1
100
2
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53147/BCU_Factums_G1119.pdf
0dc596c841fead0616fbffac542f970d
PDF Text
Text
47/
CONSULTATIONS
t
POUR les frères et sœurs JOUVE-LADEVEZE, défendeurs
en cassation ;
CONTRE
Charles - Louis JO U V E - L A D E V E Z E ,
leur oncle, demandeur.
PREMIÈRE-
CONSULTATION,
Délibérée , le 3 Messidor an 6 , par le Consul
C A M B A CE RÈS.
L E C O N S E I L S O U S S I G N É , après avoir lu le mémoire à consulter,
( pour les frères et sœurs Jouve-Ladeveze ) , est d ’avis que la dona
tion de la moitié d ’un ja r d in , faite par Charles L a d e v e z e , dans le
contrat de mariage du 3
2
février 7
13
, à Jean-G abriel futur é po ux;
ou à un ou plusieurs enfans qu i seront procréés du présent mariage
toutes f o i s au ch o ix du donateur, contient un fidéicommis, en faveur
des enfans du premier lit de J e a n -G a b rie l Lad eveze, e t n e confère
aucun droit aux enfans nés de son second mariage.
Dans les causes ou il a fallu déterminer l'effet d'une disposition
3
pareille à celle qui se rencontre au contrat du 2 février 1737 , les
jurisconsultes ont pensé , et les juges ont décidé , que le donateur
avoit fixé sa volonté et sa libéralité , tant sur le futur époux que sur
ses enfans, à moins que le contraire ne fût établi par une disposition
subséquente : comme aussi , q u ’il étoit à présumer que le père étoit
seulement chargé de rendre les biens donnés à ses enfans, attendu
A
�¡o k
( a- )
q u e , s’il en ¿toit autrem ent, il faudroit supposer que l'auteur de la
disposition a voulu mettre, sur la môme ligne, des individus qui n’existoient pas encore, et celui pour lequel il avoit une véritable affection;
conjecture singulière , qui seroit tout à-la-fois contre la nature des
choses et contre l’ordre des affections.
D e - l à , cette maxime , que les enfans à naître sont appelas à la dona
tion ordine successwo après leur p è r e , et l’usage autorisé de convertir
la particule disjonctive ou en la conjonction e t , sans quoi la disposi
tion seroit inexécutable.
Aujourd'hui que toute jurisprudence interprétative est a b o lie, cette
manière de raisonner présente quelque chose d ’étrange ; mais les tri
bunaux ou les arbitres auxquels on la so u m et, ne doivent pas perdre
de vue, que les décisions qu'ils ont à prononcer en pareille occurrence ,
ne peuvent être rendues que par argument et par l’application que
l'on fait des loix romaines, du sentiment des docteurs , et des préjugés
de la jurisprudence.
-
O n a réuni, dans le mémoire, tout ce qu’il peut y avoir d'autorités
en faveur de l’avis que nous embrassons, ensorte q u ’il est inutile de
les rappeler ; ajoutons que rien n’établit que la donation n’ait pas été
faite dans l’esprit que l’on présume, et q u ’il est au contraire évident
que Charles Ladcveze a d'abord fixé sa volonté sur J e a n -G a b r ie l, et
ensuite sur 1rs enfans qui naitroient du mariage , à l’occasion duquel
il s’exproprioit de la moitié de son jardin.
Premièrement il a établi une ligne de démarcation , et mis une dif
férence sensible entre la donation des droits et prétentions qu’il p o u voit avoir sur les biens de V ita l-L ad ev e ze , père du futur épo ux, et la
donation de la moitié du jardin.
Dans la première, il n’est question que de Jean-Gabriel L a d c v c z c ;
c ’est lui seul que Charles a en en vue, et qu'il a voulu gratifier.
Dans la seconde, les enfans du donataire sont appelés, ce qui p ré
sente l’idée d'un fidéicommis.
E n second lieu, par la réserve du droit d'élire un des enfans , le
dtwatcur les a nécessairement coin pris dans la disposition, sans quoi
ils nauroicnl pas clé éligibles.
�4 ïï.
c 3 )
Enfin cette reserve se rattache nécessairement au fidéicommis ; car
a u t r e m e n t c’eut été opposer une substitution e x intervallo à la chose
d o n n é e , ce qui ne se pouvoit pas.
D ’après ce qui vient d ’élre d it, le conseil ne doute point que les
consultans qui représentent leur père, fils unique du premier mariage
de Jean-Gabriel L a d e v e z e , ne soient fondés dans leur demande en
délaissement de la moitié du jardin donnée par Charles Ladeveze à
leur ayeul ouàsescnfans. Il y a lieu de croire que les arbitres baseront
leur décision sur la loi
4 , au code de verbomm et rerum significatione,
et qu’ils n’oublieront pas que les contrats étant de droit é tr o it, il n’est
pas permis de penser que les enfans du premier lit de Jean-G abriel
L a d e v e z e , puissent être privés du droit qui leur a été acquis par l’acte
du a
3 février
1737.
D élibéré à P a r is, ce
3 messidor an
V I de la république.
Signé C A M B A C É R É S .
�\
(4)
DEUXIÈME
CONSULTATION,
Délibérée, le 3o frimaire an 10 , par le Cit. M ERLIJS,
alors Jurisconsulte, et depuis Commissaire du Gouver
nement près le Tribunal de Cassation.
X-iE SOUSSIGNÉ, qui a pris lecture; i ° . du contrat de mariage passé
au P u y , le z
3 février
entre Jean-Gabriel Jouve-Ladeveze et
Marie-Gabrielle Laurançon; 20. des jugemens du tribunal civil du
département d e l à H a u te -L o ire , du
pluviôse an 7, qui condamne
Charles-Louis Jouve-Ladeveze, à se désister, en faveur de Pierre-François Jouve-Ladeveze, de la moitié de jardin dont il est question dans
le contrat de mariage ci-dessus;
3 *. des mémoires imprimés
et produits
par les deux parties sur l’appel de ce jugement; 4°» du jugement du
tribunal d'appel de R io m , du 28 prairial an 9, qui confirme celui du
tribunal d e la H a u te -L o ire ; consulté sur la question de savoir si
Charles-Louis Jouve-Ladeveze, q u ’on assure s’étre pourvu en cassation
de ce dernier jugement, peut espérer de réussir dans sa tentative;
Estime que les enfans et héritiers de Pierre-François Jouve-Ladeveze
11e doivent nullement craindre le résultat des démarches de leur
adversaire auprès du tribunal suprême.
L e tribunal d ’appel de Riom a décidé, en confirmant le prononcé
des premiers juges, que la donation de la moitié de jardin dont il
s’a g it , navoit été faite à Jean-Gabriel Jouve-L adeveze, qu'à la charge
d'un fidéicommis en faveur des enfans à naître de son mariage avec
Marie-Gabiielle Laurançon.
A -t-il, par cette décision, porté atteinte à quelque loi ? Telle est
la seule question qui sera et pourra ôtre soumise au tribunal de cassa
tion, par le recours de Charles-Louis Jouve-Ladeveze.
Pour résoudre cette question, il faut d'abord se bien fixer sur la
date du contrat de mariage qui est jugé contenir fidéicommis.
�( 5 ).
3
Ce contrat est du a février 1787, c ’est-à-dire, d'une époque anté
rieure , de plus de dix ans, à l’ordonnance des substitutions.
Ce n’est donc ni l’esprit, ni la lettre de cette ordonnance, que l’on
doit prendre pour guides dans les recherches du sens dans lequel
doivent être entendus les terme? employés par l’auteur de la donation.
A in si, envain devant le tribunal de cassation argumenteroit-on
contre les enfans Ladeveze , comme on l’a fait devant le tribunal d ’ap
pel de R io m , de l’intention manifestée par le préambule de cette l o i ,
d ’exiger qu ’à l'avenir les donateurs et testateurs, lorsqu’ils feront des
fidéicom m is, expliquent leur volonté d ’une manière plus expresse
qu ’ils ne le faisoient précédemment.
Les enfans Ladeveze répondroient avec avantage,que, de-là même,
il suit que le législateur, en proscrivant, pour l'avenir, les conjectures
dans les fidéicom m is, les y a laissé subsister avec tous leurs effets
pour le passé.
Aussi doit-on appliquer à la donation consignée dans le contrat de
mariage du
février 1787, toutes les maximes du droit romain con
cernant les conjectures en matière de fidéicommis.
O r v o ici, enfr’autres, ce qu'on lit à cet égard dans la loi 6.+ , au
digeste de legatis 20. Com m e il ne s’a g i t , dit-elle, en fait de fidéi
commis, que de chercher une volonté précaire, on doit y admettre
les conjectures. In causa fid cicom m issi, utcunque precaria voluntas
(juœtcrctur, conjectura poluit admitti.
N
L a loi 57 , §. i cr., au digeste ad scnalus consultum trebellianum\
établit le même principe, et donne elle-même l’exemple de son appli
cation.
Il ctoit question de savoir si la p etite-fillcd’un testateur ¿toit
appelée au fidéicommis qu’il avoit créé. Les termes du testament
y>aroissoient la repousser; cependant la loi décide qu’elle doit être
admise , parce que , dans les substitutions fidéicommissaires, on ne
doit s'attacher qu’à la volonté du testateur, et que, dans l’espèce, sa
volonté d ’appeler sa petite-fille est manifestée par l’absurdité q u i ,
d'après l’ensemble du testament, caractériseroit sa disposition entendue
à la lettre : neptis quidem prim â f a c i e , propler condiiionis verba,
�( 6 )
non aâm itti videbatur; sed cum in fideicom m issis voluntatem spectari
conveniat, absurdum esse respondi,
cessante prima substitutione ,
partis neptiportionem den ega ri, quant totam habere voluit a vus, s i
iiovissim us f r a i ris quaque portionem suscepisset.
3
E t Cujas, tome i cr. , §. go , ne manque pas d'observer, d ’après ces
textes , que in causâ fideicommissariœ substitutionis , conjectura
voluntaiis su fficit, etiarn s i verba non suffiefant.
Peregrinus dit la même chose dans son traité de fideicom m issis ;
art. i 5 , n°. I er. , sufficit voluntas tacita et e x conjecturis colligibilis
( ce sont ses termes ).
Ces principes posés, examinons le contrat de mariage du 20 février
1737, et voyons si, des termes dans lesquels est conçue la donation,
q u ’il renferme, d ’une moitié de jardin, Je tribunal d ’appel de Rjom
a pu conclure , avec fondement, que cette donation contenoil un fuléicommis en faveur des enfansà naître du mariage, alors prochain, du
donataire.
P a r cet acte , Charles Jouve-Ladeveze , p rêtre, oncle du futur
époux, lui donne et cède dès-à-présent en ja v eu r du présent m ariage,
par donation entre-vifs, pure , parfaite et irrévocable, tous les droits et
prétentions qu’il peut avoir sur les biens de son père et de sa mère.
P a r une seconde disposition de ce contrat, il est dit : de p lu s , en
fa v e u r que dessus ( c’est-à-dire, du présent mariage ) , ledit Charles
Jouve-Ladeveze a aussi d on n é, p a r même donation que d essu s, au
dit J e a n - G abriel Jou ve-Ladeveze, son neveu, acceptant et remerciant
comme dessus , ou à un ou à plusieurs e n fin s qu i seront procréés du
présent m ariage, toutefois au ch o ix dudit Charles Jouve-Ladeveze,
prêtre , la m oitié du jardin planté en verger q u 'il a ........... en cette
vfflc........... sous la réserve des fru its pendant sa vie.
Arrêtons-nous d ’abord à une observation fort- importante; c’est q u e,
si la donation étoit faite aux futurs époux et à un ou plusieurs enfans
qui seront procréés du présent mariage, au choix du dohaleur,
il y
auroit évidemment fidéicommis.
Celle vérité qui doit être d ’une grande influence dans la ca u se , a
�C7 )
été niée et follement combattue devant le tribunal d'appel par le
demandeur en cassation ; mais il nous sera facile de la démontrer.
Il y a fidéicommis, toutes les fois qu’il existe une disposition par
laquelle, en gratifiant quelqu’un, on le charge de rendre l’objet d e là
libéralité à un tiers que l'on en gratifie en second ordre.
A in si, dans une disposition fidéicommissaire , il entre nécessaire
ment trois personnes, celle qui donne, celle qui est gratifiée à la charge
de rendre, et celle à qui l’on doit rendre.
La
disposition fidéicomrnissaiie renferme d o n c , à 'proprement
parler, deux donations, lu n e au profit de celui qui doit rendre,
l’autre au profit de celui à qui doit être rendu l’objet donné.
Mais le second donataire ne devant recueillir qu’après le p re m ie r,
ces donations doivent être successives.
11 faut,
dit Peregrinus ( i ) , que
les deux gratifiés soient appelés à recueillir successivement et non pas
concurrem m ent, ordine successivo et non conjunctivo seu simultaneo.
Parconséquent (ajo u te Thévenot-d'E ssaules , dans son traité des
Substitutions fidéicom m issaires, imprimé en 1778, page 7 1 ) si je dis:
j ’institue un tel et ses enfans, il «st clair qu ’il n 'y a p oint de J id é icom m is, vu que rien n'indique l'ordre successif. L e père et les enfans
sont gratifiés conjointem ent, ordine simultaneo, pour concourir et par
tager ensemble.
Mais, continue le m im e jurisconsulte, s i j e d is : j'in stitu e un te le t
après lu i ses enfans ; i l y aura fid é ico m m is, puisque les enfans sont
appelés pour recueillir après leur père et non pas concurremment
avec lui. D e m êm e, s i j e d is , j'institue un te l et ses h éritiers, i l y aura
fidéicom m is au profit des héritiers. C aries mots scs héritiers supposent
que le premier gratifié sera m o r t, quand c e u x -c i auront droit de
recueillir, le titre d héritier d'un te l ne pouvant être acquis
que
p a r son
décès. Autre chose seroit, s 'il y avoit\ j institue un tel, pour lu i, ses
hoirs et ayant cause. A lors i l n'y auroit point de substitution en
faveur des héritiers ou successeurs de l'institué. L es mots pour lu i, ses
hoirs et ayant cause , ne seroient censés relatifs q u à la transmission
( 1) A rt. »7 , i x et suiyaus.
�(
8
)
ou translation qu i a lieu de droit au profit des héritiers ou successeurs.
L in stituan t seroit réputé n'avoir p oint eu d'autre intention. S i cepen
dant i l étoit d it, pour lu i et ses hoirs m â les, i l y auroit substitution
auprofit des hoirs mâles. Car alors la disposition ne pourroit s'entendre
autrem ent, puisque l'ordre des successions légitimes y seroit interverti.
V o i l à , s'il nous est permis d ’employer cette expression, les avenues
et les alentours de notre question , bien éclaircis. Maintenant entrons
dans la question, e lle-m ê m e : que doit-on décider à l’égard d ’une
donation faite à un te l et à ses enfans à naître'?
Si cette donation est faite par un testament (répond Thévenot-Dess a u lcs, page 72 ) , i l ja u d ra distinguer. L es enfans qui se trouveront
nés lors du décès du testateur , qui est le moment où le legs prend
fo r c e , viendront au legs concurremment avec leur p è r e , n 'y ayant
rien qui nécessite à leur égard l'ordre successif.— I l y aura seule
m ent fidéicom m is au profit des enfans qu i naîtront après le décès
du testateur, attendu qu'ils n'ont pu concourir au moment où le
legs a pris fo r ce , et que néanmoins ils sont dans la vocation.
M a i s , dit encore le même auteu r, ( et c ’est ici l’endroit décisif
pour notre espèce ) , posons q u 'il soit dit dans une donation entre
vifs : J e donne à un te l et à ses enfans à naître , cela form erat - il un fidéicom m is en faveur des enfans à naître ? O u i, car le père
étant sa isi p ar la donation , et les enfans ne pouvant l'être , puisqu'ils
n'existent p a s , i l en résulte nécessairement l'ordre successif. L a pro
p riété ne pouvant être en suspens, le père est propriétaire du to u t, à
la charge de rendre à ses en fa n s, s 'il lu i en survient.
E t qu'on ne s’imagine pas que ce jurisconsulte ne l'explique ainsi
que relalivement aux dispositions ultérieures à l'ordonnance du mois
d'août 1747 ! cc
ajoute à la suite immédiate du passage que l’on
vient de transcrire, prouve démonstrativement le contraire. J e ne m'ar
rêterai pas davantage, dit-il, ¿1 donner des exem ples des termes qui
peuvent contenir implicitement l'ordre su ccessif, j e me borne à obser
ver qu'on ne doit supposer cet ordre su ccessif, qu'autant qu 'il y a
impossibilité d'admettre la vocation p a r concurrence, surtout depuis
! ordonnance
�/| £3
C9 )
l'ordonnance des substitutions, qui rejette absolument les iidéicommis
par conjectures.
A in s i, même depuis l'ordonnance de 1 7^ 71 la donation entre-vifs,
laite à un te l et ci ses en/ans à n a ître, renferme , en faveur de ceux-ci,
une substitution fidéicommissaire, parce qu'elle contient lordre suc
cessif’, c ’est-à-dire , le signe essentiellement caractéristique du fidéicommis.
M a is, dit-on, ce n’est que dans la donation ainsi faite par un père
à son fils, que celte doctrine peut être admise ; elle n’a pas lieu dans
la donation faite par un collatéral.
H é ! quel seroit donc le fondement d ’une pareille différence? Que
le donateur soit un ascendant ou un parent collatéral, la donation à
un te l et à ses enfans à n a ître, contient toujours l'ordre su ccessif ;
elle emporte donc nécessairement fidéicopmiis dans l’un comme dans
l’autre cas.
Aussi avons-nous remarqué que Thevrnot d'Essaules ne fait à cet
égard aucune distinction entre la ligne directe et la ligne collatérale.
