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MÉMOIRE
COUR ROYALE
DE RIOM.
E N
R E P O N S E ,
I Te C H A M B R E .
P O U R le sieur
CHAMBAUD ,
C h e v a l ie r ,
Colonel
d ’E t a t-M a jo r , en retraite, Officier de l ’Ordre ro ya l
de la Légion d ’H onneur,
C le rm o n t , intim é ;
A U B I G N A T veu ve de
P r o p r ié ta ir e R
Pierre
V i l l e v aud,
o y a t , appe lant e.
,
, ,
Q ucm sua culpa prem e t dcccptus omitte tucri.
A t penitas notum si tentent crimina
Tuterisquc tuo fidentem prœsidio.
serves
II o r a t . , ep ist. 18 .
n
U auteur célèbre a dit « q u 'il n ’y a pas de plate
« méchanceté, pas d ’ horreurs, pas de conte a b s u r d e ,
« qu 0n ne fasse adopter aux oisifs d ’ une grande ville
e n
$*+{% % %
habitant de la ville de /mluuum* oib*±
CO N TR E
Jeanne
^
s’ y prenant b ie n , et q u ’ il a vu les plus honnnêtes
�( * )
« gens près d ’être accablés sous le poids de la calomnie. »
C ett e cause est un exemple d ’une vérité aussi affli
geante pour la morale que pour la société.
L e sieur C h a m b a u d , officier' su péri eur, montrant
sur sa poitrine la glorieuse distinction, récompense de
ses services, devenu père de f am ille , voué à l ’éduca
tion de ses enfans, entouré de l ’estimede ses camarades,'
de la confiance et de l ’amitié de tous ceux qui le con
naissent , a vu troubler les douceurs de sa retraite par
l i n e accusation de d o l et de fr a u d e aussi, fausse que
hardie.
U n e bouchère, q ui fréquente depuis trente ans la
halle de C l e r m o n t ; une femme d ’un esprit souple et
défiant, a c c o u t u m é e \ u x procès et aux ruses qui peu
vent en assurer le succès, a eu l ’audace et l ’adresse
d ’ourdir contre le sieur C h a m b a u d la trame la plus
déliée et la plus odieuse.
L a veuve V i ll ev am l a v a i t é p r o u v é u n e perte c o n s i d é
rab le, q ui pouvait sensiblement d i m i n u e r sa f o r t u n e .
Son m a l h e u r , q u o iq u ’elle ne pu t l'imputer q u ’à ellemème ou à la prévarication d ’ un sieur C h e v a lie r, no
taire à C l e r m o n t , q u i avait toute sa confiance, la
rendait
intéressante.
C o m m e n t devait-elle détruire cet intérêt q u ’inspire
toujours celui q ui n ’a d ’autre reproche à se faire, que
de n ’avoir pas porté assez de vigilance à la conservation
de ses droits ? E l l e se choisit u n e victime : c ’esL le
sieur C h a m b a u d , absolument étranger aux actes q u ’ e l l e
a contvuetés, q u i doit l ’indemniser du tort q u e l l e a
�¿prouvé; il le d o i t , parce q u ’il a ¿ té l ’artisan d u dol
et de la fraude, et q u ’ il eu a p ro filé.
Si ou en croit la veuve V i l l e v a u d , le sieur C h a m b a u d
a a b u s é des choses les plus sacrées pour l ’induire en
erreur,
la tromper, et compromettre sa fortune.
E lle avait confiance au sieur C h a m b a u d . C ’est l u i
q u i l ’a sollicitée de consentir à l ’acte cj_ui devait lu i
être si funeste.
E lle était débitrice du sieur C h a m b a u d : ce dernier
la menace de poursuites rigoureuses pour contraindre
sa volonté.
E l l e était mère d ’ un fils soumis à la conscription ;
le sieur C h a m b a u d , ancien m ilitaire, et maire de sa
commune, lui fait craindre l ’effet de sa double in
fluence. L e fils de la veuve partira, si l ’engagement*
n ’est pas contracté.
L l l e îcsiste cncoie ; le sieur C h a m b a u d lu i remet
un b illet cle garantie ; alors elle cède, et se rend chez
le notaire.
L e sieur C h a m b a u d est présent à l 'a c te } c ’est lui
qui le dirige, qui empêche de prendre la seule pré
caution qui pourrait au moins sauver quelques débris
de lu fortune de la veuve Vi ll ev aud.
Pourquoi tant d ’artifice et de violence de la part du.
siem C h a m b a u d ? ........... Il était créancier de G i r a r d ,
a\eo lequel la veuve Vi ll ev aud contract ait; et connue
le mauvais état des affaires de G ir ard était co nnu du
sieur C h a m b a u d , ce dernier avait intérêt à priver la
v e u v e Villevaud de son gage, à le re p la c e r entre 1m
�mains tle son débiteur , pour pouvoir ensuite le prendre
en paiement de sa créance : c’est ce q u ’a effectivement
fait le sieur C h a m b a u d , q u i , le même j o u r , ' a acquis
de Girard l ’obligation qui servait de gage à la veuve
V i ll e v a u d , et que celle-ci venait d ’abandonner.
Ces plaintes graves, ces faits si habilement liés, qui
trouvaient leur explication dans le b illet de garantie
clonnd p a r le sieur C ham baud à la veu ve V ille v a u d
n ’étaient pas tous de l ’invention de cette dernière j
elle avait été p u i s s a m m e n t a i d é e p a r u n c o n s e i l intim e,
dont l ’opinion a ensuite fait justice, et qui a étc o b lig é
de quitter la ville de C le r m o n t p o u r aller porter ailleurs
sa fatale industrie.
Mais ces plaintes et ces faits furent soumis à l ’examen
‘ de jurisconsultes graves, trop amis de leur profession,
trop esclaves des devoirs q u ’elle impose, pour ne pas
employer t o u s leurs efforts à dévoiler le dol et la fraude.
L a VCUVe V i l l e v a u d p r o d u i s a i t l e bille t de garantie /
elle reçut et du t recevoir l e c o n s e i l d ’ e n f a i r e u s a g e ,
et de l ’entourer de tous les faits qui pouvaient donner
le plus de force et d ’effet à cette pièce importante.
Après dépôt préalable de la pièce chez un notaire,
le sieur C h a m b a u d fut cité en conciliation. Sa seule
réponse
récritu re
fut
du
do
soutenir fa u sses
la
signature
prétendu billet de garantie,
et
et d ’en
demander la représentation j mais son adversaire, qui
s’ attendait à cette dénégation, et qui avait sa réponse
prête, affecta-t-elle de regarder la fausseté de ce billet
comme un moyen de fraude de p l u s , employé par Ie
�( 5 )
sieur C h a m b a u d ; e t , dénaturant sa propre cit ation,
où elle avait
Chambaud 3
écrit
q u ’elle tenait ce b illet d u sieur
elle d i t , axi bure au de conciliation, que
ce dernier le lu i avait f a i t remettre.
Cette découverte était un grand pas vers la vérité :
aussi la veuve V ill ev a u d parut-elle reculer devant son
propre o u v r a g e ! ........ H u it mois s’étaient écoulés; un
remords salutaire la retenait encore, lorsque le sieur
C h am b a u d , qui avait intérêt à faire reconnaître la
fausseté de cette pièce et à la détru ire , traduisit luimême son adversaire devant les tribunaux.
L a veuve V i ll e v a u d retrouva alors sa hardiesse 5 le
conseil intime lui dit : « Vous ne savez ni lire ni
« écrire, que peut-on vous faire? Ne me nommez
« pas, moi qui suis l ’auteur du b i l l e t ,
« votre demande ». L a
et formez
veuve V i ll e v a u d suivit
ce
conseil.
Qu oi q u ’il en soit, le billet reconnu faux , la défense
du sieur C h a m b a u d était facile :
i° L a veuve Vi ll ev aud demandait une somme de
10,862 francs; mais où était son titre? E lle n ’avait
point été placée dans V im possibilité d ’en a voir; elle
a v a it , au contraire, senti la nécessité d ’en obtenir
un : elle l’avait elle-même produit........... Mais cette
pn:ce était j'econnue f a u s s e , et 11e pouvait rester au
procès, que pour attester la perversité de la veuve
Vi llevaud j cl faire rejeter la preuve des faits qu/elle
osait articuler;
2° L ’acte passé avec Girard n ’ avait rien fait perdre
�à la veuve V i l l e v a u d , q u i n ’était saisie, n i p a r une
acceptation fo r m e lle
n i p a r une inscription 3 du
gage q u ’elle soutient lui avoir été enlevé; de manière
q u ’elle devait se trouver heureuse d ’obtenir une ga
rantie q u ’elle n'avait pas;
3° Le
veuve
sieur
C h a m b a u d , loin de v o u lo ir nuire à l a
V i l l e v a u d , d e v a it, au contraire, 'v e ille r a la
conservation de ses intérêts. Il était créancier de cette
fe m m e , d ’une somme de 6000 fr; il n'avait d ’autre
hypothèque que les immeubles dont l a v e u v e V i l l e v a u d
pouvait craindre l ’éviction. Si sa garantie s’évanouis
sait, l ’éviction pouvait préjudiciel’ au sieur C h am b a u d ,
et lui faire perdre sa créance;
4 ° Po u r q u ’il y ait (loi et f r a u d e il f a u t , d’ un
côté
, q u ’il y ait eu des manœuvres p o u r induire en
erreur, ou détourner d ’ une chose u tile , e t , d e l ’ a u t r e ,
que l ’ o n a i t été dans l ’im p ossibilité de s ’en garantir.
•— Q l l a fait le s i e u r C h a m b a u d ? I l a donné note a
consulter, ou il in diquait la v a le u r du bien q u e la
veuve V ill ev au d devait recevoir en garantie, et disait
q u i l n ’y avait p a s d 'h y p o th è q u e s.— Qu e devait faire
la v e u v e Vill ev au d? Prendre des renseignemens, s’assurer
de la vérité de ces faits : c’est précisément le parti
q u ’on
a pris avant de contracter avec G i r a r d ........
Ces moyens, réunis à la fausseté du billet de ga
ranti e, détruisaient le système de la veuve V i l l e v a u d ,
et
démasquaient
complètement tout l ’odieux de sa
Conduite.
Mais pour ne rien laisser à désirer, le sieur Chain-
�baud,
répondant
aux faits
articulés par la veuve
V i l l e v a u d , en démontrait la fa uss etc ,
et prouvait
notamment,
i° Que le fils de la veuve V ill ev a u d avait été réformé
avant
l ’acte q u i fait l ’objet du procès ;
2° Q u ’il n ’était p oin t créa n cier de G i r a r d ; q u ’il
n ’avait connu l ’em b a n a s de ses affaires, que posté
rieurement à l ’acte dont il s’a git ; que s i, plus t a r d ,
il était devenu acquéreur de moitié de l ’obligation
abandonnée par la
veuve
V ill ev au d , c ’était
obliger un homme auquel il devait toute sa
pour
protection,
et empêcher q u ’il ne fût victime des cautionnemens
q u ’il avait prêtés à G ir a r d ;
3° Enfin le sieur C h a m b a u d démontrait que le
retard mis à l ’inscription de la veuve V i ll e v a u d ne.
pouvait pas lui être im p u t é ; que c’était à cette femme
à surveiller ses in t é rê t s,
ou au moins au notaire
C h ev al ier, q u i avait toute sa confiance.
Ces moyens furent accueillis , par jugement du
tr ibun al civil de C le r m o n t , qui rejette la demande do
la veuve Vi ll ev aud.
L e sieur C h a m b a u d jouissait d ’ un moment de repos,
lorsque les intrigues de son adversaire recommen
cèrent. E l l e interjette
appel du jugement.
Bientôt
elle publie q u ’elle a découvert de nouveaux laits; e l l o
en to u re , elle h a r c e l l e les amis du sieur C h a m b a u d ;
elle les fait t r e m b l e r pour sa réputation ; elle exigo
que ce dernier ach èi e, par un sacrifice, un Mémoire
dont
la publication
doit
le
couvrir
de* honte et
�'( 8 )
d ’opprobre........ L e sieur C h a m b a u d n ’ hésite pas : un
coup-d’œil jeté sur sa poitrine devait lui enseigner
son devoir ; il répond : L 'h on n eu r me d éfen d de
transiger.
En fin le Mémoire paraît. Dès les premières lignes,
le sieur C h am b a u d voit son nom uni à ceux de C h e
v a l ie r ,
notaire à C le rm o n t ;
de G i r a r d , notaire à
C ham alièr e, tous deux en banqueroute frauduleuse;
de Chevalier sur-lout dont le nom a été flétri par un
arrêt de la C o u r d ’assises de ce département. L e sieur
C h a m b a u d y est désigné comme l ’auteur tm l ’instru
ment d ’une fraude pratiquée entre lui et ses deux
complices, et le se u l que la ju s tic e puisse atteindre.
Il continue sa lecture; e t , si les faits et les moyens
peuve nt, par leur inexactitude et leur faiblesse, lui
inspirer de la sécurité sur l'événement du procès, il
n ’est pas moins indigné des outrages dont il est l ’objet.
Mais la v e u v e V i l l e v a u d n ’ é t a i t p o i n t e n c o r e satis
faite; le Mémoire pouvait n e pas a v o i r a s s e z d e pu bli
cité. Elle insère dans un journal un article ayant pour
objet de faire connaître scs plaintes, et de répandre
ses diffamations ( i ) .
C ’est ainsi que le sieur C h am b a u d a pu observer
les effets de la calomnie; craintive dans son origine,
elle n ’osait l ’attaquer q u ’avec précaution, et ne semait
q u ’en courant le trait empoisonné. Bientôt plus hardie,
elle veut porter des coups plus surs, marche à décou(i) Aiui
la Charte, 22 janvier 1822 , n° 7.
�v e r t , et réunit toutes ses ressources pour attirer sur
sa victime un cri général de haine et de proscription.
Les a r t i f i c e s de la veuve V ille vaud ont été tels ,
q u ’elle est parvenue à attacher à sa cause le nom d ’ un
juri sconsulte également recommandable par son hon
nêteté et son amour pour la justice : on ne se per
mettra point de blâmer sa conduite en cette occasion;
mais, quelque force q u ’il apporte dans cette cause ,
comme on craint beaucoup plus son autorité que ses
raisons, il sera le premier à désirer que l ’on en écarte
sou nom, pour n ’en interroger que
les faits et les
moyens.
FAITS.
L
e
sieur G ir a r d, ancien notaire à Chamalière, avait
acquis de M. D a l b ia t, ancien procureur du Roi
ù
C le r m o n t , un pré appelé le P r é clu B r e u ils situé à
Royat, moyennant la somme de 22,000 francs, stipulée
payable dans douze ans. '
L e 21 juillet 1808, par acte passé devant C hevalier,
notaire à C le rm o n t, le sieur G irard vendit à Jeanne
A u b i g n a t , veuve V i l l e v a u d , et à Léger Bourgoignon,
son gendre, partie du pré du Breuil. Jeanne Aubignat
entrait pour neuf dixièmes dans cette acquisition :
Bourgoignon n ’y figurait que pour l ’autre dixième.
Le
prix de c e t t e v e n t e
fut fixé à la somme de
U , 3 if) f r a n c s , sur laquelle 7819 francs furent payés
com pt ant, et les 3 , 5 <>o f r a n c s restant furent stipulés
payables au 11 novembre suivant; mais il fut convenu
?
�que le vendeur ne pourrait recevoir cette dernière
somme, q u ’en fournissant hypothèque pour la totalité,
ou en donnant caution.
Cet te clause était
importante;
et les acquéreurs
devaient rigoureusement exiger son exécution, puisque
de son accomplissement seul dépendait leur securité,
ayant tout à-la-fois à craindre la recherche hypo th é
caire et par privilège du sieur D a l b i a t , encore créan
cier du p r i x , et l ’exercice de l ’hypothèque légale de la
dame D a l b i a t , dont le prix du Breuil était encore
grevé.
,
Cependant la veuve V ill ev au d et son gendre ne sen
tirent pas assez le danger q ui les menaçait, ou au
moins ils ne px’irent aucune des précautions que leur
situation exigeait.
E n ef f e t,
i 3 mai 1809, par acte passé devant C h ev a lier,
notaire a C l e r m o n t , lu s i e u r F on g h ca sse, tant e n son
nom que comme fondé de pouvoirs d e sa m è r e , c o n
Le
sentit au sieur G irard une obligation de la somme de
10,86a fr. 5 o c . , payable dans cinq ans, avec intérêt
à 5 pour 100.
Il hypo th éq ua spécialement au paiement de cette
obligation une maison située à C le rm o n t , rue de la
Treille;
et l ’obligation termine par une stipulation
ainsi conçue :
« G ira rd déclare que la somme principale provient
« de Jeanne A u b ig n a t, veuve V ille v a u d , et de L ég er
« Bourgoiÿîion j son gendre, et fait partie du prix de
�( 11 )
« la vente de 1808. A u moyen de cette déclaration ,
« Fonzheasse sera tenu, comme il s’y oblige, de ne
« faire le remboursement de ladite somme ,
q u ’en
« présence de la veuve V ille v a u d et de B ourgoignon 3
« pour veiller à l'emploi d ’icelle, conformément au
« susdit contrat de vente. »
Ni
la veuve
Vill ev a ud ,
i*
ni
Léger Bourgoignon
n ’étaient parties, ni présens à cet acte; cependant il
faut convenir que Girard y avait fait une stipulation
q u i pouvait leur être u t il e , s’ils déclaraient vouloir
en profiter; mais, ju sq u’à cette déclaration, la stipu
lation pouvait être révoquée; Girard pouvait l ’anéantir,
et céder sa créance à tout autre, hors la présence et au
détriment de la veuve Villevaud,
L a veuve Villevaud n ’avait point accepté la stipula
tion faite à son profit; elle n ’avait point pris d ’inscrip
tion , mesure qui lu i était d ’ailleurs interdite avant la
signification du transport faite au -débiteur. L e sieur
Girard seul a v a it , le 16 ju in
1809, inscrit sur
la
maison donnée en hypothèque par Fongheasse, lorsque,
le 1-2 mars 1809, la veuve V i l l e v a u d donne quittance
à G irard de la somme de 3 5 oo lrancs, à elle restée
due sur la vente du 21 juillet 1808. C e l te quittance
ne contient pas d’acceptation de la stipulation insérée
en l ’obligation du
i3 mai
1809, mais on y trouve
une énonciation ainsi c o n c i l e : « (inc la somme (ju il« ta n cée, ainsi que c e lle formant le surplus du p r ix
« de la v e n t e , ont été em p lo y ée s, p a r G ira rd
« désir du
même acte de vente ,
au
par hypot hèque
�« spéciale , suivant obligation, du
i 3 mai 1809. »
Il est évident que cette énonciation ne contenait
point accoptation de la st ip ulat ion, équivalant à trans
p o r t , insérée dans l ’acte du i 3 inai 18095 cette sti
pulation ne liait donc point G ir ard; m ais, lors même
q u ’elle aurait produit un engagement propre à obliger
ce dernier, elle était encore inutile dans les intérêts
de la veuve V i l l e v a u d , q ui ne pouvait être saisie, îi
l ’égard du sieur Fongheasse, d é b i t e u r , que par la
notification du transport, et que jus que -là, ce tiers
avait le droit de payer le sieur G ir a r d , et était vala
blement libéré.
Ainsi la veuve V i l l e v a u d ,
n ’ayant ni accepté ni
notifié le transport contenu en l ’acte du i 3 mai 1809,
n ’ayant pris ni pu prendre aucune inscription sur la
maison Fongheasse,
n ’avait aucune garantie pour le
prix de la v e n t e du 21 juillet 1808.
Jusque-lîl
le sieur
Cihamluiud
était ahsolumen t
étranger aux affaires et aux intérêts de la veuve V i l l e
v a u d ; il 11e la connaissait même que par un procès
q u ’elle lui avait suscité en 1806, à l ’occasion du dé
frichement d ’ un ch em in ; contestation qui fut soumise
à l ’arbitrage de INI* Rispal, et terminée à l ’avantage
du sieur C h a m b a u d , par une transaction conforme îi
la décisioi\ de cet expert (1). Mais en 1 8 1 0 , le sieur
C h am b a u d eut avec la veuve Villevaud des relations
(1) La citation en conciliation et la transaction sont rapportées.
�(
,3
)
«
d ’intérêts , qui durent lui faire désirer vivement la
prospérité et la sûreté de la fortune de cette dernière.
L e 6 avril 1 8 1 0 , la veuve Vill ev aud empru nta au
sieur C h a m b a u d une somme de 6000 francs, et lu i fit
une obligation, reçue G i r a r d , notaire à Chamalière,
payable dans un a n , avec l ’intérêt à cinq pour cent.
E lle lui donna pour hypothèque spéciale deux prés.
L e plus considérable en contenance et en valeur était
précisément ce p r é du B r e u il} vendu par M. Dalbiat
à G i r a r d , et p a r ce dernier à la veu ve V i l l e v a u d .
O n sent assez que le sieur C h a m b a u d d e v a i t atta
cher le plus grand prix à la conservation d ’une hypo
thèque qui était la seule garantie du paiement de sa
créance,
les facultés mobilières d ’une bouchère ne
pouvant
lui présenter que des ressources bien insuffi
santes, sur-tout pour une somme aussi considérable.
L e sieur C h a m b a u d prit inscription, le 27 d u même
mois.
On arrive à la fin de 1 8 13. L a veuve Vi ll ev aud ne
s’était point libérée envers le sieur C h a m b a u d , quoique
son obligation fût échue et exigible depuis le mois
d ’avril 1 8 1 1 . C ette femme était encore en retard de
payer les intérêts j de manière que le sieur C h am b a u d
crut devoir la contraindre au
remboursement ,
et
chargea, h la fin du mois de décembre, le sieur G ir a r d ,
notaire, de lui lairc notifier un commandement de
payer. C et acte a été rédigé, mais n ’a pas été signifié.
Comme ces menaces de poursuites ont pu donner
au sieur Girard l ’idée de détruire la stipulation con-
�signée en l'obligation du i 3 mai 1809, en donnant
toutefois une garantie hypothécaire à la veuve Viilev a u d , et que cette dernière? en consentant à ce chan
gement , y
mettait
pour condition , que le sieur
C h a m b a u d lui accorderait un délai d ’un an pour le
paiement de l ’obligation de 1 8 1 0 , il est indispensable
d ’examiner les moyens q ui ont été employés par le
sieur Girard et la veuve V i l l e v a u d , pour atteindre
leur but.
Le
sieur
G irard
était notaire à C l i a m a l i è r e , e t
adjoint du sieur C h a m b a u d , alors maire de Chamalière et de Royat. L e sieur Girard était un homme
paraissant tout occupé de ses affaires, très - r é g u l i e r
dans'sa con du ite , vivant retiré, d ’ une grande réserve
dans la conversation, sur-tout quand i l s’agissait de
ses affaires. L e sieur C h a m b a u d ne vivait pas avec lui
mais il avait avec le sieur Girard les
relations que l e u r p o s i t i o n r e n d a i t i n d i s p e n s a b l e s ’, et il
était naturel q u ’habitant une maison de c a m p a g n e
dans l ’in tim ité ;
un peu éloignée de C lia m aliè re , le sieur C h am b a u d
vi n t descendre chez son a d jo in t , lorsque les affaires
de la mairie ou les siennes propres l ’y appelaient. A u
reste, il n ’avait avec l e sieur G ir a rd aucun intérêt qui
leur fut com m un ; il ne connaissait pas l’état de ses
affaires; il ne devait même pas chercher à les c o n
n aît re, puisqu’il est faux que le sieur Girard fut son
débit eu r; enfin le sieur Girard avait, comme notaire,
la ronfiance du sieur C h a m b a u d , et non celle de la
veuve Villevaud.
�■
•
.
( < n
Dans le même tems existait a Clermont un sieur
C h e v a lie r, notaire. C et homme avait su s’attirer une
confiance générale, et jouissait de l ’estime publi que.
Il était recherché et admis dans la bojme société; on
pouvait dire de lu i q u ’il était l ’ame de toutes les
affaires et de toutes les fêtes; et si ses nombreux amis,
, clupés p a r l u i , l ’ont
ensuite abandonné,
pourquoi
aujourd’h u i , pour nuire au sieur C h a m b a u d , voudraiton lui accorder les honneurs d ’une in tim ité , que l ’on
sait bien q u ’il n ’a jamais ob te n u e, m érit ée, ni même
désirée ?........
L e sieur Chevalier était lié d ’intérêt et d ’affaires
avec le sieur Girard. C e l t e circonstance, que les ban
queroutes simultanées de ces deux notaires ont rendue
p u blique, était entièrement inconnue au sieur C h a m
b a u d , et p o u v a it , au contraire, être a la connaissance
de la veuve V i l l e v a u d , qui était la protégée du sieur
C h ev alie r, son conseil ordinaire.
L a mère du gendre de la veuve V i ll e v a u d avait sevré
un des enfans de la dame C h eva lie r; c e l l e - c i était la
marraine d ’ un de ses petits-enfans; et il s était établi
entre elles une espèce d ’intimité, par suite de laquelle
la dame Chevalier allait fréq uem m en t, dans la belle
saison, passer des journées entières à R o y a t , et appor
tait à la veuve V illev aud de vieilles hardes dont elle
lui faisait cadeau , pour vêtir scs enfans.
Ces circonstances ne. sont pas sans intérêt dans le
procès; elles peuvent aider à découvrir les véritables
causes qui ont porlé la veuve V ill ev a u d à traiter avec
�le sieur Girard-, à apprécier les relations de cette veuve
avec Chevalier et G i r a r d , et à dévoiler les motifs q ui
l ’ont ensuite portée à in ten te r , contre le sieur C h a m
baud , la singulière action sur laquelle la C o u r a
à prononcer.
11 ne faut pas perdre de vue que le sieur C h am b a u d
avait chargé Girard d ’exercer les premières poursuites
q u ’il voulait diriger contre la veuve V ille vau d. G ira rd
avait dù prévenir cette veuve : il ne lui avait encore
rien fait s i g n i f i e r ; et l ’on p e n s e b i e n q u e la v e u v e
V ill ev aud n ’avait pas manqué de confier à. Chevalier
les craintes que les poursuites d u sieur C h am b a u d
pouvaient lui inspirer.
Il peut être que la position de la veuve V i ll ev a u d
inspira aux
associés Girard
et Chevalier l ’idée de
détruire la stipulation insérée en l ’acte du i 3 mai
1809, et de la remplacer par une hypothèque. C ett e
mesure d é t r u i s a i t l e s o b s t a c l e s q u e le sieur Fongheasse
pouvait apporter à sa libération, et r e n d a i t plus f a c i l e
la négociation de cette obligation. Mais tout cela ne
pouvait s’exécuter, sans que le sieur C h a m b a u d con
sentit à accorder un délai à la veuve Villevaud-, faveur
que cette dernière désirait vi vem en t, et que l’on osa
espérer de la complaisance du sieur C ham b a ud.
P o u r atteindre ce b u t , le sieur Girard fit une con
fidence au sieur C h a m b a u d ; il lui avoua devoir une
somme de 17,000 francs à différons créanciers;
lui
donna des explications sur l ’obligation F o n g h e a s s e ;
lui dit que la veuve Vi ll ev aud consentirait à iransfervr
�(
J7
)
Vhypothèque q u ’elle avait sur la maison Fongheasse,
sur le domaine de la G a ra n d ie , appartenant, à
G ir a r d ; et q u ’au moyen de ce transfert, sa libération
deviendrait facile, pu isq ue , outre les 11,000 fr. q u ’il
toucherait
de l ’obligation Fongheasse, il pouvait encore
compter sur 7000 fr. de recouvremens de son étude;
niais il ajoutait que cet arrangement ne pouvait s’eficct u e r, q u ’autant que le sieur C h a m b a u d consentirait
à accorder à la veuve Y il l e v a u d un délai d ’ un a n ,
pour le paiement de son obligation; délai que G i r a r d
et la veuve Y il levau d
sollicitaient
avec
beaucoup
d ’empressement.
L e sieur C h a m b a u d devait céder à ces instances; il
n ’était point l ’ami du sieur G ir a rd; mais sa position
pouvait l ’intéresser sous plus d ’un rapport : le sieur
C ham b aud et Girard remplissaient ensemble des fonc
tions administratives ; le sieur Girard exerçait une
profession qui inspire de la confiance; il était père de
famille : n ’était-il pas naturel de l ’aider à sortir de
1 embarras momentané dans lequel il se trouvait? D ’un
autre côté, dans la supposition même que la veuve
Vill ev au d aurait eu une hypothèque sur la maison
Fongheasse (ce qui n’était pas), le transfert q u ’ 011 lui
proposait ne pouvait que lui être avantageux. Le sieur
C h a m b a u d avait voulu acquérir le domaine de la
Garandie; il eri avait offert 22,000 fr. ; il savait que
cette propriété avait augmenté de valeur ; le sieur
Girard assurait q u ’elle n ’était grevée d ’aucune h yp o
théqué . ainsi aucun danger 11c paraissait menacer' les
3
�( >8 )
intérêts de la veuve V i l l e v a u d , auxquels ceux du sieur
C h am b a u d étaient d ’ailleurs si intimement liés.
Il convient de se faire ici une idée positive de la
v a le u r du domaine de la G a ra n d ie , et de Y état appa
rent des affaires du sieur Girard.
L e sieur Girard avait acquis le domaine de la G a
randie par parcelles, moyennant la somme.de 20, i 33 lr.
20 c. (1). Il avait animé cette propriété de bestiaux
d ’ une valeur considérable ; deux cents moutons et
vingt-deux bêtes à cornes avaient été achetés par lui 5
Girard avait en outre construit des batimens pour
rétablissement d ’ un m o u l in , faiL des réparations et
des plantations d ’une grande valeur*, de manière q u e ,
sans rien exagérer, on po u v a it , en 1814? porter la
valeur de ce bien à la somme de 3 o,ooo francs ; mais
sa situation et son produit viennent encore confirmer
cette i d é e . L e domaine de la Garandie est situé dans
"Un pays de m o n t a g n e .
D e s b a u x aut hentiques, des
a3 juillet 1810 et 21 février 1 8 1 2 , établissent q u ’ il
était affermé 1 4 19 francs*, et comme l ’on sait que la
valeur vénale des biens de montagne est bien supé
rieure à leur produit réel, comment se refuser à l ’idée
que ce domaine 11e va lût réellement 3 o,ooo fr. (2)?
L ’état apparent des affaires du sieur Girard n’avait
rien d ’inquiétant 5 il déclarait que le bien de la G a
randie 11’était grevé d ’aucune inscription : c’était un
(•) i.es expéditions de ces acquisitions partielles sont
(2) Les deux liaux à ferme sout rapportés.
rapportées.
�( * 9 .)
fait à. vérifier ; il ne restait donc que l ’hypolhèquo
légale de la femme, réglée depuis, par jugement du
3 août 1 8 1 6 , à la somme de 7 7 1 9 fr. 66 c. ( 1 ) ; h y
pothèque
légale q ui avait
d ’ailleurs pour
garantie
d ’autres propriétés du m a r i , et notamment une vigne
de vingt-six œuvres, située aux Roches; un pré situé à
T h è d e , ces deux objets vendus à la veuve G a r d y ,
moyennant la somme de 7600 francs; en fin , une cave
placée à Clermont.
C e t aperçu montre que le transfert d ’ hypothèque
que demandait G i r a r d , loin d ’être nuisible à la veuve
V i ll e v a u d , devait, au contraire, lui être avantageux :
un domaine présentait en effet une garantie plus sure
q u ’une maison de ville, sujette à des accidens difficiles
à prévoir; mais si l ’on ajoute que la veuve V i l l e v a u d
n ’avait pas d ’ hypothèque sur la maison; q u ’elle n ’était
pas même saisie vis-à-vis le sieur Fongheasse, par une
acceptation de la somme q u ’ il pouvait devoir au sieur
Girard (circonstances ignorées du sieur C h am b a u d ) ,
on demeurera encore plus fortement convaincu que
l'affectation d ’ Ilypothèque offerte par
Girard
était
u t il e , et même indispensable à la veuve Villevaud .
Quoi q u ’il en soit, ces conventions se méditaient
entre le sieur Girard et la veuve Ville vau d : eux seuls
pouvaient connaître leur position respective, l ’état de
leurs propres affaires; et le sieur C h am b a u d ne pou
(1) L a noie de ce jugement est rapportée.
�vait y être appelé que pour rendre le service auquel
il s’était engagé, en accordant un sursis à la veuve
Ville vaud .
Mais la veuve Ville vaud prenait des renseignemens j
elle savait ou avait pu savoir que lé sieur Clia mbaud
avait voulu acheter le domaine de la Garandie.
Cette
veu ve, comme débitrice du sieur C li a m b a u d , avait
avec lui des relations qui étaient devenues plus fré
quentes par la nécessité où elle se trouvait d ’en obtenir
un sursis pour pouvoir traiter avec Girard.
L e sieur C h a m b a u d fut donc interrogé par la veuve
Vi ll ev a ud; il lui fit franchement connaître ce q u ’il
savait de l ’état des choses; m ais, pour qu'elle put
s’éclairer davantage et vérifier par elle-même tout ce
q u ’il lui était important de savoir, le sieur Cliam b aud
remit à cette veuve une note à consulter, qui fait pièce
au procès, et qui est ainsi conçue :
« Il existe une h y p o t h è q u e d e i i ,000 francs, que la
« veuve V ill ev a u d a placée sur une m a i s o n à Gler« mont (1). On demande q u ’elle en donne main-levée,
(1) L e sieur Cliambaud ignorait donc que la veuve Villevaud nravait
point d'hypothèque sur la maison Fongheassp; il ignorait également
que cette femme n’était point saisie, vis-à-vis le sieur Fonghcasse, du
montant de l’obligation du i 3 mai 1809 : la veuve Villevaud avait
soigneusement caché ce fait au sieur Chambaud, qui avait cependant
le plus grand intérêt à le connaître, puisque l’hypothèque de la maison
Fonghcasse devait £tre la garantie de la vente du pré Dalbiat, et que cc
pie avait été donné pour hypothèque de l'obligation consciUic par la
veuve Villevaud au sieur Chambaud.
�( «
)
i< pour le transfert sur un bien de montagne, de la
« valeur de 3 o,ooo francs, q ui n ’est grevé d ’aucune
« hypothèque. »
Q u ’avait
à faire la veuve V ill ev au d ? Sa conduite
et ses démarches étaient réglées par la note qui lu i
avait
été remise, et rien n ’était plus facile à obtenir
que les renseignemens q u ’elle avait à prendre. Elle
devait s'enquérir de la valeur du domaine de la Garnndie : les gens du pays pouvaient lui donner, sur ce
f a i t , les détails les plus minutieux et les plus exacts;
la veuve Ville vaud devait les consulter. C ’est aussi ce
q u ’elle a fait ( i ) .
E l l e devait ensuite rechercher si le domaine de la
Garandie était ou non libre d ’inscriptions. U n certi
ficat du conservateur des hypothèques devait lui faire
connaître ce fait; et un homme d ’affaires pouvait l u i
apprendre que l ’hypothèque légale de la femme affecte
les biens du mari. L a veuve V i ll e v a u d prend encore
ces renseignemens : c’est le sieur Chevalier qui a été
consulté par elle, et qui lui a p r o d u it , avant l ’act e,
comme elle le reconnaît elle-même, un certificat né
gatif d ’inscription.
Après avoir obtenu tous ces renseignemens, la veuve
Villevaud arrête définitivement ses conventions avec
le sieur Girard. Chevalie r, notaire à C le rm ont, devait
recevoir leur acte et en être le rédacteur; il a v a i t ,
(i ) Ce fait est prouvé au proct's, par une déclaration de Charles
Constant.
�comme on a v u ,
toute la
confiance de la veuve
V i l l e v a u d , et avait été chargé par elle de vérifier si le
domaine de la Garandie n ’était grevé d ’aucune ins
cr iption.
L e 27 janvier 1 8 1 4 5 Girard et la veuve V illev aud
se rendirent d a n s ' l ’ étude du notaire Chevalier. L e
sieur C h am b a u d ne devait y paraître et n ’y parut
r ée ll em en t, que pour remettre à la veuve Ville vaud
la promesse de suspendre pendant un an l ’expropria
tion q u ’il voulait diriger contre elle. C e j o u r même
C hevalier produisit à la veuve V i ll e v a u d un certificat
négatif d ’inscription (elle convient de ce fait). Elle
consentit alors à ce que le sieur Fongheasse se libérât,
hors sa présence, envers le sieur G i r a r d , du montant
de l ’obligation du i 3 mai 1809, et r e ç u t , pour ga
rantie de la vente que lui avait consentie G i r a r d ,
le 21 juillet 1808, une affectation hypothécaire sur
le domaine de la G a r a n d i e , a v e c convention q u ’elle
pourrait prendre d e s u i t e inscription sur celle pro
priété.
L e sieur C h a m b a u d était entièrement étranger îi
cet acte. Il 11e pouvait être garant d ’aucune des suites,
soit q u ’elles fussent favorables ou nuisibles aux intérêts
de la veuve Villev au d. C ’était sur-tout à cette dernière
à surveiller son inscription, ou au moins au notaire
C h e v a l ie r , q ui avait été le directeur principal de cette
affaire, et q u i , par élat comme par devoir,
devait
"veiller à ce q u ’il ne fut porté aucune atteinte aux
droils d'une clie nl e, sur les volontés de laquelle il
�( 23 )
■avait acquis tant d ’empire. C est cependant le retard
mis à l ’inscription de la veuve V i ll e v a u d , qui a été la
véritable origine du procès actuel \ et on verra bientôt
comment cette femme a conçu le projet de rendre le
sieur Ch am baud garant du préjudice q u ’elle a éprouvé,
par suite de sa négligence ou de la prévarication d u
sieur Chevalier.
Quoi q u ’il en soit, les sieurs G ir a rd et C h e v a lie r,
ayant o b t e n u , par l ’effet de l ’acte du 27 janvier 1 8 14 ,
la libre disposition de l ’obligation Fongheasse, pen
sèrent, dès-l’instant m êm e, à l ’utiliser, et à se pro
curer de l ’argent en la négociant. Cet te obligation fut
immédiatement colportée dans toute la ville de C le r m o n t , et présentée à plusieurs riches capitalistes,
parmi lesquels on peut citer les sieurs Pejoux-Vialefont
et Bonne-Lavie.
L e sieur C h a m b a u d ne s’occupait point de ces né
gociations. Absolument étranger aux affaires des sieurs
G ira rd
et C h e v a l ie r ,
n ’ étant
le créancier d ’aucun
d ' e u x , il devait peu lui importer de savoir ce que
deviendrait l ’obligation du i 3 mai 1809, et en quelles
nxaius elle passerait.
Cependant les efforts du sieur Girard pour négocier
cette obligation , son empressement à obtenir de l ’ar
g e n t , le retard q u ’il mettait à faire honneur à scs
propres engagemens,
avaient
excité l'inquiétude do
quelques-uns de ses créanciers, et devaient bientôt
rendre public le mauvais état de scs affaires.
L a première notion q u ’eut le sieur Chambaud à ce
�sujet, lui fut donnée par un sieur C ham b aud-B la n ch a rd , son paient au huitième degré.
L e sieur Chai nb au d-Bla nch ard était créancier de
G i r a r d , d ’ une somme de 2444 francs, en vertu d ’un
titre. Il faisait des démarches actives pou r obtenir le
paiement de sa créance ; et le sieur Girard , pour
éviter des poursuites , lui proposa de le subroger à
l ’obligation du i3 mai 1809, mais sous la condition
expresse que ce q ui r e s t e r a i t d u sur le montant de
cette o b l i g a t i o n , la créance d u sieur C h a i n b a u d Blanchard dé du it e , serait payé comptant.
L e sieur C ham baud -B lancha rd lit alors connaître
à son parent sa position envers G ir a r d , et la proposi
tion qui lui était faite par ce dernier. L e sieur C h a m
b a u d lui conseillait d ’accepter; mais le sieur Cliamb a u d - B l a n c h a r d , craignant d ’être obligé d ’en venir u
une expropriation pour être payé du sieur Fongheasse,
montrait de la r é p u g n a n c e ;i s o u s c r i r e cet e n g a g e m e n t .
Il disait, d ’ailleurs, q u ’ il 11’avait pas les f o n d s n é c e s
saires pour payer le surplus du montant de l ’obligation.
Il engageait même le sieur C h a m b a u d à se réunir à
lui pour l ’acquérir; mais ce dernier, se trouvant dans
la même position de son parent , et 11’ayant point
d ’argent disponible , refusa d ’accéder à l ’invitation
du sieur Blanchard; et, pour le m om en t, ce projet
fut abandonné.
h Mais le sieur C h a m b a u d fut bientôt instruit d ’ un
tait qui devait lui donner de plus vives i n q u i é t u d e s .
Il rencontra M ' D e l a u u e , défenseur a g r é é a u tribunal
�■ ( »5 )
de commerce de Clermont , et tenant
un bureau
' d ’agence dans cette ville. Me Dclaune p o u v a i t , par Ja
nature de ses fonctions, connaître la position du sieur
Girard. Il ne craignait pas de dire que les affaires de ce
notaire étaient en très-mauvais é t a t , et se rendait à
Chamalière pour obtenir le paiement de deux effets,
montant ensemble à 3 o 5 o francs. M e Delaune montra
même ces deux lettres de change au sieur C h a m b a u d ,
qui vit avec douleur que l ’ une d ’elles était souscrite
par G i r a r d , et endossée par B o u c h e t, de R o y a t , et
Pautre souscrite par B o u ch et lui-même, avec l ’endos
sement de Girard.
C ette communication affligea profondément le sieur
C h am b a u d : le sieur Bouchet était secrétaire de la
mairie dont le sieur C h am b a u d était maire \ le sieur
Bouchet avait été et était encore le précepteur des
deux fils du sieur C h a m b a u d . L a fille de ce dernier
avait eu pour nourrice la femme du sieur Bouchet ;
de manière que tout semblait lui faire un devoir de
venir au secours d ’un malheureux qui pouvait être
victime de son obligeance et de sa trop grande confiance
au sieur Girard. D ’un autre côté, le sieur Bou ch et
était hors d ’état de supporter une perte considérable :
toute sa fortune se composait de 8000 fr. d ’immeubles;
ses travaux étaient d ’ailleurs peu lucratifs, et 3 ooo f r . ,
actuellement exigibles ,
traîner sa ruine.
devaient nécessairement e n
L e sieur Chambaud n’hésita point sur le parti q u ’il
avait à prendre : il voulait être utile au sieur Bouchet
4
�^fA
( 26 )
et employer toutes ses ressources pour le secourir ;
mais il lui était indispensable de connaître préalable
m e n t , et au ju ste , la position de celui q u ’il voulait
obliger; aussi, dans le premier mom ent, se borna-t-il
à prier M e Delaune de ne rien pr éc ip it er, et de lu i
accorder quelques jours de réflexions.
L e sieur C h a m b a u d eut un entretien avec Bouchet.
C e malheu re ux , séduit par G i r a r d , avait eu la fai
blesse de le cautionner pour une somme de 7700 f r . ,
et frémissait en mesurant la p r o f o n d e u r d e l ’abîme
q u ’il avait ouvert sous ses pas. L e sieur C h a m b a u d
avait bien quelques ressources; il était créancier d ’obli
gations assez considérables, et d ’une rentrée certaine;
mais il lui fallait de l ’argent pour acquitter les effets
dont M e Delaune était porteur.
L e sieur C h a m b a u d , en obligeant le sieur Boucliet,
un double o b j e t , celui de payer la créance D e
l a u n e , p o u r l a q u e l l e 11 é t a i t menacé de poursuites
rigoureuses, et de lui faire o b t e n i r u n n a n t i s s e m e n t
avait
pour les sommes q u ’ il avait déjà payées ou q u ’il devait
encore pou r le compte du sieur Girard.
C o m m en t le sieur C h a m b a u d s’y prit-il pour a t
teindre le b u t q u ’il se proposait ?
Il était créancier, d ’un nommé Charles C o n s ta n t ,
d ’ une somme de 3 ooo f r . , et son obligation avait une
montagne pour hypothèque.
Charles Constant avait
d ’autres créanciers, parmi lesquels figuraient les sieurs
Be rn ard,
marchands
ferrailleurs à Cle rmont , ‘l 11*
poursuivaient son expropriation; mais l ’ un d ’eux ayant
�t 27
ftccjuis la p r o p r i é t é de Charles C o n sta n t , moyennant
lu somme de 12,000 fr. , un 01 die oniiiiblc fut ouvert
devant Me Taché ,
notaire à C le r m o n t j et le sieur
C h am b a u d put bientôt s’assurer q u ’ il ne devait être
payé
de sa créance q u ’au g mai 1 8 1 5 . C e délai était
lon g, et ne s’accordait pas avec l ’emploi que le colonel
C h a m b a u d voulait faire de ces fondsj aussi, en exa
minant l ’ordre, le colonel s’étant aperçu que le sieur
( Moriu , banqu ie r,
également créancier de
Charles
C o n s t a n t , d ’une somme de 3 ooo francs, devait être
payé très-prochainement du montant de sa créance 5
sachant d ’ailleurs que
son beau-frère, le sieur B u
jadoux, orfèvre, était l u i - m ê m e créancier d u sieur
M o rin , fit des démarches pour obtenir un changement
de rang, et parvenir à être colloqué à la place du sieur
Morin. Cela fut effectivement exécuté : Morin donna son
mandat en paiement au sieur Bujadoux, q u i consen
tit à ce que le colonel C h a m b a u d en fit usage *, de
cette m an iè re ,
ce dernier accéléra la rentrée de sa
créance, et se trouva dans la position d ’être utile à
Bouchet (1).
Ces précautions étant prises, le colonel Chambaud
(0
Tout cela est prouve, i° par la quittance donnée par Morin à
Cliailcs Constant, de la somme de 3ooo francs payés par les sieurs Closel
et Joseph Bernard, acquéreurs de ses Liens; 20 par une procuration,
du
avril i 8 i 5 , donnée par le colonel Chambaud au sieur Bujadoux
pour sc faire payer, par les sieurs Closcl et Bernard, de la somme de
3 ooo francs cjui lui ¿luicul dus par Constant ; 3 ° par une déclaration
�( »8 )
revit le sieur C h am b a u d - B la n c h a r d , et ils convinrent
d ’accepter, chacun pour moitié,
la subrogation de
l ’obligation Fongheasse, que le notaire Girard devait
leur faire; mais comme le colonel n ’avait d ’autre b ut ,
dans celte affaire , que celui d ’exercer un acte de
bien faisance envers Bou ch et , et d ’empêcher q u ’il ne
fut victime de la confiance trop légère q u ’il avait eue
en G i r a r d , il fut convenu avec ce dernier que le
colonel arrêterait les poursuites de M e D e l a u n e , en
payant ses créances, et q u e , sur le r e s t a n t du prix
de la cession, Bouchet serait mis à couvert des sommes
q u 'il avait empruntées ou cautionnées dans l ’intérêt de
Girar d.
Les deux cédataires atteignaient ainsi leur b u t :
C h a m b a u d - B la n c h a r d , créancier de. G i r a r d , obte
nait le paiement de sa créance, et le colonel servait
ses affections, en rendant service à Bouchet. Aussi ,
tout étant ic gl e, le 5 fcvn cr 1 8 1 5 et i>ar
acte reçu
A
»
C h e v a l ie r , notaire, G ir ard transporta, avec subroga
tion , au colonel C h a m b a u d et ail sieur C h a m b a u d Bl anch ard , l ’eiFet de l ’obligation Fongheasse, du i 3
mai 1809, et de l ’inscription qui l ’avait suivie.
Ce
du sieur lîujadoux, du 22 janvier 1822, qui établit qu’ il y a eu
changement de rang entre Bujadoux et le colonel; que les fonds pro
venant de la créance Moriu ont été employés à payer le prix de la
cession Fongheasse, et ont été touchés par M 0 Delaune, qui les a
reçus comme créancier ou fondé-de pouvoir des créanciers de Girard
cl Bouchet.
�( 20 1
transport fut signifié à Fongheasse, le 22 du
même
mois.
Les sieurs C h am b a u d avaient, comme on l ’a v u ,
accepté, chacun pour moitié ,
l ’effet du
transport
du 5 février 1B 1 4 ? dont le prix n ’était autre que la
somme de 10,862 fr. 5 o c . , montant de l ’obligation
du i 3 mars 1809.
Il
est
inutile
de
rechercher
comment
le
sieur
Ch am baud-B la nchard s’est acquitté de sa moitié du
prix de cette cession, pu isque, plus heureux que le
colonel , il a pu échapper aux poursuites et aux diffa
mations de la veuve V i l l e v a u d , quoique seul il fût
créancier du sieur G ir a r d ; mais il est indispensable
de faire connaître les moyens employés par le colonel
pour opérer sa libération.
Ces moyens furent simples, et sont déjà suffisamment
indiqués par ce que l ’on connaît des faits de la cause.
M e Delaune était porteur de deux effets; le premier,
à éch éance le 20 mai 18 14 5
somme de 2000 f r . ,
souscrit par Girard et endossé par Bouchet; le second,
qui devait échoir le 22 du même m ois, de la somme
de i o 5 o fr. , était souscrit par Bouchot et endossé par
Girard. L e colonel C h am b au d paya ces deux créances
moins 5 o f r . , et en retira les litres. Ensuite le colonel
C h a m b a u d , pour s'acquitter dos ?.4 3 i b ‘*
centimes
restant pour parfaire la somme de 5 /|3 i fr. 2S c e n t . ,
prix de la subrogation de l’obligation de 10,862 fr.
5 o centimes, dont ¡1 avait acquis la m oit ié, fit remise
à Girard d ’obligations qui lui étaient ducs par dift’é-
�( 3o )
rens particuliers; et ce dernier, à son t o u r , suivant
la convention qui avait été arrêtée, en transporta à
Bouchet ce qui lui était nécessaire pour le nantir des
sommes q u ’il avait payées ou devait payer à sa dé
charg e, et le mettre à couvert des effets des cautiounemens q u ’ il lui avait prêtés (i ).
Si l’on s’arrête un instant sur ces faits, la réflexion
la plus sérieuse ne saurait permettre d ’y apercevoir,
ni l ’intention du c o l o n e l de trom per la veuve V illev aud ,
ni même la possibilité que cette veuve souffrit le plus
léger préjudice par l ’effet du transport fait aux sieurs
C h a m b a u d , si toutefois elle avait eu la précaution de
surveiller ses droits.
