si l ’on veut la considérer sous le rapport h ypo
thécaire, il est une foule de raisons toutes puisées dans
la loi, q u i se réunissent pour démontrer q u ’elle doit
être payée par privilège.
Les bornes de cette réponse ne permettent pas de
développer ici les principes en matière de privilège.
Nous rappellerons seulement avec M. Grenier (T ra it é
des hypothèques, tome 2, page 1 2 ) , q u ’ une indication
�des rangs
( 3> )
des privilèges par nomenclature devient
impossible, et q u ’elle supposerait une imperfection
dans la loi; q u ’on doit puiser les régies de fixation de
ces rangs dans les principes qui ont été le fondement
des dispositions du code , et saisir dans ces principes
l ’esprit du législateur. O r cet auteur réfère l ’origine
des rangs des privilèges,
i° à la propriété; 2 ° à la
conservation, l'am él iora tion , la nouvelle disposition,
ou la modification utile de la chose;
3 ° au
nantissement
ou gage contracté par titre ou tacitement convenu. Il
dit que l ’ordre des préférences doit se déterminer par
celui de ces origines.
'
*
Maintenant ne perdons pas de vue que c’est toujours
un sentiment de justice et d ’équité qui détermine le
privilège. Il est toujours accordé par la loi au droit
le plus respectable, au droit le plus puissant si l ’on
veut bien nous passer cette expression.
Ainsi, qua nt à la propriété, tel est le fondement du
privilège du vendeur sur le prix de la vente. Il est de
toute justice que le vendeur originaire soit payé par
préférence aux créanciers personnels de son acquéreur
qui a revendu l'imm euble sans en avoir acquitté le
prix. Tel est aussi le fondement du privilège accordé
aux cohéritiers ou copartageans, par les articles 2 i o 3
et 2109 du code civil.
La conservation, l ’amélioration, la nouvelle dispo
sition ou la modification utile de la chose, sont aussi
la source d ’ une foule de privilèges qui doivent être
appréciés d ’après ces principes d ’é q u i t é , et l ’origine
des droits réclamés.
�( 32 )
L a loi n ’a pu les déterminer tous, mais elle indique
dans les articles 2101 et suivans ceux de ces privilèges
q u i sont les plus
ordinaires et les moins sujets à
contestation.
Dans l ’article 2101 , le code civil indique les frais
de justice dont le privilège s’étend sur les meubles et
les im meubles, et, comme dans notre espèce, les frais
de partage réclamés par les intimés ont été considérés
par les premiers juges comme des fr a is de j u s t i c e ,
examinons en peu de m o t s , si ces magistrats sont allés
aussi loin du véritable esprit de la l o i , que le prétend
le sieur Marie,
Remarquons
d ’abord que le législateur ne s’est
point occupé nominativement des frais de partage,
au titre des privilèges et h y p o t h è q u e s, parce que la
ju rispru de nce , l ’usage adopté pour l ’emploi de ces
frais, et leur nature même indiquaient q u ’ils sont un
prélèvement plutôt q u ’une créance.
Remarquons encore que des jurisconsultes du plus
grand poids, en considérant ces frais comme créance,
ne font pas difficulté d ’accorder à cette créance un
privilège sur les biens soumis au partage. O n peut
citer Merlin q ui s’exprime ains i, dans son répertoire,
y 0 p a rta g e , $ 3 , n° 8.
« C e l u i q ui a fait des frais pour parvenir au par
tage ,
peut
obliger ses
cohéritiers d ’y
chacun pour leur part et
contribuer
portion; i l a même un
privilège p o u r répéter ces fr a is su r les biens q u i f o n t
l'o b je t du partage. »
Arrivons maintenant à cette question ; la créance
✓
�résultant des frais de partage peut-elle être considérée
comme des frais de justice?
Pour* la
résoudre il
faut
faire avant tout
une
observation impo rtante; c’est que la loi ne dit pas
précisément ce q u ’on doit entendre par frais de justice,
mais
M.
Grenier nous apprend que ces frais ont
toujours été si précisément déterminés par l ’usage, que
le législateur a du s’expliquer'dans les mêmes idées;
et il résulte des opinions de cet a u t e u r, de Basnage et
de M. T a r r ib l e , que les frais de justice sont ceux q ui
sont faits pour les scellés, l ’inve ntaire , la vente des
m eu bles, et tout ce q ui s’est fait pour la conservation
de la chose, et la cause commune des créanciers.
®
Nous acceptons tout cela: comme ces au teurs, nous
ne voulons donner aux frais de justice une trop grande
l a tit u d e , ni à la loi une interprétation forcée, ou qui
s’écarte des idées raisonnables. Mais le sieur Marie, q u i
invoque ces jurisconsultes, perd complettement de vue
q u ’ils n ’ont parlé ainsi que respectivement h des
créanciers qui auraient fait eux-mêmes des frais q u ’ils
voudraient qualifier de frais de justice, et dont ils
demanderaient k être payés par privilège.
Ces auteurs ne se sont pas expliqués sur ce q u ’on
doit entendre par frais de justice, respectivement à des
cohéritiers.
E t cependant le défunt peut n ’avoir, à son décès,
aucun créancier; cette circonstance n ’empêchera ni
l'apposition des scellés, ni l ’inventaire. Si lorsqu’il
existe des créanciers, le scellé a pour b u t la conserva
tion des meubles, de l ’argent et des titres de créance,
!î
�(• 34 )
dans l ’intérêt de ces créanciers, il a aussi pour b ut la
conservation des intérêts des héritiers mineurs, absens
ou interdits; le scellé est apposé dans l ’intérêt unique
des héritiers, lorsqu’il n’existe pas de créanciers. Il en
est absolument de même de l ’inventaire qui est encore
fait dans un b u t de conservation; et comme les frais
d ’inventaire et de scellés seront toujours des frais de
justi ce , il faut convenir que dans cette hypothèse, il
n ’y a q u ’ un seul mot à changer à la définition des
a u t eu rs , et que les frais de justice sont ceux faits
pour la cause com m une d es cohéritiers.
.¿ P ou rquo i n’en serait-il pas des frais de parta ge ,
comme de ceux d ’inventaire et de scellés? ils ont aussi
pour objet la cause commune des cohéritiers; toutes
les opérations du partage o n t , pour chacun des copartageans, un b u t d ’ utilité et de conservation que l ’on
ne peut méconnaître.
L ’opération des experts,
qui tend à constater les
immeubles dépendant de la succession, à en rechercher
la consistance et l ’éte ndue , à en fixer les bornes, cette
opération qui souvent peut empêcher des usurpations
ou faire cesser des servitudes, qui d ’ailleurs est indis
pensable pour 1 estimation des biens et la formation
des l o t s , n ’est pas moins utile à tous les cohéritiers
que le scellé ou i inventaire qui ont conservé les valeurs
mobilières de la succession. Les frais d'expertise ont
donc une origine toute semblable; respectivement aux
cohéritiers, ce sont des créances de même na tu re, et
il n ’existe aucune raison pour que les Irais d ’inveulairc
�(
35
)
soient payés par privilège, de préférence aux frais de
partage.
Aussi l ’on ne pourrait sérieusement contester aux
experts un privilège, pour les frais d ’expertise, sur les
immeubles q u ’ils ont estimés et partagés; et cependant
il a fallu q u ’ils fussent nommés par un jugement qui
lui-même n ’a pu
être rendu que par suite d ’ une
procédure dont le premier acte était la demande en
partage; comment donc tous les frais de la procédure
en partage n ’auraient-ils pas le même caractère, la
même origine / la même nature que les frais d ’ex
pertise,
d ’inventaire et de scellés, puisque comme
eux ils ont toujours pour objet la cause commune des
héritiers, puisque sous d ’autres rapports ils sont faits
aussi dans l ’ intérêt des créanciers personnels de chaque
cohéritier ?
C ’est
donc
avec
beaucoup
de
raison,
et
sans*
s’ écarter aucunement du véritable esprit de la loi,
que les
premiers juges ont dit
que les frais d ’ un
partage judiciaire peuvent être considérés comme des
frais de justice.
Mais il existe dans la l o i , un autre moyen non
moins sérieux, pour établir que la créance des sieurs
I lu gu et et Chirol devait être colloquée comme créance
privilégiée.
L ’article 2 i o 3 du Code c i v il , paragr.
privilège
3,
accorde un
aux cohéritiers sur les immeubles
de la
succession, pour la garantie des partages faits entre
eux, et des soultes ou retours de lots; et l’article 2109
dispose que le cohérier ou copartageant conserve son
�privilège sur les biens de chaque l o t , ou sur le bien
l ic it e ,
par l ’inscription faite à sa diligence,
dans
soixante jours à dater de l ’acte de partage ou de
l ’adjudication
par
licitation ,
aucune hypothèque
durant
ne peut avoir
lequel
tems
lieu sur le bien
chargé de soulte ou adjugé par licitation, au préjudice
du créancier chargé de la soulte ou du prix.
C e privilège qui
qualifié
dans
l ’ancienne législation était
d ’ hypothèque légale a lieu non seulement
pour la garantie des partages et des soultes et retours
de lo ts, mais encore pour toutes les prestations per
sonnelles dont un héritier peut être tenu envers ses
cohéritiers. Il résulte de la nature même de l ’acte de
partage,
parce que chaque cohéritier ne succède au
d é f u n t , aux biens échus à son l o t , q u ’à la charge de
cette
obligation.
Les biens y
sont par conséquent
affectés, et il ne peut ni les aliéner ni les obliger à
d ’autres que sous la même charge (Polluer, successions,
chap. 4 ) S 4 - — Merli n ,
section 7 , n° 5 »).
5e é d i t . ,
r é p . , v° p a rta g e,
C e privilège résulte aussi de ce que sous divers
rapports, le cohéritier qui est créancier d ’un retour
de lot peut être assimilé à un vendeur , parce que la
soulte n est autre chose que le prix d ’une portion de
de biens qui revenait à ce cohéritier. T o u t cela est fort
bien
expliqué dans le
traité
M. G r e n ie r , lome 2 , page
des hypothèques
de
i , et par M. Merlin,
v° hypothèque t section i re, et \° privilège de c r é a n c e ,
section 7.
Ces auteurs ne balancent pas à dire que quoique la
�(
37
)
soulte ou retour de lot ne soit due que par un des
' lots, par un seul des côpartageans, tous les cohéritiers
ne sont pas moins tenus d ’en répondre comme d ’ une
éviction qui serait soufferte par l ’ un d ’entre eux , et
cette garantie a son fondement dans légalité qui doit
essentiellement régner dans les partages.
Les conséquences de ces principes ont été tellement
développées par la jurisprudence des cours souveraines,
q u ’ indépendamment du privilège accordé au cohéritier
par les articles
2io3
plusieurs
remarquables ,
arrêts
et 2109,
il a été jugé
que
le
par
cohéritier
auquel il est dù des restitutions de jouissances, des
valeurs de dégradations ou autres objets, et même des
frais de partage, par son cohéritier, a sur les biens
héréditaires un droit réel, en vertu du quel il peut
lors du partage de la succession se faire attribuer une
plus*forte part d ’immeubles; et cette jurisprudence
est fondée sur la inaxime ,fr u c tib u s augetur hœreclitas,
dont les principes se retrouvant dans plusieurs dis
positions du Code civil.
L e principal m otif de cette jurisprudence consiste
en ce que les fruits et autres valeurs dont le rapport
est du à la succession en augmentent la masse et la
part de chaque héritier; en ce que le rapport d e v a n t
être fait en n a tu r e, en argent ou en moins prenant,
lorsque l ’ héritier ne peut l ’effectuer ni en argent ni
en n a tu r e, il est absolument tenu de prendre moins;
q u ’alors il est juste que les parts des autres héritiers
soient prises et prélevée^ sur sa portion dans les biens
meubles et immeubles de la succession; q u ’enfin les
�cohéritiers, s’ ils n’avaient pas ce droit, seraient exposés
à la perte d ’une partie de leur part héréditaire, lorsque
l ’ héritier débiteur n ’aurait pas d ’autres biens ou q u ’ il
serait insolvable. ( V o ir notam me nt l’arrêt de la C our,
du 14 février 1828 , Sir ey , tome 2 8 , 2e partie, page
2425 et un arrêt de la C o u r de cassation, du 24 février
1 8 2 g , S ir e y , tome 2 9 , i re pa rti e, page
Tels sont les droits de l ’ héritier contre son cohéritier
dé b it eu r, déterminés par le Code civil et la jurispru
dence. Il peut exercer un privilège pourvu q u ’ il le
conserve par une inscription; il peut se faire attribuer
une plus forte portion d ’im m eu b les, si sa portion des
valeurs mobilières ne lu i est pas rapportée en nature
ou en argent.
Mais le sieur Mari e, ne pouvant se dissimuler les
conséquences des articles 2 i o 3 et 2 1 0 9 , ne veut pas
les accepter tout entières. Il reconnaît, page 17 , la
justice de ce privilège, q u i ménage les intérêts de tous
et ne blesse les intérêts*.de p erso n n e, et cependant il
veut q u ’ un des immeubles affectés à ce privilège puisse
être sorti de la masse avant
la
consommation du
partage; que la dame de Mariol l ’ayant aliéné, le prix
en soit exclusivement distribué h ses créanciers per
sonnels, de manière h affranchir cet immeuble du
privilège des cohéritiers du vendeur.
Il fonde ce raisonnement sur ce que chacun des
héritiers a des rapports h faire; que d ’après lui le sieur
de V e y n y aîné est celui qui aura le plus à rap port er,
le moins à retenir, et que peut-être il sera seul débiteur
lors des comptes définitifs ; sur ce que la dame de
�(
3g )
Mariol ne peut être obligée de payer les frais de partage
exposés par 1e sieur de V e y n y ainé, dont ^ s o l v a b i l i t é
parait équivoque au sieur Marie; sur ce que la dame
de Mariol serait exposée à les. perd re , ainsi que les autres
sommes dont elle pourra se trouver créancière.
On conçoit que cette argumentation put être opposée
au sieur de V e y n y , avec lequel le sieur Marie confond
toujours les intimés, en prétendant q u ’ils ne sont que
ses cessionnaires. Encore s’ il réclamait l u i- m ê m e , le
sieur de V e y n y ne serait pas tenu d ’accepter toutes
les allégations du sieur Marie; le compte seul pouvant,
apprendre s’ il serait créancier ou débiteur de la dame
de M ari ol , le sieur de V e y n y aurait certainement le
droit de demander un sursis à la distribution du prix
du domaine v e n d u , jus qu’à ce q u ’ il eût été procédé
à ce compte; il serait fondé à dire à sa cohéritière :
« Comptons, établissons d'abord notre situation respec
tive; mais tant que le résultat n’en sera point connu
vous ne devez pas soustraire une partie des biens de la
succession à la garantie de la créance qui [»eut m ’être
attribuée par l ’acte de liquidation définitive ; vous
n ’avez pas le droit de soustraire les immeubles échus à
votre lot au privilège hypothécaire qui sera la con
séquence de cette garantie. »
C e sursis, les intimés devraient l ’ obtenir de même,
s’ils étaient réellement les cessionnaires du sieur de
Veyny.
Mais s i, comme on croit l ’avoir pr ouv é, les avoués
qui réclament ont 1111 droit personnel et 11e sont pas les
cessionnaires du sieur de V e y n y ; si leur créance n’a
 ffc -# ,-
�jamais **té la créance de ce dernier; s’ ils ont avancé des
frais de partage, non pas dans l ’ unique intérêt du sieur
de V e y n y , mais bien dans l ’intérêt de tous les héritiers
qui ont trouvé leur titre de propriété dans les jugemens et arrêts obtenus et expédiés aux dépens des
intimés; si ces héritiers en profitent, et si ces frais
doivent être prélevés lors du partage, comme le sieur
Marie le reconnaît lu i- m êm e; si d ’ailleurs il n ’est pas
contesté que la créance a été conservée par une inscrip
tion prise en tems u t il e , peu importe l ’événement des
comptes à faire entre le sieur de V e y n y et sa cohéri
tière; la créance des intimés ne p e u t , en aucun cas, se
compenser avec les sommes qui seront dues à la dame
de Mariol. L a solvabilité plus ou moins équivoque des
cliens est un des principaux motifs de la distraction
q u i est accordée aux avoués; le privilège qui résulte
de la nature de la créance a été conféré aux sieurs
Iluguet et Chirol comme conséquence de cette distrac
tion. C e privilège frappe tous les biens de la succession,
parce que la créance est une charge de la succession;
créanciers de la succession les intimés doivent être payés
par privilège avant les créanciers personnels de l ’héritier
qui a vendu l ’immeuble provenu de la succession. C ’est
une séparation à opérer du patrimoine du défunt et de
celui de son héritier, qui a dû recueillir les biens avec
la condition d ’en acquitter les charges. L a prétention
du sieur Marie ne peut donc pas être opposée aux sieurs
Ilu gu et et Chirol.
Pou importe encoreque la dame de Mariol soitobligéo
d ’avancer une portion de frais plus considérable que
�(4 0
celle q u ’elle devrait supporter en définitive; elle aura
son recours contre sescopartageans. C e recours lui est
assuré par les articles
884
et
885
du Code civil.
Prouvons actuellement que le domaine de Lafont
n ’est point affranchi du privilège résultant de la créance
des intimés.
S 3.
L e dom aine de L a fo n t est soum is au p riv ilèg e.
L e sieur Marie soutient encore que la créance des
sieurs Hu guet e t rC h ir ol ne doit pas être payée sur le
prix du domaine de L a f o n t , soit parce que ce domaine
n ’est pas rapportable
au partage par la dame de
M a riol, soit parce q u e , dans la main de la dame de
M a rio l, il aurait rété affranchi, par la prescription , de
toute contribution aux charges de la succession et
aux frais du partage.
Examinons séparément ces deux propositions.
L e sieur Marie puise la démonstration de la première
dans quelques faits de la cause, et dans certaines
dispositions du jugement et des arrêts rendus entre les
héritiers de Y e y n y .
Il rappelle que le domaine de La fon t a été attribué
au sieur de Teix par le partage provisionnel de 1779»
et que le sieur de Teix l ’a vendu en 1784 à la dame
de Mariol; que le jugement^ et les arrêts qui
ont
ordonné le partage définitif ont respecté ce partage
provisoire en ce q u ’ils n ’ont pas exigé le rapport en
nature des objets qui avaient été mis à chaque l o t ,
mais que chaque cohéritier avait été soumis seulement
'
G
�à rapporter ce q u ’il avait reçu, ou sa valeur, par fiction
en 1785. Il en tire la conséquence que ceux-là seuls
des héritiers qui avaient reçu des immeubles en 1 77 9
sont tenus de les rap porter, et que même ce rapport
11e doit
pas être fait rée lle m en t, mais par fiction ,
valeur de 1785$ que dès lors le sieur de Theix , qui
seul, avait reçu le domaine de L a f o n t , lors du partage
provisoire de 1 7 7 9 , doit seul le rapporter au partage,
fictivement et valeur de 1785.
L e sieur Marie ajoute que le jugement de 1 8 1 5 et
l ’arrêt de la C o u r , qui l ’ont ainsi ordonné ont été
exécutés en ce sens par les experts dont le rapport a
été hom o logu é, et il conclut de tout cela que ce
domaine n ’étant pas rapportable en nature ne pouvait
être affecté au paiement des frais de partage; il va
même ju s q u ’à dire que ce domaine a été, en quelque
sorte, retranché de la masse par les arrêts qui ont
adjuge les frais de partage réclamés.
Il est impossible d ’adopter ce raisonnement et les
conséquences qu on en tire.
Le partage de 1 77 9 n ’étant que provièoirè ne con
férait q u ’une possession précaire, et n ’attribua it aucun
droit défini tif à la propriété des immeubles mis au lot
de chacun des héritiers de V e y n y ; ce partage que
chacun d ’eux pouvait a t t a q u e r , n ’était qu' un e simple
convention relative à la possession des biens/ jusqu'au
partage définitif.
ès-lors l'indivision subsistant toujours, aucun des
héritiers ne pouvait vendre valablement parce qu'il
n’étâit pas propriétaire exclusif.
�E n second lieu , lorsqu'on' 1786 , un partage définitif
a été provoqué p a r l a dame de M ari ol, elle ¿'demandé
elle-même que chacun des copartageans fut tenu d ’y
rapporter tout ce q u ’il pouvaitildétenir/des' biens'Jde
la succession, etmotainment les aliénations.
A u s s i , par suite deicette dem ande , le jugement’ de
1 8 1 5 et l ’arrêt de 1 819 ont-.ordonné que
cohéritiers
rapporteraient 'les
immeubles
tous les
par
eux
reçus en 1 7 7 9 , ou leur valeur par fiction en 1 7 8 5 ^
d ’après estimation.
Si ces jugement et arrêt ont. ordonné en outre que les
experts feraient en sorte de faire échoir au lot de ceux
q u i les ont vendus, les immeubles aliénés, ils n ’ont
fait q u ’adopter une mesure ordinaire et de justice,
pour éviter des aciidns en. garantie de la part des acqué
reurs qui
pouvaient être évincés^ mais toujours il
résulte de ce'ju gem en t de
i
8 i 5,
q u ’aucun immeuble
n'a été retranché de la masse,"que tous, au contraire,
doivent y être rapportés en nature ou fictivement; E t
si plus tard les experts ont opéré dans le Sens qui était
le plus h la convenance des héritiers; s'ils ont fait
échoir au lot de chacun d ’eux les héritages q u ’il avait
ven d u s ;.s i enfin cette opération a'été homologuée par
la C o u r ,
il
faut
immédiatement reconnaître trois
choses également importantes :
; >in
i ° Q u e le droit exclusif de chaque c o h é r i t i e r
à la
propriété des immeubles mis à son lot 11e date réelle«
ment que du jour de cette homologation; I ¡11
j’ t.° Qu e chaque cohéritier n ’est ainsi dovenu pro
priétaire des immeubles «t lui a t t r i b u é s 3 que souâ les
�différentes charges et conditions dont ils étaient grevés
pendant l ’indivision, et notamment sous la condition
de la garantie des lots les uns envers, les autres,
résultant de l ’acte de liquidation définitive;
3°
Qu e dé jà , lors de l ’ homologation du rapport
d ’experts qui a eu lieu le 16 juin 1 8 2 8 , le jugement
du
avril
i
8i5
et l ’arrêt d u 22 janvier 1819 avaient
ordonné le prélèvement des frais de partage sur la
masse, et en avaient fait distraction aux avoués de
tous les héritiers de V e y n y ; que par conséquent lors
de l'homologation du rapport d ’experts, au moment
où chacun des héritiers de V e y n y est devenu proprié
taire exclusif des immeubles mis à son l o t , ces im
meubles étaient grevés du prélèvement de ces frais.
