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MEMOIRE
C O
DES
P O U R fieurs P i e r r e & L é o n a r d
R U D E U I L , Pere & Fils ,
Marchands , Confuls & Collec
teurs de la Ville de S. Y rie ix ,
année 1765 9 Appellants.
C O N T R E f ieur A n t o i n e
T O U Z A T D E S . E T IE N N E
Receveur des Tailles en Election
de Limoges Intimé
,
,
.
L queftion foumife au Jugement de la Cour,
A
? eft de favoir fi les fieurs Rudeuil ont fait
| deux payements de 600 livres chacun au
*
Bureau du fieur Touzat, l’un le premier
A v ril 1766 , l’autre le premier M ai. Celui du
premier M ai n 'eft pas contefté, tous les R egiftres de
la Recette en font chargés , & le fieur Touzat atoujours offert de le paffer en compte. A l’égard de
celui du premier A v r il, qui eft le feul contefté , l’on
�demande à tout homme raifonnable quelle eft la preu*
ve la plus fu re, la plus fatisfaifante &c la moins fufpe&e que les iieurs Rudeuil puiiTent en produire ?
chacun répondra que c’eft une quittance : ils en produifent une en bonne form e, l’écriture ni la fignature n’en font point defavouées, cependant le iieur
Touzat veut traiter ce payement de fable ou d’impo£
ture. N ’eft-ce pas offenfer la raifon ôt feioulever contre
l ’évidence même?
F A I T :
Les fieurs Rudeuil ont été Colle&'eurs , Porte*
Bourfe de la V ille de S. Y rieix en l’année 1765.
Cette colle&e eft confidérable, les importions de tou
te nature y vont à plus de vingt mille livres.
Le Commerce fait la principale occupation & le
principal bien des Habitants de cette V ille , où il iè
tient dix Foires dans l’année. ( a ) C ’eft à la fuite de
chacune- de ces F oires, qui facilitent le recouvrement
des deniers royaux, que les Confulsfont en ufage dë“
faire des payements confidérables. au Bureau de la
Recette, ( o )
L a principale foire fe tient le Mardi de la Semaine:
fainte. En 1 7 6 6 , fécondé année de la colle£le du fieur
R u d e u il, elle leur procura un recouvrement de 600
livres, qu’ils firent paiîèr au Bureau du fieur T ouzat,
>ar la premiere commodité fure qui fe préfénta; on
eur rapporta quittance fous la date du premier A vril.
C e payement fut fuivi de pluiieurs autres, & en
f
(a) Le 13 Janvier , le premier jour de Carêm e, le mardi des Ra
m e a u x , le Jeudi de la Pentecôte, le z6 Juin, le z 6 Juillet, le 16
A o û t, le 21 Septembre , le 6 Novem bre & le 10 Décembre.
(b) Ce fait ie vérifie aifément en abutant la date des Foires avec
celle des différentes Quittances produites.
�particulier d’un du 14. du même mois d’A v r il, fait à
la fuite d’une Foire de S. Jean de Ligoure, où les fieurs
Rudeuil avoient fait une vente de Beftiaux; ( a) ôc
d’un autre du premier M ai fuivant. Ce dernier paye
ment eft de 600 livres comme celui du premier A v ril,
il fut fait par le fieur R u d eu il, fils , lui-même, qui
en revenant à S. Y rieix perdit la Quittance en route :
mais cette perte fut réparée quelque temps après par
un duplicata. Il fallut quelques façons pour l’obtenir
des Commis du fieur T ouzat, cependant il fut enfin
expédié.
Quelques mois après le fieur R u d eu il, fils, voyant
par le calcul de fes Quittances qu’il avoit payé au
fieur Touzat les fommes qu’il devoit verfer dans fa
caiilè, à peu de choie près, il demanda un compte
final. Ce compte fut fait par les Commis du fieur
T o u za t, d’abord fur les regiftres de la R ecette; le
fieur Rudeuil fe trouve débiteur de 6xx livres 7
fols 8 deniers. Etonné de fe voir reliquataire d’une
iomme aufli fo r te , il demande la vérification de fes
Quittances ; on la fait : il ne fe trouve débiteur
que de
livres 7 fols 8 deniers.On cherche la caufe
de la difcordance des Regiftres & des Quittances, &
l’on s’apperçoit que la Quittance du premier A vril
I76 6 n’eft point enregiftrée. Ce fut un prétexc itiffifant pour refufer de paiîèr cette Quittance à compte.
Ce n’étoit pas la premiere fois que les Commis du
fieur Touzat avoient trouvé de la contrariété entre les
Quittances des Confuls & leurs Regiftres , mais ils
avoient accoutumé de n’écouter que leurs Regiftres.
Si les Confuls avoient quelquefois laiiTé échapper des
(a) Le fieur T ouzat convient de ce fait.
�plaintes, des pourfuites rigoureufes, & des menaces
les avoient étouffées. Ils crurent donc qu’il fuffiroit
avec le iieur R udeuil, comme avec tous les autres, de
prendre le haut to n , ils fe trompèrent. Le fieur Ru*deuil offre la iomme de
livres 7 fols 8 deniers d o n t.
il eft reliquataire , on la refufe, il fe retire,
porte .
fes juftes plaintes au fieur Commiiîaire départi. Ce
Magiftrat fage & éclairé , autant qu’équitable , fait
appeller à fon Hôtel les Commis du fieur Touzat', il
les interroge , le langage myftérieux de l’impofture
laiiîè appercevoir leur embarras; la honte du menfonge
eft imprimée fur leur front : il interroge le fieur R u
deuil en leur préfence ,1 a iimplicité naïve cara&ériiè
la vérité dans toutes fes réponfes. Les Regiftres & les
Quittances, tout eft mis fous les yeux du iieur Commiflàire départi. Après l’examen le plus réfléchi,, in
digné du defordre des Regiftres dont le fieur Touzat
vante il fort l’exa&itude, il prononce contre les Com
mis du fieur Touzat, interdits & confondus, le juge
ment auquel la Cour mettra le dernier fceau. Il reçoit
l’affirmation du fieur Rudeuil lur la iincérité de la
Quittance du premier A vril 1766 , & enjoint aux
Commis du iieur Touzat de la pailèr en compte. ( a )
Pendant que cela fe paffoit, le fieur Touzat étoit
à Paris. De retour en Province , fes Commis lui ren
dirent compte du Jugement du fieur Commiiîaire
départi, il fembla y foufcrire & condamner leurs
démarches. Son filence pendant plus de dix mois
promettoit la tranquilité aux iieurs Rudeuil : mais
enfin il le rcveiilat tout à coup,
voulut eilayer un
(a) On offriroit volontiers la preuve de tous ces faits, fi le fieur
Touzat ofoit les defavouer.
�coup ¿ ’autorité. D ’un côté il décerne une con
trainte contre les iieurs. R u d eu il, 6c fait exécuter fur
eux pour plus de 7000 liv. de meubles où de den
rées. De l’autre il’ leur intime une injonction de por
ter à fon Bureau leurs Rolles 6c leurs quittances.
Quel deilein avoit-il fur ces quittances ? ne cherchons
pas à approfondir ce myilere. ( a ) quoiqu’il en foit
les iieurs Rudeuil ne fe laiilèrent pas effrayer. Des
offres réelles de la fomme de z z liv.. 7 fols 8 den.
6c des frais furent toute leur réponfe ; ils fe pour
vurent enfuite en l’EleCtion de Limoges , pour la
main-levée des effets exécutés fur eux. . ,
1 : -u
Le fieur Touzat a été plus heureux en l’Ele£tion,
qu’au Tribunal du fieur Commiffaire départi. Il a atta
qué les offres des iieurs Rudeuil d’iniùfïiiàhce, fous
prétexte que la quittance de. 600 livres, du premier-!
A vril 1766 y ne devoir point paiïèr en compte , qu’elles
n’avoit été expédiée que le premier M a i, avec une
erreur de date, quelle avoit pour objet le payement
de même fomme de 600 livres, du premier M ai de .
la même année , dont les fieurs Rudeuil ne produifoient qu’un duplicata de quittance , 6c qu’enfin il n’y
avoit eu aucun payement le premier A vril. Il s’eft
attaché à accréditer ce fyilême en l’étayant de quel
ques vaines conjectures tirées des circonilances 6c de j
quelques pofübilités oifeufes ; 6c les Elus , dont eit ’
appel, ont donné dans l’illuiion. En conféquence la
quittance du premier A vril a été rejettée ; les offres
(a)
L ’on ne prétend pas critiquer ici les intentions du fieur T o u
zat : il pbuvoit n’agir que par les impreilions de l'es Com m is, car fa
probité eil connue; & la meilleure preuve qu’il puiil'e'en donner,,
c’eit que le Ciel a béni fes travaux, il n’y a pas 40 ans que fon l ’ere
étoit L aquais, & le Fils elt aujourd’hui I7,cuyer à 60000 liv. de rente.
�6
desfieurs Rudeuil ont pafle pour iniîifîiiàntes, & il a
été permis au iieur Touzat de faire telles faites de f a
faifie exécution qu’il aviferoit.