E n effet, s’il est vrai que l ’intérêt soit le mobile
le plus ordinaire des actions des h om m es , et q u ’il
faille rechercher, dans l ’am ou r de soi-même mal en
tendu , l a cause ou l ’origine des actes qui affligent
la morale ou t r o u b l e n t l a s o c i é t é , ou se demande
( i ) Ces faits sont prouvés , i° par le rapport de l ’effet de iooo francs,
acquitté des deniers du sieur Chambaud; 2° par un extrait du livrejournal de M® Delaunc , établissant que le colonel Chambaud a payé les
deux effets qui étaient dus par Girard et Bouchet ; 3° par la déclaration
de six débiteurs du colonel Chambaud, donnée devant Pclissière, notaire
à Chamaliérc, le
23 janvier
1822, prouvant qu’ils ont payé aux sicnrs
Girard et Bouchet ce qu’ ils pouvaient devoir au colonel Chambaud,
savoir : à Girard, la somme de 1700 f r . , cl à Bouchet, celle de 700 fr. ,
faisant ensemble les 2^00 fr. qui étaient encore dus par le sieur Clmmfoaiul, pour s’acquitter du prix du transport que lui
Girard.
avait
consenti
�( 3. )
vainement les motifs qui auraient pu porter le colonel
C h a m b a u d à nuire à la veuve Y illevau d . L e colonel
ne pouvait porter à cette femme ni haine n i a ffection
personnelle : leur position sociale les tenait à une trop
grande distance l ’un de l ’a u t r e , pour q u ’aucun de ces
pù t déterminer sa volonté ou influencer sa
sentim ens
conduite. Si l ’on consulte les intérêts pécun iaires q u i
seuls pouvaient établir quelques relations entre ces'x
deux ind iv idus, on s’assure que la veuve Y il l e v a u d
devait au colonel C h a m b a u d Gooo fr. , somme bien
considérable pour sa fortune. C e cap it al, si important
pour le colonel, avait pour hypothèque et garantie'
p rin cip ale
le p r é provenu du sieu r d ’A lb ia t : ainsi
le colonel C h a m b a u d , loin de chercher à nuire à la
veuve Y i l l e v a u d , devait au contraire, dans son in térêt'
p er so n n el, vivement d é sire ra i fa ir e tout ce q u i pou
vait coopérer à la prospérité des affaires de sa dé b i
tr ic e , et à assurer ainsi l ’effet de l ’ hypothèque q u ’il*
avait sur ses biens.
U n sentiment aussi naturel était-il combattu par
des a ffection s ou
un
intérêt c o n t ra ir e , assez
fort
pour porter le colonel à se nuire iï soi-m êm e , en
causant
un
préjudice à la veuve Y il l e v a u d ?
Mais
aucune intimité n ’existait entre le colonel et le notaire
G i r a r d ; toutes leurs relations se bornaient à celles
que faisaient naître leurs fonctions d ’administrateurs
de la même mairie. L e colonel ne connaissait point
l ’état des affaires <le G ir a r d ; la circonspection de ce
dernier les avait entourées du voile le plus épais, voile
�(
que le
colonel
n ’avait
)
aucun intérêt
à soulever,
puisque Girard ne lu i devait absolum ent rien y fait
important et dont la certitude est aujourd’ hui acquise
au procès, puisque tous les efforts de la veuve Villevaud ont été inutiles pour établir que le colonel f û t
créancier de G ir a r d , et q u ’elle en est ré du it e, sur ce
f a i t , à ses assertions personnelles, q u i , dans tous les
cas, seraient insignifiantes, mais dont le mensonge est
encore prouvé par la conduite odieuse et coupable çle
cette femme. O u sent assez q u e l ’ i n t é r ê t q u e Bouchet
inspirait au colonel ne pouvait être ni assez v i f , ni
assez a v e u g l e , pour le porter à pratiquer une fraude
dont il aurait été la première victime.
E n f i n , si le colonel C h a m b a u d eut désiré la cession
de l ’obligation du 1 3 mai 1809, et q u ’ il eût pensé
q u ’il était de son intérêt de l ’ob te nir, avait-il besoin
pour cela de la coopération de la veuve V i ll ev au d , et
de la porter à s o u s c r i r e l ’acte du 2 7 janvier 1 8 1 4 ? “
]\Iais la veuve V ill ev a u d était é t r a n g è r e îi l ’obligation
Fongheasse; elle n ’y était point partie; elle ne l ’avait
point acceptée; elle ne se l ’était appropriée par aucune
notification ,
ni même par aucune
inscription ; de
manière que cette obligation était toujours restée à la
disposition de G i r a r d , qui pouvait ou en recevoir le
m o n t a n t , ou en transmettre les effets à un tiers, hors
la présence de la veuve V i l l e v a u d , sans que le cédataire eut rien à craindre des oppositions ni des pour
suites de cette femme.
Cette démonstration
devient
encore
plus
évi
�(
33
)
d e n t e , si l ’on consulte la position de la veuve Villevau d.
Comme on l ’a d i t , l ’obligation Fonglieasse ne lui
transm ettait
aucun d r o i t , pu isq u’elle n ’y était point
pa rti e, et q u ’elle ne se l ’était appropriée par aucun
acte. L acquisition q u ’elle avait faite de Girard était
donc dépourvue de toute espèce de garantie, jusqu’à
l ’acte du 27 janvier 1 8 1 4 ; mais, par cet acte, la veuve
Vi ll ev aud acquérait une hypothèque sur le domaine
de la G ara n die, qui n’était grevé d ’aucune inscription,
ainsi que cette femme le reconnaît elle-même, et que
l'établit d ’ailleurs le certificat qui est rapporté; donc
la veuve V i l l e v a u d , loin de faire aucune perte ou de
compromettre ses intérêts en souscrivant cet act e,
faisait au contraire une chose qui lui était avantageuse
sous tous les rapports , et portait ainsi remède aux
suites funestes de la négligence q u ’elle avait mise à
s’approprier l ’obligation Fonglieasse.
Mais pour que l ’acte produisit des effets avantageux,
il fallait q u ’il fût exécuté, et q u e , suivant ce qui y
est prescrit, l ’inscription à laquelle il donnait droit
fut prise de suite. L a veuve Vill ev a ud néglige une
formalité aussi essentielle, ou au moins elle ne la
remplit que le 11 mai 1814 5 quatre-vingt-treize jours
après l a c t é du 27 janvier; e t , pendant ce te m s, u u
sieur B o u ch o t, de C l e r m o n t , poursuit Girard pour le
contraindre au paiement d ’ une somme de 5 ooo francs.
Il obtient de son débiteur une hypothèque sur le
domaine de la G a ra n d ie , prend inscription le même
�34 )
jour que ïa veuve V i l l e v a u d , et se trouve ainsi en
(
concurrence avec elle.
L a veuve Vi ll ev aud ne devait imputer q u ’à ellemême les effets de sa propre négligence; mais au moins
si elle voulait adresser à q u e l q u ’un des reproches
fon d és, elle ne pouvait raisonnablement se plaindre
que du
notaire C h e v a l ie r , en qui
elle avait placé
toute sa confiance.
Il
faut en effet c o n v e n i r q u e cet homme paraît avoir
cruellement abusé du ci'édit q u ’ il avait a c q u i s dans la
ville de C l e r m o n t , et q u e , comme beaucoup d'autres,
la veuve V i ll e v a u d a été sa victime.
Les notaires Chevalier et Girard étaient liés d ’amitié
et d ’intérêt; leur chute devait être prochaine; et ils
sentirent la nécessité de réunir leurs efforts pour en
reculer l ’instant et cacher l ’ état de leurs affaires. Pour
c e la , il f a l l a i t , autant que possible, éviter ou retarder
tout CC q ui pouvait d o n n e r fies c r a i n t e s s u r leur solva
bilité , ou diminu er leur crédit; de là le retard mis
par Chevalier à l ’ inscription de la veuve V i ll ev a u d
contre Girard. Il est même à présumer que l ’inscrip
tion n ’aurait point été prise, si l ’audace de ces deux
notaires n’eù i éveillé la surveillance du colonel C h am b aud .
L ’obligation Tongheasse avait été reçue par C h e v a
lier. C e notaire et son associé Girard vouluren t abuser <1«
la m i n u t e , q u ’ils colportaient chez tous les c a p i t a l i s t e s
de C l e r m o n t , afin d ’en faire ressource et de la eeder
Une seconde f o i s , après le t r a n s p o r t q u ’ils en avaient
�(
35
'
)
consenti aux sieurs C h a m b a u d , le £> février i 8 i 4 * L e
colonel, informé de ces démarches, app rit 'b ie n tôt-,
par de nouvelles informations, que l ’ inscription de la
veuve V i l l e v a u d avait été négligée. Cette d o u b l e per
fidie devait exciter toute l ’indignation d’ un militaire :
aussi le
colonel
Chambaud ,
dont
l ’activité
était
doublée par un ressentiment bien légi tim e, m u lti
pliait-il les démarches pour découvrir C h e v a lie r, q ui
l ’évitait
avec le plus grand s o i n ,
et
parvint-il à
l ’o b l i g e r , tout à-la-fois, à prendre inscription pour la
veuve V i l l e v a u d , et à renoncer au projet d ’escroquerie
avait conçu.
Considérée sous ce point de vu e, la position de la
q u ’ il
veuve Vi llevaud était malheureuse. L e colonel C h a m
b a u d , il est v r a i , n ’avait rien à sc reproch er, même
dans le for i n t é r ie u r } sa conduite était conforme aux
règles prescrites par la délicatesse la plus susceptible ,
et devait être approuvée par tout homme d ’honneur.
C e p e n d a n t , d ’ un autre c o t é , on ne pouvait se défendre
d ’ un sentiment de pitié pour une foin nie de la classe
d e l à V i l l e v a u d , sans instruction, présumée 11 avoir
aucune connaissance en affaires, et dont l'hypothèque
avait péri, ou au moins était considérablement dimi
nuée par la prévarication du notaire, dont le devoir
était de 1’asSurcr et de la conserver; niais cet intérêt
cesse, et se change même bientôt en un sentiment
d ’ indignation bien v i f , si l’on examine de plus près la
conduite de la veuve Villevaud.
L e tort q u ’avait souffert cette femme pouvait aisé
�ment se réparer : le notaire Girard laissait des res
sources suffisantes pour l ’ indemniser, si toutefois elle
eût profité de ses avantages, et apporté à la conserva
tion de ses droits un peu de vigilance et d ’activité.
M a i s , loin de-là, la veuve Vill ev aud néglige toute
précaution , n’exerce aucune des actions que la loi lui
o u v r a it, laisse échapper son gage, v en d u te v i l p r ix ,
s’évanouir toutes les autres ressources de son débiteur;
dédaigne même de produire à l ’ordre; et l'o n ne saurait
comment expliquer une négligence'aussi s o u t e n u e et
aussi déplor able, si l ’événement ne venait apprendre
que cette étrange conduite était le fruit de la médi
ta tion, et combinée pour servir bientôt de prétexte
aux diffamations que cette veuve s’est permises, et à
l ’action odieuse
q u ’elle a dirigée contre le colonel
Chambaud.
Quelques détails sur ces faits sont indispensables.
1° A 1 époque d e l a d i s p a r i t i o n de G i r a r d , le do
maine de la Garandie fut abandonne, et les bestiaux
q u i l ’animaient furent vendus.
La veuve Y il levau d
pouvait veiller à la conservation des récoltes et du
prix de ces ventes; elle devait même faire tous ses
efforts pour s’en emparer et en profiter; cependant la
veuve Y il lev a u d ne fait aucune démarche, ne prend
aucune
précaution, et, cette première ressource lui
échappe.
2° Il est établi, par le rapport des actes, que G i r a r d
avait acquis les différons héritages composant 1« do
maine de la G a ra n d ie , moyennant 22,8/1 î ir. 20 c .;
�e t , par les baux à fe rm e, que cette propriété était
d ’un revenu de i 4 T9
ainsi,
bien é v i d e m m e n t ,
le domaine valait au moins 3 o,ooo f r . , sur-tout si on
ajoute l ’augmentation du prix q ui devait résulter de
l ’adjonction des best ia ux, des plantations et répara
tions faites par G ir a r d , et de la construction de bàti
mons pour l ’établissement d ’ un m o u l in , objet qui seul
va ut plus de 3 ooo fr. Cependant une propriété aussi
précieuse est vendue moyennant 9000 fr. L a vilité du
prix de la vente était évidente. L a veuve Y i l l e v a u d ,
comme créancière in scr ite , avait le droit de faire une
surenchère : elle n ’ use point de cette facu lté, et , par
sa négligence, elle laisse ainsi disparaître et s anéantir
les deux tiers de son gage. Mais la veuve Y i l l e v a u d
connaissait la valeur du domaine de la Garandie }
outre la note à consulter, q u ’elle avait obtenue d u
colonel C h a m b a u d , elle avait pris des renseignemens
avant Vacte du vingt-sept ja n v ie r 1B x4 ? postérieure
ment à la v e n te , elle renouvela ses démarches; et ,
ayant obtenu les mêmes résultats, elle manifesta 1 in
tention de faire
u n e
surenchère ; mais plus ta rd, ses
dispositions changèrent, et elle ne craignit pas de dé
clarer que si elle avait abandonné ses d ro its, c ’est
p arce q u e lle avait un b illet de garantie du co lo n el
Chant ban d (1).
3 ° Un ordre est o u ve rt, et la veuve Y il le v a u d ne
(1) Une déclaration de Châties Cuiütaut, du
commitc tous ces faits.
23
janvier 182a, fait
�( 38 )
fait aucune production. Cependant elle ne pouvait être
primée que par
l ’ hypothèque légale de la femme ,
hypothèque légale q u ’e lle con n a issa it, et qui avait
été fixée à la somme de 7 7 1 9 fr. Go c. , par jugement
du 3 août 1 8 1 6 , et q ui d ’ailleurs était éteinte,
ou
au moins pouvait l ’être par la valeur des autres pro
priétés appartenant à Girard. L a veuve V ill ev a ud était
ensuite en concurrence avec le sieur Bouchet, de C le r
m o n t , dont la c r é a n c e était de ^996 fr. ; mais cet
objet devait nécessairement souffrir une d i m i n u t i o n
considérable, s’il n ’était même totalement acquitté par
l ’effet de la saisie que Bouchet avait faite du cau
tionnement de G ira rd et de l ’usufruit de la moitié
des biens de sa femme, à laquelle il avait survécu ;
précautions que la veuve Y il l e v a u d avait entièrement
■négligées de prendre dans son intérêt (1).
Voila b i e n des négligences. U n abandon aussi com
plet, de la part de la v e u v e " V i l l u v a u d , d e s m o y e n s qui
pouvaient lui conserver ses droits, serait inconcevable,
si les faits ne venaient ensuite apprendre quelles étaient,
en agissant ains i, les véritables intentions de cette
fem me.
L e colonel C h a m b a u d avait été maire d eC ham aliè re
(1) Le certificat d’inscriptions, rapproché des titres qu’ il relate, et
qui sont rapportés, prouve que la veuve Villcvaiul n'était primée <[,|U
p:»r l'hypothèque légale de la femme, et venait en concurrence avec
Bouchet, les autres inscriptions étaiil prises sans droit, et les créances
ayant été acquittées.
�et de Royat jus qu’en juillet i 8 i 5 . L a veuve V ill e v a u d
avait un fils soumis à. la conscription , et x’eforme, le
3 décembre i 8 i 3 , comme estropié et infirme.
Cette
femme était encore débitrice du colonel d ’une somme
de 6000 f r., dont elle s’était libérée le 1 5 février i 8 i 5 :
elle réunit tous ces faits, les combine péniblement; et,
aidée des conseils d ’ un homme profondément immoral,
parvient à ourdir un plan de calomnies et, de diffama
tions, à l ’aide duquel elle espère donner quelque fa
veur à l ’action q u ’elle veut diriger contre le colonel.
Cependant la veuve V i ll e va u d n ’avait encore aucune
idée fixe, ni plan définitivement arrêté; la nombreuse
série de ses suppositions, contradictions et mensonges
ne devait être inventée ou produite q u ’en d é t a il , et
suivant les besoins de sa cause.
L a première idée q u i préoccupa la veuve V i ll e v a u d
et son conseil intime fut q u ’il lui fallait un titre pour
légitimer une demande contre le colonel C h am b a u d :
cela était embarrassant; le colonel ne l u i avait rieu
promis : il ne lui avait remis q u ’ une note à consulter,
propre à la diriger dans les démarches qu elle avait à
faire et dans les renscignemeps q u ’elle avait à recueillir;
mais ces difficultés devaient être bientôt surmontées
par les heureuses dispositions de la veuve V i l l e v a u d ,
aiclee du génie de son digne coopérateur. La note à
consulter, du colonel C h a m b a u d , devait servir deb a se
à l’écrit que l’on m éd it a it ; e t , au moyen d ’ un chan
gement et d ’une addition, ajoutés à la rédaction
la
veuve Vill ev aud se fait écrire et fa b r iq u e r un titre ,
�C 4o )
q u ’elle dépose, le 3 juin 1 8 1 8 , chez Me C â v y , notaire
à Clernicmt.
C e tt e pièce est ainsi conçue r
« Il existe une hypothèque de 11,000 francs, que la
« veuve V i l l e v a u d a placée sur une maison à C lerm on t,
« et
je
« sur
lu i
dem ande
main-levée pour la faire transférer
un domaine de m o nt a g n e , de la valeur
de
« 3 o,ooo f r . , qui n ’est grevé d ’aucune hyp ot hèq ue,
«
e t JE PROMET S LA. G A R A N T I R E T L A F A I R E T E N I R Q U I T T E .
« S ig n é A .
Si
CllAM BAUD.
»
l ’on rapproche cette pièce fausse de la note û
consulter, donnée par le colonel, et rapportée
à
la
page 20, on voit que l ’inventeur, pour faire un billet
de garantie d ’une pièce aussi simp le, n ’a eu besoin,
en la copiant et en la revêtant d ’une fausse signature,
que de faire demander la main-levée
et
p a r le c o l o n e l ,
d a n s son in té r ê t}
en substituant aux mots o n d e
m a n d e , ceux-ci : j e l u i d e m a n d e , e t d ’ a j o u t e r ensuite à
la rédaction de cette note à consulter, la p r o m e s s e d e
garantir et cle fa ir e tenir quitte > comme conséquence
nécessaire de la main-levée que le colonel avait de
mandée, et que la. veuve Vi llevaud devait lui accorder.
C e premier pas f a it, la veuve Ville vaud cite, le
3 août 1 8 1 9 , le colonel C h ain b au d eu conciliation.
Dans cette citation, ou elle demande contre le colonel
le paiement du montant de son obligation, et conclut
à l ’adjudication de dornmages-intérêts, elle expose, eu
termes généraux, q u ’ellq a été victime du dol
etde
la
fraude pratiqués par le colonel pour lui faire souscrire
�l ’acle du 27 janvier 18147 contenant abandon de son
hvpothèque; que cet acte était fait clans les intérêts
du colonel, créancier de G ira rd , q u i , par ce m o yen,
était parvenu à mettre sa créance à couvert; la veuve
Villevaud ajoute q u ’ott ne parlera point de toutes les
m anœ uvres, de tous les m oyens que mit en usage le
co lo n el C h a m b a u d y mais que lorsq u’elle a consenti à
l ’établissement de son hypothèque sur le domaine de
la G ara ndie , le colonel
lui
rem it
un écrit klans leq u el
il lu i prom it toute garantie. A u reste, la veuve V i ll e
vaud ne donne point copie de cet écrit, et n ’indique
pas le notaire chez lequel il est déposé.
Les parties comparurent au bureau
de paix.
La
réponse du colonel fut simple : il n ’est point partie
en l ’acte du 27 janvier 1814 ? cet acte était consenti
au profit de G ir a r d , qui pouvait disposer de l'o bli
gation en faveur de qui bon lui semblerait; ainsi le
colonel ne devait ni ne pouvait rien promettre à la veuve
V ill ev aud; mais le colonel déclarait en outre n ’avoir
ja m a is é c r i t , s i g n é , ni d é l i v r é aucun engagement
à cette veuve; il la sommait de représenter cette pièce,
protestant de
f a u x
} et se faisant, à cet égard, réserve
de toute action civile et criminelle.— L a veuve V i ll e
vaud exhiba alors d ’une expédition d ’ un acte de dépôt
de cette pièce chez C a v y , notaire, et ajouta que si
çet écrit 11 était p a s du c o lo n e l, ce serait une nou
v elle supercherie q u ’elle n’a f>u soupçonner.
Ainsi, en réunissant ce qui est contenu en 'la citar
lion et au procès-verbal, relativement à cette pièce,
6
�t f r i
( 4
0
on voit que la veuve était préparée à répondre aux
objections; que l ’écrit devait être présenté comme
a y a n t é t é r e m i s p a r le c o l o n e l ,
le n iait, la
fa u sseté
lu i
et que si ce dernier
de cet écrit devait être invoquée
comme moyen par la veuve V i l l e v a u d , et être pré
sentée comme l ’ouvrage du colonel, et
une su p erch erie
employée par lui pour tromper la v e u v e , en lui fai
sant
l u i
-
m êm e
rem ise
d ’une pièce aussi importante ,
comme vraile, q u o iq u ’elle fût fausse. L a suite appren
dra comment la veuve V i ll ev au d a été ensuite obligée
de reconnaître la fausseté de cette pi è c e , de l ’aban
d on ner, ainsi que de démentir l ’odieuse fable dont
elle avait accompa^jié cette production.
On
pourrait penser que la résistance du colonel
C h a m b a u d , et les moyens q u ’il employait pour la
justifier, inspirèrent à la veuve V ill ev a u d quelques
craintes, de salutaires réflexions; peut-être même ses
remords l ' e m p ê c h è r e n t en e f f e t , pendant plus de huit
m o i s , de former sa demande ; et il
est p r o b a b l e
que
cette femme n ’aurait point rompu le silence, si le
colonel, pressé par le désir de repousser la calomnie
dont il était l ’o b je t , et sentant d ’ailleurs la nécessité,
dans l ’ intérêt de ses enfans, de détruire et faire dé
clarer fausse la pièce q u ’elle avait osé produire contre
l u i , ne l ’avait lui-même prévenue.
L e 22 avril 1820, le colonel C h a m b a u d somma ,
par acte extra-judiciaire, la veuve V i ll ev au d de dé
cl ar er si elle entendait se servir de la pièce p:>r elle
déposée chez M r C a v y .
C e l l e f e m m e r é p o n d q u ’elle
�C 4 3 -)
F
n ’entend rien aux affaires; que tout ce q u ’ e lle sait ,
c ’est q u e l l e a donné au co lo n el onze m ille fr a n c s
dont elle n ’a rien to u ch é ; d ’ailleurs, la veuve Y i l l e
v a u d , sans s’expliquer sur la pièce qui faisait l'objet
de l ’acte auquel elle avait à répondre, finit par déclarer
q u ’elle
ofire de s’en rapporter à la décision de deux
jurisconsultes.
Cett e réponse est des plus singulières. C e n ’est plus,
en effet, un b ille t de garantie que lu i a remis le
co lo n el C ha m ba ud} pour lui tenir lieu de l ’ hypotbèque
q u ’elle aband onn ait, mais c’est actuellement nnc somme
de 11,000 fr. q u ’elle, veuve Y i l l e v a u d , a donnée au
colonel C h a m b a u d , et q u ’elle réclame. Il n ’est plus
question de pièce ou de titre qui puisse lui donner
action contre le colonel.
Quoi q u ’ il en s o i t , le colonel donna des suites à
cette première démarche. L e 22 mars 1820 , la veuve
Y il l e v a u d fut assignée devant le tribunal
civil de
C l e r m o n t , pour répondre-sur la demande qui était
formée contre elle, i° en d é s a v e u et lacération de la
pièce déposée chez M* C a v y ; 20 en réparation d ’ hon
n eu r , et suppression d ’écrits calomnieux; 3 ° en dommages-intérèts applicables aux pauvres, du consentement
du colonel C h am b a u d .
La veuve Y il l e v a u d était enfin obligée de s’expliquer j
il fallait répondre à la demande du colonel : tous dé
tours, tous subterfuges devenaient désormais impossibles
et inutiles; la vérité allait être connue : et la veuve
Y i l l e v a u d savait bien q u ’elle ne p ou v a it so u te ni r, par
�44 )
aucune ressource, le singulier titre q u ’elle avait eu
(
l ’audace (le se créer.
L a veuve V illev aud hésite encore : près d ’ un mois
s’est écoulé sans q u ’elle se soit arrêtée à aucun parti.
U n retour franc à la vérité pou vait désarmer son ad
versaire et la Justice, lui rendre des droits à l ’estime
q u ’elle avait cessé de mériter; mais le conseil intime
l ’obsède; il lui fait entendre que son ignorance doit la
mettre à l ’abri de t o u t e s poursuites relativement à la
pièce fausse; q u ’elle en sera quitte pour d é c l a r e r que
cet écrit lui a été remis, p a r personnes i n c o n n u e s de
la part du colonel; enfin , la v e u v e , ainsi rassurée,
travaille, de concert avec son digne coopérateur, au
plan de diffamation qui doit être substitué au billet
de garantie f a u x , que l ’on était forcé d ’abandonner.
C ’est alors que la qualité de maire du colonel et de
créa ncier de la veuve J^ illeva u d est destinée à donner
de la force et dé la v r a i s e m b l a n c e a u x moyens de d o l
et de fr a u d e q u ’elle veut employer; le colonel l ’aura
excédée de sollicita tion s verbales, il les aura renouvelées
plusieurs fois par écrit
la veuve "Villevaud s’arrête
là; c’est d ’abord tout'ce q u ’elle invente. Les menaces
du colonel de faire partir son f i l s ,
ses sollicitations
pou r obtenir les écrits q u ’il avait eu l ’imprudence de
lu i adresser, la scène de Chevalier, ne devaient point
figurer dans ce premier plan. L e génie même ne crée
pas tout du premier jet.
Knfin, six ans et sept mois s’étaient
l’acte de transfert
de . l ’ h y p o t h è q u e de
écoulés
depuis
la veuve Ville-
�(45 )
vau d ; la conscription avait ¿té abolie depuis le même
tems; il y avait cinq ans et demi que la veuve V i l l evaud s’était libérée envers le colonel C h a m b a u d ; de
puis juillet
i
8 i 5 , le colonel avait cessé ses fonctions
de maire, et le notaire G ir ard avait disparu dans le
moi s
de novembre de la même année, lorque la veuve
V ill ev a u d , dix mois après la citation en conciliation,
et deux mois après les poursuites que le colonel avait
exercées contre elle, se décide elle-même à former sa
demande, par exploit du 12 juin 1820.
Les conclusions de la veuve Villevaud ont pour objet
de contraindre le colonel k lui rembourser la somme
de 11,862 fr. 5 o c . , q u ’elle prétend que le colonel a
touchée à sa place, dans l ’ordre Fonghasse, et à l u i
payer 6000 francs pour dommages-intérêts.
Si l ’on en croit le libelle de cet exploit, l ’acte du
27 janvier 18 1 4 est n u l , parce q u ’il est le fruit du
dol et de la fraude pratiqués par le colonel C h a m b a u d ,
dans son intérêt, et pour s’approprier, comme créan
cier de G i r a r d , et au détriment de la veuve V i ll e v a u d ,
le montant de l ’obligation Fonghasse. C e dernier a
effectivement employé, pour l ’obtenir, les manœuvres
les plus coupables. Maire de sa co m m une, et créancier
de la veuve V ill ev aud, il a abusé de l'influence que
pouvait lui donner cette double qual ité ; d ’abord il a
employé des sollicitations verbales; les ayant vainement
réitérées, il les a renouvelées p a r é c r it, CE
qui
SERi
JU STIF IÉ y enfin la veuve Vill ev aud n’a été vaincue
que p a r un nouvel écrit (¡ni lu i est p a r v e n u , ( ¡u c llc
/
�a cru être de la main du c o lo n e l, et signe' p a r lu i.
A u re ste , la veuve Vill ev aud ne parle point encore
de la menace que lui aurait faite le colonel C h a m b a u d ,
de faire partir son fils comme conscrit.
Les expressions de la veuve V ill ev au d sont remar
quables : les sollicita tion s du co lo n el ont é té renou
velées p a r é c r it ! ........ Combien de fois? O ù sont *ces
écrits? pourquoi la veuve Vi ll ev aud ne les rapportet-elle pas? — E l le a é té 'vaincue p a r un nouvel écrit
q u i lu i est p a r v e n u , q u e lle a cru être de la main du.
c o lo n e l, et sig n é p a r l u i ! ....... Mais cet écrit est-il
autre que celui déposé chez M e C a v y ? Dans ce cas où
est-il? pourquoi ne le produit-elle pas? S i, au contraire,
c ’est le m êm e , cette pièce est fausse; la veuve V i l l e
vaud est obligée d ’en convenir; mais encore la veuve
V illev aud
se contredit elle-même sur le fait de la
remise de cet éc rit, p u is q u e , dans sa citat ion, elle
(lit que le co lo n el le lu i a r e m i s y q u ' a u bureau de
p a i x , elle soutient que la fa u s s e té serait une nouvelle
supercherie d u c o lo n e l; q u e , dans l ’acte extrajudi
ciaire , elle refuse de s’expliquer sur cet é c r i t , et
cherche
à dénaturer le f a i t , en substituant une somme
de onze m ille f r a n c s 3 p a r e lle prétendue donnée au,
c o lo n e l, au b illet de garantie q u e lle aurait reçu de
l u i , tandis q u e , dans l ’assignation du 12 j u i n , elle
détruit elle-même toutes ces premières déclarations, eu
disant que l ’écrit lu i est p a r v en u , expressions qui font
parfaitement comprendre que le colonel n ’aurait pas
remis lui-même U la v e u v e V i l l e v a u d la pièce dont il
�s ’a g it , mais q u ’il l ’aurait f a i t parvenir à celte femme
par un tiers. Ainsi la veuve V i l l e v a u d ; après avoir
commence par fa b r iq u e r un titre f a u x pour se créer
un droit contre le colonel, a ensuite recours au men
songe pour excuser une action aussi criminelle , et
donner quelque apparence à la calomnie qui devait
servir de fondement à l ’imputation de clol et de fra u d e
q u ’elle voulait substituer à la pièce fausse pour sou
tenir sa demande. Mais ce q u ’ il y a de certain sur ce
p o i n t , c’est que la veuve Vill ev aud ne rapporte aucun
écrit établissant des so llicita tio n s j ou constatant une
promesse de garantie de la part du colonel; que tou t
se réduit à la production de la note à co n su lte r, si
favorable au colonel, et si propre à dévoiler la con
duite artificieuse de la veuve Villevaud.
Dans ses conclusions signifiées, la veuve V i ll e v a u d
ajoute aux imputations contenues dans le libelle de
son e xp loit, que le colonel a employé la menace pour
la porter à souscrire l ’acte du 27 janvier 1 8 1 4 ; q u ’il
a même contraint sa vo lo nté, en la m enaçant de fa ir e
p a rtir son f i l s com m e conscrit.
L e colonel C h am b a u d devait penser q u ’enfin la
veuve Vill ev a ud avait épuisé toutes ses ressources; il
crut en conséquence q u ’ il était de sou devoir de lui
répondre, et publia un premier Mémoire à cet effet.
Ses moyens étaient aussi simples que péreuiptoires.
D ’ab ord , partant du fait certain q u ’il n’avait con
tracté aucun engagement vis-à-vis la veuve V i l l e v a u d ,
et q u ’étant prouvé que cette femme avait fabrique
�une pièce fausse pour se faire un ti tr e , il soutenait que
toute action de dol et de fraude, relativement à l ’acte
du 27 janvier 1814 , ne pouvait être dirigée que contre
G i r a r d , partie en cet acte, et qui seul en aurait profité.
L e colonel disait ensuite q u ’il n ’avait jamais été
créancier de G ir a r d ;
q u ’ainsi il 11’avait jamais été
intéressé, même indirectement, à l ’acte dont la nullité
était demandée; mais q u e ,
lors même q u ’il serait
établi que G ira rd était le débiteur du colonel , la
veuve Ville vaud ne pouvait tirer de c e l l e c i r c o n s t a n c e
aucun parti avantageux, pu isque , par sa négligence
et à défaut d 'acceptation et de notification de la délé
gation faite en sa fa veur , par l ’acte du i 3 mai 1809,
cette obligation Fonghasse n ’avait jamais cessé d ’être
la propriété de G ir a r d , qui avait conservé la iacullé
de subroger à ses droits qui bon lui semblerait, sans
que la veuve V ill ev aud put s’en plaindre et critiquer
ce transport.
En fin le colonel C h am b a u d répondant aux im pu ta
tions qui lui étaient adressées, et notamment aux
menaces q u ’il aurait faites de faire partir le fils de la
V i ll ev a u d comme conscrit,
faisait observer que ce
jeune homme, disgracié de la n a tu r e, petit de taille,
estropié d ’ une main , avait des motifs de réforme telle
ment évidens, q u ’ il n ’avait aucune difficulté à craindre
ou à surmonter pour l ’obtenir; que d ’ailleurs, en fait,
cette réforme étant du 24 janvi er, 11’avait pu être la
cause impulsive ou influente de l’acte du 27 janvier^
qu'elle précédait de plusieurs jours,
�(
49 )
L a cause en cet état fut, portée au tribunal civil de
Cle rm ont j elle y fut l ’objet
d ’une discussion très-
solennelle, et il est important d ’analiser le jugement
q u i int ervint, le 11 août 1820, et qui se fait remar* quer par la solidité, la profondeur et la clarté de ses
motifs.
L a veuve V ill ev au d concluait à la nullité de l ’acte
du 11 janvier i 8 i 4 j et demandait contre le colonel
la restitution de la somme qu il avait reçue par suite
du transport de l ’obligation Fonghasse.
A l ’appui de ces conclusions, la veuve disait que
l ’acte du 11 janvier 1 81 4 était l ’œuvre du dol et de
la fraude du colonel, auquel elle avait profité, ainsi
q u ’elle offrait de le prouver. E lle ajoutait q u ’elle avait
été induite à consentir cet acte par les sollicitations
verbales et écrites du co lo nel, et par les menaces q u i
lui étaient faites de faire partir son fils comme conscrit,
faits dont elle offrait également la preuve. En fin e lle
a r tic u la it, com m e f a i t n ou vea u 3 q u ’elle se proposait
également d ’établir par témoins, q u e ,
postérieu rem en t
ïi l ’acte du 11 janvier 1814* le colonel l ’avait sollicitée,
de remettre les d e u x b illets q u i l lu i avait don n és 3
sous le p rétexte que ces d e u x p ièces étaient désorm ais
inutiles.
Sur ce premier point :
L e ju g e m e n t , s’arrêtant au principe qui exige que
to u t
demandeur
établisse
sa
demande ,
reconnaît
d ’abord en f a i t , que la veuve V i ll e v a u d ne prouve
rien ; que la fraude d o n t elle se plaint est invraisem7
�( 5o )
b la ble; que les faits q u ’elle articule sont inadmissibles
et sans gravité ; que la fausseté même de quelques-uns
est manifeste. E n droit : les premiers juges pensent
que
l ’admission de la preuve
offerte par la veuve
Y i l l e v a u d , outre q u ’elle serait une contravention for
melle à la règle qui défend l ’admission de la preuve
dans tout différend qui excède en valeur la somme de
i 5 o francs, et un exemple de la facilité avec laquelle
on peut renverser les conventions, doit dans l ’espèce
particulière être d ’autant plus f o r t e m e n t rejetée, que
l ’objet de la veuve Y il l e v a u d serait d ’o b t e n i r , sans
titre contre le colonel, une condamnation infamante
de la somme de 10,862 francs.
E x a m in a n t ensuite l ’article 1 1 1 6 du Code c i v i l ,
inv oq ué par la veuve Y i l l e v a u d , le jugement reconnait
q u 'il 11e peut s’appliquer q u ’aux parties contractantes5
q u e , dans ce cas seulement, on peut dire que Tune
a trompé l ’ a u t r e , m a i s q u e , dans l ’espèce, cet article
ne pouvait être i n v o q u é , p u i s q u e le c o l on e l était
étranger à l ’acte du 27 janvier 1 8 1 4 , et n ’en avait
retiré aucun bénéfice.
Les premiers juges croient devoir ensuite se fixer sur
chacun des faits articulés par la veuve V illev aud .
Ils s’occupent d'abord des sollicitations verbales et
écrites q u i lui auraient été adressées par le colonel.
Les premiers juges, après s’être convaincus du peu
d ’importance et de l ’insignifiance de ces sollicitations,
rejettent à cet égard la preuve offerte par la veuve
Yillevaud,
et se motivent sur ce que ceito femme
�n'avait point déclaré accepter l ’emploi fait en sa faveur
p ar
l ’obligation du i 3 mai 1809, et n ’avait même pas
pris d ’inscription en ver tu de ce titre ; sur ce que
l ’emprunt fait par Fonghasse n ’était autorisé par la
mère que jusqu’à concurrence de la somme de 10,000 fr.,
nu lieu de celle de 1 1 , 1 7 7 ^r * ? montant de l ’obliga.tion ; enfin sur la raison déterminante que C h am b aud
n ’étant pas créancier de G i r a r d , n'avait aucun intérêt
à l ’acte du 27 janvier 1814*
Q u a n t aux menaces faites par le colonel à la veuve
„Villevaud, et q ui auraient eu pour objet d ’inspirer
des craintes à cette femme sur le départ de son fils
comme conscrit,
L e tribunal rejette également la preuve de ce f a i t ,
parce que le colonel, comme maire, ne pouva it avoir
aucune influence au conseil de révision, où il n ’avait
pas même voix consultative; parce que le fils V i ll e v a u d
était atteint d ’infirmités q u i rendaient sa réforme im
m anq uab le; enfin parce que les opérations du conseil
de révision étaient terminées dès le 24 janvier 1 8 1 4 ,
conséquemment avant l ’acte du 27 , consenti par la
V ill e u a u d à G i r a r d , et hors la présence du colonel
Chambaud.
La justice devait enfin s’ occuper du fait art ic u lé ,
pour la première fois,
Villevaud,
à l ’audience,
par la veuve
et consistant à soutenir que le colonel
l ’avait sollicitée de lui remettre les deux billets q u ’il
lui avait adressés, comme désormais inutiles.
S u r ce p o i n t , le t r i b u n a l considère q u e ce fait n ’a
�été articulé q u ’en désespoir de cause. Il fixe ensuite
son attention sur le défaut d ’intérêt du colonel, q ui
n ’avait accepté la cession du 5 février 1 8 1 4 j» fIue pour
obliger le sieur Ch am b aud-B la nchar d et être utile à
Bouchet. E xa m in an t la pièce produite et avouée, le
tr ibunal reconnaît que cette note , qui ne contient
aucun conseil (ce q ui d ’ailleurs serait insignifiant)',
n'est autre chose q u ’ un Mémoire à consulter, propre
à éclairer la V ill e v a u d et à la d i r i g e r dans les renseignemens q u ’elle avait à prendre. Q u a n t au second écrit
déposé chez M e C a v y , et argué de faux par le colonel,
sa fausseté est reconnue; un m o tif relève même à cet
égard les variations de la veuve V i l l e v a u d , q u i , dans
sa c i t a t i o n , soutient que le co lo n el le lu i a j'em is,
tandis q u ’ensuite.elle déclare q u ’on le lu i avait f a i t
parvenir. Toutes ces circonstances, jointes au retard
de q u a t r e m oi s a p p o r t é à l ’inscription de la veuve
V i l l e v a u d , au fait c e r t a i n q u e l ’ i i yp oi l iù cj ue légale
avait pour garantie d ’autres biens que le domaine de
la G a ra n d ie , et réunies au silence gardé par la veuve
Vi ll ev aud pendant quatre ans et d e m i, et lorsque tous
les dangers q u ’elle signale étaient passés, et que conséquemment ses craintes devaient avoir cessé; tous ces
motifs réunis décident le tribunal à rejeter les preuves
offertes par la veuve Vi ll ev aud.
Il fallait ensuite examiner la demande du colonel
C h a m b a u d , consistant à obtenir la suppression <1« la
I’ièce fausse déposée chez M* C a v y , et des donnnagesintérêts.
�fÛ» ' *¡09
( 53 )
Su r le premier chef de cette demande, le tribunal
reconnaît la fausseté de la pîece, fausseté q ui était
d ’a i l l eu rs
prouvée par la sommation faite par le colonel
et par le silence gardé par la veuve V i l l e v a u d ; et sur
le
second,
le tribunal pense que l ’ignorance de la
veuve V i ll e v a u d peut l ’excuser; q u ’ il est possible que
quelques malveillans l ’aient trompée et induite en
erreur.
E n conséquence, le t r ib u n a l , statuant sur les deux
demandes, déboute la veuve V i ll ev au d de celle par
elle formée ;
déclare
fausse
la
pièce déposée chez
M° C a v y ; ordonne q u ’elle sera rayée et biffée de ses
minutes; et condamne la veuve Vill ev a ud aux dépens,
pou r tous dommages-intérêts.
C e jugement, en rendant au colonel C h a m b a u d une
justice rigoureuse et éclatante, ét ait, à l ’ égard de la
v e u v e ,V i l le v a u d , un acte d ’indulgence, dont toutefois
son adversaire se félicitait. L ’attention que le tribunal
avait portée à l ’examen de cette cause, les motifs pnissans q u ’il avait développés à l ’appui de son jugem ent,
l ’espèce de pitié q u ’il montrait pour les malheurs de
cette fe m m e, tout semblait se réunir pour l ’éclairer
et dissiper son erreur, si toutefois les passions pouvaient
se calmer à lu voix de la raison.
Mais la veuve V i ll e v a u d n’était pas vaincue; bientôt
elle interjette app el, prépare de nouveaux artifices, et
devient plus menaçante que jamais. L e colonel C h a m
baud devait faire la triste expérience q u ’ il est bien peu
d ’ hommes q ui sachent se garantir de l ’esprit de pré-
�vention, ennemi mortel de la justice et de la vérité.
Les déclamations, sans cesse répétées,
de la veuve
V i l l e v a u d , ses feintes douleurs, la perte q u ’elle éprou
v a i t , attachent à sa cause un jurisconsulte éclairé ,
mais dont l ’a me privilégiée
ne peut supposer tant
d ’astuce et de perfidie. Bientôt les apparences les plus
légères, les indices les plus équivoques sont réunis avec
art ; la haine de la cliente parait diriger la plume de
l ’avocat, q u i , sans a u t r e e x a m e n , d o n n e créance aux
faits les plus invraisemblables.
U n M é m o i r e parait
pour soutenir l ’appel; la chaleur et la rapidité du
s tile , les suppositions q u ’il co nt ient, des rapprochejnens injurieux pour le colonel, tout y semble réuni
pour amonceler des nuages funestes sur le fait à exa
m in er; et l ’adresse de la composition pourrait un ins
t a n t en imposer, si le défaut de critique q ui a inspiré
ce travail ne v e n a i t f r a p p e r les esprits ju d ic ieu x, et
leur montrer que le r é d a c t e u r , s e m b l a b l e à c e l u i q u i ,
à force de fixer une place v i d e , croit y voir un objet
q u i n ’existe pas, n’avait fini par regarder comme réels
les faits les plus invraisemblables et les plus absurdes.
Quoi q u ’ il en soit, la veuve Vill ev a ud annonce dans
son Mémoire que les faits de la cause n ’avaient pas
été suffisamment éclaircis en première instance; que des
circonstances graves avaient é té om ises; cependant la
lecture la plus attentive montre q u ’ il ne contient autre
chose que les faits déjà connus, et que la seule circons
tance nouvelle serait que « depuis le j u g e m e n t , la veuve
« Villevaud a appris q u ’après la co n lo c t io u de l ’acte t
�p
(55,)
« èt lorsqu’elle se fut retirée, C h a m b a u d , Girard et
« Chevalier entrèrent dans une ehambre à coté, d ’où
« ils sortirent après un entretien secret, et que le
« sieur Chevalier dit k son maitre-clerc, en présence
« de C h am b a ud et de G ira rd : Vous ne ferez l ’ins« cription de la veuve V i l l e v a u d , sur le domaine de
« la G aran d ie , que quand on vous le dira». On verra
bientôt ce que l ’on doit penser de ce dernier fait et de
la bonne foi de celle qui l ’a inventé.
C e Mémoire contient, au reste, deux aveux pré
ci eux; le premier est la reconnaissance formelle, faite
par la veuve V i ll e v a u d , de la fausseté de la pièce dé
posée chez M e C à v y ; elle avoue q u ’à cet égard il a été
bien jugé , et q u ’elle s’est
assurée que
cette pièce
n ’était ni écrite ni signée de la main du colonel.
Plus h au t, après avoir parlé de son désespoir et des
sacrifices q u ’elle était résignée à faire, elle ajoute
« Mais ce qui ne lu i permit plus d ’hésiter, ce fut u n
« écrit q u ’on lui fit parve nir, qui paraissait signé
« par C h a m b a u d , par lequel il lui
garantissait
for-
« mellement la validité du transfert». Ainsi , d après
la veuve Vill ev aud elle-même, la cause déterminante
de l ’acte q u ’elle a consenti était la pièce fausse, qui
lui serait parvenue p a r v oie indirecte
et p a r d ’autre
personne que le co lo n el. E n admettant cette explica
tion , comment ce dernier pourrait-il être responsable
de l ’erreur de la V i l l e v a u d ? ..........
Mais la veuve V i l l e v a u d n ’était poi nt satisfaite •
elle aspirait à la c él é b ri té , v o u la it faire d u b r u i t , et
j
�■
espérait
'
(
56
)
q u ’ une grande publicité
rendrait
sa cause
meilleure, en ajoutant à la gravité de ses diffamations.
C on tr e toutes les convenances et tous les usages reçus,
sur-tout en matière civile, un article est inséré dans
u n des journaux d u département', la veuve Ville vaud
y est peinte comme une victime du dol et de la fraude
pratiqués par le colonel.......... Ce-derni er pouvait ré
pondre -, mais il a d ù dédaigner de pareils moyens ,
laisser son adversaire goûter l ’affreux plaisir attaché à
la méchanceté satisfaite , et attendre avec calme et
respect sa justification de la justice de la Co ur.
D ISCU SSIO N .
L ’analise exacte et raisonnée des faits de la cause
faisant parfaitement
connaître
l ’esprit de passion ,
d ’injustice et de haine qui a animé la veuve V i ll e v a u d ,
. lors des poursuites q u ’elle a dirigées contre le colonel
C h a m b a u d , e t les s e n t i m e n s généreux q ui dirigeaient
ce dernier, lors des actes q u i l u i o n t été consentis,
ainsi que son défaut d ’intérêt à rien faire de nuisible
à la veuve V i l l e v a u d , il semble que toutes explications
ultérieures seraient inutiles pour faire repousser l ’appel
de cette femme.
Cependant,
po u r ne
rien laisser à dés irer,
examinera
les différentes questions
présenter;
et,
q ui
on
peuvent se
pour plus de c l a rt é , on divisera la
discussion en différons p a r a g r a p h e s q u i auront pour
objet de démontrer :
Que la demande de la veuve V i ll e v a u d excédant
�i 5 o francs, et cette femme n ’ayant jamais été. dans
l'impossibilité de se procurer un titre , ne peut y
suppléer par la preuve par témoins;
20 Que l ’intérêt de la veuve Vill ev a ud étant d ’avoir
une h yp oth èque , l ’acte du 27 janvier 181/j- lui était
avantageux ;
que
d ’ailleurs
le
colonel
C h am b aud
n ’ayant aucun intérêt à lui nuire, et étant au contraire
grandement intéressé à la conservation des ses droits,
ne peut être supposé avoir coopéré à aucune fraude;
3 ° Q u e , dans les circonstances de la cause et dans
la position ou se trouvaient les parties, les principes
repoussent toute idée de dol et de fraude;
4 ° E n f i n , et dans tous les cas, que les faits articulés
par la veuve V i l l e v a u d , soit ceux antérieurs à l ’acte
du 27 janvier, soit ceux qui ont accompagné cet acte,
soit enfin ceux q ui l ’ont s u iv i, ne sont q u ’un tissu de
contradictions et de mensonges.
§ IerL a dem ande de la veuve V d le v a u d ex cé d a n t 1 £>0f r . y
et cette fe m m e n ’a yan t jamais é t é dans l isipossi
b i l i t é de se procurer un TITRE, ne p eu t être admise
à y sup p léer p a r la preuve p a r tém oins.
Les principes qui servent à prouver cette proposition
,S0nt simples et laciles à établir.
L ’article i 3 / | i
d u C o d e civil v e u t q u ’ il soit passé
acte de va n t notaire ou sous signature p r iv é e , de toutes
8
�choses excédant la somme ou valeur de i 5 o francs.
L a loi n ’admet d ’autre
exception à cette règle,
que le cas oii il y a commencement de preuve par
écrit (Gode civ il, article 1.347), et cel u i où il y a eu
impossibilité de se procurer une preuve littérale.
( C o d e c i v i l , article i 3 /|8 ).
La
veuve Vi ll ev a ud ne peut point invoquer la pre
mière exception, puisque sa demande est de 10,862 fr.
20 centimes, et q u ’elle ne rapporte aucun commen
cement de preuve par écrit : il convient donc de se
fixer sur la seconde.
L ’ordonnance de Moulins gardait le silence sur ce
point -, la cause en était sans doute que personne
n ’étant tenu à l ’impossible, on ne peut reprocher de
n ’avoir point de preuve par écrit à celui qui n ’a pu
s’ en procurer : Im p ossibilium n u lla o b lig a tio , dit la
loi 1 8 j j f . D e rcgulis ju r is .
deux excep
tions fondées sur l ’impossibilité de se p r o c u r e r des
L ’o r d o n n a n c e d e
1 GG7,
en établissant
écrits dans une nécessité pressante, la première « pour
« dépôt nécessaire, ru in e , tu multe ou naufrage, ou
« en cas d ’accidens imprévus » (a rt . 3 , titre 2 0 ) , la
seconde « en cas de dépôt fait entre les mains de l ’hôte
« ou de l ’ hôtesse en logeant dans une hôtellerie » ,
11’énonçait point le principe général auquel ces excep
tions doivent se rattacher; mais il est évident que
c’étaient des cas restés dans les termes du droit commun,
où l’admission de la preuve testimoniale ne devait
avoir d ’autres bornes que la
prudence
des juges , la
�loi n ’ayant pu la défendre. C ett e doctrine, fondée sur
la raison, a été développée, il y a plus d ’uu siècle,
par un grand magistrat, M. l ’avocat général Joly de
F l e u r y , qui établit que les cas d ’ impossibilité ne sont
point des exceptions, mais bien des cas q ui n’ont ja m a is
é t é , qui n ’ont ja m a is pu être compris dans la prohi
bition (i ).