Q u ’enfin l ’arrêt d ’ homologa.tion lui-même ordonne
le prélèvement des dépens faits depuis l ’arrêt de 1819,
et en accorde aussi la distraction aux avoués, en même
tems (^ue cet arrêt devient le titre de propriété de
chacun des cohéritiers.
Tels sont les véritables résultats du jugement de
1 8 1 5 , et des deux arrêts rendus par la C o u r. Ils
paraissent fertiles en conséquences.
Le droit des intimés,
pour une
partie de ’ leur
créance, est plus an cien , et pour l ’autre pa rtie, de la
même date que le droit de chacun des héritiers à la
propriété des immeubles échus à son lot.
C e droit
constitue un prélèvement sur la masse tie la succession;
ils peuvent l ’exercer sur tons les biens qui la composent
sans en excepter aucun, tandis que le droit de chacun
des héritiers se trouve restreint aux seuls immeubles
�(
45
)
;
échus à son l o t , et sous la condition de ce prélèvement.
Il suffit donc de savoir que le domaine de Lafont fai
sait partie de la succession , pour reconnaître q u ’il est
grevé de ce prélèvement.
n;
S i , lors de la composition de la masse générale, le
sieur de Teix ne pouvait être tenu de rapporter à ses
cohéritiers que le prix de ce domaine, il n’ en est pas
moins vrai que dans le cas o ù , en défin itiv e, le sieur
de Teix serait reconnu débiteur de ses cohéritiers, le
domaine de La font serait affecté par privilège à la
garantie due à ces cohéritiers, en vertu des articles
2 i o 3 et 2 1 09 du Code civil.
Q u o i q u e la dame de Mariol se présente comme tiersdétenteur , et q u ’en cette qualité elle n ’ait pas été
condamnée au rapport du domaine de L a f o n t ,
elle
n ’en devrait pas, moins comme détenteur, supporter les
effets du privilège des cohéritiers du sieur de T e i x ;
ceux-ci pourraient même obtenir d ’être payés de leurs
créances par l ’attribution des immeubles mis au lot
du sieur de Teix_, et particulièrement du domaine de
Lafont, ju sq u’à concurrence de ce qui leur serait dù.
L a question de rapport soulevée par le sieur Marie
ne pourrait d ’ailleurs s’élever q u ’entre les héritiers
eux-mêmes, et 11e peut être opposée aux sieurs II u g net
et Chirol qui sont créanciers de la succession , et dont
la créance doit être prélevée sur la masse. Le jug e
ment de 1 8 1 5 , les arrêts de 1819 et de 1828 ont été
rendus contradictoirement avec la dame de Mariol;
ces décisions q u ’on ne peut plus attaquer n’ont pas
excepté le domaine de Lafont des effets de ce prélève
�ment , et la dame de Mariol n ’a pas même demandé
q u ’il en fut excepté.
i
Si cette exception avait été admise; s i , comme le
prétend le sieur Marie, le domaine de L afou t avait été
retranché de la masse par les arrêts de la C o u r ,
il
faudrait en décider de même pour les autres imm eu
bles de la succession, parce que tous les cohéritiers du
steur de Teix1 avaient aussi vendu les immeubles k eux
attribués p a r le partage provisoire de 1 7 7 9 , et ces alié
nations étaient antérieures à l ’opération des experts;
et alors tous les immeubles étant retranchés de la masse,
comment et sur quoi s’exercerait le privilège accordé
par les articles 2 i o 3 et 2109?
L e partage de 1 7 7 9 n ’étant que provisoire, les aliéinations faites par les héritiers étaient subordonnées à
la condition que les objets aliénés seraient plus tard
attribués définitivement à ceux qui les avaient vendus -r
il fallait donc un acte émané de la volonté des parties,
ou une décision de la justice q u i vint consolider ces
aliénations. C e t acte, les héritiers ne l ’ont point fait;
ils n ’ont pas été d ’accord sur les demandes nombreuses
q u ’ils avaient respectivement à se faire. L a dame de
Mariol s’est adressée à la justice, elle en a obtenu ce
q u e l l e demandait; on a fait écheoir au lot do chaque
Cohéritier les immeubles par lui ven du s; 011 a donné
aux acquéreurs une sécurité q u ’ ils ne pouvaient obtenir
que d ?un partage définitif; les frais à faire pour y par
venir ont étéavancés d a n s l ’intérêt do tous les héritiers,
et il n ’ y a ni raison, ni équité, ni justice de la part des
créanciers personnels de la dame de M a r i o l , h Contester
�le paiement de ces frais, du coût du rapport d ’experts,
et des arrêts qui ont procuré ce résultat.
Ceci démontre une erreur du sieur Marie, qui sou
tient que son hypothèque est antérieure à la créance
des intimés; la dame de Mariol n ’étant pas propriétaire
irrévocable du domaine
de L a f o n t ,
et n ’ayant pu
l ’aliéner que sous la condition de le faire éeheoir au
lot du sieur de Teix par un partage dé fin itif, la va l i
dité
de
l ’hypothèque q u ’elle avait
donnée
sur et*
domaine au sieur Marie était également su bord on née à
cette condition. Cet te objection doit donc être écartée
par les mêmes motifs; et de plus, il ne faut pas perdre
de vue que les intimés sont créanciers de la succession,
tandis que le sieur Marie n ’est créancier que d ’ un
héritier.ici r>r
L ’appelant
"
* i
commet encore une erre ur,
lorsqu’ il
prétend que les sieurs Muguet et Chirol n’auraient pu
poursuivie le paiement de leur créance sur le domaine
de Lafon t contre la dame de Mariol qui en était le
tiers-détenteur. Il serait facile de démontrer que la
dame de Mariol doit personnellement une partie dé ces
frais, mais il suffit de répondre que les intimés pour
vaient exercer contr’elle
une
action
hypothécaire,
comme possédant un immeuble dépendant de la suc*
cession, et par conséquent affecté au privilège q u ’ is
ont sur tous les biens de la succession. ( C o d e c i v i l ,
art. 216 6 et 2 1 6 9 ) .
C ett e action était d ’ailleurs accordée dans l'ancien
droit au cohéritier contre les tièrs-délenlcurs d'h éri
tages de la succession, vendus par Son cohéritier, et cela
�(4
8 )
évidemment par suite de la garantie en matiere de
partage. ( V o i r le Traité des hypothèques de Basnage,
page 68 ). >
Enfin l ’époque à laquelle ont été réglés ou taxés
les dépens q ui sont dus aux intimés est fort indifférente.
Ils étaient dus lors des arrêts de 1819 et 1828, q u i en
ont accordé la distraction. L ’exécutoire n ’était que le
complément de cette distraction, ou si l ’on veut le
moyen d ’en profiter. Peu importe que les frais n’aient
été taxés q u ’après l ’ouverture de l ’ordre; cette forma
lité n’était nécessaire que pour en fixer le quantiun ;
mais la créance n ’existait pas moins auparavant.
Il reste à examiner le moyen de prescription opposé
par le sieur Marie.
A p rès ce q u ’on a dit sur les questions principales
qui s’élèvent dans cette cause, on ne conçoit pas que
le sieur Marie puisse compter bien sérieusement sur
ce dernier m oye n.
Toutefois il faut l ’examiner sous le rapport de la
propriété , et sous le rapport du privilège hypothécaire.
Q u a n t à la propriété, l ’adversaire dit pour la dame
de Mariol q u ’elle a acquis eu 1784 , et que depuis
cette époque elle a possédé sans trouble de la part des
créanciers de la succession, ni des héritiers; q u e l l e a
é té appelée au partage non comme tiers-détenteur,
mais comme cohéritière, et que jamais 011 ne lui a
demandé le rapport de ce domaine; q u ’au contraire
les arrêts rendus entre les héritiers de V e y n y ont
condaumc le sieur de Theix «i faire ce rapport par
fiction valeur do 1 7 8 5 ; que ces arrêts ont consacré la
�(
vente
faite
à la
dame
49
)
de Mari ol, et
respecté sa
possession, et q u ’ils n ’ont pas interrompu une pres
cription de plus de
1^6
ans qui a couru depuis son
acquisition. L e sieur Marie rappelle ensuite des prin
cipes q u i
évidemment ne peuvent s’appliquer aux
circonstances de la cause.
L ' o n conçoit q u ’ un acquéreur ordinaire, un tiers
étranger à la succession eût pu prescrire la propriété
d ’ un héritage que lui aurait vendu l ’ un des héritiers,
quoique
cet héritier
lui-même
eût
été
plus
tard
assigné en partage, et que la demande en rapport eût
été dirigée contre lui. Mais dans l ’espèce le fait est
bien différent.
L a dame de Mariol, qui avait figuré dans le partage
de 1 7 7 9 , savait fort bien que ce partage n ’étant que
provisoire, ceux des héritiers q u i possédaient en vertu
de ce partage quelques biens de la succession, ne les
possédaient pas exclusivement pou r e u x , mais bien
pour tous les
héritiers; que par conséquent ils ne
pouvaient pas prescrire les uns contre les autres.
E lle a acquis en 1784» mais q u ’a t-elle acquis? un
domaine q u ’elle savait ne pas appartenir k son vendeur
q ui n ’avait h. y prétendre q u ’une portion légitimaire,
dans lequel chacun de ses cohéritiers amendait aussi une
portion, parce que tous avaient, relativement à la chose
indivise, pars in toto et in qua libet parte. La dame de
Mariol el le-m ême, en sa qualité de cohéritière, était
propriétaire en partie de ce domaine; et sous ce rapport
elle avait acheté sciemment
pouvait donc
être
sa propre chose. Elle
considérée comme
possédant co
�( 5° )
domaine autant en sa qualité d ’héritière et de pro
priétaire d ’ une partie, q u ’en cette qualité d ’acquéreur.
D ’une autre p a r t , on comprendrait que si la dame
de Mariol avait été appelée au partage, et en sa qualité
d ’ héritière seulement, elle pourrait paraître fondée
à
faire cette
distinction
entre
ses
deux
qualités
d ’héritière et d ’acquéreur. Mais il n ’en est pas ainsi.
E l l e n ’a poi nt été appelée au pa rtag e, c’est elle au
contraire q ui l ’a provoqué contre ses cohéritiers, un
an après son acquisition, et par exploit du 9 décembre
1785. Il est même à remarquer q u ’elle a formé sa
demande conjointement avec le sieur de Theix sou
ve nd eur, la dame Dussauvage et le sieur d ’Arbouse.
Tous les quatre ont
conclu à ce que chacune des
parties fut ‘tenue de rapporter à ce partage tout ce
q u ’e lle pouvait détenir des biens de la succession , de
même que les aliénations q u ’elle pouvait avoir faites.
C et te demande en rapport n ’a pas été restreinte à ce
que chacun pouvait détenir en sa qualité d ’héritier;
les expressions de la demande s’appliquent tout aussi
bien à ce qui pouvait être possédé à un autre t i t r e , et
spécialement en vertu d ’ une acquisition. L a
seule
condition de la demande était dans l ’intention des
demandeurs,
que
l ’objet
détenu
fit
partie
de la
succession.
Ces
quatre
héritiers demandeurs
ne
pouvaient
ignorer la vente faite par le sieur de Theix Si la dame
de
Mariol;
s’élaient
et
puisque le
réunis h. deux
demander eux-même un
de
vendeur
leurs
et
l'acquéreur
cohéritiers pour
nouveau partage, la com-
�(
5,
)
-
position d'une masse générale, et la restitution des
jouissances perçues par chacun des cohéritiers,
ils
n ’ont pu vouloir q u ’au moment même où ils réunis
saient leurs efforts pour obtenir tout cela, l ’ un d ’entre
eux pû t prescrire, contre les trois autres et pour son
compte particulier, la propriété exclusive de l ’ un des
héritages dont ils demandaient tous le rapport par
des conclusions aussi
générales.
Ev id em men t
telle
n ’était pas l ’intention de la dame de Mariol et du
sieur
de T e i x /, mais encore moins celle des deux autres
•
demandeurs en partage, la dame Dussauvage et le sieur
d 'A rb o u ze qui ayant eux-mêmes leur portion respec
tive dans le domaine de L a f o n t , ne pouvaient vouloir
que ce domaine fût retranché de l a 's u c c e s s io n , qui
n'auraient pas négligé de faire des actes interruptifs
de la possession toute récente de la dame de Ma riol ,
si leur demande commune n ’avait pas été suffisante
pour produire cette i n t e r r u p t i o n
Si cette demande a eu pour effet immédiat d ’anéantir
le partage provisoire de 1779» et de remettre toutes
choses au même état que lors de l ’ouverture de la
succession, les héritiers qui s’ étaient réunis k la dame
de Mariol ,
n’étaient
pour
donc
pas
former
la
obligés ,
demande
non
en
partage
plus que
leurs
cohéritiers défenefeurs, de former contre la dame de
Mariol une demande en rapport du domaine de La font
q u ’elle possédait; parce q u e , demandant elle-même le
rapport de tout ce q ui était possédé par chacun , elle
établissait une règle commune à tous les héritiers;
elle n ’exceptait pas du rapport le domaine de L a f o n t ;
�(
5a
)
demandant le partage de toute la succession et la
composition d ’ une masse sur laquelle se prendrait sa
portion légitimaire,
le domaine
de L afon t devait
nécessairement figurer dans cette masse. Demandant
le rapport de tous les immeubles aliénés, elle con
sentait évidemment à rapporter ceux q u ’elle avait
acquis du sieur de T e i x , et cette demande faite par la
dame Dussauvage et le sieur d ’A r bou se, demandeurs
avec elle, était aussi bien dirigée contre elle que contre
leurs cohéritiers défendeurs.
1
A u surplus les cohéritiers défendeurs ont pris les
mêmes conclusions que la dame de M a rio l, et comme
elle ils ont demandé le rapport des immeubles vendus
par chacun des héritiers. L a dame de Mariol est allée
plus loin , elle a conclu , lors du jugement de i 8 i 5 , à
être payée en immeubles, des restitutions de jouissan
ces, et autres valeurs mobilières qui pourraient lui
être dues en définit^e.
Elle
ne voulait
donc pas
renoncer au privilège que lui accordait la loi, ni que
l ’on pu t prescrire à son préjudice les immeubles q u i
étaient affectés à la garantie du partage-,
comment
donc aurait-elle pu prescrire elle-même, en faisant
pour
elle seule,
une règle différente, contraire à
l ’égalité q ui doit régner dans les partages?
La dame de Mariol n ’aurait pu*prescrire q u ’avec
titre et bonne fo i, et elle n’aurait pas rempli cette
dernière co nd itio n, sachant b i e n , lors de son a cq u i
sition, que le domaine de L a f o n t n ’appartenait pas
exclusivement a son vend eur, et q u ’ il dépendait d ’ une
succession encore indivise dont elle connaissait tous
�(
53
)
les héritiers, étant cohéritière elle-même. E l l e n ’aurait
donc rigoureusement prescrit que la portion de son
vendeur. C e cas semble avoir été prévu par la loi
§
I er,
45
ff pro em p to, qui s’en explique ainsi :
« S i is q u i totum fu n clu m em ebat 3 pro indiviso
partem aliquam alienam esse scit, eam enim d u n ta x a t
non ca p iet, cceterarum partium non im pedietur longd
possessione cap io. »
L a dame de Mariol n ’a donc pas prescrit la pro
priété du domaine de Lafont.
E lle a encore moins prescrit le privilège hypothécaire
que chacun des cohéritiers peut avoir sur ce domaine
en vertu des articles 2 i o 3 et 2109 du code c i v il , et
le sieur Marie n’a point envisagé la question sous ce
rapport.
Basnage nous a p p r e n d , page 6 8 , que la garantie
résultant du
partage étant due e x naturd r e i, le
cohéritier a une hypothèque
tacite contre le tiers-
détenteur sur les immeubles vendus par son cohéritier,
parce que autrement cette garantie deviendrait inutile,
l ’action personnelle étant suffisante contre le cohéritier ;
« E t m êm e ,
ajoute cet
« fort le cohéritier, que
a u t e u r , nous favorisons si
suivant
la
jurisprudence
« certaine des arrêts, il n’est pas tenu de prendre la
« voie hypot hécaire, et il peut se faire envoyer en
« possession d ’un fonds pour se récompenser à propor« tion des sommes q u ’il a payées pour son cohéritier, <*
Dans le droit ancien, les tiers-détenteurs q u i avaient
acquis d ’ un héritier les biens échus à son l o t , ne
pouvaient prescrire, celte h y p o t h è q u e
résultant du
�( 54 )
partage , que par dix ans entre présens, et vingt ans
entre absens à compter du jour de cette acquisition;
mais pour interrompre cette prescription les cohéritiers
pouvaient
actionner
les
tiers - détenteurs
et
faire
déclarer les héritages par eux acq ui s, hypothéqués à
toutes les obligations résultantes du partage, quand
même
les
jetions
résultantes
de
ces
obligations
n’auraient pas encore été ouvertes. C ’est ce q u ’enseigne
Poth ie r, traité des successions, chapitre
4 > section 4 *
Si maintenant on consulte les lois rendues sur le
régime hypothécaire, on verra que, sousl’édit de 1 77 i ,
sous la loi de brumaire an 7 , comme sous le Code
c i v i l , l ’acquéreur a dû rendre public son contrat
d ’acquisition, et remplir les formalités prescrites pour
purger les hypothèques.
Sous l ’édit de 17 7 1 il devait obtenir des lettres de
ratification,
et
la dame
de Mariol
qui a
acheté
en 1784 n ’en a point obtenu*
L a loi de brumaire an 7 , qui d ’ailleurs exigeait la
transcription du titre translatif de propriété, ainsi que
la notification aux créanciers inscrits, voulait dans
son article 44 q 110 l es possesseurs d ’ immeubles q ui
n ’auraient pas encore accompli toutes les formalités
prescrites par les lois et usages antérieurs pour con
solider leurs propriétés et en purger les charges et
hypothèques ,
fussent
tenus
d ’y
suppléer
par
la
transciiption de l ’acte de mutation.
L e Code ci vil , q u i exige aussi la transcription et la
notification du contrat de vente aux créanciers inscrits,
contient une disposition particulière relativement à la
�(•55
prescription
)
des privilèges et hypothèques dans le
paragraphe 4 de l ’article 21 80 , qui porte que dans le
cas où
la
prescription suppose un
titre,
elle ne
commence à courir au profit du tiers-détenteur que
du jour où ce titre a été transcrit sur les registres du
conservateur.
Sous la loi de brumaire et depnis le Code c i v i l , la
dame de Mariol n ’a pas plus fait transcrire son contrat
d ’acquisition, que sous l ’édit de 1 771
obtenu
des lettres de
ratification.
Elle
elle n'avait
n ’a
donc
jamais purgé les hypothèques dont se trouvait grevé le
domaine de L a f o n t , ni sur-tout le privilège résultant
du -p arta ge en, faveur des cohéritiers, privilège q u i
devait nécessairement durer autant que l ’action en
partage elle-même.
On conçoit en effet, que si le contrat d ’acquisition
de la dame de Mariol avait été rendu p u b l i c , con
formément aux
formalités
ds l ’édit
de
1771,
les
cohéritiers du sieur de Teix son vendeur n ’auraient
pas négligé de former opposition au sceau des lettres
de ratification, pour conserver tous leurs droits sur
la propriété vendue.
La
dame
de Mariol n ’a pas
cru
devoir
purger
les hypothèques parce que sans doute elle prévoyait
cette opposition de la part de ses cohéritiers, ou bien
plutôt
parce
que
son acquisition
ne pouvant
se
soutenir q u ’autant que l ’objet acquis serait mis par
un partage définitif au lot de son vendeur, elle désirait
obtenir ce partage q u ’elle provoqua presque immé
diatement; mais il faut en conclure que sous aucun
�(5 6 ')
rapport elle n ’a prescrit contre ses cohéritiers, ni la
propriété du domaine de Lafont , ni les c h a r g e s ,
privilèges et hypothèques dont ce domaine pouvait
être grevé par suite du partage; et il faut rendre cette
justice à la dame de Ma riol , q u ’elle n ’a pas personnel
lement élevé cette prétention.
Les intimés ont répondu aux divers moyens proposés
par le sieur Marie; ils ont la conscience que la C o u r
ne commettra point une erreur en confirmant les dis
positions du jugement dont est appel. L a nature de
leur créance, la justice et l ’équité de leur réclamation,
l ’examen des principes qui doivent s’appliquer à la
contestation,
doivent leur inspirer la plus entière
sécurité sur le résultat d ’ un procès q u ’ils n ’ont pu
prévenir.
H U G U E T , ancien A v o u é .
C H IR O L , A voué.