Telle eft la Sentence dont eft appel ; elle a jugé quun
payementn’eft pas fufEiamment juftifié par une quit
tance. Quelle ineptie ! Ce feroit faire tort aux lumiè
res de la Cour , de foupçonner qu’elle pût feulement
héiiter à faire rentrer dans le néant une Sentence auiïi
fauvage'& d’une auiïi dangereufe conféquence. La foi
eft due à une quittance fans d ou te, &c l’on ne peut
faire que d’inutiles tentatives pour en détruire le té
moignage avec de vaines préemptions. Lefieur Touzat
multiplie en vain fon attaque pour trouver un endroit
foible ; fes efforts ne peuvent être qu’impuifîànts ; la
quittance du premier A vril fe fuffità elle-même. Fautil defeendre dans une difcuiïion de principes pour dé
montrer que la Cour lui doit toute fa confiance ? Il
ne fera pas beioin de grandes diiîertations pour éta
blir d’un côté que la foi due à cette quittance & à fa
date , ne peut être altérée par aucun afïèmblage de
préemptions contraires ; de l’autre , que li l’on
pouvoir écouter des préemptions prefïàntes contre
cet a& e, celles que préfente le iieur Touzat feraient
trop foibles pour qu’on s’y arrêta. L ’on va établir
en un mot l’impuifiance des préemptions q u ele fieur
Touzat oppofe contre la quittance du premier A v r i l,
& leur futilité.
P R E M I E R E
P A R T I E .
Impuijfance des Prefomptions contre une preuve écrite.
De toutes les preuves, celles qui iè font par des
�7
tu
écrits, font fans doute les plus fures.Elles tirent une for
ce invincible du témoignage que ceux qui font les ailes
rendent contre eux-mêmes. Témoignage qui eft im
muable , parce que l’écriture le conlerve toujours fans
altération ; témoignage qui ne peut pas paflèr pour
fufpe£t, puifqu’il part de celui à qui l’on l’oppofe.
La preuve teftimoniale tient le fécond rang : elle
eft moins fure que la preuve écrite, foit parce que la
mémoire des témoins peut n être pas exacte , foit par
ce que leur probité n’eft pas toujours à l’abri de la
fubornation. Enfin lorfque le Juge ne peut être guidé
dans la recherche de la vérité ni par une preuve écrite,
ni par une preuve teftimoniale, obligé de prendie un
p arti, il peut s’abandonner à la lueur des préemptions.
C ’eft le dernier ordre des preuves, & le plus équivo
que , parce que les apparences égarent fouvent les plus
clairs-voyants.
Une fuite naturelle de la confiance que méritent les
>reuves écrites, & de l’avantage de la certitude qu’eles ont fur les autres genres de preuve, c’eft qu’elles
ne puiilènt jamais être balancées par des preuves teftimoniales, toujours peu fures, encore moins par des
préemptions & des conjectures équivoques ; car la
faine raifon di&e que la preuve de toutes la plus fure
ne doit pas céder à celles qui font moins fures. ( a )
Delà eft née cette maxime triviale, adversùs tejlimonium feriptum tejlimonium nonfcriptiun nonJhtiir. (7>)
Delà font nées les fages prohibitions des Ordonnances
de Moulins ÔC de 1 667 , ( c ) qui interdifent toute
f
(a) On peut voir tous ces principes établis dans Domat. Loix ci
viles , liv. 3 , tit. 6 , fe&. z & iuivantes.
(b) L. 1 , Cod. de tejlibus.
(c) Art. z } du tit. 2.0.
�i\%
ni
.8
preuve teilimoniale. Contre & outre le contenu aux
actes, ni fur ce qui feroit allégué avoir été dit avant,
lors ou après.
' Mais là cette maxime trouve Ton application k tou
t e s fortes cl’a&es, avec combien plus d’avantage s’appli
que-t-elle aux quittances & à tous les aâes qui prouvent
la libération toujours favorable ? toutpréiume en faveur
de la libération ; ainfi n’a-t-on jamais douté qu’il n’y eut
qu’ùnè preuve écrite , c’eft-à-dire , une contre-lettre
dans la même forme que la quittance qui pût la dé
truire. S i facla ejl in feriptis ,fe u cumJcripturd publicd, vel privatdynon potejlprobari contrarium nijî per
aliam jeripturam ei contranam. ( a)
• S’il n’eit pas permis d’attaquer la foi d’un a&cpar
line preuve teilimoniale , comme l’on ne peut pas en
douter, l’on ' voudroit l’attaquer avec des préem p
tions bien plus équivoques encore , & qui. tiennent le
dernier rang dans l’ordre des preuves. De quelle conféqùence ne fcroit-il pas qu’on eut laiifé cette porte
ouverte à la mauvaife !foi , pour ie jouer de iès
engagements les plus folemnels ? Il n’y auroit
aucun a£le qu’on ne tentât de renverfer à l’aide
de quelques circonilances dont on tireroit des conféquences arbitraires. Les titres les plus refpe£lables ,
fur lefquels feroient fondés le repos & la tranquillité
des Familles, deviendroient le jouet du caprice , s’ils
pouvoient être combattus par des poiîibilités & des
préemptions prefque toujours trompeuiès ; il n’y
auroit plus rien de certain dans la Société; & la preuve
écrite, que l’on a toujours regardée comme le plus
ferme appui de la vérité, deviendrait la plus chan(a) V . la g lo fo fur la Loi generaliter, cod. do non numeratâ pecuniâ.
celante
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celante & la moins aiïurce. La L o i eft trop fage pour
autoriier un abus auiù étrange. Il paroîtra toujours
ridicule aux yeux du bôn lè n s, de vouloir perfuader
qu’on doive abandonner une réalité pour une poiiibilité ; la certitude pour l’apparence ; le premier ordre
de preuves en un m ot.Le témoignage écrit, ailhré &
immuable de celui meme à qui l’onioppofe , pour le
dernier ordre des preuves, celui des préemptions qui
ne font preique toujours que de belles illuîions.
Q u ’un tiers , contre qui l’on veut le prévaloir d’un
a8;e où il n’eft pas partie, l’attaque de fraude ou de
fimulation ,. qu’il foutienne que cet a£le ne contient
pas l’expreilion de la vérité; un Seigneur , par exemle , dont on a voulu frauder les droits de lod s, un
ignager, dont on a voulu éluder le retrait, en paffant, au lieu d’un contrat de vente, un bail à, rente/
non rachetable, avec une contre-lettre fecrette ; qu’ils
offrent la preuve teftimoniale de la fraude , ou qu’ils
propofent même des indices violents pour la faire
préfumer, iis doivent être écoutés: parce que lesa£tes,
quelques authentiques qu’ils ioien t, ne peuvent jam ais,
faire de préjudice aux perfonnes tierces de qui l’inté
rêt y feroit blefle. (¿z) C ’eft le cas d’appliquer la
maxime invoquée par le fieur T o u z a t, dolas peij~
picuus indiciis- probari convenit.
Mais peut-on écouter de même celui à. qui l’on
oppoie un a£le ligné de fa propre m ain, ou de celle:
d’une perfonne qu’il repréiente , lorfqu’il viendra dire;
j’ai iigné cet a£l:e , mais ce fait n’eft cependant pas:
vrai. Une pareille prétention n’eft-elle pas le comble
£
(a) V o y .. D om at , ibid. fedi:. 2 , nom. 8 ; Danti & BoilTeau de la
preuve par témoins, ch. 7 ; C o d i i n , tom. $ , pag. 318 & iuivantesi.
�to
de l’abfurdité ? Il n’y a qu’une contre-lettre qui puiiîe
démentir un pareil a&e ; & toutes les préfomptions
que peuvent jctter des foupçons fur fa iincérité, ne
fervent de rien à celui qui l’a iigné. N on potejl proban
contrarium , niji per aliam Jcripturam ci contrariam. Ça)
Concluons donc , fans crainte de nous tromper ^
que la quittance du premier A vril 1766 , rapportée
par les fieurs R u d eu il, eft la meilleure preuve qu’ils
puiiTent produire du payement fait à cette date, qu’on
«efufe de leur paiTer en compte. Que cette quittance ,
ayant pour elle l’autorité & le fceau de la L o i , elle
mérite toute la créance qu’exigeroit la vérité même ;
& que la foi qui lui eft d u e , ne peut être balancée
par aucun aiïèmblage de préfomptions contraires. Par
ce que, ( l’on ne làuroit trop le répéter, ) la preuve
de toutes la plus fure, ne le doit jamais céder à celles .
qui font moins ii'ires &: d’un moindre poids.
PreiTé par la force de l’évidence, le fieur Touzat
eiTaye de nous donner le change. Tous ces principes
font vrais , nous dit-il ; on convient que les a&es, &
particulièrement les quittances , font une pleine foi
en Juftice ; auiïi n’attaque-t-on la quittance du premier
A vril ni dans fa forme1, ni dans fon contenu ; on
ne prétend pas contefter la vérité du payement dont
elle fournit la' preuve , on ne veut que relever l’erreur
de date qui s’eft gliiîce par inadvertance dans cette
quittance, démontrer qu’on doit y fubftituer la date
du premier M ai à celle du premier A vril ; rapporter
(a) V o y e z BoiiTeau & D a n t i , Domat & Cochin , ibid. & la L o i ^ i neralitcr, déjà citée , dont les termes font énergiques. Nimis enimindignum ejfc judicamus , quod fu â quifque voce dilucidè proteflatus ejt,
id in eumdcm cafum infirmarc , icjlimonioque proprio refijîere.