E t V ed el ( i ) , que le demandeur en cassation invoquoit devant ®
1
tribunal d ’a p p e l, comme soutenant l'opinion contraire , dit expressé
ment : Cette m axim e que la donation au futur époux et à ses enfans ,
comprend les enfans comme véritables donataires , et comme appelés ,
ordine successivo , par fidéicom m is après leur père , a lieu , soit que
la donation ait été fa ite par un a scen d a n t, ou par un collatéral ou
étranger , parce que les enfans qui sont compris dans la disposition ,
n'étant pas encore nés , ne peuvent pas concourir, n i fa ir e part.
C est aussi en termes généraux , et comprenant le donateur ascen
dant comme le donateur étranger ou collatéral, que s’explique Serres
dans scs Institutions au droit fr a n ç a is , liv. 2 , lit. 7 , §. 2 : — Lors
qu'une donation entre-vifs, dit - i l , est Jaite à une telle personne et
à ses enfans nés ou à naître , dans ce c a s , les enfans s o n t, sans
contredit, regardés comme donataires en degré subordonné , et sont
censés appelés à la donation, ordine successivo, après leur père.
( 1 ) S u r C a te lla n , liv. 2 , ch ap . i 4.
13
�*1
C 10 )
O n sait au surplus que la jurisprudence du parlement de Toulouse
( dans le ressort duquel est née la contestation actuelle ) étoit aussi
uniforme que constante sur l'effet de toute donation à un tel et à ses
cnfans à naître, d ’emporter l’ordre successif et par suite le fidéicommis.
Il existe à cet égard trois arrêts très-précis.
M a y n crd , liv. , chap. 9 1 , en cite un du mois de mai 1078, rendu
5
à.son rapport , par lequel il a été ju gé, conformément à la doctrine
du docteur Etienne B ertrandi, tome
3, conseil
176 : Donationem f a c -
tam / ilio favore matrimonio et f iliis suis descendentibus e x matrimo
nio intelligi ordine successivo (1).
Il est vrai que, dans cette espèce, la donation avoit été faite par un
ascendant ; mais ce n ’est point là ce qui a déterminé l'arrêt. L ’arrêt
n'a eu pour m otif que cette maxime établie par M aynard au com
mencement du chapitre cité', q u e , de droit, les substitutions fidéicommiisaires sont faites, induites, présupposées et ramenées à l’effet, nonseulement par paroles expresses et formelles , mais encore par clauses
et paroles taisées , enveloppées et entrelacées, par lesquelles la volonté
du testateur, quant à c e , soit quasi déclarée, conjecturée et manifestée ;
— et il est inutile d ’observer que cette maxime s’applique aussi bien h
la donation faite par un étranger ou par un collatéral, qu ’à la donation
faite par un ascendant.
U n autre arrêt, non moins formel, est celui que rapporte C a tella n ,
liv. 3 , chap. 14 , sous la «late du i mai 1648. V o ic i les termes de ce
5
magistrat : — L a donation faite au futur époux et à ses cnfans, com
prend les enfans comme véritablement donataires et comme étant
appelés, ordine successivo, pour recueillir la donation après leur père,
et contient un fidéicommis en leur faveur..............C ’est ainsi que cette
question fut décidée ( au parlement de Toulouse ) le i
(1) Le
5 mai
1G48. —
d e m a n d e u r en cassation a e u , de va nt le tribun a l «l’a p p e l , le c o u r a g e de
se p rd v alo ir l u i - m ô m e d e cet a r r ê t , c o m m e ayant j u g é , en term es exprès , «ju’une
donation faite en co n trat de m a r i a g e p a r un p èr e à son fils et à scs cnfans à n a î t r e ,
ne r e n f f r iu o i l pas 1111 lidiiiconnuis : 011 p e u t j u g e r , p a r c e seul trait^ de la(id«ilité
de scs autres citations.
�4*5
( II )
U n ptre mariant Jean son fils, donne dans le contrat de mariage cer
tains biens au futur époux et à scs enfans ; un oncle f a i t aussi certaines
donations ù ce fu tu r époux et à scs enfans. Jean ayant eu de ce ma
riage Bernard et Françoise, mariant Bernard , lui donne la moitié de
ses biens, et promet de l'instituer en l’autre moitié. — Après la mort
de Jean , Françoise sa fille fait instance contre Bernard son frère en
délaissement de la moitié des biens donnés à Jean son père , et dit
que la donation étant faite à Jean et à ses enfans, contient une substi
tution fidéicommissaire en fa\eur de tous les enfans, qui sont tous
appelés par égales portions. — A u contraire, Bernard répliquoit que
la donation faite à Jean son père et à ses enfans, ne contenoit en fa
veur des enfans de Jean qu’unesubstitution vulgaire, qui avoit expiré en
la personne du p ère, lequel ayant survécu aux donateurs, avoit recueilli
l'effet de la donation. — Jugeant ce procès , on convint que si , dam
.un testament, la libéralité ¿toit faite à Jean et à ses enfans, il y auroit
seulement une s u b s t i t u t i o n vulgaire ; mais q u ’étant question d'une
donation entre-vifs faite à celui qui se marie , et à scs enfans à naître ,
«lie ne pouvoit contenir qu’une substitution fidéicommissaire.
Q u ’oppose à cet arrêt le demandeur en cassation ? U ne seule chose :
c ’est que la donation qui en ctoit l’ob jet, avoit été faite par un ascen
dant. — Mais il ne fait pas attention q u e , dans cette espèce, il y
avoit deux donations, l'une émanée du père du futur époux , l’autre
faite à celui-ci par son oncle , et que toutes deux ont été jugées contenir
iidéicomniis en faveur des enfans à naître. Cet arrêt a donc bien net
tement rejeté la distinction imaginée par le demandeur.
Le
3 °. arrêt
que nous avons annoncé, est du
3o
août 170G; il est
rapporté par Dejuin ( 1 ) , l’un des juges qui ont concouru à de rendre.
J jC 3o août
1Ü47, J can Meilhac premier donne, par contrat de
mariage, à Jean Meilhac son second fils et auxeniàns qui seront procréés
dudit mariage, la moitié de ses biens présens et à venir, et l'autre
moitié à la fin de ses jours, pour desdits biens pouvoir faire et dis-
(1) J o u r n a l (lu palais de T o u l o u s e , t o m e
5,
p a g . 245.
» a
�( 12
)
poser pftr ledit Meilhac fils et donataire, comme de sa chose propre,
tant en la vie, qu'en la mort. Question de savoir si cette clause ren
ferme une substitution fidéicommisiaire. Sentence de la sénéchaussée
de Nismes qui juge pour la négative. A p p el par Jean Meilhac troi
sième. Il se fonde sur ce que la donation n’étoit pas faite seulement à
Jean Meilhac second, mais encore à ses enfans.........Il citoit Catclan r
C am bolas, M eynard et Dumoulin. Jugeant ce grief, dit le magistrat
cité, on est convenu que la clause de donation faite au père et aux
enfans, contient un fidéicommis en faveur des enfans, quand on ne
peut pas présumer le contraire par une clause subséquente ; or , dans
celle espèce, on a cru que la faculté accordée au donataire de dis
poser des biens donnés comme de sa chose propre, tant en la vit
q u ’en la m o r t, faisoit présumer que le donateur n'avoit pas prétendu
faire un fidéicommis. Il a donc passé à débouter Jean Meilhac de son
grief, et en même temps de la demande en ouverture de la substitution;,
cependant la chose a souffert grande difficulté, plusieurs des juges
regardant cette dernière clause de style.
V o ilà qui prouve bien clairement, et que le parlement de Toulouse
t e n o i t invariablement à la maxime dont il est ici question, et que cette
xnaxiinc n’admeltoit dans sa Jurisprudence aucune distinction entre
le donateur ascendant et le donateur é t r a n g e r ou collatéral ; car D ejuin
ne distingue nullement entre l’un et l’autre, il parle au contraire de
la manière la plus générale, quand il dit qu’on est convenu que la
clause de donation faite au père et aux enfans contient un fidéicom
mis en faveur des enfans.
M ais, dit-on, il y a dans le recueil de Cambolas, livre
3 , cliap. 49,
des arrêts du parlement de Toulouse même , qui décident que la
donation en faveur d'un mariage et des enfans à naître de ce mariage,
ne contient pas de substitution fidéicommissairc en faveur de ceux-ci.
O u i, ces arrêts existent ; mais on auroit bieii dû, en les citant d'après
Cam bolas, remarquer avec ce magistrat, qu ’il en est autrement quand
la donation est faite expressément aux. enfans, c'est-à-dire, non-seule
ment en leur laveur, mais à eux.
Et en effet, dit Serres, à l'endroit indiqué ci-dessus, il ne faut pas
�4 ^
C i3 )
confondre le cas où une donation est faite en contrat fie mariage nu
futur époux et à ses enfans à naîti'2, avec le cas où la donation est
laite au futur époux en contemplation, ou en laveur du mariage et
des enfans qui en naîtront ; c a r , dans ce dernier cas , les enfans n'ont
aucun droit aux biens donnés; ils ne sont pas regardés comme appelés
de leur chef à la donation en degré môme subordonné , et ne sont
considérés tout au plus que comme la cause impulsive et non l’objet
final de la donation , ensorte que le père peut aliéner et disposer à
son gré desdits biens donnés, sans que les enfans puissent s’en plaindre,
ni révoquer les aliénations.
Calellan fait précisément la même distinction. V o ic i comment il
s’explique livre 2 , chap. i4- L a donation faite dans le contrat de
mariage au futur époux , en contemplation de mariage et des enfans
qui en proviendront, ou même faite en faveur du mariage et en préciput et avantage des enfans qui en descendront,
les enfans et ne leur donne aucun droit de leur ch e f
et ne contient aucun iidéicommis en leur faveur.
termine uniquement à la personne du futur époux,
ne regarde point
aux biens donnés,
Cette donation se
les enfans en sont
tout au plus la cause impulsive et non la cause finale. C ’est la doctrine
de D olive, livre
4,
chap.
5 , et
de Cam bolas, livre
3,
chap.
4g ,
con
firmée par les arrêts que ces auteurs rapportent. Mais la donation faite
au futur époux et à ses enfans, comprend les enfans comme véritable
ment donataires et comme étant appelés, ordine successivo , pour
recueillir la donation après leur père, et contient un fidéicommis en
leur faveur.
Cela posé, il ne nous reste plus, pour justifier le jugement du tri
bunal d ’appel de Riom , que de prouver qu’entre le cas d ’une donal ionfaite à un tel ou à ses enfans à naître, et le cas d'une donation faite à
un tel et à ses enians à naître , il n’existe , en point de droit , aucune
espèce de différence.
O r , là-dcsssus, écoutons Catcllan à l'endroit déjà cité. Ce que je
viens de dire que la donation faite en faveur du futur époux et de sesenfans contient un fidéicommis en faveur des enfans, doit avoir lieu,
lorsque la donation est faite au futur époux ou à ses enfans, comme
�(
i4
)
il fut jugé, après partage de la première, à la deuxième chambre des
enquêtes, et vidé à la grand’ehambre....... moi comparateur. V a la d a ,
m a r i a n t François V alada son fils, donne,
dans le contrat, certains
biens à ce fils ou à ses enfnns. D e ce mariage naissent trois enfans.
François V alad a, fils, meurt après, son père, et ses biens sontgénéralement saisis. Ses trois enfans demandent la distraction des biens donnas
par leur nyeul, à leur père et à e u x, et l’obtiennent par l’arrêt que je
rapporte. L a raison de la décision est prise de ce que la donation faite
au futur époux et à ses enfans , contient un fidéicommis en faveur des
enfans, comme j ’ai déjà dit : or il en doit être de même lorsque la
donation est faite au futur époux ou à ses enfans. Parce q u e ......... par
la loi cùm quidam , 4 an code de verborum et rerum sig n ificaiion c, si
l'institution , legs , fidéicommis ou donation est faite à un tel ou à
un t e l , la disjonctive est prise pour copulative.
L e demandeur en cassation a , devant le tribunal d ’a p p e l , beaucoup
disserté , beaucoup argumenté contre cet arrêt et contre les motifs qui
l ’ont dicté. Il ne nous sera pas difficile de répondre à toutes ses objec
tions.
Commençons -par poser les principes
fondamentaux de la
matière.
L es loix romaines nous ont appris, et notre propre usage nous a
confirmé que souvrnt la disjonctive OU s’emploie pour la copulative E T ,
comme souvent aussi la conjonctive e t s’emploie pour la copulative OU.
L a loi
53 , au digeste
de Vcrborum significaiionc, nous offre une
décision du jurisconsulte P a u l, ainsi conçue: Sœpè ita comparatum est
ut conjuncta pro dijunctis accipicntur et disjuncta pro conjunctis.
A in s i, la loi des douze Tables disoit : TJti quisque legassit super
pecunià tutclâve rci suœ, ita ju s esto\ et P a u l décide que , par tutel i h c , il faut entendre tuteldquc : curn d icitu r, ( c e sont scs termes )
super pecuniâ tutelâve rci suœ, tutor separatim sine pecunià d a n non
potest.
lit lorsque nous disons, continue P a u l, quod dedi aut donavi, la
particule aut doit s’entendre dans le sens conjonctif. E t cum dicimus
quod dedi aut donavi, utraque continernus.
Mais quelle sera la boussole qui dirigera le juge dans l'application
�( *5 )
de ccllc règle ? ¡1 ne peut pas y en avoir d ’autre que le sens nature]
de la phrase dans laquelle se trouve intercalée soit la disjonctive ou ,
soit la copulative et.
Ainsi lorsque je m ’oblige à vous livrer un champ ou une maison,
¡1
est bien évident que je ne vous donne pas à la fois la maison et le
champ, mais seulement l’un ou l’autre à mon choix.
Mais si je donne à vous ou à vos enfans telle m aison, vos enfans
sont incontestablement appelés à la donation , comme vous-même; et
il n'y a de difficulté que sur le point de savoir, s'ils y sont appelés
à titre de substitution vulgaire, s’il y sont appelés par fidéicommis, ou
s'il le sont comme co-donataires.
O r à cet égard il faut distinguer :
O u vos enfans existent au moment de la donation ,
O u ils n’existent pas encore.
A u premier cas il ne sont appelés ni comme substitués vulgaire
ment, ni comme fidcicommissaires ; ils le sont comme co -d on ata ires
et ils doivent concourrîr avec vous au partage de la chose donnée.
C ‘est la décision expresse de la fameuse loi cùm quidam au code de
verborum et rerum significatione. Com me ce texte a été invoqué de
part et d ’autre devant le tribunal d ’appel de R iom , et que, de' part et
d ’autre, il a donne lieu à de grands débats qui se renouvelleront vrai
semblablement devant le tribunal de cassation , il ne sera pas inutile
de le transcrire, ici en entier.
U n particulier (dit Ju slin ien , auteur de celte loi, ) voulant faire une
institution, un legs, un fidéicommis, donner la liberté à des esclaves,
pourvoir à la tutelle de scs enfans, s’étoit exprimé en ces termes :
J institue pour mon héritier tel ou tel ; je donne et lègue telle chose à
» tel ou Ici; je veux que tel ou tel de mes esclaves soit libre; je nomme
>» pour
tuteur à mes enfans tel ou tel. » Question de savoir quel
devoit être l’effet d ’une institution, d ’un legs, d ’un fidéicommis, d ’un
affranchissement , d ’une dation de tutelle ainsi exprimée? Devoit-on
regarder ces actes comme nuls P devoit-on en accorder le profit ou
en imposer la charge au premier des deux appelés disjonctivemenl,
qui se trouveroit en possession? devoit-on les admettre tous deux au
�C 16 )
bénéfice ou leur faire subir à tous (leux le fardeau de la disposition ?
e t , dans ce dernier cas, falloit-il établir un ordre successif de l’un à
l’autre? ou devoit-on les admettre coiicuremment ? Cùm quidam sic
vel institutioncm , vcl legatum , vcl fideicom m issum , vcl libcrtaiem ,
vel tutelam scripsissct, il.'e aut il/t m ih i hcres esto ; vcl il li aut illi do
lego , vel dari volo , vel ilium aut ilium libcrum , aut tutorem esse
volo vel jubeo ; dubitabatur utrum ne inutilis sit hujus m odi institutio
et legatum , et fideicom m issum , et libertas et lutoris datio ? an occupantis melior conditio sit ? an ambo in hujusm odi lucra vel muñera
vocentur ? an et secundùm aliquem ordinem admittantur ? an uterque
omnímodo ? Les uns vouloient qu e, dans le cas d ’une institution ainsi
conçue, le premier nommé fût considéré comme seul institué, et que le
second nele fût que comme substitué vulgairement. Cùm aliiininstitutionibus primum quasi inslitutum a d m itti, secundum quasi substitutum.