J. J. C H I R O L , A v o c a t.
RIOM , IMPRIMERIE DE SALLES FILS, PRES LE PALAIS DE JUSTICE,
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Vi^ci?/6 «?u^Uyu?^
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Huguet. 1833 ?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Huguet
Chirol
J. J.Chirol
de Vissac
Subject
The topic of the resource
créances
créanciers privilégiés
partage
ventes
successions
experts
collocation
émigrés
pays de droit coutumier
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponse pour les sieurs Huguet, ancien avoué, et Chirol, avoué à la Cour royal de Riom, intimé ; contre le sieur Marie, avoué à la même Cour, appelant. [suivi de ] Consultation manuscrite
Table Godemel : Privilège : 4. les avoués qui ont avancé les frais faits pour arriver au partage judiciaire d’une succession, entre les cohéritiers, et qui en ont obtenu la distraction, ont un privilège, pour cette créance, qui est une charge de la succession, sur tous les immeubles soumis au partage, aux termes des articles 873, 2101 et 2104 du code civil.
Mais s’il a été ordonné pour les jugemens ou arrêts, que les frais ne seraient prélevés que lors du partage, et qu’un ordre s’ouvre, dans l’intervale, sur le prix d’un immeuble provenant de la succession, vendu par un seul des héritiers, tiers-détenteur, alors il y a lieu de renvoyer l’éxercice du privilège des avoués sur le prix de cet immeuble, à la liquidation et au partage définitif de la succession, parce que l’immeuble dont le prix est en distribution ne peut être tenu exclusivement du paiement de ces frais, qui est une charge de la masse entière. en ce cas il y a lieu à n’autoriser les créanciers postérieurs aux avoués à toucher le montant de leur collocation qu’à la charge, pour eux, de donner caution jusqu’à concurrence de la créance des avoués en capital, intérêts et frais, et, en outre, d’une somme (déterminée par les juges) et suffisante pour garantie, à qui de droit, le remboursement des frais restant à faire pour arriver à la consommation du partage.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie De Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1833
1767-1832
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
56 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2711
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2710
BCU_Factums_G2712
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53548/BCU_Factums_G2711.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Vensat (63446)
Lafont (domaine de)
Lacombe (domaine de)
Chancel (domaine du)
Villemont (château de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
collocation
Créances
créanciers privilégiés
émigrés
experts
partage
pays de droit coutumier
Successions
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53566/BCU_Factums_G2810.pdf
d4556047427034d074e333ba23f108ce
PDF Text
Text
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COUR ROYALE
MÉMOIRE
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X t*
4 ” ' CHAMBRE.
POUR
'X'uP.''
iïjfr '
DE R IO M .
L es sieurs M A R T I N , Médecin ; M A R T I N , Greffier du
J u g e de paix-, M O N E S T I E R , U S S E L , R E Y N A U D ,
M- BONJOUR.
M A U G U E - C H A M P F L O U R , et autres Propriétaires
de T a l l e n d e , d e M o n t o n , de S a i n t - A m a n d , appelans
d ’ u n Jugement rendu par le T r i b u n a l de C l e r m o n t ;
CONTRE
Dame
J u stin e
USSEL
et
le
sieur V
in cen t
M* JOHANNEL.
C H A N D E Z O N 3 son mari, Adjoint de la com
mune de Tallende, y habitant, intimés
EN PRÉSENCE
De la dame D U V E R N I N , veuve C I S T E R N E S , en son
nom et comme tutr ice de
de dam e
H élèn e
C h arles
CISTERN ES,
V A R E N N E S , son m a r i ,
M* SAVARIN,
CISTERNES;
et du sieur de
assignes en assistance de
c a u s e , et aussi intimés;
EN PRÉSENCE
De la dame M O N E S T I E R
son m a r i ,
et d u sieur C R E U Z E T
D ’É tie n ne B O H A T - L A M I , A ntoine B O H A T - T IX IE R ,
L a u ernt T I X I E R , H u g u e s B O H A T , d i t l e G r e
n a d ier
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c hirol
MeTAILHAND.
�( 2 )
M* D EBORD .
E t de
F
rançois
^
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B A L L E T - B E L O S T E -,
To us aussi assignés en cause, et intimés;
E N P R É S E N C E ENFIN
M9 Y E Y S S E T .
D u sieur
f.s
Nicolas
B A R B A R I N , également appelant.
discussions re la tives à l ’irrig atio n de vastes p ra iries sont
l ’objet d e la cause actuelle.
O11 sait qu’à la différence dessourecs qui naissant dans une pro
priété privée en sont l’accessoire , et dont le propriétaire peut
disposer à son gré tant que lescaux restent dans son héritage, les
cours d’eau plus considérables , tels que les ruisseaux , ne sont la
propriété de personne particulièrement ; que seulement les ri
verains ou ceux dont les cours d’eau traversent les fonds peuvent
en user à leur passage ; mais que cet usage est soumis à des règles,
à des modifications , à des conditions établies dans l’intérêt de tous
les propriétaires riverains.
Il est juste,
en effet,
que tous ceux qui sont exposés aux
ravages des eau x, aux inondations qui sillonnant leur sol
en
enlèvent la terre végétale pour le couvrir de gravier et quel
quefois de rochers, à toutes les dégradations que ne produit que
trop souvent le dangereux voisinage des rivières cl des ruisseaux ,
il est juste que tous ceux que ces désastres affligent jouissent au
nioiusde quelques avantages; que les eaux, si fréquemment nuisibles,
leur servent aussi pour féconder leur terrain, pour l’améliorer,
pour les indemniser des pertes qu’ils éprouvent journellement.
La loi devait doue, dans sa sollicitude égale pour tous les inté
rêts, veiller à une sage distribution des eaux utiles tomme dange
reuses à t o u s , et ne pas permettre qu’un seul, parce qu’il possède-
��IN " orci
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rait une propriété supérieure, s'en emparât sans mesure et les
détournât complètement de leur cours lorsqu’il n’aurait pas à en
redouter les ravages , pour les rejeter sur les propriétés inférieures,
lorsqu’elles pourraient lui nuire.
Telle est pourtant la prétention des époux Cliandczon.
Un ruisseau appelé la Monnc, qui, découlant des montagnes,
traverse les territoires de Saint-Amand, de Tallende et de Monton, a
servi, de tems immémorial, dans le seul territoire de Tallende, à
l’arrosement d’environ cent trente mille toises des plus précieuses
prairies , presque toutes formant des vergers brillans de végétation
et de riches fruits.
Le sieur et la dame Cliandczon, qui ne sont propriétaires que
d’environ huit mille toises de terre , dont une faible partie seule
ment est riveraine du cours d’e a u , veulent détourner à leur gré
toutes les eaux , ne pas mèine les rendre à leur cours ordinaire
après en avoir u s é , et priver ainsi une foule de propriétaires infé
rieurs des bienfaits d’une irrigation dont ils avaient toujours joui.
Et ce qu’il y a de remarquable, ce n’est pas sur leur propriété
meme que les époux Cliandczon prennent les eaux qu’ils détour
nent ; c’est sur une propriété voisine qu’ils vont la chercher, et
que, par abus ou par tolérance, plaçant d’année en année, dans une
position plus élevée et plus éloignée de leur propre terrain, des
obstacles au cours naturel, au cours ordinaire des eaux , ils les
dirigent toutes dans leur héritage ; si cc n’est dans les instans de
danger, où le ruisseau, devenu un torrent dévastateur, est rejeté
dans son lit pour couvrir et dégrader toutes les prairies inférieures,
c est a - d iie , toutes les propriétés des appelans , comme l’année
présente en a fourni les plus déplorables exemples.
C est contre cet abus qu’aucune l o i , qu’aucun principe n’autorise,
que les appelans vicnnem réclamer devant la Cour. Le jugement
qu ils attaquent n a etc que le triste fruit d ’une préoccupation et
d’une erreur non seulement sur lc droit mais encore sur le fait j
c,*r la position des parties, la localité, la nature même de la de
mande, en un mot l'objet du procès paraissent avoir etc absolument
méconnus par les premiers juges.
�( 4 )
FAITS.
Les propriétés des parties sont situées dans le territoire de T a llende, entre deux ruisseaux, l’un appelé la Monne, dont le lit, placé
au midi et dans une partie plus élevée du territoire , sert à arroser
ces propriétés ; l’autre, appelé la V e yre , au nord du prem ier, et1
q u i, coulant dans un terrain plus bas , ne peut les féconder.
Un plan des lieux, annexé au mémoire , rendra plus facile l’in
telligence de la localité. On peut y voir les lits des deux cours
d’e a u , dont la pente est de l’otiest à l’est.
L e lit de la Monne, qui est celui dont nous avons principalement
à nous occuper, est tracé sur ce plan depuis les héritages du sieur
Bouchard, qui y sont indiqués par la lettre A , à l’o uest, jusqu’à
l’extrémité des propriétés des appelans, qui se terminent à l’est vers
deux points marqués par les grandes lettres Z Z.
L e sieur Bouchard possède à l’ouest, vers le point A , et sur les
deux rives de la Monne , les premiers héritages désignés sur le
plnu. Celui qui est bordé par la rive gauche de la rivière est le seul
qui puisse être arrosé à l’aide d’une prise d’eau placée sur cette
même rive plus à l’ouest. Mais les eaux peu abondantes employée*
à cette irrigation retombent dans le lit du ruisseau à la sortie de
l’héritage même.
La propriété Bouchard, sur la rive gauche, s’arrête au point B r
où commence la propriété des époux Chandczon.
Sur la rive droite , la propriété Bou< liai d s’étend plus à l’est. Elle
va jusqu’au n° 70, qui indique des vignes et broussailles appartenant
aux époux Chandczon. Ceux-ci ne possèdent que ce seul héritage
sur la rive droite de la rivière; il est bordé par le lit dans une lon
gueur de
85 mètres ou
/p toises environ ; il est élevé de plus do
30 pieds au-dessus «lu lit; et par conséquent, cet héritage* pas plus
que les héritages voisins sur la même riv e , qui sont Ions à uno
très-grande élévation , ne peut a u c u n e m e n t profiter des eaux du
ruisseau.
Les é p o u x Chande7.on possèdent, sur la rive gauche, une vigne,
�( 5 )
une terre, une noyéree ou saussaie, et des butimens marques au plaa
par les n°» G7, 68, 69 (1). Ces objets ne peuvent être arrosés ; leur
position et l’élévation du terrain ne le permettent pas.
Les époux Chandezon possèdent aussi le pré n° GG du plan : c’est'
le fonds qu’ils font arroser. Il est borné à l’ouest par leur vigne et
leur noyérée , au nord par un chemin public, à l’est par un autre
chemin public , au midi par un pré des héritiers Cisternes, n° 72
du plan , et dans une très-petite partie, c’esi-à-dirc dans une lon
gueur seulement d’environ G6 toises, p a rle ruisseau de la Monnc.
C ’est sur cette longueur seulement que touche au ruisseau ce préverger Chandezon , dont la superficie entière, y compris le n° 75
qui a été acheté d’un nommé Ballet, est de 8712 toises; et c’est
pour ce pré qu’on voudrait absorber la totalité des eaux de la Monnc.
Toutes les propriétés Chandezon ne sont bordées par la rivière,
sur la rive gauche , que dans une longueur d’environ 120 toises, et
sur la rive droite, dans celle d’environ 4 3 toises. jN o u s avons déjà
dit que cette dernière rive est très-élevée, et qu’elle est presque à
pic du lit de la rivière.
Quatre prises d’eau sont sur ce lit.
L a première, dans le pré Bouchard, en avant du point B par le
quel les eaux s’introduisent dans la propriété Chandezon, à l’aide
d’un canal qui les conduit au n° 66: L ’entrée du canal sur la pro
priété Chandezon est fixée par un agage en maçonnerie que l’on
»Ucrcepte quand 011 le veut à l’aide d’une vanne.
• A côté, et vers le même point B, mais un peu plus haut, parallèle
ment au lit de la rivière, est établi un déversoir, aussi bâti en ma*
Sonnerie sur une longueur de trois mètres seulement, et ou est placé
0rdinaircmcnl une vanne qu’on lève quand on veut rejeter l’eau
dans la rivière.
C ’est vers ce point que se trouve la prise d’eau des époux Chande
zon. Ils n’ont pas d’ailleurs de barrage fixe sur la rivière; ils 011
clèvent un en pierres mobiles, qu’ils établissent, non pcrpcndiculaire-
( 0 C»» numéro» »ont cciit il« Cartailre, «i le» me»ure» ou contenance* que Pou ¡uJiqucr.i
d*n» le rocuioire »cronl tircct du Ca.lajli« m im e .
�(6 )
ment aux deux vives mais diagonalcmcnt le long de la propriété
llotieliard. Ce barrage mobile ils l’onl prolongé en amont depuis
quelques années, et toujours do plus en plus, de manière à diriger
vers le point B dans leur canal la totalité de l’eau do la Monpe,
sur-tout lorsqu’elle n’est pas très-abondante.
Telle est la première prise d’eau faite sur la rivière. Elle ne sert
et ne peut servir qu’aux époux Chandeïion.
Lne seconde prise d’eau a lieu au point Q , en tête du pré u* 72.,
appartenant à madame Cisternes. Elle sert à arroser ce pré , et est
destinée aussi, à l’aide d’une rase ou canal qui traverse le chemin
entre les points J K , à arroser les prés n°* 320 et 32 î appartenant
53f),
U la dame Cisternes, ainsi que les autres prés marqués parles n0l
.340 jusques et compris le n°
aux appelans.
Les
555-, héritages divers qui appartiennent
prairies auxquelles cette prise d’eau devrait servir sont
d’une surface de 28,904 toises. Mais l’eau n’arçive aux derniers
héritages que lorsque les prés des héritiers Cisternes ont suffisam
ment bu; et ceux-ci eux-mêmes ne reçoivent d’eau que ce que leur
laissent parvenir les époux Chandezon, qui o n t, dit-on,-quelques
arrangemens secrets avec la dame Cisternes et avec les autres intimés.
La troisième prise d'eau se fait au point R , toujours sur la rive
48 5
gauche de la Monne. E lle est destinée à l’irrigation de
,o o toises
de prairies , divisées-entre les appelans , et désignées sur le plan
par les lettres T T .T .
La quatrième prise d’eau est pincée ou point U , sur la rive
droite de la Monne ; elle a aussi pour objet l’arrosement d’une
vaste prairie , contenant, dans le seul terroir de Tallende , 58,074
toises, et divisée entre un grand nombre des appelans.
Ces deux dernières prises d’eau sont devenues presque inutiles
quelque tcnis avant le procès, pur suite des injustes entreprises
du sieur Chandezon sur le cours d’eau, dans la partie supérieure.
Toutes ces prairies inférieures, dont la superficie totale est de
5 5
i a o , G toises, existent depuis tin teins immémorial; elles ont tou
jours usé des eaux de la Monne pour leur irrigation; élites sont gar
nies d’arbres cl forment de beaux, de fertiles vergers, qui produisent
�(
1
)
ccs excellens fruits que recherchent, dans ce canton sur-tout, les
marchands parisiens attires par l’excellente qualité des pommes qui
y mûrissent.
Ces avantages seraient perdus pour les appelans si le jugement
dont est appel était confirmé. Leurs prairies se dessécheraient ; les
arbres qui les garnissent périraient, et leurs intérêts, comme ceux de
l’agriculture, éprouveraient un immense dommage, pour satisfaire
à l’ambition et aux arbitraires volontés des époux Chandczon.
Long-tems ceux-ci, ou plutôt le sieur Ussel leur auteur, s’étaient
rendu justice; ils ne prenaient l’eau que rarement et pendant un
tems très-court, en tête de leur propriété, vers le point B, ou audessus à peu de distance. E t alors même ils n’en détournaient qu’une
faible partie; ils en laissaient arriver la plus grande quantité aux
prairies inférieures, en sorte qu’il s’operaitfacilementune distribution,
sinon régulière, au moins assez équitable pour que personne n’eût
été autorisé à se plaindre ; et si cette modération eut continue
d’être le mobile de tous, il aurait été inutile de recourir à la justice
des tribunaux.
Cependant, comme les eaux de la Monnc n’étaient pas toujours
assez abondantes, on cherrha, en l’an 9, à augmenter les ressources
qu’elles offraient en tâchant d’y réunir d’autres eaux ; savoir celles
qui servaient au routoir d’un sieur Monestier, ou qui découlaient
petites sources surgissant d.ins le voisinage.
Ce routoir est situé au nord de l’enclos du sieur Chandczon , audelà du chemin. Il est iudiquésur leplau parla lettre D. Les sources
sont à côté.
On se proposa de recueillir les eaux sortant du routoir et des
sources, dans une rase qui devait les conduire au point E du plan ,
°ù elles devaient s’introduire dans un canal découvert mais cons
truit en maçonnerie, et suivre la ligne courbe E F G II l J K. Vers
deux derniers points elles devaient se réunir au canal trans
versal existant depuis long-tems pour l’usage de la prise d’eau Q K.
Ce premier canal, s’il avait pu remplir le but propose, aurait
aussi recueilli et rend.i à leurs cours ordinaire les eaux de la
Momie, qui se scruicnt écoulées de l’onclos Chandczon, pour l’irri-
�( 8 )
galion duquel elles étaient détournées dans sa partie supérieure. Ce
canal offrait donc d’assez grands avantages à tous les propriétaires
de prairies. Aussi le projet sourit-il beaucoup au sieur Ussel, alors
propriétaire de l’cnclos Cliandezon, soil parce qu!il assainissait le
bas de son héritage, soit parce que celte nouvelle ressource
d’irrigation obtenue pour les propriétés inférieures lui faisait
espérer pouvoir retenir lui-même à son agage supérieur une plus
grande quantité d’eau ou la conserver plus long-tems pour l’arrosement de son enclos.
L e projet fut donc exécuté , sans néamoins aucune modification
des droits des parties à l’usage des eaux de la ¡\Ionnc. Un arrêté de
l’administration municipale , homologué par le préfet , autorisa à
creuser ce canal le long du chemin public qui borde , à l’est,
l’enclos Ussel, aujourd’hui l’enclos Chandezon ; le canal fut construit
en maçonnerie, et M. Ussel contribua pour cent francs aux frais do
celte construction.
Mais on ne tarda pas à reconnaître l’inutilité du canal, et l’im
possibilité de faire arriver au point K les eaux que l’on y réunissait.
En effet , si des points D , E et F l’eau arrivait facilement au
point G qui est le plus bas, il n’en était pas de même pour la faire par
1
venir au point K le long du chemin , en suivant la ligne I I J. Le
55
point K distant du point G de 1
mètres, au lieu d'être plus bas
a une sur-élévation de a mètres 76 centimètres (plus dehuit pieds);
en sorte qu'il aurait fallu un canal très-profond dans une grande
partie de sa longueur , bien cimenté pour que l’eau ne s'échappât
pas par infiltration dans le chemin 011 dans le pré Chandezon, et
qui fût revêtu de murs latéraux et saillans , pour empêcher l'en
combrement que produirait la circulation des voilures.
Ces difiicultés et d’autres obstacles que la localité présente ont
rendu tout-à-fait insignifiant ce canal, dont le lit fut bientôt couvert
de vase qui s’opposait encore au cours de l’eau. Dès l’origine même
de sa création, l’eau refoulée se pratiqua, sur le chemin qui longe
le canal à l’est, différentes issues par où elle s’échappe pour aller se
jeter au-delà , dans la V e j r c , ruisseau dont le lit est moins élevé.
J'.n 1823 , le sieur lleynaud, desservant à Tallendc et propjié-t
�( 9 )
taire de deux prés considérables de ce canton, voulut faire récurer
et réparer le canal dans l’espoir de l’utiliser ; mais il ne put y
réussir et ne fut pas dédommagé de ses dépenses.
Ce fut alors aussi que, dans l’espoir du succès dans l’usage du
canal,
le sieur Ileynaud essaya d’établir un règlement pour
l’irrigation des prés inférieurs ; il en fît faire un projet par le sieur
Chouvy, expert. Mais ce règlement n’a jamais été adopté , ni même
connu par les autres propriétaires , et le sieur Reynaud a dû
seul en payer les frais.
On prétend que ce projet de règlement avait été confié à
M. Chandezon, comme adjoint de Tallende , et que celui-ci a
«
refusé de le restituer.
Cependant, avant comme depuis la construction et l'essai du
canal, toutes les prairies avaient continué de proGtcr de l’eau
de la Monne, et de recevoir, suivant l’étendue de chaque portion,
l’eau à laquelle elle avait droit. Le sieur Ussel, beau-père du sieur
Chandezon , la détournait rarement, et en petite quantité seulement 5
et lorsqu’il la retenait trop long-tems ou en trop grande quantité ,
‘•>n se transportait vers le barrage mobile qu’il établissait momenta
nément dans le lit de la rivière le long de la propriété Bouchard ;
°n déplaçait les pierres , 011 faisait disparaître le barrage , et l’on
rendait l’eau à son cours naturel pour l’arrosement des prés infé
rieurs,.
C ’est ainsi que cela s’est pratiqué jusqu’en i
85 a. Néanmoins on
■ne doit pas dissimuler qu’à défaut dé règlement d’eau, il y avait
nécessairement de l’arbitraire dans cet usage des eau^ ; car chacun
s*en emparait plus 011 moins fréquemment, suivant sa vigilance , scs
tentatives et le degré d’insouciance ou de résistance des autres pro
priétaires. O11 11c doit pas dissimuler aussi qu’à défaut de règles fixes
et positives qui déterminassent l’exercice des droits de chacun àl irri
gation, il s’élevait souvent des querelles assez sérieuses, parce que.
•»oins la rivière était abondante et plus les besoins paraissaient
pressans , plus c h a c u n faisait d’efi’orls pour s’approprier l’eau et
arroser sa propriété particulière.
Ces discussions, ces querelles furent portées fort loin , sur-tout
2
�on 1832, année de sécheresse où M. Cliandezon , qui jouissait de
l’cnclos de son beau-père ou qui l’administrait, augmenta scs pré
tentions, fit continuer beaucoup plus haut, en amont dans le lit de
la riv iè re , un barrage mobile , placé au-dessus de la ligne de ses
propriétés, et prolongea ce barrage jusqu’à atteindre la hauteur de
/(7 mètres ou i!\ toises environ le long d’une propriété étrangère,
celle du sieur Bouchard.