�tr>
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én un mot au premier M ai le payement quelle annonce
fait au premier Avril.
Le piège n’eft pas aiTez couvert ppur n être pas apperçu. Q ui ne voit que la date eft une partie aufli e£
l'entielle d’une quittance que la fomme même qui y
eft exprimée ? D its non minus quam fumma pars ejl
obligationis. Ça') Q ui ne voit que changer la date de
la quittance du premier A vril en celle du premier M ai,
ceft l’anéantir , & identifier le payement de 600 liv.
du premier A v ril avec celui de pareille fomme du
premier M a i, quoique ces deux payements foient par
faitement diftin£ts ; que c’eft vouloir dire que les iieurs
Rudeuil n’ont point fait de payement le premier A vril
& conléquemment donner un démenti formel à cette
quittance , contredire la vérité du fait quelle prouve,
& heurter de front tous les principes auxquels on rend
lin hommage forcé? Si cette quittance fait une preuve
complette & mérite une confiance entiere, fi la foi lui
eft due en juftice, comme l’on eft forcé d’en convenir,
011 doit convenir également qu’elle lui eft due pour ia
date auiïi bien que pour fes autres parties, il y a pa
rité de raifon. Cette date doit donc demeurer immua
ble au premier A vril.: aucun aifemblage de préem p
tion ne peut avoir aflez de poids pour déterminer à
lui en lubllituer une autre. Ce n’eft pas au paye
ment du premier Mai qu’on peut rapporter cette quit
tance , elle le précédé d’un mois entier; il n’y a qu’un
payement du premier A vril qui puifïe en ctre l’objet,
ce payement du premier A vril eft donc une réaiité ,
& non pas une chimere.
L ’erreur de date n’eft cependant pas impoifble
(«) Leg. 1. §. E diîim es y de. edendo..
�Y .
ia
dans tine quittance, nous dira le fieur T o u zat, &
c’eit un principe di&é par l’équité, qu’une pareille
erreur, fi elle étoit reconnue & bien établie, ne pour*
roit porter aucune atteinte au droit des Parties. Quelle
reiïburce reitera-t-il donc au Créancier pour n’en être
pas la vi&ime & pour faire reconnoître cette erreur,
ii l’on n’écoute ni la preuve teftimoniale, ni les pré
em ptions ? La folution de l’obje&ion n’eft pas embarailànte. Un Créancier, en recevant cinq mille cent
livres, ne donne quittance que de cinq cent livres,
& omet le mot nulle : La mépriiè n’eft pas impoffible , & paroît auiïi facile que l’erreur de date : on
demande au fieur Touzat lui-même quel parti pourra
prendre le Débiteur pour fe faire tenir compte de
■
) i oo liv. qu’il a payé au lieu de ^oo liv. dont il a
quittance ? Il répondra à coup fur qu’il articuleroit
en vain une erreur gliflee dans la réda&ion de cette
quittance ; qu’il en offrirait en vain la preuve, elle
ne ferait pas admife, parce qu’on n’en reçoit aucune
contre & outre le contenu aux actes , ni fu r ce qui
feroit allégué a\oir été dit avant, lors ou après les
acles. Quelle reflource lui reftera-t-il donc ? l’affirma
tion du Créancier, (æ) Hé bien cette réponfe que le
(a) Il peut arriver dans des cas femblables qu’un Particulier de
mauvaife foi profite de l’erreur gliflée dans un a & e , en ajoutant le
parjure à l’infidélité : n’importe; il n’çit point de Loi fans inconvé
nient. Il feroit d’une bien plus dangereuie conféquence de com pro
mettre la foi des aftes avec des Témoins obfcurs , ou de tout foumettre à l’incertitude des préem ption s. La fureté publique difparoîtroic , & il n’y auroit aucun acte fur lequel l’eiprit pervers ne
pût répandre des nuages. T ous feroient attaqués fous prétexte d ’er
reurs ; celui qui auroit confenti une obligation dé 500 livres prétervdroit ne s’étre obligé que pour ^00 liv r e s , & fuppoieroit que c’eft
par erreur que' l’a£tc porte 500 liv. Il n’y auroit pas plus de raifon
de refufer la preuve teiHmoniale de cette prétendue erreur de forn-
�13
nv
fieur Tonzat nous feroit, on la lui fait à lui-même.
Il prétend que la quittance du premier A vril n’a été
expédiée que le premier M ai ; que fi elle fe trouve
dattée du premier A v ril c’eft une erreur ; on lui ré
pond , que cette erreur eft une fuppofition , que la
quittance porte la véritable datte qu’elle doit a v o ir,
que les fieurs Rudeuil ont fait compter à la recette
du iieur Touzat la iomme exprimée dans cette quit
tance, que le payement qui en fait l’objet eft diftinâ:
& féparé par l’intervalle d’un mois de celui du pre
mier M ai,^que les fieurs R udeuil, en un m ot, ont
compté ou fait compter au Bureau i z o o livres, pour les
deux payements des premier A vril & premier M a i, ils
offrent leur affirmation fur tous ces raits ; cette affir
mation , iis l’ont même déjà faite devant le fieur Com miiîàire départi, ils font prêts à la réitérer , c’eft tout
ce que l’on peut exiger d’eux. Ça)
me , que d’ une erreur de date ; ainfi la fage précaution des L o i x ,
qui n’ont permis d’attaquer la foi des a£tes que par l’infcription de
faux , deviendroit un j e u , parce qu’il feroit aifé d ’éluder leurs p ro
hibitions en fuppofant une erreur. Loin de nous un relâchement auili
funefte de la févérité des régies. T o u t ce qui eft écrit eft réputé la
vérité à l’égard de celui qui l’a é c r i t , ou de ceux qui le repréientent.
Cum fu is confejjionibus acquiefeere debeat, ead. leg. generalitcr Cod.
(a) C ’eft af [ez mal-à-propos que le fieur T o u z a t , pour combattre
ces principes, nous cite la Loi 92 ,dc regulis juris , un Arrêt de 1716
& un autre de 1738 , recueilli par Dénizard. La Loi pz veut que
l’erreur d ’un Copifte , qui ne cupie pas fidellement , ne nuife pas
aux Contraétants. L ’Arrêt de 1716 décharge des peines d u - faux un
Notaire qui dans une expédition avoit mis la date du 7 au lieu du
2.7. Celui de 1738 déclare valable un Teftament daté du Mardi 9 M a i ,
quoique le Mardi fut le 8. Que réfulte-t-il de ces citations > que
l’erreur de date ou toute autre erreur ne nuifent point lorfqu’elles
font reconnues & prouvées. On n’a jamais fongé à combattre une
maxime auifi raifonnable. S’il y avoit une erreur de date dans^ la
! quittance du premier A v r i l , les fieurs Rudeuil n’auroient garde de
s’en prévaloir. Mais il rie s’agit pas ici de favoir l’effet que produiroit
cette erreur, fi elle étoit reconnue , il s’agit de la prouver , & de
�*1
14
En vain cherche-t-on à rendre les fieurs Rudeuil dé
favorables, fous prétexte qu’ils ont réiirté à un inter
rogatoire fur faits tk articles qu’on avoir fait ordonner yar défaut en premiere inilance \ s’ils y ont réf i f t i , c’ cit parce que les faits n’étoient tu pertinents ni admiJJibLs. Les premiers Juges l’ont reconnu eux-mê
mes , puifque, par un Jugement contradi&oire , ils
ont reçu les fieurs Rudeuil oppofants à la Sentence par
défaut, qui ordonnoit cet interrogatoire, (a) Mais il
l’on veut encore les faire entendre fur des faits per
tinents, ils font prêts à fubir tous les interrogatoires
qu’on exigera, & à juftifier parla re’.igion du ferment
la bonne foi de toutes leurs démarches.
Il eft affez plaifant de voir le fieur Touzat offrir
un ferment contraire dans fa derniere écriture, pré.
favoir cqmme.nt on peut la prouver. C/eft fur quoi ni la L*oi citée
ni les Arrêts ne difent pas un mot. La Loi ne parle que de l’erreur
d ’un C o p ifte , facile à vérifier en coilationnant la Copie avec l’Original. L’Arrêt de 1738 eft dans l’efpece d-’ une erreur prouvée par le
Calendrier ; dans celui de 1716 , il s\igiffoit d'une erreur qui ie démontroit en coilationnant l'expedition datee du 7 , avec la mi-,
nute datée du 17. Dans tous ces cas il y avoit une preuve écrite &
palpable de l’erreur ; elle, ne devoit produire aucun effet ; rien de
plus jufte : mais ici l’erreur eft fuppofëe , on n’en a aucune preuve écritt.
jldverfàs tejlimonium feriptum non fertur teftimonium non jeriptum. On
ne peut que demander l’affirmation des Heurs Rudeuil.