D'autres prétendoient qu e, dans le cas d’un Iegs[oufidéicommis exprimé
de cette manière, le dernier nommé devoit seul recueillir, comme ayant
pour lui la disposition la plus récente du testateur. A liiin fid eicom m issis
posteriorem solum fideicom m issum accepturum existim averint, quasi
recentiorc volúntate testatores utentem. Mais pour retracer une à une
loutes les disputes qui se sont élevées à cet égard entre tant d ’écrivains,
il ne faudroit rien moins qu'un gros volume ; car non-seulement les
jurisconsultes, mais même les ordonnances impériales qu'ils ont rap
portées chacun en faveur de son opinion, se sont divisés et ont varié
sur cette matière. E t si quis corum altcrcationes sigillatim cxponerc
m a lu crit, n ih il prohibât non leve libri volumen extendere , ut sic
exp lica n possit tanta auctorum varíelas cùm non solum juris auctores , sed etiarn ipsœ principales constitutiones , quas ipsi auctorcs
rctulcrunt, ínter se variasse videntur. 11 nous pareil donc plus raison
nable , en écartant tout ce cahos d'opinions et d ’arguincns, de déclarer
que la particule ou sera, dans le cas proposé, entendue dans le sens de
la particule ct\ de manière quelle sera réputée copulativo et consi
dérée comme une sorte de paradiazenze ( terme grec qui répond à
fausse disjonction ) ; au moyen de q u o i , le premier appelé sera
admis, sans que le second soit pour cela exclu. M ehus iiaque nobis
visurn
�AO ) s
(
l7
)
çisurn est, om ni hujus m odi verbositate exp losà , conjunctionem mit
pro et a ccip i, ut videatur copulativo modo esse prolata et magis sit
p aradiazcnsis, ut et pritnam personam inducat et secundarn non
rcpellat. C a r , d e m ô m e , p a r e x e m p l e , q u e , d an s l'a ction possessoire
a p p e lé e quod vi aut clam , la d is jo n c tiv e aut est é v id e m m e n t
prise
p o u r la c o n j o n c t i o n e t , d e m ô m e d an s toutes ces sortes d ’ institutions,
d e legs, d e f i d é i c o m m i s , d ’a ffr a n c h i s s c m e n s , d e d o n a t io n s , d e tutelles,
la d ispo sitio n d u testateur d o it être e n te n d u e d e m an ière q u e les d e u x
in d iv id u s q u ’il a ainsi n o m m é s , vien n en t é g a l e m e n t , et pa r égales
p o r t i o n s , à l’h é r é d it é , au legs, au f i d é ic o m m is ; q u e tou s d e u x reçoiven t
la lib e rté ; q u e tou s d e u x soient ap p elés à la tutelle. P a r - l à , p erso n n e
n e sera p r iv é d e l ’effet d e la libéralité d u testateur ; et il sera d 'a u ta n t
m i e u x p o u r v u a u x intérêts d es p u p i lle s , intérêts q u i n e p o u r r o ie n t q u e
so u ffrir b e a u c o u p des d o u te s q u e n o u s laisserions subsister à c e t égard .
Quemadmodum enim ( v e r b i g r a t i à ) in interdicto QUOD VI AUT CLAM
AUT conjunctio pro ET apertissime posita est; ita et in omnibus hujus -
m odi casibus, sive institutionum, sive legatorurn, sivefideicommissorum,
vel libertatum, seu tutclarum , hoc est intelligendum , ut ambo veniant
cerjud lance ad hœreditatem , arribo sim iliter legata accipiant, fid e icommissum in utrumque dividatur, libertas utrumque ca p ia t, tutoris
ambo fangantur officio, ut sic nemo defraudetur a commodo testaloris,
et major providentia pupillis inferatur: ne durn du bita tur, apud quern
debeat esse tutela , in medio res pupillorum depereant. M a i s n o u s n e
faisons cette d é c la r a tio n q u e p o u r le cas o ù c e sont des perso nn es q u i
se tro u v en t co m p rises dans u ne p h rase c o n ç u e d e la m a n iè r e ci-dessus
e x p o s é e ; si d o n c , dans u n e d ispo sitio n testa m e n taire, il n ’y a d 'a p p e lé
q u 'u n seul i n d i v i d u , et q u e les ch oses q u i en sont l’o b j e t , soient ainsi
laissées : « J e d o n n e , je lègu e , j e laisse p a r fi d é i c o m m i s à un tel ,
» TKLI.E OU t l l l e
c h o s e ; » alors 011 a p p liq u e r a à cette d isp o sitio n ,
les a n cien n es règles et les d écisions d e l'a n c ie n d ro it
(0 > a u x q u e lle s
( i ) S u iv an t lesquelles il n ’ y a de d o n n é , l é g u é o u (idéicoimnisse cjuc l ’ une des
choses ainsi e x p r i m é e s , l’o p tio n a p p a rten a n t alors soit à l ' h é r i t i e r , soit au léga
taire o u iid é ic o m in is s a ir e ; s uivan t les d istinctio n s établies p a r les lois d u digeste.
c
Lf. *.
�( 18 )
nous n'entendons porter aucune atteinte , ni innover , en aucune
manière, par la présente ordonnance. Sed hœc quidern sa n cim us,
cùm in personas hujus m odi proferatur scriptura. Sin autem una quid em est persona, res autem ¡ta dere lictae sunt, îllam aut illam rem
tib i d eleg o, perfideicom m issum relinquo, tune seeundum veteres régu
las et antiquas definitiones, vetustatis ju ra maneant incorrupta, nullâ
innovatione e x hâc constitutione introducenda. — C e que nous vo u
lons aussi avoir lieu dans les contrais. Quod etiam in contractibus
locum habere censemus.
V o ilà comment s’explique la loi cum quidam , et l’on voit qu ’elle se
réduit à deux dispositions.
L a première, q u e, dans toute plirasc, soit d ’un testament, soif d ’un
contrat ( i ) , qui défère une même chose à telles ou telles personnes , la
particule disjonctive ou doit être réputée copulative, et q u ’enconséqucnce, toutes les personnes nommées dans cette phrase doivent être
considérées comme appelées à la chose donnée, léguée, vendue, etc.
— M elius nobis visum e s t ......... Conjunctionem
aut
pro ET accipi ut
vidcatur copulatiço modo esse p ro la ta ..........ut et primam personam
inducat et secundarn non repellat.
L a seconde disposition est que , si
ensemble et unies par la particule ou
toutes à l’époque, soit du testament,
regarder comme appelées actuellement
les personnes ainsi appelées
réputée copulative , existent
soit du contrat, on doit les
et par égales portions à la
chose qui forme l'objet de l'un ou de l’autre acte.
Car, remarquons-le bien, c ’est de personnes actuellement existantes
que parle J u stin ien , quand il dit : In omnibus hujus m odi casibus ,
sii'c institutionum , sive legatomm , sive fideicom m issorum , vel lib cr taturn , scu tutclarum , hoc est intell/gcndum, ut arnbo veniant œquà
J.anrc..............
Et ce qui le prouve invinciblement, c ’est q u e, dans la loi cum quid a m , Justinicn s’occupe principalement de l'institution d'héritier, qui,
même au temps de J u stin icn , ne pouvoil avoir lieu qu'en faveur de
( i j Q u o i! çtiam in co n tra ctib u s lo cu m habere ce n ttm u s } «lit la l o i .
�*,
( *D )
personnes vivantes à l’époque du décôs du testateur ( i ) ; de l'affran
c h i s s e m e n t q u i , certes, ne pouvoit pas atteindre des êtres non encore
nés, puisqu’ils ne pouvoient pas encore être esclaves; enfin de la dation
de tutelle, q u i, par la nature et l’essence raêm» de son objet, ne pou
voit imposer ce fardeau qu'à des hommes actuellement existans, et
même parvenus à l’âge de majorité.
Que faut-il donc décider à cet égard dans le cas où , parmi les
personnes appelées à une même chose et unies par la particule ou r
il y en a qui n'existent pas encore au moment oii se fait la dispo
sition soit testamentaire, soit contractuelle?
C ’est i c i , comme l’on v o i t , le second des cas que nous avons cidessus distingués.
Justinicn ne l’a pas compris dans la loi cum quidam ; seulement il
résulte de la première partie de cette loi que , dans ce cas , comme
dans celui d'une disposition faite au profit ou à la charge de personnes
actuellement existantes, la disjonctive ou doit être entendue dans le
sens d e là conjonctive et. — Quelle raison, d ’ailleurs, y auroit-il de
ne pas assimiler entièrement, sur ce p o in t, l'un des deux cas à l'autre?
Mais le silence de Justinicn sur le cas dont il s’agit, ne nous laisse
point sans ressource pour résoudre notre question. Elle est même toute
résolue , par la combinaison de deux maximes qui , désormais, doi
vent être regardées comme incontestables.
L u n e , qu’entre la donation faite à un tel ou à un tel, et la dona
tion faite à un tel et à un tel , il n’y a ni ne peut y avoir aucune om
bre de différence.
L ’autre, qu e, parla donation entre-vifs faite à un tel et à scs enfans
à naître, ceux-ci sont appelés, non comme substitués vulgairement,
non comme co-donataires actuels , mais comme fidéicommissaires.
II résulte, en effet, du rapprochement de ces deux maximes, que ce
n’est ni comme substitués vulgairement, ni
c o m m e
co-donataires actuels,
mais seulement comme fidéicommissaires, que les enfans peuvent être
( i ) Voyez. In L ettre du c h a n c e lie r d 'A g u r s s e a u , an p a r l e m e n t d’A i x , d u 2>
n o v e m b r e 1 7^7 , co n ce r n a n t l'art. 4 9
l ’O r J o n n a n c e de 1 7 3 5 .
C a
t-
�•
i I
( 30 )
censés Appelés dans le cas d'une donation entre vifs faite à un te l ou à
scs en/ans à naîtra.
I ls
n e l e sont pas c o m m e su bstitu és v u l g a ir e m e n t ;
car, par
l’effet de la donation entre-vifs acceptée par le père des enfans à naître,
celui-ci se trouve immédiatement saisi de la chose d o n n é e , et par-là
même', la porte se trouve irrévocablement fermée à toute substitution
vulgaire. — ■On sait, et la loi
5 , aucode
de impulerum et aliis substi~
tio n ibu s, établit clairement que la substitution vulgaire n’étant faite
que pour le cas où le premier appelé ne recueilleroit pas la disposi
tion, elle s’évanouit nécessairement dès que la disposition a été acceptée
par le premier appelé.
I l s n e l e s o n t p a s c o m m e c o - d o n a t a i r e s a c t u e l s ; ca r, pour
ótre actuellement donataire, il faut exister. Celui qui n’existe pas, ne
peut être saisi de rien ; et cependant il est de l’essence de la donation
entre-vifs, que le donataire en recueille l’effet à l’instant môme où elle
reçoit sa perfection.
C ’e s t
donc co m m e
f i d é i c o m m i s s a i r e s q u ’il s s o n t a p p e l é s ;
et
.il faut bien qu’ils le soient comme tels, d'après les principes ci-dessus
retracés par Thévcnot-d'Essaulcs. — Répétons les termes de cet auteur,
ils sont décisifs : L e père étant saisi p a r la donation, et les enfans ne
pouvant lâtrc , puisqu'ils n'existent p a s, i l en résulte nécessairement
l ordre successif. L a propriJté ne pouvant ótre en suspens, le père est
propriétaire du tout à la charge de rendre à ses en fa n s, s 'il lu i en
survient.
Arrêtons-nous particulièrement à celle grande maxime, la propriété
ne peut être en suspens. — Elle est également établie par Peregrinus :
rerum d o m in io, dit-il ( i ) , in pendenti stare nequeunt; et Thévenotd'Essaules y revient encore, page 18S : les jurisconsultes romains ( c e
sont ses termes) étaient s i éloignés d'admettre la suspension de pro
p riété, que, pour éviter cet inconvénient, ils a voient imaginé de person
nifier Ih é r é d ité , en la rendant propriétaire des biens jusqu'il ce que
(0
J iJ e ic o m m U s is , art. /to ; n°. G.
�(> .
>
l'héritier le devint par l'adition ( i ) . Nous devons donc mettre cette
maxime au rang des vérités les mieux démontrées.
E t quelle est la conséquence , relativement à la donation entre-vifs
faite à un futur époux ou à ses enfans à naître? Bien évidemment il
en résulte que la propriété de la chose donnée, étant sortie des mains
du donateur , et ne pouvant pas reposer sur la tête d'enfans qui
n ’existent pas en co re, c'est sur la téte du futur é p o u x , qu’elle se fixe
immédiatement.
L e futur époux devient donc propriétaire d elà chose donnée,à l’ins
tant même où il accepte la donation.
Que peuvent signifier, d ’après cela, ces mots ajoutés à la donation ;
ou à ses enfans à naître ?
Signilient-il que les enfans à naître recueilleront la donation, si leur
père ne la recueille pas? no n , nécessairement non. L e futur é p o u x ,
encore une fois, recueille immédiatement la donation, il devient pro
priétaire de la chose donnée, par le seul effet, par l’effet immédiat de
son acceptation; il est donc impossible, métaphisiquement impossible;
que les enfans à naître ne soient placés dans la donation , que pour la
r e c u e i l l i r au défaut de leur père.
Il faut cependant donner un sens , un effet quelconque à ces mots,'
ou à ses enfans à naitre; cl le seul moyen d ’arriver à ce b u t, c ’est de
dire que la particule ou doit s’entendre comme s’il y avoit e t, que les
enfans sont appelés pour recueillir après leur père, que leur père est
à leur égard une sorte d ’entreposilaire qui doit faire arriver jusqu’à eux:
l’objet de la donation; qu ’ils doivent jouir de la chose donnée après
que leur père l'aura possédée, et par une conséquence aussi simple
qu'irrésistible , que leur père est grevé de fidéicommis en leur faveur.
Q u ’opposera a cette conséquence le demandeur en cassation ? sans
doute, il y opposera les mûmes objections qu ’il a inutilement fait
valoir devant le tribunal d appel. V oy on s donc quelles sont ces
objections.
(i)
J lw rrd ita s personam d e fu n c li m .ilin e t ( loi V ( I), tie a cq u iren d o r e r u n
do m in io ) d o m in i q u o d h cvredilatis f u l l ( t o i
80 D.
de tcg a tis 2"•).
�»
»
C
Première objection. L a loi cùm
)
quidam sur laquelle vous vous
appuyez pour convertir, clans la donation du
:>3 février
1787 , la dis—
jonctive ou en conjonctive, n'est relative qu’aux dispositions testamen
taires, et, parconséquent, inapplicable aux actes entre-vifs. Il est vrai
qu’à la fin de cette loi il est dit : quod etiarn in contraclibus locum
habere ccnsemus\ mais ces termes ne se réfèrent qu’à la disposition
immédiatement précédente, dont l’objet est de maintenir les anciennes
règles par rapport aux dispositions par lesquelles un testateur donne
telle ou telle chose.
Réponse : i°. Les enfans Ladevèze n’ont'pas précisément besoin de
la loi cum quidam , pour faire maintenir le jugement d u tribunal
d ’appel de R i o m ; il leur suffit q u e, môme d ’après les lois du dig este,
et notamment la loi
, de verborum significationc, la disjonclive ou
doive être convertie -en copulative , toutes les fois que le sens de la
53
phrase l’exige.
2 0. Ces expressions, quod etiam in contractibus locum habere censem us, qui terminent la loi cùm quidam , de quel droit le demandeur
les restrcint-if à la disposition immédiatement précédente ? Il y seroit
fondé, sans d o u te , si cette disposition formoil dans la loi un para
graphe séparé. Mais la loi toute entière n’est composée que d ’un seul
contexte ; il est donc bien naturel d ’en faire refluer les derniers termes
sur l’intégrité de la loi elle-même.
°. L a disposition de la loi qui précède immédiateifient les termes ,
3
quod ctiam in contractibus, locum habere censemus, celte d isp o sitio n
n’est là que pour faire exception à la règle généralement posée par
Justim en dans le corps de la loi. Si donc il étoit vrai que les termes,
quod etiam in contractibus locum habere censem us, se référassent à la
disposition immédiatement précédente , que significroient-ils ? tièscertainement ils signifieraient que l’exception établie par cette dispo
sition, est commune aux contrats et aux testamens. —
O r , que l’on
nous apprenne donc comment Justinien auroit pu excepter les con
trats , comme les testamens, de la règlegénéralc précédemment établie,
6i cette règlegénéralc n’ciU pas été elle-inéinc commune aux testamens
et aux contrats ? Aussi G odrfroi, dans une de ses-no)es sur la loi Cùm
�( s3 )
quidam , dîl-il expressément: Disjunctiva posita inter personas hono
râtes vel gravaias, t à m jn ultim is voluntatilus,'quàm in contractibus
pro conjunctùa habetur.
D euxièm e objection. V o u s prétendez appliquer la loi Cîim quidam
à un fidéicommis créé par un acte entre-vifs ; maisiil est notoire que
dans le droit romain , on ne pouvoit fidéicommisser que par tes
tament.
Réponse. Il est vrai q u e , par l'ancien droit rom ain, les testamens
étoient les seuls actes par lesquels on pût fidéicommisser. O n accordoit
bien au donateur entre-vifs une action pour répéter la chose donnée ,
quand le donataire n’accomplissoit pas la charge de rendre ; mais on
refusoit toute action au tiers en faveur duquel cette charge étoit op
posée. C ’est ce que nous apprend la loi
3,
au code de donationibus
quœ sub modo ( i ) . Mais celte même loi annonce que depuis quelque
temps, et par l'effet des ordonnances impériales, le substitué jiar do
nation entre-vifs, avoit l’action utile pour demander l’exécution du
fidéicommis (2); et elle maintient formellement cette nouvelle juris
prudence.
E t remarquez que cette loi est de beaucoup antérieure à la loi
cùm quidam. Celle-ci est de l’an
53 1 ;
celle-là, de l’an 2go.
Ainsi nul doute que la loi cùm quidam n’ait été faite pour les
fidéicommis contractuels, comme pour les fidéicommis testamentaires.
Troisième objection. L a loi cùm quidam parle de deux personnes
indifférentes, et entre lesquelles il n’y a ni sujet, ni raison de préfé
rence. Elle n’est point applicable , suivant P a u l de Castres, A lex a n d re ,
Fusarius-Dupemer , e t c ., au cas où la disjonctivc ou se trouve entre
(1) Q u oties d onatio ila c o n fic ilu r u t p o st te m p u i, id q u o d d on a tu m e s t , a l ii
i t s li t u a lt t r , veterix ju r is a u cto rila te rescrip tu m e s t , si is in quern lib e r a lita tis
co m p en d iu m c o n ftr e b a lu r , stip u la tila non s i t , p la c i t i f i d e non im pletA , e i q u i
lib e r a lita tis au cto r f u i t ........... c o n d i t i t i a c tio n is p ersecu tio n em com petere.