Cette œuvre était illégale; car si le propriétaire riverain est au
torisé par la loi à u se r. à leur passage, des eaux qui baignent les
bords de sa propriété, il n’a le droit de les prendre que devant son
héritage même; il n’a pas le droit d’aller les chercher devant une
propriété supérieure appartenant à autrui et de les conduire ainsi
à la sienne par une espèce de canal établi sur un terrain étranger;
et lors même que le propriétaire supérieur tolérerait cette voie de
fait, ce propriétaire supérieur ne peut avoircelte tolérance, ni celui
qui l’obtient en user au préjudice des propriétés inférieures qui
bordent le lit de la rivière. L ’eau doit en effet profiter en totalité
aux propriétaires inférieurs si le premier propriétaire ne peut luimême s’en servir à cause de la position de son héritage. C ’est ce
que nous prouverons plus tard.
Celte œuvre illégale, dans un moment où la rarclé des eaux ren
dait la sécheresse mortelle pour la végétation, cette œuvre hasardée
excita des querelles pîus violentes que jamais sur le point même où
elle se pratiquait; le barrage fut détruit plusieurs fois, plusieurs fois
rétabli pour être détruit de nouveau; et cela sans beaucoup d’eflbits
puisqu’il n’y avait qu’une simple rangée de pierres à écarte:*.
ZSous n’entrerons pas dans les liicheux détails de ces luttes. Il
suffira de savoir qu’un coup de fusil fut tiré, cl que, si personne ne
fut blessé alors, des malheurs graves étaient à craindre par la suite;
on sorte qu’il était urgent de prendre des moyens pour les prévenir.
Le moyen le plus simple el le plus sur était un règlement d’eau.
Les propriétaires des prés se concertèrent pour y parvenir. Le
plus grand nombre le considérait comme indispensable. Le sieur
lisse! ou plutôt le sieur Cliandezon s’y opposa. Quelques autres
personnes dont il avait o.blenu le silence par des arrangemens parti-
�( 11 )
ailiers ne voulurent pas s’en mêler; alors commença le procès.
855
Par exploit du x i mars 1
, le sieur Martin, grellier du juge de
pa ix, d’accord avec un grand nombre d’autres propriétaires, assi
gne les époux Chandezon et le sieur Ussel, leur père ou beau-père,
ainsi que huit autres particuliers.
11 leur expose qu’il est propriétaire, ainsi que beaucoup d’autres
personnes, de prés situés sur les deux rives du ruisseau de la Monnc;
Que l’arrosement de ces prés a lieu au moyen des eaux de ce
ruisseau, qui y sont destinées;
Q u e, n’y ayant pas de règlement, lui et les autres propriétaires
de ces prés éprouvent des dillicultés journalières pour la conduite
et la direction des eaux destinées a leur arrosement ;
Que notamment, en i 8 5 2 , le sieur Chandezon avait usé de ces
eaux comme d’une propriété à laquelle il aurait un droit exclusif,
en les tenant constamment détournées de leur lit qu’il laissait à
sec; de sorte que, par le résultat de cette voie de fait, les eau x, vu
la disposition des lieux , ne rentraient pas dans leur l i t , et les prés
inférieurs en avaient presque tous été privés, ce qui avait occa
sionné un tort considérable aux propriétaires ;
Que le plus grand nombre des propriétaires des prés, voulant
faire cesser toute discussion, avaient proposé aux compris un rè
glement amiable pour la distribution des eaux dans chaque parcelle
de pré; mais que ces derniers s’y sont refusés.
Eu conséquence il les assigne pour voir ordonner un règlement
des prises d’eau dans le ruisseau de la Monnc, pour l'arrosement des
pi’és de tous les propriétaires , et pour nommer ou voir nommer
des experts qui procéderaient à ce règlement dans la proportion
de la contenance de chaque parcelle de pré, et qui indiqueraient les
travaux à faire pour l’exécution du règlement et pour faciliter le coulcment des eaux.
Il conclut, eu cas de contestation, aux dépens contre les contes
tons, sinon à ce qu’ils soient supportés par charpie partie intéressée,
dans la proportion de la contenance de sa propriété.
Le sieur Cisternes-Dclorinc, un des propriétaires riverains, fut
«iis en cause par u n second exploit du i ,r avril i
855 .
�L e io mai suivant, plus de quarante autres propriétaires de
prés intervinrent par requête et adhérèrent aux conclusions du
sieur Martin.
Dans le cours de l’instance, le sieur Ussel meurt, et la cause est
reprise par l’une de ses (¡lies, la daine Chandezon, et par le sieur
Chandezon lui-mêine, comme cédataire des droits de l’autre fille.
L ’ailaire s’instruit par des conclusions respectivement signifiées;
et l’on remarque que, parmi tous les défendeurs , les sieur et darne
Chandezon sont les seuls qui s’opposent au règlement demandé, eux
qui moins que personne cependant avaient réellement des droits à
une eau qu’ils ne pouvaient pas prendre sur le bord même de leur
propriété, et qu’ils ne pouvaient pas rendre à son cours ordinaire ,
comme la loi le prescrit, les eaux superflues qu’ils introduisent dans
leur enclos s’écoulant, après l’irrigation, ou dans le chemin C D au
nord de cet enclos, ou dans celui G II l à l’est, sans pouvoir rentrer
dans la Monne.
Parmi les autres assignés, les époux Crouzet déclarent, par des
conclusions du 7 mars i
85 /f , n’entendre prendre aucune
part à la
contestation , se réservant tous leurs droits en cas de règlement.
Sept autres défendeurs, par des conclusions du 1 1 août, deman
dent acte de ce qu’ils s’en remettent à droit en réclamant leurs dé
pens contre ceux qui succomberaient.
Le sieur Cistcrnes s’en remet aussi à droit sous toutes réserves.
Mais les époux Chandezon résistent. Ils prétendent avoir le droit
d’user à leur gré des eaux de la Monne, argumentent des chaussées,
des canaux qu’ilsdisentavoir faitset entretenus pour leur prise d’eau,
se font un moyen de la construction du canal fait en l’an g pour re
cueillir les eaux vers le chemin G II I J K , allèguent un prétendu
règlement fait en 1822, sans leur participation, entre les aun es pro
priétaires, invoquent enfin une prétendue possession exclusive et
immémoriale comme réglant l’exercice «le leurs droits.
Cette possession était illusoire; elle n’a jamais été ni exclusive ,
ni paisible, ni de l’étendue qu’ou voudrait lui donner aujourd’hui.
La construction de l’an 9 , le pi étendu règlement de 1822, ne
�(
'3
)
fournissaient aussi au sieur Ghandczon que les plus insignifiantes
objections.
Mais les époux Ghandczon se prétendaient aussi propriétaires
des deux rives de la Momie ; ils parlaient de chaussées, de
canaux construits et réparés par eux seuls; ils prétendaient que
l’eau était rendue à son cours naturel. La localité n’était pas
connue des magistrats; ils crurent que la prise d’eau existait sur la
propriété même des époux Chandezon, entre les deux rives qui
leur appartenaient; ils pensèrent que les canaux dont on argumen
tait étaient étabtis au milieu du lit même de la rivière; ils eurent
l’idée fausse que les propriétaires inférieurs voulaient se servir, pour
l’irrigation de leurs héritages, de ces canaux à la construction des
quels ils n’avaient pas concouru ; ils considérèrent enfin l’eau
comme étant rendue à son cours ordinaire dans le lit de laMonne,
après avoir parcouru les propriétés Chandezon ; et ils rejetèrent
la demande en règlement d’eau par des moti£> qui ne sont en
harmonie avec aucune des questions de la cause.
854
Ce jugement est du 28 mai i
» en voici les termes:
« Attendu que la co-propriété de la prise d’eau dont il s’agit 11’est
« pas justifiée;
« Q u’en effet d’une part il n'est rapporté aucun titre, et d’autre
« part il n’existe aucuns travaux sur la propriété du sieur Chandezon,
” exécutés par les propriétaires inférieurs;
« Q u ’ainsi les parties restent dans les ternies des articles G/j¡2 et
« G/j/, du code civil; qu’il n’est point prouvé que Chandezon ait
« excédé les droits que lui donnent ces articles ;
Par ces motifs ,
« Le tribunal déclare les demandeurs non rcccvables dans leur
« demande, et les condamne aux dépens. »
Ainsi le tribunal a supposé qu'il existait sur le lit du ruisseau des
travaux dont nous voulions profiter, tandis qu’il n’existe aucune
construction sur le lit de la rivière; tandis que la prise d’eau sti
forme à l’aide d’une simple rangée de pierres mobiles , non liées
entr’elh*!,, irrégulièrement posées et empruntées du lit mémo ;
Le tribunal a cru que nous voulions participer à cette prise d’eau,
�inadis qu’au contraire nous nous en plaignons et qu’elle nous esi
nuisible;
Il a pensé enfin que la cause restait dans les termes des articlesô/ja
et G44 du code civil, tandis que ces articles sont étrangers à la lo
calité; tandis qu’aussi l’article G44 prescrit de rendre l ’eau ¿1 son
cours ordinaire, et que le sieur Chandezon en change au contraire
le cours et la rejette, à la sortie de son fonds, sur des points éloignés
du cours ordinaire auquel elle 11e peut plus revenir.
Cette affaire était trop importante, le préjudice que le jugement
ferait éprouver aux propriétaires des prés était trop considérable
pour qu’ils 11e portassent pas leurs réclamations devant la Cour.
Les intervenans et le premier demandeur se sont réunis pour
3
854
interjeter appel, par exploits des i septembre et 2 décembre 1
-Cet appel, dirigé principalement contre les époux Chandezon ,
leurs seuls , leurs vrais adversaires} a été signifié aussi à ceux qui
.s’en étaient remis à droit, parce que leur intérêt commande leur
présence dans la cause.
La Couraura à prononcer sur les difficultés réelles qui 11’ont pas
été abordées par les premiers juges.
L ’examen des principes nous conduira à apprécier les prétentions
des époux Chandezon, à déterminer les droits de chacun des pro
priétaires riverains et à reconnaître la nécessité du règlement d’eau
qui est réclamé.
DISCUSSION.
La doctrine ancienne, telle qu’elle avait été adoptée par les au
teurs les plus respectés , déclarait les eaux communes à tous les
propriétaires supérieurs ou inférieurs dont elles bordaient ou tra
versaient les héritages.
Le droit naturel même établissait cette communauté , et quident
nuturali ju r e communia sunt ornnia heee, aar, aqua p rojlu cn s,
etc. Inst., lib. 2, tit. 1, §. 1.
l)e ce principe découle nécessairement la conséquence que les
propriétaires riverains 11e peuvent disposer des eaux courauicv
�( i5 )
comme de leur propriété p riv é e , qu’ils ne peuvent se les appro
prier exclusivement, qu’ils ont seulement le droit d’en user à leur
passage, mais qu’ils doivent les rendre à leur cours ordinaire, c’està-dire les faire rentrer, à 1’cxlrcinitc de leurs héritages, dans le lit
qu’elles s’étaient creusé.
Davot, dans son traité du droit français , tome
5 , p. 208 , s’ex
prime ainsi :
« Si le propriétaire reçoit dans son héritage l’eau qui vient
* d’ailleurs, il peut s’en servir pour son usage, mais ils ne peut en
* détourner le cours ancien, au préjudice des héritages qui sont
* au-dessous. »
L ’opinion de l’auteur s’applique comme on le voit à un terrain
traversé par un cours d’eau.
liretonnier, sur Heyrys, tient le même langage : (Observations
nouvelles, quest. 18g, livre 4, tome 2).
« Celui dans l’héritage duquel l’eau ne fait que passer, venant
«
*
*
*
d’ailleurs, 11e peut s’en servir que pour son utilité, et non pas
pour son divertissement ; il ne peut ni la ’retenir, ni la détourner
au préjudice du public ni de ses voisins, parce qu’il n’en est pas le
propriétaire, ruais un simple usager; et par conséquent il en
« doit user en bon père de famille, c’est-à-dire en bon voisin. »
Antérieurement à ces auteurs, Domat enseignait les mêmes vérités
dans son droit public , livre 1 , tit. 8 , sect. 2, n° 1 1.
L ’usage des rivières étant au public, personne 11e peut y faire
de changement qui nuise à cet usage.
'< Ainsi, quoiqu’on puisse détourner de l’eau d’un ruisseau ou
* dune rivière pour arroser des prés ou d’autres héritages ou
« pour des moulins et autres usages, chacun doit user de cctLc li«■berle, de sorte q u ’ il uc nuise point à des voisins qui auraient
un semblable besoin et un pareil droit; et s’il n’y avait pas assez
« d eau p our ton s, ou que l’usage qu'en feraient quelques-uns
* J iït nuisible a u x a u tre s, il y serait pourvu selon le besoin,
« par les officiers de qu i c’ est la charge.
(Jporlet euitn in hujusnm di rebus ulilitatem et tulelam f o cientis spectari sine tnjurui utùjue accohirum , dit une loi
�1
romaine citée par le savant auteur. (La . 1, § 7, in fin e , ÎT, ne quid
in Jlurn. )
Toutes ces opinions s’appliquent aux héritages qui sont traversés
par les cours d’eaux connue à ceux qui en sont haignés sur un
bord seulement.
Cos principes étaient consacrés par une disposition expresse de
l’art. 207 de la coutume de Normandie.
Cette doctrine est la base des divers articles du Code c iv il, qui
se sont occupés des cours d’eau.
On y remarque une différence essentielle entre les règles rela
tives aux sources et celles applicables aux eaux qui 11e naissent pas
dans un héritage mais qui y arrivent des terrains supérieurs.
v Celui qui a une source dans son fond, dit l’article 6 4 1 , p e u t
«r en user à sa volonté.
11 peut donc la retenir, la détourner, en disposer arbitrairement,
parce qu’il en est le maître, parce que la source est un accessoire
de sa propriété oii elle surgit.
Au contraire, d’après l’article G44 5 s* Je riverain ou celui dont
l’héritage est traversé par l’eau peut en user à son passage, son
usage est restreint, est soumis à des modifications et à des condi
tions qui en préviennent l’abus.
«■Celui dont la propriété borde une eau courante, autre que
« celle qui est déclarée dépendante du domaine public, peut s’en
a servira son passage pour l’irrigation de ses propriétés.
*
Celui dont cette eau traverse l'héritage peut même en user
« dans l’in ten a lle qu’elle y parcourt, mais à la charge de la ren« dro , à la sortie de scs fonds, « son cours ordinaire.
Dans los deux cas, le propriétaire du fonds, soit que l’eau le tra
verse ou qu’elle le borde seulement, ce propriétaire n’a qu'un sim
ple usage de cette eau ; seulement, s’il est propriétaire «les deux
rives, 11’élant en concurrence avec personne dans cette partie du
cours d'eau, il en use seul dans tout Cintervalle qu'elle parcourt
au milieu de sa propriété ; tandis que , s’il nVst propriétaire que
•l’une r iv e , sou usage doit sc combiner, même pour l'intervalle
pendant lequel l’eau baigne d’un côté son terrain, son usage doit se.
�( 17 )
combiner avec l’usage, avec les droits semblables qu’a le proprié
taire de l’autre rive.
Mais scs droits , dans les deux c a s , se réduisent à un simple
usage, à un usage qui n’est pas attributif de la propriété de l’eau,
a un usage qui ne doit pas devenir un abus et par lequel on ne peut
être autorisé à changer le cours de cette eau , ni même à l’absorber
en totalité au préjudice des autres propriétaires dont les fonds sont
aussi traversés ou bordés par le cours d’eau.
« Cette faculté, dit Pardessus, ne doit pas cependant dégénérer
* en une occupation tellement exclusive, que les autres en soient
* privés. L ’eau est pour tous un don de la nature -, que chacun do
* ceux à qui elle peut être utile a droit de réclamer également ;
K la seule différence consiste en ce que la disposition des lieux la
* donne à l’un avant l’autre. Mais ce n’est qu’un dépôt dont il peut
* u s e r , pourvu qu’il ne prive pas ces derniers du même droit
* (Traité des servitudes, partie 2, chap. i , sect. i , n° i o i ) .
M. Toullicr, dans son droit civil français, s’exprime dans le même
35
54
sens (liv. 2 , tit. 2, chap. 2, n° i
et 1 )*
« Si le propriétaire d’un héritage que traverse un courant d’eau
w pouvait détourner ce courant ou en retenir tonies les cauæ
« au préjudice du fonds inférieur, le propriétaire supérieur aurait
<f le même droit ; en défendant à l’un et à l’autre de détourner le
« cours de l’eau, la loi protège également leurs propriétés par la
* limitation même qu’elle y apporte; ils peuvent user de l’eau pen" dant qu’elle traverse leur héritage , l’y faire circuler comme bon
* leur semble, mais à la charge de la rendre , à la sortie de leur
« fonds, a son cours ordinaire.
De tôut ce que nous venons de dire et de la lettre même de l’ar
ticle 6/(4 il résulte en droit, i* que, si celui dont la propriété borde
une eau courante peut s ’en servir ¿1 son p a ssa g e, il ne peut pas
la conduire au-delà du point ou son héritage cesse d’être bordé par
le cours d’eau; 20 qu’il en est de même du propriétaire dont le
fonds est traversé par l’eau courante ; car d’après le second para
graphe de l’article , il 11e peut user de l’eau que dans l'¡ritenutile
elle parcourt son héritage. Donc son usage doit se borner à
�l'héritage traversé par le cours de l’eau; il ne peut être étendu à
des héritages réunis au précédent , éloignés des bords du cours
d’eau et que cc cours ne traverserait pas.
M. Proudhon, déjà si honorablement connu par son excellent
Traité de l'usufruit et de l’usage , a développé avec beaucoup de
sagacité et de sagesse, dans un nouveau Traité du domaine public,
les droits que peuvent avoir sur un cours d’eau les propriétaires
d’héritages riverains ou traversés par ce cours d’eau.
Après avoir transcrit l’art.
644 du
Code et posé aussi en prin
cipe que ces héritages ont seulement l’usage de l’eau, il fait remar
quer que , s'il était permis à tous les propriétaires riverains de
changer le cours des eaux , tantôt à droite, tantôt à gauche, cette
licence introduirait bientôt entr’eux un état d’anarchie, de débats et
de guerre civile.
11 ajoute ensuite cette observation importante
,n
:
« De là on doit encore tirer la conséquence que le propriétaire
« du fonds riverain ne pourrait y pratiquer un canal depuis le
« ruisseau, pour en conduire les eaux su r un héritage plus reculé,
« attendu que cc serait appauvrir le cours d’e a u , au préjudice des
« héritages qui sont situés , soit à l’autre bord, soit plus bas , et qui
433
421
« ont lous le droit d’en profiler. » ( V . t. 4 » p* n" *
•)
A la page
, il dit que « le propriétaire riverain du cours
4^8
« d’eau 11e pourra , au préjudice des autres propriétaires , soit
« collatéraux , soit inférieurs , le faire dériver en tout ou en partie,
« dans un réservoir ou étang, etc. »
A la page
d’attention :
4 29 > *1
d’autres remarques également dignes
« Le propriétaire d’un fonds bordant le ruisseau n’a le droit d’y
v prendre que l’eau nécessaire à l’irrigation de son propre héric tage ; donc il ne pourrait y perm ettre la confection cl’un
v aqueduc pour conduire les eauæ sur le fonds d’ un autre qu i
« serait plus recu lé; et tant qu’il n’y aurait pas prescription, les
« autres propriétaires intéressés à la s u p p r e s s i o n d’un pareil 011« vrago pourraient la demander. »
Il dit à la suite que « ce propriétaire riverain n’a le droit
�( l9 )
* d’arrosement que pour l’usage du fonds qui borde l'e a u ; s’il
« l’agrandit par des acquisitions d’aulres fonds gui ne soient p as
r euæ-m ëm es adjacens au ruisseau , il n’aura pas la faculté d’y
« faire, au préjudice des autres propriétaires, de plus grandes
« prises d’eau pour l’irrigation de ses propriétés...... La raison de
« c e la , c ’est que la servitude d’usage, qui n’est établie que pour
« un fonds, ne doit pas cire étendue à d’aulres........
« S’il ne peut en user à discrétion comme le maître de la source,
« c’est parce que les autres propriétaires, soit collatéraux, soit in« férieurs, ont aussi leurs droits, auxquels il est défendu de porter
« préjudice. »
A la page / p i , s’occupant des droits du propriétaire dont les
fonds bordent le cours d’eau des deux côtés, il souligne ces expres
sions de l’article 644 >p eu t même en user, pour en conclure que
« le propriétaire du fonds n’est toujours signalé que comme
« usager, et encore que son usage ne s’applique qu’à l’irrigation
* de ses héritages...... et qu’il ne pourrait pas recueillir e t renv fe r m e r les e a u x dans des étangs ou réservoirs. »
433
A la page
, en rappelant q u e , si l’art. 644 permet à celui dont
l’héritage est traversé par l’eau , d’en user « son passage dans
l’intervalle q u e lle y p a rco u rt, c’est à la charge de la rendre,
ci la sortie de ses fo n d s , à son cours ordinaire, l’auteur fait re
marquer que l’article ne dit pas à la sortie de son fo n d s , mais
a la sortie de ses fo n d s ; et il ajoute ensuite une observation d’une
grande justesse :
«■ C ’est pourquoi, si l’on suppose que le fonds qu’il possède à
« gauche du ruisseau, s o it, vers la région inférieure, moins pro« longé que celui qu’il possède sur la droite, et qu’il veuille le
* faire circuler ou serpenter dans l’intérieur d’un de ces fonds, il
* sera obligé de le ramener à son cours naturel vis-à-vis de la
« pointe du fonds latéral de gauche , qui est le moins p r o l o n g é ;
* attendu qu’autrement on ne pourrait pas dire qu’il l’a rendu à
* son cours ordinaire à la sortie de scs fonds. »
Des diverses règles que nous venons d’analyser, le judicieux au
teur tire plusieurs conséquences, notamment, page
435 , où il dit :
�( >0 )
.