(a)
Le fieur Touzat a glifl'é dans fa derniere écriture que lorfqu’uno
Partie refufe de répondre fur faits & articles, les faits font tenus pouf
iivérés ; il en conclut qu’on doit regarder comme avérés les faits .
fur lefquels o a avoit voulu faire interroger les fieurs Rudeuil. Ce.
fophifme fait pitié & prouve l’embarras dç fa caufe Son raifonnement feroit jufte fi l’interrogatoire ordonné contradi&oirem ent, les.
faits ad mis comme pertinents, les fieurs R.udueil n^avoient point paru de
vant le J u g e , & q u ’ il y eûteu procès vert al dedéfaut qui tintlesfaits
pour avérés. Mais ici il en eft bien autrement, on ordonne par dé
faut un interrogatoire fur faits inadmijjihks j les fieurs Rudeuil y
forment oppafm on , leur oppolïtion eft reçue contradi&oirement
la Sentence qui ordonnoit l’interrogatoire eft anéantie , & I’qû
veut que les faits foient tenus pour avétés
c’eft délirer.
�*5
"y
tendre qu’il doit prévaloir à la foi due à l’a&e , Ôc
nous dire qu’il eft prêt d’affirmer qu’au premier A v ril
1 7 66 > il n’a été fait aucun payement a fon Bureau,
lui qui à cette époque étoit à Paris. Quelle délicateffe
de confcience ! Il eft prêt d ’affirmer fur un fait qui
ne lui eft pas perfonncl, qui s’eft paiîe avec fon Fils
& fes Com m is, pendant fon abfence de la Province ;
c’eft être aiTurrément bien prodigue d’affirmation. Il
paroît que le fieur T o u zat, pour peu qu’oti l’en preflat,
affirmeroit pour ion Fils, iès C om m is, fonDonieftique
& tous fes Concitoyens. H o ! ce ne feroit pas une a£
iîrmation auffi bannale qui pourroit captiver la con
fiance de la Cour , quand il ne feroit pas d’ailleurs
ridicule de la propofer contre le témoignage d’un
a&e. (¿z)
Forcé dans ces premiers retranchements, le fieur
Touzat fe replie fingulierement dans fa derniere écri*
ture. O n ne prétend pas contefter la quittance du
premier A v r il, nous dit-il en abandonnant tout-àcôup fon premier fyftêm e, on ne la critique ni dans
fa forme , ni dans f a datte, ni dans fo n contenu,
( b) on veut allouer la fomme qu’elle porte , mais cette
feule quittance ne peut pas faire preuve des deux paye
ments des premiers A vril & premier M à i, & ne fcrt
tqu’à en junifier un feul; on ne doit donc en allouer
qu’un feuL
Raifonner ainfi, quoiqu’en dife le fieur Touzat >
c’eft paflèr du blanc au n o ir, on he prétend plus
contefter la quittance du premier A v r il, ni critique^
(æ) Cum fu is confejfionibus acquiefcefe debeat. D i& a leg. généralités
(b) V o y . au 13. rolle de la grofle des réponfes à griefs du fieur
Touzat,
�ia date , cela veut dire qu’on convient qu’ il y a eu
un payement de 600 livres le premier A v ril; cepen
dant on ne veut compter que pour un feul les deux
payements du premier A vril 6c premier M a i; c’eft
donc maintenant celui du premier M ai que l’on contefte, &c néanmoins l’on ne cefle de nous répéter que
l’on n’a jamais prétendu le combattre. Comment con
cilier ces variations ?
M ais enfin que le fieur Touzat opte encore:
eft-ce le payement du premier M ai qu’il defavoue r
eft-ce celui d u . premier A vril ? on a des preuves aufli
frappantes de l’un comme de l’autre. La quittance du
premier A vril ne peut fervir de preuves que de l’un
des deux, cela eft vrai ; & c’eit prêter aux iieurs
Rudeuil un ridicule qu’ils n’ont jamais mérité , de
fuppofer qu’ils veulent faire lervir cette quittance de
preuve, pour deux payements ; mais elle juftifie fans
répliqués le payement du premier A v r il, comme on
l’a démontré, tout fon effet fe borne là. N ous n’avons
pas befoin de fon fecours pour juftifier le payement du
premier Mai. Nous avons pour l’établir plus de preu
ves qu’il n’en faut ; il eft vrai qu’on n’en rapporte
pas de quittance originale , elle eft perdue, ôc l’on n’a
jamais fait urfmyftere de fa perte, ( a) mais en place de
cette quittance, nous avons l’aveu du fieur Touzat
qui n’a jamais ofé méconnoître ce payement : le té
moignage de fes Regiftrcs de recette ; ils font foi en
Juftice contre lu i, & ils en font chargés ; nous avons
enfin le duplicata de. la quittance perdue, ligné du
même Commis qui avoit figné la quittance originale,
& qui par conféquent a le même poids que la quit(a) On en parlera plus particulièrement dans la féconde partie.
tance.
�©¿I
u\
17
tance. Il n’en faut pas tant pour qu’on ne puifîe éle
ver aucun doute raifonnable iûr la réalité de ce pa
yement du premier M a i, on pourroit faire grâce
au fieur Touzat de l'on aveu, du témoignage du du
plicata , & n’invoquer que la dépoiition de fes Rejiftres, ils font fon propre ouvrage, il ne peut pas
es démentir.
A des preuves auiîi lumineufes qui portent
toutes avec elles le cara&ere de la conviction, n’eftce pas une dériiion de vouloir oppofer des poifibilités &; des préemptions chimériques qui ne peuvent
tout au plus que fonder des doutes ? L ’on pourroit
s’arrêter ici &; abandonner au mépris de vaines conje&ures qui ne peuvent jamais être oppofées avec fuccès à une preuve écrite : cependant pour ne rien lai£
fer à deiirer, deicendons dans le détail de ces pré
comptions qu’on fait ionner ii haut: appréciées à leur
j[uile valeu r, elles ne paroîtront que de vrais riens..
Î
S E C O N D E
P A R T I E .
Les Préfomptions oppofées par le fieur Touzat ne fo n t
que des chimeres.
Quoiqu’on ne doive jamais écouter celui qui com
bat la vérité d’un A & e qui eft de ion fait ou du fait
de ceux qu’il repréfente, accordons pour un moment
au iieur Touzat l’avantage qu’auroit un tiers auquel,
on oppoferoit la Quittance du premier A vril 6c qui
pourroit en attaquer la iincériié par des préfomptions
frappantes r il n’èn lera jias plus avancé, parce que tou
tes les préfomptions qu il railèmbîe pour faire fufpecter cette Quittance , ne fervent pour la plupart qu’à
C
�-
i8
•mieux en canonifer la vérité. A vant que d’entrer
dans le détail, rappelions quelques principes.
55 Les préfqmptions, à la faveur defquelles un tiers
'55 veut attaquer la foi d’un A & e , ne doivent être
55 reputées faire preuve quelorfque la certitude, qui
55 réfulte de leur nombre & de leur qualité, eft égale
v en clarté & en évidence au témoignage de plu.-»>iieurs perionnes dignes de foi qui depôièroient du
.» mcme fait. En un mot les préem ptions, pour faire
.» preuve entiere , doivent être d’une telle force quelles
» induifent une efpece de néceifité de penfer qu’il eft
n impojfible que la chofe foit ainiiquelle eft énoncée
» dans l’a&e. (a)
Et comme les préemptions ne peuvent jamais
• prouver direélement la vérité qu’on cherche, puifqu’elles
ne font que des conféquences qu’on tire d’un fait
connu , pour en induire un fait inconnu , elles ne
peuvent jamais avoir la force de la perfuaiion qu’autant
que la liaifon du fait connu au fait inconnu eft en
. quelque forte néceifaire & infaillible. In dubio , infirurriento Jlandum ejî. (b)
A vec ces principes univerfellement reconnus , exa
minons les préemptions relevées par le iieur T ouzat,
il fera facile de remarquer combien elles font frivoles.
Elles fe divifent naturellement en deux clailès : les
unes tendent à perfuader que les fleurs Rudeuil n’ont
fait aucun payement au Bureau du fieur Touzat le
premier A v r i l , les autres que la quittance de cette
date a été délivrée feulement le premier Mai.
(a) V ç y e z Denizard au mot préfomptions , & les Auteurs qui y
font cités.
(b) V o y e z Danti &. BoiiTeau , traité de la preuve par Témoins.
Chap. 7. à la fin.
�Frivolité du premier ordre de précomptions.
Il n’eft pas poilîble q u il y ait eu un payement le
premier A vril 1 7 6 6 , nous dit le iieur Touzat ,
i°. parce que le premier A vril étoit la troiiieme Fête
de Pâques, jour auquel le Bureau eft fermé. i°. Par
ce qu’il n’eft pas vraifemblable que ce jour de Fête
l’on eût trouvé au Bureau le fieur Taraud qui a figné
la quittance, & le iieur T o u z a t, fils de la main
de qui elle eft écrite. 30. Parce que les Rcgiftrcs ne
fe trouvent?'chargés d’aucun payement à cette date;
4.0. Parce qu’il a été fait un payement de 700 livres
le 14 du même mois ,■ôc qu’il n’eft pas croyable que
dans un même mois les iieurs Rudeuil euiTent pu faire
deux payements auiïi. corifidérables.
r;’
j,
• L ’on ne voit guere réfulter de l’eniemble de toutes
ces circonftancesd’impoflibilité,ni phyiique, nimorale^
qu’il y ait eu un payement au premier A vril ; elles ne
pourraient tout au plus quefonder quelque doute ; mais
des doutes ne peuvent pas détruire la foi d’un aête même
à l’égard d’un tiers,, in dubw infinimentojlanduiih ejl.