(a) S u d cù m p o ste ti benign A j u r i s interpretation s , d iv i p rin cip e s e i q u i stip u
l a t e non s i t , utile/n a ctio n em ju x t a d o na toris v o lu n ta lem } com petere a d m it c r i n t , a c tio ......... tib i a cco m o d a b itu r.
�(
24
)
des personnesinter quas cadit ordo affcctionis. O r , clans noire espèce;
on ne sauroit douter que le donateur n’ait voulu préférer son neveu
aux enfans qui pouvoicnl naître de son mariage.
Réponse. E h , sans doute, le donateur à préféré son neveu à scs
futurs petits-neveux! Aussi l’a-t-il appelé en première ligne; aussi at—il voulu q u ’ il jouît avant eux; mais que conclure de-là? Précisément
ce que nous soutenons, que le donateur a établi un ordre su ccessif de son
neveu à ses futurs petits-neveux, et que, par une conséquence néces
saire, il a substitué fidéicomrtiissairetnent ceux-ci à celui-là.
Q ue nous importe, d’après cela, l’exception que Fusarius, A le x a n
dre , Duperrier et P a u l de Castres mettent de leur propre autorité
à la disposition générale de la loi cum quidam , pour le cas où il existe
entre les personnes appelées ensemble par la disjonctive o u , ce qu'ils
nomment ordo caritatis et affectionis ?
Nous dirons cependant que cette exception n ’est pas admise par
tous les auteurs ; elle est combattue, et nous osons le dire, complète
4
ment réfutée par F urgole, sur l'art. 19 , de l’ordonnance de i j j- —
C e st la lo i ( dit-il après de longs développemens qu’il seroit inutile
de transcrire ici ) , c'est la lo i q u i, p a r sa toute-puissance, détermine le
sens des paroles, comme s 'il y avoit une conjonctive, lorsque l'alterna~
tive se trouve entre plusieurs personnes.......... et i l n'y a point de doute
que la lo i ne doive prévaloir sur les fausses opinions des auteurs qui
s'en sont éloignés pour mettre à la place leurs imaginations.
4
Quatrième objection. V ed cl sur Catellan, livre 2 , chap. ¡ , dit q u e ,
pour ce qui concerne la donation fa ite au fu tu r époux et à ses en fa n s,
la disjonctive ou n'est convertie en copulative e t , p a r ordre de succes
sio n , que quand la donation part d e là main d'un ascendant. O r , dans
notre espèce, c’est de la main d ’un collatéral, qu'est partie la donation.
Réponse. À coup sûr V c d e l est dans l’erreur, si, sans convertir la
particule ou en copulative, il n'est pas plus possible, dans le cas d ’une
disposition laite par un collatéral , que dans le cas d ’une disposition
laite par un ascendant, de donner un sens raisonnable, d ’attribuer un
effet quelconque, à la clause qui appelle un te l ou ses enfans à naître
— O r , nous lavons déjà dit, si, dans cette clause, vous ne pi Ole/, pas
�(
=5 )
une signification conjonctive à la particule ou, il est métaphysiquement
impossible , de quelque main que parte la disposition entre-vifs, de
lui donner un sens qui ait la moindre apparence de raison; et soit que
le donateur tienne au futur époux p a rle s liens de la paternité, soit
qu’il n’ait avec lui que des rapports de parent collatéral ou d ’ami,
il faut toujours revenir à cette vérité, aussi palpable que constante,
qu’après a v o ir , par sa donation acceptée , et parconséquent con
sommée , saisi le donataire de la propriété de la chose donnée, il ne
peut avoir appelé des enfans non encore existans à cette même pro
priété que par ordre successif, o u , en d'autres termes, à titre de fidéicommis.
Aussi voyons-nous que Furgole ne fait, sur cette matière, aucune
distinction entre le cas d ’une donation faite par un ascendant, et celui
d ’une donation faite par un étranger.
Serres confond et identifie également les deux c a s , Iorsqu’après
avoir établi qu’une donation étant faite à une telle personne et à ses
enfans à naître, les enfans sont, sans contredit, regardés comme do
nataires en degré subordonné, et sont censés appelés à la donation
ordine successivo après leur père ; — Il ajoute : on ju g e la même ch o se,
lorsque la donation est fa it e à un te l ou à ses en fa n s, cette particule
disjonctive ou se convertissant en la conjonctive e t , et contenant pareil
lem ent un fidéicom m is tacite au profit desdits enfans après père ou
mère.
Cinquième objection. V ou s supposez q u e, dans la donation du 27
février 17^7, la clause dont il s’agit ne présenterait aucun sens plau
sible , si l’on n’y substituoit la conjonction et à la disjonctive ou ; il n'y
a cependant rien de plus simple que de donnera cette clause, entendue
à la lettre, un sens tout-à-fait raisonnable : c'est de dire qu ’elle ren
ferme une substitution vulgaire; et en effet il est évident q u e le dona
teur qui ne se dépouilloit pas, puisqu'il se réservoit l’usufruit, n a
empoyé la disjonctive ou, que pour demeurer le maître, en cas de pré
décès de son neveu , et, dans ce cas seulement, de désigner parmi ses
futurs petits-neveux, celui ou ceux qui devroient recueillir l'effet de la
donation.
�>
'
(zG )
Réponse. II y a là autant d’erreurs que de mots.
i°. L e donateur s’est réservé l'usufruit, cela est vrai; mais conclure
de-Ià, comms le fait le demandeur en cassation, q u ’il ne s'est pas
désaisi de la propriété , c ’est une absurdité rare, pour ne pas dire,
monstrueuse. C ’éloit la conséquence directement contraire qu ’il falloit
en tirer: car la réserve de l’usufruit suppose nécessairement l’entier et
l ’actuel délaissement de la propriété nue. — Eli ! comment d ’ailleurs
auroit-il conservé une propriété dont il fàisoit, pour nous servir des
propres termes du contrat, DONATION ENTRE-VIFS, pure, parfaite et
irrévocable ?
2°. Ce n’est pas seulement pour le cas de prédécès de son neveu r
que le donateur se réserve le droit de choisir entre ses enfans à naître,
Celui qui devra recueillir après lui l'effet de la donation. Il se le réserve
purement et simplement ; il se le réserve dans les termes les plus géné
raux: ii se le réserve, par conséquent,pour l’exercer môme pendant la
vie de son neveu ; et assurément si le neveu eût eu plusieurs: enfans et
que le donateur en eût choisi un du vivant de leur p è r e , celui sur
lequel seroit tombé son choix, auroit eu la préférence sur ses frères ,
ni plus ni moins q u e , si l’élection n’eût été faite q u ’après la mort du
neveu donataire en première ligne.
°. Faut-il répéter que les premiers principes s’élèvent contre l’idée
d une substitution vulgaire , dans une donation entre-vils acceptée par
le donataire ? Faut-il répéter que la seule acceptation du donataire lait
3
manquer la condition essentielle, et, s/ne (jud non, de laquelle dépend
toute substitution vulgaire ? — Il est par trop pénible d'étre obligé de
revenir sur des vérités aussi simples, sur des règles aussi élémentaires.
S ixièm e objection. Mais vous ne faites point attention qu’il s’agit ici
(l’une donation par contrat de mariage, et qu e, dans un contrat de
mariage , on peut donner et retenir. Ces deux bases posées, n’est-il
pas clair que l'intention du donateur a été «le demeurer maître de sa
moitié de jardin, pour en transférer la propriété, soit à son neveu,
soit à l'un ou plusieurs do ses enfans, suivant qu'il lui paroitroit
convenable ?
Réponse. Non , certes, cela n'est pas clair, et c ’esl déjà beaucoup ;
�JoK
( -7 )
car pour casser le jugement qui a décidé le contraire, il faudroit que
b chose fût claire comme le jour.
Mais c’est trop peu dire : il est clair, plus clair que le jour mêm e,
que telle n’a pas été l’intention du donateur.
i°. Encore une fois, le donateur ne s'est réserré que l’usufruit; il
s'est donc exproprié; il n'a donc pas conservé le droit de disposer de
la propriété au préjudice de son neveu , en choisissant par la suite
l ’un des enfans à naître pour la recueillir même du vivant de leur père.
z°. A qui se réfèrent dans le contrat, les mots toutes fo is au ch o ix
de Charles L a d ev èze, prêtre? Ils se réfèrent au membre de phrase qui
les précède im m édiatem ent, et avec lequel ils ne font qu'un seul
contexte, c ’est-à-dire , aux mots ou à un ou plusieurs enfans qui seront
procréés du présent mariage. — L e donateur ne s’est donc pas réservé,
par ces term es, la faculté de choisir entré son neveu et un ou plusieurs
de scs enfans : les droits du neveu étoient invariablement fixés par 1 ac
ceptation q u ’il venoit de faire de la donation pure, parfaite et irrévo
cable de son oncle.
x
Septième objection. Supposons la loi cùm quidam applicable à I»
cause dont il s’agit. Dans cette hypothèse, le tribunal civil de la
H a u te - L o ir e , par son jugement confirmé par le tribunal d ’appel de
l l i o m , aura violé cette loielle-m êm e; car, d ’après la règle qu’elle éta„
b l it , les enfans devoient être considérés comme donataires actuels avec
leur père, et le bien donné devoit être censé leur avoir appartenu con
jointement avec celui-ci, dès le moment de la donation.
Réponse. Nous avons déjà détruit cette opinion en observant que
la loi cùm quidam contient deux dispositions bien distinctes:— Q u e ,
par 1 une , elle établit la nécessité de convertir la disjonctive ou en
copulative, lorsqu’elle se trouve entre plusieurs personnes appelées à
une môme chose. — Q u e , par l’autre, elle déclare que chacune de ces
personnes doit prendre sa portion virile dans la- chose donnée. — Mais
que si, comme on n’en peut douter, la première de ces dispositions
est applicable aux donations faites à telles personne ou à leurs enfans
a n aître, il n en peut pas être de même tic la seconde, puisque des
cnians non encore nés ne peuvent pas concourir avec leur père, et
D
3
�( sS )
qu e, de-Ià, résulte pour eux la nécessité de les considérer comme ap
pelés à recueillir après lui, c'est-à-dire, comme fidéicommissaires.
Ajoutons que Furgole ( i ) confirme par son autorité, et p arcelle
du président Favre, tout ce que nous avons dit à cet égard; après avoir
prouvé que , dans le cas d ’une disposition faite en faveur d'un te l
et de ses enfans actuellem ent e x is to n s, les enfans doivent concourir
avec leur père, il ajoute : s i les enfans appelés conjointement avec
leur p ère, ne sont pas encore nés ou conçus........... comme la disposi
tion en fa v eu r des enfans ne peut pas se vérifier et ne doit pas être
inutile, et que , s'ils n'existent p a s.....ils ne peuvent pas concourir, i l
fa u t qu'ils soient appelés, non p a r la vulgaire seulem ent, m ais succes
sivement par la fidéicom m issaire , comme s'explique fo r t bien M . le
président F aber, dans son code, livre G, titre 8, de f i n g , parce q u e ,
d'un côté, la vulgaire ne peut avoir lieu que quand ceux qui sont ap
4
p elés , existen t, esse enim debet cui datur ( lo i 1 , D . de jure codicillorum ) ; d'autre p a rt........ s'ils n'existent p a s , les paroles indiquent
le trait du temps auquel ils pourront concourir pa ir lcur existence :
p a r conséquent, afin que la disposition qu i regarde les e n fa n s, ne soit
p a s in u tile , i l f a u t la prendre dans le sens de la fidéicom m issaire.....
5
Selon certains auteurs, entrautres M. Meynard , livre.
, chap. Z ’j ,
lorsque les enfans sont appelés avec leur père p a r la disjonctive o u ,
ils ne sont censés appelés que par la vulgaire ; car s i le testateur
appelle Titius ou ses enfans, i l s'exprime de manière à fa ir e entendre
qu 'il ne veut appeler que Titius ou bien ses enfans, par l'alternative,
et non les uns et les autres p a r concours, n i par ordre su ccessif en
vertu de la fidéicom m issaire. . . . M ais les auteurs qu i ont raisonné
a in s i, n'ont pas f a i t attention qu'il y a un texte précis dans le droit ;
savoir, la lo i
4 i au
code de V erborum significationc , qu i a déclaré
d u n e manière expresse et précise, que, quand plusieurs personnes sont
comprises dans la même disposition p a r l'alternative ou la disjonctiv e , comme s 'il est dit : J e lègue à Tilius ou à Mœvius telle c h o s e ,
j institue Titius et Mœvius, j e substitue te l ou tel; c’est tout de même
( i ) S u r l ’article n j Ue l ’o rd o n n a n c e de J 747 *
�( 29 )
que si le testateur avoit dit : Je lègue à Titius et à Mœvius telle
chose; j ’institue Titius et M œ vius, je substitue tel ou tel ; ensorte que
tous sont appelés conjointement et p a r concours, de même que s'ils
avoient été conjoints p a r la copulative; pourvu néanmoins qu'ils soient•
vivans et existons , lorsque la disposition doit être e x éc u tée , comme
nous l'avons exp liq ué pour le cas de la vocation simultanée p a rla copulative........ voilà pourquoi i l fa u t appliquer au cas où deux ou plusieurs
personnes sont appelées à la même disposition p a r la disjonctive ou l'a l
ternative , ce que nous avons dit par rapport à celles qui sont (rppdécs
à la même disposition p a r la copulative.
%
Huitièm e objection. Dans les espèces dont s’occupe la lor cùm qui
dam , il n’y a q u ’une seule disjonctive, et dans le contrat de mariage
de 1 737, il s’en trouve deux : a donné........ audit Jean-G abriel JouveLadevèze, son neveu acceptant........ou à un on plusieurs des enfans
qu i seront procréés du présent mariage. .. .. dans votre systèm e, if
faut ou que les deux disjonctives subsistent, ou que l’une et l’autre
soient converties en copulative: au premier cas, point de fidéieommis;
au second, il faut dire qu’au fidéieommis sont appelés à la fois et un
,
et plusieurs en fa n s, ce qui présente un sens inadmissible par son absurdil’é même.
'
Réponse. L e demandeur sc seroit épargné cette objection s’il eût
bien voulu lire jusqu’au bout la clause de laquelle il argumente. L a
voici en entier : — A donné.......
audit Jean-G abriel Jouve-Ladevèze,
son neveu, acceptant et remerciant comme dessus ou à un ou plusieurs
des enfans qu i seront procréés du présent mariage, toutes fois au choix
dudit sieur Charles de Ladcvèzc, prêtre, la moitié du ja rd in , etc.
est évident, par ces mots, toutes fo is au choix dudit sieur Charles
11
de Ladevèze , prêtre, que l’intention de celui-ci n'a pas été de donner
en seconde ligne à un et a plusieurs de scs futurs petits-nevcux, niais
bien à un ou plusieurs d'entre eux qu’il se réservoit de désigner par
la saite.
Il
seroit donc absurde de donner un sens copulatif à la disjonctive
ou placée dans ce membre de phrase; et l’on ne p o u r r a i t l'interpréter
ainsi, que par une très-fausse application de la loi cùm quidam dont
�(
3o
)
l'auteur n'a jamais pensé à convertir la particule ou en copulalive ;
quand elle seroit employée dans des dispositions par lesquelles le tes
tateur ou donateur auroit expressément retenu l’option entre les deux
individus qu’il auroit appelés alternativement.
Mais s’en suit-il de-là que l’on ne doive pas entendre, dans le sens
co p u la tif, la première particule ou qui se trouve dans la phrase dont
il s’agit? N on certainement, et tout, au contraire, commande cette
interprétation.
Elle est commandée par l’impérieuse nécessité de donner un e ffe t,
q u e l q u ’il
so it, à la vocation des enfans à naître.
Elle est commandée par la certitude que , sans cette interprétation,
la vocation des enfans n’auroit ni effet, ni sens quelconque.
Elle est commandée sur-tout par une loi qui, par sa toute-puissance,
nous l’avons déjà dit d’après F u rg o le, détermine le sens des paroles
comme s 'il y avoit une conjonctive, lorsque l'alternative se trouve
entre plusieurs personnes.
T o u t se réunit donc pour justifier le jugement du tribunal d'appel
d e R io m , et pour assurer aux enfans Ladevèze le rejet de la demande
tendante à le faire casser.
Délibéré à P a r is , le
3o frim a ire
an 10 de la république.
M ERLIN .
. .
1 . - - ■— 1 1 1 ■
■
'
-E
D e l'imprimerie de LE N O R M A N T , rue des Prêtres S.-Germain-
l ’Auxerrois, N ° 2
4
.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Jouve-Ladevèze. An 10?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cambacérés
Merlin [= Merlin de Douais]
Subject
The topic of the resource
donations
substitution
franc-alleu
jardins
partage
critique du fideicommis
doctrine
prêtres
fideicommis
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultations pour les frères et sœurs Jouve-Ladevèze, défendeurs en cassation ; contre Charles-Louis Jouve-Ladevèze, leur oncle, demandeur.