C e silence de notre ancienne législation devait être
remarqué par un esprit aussi judicieux que celui du
savant P o t h ie r; aussi cet a u t e u r ,
pour
faire cesser
cette omission, propose-t-il deux principes qui ont
en tr ’eux une corelation in t im e ,
et dont les consé
quences bien déduites peuvent suffire pour résoudre
toutes lés questions sur l ’admissibilité de la preuve
par témoins.
L e premier principe est « que celui q ui a pu se
« procurer une preuve par écrit n ’est pas admis à la
« preuve testimoniale , pour les choses excédant la
« valeur de 100 francs » ( a u j o u r d ’hui i 5 o fra n cs ). —
( T r a it é des Ob lig ation s, n° 7 5 i ) .
L e second principe est « que toutes les fois qu il n ’a
« pas été possible de se procurer une preuve é c r it e ,
« la preuve testimoniale est admise ». ( V o y e z id e m ,
n° 77 5 )L ’article i 348 du Code civil a recueilli ces règles,
et leur a donné force de loi. Il établit e n f effet une
(i)
Plaidoyer du a août 1 7 0 6 ,
des Audiences.
I
rapporte à sa dalc au Journal
�exception à la prohibition de la preu ve , « tontes les
« fois q u ’ il n ’a pas été possible au créancier de se pro« curer une preuve littérale de l ’obligalion qui a été
« contractée envers lui ». E t pour empêcher
tonie
méprise sur le genre d ’impossibilité que la loi désigne,
le législateur donne de suile des exemples propres à
développer le principe q u ’ il a posé, à faciliter sa jusle
application,
et à développer,
par les conséquences
q u ’on en peut tirer, ainsi que par les analogies, quelle
est la nature des impossibilités qui d i s p e n s e n t de sc
procurer un éc rit, et qui permettent de faire admettre
la preuve testimoniale.
Ainsi l ’article 1 3 48 nous apprend que l ’exception
, q u ’ il établit s’a p p l iq u e ,
i° A u x obligations q ui naissent cles quasi-contrais
et des d élits ou quasi-délits ;
■ 20 Aux dépôts n é c e s s a i r e s faits en cas d ’in cen d iey
ruine, tum ulte ou n a u fra g e, et à ceux faits par les
voyageurs en logeant dans une hôtellerie ;
3 ° A u x obligations contractées en cas iVaccidens
im prévus , ou l ’on ne pourrait pas avoir fait les actes
p a r écrit ;
4 ° A u cas oii le créancier a p erdu le titre qui lui
servait de preuve litté r a le , par suite d ’ un cas f o r t u it ,
im p rév u , et résultant d ’une f o r c e m ajeure.
O u pourrait examiner si les cas prévus dans cet
article sont restrictifs ou simplement én o n cia lifsy mais
nne pareille question serait oiseuse dans
l ’espf Ve
par
ticulière, pu isq ue , en considérant ces cas comme de ^
�sim p le s
exe m p les
3 il est impossible que la veuve
Vi llevaud puisse se placer dans une analogie q ui lui
soit
f av or a bl e .
E n effet :
L a veuve V i ll e v a u d et le notaire Girard figuraient
seuls dans l ’acte du 27 janvier 1814? cIa ^ avait pour
objet de faciliter la libération de Fonghasse, et de
donner à la veuve le domaine de la Garandie pour
hypothèque : le colonel C h a m b a u d n ’était point partie
en cet acte; quelles obligations ce titre pouvait-il donc
imposer à un étranger ;} rl o u t son effet 11e devait-il pas
se restreindre aux parties contractantes? et si la veuve
Vi llevaud avait reçu du colonel une promesse de ga
rantie,
ne devait-elle point se procurer une preuve
littérale constatant cet engagement, et fixant ses suites
et ses effets?
L a veuve Vi ll ev aud ne peut se placer dans aucune
exception; sa position n ’ava it , en effet, rien d ’extraor
dinaire; elle traitait avec un de ses concitoyens, avait
pris tous les renseignemens propres à l ’éclairer, passait
avec Girard un acte par-devant notaire; et si le colonel
devait y figurer comme garant, 11 etait-il pas naturel
que la veuve Ville vaud exigeât q u ’il y devînt partie,
ou q u ’au moins il souscrivit uu -engagement parti
culier ?
I l n ’y avait à cet égard aucune difficulté à vainc re,
puisque la veuve V i l l e v a u d (page 7 de son Mémoire)
nous apprend que le c o lo n el était chez C h e v a lie r, le
37 janvier 1 8 1
4 5 et
q u ’il est effectivement
certain
�( 62 )
q u ’il y parut pour remettre à cette femme le sursis
q u ’il lui avait promis; conséquemment, toutes les
parties étant en présence, les explications étaient fa
ciles, et rien n ’était plus simple que à 'e x ig e r un titre
d u co lo n el com m e g a ra n t, ou de ne p a s traiter avec
G irard.
Cela devient bien plus évident, quan d on considère
que la veuve Y il le v a u d reconnaît q u ’elle sentait ellemême la nécessité d ’avoir un titr e , et q u ’elle n ’aurait
point traité sans l ’écrit q u o n l u i fit. p a r v e n i r , et q u i
lu i paraissait sign é p a r C ham baud (Voy. le Mémoire,
page G).
Suivant elle, la promesse du colonel lui
serait donc parvenue avant le 27 janvier; mais, à
cette ép o q u e , se trouvant avec lui chez C h e v a lie r,
au moment décisif, lorsqu’elle allait contracter avec
G i r a r d , que ne s’expliquait-elle avec le colonel Cliamba ud sur un billet de garantie donné sans o b je t , et
q u ’elle tenait, n o n pas tlu c o l o n e l , mais q u i lui serait
parvenu p a r v o ie in d irecte?
Dans l ’ordre ordinaire des choses, tout cela serait
inconcevable; mais quan d on connaît les faits de cette
cause, les explications deviennent faciles. L a veuve
V ill e v a u d n ’a obtenu du colonel C h am b a u d que la
note à consulter, q ui lui a servi h prendre les renseignemens qui lui étaient nécessaires; elle n ’a reçu do
lui aucun conseil, et encore moins la promesse d ’au
cune garantie. L a fausseté de la pièce déposée chez
INI* C a v y est aujourd’ hui reconnue; les variations do
la veuve Ville vaud prouvent s u f f i s a m m e n t q u elle l ’c|.
�.
( 63 )
fait fabriquer , ou q u ’au moins elle en a usé sciem
ment. A quoi donc doivent servir cette p iè ce , ces
faits, aveux et variations, s’ils ne prouvent point que
le colonel n ’avait contracté aucun engagement envers
la
veuve
Y i l l e v a u d ; que s’ il avait promis une garantie,
elle serait établie par ti tr e,
puisque la veuve avait
senti la nécessité d ’en avoir u n , et q u ’il lui était f a
c ile de l ’obten ir; q u ’enfin c’est cette nécessité même
qui a porté la veuve V i ll e v a u d à commettre une action
criminelle, pour se donner les moyens de diriger une
action contre le colonel ?...........
S II.
V in té r ê t cle la veuve V ille v a u d étant d 'a v o ir une
hy p oth èq u ej l ’acte d u 27 ja n v ie r 1 8 1 4 lu i était
avantageux. — L e co lo n el n ’avait aucun intérêt h
nuire h cette fe m m e y il était s au contraire} inté
ressé à la conservation de ses droits.
L a preuve de cette double proposition est facile à
faire.
O n s’assure de l ’ intérêt de la veuve Vill ev a ud à
souscrire l ’acte du 27 janvier 1B 145 fIl,i
donnait
une hypo th èq ue , en se fixant sur sa position an té
rieure, qu il iaut apprécier avec les principes les plus
élémentaires.
L a vente consentie par Girard à la veuve V i l l e v a u d
est du 21 juillet 1808; il y est dit que le vendeur
�( <54 )
lie pourra recevoir le dernier paiement qu'en f o u r
nissant hypothèque p o u r la to ta lité, ou en donnant
caution. U n e condition si essentielle n ’a été consentie
par Girard que par l ’acte de i 8 i 4 L ’obligation du i 3 mai 1809 était consentie, par
le sieur F on g h a sse, en laveur de G irard. L a
V ille v a u d n ’y
veuve
était poin t partie. C e t acte lui était
absolument étranger, et les déclarations et stipulations
q u ’ il contient 11e pouvaient lui profiter
qu elle les aurait formellement acceptées.
q u ’autant
E n f i n , la quittance du 12 mars 1812 est donnée
par la veuve V ille v a u d à G ira rd : le sieur Fonghasse
11 y com paraît point ; de manière que les énonciations
q ui y sont contenues ne pouvaient produire a son
égard aucune obligation.
L a position de la veuve Vi ll ev a ud étant connu e, il
iaut consulter les principes.
« On peut s t i p u l e r a u p ro f it <l’ un tiers, lorsque
« telle est la condition d ’une stipulation que l ’on fait
« pour soi-mème.......... C e lu i q u i a f a i t cette stip u la
it lion ne p eu t p lu s la r é v o q u e r s i le tiers a d é cla r é
« v o u lo ir en profiter ( C o d e civil, article 1 1 2 1 ) .
« L e cessionnaire 11 est sa isi, à l’égard du tiers, que
<1 par la signification du transport, f a it e au débiteur,
<, — Néanmoins, le cessionnaire peut également être
« saisi p a r l'a ccep ta tion du transport, f a it e par le
« d é b ite u r ,
parm i
acte authentique (Code c i v i l ,
« art. 1G90).
« «57, avant que le cédant ou le cessionnaire en(
�( 65 )
« sign ifié le transport au déb it eur ,
c e lu i-c i avait
a p a y é le cé d a n t, il sera 'valablem ent libe/e » ^Codc
c i v il , article 1691).
Tels sont les principes. Ils exigent si rigoureusement
la signification du transport par le cé da nt, ou l'ac
ceptation du déb it eur , q u ’ il a été jugé q u ’on ne peut
prendre inscription sans acceptation préalable et for
melle, et q u e , dans aucun cas, l'inscription ne peut
être réputée acceptation et en tenir lieu (1).
Il faut actuellement revenir sur la position de la
veuve Villev aud . Girard devait lui fournir une hypo
thèque ou une caution : elle n ’avait obtenu ni l ’ une
ni l ’autre.
Girard avait stip u lé p o u r elle dans l ’obligation d u
i3 mai 1809; mais cette stipulation pouvait être ré
voquée, la veuve V ille v a u d n ’ayant p oin t d é c la r é
v o u lo ir en profiter.
L ’énonciation comprise dans la quittance du
12
mars 1812 , donnée par la veuve Vill ev aud à G i r a r d ,
était absolument étrangère à Fongliasse, qui pouvait
valablement se libérer entre les mains de Girard et de
tout
cessi onnaire
qui aurait pris la précaution
negligee
par la veuve V i l l e v a u d , de signifier le transport ou
de le fa ir e accep ter p a r le débiteur.
Ainsi la veuve V i ll ev a u d n ’avait ni hypothèque
ni c a u tio n , ni garantie; elle devait vivement désirer
(1) Voyez Sirey, tomo 10 , partie 1” , page 209.— D enevcrs, tome 8,
partie 1” , page 269.
9
�une de ces sûretés, et ne pouvait céder à aucune im
pulsion ou sollicitation étrangère, lorsqu’elle acceptait
l ’aftectalion hypothécaire
qui lui était
donnée par
l ’acte du 24 janvier 1 8 1 4 j acte q u i , dans tous les cas,
n ’é t a i t , de la part de G i r a r d , que
l ’exécution
de
l ’obligation q u ’il avait contractée , par la vente du
2.1 juillet 1808, de fournir une hypothèque à la veuve
Villevaud .
Mais était-il de l ’intérêt du colonel C h am b au d de
tromper cette veuve ?
D ’abord le colonel n'était point créancier de Gira rd ,
avec lequel d ’ailleurs il n ’avait rien de commun.
La
veuve Vill ev aud lui devait, au contraire, une somme
de Gooo francs, par obligation du G avril 181 0; celle
obligation avait pour principale hypothèque le pré ,
acquis par la V i l l e v a u d , de G i r a r d , le 21 juillet 1808;
et peut-on supposer que le colonel eût voulu pratiquer
une fraude pour se nuire ¿1 lui-ninnc et perdre sa
créance, si la daine Dalb ia t exerçait une action hypo
thécaire, et si les hypothèques légales absorbaient la
fortune de Girard ?
Ces réflexions, en prouvant les deux propositions
que
l ’on a voulu examiner
dans
ce
paragraphe ,
ajoutent une nouvelle force aux moyens déjà développés
dans le premier, et rendent plus pressante la nécessité
où se trouverait la veuve Vi ll ev a ud de prouver par
litre la promesse de garantie q u ’elle soutient lui avoir
<‘té iuiic par le colonel, garaulie que^
da ns
les cir-
�( g7 )
constances, celtc femme n a p u ni désirer ni demander,
et que le
col on el
n ’avait aucun intérêt à lui offrir.
S III.
D a n s les circonstances de la cause } et dans la position
où se trouvaient les parties 3 les principes repoussent
toute idée de d o l et de f r a u d e .
Les circonstances de la cause et la position des,
parties ne pouvaient faire supposer que le colonel
C h a m b a u d aurait à répondre à une action de dol et
de fraude. Etranger à l ’acte de 18 1 4 ? n ’y ayant aucun
in té rêt, comment serait-il garant de ses suites? L a
veuve
Vi lle vaud ne rapporte aucun titre; elle en est
réduite à la note à consulter qui lui a été donnée par
le colonel C h am b a u d : comment cette n o te, destinée
à éclairer cette femme sur ses véritables intérêts, et
qui , sous aucun rapport , ne pouvait l ’induire en
erreu r,
servirait-elle
de fondement à la singulière
demande q u ’elle a formée ?
Q u ’enseignent les principes?
L e dol an nul le la convention , parce q u ’il produit ou
entretient l ’erreur q ui détruit le consentement dans son
principe (Code c i v i l , art. i 109). Mais pour que l’erreur
détruise le consentement, i l f a u t q u e lle soit déterm i
n a n te, et que les artifices ou finesses aient pour objet
d'induire la personne contre
qui
elles sont pratiquées à
une convention p r é ju d ic ia b le ........ , ou à la détourner
d ’une chose utile ( L o i 1 , § 2 , j f . D e dolo m a lo .).
�f G8 )
Mais, pour q u ’ il y ait ouverture à une action pour
cause de d o l , il ne suffit pas q u ’il y ait eu des fin esses
et des artifices pratiqués pour induire q u elq u ’ un à une
convention préjudiciable, ou le détourner d ’une chose
u t i l e , il faut encore que celui q u i se plaint puisse
prouver q u ’i l n a p u se garantir des embûches q u i lui
étaient tendues; autrement il ne saurait soutenir q u ’il
y a eu d o l , puisque, d ’une p a r t , il peut arriver que
celui qui serait présumé l ’avoir pratiqué eût été trompé
comme l u i , et q u e , de
l ’a u t r e ,
il a u r a i t
à. s’imputer
la faute d ’avoir négligé de s’éclairer, quand il le pou
v a i t , sur ses véritables intérêts, et de n ’avoir point
examiné les faits sur lesquels reposaient les craintes ou
les espérances qui l ’ont in du it à une a c t i o n , ou l ’en
ont détourné.
L ’intention de tromper est le principal et même
l ’ unique caractère auquel on puisse distinguer le dol ;
aussi il n ’ y a p o i n t de d o l , si une partie a été trompée
sans que son erreur puisse être attribuée à personne :
c ’est ce qui le distingue de la faute : D o lu s , ciun adest
lœ d en d i animus, cu lp a , fa c tu m inconsultum quo a lteri
nocetur.
Les lois et les jurisconsultes font une distinction
entre le dol réel, d o lu s re ip sd , cas dans lequel on est
trompé par la chose plutôt que par la pe rs on ne, et
si n u llu s d o lu s intervenu s tip u la n ts, sed res ipsa in se
tlolum habet (loi 3 6 , J f. D e v . o
b
et le dol déter
minant ou in cid en t, le dol personnel, d o lu s m alus
q u i dcdit causant con tractui. ( l l n b c r u s auJ/< D e dolo
m a lo , n° /j ; Y o ë t , c o d ., u°» 3 et /j).
�h e d o l incident et personnel opère la nullité radi
cale de l ’a c t e , et donne ouverture à une a c t i o n , parce
que les manœuvres qui ont été pratiquées l’ont seules
déte rm iné, et en ont été l ’unique cause; mais le d o l
réel n ’est point une cause de n u l l i t é , parce que la
volonté de la partie contractante n ’a été déterminée
par aucun artifice q u ’elle ne p û t découvrir; q u ’elle
s’est elle-même trompée sur les accessoires de son enga
gement , sur la chose ou sur le p r i x , et q u ’elle a k
s’imputer de n ’avoir pas pris toutes les précautions qui
pou vaient faire cesser son ei’reur.
L a loi ne voit ni fraude ni d o l , là où celui q u i
se plaint a à se reprocher sa faute, son imprudence,
ou une confiance excessive. Elle' ne peut venir au
secours que de ceux qui ont été victimes d ’artifices ou
d ’embûches dont toute la prudence humaine n ’a pu les
garantir; autrement il y a lieu à l ’application de la
maxime V ig ila n tib u s ju r a subveniunt.
Ces principes sont ceux de la C o u r de cassation,
q u i , dans un de ses arrêts, pose comme maxime « que
« les prom esses fa lla c ie u s e s ne sont pa s d o l y que
« celui qui en est victime ne peut a ccu ser que sa
« confiance excessive y q u ’en conséquence il ne peut
« invoquer la preuve testim o n ia le, sous p rétexte de
« d o l et de fr a u d e . » ( i )
( 1 ) 2 avril 1 8 1 2 . — Cassation.— T u r i n . — S i r o y , to m e i 3 , partie 1” ,
page 1 4 6 .— D e n cY crs, Ionie 1 1 , p a itic 1” , page m .
�( 7° )
Voici l ’espèce de cet arrêt :
U n e propriété rapportant 3 £>oo fr. de revenu avait
été vendue 16,000 f r . , avec stipulation de la faculté
de rachat pendant deux ans. L ’acquéreur entretint le
vendeur dans l ’espérance de lui rétrocéder les objets
v e n d u s , même après l ’expiration du délai apposé à la
faculté de réméré; il empêcha même le vendeur d ’em
prunter la somme qui lui était nécessaire pour exécuter
ce rachat. U ne instance s’étant engagée, la C o u r de
T u r in crut voir dans ces faits un dol et une fra ud e, et
en ordonna la preuve.
Mais l ’acquéreur se pourvut en cassation, et soutint
que l ’arrêt avait violé les articles 1 3 4 1 ? i 346 et i 348
du Code civil, et avait admis une exception qui n ’était
point portée dans les article 1 347 et 1 3 48 du même
Code.
L e vendeur répondait à ces moyens par l ’exception
de dol.
Mais la C o u r de cassation
cassa
l ’arrêt de la C o u r
de T u ri n , par le double m oti f q u ’il y avait contraven~
tion à V article treize cent quarante-un du C o d e civil,
en ce que cette C o u r avait admis une preuve que la
loi rejetait, contre et outre le contenu en un acte, et
d ’ un fait allégué après l’acte; q u ’ il y avait également
fa u s s e application de l ’article
voilée sous
1111
i
3 /j 8 du C o d e civil,
vain prétexte de dol et de
fraude,
puisque le vendeur pou vait avoir la preuve . littérale
du fuit art iculé; q u ’il ne pouvait se plaindre ni de dol
�(
71
)
ni de frau d e, mais bien accuser sa faute et son im
prudence.
L ’application de ces principes est facile à faire.
L a veuve Yil lev aud prétend avoir été trompée sur
la valeuj du domaine de la G a r a n d ie , et sur l ’exis
tence des hypothèques grevant cette propr ié té.— Mais
d'abord la veuve Y il le v a u d se plaint d ’un d o l réel qui
ne pouvait donner ouverture à aucune action; ensuite
elle po u vait , pour la valeur du domaine, prendre des
renseignemens sur les l ie u x , s’assurer au bureau des
hypot hèques, qui est p u b li c , s’il existait ou non des
inscriptions sur la Garandie, et consulter des avocats
relativement aux hypothèques légales. Si elle n ’avait
point pris ces précautions, elle aurait commis une
faute et une imprudence, mais elle ne pouvait accuser
personne de dol ou de fraude.
L a note à consulter qui lui avait été remise par le
colonel devait lui servir de guide et la diriger dans les
renseignemens q u ’elle avait à prendre. Si elle s’cn fût
rapportée aux énonciations contenues dans cette note,
et q u ’elle eût été trompée, elle ne p o u v a it , d'après les
principes, accuser le colonel C h am b a u d de dol et de
frau d e,
puisque ce dernier pouvait s’abuser comme
elle sur la véritable valeur du domaine de la Garandie,
et sur 1 existence des inscriptions, et que les éclaircissemens a prendre sur ce point la regardaient exclusi
vement. Mais les indications données par le colonel
étaient exactes, et sont justifiées par le rapport des
acquisitions et des baux à ferme. L a veuve Y i l l e v a u d
�I 72 J
avait use de cette note pour prendre des renseignemens
ultérieurs sur la valeur du domaine,
ainsi que le
prouve la déclaration de Charles Constant. L e notaire
Chevalier avait retiré pour elle un certificat négatif du
bureau des hypothèques. L ’hypothèque légale avait
pour sûreté d ’autres biens plus que suffisans pour la
garantir. L a veuve était donc parfaitement éclairée;
et l ’on cherche v a in e m e n t , en droit comme en f a it ,
quels motifs ont pu la porter à accuser le colonel do
dol et de fraude.
S
IV.
L e s f a it s a rticu lés p a r la veuve V ille v a u d , soit c e u x
antérieurs à l'a cte d u 27 ja n v ie r , soit c e u x q u i ont
accom p agné cet a c te } soit enfin c e u x q u i l ’ont
s u iv i 3 n ’étant q u ’ un tissu de contradictions et de
m ensonges} la
p r e u v e no s a u r a i t
en être adm ise.
L ’exposé raisonné des faits de cette cause, et les
détails q u ’a nécessités la discussion à laquelle on s’est
déjà liv r é , doivent dispenser de rentrer dans l ’examen
de leur ensemble; e t , pour ne pas user de redites ou
de répétitions inutiles, on se bornera à examiner, dans
ce paragraphe, quelques-uns des faits qui n’ont pu
trouver place dans le plan que l ’on s’était proposé, et
à quelques réflexions relativement à ceux sur
la veuve Vi ll ev aud insiste le plus
servent de base à ses objections,
fortement,
l es qu el s
et
qui
�( ?3 )
Q uan d a u x fa its antérieurs à l ’acte du 27 janvier
1 814 ,
On sait que le colonel n ’avait avec Girard aucune
liaison d ’afï’ection ni d ’ailaires; q u ’ il n’avait aucune
relation avec C h e v a lie r, et que la veuve Y i l l e v a u d ,
au contraire, accordait toute sa confiance à ce dernier,
dont elle se faisait honneur d ’être la protégée. L a
communauté d ’intérêts qui existait entre Girard et
C hevalier est également c o n n u e •, et l ’on sait comment
le colonel, créancier de la veuve Y i l l e v a u d , q u ’il vou
lait contraindre au remboursement, fut induit à lu i
accorder un dél ai, et comment il lui donna une note
à consulter, propre à l ’éclairer sur la valeur réelle du
domaine de la G aran d ie , q u ’elle devait recevoir en
hypothèque de G ir a r d , et sur les inscriptions qui pou
vaient peser sur ce bien.
Rien n est plus simple que l'enchaînement de ces
faits, et plus propre à prouver la franchise du colonel
et la loyauté de sa conduite ; cependant la veuve insiste
et soutient q u ’en souscrivant l ’acte du 27 janvier 1 8 1 4 ,
elle n ’a fait que céder aux sollicita tion s et aux menaces
du co lo n el.
Mais quelles sollicitations le colonel C h a m b n u d ,
absolument étranger aux affaires de G i r a r d , grande
ment intéressé au contraire à la
pr os pé ri té
de celles de
"Villevaud , a-t-il pu lui adresser, pour la porter à
un acte nuisible, et dont les funestes efi’ets devaient
rejaillir sur lui-même? U n e pareille supposition n ’estelle pas invraisemblable? peut-elle être accueillie par
10
�( 74 J
un esprit judicieux , lors même que la fausseté du
fait sur lequel elle repose 11e serait pas démontrée, et
q u ’il 11e serait pas p r ou vé, par le rapport de la note à
consulter, que le colonel, bien loin de faire aucunes
sollicitations à la veuve V i ll e v a u d , n ’ a f a i t que céd er
¿1 ses in sta n ces, en lui donnant les renseignemens per
sonnels q u ’il pouvait avoir, et en lui délivrant une
note propre à la diriger dans les éclaircissemens ulté
rieurs q u ’elle avait à se procurer ?
Quelles sont les menaces du colonel, qui ont pu
porter la veuve V ill ev aud à contracter avec Girard^
S ’en laissait-elle im poser p a r la q u a lité de maire ? .......
— Mais le colonel exerçait ces fonctions en 1806, et la
veuve Vi ll ev a ud ne craignit point de lui intenter un
procès pour le défrichement d ’un chemin !
L e craign ait-elle com m e d é b itr ic e ? ........... — ■Mais
précisément cet te q u a l i t é devait la mettre à l ’abri de
toute espèce d ’em b ûch e, si t o u t e f o is le colonel eut été
capable d ’en tendre, puisque sa créance avait pour
hypothèque principale le pré D a l b i a t , à la garantie
'duq ue l le domaine de la Garandie devait être affecté
par l ’acle de 1 8 1 4 ’•
A -t-e lle é té d écid ée p a r la m enace de fa ir e p a rtir
son f i l s ? — Mais , comme l ’ont observé les premiers
juges, le colonel C h a m b a u d n ’était point membre d u
conseil de révision ; comme m ai r e , il n’y avait pas
même voix consultative. D ’ un autre co té, les infir
mités du jeune Villevaud rendaient sa ré/orme indis
pensable; enfin les opérations du ce conseil étaient
�( 7* )
terminées dès le "i!\\ et l a c t é souscrit par la veuve
V i ll ev a u d est du 27 janvier 1 8 1 4 * Aucunes menaces
relatives à la conscription ne pouvaient donc influencer
sa détermination.
Mais encore tous ces faits seraient moins des ruses
et des artifices constituant le dol et la fraude , que
des actes de violence; et à quelle époque cette violence,
le pouvoir et l ’influence du colonel C h a m b a u d au
raie nt-ils cessé? L a conscription était abolie dès le
11 avril 18145 le colonel avait cessé d ’être maire en
juillet
i
8 i 5 ; la veuve V ill ev au d s’élait libérée le 1 6
février de la même année : elle n ’avait donc plus rien
à craindre; et ira-t-on supposer q u e l l e eut gardé le
silence ju sq u’au 12 juin 1 8 2 0 , et q u e l l e se fut laissé
prévenir par les poursuites du colonel relatives à la
pièce fausse q u ’elle osait produire, dans la circonstance
sur-tout ou la déconfiture de Girar d était connue et
publique par sa disparition, qui remonte au 11 no
vembre 1 8 1 5 .
E nfin la déclaration de la veuve Villevaud (V oyez
son Mémoire, page 6) fait cesser toutes difficultés re
latives à l’ influence de ces sollicitations et menaces.
Suivant e lle -m ê m e , elle n ’a cédé q u ’à Y écrit fju ’on
lu i J it parvenir : cet écrit serait donc la véritable
cause de son engagement; mais comme la fausseté de
cette pièce est au jo u rd ’ hui reconnue; que les variations
et les mensonges de la veuve Villevaud ne permettent
pas de se méprendre sur l’auteur de ce f a u x , lu
ïuiualilé de ce fait sert à lout expliquer; e t , se réunis-
�( 7g )
sant aux autres circonstances de la cause, elle doit
prouver à l ’esprit le plus prévenu, que la veuve Y il levaud n ’a pas du craindre,
pour nuire au colonel ,
d ’ajouter à une action coupable tout l ’odieux d ’une
calomnie.
Les circonstances qui se rattachent im m édiatem ent
à l ’acte du 27 janvier 1814 étaient des plus simples.
C e t acte fut reçu par Chevalier. C e notaire pro
dui si t, comme la veuve Y il l e v a u d le reconnaît ellem ê m e , un certificat négatif d ’ i n s c r i p t i o n s s ur les biens
de Girard. L e colonel avait promis à sa débitrice un
sursis d ’un an; il parut un moment chez Chevalier
pour faire la remise de cette pièce : la veuve Y il le v a u d
veut tirer parti de cette circonstance, et cote dans son
Mémoire (page 9 ) , comme fait nouve au , et qui n ’a
pas été soumis à l ’examen du tribunal de C le r m o n t ,
« q u ’après la confection de l ’acte, et lorsqu’elle se fut
« retirée, C h a m b a u d , G i r a r d e t Chevalier entrèrent
«
dans une cham bre
à
c ô té , d ’où ils sortirent
après
« un entretien s e c r e t et que le sieur C hevalier dit
« à son m a ître-clerc, en présence de C h a m b a u d et de
« Girard : V o u s ne fe r e z l'inscription
« Y il l e v a u d
de la veuve
sur le domaine de la Garandie , que
« quand on v ou s le dira. »
D ’abord ce (ait, tel q u ’il est présenté, est insigni
fia nt, et ne prouve rien contre le colonel; et comme le
dol et la fraude ne se présument pas, q u ’ils doivent
être clairement prouvés, la veuve Villevaml
ne
pour
rait les établir que par des faits tellement posiliis ,
�( 77 )
q u ’ils pussent résister à toute autre interprétation; et
q u ’a p p r e n d -
elle ? Que Cham baud entra dans
une
cham bre à c o t é , avec G irard et C heva lier; q u ’ ils en
sortirent après un entretien secret. — Us étaient donc
sans témoins? Quel était leur entretien? était-il secret?
avait-il pour objet les affaires de la V i ll e v a u d , ou des
choses indifférentes
et qui
lui fussent absolument
étrangères? A u ta n t de questions q u ’il est impossible
d ’éclaircir.— M ai s, à la s o r t ie , Chevalier dit à son
maitre-clerc : V o u s ne fe r e z rinsci'iptioTi que quand
on v o u s le d ir a .— -Que signifie encore cela ? N ’esl-il
pas naturel q u ’ un notaire se réserve la direction des
affaires de son cabinet, q u ’il les ordonne, qu il les sur
veille? et dans les expressions prêtées à Chevalier y at-il un seul mot qui puisse prouver, et même faire
supposer q u ’ il ne serait pas pris d ’inscription dans
l ’intérêt de la veuve V i ll e v a u d ?
Mais cette assertion est encore une invention et une
calomnie odieuse de la part de la veuve Villev au d. A u
27 janvier 1 8 1 4 ? Ie maître-clerc de Chevalier était
M e Pinea u, homme recommandable sous tous les rap
ports, et aujourd hui notano a Saint-Cieimain-Xjain—
brou.
L o r s q u e
le Mémoire d e l à veuve Vi ll ev aud parut,
le colonel, qui n’avait aucune preuve à redouter, sentit
cependant la nécessité d ’expliquer sa conduite en fait,
et de dévoiler l'abominable intrigue dont 011 voulait
le rendre victime. L ’avocat q u ’il avait honoré de sa
confiance exigeait d ’ailleurs des éclaircissemens ; des
questions furent en conséquence adressées à M e P i n e a u ,
�(78 )
q u i, le iG février 1 8 2 2 , répondît « q u ’il ne se rapu p ela it p a s la présence du colonel, et encore moins
« sa participation auæ prétendus f a i t s rapportés au
« Mémoire de la veuve Y i l l e v a u d , et qui ont suivi
« im m édiate men t, dit-on, la confection de l ’acte de
« transfert » (1). Cependant ce fait était assez no
ta b le, cette conversation assez singulière pour frapper
l ’attention j et il est probable que si elle eut existé,
celui qui recevait la recommandation q ui en était
l ’objet se la s er ai t rappelée.
Les circonstances postérieures à l ’acte du 27 janvier
ï 81 4 ? et colles qui se rattachent à l ’acte de transport
de l ’obligation, fournissent encore quelques objections
h la veuve V ille vaud .
On se rappelle les eflorts de Girard et de Chevalier
pour négocier l ’obligation Fonghasse, efforts renou
velés même après le transport qui avait été fait aux
sieurs C h a m b a u d $ on s a i t a u s s i les causes q ui ont
porté le colonel C h a m b a u d à accepter la cession de la
moitié de cette ob lig ati on , et comment il en a payé
le prix dàns les intérêts du sieur B o u c h o t, auquel il
voulait être ut il e ; il est donc inutile de revenir sur
des faits aussi clairement établis, et de s’arrêter aux
objections q u ’ ils détruisent.
Mais la veuve Y i l l e v a u d pose en fait que la cession
qui transfert la créance Fonghasse au sieur C h am b a u d
(1) Cette lettre Cit au dossier,
�( 79 )
est du même jour que l ’acte qui lui donne une hy
pothèque sur le domaine de la Gaiàndie.
dates détruisent cette assertion.
Mais les
L ’hypothèque
ac
cordée par Girard à la veuve V ill ev au d est du 27 jan
vier 1 8 1 4 j
cession de 1’obligation est du 5 février
( n e u f jours après) ; et comme un acte authentique
fait toujours, par l u i - m ê m e ,
foi de sa date , toute
autre explication serait in utile, si le colonel , pour
mettre de plus fort en évidence la mauvaise foi de
son adversaire, 11e rapportait un extrait du répertoire
de C h e v a lie r, oii l ’on trouve quatorze actes intercalés
entre ceux des 27 janvier et 5 février 18 j 4Il
ne
faut pas revenir sur le retard apporté à
l'inscription
de la veuve "Villevaud; il a ete suffisam
ment établi que cette omission était du fait de cette
veuve ou de Chevalier son conseil, et q u e , sous a u c u n
rapport, elle ne peut être imputée au colonel, qui ,
au contraire, en a exigé la réparation aussitôt q u ’il
a pu la connaître.
On pourrait même se dispenser
de nouvelles explications sur le fait articulé par la
veuve V i l l e v a u d , pour la première fois à l ’audience ,
( j u ’e l l e a é t é s o l l i c i t é e d e r e m e ttr e L E S D E U X b i l l e t s
<jxie l u i avait, d o n n é s le c o l o n e l ,
s’ il 11e se présentait
un rapprochement frappant, qui montre tout à-la-fois
que la veuve V ill ev a u d a en son pouvoir les deux
pièces dont elle parle , et que le colonel n’a pu eu
réclamer la remise, une d ’elle étant insignifiante 011
absolument favorable à ses intérêts ,
étant absolument inconnue.
et l ’autre lui
�'£$1
( 8o )
E n effet, il est prouvé q u ’il existe deux pièces au
procès : la première est la note à consulter, donnée
par le colonel à la veuve Villevaud : c ’est elle qui ly.
rapporte 5 le colonel la reconnaît et s’en empare. O n
a pu apprécier combien les conséquences qui s’en dé
duisent sont peu favorables à celle qui la produit.
L a seconde est la pièce déposée par la veuve V ill ev aud
chez M c C a v y ; et comme cet écrit est faux; que la
veuve reconnaît elle-même q u ’il n'est ni écrit ni signé
p a r le c o l on el , c o m m e n t cc d e r n i e r l ’ a u r a i t - il d e
mandée, ne pouvant la connaître? C om m en t même,
la connaissant, l ’aurait-il réclamée, puisque ,
sous
aucun r a p p o rt, elle ne pouvait lui être opposée ?
A u rés u m é,
L a demande de la veuve V i ll ev a u d est non recevable
et mal fondée.
NoN-RECEVA.ni,r..— P u i s q u e , é t a n t de 10,862 francs
5o centimes, sa demande deva it, aux termes de l ’ar
ticle 1 3 4 r du Code c i v i l , être fondée sur 1111 titre;
que la veuve V i ll e v a u d , 11e pouvant se placer dans
aucune des exceptions prévues par les articles 1.347 ° ’t
1 3 4 8 du même C o d e , n ’ayant jamais été dans Finir
possibilité d ’obtenir un litre du colonel, chose qui lui
était au contraire très-facile, si ce dernier eut contracté
des engageinens envers elle. L a veuye V i ll e v a u d , ayant
au contraire senti et reconnu la nécessité d ’avoir <:o
t i tr e , puisque,
à l ’appui de sa demande,
elle
en a
produit un q u ’elle a ensuite été obligée d ’abandonner
�( 8 0
comme faux , ne saurait avoir d ’action contre le colonel
Chambaud.
M al
f o n d é e
.
— Parce que la veuve Vill ev aud avait
intérêt à recevoir l ’ hypothèque qui lui était accordée
par l’acte d u . 27 janvier 1814? puisque antérieurement
elle n ’avait ni h y p o t h è q u e , ni caution , ni garantie de
la sûreté de la vente que lui avait consentie Girard des
prés provenant de la dame d ’A l b i a t ;
colonel C h a m b a u d ,
parce
que le
bien loin d ’avoir intérêt de lui
n u i r e , devait au contraire, comme son créancier, et
ayant
pour hypothèque le pré d ’A l b i a t , désirer la
prospérité de ses affaires, et tout ce qui pouvait con
solider la propriété de cet héritage entre les mains de
sa débitrice : double circonstance qui rend invraisem
blable et détruit toute allégation de dol et de fraude
contre le colonel ;
Parce que la loi et les principes ne permettent pas
de regarder comme des ruses ou des artifices consti
tu ant le dol et la fraude , l ’erreur dans laquelle la
veuve V illev aud serait tombée relativement à la valeur
du domaine de la Garandie et des hypothèques q u i
pouvaient grever cetie propriété , quand bien même
les éclaircissemens q u ’elle aurait pris n ’auraient eu
d ’autre fondement que la note à consulter qui lu i
avait été remise par le colonel;
Parce q u e , enfin, les faits articulés par cette femme
ne présentent rien de pertinent; que la veuve V i ll e
v a u d , sans cesse en contradiction avec elle-même,
dément ou détruit ses propres assertions; que ses men-
�(8 , )
songes répétés, la pièce fausse dont elle a sciemment
fait us age , les artifices dont elle a constamment u s é ,
entourent sa cause d ’une juste défaveur, qui ne permet
pas à la justice de s’éloigner des règles, pour permettre
à la veuve Y il l e v a u d de hasarder la preuve de ses diffa
mations et de ses imputations calomnieuses.
L e colonel C h a m b a u d a enfin rempli la tâche q u ’il
s’ était imposée. L a dignité de la Justice et le respect
q u ’il lui porte ont du modérer les élans d ’une trop
juste sensibilité.
Victim e
de
la m a c h i n a t i o n
la plus
perfide et la plus atroce, il a dù en développer toutes
les causes avec modération, en faire connaître tous les
ressorts, sans se livrer toutefois k aucun sentiment de
haine ou de vengeance. Les détails dans lesquels il est
entré peuvent présenter quelque lo ngu eu r; mais les
effets de la calomnie sont si difficiles k détruire! L e
empoisonné, lancé par une main cr iminelle, part
avec ra p id it é , a t i e i n t l a v i c t i m e , la frappe comme
l ’éclair qui précède la fo u d re ; et si l a b le ss ur e n ’est
trait
point morte lle, elle est au moins longue et difficile k
g u é r ir , et trop souvent la cicatrice reste.
L ’indignité de la conduite de la veuve V ill c va ud a
été telle, son insistance k nuire si prononcée, que le
colonel C h a m b a u d aurait pu désirer une satisfaction
plus complète, et l ’obtenir de la justice de la C o u r ,
en interjetant appel incident du ju g e m e n t , et en pre
nan t des conclusions propres k faire supprimer les
écrits q ui le diffament et le calomnient. Mais que
peuvent signifier les déclamations de celle femme? Sou
�( 83 )
délire , sa bassesse et sa méchanceté sauraient-ils
atteindre u n homme d ’honneur, q ui devait des expli
cations à ses amis et à ses concitoyens........ , mais qui
doit être assez généreux pour ou blier et pa rd o n n er?
C e Mémoire aura sur-tout produit tout son e f f e t ,
s’il désabuse le jurisconsulte honorable qui a été la
première v i c t im e d 'a r t if ic es auxquels la bon t é et la
simplicité de son coeur ne pouvaient résister. L e plus
beau triomphe d u colonel serait de forcer la conviction
r
et de commander l ’estime de cet homme respectable :
toutefois i l ne désire pas q u ’il se repente, q u ’aucuns
remords, aucun ch agrin ne viennent troubler le cours
d ’une si belle v i e ! ........ mais q u ’au moins il apprenne
à mieux placer ses bienf aits, et que cet exemple lui
r a p p e l l e , pour
ne l ’oublier jamais , cette maxime
morale de Térence :
B en efa cta m ale c o llo c a ta m a lefa cta existim o.
L e Chevalier C H A M B A U D .
M e Jn. - C h. B A Y L E ainé , ancien A v o ca t.
M e B R E S C H A R D , A v o u é -L ice n cié .
ERRATA.
P age 1 1 , ligne 2 1 , au lieu de 1809, lisez 1812.
l b i l. Au lieu de la veuve V illevaud donne quittance à G ira rd , lisez
Girard donne quittance à la veuve V illevaud.
Page 13 , ligne 2 5 , au lieu de décembre, lisez novembre.
R IOM; IMPRIMERIE DE S ALLES; PRÈS LE PALAIS DE
JUSTICE»
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chambaud.1822?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayle
Breschard
Subject
The topic of the resource
notaires
dol
biens nationaux
créances
hypothèques
magistrats municipaux
abus de faiblesse
conscription
fraudes
illettrisme
doctrine
faux
experts
arbitrages
notables
domaines agricoles
opinion publique
chantage
infirmes
banqueroute
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, Pour le sieur Chambaud, Chevalier, Colonel d’État-Major, en retraite, Officier de l'Ordre royal de la Légion d'honneur, habitant de la ville de Clermont, intimé ; contre Jeanne Aubignat, veuve de Pierre Villevaud, Propriétaire à Royat, appelante. Quem sua culpa premet, deceptus omitte tueri. At penitus notum si teutent crimina, serves, tuterisque tuo fidentem praesidio. Horat., epist. 18.
Annotations manuscrites. « 13 octobre 1822. preuve ordonnée ».
Table Godemel : Dol : 3. lorsque les faits mis en preuve auraient, s’ils étaient prouvés, le caractère de dol, fraude, séduction et violence mis en usage dans la vue d’engager une partie à abandonner ses droits, pour en profiter à son préjudice ; les juges peuvent admettre la preuve testimoniale, aux termes des articles 1116 et 1382 du code civil. – on ne peut opposer, en ce cas, les dispositions de la loi qui interdisent toutes preuves contre les conventions faites entre parties ou contre des obligations dont l’objet excéderait 150 francs, parce qu’en matière de fraude, dol, séduction et violence, il ne dépend pas de la partie contre laquelle ces moyens ont été pratiqués, de se procurer une convention ou des preuves qui aient pu l’en mettre à l’abri.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1822
1791-1822
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
83 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2615
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2614
BCU_Factums_G2616
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53530/BCU_Factums_G2615.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Royat (63308)
Chamalières (63075)
Clermont-Ferrand (63113 )
Aydat (63026)
Lagarandie (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
arbitrages
banqueroute
biens nationaux
chantage
conscription
Créances
doctrine
dol
domaines agricoles
experts
Faux
fraudes
hypothèques
illettrisme
infirmes
magistrats municipaux
notables
notaires
opinion publique
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53521/BCU_Factums_G2606.pdf
c6682f46f860835d720ede7eb082e738
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Text
COUR R O YA LE
MÉMOIRE
POUR
2me CHAMBRE.
Dame M a r i e A U T E R O C HE et le Sieur F r a n ç o i s
M A L A F O S S E D U C O U F F O U R , son m ar i,
A d j u d a n t des G a r d e s d u C o r p s , C o m p e d ’H a v r a y ,
C h e v a l i e r des O r d r e s d e Saint-Louis e t d u Ph én ix,
^ovtiX
J
Appelant d’ un jugement rendu le 28 août 1822 ,
par le Tribunal civil de Clermont ;
CONTRE
D em oiselle M a r g u e r i t e A U T E R O C H E et le
Sieur V O Y R E T son m ari, D octeu r en m édecine,
Intimés
EN PRÉSENCE
D e Dam e M a r i e A U T E R O C I I E et de S T B l a i s e
C I S T E R N E S - D E L O R M E S , son mari , aussi
intimés.
T
rop
souvent les volontés des pères sont méconnues
par les enfans. L inté r ê t source de désordres, divise
les parens les plus proches; et des procès sont suscités
par ceux-la m ême de qui l ’on ne devait attendre
qu' union et bienveillance.
t*6 l
�115.
L a dame Du Couflotir réclame l'exécution d’un don
en préciput qui lui fut assuré par son contrat de
,
mariage : les lois du tems l ’autorisaient 5 les actes de
sa famille ne paraissaient pas s’y opposer. Cependant
on le lui conteste aujourd’hui; et pour l ’en dépouiller,
on a recours à de subtiles interprétations qui tendent
à détruire plutôt q u ’à expliquer les dispositions non
équivoques d ’un contrat de mariage.
On invoque aussi un nouveau système de prétendus
principes , dont les conséquences seraient de rendre
illusoires la faculté cle d i s p o s e r accordée par la loi. ~
' Si sévères pour la dame D u Coufîour leur sœur, la
dame et le sieur V o y r e t , ses uniques adversaires , se
montrent d ’ailleurs fort indulgens pour eux-mêmes.
Ils doivent un rapport en argent : ils ne l'offrent
q u ’en valeur de papier-monnaie ; et quoique des lois
positives les condamnent,
quoiqu’un arrêt ait déjà
préjugé l ’erreur de leur prétention, ils insistent ce
pendant, et veulent que les effets de leur propre négli
gence retombent sur cette cohéritière même à laquelle
ils disputent des libéralités légitimes.
FAITS.
L es
dames D u Couffour, Voyret et Cisternes sont
les seuls enfans nés du mariage de M. Thomas Auteroche et de la dame Louise-ITélène L ’huillier.
L e contrat de mariage de ceux-ci est en date du ic)
novembre 1764. Il fut constitué à la dame L ’huillier
20,000 francs de dot et 1000 fr. de bagues et joyaux.
Depuis, il lui est ccln: d ’autres valeurs.
�H*
4
( 3 )
Le partage de la succession du sieur Auteroclie a
donné lieu au procès.
L a demoiselle Marie Auteroclie, 2medu nom, quoique
la fille puînée, se maria la première : elle épousa le
sieur Cisternes-Delormes. Leu r contrat de mariage ,
en date du 23 juin 17 8 9 , renferme des dispositions
qui sont le germe de l’une des difficultés de la cause.
Les père et mère de la future lui constituent :
i° Une somme de 5ooo f r . , dont la célébration du
mariage vaudrait quittance;
« 2 0 Tous les b i e n s q u e l e s i e u r A u t c r o c h e a d a n s l e
« lieu et collecte de
Sauvagnat,
consistant en batim en s,
« terres, vignes, prés, et de toute autre nature que ce
« puisse être, sans aucune exception ni réserve », à la
charge d ’acquitter les cens et les fondations dont ils
sont grevés }
3° Les rentes foncières ou constituées que le sieur
Àuteroche a dans la même collecte de Sauvagnat, rentes
dont il est fait le détail;
4° Enfin la somme de 10,000 f r . , qui est stipulée
exigible seulement après le décès du dernier mourant
des père et mère.
L e cas de restitution de la dot est prévu, et le
contrat renferme sur cet objet une clause remarquable :
« Dans tous les cas où ladite restitution de dot
« aurait lieu, il sera libre au futur époux, ou à ses
« ayant-cause, de garder les biens ci-dessus délaissés
« îi la future épouse par les sieur et dame Auteroclie,
ses père et mère, en payant, par ledit sieur futur
v
�( 4 )
« ép ou x, ou ses héritiers à qui il appartiendra, la
« somme de 2^,000 fr. »
Dix aus sont accordés au fu tu r épouæ ou à ses
héritiers pour le paiement de ladite somme de vingtcinq m ille fr a n cs et des autres sommes constituées.
Enfin il est dit que, sur la somme de quarante
m ille fr a n cs form ant la dot de la dem oiselle fu tu re
épouse , il y a 8000 francs pour biens maternels , et
le surplus pour biens paternels.
L a dot était en effet de la somme de l[ü,ooo francs,
d ’après le délaissement, fait à l ’ é p o u x p o u r 20,000 f r . ,
du bien et des rentes situés à Sauvagnat.
C e délaissement surprendra peu, lorsqu’on saura
que le sieur Cisternes avait des propriétés considérables
à Sauvagnat ; que ces propriétés et celles du sieur
Auteroche ne formaient autrefois que le même patri
moine, qui avait été divisé par un partage; et que ce
fut dans le but de tout réunir, que la famille C is
ternes demanda q u ’il fût stipulé , comme condition
du mariage, l ’abandon au futur é p o u x , moyennant
25.000 fr., des biens possédés par le sieur Auteroche
h Sauvagnat.
L a plus jeune des demoiselles Auteroche épousa,
en l ’an 2 ( 1794) ? le sieur V oyret.
L e u r contrat de mariage est du 3 ventôse. Les père
et mère de la future lui constituèrent un trousseau
évalué à 1000 francs, et deux rentes f o n c i è r e s estimées
10.000 fr. : l’une de dix-huit s e p l i e r s d e blé conseigle
annuellement, assise sur un moulin ; l ’autre de quatre
sep tiers un carton deux coupes de blé conseigle, une
�( 5 )
coupe de froment , une coupe de n o i x , seize livres
un q u a r t d’huile, seize livres un quart de chanvre,
assise sur divers héritages.
Par le même acte , les sieur et dame Auteroche
donnèrent à Marie , leur fille a în é e , la jouissance
d ’une vigne située dans la commune de Perrières, et
celle de tous les immeubles qu ’ils possédaient dans les
dépendances d ’Issoire.
Devenu possesseur de deux rentes considérables, le
sieur V o y r e t ne tarda pas à se faire rembourser la
principale, celle de dix-huit septiers de blé. Il accepta,
le 2 nivôse an 3 , un r e m b o u r s e m e n t , illégal soit p a r
i n s u f f i s a n c e , soi t à défaut d’emploi , soit comme
n’ayant été accompagné d’aucune des conditions prescriles par la loi du 29 décembre 1790.
Cependant, loin de profiter, comme il l ’aurait p u ,
de la nullité d’un remboursement condamné par la
loi comme par la morale, le sieur V o y r e t , soit im
prudence , soit fausses spéculations, provoqua luimème la x’ectification de l ’erreur du débiteur. IL
demanda a ce débiteur, nommé A rn au d , un supplé
ment de remboursement} il procéda avec lui à un
nouveau compte, et reçut, le 24 nivôse an 3 , 1 7G 0 fr.
de plus , pour la perfection du remboursement }
extinction et amortissement de la rente. Tels sont les
termes de la quittance qui se termine ainsi : E t au
moyen du paiement de ladite som m e, le citoyen
V oyret tient quitte ledit A rn a u d ; e t , à ce Jaire
ci obligé ses biens prdsens et à venir.