Il y a même plus en rapprochant enfcmble tomes ces circonftances, on les verra concourir à.dépofer en faveur
de la quittance, loin de jetter des nuages iur fa fincérité:
- L ’on nous dit que le premier*Avril étoitain jour
dfcFéte , que le Bureau de la Recette n’eft pas ouvert ce
jour-là, c’eft un uiàge :
mais cet ufage eft de pure
fantaiiie ; les Commis du l i e u r Touzat peuvent, quant
•'(a)- L é 'ïie u rT o iiz a t a tort d’annoncer cet ufage comme iiniverfel
& inviolable, il arrive plus d ’jine fois dans les üi reaux de la.Recette
de cette V ille & ailleurs qu’ on y reçoit des payements les jours de
Fêtes. Ce nreil' pas avec plus de raiion qu’il veut faire pafler la
troiiieme Fête de Pâques pour la plus folunnelle de l’année. Cette
idée, eil extravagante.
�ils le veulent, recevoir de Targent tous les jours; il
n y a aucune efpece d’impofîibilité , ni phyfique, ni
morale qu’ils fe foient relâchés de cet ufage arbitraire
en faveur d’un étranger, d ’un commifïionnaire char
gé de l’argent d’un Conful éloigné , pour lui épargner
lin léjour. Les Bureaux de Contrôle font exactement
fermés les jours de Fèces; il n’eft cependant pas rare
que ces jours-là même les Contrôleurs reçoivent des
aêtes à contrôler, qu’ils mettent la relation fur les
minutes, & qu’ils retiennent des notes pour les rap
porter le lendemain fur le regiftre. Eft-il impoiïible
que les Commis du fieur Touzat ayent été capables
d’un pareil aâe de complaifance ? Eft-il impoiïible
que ces ‘ Commis ayant ainfi retenu des notes ayent
oublié ou afïè£té de ne point rapporter le payement
fur les regiftres de la recette ?
Mais eft-il poifiblc, continue t-on , qu’on ait trou
vé le fieur T ouzat, fils, au Bureau un jour de Fête
pour écrire la quittance ? voilà donc quelque chofc
de bien étrange, de trouver quelqu’un chez foi un jour
de Fête! & ne feroit-il pas plus extraordinaire qu’on
y eCit trouvé tous les autres Commis raiîemblés ?
Cette circonftance, que la quittance du premier A vril
eft écrite de la main du fieur Touzat, fils, eft de toutes
la plus favorable aux iieurs Rudeuil. En effet il eft
aifé de concevoir qu’un Commiifionnaire des fieurs
Rudeuil s’étant préfcnté chez le Receveur un jour de
Fcte , pour faire un payement, il aura rencontré le
fieur Touzat, fils, qui avoit accoutumé de travailler au
Bureau, (a) il l’aura prié de lui éviter un féjour, la
(a) En vain le fieur Touzat vient-il nous dire que fi la quittance
du premier A vril ell écrite de la main de fon Fils c’eft un hazard .
�Ui
i ï
grâce n’étoit pas aiïcz importante pour être refufêe t
ïur-tout de la part d’un jeune hom me, à l’âge du fieur
T ouzat, fils, on cft toujours officieux ; la fomme comptée , la quittance faite, le fieur T ouzat, fils, l’envoie
à figner au fondé de procuration de ion pere, on la
délivre au Commiiîionnaire des fieurs Rudeuil , fe
réfervant de la faire enrégiftrer le lendemain par tous
les Commis chargés de la tenue des Livres journaux
& Sommiers ; le lendemain on oublie cet enrégiftrem en t, y a-t-il dans tout cela quelque chofe de bien
merveilleux ? 6c qui nous dira même que l’omiifion
de l’enrégiilrement n’ait pas été afiè&ée, 6c que le
fieur T o u za t, fils, n’ait pas trouvé l’occafion favora
ble pour fouftraire à fon Pere la fomme qu’il avoit
touchée, 6c l’employer à iès menus plaifirs ? Le fieur
Touzat a beau nous protefter qu’il ne laiiïè manquer
fon Fils de rien ; les jeunes gens ont toujours des
petits befoins dont ils n’aiment pas à faire confidence
a leurs P eres, 6c ils ne fe font pas un fcrupule de
les tromper pour y pourvoir , fur-tout quand ce
font des Financiers. Seroit-il donc bien étonnant que
le fieur T o u za t, fils, voulant s’approprier la fomme
qu’il avoit reçue , eût négligé de la rapporter au
Caiiïier du Bureau, 6c d’en faire charger les R cgi£
tres ? Que le fieur Touzat s’adreife donc à (on Fils ;
qu’il lui demande pourquoi il a fait la quittance du
premier A vril ; qu’eft devenue la fomme qui en fait
que c’eft la feule qu’il ait écrite , & qu’il ne travaille pis ordinai
rement au Bureau. Pour fe convaincre du contraire, il he faut que
jetter les yeux fur les quittances produites, on en remarquera plu*
fieurs écrites de la même main que celle du premier Avril ; ort lôs
diftingue fur-tout par la différence d’ortographe du nom de la
V i lle de Saint Yriex.
�ai.
l’objet ; qui l’a reçue? Il répondra à toutes ces queitions en balbutiant , 6c tout fon difcours , où l’on
n’entendra rien, pourra lignifier, mon Perey j ai pris
cette fomme pour mes menus plaifirs.
V oilà l’énigme que le lieur Touzat ne peut péné
trer, parjaitement réfolue. Cette circonftance que la
quittance en quefiion eft écrite de la main du lieur
Touzat, fils, développe tout le myftere. Le lieur
T ouzat, fils , bien rélolu à le faire un fonds pour
fes menus plaifirs, de la fomme qu’il avoit eu la complaifance de recevoir un jour de F ête, n’â eu garde
de faire part de ce payement ni au Cailïicr, ni aux
autres Com m is, le défaut d’enregiftrement de cette
quittance fur les Journaux 6c Sommiers, n’aura alors
rien de lurprenant. Ça') L ’on n’a pas befoin, pour expli
quer ce défaut d’enregiftrement, defuppofer un con
cert de fraude entre plufieurs Commis , on pourroit
(a) Mais comment le iîeur Touzat , fils, auroit-il pu obtenir la
fignature du fieur Tarnaud , pour la quittance du premier Avril ,
nous demande-t-on encore ? La probité de ce Commis n’eft pas
iufpeéte , il n ’auroit pas favorifé les vues du fieur Touzat / filsj
La probité du fieur Tarnaud n’eft pas fufpedte : quel éloge flatteur
pour un Commis de Finances , s’il partoit d’ une bouche qui ne
fut pas elle-même fufpefte ! mais on répond que ce pheenix de pro*
bité , formé dans les humiliations de la prifon , oii fes fcrupules
l ’ont quelquefois conduits
a pu figner la quittance dont il s’a g it,
fans fe compromettre. Parce que le fieur Touzat nous apprend luimême que, fuivant le plan d’adminiftration de fon Bureau, le'fieurT arn aud , fon fopdé de procuration, doit figner les quittances qui
lui font préfenrées telles qu’elles font rédigées par les autres
C o m m is, chargés des R egiftres, parmi lefquels on doit compter le
fieur Touzat , fils , qui fait fouvent leurs fonitions: fi les quittances
qu’on lui préfente a figner font fautives , c’eit au Rédaéteur à qui.
l ’on doit s’en prendre , & non pas au fieur Tarnaud. Après cela
le fieur Tarnaud a-t-il dû foupçonner quelque furprife de la part
du Fils de fon Receveur , qui lui a préfenté à figner une quittance
dont il ctoit le Reda£teur ? V o y elles contredits de produclions à cet
¿gard.
�2-3
127
parfaitement l’expliquer par une fimple inadvertance
du fieur Touzat, fils, lui feul, qui ayant reçu un pa
yement un jour de Fête, en l’abfence du Cailîicr 6c
des autres Com m is, auroit oublié de le rapporter &
d’en faire charger les Regiftres ; mais il paroît bien
auiîi vraifemblable que cet oubli du fieur T ouzat,
fils, a été volontaire.
A u refte, quoiqu’il en foit des caufes de ce non enre
gistrement de la quittance, ioit qu’on doive l’attribuer a
iou bli ou à l’affe£tation, il eft également indifférent
aux fieurs R u deu il, parce que la quittance dont ils
ibnt porteurs étant en bonne form e, elle opère auiH
bien leur libération fans être enregiftrée, comme fi elle
étoit enregiftrée. L ’omiiîion de cet enregiftrement eft
le fait des Commis du fieur Touzat qui ne peut pas
s’en prévaloir, fraude Juâ nemo patrocinari potejl.
Inutilement le fieur Touzat s’écrie-t-il que fès R e
giftres font foi en Juftice ; on conviendra de cette
maxime, lorfqu’il s’agira de le« faire valoir contre lui ;
mais quand il voudra en conclurre que lorfqu’ils ne
ne font pas chargés d’une fomme, les quittances qu’on
en rapporte ne font d’aucune conlidération, que lès
Regiftres, en un m ot, font foi de ce qu’ils ne con
tiennent pas, on lui dira que les prétentions font
ridicules.