Table Godemel : Donation : donation faite, antérieurement à l’ordonnance de 1743, en faveur du mariage, au profit du contractant, ou, à un ou plusieurs enfans qui seront procréés dudit mariage, est une substitution fidéicommissaire, qui saisit exclusivement les enfans provenant de ce mariage.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Le Normant (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 10
1737-Circa An 10
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
30 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1119
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1115
BCU_Factums_G1116
BCU_Factums_G1117
BCU_Factums_G1118
BCU_Factums_G1120
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53147/BCU_Factums_G1119.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Puy-en-Velay (43157)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
critique du fideicommis
doctrine
donations
fideicommis
franc-alleu
jardins
partage
prêtres
substitution
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53675/BCU_Factums_M0134.pdf
8f5f17c8b75833b8130723eaf947ad2e
PDF Text
Text
C O N S U L T A T I O N S
L e s S o u ss ig n é s, qui o n t vu l ’im p rim é ay a n t p o u r titre : M ém oire pour le
citoyen A . J . D u g o u r , H o m m e -d e -L e ttre s et Libraire , propriétaire du Cours
d 'A g ricu ltu re , p a r R o s ie r ; contre les citoyens L eroy f r e r e s , Libraires à L y o n ,
contrefacteurs dudit Cours d A g ricu ltu re; avec des. Observations générales sur le
vo l vulgairem ent nom m e Contrefaçon , et sur des propriétés littéraires e n sem b le
les Réponses du citoyen. L e r o y aîné , tant imprimées q u e , manuscrites , et
différentes pieces y jointes ;
E s t i m e n t , sans s' o ccu p e r quant à présent de la p ro cé d u re , qui est un c h e f d 'œuvre d irrégularités, que le citoyen D ug ou r est n o n -re ceva b le e t mal fondé
dans sa dem ande.
Il sc dit propriétaire du Cours d ’A griculture p a r R o z ie r : il avance que les
citoyens L e r o y en sont les contrefacteurs. Il s ’en faut bien que ces propositions
aient le degré d e certitude q u ’il faudroit q u ’elles eussent , pour excuser le
ton q u a
' pris le citoyen D u g o u r , et pour légitimer ses prétentions.
L e citoyen D ugour a senti le besoin qu'il avoit de s’environ n e t de p r é v e n
tions : une assertion hardie équivaut pour tant de gens à la vérité dém ontrée
q u 'il a c r u q u e , sur l'é t i q u e t t e , on
lui d o n n e r a it gain d e cause , s ’il crioit au
voleur avant m em e d entrer en matiere.
Procédons a vec plus de m étho de.
F aisons-nous d ’a b o rd u n e i d éenettedecequepeutêtrelapropriétédes
A u t e u r s , l orsqu el le n est m o d i f i é e par aucune loi positive. Montrons , d'après
l es L o i x ancien nes et n o u v e ll es , à
q u o i s e r e d u i s e n t l e s dd r o i t s
d e s
Imprimeurs sur les Ouvrages q u ’ils e n
n
o
u
s
m
p
e
t r e
r e
l i b r a i r e s
t
n
e t
n e n t ;
trons par là le
public
etr.lesNo
juuges,
àpin
ortée
econ
noitre
s'il yen
est vrai
ele
citoyen
ugou
r esoit
propriétaire
d'agricu
lture
Rozie
sexam
eronsden
suite
si lecito
Leroq
yuain
ém
ériteleDrep
roch
d'avo
ircontrefaitdu
cetCou
Ours
vrage
, et s'il
conpar
venoit aucitoyenDugourdelui
�(
2
)
adresser c e reproch e avec tous les assaisonnemens capables d ’en augm enter
l ’am ertum e.
L e s Auteurs ont un droit naturel et sacré sur leurs O u v rag e s : qui oseroit
le contester? C e p e n d a n t , par la nature des c h o s e s , la propriété des A uteurs
sur leurs p r o d u c tio n s , ditfere essentiellem ent de celle que nous exerçons sur
nos b ie n s , m eu b les e t im m e u b l e s , et ne peut être sujette aux m êm es regies.
A p rè s que j ’ai vendu ma m a is o n , elle cesse tout-à-fait d ’être m ie n n e ; elle
appartient à l ’a cq u éreu r, de la m êm e maniéré q u ’elle m ’appartenoit auparavant.
T o u s les droits q u e j ’y avois sont eteints
à m on é g a r d , l ’acquéreur les réunit
tous Je ne p eux plus tou ch er à la chose vendue ; le nouveau propriétaire est
le maître de lui faire subir tous les c h an gem ens q u ’il juge à p r o p o s , et de la
détruire s’il lui plait.
. U n e production de l’esprit n ’est pas aussi
com plètem en t cessible. A u c u n e
■convention.ne p eut faire, que mon O u v rag e cesse d ’etre mon O uv rag e.
Je
p eu x conferer le droit de le r é c i t e r , de le c o p i e r , de l ’i m p r i m e r , d ’en débiter
des exemplaires ; mais il nie restera toujours mon droit naturel et p rim itif, qui
n ’est comparable q u a la p a t e r n it é , et qui ne peut pas plus q u e l l e s ’effacer ou
se transmettre.
R ie n ne p e u t m ’e m p ê c h e r d ’e x erce r mes facultés intellectuelles sur m o n
propre O u v r a g e , afin de le rendre meilleur. C elu i à qui j ’avois do n né ou
ven d u une cop ie de m on L iv r e , et qui auroit ex igé de moi que je renonçasse
à le p e r fe c tio n n e r , m ’auroit imposé une condition illicite e t qui ne m obligeroit pas.
N ous pouvons disposer de nos p e r s o n n e s , nous ne pouvons pas les vendre :
ce n ’est p a s , dit la D éclaration des D roits , une propriété aliénable . L a propriété
d e notre intelligence et des combinaisons de notre e s p r i t , 1 est bien m o in s ,
sans doute : nous pouvons égalem ent en d is p o s e r , nous ne pouvons pas non
plus l’aliéner : c e qui arriveroit néanmoins , si nous pouvions licitement nous
interdire la faculté d'appliquer notre intelligence à la c o r r e c tio n , au peri.eetionnem ent de nos propres O u v r a g e s , e t priver le P ublic et nous-mêmes des
avantages et des fruits de ce nouveau travail.
-'
L a propriété des Auteurs est donc , à certains é g a r d s , plus e t e n d u e , et Sous
d'autres r a p p o r ts , plus restreinte que celle q u ’on a sur des biens ordinaires.
Jamais un A uteur ne peut se dépouiller absolument de sa propriété ; son tiitc
�.
.
..
c 3 }
lu i survit ; et ce qu il c è d e de ses droits p e n d a n t sa v i e , Cil laisse toujours
une grande partie intacte.
A v a n t l'invention de l'im p r im e r ie , les A uteurs n ’avoient pas d ’autre prix
d e leurs O u v rag e s , q u e la satisfaction de plaire ou d etre utiles , à laquelle
venoient quelquefois s ’associer la gloire et la reconnoissance p ubliqu e.
L o r s q u ’un
A u teu r
vendoit
son
manuscrit ,
l ’a cheteur n e
cro yoit
pas
avoir acquis l’O uvrage , ni le droit d ’e m pêch er l ’A u te u r d ’en ven dre d ’autres
copies semblables ou plus parfaites. L ’O u v r a g e , en tant q u e production d e
l ’e s p r it, n ’etoit pas dans le c o m m e rce , mais seulement la co p ie , résultat d ’u n e
opération manuelle. C é t o i t , si l ’on p e u t s’exprim er ainsi , la p einture , le
miroir de 1 O u v r a g e , qui se vendoit et s ’achetoit ; mais c e n ’étoit p a s , c e ne
pouvoit pas être l ’O u v rag e m ê m e .
L invention de 1 Imprimerie n ’a p u c h an ger la nature des choses ; e n c o r e
aujourd hui le com m erce ne peut s’em parer q u e des copies , q u ’il multiplie
plus a is é m e n t, plus vite et à moins d e f r a i s , par la voie de l ’impression : il n e
peut ni entraver 1 e s p r i t , ni arrêter le dév elo p p em en t de la p e n s é e , ni c o m
prim er l ’essor du génie des A uteurs.
C e u x - c i , lorsqu ils m ettent au jour un O u v r a g e , le donnent au P u b lic. Ils le
donnent ; c est
1 expression consacrée , et qui m arque bien q u ’ils n ’e n te n d en t
pas e n faire une matiere com m erciale ,
ni le vendre à personne. D e s p a rti
culiers veulent-ils jouir individuellement du don fait au Public : il est juste q u ’ils
paient leur part du prix q u ’aura c o û t é , à l ’im p r im e u r , le manuscrit sur le q u e l
il a imprimé ; plus , le p a p i e r , l'encre , l ’usage des caractères et le tem ps des
ouvriers em ployés à lui procurer cette jouissance individuelle ; et c ’e s t ainsi
que le c om m erce ag.t uniquem ent sur les exemplaires de l ’O u v r a r e
En donnant son O uvrage au P u b l i c , c 'e st-à-d ire , on l'adm ettant h la partici
pât,on d , ses p e n s a s , d e scs e x p é r ie n c e s , de ses d é c o u v e r t e s , P A uteu r n e
renonce pas a laire de nouveaux effnrtc r.™,i
i
,
,
, n
, • ,
.
, . ,
rts l:,our augm en ter la valeur de son d o n ,
et le Public, lom de s en plaindre, doit lui en savoir gré. Lors donc q u e , pour
se servir dune expression tres-impropre, il vend ou cede son Ouvrage h un
m p r im e u r , 1 tispo se uniquem ent du droit qu il a d e faire des copies et de les
vendre a des particuliers, mais ,1 ne se dépouille pas de son incessible propriété.
O n conçoit que l'Im p nm eur n ’ach etant le manuscrit de l ’A u te u r , q u e pour
le revendre avec bénéfice , e n le multipliant p ar la voie de l'im p res s io n , il esc
juste de lui laisser les m oyens de rem plir son objet ; l ’A uteu r avec lequel il
iraite , lut doit d o n c , non pas de renoncer à ses droits in a lién a b les, notam m ent
T
�(
4
)
à celui de corriger et d ’améliorer son O u v r a g e , mais de s ’engager à ne pas
don ner une nouvelle édition s e m b la b le , ou meilleure , tant q u e l ’im prim eur
n ’aura pas placé ou débité un nombre suffisant d ’exemplaires de la s i e n n e , pour
se couvrir de ses avances , de ses f r a is , et lui assurer un honnête b é n é fice .
C e t t e restriction , soit q u e l l e se détermine par le nom bre d ’exemplaires à
p l a c e r , ou par le tem ps fixé pour le d é b i t , est la seule admissible pour con
cilier l ’intérêt p ublic , celui de l ’Autcur et de l ’imprimeur.
L a tyrannie d e l ’im prim eur com nienceroit au m o m en t où , étant désintéressé
p ar la ven te de son éd ition , il prétendroit avoir le droit exclusif d ’en faire d e
nouvelles , et de priver l ’A uteur du b én éfice q u ’il pourroit en tirer l u i - m ê m e ,
sur-tout en fournissant des corrections.
L e s Am ateurs qui ont acquis les exemplaires d ’une p rem iere é d itio n , ont
rendu en détail , mais avec u s u r e , les avances du M anufacturier. C e p e n d a n t
ils n ’ont pas d ’action , soit que de nouvelles éditions semblables diminuent la
valeur de leur exem plaire , soit que de nouvelles éditions plus parfaites la
réduisent
à r i e n , com m e cela arrive tous les jours.
Si l ’entrepreneur de la
p rem ie re édition, après l ’avoir débitée , conservoit le droit d ’e m p ê c h e r l ’A uteu r
d ’en faire 011 d ’en autoriser de nouvelles ; s ’il étoit dans le cas d ’obtenir une
i n d e m n i t é , il d e v r o i t , en bonne justice , la répartir sur tous les particuliers
e ntre lesquels se trouvent distribués les exemplaires sortis de sa manufacture :
c e sont eux qui supportent réellem ent la p e r t e ; pourquoi l ’im prim eur proiïtexoit-il seul du déd om m agem ent ?
C e lt e observation , susceptible de beaucoup de dévelop p em ens , conduit à
penser que les G ens-de-Lettres sont souvent la dupe du z ele q u ’on témoigné
pour
leurs intérêts , et qui cache des combinaisons plus profondes et des
desseins moins généreux q u ’ils ne le paroissent d ’abord. Il est très-vrai qu un con
trefacteur nuit à la fois à l’A uteur et à l ’Editeur d ’un O u v r a g e ; mais si celui-ci,
ayant réalisé les bénéfices q u ’il attendoit de son édition , réclame
le droit
e x c lu sif d ’en faire de n o u velle s, au p réjudice de l ’A uteu r , est-il bien honnête
e t bien délicat ? L a propriété q u ’il a l ’air de d é f e n d r e , reçoit de lui-m êm e sa
plus cruelle atteinte. Peut-il prétendre à la reconnoissance des G ens-de-Lettres ?
L e u r s suffrages doivent-ils encourager l’h om m e adroit qui les dépouillé?
E n c o r e une f o i s , la cession d ’un O u v r a g e ne peut pas produire les m êm es
effets que la cession d ’un bien ordinaire. L e cédant ne peut pas p e r d r e , le
cessionnaire ne peut pas acquérir, dans l’un com m e dans l ’autre c a s , la p ropriété
pleine , entière , a b so lu e , de la chose cédée.
L e s réglés générales du D r o iï
�c
5
)
•
civil nô sont donc pas invocablcs dans une
m atiere qui ne fut long-temps
soumise q u ’aux principes de justice naturelle que nous venons d ’exposer.
Dans la s u ite , des L o ix spéciales ont été imaginées par la crainte que les
lumières inspiroient ail d e sp o tism e ; et la cupidité de ce u x q u ’un A rt n ouveau
rendoit , en quelque sorte , les coopérateurs des G e n s -d e -L e ttre s , en a prodi
gieusem ent abusé. Q u o i q u ’il en s o i t , ces L o ix spéciales ont etc en vigueur
jusqu’à l ’établissement de la L i b e r t é ; et com m e c ’est par elles
q u ’on p e u t
apprécier les droits du c ito y e n D u g o u r , il faut d ’abord y recourir et lui en faire
l ’application.
A vant 1 7 7 7 ?
Législation n ’avoit rien fait que contre les Auteurs ; elle ne
s’étoit montrée attentive q u ’à gêner la lib erté dans ses attributs les plus chers à
l ’hom m e et les plus précieux pour la société.
L e s Prêtres furent les prem iers à p rovoquer des prohibitions en c e genre.
Us obtinrent des défenses a u x Im prim eurs et L ib ra ire s , sous peine de prison
et d'am ende arbitraire , d'im prim er ou exposer en vente aucuns alm anachs ■et p ro nosticadons , que prem ièrem ent n'aient été visités p a r l ’Archevêque ou E vêque ,
ou ceux q u 'il com m ettra. C e s défenses furent portées par l ’article 26 de l ' O r
donnance d ’O r lé a n s , du mois de Janvier 1660.
L e despotisme royal ne tarda pas à se saisir du m o ye n sugge'ré par le des
potisme sacerdotal. Bientôt l ’O rd o n n an c e de M o u lin s, de F evrier i_5 66 , art. 78 ,
défendit
en général d toutes personnes que ce s o it , d'im prim er ou f a i r e im
prim er aucuns livres ou tr a ité s , sans le congé et permission du R o i , et lettres et
privilèges expédies sous son grand scel . . . et ce sur peine de perdition de biens et
punition corporelle.
C e s dcfenses furent r e p e t e e s , aggravees dans une foule d e L o i x postérieu
res ; des C enseurs furent institues. Sans leur Approbation , point de privilège ;
et sans privilege , point d exe rcice possible de la propriété la plus sacrée.
Peu d Auteurs p re n o ie n tu n p rivilège en leur n o m ; ils p référoient de traiter
a vec un
Imprimeur ou L ibraire , pour
s ’épargner de trop humiliantes d é
marches.
Si quelquefois 1 A uteur faisoit e x p é d ie r le privilège
en son nom , com m e
il ne pouvoit imprimer lui-meme , il ¿toit obligé de recourir à un m em b re de
la corporation , de traiter a vec lui , de lui c é d e r son privilège ; a in s i, de ma
niéré ou d ’autre , lTIom m e-de-L ettres étoit à la m erci de T H o m m e de l’A rt ,
et en recevoit la loi. Celui-ci restoit
le maître
de l ’O uyrage par la force de
�C Í )
l ’a b u s , qui subordonnent l ’e x c r c ic e de
la propriété à la jouissance
du p ri
vilège.
L ’aulorité dont il é m a n o it , avoit grand soin d ’en maintenir l ’efficacité; l ’A u
teu r n ’auroit pas p u donner une seconde édition , m êm e
r e v u e , corrigée
et
augmentée , eut-il p rouvé q u e son cessionnaire avoit f a i t , sur la prem iere , tout
le profit q u ’il s’étoit p r o p o s é , un profit beaucoup plus
lui sur le q u e l
L a politique
avoit été
de
calculée
c e tem ps
et
considérable que c e
fixée la foible rétribution d e l ’A u teu r.
exigeoit q u e l ’A u te u r fût dans
la d é p e n d a n c e
d e l ’im p rim eu r ; c e dernier avoit m ê m e une sorte de droit d e suite sur l ’O u
vrage dont il avoit exploité le p r iv ilè g e ; car a v a n t,q u ’il fut e x p ir é , il pouvoit
e n dem ander la continu ation, q u e lo G o u v e r n e m e n t étoit toujours disposé à
lui accorder.
L a distinction entre les droits inaliénables de l ’A u teu r sur son O u v rag e et
c e u x d e l ’im p rim eu r sur la copie q u ’il avoit acquise , ne
cessoit pas d ’être
vraie aux y e u x de la raison et de la justice n aturelle; mais elle s ’évanouissoit
devant le privilège qui
donnoit toutes sortes de prétextes pour l ’éluder. Et
certes , on conçoit que c e n etoit pas plus un avantage pour les G e n s -d e - L e ttres , q u ’un bienfait pour le^Public.
C e tte L égislation si favorable a u x Libraires e t Im prim eurs , impétrans ou
cessionnaires de privilèges , leur imposoit en revanche des conditions
q u ’ils
devoient remplir avec une scrupuleuse exactitude. Elles sont détaillées dans le
T i t r e X du R è g le m e n t du zZ F évrier 1 7 2 3 , vulgairem ent
la Librairie.
appelé le C o d e de
A v a n t l ’obtention du privilège , il falloit rem ettre au C h a n c e lie r une c o p ie ,
manuscrite ou im p r i m é e , du L iv r e pour
lequ el ce privilège étoit dem andé.