Ainsi le
il
sieur V o yret promit au débiteur une
�\
( 6 )
garantie personnelle; et la nullité du remboursement,
que le seul défaut d’emploi suffirait pour faire pro
noncer , cette nullité ne pourrait être invoquée au
jourd’hui; sans que ses effets rejaillissent sur le sieur
Y oyre t lui-même.
La
dame Marie Auteroche , l ’aînée des enfans ,
contracta mariage, le 4 pluviôse an 11 (2/f janvier
i 8o3 ) , avec le sieur Mala fosse D u Couffour. Ses père
et mère confirmèrent en sa faveur l ’avancement d ’hoirie
q u ’ils lui avaient fait par le contrat de mariage de la
dame Yoyret. Ils lui donnèrent de plus la jouissance
de certains bâtimens q u ’ils s’étaient alors réservés.
Les articles 7 et 8 du contrat renferment des dispo
sitions qui doivent être littéralement connues.^
Article 7. « Lés père et mère de la demoiselle future
« lui donnent, en préciput et avantage sur ses sœurs,
« le quart et quatrième portion de tous les biens dont
« ils mourront vêtus et saisis, pour en jouir à titre
« de bien paraphernal et extradotal; et l ’instituent
« par égale portion avec la dame Y o y r e t , sa sœur,
« dans les trois autres quarts, à la charge de rapport
« de ce que chacune aura reçu en avancement
« d ’hoirie. »
,
Article 8.
« Mais attendu que la dame Y o y r e t a
« reçu, par son contrat de mariage, un avancement
« d ’hoirie moins considérable que celui de sa sœur,
« lequel s’est même trouvé réduit à presque rien , par
« le remboursement forcé qui lui a été iait des rentes,
« et q u ’elle souffre par conséquent une perte annuelle
« dans sa jouissance, le citoyen Auteroche voulant
—
�(
((
7 )
ctre juste e n v e r s tous ses enf^ns 5 et- 1 en dedom^
« mager, il veut et enten(l
l ’ouverture de sa
« succession, ladite Yoyret prélève sur le quart ci-dessus
« donné à la future, la somme de 4ooo fr. tournois,
« a v a n t tout partage, et à titre d ’indemnité de ladite
« non jouissance ; la présente clause étant une charge
« dudit préciput. »
S i , dans le c o n t r a t , les sieur et dame Auteroche
n’appelèrent pas la dame Cisternes au partage de leurs
successions, c’est q u ’ils considérèrent q u ’elle avait déjà
reçu tout ce q u ’elle pouvait prétendre\ ils ne pensèrent
donc q u ’à régler les droits de leurs deux autres filles.
O u verra, au reste, que la dame Cisternes a respecté
ce règlement, et que la dame Yoyret seule s’en plaint,
en contestant le don du quart en préciput.
Lors du contrat de mariage de la dame D u Couffour,
le sieur Auteroche ne connaissait pas les circonstances
du. remboursement fait au sieur Y o y r e t , en papier
monnaie; car, loin d’ètre forcé, ce remboursement
avait été absolument volontaire de la part de celui-ci.
Il a été depuis reconnu et déclaré tel par un arrêt
du 28 décembre 1811 , rendu entre les sieur et dame
Y o y re t, et l ’ancien débiteur de la rente. Yoici dans
quelles circonstances :
Les sieur et dame Voyret avaient demandé la nullité
du remboursement, comme 11’ayant pas été accom
pagné d’emploi. Ils l ’auraient fait ainsi juger, si ce
remboursement illégal avait été réellement forcé; mais
le contraire fut démontré, et la Cour déclara les sieur
et dame Y oyre t non recevable's, quaiit à p résen t,
�dans leur d e m a n d e to u s moyens de f a it et de droit
é ta n t. respectivement réservés a u x p arties, lors de
l ’action de Marguerite Auteroche (la dame V o y r e t ) ,
ou de ses héritiers.'
'
Yoici les motifs de l ’arret :
« Attendu q u e , par le dernier acte passé entre les
«
«
«
«
«
parties, en la ville d ’Issoire, le 26 nivôse an 3 , le
sieur Voyret a fa it son affaire personnelle de la
consommation du remboursement, en recherchant
et recevant la somme de 1700 f r . , et un billet pour
quelques septiers de b l é , pour supplément au rem
et boursement déjà fait, le 2 du même mois de nivôse;
« Attendu q u ’en obligeant ses biens présens et à
« venir à l ’exécution de cet acte, il y a par conséquent
« affecté son u s u f r u i t , qui dure encore, en qualité de
« mari de Marguerite Auteroche. »
Ces motifs indiquent clairement q u ’une fin de non
recevoir seule, tirée du fait et de l ’obligation person
nelle du sieur V o y r e t , empêcha la Cour de confirmer
le jugement qui avait annulé le remboursement. Aussi
la Cou r n’admit-elle cette fin de non recevoir que
quant à présent, en réservant l’action en nullité,
pour l ’exercer lorsque l ’usufruit du sieur Voyret aurait
cessé.
Nous aurons à examiner si le sieur Voyret ne doit
pas seul souffrir la perte q u e , par son fait, il a seul
causée.
L e sieur Auteroche père est décédé le 26 février
1821.
Il avait fait, dès le 2 floréal an 9 , un testament
�11}
C9 )
olographe par lequel il avait legue a la dame L ’huillier,
son épouse, l’usufruit de la moitié de scs Liens.
Par ce t e s t a m e n t , il lègue aussi à la demoiselle Marie
Auteroche, sa fille, le qu a rt, en préciput, de tous ses
biens meubles et im m eubles, sans exception.
L e 7 juillet 1821, les sieur et dameVoyret assignent
la dame Cisternes et la dame D u Couffour en partage
de la succession du père commun.
Ils assignent aussi la dame L ’huillier, veuve A u te
roche, en assistance de cause et en règlement de ses
droits.
E n réponse à cette assignation, la dame Cisternes
fait au greffe un acte p a r lequel elle déclare q u ’elle
n ’entendait « prendre aucune part au partage des
« biens de Thomas Auteroche, son père; q u ’elle s’en
« tenait uniquement aux dispositions de son contrat
« de mariage avec le sieur Cisternes-Delormes, du 3
« juin 1789. ».
Par le même acte, le sieur Cisternes-Delormes dé
clare aussi « q u ’il renonçait, ainsi que venait de le
« faire sadite épouse, au partage des biens dudit dé« funt Thomas Auteroche, son beau-père; q u ’il gar«
«
«
«
«
dait et retenait les biens délaissés par les sieur et
dame Auteroche et L ’huillier, père et mère de la
dame Cisternes-Delorme, par le contrat du 23 juin
1789, pour la somme portée au susdit contrat j
ainsi q u ’il en a la faculté par icelui. »
Cette double déclaration, qui est du 9 août 1821 ,
fut notifiée, le 29 du meiiie mois} aux avoués des
parties.
V)
�Alors la dame et le sieur Voyret élèvent plusieurs
difficultés.
Ils prétendent que les biens donnés en avancement
d ’hoirie à la dame Cisternes doivent être rapportés ,
et estimés, non d ’après le prix pour lequel ils avaient
été délaissés au sieur Cisternes, mais d ’après leur valeur
au moment du décès du sieur Auteroche père ;
•
Ils soutiennent que cette valeur estimative doit être
imputée sur las quotité disponible, c’est-à-dire sur le
quart donné en préciput a la dame D u Couiîour, parce
q u e , disent-ils, la daine Cisternes, renonçant à la suc
cession, doit être assimilée à un donataire étranger,
et ne peut retenir ce q u ’elle a reçu, pour une part
héréditaire à laquelle elle n’a pas droit;
Ils ne veulent aussi rapporter la rente en grains ,
remboursée au sieur V oyre t, que suivant la valeur des
assignats dépréciés q u ’il a reçus ;
Ils demandent enfin la réduction du legs d’usufruit
fait à la dame L ’huillier, mère commune.
L a dame D u Couffour répond :
Que par le contrat de mariage de la dame Cisternes,
le sieur Auteroche a transmis à son gendre la propriété
des biens de Sauvagnat, et que c e l u i - c i n’élant tenu
de restituer que 25,ooo fr. , c’étaient seulement ces
25,ooo fr. qui devaient être rapportés à la succession;
q u Jil fallait régir les dispositions, soit de ce contrat
de mariage, soit de celui de la dame D u CouiFour,
par les principes en vigueur au moment de leurs dates,
principes d ’après lesquels la dot de la dame Cisternes
devait s’imputer sur sa part héréditaire; principes qui
�voulaient aussi que le quart en preciput donne a la
dame D u C o u f f o u r fût pris sur la masse entière du
patrimoine paternel ;
Q u ’cniin le sieur Yoyret devait seul subir une perte
que lui seul avait occasionnée, et que la valeur réelle
des deux principaux de rente donnés à son épouse de
vait être rapportés au partage.
L ’on agita aussi une question sur la valeur du
trousseau de la dame Yoyret.
L a dame L ’huillier, veuve Auteroche, réclama ellemême, i° le prélèvement de a 5 ,ooo f r . , montant de
ses reprises sur la succession de son mari ; 20 la déli
vrance du legs d’usufruit de moitié des biens.
Quant au sieur et à la dame Cisternes, ils persis
tèrent dans leurs déclarations, et demandèrent à être
mis hors de cause.
Telles furent les circonstances dans lesquelles fut
rendu un jugement contradictoire, du 26 août 1822,
qui ordonne, avant de faire droit, l’estimation, sui
vant la valeur de 1821 , des biens meubles et im
meubles délaissés soit à la dame Cisternes, soit aux
autres enfans, et qui surseoit jusque la à statuer sur
la mise hors de cause de la dame Cisternes.
Ce jugement ordonne aussi q u e la dame Y o y r e t
rapportera seulement ao34 fr. en numéraire , valeur
réduite des 9^00 reçus en assignats , par le sieur
Y o y r e t , pour le remboursement de la rente de dixhuit septiers de grains.
Lnfin il ne prononce pas sur les demandes de la
�( I2.)
dame L ’huillier, à laquelle il accorde seulement une
provision de iaoo fr. (r).
( i ) Voici le texte des motifs du jugement :
« E n ce qui touche le partage de la succession Auteroclie ,
« Attendu que toutes les parties y donnent les mains ;
« E n ce q ui touclie le quart donné en préciput à la dame Du
C o u f fo u r ,
« Attendu qu’ il est de principe certain que la quotité disponible est
réglée par les. lois existantes à l ’époque où la donation a été faite ;
.qu’au teins du mariage de la dame Du Coufl’o ur, les dispositions per
mises ne pouvaient excéder le quart de tous les biens; que, par consé
q u e n t, pour que le sieur Auteroclie pût alors disposer du quart, il
fallait que jusque-là il n’eût fait aucune disposition ;
(t Attendu que ce n’est pas à la qualification donnée à la disposition,
ni à son m ode, que s’arrête le législaleur, mais bien à son résultat ;
qu ’ainsi, lors môme que les père et mère dé la dame Cislernes n’auraient
entendu faire à leur fille, par son contrat de mariage, qu ’ une légitime
pour lui tenir lieu de tous droits dans leur succession (ainsi que le per
mettaient les lois alors en v ig u e u r ), il n’ en serait pas moins vrai que
s i, par cette disposition, la quotité disponible, ou partie d’ icelle, se
tro u v e , d’ une manière quelconque, employee en faveur de la dame
Cisternes, les sieur et dame Auteroclie n’ ont pu valablement disposer,
au profit de la dame Du Couffuur, que jusqu’à concurrence de la
quotité disponible, encore intacte ;
« Attendu qu’ il résulte de tous ces principes établis, que la question
de savoir s’ il y a lieu ou non à la réduction de la donation, faite à la
dame Du Couifour dépend entièrement de cette autre question desavoir
si les objets donnés par le contrat de mariage de la dame Cisternes, du
23 juin 178c) , équivalent ou non a la portion d ’enfant, et à la totalité
ou à une partie de la quotité disponible ; qu ’on ne peut arriver à cotte
solution sans avoir une parfaite connaissance de la totalité de la fortune
des père et mère ;
« Al tend 11 que celte connaissance ne peut s'obtenir que par une esti
mation , tant dos biens délaissés à la dame Cisternes etaux autres enfaiii,
que de ceux dont le sieur Auteroclie est mort saisi cl vôtu ;
�!% *
( ,3 )
'
Cette décision , qui tendait à annuler le don en
préciput fait à la dame D u Co uffo ur, nuisait trop îi
ses intérêts, et blessait trop les règles du Droit et les
« Attendu quJil ne peut y avoir de doute sur les bases à adopter pour
cette estimation ; et qu’aux ternies de l ’article 860 du Code c i v i l , c’est
valeur de 18 2 1 , époque du décès du sieur Auteroclie, qu ’elle doit être
faite ;
« Attendu qu’ encore que la succession du sieur Auteroclie se soit
ouverte sous l’ empire du Code, la dame Cistcrnes n ’en doit pas moins
conserver les droits que lui assurait l ’ancienne législation, sous l’empire
de laquelle a été passé son contrat de mariage ; que ces lois lui accor
daient la faculté de retenir, on renonçant, sa pari d ’enfant et la quotité
disponible sur les biens dont clic sc trouve saisie ; qu ainsi on ne peut
dire que ce soit donner au Code un effet rétroactif ;
« Attendu qu’elle a usé de cette faculté en renonçant ; que nulle
contestation 11e s est elevee 3 son égard 5 qu ainsi le bien de Sauvagnat,
qui compose en partie sa donation, ne peut être rapporté que ficti
vement.
« E n ce qui touche la question de savoir si le rapport fictif de cc
bien doit être fait en n a tu re , pour être estimé valeur de 1821 , ou bien
s’il ne doit être rapporté que le prix pour lequel le sieur Cistcrnes
aurait eu le droit de le re te n ir, si la dame Cisternes était venue à
décéder sans enfans ;
« Attendu qu’ on lit dans le contrat de mariage des époux Cislernes
la clause suivante : « Dans tons les cas où la restitution de dot aurait
« lie u , il sera libre au futur époux, ou à ses héritiers et ayant-cause,
« de garder et retenir les biens ci-dessus délaissés à la future épouse
K par ses père et mère, en p aya n t, par ledit futur ou ses héritiers, la
« somme de vingt-cinq mille francs » ;
« Allendu qu’ il résulte de l’ensemble de cette clause, et sur-tout
de ces mots : Dans tous les cas où la restitution de dot aurait lieu
q u ’en abandonnant au sieur Cisternes le domaine de Sauvagnat pour le
prix porté audit contrat, les père et mère de la dame Cisternes n’avaient
nullement eu l ’ intention de fixer la valeur pour tout autre cas que celui
prévu par ladite clause, mais qu ’ils ont seulement eu eu yuq de pré-
*4»
�■Mix
intentions da
Du
( >4 )
père de famille,
pour quo la dame
( 'ouffour we la dénonçât pas à des magistrats
supérieurs.
sauter au sieur Cisternes l’avantage de devenir propriétaire incommutable d’ un bien q u i, réuni à celui que lui donnait son père dans la
même com m une, devait former une propriété considérable, comme
aussi de l’encourager à l’améliorer, dans la certitude qu’à tout événement
il l’améliorerait pour lui ;
« Attendu que cette première clause se trouve encore interprétée par
celte autre du même contrat : « Les sieur et dame Auteroclie, et le sieur
« Cisternes-Delorme père, se réservant pour eux et les leurs, chacun en
« droit s o i , les biens par eux ci-dessus donnés et constitués aux futurs
tr é p o u x , en cas qu ’ils décèdent sans enfans, ou leurs enfans sans des« ceudans, ou sans en avoir disposé » ; et que cette dernière clause ne
laisse plus de doute sur le véritable sens à donner à la première ;
« A tte n d u , au surplus, que ces motifs sont totalement étrangers aux
autres enfans, et que bien certainement les père et mère n'ont pas
entendu leur préjudicier par cette clause du contrat de leur aînée.
« E n ce qui touche Les rapports à faire par la dame V o y re t,
« i° A l ’égard du trousseau :
« Attendu q u e , par contrat de mariage du 3 ventôse an i , passé
pendant le cours du papier-monnaie, il a été estime à la somme de
mille livres, et que celte somme est réductible en numéraire, d’après
l ’article i 5e du titre 3e de la loi du 16 nivôse an G, n° i 64 ;
« s" A l’égard de la rente en b l é , estimée, par le même c o n tra t, à
dix mille francs ,
« Attendu que le sieur Voyret a été forcé d ’en recevoir le rembour
sement en l’an 3 , ainsi que le sieur Auteroche l’a reconnu dans le
contrat de mariage de la dame Du CouiTour, et que le remboursement
fait moyennant la somme de (jjoo livres, assignats, le 12 nivôse an 3 ,
ne représente, à l'éch elle, que ao 34 livres en numéraire, et que la
dame Voyret ne doit que le rapport de cette somme, d'après 1 article i 5
précité de la loi du 1G nivôse an G , comme étant la valeur réelle qu’elle
a reçue ,
« L e t r ib u n a l, etc. »
�•H
( »5 )
Elle en a interjeté appel, par exploit des i!\ octobre
et 7 novembre 1822.
La dame veuve Auteroche s’est aussi plainte, par
un appel , de ce que ses reprises ne lui avaient pas été
accordées.
Ces deux appels font renaître devant la Cour toutes
les questions qui avaient été agitées en présence des
premiers juges.
Sur celui de la dame D u Couffour, l ’on aura à
examiner, i° quelles doivent être les valeurs des rap
ports fictifs a faire par les dames Cisternes et V o y r e t 5
20 Quel doit être l ’effet du don du quart en préc i p u t , promis à la dame D u Couflour.
§ i" .
V aleurs à rapporter p ar les clames Cisternes
et V o y ret.
Cette question se subdivise.
La dame Cisternes doit le rapport de /jo,ooo francs
seulement.
La dame Voyret doit la valeur réelle des rentes qui
lui ont été constituées.
Le rapport de la dame Cisternes ne doit être que
fictif, puisqu’elle ne vient pas au partage; niais il faut
que la valeur à rapporter soit connue, pour déter
miner la masse héréditaire, et pour prononcer sur le
don en préciput fait à la dame Auteroche.
�Selon la dame V o y r e t , on doit estimer, d ’après leur
valeur actuelle, les biens délaissés, en 1789, à la dame
Cisternes ou à
n mari; et cette valeur doit être
imputée sur la quotité disponible, parce cj[ue la dame
Cisternes renonce à la succession.
Selon la dame D u Couffour^ la valeur de ces biens
a été invariablement fixée par le contrat de 178g.
Vendus au m a r i , leur prix seul doit entrer dans le
patrimoine du père ; et la dot reçue par la dame
doit s’imputer sur la portion héréditaire
de celle-ci.
Cisternes
Cette question d ’im putat ion, que nous traiterons
dans la suite, forme, comme on le verra, tout l ’intérêt
1
de la question d ’estimation.
Les principes e n v i g u e u r lors du contrat de mariage
de la dame Cisternes, les clauses même de ce contrat,
11e permettent pas d ’hésiter à dire que les biens qui y
sont énoncés furent vendus au m ari, et sortirent, dès
cet instant, du patrimoine paternel.
Remarquons que c’est par les lois romaines que ce
contrat doit être régi, soit que l ’on considère le domi
cile des parties, soit que l ’on se fixe sur le lieu où il a
été passé.
Les sieur et dame Auteroche et la future épouse
étaient domiciliés à Issoire, pays de Droit écrit.
L e futur époux et ses père et mère habitaient
C l e r m o n t , dont le Droit écrit était a u s s i la loi.
E n f in , l’acte a été passé à Sauvagnat, près Issoire,
lieu aussi régi par les lois romaines.
�m
( 17 )
O r , une des règles élémentaires du Droit romain,
était la maxime clos estimcita , clos ? cnclita.
Cette maxime était écrite dans uae ioule de lois;
elle était enseignée par tous les auteurs des provinces
qui avaient adopté la législation romaine.
La loi 5 et la loi 10 au Code D e ju r e dotium ,
posent le principe comme règle générale.
Quolies res œstimatœ in clotem d a n tu r , dit la
première de ces lo is , maritus clominium consecutus 3
summee velut p re tii, debitor ejjicitur.
L a rè gle ne s o u f f r a i t q u ’ u n e s e u le e x c e p t i o n , s a v o i r ,
l o r s q u ’ il a v a i t é t é ré se rv é à l a
f e m m e la
liberté
de
re pre ndr e' l e ' f o n d s e s t i m é .
Fundus œstimatus non est dotalis sed marito proprius, em ptiom sjure} msi reliiicjiicitur cirbitrio m illions
fu n d um repetere (Observation de Cujas , dans son
Traité A d A fricanum , sur la loi 9 , S i m a r i t o iF.
D e fu n d o dotali.').
Au. contraire, s’il avait été convenu que la chose ou
l'estimation serait rendue, le mari avait le choix. C ’est
la décision des lois 10, § ult. , et 69, § 7 , D e ju r e
dotium.
Dans le doute même sur le bu t de l ’estimation, on
présumait q u ’elle avait été faite dans le dessein de
vendre au mari. Telle est la remarque de Serres, dans
ses institutes, où il cite la glose sur la loi 21 , Cod.
D e ju re dotium.
11 importait peu que le mari eut ou non vendu
l’objet estimé par le contrat. Dans
tous les cas ,
l ’estimation le rendant propriétaire, il ne devait res3
�( >8 )
tituer que la somme. Item si non v œ n ie r ite stim a lio
prœstari débet, h . item 3 , ff. D e pactis dotalibus.
Cette doctrine est enseignée par tous les auteurs qui
ont examiné la question pour les pays de Droit écrit.
On peut consulter notamment , parmi les auteurs
du parlement d e T o u lo u ze , Catelan, livre 4 ? ch. 3 2 ;
Serres, dans ses Institutions, livre 2 , titre 8 , ad
p r in c ip e et parmi ceux du parlement de Paris,
Rousseau-Lacombe, au mot D o t , partie 3 , sect. 2;
Roussilles, Traité de la D o t , ch. 9 , § 1 , et sur-tout
D ô m a t , dans ses excellentes Lois civiles, livre i er,
titre 9 , sect. i re, nos 5 et suivans.
Ce savant auteur cite et explique les lois romaines
sur la question.
Il s’exprime ainsi au n° 5 :
« La dot en deniers, ou autre choses, soit m eubles,
« soit im m eubles, qui ont été estimées par le contrat
« à un certain prix, est propre au mari, et il devient
« débiteur des deniers donnés en dot ou du prix des
« choses estimées; car cette estimation lui en lait une
« vente, et la dot consiste au prix convenu. »
Il ajoute au n° 7 :
« Dans le cas où les choses dotales sont estimées ,
« les règles sont les mêmes que celles qui ont été
« expliquées dans le contrat de vente; car cette esti« mation est une vraie vente ». Quia estimatio venditio est. L . 1 0 , in fin . 3 ÎF de ju r e dolium , et L . 1
et 10, C . eod.
L ’application de cette doctrine à la cause est aussi
facile que naturelle.
�( *9 )
On lit dans le contrat de mariage de la dame Cis
ternes q u ’il lui est constitué en argent 5ooo fr. , dont
l ’acte porte quittance, et 10,000 fr. payables après le
décès du dernier mourant des père et mère*, et en
immeubles, rentes ou meubles qui se trouvaient a
Sauvagnat, des objets évalués 25,000 fr.
Cette estimation , qui est répétée dans plusieurs
parties du contrat, suffirait pour attribuer au mari
la propriété des objets délaissés.
Mais on a fait plus; on a stipulé comme condition
du mariage, comme loi de famille, que, d a n s t o u s les
c a s o h l a r e s t i t u t io n d e l a d o t a u r a i t l i e u , non.
seulement le futur époux, mais même ses héritiers
ou ayant-cause seraient libres de garder et retenir les
biens en payant, à qui il appartiendrait, la somme
de vingt-cinq m ille fran cs.
Quoi de plus formel que cette stipulation? Quoi
de plus caractéristique d’une vente faite au mari et
à ses héritiers ou ayant-cause ?
Quoi de plus exclusif de l ’idée que la propriété des
objets délaissés résidât sur la tète de la dame Cisternes,
et que ces objets dussent être rapportés en nature au.
patrimoine du père?
N ’est-il pas évident q u e , dès ce moment même, le
Perc a entendu se dépouiller de cette propriété; q u ’il
l a transmise à. la famille Cisternes; que, par consé
quent, elle a cessé, comme tous les autres biens q u ’il
aurait aliénés, de faire partie de son patrimoine , e t'
qu aujourd nui elle ne doit pas y rentrer pour en
former la masse ?
�^ V JÛ
f 20 )
D ’autres clauses du contrat démontrent de plus en
plus cette vérité.
On accorde dix ans de terme au fu tu r ép ou x ou à
ses héritiers pour la restitution des 2Î),ooo fr. et des
autres sommes constituées.
O11 déclare ensuite que la somme de quarante
m ille fra n cs fo rm e la dot de la future.
Ainsi , suivant la pensée, suivant la volonté des
contractans, cette dot était seulement pécuniaire; elle
était seulement de 4.0,000 francs en a rge n t, puisque
telle est la valeur seule qu ’on lui fixe, puisque telle
est la valeur seule que le mari ou ses héritiers sont
soumis à restituer.
Opposera-t-on que le m a r i , étant libre de restituer
:i5,ooo f r . , était aussi libre de rendre les objets même;
q u ’ainsi la c o n s o m m a t i o n de la vente dépendait de la
volonté de celui-ci ou de ses héritiers?
' Cette circonstance est indifférente. La faculté ac
cordée au mari n ’établit pour lui q u ’un mode de
libération : elle n’empêche pas que la propriété des
objets délaissés ne lui ait été transmise dès le jour
même du contrat. Il devait un jour restituer la dot,
et cette o b l i g a t i o n le constituait débiteur envers son
épouse de la valeur fixée; mais cette dette, il pouvait
s’en libérer ou en argent ou en fonds, h son choix.
O r , par cela même que le mode de libération dépen
dait de lui, la propriété des choses q u ’il avait reçues
résidait nécessairement sur sa tête; il était libre d ’en
disposer à son gré, de les vendre, de les échanger, de
les donner même; il pouvait les aliéner dès le leu-
�/of
( 21 )
/
demain du c o n t r a t i l a p u , il pourra en disposer
pendant tout le cours de son mariage*, et même après
sa dissolution, ses héritiers, ses ayant-cause auront
aussi la même faculté, sauf à rendre les 2^,000 fr. ,
prix convenu.
Au contraire, le sieur Auteroclie père, la dame Cisternes n’ont plus eu, dès le jour du contrat de mariage,
le droit d’exercer aucun acte de propriété sur ces objets.
O r , n ’e st-i l pa s é v i d e n t q u e c e l u i - l à s e u l est p r o
p r i é t a i r e q u i p e u t d i s p o s e r d e la c h o se à son g r é ; et
n e r é s u l t e - t - i l pa s d e ces idé es q u e le s i e u r C i s t e r n e s
a é t é , dès 1 7 8 9 , le s e u l , le v r a i p r o p r i é t a i r e des o b j e t s
qui
furent
alo rs délaissés
par le
( V o y e z C o d e c i v i l , article
544*)'
sieur
Auteroclie ?
On peut reconnaître sous un autre rapport, que la
propriété de ces objets résidait sur la tête, du sieur
Cisternes.
Il s’était obligé ou à les rendre en natuie , ou à
rendre leur valeur, fixée à a 5 ,ooo fr. ; c’est-à-dire que
son obligation était alternative, et même q u e , d ’après
une convention expresse, le choix lui appartenait. Or,
si les choses q u ’il avait reçues avaient péri ; si les
rentes avaient été remboursées en valeur nulle; que
les meubles eussent été détruits par l ’usage ou autre
ment-, qUe i es immeu]3lcs eussent été dégradés par
quelque accident, par une force majeure même , le
sieur Cisternes eùi-il pu se dispenser de payer les
a 5,ooo fr.? N on , sans doute : la chose aurait péri
pour lui. Par la perte de cette chose, même sans sa
faute, son obligation alternative serait devenue pure
/ »
�et simple, et il aurait dû les 2 5,ooo francs (Voir Code
civil, article 1193; et Pothier, Traité des obligations,
n° 2 5o.).
t
Mais pourquoi, malgré la perte de la chose, le prix
en est-il dû? Pourquoi? par application de la maxime,t \
lies périt dom ino; et parce que tout débiteur sous
une obligation alternative à son choix, est considéré
comme seul propriétaire do la chose, tant q u ’il n’a pas
fait d ’option.
Remarquons, au reste, que l ’option du sieur Cisternes a même été consommée par la déclaration q u ’a
faite celui-ci, en présence de son épouse, au greffe du
tribunal civil de Clerm ont, le 29 août 1821.
L e sieur Cisternes avait à s’expliquer, puisque son
épouse pouvait ê t r e d a n s le cas de r a p p o r t e r sa dot à
la succession du sieur Auteroche, et lui-même, par
suite, obligé de restituer ce q u ’il avait reçu en objets
mobiliers ou immobiliers.
O r , qu'a-t-il déclaré? « Q u ’il gardait et retenait les
«
«
«
«
biens délaissés par les sieur et dame Auteroche et
L ’ huillier, père et mère de la dame Cisternes, par
le c o n t r a t dudit jour 27 juin 17 8 9 , pour la somme
portée audit contrat j ainsi q u i l en a la fa c u lté
« p ar icelu i. »
L e choix du sieur Cisternes est donc consommé. Il
retient les objets délaissés pour les 25,000 francs, prix
du délaissement; en sorte q u ’en supposant q u ’on put
considérer la vente comme c o n d i t i o n n e l l e dans l'ori
gine, la condition accomplie, ayant eu un'effet ré
troactif au jour du contrat de mariage, a rendu la vente
�( ^
)
pure et. siinpl^ des 1 înstunt même du conttat ^Voit
le Code civil, art. 1179.)A in s i , dès 1789 , il y a eu aliénation de la part du
sieur Auteroclie de ses biens de Sauvagnat. Il y a eu
aliénation, non à titre gratuit et en faveur de sa fille,
mais à titre onéreux, et dans l ’intérêt seulement du
sieur Cisternes et des héritiers de celui-ci, quels qu ’ils
fussent , directs ou collatéraux , conventionnels ou
naturels. Désuet instant les *¿5 ,000 fr., prix de l ’aliéna
tion , ont seuls fait partie de la dot de la dame
Cisternes, ont seuls été sujets à restitution d a n s t o u s
l e s c a s où elle aurait lieu, ont se uls aussi ete sujets
u rapport-, c a r le r a p p o r t est un cas de restitution.
Ainsi, la valeur actuelle de ces biens ne doit pas
entrer, même fictivement dans la masse du patrimoine
du sieur Auteroche; car si la loi veut que l ’on réunisse
U la masse les objets donnés (voir Code civil, art. 922),
elle n’autorise pas a y réunir les objets vendus, et
, sur-tout vendus h des non successibles. Sortis du patri
moine de l ’auteur , ces objets ne peuvent y être
compris ; leur prix seul, s’il est encore d ù , doit en
faire partie.
Les observations que nous venons de faire répondent
suffisamment aux motifs du jugement sur la question.
Les premiers juges reconnaissent , par exemple,
que le but de la clause du contrat a été de présenter
au sieur Cisternes l’avantage de devenir propriétaire
de ces biens de Sauvagnat.
Mais de cet aveu même ne découlerait-il pas la
conséquence évidente que le sieur Auterochc avait
�aliéné la propriété, et que cette propriété ne devait
plus à jamais faire partie de son patrimoine*, q u ’ainsi
elle ne devait y rentrer ni par la voie du rapport, ni
par aucune autre voie?
Les premiers juges disent que la clause doit être
restreinte au cas de restitution q u ’elle a prévu.
Mais un rapport n’est-il pas une sorte de restitution?
et, d ’ailleurs, si les objets délaissés ne sont restituables
ni en nature, ni en valeur actuelle; s’ils ont été aliénés,
depuis 17 8 9 , a titre onéreux à la valeur vénale de
cette époque; si, enfin, ils sont sortis dès-lors du pa
trimoine de la famille Autcroche, pour entrer dans
celui de la famille Cisternes, comment devraient-ils
être rapportés aujourd’hui à la succession Auteroche?
Les premiers juges argumentent aussi du droit de
réversion stipulé dans le contrat de mariage.
Mais outre que le cas de réversion n’est pas arrivé, .
c’est q u ’évidemment ce droit ne s’appliquait q u ’aux
25,000 f r . , prix de l ’estimation et du délaissement; car
le sieur Cisternes et les héritiers étant autorisés, dans
tous les cas où la restitution aurait lie u , à retenir
les biens, et à ne restituer que 25,000 f r . , il est clair
que cette faculté s’appliquait aussi à la réversion qui
n ’était elle-même q u ’un cas de restitution.
Enfin l’on a dit que le sieur Auteroche n’avait pas
entendu préjudiciel’ h ses autres enfans.
Etrange raisonnement! Comme si un père n’a pas
le droit, pendant sa vie, d ’aliéner son bien; comme si
le sieur Auteroche n’aurait pas eu la laculté de vendre
avant le mariage son bien de Sauvagnal, moyennant
�IT
•
( ,5 )
a 5 ,ooo f r . , soit au sieur Cisternes, soit à toute .autre
personne, et cleconstituer à sa fille cette somme; comme
s i , ce q u ’il aurait pu faire par deux actes différons , il
n’a pas eu le droit de le faire par le même acte qui.
renfermait tout à-la-fois, et la vente au sieur Cisternes,
et les conventions matrimoniales entre celui-ci et la
demoiselle Auteroche; comme s’il rx’avait pas enfin
exprimé la volonté formelle que la dot de la dame
Cisterne fût seulement, pécuniaire, et s’élevât à la
somme de 4o,ooo francs; comme s’il n’avait pas aussi
manifesté, non seulement par le contrat de mariage
de la dame D u Cou flou r , mais e n c o r e par son testa
ment , une v o l o n t é f e r m e et constante d ’attribuer à sa
fille ainée l ’avantage du quart de son patrimoine
entier, en laissant à la dame Cisternes, pour sa part
héréditaire, la dot q u ’elle avait re ç ue , et en ne vou
lant pas qu elle participai au partage du surplus de
ses biens.
Q u ’on cesse d’en appeler aux intentions du père de
famille, ou , si l’on veut invoquer ces intentions respec
tables, q u ’on s’y soumette, q u ’on les exécute; et la
discorde alors cessera de troubler la famille Auteroche.
On doit donc reconnaître que les premiers juges
ont méconnu la volonté du sieur Auteroche, violé la
loi du contrat de 1 7 8 9 , et blessé les principes des
rapports, en ordonnant l’estimation, valeur actuelle
des biens délaissés au sieur Cisternes.
Ces biens
aliénés alors au prix vénal du tems; ces biens dont k
propriété, transmise au sieur Cisternes, n’appartenait
plus à la famille Auteroche; ces biens q u ’à la dissolution
4
�( 26 )
du mariage, la dame Cisternes ni aucun de ses héritiers
n ’auraient eu le droit de réclamer; ces biens, étrangers k
la succession du sieur Auteroche, ne doivent pas y être
rapportés, même fictivement; les 25,ooo francs qui en
sont le prix doivent seuls entrer dans la masse, afin
de servir à déterminer la qu o tité d is p o n ib le , suivant
le vœu de l’article 922 du Code civil.
L ’erreur que nous venons de signaler n ’est pas la
seule qui ait été provoquée par les sieur et dame
V o y r e t , et qu ’ait commise dans leur intérêt le tribunal
dont est'appel.
Les sieur et dame Voyret devaient le rapport en
nature, 011 en valeur réelle, des deux rentes en grains
qui avaient été constituées à celle-ci par son contrat
de mariage.
L e sieur V o y r e t , à qui avait été fait le rembourse
ment de la principale de ces rentes, a obtenu de rap
porter seulement la valeur réduite des assignats q u ’il
avait reçus.
»
Cette décision eût été juste si le remboursement
eut été forcé, et s’il eût été accompagné des conditions
prescrites par la loi.
Mais le remboursement a été illégal; mais il a été
volontaire de la part du sieur Voyret.
L e remboursement a été illégal.
L a loi du 29 décembre
1790, en autorisant les
rachats des renies foncières, soumettait les débiteurs
à diverses conditions. L ’article l\ du titre 2 porte
notamment que « les tuteurs, les grevés de substilu-
�•/$7
( a7 )
«
«
«
«
tion, et les maris, clans les pays où les dots sont
inaliénables, mèmeavecle consentement des femmes,
ne pourront liquider les rachats des rentes ou redevances foncières appartenant aux papilles , aux
« mineurs, aux interdits, à des substitutions, et a u x
« fem m es mariées, q u ’en la forme et au taux ci-après
« prescrits, et à la charge du remploi. »
L ’article ajoute que « le redevable qui ne vomira
« point demeurer garant du remploi pourra consigner
« le prix du rachat. »
L e mode et le taux du rachat sont prescrits par le
titre 3 de l a l o i .
On n ’ e x a m i n e r a pas si la f o r m e et le taux du rachat
ont clé observés; cela dépend des calculs qui ont été
faits entre le débiteur et le sieur V o y r e t , calculs qui
ne nous sont pas connus, et dont on vérifiera la jus
tesse lorsque celui-ci les aura indiqués. On se bornera,
sur ce point, a dire que, d’après l ’article ?. du tit. 3
de la loi, le rachat des rentes en grains devait être fait
sur le pied du denier vingt-cinq de leur produit
annuel; et qu e , d’après l ’article 7 , le produit annuel
se déterminait en for man t, du prix des grains, une
année commune, a l ’aide des quatorze années anté
r i e u r e s à celle du rachat, années desquelles on re
tranchait les deux plus fortes et les deux plus faibles.
L e sieur Voyret aura à démontrer q u ’il a rempli
ces dispositions de la loi.
Mais une condition q u ’il a complettement négligée,
et que les débiteurs de la rente ont oubliée comme
l u i , c’est la charge du remploi.
¿ fi,
�Cependant, aux termes de l ’article 4 du titre 2 du
décret, il ne pouvait liquider le rachat q u ’à la charge
du remploi.
Le défaut de remploi rend donc la liquidation
nulle et le remboursement illégal. On connaît , en
effet, la force, en D r o i t , de cette expression prohi
bitive, n e p e u t ; S jlla b a > o n , prœposita verbo p o t e s t ,
tollit potentiam ja r is et f a c t i 3 el reddit actum nullum
et impossibile. Fait contre la prohibition de la loi ,
accepté sans le consentement même de la dame Voyret
seule propriétaire de la rente, le r e m b o u r s e m e n t ne
peut être opposé par le sieur V oyre t; il ne pourrait
même l ’être par les redevables, puisque la loi les ren
dait garans du défaut de rem ploi, et que par consé
quent ce remploi était nécessaire pour les libérer. C ’est
ce qui a été jugé par plusieurs arrêts de la Cou r, dans
des cas semblables.
U n arrêt du 19 prairial an 12 a déclaré nul le
remboursement d ’une rente dotale, faite au mari en
nivôse an 3 , accepté par celui-ci sans remploi. Il a
jugé que la nullité, fondée sur le défaut de remploi,
avait pu être demandée, même p e n d a n t le mariage ,
et il a condamné les redevables à servir la rente.
U ne semblable nullité de remboursement a été pro
noncée, le 18 juillet 1810, par le même motif, rela
tivement à une rente créée sur une maison de ville
(V oir les deux arrêts dans le Journal des A udiences
de la Cour de Riom 3 à leurs dates.).
Ces préjugés, et les termes de la loi du 29 décembre
1790, sont trop positifs, pour douter que le rembour-
�/'S')
( 29 )
sement fait au sieur Voyret n ’eut été aussi déclaré
nul, si ce remboursement avait été forcé, et si le sieur
Voyret n ’en avait personnellement garanti la valeur.
Aussi la demande en nullité, formée par les sieur et
dame Voyret, n’a-t-elle été rejetée que quant à pré
sen t, par l ’arrêt du 22 décembre 181 r , dont nous
avons rapporté ci-dessus la teneur. C ’est par une
lin de non recevoir que cette demande a été mo
mentanément écartée , et par une fin de non rece
voir résultant des faits personnels du sieur V oyre t,
de ce q u ’il a recherché, comme le dit l ’a r r ê t , et reçu
volontairement le remboursement, et de ce q u e , à
l ’exécution de la quittance q u ’il a donnée aux rede
vables , il a obligé ses biens présens et ¿1 venir.
C ’est donc par la faute du sieur V o y r e t , par les
suites de son imprudence ou de ses spéculations ,
par l ’effet de l ’obligation personnelle q u ’il avait con
tractée envers les débiteurs, que le remboursement a
été maintenu, et que la rente a péri, ou a été réduite
a une très-faible valeur.
Mais n ’est-il pas juste que le sieur V oyret soit seul
puni de ses propres fautes ? N ’est-il pas juste q u ’ il
subisse seul les conséquences de ses faits personnels?
N e-t-il pas juste que la succession du sieur Auteroche,
que la dame Voyret et les cohéritiers de celle-ci ne
souffrent pas des suites d ’un tort qui leur est étranger?
Ne sait-on pas aussi que tout fait quelconque de
l’ homme, qui cause a autrui un dommage , oblige
celui par la faute duquel il est arriv é , à le réparer
(Code civil, art. i382.)?
�( 3o )
L e sieur Voyret pouvait refuser le remboursement,
■et il l’a accepté volontairement; il l ’a même recherché,
suivant l ’expression de l ’arrêt de 18 i i . Il devait faire
un emploi, et il l ’a négligé. Il pouvait ne pas garantir
ce remboursement; s’il se fut abstenu de le garantir,
la succession forcerait aujourd’hui
les débiteurs à
servir la rente; et il a promis sa garantie personnelle,
et il a fait du remboursement sa propre affaire.
Si donc le remboursement est nul; si le sieur Voyret
a voulu s’exposer aux suites de cette n u l li t é , c’est sa
propre affaire et non celle de la succession. Les héri
tiers D u Couffour ont le droit d ’exiger, ou q u ’il re
présente la rente telle que le père de famille la lui
avait remise, ou q u ’il en rapporte la valeur réelle,
et non une valeur dépréciée, que lui seul a rendue
illusoire.
L e tribunal a donc mal jugé, en ordonnant seule
ment le rapport, en valeur réduite, des assignats que
le sieur Voyret a spontanément reçus. Celui-ci doit
rapporter, ou les rentes même en nature et dûment
conservées, ou leur valeur actuelle. Ce rapport et
celui de la dot pécuniaire de la dame Cisternes doivent
être réunis au surplus des avancemens d ’hoirie et aux
biens dont le pèrç était en possession à son décès,
pour former la masse héréditaire sur laquelle les droits
de chaque cohéritier seront déterminés,
�/¿'
( 3 0
§ II.
Q uel doit être Veffet du don du quart en p ré cip u t,
promis à la dame D u C oujjour?
L a dame Du CoufTour réclame le quart en préciput
des biens de son père. Sa demande est fondée sur deux
titres : son contrat de mariage et le testament du père.
Par le premier de ces titres , qui est antérieur au
Code civil (il est du 4 pluviôse an 11, ou 24 janvier
i 8o3 ) , les père et mère de la dame D u Couffour lui-,
ont assuré le quart de leurs biens en préciput, et
l ’ont instituée leur héritière dans les autres trois
quarts, par égale portion avec la dame Voyret. Ils ne
parlent pas dans cet acte de la dame Cislernes, à qui
ils avaient déjà donné la valeur de ses droits hérédi
taires, par son contrat de mariage du 23 juin 1789.
L e second titre, le testament du père, contient
aussi, en faveur de la dame Auteroche , un legs du
quart en préciput de tous scs biens meubles et immeu
bles sans excep tion .
L a d a m e V o y r e t rési ste à l ’ e x é c u t i o n d e c e t t e d o u b l e
d is p o s i t i o n .
V
Elle fonde sa résistance sur ce (rue la dame Cisternes
1f 1 t j
a u e c ia r e s en t e n i r à ce q u ’e ll e a v a i t r e ç u , et ne pas
vouloir venir au partage de la succession du sieur
Auteroche.
La dame Cisternes, dit-elle, a renoncé. Par sa re
nonciation , elle doit être assimilée à une étrangère.
Sa part héréditaire a accru à ses cohéritiers} et ce qui
-C<;
�**Y
( 3 0
lui a été donné doit s’imputer sur la quotité dispo
nible, suivant la règle écrite dans l ’article 845 du
Code civil. Si donc, par la dot de la dame Cisternes,
la quotité disponible est épuisée, la dame D u CouiFour
n ’a pas droit au quart en préciput qui lui avait été
promis.
Ce que la dame Cisternes a reçu, et sou refus de
venir à partage peuvent-ils priver la-dame Du CouiTour
du quart en préciput qui lui a été promis?
Telle est la question.
Cette question ne peut être résolue q u ’en faveur de
la dame Du CouiFour.
L a dame Voyret se retranche dans les nouveaux
principes q u ’elle interprète à sa manière. Elle s’appuie
aussi sur un arrêt de cassation, du 18 février 18 18 ,
q u i , dit-elle , a donné l ’explication du Code civil
p a r innovation à la législation ancienne (1).
Nous examinerons la difficulté d ’après les nouveaux
comme d ’après les anciens principes.
Mais la dame Voyret n’a pas remarqué que le Code
civil n ’aurait pu modifier, encore moins détruire une
disposition irrévocable, faite avant son émission; et
que , quelle que fût la législation nouvelle , c’est
d ’après la législation ancienne seule q u ’on devrait
apprécier l ’eftet du don en préciput fait à la dame
Auleroche.
C ’est un principe élémentaire , que les donations
entre-vifs ou à cause de mort, l o r s q u ’ e l l e s sont irrévo(1) Voir les conclusions «les sieur et dame V o y r e t, signifiées eu
première instance, le 17 novembre 18a 1.
�!A *
'
( 33)
cables de leur n ature , sont régies par la loi en vigueur
au moment de l ’acte.
Ce p r i n c i p e conservateur avait été méconnu pen
dant quelques années de désordres et d’aberration :
les lois des 5 brumaire et
17 nivôse an 2 avaient
établi une rétroactivité monstrueuse.
Mais bientôt les idées de justice triomphèrent, et la
rétroactivité fut abolie.
Depuis, les législateurs et les tribunaux ont été at
tentifs à maintenir l ’exécution des contrats, confcîrmément aux lois sous lesquelles ils avaient été passés.
Les législateurs du Code c i v i l ont pose dans le titre
p r é l i m i n a i r e , c o m m e fondement de toute législation,
«ette règle précieuse : « La loi ne dispose que pour
« l’avenir; elle n ’a point d ’effet rétroactif » (Art. 2
du Code civil.).
Une foule d’arrêts ont appliqué ce principe à. des
donations, à des institutions, e t , en général, à des
dispositions, soit entre-vifs, soit à cause de mort, qui
avaient eu lieu sous la législation antérieure au Code.
Ou peut consulter notamment des arrêts de cassation
des 3 messidor an 5 , 5 vendémiaire an 7 , 27 germinal
an 12, 17 et 25 nivôse , 7 ventôse et 8 prairial
an i 3 (1).
U n autre arrêt de la même Cour a décidé, confor
mément à ce principe, une question de réserve ou de
(«) Voir ces arrêts dans le Journal des A udien ces, par Dcnevers ,
volume de 1791 à l ’an 1 2 , pages m
page 3 i
7;
et 164 ; volume de l ’aa 12 !
volume de l ’aa i 3 , page i g S , 2 7 6 , 3oG
407^
�( 34 )
retranchement, née sous le Code civil, entre le père et
l ’épouse du général Virion. Les deux époux, par leur
contrat de mariage, du G ventôse an G, s’étaient lait un
don mutuel de tous les biens que le prémourant laisserait
à son décès. Ce don universel était autorisé par la loi
du 17 nivôse an 2; mais, le général Yirion n ’étant
mort q u ’en 1810, le père du général demanda la ré
duction du don universel jusqu’à la concurrence de la
réserve que lui attribuait le Code. Cette demande ,
accueillie e n première instance, refusée par la Cour
de Paris, a été aussi repoussée par la Cour suprême.
L ’arrêt de cassation déclare que « le don est irrévo« cable, et que, par une conséquence nécessaire, il
« doit se régir par la loi du tems où il a été fait ;
« que si, p a r la n a t u r e des c h o s e s , son exécution est
« p u r e m e n t éventuelle, cette éventualité se rattache
•« à l ’époque de la disposition, puisque c’est elle qui
« constitue le droit du donataire; que ce droit, étant
« acquis d'une manière irrévocable ; ne peut être altéré,
« eu tout ou en partie, par une législation qui lui
« est postérieure ;
« Que la prohibition de l ’efiet rétroactif des lois
« est, en effet, l’ une des bases fondamentales de notre
« législation, et que ce serait violer ce principe établi
-« par l’article 2 du Code c i v i l , que de faire prévaloir
« les dispositions de ce Code aux lois existantes à
« l’instant de la convention » (1).
(1) L ’ arrêt est du 9.8 inai 1812. Il est rapporté par D e n c y c is , volume
«le 1 8 1 2 , première partie, pages 5 o 8 et suivantes.
�f' Ainsi, il est certain que les dispositions contenues,
soit dans le c o n t r a t de mariage de la dame Cisternes,
soit dans celui de la dame D u Couffour, doivent être
régies seulement par les principes en vigueur à la date
des contrats, et q u ’ils doivent produire aujourd liui
les mêmes effets q u ’ils auraient produits si la succession
du sieur Auteroche père s’était ouverte avant le Code
civil.
O r , la dame Cisternes s’est mariée en 1789. Par
son contrat, ses père et mère lui ont constitué une
dot, en valeurs mobilière et immobilière, dé 4°500° fr* »
dont 8000 fr. ¡>our b ie n s m a t e r n e l s , et l e s u r p l u s p o u r
b i e n s p a t e r n e l s : expressions du contrat.
Il est d i t , en o u t r e , dans une autre partie
l ’acte, qu ’«M moyen de ladite constitution
de
la fu tu r e
épouse renonce a u x successions de ses père et mère.
Ainsi, la volonté manifeste du père, celle de la fille,
les intentions de toutes les parties contractantes ont
été que les valeurs données à la dame Cisternes for
massent la portion héréditaire de celle-ci. dans les
successions futures de ses père et mère.