« Que les propriétaires des fonds touchant au ruisseau dans
« la partie inférieure ont ;mssi un-véritable droit à l’irrigation de
« leurs héritages-;, droit dont il n’est pas permis de les priver,
« puisque celui qui les précède ne doit jouir des eaux avant eux
« qu’à la charge de les rendre , par un aqueduc , à leur cours ork
diuaire. Et cela est de toute justice , car comme ils 11e pourraient
« s’empêcher de les recevoir si elles leur étaient nuisibles , il faut
« bien que, réciproquement, ils aient le droit d’en exiger la trans«f mission lorsqu’elles leur sont utiles. »
C ’est d’après ces mêmes idées de justice, que l'auteur décide en
faveur des propriétaires inférieurs la question qui liait lorsque
l'héritage d’un des riverains est trop élevé pour y faire monter les
eaux ; il se demande alors si le riverain opposé doit profiter de
cette circonstance pour s’emparer de l’eau dont n’use pas celui-là,
et pour faire serpenter cette eau dans son pré ?
L ’auteur répond négativement « parce qu’il est incontestable que
<r les propriétaires des héritages inférieurs ont droit à toutes les
» eaux qui découlent naturellement des fonds supérieurs ; d’où il
<î résulte que, s i , parmi ces fonds , il y en a qui n ’absorbent auv cunc partie du fluide, ce sera une cause d’accroissement, ou
« plutôt de non décroissement dans la masse dirigée vers la ré-
44
436
«■gion inférieure. » ( V . le même tome 4 »Pag e
*> u* i
.)
Tous ces principes se résument en quelques règles positives et
conformes à la lettre comme à l’esprit de l’art. 644 du Code civil :
Un propriétaire riverain d’un cours d’eau peut se servir de l’eau
à son passage ; c’est-à-dire, qu’il doit la prendre sur sa propre r iv e ,
et 11e remployer fjii’à l’irrigation du seul héritage qui borde le cours
d'eau ;
Celui dont le fonds est traversé par l’eau peut en u ser, mais seu
lem ent dans £intervalle que l'eau y parcourt.
n’a pas le droit
11
d’élendre son usage au-delà de la limite où l’eau cesse d’avoir son
cours au milieu de scs propriétés;
Ce propriétaire doit rendre , au point extrême de celle des
rives de scs deux fonds qui est la moins p r o l o n g é e , il doit rendre ,
à l'extrémité de celle rive , ¿1 son cours ordinaire, l’eau qu’d avait
�( 21 )
Retournée, sans pouvoir en prolonger l’usage dans une partie in
férieure de son héritage, qui ne borderait pas le cours d’eau ;
C ’est devant son propre héritage , et non devant l’héritage supé
rieur d’un autre que chaque pi’opriétaire doit prendre l’eau dont
il veut user ; il n'a pas le droit de la prendre , à l’aide d’une rase ou
d’un canal, dans la partie supérieure du lit du ruisseau , ou dans le
terrain du propriétaire voisin; c e lu i-c i, simple usager lui-méme
pour sou propre héritage seulement, n’a pas aussi le droit d’auto
riser l’établissement* d’un canal ou d’un aqueduc sur son terrain
ou sur la partie correspondante du lit du ruisseau, pour diriger l’eau
sur l’héritage d’un autre, au préjudice des propriétaires inférieurs ;
ces derniers sont autorisés à faire détruire ou modifier les ouvrages
qui empêchent que l’eau ne leur a r r iv e ;.
Enfin, si certains des héritages riverains ne peuvent, à cause de
leur élévation, user des eaux pour leur irrigation, ce qu’ils ne
pourront recevoir devra profiter aux riverains inférieurs par droit
de non décroissement.
Comparons cette doctrine aux prétentions des époux Chandezon
et à la localité.
Ces prétentions , et les moyens sur lesquels elles s'appuient, sont
développés dans de longues conclusions signifiées en première
instance, le
5 mai i 83 /f, et dont voici l’analyse
:
« En fait, dit-on , la propriété des sieur et dame Chandezon est
en partie b o rd ée, en partie traversée parle ruisseau de la Monne;
« A
65 mètres environ,
au couchant de leur ve rg er, il y a une
prise d’eau consacrée par un usage immémorial ;
« L ’eau introduite dans le verger se divise en une infinité de
petites rigoles établies pour son irrigation;
*
En sortant du verger, elles se rendent dans un canal dont la
direction a été donnée par les demandeurs pour distribuer ces
eaux enlre les propriétés inférieures ;
« Si elles n’arrivent pas à leur destination , c’est que le canal est
dégradé; c’est aux demandeurs à le réparer : cela est étranger au
sieur Chandezon ;
« Il avait été fuit anciennement une distribution des eaux ; elle a
�etc renouvelée en 1822 par le sieur Chouvy, expert, entre les
propriétés inférieures; et le sieur U ssel, représenté par les époux
Chandezon, 11’y figure pas.
« En droit, le libre usage qu’ont exercé les époux Chandezon
de la prise d’eau sur le ruisseau de la Monne, pendant un tems
immémorial, est une servitude que nul ne peut leur contester ;
(f Celui dont la propriété est traversée par une eau courante a
le droit d’en user dans l’intervalle quelle y parcourt, à la charge
de la rendre, à la sortie de ses fonds, à son cours ordinaire;
« Il peut absorber entièrement l’eau, toutes les fois qu’il n'en
change pas le cours ;
« O r, les époux Chandezon entretiennent les rases qui laissent
écouler l’eau de leur veFger ;
« Ils ne peuvent être responsables de ce qui arrive par le fait
d’ouvrages inférieurs à leurs propriétés ;
« Un règlement d’eau 11e peut être demandé que par ceux qui
sont en concuiTcnce ; or, la propriété des sieur et dame Chandezon
étant traversée par le ruisseau, ils exercent leurs droits sans aucune
concurrence, et n’ont pas à ménager ceux des propriétaires
riverains ;
«■Les propriétaires" de la rive opposée pourraient seuls se
plaindre (1);
« Les époux Chandezon seuls ont établi et entretenu, à leurs
frais , les vannes et les canaux qui servent à l’irrigation de leurs
propriétés; eux seuls doivent, par conséquent, en jouir. »
Tels so n t, en résumé, les principaux moyens sur lesquels on
s’appuie pour repousser le règlement demandé.
Parmi quelques faits et quelques principes exacts , ces moyens
en présentent beaucoup d’erronnés ; et même ce qu’il y a de vrai
reçoit une fausse application.
En fa it, la propriété des époux Chandezon n’est B o r d é e que
dans une petite partie par le ruisseau de la Monne , et elle n’est
1
( 1 ) Ceci est un e erreur. V . le p»j»age de l’io u Jb o n cité |j u» liaut, tome 4,
n* » .
430
�( 23 )
traversée par ce ruisseau que dans une partie beaucoup plus petite
e n c o re , comme on peut le voir sur le plan; les époux Chandezon
ne sont propriétaires des deux rives du ruisseau, que sur une longeur d’environ G5 toises , et la plus longue ligne par laquelle ils
touchent au ruisseau sur l’une des rives , la rive gauche , n’est
15
que de 1
toises.
La partie la plus considérable^de leur propriété est éloignée du lit
du ruisseau , et se prolonge, presque en totalité, derrière le pré de
la dame Cisternes, qui est intermédiaire entre le cours d’eau et 1e
verger Chandezon ; en sorte que c’est à la darne Cisternes seule
qu’appartiennent, dans celte longue étendue, les droits de proprié
taire riverain ; o r, celte dame use elle-même de scs droits pour
l’irrigation de sa prairie.
C ’est aussi une erreur de fait de dire que les époux Chandezon
rendent l’eau à son cours ordinaire comme le veul la loi (C . C .,
art. 644)j car le cours ordinaire est le ruisseau qui est au midi;
o r , les eaux qui sortent de la propriété Chandezon tombent, en
partie, à l’aspecl opposé, au nord, le long du chemin , vers les
lettres C D du plan , et en partie, à l’est, aussi le long d’un chemin ,
vers les lettres G I I I ; et de là , il est impossible, à raison de la
disposition du terrain , qu’elles puissent rentrer dans le lit de la
Monne; il faudrait qu’elles remontassent de près de neuf pieds.
L e canal G
11 I avait été pratiqué , il est vrai,
pour recueillir les
eaux qui tombent dans les deux chemins, et qui proviennent no
tamment de plusieurs sources. Riais lors de l’établissement do ce
canal , aux Irais duquel le sieur Ussel avait contribué en l’an 9
comme tous les autres propriétaires , les riverains inférieurs ne
renoncèrent a aucuns de leurs droits sur les eaux de la Monne;
et certes, une telle renonciation, si le sieur Ussel eût pu l’obtenir,
aurait été consignée dans un traité.
L e canal, au reste, ne peut servir à l’irrigation des prés des appelans , l’eau ne pouvant monter d’environ 9 pieds , comme il le fau
drait. Il est, d’ailleurs, complètement dégradé ; il ne pourrait être
rétabli qu’à grands frais et à une grande profondeur, en le construi
sant de toute autre manière qu’il ne l’avait été dans son origine , en
�le faisant passer sous ’plusieurs ponls , et sans même qu’il pût être
d’une utilité réelle et équivalente aux dépenses qu’il occasionnerait.
IVous verrons bientôt que si le propriétaire riverain, ou celui
dont le terrain est traversé par l’eau, veut en user, c’est à lui-même
à la rendre , à ses frais , à son cours ordinaire, et qu’il ne lui est
pas permis d’en changer le cours, et de la jeter à l’aventure , à la
sortie de ses fonds, en laissant aux propriétaires inférieurs le soin
de la reprendre.
E niin, cette prétendue distribution des e a u x , renouvelée en
1822 entre les propriétaires inférieurs , est une erreur de plus du
sieur Chandezon. Jamais cette distribution 11’a été reconnue ni exé
cutée par les appelans ; il ne peut y avoir de règlement sans que
toutes les parties intéressées y concourent, le sieur Chandezon
comme les autres. Jusqu’à présent , ou au moins jusqu’en i
832 ,
avant la tentative usurpatrice du sieur Chandezon l’eau arrivait à
chaque prairie, parce que le sieur Chandezon 011 avant lui son
beau-père en prenaient peu et rarement , et que , s’ils détournaient
l’eau , les propriétaires inférieurs allaient lui rendre son co urs, en
détruisant le barrage temporaire et mobile qu'ils y avaient établi.
Tels sont les faits : examinons le droit.
Comme propriétaire riverain , le sieur Chandezon ne pourrait se
servir de Veau qu’à son passage , c’est-à-dire, sur le bord même de
sa propriété ; il n’aurait donc pas le droit de la conduire loin de
son l i t , dans un héritage ou un prolongement d ’héritage qu’il a
ajouté à sa propriété riveraine, et q u i, n’étant ni adjacent ù
la rive ni correspondant à cette riv e , ne peut avoir aucun droit à
l ’eau. C ’est ce qui résulte des dispositions do l’art.
du Code
civil; c’est ce qu'enseigne Proudhon, toine 4» I>agc 29. (V o ir
644
5
le passage e’i -dessus cité.)
Comme possédant même une propriété traversée par ce cours
d’eau , le sieur Chandezon ne pourrait user de l’eau qnv dans Cin~
tervalle qu’ elle y p arcourt, comme le dit expressément le second
paragraphe de l’art. 644’ O r » cet intervalle s arrete au point () ; le
ruisseau de la Momie ne traverse la propriété du sieur Chandezon
que dans une partie de la ligne U Q ; et a cc dernier point se* ter
mine le bord de son héritage ; à ce dernier point, il 11c possède plus
�(
*5
)
même une seule rive du cours d’eau. Ainsi, aux termes de la l o i ,
c’est à ce point Q , qu’il devrait rendre l’eau à son cours ordinaire,
c ’est-à-dire, au lit du ruisseau ; car cela est impérieusement,
prescrit par l’art. 644 du Code civil, qui lui impose cette loi
comme condition attachée à l’usage de l’eau qu’il lui accorde ;
à la charge de la ren d re, à la sortie de ses fo n d s ,
à son c o u r s
o r d in a i r e , dit l’article.*
Et remarquons que , suivant la doctrine de M. Proudhon , lors
même que la propriété du sieur Chandezon s’étendrait, sur la rive
droite, plus bas que le point Q , il n’en devrait pas moins rendre
l’eau à ce p o in t, parce qu’il serait tenu de la ramener à son cours
ordinaire, vis-à-vis de la pointe ditfonds latéral qu i est le moins
prolongé su r l ’une des rives.
Nous ne rappelons cette opinion que pour mieux fixer le sens de
644
l’article
du Code civil ; car, dans l’espèce, le point Q , sur la rive
gauche, est môme le point le plus prolongé des deux héritages que
possède le sieur Chandezon sur les deux rives (V. le plan); en sorte
que le sieur Chandezon devrait rendre l’eau à son cours ordinaire,
même plus haut que le point Q.
L e sieur Chandezon obéit-il à cette prescription de la loi ?
Use-t-il seulement de J’eau dans l ’intervalle q u e lle parcourt sa
propriété ? La rend-il, comme il l’a prétendu, comme il l’a fait
croire au tribunal de première instance, qui a adopté aveuglément
ses allégations , la rend-il à l ’extrémité de cet intervalle, c ’est-à<bre au point Q , comme il le devrait?
Non , l’ eau ne revient p a s , l’eau ne petit pas revenir à ce point ;
clic est détournée de son cours ordinaire ; elle est jetée à un tout
autre aspect que celui où coule ie lit de la Monne ; elle ne peut plus
y rentrer naturellement, parce quelle se trouve dans un terrain
beaucoup plus bas que le lit du cours ordinaire ; elle ne pourrait y
revenu' qu’à l ’aide de travaux extraordinaires et ou creusant un
canal d’une grande profondeur, (pii consommerait en frais d éta
blissement des sommes considérables, dont Ventretien annuel serait
;iussi trop coûteux parce qu’il serait bientôt encombré par les
terres , par les sables, et que l’on sc verrait enfin forcé d’aban-*
4
�donner, comme on Va déjà éprouvé , parce que toutes les fois qu’on
a à vaincre des obstacles naturels, la résistance constante de la
nature finit toujours pur triompher.
Dans de telles circonstances, que peut-on penser de l’observation
des époux Chandezon, qui disent naïvement que l’eau étant sortie
de leur p r é , ils ne peuvent être responsables de ce qui arrive par
le fait d’ouvrages extérieurs à leurs propriétés?
L ’observation pourrait être do quelque justesse, si les époux
Chandezon rendaient l’eau à son cours ordinaire , et que ce cours
fût ensuite gêné par des faits indépendans de leur volonté.
Mais il arrive précisément tout le contraire. L ’eau, comme nous
l’avons déjà dit (et il est impossible qu’on nie cette vérité de fait),
l’eau n’est pas rendue à son cours ordinaire ; et les ouvrages dont on
•
•
*
*
i
p a rle , loin de nuire à la rentrée de l’eau dans le lit de la Monne ,
avaient pour but de l’y ramener ; mais ce but n’a pu être rempli.
Au reste, ce n’est pas aux riverains inférieurs à ramener dans
leur lit naturel, dans leur cours ordinaire, les eaux dont les époux
Chandezon veulent user ; c’est à eux que la loi impose cette con
dition absolue ; c’est à eux donc , ou à renoncer à l’usage des eaux,
ou à faire et à entretenir tous les ouvrages nécessaires pour exécuter
la condition sous laquelle cet usage leur est attribué.
Ainsi, les époux Chandezon violentla loidans ses principaux points r
Us la violent en ne se restreignant pas, comme riverains , à se
servir de l’eau à sou passage, pour l’irrigation du seul terrain qui
est adjacent à la rive, mais en la détournant pour la conduire à uu
terrain plus éloigné du ruisseau , et qui, n’étant pas exposé aux inconvéuicns des eaux , ne doit pas profiler de leurs a\antages ;
Ils la violent , même comme propriétaires de fonds traversés
par un cours d’eau , en ne se bornant pas à user des eaux dans
l’intervalle qu’elle y parcourt, en ne restituant pas l’eau à l’extrémité
de cet intervalle, et en l’étendant à une propriété que celle eau ne
parcourt pas , qui est au contraire séparée du cours d’eau par une
propriété étrangère ;
Ils la vio len t, en ne rendant pas l’eau à son cours ordinaire,
comme la loi les y oblige , et en la jetant, au contraire, à.u u c
�(
27
)
grande distance, et sur un terrain beaucoup plus bas , d’oii elle ne
peut rentrer dans son Ht ;
Ils violent aussi la loi sous un autre rapport, en prenant l’eau ,
«on dans la partie du cours qui est correspondante à leur propriété,
mais au-dessus, dans une partie du lit dont est riverain un proprié
taire étranger qui n’a pas le droit de disposer de l’eau au préjudice
des propriétés inférieures et riveraines.
Si les époux Chandezon se bornaient à prendre l’eau dans la ligne
de leur propriété, c’est-à-dire, dans l’intervalle du point B au point
O , les riverains inférieurs auraient peu à se plaindre , parce qu’ils
ne seraient privés que d’une faible portion des eaux de la rivière.
L e ruisseau de là Monne coule dans un vallon; et son lit est en
caissé de manière que la rive droite étant très-élevec et tresescarpée ne peut profiter des e a u x , tandis que les terrains , sur
la rive gauche , sont inclinés eu pente plus d o u c e , et peuvent
être arrosés dans leur partie basse.
L ’enclos des époux Chandezon est un petit monticule à trois
versans , l’un au midi du (*ké de la rivière l’autre au nord du
côté du chemin C D , et le troisième à l’est , vers les lettres G H I.
Si l’eau nécessaire à l’irrigation était prise seulement vers le point
B , ou même en amont mais dans un point rapproché , il ne s’in
troduirait dans la propriété.Chandezon qu’une très-petite quantité
d’eau; l’encaissement du lit en conserverait la plus grande quantité
pour les propriétés inférieures.
Mais les époux Chandezon vont aujourd’hui prendre l’eau
beaucoup plus haut que leurs propriétés , à
45
mètres environ
au-dessus du point l i , dans la partie du lit de la rivière qui
longe la propriété Bouchard, c ’est-à-dire, à un point dont le
niveau est beaucoup plus élevé que le point B , où le lit est moins
encaissé, et à l’aide d’un barrage qui n’a rien de fixe, qui n’est
formé que de simples pierres alignées dans le lit de la rivière, non
liées cntr’elles , mêlées quelquefois d’un peu de paille; à l’aide d’un
barrage qui varie de forme et de longueur à l’arbitraire du sieur
Chandezon, et que, d’année en année, il remonte,un peu plus
haut, le long de la propriété Bouchard ; en sorte que, depuis i
85 a,
il s’est emparé, dans tous les lems, de la plus grande partie de l’eau
�de la Monne, e l , dirns les tems socs, de la totalité de cette can.
Telle est la manière dont les époux Chandezon veulent s’appro
prier l’eau de la Monne.
En ont-ils le droit ?
La négative n’est pas douteuse. La lettre comme l’esprit de
l ’article
644 du
code civil le démontrent. Cet article permet au
propriétaire riverain de se servir de l’ eau à son passage, et à celui
dont le terrain est traversé p ar l’eau d’en user dans l’intervalle
qu’elle y parcourt. Mais elle ne l’autorise pas à s’introduire audessus de la ligne de sa propriété dans le lit du ruisseau, à remonter
ce li t , à y établir un barrage pour empêcher l’eau de couler dans
sou lit naturel, pour en changer le cours et pour la diriger vers
une propriété inférieure de
45 mètres au point ou elle
est prise.
Les époux Chandezon diront-ils que le sieur Bouchard le tolère,
et que lui seul étant riverain en cet endroit, pourrait seul aussi s’y
opposer?
Un tel argument serait la plus grande des erreurs.
L e sieur Bouchard n’est pas propriétaire de l’cviu de la rivière.
Cette eau est commune à tous les riverains ; el chacun d’eux peut
seulement en user sans avoir le droit de concéder à un autre ce
qui ne lui appartient pas à lui-même.
Comme riverain, le sieur Bouchard a le droit de se servir de
l’eau pour l'irrigation de sa propriété ; et dans le fait il exerce ce
droit.
Cet usage exercé par le sieur Bouchard pour son propre avan
tage, épuise tous ses droits ; il ne lui est pas d’ailleurs permis de
tolérer dans un autre ce qu’il ne pourrait pas faire lui-mème pour
son propre avantage. Il ne peut pas autoriser le sieur Chandezon ni
qui que ce soit à établir dans la partie du lit dont lui Bouchard est
riverain, un barrage pour conduire l’eau chez son voisin ; car ce
serait se rendre maître d’une eau dont il n’a qu’un usage personnel;
ce serait disposer de la chose des riverains inférieurs.
Cette doctrine ressort clairement des dispositions de l’article G44
du code c iv il, qui a entendu concilier les intérêts de tous les rive
rains, cl qui 11e veut pas que plusieurs riverains supérieurs puissent
�( 20 )
se concerter entr’eux pour priver les inférieurs des avantages qu’ils
peuvent retirer du Voisinage d’une x’iviere trop souvent désastreuse,
pour eux par ses irruptions.