Le iieur Touzat releve une derniere circonftarice
qu’on peut encore tourner contre lui. Il lui fembîe
peu vraiiemblable que les fieurs Rudeuil ayent fait
deux payements dans lé mois d’A vril i y é é , l’un de
6oo livres le premier de ce mois, l’autre de plus dp
700 livres le 14.
Comment ces deux payements dans un même mois
�r-*'
24.
peuvent-ils étonner le fieur T o u zat, tandis qu’il en
a été faits également deux <5
k de plus confidérables
dans plufieurs autres mois? A inii en M ai 17 6 6 , on
trouve deux payements , l’un de 600 livres le premier
de ce m o is, l’autre du 13 de la fomme de 860 liv.
En Octobre il a é.é payé 600 livres le 8 , & 540
livres le 14. Le 10 N ovem bre, 14. jours après, il a
été p.iyé 1143 livres, & le 30 du même mois 666
livres ; voilà 1900 livres à peu près dans unfeul mois,
fans qu’on en apperçoive cependant un feul ou il n y ait
pas eu àz payement. Après, cela eft-il iîirprenant que
dans le mois d’A vril ont ait payé 1300 livres ? mais il y a
même plus: il feroit bien plus étonnant que les iieurs
RudeuiL n’euiîènt pas payé une iomme auiii forte dans;
le mois d’A vril 17 6 6 , qu’ils n’eu/Tent pas faits deux
payements, tandis que d’un côté la Foire du M ardi
de la Semaine Sainte leur avoit procuré un recouvre
ment c.oniidérable 6c des fonds iufiifants pour le pâ
ment du premier A vril qui a iùivi cette F o ire, tan
dis que d’un autre côté les fieurs Rudeuil ont tiré les
fonds du payement du 14 d’une vente de üeftiaux
qu’ils firent a la Foire de Saint Jean de. Ligoure t
ainfi que le fienr Touzat l’a lui-mènie annoncé, (a)
S’il y avoit eu un payement le premier A v ril, con
tinue le fieur T ouzat, l’on devroit nous indiquer le
Commiiïionnaire qui a été chargé de le faire , on avoit
d’abord indiqué Gandois* Huiiïier , ajoute-t-on , 6c
Gandois a donné un démenti à cette allégation devant
le fieur Commiiïàire départi.
Il faut porter l’impudence bien loin pour répéter
à chaque page, comme la fait le fieur Touzat dans
(<2) V o y e z les Ecritures de la caufe principale,
fes
�lia
íes Ecritures , que les fieurs Rudeuil ont éprouvé un
defaveu en face, lorfqu’ils ont indiqué'Gandois pour
le porteur du «payement fait le premier A v r il, car
I o. jamais l’on n’a défigné. précifément
Gandois
comme le porteur de ce.payement. Les fieurs Rudeuil
ont feulement dit,que cet HuiiTier s’étoit chargé ion-,
vent de porter de l’argent à la Recette pour eux, que
ce pouvoit être lui qui avoit fait le- payement du pre
mier A v r il, mais qu’ils n’en étoient pas aiTez mémoratifs pour 1’aíTurer. i°. L ’on prouveroit auiïi que Gandois interrogé a répondu de même qu’il avoit fait plu-fieurs payements pour les fieurs R udeuil, mais qu’il
ne fe rappelloit pas aiTez préciiément des époques pour
aifurer que celui du premier A vril fut du nombre.
Quel avantage peut tirer le iieur* Touzat d’une femblable réponie ?
Mais ii Gandois n’eft pas le Commiffionnaire qui
a fait le payement du premier A v r i l, qu’on nous en.
indique donc un autre, pouriuit encore le iieur Touzat.
Comme s’il étoit néceiîaire ou poifible que les fieurs
Rudeuil fe rappellaifent au bout de deux ans du nom.
d’un Commiflionnaire & des circonftances d’un paye
ment particulier entre 4 6 , prefque tous également faits*
par commiifion. Avoient-ils beioin de charger leur mé- -moire de toutes ces particularités inutiles, lorfqu’une.
quittance aiTuroit leur libération? O n ne làuroit trop
le répéter, c^tte quittance le liifîit à elle-même : Facit
probationcm prebatam. Le témoignage que pourroit
rendre de (a fincérité le porteur de la fomme payée
n’ajc/uteroit rien à ion authenticité, il eft inutile de.
le connoître.
C ’eft par afFedation qu’on refufe de s’expliquer ,
�continue-t-on encore , parce qu’on ne perfuadera ja-’
mais qu’on ait oublié le nom d’un Commiiïionnaire
chargé dans les Fétcs de Pâques. Cette circonftance,
celle de la Proceiïion iolemnelle des Reliques qui fe
fait ce jour là à Limoges ; cette particularité que le
payement auroit été reçu par complaiiànce un jour
auquel le Bureau étoit ferm é, tout cela ne diftin*
gue-t-il pas bien ce Commiiïionnaire entre tous les
autres?
Le fieur Touzat y penfe-t-il bien, lorfqu’il veut faire
paiTer ces particularités pour mémorables à l’égard des
iieurs Rudeuil ? Le payement dont il s’agit a été fait
un jour de Fête ; mais ce n’eft pas ce meme jour de
Fête que la iomme avoit été comptée au Commiiïionnaire par les iieurs Rudeuil, elle devoit être entre fes
mainsdepuis pluiieurs jours : le Commiiïionnaire a trou
vé le Bureau fermé , ce n’eft que par complaifance
quon a vécu, la fomme dont il étoit porteur : au fortir
du Bureau il a aiïifté à la Proceiïion folemnelle des
Reliques, mais les iieurs Rudeuil n’ont pas été témoins
de toutes ces particularités, ce n’eft donc pas pour eux
qu’elles font mémorables. Elles peuvent l’être par leur
Commiiïionnaire, à la bonne heure ; mais ne fe le rap-i
pellant pas , peuvent-ils l’interroger ? C ’eft ic moquer
que de prétendre détruire la foi d’un a&e avec de
pareils riens.
Ainfi s’évanouiilènt ces premières préemptions que
lé fieur Touzat regarde comme invincibles; ou elles ie
retournent contre lui-même, ou ce font de vraies pué
rilités ; voyons (i celles qui reftent à examiner méritent
mieux qu’on s’y arrête.
�*7
i 3i
Second ordre de préfomptions chimériques.
L e ficur Touzat s’efforce de prouver que la quit
tance du premier A vril a été expédiée le premier M ai
ieulement; quelle a pour objet le payement du pre
mier M a i, & que c’eft par inadvertance quelle a été
datée du premier Avril. Une pareille erreur cit facile
à commettre, nous dit-il, il n’eft pas merveilleux qu’au
premier d’un mois l’on ait l’idée pleine du mois qui
vient de paifer, 6c qu’on date de ce mois par meprife
au lieu de dater du mois courant. De la poil bilité de
cette meprife il en conclut qu’elle eft réelle. Mais il.
nous permettra de lui dire que cette conclufion n’eft
pas d’un bon Logicien. De ce qu’une chofe eft poifible , il ne s’en fuit pas quelle ioit arrivée. A potentia
ad aclum non valet conjcquentia.
D ’ailleurs quoiqu’une méprife fur la date d’un a&e:
ne foit pas impoiîible dans la thefe générale , elle ne.
paraîtra jamais vraiiemblable dans les circonftances prélèntes. Le fieur Touzat prétend que le Commis qui,,
dans fon fyftcm e, a daté du premier A vril au lieu du
premier Mai , avoit l’idée pleine du mois qui venoit
de finir ; mais fi ce Commis eut eu l’idée ii remplie du
mois d’A v ril, ii les almanachs aifez multipliés dans ion
Bureau nel’euiîcnt pas fu fri fa mment avertide ia diftraction , il auroit donc daté du premier A vril l’enregifixe
ment port^ au premier Mai fur les Journaux de la Recette,
comme la quittance qu’on veut faire pailèr pour être
de la même date. Car le fieur I.ou/at répété fouvent
que les fommes veriées dans fa caiile font d’abord
cnregiftrées fur trois Rcgiftres avant que la quittance
en l’oit expédiée, que le Commis qui.fait la quittance
�.*:» ,
a8
fait lui-même un de ces enregiflrements
que c’eil
fur ion propre enregiflrement qu’il expédie enfuite la
quittance. Le Commis qjui a fait l’enregiftrement du
premier M ai avoir bien 1idée remplie de ce mois qu’il
venoir d’écrire lui-meme fur le Regifh-e. Il copie enfuite fur une quittance ce qu’il vient d’écrire fur le
Regiftre , comment concevoir qu’en copiant la date
du premier .Mai qu’il a lui-mème donnée à l’enregiftrem ent, & qu il a ious les yeux, il perde tout à coup
l’idée de ce mois de M ai 6c mette A vril en place ?