Le sieur Auteroche père, en payant d ’avance à sa
fille la dette de la nature et de la loi, en lui attri
buant, par son contrat de mariage même, tout ce
qu elle devait avoir un jour dans sa succession , n ’a
pas dii craindre d ’ètre privé, par cet acte de justice,
du droit de disposer, à l ’avenir, d’aiicune partie de
ses biens ; il a dû croire que ce q u ’il donnait alors à
sa fille s imputerait, suivant sou vœ u, sur la portion
héréditaire de celle-ci.
�A.\
(36)
Ce serait clone blesser la volonté du père de famille;
ce serait aussi se jouer de l ’expression formelle du
contrat, que de prétendre que l ’imputation doit se
faire non sur la portion héréditaire de la dame Cisternes, mais sur la quotité disponible; q u e , par sa
renonciation, elle doit être assimilée à un donataire
étranger; que sa portion héréditaire doit accroître aux
autres héritiers ab intestaty et que c e u x-c i, sans rap
porter même les valeurs q u ’elle a reçues, sans en tenir
compte, doivent, au préjudice de la dame Auteroche,
donataire du q u a r t, profiter seuls de cette portion
héréditaire, comme si la dame Cisternes n ’avait rien
re çu, comme si sa renonciation était gratuite.
Ce système serait aussi en opposition directe avec
les principes reçus en 1789.
E n effet, tous les auteurs s’accordent à dire que
l ’enfant qui renonce aliquo (lato, celui, par exemple,
qui renonce pour s’en tenir à une donation qui lui a
été faite par son père , fait p a r t , dans l ’intérêt des
héritiers institués, pour la supputation des légitimes*
Le Brun le décide ainsi dans plusieurs passages de
son Traité des Successions.
Voici comment il s’exprime au livre 2 (1) :
« Lorsque l ’enfant, qui fait part naturellement,
« c’est-à-dire à qui il est dû par nature une part dans'
« la succession ou dans la légitime qui est une por-'
« tion héréditaire , renonce pour s ’en tenir ¿1 une
« donation, il est vrai de d i r e , en ce c a s , q u ’il a sa
(1) Clinpitrc 3 , section 6 , n°* 8 et 9.
�tfo
( 37 )
« portion légitim aire, puisqu’ i l en a la 'va leu r, et
« qu ’il est donataire en avancement d ’hoirie-, ce qui
« ne peut pas se trouver, ni dans la personne de
« de l ’enfant qui renonce sans avoir jamais rien r e ç u ,
« ni dans la personne de l ’étranger. Ainsi il est très« juste que l ’enfant qui renonce aliquo clato fasse
« part dans la supputation ; et bien loin que les
« autres enfàns aient le droit de se plaindre de ce que
«
«
«
«
cela diminue leur légitime, il fa ut, au contraire,
qu ’ils considèrent que leurs droits diminuent natuTellement, à proportion de ce qui a été donné à l e u r
frère, puisqu’il aurait p a r t a g é a v e c e u x ab intestat. »
M . L e B r u n t r a i t e l a question avec plus de déve
loppement au livre 3 (1); et après avoir rapporté les
raisons contraires, il se décide en faveur de celui qui
doit fournir la légitime aux dépens des libéralités qui
lui ont été faites. La solution q u ’il donne est conçue
en ces termes :
« Il est juste que tous les renonçans aliquo dato
« fassent part; car comme l ’on doit faire entrer leurs
« .donations dans la masse des biens, ce qui grossit
“ beaucoup la légitime^ aussi ils doivent fa ire part
" en fa v eu r de celu i qui fo u rn it la légitim e 3 ce qui
w la diminue à proportion; et l ’héritier testamentaire
« perd encore à cela, en ce que les donataires ne s’en
« tiendraient pas à leurs dons, s’ ils n ’étaient plus
« considérables que leurs parts afférentes dans la suc« cession. »
( 0 L ivre 3 , chapitre 8 , section 2 „ n°* 79 et suivau»,
�y
,
( 38 )
Ricard avait prévu la difficulté avant L e B ru n , et
il l ’avait résolue dans le même sens, eu parlant des
renonciations aliquo clato faites soit par des fils do
nataires du père, soit par des filles qui ont reçu une
dot.
« Dans ces espèces, remarque l ’a u t e u r , il n ’est pas
« absolument vrai de dire que les en fans qui s’abs« tiennent de la succession n’y
prennent point
de
« pa rt, attendu q u ’ils ont reçu leur partage en avan*« cernent d’ hoirie, et q u ’ils ne renoncent que par la
« considération de ce q u ’ils ont été. satisfaits par la
« prévoyance de leur père ». (i).
C ’est sur ces principes q u ’est fondé l ’article 34 de
l ’ordonnance de 17 3 1, qui autorise l ’enfant donataire,
contre lequel leâ autres légilimaires agissent par l ’action
en retranchement, à retenir sa propre légitime sur la
chose qui lui a été donnée, ce qui démontre claire
ment que le don doit s’imputer d ’abord sur la portion
héréditaire de l ’enfant.
E t remarquons que cette faculté de retenir sa propre
légitime sur le don qui lui a été fait, et au préjudice
des autres enfans, s’applique, à celui qui a renoncé
comme à celui qui a accepté, suivant la doctrine de
Ricard (2), doctrine adoptée aussi par M. Merlin dans
son Répertoire de Jurisprudence.
« Il est bien juste, dit le premier auteur, en par
lant de l’enfant qui renonce aliquo
dalo , il est
(1) Ricard , Traité dos Donations, 3 " p a rtie , n° ioG 3 ,
(2) Traité des Donations, 3* partie, n° i o 65 .
�/¿9
( 30 )
i«( bien juste qu ’il retienne, par forme ¿ ’exception, ce
« qui lui appartient par droit de légitime. »
Toutes les règles que nous venons de rappeler sont
enseignées par M. Merlin dans son llépertoire, au
mot Légitim e (i).
« L e donataire renonçant, dit M. Merlin, ne prend
« point part à l ’hérédité par actio n, mais il la prend
« par rétention : il faut donc nécessairement q u ’il fasse
« nombre. »
C ’est aussi d ’après ces principes que les filles dotées,
q u i , dans certains pays, étaient exclues du partage,
ou par une renonciation ou par le statut c outum ie r,
n’en faisaient pas moins nombre au profit de l’héritier
institué ou du donataire de quote; et q u e , loin q u ’on
imputât sur la quotité disponible les dots q u ’elles
avaient reçues, les enfans mâles n’étaient admis, par
droit d’accroissement , à réclamer les légitimes de ces
filles, q u ’à la charge de rapporter la valeur des d o ts ,
et de l ’imputer sur ces légitimes.
• Ainsi, dans l ’ancien D roit, les dots constituées, les
dons en avancement d ’hoirie, toute espèce de libéralité
faite par un père à son enfant étaient considérés comme
le paiement, par anticipation , de la portion hérédi
taire de celui-ci; et si l ’enfant doté ou donataire ne
venait pas partage, s’il renonçait pour s’en tenir à
ce qu il avait reçu, il n’en faisait pas moins nombre
pour la supputation des droits des autres enfans : ce
( 0 Voyez section 8 , paragraphe i , n« 7 , c l paragraphe a , article 3 ,
question 5 .
�( 4° )
qui lui avait été donné s’imputait sur sa légitime ou.
sur sa portion héréditaire, sans affaiblir la quotité
disponible.
Tels étaient les principes en vigueur en 1789, lors
du mariage de la dame Cisternes } et ces principes
élaient encore les mêmes en janvier i 8o3 , lors du
mariage de la dame D u C ou do u rj car le Code civil,
sur lequel s’appuie la dame Vo yret, n’avait pas encore
paru.
Les s i e u r et dame Auteroche savaient donc alors
que, quoique la dame V o y r e t e û t renoncé, par contrat
de mariage, à leurs futures successions, quelque fidèle
q u ’elle fut à sa promesse, ce qui lui avait été promis
ne devait pas s’imputer sur la portion disponible; ils
savaient que cette p o r t i o n d i s p o n i b l e était restée in
tacte, et q u ’ils n’en avaient pas moins le droit de
donner à la dame D u CoufFour le quart de leurs
biens, quotité autorisée par l ’article
I er
de la loi du
4 germinal an 8 , qui était la loi régnante.
C ’est sous la foi de ces anciens principes, c’est aussi
sous la foi de la faculté que leur attribuait la loi de
germinal an 8, q u ’ils ont fait, en faveur de leur fille
ainée, une disposition irrévocable de sa nature j c’est
enfin sous la foi de l’exécution de cette disposition ,
q u ’ un mariage a été célébré, que deux familles se sont
uniesj et une loi postérieure aurait pu détruire ce qui
était valable alors !
Mais, s’il en était ainsi, que deviendrait cette règle
fondamentale q u i veut q u e les contrats, et les pactes
q u ’ils renferment, soient régis par la loi du jour ou
/
/
�/f/
( 4i )
ils ont été faits? Que deviendrait ce grand principe de
la-non rétroactivité, principe si solennellement déclaré
par les législateurs du Code civil, principe qui est le
fondement de toutes les législations des peuples civi
lisés, principe sans lequel tout ne serait que désordre,
tout ne serait qu ’anarchie dans les lois et dans les
transactions sociales ?
Reconnaissons donc qu e, puisque, suivant les règles
admises soit en 1789 soit en janvier i 8o3 , la dot
de la dame Cisternes d e v a it , dans tous les cas,
que cette dame vint ou non à partage, s’ i m p u t e r sur
sa portion héréditaire, et non sur la quotité alors dis
ponible; et p u i s q u e le sieur Auteroche a disposé alors
par un contrat de mariage, par le plus respectable
des contrats, de cette quotité disponible qui était
libre dans sa main , reconnaissons q u ’ une loi posté
rieure n’a pu porter atteinte à ce don irrévocable
de sa nature; q u ’elle n ’a pu, en changeant l ’im pu
tation de la dot de la dame ¡Cisternes, anéantir ainsi
dans la main de la dame Du CouiTour la donation du
quart, dont celle-ci était saisie avant la publication de
la loi nouvelle.
La question peut encore, être considérée sous un
autie rapport qui conduirait au même résultat.
Avant le Code civil, en janvier i 8o3 , l ’ordonnance
de 1731 , sur les donations, était toujours en vigueur.
Cette ordonnance permettait au père de famille de dis
poser de tous ses biens, moins les légitimes de rigueur
des enfans. De là cette règle écrite dans l’article 34 de
oïdonnance, suivant laquelle, si le donateur no
�( 4» )
laissait pas en mourant assez de biens libres pour
fournir la légitime des enfans, eu égard à la totalité
de son patrimoine
les légitimaires avaient le droit
de demander la réduction, d ’abord des legs, ensuite
des donations, en remontant des dernières aux pre
mières.
Alors, comme le fait remarquer Furgole sur cet
article, on faisait entrer dans le patrimoine, pour le
règlement de la légitime, i° les biens existans; 2° ceux
dont le père avait disposé par testament; 3° ceux dont
il avait disposé entre-vifs, même par contrat de ma
riage, et à titre de dot.
Sur cette masse, chaque légitimaire ne pouvait de
mander que sa légitime personnelle. S ’il la trouvait
dans les biens libres, il devait l’y prendre; si ceux-ci
étaient insufiisans, il n’obtenait, sur les dispositions
testamentaires ou entre-vifs,
que ce qui lui man
quait pour compléter sa légitime;
encore devait-il
imputer sur celte légitime tout ce q u ’il avait reçu du
patrimoine paternel, avant le décès du père.
Ces légitimaires, d’ailleurs, n’avaient pas à examiner
si les autres légitimaires acceptaient ou répudiaient
la succession.
Seulement,, si la renonciation d ’ un des légitimaires
était à-la-fois gratu ite, et pure et simple, celui-ci ne
comptait pas pour la supputation, ce qui ne donnait
cependant pas aux légitimaires acceplans le droit de
reclamer les légitimes des renonçaiis, mais ce q u i ,
selon le nombre qui restait , pouvait augmenter ou
diminuer leurs propres légitimes.
�/
( 43 )
Au contraire * lorsque la renonciation d ’un légitimaire était dirigée en faveur d ’une autre personne,
ou lorsqu’elle était faite aliquo d a to , comme nous
l ’avons déjà d i t , les légitimes des autres enfans étaient
telles q u ’elles auraient été, si tous avaient accepté (i).
Ils ne profitaient pas de la renonciation ; ils ne p o u
vaient chacun réclamer, contre l ’héritier ou le dona
taire, que sa propre légitime de rigueur.
Ces principes sont enseignés par tous les auteurs,
notamment par le savant Ricard, selon lequel, « pourvu
« que les enfans tirent des biens de leur père la por« lion que la nature leur destine, eu égard au nombre
« de frères et de sœurs q u ’ils sont, du moins ceux
« qui ne sont pas absolument exclus de sa succession,
« et auxquels le père a communiqué ses b ie n s , leur
« querelle d ’inofficiosilé doit cesser, n ’ayant pas droit
«
»
«
«
“
de se prévaloir, si les autres ne demandent point
leur part ou la légitime, attendu que chacun a son
droit pour ce regard ^ et il suffit que le père ait
satisfait les autres, et q u ’il leur ait pourvu de sorte,
qu ’ils aient eu sujet de s’en contenter (2). »
C'est comme une conséquence de ces principes ,
<1*1 était admise, dans toute la France, la règle écrite
(1) V o ir M e rlin , Répertoire de jurisprudence, au m o t L é g i t i m e
section 8 , paragraphe 1 " .
*
0 ) Voir Ricard , Traité des Donations, troisième p a rt., n° 10GÎ,
i u > e rlil1’ ^
m0t U '5' l[mQ ’ SeCli° n 8> r araPr®phe 2 , question 5” ’,
N
�( 44 )
dans l ’article
concu :
307 de la Cou tu m e de Paris , ainsi
9
« Néanmoins , au cas où celui auquel on aurait
« donné se voudrait tenir à son d on , faire le p e u t ,
« en s’abstenant de l ’hérédité, la légitime réservée
« a u x autres. »
De cette théorie, la seule admise autrefois dans le
Droit français, et des termes formels de l ’article 34
de l’ordonnance de 1 7 3 1 , il résultait que l ’enfant ne
pouvait faire r é d u i r e les dispositions entre-vifs ou
testamentaires, que pour sa propre légitime, et q u ’il
n ’avait pas le droit de réclamer, en outre, par l ’action
en retranchement, les légitimes des autres enfa ns,
quoique ceux-ci renonçassent,
n ’était pas g r a t u i t e .
si leur renonciation
C e s'prin cip e s, et notamment l ’article 34 de l ’or
donnance de 1 7 3 1 , ont été la loi du contrat de mariage
de la dame Du CouiFour : ils autorisaient ses père et
mère à lui donner toute la quotité alors disponible,
et à réduire la dame Voyret à sa légitime de rigueur.
L a quotité disponible était plus faible, il est vrai,
q u ’en 17 8 9 , et la légitime plus forte; car la loi du
4 germinal an 8 permettait seulement aux père et
mère de disposer du quart de leurs biens. Les trois
quarts étaient réservés pour les légitimes.
Mais si la quotité disponible n ’a pas été excédée,
si la réserve destinée aux légilimaires a été respectée,
la dame Voyret n ’a aucune réclamation à élever.
C ’est vainement q u ’elle se livrerait à de subtiles
�( 45 )
dissertations sur le sens de divers articles du Code
civil.
L e Code civil ne doit pas régir la succession du
sieur Auteroche; car cette succession ne s’est pas ou
verte ah intestat. Avant la publication de cette loi
nouvelle, le père de famille avait disposé de tous ses
biens sous les lois anciennes : il en avait disposé , ou en
faveur de la dame Cisternes, en 17 8 9 , mais à imputer
sur sa portion héréditaire; ou en faveur de la dame
D u Cou ffour, à qui, en janvier i 8o3 , il avait donné
un quart de son patrimoine et une portion égale dans
les trois autres quarts.
L e Gode civil ne peut porter atteinte a ces dispo
sitions, valables sous la loi de germinal an 8.
La dame Yoyret doit les respecter, les exécuter telles
q u ’elles s o n t, ou se restreindre à la légitime que lui
assurait la loi de germinal, c’est-a-dire au quart du
patrimoine entier du sieur Auteroche.
Tout ce que peut donc exiger la clame Y o y r e t , c’est
qu’on compose ce patrimoine, i° des 3 2,000 fr. cons
titués à la dame Cisternes pour biens paternels; 20 des
autres dots ou avancemens d ’hoirie; 3° des biens q u ’a
laissés le père à son décès, et que sur cette masse ,
distraction faite des dettes, on lui attribue un quart.
O i , on ne lui conteste pas ce droit.
Mais en réclamer de plus étendus, c’est non seule
ment méconnaître les volontés d ’un père respectable
c’est aussi vouloir détruire les dispositions d ’actes de
famille que la loi protège.
S il était nécessaire d invoquer la jurisprudence à.
�l ’appui (le vérités aussi claires, aussi élémentaires
nous citerions un arrêt de la C o u r , du 28 janvier
1820, qui a jugé une question dont l ’analogie est
frappante avec celle élevée par la dame Voyret.
Par le contrat de mariage de la demoiselle Julienne
Arcis-Berthon, en date du 1 1 nivôse an 11 (sous la
loi de germinal an 8 ) , il lui avait été promis une
somme de 20,000 f r . , payable après le décès de son
père, a la charge du rapport à la succession , si la
donataire venait à partage. Le don n ’était pas fait en
préciput.
L e père meurt en i 8 i 3 } et la fdle déclare ne pas
vouloir venir à partage, en optant pour les 20,000 fr.
Les autres en fans prétendirent que le don devait être
restreint a u q u a r t , q u o t it é d is p o n ib le ,
e t q u e , n e se
portant pas héritière, la dame Arcis ne devait pas re
tenir, en outre, sa portion héréditaire.
L a C ou r, sans se jeter dans l'examen des articles du
Code civil, considérant que le don avait été fait sous
la loi de germinal an 8 , et que le père pouvait alors
donner h sa fille la portion disponible 3 et une por
tion 'virile dans le surplus , ordonna l’exécution de
la donation , si mieux n’aimaient les autres enfans
abandonner à la donataire un quart en préciput, et
partager avec elle, par égalité, les trois antres quarts
(Voir cet arrêt, à sa date, dans le Journal des Audiences
de la Cour de Riom.).
Des principes semblables d o i v e n t conduire à une
décision analogue, pour la cause actuelle. Comme les
frères Arcis-Berthon, la dame Voyret d o i t, ou exécuter
�G 47 )
la disposition, faite en faveur de la dame D u Couffour,
ou être r é d u i t e à sa portion dans la réserve fixée par
la loi du 4 germinal an 8 , c’est-à-dire au quart du
patrimoine du père.
Ou se rappelle que par le contrat de mariage de la
dame Du Couffour, son père lui a donné, en préciput,
le quart de tous ses biens, et qu ’ il l ’a instituée héri
tière, par égale portion, avec la dame V o y r e t , clans
les trois autres quarts, à la charge du rapport des
avancemens d’ hoirie.
On sait aussi q u e , sur le quart qui est attribué à
la dame Du Couiï’o u r , la dame Voyret est autorisée
par le même contrat a prélever 4 ° ° ° francs.
E n fin , on n’a pas oublié qu e, par son testament,
le sieur Auteroche père, en léguant à la dame D u
Couffour un quart en préciput, donne l ’usufruit de
la moitié de ses biens à la dame L ’huillier, son
épouse.
Le legs d’usufruit de moitié à madame Auteroche,
pouvait être (ait cumulativement avec le don du quart
en propriété à l’un des enfans. Cette double dis
position était autorisée, et par les articles I er et G de
la loi du 4 germinal an 8 , et par les articles r)i3 et
I094 du Code civil.
TV
'
après ces actes, les droits des pai’ties sont faciles
à régler.
L a masse du patrimoine paternel sera composée des
dots ou des avancemens d’hoirie des trois filles, et des
autres biens du père.
U n quart de cette masse sera prélevé par la daine
�( 48 )
D u Couffour, qui paiera sur ce quart 4ooo francs à la
dame Yoyret.
Sur les trois quarts, on distraira les 32 ,ooo francs
f o r m a n t la dot paternelle de la dame Cisternes.
L e surplus se divisera , par moitié , entre la dame
D u Couffour et la dame Yoyret.
Si celle-ci refuse ce mode de portage, et q u ’elle
préfère s’en tenir aux droits que lui assurait la loi de
germinal an 8 , elle recevra le quart du patrimoine
du père, en imputant sur ce quart son avancement
d ’hoirie.
Dans les deux cas, son lot sera grevé, proportion
nellement à sa quotité, de l ’usufruit légué à la mère.
Telles sont les bases du partage à faire. Ces bases
sont déterminées par les actes de famille, et par les
principes en vigueur à l ’époque du contrat de mariage
de la daine D u Couffour.
Ces bases, invariablement fixées alors, n ’auraient
pu être ébranlées par la loi postérieure. Le Code civil
ne peut régir l’exécution des contrats qui 1 ont précédé;
il n’a pu détruire un droit acquis.
Mais s’il était besoin de consulter les règles établies
par le Code civil, on démontrerait aisément l ’erreur
et le danger du système de la dame Yoyret.
La renonciation d ’un héritier naturel, dit la daine
Voyret , le rend étranger u la succession , et lait
accroître sa portion à ses cohéritiers. I)« l;i decoulent,
ajoute-t-elle, plusieurs conséquences. Les dons que le
renonçant retient sont de pures libéralités; ils s’inv
�S i*™ “
( 49 )
putent sur la q u o t i t é disponible : un second donataire
ne peut pas réclamer cette quotité.
L a base de ce système est prise principalement dans
les articles 785 et 786 du Code.
« L ’héritier qui renonce est censé n’avoir jamais été
« héritier (art. 785). »
« La part du renonçant accroît à ses cohéritiers
« (art. 786). »
Ces articles sont peu décisifs pour la question dont
il s’agit; l’un et l ’autre ne s’occupent que des cas
généraux.
L ’a r t i c l e 780 est s e u l e m e n t r e l a t i f a u cas o ù c e l u i
q u i re n o n c e n ’ a r i e n r e ç u , et
ne retient rien sur le
patrim oine du défunt.
L article *7865 611 établissant un droit d’accroisse• m e n t , suppose aussi que la successiou s’est ouverte
ab intestat.
On argumente encore de l ’article 8 4 5 , qui autorise
l ’héritier renonçant à retenir le don entre-vifs, ou à
réclamer le legs à lui fait, jusqu’à concurrence de la
quotité disponible.
Mais cet article ne s’explique pas sur le cas où la
quotité disponible a été donnée à une autre p e r s o n n e .
C ’est moins dans les articles que l’on vient de rap
peler que dans les articles 9 1 3 , 99.0 et 921 , que doit
se trouver la solution de la question.
L ’article 913 fixe la quotité disponible d’après le
nombre des enfans qui existent au décès du père.'
L article 9^®
déclaré réductibles que les dispo
sitions qui excéderont la quotité disponible.
7
�( 5o )
L ’article 921 autorise à demander la réduction ,
ceux-là seuls au profit desquels la loi Tait la réserve.
Appliquées à la cause des héritiers Auteroche, ces
règles démontrent que la dame Voyret ne devrait être
admise à critiquer les libéralités de son père, q u ’au
tant que ces libéralités excéderaient la réserve que la
loi lui attribuait.
Qu'était-elle, cette réserve? Elle était d ’ un quart
du patrimoine paternel; car le père ayant laissé trois
en fans à son décès, la quotité par lui disponible était
d ’un qu a r t, et les autres trois quarts étaient divisibles
entre les trois enfans, ce qui réduisait au quart la
portion réservée par la loi à la dame Voyret.
La prive-t-on de ce q u a rt, même en partie? elle a
le droit de se plaindre.
Mais conserve-t-elle ce quart en laissant exécuter le
don en préciput fait à la dame Du Cou flou r ? ses
plaintes sont injustes. La loi lui refuse la réduction
d ’ une disposition qui ne porte pas atteinte à sa réserve;
car elle ne peut demander cette réduction que jusqu’à
concurrence de la réserve faite à son p r o f i t ; elle ne
p e ut, à l’aide d'un prétendu droit d ’accroissement ,
réclamer la réserve légale qui était faite au profil de la
dame Cistcrncs. Le droit d ’accroissement, établi par
l'article 786, autorise à recueillir ce qui existe dans
la succession ab intestat> mais non à’ prendre dans la
main d ’ u n donataire ce que celui-ci a reçu; non à
faire annuler ou réduire une donation valablement
faite. L ’action en réduction est une action exorbitante
qui ne peut exister sans être autorisée par un texte
�c l a i r e t f o r m e l . D e s i n t e r p r é t a t i o n s s u b t i l e s e t forcées
110 p e u v e n t 1 é t a b l i r , l o r s q u e la lo i est m u e t t e .
Que l’on réfléchisse sur le système proposé, et l ’on
verra q u ’ il conduit à une injustice révoltante, et
même à l ’absurdité.
Il n’est aucun père q u i , en mariant l’un de ses enfans, ne lui donne un avancement d ’hoirie. En faisant
ce don par anticipation sur son hérédité, non seulement
il cède à ses affections, mais encore il se soumet à la
nécessité; car l ’enfant ne pourrait, sans un tel secours,
faire un établissement convenable.
O r, dans le système q u e l ’on c h e r c h e à c r é e r , le
père s’exposérait à perdre le droit de disposer dans la
suite, de la moindre partie de ses biens, par cela seul
q u ’en établissant l’un de ses enfans, il aurait, par un
don en avancement d ’hoirie, rempli le devoir de la
nature et du sentiment. Que l ’avancement d ’ hoirie soit
égal a la portion héréditaire de l ’enfant, q u ’il soit même
plus faible, cet e n fan t, par caprice ou par fraude, renon
cera à la succession du pèrej pour s’en tenir au don
qu ’il aura reçu; et le père, qui n’a pas dû craindre un tel
piège; le père qui aura voulu marquer par un bienfait
sa reconnaissance, ou une affection plus spéciale, à
celui de ses enfans qui en aura été le plus digue; le
pure sera trompé dans ses intentions. Ses libéralités
seront détruites, comme nous l’avons déjà dit, par le
caprice ou la fraude de l’enfant donataire d ’ un simple
avancement d’ hoirie.
Par le caprice, s i , sans aucun but coupable d ’ailleurs,
il veut se débarrasser de l’ennui d ’ uu partage qui ne
�( 5» )
lui offrirait qu ’ une valeur à peu près égale à celle q u ’il
a déjà reçue.
Par la fraude même. Car il pourrait arriver que cet
enfant, pour nuire à celui qui aurait été avantagé,
renonçât à la succession, fit ainsi disparaître le précip u t, et partageât ensuite secrètement avec les autres
héritiers le bénéfice que sa renonciation leur aurait
v a l u , au moyen de l’accroissement en leur faveur de
la portion du renonçant.
Un tel système serait subversif de la loi, qui n’a pas
entendu faire dépendre des héritiers eux-mèmes le sort
des volontés légales du père; un tel système tendrait
aussi à étouffer les sentimens de la nature, en empê
chant les pères de procurer à leurs enfans des unions
assorties, puisqu'ils ne pourraient d o n n e r le moindre
avancement d’ hoirie, sans s’exposer à être privés du
droit de disposer, dans la suite, d ’aucune partie de
leurs biens j un tel système aurait de trop funestes
conséquences, pour être adopté par la réilexion ; et
c’est faire injure aux législateurs, que de supposer q u ’il
est la conséquence de l’esprit de la loi nouvelle.
Dans la cause même, les mots ne peuvent pas servir
de prétexte à la théorie que l’on veut établir.
La daine Cisternes s’est bornée à déclarer q u ’elle
n’entendait pas venir à partage, afin de conserver le
don qui lui a été fait.
Elle n’a pas renoncé} elle s’est seulement abstenue
ali(juo (lato. Elle n’a pas répudié la q u a l i t é d ’héritière.
Elle est toujours héritière par rétention , si elle 11e l ’est
plus p ar action.
�0
^•53 )
Ce q u ’elle a retenu, elle a entendu le retenir,
conformément à son contrat de mariage , pour ses
droits paternels.
Donc elle ne peut être assimilée à un donataire
étranger.
Donc le don qui lui a été fait doit être imputé, non
sur la quotité disponible, mais sur sa portion héré
ditaire.
Donc les prétentions de la dame Voyret sont re
poussées, non seulement par la loi sainement entendue,
mais encore par les termes de la déclaration q u ’a faite
au greffe la dame Cisternes, et par les dispositions du
contrat de mariage de celle-ci.
La dame Voyret invoque des arrêts de cassation /
des 18 février 18 18 , et 17 mai 1 8 19 ; mais ces arrêts
ne sont pas applicables à la cause.
L arrêt de 1818 peut d autant moins s’v appliquer,
que non seulement il juge une question différente,
mais encore q u ’il est relatif à une donation faite,
le 28 messidor an 3 , c’est-à-dire sous l ’empire des lois
prohibitives, et par conséquent à une disposition qui
ne pouvait valoir comme libéralité, puisque les lois
du tems interdisaient tout avantage fait à un successible (Voir l ’arrêt dans le journal de S ir e y , tome 18,
page.98,
partie.).
L arrêt de 1819 décide aussi une question essen
tiellement différente, et qui eût été jugée de la même
manière, dans l’ancien comme dans le nouveau Droit.
Les enfans, donataires, étaient morts'sans postérité,
avant le décès de leur père, donateur. Leur prédécès
�( 54 )
ne leur ayant pas permis d ’être successibles, les dons
q u ’ils avaient reçus ne pouvaient évidemment s’im
puter sur une portion héréditaire à laquelle ils n’avaient
jamais eu droit.
Ces préjugés sont donc peu sérieux pour la cause.
Quant aux motifs de ces décisions, les invoquer, ce
serait s’exposer à faire juger à leurs auteurs des ques
tions auxquelles ils n'ont peut-être pas même pensé.
Des motifs fugitifs qui se sont glissés dans un arrêt,
ne présentent q u ’ une doctrine fort incertaine, lorsque
leur application directe à une autre question n’est pas
faite par l’arrêt même.
Au reste, si quelque doute s’élevait sur le sens et
l ’esprit du Code civil, ce serait aux principes anciens
q u ’il faudrait r e c o u r i r p o u r l ' i n t e r p r é t a t i o n des prin
cipes n o u v e a u x . On sait que les lois successives, lors
q u ’il s’agit de les interpréter, se prêtent un mutuel
secours. Loges priores ad poslenorcs traliuntur, et è
contra.
O r , l ’on a vu que sous la législation qui a précédé,
qui a préparé même le Code civil, l'enfant qui re
nonçait ciliquo dato faisait nombre dans 1 interet de
l ’héritier institué, pour la supputation des légitimes,
et q u ’il était considéré comme prenant part à l’ héré
dité, sinon par action, au moins par rétention.
Telle est aussi l ’opinion émise sous la législation
nouvelle, par des jurisconsultes dont le n o m est une
aulorite devant les t r i b u n a u x .
Telle est celle -notamment du dernier auteur du
Traité des Donations et des Testamens. Il examine avec
�V. ^ )
profondeur ordinm’C 1g cas ou. un enfant renonce,
pour s’en tenir à l’avantage qui lui a été fait; et il
prouve que si “ 1 enfant donataire ou lcgataiic ne
« vient point à la succession, le don ou le legs s’im« pute d ’abord sur sa réserve personnelle. I l en est
« saisi par la lo i » , ajoute l ’auteur (i).
M. Toullier, dans son Droit civil, reconnaît luimême que lorsqu’un enfant donataire renonce , et
qu’il existe d ’autres donations antérieures à la sienne,
il peut cependant, sur les biens q u ’il a reçus en don,
retenir sa légitime par voie d ’e x c e p t i o n , e t renvoyer
ses frères et sœurs vers les d o n a t a i r e s p r é c é d e n s , p o u r
o b t e n i r l e u r s p o r t i o n s d e la réserve légale (2).
Dc-lk découle nécessairement la conséquence que
l ’enfant donataire ne doit pas être assimilé a un
donataire étranger, et que le don qui lui a été fait
doit s’imputer, non sur la quotité disponible,
mais
sur la réserve. S’il •en était autrement,y les donataires
antérieurs lui seraient évidemment préférés, et sa
renonciation lui enlevant le litre d ’héritier , il nu
pourrait conserver aucune partie du don q u ’il aurait
reçu.
9
Ainsi, les principes du Code civil doivent être
considérés comme conformes aux principes antérieurs.
On ne doit pas, d ’ailleurs, légèrement présumer que
les législateurs du Code aient voulu apporter , aux
( i ) Traité <lcs Donations, édition in - 4° , tome 2 , page 2^3.
00 Voyez T o u llie r, Droit civil français, tome 5 , page 1 5 i , pre
mière édition.
�m
( 56 )
règles admises généralement jusqu’alors, une inno
vation aussi importante, aussi remarquable, sans q u ’il
se fut élevé même sur ce point la plus légère discus
sion lors de l ’examen du projet du Code civil. O r ,
q u ’on parcoure les procès-verbaux contenant les ob
servations faites au conseil d’Etat, l’on n’ y remarquera
rien qui annonce même que la difficulté ait été agitée.
Il ne parait donc pas que les législateurs du Code
aient eu l'intention de créer des règles directement
opposées à la législation antérieure, des règles abso
lument destructives de la faculté de disposer, faculté
que le Code civil a voulu cependant rétablir sur des
bases même plus larges que celles q u ’avait posées la
loi de germinal an 8.
Reconnaissons donc q u ’aujourd’hui même ceux-là
seuls peuvent se plaindre d’ une disposition, ceux-là
seuls peuvent la faire réduire, dont la réserve légale
est atteinte. Reconnaissons que la réduction ne peut
être demandée par un héritier à réserve, que jusqu’à
concurrence de sa portion particulière dans cette ré
serve; reconnaissons que si un enfant renonce ciliquo
clato, la chose q u ’il a reçue doit d ’abord s imputer
sur sa part héréditaire, et que c’est seulement au cas
où la part héréditaire serait plus faible, que l ’excé
dant s’imputerait sur la réserve ; reconnaissons, par
suite, que les autres enfans n ’auraient droit à l'ac
croissement de la portion du renonçant, q u ’autant
que le don retenu serait moindre que 1« part hérédi
taire; reconnaissons aussi que le père de famille a
¡reçu de la loi le pouvoir de disposer de toute Ja quotité
\
�que cette loi ne déclare pas indisponible dans l'intérêt
île chaque héritier naturel; reconnaissons enfin que
celui qui reçoit ou auquel on offre toute la quotité
qui est réellement indisponible à son égard, n’a le
droit de rien exiger de plus, et doit respecter, au
jourd’hui comme autrefois, toutes les dispositions qui
laissent intacte sa légitime personnelle.
Ou si l’on croyait superflu d ’examiner et de décider
la question d’après les principes nouveaux, convenons
que les principes anciens la jugent sans équivoque ;
convenons que les principes en vigueur eu 178g et
en janvier i8o3 , ces p r i n c i p e s , q u i sont la loi du
contrat de m a r i a g e d e la d a m e Cisternes et de celui
de la dame Du Coufl'our, commandaient d ’imputer
le don fait à la dame Cisternes sur la part héré
ditaire qui devait lui appartenir dans le patrimoine
de son père; convenons aussi q u ’à la disposition de
la loi s’unissaient les termes de la volonté expresse du
père de famille, qui avait déclaré formellement don
ner à la dame Cisternes, pour ses droits paternels et
maternels s et qui avait exigé q u ’au moyen de la cons
titution qui lui était faite, elle renonçât auæ succes
sions de ses père et mère $ convenons que le père de
famille, ayant stipulé sous la foi d ’ une législation
existante en 1789, et en v i g u e u r encore en i8 o 3 , a
dù croire que la quotité disponible était toujours
libre dans sa main; convenons que la famille D u
Coufl'our, dans laquelle entrait la demoiselle Auteroche, en janvier i 8o3 , a du se reposer avec confiance
6ur la législation la seule connue, la seule admise
8
�( 58 )
alors, et q u ’elle n ’a pas du craindre q u ’une législation
postérieure portât atteinte à un don valable au m o
ment où il a été fait, à un don irrévocable de sa
nature; convenons enfin que ce don et ses effets doi
vent être appréciés comme ils l ’auraient été si la suc
cession du père se fût ouverte au moment même , et
que, puisqu’il eût été maintenu alors, puisque la dame
Voyrct n’eût pu l’attaquer q u ’en se restreignant au
quart du patrimoine de son père, il doit être aussi
maintenu aujourd’h u i, et la dame Voyret doit ou le
respecter ou se contenter d ’ un q u a r t, qui était, en
l ’an 8 , qui est actuellement encore la seule légitime
dont la loi ne permettait pas de la priver.
Pour la calculer, cette légitime , la dame Voyret
peut, sans doute, demander que les dots et les dons
en avancement d’hoirie entrent, fictivement au moins,
dans la masse du patrimoine.
Mais elle n ’a le droit d ’y faire entrer que les valeurs
dont se composent les dots et les avancemens d’hoirie,
non les objets estimés dans les contrats de mariage , et
aliénés moyennant un prix déterminé.
Ainsi, dans le patrimoine du père ne doivent pas
être compris des objets vendus par lui au sieur Cisternes, moyennant 2^,000 fr. ; des objets sortis depuis
1789 de sou patrimoine; des objets q u i , dans tous les
cas où la restitution aurait h e u , suivant l’expression
du contrat de mariage de la dame Cisternes, ne de
vaient ni appartenir à celle-ci, n i r e d e v e n i r un bien
paternel. Le prix de l’aliénation, seule valeur à resti
tuer à l ’épouse, est aussi la seule valeur à rapporter
�( 5 9 )
fictivement à la masse de l ’hérédité, tandis q u ’au
contraire on doit y rapporter la valeur réelle d ’une
rente, dont le sieur Voyret n’était pas autorisé à
accepter un remboursement sans emploi •, d’une rente
dont la perte n’a eu d ’autre cause que les faux calculs
du sieur V o y r e t , ou plutôt des spéculations qui l ’ont
décidé à rechercher et à recevoir, pour son intérêt per
sonnel, une valeur en assignats, q u ’il a , dit-on, em
ployée fort utilement pour lui.
Ainsi, le tribunal de première instance, a commis
des erreurs graves. Il ne devait ni dispenser la dame
Voyret du rapport de la v a l e u r r é e lle de la rente
q u ’e lle avait r e ç u e en dot, ni ordonner l ’estimation,
valeur actuelle, d ’un bien vendu au sieur Cisternes,
en 1789, et dont le prix avait été alors invariablement
fixé. Au lieu de s’arrêter h un interlocutoire inutile,
et repoussé par les circonstances comme par les prin
cipes, il devait déterminer sur-le-champ les bases du
partage, et consacrer le don en préciput assuré à la
dame Auteroche, par la loi et par le plus solennel des
contrats.
La Cour réparera ces erreurs, en montrant dans
cette cause, comme dans toutes celles qui lui sont
soumises, son respect religieux pour les principes et
pour les volontés légitimes des pères de famille.
M* A L L E M A N D , ancien A vocat.
M* B R E S C HARD , Licencié-Avoué.
R I O M , I M P R I M E R I E DE S A L L E S , PRÈS LE P AL A I S DE J US TI CE.
<
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Auteroche, Marie. 1822?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Breschard
Subject
The topic of the resource
contrats de mariage
dot
assignats
renonciation à succession
successions
pays de droit écrit
conflit de lois
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Dame Marie Auteroche et le sieur François Malafosse du Couffour, son mari, Adjudant des Gardes du Corps, Compagnie d'Havray, Chevalier des Ordres de Saint-Louis et du Phénix, Appelant d'un jugement rendu le 28 aôut 1822, par le tribunal civil de Clermont ; contre Demoiselle Marguerite Auteroche et le Sieur Voyret, son mari, Docteur en médecine, Intimés ; en présence de Dame Marie Auteroche et de Sr Blaise Cisterne-Delorme, son mari, aussi intimés.
Annotations manuscrites : « 8 avril 1824, journal des audiences, p. 255. »
Table Godemel : Donation : 17. quels doivent être les effets d’une donation, faite avant les lois nouvelles, par un père mort depuis le code civil, à une enfant qui renonce pour s’en tenir au don ? La donation fait-elle, nonobstant sa rémunération, nombre parmi les héritiers ; et peut-il retenir l’objet donné, jusqu’à concurrence de la légitime et de la quotité disponible, telles qu’elles étaient fixées par la loi en vigueur au moment du contrat ?
18. quel doit être le sort d’une donation du quart en préciput, faite à un autre enfant, postérieurement à la loi de germinal an huit, lorsque l’objet de la première donation est inférieur à la quotité disponible ancienne, et peut-être même à la disponibilité nouvelle ? - le second donataire, peut-il dans son intérêt, avec les héritiers à réserve, faire considérer le premier donataire comme légitimaire, prendre la quotité disponible au moment de la seconde donation, en imputant sur la légitime du premier donataire, les objets que celui-ci retient ? Dot : 4. dans l’ancien droit un immeuble donné en dot, avec estimation et pouvoir au mari de le retenir pour la somme indiquée, est-il présumé vendu ?
en supposant qu’il y ait eu vente, le don, devenant sujet à un rapport fictif, doit-il être estimé valeur du décès du père ? Rapport : 8. une rente foncière donnée en avancement d’hoirie doit-elle être rapportée, valeur réduite seulement, si elle a été remboursée en assignats au mari de la donataire, bien que le remboursement ait été accepté sous contrainte, qu’il n’ait pas été accompagné de remploi, et que la nullité du remboursement n’ait été mise à couvert que par le fait du mari ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1822
1764-1822
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
59 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2606
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2607
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53521/BCU_Factums_G2606.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Sauvagnat (63410)
Perrier (63275)
Rights
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Domaine public
assignats
conflit de lois
contrats de mariage
dot
pays de droit écrit
renonciation à succession
Successions
-
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ea5940860eb4781043a191a03bfa40e8
PDF Text
Text
v
/
v
\
y
L
PRECIS
Le sieur
EN R É P O N S E ,
COUR ROYALE
POUR
2 . Chambre.
A m é d é e - E liz a b e t h - L o u is
D E R IO M .
B aron
D E M A I S T R E et la dame D E M O N T
J
B L I N , s o n épouse, intimés;
CONTRE
Sieur
P h i l i p p e
C h a r le m a g n e
V A N -
D U E R N E . et la dame M A R É C H A L
j
son
épouse s appelans.
I L ne fut jamais de cause plus simple que celle des
sieur et dame de Maistre; la connoissance des faits, si
on les expose avec exactitude, suffit pour en démontrer
la justice. Les sieur et dame V anduerne, qui ont cru
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devoir publier un mémoire, fussent .donc tombés dans
un inconvénient fort grave, s’ils se fussent bornés à les
montrer tels qu’ils sont, tels que la justice doit les voir ;
aussi, se sont-ils efforcés de leur donner une couleur, de
les présenter sous une forme apprêtée. Pour se faire
une cause, il a fallu dénaturer le sens des actes, expo
ser des principes que les législateurs et les jurisconsultes
se garderoient d’avouer, et en faire des applications
inexactes.
\
Il y a, sans doute, un peu de témérité à jouer un
semblable rôle; il y a, il faut le dire, quelque chose
de despectueux pour la justice; mais que n’oublie-t-on
pas quand on a l’imagination exaltée par un rêve de
plusieurs millions ? C’est cet intérêt majeur qui seul peut
expliquer comment les sieur et dame Vanduerne ont
s’abandonner à l’idée d’un semblable procès. Il est
Nsi doux de penser qu’on pourroit devenir maître d’une
terre de six cent mille francs au moins, et obtenir la
restitution de cent vingt-six ans de jouissances qu’une
imagination exaltée peut aller , dans son délire, jusqu’à
espérer qu’il l’obtiendra. Que sait-on? . . . . Les frais sont
si peu de chose en comparaison des résultats, qu’on peut
avoir l’idée de tenter la fortune ! si par hasard on
pouvoit réussir, on auroit à se reprocher de ne l’avoir
pas fait! et, d’ailleurs, la crainte de lY:vènemcnt, quelque
peu fondée qu’elle soit, l’ennui d’un procès dont le
cours est si désagréable et dont les suites seroient si
terribles, en supposant tout, peuvent engager le pos
sesseur légitime à un sacrifice ; quelque peu considé
rable qu’il fû t, iir outre-passeroit de beaucoup les frais;
�*
9
d'ailleurs, si le possesseur est maintenu, comment s’y
prendra-t-il pour répéter ses dépens ? fera-t-il, pour ce
modique intérêt,la dépense d’un voyage à Bruges? sur
quoi les prendra-t-il, quand il y sera? n’auroit-il pas
plus de bénéfice à les abandonner ? On risque donc peu
de chose en faisant un procès et ce seroit sottise de
ne pas l’entreprendre. T el a été, sans doute, le calcul
des sieur et dame Vanduerne.
Les intimés n’ont pas pensé qu’aucune considération
pût leur commander un sacrifice pécuniaire. Porteurs
de titres authentiques soutenus d’une possession de plus
d’un siècle, ils se croyent légitimes propriétaires, et ne
croyent rien devoir à leur propre sûreté; ils ne sont
pas obligés à des sacrifices par la position do leurs ad
versaires et les circonstances qui entourent le procès j
les sieur et dame Vanduerne, sans doute, n’ont pas
besoin dJeux, et les intimés ne doivent aucun égard à
une prétention ambitieuse autant qu’irréiléchie ; il faut
donc aborder franchement la question, si toutefois, après
l’exposé des faits, on peut se faire une question.
Il est constant que la terre de Bompré, qui fait le
sujet du procès, provient de Claude Maréchal. Il vivoit
sur la fin du 17e. siècle; il étoit mort néanmoins avant
le 2.5 janvier 1692.
A son décès, il laissa quatre enfans ; Françoise, dont
nous ne parlerons que cette seule fois, parce qu’ayant
embrassé la vie monastique, elle fut, par la mort civile,
exclue de la succession de son père ; Jeanne, représen1 *
�C 4
)
tée par les intimés ; Claude-Bernard, auteur des appelans, et M arc, décédé sans postérité.
Le 25 janvier 1692, Jeanne épousa Nicolas Revanger;
elle se constitua tous ses biens par une clause générale,
et la dame Jacquinet de Pannessières, sa mère, lui fit
donation entre-vifs de tous ses biens et droits, même
des créances qu’elle avoit contre la succession de son
mari ; elle lui fit donation aussi de tous les biens qu’elle
laisseroit à son décès , à la charge des légitimes de
Claude et M arc, scs deux frères.
La dams Maréchal mourut peu de temps après, le
18 septembre 1693 ; sa succession, comme celle du père,
se trouvoit dévolue à ses trois enfans, Jeanne, GlaudeBernard et M arc; mais Jeanne, comme donataire de
tous les biens présens, avoit le droit de les retenir sans
prendre part à la succession; d’un autre côté, les biens
du père étoient obérés de dettes ( près de 300,000 fr. ) ; la
mère ayant des reprises plus considérables encore et que
Jeanne pouvoit exercer comme donataire universelle,
il faut reconnoître que ces deux successions furent la
chose qui dut l’occuper le moins; mais comme il ne lui
suffisoit pas de les négliger, et qu’en succession directe
surtout, la maxime la mort saisit le v i f a un effet
immédiat lorsqu’on n’en repousse pas l’application , la
daine Revanger se présenta leaô novembre suivant devant
la sénéchaussée de Bourbonnais, et y déclara renoncer
aux successions de ses père et mère, pour s’en tenir
à sa donation ; le juge lui en donna acte et prenant
en considération l’intérêt du fils (, Marc ) qui étoit en
core m ineur, ordonna qu’il seroit pourvu de tuteur et
�(
5
)
de curateur. Il est utile de remarquer ici que depuis
le 25 novembre 1693, la dame Revangcr n’est pas re
venue contre sa déclaration, et que sa répudiation n’a
été attaquée ni critiquée par personne ; c’est déjà quel
que chose pour repousser une prétention uniquement
fondée sur ce qu’elle seroit présumée posséder ccmtne
cohéritière ; toujours est-il vrai que dès le jour de cette
répudiation, les deux successions reposèrent en entier
sur la tête de Claude-Bernard et Marc Maréchal.
Les biens étoient saisis réellement par la dame F eydeau, veuve du sieur le Maistre, président des enquêtes
du Parlement de Paris, et un sieur Quesmas, procu
reur, l’un et l’autre créanciers du père. Le fils arrêtait
les poursuites par des incidens ; des procédures longues,
coûteuses, alloient dévorer une partie de la substance
des ci'éanciers, lorsqu’il parut plus convenable, soit h
eux, soit aux conseils des deux frères M aréchal, de
prendre des mesures qui fussent dans l’intérêt de tous.
Le 27 mars, il fut passé entre les saisissans, faisant
tant pour eux que pour les autres créanciers , et ClaudeBernard Maréchal, majeur de coutume ou émancipé ,
un traité sur lequel les appelans ont longuement disserté
pour établir que c’étoit un acte sans effet réel, quoi
qu’il eût eu un résultat immédiat, suivi d’une exécution
de plus d’un siècle, sans le moindre trouble ni la plus
petite réclamation. Bornons-nous h faire connoître l’acte
tel qu’il est* nous n’en citerons cependant que les parties
essentielles, à cause de son étendue.
On en expose d’abord l’objet 5 c’est « d’éviter la
« multiplicité des procédures, la dissipation des biens . . . .
« et le déiv'vi'Mpr»— '
h.Q f1ê(Tueni<,r' 7 "
�(
«
«
«
«
6
)
d’état q u i sont obtenues par ledit sieur de Bompré
fils, qu i n’y peut rien prétendre, attendu le grand
nombre des dettes qui absorbent et au delci la valeur
des biens. »
On passe ensuite à la disposition : « L e sieur Maré« chai a quitté, cédé, rem is, transporté, délaissé et
« abandonné tous ses droits successifs sur les biens
a meubles............. et immeubles..................délaissés par
« ses père et m ère, même les actions rescindantes et
« rescisoires, à la réserve de ce q u 'il peut prétendre
« sur Vacquisition Jaite de la dame de Longueval.
« Ces derniers mots sont une preuve qu’il ne cède pas tout.
« Pour lesdits créanciers en jciuir à dater de la Saintk Martin dernière ; pour quoi, les subroge en tous ses
c< droits, privilèges et hypothèques.' Les revenus qu’il
c< n’aura pas perçus appartiendront aux créanciers.
« Il est stipulé, pour l’intérêt des créanciers entr’eux,
« que les saisies réelles et mobilières demeureront en
a leur force et v 'îr tu , et tous les créanciers dans tous
« leurs droits, privilèges et hypothèques, L E S U N S A
k l ’ e n c o n t r e d e s a u t r e s . » On a longuement glosé
sur cette stipulation qui démontre, dit-on, que l’actc
ne transmettoit aux créanciers aucune p ro p r ié té , puis
qu’ils se réservoient la saisie, leurs privilèges et hypo
thèques ; on a voulu faire entendre qu’ils se réservoient
tout cela contre Maréchal, leur céJant, et on a omis
ces termes si précieux : Les uns à Vencontre des autres.