Cette doctrine est aussi professée par M. Proudhon , dans son
Traité du domaine public . dont nous avons déjà transcrit le passage
si positif où il dit que le propriétaire d’ un fo n d s qu i borde un
ruisseau n’a le droit d ’y prendre que l’eau nécessaire à l’irri
gation de son propre héritage , e t qu’il ne pourrait y perm ettre
la confection d ’un aqueduc p our conduire les e a u x su r le fo n d s
d ’un autre q u i serait plus reculé ( V . tome
4 , page 429 )-
A in si, c’est sans droit que le sieur Chandezon s’empare de l’eau
de la rivière vers un point qui ne correspond même à aucune de
ses propriétés; et les x’iverains inférieurs sont d’autant plus fondes
et intéressés à s’en plaindre , qu’en ne prenant l’eau que près de
chez lu i, il n’en pourrait retenir qu’ une partie et ne priverait pas
les vastes prairies qui sont plus basses d’une irrigation dont elles
ont toujours joui.
Nous avons démontré clairement et positivement, il semble, que
l’article 644 du code civil ne conférait pas aux époux Chandezon
les droits qu’ils s’arrogent, et que par leurs entreprises ils blessaient
ouvertement la lettre comme l’esprit de notre législation sur les
cours d’eau.
Ici se présente une autre objection tirée de l’existence des canaux
et de l’usage des eaux, usage qu’ils ont exercé eux ou leurs auteurs,
disent-ils, depuis un teins immémorial.
Relativement aux canaux et à l’agage B aux frais de l’établisse
ment desquels les propriétaires inférieurs n’avaient pas contribué ,
dit-on, il est assez étrange qu’on se soit fait de celte circonstance
un moyen devant les premiers juges.
Cet usage, utile aux époux Chandezon seuls, ces rases ou rigoles
<ln’ils ont creusés dans leur pré, ne sont que nuisibles aux riverains
infér ieurs. Ceux-ci ne pourraient s’en servir, en eussent-ils le droit;
ds n’y ont jamais rien prétendu; ce n’est pas là que gît la question
de la cause.
Quant à l’argument tiré de l’usage des e au x, il csl facile d’y ré
�pondre; cl on le sentait si bien qu’on ri’y a pas insisté en première
instance. Aussi le tribunal ne s’y esw l pas arrêté:
1
Ce prétendu usage n’a pu acquérir aiicuri droit aux époux Chaiidezon, parce qu’il n’a été ni caractérisé, ni exclusif.
Il n’a pas été caractérisé par des travaux de main d’homme, éta
blis d’une manière fixe et propres à annoncer l’intention permanente
de s’emparer des eaux au préjudice des droits des riverains inté
rieurs.
E n effet, sauf un commencement de rase pratiquée dans la pro
priété Bouchard, en amont mais à peu de distance du point B , les
époux Chandezon ni leur auteur n’ont jamais pratiqué, sur le lit de
la rivière au-dessus de leur propriété , des ouvrages apparens et
solidement édifiés, tels qu’un barrage en maçonnerie, pour diriger
dans leurs héritages les eaux de la rivière de la Monne. Ils n’y ont
même jamais élevé d’écluse eu fascines soutenues par des p ie u x, ni
aucune autre espèce de construction solide qui détournât les eaux
de la rivière et qui put faire concevoir aux propriétaires inférieurs
la crainte d’en être prives.
Ils se sont toujours bornés, lorsqu’ils voulaient s’emparer de l’eau,
à faire instantanément dans le lit de la rivière et dans la partie de
cc lit, correspondante à la propriété Bouchard, un barrage mobile j
composé des pierres prises dans le lit môme de la Monne et aux
quelles ou réunissait un peu do paille, afin de détourner les eaux do
leur cours ordinaire pour les diriger, par une espèce de cannfctcm*
porairc , le long de la propriété Bouchard, jusqu’à la rase qui
commence à une faible distance de leur propriété particulière*
c’est-à-dire, près du point marqué B sur le plan.
O r de tels ouvrages, qui ne présentaient rien de certain , rien do
fixe, rien de positif, qui disparaissaient à la moindre crue d ’eau, au
moindre mouvement de la rivière , n’ont pti constituer une ser
vitude réelle de prise d’eau, ni attribuer un droit exorbitant, un
droit contraire aux prescriptions de la loi, celui d’aller prendre, sui*la rive d’un héritage supérieur cl à un point éloigné de son propré
héritage, l’eau que la nature comme la loi destinent aux héritages
�(
ê
'
3i
)
^
inférieurs lorsque le possesseur du terrain supérieur ne peut plus
en user lui-même sur sa propre rive.
Pour établir une servitude de prise d’eau, pour acquérir par la
prescription sur le lit d’une rivière , comme sur le terrain d’autrui
un droit exclusif à des eaux qui ne nous appartiennent pas, il faut
que la possession soit caractérisée par des ouvrages apparens et
fixes, qui n’aient rien de précaire et qui ne puissent pas être
considérés comme l’eiï'et de la simple tolérance du propriétaire su
périeur , ou comme ayant pu échapper à l’attention des propriétaires
inférieurs auxquels les eaux devaient arriver. On peut invoquer sur
cette question par analogie un arrêt de la Cour de Iliom, du 2G
avril 1826. (V o ir aussi l’article 6^2 du.Code civil.)
O r, certes, à la manière dont était formée l’espèce de barrage
pratiqué par les époux Chandezon ou leur auteur, et tant que ce
barrage n’avait pas été prolongé en amont d’environ
45
mètres et
élargi sur le lit de la rivière de manière à intercepter la totalité ou
la presque totalité des eaux; en un mot tant qu’il 11’y avait pas eu
832
abus comme en j
, époque de l’origine du procès, les proprié
taires inférieurs, ainsi que le propriétaire supérieur , n’avaient dû
donner qu’une légère attention à l’entreprise des époux Chandezon,
parce qu’ils n’en éprouvaient pas un préjudice sérieux et continu.
Cette entreprise ne causait en cil et aucun préjudice au sieur
Bouchard, propriétaire supérieur, un barrage peu solide et peu
élevé n’exposant pas son héritage à être inondé.
Les propriétaires inférieurs étaient eux-mêmes peu blessés dans
leurs intérêts, soit parce que ce barrage n’existait pas constamment,
soit parce q u e , même pendant son existence primitive, comme il
était plus rapproché du point II, il ne détournait qu’une petite portion
de l’eau et en laissait arriver la plus grande quantité aux prairies
inférieures.
Ainsi, sous ce premier rappo rt, l’usage des eaux invoqué par les
époux Chandezon ne pourrait leur valoir aucun droit parce qu’il
n’aurait pas été caractérisé et que leur possession n’cîxt été que pré
caire.
Mais il y a plus, cet usage n’a jamais été exclusif.
1
�Jamais, en eiïet, avant )
832 , les époux Chandezon, ni
leur au
teur ne s'étaient emparés des eaux arbitrairement, quand bon leur
semblait, et malgré la résistance des riverains inférieurs; jamais ils
u’avaient disposé de ces eaux à leur gré ; jamais ils ne les avaient
détournés abondamment et constamment au préjudice des proprié
taires inférieurs.
S’ils usaient des eaux de la M onne, ce n’était qu'assez rarement*
et en partie seulement comme nous l’avons déjà dit; en sorte que
la plus grande masse du cours d'eau arrivait constamment aux pro
priétés inférieures.
E t si quelquefois le barrage était maintenu ou disposé de ma
niéré à détourner une trop grande quantité d’e a u , les proprié
taires inférieurs se transportaient vers ce barrage toléré plutôt que
dû ; et tantôt ils le détruisaient, tantôt ils le réduisaient de manière
à faire disparaître le préjudice qu’ils en auraient éprouvé.
C ’est ainsi que les choses se sont passées jusqu’en i
; c ’est
ainsi q u e , jusqu’à cette époque, sans qu’il y eut de règlement formé
832
et bien ordonné entre les divers propriétaires des prés supérieurs
ou inférieurs, tous cependant profitaient tour à Lourdes eaux , quoi
qu’avec peu de régularité; tous jouissaient des mêmes avantages s’ils
étaient exposés aux mêmes désastres; aucun d’e ux, pas plus les
époux Chandezon que les autres , n’avait ni 11e réclamait de privi
lège exclusif sur ces eaux.
T el a été l’unique mode de possession des époux Chandezon
ou de leur auteur. O11 le demande, pourrait-on trouver dans un tel
usage des eaux, dans une possession aussi précaire, aussi incertaine,
aussi variable, aussi peu exclusive, le principe du droit, qu’ils ré
clament aujourd’h u i , de s’emparer à leur gré et sans mesure des
eaux de la Monne ; de les retenir tant qu’il leur plairait ; de les absor
ber presqu’enticrement, soit pour l’irrigation d’une grande étendua
de propriété non riveraine du cours d’e a u , soit pour l’entretien
d’un vivier qu’ils y ont récemment établi; enfin de changer la di
rection de ces eaux sans s’inquiéter de les rendre à leur cours ordi
naire comme le veut la loi: et de prétendre encore que c ’est à ceux
<jui en ont besoin à les faire rentrer dans leur lit, tandis que Ja loi
�( 33 )
impose expressément celte charge à tous ceux auxquels elle c»
accorde l’usage?
Reconnaissons donc que les époux Chandezon ne peuvent invo
quer en leur faveur une possession caractérisée et sufiisante pour les
autoriser à priver les propriétaires inférieurs des eaux communes
que la nature a destinées à tous les riverains; reconnaissons qu'ils
sont tenus de se soumettre aux principes que nous avons ci-dessus
développés sur l’usage des e a u x ; reconnaissons q u e ,) comme
riverains, comme propriétaires même d’héritages que le cours d’eau
traverserait, ils ne pourraient prendre l’eau que sur la ligne de leur
propriété, et n'auraient pas le droit d’aller s'en emparer au préju
dice des propriétaires inférieurs, sur la partie du lit correspondante
à la propriété Bouchard; reconnaissons que, même en usant de l’eau,
ils seraient tenus de la rendre à son cours ordinaire, à la sortie de
leurs fonds et au point même où ils cessent d’être riverains; recon
naissons, en un mot, que leurs prétentions, qui tendent à violer
toutes ces règles, doivent être repoussées, et qu’il est juste de mettre
un frein à l’usage arbitraire qu’ils veulent faire d’un cours d’eau
auquel beaucoup d’autres propriétaires ont aussi des droits.
Ceci nous conduit à examiner si un règlement d'eau doit cire
ordonné.
A la suite des principes poses dans l’article
644
du Code civil
sur l’usage des eaux accordé par la loi à ceux qui possèdent des
héritages bordés ou traversés par une eau courante, vienneut des
dispositions réglementaires écrites dans l’article
645 pour faire cesser
les contestations que cet usage peut faire naître.
645
L ’article
s’exprime ainsi :
« S ’il s’élève une contestation entre les propriétaires auxquels
« les eaux peuvent être utiles, les tribunaux en prononçant doivent
« concilier Vintérêt de ¿’agriculture avec le respect du à la pro« priété ; et dans tous les cas les régleuiens particuliers et locaux
« doivent être respectés.
Cette dernière partie de l'article reste sans application dans la
ca u se , puisqu’il n’cxisle aucun règlement local et que le but du
procès est d’en faire ordonner.
5
�( 34 )
Quant à la première partie, jamais cause n’en comrhanda plus
l ’applicaiion. La lutte est engagée entre un propriétaire qui ne
possède qu’environ 8,000 toises de terrain susceptible d’irrigation,
et qui, pour en augmenter les produits ou les embellisseincus dans
son intérêt privé , veut absorber ou détourner à son gré toutes les
eaux du ruisseau de la Monne et en priver plus de 120,000
toises de prairies inférieures , toutes d’une grande valeur et d’un
produit considérable, toutes garnies d’arbres fruitiers, toutes exis
tantes en nature de prairie depuis 1111 teins immémorial, et en pos
session depuis plusieurs siècles d’un droit d’irrigatiou dont le sieur
Chandezon voudrait aujourd’hui les empêcher de jouir.
' Sans doute l’intérêt de l’agriculture ne permet pas qu’on sacrifie
ainsi à un seul, et pour un terrain d’une médiocre surface, les droits
d’un grand nombre de propriétaires et la fertilité d’une vaste éten
due d’un terrain auquel l’arrosement est nécessaire.
Cette première considération suffirait seule pour faire ordonner
le règlement réclamé.
Nous pourrions aussi invoquer contre les prétentions des époux
Chandezon , soit des autorités nombreuses, soit la jurisprudence de
plusieurs cours.
Ces prétentions sont repoussées par les observations même qui
ont été faites au conseil d’é ta t, lors de la rédaction de cette partie
du Code civil.
«• Lorsque l’eau passe par plusieurs héritages, y fut-il d i t , sans
« que personne en soit propriétaire , que le modo de jouir n’est
« établi ni par le titre, ni par la possession, ni par des réglemens
* particuliers et locaux, les tribunaux déterminent la jouissance de
« chacun par un règlement qui fixe le teins pendant lequel chaque
« propriétaire usera des eaux et même l’heure oii il pourra s’en
/|5
«f servir; et l’article G veut qu’ils combinent ce règlement de matf nière à concilier l’intérêt de l’agriculture, c ’es t-à -d ire l’intérêt
« général avec le respect dù à la propriété (Esprit du Code civil
5
<t Sur l’article G/| ).
Ici Finlérct général est. tout en faveur des appelans, et l’intérêt
de la propriété ne peut leur être opposé, puisque
uous
savons que
�(
33
)
les eaux d’un ruisseau sont communes à tous les riveraius, et
que les époux Chandezon, riverains dans une très-faible étendue de
terrain, n’avaient à ces eaux qu’un droit proportionnel el par con
séquent fort restreint ; puisque nous avons vu aussi que les époux:
Chandezon n’avaient pas le droit de prendre les eaux au point du
lit où ils s’en emparent pour les conduire à leurs héritages.
Bien plus, dans l’espèce, le respect dû à la propriété est blessé par
les entreprises du sieur Chandezon, qui violent le droit que les
propriétaires inférieurs ont acquis à l’usage de ce cours d’e au , par
une possession de plusieurs siècles.
Malleville , sur le même article
645 , dit aussi que , « si l’un des
« riverains absorbait l’eau au préjudice des autres ou en prenait un
« volume considérable, c’esfle cas de faire un règlement entr’eux,
<f et que c’est l’objet de la seconde partie de l’article
645 .
M, Pardessus, après avoir posé en principe qu’un riverain ne
peut détourner l’eau en entier sur son fonds , ajoute ce conseil re
marquable :
x Si le volume était si modique qu’il ne fut pas possible d’y faire
» des saignées , et que par cela seul les eaux devinssent inutiles ,
« il vaudrait mieux les accordera un seul pendant quelques heures
« ou quelques jours, et par ce moyen les en faire jouir su ccesii« vem ent pendant un tems proportionné à leurs besoins, que de
* ne les leur donner que partiellement, et dès-lors en si petite
« quantité qu’ils se trouvent manquer d’un élément qui peut seul
v féconder leurs héritages ; en un mot les tribunaux doivent établir
« des règles de convenance et d’équité.
Telle est la vraie doctrine. Il ne doit cire permis à aucun riverain,
quoique supérieur, de s’emparer exclusivement de l’eau au préju
dice des riverains inférieurs ; et les tribunaux doivent s’empresser
de réprimer les abus et d’ordonner les réglcmcns nécessaires pour
une sage distribution des eaux.
C ’est sur cette doctrine que s’est fondée la Cour de Riorn, on
décidant par deux arrêts , l’un du
germinal en 10, l’antre du
5
27 nivôse an 12 , que le propriétaire d’un pré supérieur où passait
un ruisseau n’avait pu relcnir l’eau cl la détourner des prés iufe«
�e 36 )
rieurs. ( V o i r ;ccs arrêts dans le journal de la C o ur, an 12., pages
1 1 6 , 120 ).
o
On p<uit consulter aussi un arrêt du parlement de Paris , du
65
j 6 juillet i o , rapporté par Mornac.
C ’est encore en adoptant et cri consacrant cette doctrine , qu’un
ai’rêt de cassation du 7 avril 1807, rejeta le pourvoi contre un
arrêt de la cour de Dijon , qui avait condamné un propriétaire su
périeur et riverain à détruire des digues et des canaux qu’il avait
établis pour s’emparer de la plus grande partie de l’ean , au préju
dice des propriétés inférieures. Une des dispositions de l’arrêt ren
voie ce propriétaire supérieur ¿1 se pourvoir en règlem ent avec
les parties intéressées. L ’arrêt reconnaît donc que des réglemeijs
sont nécessaires dans de tels cas.
•
On oppose, il est vrai, un autre arrêt du 16 juillet 1807, qui a
rejeté aussi le pourvoi contre une décision contraire. Mais ce se
cond arrêt ne peut être invoque par les époux Chandezon sous plu
sieurs rapports : 1* parce que les propriétés de celui qui se servait
des eaux étaient traversées par des ruisseaux ; qu’il ne prenait les
eaux qu’à leur passage et dans la partie du lit qui était bordée des
deux côtés par ses héritages, et qu’il n’en usait que dans Vintervalle
où le ruisseau parcourait ses propriétés ; 20 parce qu’à la sortie
de ses f o n d s , et au point où il cessait d’être riverain, il les rendait
¿1 leur cours ordinaire.
O r le sieur Chandezon ne fait rien de tout cela : 10 il ne prend
pas les eaux dans la ligne de scs propriétés; il va les prendre, sans
droit,par pure tolérance, dans lapartiesupérieure du lit, devantrheritage lîouchard à qui ces eaux n’appartiennent cependant pas, et
qui ne peut légalement en disposer ni en laisser user au préjudice
des riverains inférieurs auxquels la nature comme la loi les destinent}
nous avons déjà prouvé cette vérité de principes.
2* Le sieur Chandezon n’use pas des eaux dans l’intervalle seule
ment où leur cours traverse scs propriétés; il les conduit sur un
lorrain éloigné du lit de la rivière ; et ce qu’il y a de contraire à tous
les principes , il ne les rend pas à leur cours ordinaire , il les dé
�( 3? )
tourne au contraire de ce cours pour les faire tomber sur un terrain
beaucoup plus bas d’ou elles ne peuvent rentrer dans leur lit.
L e second arrêt invoqué ne peut donc recevoir aucune applica
tion à la cause, et la doctrine que nous avons cmise reste dans toute
sa fo rc e , protégée par la loi comme par l’équité, comme par l'in
térêt de l’agriculture.
Cette doctrine a été appliquée par un troisième arrêt plus récent
de la Cour de cassation ; cet arrêt, en date du i o avril 1821, et qui
casse une décision contraire, déclare en principe, en visant l’article
645 du code sur lequel il se fonde, que «■lorsque des propriétaires
« de dilTérens terrains ont le droit de se servir des mêmes eaux, et
« que le mode de jouissance n’est déterminé ni par les anciens
titres ni par aucun règlement particulier et lo c a l , c’est aux tri« bunaux qu’il appartient de prononcer sur les points qui divisent
* les intéressés et de fixer des règles qui préviennent tous débats
« ultérieurs.
T e l est le point de droit que pose l’arrêt.
Ce point de droit s’applique exactement à la contestation présente.
Les eaux de la Monne sont communes à tous les riverains , et
tous'ontle droit de se servir de ces eaux; nous l’avons déjàprouvé.
S ’il y a des difficultés entre les riverains sur le mode d’usage de
ces e a u x , les tribunaux sont donc appelés à faire cesser ces diffi
cultés par un règlement fait dans l’intérêt de tous.
Et comment le sieur Chandczon pourrait-il être admis à s’y op
poser , lui qui y a un intérêt plus pressant que tout autre s’il veut
obtenir ou conserver l’usage légal d’une partie de ces eaux ; lui qui,
s’il 11 y avait pas de règlement , devrait être privé de toute prise
d’eau.
1
Car rs propriétaires riverains, même inférieurs , ont le droit de
1 empêcher d exercer aucune prise d’eau ailleurs que dev;,nt s011
propre héritage ; ils ont aussi le droit d’exiger qu’il fasse rentrer
dans le lit de la rivière les eaux dont il userait et qu’il les fasse ren
trer dans leur lit au point où son héritage cesse de border le cours
d’eau.
Or, comment le sieur Chandczon arroserait-il, en sc soumettant
�( 38 )
à ces prescriptions qui lui sont cependant rigoureusement imposées
par la l o i , comme condition expresse de la faculté d’user de l’eau?
Ainsi par sa résistance illégale et injuste au règlement qui est de
mandé , il s’expose lui-même à être privé absolument de l’eau dont
il abuse aujourd’hui,
Il s’expose à en être privé ; car comme nous l’avons déjà fait ob
server il ne pourrait argumenter de prescription , puisqu’il n’a pos
sédé que précairement, puisqu’il n’avait jamais usé avant i
832 que
d’une faible partie des eau x, puisque le barrage qu’il établissait illé
galement sur le lit du ruisseau vis-à-rvis la propriété Bouchard était
détruit par les propriétaires inférieurs dès qu’ils s’apercevaient que
l’eau ne leur arrivait pas ou qu’elle ne leur arrivait qu’en moindre
quantité , puisqu’enfin jusqu’aux nouvelles tentatives par lesquelles
le sieur Chandezon a voulu s’approprier la presque totalité de l’eau
commune pour s’en servir même à embellir sa propriété et à y
établir un ou plusieurs viviers, jusqu’à ces tentatives arbitraires, les
propriétaires inférieurs avaient suflisamment fait arroser leurs vastes
prairies.
Ces propriétaires inférieurs ont donc le droit de se plaindre et
d’insister sur un règlement qui ménage les intérêts de tous.
Ils sont d’autant plus dignes d’intérêt dans celle réclamation , que
leurs prairies, dont le terrain est presqu’au niveau du lit du ruisseau,
sont chaque année exposées à d’aifligeantes dégradations par l’inva
sion des eaux j et ils ont fait cette année-ci l’épreuve la plus désas
treuse de ce danger.