A rt. 10 1 .
A ucu ns Livres ne pouvoient être imprimés , qu ’à la charge d ’y insérer au
co m m e n c em en t ou à la f i n , des copies entieres tant du privilège que de l ’ap
probation. Art. i o 3 .
L ’im pression a c h e v é e , on étoit obligé d e r e m e t tr e au C h a n celier la copie
sur laquelle elle avoit été f a i t e , p arap h ée par l’Examinateur. A rt. 104.
L ’exécution ponctuelle des trois A rticles qu on vient de citer , étoit co m
m andée par l ’A rticle i o 5 , sous p eine de dem eurer D É C I I U de tous les droits
portés par le privilège.
S 'il y avoit une c e s sio n , elle devoit
être
enregistrée
com m e le p r iv ilè g e ,
tout au long , sans interligne ni r a t u r e ,s u r le registre de la C om m un au té des
v
�C
7
)
Im prim eurs et L ib raires d e Paris , au plus ta rd trois m ois après sa d ate , à peine
- de
n u l l it é
. A rt. 106.
E n f i n , l ’A rt.
108 imposoit l ’obligation de rem ettre huit Exem plaires à la
C h a m b r e S y n d ic a le , avant de pouvoir exposer l ’O u v r a g e en v e n t e , a peine de
n u llité du privilège.
__ .
11 n ’est pas tem ps encore d ’appliquer les dispositions du C o d e de la L ib r a i
rie aux faits particuliers de la cause ; il faut achever d ’exposer tout ce qui tient
à la Législation des p riv ilè g es, e t son dernier état.
U n R èg lem en t du 3 o A o û t 1 7 7 7 , en e s t, pour ainsi d ir e , le com plém ent. L e
privilège y est défini : Une grâce fo n d é e en Justice , ayant pour o b je t , si
elle
est accordée à l ’A uteur , de récompenser son travail ; si elle est obtenue p a r un
■Libraire , de lui assurer le remboursement de ses avances et de ses fr a is .
L a propriété des Auteurs éloit m écon n u e , on l ’excluoit form ellem en t ; mais
on posoit du moins les seuls fondem ens justes e t raisonnables des droits q u e
les Libraires pouvoient acquérir sur les O u v rag es d ’a u tru i, et
les
bornes au-
dela desquelles leurs prétentions deviendroient abusives.
L e Libraire ( dit e n propres term es le p réam b ule du R è g l e m e n t , ) ne p e u t
p a s se p la in d re , si la fa v e u r q u ’il obtient est proportionnée au m ontant de ses
avances et à l ’importance de son entreprise : mais elle ne doit pas s étendre audelà de la vie de l’A u teu r , sans quoi ce seroit convertir une jo u issa n c e de grâce
en une propriété de droit.
C e t o i t véritablem ent pour le Libraire une très-grande fa v e u r , q ue la possi
bilité q u ’on lui laissoit d ’acquérir la jouissance exclusive d ’un O u v ra g e p e n
dant la vie de son A uteu r ; car le Libraire n e manquoit pas d ’exiger tout ce q u ’il
lui étoit possible d ’o b t e n i r , e t l'A u teur étoit p resque toujours réduit à subir la
dure L o i qui lui etoit imposee. C e p e n d a n t la p ropriété n e pou voit jamais pas
ser au L ibraire ; c ’eut été ( dit encore le R è g l e m e n t , ) consacrer le m onopole ,
et rendre un L ib r a ir e , le seul arbitre à toujours du p r i x d'un L ivre.
Il n ’y a p a s , dans la Législation de c e tem ps , de m axim e
plus constante ,
plus clairem ent énoncee , q u e celle qui interdit à un L ibraire toute prétention
à la propriété de l ’O u v rag e d autrui : le R è g le m e n t est si précis sur c e p o i n t ,
q u ’on a peine à concevoir co m m en t le c ito y e n D u g o u r , se disant H omme-deL e ttr e s , n ’a pas rougi de joindre à sa qualité de L i b r a i r e , celle de proprié
taire du Cours d ’Agriculture par Rozier. Pouvoit-il
ignorer que ces qualités
s ’excluent récip roq uem ent? N ’a-t-il pas yu que , par la réunion de deux titres
in c o m p a tib le s , il s’exposoit au reproche d ’exagération de la part des Libraires
�.
.
( 8 }
honnêtes et instruits; e t , s ’il faut le dire , au re p ro c h e d 'h y p o c r isie , d e l à part
des Auteurs , dont il usurpe les droits en affectan t de les défend re ?
L e s Articles 4 et 5 du R è g lem e n t de 1 7 7 7 , établissent la
différence
des
effets q u ’il attribuoit au privilège , suivant q u ’il étoit accordé à l ’A uteu r ou au
Libraire.
S ’il étoit a ccord s au Libraire , celui-ci devoit en jouir pendant tout le temps
fixé par le privilège , et encore pendant toute la vie de l ’A u teu r , si elle s ’étendoit au-delà.
Mais , si le privilège étoit accordé à l ’A u teu r , il en jouissoit pour lui et ses
hoirs à p e r p é tu ité , sous une restriction essentielle à r e m a r q u e r , et qui étoit
e x p rim é e en ces termes : P ourvu q u ’il ne le rétrocédé à aucun Libraire ; a u
q u el cas la durée du privilège sera ,
par le fait
seul de la
duite à celle de la vie de VAuteur.
C e s s i o n , ré
,
■
Enfin , l ’A rticle 6 vouloit q u ’après l'expiration du
p riv ilè g e accordé
l ’impression d'un O u v ra g e , et après la m ort de l ’A uteu r . q uiconque
m an deroit la permission de
pour
de-
réim prim er cet O uvrage , fût assuré de l ’o b t e n i r ,
sans que cette perm ission accordée à un ou plusieurs , p û t em pêcher aucun autre
d ’en obtenir une sem blable. C ’est-à-dire , que la faculté d ’imprimer
cet O u
vrage é toit rendue à tout le m onde , sans préférence ni réserve.
T e l le s étoient les réglés en v ig u e u r, lorsque le citoyen R o z ie r a , dit-on, traité
a v e c le L ib raire C u c h c t , aux droits duquel se présente
le citoyen D u g o u r :
c ’est donc d ’après elles, q u ’il faudra juger le mérite de ses titres, si jamais il
en produit. D ug ou r cite a vec complaisance la L o i d e 17 9 3 ; nous e n parlerons
aussi : mais on sent bien q u ’il suffit de sa d a t e , pour se convaincre qu elle ne
p eut pas influer sur le sort des actes passés , des conventions f a ite s , avant la
Révolution. L e x fu tu r is non preeteritis dat fo rm a m negotv.s.
O n allègue q u ’il a été obtenu , le 20 Juin 17 8 1 , un privilège pour l ’impres
sion du Cours d ’Agriculture par R o z i e r ; que ce privilège étoit au nom de ¡’A u
teur , pour lui et ses hoirs à perpétuité.
O n dit encore qu ’il y a e u , le 27 Mai
i
7 83 , une cession faite par l ’A uteu r au
L ibraire C u c h e t ; nous la supposerons conçue dans les termes les plus favora
bles au cessionnaire ; ce qui est accorder beaucoup plus que le citoyen Dugour
n ’oseroit prétendre s ’il produisoit son litre , q u ’il a vraisemblablement de bon
nes raisons pour ne pas montrer.
Q u e lle que soit la teneur de la cession , elle a nécessairement produit l ’effet
résolutoire que lui attribuoit le R è g le m e n t de 1777- Elle a restreint, par rapport
au
�c
9
au L i b r a i r e , la perpétuité du privilège
> .
•
...
à la vie
de
ï'A u teur-: mais R o s ie r
est mort pend an t le siège de L y o n , au mois de S e p te m b r e i 7 9 3 ; donc (..et la
conséquence est invincible) depuis le mois d e S e p te m b r e i 7 9 3 , il n ’y a plus ni*
privilège ni droits exclusifs qui pesant sur le C ours d ’A g r i c u l iu r e , et qui puissent
légitim er le monopole d'un prem ier Editeur.
.
P our que le .Libraire C u c h e t eût acquis le droit de prolonger sa jouissance
exclusive au-delà de la vie de R o zie r , il aurait fallu le concours d e
d eu x cir
constances : la p rem iere , q u e le privilège eût été accordé n o m m é m e n t
à Cu-
c h e t ; la s e c o n d e , que la durée de c e privilège eût été fixée h un term e
excé
dant celle des jours de R o zie r. N i l'une ni l ’autre de ces circonstances
ne se
rencontre ici. C u c h et n a donc pas acquis le droit de prolonger sa jouissance e x
clusive au-delà du mois de S ep te m b re 17 9 3. Il n’a pu le transmettre à person ne.
Nous montrerons bientôt que C u c h e t n ’a pas conservé jusqu’à la m ort de
R o z ie r le droit de jouir exclusivem ent du Cours d ’Agriculture ; mais nous vou
lons faire voir que , dans l ’h yp o th e se la plus favorable à D ugour , sa prétention
seroit e n co re absurde et révoltante ; et c ’est
pour ce la que nous raisonnons
d ’abord, com m e si les Réglemens, auxquels se référé le prétendu Tra ité de 1 7 8 0 ,
avoient subsisté jusqu’en 179 8.
.
Il est dém ontré que tout ce que C u c h e t pouvoit se prom ettre des
effets de
la cession à lui faite en 1783 , c ’étoit la jouissance exclusive du C ou rs d'Agrl-,
culture pendant la vie de l'A u teur : il suit de ..là que j m ê m e sous l'em pire des
anqiens R églcm ens ?l aussitôt après la m ort du,.citoyen R o z i e r , cent Im prim eurs
qui se seroient prçsentés(,ensemble ou s u c c e s s iv e m e n t, auvoient obtenu, j sans
aucune difficulté , la permission d ’imprimer , à leurs risques , le Cours’ d ’À<4 i1
*
'
*
« >»i t ;
«
culture» 4
(
Q u ’auroic.pu-dire C u ç h p t p.quv. s ’opposer à leurs entreprises ? ..N ’avoi t-il pas ,
s ’il faut l ’e n croire, lu i-m ê m e , traité en 1783;,
sous f e m p i r e du R è g le m e n t Je
} 7i 77 ■ N etoit-il.pas ^lors b ie n averti par la .Lpi , q u e , / , fa 'u seul , * 7 a ' n J o n
q u ’il acceploit , réduisait la durée du privilège à celle de la vie de l'A u te u r ; que
la grâce accordée au Libraire .ne, devoit p a s. dégénérer en d r o i t , ni sa jouissance
se convertir en propriété ?
,
. ■
. 1
‘
j Sur quoi C u c h e t , b ieû instruit qu il ne pouvoit,pas devenir pyop^jdtaire., auroittjil c o m p té en traiiar)t a v e c l ^utc-ur? Sur le remboursement^ cïe ses.iy.ances avec
b én é fice . O r son espoir n ’auroil point été d é ç u ; il a.jouj.pn sconçurr.ens depuis
17.81 jusqu’e n 1 7 9 8 ; o n . £ s p e q u i! a p la c é loiniH«* èxemplanjçs. de son édition
et réimprimé plusieurs volumes. L exploitation du privilège dont on suppose q u ’il
B
�(
lo
;
------------------------
étoit devenu cessionnaire , avoit suffi pour couvrir ses frais et lui assurer un
prtffit considerable : 1 intention du R è g le m e n t é to it plus que remplie à son égard:
il n ’avoit pas m êm e de p rétexte pour se plaindre.
O n peut à présent adm ettre , avec le c ito ye n D u g o u r , • que 1 édition du
c ito ye n L e ro y , entreprise dans les circonstances q u ’on exposera , soit d'une
ép oq ue postérieure à la m ort de l ’A uteu r ; on p e u t admettre encore q u ’après la
mort de l ’A u te u r , et m ê m e aux époques indiquées par le citoyen D ugou r , le
citoyen L e r o y ait vendu des exemplaires de son édition; dans cette h yp oth ese, et
dans la supposition admise jusqu’à p ré se n t, que le privilège qui assuroit la jouis
sance exclusive de C u c h e t , eut subsisté ju sq u ’à la m ort de l’A uteu r , il soroit
évident que le citoyen L e r o y n ’auroit pas entrepris sur cette jouissance e x c lu
sive , q u ’il n ’aureit fait aucu n acte préjudiciable au citoyen C u c h e t. A quel titre
c e dernier eut-il donc trouve mauvais q u e le citoyen L e r o y fît paroître son édi
tion dans un temps où tous les Imprimeurs du m onde p ouvoient profiter de la
concurrence é t a b l i e , garantie par l ’article 6 du R è g le m e n t de 1 7 7 7 ?
Il eut f a l l u , dira peut-être le citoyen D u g o u r , obtenir une perm ission ! O u i ,
mais elle n ’auroit pas pu etre refusée , elle n ’auroit eu d ’autre im portance q u e
la rétribution qu en eussent tire les agens de l ’autorité; et à qui se seroit-on
adressé pour obtenir cette permission en 1793 ?
L e s objections q u e le citoyen L e r o y est dans le cas de faire au c ito yen
D u g o u r , sont beaucoup plus pressantes. O n lui passe sa qualité de cessionnaire
du c ito yen C u c h e t , q u oiq u ’il ne l ’ait pas encore é ta b lie;
cependant C u c h e t
n ’a pas pu lui transmettre des droits qu il n avoit pas ; C u c h e t n ’a jamais eu ni
pu avoir ceux de la propriété ; il n avoit pu acquérir que la jouissance e xclu sive
d e l ’O u v r a g e , pendant la vie de 1 A u teu r ; le citoyen D ugou r eût-il tous les
droits
de C u c h e t , n ’auroit pas celui de jouir exclusivement depuis la mort
d u cito ye n R o z ie r ; il ne seroit pas propriétaire du C o u rs d ’A griculture ; il
seroit inexcusable d avoir pris ce titre en tete de son M ém o ire ; il auroit prouvé
par-là q u ’il ne connoît pas plus les droits des L ib r a ir e s , q u ’il ne resp ecte ceux
des Auteurs.
Si nous
consentons que le citoyen
Cuchet
argum ente de titres qui n ’ont
d ’autre base , d ’autre appui , que la Législation du tem ps des privilèges , il
sera sans doute perm is au citoyen L e r o y
de profiter des avantages que lui
fournit c e tte 'm è m e Législation , contre un injuste agresseur , auquel il n ’a pas
nui , et qui pourtant a conjuré sa ruine.
T o u t est de rigueur en matière de privilège. D ugo u r ou C u c h e t ne p e u v e n t
�(
pas choisir , dans les R é g le m e n s de
11
?
.
la L ib r a ir ie ,
quelques dispositions qui
leur accordoient faveur et grâce , en rejetan t celles qui leur im posoient des
droits et des charges. O n veut bien souifrir q u ’e n co re .aujourd'hui le p réte n d u
p rivilège de 17 8 1 , la p ré te n d u e cession de 1 7 3 3 ,
auxquels il faut n é c e ssaire
m e n t rem on ter pour établir les droits du plaignant, soient des titres adm issibles,
e t q u ’ils operent sous le régim e d e la L ib e r té com m e ils eussent op éré sous celui
d u despotisme ; c e p e n d a n t , pour user de son privilège , il falloit q u e C u c h e t
eût satisfait au vœu des articles 101 ,
i o 3 et 104 du R è g le m e n t de 1 7 7 7 , et
rem pli l ’obligation im p osée par l ’article 108 , à p eine de nullité. N ’insistons
pas sur tant de points ; arrêtons-nous à deux.
L a cession
supposée faite au L ibraire C u c h e t , le 27 Mai 1 7 8 8 , devoit être
enregistree à la C h a m b r e S y n d ic a le , dans les trois mois de sa date , à peine
d e nullité. Elle ne l ’a été , dit-on , q u e le 22 D é c e m b r e 17 8 6 , c ’est-à-dire
trois ans e t quelques mois trop tard : elle est donc nulle ; elle 11e peut servir
d e titre ni a C u c h e t ni a D u g o u r , et sans elle , ils 11’en ont plus aucun.
Le
privilège devoit etre im prim é au c o m m e n c e m e n t ou à la fin de l ’O u
v r a g e , sous p eine de d é c h é a n c e ; le privilège n ’a paru dans aucun des volumes
q u i , pend an t 18 ans, sont sortis des presses de C u c h e t.
Par où pouvoient être connus ces prétendus droits exclusifs ? D e s milliers
d ’exem plaires du Cours ¿ ’A griculture croient répandus dans le P ublic ; aucun
ne portoit le caracteru de l ’édition légale et privilégiée : ne devoit-on pas en
c o n c lu r e , ou que C u c h e t n ’avoit point de p r iv ilè g e , ou q u ’il rie vouloir pas Y e n
p r é v a lo ir , puisqu’il ne le faisoit pas connoître ?
‘
D 'a c c o r d avec les R ég lem en s g é n é r a u x , les L e ttres de p rivilège Tenferm oient
ordinairem ent cette clause r e m a r q u a b le :
Voulons que la copie des présente} ,
qui sera im prim ée tout au lo n g , an com m encem ent ou à la f i n d u d it O uvrage ,
soit tenue pour â u h m n t'sig n ifié e . P a r l a l ’autorité qui accordoit le privilège reconnoissoit la nécessité d u n e signification
d u e m e n t ' f a i t e , la
n écessité
• publication 'soÎeninelle dü privilège , afin q u e p e rso n n e n'en
c a u s e d ’ignorance. C u c h e t n ’a rien s ign ifié; rien p u b l i é ,
d ’une
pût p rétendre
il a tenu son titre
e n p o c h e ; il a dérob é , autant qu il l a p u , la connoissance du p rivilège et de la
cession ; lu ri n a jamais etc im p rim é, 1 autre 11"a pas été enregistre dans lè délai
fatal. 1,1 n a donc jamais pu argum enter ni
de
l'un ni d e
l ’autre.