Il est évident, d’ailleurs, que la réserve étoit nécessaire,
i° . dans l’intérêt des saisissans, premiers opposans res
pectivement aux autres créanciers, parce que la vente
ne diminuoit rien de leurs droits de préférence j 2°. à
�(
7
)
cause de la minorité du vendeur, et jusqu’à sa ratifi
cation. Mais, poursuivons:
« S’il se trouve d’autres bi°ns meubles, effets et im« meubles , ils appartiendront aux créanciers.
« L e présent délaissement et abandonnement fait
« pour le prix et somme de quatre mille livres, que
a lesdits créanciers, tant pour eux que pour les autres,
« promettent lui bailler E T P A Y E R , par forme de
a gratification, sur les biens de ses père et mère ,
« quoique la totalité d’iceux ne soit pas suffisante pour
cc payer leurs dettes; ladite somme payable en la ville
« de P a r is , un mois après sa majoritéy et après qu’il
« aura ratifié ces présentes et fait ratifier à la dame
« son épouse, et sans qu’‘aucun des créanciers puisse
« faire saisir ladite somme de 4,000 livres -,........... et
« où ils le feroient, lesdits sieur et dame comparons
« seront tenus de fa ire lever lesdites saisies et en
« rapporteront mainlevée , ......... mais ne seront tenus
« de faire lever les saisies qui pourroient être fa ite s
cc à la requête de ses créanciers particuliers. »
Maréchal « s’interdit d’obtenir dorénavant aucunes
« lettres d’état, et d’user de celles qu’il a déjà obte« nues ; ................ et s’il venoit à s'en servir, il sera
« privé de ladite somme de 4,000 livres ; la rendra,
« s’il i’a reçue, et payera 3,000 livres de dommages« intérêts;
cc E t en considération de toutes ces conventions, les
cc saisissans s’obligent, en outre, à payer à Maréchal,
« dans quinze jo u rs, une somme de 1,000 livres qui
« sera prise sur le prix des récoltes de Cannée der-
�(
2
)
« n ière, à ïeffet de quoi la vente sera incessament
« faite , ........................bien entendu que le payement
« des 4,000 livres promises audit sieur Maréchal sera
« fait des deniers provenans desdits biens abandonnés,
« soit des revenus, soit des fonds. »
Il est facile de se fixer sur l’objet et les conséquences
de cet acte.
On y voit un délaissement de certains biens qui
appartiendront aux créanciers, avec droit de jouir
depuis un terme antécédant.
Ce délaissement est fait pour'un prix convenu; les
biens sont cédés, délaissés , abandonnés, etc............. ils
appartiendront aux créanciers.
lie cédant s’en î-éserve quelques-uns; il ne traite pas
avec scs créanciers personnels ; donc ce n’est pas un
simple abandonnement pour se décharger de ses dettes.
T out en stipulant, tant pour eux que pour les autres
créanciers du père, les deux seuls qui traitent s'obligent
personnellement à payer ce prix et à garantir de toutes
saisies que pourroient faire ces autres créanciers.
Ils ajoutent un supplément de prix, et c’est pour
l’intérêt du sieur Maréchal , et non par aucune condi
tion restrictive, qu’ils s’obligent de le payer sur les
récoltes de l’année précédente, et pour c e , de les vendre
incessamment ; de m êm e, la clause qui l’oblige a payer
les 4,000 livres sur les deniers provenant des biens,
soit des revenus ou des fonds, est toute dans l’intérêt de
M aréchal; c’est un privilège qu’on lui accorde sur
le produit des biens, mais cela ne peut jnmais tourner
contre lu i, puisqu’on stipule en même temps quU sera
payé
�(
9
)
payé au préjudice de tous les créanciers, et nonobstant
que les dettes surpassent la valeur des biens, et qu’au
reste on s’y oblige personnellement.
N ’en disons pas davantage ; tout le monde peut qua
lifier un acte semblable, quand on le connoît tel qu’il
est. Voyons ceux qui l’ont suivi.
Ce premier acte ne lioit pas les créanciers; ainsi il
n’eût pas eu de grands avantages pour la dame le
Maistre, si on ne le leur eût pas rendu commun, puisque
chacun d’eux auroit pu poursuivre la vente et ramener
au point qu'on avoit voulu éviter. Quesmas, qu’on peint
comme un procureur avide de procédures, y eût trouvé
son compte, sans doute ; mais il se présenta tout bonnemen comme un créancier légitimequi ne demandoit
autre chose que de toucher sa créance, même en accor
dant des termes et des facilités, et qui fuyoit les frais
de saisies au lieu de se ménager adroitement le moyen,
d’entasser des procédures par lui - même ou par autrui,
et de consumer en frais, à son bénéfice personnel,
une partie notable du gage commun de tous les créan
ciers.
Le i 5 janvier 1695, huit créanciers souscrivirent vo
lontairement à l’acte du 27 mars 1694; soit refus de
la part des autres, soit difficulté de les réunir à de
grandes distances, on n’avoit pas eu leur consentement;
mais la dame le Maistre et le sieur Quesmas qui avoient
besoin de terminer avec tous les intéressés, obtinrent,
le 13 juin 1695, une sentence des requêtes du palais
qui. homologua le traité avec ceux qui l’avoient sous~
%
�( IO )
crit, et poim't d’assigner les rtfusans pour vo :r déclarer
la sentence commune avec eux.
L e sieur Maréchal acquéroit sa majorité le 17 juin;
il avoit intérêt de son côté à la ratification du traité,
pour toucher 5,000 liv. auxquels, sans cela, il n’avoit
aucun droit; il fit,dans le même temps, et hors la -pré
sence des créanciers, les actes nécessaires pour y par
venir. Il faut les connoître.
L e 20 juin, il passe devant notaires à Paris un acte
où il comparoît seul et où il déclare autoriser son épouse
à ratifier le contrat du 27 mars 1694, et à s’ obliger,
solidairement avec ledit sieur son époux, à son entière
exécution , et, par ladite ratification, se désister de toutes
prétentions qu’elle pourroit avoir et demander sur les
choses abandonnées.
L e 30 du même mois, la femme passe à Tournay
un acte où elle figure encore seule et sous l’autorisation
résultante de l’acte précédent; elle s'oblige solidaire
ment avec son m ari, et déclare ne prétendre aucun
droit ni choses quelconques sur les susdits biens et
choses délaissées par,sondit mari.
Enfin, pour achever sur ce point, le 27 août, Maré
chal se présente devant deux notaires à Paris; il dépose
en leurs mains son extrait baptistaire du 17 juin 1670,
pour prouver sa majorité ; les actes des 20 et 30 juin précé
dent; ratifie l’acte comme majeur, en ce qui le concerne;
donne quittance de 3,117 liv. payées par le fermier judi
ciaire, sur les4,000 liv.; se réserve le surplus* etx'econnoît
avoir reçu les 1,000 livres de supplément dès le 24 mai
�C 11 )
1694. A insi, sauf le payement du surplus des 4,000 liv.,
tout est consommé quant <\ lui par ce dernier acte. .
Pendant que Maréchal se mettoit en mesure pour
tenir les promesses qu’il avoit faites en minorité, la dame
le Maistre et Qucsmas avoient dû en faire autant pour
remplir leurs obligations.
Le 19 août, ils avoient obtenu une seconde sentence
aux requêtes du palais ; ils demandoient, i°. que le traité
de 1694 fut homologué contre les créanciers refusans;
20. que le fermier judiciaire fût tenu de payer à Maré
chal la totalité de la somme qui lui étoit due en vertu
de ce traité.
Claude Maréchal demandoit lui-même le payement
de ses 4,000 livres.
E t un sieur Priés, c r é a n c i e r , q u i se trouvoit des der
niers en ordre, demandoit que les sommes payées ou
promises à Maréchal fussent supportées par tous les
créanciers, au marc le franc de leurs créances, au lieu
d’être prélevées et de frapper en entier sur les derniers
créanciers hypothécaires.
Remarquons ici que vingt-sept créanciers étoient assi
gnés; qu’on voyoit figurer parmi eux Jeanne Maréchal
et le sieur R evanger, son mari; qu’ainsi, après avoir
répudié sans condition, et se trouvant en présence de
Claude-Bernard Maréchal qui avoit abandoné ses droits
moyennant un prix, de Quesmas et de la dame le Maistre
qui étoient à ses droits, ils n’élevoient aucune préten
tion sur les bii'ns du sieur Maréchal père; qu’ils figuroient uniquement comme créanciers, et qu’ainsi leur
qualité fixée contradictoirement avec tous les intéressés,
(
2
*
�.
.
.( ■ • >
devenoit publique et indélébile, quand bien môme ils
eussent pu la changer auparavant.
A u reste, la sentence homologua le traité, en décla
rant commune à tous les créanciers assignés la sentence
précédente ; elle ordonna le payement à Maréchal des
4,000 livres, et sur la demande de Priés, elle porte :
« Jo in t la contestation à Tordre, pour y être, en ju
te géant, pourvu ainsi qu’il appartiendra. »
Ces dernières expressions sont précieuses; elles ne
laissent pas de doute sur la pensée du juge, que la tra
dition des biens se trouvoit consommée au profit de
tous les créanciers, par le résultat de cette sentence.
A u reste, observons que par son effet immédiat, les
sieur et dame Hcvanger furent investis, comme créan
ciers et devenus acquéreurs , d’un droit quelconque
à la proj)riété des biens qu’ils avoient refusés comme
héritiers. Ce fut donc en leurs mains un nouveau titre
sans relation avec l’ancien qui ne résidoit plus sur leur
tête; titre nouveau qui auroit interverti la cause de leur
possession, quand bien mêm e, ce qui n’est pas, ils auroient continué de la garder après la répudiation.
A la vérité, la circonstance qu’ils étoient acquéreurs
ou cédataires, comme on voudra, seulement pour une
portion, aui-oit suffi pour que ce ne fût q u ’un com
mencement de titi’e à la propriété du tout ; mais aussi nous
allons voir que ce titre reçut bientôt sa perfection par des
actes ultérieurs, passés avec ceux-là seuls quipouvoient
désormais prétendre droit aux biens, quant à la portion
de Claude-Bernard Maréchal, savoir, ses créanciers de
venus propriétaires.
�C 13 )
Ce qui ne pouvoit avoir effet que pour la portion
de Claude, s’appliqua bientôt à celle de Marc Maréchal;
par acte passé devant notaires à M oulins, le 26 du
racine mois d’août, et dans lequel on voit figurer les
sieur et dame Revanger, seulement comme créanciers,
dépouillés de toute autre qualité, en face de leur pré
tendu cohéritier; celu i-ci, qui ne les considère plus
comme tels, se dépouille en leur faveur de la pro
priété de ses biens, et les leur abandonne dans les
mêmes termes et sous les mêmes conditions ( quoique
pour un moindre prix ) que venoit de le faire Claude
Bernard, son frère, majeur comme lu i, et débiteur
comme lui de créances plus considérables que la valeur
de ses biens.
A in si, indépendamment d’une répudiation non ré
tractée, la dame Revanger fut reconnue par ses deux
frères uniquement comme leur créancière, et agissant
en cette qualité.
Nous n’avons pas à nous occuper ici d’une contesta
tion qui s’éleva, à ce qu’il paroît, entre la dame le
Maistre et les autres créanciers, sur la prétention qu’elle
avoit de les forcer à prendre des biens fonds en paye
ment de leurs créances : on dit qu’elle succomba sur
cette prétention, et cela peut être*, car il étoit difficile,
hors le cas d’une volonté réciproque , d’imaginer un
mode de payem ent plus extraordinaire et moins suscep
tible d’exécution; et il ne faudroit pas s’étonner que les
autres créanciers s’y fussent refusés, et qu’ils eussent
obtenus de ne pas y être forcés. M ais, où les conduisoit cette résistance ? Ils trouvoient toujours dans les
�( i4 )
personnes de la dame le Maistre et de Qucsmas des
obstacles insurmontables à leurs vues. Ceux-ci, créanciers
hypothécaires, premiers en ordre de collocation, ne
couroient aucun risque. Qu’on vendit les biens volon
tairement, ce que peut-être on ne trouvoit pas à faire, ou
qu’on continuât les poursuites en saisie réelle, ce qui exposoit les derniers créanciers à tout perdre, Quesmas et
la dame le Maistre dévoient toujours être payés. En cet
état de choses, on songea à se débarasser de ces deux créan
ciers. Ils s’y prêtèrent, et le 10 décembre 1697 fut passé à
Moulins un acte par lequel les sieur et dame Revanger
et les Farjonnet, créanciers, s’obligent solidairement a
payer ces créances. I>e sieur R e va n g er y figure tant
comme mari que comme fondé de procuration de son
père qui étoit créancier de son chef; on voit par la
suite de l’acte que ses créances s’élevoient à 10,800 liv.;
celles des Farjonnet à 138,000 liv ., et ce, non compris les
intérêts et les trente-cinq autres créances. Quoiqu’il en
soit, Quesmas et la dame le Maistre consentent à re
cevoir, l’un 4,000 liv. et l’autre 5oo liv. par an jusqu’à
extinction de leurs créances; ils s’obligent à faire ap
prouver l’accord par tous les créanciers; mais comme
il faut vendre et que Quesmas et la dame le Maistre,
abandonnant la gestion, ne seront plus à même de se
défendre de rien, il est stipulé que dans le cas où
le prix de la vente ne suffirait pas, les créanciers coutractans payeront ce qui s"1en défaudra, sans garantie
ni institution de deniers.
Après cet acte, et par requête du 14 février 1698,
les Revanger , Farjonnet et autres créanciers qui y
�C 15
)
parties, démandèrent contre Quesmas et la dame
le Maistre, et le commissaire aux saisies réelles, qu’il fût
exécuté suivant sa forme et teneur; qu’ils fussent auto
risés à jouir des biens, et qu’il fût fait défense au commis
saire aux saisies réelles de les troubler dans cette jouissance.
Les 10 mars et 10 juillet suivant, ils obtinrent d’abord
aux requêtes du palais, puis aux requêtes de l’hôtel,
deux sentences qui l’ordonnèrent ainsi ; et ces deux
sentences furent exécutées sans contradiction.
Il importeroit très-p eu , sur cette partie des faits,
que les sieur et dame Revanger eussent arrangé tout
cela pour tirer meilleur parti des créanciers, après s’être
débarassé des deux plus difficiles; on pourroit mêm e,
sans danger, admettre pour un moment cette supposition,
qu’ils avoient préparé de longue main tous ces actes
dans leur intérêt personnel, pour conserver les biens
sous un titre plutôt que sous un autre, avec le moins
de frais possible. Tout cela seroit sans conséquence, car
il ne s’agit ici que d’une difficulté unique, la seule que
les appelans osent élever ( si toutefois c’est une difficulté ),
celle de savoir si les sieur et dame Revanger ont in
terverti leur titre; s’ils ont joui comme cohéritiers ou
comme acquéreurs; et certes, pour décider cette ques
tion, il est fort inutile de rechercher, après cent vingtsix ans, à quel prix ils se sont débarassés des créanciers.
La seule chose qui intéresse pour cet objet, est de recon
noitre si les deux frères Maréchal ont conservé des droits
après les actes dont nous venons de parler, et si la dame
Revanger, donataire universelle de sa mère et créancière
de sommes considérables, a pu réunir sur sa tête la to
talité de la fortune. L ’a-t-elle fait? si elle l’a fait, a-t-elle
étoient
�pQO
( I6 )
possédé les biens légitimement et animo dom ìni? si elle
les a possédés, a-t-elle transmis à ses enfans cette pos
session ? ceux-ci, la recevant de bonne foi et la conti
nuant de même, ont-ils à craindre, après cent vingt-six
an,s, que cótte possession leur soit aussi inutile que le
titre et le titre que la possession, et qu’on leur arrache
les biens en leur faisant restituer tout le bénéfice de la
jouissance ? C’est cette dernière partie des faits et sa consé
quence qui vont former le complément de cette proposi
tion que nous avons posée du premier m ot, qu’il ne fut
jamais de cause plus simple que celle des sieur et dame
de Maistre ; à quoi nous pourrons, ce semble, ajouter
dans quelques instans q u ’il n’en fut jamais de plus dif-*
ficile, de plus déplorable que celle des sieur et dame
Vanduerne ; et voilà pourquoi des moyens entortillés
avec une narration inexacte, présentent de leur part
des résultats aussi peu positifs, qu’ils ont donné, sans
doute, de travail à une imagination sophistique.
Qu’on ne doute pas que les sieur et dame Revanger
n’ayent pris, après les sentences de 1698, le seul parti
prudent qui leur restoit, celui de payer les créanciers;
aucun cl’eux n’a rien réclamé depuis. Qu’on ne dise pas
que ces créanciers étoient imaginaires, ils figurent au
nombre de trente-sept dans les actes et les sentences.
Qu’on ne se figure pas enfin que les sieur et danjo de
Maistre seraient en peine de justifier le payement do
ces créances. Il no seroit pas dilficile d’établir quelles
s’élevoient en principal à près de 3°0;000 livres; que
la majeure partie des terres qui cornposoient Ja fortune
fut délaissée en payement aux créanciers, ou vendue
pour
�C *7
)
pour les payer ; enfin, que les reprises de la dame Revnnger, plus considérables à elles seules que toutes les autres
dettes de la succession, outre-passoient la valeur de co
qui resta entre ses mains.
Mais les intimés se garderont d’établir aucune discus
sion sur ces points secondaires et qu’ils croyent inutiles
à examiner ; ils ne chargeront pas cette cause de détails
qui y sont étrangers dans l'état où elle se présente ;
encore une fois, cela n’est pas la question, et l’intérêt
de l’homme qui soutient une cause juste, claire dans ses
faits, forte dans ses preuves, est que l’esprit du juge
ne soit pas un seul instant éloigné de la^question.
O r , pour y rester constamment, il nous suffit de dire
qu’après avoir réuni sur leur tête la propriété des biens,
en désintéressant tou9 les a u t r e s c r é a n c i e r s , les sieur et
dame Revanger voulurent consolider cette propriété dans
leurs mains, par l’autorité de la justice.
Le 8 octobre 1717? ils firent assigner une partie des
créanciers aux requêtes du palais ; la femme se présenta
comme donataire universelle de la dame sa m ère,
yeuve de Claude Maréchal, et qui avoit renoncé ¿1 la
communauté stipulée en leur contrat de mariage ,* elle
persista donc toujours dans sa qualité de créancière de
son père, jusqne-là reconnue par tout le monde comme
l’unique dans laquelle elle avoit procédé.
Sur cette requête, fut l’enduc le 2.6 novembre T7I 7
une sentence contradictoire avec un créancier, et par dé
faut contre les autres ; elle est ainsi conçue :
« La cour, parties comparantes ouïes, par vertu du
« défaut donné contre les défaillans, en conséquence des
3
�( 18 )
« payemens faits par les parties de Guillauniet (les sieur
« et dame R evanger), aux créanciers de défunts Claude
« Maréchal et Marie Jacquinet, des subrogations et
« réunions en leur personne des droits des créanciers}
« ordonne que la propriété des terres de Bornpré,
« Loutaud................avec leurs circonstances et dépen« dances, demeureront et appartiendront incommuta« blement, avec les fruits et revenus, auxdites parties de
« Guillaumet, depuis le 10 décembre i6$J qu’ ils en
« sont en possession................ce faisant, fait pleine et
« entière mainlevée de la saisie réelle et des oppositions ;
« ordonne qu’elles seront rayées des registres.
Sans beaucoup de commentaires, demandons ici aux
sieur et dame Vanduerne, car c’est le moment, sans
doute, où ils ont pris que la déclaration de propriété
n’étoit prononcée que comme conséquence d’une dis
position principale, conséquence q u e, suivant eux, il
ne faut pas séparer de son principe, ni rendre plus
puissante que lui, ou si, au contraire, cette déclaration
de propriété n’est pas elle-méme la disposition prin
cipale, la disposition unique de la sentence. A u reste,
tout évident que cela est, nous aurons à y revenir.
Cette sentence fut signifiée à procureur le I e r dé
cembre; la signification à domicile n’est pas rapportée,
et il ne faut pas s’en étonner beaucoup ; elle est, d’ailleurs,
assez inutile; mais il faut tenir pour certain qu’elle fut
faite dans le même temps, car tous les créanciers n’ayant
pas été parties dans cette sentence, ils furent appelés
aux requêtes du palais par (de nouvelles assignations
des 8 et 9 avril 1718, et le 30 juin, une nouvelle sentence
�{. *9 ;
fut rendue contre le surplus des créanciers; elle déclara
commune avec eux celle du 25 novembre précédent; et
comme l’original de la signification i) domicile fut écrit
sur l’expédition même, il y est encore joint aujourd’hui.
Certes, Claude-Bernard et Marc Maréchal, dépouillés
de tous leurs droits depuis 1695, par un consentement
volontaire, n'avoient que faire d’assister à ces sentences^';
aussi, n’y furent-ils point appelés, mais bien tous leurs
créanciers, seules parties intéressées depuis ces actes de
délaissement, vente ou abandon, comme on voudra les
qualifier. Ces sentences furent bientôt exécutées; le 23
septembre 1718 la saisie réelle et les oppositions furent
rayées, en vertu des actes passés devant notaire et des
sentences de la Cour ; cette exécution qui consistait
dans un fait lé g a l, fut accompagnée d’un autre fait
public, authentique, la possession exclusive, conforme
au titre sans douts, par conséquent, ayant pour prin
cipe la propriété incommutable transférée ou confirmée
par la dernière sentence, comme conséquence des actes
qui l’avoient précédée.
Cette possession commencée en 1697, et dont le carac
tère jusqu’à 1717 n’étoit pas incertain, quoique moins
positif, s’est exercée encore pendant cent seize ans
contre les Maréchal qui n’avoient plus paru de
puis 1695 , et une quadruple prescription setoit ac
complie sur la tête de la demoiselle de M ontblin qui
représente les sieur et dame R evanger, lorsque le
16 mars 1814, les sieur et dame Vanduerne l’ont assignée
dans la personne du sénateur comte Garnier, son tuteur.
3
*
�( 20 )
Cette redoutable assignation étoit assez difficile à ré
diger, car on vouloit lui donner des motifs, et il falloit
sortir do l’embaras où on étoit jetté par des titres ré
guliers et une possession si long-temps prolongée. A u
reste, elle est assez curieuse et il ne faut pas omettre
d’en rendre compte.
La dame Vanduerne expose qu’elle représente ClaudeJBernard M aréchal; elle dit que la dame Jacquinet,
mère du sieur Maréchal avoit été sa tutrice ; qu’en
mariant sa fille au sieur Revanger et lui remettant ses
biens, elle les chargea solidairement de continuer la
tutelle; qu’en conséquence, les Revanger et leurs représentans n’ayant pu tenir les biens q u ’au môme titre de
tuteur, ce titre est précaire et fait obstacle à toute
prescription.
Ne se fiant pas trop à ce premier moyen qui n’est
pas exact en f a it , ils disent que si les sieur et dame
Revanger n’étoient pas tuteurs, ils étoient cohéritiers
de Claude-Bernard Maréchal ; qu’ils jouissoient en vertu
d’ un titre commun, par indivis, par conséquent, pour
tous les ayant droits ; second obstacle à la prescription.
Que le vice de la possession s’est perpétué jusqu’à
ce jour, et qu’en conséquence , il faut considérer comme
nulle toute espèce de jouissance.
Passant ensuite aux prétentions que doit favoriser ce
système, ils disent qu’outre les droits personnels de
Claude, ils ont encore à exercer la portion qu’ils amen
dent dans ceux de Marc et de Françoise, et ils de
mandent le partage pour leur attribuer tout cela.
�( 21 )
E t comme Claude, leur auteur, étoit laine* des mâles,
en coutume de Bourbonnais, ils demandent prélève
ment du droit d’aînesse.
Enfin, pour arriver au résultat, ils déclarent pour
leur prélèvement, qu’ils se contenteront de l’appliquer
sur le principal manoir, qui est la terre et château
de Bom pré, et h mobilier qui en dépend ; ils récla
ment le partage de toutes les terres sorties de la famille,
avec attribution au lot des défendeurs, de toutes celles
qui ont été aliénées ; la restitution des jouissances depuis
1694, y compris les dîm es, cens et rentes , jusqiCci
Vabolition ; enfin, comme le procès doit coûter des
fr a is considérables, ils demandent vingt-quatre mille
francs de provision pour y fou rn ir.
Si après avoir fait connoîtrc le fond des demandes,
nous les oublions pour n'en voir que les moyens, tenons
dès à présent pour constant que la cause est réduite à
l’examen d’une seule question. Les demandeurs reconnoissent que si la prescription a commencé, elle n’a point
été interrompue, puisqu’ils ne l’allèguent pas ; ils se
bornent à prétendre qu’elle a été empêchée par la nature
même du titre; parce que le possesseur et ses descendans ont joui comme tuteurs ou comme cohéritiers, et
ils mettent en principe qu’une jouissance semblable ne
peut jamais, et dans aucun cas, opérer de prescription ;
ce qui est, ou autant vaut, dire nettement. que l’action
en reddition de compte et celle en partage, sont de
leur nature imprescriptibles. C’est cette législation par
ticulière:, sans doute, aux sieur et dame Vanduerne,
qu’ils ont délayée; dans leurs imprimés.
ç
�C 22 )
Nous allons brièvement, et autant seulement quu
peut être utile, en parcourir les propositions; elles dis—
paroîtront à l’aspect des véritables principes, au premier
regard de la justice.
Nous nous éloignerions grandement du plan que nous
avons adopté et qui semble commandé par la nature
même des choses, si nous suivions les appelans dans leurs
divisions et sous divisions d’articles et de paragraphes 5
nous pourrions, sur chaque proposition, isolément, dé-?montrer qu’elle est erronée; mais nous entreprendrions
sans fruit une discussion longue et fastidieuse. V o y o n s la
cause dans son ensemble, et abordons franchement les
véritables questions.
t
, Nous allons supposer que la dame Revanger n’a eu
d’autre principe de possession que sa qualité de donataire
de sa mère, même d’héritière de son père, quoiqu’elle
ait • répudié , et que sa répudiation n'ait jamais été
attaquée. En carressant ainsi le système favori des sieur
et dame Vanduerne, nous les servirons sans doute à leur
goût 7 et nous simplifierons beaucoup la discussion ,
puisque les six paragraphes de leur premier article, c’est-r
à-dire , les quarante premières pages de leur mémoire
seront chose absolument inutile à réfuter , et que, suppo
sant vrai tout ce qui y est écrit, ces vérités seroient sans
conséquence.
Nous reconnoîtrons d’abord la vérité de ce principe,
que celui qui possède en vertu d’un titre précaire, et
dont la possession n’a pas d’autre cause, ne peut jamais
prescrire, et ainsi nous arriverons à la quarante-cin-*'
�(
*3
)
quièmepage de la consultation, sans avoir d’autre réponse
à faire ; mais nous nous étonnerons en pensant qu’on ait
pris tant de peine à prouver des principes positifs ,
comme s’ils étoient contestés, et mis tant de légèreté à'
en poser les conséquences, comme si celles qu’on en
tire étoient justes et avouées; en sorte que le juge, une
fois pénétré du principe, n’auroit plus qu à prononcer
les conséquences, sans avoir autrement besoin de les
examiner. Montrer la difficulté là où elle ne peut ê tre ,
et où on est sur de convaincre, et éloigner l’œil du magis
trat de la difficulté réelle en lui présentant celte partie sca
breuse comme non susceptible de contestation, ce peut
être de l’art, mais ce n’est pas tout à fait de la rectitude.
C’est après avoir prouvé et bien.appuyé d’autorités
ces principes généraux et incontestables, que la posses
sion précaire ne constitue jamais la prescription, qu’on
commence à la page 45 à s’occuper de la cause; deux
propositions fort simples et sur lesquelles on veut per
suader par une apparente bonhomie qu’on n’a besoin
ni d’autorités, ni d’efforts, ni de logique, contiennent tout
ce qu’on à écrit directement sur la cause.
L a possession des sieur et dame Revauger étoit vi
cieuse, dit-on, par deux raisons essentielles.
La première est l’indivision. La dame Revanger, mise
en possession par sa mère de tous les biens paternels
et maternels, a joui des biens indivis dans lesquels elle
n’amendoit qu’une portion ; un partage poitçoii seul
¿faire cesser là cop rop riété , et la coutume de Bour
bonnais, article 2 6 , étoit en ce cas un. obstacle à la près-
�( H )
cription ; Vindivision avertissait ’p erpétuellement les
sieur et dame Revangcr et leurs héritiers in infinitum
qu’ils n’étoient pas propriétaires des portions de ClaudeBei’nard Maréchal ; ils n’ont donc pu les prescrire.
La seconde raison se tire de ce que, chargée par le
contrat de mariage de tous les engagemens de la tutelle
qui pesoit sur la téte de sa m ère, la dame Revanger ne
jouissoit des portions des autres qu’avec un titre pré
caire et comme un véritable administrateur; cette ad
ministration ne pouvoit cesser que par un compte rendu
et délivrance à chacun de sa part des biens ; cette dé
livrance n'ayant pas eu lieu, la possession des sieur et
dame R e v a n g e r s’est perpétuée jusques dans leur posté
rité, à titre d’administrateurs.
Ces deux propositions ainsi isolées, sont faciles à dé
truire ; un souille va les anéantir en les examinant l’une
après l’autre. Elles sont si bizarres, si incohérentes,
qu’elles ne peuvent pas soutenir la plus petite réflexion.
Posons d’abord le principe ; c’est de là qu’il faut partir.
La prescription a été introduite comme un moyen,
nécessaire à la tranquillité des familles : lorsquo le terme
en est accçmpli, elle fait présumer que le possesseur est
légitime propriétaire ; elle le défend contre les attaques
tardives qui pourroient renverser sa fortune ; elle arrête
en cela les calculs de la méchanceté et de la mauvaise
foi, et voilà pourquoi elle est qppelée la patrone du
genre humain.
Mais ce principe, admis sans restriction, eût produit
des majux plus gçajjds ençorç qije ceux qu’on vouloit
éviter
�c 25 )
éviter ; il eût été l’éceuil de la bonne foi, de la confiance?
de lafoiblesse; pour l'empêcher, les législateurs ne l’cnt
admis que sous trois exceptions.
La première -a été prise de ce que la possession n’ayant
commencé qu’à un titre précaire, et le possesseur ne
faisant qu’user des droits d’autrui, ne possédant que pour
autrui, il ne peut pas acquérir une prescription qui
suppose qu’il a possédé pour lui-mêine, anirno dom ini;
la loi déclare donc qu’une semblable cause empêche la’
prescription.
’
La seconde a été prise de l’état d’incapacité de ceux
dont les biens sont possédés par des tiers, mais qui ont
commencé à prescrire ; elle ne veut pas quon puisse
tirer avantage de leur foiblesse, et cette cause suspend.
E nfin , la présomption légale que produit la prescrip
tion ne pouvant exister que par un silence prolongé
pendant le temps nécessaire à son accomplissement, l’in
terpellation judiciaire du créancier, ou la reconnoissance:
écrite du débiteur, constitue une troisième exception ;
c’est là la cause qui interrompt.
E t c’est ainsi que, fournissant aux possesseurs de bonne
foi ( ce qui s’entend de la bonne foi légale ) le moyen
de se préserver de toutes recherches après un certain
tem ps, la loi apporte à leur droit un sage tempérament
toutes les fois qu’il a été exercé contre des individus qui
ne pouvoient pas se défendre.
N ous n’avons à examiner que le premier cas ; mais
nous avons dû parler des deux autres pour les montrer'
tous sous le même point de vue, afin qu’on puisse bien
reconnoître le motif de la .règle, celui des exceptions,
4
�discerner si on s’y trouve, et aussi pour nous assurer
dès à présent que ces trois exceptions étant les seules
admises, la prescription doit être considérée comme
accomplie dans le cas où nous sommes, si elle a pu com
mencer , puisque les appelaus ne peuvent articuler ni
suspension ni interruption.
Nous n’avons pas besoin de remonter bien haut pour
reconnoitre la doctrine qui doit nous guider. Le Code
civil, art. 2236, contient en deux lignes toute la subs
tance des anciens principes.
Ceux qui possèdent p o u r a u t r u i , ne prescrivent
jamais.
C ’est à ce caractère qu’il faut reconnoitre ceux-là seuls
qui ne peuvent prescrire ; aussi la doctrine des législa
teurs du monde se trouve-t-elle toute renfermée dans
ces deux mots qui font anthitèse avec l’article : Pour
prescrire, il faut posséder animo domini. Ne nous épui
sons pas en recherches; si la dame Revanger et ses
représentans ont possédé pour autrui, point de consé
quence à en tirer pour eux; s’ils ont possédé pour eu x,
animo dom ini, avec l'esprit de propriété, ils ont prescrit.
Voilà notre boussole; c’est celle que la loi nous donne,
en nous avertissant que celui qui s’en écarte, ira se
briser sur des écueils.
Revoyons maintenant les deux propositions des oppclans ; d’abord l’indivision q u i, dit-on, n a u roit pu cesser
que par un partage; l’art. 26 de la coutume de Bour
bonnais , et la conséquence qu’on en a tirée que le par
tage n’ayant pas été fait, l’indivision a continué, et a
Rmpêché la prescription.
�( 27 )
Cette proposition nmo't en elle-même quelque chose
de b:en étrange, si elle étoit vraie dans le sens des
appelans. Après l’avoir admise, faute de pouvoir en dis
cerner le vice, l’homme qui, sans eonnoître la science
du droit, auroit néanmoins quelque teinture des prin
cipes jointe à un jugement sain, se demanderoit bientôt
à lui-même: « Que signifient donc, en ce cas, les lois
« de tous les temps qui veulent que le cohéritier qui
« laisse jouir son cohéritier, et qui oublie pendant trente
« ans de demander le partage, en soit exclus parce que
« l’action en piirtage se prescrit par trente ans, lorsqu’il
« n’y a ni suspension ni interruption? est-ce que les lois
« peuvent renfermer des contradictions aussi palpables ?
« comment s’y prendre, en ce cas, pour les exécuter, même
« pour leur obéir ? » N ous n’.iurions pas de peine à con
vaincre cette ûmehonnête, mais sans expériences en affaires;
nous en aurons moins encore pour nous faire entendre
des magistrats qui distribuent la justice.
Tout gît dans l’explication de ces trois mots : Jouir
pour autrui. Elle seroit facile sans aucun secours ; mais,
pour ne pas encourir le reproche de nous abandonner
au raisonnement , c’est dans le répertoire même des
appelans que nous allons puiser ; c’est l’article 26 de la
coutume de Bourbonnais qui va tout expliquer.
« Quand aucunes choses sont tenues et possédées en
« commun et par indivis , l ’on ne peut acquérir ni
« prescrire le droit l’un de V a u t r e .......... par quelque
îc temps que ce soit. »
Ici, la loi se concilie bien avec elle-même; elle ne dit
pas que le coheritiex* qui jouira seul de la succession
�(28)
commune, ne prescrira pas contre les autres, mais q u j
ceux qui jouiront en commun et par indivis, ne pour
ront prescrire l’un contre l’autre le droit l’ un de
Vautre. « La raison, dit M. Auroux sur cet article,
« c’est que celui qui reconnoît posséder une chose com« m im e, soit par succession ou autrement, reconnoît,
« par conséquent, le droit de ses communs, et qu’on
« ne prescrit point contre son titre ;
« Mais, pour faire une application sûre de notre ar-*
« ticle, il fa u t que la chose soit reconnue commune
« par celui qui la possède. »
Ainsi, cela s’applique à plusieurs, jouissans ensemble
et par indivis, et qui p eu v en t toujours demander le
partage Yun contre Vautre, « même à un héritier q u i,
« jouissant seul, fait part aux autres communs des bé« néfices de la jouissance qu’il exerce, ou qui reconnoît
« par écrit qu’il n’a joui que pour eux ; » mais celui
qui jouit seul et sans en faire part à autrui, ne jouit pas
par indivis; il jouit, au contraire, fort divisément, exclu
sivement y et prescrit par cela seul le droit d’autrui.
« U in d iv is, dit M . A uroux sur ce même article 2 6 ,
« n’est une reconnoissance de la nécessité qu’il y a dç
« faire partage qu'au respect de ceux qui jouissent
« par indivis et non à Yégard d'un cohéritier q u i n ’a
a aucune possession. C’est p ou rq u oi, si on suppose que
« dç quatre cohéritiers il y en ait un qui ait gardé le
« silence pendant trente ans, et que les trois autres ayent
« jo u i par indivis de toute la succession, celui qui a
« gardé le sileuce pendant trente ans ne sera plus re« ccvable à demander sa part. »
�( ^9 )
Puisqu’il faut aux sieur et dame Vanduerne des au
torités pour leur apprendre ce que c'est que jouir par
indivis, ils ne récuseront pas celle-là, sans doute, pas
plus que celle de Semin et du président D uret, toujours
sur le même article, non plus encore que ce principe
universel que le cohéritier qui vit dans la maison
commune , quoiqu’un autre jouisse , se trouve placé dans
l’exception, parce qu’alors il jouit par indivis ; et ils
avoueront peut-être que notre législation ne reconnoissant pas d’héritiers nécessaires, ne conserve pas le
droit des successibles contre leur volonté, et que leur
silence suffit pour que leur droit se perde et s’éteigne
à jamais.
Voilà des principes, sans c l o u t e ; n o u s ne craignons
pas de l’affirmer, et la Cour ne les repoussera pas ; que les
sieur et dame Vanduerne, arrivant de Bruges, en Bour
bonnais, les yeux un peu épaissis par le désir d’une
grande possession, eussent lu l’art. 26 de la coutume,
réduit à son texte et dégagé de tout commentaire, et
qu’ils n’eussent pas bien compris les mots jouis en co?nmun
et par indivis, cette idée seroit encore supportable;
mais que dans un écrit en forme de consultation, signé
par des jurisconsultes, on soutienne que parce qu’on n’a
jamais fait de partage on peut toujours le demander, et
que le cohéritier qui s’est abstenu de la succession, qui
n a jamais jou i, qui n’a jamais vécu dans la maison com
mune, qui, au contraire, s’en est éloigné, et s’est abstenu
de prendre part aux biens depuis cent vingt-six ans
peut, sans aucun moyen d’interruption, demander un
partage et cent vingt-six ans de jouissances ; qu’en un mot,
�( 30 )
son droit est conservé par le fuit même que la loi admet
comme exclusif de tout droit, c’est ce que l'esprit se
refuse à croire, pendant que les yeux le lisent distinc
tement.
Nous n’entasserons pas ici les autorités pour prouver
ce que la loi dit impérieusement depuis des siècles, et
ce que le- Code civil ne fait que répéter, art 816.
« Le partage peut toujours être demandé , même
« quand l’un des cohéritiers auroit joui séparément de
partie, des biens de la succession, s’il n’y a eu un acte
« de partage ou une possession suffisante pour a cqu érir
« la prescription. »
Cet article, joint ù l’art 2.2.62., n’a fait que poser le
principe général que l’action en partage se prescrit
par trente ans ,• il fixe, d’ailleurs, une question de droit
qui avoitété controversée par les jurisconsultes, celle de sa.voir si entre des cohéritiers qui ont joui divisément pen
dant un certain temps, dix ans, par exemple , on pouvoit
se soustraire au partage sans en rapporter un acte;
doctrine qui avoit été repoussée par la saine partie des
docteurs, notamment Lebrun; et il érige en loi parti
culière ce qui jusque là n’ayoit été reconnu que comme
une conséquence des principes généraux, savoir, que
trente ans de jou issa n ce séparée sont nécessaires pour
dispenser un cohéritier de rapporter un acte de partage,
Il est donc inutile que nous opposions aux appelans
l’autorité des plus célèbres auteurs, sur un point qui
étoit de doctrine universelle ; nous ne leur produirons
ni Domat, ni Pothier, ni môme Dunod qu’il ont fort
imprudemment invoqué ; nous croirioiis faire injure
�C sO
aux ministres de la justice, en accumulant les citations
pour prouver qu’une jouissance séparée de trente ans
opère la prescription de l’action en partage , et nous
aurons un peu plus de respect pour les lumières d’une
Cour souveraine; mais nous ne saurions nous dispenser
d’insister sur une autorité que les sieur et dame Vanduerne ne mépriseront pas; sur laquelle, sans doute,
ils n’élèveront ni doute ni soupçon; celle de leur propre
consultation. lie principal motif qu’on invoque pour
prouver que madame Revanger, ni ses descendons, n’ont
pas pu prescrire, est celui-ci ( page 46 ).
0
' a L ’indivision avertissait perpétuellement les sieur et
dame Revanger et leurs héritiers in injînitum , qu’ils
n’étoient pas propriétaires des portions revenant à ClaudeBernard Maréchal; par conséquent, ils n’ont j «mais pu
les posséder anuno dornim. »
' A rrêton s-n ou s un instant.
On a senti le besoin de dire que le cohéritier qui jouit
pour la succession, est averti par quelque chose qu’il
ne jouit pas pour lui-même; car la prescription étant
fondée sur ce principe qu’on jouit animo dom ini,
il faut qu’un fait quelconque lui apprenne , et à ses
héritiers in injmitum, qu’il jouit pour autrui ou avec
autrui. Demandons ici aux sieur et dame Vanduerne
ce que c’est que cette indivision qui avertit perpétuellenient, si ce n’est un fait positif qui démontre
q u ’on ne jouit pas p o u r s o i , ou si cela s’applique au
cohéritier qu i, r e s t é seul dans la maison commune, ne
fait part de sa jouissance à personne ; dispose en maître
�( 32 )
et à son profit personnel de toute la succession; s’ap
proprie exclusivement les revenus ; vend les immeubles
sans en rendre compte à personne? Si cet héritier,
disposant en maître , jouissant exclusivement , ne
possède pas animo dom ini, quel sera donc celui à qui
on appliquera ces expressions? dans quel cas un cohé
ritier pourra-t-il prescrire la portion des autres? Sou
venons-nous bien que la pi'escription tient lieu de titre;
que la. possession trenténaire fait présumer de droit la
transmission de l’immeuble à titre gratuit ou onéreux,
et consolide la propriété incommutable sur la tête de
celui qui a prescrit; en sorte que sa possession eût-elle
commencé par une usurpation qui eût pu être roconnue si une demanda eût été signifiée api'ès vingt-neuf
ans onze mois et vingt-neuf jours, elle est devenue lé
gitime après l’expiration d’un jour de plus; elle le dis
pense de rapporter un titre, et l’affranchit même de
l’exception de mauvaise foi ( article 2262 ). O r, et abs
traction faite de tous les actes, sentences et arrêts qui
ont été passés oy. obtenus depuis 1694 jusqu’en 1718 ,
qulon nous dise comment madame Revanger et ses
descendans eussent dû jouir autrement qu’ils n’ont fait,
pour acquérir une possession réelle et attendre la prescrip
tion? n’ont-ils pas joui pour eux exclusivement? ont-ils
jamais reconnu Vindivision^ un fait matériel quelconque
les a-t-il jamais avertis qu’ils n’avoient qu’une jouissance
précaire, qu’ils possédoient en commun et par indivis ?
se sont-ils jamais occupés de leurs cohérities prétendus?
enfin, ne prouve-t-on. pas le contraire de tout cela en
leur
�( 33 )
leur demandant aujourd'hui cent vingt-six ans de resti
tution de jouissances ?
C ’est trop en avoir dit, sans doute, sur cette première
partie, si claire, si évidente, et qui repousscroit si hau
tement la prétention des sieur et dame de Vanduerne,
même en supposant vrai tout ce qu’ils avancent.
Nous ne devons pas être longs sur le second m oyen,
ou plutôt sur la seconde face de ce m oyen , celle qui
représente la dame Revanger jouissant comme tutrice
et ne pouvant prescrire parce qu’elle n’avoit d’autre
titre que celui d’administrateur; les mêmes principes
s’y appliquent avec autant d’exactitude.
A vant to u t, fixons-nous sur un. fait essentiel.
La dame Vanduerne agit comme représentant Claude*
Bernard Maréchal ; c’est principalement de son chef
qu’elle tiendrait le droit qu’elle exerce, s’il pouvoit lui
appartenir; aussi, s’est-elle crue obligée à prétendre que
la dame Revanger , par son contrat de m ariage, et
comme condition expresse de sa donation, avoit été
chargée de tous les engagemens de la tutelle, et que
ces engagemens portoient tout à la fois sur les biens de
Claude-Bernard et Marc Maréchal, ses deux frères. Le
contrat de mariage à la main, nous attaquerous cette
proposition dans ses fondemens, et nous démontrerons
que ce moyen n’est qu’une illusion.
Mais la supposant aussi exacte q u ’elle l’est p eu , quelle
conséquence faudroit-il en tirer? Aucune, sans doute;
c a r, si la demande en partage se prescrit par trente ans
du jour où la jouissance commune a cessé, il en est de
5
�( 34 )
même de l’action en reddition de compte du mineur
contre son tuteur.
Tant que la minorité dure, la qualité de tuteur.ré
side sur la tête de celui qui en a été légalement investi;
le mineur non émancipé n’a pas de capacité, person
nelle; il ne peut paroître en son propre nom à aucun
acte; c’est son tuteur qui reçoit et quittance pour lui,
qui paye et agit pour lu i, qui le représente, en un
mot, dans toute espèce d'affaires; et c’est cette différence
de qualités de l’enfant mineur ou majeur, cette grande
distinction faite par la loi elle-même de ceux qui sont
sui <vel alieni ju r is , qui fait la ligne de démarcation
entre l’époque ou le tuteur ne prescrit pas et celle où
commence la possession utile qui opère la prescription.
L e mineur est-il encore sous la puissance de son tuteur,
celui-ci administre, jo u it pour autrui; est-il sorti de
cette puissance, le tuteur ne peut plus le représenter ^
les actes qu’il feroit en cette qualité sont nuls, respec
tivement au pupille, quand bien même le tiers qui traite
avec le tuteur ignoreroit le changement d’état. A ussi,
s’il continue de jouir, le principe de sa possession change
comme l’état et la qualité des personnes ; il jouit pour
lui-m êm e; l’enfant, devenu majeur, n’a d’autre droit
que de lui demander com pte, et trente ans de possession
écoulés sans interruption légale, effacent à jamais ce droit.
Nous ne grossirons pas ce précis de citations plus qu’inu
tiles pour prouver un principe positif; mais nous de
manderons si dans l’ancien droit, il s’est jamais élevé
d’autre question que celle de savoir si certaines actions
�( 3* )
du mineur contre son tuteur duroient trente ou seu
lement dix ans après la majorité. Toutes ces questions
qui ne prouvent que mieux la vérité de notre proposi
tion, sont tranchées par l’articie 475 du Code civil, qui
réduit à dix ans la prescription de toutes les actions du
mineur contre son tuteur, et y enveloppe l’action en
reddition de compte.
Remarquons, au reste, combien il est étrange d’en
tendre dire ici à la dame Vanduerne, comme elle l’a
fait sur le moyen d’indivision, que parce que le compte
n’a jamais été rendu, ou parce qu’on a resté plus de
trente ans utiles sans le réclamer, on peut le demander
encore, c’est-à-dire, que la demande n’a d’autre appui
que le moyen même qui la repousse.
A in si , en fussions nous réduits là , madame Revanger
et ses descendans auroient joui pour eux et non pour
autrui, auroient possédé utilement, auroient prescrit,
quatre fois prescrit, puisque la prescription n’a été ni
suspendue ni interrompue.
Mais madame Revanger n’a jamais été chargée de
gérer la tutelle de Claude-Bernard Maréchal qui avoit
* cessé avant son mariage, et le contrat de 1692, au con
traire , la charge taxativement et exclusivement de gérer
et administrer, au lieu de sa m ère, la tutelle et ad
ministration de Marie-Marc M aréchal, son fils mineur;
comment donc s’en servir à raison des biens de ClaudeBernarcl ?
Cela est vrai, disent les appelans, page 4 7 , « mais
« Claude Bernard n’avoit pas obtenu sa portion dans
sc la succession de son p ère ......... aucun compte de
5*
�« tutelle ne lui avoit été rendu, aucun partage de la
« succession n avoit étéj'a it ; elle étoit donc restée ink divise ; la daine Revanger s’est donc chargée d’admi<f nistrer la portion appartenante à Vaîné, puisque tout
« étoit dans Vindivision.
« Cette administration ne pouvoit cesser que par un
« compte rendu..»
Une conséquence obligée de cet argum ent, c’est que
l’action n’a eu d’autre durée que celle de la reddition du
compte ; c'est bien évidemment celle qui résulte de cet
av<iu échappé au conseil des appelans, que tout cela
pouvoit finir par un compte rendu.
Mais , et toujours de leur aveu, ce moyen ne scroit rien
sans l’indivision ; ce n’est donc encore que le moyen de
Yindivision , si pauvre, si pitoyable, présenté sous une
autre face. Et si nous voulons nous occuper un peu plus
de l’embaras des appelans, remarquons bien que le
moyen d’indivision qu’ils appellent au secours de la tu
telle, 1 air a paru à eux-m êm es si foible, que pour le
faire paroitre quelque chose , ils ont cru devoir l’établir,
d’abord sur ce que la dame Revanger, en vertu de
son contrat de mariage, avoit été mise en possession
par sa jn ère de toits les biens paternels et maternels,•
de ceu x-ci, en lu i faisant la donation entre-vifs ' et
de ceu x -là , parce qu'une des conditions de la donation étoit qu’elle administrerait conjointement avec
son m ari la tutelle dont avoit été chargée la donatrice.
.A insi, dans les mains de la dame Revanger, la.
�( 37 )
totalité des biens se trouvait indivise, parce que la lé
gitime des frères n’en avoit pas été séparée. ( page 48).
D ’où il est aisé de voir que l’indivision est un m oyen,
parce quelle est fondée sur une charge d’administrer.
E t la qualité d’administrateur est un m oyen , parce
qu’elle étoit accompagnée d’indivision.
En sorte que chacun de ces prétendus moyens ne
pouvant se soutenir par lui-même, se trouve néanmoins
assez fort pour supporter l’autre, et lui donner une va
leur qu’il n’a pas à lui seul. Une qualité d’administra
teur qui n'existoit pas devient quelque chose, parce
qu’il y avoit indivision; et cette indivision dont on n’a
perçoit aucune trace, reçoit son existence et sa force de
la qualité d’administrateur qui étoit impuissante sans elle !
Bravo ! M. Vanducrne.
._
.