Les époux Chandezon, au contraire, donl le terrain est élevé audessus du cours d’eau, sont à l’abri de ces malheurs presque annuels j
et cependant ils voudraient seuls profiter du bénéfice des eaux, eux
qui n’en redoutent pas les incommodités , pour en laisser tous les
ravages dans les
momens fâcheux aux propriétaires inférieurs
qu’ils priveraient de leur avantage dans les inomens où elles pour,
raient être utiles.
n’nst pas ainsi que la justice
Ce
se distribue.
Loin de là; l’équité ;
et la justice commandent un ordre tout oppose.
^
Cîir selon la remarque de Proudhon : « Si les près infui'icurs
�( 39 )
•
« étaient sujets à des inondations dans les crues d’eau cxtraordi« naires , cc serait là une considération majeure pour leur laisser
«• pleinement l’usage des eaux d’irrigation dans les tems ordinaires,
» plutôt que de permettre au propriétaire supérieur de s’en empa«■rer, tandis que l’organisation naturelle du sol le met à couvert
« des mêmes pertes__Secundùm naturcini e s t commoda ciijus* que rei seq u i quem sequuntur incommoda. L . 10, flf de reg.
« ju ris. »
Le cas prévu par l’auteur est celui où se trouvent souvent les
parties.
Cependant, quoique dans les tems de sécheresse l’eau puisse être
insuffisante pour tous, les appelans se sont bornes à demander un
règlement qui divisât les eaux entre tous les propriétaires supérieurs
et inférieurs dans la proportion de l’étendue des propriétés respec
tives susceptibles d’irrigation. Celte réclamation était trop juste
pour que le sieur Chandezon lui-même ne l’eût pas accueillie, si les
conseils irréfléchis de son intérêt personnel ne l’avaient complète
ment aveuglé sur scs droits.
Aussi est-il le seul qui ait résisté à la demande en règlement.
Les autres intimés ne s’y sont pas opposés; ils s’en sont rapportés à
droit en première instance; - et s’ils ne se sont pas réunis aux appe
lans, c’est qu’il existe, à ce qu’il paraît, entr’eux et le sieur Chande
zon , des arrangemens secrets qui les désintéressent.
Il
est vraisemblable que devant la Cour les autres intimés reste
ront aussi neutres dans les débats , prêts cependant à profiter du
succès qu’obtiendraient les appelans.
Mais s’ils se montraient hostiles, la dissertation à laquelle on vient
de se livrer leur sci ait applicable.
Dans cette cause, un règlement d’eau est autorisé par la loi pour
l’usage d’un cours d’eau commun à un grand nombre de proprié
taires riverains, parmi lesquels il n’en est pas un seul qui ait un droit
de possession exclusive, et dont il est juste que tous recueillent les
avantages, les propriétaires inférieurs sur-tout,
exposés aux ravages des inondations.
beaucoup plus
Ce règlement d’oau, réclamé par beaucoup , refusé par un s e u l,
�est prescrit par l'intérêt de l’agriculture, qui ne permet pas que
de vastes et de nombreuses prairies de la plus grande valeur, soient
privées d’une irrigation de laquelle elles ont toujours joui, et ré
duites à une affligeante stérilité , pour fournir à la prodigalité de
l’arrosement et aux embellissemens d’une propriété unique d’une
bien plus faible étendue, d’une bien moindre valeur.
Ce règlement d’eau est voulu par l’intérêt légitime du sieur
Chandezon, à qui la l o i , rigoureusement appliquée , refuserait
toute participation à l’usage de l’e a u , puisqu’à la sortie de ses fonds,
il ne la rend pas, il ne peut la rendre à son cours ordinaire.
Ce règlem ent, enfin, est nécessaire dans l’intérêt de l’ordre
p ublic, pour prévenir les violens débats , les dangereuses querelles
que font naître l’usage et l’occupation des e a u x , et qui peuvent
produire de fâcheux excès , dans l’irritation qui jaillit du choc des
passions, excitées, sur-tout dans les tems de sécheresse par l’ur
gence des besoins d’irrigation.
La Cour, dans sa haute sagesse, ordonnera la mesure commandée
par les circonstances , comme par la doctrine, comme par l'équité,
qui est la première des lois,
M e A L L E M A N D , Avocat.
M* B O N J O U R , avoué,
R I OM ,
IM PR IM ER IE DE SA LL E S F IL S ,
PRES L E PA LAIS.
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Martin. 1836?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Bonjour
Savarin
Johannel
Chirol
Tailhand
Debord
Veysset
Subject
The topic of the resource
jouissance des eaux
irrigation
jardins
rivières
vin
prises d'eau
canal
cadastre
sécheresse
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour les sieurs Martin, médecin ; Martin, greffier du juge de paix ; Monestier, Ussel, Reynaud, Maugue-Champflour, et autres propriétaires de Tallende, de Monton, de Saint-Amand, appelans d'un jugement rendu par le tribunal de Clermont ; contre dame Justine Ussel et le sieur Vincent Chandezon, son mari, adjoint de la commune de Tallende, y habitant, intimés ; en présence de la dame Duvernin, veuve Cisternes, en son nom et comme tutrice de Charles Cisternes ; de dame Hélène Cisternes, et du sieur de Varennes, son mari, assignés en assistance de cause, et aussi intimés ; en présence de la dame Monestier et du sieur Creuzet son mari, d'Etienne Bohat-Lami, Antoine Bohat-Tixier, Laurent Tixier, Hugues Bohat, dit le grenadier, et de François Ballet-Beloste ; tous aussi assignés en cause, et intimés ; en présence enfin du sieur Nicolas Barbarin, également appelant.
Annotations manuscrites.
plan cadastral.
Table Godemel : Cours d’eau.
en matière de cours d’eau, les dispositions des articles 644 et 645 du Code civil ne sont applicables qu’aux cas où les droits du riverain d’une eau courante sont égaux, et où il n’y a ni titre ni possession qui déterminent des droits spéciaux en faveur de l’un d’eux. – ainsi, lorsqu’il résulte, des faits de la cause, ou de l’état des lieux, ou des documens produits, que des constructions de main d’homme ont été faites pour conduire les eaux dans la propriété de l’une des parties, et qu’elle en a profité depuis une époque reculée, il y a lieu de maintenir sa possession.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1836
1800-1836
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2810
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2811
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53566/BCU_Factums_G2810.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Amant-Tallende (63315)
Veyre-Monton (63455)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
cadastre
canal
doctrine
irrigation
jardins
Jouissance des eaux
prises d'eau
rivières
sécheresse
vin
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53607/BCU_Factums_G2921.pdf
3ec7f479ca8ffff39523d262dbc3718b
PDF Text
Text
CONCLUSIONS
POUR
es H abitants de la V ille de
R iom , poursuites et diligence d e M . le M aire,
intimés et incidemment appelants ;
L e
C orp s
com m u n
d
CONTRE
M . N E Y R O N - D E S A L N A T S propriétaire,
habitant de la commune de Saint - G e n e st,
appelant et incidemment intimé*
S u r l’appel principal ,
P a r les motifs , expri més au jugement dont est a p p e l , et y ajoutant
ou les développant , et d’abord en c e qui touche la prétention du
sieur Désaulnats d’ ètre propriétaire exclusif de l ’étang A et de la
chaussée de cet é t a n g , exempts de toute servitude pour la ville de
R iom , même à raison de l ’eau concédée autrefois à cette ville ;
Attendu que c e tte prétention n’est autorisée par aucun titre qu’il
produise ;
Attendu m ême qu’elle est répoussée 1 ° par ce qui fut reconnu lors
de son procès, en 1 8 0 6 ;
2 ° P a r les titres de la ville ;
3° P a r l’é tat des lieux ;
4° P a r l’opinion unanime des experts qui ont opéré dans la cause;
Q u'en effet, 1° le sieur Désaulnats ne produit aucun titre qui
justifie son assertion;
�Que le seul titre q u’ il produise est une adjudication du 4 janvier
1 6 2 0 , sans rapporter le procès-vorbal et le cahier des charges de
celle adjudication , pièces qu’ il n’a sans doute pas intérêt à faire
connaître ;
Que le jugement d’adjudication de 1 6 2 0 , loin de lui litre f a v o
rable,’ lui est c on t r a i r e , puisqu’ il donne pour conlin au moulin vendu
01 à ses dépendances , la fontaine île Sciint-Genest et sources (¡ni
Talim entent , c ’e s t- à- d ir e , présiscnicni l’é f m g marqué A sur le plan
des experts ;
Q ue les é c l u s e s c h a u s s é e cl cours d’eau, énoncés dans la vente,
ne sont évidemment ni l’étang ni la chausssée qui le h o r d e ; l’écluse
-s’entendant du canal qui conduit l’eau au moulin; la chaussée 11e s’ap
pliquant qu’au lorrain placé au-dessus des roues du moul i n, et le
cours d e u u ou l’eau qui L it j oue r le moulin pouvant sortir de
l’étang, mais ne pouvant se confondre avec l’ étang même qui sert
de conlin au moulin et à ses dépendances; car le confín ne peut
faire partie de la v ente ;
Attendu que , lors d ’un procès considerable du pieur Désauhiats
p è r e , en i 8oG , deux e xp er t s, l’ un desquels avait été choisi par le
sieur Désaulnals lui-meme, après av oi r appliqué les titres de celui ci,
notamment soit la yente de t G a o , soit un procès-verbal de prise de
possession de 1 7 0 9 q u ’il 11c produit pas aujourd' hui, déclarèrent
formellement que ce procès-verbal était exclusi f d ’un droit de p r o
priété po ur le sieur Dcsaulnals aux sources de S a i n t - G e n e s t , et
notamment à l’étang A , désigné par la lettre C sur leur plan, et
qu'ils appellent réservoir ou grande fontaine ;
Que les experts déclarent aussi que le seigneur de Marsac avait
di vi só les eaux des s o u r c e s ,
partie au moul in, partie à la ville de
ll iom , partie aux prés de ¡Mnrsac ( V . les rôles 7 3 , 1 5a , 1 4 5 , 147
du rapport fait en 180G);
Attendu que le sieur Désauhiats lui même reconnut celle division
des e a u x , faite par le seigneur de ¡\larsac , entre le moul in, lliom
et les prés de .Mnrsac. V . pages
2,
11
cl
1 u de son p re mi er
�m é m o i r e , où il reconnaît aussi que les eaux du grand et du petit
bassin, c'est-à-dire, des bassins A et B , ne faisaient q u ’ une seule
s o u r c e , composée de plusieurs bouillons, et appelée G r a n d e - F o n
taine;
Attendu, que dans un mémoire manuscrit produit à la même
époque , le sieur Désaulnats déclare aussi que l’eau de l’étang A
servait à alimenter les fontaines de la ville, o u , ce qui est la même
chose , à entretenir en temps de sécheresse la plénitude de son
regard primitif ( regard E ) ;
Attendu q u’ainsi, non-seulement le sieur Désaulnats n’a aucun titre
qui lui attribue la propriété exclusive des eaux des sources et de
l’étang A , mais même que les titres qu’il produisit en 1 8 0 6 lui r e
fusent celte propriété e x c l u s i v e , et qu’elle lui est aussi déniée par
les déclarations de son père , dont il est l’héritier;
Attendu, qu’au contraire, la communauté de droits à ces eaux et
à la chaussée est attribuée à la ville par plusieurs éléments, uotammenr , par la transaction faite en iG/f5 a vec le se ign eur de M a r s a c ,
propriétaire des eaux , c omme sei gneur haut-justicier, puisque ce
seigneur concéda à la ville une prise d’eau a u x sources de Saint-
(io u e s t , e t , par c onsé quent , aux diverses sources qui forment
l’Etang A ;
l ’ uisqn’aussi la prise d’eau fut d’abord fixée au point O du plan
des experts de la caus e, c ’est-à-dire, à l ’angle nord de l ’étang A ,
point éloigné de la source ou bouillon qui surgit sous la chapelle C ;
Q u e ' c e fait est reconnu pa r cinq experts , deux en 1 8 0 6 , et les
trois de la cause actuelle;
Attendu q u’en iG.j5 les consuls de I l i o m , furent chargés de
grossir et entretenir la muraille placée au-devant du moulin, ce
qui ne peut s’ entendre que de celle du grand bassin ou étang ? et
ce qui pr ouve que la ville avait droit sur l’étang pour sa concession,
et attendu q u e , lors du changement du point de h* l, l ‘sc d eau en
toutes les autres clauses de l’acte de i f >45 lurent maintenues ,
Attendu que cette communauté est enfin reconnue par les e x p u t s
�de 1 8 0 6 et ceux île 1 8 4 0 , ( V . R app or t de 1 8 0 6 , rôle ¡'4j cl celui
de 1 8 4 0 , pages i o 5 et 1 0 4 ) ;
Attendu que cette communauté des eaux de l’étang A , est même
établie par le procès-verbal de 1 7 2 5 , puisqu’on y voit qu’outre le
tuyau placé dans la chapelle C du plan , il fut établi deux autres
tuyaux po ur conduire au re ga rd E le surplus des eaux , et que ces
deux tuyaux ne pouvaient être alimentés que par les eaux de l’ é
tang A ;
Attendu que l’acte de 1 7 7 5 ne d ér og e à aucun des droits anté
ri eurs de la ville cl que par c o n s é q u e n t , il maintient ses droits,
c ommuns a v e c le moulin et’ les prés de Marsac, à toutes les sources
et notamment à celles qui forment l’étang A ;
Attendu enfin que l’état ancien qui est aussi l’état actuel des lieux,
la position des chevets qui laissent passer tantôt les eaux de la
source C dans l’étang A , tantôt celles de l’étang dans la chapelle
C , où elles sont absorbées en partie par le tuyau de plomb, que
cet étal de lieux, disons-nous, établit matériellement cette c o m m u
nauté ; les eaux du g ra nd bassin A communiquant a v e c celles de la
source C , et se confondant av e c elles, au mo ye n d’un long arceau
pratiqué au bas du m u r qui sépare le grand bassin A du petit
bassin C j
Attendu que c’ est donc a vec raison que les premi ers juges ont
repoussé la prétention du sieur Désaulnais, à la propriété exclusive
des eaux de l’étang A . exempte de toute servitude , et ont déclaré
toutes les eaux communes et solidaires entr’ellcs po ur le service des
fontaines de la ville , pour celui du moulin , et pour cvlui des p r a i
ries de ¡Marsac ;
Attendu que, par suite, ils ont dû autoriser la ville à faire grossir
et entretenir en bon état de réparation le mur ou la chaussée de l’é
tang placé au-devant du moulin, po ur pr évenir la perte des eaux de
l’é t a n g , ainsi que la ville en avait été char gé e par l’acte de conces
sion de 1 6 4 5 .
lCn ce qui louche l’cnccinle K j
�.
7/'
— 5 —
Altcndu aussi que le sieur Désauluats ne rapporte aucun litre qui
lui attribue la propriété de celle enceinte;
Attendu que vainement il argumente d’ une énonciation fai le dans
l’exposé de la transaction , de laquelle il conclut que les consuls
lui ont reconnu la propriété de cet enclos; que d ’une p a r t , il n’est
pas dit que celte enceinte appartienne au sieur Dcsaulnats , mais
seulement que les eaux naissent dans son enclos d’où ellessortent en
efl’e t ;
Q u e , d’autre part , le imité n’avaii pas pour objet la question de
propriété de l’enceinte , mais seulement des droits de la ville sur les
eaux , et qu’on ne peut étendre ce traité d’un objet à un autre par
une vague énonciation. ( Code c i vi l, art. 2089. )
Q u ’au reste les consuls n’auraieut pas eu qualité po ur attribuer
au sieur Dcsaulnats la propriété exclusive de celte enceinte ;
Attendu aussi que toutes les circonstances et l’étal des lieux lui
refusent celle propriété ;
Q u ’indcpcndamment de ce qu’ il ne rapporte aucun titre qui la lui
conféré , l’application qui fut faite en 1 8 0 6 des titres que le sieur
üésaulnats père produisit alors , démontrèrent aux deux experts ,
l’un desquels était de son choix , que l ’enceinte K était placée hors
de son enclos , et que l’enclos n’avait été entoure de murs que p o s
térieurement à la construction des murs de l'enceinte, auxquels ceux
de l ’enclos ont été appliqués ;
Attendu que si l’un e des parties devaii être considérée comme
propriétaire de l’enccinle K , ce serait la ville plutôt que le sieur
Désauluats ; la ville seule l’ayant entourée de murs à scs frais en
i 654 , ayant placé ses armes sur la porte d ’cnl rée , ayant seule r é
p a r é , entretenu et exhaussé les murs d e p u i s , y ayant seule établi
toutes les consiiuclions qui s’y tr ouvent, excepté la chapelle de la
source qui surgit sous celte chapelle où sont les armes du seigneur
do Mai sac dont le sieur Désauluats 11c pr ouv e pas avoir acquis les
droits sur celle sour ce , la ville aussi ayant seule la c le f du regard
K , ayant même seule, avant
la c le fd e l'enceinte K , c i le sieur
�r
•
»
— G Désaulnuts n'ayant dans celte enceinte , qu'un droit de ¿urveillar.cn
qui doit m ê m e , d’après l’article 4 du traité de 1 7 7 5 , ne s’ex er c er
que sous la chapel le;
Attendu que celui-là est présumé propriétaire qui a tous les droits
et toutes les charges attachés à la propriété, plutôt que celui qui n’a
q u ’un simple droit de surveillance; et attendu q u’ainsi le sieur D é saulnats ne peut pas se prétendre propriétaire de Tenc ei nteK;
Attendu même q u’en supposant qu’ il y eût des droits communs
av e c la ville , cette communauté de droits n'empêcherait pas celleci d ’en avoir la jouissance pour l ’exe r ci ce de .ca prise d’eau
sous la chapelle C, et d’y pratiquer les o uv ra g es , ou d’y établir les
canaux nécessaires à cet e x e r c i c e , p o ur v u qu’aucun changement ne
fût fait sous la chapelle C , soit au c he v et , soit au tuyau de plomb
q t i y a été placé.
E11 ce qui touche la quantité d’eau appartenant à la ville et cons
tituant sa prise d’eau ;
Attendu que la ville a droit à une quantité d’eau déterminée pa r
le débit d’un tuyau de 9 pouces de diamètre interne, et de 27 pouces
au moins de circonférence ;
Attendu que cette quantité d’eau lui est assurée ,
P a r plusieurs titres anciens et nouveaux ;
Pa r l’étnt actuel des lieux, tels q u’ ils existent au moins depuis 1
P a r les déclarations du sieur Désaulnats père , en 180G ;
P a r l’avis unanime des trois experts qui ont o pé r é dans la cause.
Q u ’en ellét, i ° l e s titres produits établissent l’étendue des droits de
la ville.
1Ù d ’abord l'acte de. i(>/j5 , dans lequel le seigneur de ¡Mai-sac ,
seigneur haut-justicier , e t, en cette qual ité, pr opr iétai re des eaux
qui surgissaient dans le territoire de sa justice, et notamment des
sources de Saint-Genest , au dessus de l’ une desquelles étaient bâties
ses armes , concéda aux consuls «le la ville de Itiom , une prise
d ’eau aux sources de S a i nt - G e ne s t, et leur attribua le droit d’éta
blir dans les s o u r c e s , pour celte prise d’eau , trois tuyaux de n eu f
pouces <lc vide eu rondeur ou circonjcreiicc;
�Q u e ces dernières expressions ne peuvent s’entendre de tu vaux
<](>. neuf pouces de circonférence , qui n’auraient eu que trois pouces
de vide , et qui n’auraicnl fourni qu’une niasse d’eau peu c ons idé
rable et insuffisante aux besoins de la ville;
Q u e cependant l'acte de i 6/t5 pr ouve que l’eau concédée était
très - abondante ,
puisque le seigneur de
Marsac
manifesta la
crainte de l’abandon du moulin par le manquement d’e au, et stipula
dans ce cas des dommages et intérêts, non en f aveur du m eu n i e r ,
mais en faveur de l u i , s e i g n e u r , qui avait emphytéosé anciennement
ce moulin ;
Attendu que , soit d’après celte circonstance même , soit d’après
le sens naturel des termes de l’acte, des tuyaux de neuf pouces de
vide ne peuvent signifier que des tuyaux d’un diamètre de g po uc es ;
Attendu que l’acte de i 654 > cn changeant le point de la prise
d ’eau , a maintenu toutes les autres clauses de l’acte ;
Attendu aussi que le procès-verbal de i 7 2 5 nous apprend qu’alors
la ville prenait l’eau par trois tuyaux de neuf pouces de v i d e ; l ’un
desquels était placé sous la chapelle C , les deux autres prenant
l’eau nécessairement dans l’étang et la conduisant tous également
dans le rega rd E ;
Attendu q u e , pour la prise d’e a u , l'intendant fit établir alors un
canal en pierre d ’un pied de diamètre et de G pouces de profondeur,
qui pouvait par conséquent r e c e v o i r , sans s ur char ge , 7 2 pouces
cari és d’eau, quantité plus forte même que celle que reçoit un tuyau
rond de 9 pouces de diamètre , qui n’en reçoit sans surcharge que
05 pouces carrés ;
Attendu que la transaction de 1 7 7 5 , en substituant aux trois
tuyaux précédents , tous aboutissant au rega rd
et y versant les
eaux , affaiblit plutôt q u ’ il n'augmenta la Quantité d ’eau de la ville ;
lMais attendu , au reste, que les conventions qui furent laites alors
réglèrent les droits respectifs; que chacune des parties doit s y
c o n f o r m e r , c*t quo I.i ville demande seulement qu on maintienne
�l'état des lieux tel qu’ il fut fixé a l or s , el le débit que lui attribue un
tuyau de neuf pouces de diamètre établi sous la chapelle C ;
Attendu 20 que cet état des l i eu x , tel q u’ il existe encore auj our
d’hui , est le meilleur régulateur des droits de la ville à l ’eau c o n
cédée , p our v u que le niveau de l’ étang A soit rétabli tel q u ’il était
avant les nouv eaux travaux du sieur Désaulnats ;
Attendu que le luyau de p l o m b , combiné avec les chevets placés
à chaque côté , l’un d e s q u e ls , celui du côté de l’étang A est plus bas
que l’autre de manière à laisser ar ri ve r facilement au tuyau de
pl omb l’eau de cet é t a n g , combiné aussi avec l’arceau existant audessous du mur séparatif du gr and et du petit bassin po ur donner
passage à l’eau de l’é t a n g , el que la lame d’eau qui surmonte cons
tamment ce c hevet, fait élever ordinairement les eaux au-dessus du
c er ve au du tuyau de p l o m b ,
et produit l'effet de remplir c o n s
tamment ce tuyau , et mê me d’établir au-dessus de ce luyau et de
l ’eau qui y p é n èt r e , une s urcharge qui en augmente le débit;
Attendu que , par la combinaison de ces diverses constructions ,
la ville reçoit constamment la quantité d ’eau qui lui appar ti ent , et
qu’elle a le droit de la conduire dans le r e g a rd et d ’ en disposer là à
son g r é ;
Attendu 5° qu’en 180G , lors de son procès avec le meunier d’un
moulin inférieur, le sieur Désaulnats déclara lui-môme, dans un
m émo ir e i mprimé q u ’ il publia, page g , que la ville de R i o m avait
droit à n eu jp o u ces d ’eau en d ia m ètre , et dans un autre mémoi re
m a n u s c r i t , que l'étang était nécessaire .pour en treten ir, en temps
<h* sécheresse, la plénitude du regard de la ville.