Il en
egt de 1 impression du privilège et d e 1 enrégistrem ent de la cession e n matière
d e Librairie , c ô m m ë de 1 insinuation en m atiere d e donation et de substition. C e sont des itooyeils de surete publique : et c ’est pour cela que l'omission
T
�C
13
)
de ces form alités em porte la nullité des actes,qui y sont sujets , et q u ’elle doit
Être p rononcée rigoureusement lorsqu’elle intéresse des tiers.
'
A u r e s t e , si on adresse c e s . reproches à C u c h e t , c e n ’est que parce q u ’il
se trouve interposé entre le citoyen D u g ou r et
le citoyen L e r o y ; on
rend
volontiers justice à C u c h e t : s ’il n ’a pas im prim é le privilège , s ’il n ’a pas fait
enre’gistrar à tem ps la cession , en un m o t , s ’il est resté en deçà de p resq u e
toutes
les
obligations que lui imposoient les R é g le m c n s de la Libraire
en
re va n ch e il n ’a pas tenté d ’en abuser pour ruiner un éditeur de bonne foi ,
pour s ’e n rich ir de sa dépouille. C u c h e t ne se qualifie pas propriétaire du Cours
¿ ’A griculture par
R o z ie r , ni ne s ’arroge pas des droits indéfinis à la jouis
san ce exclusive de cet O u v ra g e : on n ’a pas vu C u c h e t élever des p r é te n tio n s ,
ni depuis la m ort de l’a u t e u r , ni m ê m e depuis l'établissement de la L ib e r té ]
on ne l ’a pas vu faire saisir l ’édition d e L e r o y , à une ép oque où le privilège
n e pouvoit plus exister , où la concurrence
pas vu intenter un
procès scandaleux à un
étoit largem ent établie ;
on ne l ’a
citoye n honnête , pour avoir fait
postérieurem ent à l ’abrogation des anciens R églem ens , ce q u ’il auroit pu faire
lorsq u ’ils étoient en pleine v ig u e u r: le citoyen C u c h e t ne traite pas le c ito y e n
L erov
le
d e forban , de voleur , ne le signale pas à l’A ccusateur - P ub lic , n e
traduit pas au T r ib u n a l C rim in el , n ’invoque pas contre lui tous
les pou
voirs , tous les intérêts , toutes les passions , pour s ’approprier les fruits d ’un
travail qui a contribué au soutien de plusieurs familles dans les
tem ps les
plus c a la m ite u x , et qui n ’a rien que de lé g itim e : C u c h e t enfin ne pousse pas
¡ ’inconséq uen ce aussi loin que la vexation , e t ne dem ande pas q u e les peines
introduites pour un n ouvel ordre de c h o s e s , et prononcées par nos L o ix R é p u c a in e s, soient appliquées à des faits qui les ont p récé d é e s , et ven gen t a ujourd’hui
l ’infraction imaginaire d ’un privilège royal. T ou s ces écarts sont ceu x du c ito y e n
D ugou r. C u c h e t , dont il e x erce les droits , avoit connu l ’entreprise du citoyen
L e r o y , sans tenter une d é m arch e pour en arrêter le cours , sans p rofé re r une
plainte , sans donner aucun signe de m é co n te n te m e n t; il n ’est pas présumable ,
q u e lq u e m arch é q u ’il ait fait avec D ugour , q u ’il ait e nte ndu lui transm ettre
le droit d ’inquiéter , de
persécuter le
citoyen L e r o y . L e long silence q u ’a
gardé le Libraire C u c h e t , témoigne assez q u ’il n e croyoit pas avoir c e
pré
ten d u droit.
C e t t e observation ne tend q u ’à prouver a ve c quelle in c o n c e va b le t é m é
rité le citoyen D ug ou r s’est engagé dans c e t odieux p r o c è s , e n t r a î n é , séduit
p a r l ’appât d ’une
confiscatio n, d ’une
a m en de ,
qui feroient sa fortune , en
�tout
la
cas p a r l ’espoir
d ’une b o n n e
com position q u ’il se flatte
d ’arracher
à
crainte.
U n e spéculation si honteuse n e réussira pas : un m ot suffit pour la renverser.
.C u c h e t n ’a pu acquérir, en 1 7 S 3 , qu ’une jouissance exclusive mais temporaire ,
q ui devoit cesser à la mort de l ’Auteur. L a L o i de ce tem p s d éfen d oit de faire
p lus ; et certes on ne p rétendra pas que les parties contractantes aient eu la
volonté de faire
ce que la Loi défendoit expressém ent. C u c h e t n ’a donc pu
transmettre à Dugour le droit de jouir exclusivem ent depuis la mort du R o z i e r ;
les .poursuites de Dugour sont donc injustes et vexatoires ; il n ’est pas m ê m e
recevable , étant tout-à-fait dénué de titres.
Nous avons prolongé par complaisance p our D u g o u r , l ’em pire des anciens
R ég lem e n s et l ’efiet des privilèges exclusifs , au-delà du régim e qui les avoit
in tr o d u its , et qui seul pouvoit les maintenir. Il est temps d ’abandonner c e tte
h y p o ü ie se . L e s anciens R églem ens , les privilèges exclusifs devoient disparoître
à l ’aurore de la Révolution. L e u r suppression
fut à la fois un de ses plus
grands bienfaits et de ses plus puissans m oyens.
Pouvoient-ils survivre à la Proclam ation de la L ib e r té Fran çaise dans la nuit
du 4 A oû t 1789 ? N e f u r e n t- ils pas form e lle m en t proscrits par le D é c r e t d e
l ’A ssem b lée N ationale , du 21 du m êm e mois ?
.
T o u t citoyen peut p a rler , écrire , im prim er librem ent. T e l l e fut la disposition
très-claire , très-précise , d ’un D é c r e t destiné à faire partie d e la D é c la ra tio n
des Droits. Il fut compris dans les L ettres-Patentes du 3 N o v e m b r e 1 7 8 9 , q u i
ordonnoient l ’envoi aux Tribunaux , M unicipalités et autres C o r p s A d m in is
tratifs , des
D écrets d e
1 A s se m b lé e
Nationale ,
a cc e p té s
ou
sanctionnés
p a r le Pouvoir E x e c u t i f , e t des-lors ce D e c r e t fit L o i dans toute la F ran ce.
N o n sans d o u te , il n autorisoit pas le vol ! mais il rétablissoit les Auteurs dans
des droits sacres , q ue la tyran nie n avoit jamais voulu leur reconnoitre : il
détruisoit les m archés onéreux qu'ils avoient souscrits , la lésion énorm e q u ’ils
avoient soufferte , lorsque la L o i croyoit leur faire grace en leur p e r m e t t a n t ,
sous
toutes sortes de
•
t
r
propriété.
modifications et d e
restrictions , l ’e x e r cic e
d e leur
’
L e D é c r e t du 21 A oût 1789 , reçu t son application en T790 , dans l ’affaire
du citoyen Palissot et de la c ito ye n n e
Devaux
, contre les entrep reneu rs
du Journal de Paris. Il fut juge en dernier ressort, par le T r ib u n a l du neu viem e
A rron dissem en t, q u ’une pension annuelle stipulée pour prix de la cession d ’un
�,
. .
(
'4
)
privilège , n ’étoit plus d u e , parce que la cession ne pouvoit plus produire d'effet ;
que la cession ne pouvoit pas survivre au privilège , et q ue tous les privilèges
d e Librairie ètoient éteints et supprim és par la D éclaration des Droits.
S i le citoyen L e r o y , si tout autre Libraire eu t f a i t , en 17 9 a> , une
du
édition
Cours d ’Agriculture , l ’A u te u r rentré dans sa p r o p rié té, eût été fondé à
s ’en plaindre ; mais C u c h e t , porteur de la cession d ’un p rivilège , eut vaine
m en t tenté d ’inquiéter c e t éditeur. O n eut fait à C u c h e t c e tte réponse victo
rieuse : L a cession d ’un privilège n e p e u t pas lui survivre , et désormais tous
les privilèges d e
Librairie sont éteints et supprimés , par le D é c r e t du 21
A o û t 1789 . C u c h e t eut infailliblement été déclaré sans t i t r e , sans
dès
1790.
a ctio n ,
D u g o u r , qui n ’a que les droits q u ’avoit C u c h e t > est-t-il plus re ce -
vable à les opposer en 17 9 9 ?
P ostérieurem ent à la déclaration des Droits e t au Ju gem ent du Trib u n al du
n e u v ie m e A r r o n d is s e m e n t, la
Constitution
de 1 7 9 1 avoit prononcé l'irrévo
cable abolition de toutes Les institutions qui blessoient la L ib erté. I l n'y a p lu s
avoit-elle d i t , pour
Jurandes
,
aucun
ni Corporations
garantit la L ib e r té
individu
,
aucun
privilège
de professions d 'A r ts et M é tie r s.
à tout hom m e
,
de p a rler
,
; il n'y a p lu s n i
La
C on stitution
d'écrire , d ’imprim er
ses pen sées.
,
et p u b lier
f
C ’est dans ces circonstances que l ’A u te u r du C ours d ’A griculture , a luim ê m e r e c h e r c h é le c ito y e n L e r o y , et l ’a déterm iné à e n t r e p r e n d r e , sous ses
y e u x , une
nouvelle
édition d e son O uv rag e. L e c ito y e n R o z ie r a fourni
l ’exem plaire q u ’il avuit
c o m m e n c é à corriger
de
sa m ain , e t dont il a vo it
promis d ’e ten d re les corrections , à m esure q u ’on avanceroit ; il s ’étoit c h a r g é
de revoir les épreuves , et il est de notoriété q u ’il a tenu parole ; il a suivi ,
so ig n é , tous les détails de l’impression tant q u ’il a vécu . O n est en
état d'en
reproduire des preuves écrites , et d ’invoquer à cet égard les n o m b re u x tém o i
gnages de ce u x qui fréquentoient l ’im prim erie du citoyen L e r o y .
Il n ’est pas r é d u i t , com m e on le v o i t , a se prévaloir de la L ib e r té indéfinie
q ui régnoit à cette é p o q u e ; sa position est plus honorable ; il avoit le v œ u d e
l ’A uteur , son approbation , sa collaboration imm édiate. O n ne pouvoit l ’a cc u
ser , ni de contrevenir aux L o ix qui n ’oxistoient p l u s , ni m ê m e de profiter
a v e c trop d ’e m pressem en t de l ’absence d ’aucune L o i positive. L e p rem ier de ces
rep ro ch es n ’e u t été p la c é dans la b o u c h e de personne : il n ’eut appartenu q u ’à
l ’A u teu r d e faire lo se c o n d ; mais l'A u teu r étoit lui-même h la tête de l ’entreprise.
Faudroit-il q u e le cito ye n L e r o y , dont la délicatesse p erso n nelle est à cou-
�-
(
Is
)
v e r t , se chargeât de ve n ge r celle du c ito y e n R ozier? O b je c te r a - t- o n q u ’il avoit
c e d e son O u v r a g e à C u c lie t , e t q u e dès-lors , il ne pouvoit pas autoriser u ne
nouvelle édition à son préjudice ?
E n adm ettant l ’h yp o th ese
d'une
c e s s io n ,
on r é p o n d r a ,
i . ° q u e jam ais
l ’A uteu r du Cours d ’A griculture , n ’avoit cédé la propriété d e cet O u v r a g e ,
puisque du temps des
p rivilèges^ la L o i ne reconnoissoit pas de propriété
littéraire, et que depuis l'extinction des privilèges , l ’A u teu r d e ro it bien moins
à
C u c lie t
le sacrifice
du
droit incontestable
q u ’il
avoit de
don ner
une
n ou velle édition de son C ours.
2.0
Q u e R ozier avoit laissé à C u c h e t le tem ps de p la c e r la sienne , e t d ’en
tirer un grand b én éfice ; q u ’il avoit donc rempli , envers ce L ib ra ire , toutes
ses obligations naturelles , toutes celles q u ’il avoit pu contracter licitem ent et
sans renoncer à ses droits inaliénables.
3 . Q Q u e d e son côté , C u c h e t avoit ‘réalisé sa spéculation a v e c b e a u c o u p
d ’avantages , puisqu il avoit
m es , pour fournir
à des
été
dans
le cas de réim prim er plusieurs volu
dem andes devenu es infiniment plus considérables
q u ’il ne s y étoit attendu ; q u ’après avoir joui e x c lu siv e m e n t, p en d an t plus d e
dix années , du travail de l ’A u t e u r , e t avoir p la cé au moins dix mille e x e m
plaires , il devoit être conten t de sa moisson.
L e citoyen R o zie r paroissoit être, d ’a ille u r s , dans l ’intime persuasion q u e , par
son traité avec C u c h e t , il s ’étoit form ellem en t réserve' le droit d e donner d e
nouvelles éditions , et d ’y faire les c h an gem ens et additions q u ’il jugeroit à
propos. O n assure q u ’il a souvent m anifesté cette opinion , don t le fo n d e
m en t
se trouveroit sans doute dans la cession que D u g o u r n e produit pas.
D ans c e c a s , le citoye n R o zie r n'auroit
la
suppression des
pas
seulem en t
été autorisé par
privilèges , et p a r le rétablissem ent de la L ib e r té natu
relle , à p erm ettre une
nouvelle édition de son L iv re j mais il n ’auroit fait
qu'user du droit c o n v e n tio n n e l, stipulé entre C u c h e t e t lui. C e seroit un m o ye n
d e plus contre la prétention de D u g o u r.
V o ilà dans
quelles circonstances
p ro ce d e s les plus vexatoires
f a c te u r
de
,
com m e si ce
la L ib e r te rendue
n om
a la
il s ’est permis d ’atroces
contre le c ito y en L e r o y .
injures e t
les
Il l ’ap p elle c o n tr e
pouvoit convenir au L ib ra ire qui , profitant
presse , a secondé les désirs
d ’un A u te u r qui
venoit de recouvrer la propriété d e son O u v r a g e , e n le réim prim ant
sous
scs y e u x , et sur un exemplaire corrigé de la m ain m ê m e de- c e t A u t e u r , q ui
�(
i6
)
'
p renoit encore la peine de revoir les épreuves. U n c on trefacteu r imite , le plus
servilem ent q u ’il p e u t , le papier , les caracteres , la justification et jusq u ’aux
fautes de
1 édition originale ; il se couvre du nom du L ib raire privilégié , il
v e u t être pris pour lui : mais loin d ’im iter l ’édition
qui se ve n d c h e z D u g o u r ,
L e r o y avoit très à cœ ur que la sienne en fût d is t i n g u é e , q u e l l e fût reconnue
m eilleure. O n pouvoit supposer q u ’il n ’avoit pas eu le droit de faire c e q u ’il a
f a i t , q ue le citoyen R o z ie r n ’avoit pas pu l ’y autoriser ; l ’erreur d ’un h o m m e
aveu glé p ar son intérêt personnel, paroîtroit excusable : mais la conduite violente
d e D u g o u r , ses assertions plus q u e hardies , ses efforts pour faire d ’une cause
privée une affaire d e
parti , et rendre les
involontaires de sa cupidité , ce la
plus
honnêtes gens
com plices
e x c ite l ’indignation.
T a n d is que le c ito y e n D u g ou r et m ille autres c o m m e lui , s ’autorisent d e
la suppression des p r iv il è g e s , pour s ’associer aux avantages d ’une possession cidevant exclusive , lui convient-il de trouver mauvais ce grand d é v elo p p e m e n t
de la L ib e r té naturelle , q ui rend d ’un côté ce q u ’il retran ch e de l ’autre , et
qui porte a v e c lui le m o y e n d e
com penser le mal passager q u ’il occasionne ,
p a r le bien durable q u ’il produit ? L a fortune des anciens Libraires et Im pri
m eurs eut reçu un trop rude é c h e c de la concurrence
des nouveaux venus ,
si dans le m ê m e temps q u ’elle s ’éta b lisso it, un cham p plus vaste n ’eut pas été
ouvert à leurs entreprises , et l ’on doit croire que cette considération n ’a p oint
é c h a p p é aux Législateurs.
Mais , 011 le ré p é té , D u g o u r imaginoit-il q u e la
suppression des privilèges n ’avoit pas détruit celui q u e le L ibraire C u c h e t
avoit exploité ?
Prétcndoit-il que le D é c r e t
fo rc e ; q u e le Jugem ent de
D é c r e t ; que les garanties
du
21
A o û t 1789 , étoit sans
1 7 9 0 , avoit fait une fausse application
constitutionnelles promises en
d e ce
1 7 9 1 , étoient
ch i
m ériques et illusoires ? C e tte prétention n ’avoit pas de tels caracteres d ’évi
d e n c e , q u ’il fûtper/nis de.la prendre pour une incontestable vérité. O n pouvoit
risquer de faire un mauvais procès , en appelant le citoye n L e r o y devant les
Juges C ivils , pour y voir décider la question.