;
N ’ajoutons rien de plus à ces moyens si précis, à
ces principes contre lesquels on n’auroit cru néces
saire de rien écrire, s’ils n’étoient appuyés que de la
signature de la partie ; mais pourquoi avouer par son
silence des principes, des applications qui émanent de
jurisconsultes plus ou moins connus ? Ici , le dédain
n’est plus permis ; il faut répondre. Après ce peu
de mots, tenons pour certain qu’en admettant en leur
entier quarante-quatre pages de mémoire des appelons,
ils n’en seroient pas moins dépouillés de tout droit par
une prescription inexpugnable.
M ais que nous sommes loin d’avouei' que la dame
Revanger n’ait eu d’autre principe de possession que
celle d’un tuteur ou d’un cohéritier qui possède en com
mun et par indivis. La prescription n’est pas ici le seul
�moyen; nous n’en avons pas besoin pour déroger au titre’;
elle est, au contraire, Je plus ferme appui des titres;
elle a été exercée conformément à la volonté des par
ties exprimée dans des actes, aux ordres des tribunaux
écrits dans des arrêts ; elle n’est plus dès lors que le
soutien de la vérité.
S’il est vrai que celui qui détient une chose à un
titre précaire ne peut pas la prescrire, tant qu’il la
possède pour autrui ( art. 2236 ) , il ne l’est pas moins
que la prescription commence, lorsqu’il intervertit la
cause de sa possession ( art. 2238 ) , parce que si on
ne peut pas se changer à soi-même la cause de sa pos-»
session, on -peut prescrire contre son titre, en ce sens
qu’ on prescrit la libération de Vobligation que Von a
contractée ( art. 2241 ).
Nous avons prouvé qu’à supposer vicieux le principe
de la possession , il se trouvoit interverti soit par la
séparation des cohéritiers et l’interruption de la jouis
sance commune, soit par la cessation de la tutelle; il
nous reste à prouver, dans le cas particulier, qu’une
intervention d’un autre genre auroit également fait cesser
le vice, ou plutôt que le vice n’avoit jamais existé.
i°. Quant à la cause tirée de la jouissance par indi
vis, elle suppose nécessairement que la dame Hevanger
avoit joui com m e h éritière , et qu’on peut lui opposer
cette qualité ; mais comment user d’un semblable moyen
lorsqu’on lit, dans une foule d’actes authentiques, que
sa mère étant morte le 18 septembre 1693, elle renonça
le 2,5 novembre suivant, tant à sa succession qu’à celle
du père ( que la mère avoit détenue jusqu’alors ) , et
�Ç 3? A
que cette renonciation, judiciairement faite et qui n’u
jamais été attaquée d ep u is,-fu t, au contraire, recon
nue et approuvée, soit par ses frères, dans des actes
publics où elle figura seulement comme créancière,
soit par les autres créanciers de la succession , dans
des traités authentiques, soit par l’autorité judiciaire,
dans les quatre sentences de 1695, 1717 et 1718 ?
cette renonciation n’est-elle pas aujourd’hui un acte dix
fois inattaquable; n’a-t-elle pas fixé sans retour la qua
lité de la dame Revanger; et les héritiers de ClaudeBernard Maréchal ne sont-ils pas, plus que toute autre
personne, non recevablcs à vouloir imprimer la qualité
cohéritiers à ses descendans?
2°. Quant à la tutelle, il y a encore peu de loyauté
dans cet argument. Lorsqu’on détruit le fait principal
qui le fonde ( la tutelle de Claude-Bernard Maréchal ) ,
et qu’on fait disparoître le moyen d’indivision, à quoi
se réduit-il? on le demande, n’est-il pas détruit dans
sa base?
Tout cela seroit donc encore plus que suffisant pour
repousser l’action des sieur et dame Vanduerne, et nous
n’aurions pas besoin d’examiner les caractères des actes
de 1694 et 1695; car on doit bien remarquer que nous
n’en avons pas usé jusqu’ic i, si ce n’est pour établir
que la répudiation de la dame Revanger avoit été
c o n n u e , approuvée et exécutée contradictoirement avec
toutes les parties intéressées. Mais nous pouvons aller
plus loin encore ; et après avoir supposé vraie la pro
position majeure et prouvé qu’on en tiroit de fausses con
séquences, ne craignons pas de l’attaquer ouvertement
�(4 0
elle-même, et de prouver que quand bien même il y
auroit eu besoin d’actes autres que la répudiation, qui
eussent positivement interverti la cause de la possession,
ces actes existent, et ces actes, émanés des auteurs des appelans, approuvés et exécutés partons les créanciers, sanc
tionnés enfin par la justice, mettant dans la même main le
titre de propriété et une possession de cent vingt-six ans,
forment un bouclier indestructible contre la folle et témé
raire demande qui nous occupe.
Que se passe-t-il après la mort de la dame Maréchal?
Les biens de son mari étoient couverts de dettes;
elle laissoit à la dame Revanger des créances contre sa
succession.
Le i 5 novembre 1693, la dame Revanger, sa fille,
renonce à la succession du père.
Immédiatement, les biens sont saisis par Quesmas et
la dame le Maistre.
Le 27 mars 1694, Qaude-Bernard Maréchal aban
donne ses droits aux saisissans, tant pour eux que pour
les autres créanciers. N ’examinons pas encore, si l’on
veut, les caractères de cet acte, mais souvenons - nous
bien que Claude-Bernard, n'espérant rien de la succes
sion, cède ou abandonne les biens aux saisissans, moyen
nant un prix pour lequel ces deux créanciers consentent
une obligation personnelle, même une garantie du fait
des autres créanciers.
Les 13 juin et 19 août i 6g 5 , deux sentences homo
loguent cet acte avec les créanciers.
lies 20 ,30 juin, 19 et 27 août, Claude-BernardMaréchal
Ratifie cet acte, le fait ratifier par son épouse et reconnoît
dans
�(4 0
dans un acte Judiciaire que la dame Revanger n’agissoit
plus que comme créancière.
Le 26 août, Marc Maréchal, à son tour, abandonne
ses droits aux créanciers moyennant un p r ix , et sa sœur
figure dans cet acte comme créancière.
Le 10 décembre 1697, les créanciers s’unissent pour
désintéresser Quesmas et la dame le Maistre ; ils les
payent et restent à leurs droits.
Le 14 février 1698, les sieurs et dame Revanger, Farjonel et autres, agissant dans tous ces actes comme créan
ciers, demandent l’autorisation de jouir des biens, nonobs
tant la saisie, et l’obtiennent par deux sentences des
10 mars et 10 juillet suivans.
Enfin, après avoir payé tous les créanciers, soit en
argent, soit en immeubles, la dame R e v a n g e r se présente
aux requêtes du palais comme créancière de Claude Maré
chal, son père, et procédant envers la masse des autres
créanciers; elle obtient, non comme héritière, sans doute,
mais par abnégation de cette qualité et seulement comme
exerçant les créances de sa m ère, deux sentences con
tradictoires , lesquelles qui ordonnent que la propriété
des biens demeurera, et appartiendra incommutablement auxdits Revanger; fait pleine et entière main
levée de là saisie réelle et des appositions.
E t en vertu de ces sentences, la saisie est rayée.
Voilà comment la dame Revanger, créancière de son
chef de plus de 300,000 francs en capital, non compiis
les droits d’autrui q u ’elle avoit acquis, parvient à conser
ver quelque chose d’une succession qui alloit être dévo
rée en frais de toute espèce, et y parvient en désin-
6
�( 42 )
téress.int tout le monde et en se chargeant à elle seule
d’une liquidation à laquelle, il est vrai, elle ¿toit inté
ressée , mais qui ne lui en coûte pas moins vingt-un ans
de soins, de peines et de travaux de toute espèce.
Qu’importeroit alors que les actes de 1694 et 1695
eussent ou n’eussent pas la valeur d’une vente? qu’ils
ne fussent qu’un simple abandon, même précaire, à des
créanciers ? seroient - ils moins une procuration pour
vendre et se faire payer sur les deniers? et oseroit-on
dire que la cession de biens qui décharge un débiteur
de tous ses engagemens, quelqu’énormes qu’ils soient,
n’est qu’une simple procuration ? D ’ailleurs, qu’importe ?
Les créanciers qui pouvoient vendre volontairement ou
judiciairement, à leur g ré , propriétaires ou procureurs
fondés, comme on voudra, n auroient pas moins vala
blement transmis la propriété des biens à la dame R evanger par un simple acte; à plus forte raison cela est-il
valable lorsque, du consentement de tous, cette fixation
de propriété, sur la tête d’un seul, est revêtue de l’au
torité imposante de la justice.
Mais comment douter que l’acte ne fût réellement
translatif de propriété, lorsqu’on y lit toutes les expres
sions qui maintiennent cette transmission ; lorsqu’on y
voit toutes les conditions essentielles au contrat de vente;
lorsqu’en ne-pédant q u ’une partie de ses biens à deux
créanciers de son père, Maréchal reçoit de ces deux créan
ciers l’obligation personnelle de lui payer un prix quel
conque,nonobstant toutes saisies, sauf celles des créanciers
personnels du vendeur, qui, sans doute, eussent eu des
droits sur les biens du père, si ces biens eussent été plus
�(
43
)
que suffisans pour acquitter les dettes de la succession.
A u reste, deux réflexions tranchent tout. E lle sont
extrêmement simples.
Quelques doutes qu’on pût permettre d’élever sur le
caractère des deux actes de 1694 et 1695, il n’en est
pas moins vrai que dans une cause dont tout le moyen
est tiré d’un prétendu vice de possession, il faut con
venir que la répudiation, jointe aux deux actes et aux
sentences qui les ont suivies et où sont parties les frères
Maréchal, constituent l’interversion de possession la plus
évidente, la plus formelle qü’on puisse invoquer, et
excluent la pensée d’une jouissance commune et par
indivis. Premier argument q u i, sans doute , restera
long-temps sans réponse.
L ’autre, que les sentences de 1 7 1 7 et 1 7 1 8 , rendues
avec les ayans droit et représentans, in ilia re, des frères
Maréchal, et signifiées dans leur temps, portant attri
bution ou confirmation de la propriété incommutable
au profit de la dame Revanger ; rien aujourd’hui ne
peut ébranler l’autorité de la chose jugée ; et certes, ce
ne sera pas après avoir souffert cent six ans d’une pos
session conforme à ces sentences, qu’on parviendra à
renverser l’ouvrage d’une partie intéressée, qui fit le bien
de tous avec l’autorité de la justice.
E n voilà, sans doute, plus qu’il n’en faut ; cependant,
disons encore deux mots pour achever de satisfaire le
cœur , car depuis long-temps l’esprit doit être convaincu.
Remarquons que Quesmas et la dame le Maistre ,
créanciers premiers en ordre, consentent à des termes
longs, sans intérêt pour le payement de leurs créances,
�( 44 )
pour se débarasser de tout, ce qui suppose qu’il n’y
avoit pas un si grand avantage à faire vendre ou à s’ap
proprier les biens.
Remarquons que dans l’acte de 1694 Claude-Bernard
Maréchal ne traite pas avec ses créanciers personnels,
dont les créances demeurent à sa charge, ce qui n’eût
pu être adopté, ni dans son intérêt propre, ni dans
celui de ses créanciers, si ceux dela succession n’en eussent
pas entièrement absorbé les biens.
Remarquons enfin qu’une très-petite partie des biens
seulement resta à la dame R evan ger, et que la terre
de Bom pré,dont la valeur actuelle est un objet d’envie
pour les appelans, a été plus que doublée depuis 1718,
par des acquisitions considérables des successeurs de la
dame Revanger; qu’ainsi elle ne lui resta pas alors en
payement de ses créances dans toute l’étendue qu’elle
a aujourd’hui. .
E t avec ces légères observations, croyant avoir tout à la
fois repoussé les paradoxes, réduit à rien les moyens de
droit, et démontré le vide des moyens de défaveur qu’on
veut rejeter sur les auteurs de la dame de Maistre, nous
aurons la pensée d’avoir plus que rempli notre tâche, et
nous te minerons, sans prétention comme sans apprêt,
une discussion qui n’exige pas qu’on sorte de cette simpli
cité qui est toujours le meilleur moyen d’une cause de
ce genre.
M e. d e V IS S A C , avocat.
M e. B R E S C H A R D , avoué-licencié.
T H I B A U D , Imprimeur du R o i , de la Cour royale et libraire, à Riom.
�
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A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Maistre, Amédée-Elizabeth-Louis de. 1820?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Breschard
Subject
The topic of the resource
successions
renonciation à succession
mort civile
créances
coutume du Bourbonnais
abandonnement
séquestre
saisie
prescription
longues procédures
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse, pour le sieur Amédée-Elizabeth-Louis Baron de Maistre et la dame de Montblin, son épouse, intimé ; contre sieur Philippe-Charlemagne Van Duerne et la dame Maréchal, son épouse, appelans.
annotation manuscrite : « 13 juillet 1820, journal des audiences, p. 316. »
Table Godemel : Abandonnement : l’acte par lequel un débiteur a cédé et délaissé à ses créanciers les droits qui lui revenaient dans une succession, ne peut être considéré comme un simple abandonnement ne transmettant aucun droit de propriété aux créanciers si l’abandon ne comprend pas tous les biens affectés au payement des créances, et s’il n’a pas été fait aux créanciers avec la faculté de vendre les biens délaissés.
un pareil acte est une véritable vente ou cession de droits successifs, surtout lorsqu’il est stipulé un prix, quoique pour forme de gratification, et qu’il est convenu que tous meubles et immeubles, autres qu’un objet expressément réservé appartiendront aux créanciers cédataires.
les représentants du débiteur cédant ne peuvent attaquer cet acte, exécuté comme vente et cession pendant un très grand nombre d’années. Tierce-opposition : 4. une tierce-opposition doit-être formée par requête. Elle n’est recevable qu’autant qu’elle a été régulièrement formée dans les trente ans de la date des jugements attaqués.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1820
1692-1820
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
44 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2525
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2522
BCU_Factums_G2523
BCU_Factums_G2524
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53511/BCU_Factums_G2525.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Tournai (Belgique)
Bayet (03018)
Barberier (03016)
Bompré (château de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abandonnement
coutume du Bourbonnais
Créances
longues procédures
mort civile
prescription
renonciation à succession
saisie
séquestre
Successions
-
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MEMOIRE
POUR
COUR ROYALE
_
C
laude
et
M
a t th ie u
.
DE RI OM .
M IJO L A S
frères, ap p e-
lans de jugem ent rendu par le tribunal civil
d’Issengeaux, le 20 avril 18 19 ;
(
CO N TR E
Dame M a r i e - F r a n ç o i s e - M é l a n i e d e
B A I L L E et sieur H y p p o l i t e d e L A G R E V O L , procureur du Roi à Issengeaux,
son mari, intimés
E t contre J e a n et J e a n - P
ierre
CHAM-
B O U V E T } et J e a n R O M E Y E R , en qua
lité de tuteur de ses enf ans mineurs d'avec
Jeanne
CH A M B O UVE T , aussi intimés.
U
N E question q u ’on
a vo it cru sim ple a ce p en d an t
présenté des difficultés assez sérieuses pour partager le
*
—
Chambre
2
�sentiment des magistrats auxquels elle étoit soumise.
La partie doit donc y apporter plus d’attention et le
défenseur ne doit plus s’abandonner à sa propre con
fiance en des moyens qui lui avoient parus décisifs.
Dès qu’un point de droit fait des doutes, il faut le dis
cuter sérieusement, partir des principes, en développer
l’application et en démontrer les conséquences.
Un acte qualifié donation à cause de m ort, où on
semble avoir évité à dessein le mot testam ent, réduit
à de simples leg s, revêtu , d’ailleurs, de toutes les for
malités nécessaires à un codicille, en pays de droit écrit,
est attaqué de nullité. On y lit ces mots placés indifférem
ment : A. titre d'institution. Ils y étoient sans objet; ils
y sont sans effet; et cependant ils servent de prétexte
à une demande en nullité, parce q u e , d it-o n , ils dé
montrent que le défunt vouloit faire un testament et
non un simple codicille, et que l’acte n’est pas fait en
présence d’un nombre de témoins suffisant pour valider
un testament.
N ous avons donc à examiner quel effet peuvent pro
duire contro un acte ces mots à titre d'institution , qui
n’eussent servi à rien pour le faire valoir. Nous le verrons
avec les principes du droit et la doctrine des auteurs saine-*
ment entendue. Nous verrons encore si on peut tirer
parti des subtilités du droit Romain ; si des termes qui
pouvoient y être en quelque sorte sacramentels, sont de
quelque conséquence depuis la loi du 17 nivôse, dans un
temps où les testamens, comme les codicilles, étoient
absolument indépondans de toute institution. «Héritier*
G’est toute la difficulté de cette cause,
�c 3 ;
F A IT S .
Antoine-M arin de Baille , célibataire, avoit pour hé
ritiers présomptifs des neveux qui sont les intimés. Les
M ijolas, appelons, étoient ses neveux à la mode de B re
tagn e, enfans de Catherine F a u , sa cousine germaine.
L ’un d’eux, Claude, avoit demeuré plusieurs années dans
la maison du sieur de Baille ; il en avoit reçu quelques
services; il lui avoit rendu avec beaucoup de reconnoissance tous ceux qui étoient en son pouvoir; il l’avoit
soigné dans plusieurs maladies avec beaucoup d’affection,
et lui avoit été fréquemment utile dans la gestion de
ses affaires.
Après la mort de Jean-Antoine de Baille, son frère,
Antoine-M arin n’avoit pas vécu en bonne intelligence
avec sa belle-sœur ; celle-ci n’avoit pas effacé, bien au
contraire, les sentimens d’affection qu’il avoit pour les
Mijolas; maître de sa fortune, pouvant disposer de
la moitié de ses biensr ayan t, d’ailleurs, par devers lui
d’autres motifs personnels de faire du bien aux M ijolas,
il fit, le 17 frimaire an 1 1 , un acte où. on lit la dispo
sition suivante:
« D e son gré et volonté, a donné et donne par do« nation à cause de m ort, à titre d’institution, en œuvres
« pies, savoir, auxpauvres de D ieu , la somme de cinq cents
« francs à eux payable et distribuable après son décès j
a p lu s, la somme de soixante francs en acquits de messes
» par les citoyens prôtres qui desservent l’église de
«: Notre*Dame du P u y ; plus, le quart de ses entiers biens
«. présens et à venir aux citoyens Ghambouvet de M o1 *
�C4 )
«
«
«
«
«
«
«
«
nistrol, à se partager entr’e u x , au nombre de trois
petits-neveux ou nièces; plus, autre quart aux citoyens Claude M ijolas, Matthieu Mijolas, son frère,
et Catherine F au , leur m ère, à se partager ensemble
par égales portions, du lieu de L o lie r, commune de
Saint-Hostien, et ledit M atthieu, du lieu de la T o u reille, commune de G lavenon, ce qui a été fait et récité, etc. »
Il est inutile de rapporter la form ule, puisqu’elle n’est
pas critiquée ; seulement observons que cet acte est reçu
par M e. Rocher qui étoit le notaire ordinaire du sieur
de B aille, et qu’on n’y trouve que cinq témoins au lieu
de six qui eussent été nécessaires pour un testament
solennel.
Comme on le vo it, le sieur de Baille disposoit seule
ment de la moitié de ses biens ; le surplus demeuroit
dans la succession, ab intestat, pour appartenir à ses
héritiers de droit. La loi qui leur en faisoit réserve et
qui ne permettoit d’instituer personne à leur préjudice,
les instituoit héritiers par cela seul ; nulle part le sieur
de Baille ne dit qu’il veut faire un testament plutôt qu’un
simple codicille; il déclare même ne vouloir faire qu’ une
donation à cause de ??iort, qui s’entendoit ordinairement
du codicille, et qui étoit valable en cette forme ; enfin,
il ne cherche pas à remplir les formalités des testamens,
parce qu’il ne fait que de simples legs.
' L e sieur de Baille survéquit assez long-temps à cet
acte. Le Code civil fut promulgué et lui rendit la fa
culté de disposer de la totalité de scs biens; il paroît
qu’il en proiita. Un acte dont les appelans ne peuvent
�(5)
pas user en ce moment, faute de l’avoir connu assez tôt,
et qu’ils n’ont pas môme encore en forme probante,
en seroit une preuve sans réplique. Revêtu de toute sa.
capacité, le sieur de Baille ne voulut plus disposer d’une
partie, mais de tout; il ne voulut plus faire un codicille,
mais un testament ; le Code réduisoit, d’ailleurs , à cette
forme unique tous les actes à cause de m o rt, et celuici fut fait seulement le 18 nivôse an 1 2 ; aussi le no
taire ne manqua-t-il pas de déclarer en commençant
que le sieur de Baille « l’a requis en vertu des précé« dentes lois, et notamment de celle du 13 floréal dernier,
« de recevoir son testament nuncupatif é c r it, et dis« position de dernière volonté.
« Il lègue 5oo francs aux pauvres, puis à cliacun de
« ses parens et prétendans droit la somme de ¿5 cen t.,
« et pour ses héritiers -particuliers et universels, en
« tous et chacun, ses biens meubles et immeubles. . .
« ..............Il nomme et institue de sa propre bouche y
« savoir, pour un tiers, Françoise-Mélanie de B aille, sa
« nièce ; pour un autre tiers , Claude M ijolas, son pa« rent, fils à Joseph; et pour un autre tiers les trois
« enfans Chambouvet, enfans de feue M arie-Anne A u « lanier, ses petits-neveux et nièces................... auxquels
« susnommés veut les susdits biens appartenir à raison
« d’un tiers comme dessus à chaque branche susnom« m êe, à la charge par eux de payer et satisfaire les
« susdits légats ’ » il casse et annule tous autres testamens ou donation ¿1 cause de mort qu’il pourroit
avoir faits ci-devant; ensuite, il déclare que si le présent
ne pouvoit valoir comme testament, il veut qu’il vaille
�(6)
par donation à cause de m ort; et enfin, par toute autre
meilleure forme que de droit il pourra valoir. L e no
taire Pouzol qui recevoit l’acte, le termine par cette
formule du droit écrit : P r ia n t les témoins ici présens
d'être mémoratifs de sa présente disposition.
. O n voit que par cet acte le sieur de Baille conserve
les mêmes affections ; qu’il dirige ses dispositions en
faveur des mômes personnes. ; que seulement il les
agrandit, parce qu’il peut disposer de tout ; qu’il reconnoît Mijolas pour so7i parent, et l’appelle à sa succession
au même rang que ses neveux et petits-neveux, quoi
que plus éloigné; que voulant faire un testament, il le
dit expressément ; qu’il en emploie toutes les formes ;
qu’il institue des héritiers universels, les charge de cer
tains legs et ajoute la clause codicillaire ; qu’enfin, le no*
taire s’assujétit à toutes les formules du droit rom ain, si
vaines et si inutiles sous le C o d e, mais q u i, autrefois,
étoient caractéristiques du testament et le distinguoient
du simple codicille; et il est fort remarquable que 1&
notaire établit lui-même une différence essentielle entre,
le testament et la simple donation à cause de m ort ;
en effet, on considérait habituellement cette dernière es
pèce de disposition comme différente du testament ,
comme un simple codicille, et les notaires ne manquoient
jamais à qualifier un testament du nom qui lui étoit
propre, et à l’entourer de toutes ces formules qu’ils
apprenoient avant tout et qu’ils regardoient comme sa
cramentelles;
Le 18 décembre 18 12 , les Mijolas ont réclamé le
quart de la succession, en. vertu du- premier acte ; comme
�(7 )
le legs fait en leur faveur étoit un legs de quote ; que
conséquemment ils ne pouvoient l’obtenir qu’en deman
dant un partage et en se soumettant, à toutes les charges,
comme les héritiers ; ils ont pris cette qualité d’héritiers
pour un quart, et ils ont demandé le partage en vertu
du testament du sieur de B aille, du 17 frimaire an 1 1 ,
ne mettant aucune importance à la qualification de l’acte,
dès qu’il n’y en avoit aucune dans les résultats, et dès
que la qualité de légataire ou d’héritier devenoit indif
férente, par cela seul que la succession étoit ouverte
sous le Code civil.
Les intimés demandèrent la nullité de ce testament.
E t cette nullité a été prononcée par les premiers juges,
par trois motifs.
* L ’un qu’on ne trouve pas dans la -prétendue donation
dont il s’agit, que M arin de S a ille ait prononcé ses
dernières volontés au testateur.
L e second, qu’en prenant cet acte dans les termes où
i l est co n çu , on ne peut douter que Vintention du sieur
de Baille a été de faire un testament-nuncuyatif, puis
qu’il donne à titre d'in stitution, à ceux qui sont ap
pelés à son hérédité, la part qui se trouve à sa dispo
sition; que cette intention a été partagée par les deman
deurs qui agissent dans la demande introductive d’ins
tance, en qualité d’héritiers ; qu’enfin, cette disposition
est contraire à l’article 5 de l’ordonnance de 17 3 5 , qui
veut que le testament soit dicté par le testateur, en pré
sence de sept témoins , y compris le notaire, tandis que
dans cet acte on n’en trouve que six.
1
L e troisième m otif porte, qu’en considérant Vacte
�(8'
comme codicille , il seroit encore nui pour ne pas
contenir l’expression non équivoque de la dictée, et n’étrc
pas revêtu de la clause codicillaire.
Sur l’appel de ce jugement est intervenu un arrêt
de partage,
*1
M O YEN S.
. A ne considérer que les motifs du jugement dont est
appel dans les termes où ils sont conçus, on s’étonnerait
d’en voir résulter une question sérieuse.
• Les premiers juges auraient pu d’abord nous faire
grâce du dernier,.qui est absolument inintelligible; en
considérant Vacte comme un co d icille, il seroit n u l,
dit - o n , pour ne pas contenir la clause codicillaire ;
comme si on ne sayoit pas que la clause codicillaire n’étoit
qu’une formule pour faire valoir comme un simple co
dicille l’acte qui n’étoit pas valable comme testament; et
qu’insérer cette clause dans un codicille, c’eût été une
évidente absurdité.
. . . .
. Quant aux autres, nous examinerons avant tout, la pré
tendue nullité tirée du défaut de mention de la dictée, pour
n’avoir à entremêler d’aucune autre la difficulté principale,
celle relative à la qualité de l’acte.
L ’article 5 de l’ordonnance de 17 3 5 , prescrit les for
malités nécessaires pour faire valoir un testament nuncupatif ; il porte que le testament sera prononcé par le
testateur, en présence de sept témoins, y compris le
notaire; que le notaire écrira les dispositions à mesure
qu’elles seront prononcées par le testateur ; après quoi
�C9 )
il sera fa it lecture du testament entier audit testateur,
DE l a q u e l l e LECTURE il sei'a f a i t mention par le
notaire, etc.
Rien de plus clair que cette disposition de l’ordon
nance; elle indique certaines formalités comme essen
tielles: le testateur dictera , le notaire écrira, le notaire
fera la lecture. Parmi ces trois formalités nécessaires,
l’ordonnance en distingue une qui lui paroît, sans doute,
plus essentielle encore que les autres, et croit devoir
l ’assujétir elle-même à une formalité pour constater son
observation ; elle oublie les deux premières q u il lui a
suffi de prescrire, mais elle veut que la troisième soit établie
d’une manière plus solennelle ; de laquelle lecture il
sera f a it mention.
Ici, deux mots suffisent pour détruire l’argument des
premiers juges.
D ’une p art, il étoit vrai alors, comme aujourd’hui
sous l’ordonnance comme sous les Codes, que les juges
ne peuvent prononcer de nullités ni exiger de formalités
que celles qui sont prescrites par la loi ; il suffit donc
que l’article ait gardé le silence sur la mention de la dic
tée, et q u e, ne la prescrivant p a s, il ne prononce pas
de nullité lorsqu’elle est om ise, pour que le juge ne
puisse ni la créer ni la prononcer de sa propre autorité.
E n second lieu, la séparation que fait l’ordonnance
entre les diverses formalités qu’elle e x ig e, suffit pour
démontrer qu’elle n’a pas voulu la mention de la dictée;
1 article en est exclusif, bien loin de la commander.
A ussi, seroit-on en peine de citer un seul arrêt qui
�C IO )
ait annule un testament ou un codicille pour cette cause,
un seul auteur qui ait adopté cette nullité comme point
de doctrine. E lle n’a paru quelque chose aux premiers
juges que par l’idée que peut en avoir donné le Code
civil qui , en effet , exige la mention de la dictée et
prononce la nullité de l’acte où elle est omise ; mais
le Code a créé cette nullité comme celle résultante du
défaut de mention que le notaire a écrit le testament,
et jusqu’à présent personne n’avoit pensé à attaquer un
testament antérieur au C o d e , pour ne pas contenir la
mention qu’il fût écrit de la main du notaire.
Cette pensée n’est donc que l’effet d’une distraction.
C e m oyen écarté, il nous reste à examiner la dispo
sition sous son point de vue principal. L ’acte est-il un
testament ou un codicille? pouvoit-il et devoit-il, sous les
lois nouvelles , être autre chose que ce qu’il est ? les
deux mots, à titre d’ in stitution , qu’on y lit au milieu
d’une phrase où ils ne sont même pas bien placés, gram
maticalement parlant , y eussent été de quelqu’eftet
si le sieur de Baille eût fait un acte valable en la forme,
comme testament? peuvent-ils le vicier si l’acte n’est
pas fait devant un nombre suffisant de témoins pour un
testament solennel? Voilà les questions auxquelles nous
sommes réduits, et qu’il suffit d’examiner pour la
décision de cette cause.
Pour discuter avec clarté, nous commencerons par
l’examen de la difficulté dans le sens où l'ont présen
tée les intimés, et telle qu’elle a été examinée par les
premiers juges, c’est-à-dire, en considérant l’acte comme
�C 11 )
s’il out été fait pendant que les anciennes lois étoient
intégralement en vigueur, lorsque des institutions étoient
non-seulement admises, mais encore essentielles dans un
testament; nous aurons à voir ensuite comment cette
partie de l’ancienne législation pourroit se concilier avec
nos lois nouvelles, et s’il est possible de supposer que
depuis les lois des 7 mars 17935 5 brumaire et 17 nivôse
an 2, une institution d’héritier défendue ou inutile, a pu
produire quelqu’effet dans un testament; mais, avant tout,
posons quelques principes ; ils nous seront nécessaires
pour bien distinguer sous quel rapport et par quelle
cause , en pays de droit écrit, l’institution d’héritier étoit
nécessaire.
L e droit naturel appelle les parens les plus proches
à succéder aux défunts. lie droit romain déféroit la suc
cession aux agnats; en pei’mettant d’y déroger, les légis
lateurs du monde entourèrent l’exercice de cette faculté
de certaines formalités tendantes à prouver authentique
ment que le testateur avoit agi avec liberté et circons
pection , et que sa v o lo n té, devenue certaine autant
qu’elle étoit absolue, avoit été ratifiée publiquem ent; et
comme dans les temps de la république romaine la loi étoit
1 expression de la volonté générale , on voulut que per
sonne ne pût disposer de ses biens qu’en faisant sanc
tionner ses dispositions par l’universalité des citoyens.
Voilà pourquoi le testateur prononçoit ses dispositions
devant le peuple assemblé, et le suffrage des citoyens
produisoit une loi qui étoit alors substituée à la loi
fondamentale.
Celle des douze tables changea cet ordre de choses
�( » )
et ne soumit plus le testament qu’à être l’effet de la
seule volonté du testateur. Sans nous arrêter ici à des
recherches plus curieuses qu’utiles sur les diverses espèces
de testamens successivement admises, et sur les nuances
diverses de la législation rom aine, il nous suffit d’indi
quer immédiatement de quelle manière y furent admis
les testamens nuncupatifs qui furent usités dans notre
droit jusqu’il la publication du Code.
Ce testament ne devoit pas d’abord être écrit, mais
le testateur devoit en prononcer les dispositions en pré
sence de sept témoins qui alloient en faire la déclara
tion chez le juge, après le décès du testateur; on sent
combien un semblable m o d e , si susceptible d’inconvéniens , devoit êti’e entouré de précautions , puisqu’il
s’agissoit de faire passer l’hérédité du défunt à d’autres
personnes qu'à celles appelées par la loi générale pour
laquelle on avoit un si grand respect. Aussi, on vouloit que les témoins ne se trouvassent pas là fortuite
m ent, et qu’ils fussent priés par le testateur d’entendre
ses dispositions et d’en porter témoignage. Peu à peu on
dut prendre l’habitude d'écrire ce testament; car si la
loi ne l’ordonnoit pas, elle le défendoit encore m oins,
et toutes les formules dont on usoit jusqu’alors furent
employées par le testament écrit; il falloit qu’il fût conçu
en termes im pératifs, parce qu ’on le considéroit comme
une loi particulière, T itius hœres es to; c’est ce qu’on
appela par la suite une institution en termes directs,
bien différente dans ses effets avec celle qui n etoit con
çue qu’en termes obliques, Titium hœredem esse volo.
Mais il laut bien se fixer sur cette vérité principale,
�M
( *3 )
que le testament ne fut admis que pour transmettre
Vhérédité; aussi, Vinstitution d’héritier y étoit essen
tielle; elle en étoit le'fondement. Il faut observer aussi
que l’institution devoit être universelle, et que le testa
ment ne pouvoit valoir que pour toute l’hérédité: en telle
sorte, qu’il attribuoit la totalité de la succession, quoique
le testateur n’eût donné qu’une partie ; car ne pouvant pas
mourir partira testa tus , partira intestatus, la seule cir
constance, qu’il avoit institué un héritier, quoique pour
une partie , suiKsoit pour attribuer la succession en
tière à cet héritier. Cette remarque est fort essentielle,
car nous aurons à voir si, en supposant l’acte de l’an 11
valable comme testament, les mots à titre d'institution
qui s’y trouvent, auroient eu la force d’attribuer toute la
succession aux Mijolas. Mais continuons l’examen de la
législation.
X<a loi appelant de droit les enfans à la succession de leur
auteur, ne vouloit pas qu’ils fussent privés de la succession
entière, et, hors le cas d’exhérédation , elle réservoit leur
légitime. E n ce cas, elle vouloit, à peine de nullité ,
que les testateurs les appelassent par le testament, et que
ce qui leur étoit réservé leur fût donné à titre d’institu
tion ; tant étoit grand le respect qu’on portait aux prin
cipes sur la transmission de l’hérédité.
Dans les premiers temps, on ne connoissoit pas lusage
des simples legs ; il falloit tester et instituer des héri
tiers ; celui qui vouloit imposer quelque charge à son
héritier le faisoit par de simples lettres ou par des
moyens semblables, toujours imparfaits, puisqu'ils n’étoient pas obligatoires.
ï
�( r4 )
Bientôt, on reconnut les inconvéniens qu’il y avoit
à exiger pour tous les cas possibles l’exécution de toutes
ces formalités ; on sentit combien cela étoit désavan
tageux pour ceux qui voudroient modifier leurs dis
positions par des legs ou des conditions, et aussi pour
ceux q u i, se trouvant en voyage ou dans des circons
tances particulières , ne pouvoient pas s’assujétir à toutes
les formes du testament solennel.
Alors s’introduisit l’usage des codicilles, pour lesquels
il ne falloit que cinq témoins ; où le style impératif
n’étoit plus nécessaire, et q u i, en un m ot, n’exigeoit
pas des formalités aussi minutieuses, ü n permit d’em
ployer cette forme beaucoup plus sim p le, pour ajou^ter à un testament ou pour le modifier ; on le permit
également pour ceux qui n’avoient pas encore testé ;
mais de même qu’un testament ne pouvoit valoir que
par une institution d’héritier, de même on voulut que
l’institution d’héritier ne pût valoir que par testament;
et il ne fut permis, par le codicille, ni d’instituer un
héritier , ni prononcer une exhérédation ; il ne valoit
que pour de simples legs qui étoient, en ce cas, transmis
au légataix’e par voie de fidéicommis dont on chargeoit
l’héritier institué.
Nous ne devons pas omettre de parler ici d’une troi
sième espèce d’acte qui fut admis dans le droit Rom ain;
nous voulons parler do la donation à cause de m o r t,
qui fut introduite pour donner à chacun la faculté de
disposer directement d’un objet particulier, sans em
ployer la voie du fidéicommis, ni se dépouiller de son
vivant. Dans le principe, elle avoit i\ peu près la même
�C
)
forme que la donation entre-vifs , puisqu’elle avoit pour
objet d’investir le donataire, pour le cas où le donateur
succomberoit à un événement p révu, et qu’elle exigeoit
l’acceptation du donataire ; mais étant faite in contem platione m ortis, elle pouvoit. être révoquée, et le do
nateur , échappé au danger qu’il avoit craint, pouvoit
reprendre ou réclamer l’objet de la donation qui demeuroit alors sans effet.
Dans la suite, elle devint d’un usage plus général ;
elle fut employée pour faire un don cogitatione mortis,
sans la prévoyance d’aucun danger ou d’aucun cas par
ticulier; aussi Justinien la compare-t-il aux dispositions
de dernière vo lo n té, et l’auteur du dernier traité des
donations nous dit, page 67 : « On pouvoit la comparer
« au codicille ,• dans l'un et Vautre c a s , il ne J a llo it
« pas d’institution d’h éritier, qui ne pouvoit être faite
« que par testament ; aussi , c o m m e pour le codicille,
a il n e fa lla it que cinq tém oins, nombre qui ne sufüsoit
a pas pour le testament. »
Ces principes sont incontestables ; on les puise dans
les sources les plus pures du droit : ils furent admis dans
la législation française, et furent généralement observés
dans tous les pays qui avoient adopté le droit écrit, jusqu'à
la publication des ordonnances de 1731 et 1735. Les
notaires étoient familiarisés avec les formules du droit
romain, ils les employoient avec ce rigorisme attaché ;\
1 habitude, et il étoit facile ¿\ leurs expressions, à la simple
pliisionomie de l’acte, au préambule seul, de distinguer
du premier coup d’œil si on avoit voulu faire un testa
ment ou un codicille ou une donation à cause de m ort;
�C 16 )
il n’y avoit jamais de louche qu’entre ces deux dernières
espèces d’actes, parce qu’ils «voient entr.eux des res
semblances telles, qu’il pouvoit être quelquefois diilicile de les distinguer l’un de l’autre.
Il
n’ en fut pas de même dans les pays coutumiers ;
chacun adopta des règles particulières ; quelques-uns,
comme l’A uvergn e , ne permirent par testament que
des dispositions particulières, et n’y autorisèrent pas
l’institution; aussi d isoit-on que dans ses coutumes, il
n’étoit pas permis de tester, et que les actes qualifiés
testament n’étoient, par le fait, que de véritables codi
cilles. Ces distinctions, toutes de principe , nous dé
montrent qu’on ne considéra comme testament que
ceux qui contenoient institution cohéritier et transmis
sion de l’hérédité, et comme simple codicille, tout acte
à cause de mort qui ne faisoit que des legs.
L ’ordonnance de 1731 apporta un changement à cet
état de choses ; elle supprima par son article 3 , la form e
des donations à cause de m o rt, ne les autorisant plus
qu’en contrat de mariage ; elle ne permit que deux
formes de disposer , celle des donations entre-vifs, et
celle des testamens ou codicilles. Dans les pays de droit
écrit on continua de faire par codicille des donations à
cause de m o rt, q u i, en effet, furent valables sous cette
forme.
L ’ordonnance de 1735 vint compléter la législation;
elle adopta, pour les pays de droit écrit, les principes du
droit rom ain, les testamens nuncupatifs écrits et le co
dicille ; elle en régla toutes les formes extérieures ; elle
exigea
�exigea pour le premier sept témoins y compris le notaire,
et pour le second cinq seulement; et quant à 'la forme
ou la nature des dispositions, elle se borna à ne point
déroger aux lois et usages préexistans; c’ést ce qu’on
voit dans l’article 5o , où elle dit que « dans les pays
« ou Pinstitution (f héritier est nécessaire pour la vali« dité du testam ent, ceux qui ont droit de légitime
« seront institués héritiei’S, au moins en ce que le testa
it teur leur donnera, etc. »
A près cette ordonnance, les notaires des pays de droit
écrit Continuèrent à employer les formules auxquelles
ils s’attachoient toujours minutieusement. Jam ais, dans
un testament, ils ne manquoient à dire qu’ils faisoient
un testament n u n cu p a tif‘ à insérer une institution, parce
q u e , disoient-ils , elle est le fondem ent de tout testament
valable ; à y donner cinq sous à titre cCinstitution à
tous les prétendant d ro it, pour eviter la prétérition ; ils
en avoient tellement l’habitude qu’on les voyoit souvent
insérer toutes ces clauses q u i, alo rs, n’étoient plus que
de vaines form ules, dans les dispositions d’individus qui
ne devoient de légitime à personne ; souvent ils ajou
taient là clause c’odicillâire , et quoique la forme des
donations à cause do mort fût abrogée, ils ne disoient
pas moins que si l’acte ne valoit pas comme testament,
le testateur vouloit qu’il valût comme codicille, comme
donation à cauie de m ort, ou sous toute autre fo rm e
sous laquelle U pourroit être valable. T o u t cela dé
montre combien les notaires mettaient do soin à entourer
le testament de toutes les formules usitées; et combien
3
�( i8 )
il filloit se garder de reconnoître l’intention de faire un
testament nuncupatif, à une expression isolée, détachée
de toutes ces formules, produite par la routine, et em
ployée à contx-e sens par un notaire peu instruit, dans un
acte où elle étoit inutile et déplacée.
Les lois nouvelles apportèrent d’autres modifications à
cet état de choses, sans rien changer à la forme exté
rieure des actes de dernière volonté. L ’ordonnance de
1735 continua de la régler dans les pays de droit écrit,
mais le fond des dispositions cessa de pouvoir être le
même , puisqu’une loi qui exigeoit' dans le testament
la transmission de ïh é ré d ité, et du titre d'héritier, fut
remplacée par une autre dont le principal objet fut de la
défendre.
La loi du 7 mars 1793 avoit interdit toutes disposi
tions en ligne directe. Celle du 17 nivôse an 2 alla ’
plus loin ; et sans parler ici de son effet rétroactif, il
nous suffit de remarquer que la nullité prononcée
de toutes dispositions gratuites, continua de subsister
pour le temps à venir , sous la seule inculte laissée
par l'article 16 de disposer du dixième de son bien
en ligne directe et du sixième en ligne collatérale ,
au profit d’autres que des héritiers ; nous devons dire
aussi qu’après avoir, par son article 6 1 , renversé tout le
système de la transmission des biens par succession uu
donation, en abrogeant toutes lois, coutumes ou statuts,
elle régla, par ses articles 62 et suivans, le partage des
successions à ven ir, y appela elle-même ceux qui dé
voient les receuillir dans chaque cas ; ensorte qu’elle
opéra une saisine directe et immédiate en faveur des hé-
�C l9 )
ri tiers du sang. Il falloït bien, en effet, que b saigne légale
succédât immédiatement à cella qui résultait auparavant
de Vinstitution d'héritier.
La loi du 4 germinal an 8 ne changea rien à ces prin
cipes; seulement elle apporta plus de latitude à la faculté
de disposer : « Toutes libéralités, dit-elle, qui seront faites
« soit par actes entre-vifs, soit par actçs de dernière vo « lonté, dans les formes légales, seront valables lors« qu'elles n'excéderont pas le quart des biens du dis—
« posant, s’il laisse à son décès moins de quatre enfans.
/
« La moitié, s’il laisse. . . . soit des frères ou sœurs, soit
« des enfans ou petits-enfans des frères ou des sœurs. »
E n se fixant sur ces lois, sous l’empire desquelles a
été faite la disposition dont il s’agit, on ne peut se dissi
muler que non-seulement la transmission de Vhérédité,
du titre universel d’héritier n’étoit plus nécessaire, mais
qu’il n’étoit plus autorisé par la loi ; la saisine des hé
ritiers naturels résultait de la réserve faite à leur profit;
et quoiqu’il ait été reconnu en jurisprudence que les
dispositions universelles pouvoient être valables , sauf
réduction, il n’en est pas moins vrai qu’elles n’étaient
ni essentielles ni nécessaires à la validité d’un acte quel
conque; elles ne pouvoient l’être dans le testament,
surtout lorsqu’il existait des héritiers à réserve, puisqu’alors il eut été permis de dire qu’elles n’étaient point
valables, ce qui résultait assez des expressions de la loi:
seront valables lorsqu’elles n’excéderont p a s,* et qu’au
moins il est certain qu’elles n’étoient pas valables pour
la quotité réservée dont l’héritier du sang était saisi
3 *
�( 2° )
par la lo i, comme celui qui, de droit, héritoit du défunt.
A vec ces explications, nous éviterons les subtilités, les
arguties, et nous saisirons bien mieux quel doit êlre le
sens, reflet des deux mots ¿1 titre t£institution, ajoutés,
dans l’acte dont il s’a g it, à une disposition de quote
qui x-econnoissoit et i*espectoit le droit des héritiers
naturels.
Examinons-le dans toute la rigueur des principes du
droit écrit, comme si la disposition eût été faite sous
l’empii’e des anciennes lois ; nous verrons ensuite ce que
devient cette difficulté coordonnée avec les lois nouvelles.
On a très-mal interprété l’opinion de Fux’gole sur la
manièx'e dont on doit reconnoitre un testament d’avec
un codicille ; on a donné de cet avis une explication aussi
fausse respectivement aux principes que contraix-e à co
qu’a dit et voulu dire Furgole lui-m êm e. Pour s’en
convaincre, il suffit de se fixer sur le chapitre 20 des
instituts de codicillis, la loi 13 ff de jure codicillorian,
la glose sur ces deux lo is, les docteurs du droit et
F u rgo le lui-même. l'.à, nous verrons que tout ce qu’a
dit Furgole tient à la qualité des mots qui établissoient
dans le droit romain des différences essentielles pour
l’interprétation des actes.
Dans le d ro it, l’institution ne pouvoitêtre valable que
par testament, et n’étoit pas bonne dans le codicille.
Mais comme alors, par des fictions ou par l’emploi
d’une simple form ule, on faisoit valoir par une voit; une
disposition qui n’auroit pas pû valoir sous une autre
mode, les législateurs romains distinguèrent deux cas;
d’abord, celui où l’institution scroitfaite en termes directs}
�( 21 )
et accompagnée de caractères qui lui seroient propres,
et qui ne pourroient être appropriés à une autre espèce
d’acte; par exemple, lorsque le testateur auroit institué
un héritier en ces termes: Titius heres esto, et l’auroit
chargé de legs ou d’une substitution vulgaire ; en ce
cas, il fut reconnu que l’institution étant directe avec
charge de fidéicommis envers des tiers, elle ne pouvoit
être valable que dans un testament, et qu’alors, faute
d’avoir les solennités exigées pour un .testam ent, l’acte
étoit nécessairement nul.
Mais le deuxième cas admis par les romains étoit
bien différent ; imbus de cette pensée digne des légis
lateurs du m onde, qu’un acte doit toujours être validé
dans la forme où il peut valoir lorsque les dispo
sitions qu’il renferme ne sont pas absolument incon
ciliables avec cette forme , ils déclarèrent que lorsqu'un
acte qui pouvoit valoir comme codicille, renfermeroit
seulement une institution en termes ordinaires, verbis
com m unibus, et q u elle ne seroit accompagnée ni dé
substitution ni de legs ù la charge de l’institué, l’ins
titution pourroit valoir comme fidéicommis, et qu’alors
l’acte vaudroit comme codicille, et nonobstant le mot
institution qui seroit considéré comme inutile.
Voila cette distinction solide et non subtile que faisoient avec raison les législateurs romains; elle nous est
absolument nécessaire pour rassurer le cœur et reposer
1 esprit; car, sans cela , il nous seroit difficile de compi t.ndre comment un acte, d’ailleurs Valable et régulier
sous une form e, peut être déclaré nul pour un seul
�C 22 )
mot qui ne change rien à ses caractères ni au fond des
dispositions, tandis qu’il est bien plus juste, bien plus
naturel, si ce mot peut être considéré comme inutile,
et si la disposition est valable pour la chose qu’elle con
tient, de maintenir l’acte sous la forme où il peut être
b o n , sans s’arrêter au sens étroit de l’expression, par
suite de cette maxime utile per inutile non vitiatur.
Voyons donc la loi et les docteurs.
D ’abord la loi 13 if. de jure codicillorum ; elle s’ex
plique sans équivoque..
L e législateur se demande ce que l’on doit penser de
celui q u i, n’ayant pas fait de testament, a écrit dans son
codicille, je veux que Titius soit mon h éritier 5 et,
nonobstant cette expression ti'ès - positive, il dit qu’il
faut rechercher s’il a néanmoins eu pour objet de faire
passer la succession à T itius par voie de fidéicommis,
qui est bonne dans un codicille, ou s’il a eu la volonté
formelle de faire un testament; car, en ce dernier cas,
l’héritier ne pourra rien demander.
« Tractciri solet de eo , qui cùm tabulas testarnenti
« nonfecisset ,co d icillis scrip sit, Titiuni hœredem esse
« volo ,• sed mulliun interest, utnnnjideicom inissariam
a hœreditalcm à legitimo per hanc scripturam quant
« codicillorum instar habere v o lu it, reliquerit- an vero
a testamentumfacere se existim averit ; n am , hoc casu,
« n il à legitimo p eti poterit. ( in hoc proxim o casu. )
dit Bnrthole pour qu’il n’y ait pas d’incertitude.
A in si, quoique le testateur ait institué un héritier eu
termes exprès, il faut encore rechercher si la disposition
�( *3 )
peut valoir comme fidéicommis dont on charge l’héritier
ab intestat ; car il faut bien observer que cette loi est
dans le cas où il n’existe pas de testament, mais seule
ment un acte isolé, dont on recherche le caractère
pour savoir s’il est un simple codicille ou un véritable
testament ; et on n’a pas perdu de vue que ce cas est
précisément le nôtre.
Après avoir posé cette règ le, le législateur indique
à quels signes on reconnoîtra que l’acte est un testament
ou un simple codicille. Vous le reconnoîtrez, d it-il, par
l’ensemble de l’acte : si Titius a été chargé de quelques
legs , si on lui . a donné par l’acte un substitué dans
le cas où il ne pourroit pas être héritier, il n’est pas
douteux qu’on a voulu faire un testament et non un
codicille.
« V oluntatis autern quœstio ex ( eo ) scripto plerum« que,declarabitur; nam si fo rte ¿1 Titio legata reh q u it,
« substitutum adscripsit, liœres s i non extitisset, sine
«• dubio non cod icillo s, sed testam entum facere voluisse
« intelligetur. »
Godefroi expliquant, d’après Barthole, ces termes
qui sont d’ailleurs assez clairs, nous dit qu’on doit re
chercher par l’ensemble de l’acte si le testateur a voulu
faire une institution directe ou n o n , car il met comme
le législateur lui-même beaucoup de prix à savoir si
1 institution est faite en termes directs ou en termes
ordinaires; et c’est, suivant lui comme suivant eu x , de
cela seul que dépend la décision. E x presumptione colhgitur utrum testator voluerit instituera directo vel
non.