<^u’aii»si il reconnaissait que le luyau de neuf pouces de diamètre
devait constamment être rempli ;
Attendu 4° que tel a été l’avis unanime des trois experts de la
cause , q u i , dans la partie de leur rapport oii ils ont émis un
avis commun , expriment l’opinion que le débit du tuyau de plomb
de y pouces de diamètre serait de 10/f pouces fontainiers par s e
c o n d e , 011 a,| litres, en ajoutant que les anciens tuyaux de la ville,
�— 9 —
bien r épar és , auraient pu lui fournir la même quantité d’eau (V\ di;
la page 1 7 4 « ceHc '7 9 de cc rappor t; V . aussi à la p a ge 2 2 1 ;
Attendu que la quantité d’eau indiquée par les experts en pouces
de fontainiers, est correspondante à celle du débit en pouces carrés
d ’ un tuyau de g pouces de diamètre ; le pouce de fontainier adopté
en F r a n c e , en g é n é r a l , a uj ourd’h u i , étant beaucoup plus faible que
le pouce carré qui a toujours été adopté p ou r mes ur er de l’eau dans
notre pr ovince d ’Auver gne ;
Attendu que de toutes les preuves ci-dessus résulte l’insuflisance
de l’ofFrc de 27 pouces de fontainiers faite par le sieur Désaulnats
à la- ville ;
Attendu que ce qui vient d’être dit pr ouv e aussi l’insignifiance
des arguments que veut tirer M. Désaulnats d e l à vanne placée dans
le re ga rd E , des dimensions du canal de fuite des eaux prises par
la ville à la source C , du procès-verbal de 1 7 2 5 , de la quantité
d’eau qui arrivant à R i ot n , à la fontaine des L i g n e s , et de l'existence
autrefois d ’une prise d’eau à la fontaine du Plornb.
Q u ’en effet i ° la vanne établie dans le r ega rd E , ne l’a été q u’ il
y a environ 5o a ns , cl dans l ’intérêt de la ville seulement, et soit
pour arrêter Keau, lorsqu’on voulait réparer la conduite, soit po ur
la diminuer, lorsque cette conduite étant trop d ég r a d é e , 011 avait a
craindre q u’une tr opgr an de quantité d’ eau ne la rompît entièrement;
Q ue cette vanne avait été placée sans que l’on consultât le sieur
Désaulnats, qui 11’avaii aucune inspection dans le regard E , et qui
devait même ignorer l'existence de la vanne ;
20 Que le canal de fuite n’clait pas le régulateur des droits de la
ville ; que ce régulateur se trouvait dans les titres ci-dessus rappelés,
dans l’élal des li eux , dans les déclarations mêmes du sieur Desaulnais pè re , et dans l’avis des Irois e xp e rt s ;
Que le canal île fuite , avec scs .anciennes dimensions , »'.tant bien
r e p a r e , aurait pu r e ce vo i r toute l’eau du débit d un tuyau de 9
pouces de diamètre , com m e l’ont reconnu unanimement les expeits,
Q u ’au reste, la ville n’eùt-elle pas même reçu par son canal de
�fuite toutes les eaux qui lui appartenaient et qui pouvaient être c o n
duites par le tuyau de plomb au r e g a rd E , rega rd dont elle (’ tait
seule pr opr ié tai re, cl où devaient être transmises les eauæ a p p a r
tenantes à la v i l l e , comme le porte l’article 5 du traité de 1 7 7 5 ,
elle n’en aurait pas moins droit à la quantité d’eau que pouvait d é
biter le tuyau de plomb ;
Q u e les eaux appartenantes t.ï la v ille étant arri vées ou pouvant
a r r i ve r à ce poi nt, les habitants pouvaient en disposer dans ce r e
ga r d E c omme bon leur semblait, et les conduire à Ri om par tels
canaux qu’ ils voudraient é ta b l i r , sans que le sieur Désaulnats eût à
s’en m ê l e r , puisqu’on ne lui avait donné aucun droit même de s u r
veillance ni sur le regard E , ni sur le canal de fuite ;
Que même lorsqu’ ils n’auraient pas usé de toutes les eaux qui leur
appartenaient, leurs droits auraient été maintenus intacts p ar le tuyau
de p l o m b , les cbevcls et les autres constructions existantes soit sous
la chapelle C , soit sous le mur séparatif des grand et petit bassin A
et K , suivant la maxime vestigia servant possessïonein ;
Que pour affaiblir les droits de la ville , il aurait fallu q u ’on eût
diminue , depuis plus de trente ans , et sans opposition de sa part ,
le diamètre du tuyau de p l o m b , cl qu’ on eût détruit ou changé les
différentes constructions qui réglaient les droits respectifs des p a r
ties, ce qui n’a pas eu lieu.
Attendu, 5° que le procès verbal de 1 7 2 6 est étranger au sieur
Désaulnats, dont l’aulcur ne l’a môme pas s i g n é ;
Que ce pro cè s- ve rb al n’ûvait d ’ailleurs po ur but de régl er la
quantité d’eau appartenant à la v il le, mais seulement de régl er l’é
tendue des concessions particulières faites par elle ;
Q u e s’il parle de tuyaux eu terre , faits de Mosac à Iliom , ces
tuyaux n’étaient que provisoires et insuffisants ; qu’il nous
dit
que ces tuyaux en terre étaient souvent forcés et rompus alors ;
qu’aussi 011 s’étail toujours proposé de les convertir en tuyaux en
p i e r r e , ce qui a été fait long-temps avant 1 7 8 9 ;
Q u ’au reste, alors c omme aujourd'hui t indépendamment d’une
�grande quantité d’eau concédée par la ville au propriétaire de
l'enclos appartenant auj ourd’hui au sieur D e v a u x , il s’en perdait
une quantité beaucoup plus considérable encore à Mosac , ou il
s ’en perd encore aujourd'hui une très-grande portion , mal gré la
substitution des tuyaux de 0 à 7 pouces de diamètre , établis de
M osac à Ri om , tuyaux d ’ une capacité insuffisante qui a d é t e r
miné à établir la conduite de 9 pouces de diamètre ;
Attendu
que la quantité d ’eau qui arrivait à la fontaine des
L i g n e s , à R i om , 11e peut être un élément d ’ instruction po ur la
cause , le si ège du droit de prise d’eau de la ville étant, d’après les
Mi es et d’après ce qui a déjà été démontré , à la source C , point
«»11 l’ eau est prise , et non à la fontaine des L ig ne s , point où il n’en
ar r iv e q u ’une partie;
Attendu que de S t -G en e st à R i o m , il s’en perdait la majeure
partie , soit par la mauvaise construction ou les dégradations de sa
c o nd ui t e, soit par les concessions pa r elle faites avant et depuis le
r ega rd de M o s a c , soit par la perl e même qui se faisait et qui se fait
même encore à M o s a c , où l’eau qui s’écoule formait autrefois un
petit ruisseau cl forme encore aujourd'hui un cours d’ eau p e r m a
nent , soit par la conduite en pi erre de G pouces de d iamètr e, q u i ,
n’ayant reçu aucun enduit intérieur, laisse échapper beaucoup d’ eau
par l’infiltration, outre celle qui s’écoule par les joints.
Attendu, au reste , que la ville de lliom r ecevai t, malgré toutes
ses per tes, 5G pouces d’eau , et non pas 14 s e ul e m e n t , comme le
prétend le sieur Désaulnats; ce qui est constaté par le rapport
d ’exp er t s, pages 1 8 7 et 1 8 8.
Attendu, quant à l’argument tiré de la quantité d’eau nécessaire
chaque j o u r à chaque individu , qu'indépendamment de L’arbitraire
et du peu d'exactitude du c a l c u l , que la ville de Ri om ne devait
pas se b o r n e r a se p ro c u r e r l’ eau nécessaire aux b e s o in s de la con
sommation de chaque individu , mais q u’ il lui en fallait aussi pour
les usines, pour le nettoyage et le l avage d e s rues, pour 1 assainisse
ment et la propreté de c haque habitation , et pour parer aux dangers
�A
s
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12
—
des incendies , dont l’ extension seniil inévitable si l’on no pouvait
la pa ra lys er qu’avec la faible quantité d ’eau offerte par le sieur
T)ésaulnats , quantité d ’eau que le jeu d’une seule pompe aurait
bientôt épuisée;
Attendu, en ce qui concerne la fontaine dite du P l o m b , que cette
fontaine, qui était même d’une mauvaise qualité , a disparu depuis
plus de trente ans.
Q u ’au reste elle est étrangère à la contestation , tous les moyens
ci-dessus présentés par la ville étant indépendants de cette préten
due ressource , et ne s’appliquant qu’à la prise d’eau c oncédée dans
les sources de S t - Ge n es t ;
Attendu que les divers moy ens qui viennent d ’être développés ,
repoussent les prétendus griefs de l’appel p ri n ci pa l , et démontrent
i ° la communauté des sources de S t -G e n e s t en faveur de la ville ,
au moins quant à la jouissance des eaux ;
3° La propriété ou au moins la communauté en faveur de la
ville de l'enceinte K ;
5° L ’étendue des droits de la ville et la quantité d’eau qui lui
appartenait sur lesdilcs sources ;
Que de là il résulte deux conséquences générales.
L ’une que le sieur Désaulnats ne peut rien faire dans son enclos
ni dans l’encnintc qui affaiblisse les droits de la ville , ces droits se
réduisissent-ils à une simple servitude ( C o d e civ il , art. 7 0 1 ) ;
4° Q u ’au con tr ai re, la ville peut faire ou e xi g e r , soit dans l’enceinle K , soit même dans l’e n d o s du sieur Désaulnats, tout ce qui
[¡eut être nécessaire 011 utile po ur la conservation et l ’exer ci ce de
ses droits, même en ne les considérant que c omme une simple s e r \ i t u d e , à plus forte raison s’ il y a,communauté ( C . c i v . , art. (>97);
Attendu qu’ainsi le jugement doit être maintenu sur l'appel
pr inci pa l, mais q u’il doit être réformé sur l’appel incident, en tout
ce q u’ il aurait de contraire aux droits de la ville.
L u ce qui touebo l’appel incident du sieur Désaulnats à t - m .
server;
�Attendu i ° que le tribunal ;t autorisé le sieur Désaulnuts à c o n
s e r v e r le coursier de son moulin dans l’état actuel, et à c on ser ve r
aussi le niveau de son ctang A tel qu’ il est auj ourd’hui ; 2 0 a d é
bouté la ville de sa demande tendante à ce que le sieur Désaulnats
lut tenu de tenir le niveau de son étang à une hauteur suffisante
pour que l’eau atteignît le haut du tuyau de plomb ; 5° a refusé
de faire établir des repères pour que le changement du niveau de
l ’étang pût être v é r if i é ; 4° a laisse libre le sieur Désaulnats de
l e v e r , quand il lui pl ai rai t, la vanne du P r é - L o n g ; 5° a omis ou
refusé d’autoriser la c ommune à r épar er son tuyau de p l o m b ; 6° a
considéré c omme régulateur des droits de la ville le tuyau primitif
placé à la suite du r ega rd E et en a ordonné le rétablissement;
7° a condamné la ville à établir hors de l’enceinte K. la cuvette qui
reçoit, hors du re ga rd de la ville,*les eaux appartenant à la v ille;
Attendu, sur le pr emi er o b j e t , que le coursier du moulin n’é t a i t ,
avant i 85g , et notamment en 1 8 0 6 , que de 2 pieds ou de 2/5 de
mètres de l a r g e u r , ainsi que cela est établi par le rapport d ’experts
qui cul lieu en 1 8 0 6 ( V . ce rappor t, rôle 1 2 ) ;
Attendu q u ’aujourd’hui, ce coursier a 2 mètres 4 2 centimètres de
l a rg eur dans la partie la plus étroite, et que , de pl us, il est évasé à
son o u v e r t u r e , ce qui lui donne 4 mètres 55 centi mètres, de
manière à r e ce v o i r une beaucoup plus grande quantité d’eau et à
diminuer l’eau à laquelle la ville a d r o i t , par l'abaissement du
niveau de l' étang;
Attendu que le jugement a déboulé la ville de sa demande ten
dante à ce que le niveau de l’étang que les experts ont reconnu avoir
été baissé de 25 millimèties , ce qui affaiblit la prise d ’eau apparte
nant à la ville;
Attendu aus si , q u’ il a refusé d ’ordonner que le sieur Désaulnats
fût tenu de maintenir le niveau de l’é i a n g ù u n c hauteur telle, q u’cllo
atteignit la hauteur du luynu de p l o m b , ce qui était cependant
commandé par la double circonstance cl de l’abaissement du niveau
de l’étang par le sieur Désnuliiats et du grand élargissement de son
�—
i4
—
n ouveau coursier, à l’aide duquel il peut mettre à ln fois deux mou
lins en mouv eme nt , tandis q u ’auparavant ces moulins ne pouvaient
jouer que successivement , les tournants n’ étant q u’à la suite l’un de
l’antre;
•
Attendu aussi qu’ il a refusé de faire établir des repères qui fe
raient connaître les changements de niveau que pourrait faire à
l ’avenir le sieur Désaulnats;
Attendu q u’ il a aussi omis de fixer les jours d ’ irrigation du P r é L o n g du sieur Désaulnats , et de dire que ces jours- là seuls il po ur
rait lev er la vanne d’ irrigation de ce pré , en sorte que le sieur
Désaulnats pourrait à son g r é , et sous le vain prétexte de l’ i r r i g a
tion de ce p r é , en le ve r la vanne et affaiblir ainsi la prise d’eau de
la ville;
Attendu que le tribunal a méconnu gravement les droits de la
ville , i ° en considérant c omme régulatrice de ses droits la portion
du canal de fuite qui était attenante à un regard E , et par laquelle
s’échappait l’eau sortant de ce rega rd ;
2° E n condamnant la ville à enlever la cuvette q u’elle avait placée
sous ce r e ga rd pour r e c e v o i r les eaux qui eu sortent, et à établir
cette cuvette hors de l'enceinte K ;
( )u’en efi’el, toutes les eaux qui arrivent au r ega rd E pa r le canal
de p l o m b , appartiennent à la v ille, qui les reçoit dans un r ega rd
dont elle est seule propriétaire et dont IY1. Désaulnats n’a pas même
la sur veil lanc e, ainsi que cela est démontré ;
O n e la ville peut donc disposer à son g ré des eaux qui sont
-irrivécsà ce r ega rd, et placer po ur leur é c o u l e m e n t , soit dans ce
regard K , soit surtout au-dessous et à la suite de ce r e g a r d , toute
cuvette ou canal pour la conduite des eaux qui lui appartiennent;
Attendu aussi, que l’ enceinte K étant ou sa propriété ou sa co-propriété, et étant destinée, 11e fùt-ce q u’à litre de servitude, à sa prise
d ’e a u , la ville a le d r o i t , pour l’ exerci ce de celle prise d ’eau ,
d ’y établir tous canaux et toutes cuvettes nécessaires, sans être tenue
de placer ces canaux ou ces cuvettes hors de l'enceinte K , où l’eau
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i5 —
serait exposée à être altérée par toute personne , à moins qu’elle ne
les renfermât dans une nouvelle enceinte, ce qu’elle ne peut être
obligée de faire, l’enceinte K ayant été construite par elle po u r cette
destination ;
Attendu aussi que dos dommages et intérêts sont dûs à la ville
p ou r tout le préjudice et la privation d'une partie de sa prise d ’ eau
que lui ont occasionnés les prétentions de celui-ci ;
11 plaise à la. C o u r ,
. Faisant droit sur l’appel principal, dire qu’il a été bien jugé , mal
et sans cause appelé , or donner que ce dont est appel sortira son
plein effet, et débouter le sieur Désaulnats de toutes ses prétentions.
Faisant droit sur l’appel i nc id ent ,
Condamner le sieur Désaulnats a réduire le coursier de son m o u
lin à 2 pieds de la rgeur c omme il l’était autrefois , le con damne r
aussi à disposer les lieux de manière à ce que le niveau de sou
étang A soit élevé de 25 mil li mèt res , et rétabli ainsi dans son an
cien état;
Ordonner aussi qu’il sera tenu de maintenir ce niveau à une hau
teur au moins égale à celle du c er ve au du tuyau de p l o m b , po ur
que la ville jouisse de la plénitude du débit de ce t uy a u;
Ordonner que pour s’assurer que le niveau de l’ étang sera main
tenu à la hauteur qu’ il doit a v o i r , des repères , indicateurs de ce
n i v e a u , seront établis dans une position qui en facilite la vérif ica
tion par toutes les parties;
F i x e r les jours et heures d’ irrigation du P r é - L o n g , et faire d é
fenses au sieur Désaulnats de lever ou laisser le ve r à d ’autres m o
ments la vanne dudit pré.
Autoriser la ville de Riom à r épar er le tuyau de plomb et a lui
rendre sa forme circulai re, c omme aussi à faire, pour, l’e xer ci ce de
sa prise d’eau toutes les réparations qui lui paraîtront nécessaires
ou utiles dans l’enceinle K , à condition q u’clle ne fera aucun chan
gement a la position de ce tuyau ainsi que des chevcts, et a 1 état
matériel qui fixe l’étendue d e ' 1 m prise d’ eau ;
�— 1 6
—
Débouter le sieur D ésaulnats de sa d emande en rétablissement
du prem ier tuyau de fuite qui était annexé au regard E et du trans
p o r t , hors de l’enceinte K , de l a cuvette établie par la ville dans
ce tte enceinte ;
Autoriser la ville à ajouter à son regard E et a placer a u bas de
ce rega rd ou à sa suite , tous canaux et toutes c u v e tte s , quelles
que soient leurs dimensions, p o u r y r e c e v o ir et transmettre à R iom
les eaux qui. seraient conduites audit regard E , par le tuyau de
plom b ;
O rdon ner d ’ailleurs l’exécution du jugement dont est appel, dans
toutes les dispositions qui ne portent pas atteinte aux droits de la
ville , sous la réserve d’augmenter ou rectifier les présentes c o n
clusions, en tout état de cause ;
Condam ner le sieur D ésaulnats aux dom m ages et intérêts du
corps commun , à donner par déclaration ;
L e condam ner aussi à tous les dépens des causes principales et
d’a p p e l, et à l'am ende sur son appel principal;
O rdo n ner la restitution de l’amende sur l’appel incident.
<*••• 11 /■*>», •
Jiq
p ’.r )
■
.........................
’
•’
;••••
,r
RIOM — Imprimerie de
-‘M ° C H I R O L ,
Avoué.
Jouvet, l.ibraire et Lith, près le P a l a i s
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Neyron-Desaulnats. 1846]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Chirol
Subject
The topic of the resource
jouissance des eaux
servitude
canal
prises d'eau
aqueducs
moulins
génie civil
fontaines
irrigation
approvisionnement en eau
experts
hydrométrie
prescription
copropriété
utilité publique
architecture hydraulique
étangs
asséchements
salubrité
poids et mesures
Description
An account of the resource
Titre complet : Conclusions pour le corps commun des habitants de la ville de Riom, poursuites et diligence de monsieur le Maire, intimés et incidemment appelants ; contre monsieur Neyron-Desaulnats, propriétaire, habitant de la commune de Saint-Genest, appelant et incidemment intimé.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de A. Jouvet (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1846
1804-1845
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2921
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2829
BCU_Factums_G2901
BCU_Factums_G2922
BCU_Factums_G2921
BCU_Factums_G2919
BCU_Factums_G2918
BCU_Factums_G2917
BCU_Factums_G2916
BCU_Factums_G2915
BCU_Factums_G2914
BCU_Factums_G2913
BCU_Factums_G2912
BCU_Factums_G2911
BCU_Factums_G2910
BCU_Factums_G2909
BCU_Factums_G2908
BCU_Factums_G2902
BCU_Factums_G2903
BCU_Factums_G2904
BCU_Factums_G2905
BCU_Factums_G2906
BCU_Factums_G2907
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53607/BCU_Factums_G2921.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Malauzat (63203)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
approvisionnement en eau
aqueducs
architecture hydraulique
asséchements
canal
copropriété
étangs
experts
fontaines
génie civil
hydrométrie
irrigation
Jouissance des eaux
moulins
poids et mesures
prescription
prises d'eau
salubrité
servitude
utilité publique