M ais D u g ou r savoit trop bien
q u ’il 11’y avoit rien à gagner pour lui à une discussion froide et m é th o d iq u e ;
il lui falloit du b r u i t , de
l’éclat , l ’appareil
d ’une procédure criminelle.
c ito y e n L e r o y est dénoncé , et pourquoi ? Parce que
Le
dans un tem ps où il
n ’existoit en F ran ce aucun R è g le m en t sur la L ib r a ir ie , il a publiquem ent entre
pris , sous les auspices et a vec le concours de l ' A u t e u r , une n o u velle édition
du C ou rs d ’A gricullure. O u donc est-il é c r i t , où a-t-on vu q u ’un fait de c e tte
nature puisse constituer un délit ? Sur quel article du C o d e P é n a l , clévcra-t-on
cotte
�(
*7 )
c e tte m onstrueuse procédure ? O n croit fortem ent q u ’elle ne p e u t avoir d ’autre
issue que de soulever tous les amis de la Justice contre Je citoyen D ugou r. Il est
im p o s s ib le q u au lieu d obtenir les millions qu il convoite , il ne soit pas con
damné l u i - m ê m e à une réparation aussi éclatante que l ’offense , et en des
d o m m a g e s -in té r ê ts p ro p o rtio n n és , n o n -se u le m e n t à la gravité d e l ’injure faite
au c ito y e n L e r o y , mais encore au préjudice im m ense q u e lui cause la saisie
e t l ’e n lé v e m e n t de son édition.
D e d e u x choses l ’une : ou la cause sera jugée d ’après les L o i x q ui p révaloient
lorsq ue le p rétendu privilège a été obtenu en 17 8 1 j par R o z ie r , et lorsqu’il
a fait à C u c h e t la pretendue cession du 27 M a i 1788 ; ou elle le sera d ’après
les principes du droit n a t u r e l , p roclam és
par le L é g is la te u r au c o m m e n c e
m e n t de la Révolution , et qui étoient e n vigueur lorsque le c ito y e n L e r o y
a entrepris son édition.
D ans 1g dernier c a s , le privilège seroit anéanti depuis 1 7 8 9 ; dans le p r e
m i e r , il le seroit du moins depuis 17 9 3 .
D ans l u n
et dans l ’a u t r e , il seroit toujours a v é r é ,
i . ° q u ’à l ’ép oq u e où
D u g o u r se disant cessionnaire de C u c h e t , a co m m e n cé ses p o u rsu ite s, il y
avoit lo ng-tem ps que ni D u g o u r ni C u c h e t n ’avoient plus ni titre ni qualité
p o u r agir ; d où il suit q ue D u g o u r est n o n -re c e v a b le : 2.0 que l ’édition du
citoyen L e r o y , entreprise avant la m ort de R o z i e r , et les ventes que l ’on
suppose faites long-tem ps après , n ’ont pu nuire à la jouissance e xclu sive d e
C u c h e t , qui a cessé a ve c la
r e c e v a b l e , seroit m al fondé.
vie de l ’A u t e u r ; d ’où il suit q u e D u g o u r , fût-il
N ’oublions pas la L o i du 1 7 Juillet 1 7 9 8 , relative au droit d e p ropriété des
'Auteurs d ’écrits en tout g e n r e ; le c ito y e n D ugou r doit s ’y a ttach er a v e c c o m
plaisance ; elle semble lui prom ettre des trésors : d'abord la confiscation de
l ’édition saisie , ensuite une som m e éq uivalente au prix de 3ooo exem plaires d e
1 édition originale : com m e il y a n e u f volum es « - 4 . ° du Cours d ’A g r ic u h u r e
imprimé par
C uch et,
en
comptant chaque volum e à 12 f r a n c s , c e seroit
108 francs par exemplaire > et p our les 3 c o o e x e m p la ire s , 324,000 f r a n c s ,
sans prejudice à ¿4j000 francs qui seroient encore dus par chaque L ib ra ire c h e z
le q u e l on trouveroit un exem plaire de l ’édition d e L e r o y . T o u t ce la est m agni
fique et bien capable d ex c ite r la convoitise , mais non pas de la satisfaire.
L a L o i du 17 Juillet *79^ j dispose pour l ’a y e n i r , et n e p e u t pas remplir l'at
tente de Dugour.
C
�(
i8
)
C e t t e L o i accorde aux Auteurs d écrits en tout g enre , le droit e x c lu s if de
les ven dre et faire v e n d r e , et d ’en c é d e r la propriété , en tout ou en p artie :
e lle assure le m ê m e droit aux héritiers ou cessionnaires des A u t e u r s , durant
l ’espace de dix arts après la mort de ceux-ci.
O n ne p eu t s ’e m p ê c h e r de rem arquer que c e q u e la L o i a p pelle la p ro priété
des Auteurs , r e sse m b le fort p eu à une véritable propriété ; puisqu’e lle doit
toujours cesser dix ans après leur mort. Suivant toutes les notions r e ç u e s , nous
p ouvons ven d re à toujours les biens dont nous som m es propriétaires : si nous
m ourons sans en avoir disposé , nous les transmettons à nos h é r itie r s , non pour
dix ans , ou pour tout autre term e r e s tr e in t, mais à perpétuité. Il sem b le d o n c
que la
L o i du 17 Juillet 1 7 9 3 , en m ê m e tem ps q u'elle annonce la p ro p rié té
des A u t e u r s , ne la consacre pas tr è s -c la ire m e n t, et q u e l l e laisse b eaucoup à
désirer à la Justice.
*
Q u o i q u ’il en soit , le citoyen D ugou r peut-il puiser dans c e tte L o i des
m oyen s favorables à sa cause ? C ’est ce que nous allons exam iner.
Il est essentiel de faire observer que les troubles de L y o n ëxistoient e n
Juillet 1 7 9 3 ; que le siège alloit c o m m e n c e r ; et que R o z i e r , atteint d'un éclat
de b o m b e , au mois de S e p te m b r e , mourut sans connoître la L o i d u 17 J u ille t ,
qui ne parvint à ses c o m p a trio te s , et n e fut publiée dans leur V ille , q ue long
tem ps après.
R o z ie r n ’a donc pu faire usage du droit q u e cette L o i donnoit aux A uteu rs ;
ni C u c h e t , ni L e r o y ne p eu v e n t en argumenter.
L e c ito y e n C u c h e t a traité sous
la tyrannie
des privilèges ; le
c it o y e n
L e r o y , dans un temps où aucune L o i positive ne modifioit la liberté naturelle.
D a n s le systèm e de D u g o u r, il faudroit franchir l ’intervalle de quatre ou c in q
années , pendant
lesquelles • les anciens
Réglemerts n ’existoient plus , e t l e
no u ve a u n ’existoit pas encore ; il faudroit rattacher l ’ancienne L égislation à la
n o u v e lle ; il faudroit étendre l ’effet des cessions’ que les Auteurs ont faites d e
leurs privilèges avant 1 7 8 9 , en y appliquant les dispositions de la L o i du
19 Juillet 17 9 3 . C e s y s t è m e , enfanté dans le délire de l ’intérêt p e r s o n n e l, est
in s o u te n a b le , absurde.
Il suppose dans la L oi un vice rad ica l, le vice de la ré troactivité, q u ’on ne
p eu t supposer dans aucune L o i , beaucoup moins dans c e l l e - c i , dont toutes les
expressions sont au futur.
L a Législation des privilèges a dû servir d e réglé tant q u e les privilèges ont
existé.
�( • T9 )
L e D i o ït naturel 3. seul prcvnlu ^ apres 1 ¿iljrogcitïon des privilègesL a L o i positive , du 19 Juillet i 7 9 3 , modifie le droit naturel , e t n ’op ere
q u ’à com p ter de sa promulgation.
C o m m e n t imaginer que le citoye n R o z ie r a c é d é , en 17 8 3 > ¿ es d roi ts q u >il
n ’avoit pas à cette époque ; des droits résultans d ’une L o i p ortée dix ans plus
tard ; L oi q u ’il n ’a jamais connue , ni pu connoître ? Pensoit-il , en 17 8 3 ,
C u c h e t se doutoit-il alors, q u ’un jour les Auteurs auroient la facu lté d e c é d e r
à un Libraire la\jouissance exclusive de leurs O u v r a g e s , non-seulem ent p e n
dant leur v i e , mais encore pendant les dix années qui suivroient leur m ort >
A u c u n e des parties contractantes en i 7 8 3 ,
n ’a eu l ’idée de c e futur contin
g e n t , mais toutes deux savoient parfaitem ent q u e la cession faite au L ib ra ire
réduisoit le privilège à la vie de l ’A u t e u r , et toutes deux s t i p u l e n t en c o n sé
q uen ce. Voudroit-on que ce qui 11’a é t é , ni dans leur p e n s é e , ni dans leur
apperçu , fût néanmoins entré dans leur convention ? V o u d ro it-o n q ue le droit
de 1 u n e , que 1 obligation de 1 autre , dérivassent d ’une convention q u ’il est
évident
q u elles n o n t
pas f a i t e ,
q u ’elles n ’ont pas pu f a i r e ,
dont on ne
p e u t pas m e m e leur supposer la p en sée ; ou enfin voudroit-on q u ’elles fussent
e n g a gé es sur ce p o i n t , sans en etre c o n v e n u e s , sans avoir e u l ’intention d ’en
co nvenir >
L a L o i du 19 Juillet 17 9 3 , prise dans Je sens de D u g o u r , iroit d irec te m e n t
c o n tr e son o b j e t ; elle favoriseroit les L ib r a ir e s , et ne p rocureroit aucun avan
tage aux Auteurs.
C e u x -c i , presque tous liés par des cessions faites à des Libraires ,
etoient rentres alors dans leurs droits naturels. De quoi s'aKissoit-il
en . 7 , 3 î D e n regler lexere.ee , nuis non pas de les annuller. Cependant, si
, 7 S9
la L o, du , 9 Ju.Het, sappl.quo.t aux cessions faites avant ,789 , il résulter»*
de la que les Auteurs v.vans auroient perdu d ’avance tout ce q u elle semble leur
accorder ; les anciens cessionna.res , qui navoient compté acquérir la jouis
sance exlus.ve que jusqua la mort.des A uteurs, se trouveroient lavoir acquise
pour dix ans dé plus. Quauro.ent donc gagné les Auteurs h cette Loi faite
pour eux ? Elle leur eut ray. les droits naturels qu'ils avoient recouvrés , lors
de la suppression des privilèges; elle leur eut.enlevé tout le bien que la Révo
lution leur promettoit.
C e n ’est pas à-coup-sûr, l’intérêt des Gens-de-Lettres q u o n a en v u e , lorsqu on cherche à accréditer ce système , et à faire remonter la L oi de 1793.
T
�(
20
)
S i R o zie r eût survécu à sa p u b lic a tio n , s ’il l ’eût connue , il est présum able
q u e , dans les termes où il en étoit avec le c ito yen L e r o y , il eût fait
avec lui
un traité qui eût autorisé ce dernier à e x e rce r les droits exclusifs de l ’A uteu r :
mais L e ro y n ’a rien acquis en vertu de la L o i du 19 Juillet, elle n ’existoit pas;
ni l 'A u t e u r , ni le Libraire ne l ’avoient en vue , lorsque R ozier a consenti q u e
L e r o y imprimât son O u v r a g e , lorsqu’il a fait plus q u ’y c o n s e n tir , et que luim ê m e a‘ coopéré à cette nouvelle édition. A u s s i, le c ito y e n L e r o y ne réclam et-il pas un droit ex clu sif; il se borne à profiter du consentem ent de l ’A u teu r ,
sans en abuser. Personne n ’a le droit de l ’en e m p ê c h e r ; car personne n e p e u t
résister aux preuves convaincantes
contester à celui-ci
le droit
du
consentem ent
donné par R o z ie r , ni
q u ’il avoit d ’autoriser l ’entreprise
du citoyen
Leroy.
D u g o u r objectera peut-être , que le
consentem ent de R o zie r
devoit être
form el et p a r écrit. O u i , sans d o u te , s ’il s ’agissoit d ’une cession postérieure à
la L o i du 17 Juillet 179^ , devant produire
l ’effet prévu par
donner un droit exclu sif au cessionnaire ; mais il s ’agit
avant la L o i , dans
un
temps
cette L o i , et
d ’une édition perm ise
où aucune formalité n ’étoit prescrite , où Ro
z ie r , en usant de son d r o i t , ne s’en dépouilloit pas ; où L e r o y
n ’étendoit
pas
ses vues a m b itie u s e s , ju s q u ’à trouver mauvais que l ’A uteu r pût faire pour d ’au
tres , ce q u ’il vouloit
bien faire p o u r
lui. L ’objection est donc
tance. L a L o i qui ex ige un consentem ent form el
sans consis
et par é c r i t , annulle c e u x
q u'on supposerait avoir été donnés verbalem ent depuis sa publication , mais non
pas
c e u x qui résultent de faits
incontestables antérieurs au 19 Juillet 1798.
C e n ’est p a s , d ’ailleurs, à D ug o u r
à proposer des objections
elles solides , ne lui seroient d ’aucune utilité : quand L e r o y
q u e l ’A uteur a autorisé son édition , s ’en suivroit-il que
qui , fussent-
ne prouveroit pas
D ug ou r eût qualité
p our censurer sa conduite ? Q u i est-il ? Cessionnaire d ’un cessionnaire , dont
le droit , qui n ’est point justifié , rem onte à un privilège , et qui
n ’ayani point
observé les L o ix protectrices de ce privilège , en eût été form ellem en t déchu.
Passons néanmoins que la p rét-.idue cession de 17 8 3 fût inattaquable sous ce
rapport : elle auroit eu son effet jusq u ’au mois de S e p te m b r e 17 9 3, en supposant
que
les privilèges
n ’eussent pas
la suppression des privilèges
été supprimés en 1789 . Voilà le vrai: mais
a em porté celle du droit exclusif que pouvoit
avoir C u c h e t. Et il n ’a pas moins continué d ’en jouir p ar le fait ; il n ’a pas été
troublé , tant que
l ’A uteu r a
vécu ;
son
traité
a donc reçu sa pleine et
entière exécution et tout l ’effet q u ’il pouvoit s ’en p ro m e u re , lorsqu’il l ’a signé ;
�C
ai
)
de quoi donc p e u t se plaindre son cessionnaire ? Q u ’im porteroit que L e r o y eût
des to r ts , s’il est certain que D u g o û r n a point de droits ? N ou s croyons cette •
derniere proposition dém ontree et ne pensons pas que le succès du citoyen
L e r o y soit douteux.
.
\
D é lib éré à P a r i s , le 27 N iv ô se , an 7 de la R é p u b liq u e .
'
’
S ig n és
'
E M M E R Y ,
s
G.
H O M ,
A.
"V u
'
C.
C A M B A C E R È S ,
T H I B A U D E
AU.
la C onsultation délibérée à P a r i s , le 27 de c e m o is , et signée E m m e r y ,
H om , C a m b a c e u è s
et T h i b a u d e a u ,
L e Soussigné se joint à l ’opinion établie dans cette Consultation, que D u g o u r
11 est ni r e c e v a b l e , ni fonde dans sa poursuite contre les freres L e r o y , et
pour raison de l'édition prétendue contrefaite du C ours d ’A griculture ; et il en
a-dopte p rin cip alem ent les raisons suivantes :
T*° Q u e l ’édition dont il s’a g it, est franche e t originale, et non c o n tre fa ite ;
car si , dans le langage des anciennes L o ix , l'édition contrefaite étoit ce lle
qui étoit fai Le sans permission et au p réjudice d ’un privilège a c c o r d é , il faut '
les anciennes Lois ayant.été a b r o g é e s , et la n ou velle L égislation n'ayant-point
défini la contrefaçon , s ’arrêter au sens littéral et vulgaire du mot.
2.° Q u e si D ugou r ne produit aucune c e s s i o n , il n ’a aucun titre à une p ro
priété qui 11e fut pas originairement sienne.
"
3 .° Q u ’en aucun temps l'édition surveillée et perfectionnée par l ’A u t e u r , n ’a
pu être le prétexte d ’une querelle contre l’Editeur.
4 .0
Q u e l 'édition du Cours d ’A griculture , dont il s ’a g it, datant d ’une é p o q u e
a laquelle 1 ancienne Législation étoit abolie , et ou la n o u velle 11’avoit rien mis
a sa p l a c e , 1 on ne peut imputer a d é l i t , aux freres L e r o y , c e que la L o i
d ’alors ne défendoit pas.
5 .° Q u e la L o i de 1 79 ,J nc disposa rien a l ’égard des L iv re s qui auparavant
avaient
été
m êm e
proprem ent
contrefaits , et
par
conséquent ne
donna
�(
22
)
aucune action relative,' et que cette Loi étant rigoureusement prohibitive ;
n’est pas susceptible de cette extension, que l’on ait pu y contrevenir avant
qu’elle existât, et qu’un fait ait pour suite une peine que son auteur ne dut et
ne put pas prévoir.
A Paris , le 28 Nivôse, l'an septieme.
Signé C H A B R O U D.
L e Soussigné, qui a lu les Consultations délibérées les 27 et 28 du pré
sent m ois,
E ST
D’ A V I S ,
1 ° Que le citoyen Dugour doit être déclaré non-recevable dans l’action
qu’il intente au citoyen L e ro y , tant qu’il ne représentera pas la cession que
le citoyen Rozier est supposé avoir faite à Cuche t , de son O uvrage, et la
rétrocession que le citoyen Cuchet est supposé avoir faite à lui Dugour.
2.0
Q u ’en supposant qu’il représente ces deux titres, il doit être déclaré
mal fondé dans son action, faute d ’avoir rempli les conditions sous lesquelles
seules le Règlement de 1777 accordoit aux privilèges de Librairie un droit
exclusif qui pût gêner la liberté du commerce.
Délibéré à Paris, le 2 8 Nivose, ân 7 de la République Française.
Signé T R O N C H E T.
A L y o n , de l’imprimerie de L E R O Y .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Dugour, A.-J. An 7?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Emmery
Hom
Cambacerès
Thibaudeau
Chabroud
Tronchet
Subject
The topic of the resource
droit d'édition
contrefaçon
droit d'auteur
Description
An account of the resource
Consultations. [Dugour]
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Leroy (Lyon)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 7
1780-Circa An 7
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0134
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0133
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53675/BCU_Factums_M0134.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Lyon (69123)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contrefaçon
droit d'auteur
droit d'édition