Une pareille prétention eft révoltante , il vaudroit
autant dire qu’en voyant un homme, le fixant <$c lui
adreifant la parole, on peut ne pas s’appercevoir de
lui ; il faudrait des preuves bien palpables pour perfuader une diflra6Hon ii peu vraifemblable & morale
ment impoiïible ; ôc quelles iont les preuves qu’on
nous préfente pour accréditer une méprife aufli finguliere ? un cercle vicieux.
La fomme portée par la quittance du premier
A v r il, & celle payée le premier M a i, font ièmblables, nous dit-on, donc cette quittance a le payement
du premier Mai pour objet, lieile conféquence ! 011
pourrait dire, en fuivant ce rationnement, que les
payements des 12. Mars 176 <5 , 16 Décembre de la
racme année, 20 Mars 17 6 6 , premier A v r il, pienner Mai , 7 Juillet, 8 Oêtobre , de la même an
née iont tous 1111 lcul 6c même payement, parce qu’ils
font tous de la même fomme de 600 livres. Cette
concluiion ferait extravagante, parce que la différence
des dates &c des époques diltingue parfaitement ces
fept payements. Mais fi l’identité des fommes ne peut
pas feule identifier tous ces diflérents payements, à
�caufe de la diverfité des dates, la niêm c’diverfité des
dates doit également être un obftacle invincible k la
confufion des payements des premier A vril & premier
M a i, ôc met une diflinflibn parfaite entre eux. Dire
que la quittance du premier A v ril n’a été délivrée que
le premier M a i, parce qu’elle porte une fomme femblable au payement du premier M a i, c’eft fuppofer l’er
reur de date dans cette quittance, & non pas la prouver.
L ’identité de numéro qui Te trouve fur la
quittance du . premier A vril & fur le duplicata du
premier M ai , l’une & l’autre numérotées feiziéme quittance , n’eit pas plus concluante , & ne
peut pas être un motif de les confondre. Cette iden
tité auroit quelque chofe d’impofant, fi l’on voyoit
une fuite exacte dans ces numéros depuis la première
jufqu’àla derniere quittance : mais au défordre de ces
numéros l’on s’apperçoit fans peine que les Commis
les regardant avec raifon comme inutiles, puifqu’ils ne
font ni preicrits par les Règlements ni d’ufage général,
ont numéroté les quittances qu’ils fournifloient fans
beaucoup de réflexion, l’on peut même dire au hazard.
Le fieur Touzat a fait deux claifes de quittances^
la premiere comprend celles de la Taille & autres
Importions acceifoires ; la fécondé , celles des Vingtiè
mes. A la faveur de cette diilinéHon, il a eiîayé de dé
brouiller le cahos des numéros donnés aux différentes
quittances , mais cette défaite ne lui réuilira pas ,
parce qu’en coniidérant ces quittances fous deux claflcs,
l ’une des Vingtièmes, l’autre de la T a ille , Impoiitions
acceiioires & quittances de Décharge , il cil aifé de
. le convaincre que l’ordre cil fou vent renverfé , &
qu’il n’y a ni fuite ni exactitude dans les numéros.
�3°
A in fi, 10. dans la claffe des quittances du Vingtième:
on en trouve deux fous le numéro 1 0 , toutes deux
du i 8 Oftobre 17 6 6 ; & celle qui vient à la fuite,,
qui eft du j Décembre , fe trouve numérotée onze,
quoiqu’elle foit la quatorzième de cette claile. i° . La
quittance du 5 A oût 1766■•, de la même claile des
Vingtièm es, numérotée leptieme, avoit été précédée
de huit autres , conféquemment devoit être numéro?
tée neuvieme. 30. Enfin on étoit fi peu attentif fur
les numéros , que dans la même claiTe des Vingtiè
mes , on trouve cinq quittances qui n’en ont aucun.
Il n’y a pas plus d’ordre dans la claile des quit
tances de la Taille. Ainfi l’on trouve deux quittances,
numérotées vingt-uniemes, & il .eft remarquable quel’une eft du 11 A oût 17 6 6 , l’autre du-«J Décembrede la même année ; entre ces deux dates il y a eu
fix différentes quittances de données, numérotées vingtdeuxieme, vingt-troiiieme, vingt-quatrieme ; deux font
numérotées vingt-cinquieme ; une autre eftfous le numéro
vingt-feptieme : de maniéré que la derniere numérotée
vingt-unieme , qui eft du j Décembre, fe trouve précé
dée de vingt-huit autres , & conféquemment devroit
être numérotée vingt-neuvieme. De vingt-neuf à vingtun , voilà une rétrogradation bien fenfible. Après cela
doit-on trouver plus étonnante la rétrogradation des
mêmes numéros fur le duplicata du premier-Mai qui
auroit dû être numérotée dix-fept ? On ne pourra pas
concevoir une rétrogradation de dix-fept à fèize , tan
dis qu’on n’eft pas étonné d’une rétrogradation de
vingt-neuf à vingt-un.
O n trouve deux quittances numérotées vingt-cinq ,
de date fort différente; il n’en paroît aucune numérotée
�vinçr-fix, àuucrie nüiïiérotée vingt-huit , quoiqu’on
retrouve enfuite les numéros trente, & fuivants :
Quel fond peut-on faire fur des numéros auftî fautifs?
Si les deux quittances numérotées vingt-un, les deux
quittances numérotées dix,les deux quittances numéro
tées vingt-cinq, ne fe confondent pas ;fi elles prouvent
autant de payements iéparés, parce qu’elles font de dates
différentes , pourquoi veut-on que les quittances & du
plicata des premier A vril &c premier M a i, numéro
tées feize , doivent fe confondre ? La diveriité des
dates ne les diftingue-t-elle pas auiïi bien que. les aiW
très ? y auroit-il deux poids dans la balance de la
Juftice ?
O n obje&e qu’il n’y a pas de parité k faire entre
les quittances numérotées 1 0 , 25 &: 1 1 qui ne fe
confondent pas avec le duplicata du premier M ai
17 6 6 , & la quittance du premier A vril numérotée
feize, parce qu’on ne rapporte pas de quittance ori
ginale du premier Mai. Mais fi le numéro eft indif
férent fur les quittances où il eft mis au hazard , pour
quoi ne veut on pas qu’il ait été mis au hazard fur le
duplicata ? enfuite la différence des dates qui diftingue
deux quittances numérotées du même num éro, ne
diftingue-t-il pas auiîi bien le duplicata du premier
M a i, & la quittance du premier A vril? Les iicurs
lludeuil ont perdu il eft vrai leur quittance du pre
mier M a i, ils ignorent quel numéro on lui avoit don
né ; mais quoiqu’il en foit de ce numéro , il eft cer
tain 6c démontré par les Regiitres que le premier M ai
ils ont fait un payement, que ce même jour premier
Mai on leur a expédié une quittance , quelle que j u t
le numéro de cette quittance expédiée le premier M ai i
�dès qu elle avoit pour objet un payement fait au premier
M a i, elle ne pouvoit pas s’identifier avec celle du pre
mier A v r il, qui a pour objet un payement ja it au pre
mier Avril.
Mais c’eft cette.même quittance du premier A vril
qui a été expédiée le premier M ai avec une erreur de
date , ajoute-t-on.
C ’eft là le fait qu’il faudroit prouver & qu’on ne prou
ve pas, car on nous donne fans ceiïè pour preuve la
queftion même. . . . De. ce que les Appellants ne rappor
tent pas la quittance originale du premier M a i, on
en conclud qu’ils n’en ont jamais eu de cette date.
Ce fait eft indifférent, car s’ils n’en avoient jamais e u ,
ce feroit la faute du fieur Touiat ou de fes Com m is,
qui auroient du en fournir une , puifqu’ils ont reçu un
payement au premier M a i; ne l’euifent-ils pas fournie,
on ne pourroit pas s’en prévaloir aujourd’h u i, parce
que la libération des fieurs Rudeuil feroit fuftiiàmment juftifié par le témoignage des Regiftres; mais au refte, ils l’ont eu cette quittance, &t s’ils ne la
rapportent pas, c’eft parce qu’ils l’ont perdue.
Cette perte devroit être prouvée, continue l’in tim é,
&C l’on ne la prouve pas. L ’obfcrvation feroit judicieufc, fi le payement du premier M ai étoit defavoué
ou qu’il pût l’être : fi en un mot il n’étoit pas cnrégiftré fur les journaux de la recette, l’on diroit aux
Appellants: vous allégués un payement du premier
M a i, établiifez-le : vous prétendez en avoir reçu quit
tance, rapportez-la; cette quittance eft perdue , ditesvous , prouvez qu’elle ait exifté par des témoins qui
l’ayent vue & tenue, indiquez le temps &c les circons
tances de la perte de cette quittance , tout cela feroit
raifonnablc,
�raifonnable, parce que le rapport de cette pièce feroit
indifpenfabîc pour la libération des Appellants : mais
ici il en. efl bien autrement. La quittance du premier
M ai eit fuperflue pour établir le payement de cette
date ; les Regiftres de la recette en font chargés , c’eit
aflez pour que ce payement doive être alloué iàns dif
ficulté ; mais, fi la quittance originale du premier M ai
eft inutile aux Appellants , fi leur libération eft éga
lement afîùrée fans le fecours de cette pièce, à. quoi
leur ferviroit d’en prouver la perte ?
Cette perte eft une fuppofition, s’écrie avec force
l’intimé , (a) vous ne repréfentez-pas cette quittance ,
parce que vous ne l’avez jamais eu. Si l’on n’en avoic
jamais eu , encore lin coup, ce ieroit par la faute de
l’intimé qui auroit dii en fournir une , puiiqu’il avoit
reçu un payement, mais on en a eu , & ce qui le
prouve fans répliqué, c’eft le duplicata qu’on en rap
porte , & qu’on a pris pour en réparer la perte. Ce n’eft
pas d’aujourd’hui que les Appellants ont parlé de la
perte de cette quittance , ils n’en ont jamais fait un
myftere ; ils l’ont annoncée , ils ont folicité un dupli
cata long-temps avant qu’il y eut aucune apparence
de conteftation fur la fincérité de la quittance du pre*
mier A vril précédent, dans un temps qui n’étoit point
fuipeft, & l’intimé'a-t-il bonne grâce aujourd’hui de
. traiter de. fuppofition la perte de cette quittance qu’il
(a) On veut faire regarder la perte de la quittance du premier
Avril comme impoiRble, fous prétexte que c’eit la ieule qui manque,
& qu’àyant été jointe, aux autres, elle n’a pas pu fe perdre feule;
niais on demande quelle eit la preuve que cette quittance ait été
jointe aux alitres. Le iieur Rudeuil , fils , l’a perdue en route dans
fon retour à. Saint Yrieix , le même jour qu’elle lui. avoit été
expédiée.
E
�a regardée comme fi réelle dans le temps qu’il en a
fourni le duplicata ?
C ’eft une furprifeinfigne que ce duplicata, continue
l’intimé avec chaleur : on a fuppoié adroitement, pour
l’obtenir, la perte d’une quittance qui n’avoit jamais
exiilé, 6c dans la vue criminelle de fe ménager les moyens
de iè faire allouer par double em ploi, 6c le payement
du premier M a i, 6c la quittance fauifement datée du
premier Avril. Semble-«, il pas à entendre l’intim é, que
l'ans le fecours du duplicata les Appellants ne pourroient pas exiger qu’on leur tint compte du payement
du premier M ai? L ’Intimé compte donc pour rien le
témoignage de fes Regiftres? Cependant il eft convenu
plus d’une fois, que fesRegiftres faifoient foi contre lui.
S’ils font*foi contre lu i, les Appellants n’ont donc pas
befoin du fecours, ni de la quittance, ni du duplicata
pour fe faire paiTcr en compte le payement du premier
Mai. Mais ce dupLcaia étant une pièce furabondante 6c
fuperflue, eft-il poifible d’imputer de la furprife 6c de
la fraude aux Appellants pour l’avoir demandé ? Si
en général l’on ne doit jamais préfumer la fraude &
la furprife, à plus forte raifon ne doit on pas la pré
fumer dans un a&e indifférent, neriio prcfumitiir malum gratis. Que l’intimé fe livre fans ménagement à
toutes les déclamations que le dépit lui infpire , il
ne parviendra jamais à faire fupçonner de furprife dans
les démarches des Appellants f toutes marquées au
coin de la bonne foi la plus pure. Ils ont perdu une
quittance, ils en ont demandé un duplicata', rien de
plus naturel. Ce duplicata ne pouvoir opérer rien de
plus que les Regiftres chargés du payement qui avoit
été fait ; n’eft-il pas évidemment ridicule d’imaginer
�qu’on ait pris à mauvaife intention une pièce dont on
ne pouvoir faire d’autre uiage que celui de fe faire
>ailèr en compte un payement légitime & porté par
es Regiftres?
Enfin le fieur Touzat releve tout aufli mal à pro
pos , comme une dernicre circonitance importante,
celle que la quittance du premier A vril & l’enrsgiftrement du premier M ai font l’une & l’autre écrits
de la main de fon Fils. Il en conclut qu’ils font du
même jour. La conféquence n’eft guère jufte , car il
ne peut réfulter rien de plus de cette Circonftance ^
finon que le fieur Touzat, fils, a fait les fondions de
Commis le premier M ai comme le premier A v ril, &
ce n’elt pas les feuls mois dans lefquels il les ait fai
tes , puifque , parmi les quittances produites, il s’en
trouve plufieurs écrites de fa main.
f
C O N C L U S I O N . .
V oilà donc tous les nuages qu’on avoit voulu ré*pandre fur la quittance du premier A v ril 1766 en
tièrement diifipés. On croit avoir démontré que cette
quittance mérite de captiver toute la confiance de la
Cour : qu’elle ne peut être attaquée par le fieur T ou
zat , ni dans fa datte , ni dans -fa teneur ; c’eft ailèz
qu’elle loit lignée de la main de fon fondé de pro
curation, dont le fait elt le lien propre, pour qu’il ne
puiîle pas la démentir, confcjfîonibus fa is acquicjïerz
débet. Aucun aifemblage de préemptions *ne peut en
balancer le poids, parce que la preuve de toutes la
plus fùre ne doit pas le céder à celle qui eft équivo’que ôc trompeufe, non potejl probari contranum ,
�36
nijiper aliam Jcripturam ei contrariam; il n y a qu’une
contre-lettre qui put détruire cette quittance, 6c l’on
n’en produit pas.
L ’on eft allé plus loin : on fe flatte devoir éta
bli qu’en accordant au fieur Touzat l’avantage qu’on
accorderoit à un tiers, de combatre la foi de-la quit
tance du premier A vril 1766 avec des préem ptions,
celles qu’il a ramaifées dans fes différentes écritures n’ont
ni affez de force, ni aiîez deliaifon pour former cette
impofïibilité, au moins morale, que la quittance donc
on parle foit fidelle , cette impoilibilité qui feule peut
lui ôter la confiance que la Loi lui donne , in dubio
injhuniento Jtandum ejh
Concluons donc que les fieurs Rudeuil ont fait un
riavement au Bureau du fieur Tou7at le premier A vril
/ /
*/' ’
*
1
i* ■
1766
, puilqu
une quittance
hors de
critique
nous V1 atteile : ce payement doit lui être, tenu à compte fans,
contredit ; il eft donc entièrement libéré envers lefieur Touzat ; l’exécution de fes meubles 6c denrées ne:
peut par conféquent être envifagée que comme une
vexation criante^qui doit armer la lévérité de la Cour.
L a vexation eft reconnue , elle doit être punie par
une condamnation de dommages 6c intérêts d’autant
plus confidérables, que depuis deux ans les fieurs
Rudeuil ont. en. fequeftre pour 7000 livres de
denrées , qui ont perdu dans la qualité 6c dans
le prix.
Mais ce n’eit pas encore la feule fatîsfa&ion que les
fieurs Rudeuil ont droit d’attcndre.On s’eft livré fans mé
nagement aux déclamations les plus outrées, 6c à la
diffammation la plus éclatante contre eux , parce qu’ils
ont oie faire entendre de juftes plaintes contre la
vexation ;
�37
vexation ; la Cour vengera, fans doute, de tous ces •
outrages des Négociants dont le Commerce ne peut
fe foutenir que fur la réputation de la bonne foi la
plus pure. La fuppreffion des écritures du fieur Touzat & l’impreffion de l’A rtêt de la Cour font les
moindres peines dues à la calomnie confondue. L e
fieur Touzat cherche inutilement à fe rendre fes Ju
ges favorables par d’importunes follicitations. Des
Magiftrats qui n ’ont que la vérité pour guide, la loi
& Féquité pour régie , n écoutent que le bon droit*
R Ü D E U I L ;
Monfieur C H A R D O N
Confeiller, Rapporteur.
M e.
R A N Q U E T 3
D U
B E R G IE R ,
B o
Avocat.
y
e r
, Procureur»
'
Nota. L ’on a deux exemples ré ce n ts, & bien m ém o rables, des
abus qui fe pratiquent dans les Bureaux de Recette. x°. La conteftation portée en la Coiir entre le Confuí de V itra c , le fieur M o neilier , Receveur à Tulles , & fon Commis’; dans laquelle l’on a
adjugé plus de <$.oo livres d e reilitution au C o n fu í, & des domma
ges & intérêts. %Q. L ’affaire d’entre le iieur Pajot , le Receveur de
Gannat & plufieurs Confuís. Ces deux affaires nous ont appris à
combien de vexations les Confuís font expofés chaque jour de la
part des Receveurs , ou leurs Commis ; combien leurs Regiftres
font fautifs , & de quelle funefte conféquence il feroit de fe re
lâcher , en leur faveur , de la févérité des Régies.
A CLERM ONT-FERRAND,
D e l ’imprimerie de P. V i A L L A N E S , Imprimeur des Domaines
du R o i , près l’ancien Marché au B le d , 1769.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
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Text
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Rudeuil, Pierre. 1769]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Chardon du Ranquet
Bergier
Boyer
Subject
The topic of the resource
fiscalité
témoins
quittances
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour sieur Pierre et Léonard Rudeuil, Père et Fils, Marchands, Consuls et Collecteurs de la Ville de S. Yrieix, année 1765, Appellants. Contre sieur Antoine Touzat de S. Etienne, Receveur des Tailles en l'Election de Limoges, Intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1769
1766-1769
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
37 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0305
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Yrieix-la-Perche (87187)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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fiscalité
quittances
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