�( 24 )
La loi nous dit assez, d’ailleurs, par ses propres e x ])ressions ce qu’elle entend par l’institution en termes
directs qui ne peut être faite que par testament, et
celles en termes ordinaires qui ne peut valoir dans le
codicille.
A van t de faire ressortir l’application que cette loi reçoit
à notre espèce, voyons le chapitre 20 aux instituts de
co d icillis, il est plus formel encore, s’il est possible.
Après avoir dit qu’on peut faire un codicille sans faire
de testament, l’empereur ajoute qu’on ne peut ni donner
ni ôter directement l’hérédité par un codicille, car l'h éiédité donnée par cette voie se transmet par voie d e jid e icommis et voilà pourquoi on ne peut pas par le codi
cille imposer des conditions à Vhéritier qu’ on institue, n i
lu i substituer un autre directement. Term es précieux
qui ne nous laissent pas même à conclure, mais qui
nous disent ouvertement que l’institution faite-par co-*dicille n’est pas valable directement, mais qu’elle vaut
obliquement comme lideicommis, et que seulement elle
est nulle entièrement, lorsque les conditions qui y sont
ajoutées lui donnent irrévocablement le caractère d’ins
titution directe , et ne permettent plus de le faire Valoir
obliquement et comme fidéicommis.
« C odicillis autem hccreditas iieqite dari, h é que
a adim i potest f lie confundatur ju s testamentorum et
« codicillotum : et ideb nec exhœredatio scribi. D irecto
« autem hcereditas codicillis iiequè d a ri, lieqüe àdim i
« potest: nam, perfidéicommiSsum, hccréditas codicillis
« jure relinquitur. N ec conditiùntm hcèredi instituto
« codicillis
�(
25
)
« codicillis adjicere, neque substituere directo ( quis )
k potest. »
Cela est-il clair ? Il n’y a pas de doute, ce semble.
A u reste, la glose répète la loi presque mot à mot et avee
des explications plus étendues ; elle ne laisse pas plus que
la loi la moindre obscurité sur le sens qu’on doit donner
à ces expressions d’ailleurs si claires, si form elles, si
impérieuses ; quoique l’institution ne vaille pas directe
ment dans le codicille, dit-elle,' elle vaut néanmoins par
droit de fidéicommis ; sed lie et in codicillis hœreditas
directo dari non possit, in illis tamen Jldeicom m issis
ju re relinqui potest.
Il
ne faut donc plus dire que lorsqu’on aura institué un
héritier dansun acte qualifié codicille, ou môme non quali
fié , il faudra y reconnoître un testament, et déclarer l’acte
et les dispositions nulles, si l’acte n’est pas revetu des for
malités du testament. Il faut d ire, au contraire, il faut
avouer que la disposition qui ne pourra pas valoir
comme institution dans un acte qui n’a reçu que la
forme du codicille, vaudra néanmoins par droit de iidéicommis, ù moins que le testateur n’ait ajouté h l’ins
titution des dispositions qui obligent à la prendre di
rectement et s’opposent à ce qu’on puisse la recevoir
par voie de fidéicommis; et cela est conforme à cette
maxime générale de tous les temps, que toutes les fois
qu un acte peut valoir tel qu’il est, sous une forme quel
conqu e, on doit plutôt le faire valoir que l'anéantir,
et que (com m e dit le Code civ il, art. n 5y ), on doit
plutôt lui donner le sens dans lequel il peut produire
•effet, que celui dans lequel il n’en produiront aucun,
4
�il6)
A v e c cette connoissance précise et exacte de la lo i,
on ne se méprendra pas sur l’avis de Furgole. Ne sé
parons pas ce qu’il a dit au chapitre 2 et au chapitre 12.
A u chapitre 2, il établit quatre règles; partout il pose
en principe que si l’acte porte institution d'héritier, il doit
être considéré comme testament ; mais il apporte à ce
principe des explications précieuses.
D ’abord, en disant, n°. 6, que dans le doute il f a u t
entendre et expliquer l'acte dans le sens capable de
le f a ir e valoir.
E n second lieu , en ajoutant que l’institution dont il
parle est celle qui ne peut être apposée qu’au testa
m ent, c’est-à-dire, cette institution directe et universelle
sans laquelle un testament ne peut pas valoir, et qui
elle-même ne peut pas valoir ailleurs: aussi ne séparet-il jamais ces expressions institution et exhérédation,
qui conviennent si bien au sens de la loi ; hœreditas neque
dari neque adim i potest, et qui signifient seulement en
ce cas une disposition qui nomme un héritier direct ou
qui le deshérite directement. A u ssi, après avoir dit sur
chaque cas comment l’acte pourroit être considéré comme
codicille, il ajoute : « Mais s’il y a voit des institutions,
« des substitutions directes, ou une exhérédation , il
« faudroit le considérer comme un testam ent, parce
« que tout cela ne peut exister au codicille. »
Furgole est donc fort clair; il ne s’arrête pas au mot
institution, mais à la chose m êm e, aux caractères do
l’institution, et si on en doute, qu’on le lise au nombre
10 , chap. 2 , section 7.
Il pose le cas où, par des tonnes qui paroissent presqtio
�( 27 )
directs, le testateur aura dit : J e veux que T itius soit
mon héritier (ce sont ceux de la loi m êm e); et il dit
que s’ il n’y a pas à’autre circonstance qu i puisse déterminer au contraire, il faudra regarder la disposition
comme un codicille, et la fa ir e valoir jure fid eicom m issi j il ajoute qu’en ce cas l’institution se trouvant
faite verbis com m unibus, peut être tournée dans le sens
d’un fidéicommis ; il cite ensuite les circonstances qui
peuvent déterminer au contraire, et indique l’institution
en termes directs, la nomination d’un substitué vulgaire,
la charge de legs qui ne peuvent subsister qu’au testa
ment ; il ne fait que traduire la loi : il y ajoute cependant,
car il suppose pour cela que l’acte est qualifié codicille,
ce que la loi ne dit pas ; mais ici nous verrons que l’acte
annonce suffisamment l’intention de faire un simple codi
cille ou donation à cause de m ort, et non un véritable
testament.
T o u t ce qu’a dit Furgole au chapitre 2 , est encore
plus clairement établi au chapitre 12 où il dit positive
m en t, n°. 35 , qu’en parlant d’institution, il n’a entendu
parler que de ces institutions universelles et des exhéré
dations qui ne peuvent pas convenir au codicille, et où
il f i n i t par dire au n°. 37, il est remarquable qu’ il fa u t
toujours, autaut que les circonstances le com portent,
déterminer la n atuie de l’acte dans le sens q u i peut le
faire valoir sans donner atteinte au x règles. O r , il
peut valoir sans porter atteinte aux règles, lorsque
1 institution n’étant faite qu’en termes ordinaires, p eu t,
suivant son expression, être tournée en fid éico m m is,
cest-à-dire, lorsquellc n’a pas les caractères d’institution
4 *
�( 28 )
•
universelle, avec substitution vulgaire, charge de legs, etc.
C ’est pnr suite decesprincipes certains, que M . Grenier,
tom. Ier. , page 6 1 , nous dit que si on employoit dans un
testament fait en payscoutum ier,lc mot d’institution d’hé
ritier , cette institution n étoit considérée que comme
un legs, ........... parce que ces testamens n’étoient que
de véritables codicilles.
A ppliquant ces principes à l’acte, nous voyon s, i°. que
le sieur de Baille a déclaré ne vouloir faire qu’une simple
donation à cause de m ort; 2°. qu’il n’a pas fait d’institution
directe ni universelle et n’a pas nommé d’héritier ; 30. qu’il
n’a pas employé les formalités nécessaires au testament;
trois circonstances qui démontrent une volonté contraire
à celle de faire un testament, et que Furgole a suffisam
ment déclarées etre suffisantes pour établir l’existence
d’un codicille et non d’un testament. E t certes, si l’ins
titution d’héritier, même universelle, étoit valable au co*
dicille lorsqu'elle étoit faite verbis com m im ibus, à plus
forte raison un simple legs de quote, qui réserve le droit
de l’héritier , et qui n’est lui-même qu’une charge im
posée à l’héritier, ne p eu t-il donner à un codicille le
caractère du testament.
E n vain diroit-on que les mots donation à cause de
mort sont insignifians ; le notaire Rocher n’est pas le
seul q u i, depuis l’ordonnance de 173 5 , ait confondu la
donation à cause de mort et le codicille; presque tous
le faisoient ainsi : on le voit dans la cause m êm e, puis
que le notaire P o u zo l, recevant en 1811 le testament
du sieur de B aille, ajouloit que s’il ne vnloit pas comme
les*ninent, il vaudroit comme codicille ou donation à
�( *9 )
cause de m o r t, et en i8 r2 , M . Grenier a d it, au
même endi-oit: « L e véritable caractère du testament,
« étoit l’institution d’héritier , q u i, de sa nature, étoit
k universelle , et par codicille comme par donation
« à cause de m ort, on entendoit tous actes de dernière
« volonté, par lesquels il n’y avoit pas d’héritiers do
« nommés, mais seulement des legs lim ités a u x objets
« dont on disposoit. »
A u reste, remarquons bien que la loi et lés auteurs,
en examinant si l'institution est directe ou oblique, ne
s’occuppent que du seul cas où il y a eu un héritier
nommé ; qu'ils ne reconnoissent de testament que là où
on a donné fus et nomen hœ redis, et q ue, dons aucun
cas, cette distinction ne peut être nécessaire dans une
disposition qui ne contient que de simples legs, et où
le testateur n’a transmis ni voulu transmettre l’hérédité.
V e u t-o n se faire une idée nette sur l’acte de l’an 11 ?
Q u’on se place dans la position o ù , tel qu’il est, et sans
le changement d’un seul m ot, il eût été fait en présence
de sept témoins, et où la succession se fût ouverte sous
l'empire des anciennes lois. E n suivant le système des in
timés , les légataires de moitié eussent pu demander la
totalité de la succession, par cela seul qu’ils avoient reçu
un legs de m oitié, à titre dyinstitution ; alors ils eussent
dit, à bien plus forte raison qu’on ne fait aujourd’hui : ces
deux mots dénotent un testament et non un simple codi
cille ; cela seul suffit pour que le testateur n’ait pas pu
mourir partlrn intestatus ,* le titre d’héritier nous est donc
dévolu, et nous attribue la succession entière. Qu’auroit-on
dit d’une semblable prétention ? auroit-on, pour la favo-
�C 30 )
riser , forcé violemment le sens d’une expression d’ail
leurs fort indifférente ? auroit-on cherché une institu
tion d’héritier là où il n’y avoit qu’un simple legs ?
enfin, auroit-on mis son esprit à la torture pour arra
cher aux héritiers naturels une moitié de la succession
coutre le vœu et l’intention du donateur ? ou b ien , dé
daignant une expression qui n’a pas de sens et qui ne
pouvoit pas avoir d’objet dans l’acte où elle se trouve,
auroit-on jugé de l’acte par son caractère ? de l’étendue
de la disposition par l’expression de la volonté? et au
roit-on restreint le légataire à l’objet de son legs ? N ’en
doutons pas ; de quelque hardiesse d’esprit qu’on pût
être doué, le magistrat toujours sage se fût gardé de prêter
l'oreille à une argutie , pour attribuer aux Mijolas toute
une succession qui ne leur étoit ni dévolue ni transmise.
Les expressions de l’acte, l’ensemble des dispositions, tout
l’eût convaincu que les volontés du testateur ne devoient
pas être étendues ; il eût décidé que l’acte devoit être ren
fermé dans son objet ; que rien n’obligeant à le considérer
comme testament, il ialloit y voir un simple codicille,
un legs de quotité qui pouvoit exister sans un testa
ment solennel ; aucun doute ne se fût élevé dans son
esprit pour repousser une prétention arbitraire, injuste ;
et en ordonnant la délivrance du legs, il eût déféré
aux héritiers du sang le titre d’héritier et le Bénéfice
de l’hérédité.
Mais si tout cela eût été inévitable, comme on ne
peut en douter, comment cet acte au ro it-il d’autres
caractères, les termes inutiles une plus grande force,
h disposition moins d’eilicacité, la volonté moins d’évi-
�(30
dence? pourquoi, enfin, verroit-on l’actc avec d’autres
yeux , parce qu’il s’agit de donner aux légataires ce
qui leur est légué, d’exécuter littéralement et dans leur
vrai sens les volontés du donateur, du testateur si l’on
veu t? pourquoi une expression inutile, ridicule, ne
craignons pas de le d ire, et qui n’auroit servi à rien
pour faire considérer l’acte comme testament quand il
devoit être valable, prendroit-elle un sens et feroit-elle
un testament d’un codicille lorsqu’il faudroit l’annuler?
Cependant la circonstance qu’il manque un témoin pour
en faire un testament est une preuve de plus que le
sieur de Baille n’a voulu faire qu’un simple codicille,
et d’ailleurs, lorsqu’un acte, nul sous une form e, peut
valoir sous un autre, on doit l’exécuter dans le sens où
il est valable ; c’est alors que le magistrat toujours digne
de la justice, voit un acte dans son ensemble, le con
sidère dans son objet, respecte l’intention de celui qui
l’a consenti, et que bien loin de détruire l’intention, la
volonté exprimée, par des termes inutiles et qui contrarient
le surplus de l’acte, il les regarde d’un œil de mépris et leur
applique noblement cette maxime du d r o it, tirée des
premiers principes: V itia n tu r et non vitiant.
" A in s i, et quand bien même nous aurions à. appli
quer le droit romain dans toute sa pureté, il n’y
auroit de doute ni sur la nature de l’acte, ni sur l’in
tention de son auteur, ni sur la nécessité d’exécuter sa
•volonté telle qu’elle est écrite.
Mais est-ce là la position où se trouvent les appelans?
s a g it-il bien ici de rechercher quel sens et quel effet
pouvoient avoir , sous le droit romain, des formules qui
�Sv
f so
tenoient aux principes d’alors ? N on, certes. L ’institution
d’héritier fût-elle positive dans l’acte de l’an i l , elle ne
pourroit ni le faire valoir ni l’annuler; à plus forte rai
son , un seul m ot, sans aucune signification réelle, ne peut
y être d’aucun effet.
Si l’ordonnance de 1735 a dû continuer d’être exé
cutée depuis les lois nouvelles pour les formalités exté
rieures des testamens, il ne faut pas confondre ces formes
avec l’institution qui tenoii moins à la forme qu'a la
substance de l’acte.
Lorsque le testament étoit considéré comme une loi ;
que cette loi devoit embrasser toute la succession, qu’en
fin la loi de l’état faisoit de l’institution (Vhéritier une
partie substantielle du testam ent, on conçoit qu’il pouvoit s’élever des difficultés sur la validité des actes, sui
vant qu’o n pou voit les considérer comme des testamens
ou des codicilles.
Mais lorsque la loi défendit les institutions, que la
faculté de disposer fut réduite à de simples le g s , con
çoit-on la possibilité de tirer le moindre a v a n ta g e , pour
ou contre , du m ot in stitu tio n , ou même d’une ins
titution réelle placée dans un acte de dernière volonté?
lies magistrats n’eurent plus alors qu’une chose à con
sidérer, savoir, si la* personne étoit prohibée, ou si la
disposition excéüoit les bornes. Sous la loi du 17 ni
vôse elle-m êm e, et avant celle du 4 germinal an 8 ,
un acte qualifié testament et entouré de toutes les for
malités du testament solennel, n’en eût pas été moins
valable s’il n’eut contenu qu’un simple legs du dixième
pu du sixièm e, .au profit d’un autre que l'héritier du
sang ;
�( 33 )
sang ; et l’institution d’un dixième ou du sixième eût été
très-b on n e par un simple codicille fait devant cinq
témoins, quoique les dispositions universelles fussent dé
fendues ; le mot ne fut plus rien dès que la nouvelle
loi eut abrogé toutes lois ou coutumes relatives a la
transmission des biens, qu’elle eut prononce la saisine
des héritiers du sang, et réduit à de simples legs la fa
culté de disposer.
Il
en fut de même sous la loi de germinal an 8 ; elle
conserve encore la saisine des héritiers, et dit que les
libéralités vaudront, lorsqu'elles riexcéderont pas la
quotité qui leur est réservée; certes, en réservant ainsi
aux successibles une quotité déterminée de la succession ,
elle leur donne aussi le titre d’héritiers; les dispositions
permises étoient en ce cas de simples legs des choses
dont on disposoit.
A la vérité, et on n’entend pas le dissimuler ici, la loi
jDermettant en certains cas d’épuiser la totalité des biens ,
il a été reconnu par la jurisprudence, que les dispo
sitions universelles furent valables depuis sa publication,
et qu’elles étoient seulement sujettes à réduction, jusqu’à
concurrence de la portion réservée; mais quest-ce que
cela peut avoir de commun avec l’institution d’héritier
qu’exigeoient les anciennes lois pour la validité du tes
tament? Si la loi du 4 germinal permettoit d’instituer,
elle n’y obligeoit pas; l’institution ne vicioit pas la dis
position , mais la disposition valoit sans l’institution ; ce
n etoit donc plus qu’un vain m ot, qu’une expression
inutile, qui ne pouvoit ni soutenir ni vicier le testament;
Ue n’y produisoit pas plus d’eifet qu’autrefois dans les
5
�> ( 3 4 ),
pays de coutum es, et il est vrai de dire q u e , par l’effet
de ces lo is, les testamens ne furent plus que de véri
tables codicilles.
E t si nous plaçons sous les lois nouvelles l’argument
que nous avons fait plus haut ; si nous supposons que
l’acte eût été fait en présence de sept témoins, et qu’il
eût contenu une institution directe de m oitié, et qu’il
n’y eût pas eu d’héritier à réserve, concevrons-nous
que les légataires eussent eu le ridicule de vouloir tirer
des mots à titre d'institution un droit à l’autre moitié,
et établir , pour y arriver , une différence entre les
effets du testament et du codicille ? on eût ri de pitié,
comme du soin cju’auroit pris un notaire de dire, après
les nouvelles lois, et même depuis le Code , qu’une insti
tution est le fondem ent de tout véritable testament, de
léguer cinq sous à tous prétendant d ro it, d'y ajouter
la clause codicillaire et autres choses semblables, et c’est,
en effet, ce qui est arrivé souvent par la force de lliabitude, et à quoi n’a pas manqué le notaire P ouzol,
dans le testament du sieur de B aille, fait seulement de
puis le Code ; acte dans lequel il se croyoit sans doute,
au temps où on faisoit les testamens par simples pax-oles,
puisqu’il prie les témoins d'en être mémoratifs j acte
cependant qui ne seroit pas moins valable, malgré ce
ridicule échaffaudage de formules inutiles; car-ce sont
ces formules et non pas l’acte qui demeurent nulles et
sans effet.
Il
en est de même dans notre espèce. Si le mot ins
titution ne peut pas donner une plus grande valeur à
l'acte testamentaire depuis l’abrogation des dispositions
�( 35 )
.
universelles, pourquoi su présence les vicicroit-elle ?
une semblable proposition, présentée d’une manière géné
rale , seroit-elle autre chose qu’une absurdité ? oseroit-on
la mettre au jour sous le Code ? « ü n a cru , dit en« core l’auteur du 2e. traité des donations, tome i er,
« page 397, devoir toujours permettre la disposition sous
« le nom d’institution d’héritier, par égard pour les an« ciennes habitudes ; mais il est indifférent qu’on qualifie
« celui à qui on fait des dispositions, d’héritier ou de léga« taire. É n matière de testament, les mots donner, insti« tuer h éritier, léguer, deviennent par eux-mêmes sans
« conséquence ; l’objet essentiel est que la disposition
« soit claire et précise ; tel est le résultat de l’art. 967, etc. »
O r , si cela est vrai sous le Code qui a fort étendu la
faculté de disposer, et qui avoit rendu au sieur de Baille
la sienne toute entière; la vérité n’étoit-elle pas plus
certaine encore sous l’empire des lois précédentes qui ne
donnoient qu’une faculté extrêmement lim itée, et ne
reconnoîssoient d’autres héritiers que ceux qu’elles mêmes prenoient soin d’appeler ?
N e recherchons donc pas si le sieur de Baille a voulu
faire autre chose que ce qu’il a fait ; voyons sa disposi»
tion telle qu’elle est, et demeurons convaincus que res
pectant la saisine des héritiers du sang, c’est avec inten
tion qu’il 11e s’est occupé ni d’eux ni de la moitié de ses
biens qui leur étoit réservée ; que sachant bien qu’il ne
pouvoit disposer que de moitié, c’est avec réflexion qu’il
s est borné t\ léguer un quart aux Chambouvet et un
quart aux Mijolas ; qu’il a voulu le faire par simple
donation ¿1 cause de mort ; que le notaire a banni de
�(3
«)
son acte les termes de testament et de testateur que
tous les notaires du droit écrit eussent plutôt répété dix
fois que de les oublier une seule quand ils faisoient un
testament; et disons enfin qup réduite ainsi à de simples
legs de quotité, lorsque la qualité d’héritier étoit attri
buée par la loi à des tiers, lorsque l’institution çouvoit
valoir sans testament et que le testament valoit sans
institution, la disposition a pu valoir sous la forme du
codicille, et qu’elle doit être maintenue puisqu’elle est
revêtue de cette forme.
Il
ne nous reste qu’à repousser une objection des
intimés et du jugement dont est appel : elle n’est pas
redoutable.
Les demandeurs, dit le jugem ent, ont eu x-m êm es
considéré l’acte comme un testam ent, puisqu'ils agissent en qualité cïhéritiers • et pour que l’argument soit
plus v if , les intimés ajoutent que les Mijolas l’ont
fait ainsi par une spéculation d’intérêt, car la qualité
d’hériticr les saisissoit de plein droit, tandis que celle
de légataire les eût assujéti. à demander la délivrance
et leur eût fait perdi*c les fruits de plusieurs années,
pendant lesquelles'ils avoient suspendu leur action. Cette
objection qui tend à favoriser le système gén éral, qu’il
y a une différence entre les effets de l’institution et celle de
simple leg s, n’a pas même le mérite de l’exactitude.
Les premiers juges, non plus que les intimés, n’ont
•pas fait attention que la succession étoit ouverte sous le
Code ; q u e , par conséquent, la qualité d’héritier ou de
légataire étoit absolument indifférente, comme le démon
trent les'articles 967 et 1002; que le testament étoit
�( 37 )
fait sous les lois du 17 nivôse an 2 et 4 germinal an 8 ;
qu’ainsi la disposition seule étoit à considérer, les termes
ou la qualification n’y étant d’aucune conséquence ; que
par suite de cela, il étoit fort indifférent qu’on eût donné
par le testament où qu’on eût pris par la demande la
qualité d’héritier. O11 n’a pas vu que par les résultats de
l’article 1011 , les M ijolas, légataires où héritiers, peu
importe , étoient obligés de demander la délivrance
aux héritiers du sang, puisque le legs n’étoit pas uni
versel, et qu’ainsi ils n’avoient pas le moindre intérêt
à prendre la qualité d'héritiers, puisqu’il n’en résultoit
pour eux aucun bénéfice.
D ’ailleurs, et quelqu’intérêt qu’on pût supposer aux
appélans à prendre une qualité plutôt qu’une au tre,
cela changeoit - il les caractères et la nature de l’acte ?
eussent-ils trouvé dans cette qualité le m oyen de le
rendi’e valable comme testament, s’il ne l’étoit pas;
d’obtenir toute la succession quand on ne leur léguoit
que moitié ? e t , par la même raison, peut-on y puiser
contr’eux un m oyen d’annuler l’acte , s’il est valable
sous une forme quelconque ? O n a droit de s’étonner
lorsqu’on voit détruire des actes avec de semblables
argumens.
.
Voilà cependant tout ce qu’on a pu imaginer pour
échapper aux dispositions du sieur de Baille. O n concevroit plus facilement cette résistance, si des héritiers
directs, investis de la succession de leur auteur, se trouvoient en lutte avec des étrangers, et défendoient contre
eux une portion de leur patrimoine ; mais le sieur de
Baille au momenl de son décès, 11e devoit rien A ses
�collatéraux, cependant il leur a réservé les trois quarts
ou au moins les deux tiers de sa succession ; c’est sans
doute par reconnoissance qu’on fait la guerre à ses vo
lontés, à la réalité desquelles, cependant, l’esprit et le
cœur sont obligés de croire; aussi, a-t-on essayé de ré
pandre mystérieusement quelques soupçons, et refusé
de reconnoître les Mijolas pour parens du sieur de Baille,
quoique leur parenté soit assez proche pour que les
intimés ne pussent pas l’ignorer. Les appelans ne s'oc
cuperont pas de Semblables moyens ; indépendamment
de ce que toutes les circonstances les repoussent, ils savent
combien peu ils doivent en redouter l’eifet devant des'
magistrats qui commandent le l'espect par leur sagesse
profonde autant que par la dignité dont ils sont l'evêtus.
• C ’est sans doute avoir beaucoup trop disserté sur une
question, qu’on persiste à trouver simple et dégagée de
difficultés; mais, encore une fois, on a dû compte de ses
moyens, dès qu’un arrêt de partage a démontré l’existence
du doute. Il faut, en de semblables cas plus encore qu’en
tout autre, se défier de ses propres lum ières, appuyer
les propositions sur les moyens de la loi, ne pas crain
dre de multiplier les preuves et les soumettre avec con
fiance à la sagesse des ministres de la justice ; c’est ce
qu’ont dû faire les appelans; ils ont rempli cette tache.
Plein de respect pour les magistrats auxquels la décision
de leurs intérêts est confiée, ils livrent tous les moyens de
la cause à leur méditation ; ils ne feront aucune imputation
ni publique ni secrète à leurs adversaires, mais ils ose
ront dire qu’ils ne méritent ni ne craignent aucun re
proche ; que sous leur vêtement com m un, ils portent
�A * '*
C 39 )
une âme honnête et une conscience droite ; ils sau
ront garder ce qu’ils doivent à la justice et aux con
venances, et attendre, avec autant de respect que de
confiance, la décision de la Cour.
M e. d e V I S S A C , avocat.
M e. B R E S C H A R D , avoué-licencié.
THIBAUD , Imprimeur du Roi, de la Cour royale et libraire, à Riom.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Mijolas, Claude. 1820?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Breschard
Subject
The topic of the resource
testaments
successions
pays de droit écrit
codicille
donations
vices de forme
doctrine
droit intermédiaire
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Claude et Matthieu Mijolas frères, appelans de jugement rendu par le tribunal civil d'Issengeaux, le 20 avril 1819 ; contre dame Marie-Françoise-Mélanie de Baille et sieur Hyppolite de Lagrevol, procureur du Roi à Issengeaux, son mari, intimés ; et contre Jean et Jean-Pierre Chambouvet, et Jean Romeyer, en qualité de tuteur de ses enfans mineurs d'avec Jeanne Chambouvet, aussi intimés.
Table Godemel : testament : 20. sous l’empire des ordonnances de 1731 et de 1735, comme sous le code, toute disposition de dernière volonté, soit testament, soit donation à cause de mort, ou codicille, devait contenir, au moins en termes équipollents, la mention qu’elle avait été dictée par le disposant, et écrite par le notaire, à mesure de sa prononciation. cette formalité étant de l’essence de l’acte, son omission en entraînait la nullité, encore qu’elle ne fut point formellement prononcée par la loi.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1820
An 11-1820
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2511
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2512
BCU_Factums_G2513
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53497/BCU_Factums_G2511.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Yssingeaux (43268)
Saint-Hostien (43194)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
codicille
doctrine
donations
droit intermédiaire
pays de droit écrit
Successions
testaments
vices de forme
-
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5cc80560c1b54c4c33d979e01276a6bf
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MEMOIRE
EN
P O U R le sieur
Ju lien
RÉPONSE,
J O U V A I N R O U X , propriétaire,
en qualité de père et légitime administrateur de
C
l a u d i n e
- F
JO U V A IN R O U X ,
l a v i e
sa f i l l e,
intim é
.
.
i •
CONTRE
1
~
L e sieur L o ui s L E G R O I N G j chevalier de ju stic e
de l ' Ordre de Saint-Jean de Jérusalem , chevalier
de l ' Ordre royal et
militaire de S a in t-L o u is
appelant.
sieur Jean -B aptiste, comte L e g r o i n g , maître
d ’une fortune q u ’il ne tenait p o i n t de sa fam ille,
L
e
n ’ayant pour héritiers naturels que des collatéraux,
a fa it, le 24 décembre 1 8 1 6 , un te s ta m e n t olographe.
�( 2 )
Ce testament contient une institution d ’héritier en
faveur de Claudine-Flavie Jouvainroux, alors âgée de
cinq ans. Ce jeune enfant est chargée de payer à sa
mère une pension viagère de 800 f r . , et de lui laisser
la jouissance de quelque mobilier.
Le testateur ne se borne point à remplir les forma
lités exigées par l ’article 970 du Code civil, pour
assurer la validité de ses dispositions ; toutes les pages
de son testament sont encore numérotées et signées par
l u i } il le met sous enveloppe 7 le cachète au sceau de
ses arm es, et écrit : « Ceci est mon testament olo« graphe,
déposé de confiance entre les mains de
]\ï- E spiaiasse „ n o taire- ro y a l, à C le r m o n t. — C e 2 4
« novembre
f8 i 6
». Il signe cette suscription.
Le sieur Legroing décède en août 18 17. Pendant
ces huit mois de survie > non seulement il ne montre
aucun regret, mais encore, le 17 mai suivant, il ac
quiert, au profit, de Claudine-Flavie Jouvainroux, une
propriété assez considérable j et bientôt après, craignant
que. ses volontés ne fussent pas pleinement exécutées,
il passe à cet enfant l ’ordre de différentes lettres de
changes dues par le chevalier, son frère.
Il était difficile de penser que ce testament serait
attaqué; jamais, en effet, la volonté d’un testateur
11’avait été plus régulièrement manifestée \ jamais l ’in
tention de persister- dans des dispositions faites avec
liberté, m’était re^sor^ d ’actes austsi positifs.
Aussi, aaidécC'S du comte, l’on put remarquer un
�( 3 5
contraste assez frappant dans la conduite de ses héri
tiers naturels.
i
L a dame chanoinesse Legroing, sa sœur, et le che
valier, son frère, étaient également appelés à lui suc
céder ab intestat. L a sœur a respecté les volontés
du comte : quoique réduite à une fortune modique ,
si on la met en comparaison avec celle du chevalier,
elle a pensé qu’il ne lui convenait pas de s’associer à
ce dernier, pour outrager la mémoire de celui q u ’elle
avait l ’habitude de respecter} elle a voulu conserver
intact l ’honneur de la fam ille, et ne point s’exposer
à rougir d ’une augmentation de fortune, q u ’elle n ’au
rait pu essayer d ’o b ten ir, qu ’en méprisant une vo
lonté qui lui -était con n ue, et en élevant une voix
sacrilège pour insulter aux mânes de son frère.
L e chevalier, au contraire, célibataire, comblé de
richesses, a cru devoir , dans l ’intérêt de la morale
publique ( \ ) , et pour resserrer les liens de la société
et d e s fa m ille s , attaquer ce testament, q u i, suivant
lu i, prouve Valiénation mentale ou Vabrutissement
de Vauteur. U n mémoire de 58 pages, signé par le
chevalier, distribué en première instance avec profusion
et sans nécessité, devait apprendre au public que le
comte, réputé par tous pour homme d ’ honneur, d’une
probité austère } sur dans ses principes, ami c h a u d ,
citoyen écla iré} sujet f i d è l e , était devenu l ’esclave
( i) T o u t ce qui est en caractères italiques est textuellem ent extrait
du Mémoire du chevalier.
�C4 )
d ’iine
f il l e
de
p e in e
cVune servante sans éducation ,
et qui ne possédait aucun des charmes de son sexe y
que , sexagénaire et malade j ce débile amant, dont
des attaques réitérées d ’apoplexie avaient paralysé
une partie de la bouche, et affaibli les ja m b e s, avait
cédé à la captation et à la suggestionne sa concubine
(qu i avait déjà, en sa faveur, un premier testament
authentique, du 28 avril 1807), pour écrire un tes
tament olographe, qui fait passer sa succession, à qui? à
Claudiue-Flavie Jouvainroux, enfant âgée de cinq ans,
que le chevalier suppose être la personne interposée
de sa mère.
Jouvainroux avait épousé F r a n
çoise Boudon. Cet homme adroit et rusé 3 convoite
Ma i s le sieur J u l ie n
les trésors de son maître j i l est le père p u ta tif
d ’une f i l l e q u ’il a eue de son mariage $ i l V instruit à
em ployer toutes les ruses qu i peuvent toucher un
'Vieillard im bécille ; et comme i l 11 avait ja m a is eu
personnellement aucune espèce de crédit sur l ’esprit
de son m aître, q u ’il mangeait même toujours à la
cuisine (1), et que la femme, en changeant de véteteuiens et d ’état} en se form ant une société nouvelle ,
en négligeant son maître et le laissant dans un état
d ’abandon 3 dont tous les voisins étaient indignés, en
fa isa n t des dettes } suite du lu x e auquel elle se l i
vra itj et qui excédait ses moyens a c tu e ls, avait in
disposé le comte qui manifestait sa colère par des
(1) Conclusions signifiées.
�( 5 )
im précations f o r t énergiques et q u ï l répétait avec
fo r c e ; Jouvainroux q u i, en outre, s’apercevait depuis
quelques tems que le com te L eg roin g tém oignait de
l ’hum eur et de la colère contre la m ère, q u ’il résistait
peut-être à fa ir e un testament en sa fa v e u r , lu i f i t
entendre q u ’il valait mieux faire porter le legs uni
versel sur sa fille que sur elle.
Mais A P R È S L E T E S T A M E N T O L O G R A P H E , JUSf/u’ ail décès
du co m te , on ne v o it p lu s q u ’ horreurs , menaces et
mauvais traitemens de la part de Jouvainroux............
d ’où le chevalier, induit que la violence a été jointe à
la captation et à la suggestion, pour arracher à la
faiblesse du comte, la disposition'testamentaire dont
il s’agit.
Il faut convenir que l ’a t t a q u e d u c hevalier ne p o u
vait présenter aucun m otif de crainte à l ’héritière d u
comte; les idées de captation et de suggestion , non
seulement devenaient invraisemblables , mais encore
s’évanouissaient entièrement, si on voulait les appli
quer à Jouvainroux et à son épouse; il était même
avoué que l ’un et l’autre avaient perdu toute leur
influence sur l ’esprit du testateur; de manière que la
captation et la suggestion étant reconnues l ’ouvrage
d ’un enfant de c i n q ans_, il était peu dangereux de ne
pas repondre aux plaintes du chevalier à cet égard.
Que dire également d ’actes de violences exercés après
le testam ent? N ’était-il pas é v i d e n t , d ’une part,
q u ’ils ne pouvaient être
impuiés à
Claudine-F lavie
Jouvainroux, seule partie dans la cause; et de l’autre,
�s’ils eussent existé, loin d ’être propres à obtenir les
dispositions testamentaires du comte, ne devaient-ils
pas, au contraire, le porter à les révoquer ou à les
anéantir ?
L e chevalier disait encore qüe le testament de son
frère était l ’ouvrage de la haine et de la colère ; mais
le rapprochement de différens passages de son Mémoire
prouvait que le comte et le chevalier, d ’un caractère
absolument opposé, ne pouvaient avoir une vive affec
tion l ’un pour l ’autre. L e com te, sur dans ses prin
cip es, alliant l'honneur à la fie r té } avait cru devoir
s ’expatrier et suivre le sort de nos princes. Il était
rentré dans sa p a t r i e ; mais sa s a n té é ta it a lté r é e 3 et
son humeur changée , ce qui était sans doute l'effet
d e ses longs voya g es, de ses souffrances, et des pertes
q u ’il avait éprouvées.
Le chevalier , au contraire , moins sûr dans ses
principes , tenant moins à d ’anciens souvenirs , et
appréciant mieux les avantages de la fortu n e, avait
rendu le fo j't Saint-Ange au conquérant de M alte. I l
suivit le vainqueur en E g y p te, et rentra en France
avec des cap itaux considérables , débris d'un service
a c t if et de ses spéculations maritimes, à l ’aide desquels
il acheta à son profit une partie des biens qui avaient
appartenu à sa fam ille, et se créa une existence plus
douce et plus indépendante que celle q u ’il pouvait
espérer avant la révolution.
'
‘
Cette différence de principes devait éloigner les
deux frères. L e comte no manifestait contre le chevn-
�( 7 )
lier ni Haine ni colère ; mais sa froideur et son indiffé
r e n c e , lorsqu’il en était question , pouvaient facilement
faire deviner quel sentiment il lui inspirait........
Ainsi le Mémoire du chevalier apprenait tout ce
qu’il était nécessaire de savoir pour apprécier sa de
mande : aussi le p u b lic , ses amis même l’avaient jugce.
avant qu ’elle fût présentée au tribunal de Clermont.
Il était dès-lors inutile d ’ajouter à ce que le sieur
Legroing avait écrit ; on pouvait, par reconnaissance,
ne pas lui demander compte de certains principes
légèrement avancés , et lui faire remise du ton de
supériorité et d’audace qu ’il avait pris clans sa défense j
dédaigner ses outrages, et mépriser même ses calomnies.
Le chevalier fut laissé à lui-même, l ’héritière du comte
garcla le silence,, et le t es t a m e n t f u t conf irmé.
Mais sur appel, le sieur Legroing réunit tons, ses,
moyens et renouvelle ses efforts. Il a fait un voyage à
Paris : il y a obtenu une consultation signée de cinq
jurisconsultes, qui lu i permettent d ’espérer de faire
annuller le jugement de Clermont. Fort de ces suffrages,
le chevalier jouit déjà de son triomphe, et il ne re, connaît pour amis que ceux qui le complimenlent à
l’avance sur le gain futur de son procès.
Il faut détruire cette illusion : l ’intérêt de la léga
taire du comte Legroing lui impose a u j o u r d ’ h u i le
devoir de publier sa défense. E lle aurait v o u l u ne point
rompre le silence j mais déjà sa r é s e r v e est présentée
comme l ’effet de la crainte. Ne
pouvant
plus se taire
sans d a n g e r, elle expliquera du moins avec modération
�( 8 )
es circonstances et les moyens de sa cause. Forte de
son d r o it , c’est au magistrat seul qu ’elle prétend
s’adresser. E lle doit dédaigner les vains efforts de l ’in
trigue, et mépriser les passions de certaines coteries,
q u ’à défaut d ’autres moyens le chevalier cherche à
exciter, et appelle à son aide.
/
F A IT S.
L e sieur comte Legroing avait épousé la dame
Demadeau; elle lui porta une grande fortune, et lui
assura des reprises considérables en cas de survie.
L e c o m te émi gr a : tous le§ biens provenus de son
père furent soumissionnés et ven d u s, de manière qu ’à
son retour de l ’émigration, qui eut lieu en 1804, il
ne lui restait d’autres ressources que de faire liquider
les reprises q u ’il avait sur la succession de la dame
son épouse. Ces reprises, réunies à quelques sommes
peu considérables provenues de la succession de sa
mère, composent toute la fortune du comte.
A u retour de l ’émigration, le comte Legroing vint
dans la maison paternelle : l ’état de sa santé exjgeait
un service continuel 5 sa mère, qui l ’ a v ai t a c c u e illi avec
bonté, le confia aux soins de Françoise B ou d on , dont
les qualités lui étaient oonnuesj depuis, cette do
mestique ne l ’a plus quitté.
Le chevalier était à Malte en 1798 : il rendit le
fort Saint-Ange, où. il avait l’ honneur de commanderj
«’embarqua sur l’escadre du vainqueur 5 assista à
�( 9 )
l ’expédition d ’E g y p t e , et revint en France comblé des
dons de la fortune, et honoré secrètement, d it-o n , de
la faveur de son nouveau maître.
Dès leur première entrevue, les deux frères purent
se juger*, le comte Legroing crut s’apercevoir que le
chevalier s’éloignait un peu des principes q u ’il jugeait
ne pouvoir être abandonnés sans d é s h o n n e u r - , il v it,
sans l ’envier, mais peut-être avec pein e, l ’état d ’opu
lence de son frère. On apercevait, en effet, dans leur
position , un contraste si p a rfa it, qu ’il eût été difficile
de deviner q u ’ils avaient servi sous les mêmes dra
peaux, et combattu pour la même cause.
Le chevalier, de son c ô té , pouvait par fois être
blessé de la fierté de son frère. Au tems où il vivait,
sa fidélité à ses anciens
souvenirs d e v a i t ¿-tonner celui
qui savait avec art se plier aux circonstances.
Le
comte n’était plus q u ’un censeur chagrin et incommode :
le chevalier dut s’en éloigner et ne plus penser q u ’à
utiliser les capitaux que son séjour chez Vétranger et
un service a c tif lui avaient procuré.
L e chevalier s’entremit dans les affaires de la fa
mille : il est inutile d ’examiner s’il agit dans ses in
térêts ou dans celui de ses proches ; mais l ’on doit
remarquer que cette circonstance ne fit q u ’augmenter
le refroidissement des deux frères, et que bientôt ils
cessèrent de se rechercher et de se voir.
Le comte avait pris un logement particulier5 il y
habita pendant trois ans : b o r n é à la société intime
de quelques personnes, il ne s o r t a i t de sa maison que
�pour rendre fréquemment ses devoirs, à sa respectable
mère.
Cependant la santé du comte était altérée; son
état d ’infirmité l ’alarmait. Dans cette position, il
crut, devoir disposer de ses biens : en conséquence, il
f[t, le 8 avril 1807, un testament par acte public;,
[)ar lequel il donna à Françoise B oudon, sa. gouver
nante, la propriété de tous les biens meubles et im
meubles dont il mourrait vêtu, et saisi. Ce-testam ent,
très-régulier en sa forme, fut
reçu par Me Cailhe ,
notaire R io m , en présence de quatre témoins.
Cependant le comte sentait la nécessité de se pro
curer q u e l q u e s distract ions et de se créer un genre de
v.ie plus conforme à ses goûts. Il fut se fixer à» Clerm o n t ,. où il avait beaucoup de connaissances , et
çomptait. quelques amis; il y fréquenta plusieurs
maisons quix l ’accueillirent avec égards et am itié , et
fi.tj ijienje long-tems partie d’une société connue à
Çlermont sous la dénomination de Salon delà Poterne.
lin 1 8 1 1 , Frajiçoise Boudon fut recherchée en
niftriçtge«par Julien Jouvainroux; cet homme, né dans
u»p classeï industrieuse et utile de la. société, était
alo^s sacrjstajn,de; latcathédrale; la surveillance et la
conservation, des orneinens et des trésors de l ’église
lui étaient confiées; son honnêteté, sa fidélité à remplir
ses devoirs, et ses vertus modestes lui avaient concilié
l’estime et; la., confiance des ecclésiastiques dont il
dépendait, d e:mnnièrc que le comte Legroing dut voir
avec satisfaction) une union
qui
lui promettait de
�( lï )
nouveàux secours, et q u i , d ’ailleurs, était devenue
indispensable.
L e mariage est du 17 septembre 18 11. ClaudineFlavie Jouvainroux est née le 4 mars 1 8 1 2 , et a été
présentée à l ’officier de l ’état civil par son père, qui
a signé son acte de naissance.
Cette enfant devint bientôt l ’objet de l'affection du
comte. La douce symphatie qui existe entre l ’enfance '
et la vieillesse, les rendit nécessaires l ’un à l ’autre ;
les jeux et les caresses de Flavie charmaient les ennuis
et calmaient les souffrances du vieillard. Les petits
cadeaux et les empressemens de ce dernier captivaient
h. leur tour la légèreté de l ’enfant, qui ne quittait
plus .ton bon ami y le séclitisait à ehacjue instant dll
jour par de nouvellés preuves d ’attachem ent, se joi
gnait h ceux qui lüi prodiguaient des secours, et
appaisait, par ses énipressemeris et ses innocentes pré
venances , les plaintes et les emportemens que la
douleur pouvait lui arracher. C ’est ainsi que Flavie
devint, par les qualités aimables de son âge, si chère
au comte Legroing, q u ’il l’a présentait comme son
héritière à tous ses amis et îi toutes ses connaissances;
ne dissimulait ni l’attachemént q u ’il avait pour elle,
ni la sollicitude dont elle était l ’objet, et ne se plai
gnait des pertes q u ’il avait éprouvées et des dépenses
que nécessitait son état de maladie, q iic parce q u ’il
craignait ne pouvoir assurer à c e t t e enfant une existence
aussi douce qu ’il l ’aurait désiré.
Le testament du comte est du 24 décembre 181G.
�( 13 )
Claudine-Flavie est la seule personne qui occupe sa
pensce; il l ’institue son héritière universelle, et ne
lui impose d ’autre charge que celle de payer à sa
mère une pension alimentaire de 800 francs, et de
lui laisser la jouissance de quelque m obilier; i l ré
voque, au r e s t e t o u s testamens anciens, et même
tous codicilles.
Ainsi l ’institution d ’héritier, de 1807, est complète
ment anéantie, et Françoise Boudon ne reçoit, dans
ce dernier testament, que la récompense due à ses
longs servicesL a forme de ce testament est également remarquable.
L article 970 du Gode civil fuit dépendre la v a l i d i t é
des testamens olographes de l ’accomplissement de for
malités extrêmement simples; la disposition, la signa
tu re, et la date écrite de la main du testateur, sont
les trois seules choses nécessaires et exigées; mais le
comte Legroin g, se complaisant dans son ouvrage, et
voulant donner à sa volonté un caractère d’authenticité
qui lui fut propre, ajoute à la volonté de la lo i; ainsi
toutes les pages de son testament seront numérotées et
signées par lui ; cet acte se trouvera sous une enveloppe
cachetée au sceau des armes du testateur, et déposé
dans l ’étude d ’un notaire, avec cette suscription datée
et signee: « Ceci est mon testament, déposé de confiance
« entre les mains de M. Espinasse, notaire royal à
« Clerm ont-Ferrand, le 2/, décembre 181G. »
La suggestion et la captation, sur-tout la violence,
exigent-elles des soins aussi minutieux pour la coufec-
�9 3
( .3 )
tion des actes arrachés aux malheureùx q u ’elles dé
pouillent...... ? Non : presque toujours la contrainte sé
décèle par l ’omission de quelques formalités essen
tielles.
Mais poursuivons : ce testament n ’était q u ’un acte
de précaution. L e comte Legroing, familiarisé avec
ses m aux, et accoutumé à souffrir, espérait encore
vivre assez long-tems pour assurer la fortuné de son
héritière de prédilection, en réalisant en immeubles
les capitaux q u ’il lui destinait 5 il paraît même que
ce projet aurait été promptement *et pleinement exé
cuté , si le comte avait encore vécu quelques années ,
et si, sur-tout, il eût pu être certain de la rentrée
prochaine cle fonds considérables prêtés avec générosité
mais dont le recouvrement devenait
difficile.
L e 17 mai 1 8 1 7 , c’est-à-dire, cinq mois après le
testament olographe, déposé chez Me Espinasse , le
comte L e g ro in g , Julien Jouvainroux et Françoise
Boudon, son épouse, stipulant pour F la v ie , le u r f ille ,
acquièrent de Marien C ou steix, différens immeubles
situés a Laroche-Blanche, moyennant la somme de
33 ,Goo francs. Cet acte assure ¿1 F la vie la nue pro
p riété de ces im m eubles, moyennant 20,000 fr a n c s/
le comte doit en avoir la jouissance ¿a vie durant ;
et le p r ix de cet usufruit entre dans la vcnie pour
1 3 , 6 oo francs.
Cet acte manifeste bien é v i d e m m e n t la volonté il il
comte. Comment résister aux inductions qui s’en
déduisent naturellement? D ’abord on no cl ira point
‘v
�0 4 )
q u ’il a été arraché par la suggestion, la captation ou
la violence. L a nature de l ’acte repousse.cette idée;
ensuite, s’il n ’eut pas été consenti librem ent, Jouvainroux et sa femme seraient seuls acquéreurs ; ils
n ’auraient point acquis pou r le compte de F la v ie , et
M. Legroing ne se serait pas réservé Vusufruit des biens
compris dans cette acquisition.
Il est évident que la même voloulé qui avait dicté
le testament du 24 décembre, a présidé à la- vente
du 17 m ai; le comte Legroing ne fait rien dans les
intérêts de Jouvainroux et de son épouse; il acquiert
pour J^lavie 3 leur f i l l e . Dans ses intentions, l ’ u s u f r u i t
des biens ne d o it p o i n t leur a p p a r t e n i r , il s 'en réserve
la jo u issa n ce, et y met un p rix, qui prouve q u ’il
conservait l ’espérance d ’élever, et peut-être d ’établir
lui-même cette enfant. Enfin, Jouvainroux et sa femme
ne sont rien dans la pensée du comte; Flavie est la
seule personne dont il s’occupe; elle seule sera pro
priétaire lorsque son usufruit aura cessé.
Peu de tems après, les infirmités du comte devinrent,
plus graves : une maladie cruelle, des plaies q u i s’élaicnt formées aux jambes et qui
exigeaient
des pan-
scineus aussi multipliés que douloureux, rendirent les
soins de plusieurs médecins nécessaires, et obligèrent
d ’appeler une garde-malade. MM. Monestier, Voiret et
Blatin lui donnèrent successivement , et ensemble ,
leurs soins; ils l ’ont vu jusqu’à sa mort. L a nommée
Terrasse, gerde-malade, n’a point, quitté le chevet de
son lit. Les uns el les autres ont éié témoins de l ’af-
«
�( >5 )
fection du comte pour Flavie; il la désignait constam
ment comme son héritière ; recommandait la plti£
stricte économie, et se lo u a it, d ’ailleurs, des soins et
des services de ceux qui l ’entouraient.
F l a v i e était, en effet, 'constamment présente à la
pensée du comte. Les douleurs les plus vives ne pou
vaient le distraire de cette idée unique qui le m aî
trisait entièrement, et q u i, parfois, l’aidait à supporter
ses maux. S’il s’agissait de cette e n fa n t, il devenait
soupçonneux et défiant; les précautions q u ’il avait
prises pour lui assurer sa fortune, lui paraissaient, par
fois, insuffisantes; il aurait désiré pouvoir imprimer
à chacun dés objets qui devaient composer sa succession,
un signe tellement ineffaçable, q u ’ilr fut propre à les
faire reconnaître par tous, c o m m e apj-ïartenant: à son
héritière, et à rendre toute soustraction impossible.
L e comte Legroing était créancier de son frère d'une
somme àssei considérable : il était porteur de tiois
lettres de change; il ne voulut point en laisser la
disposition au sieur Jouvainroux. Se défiait-il de lui?
Avait-il le pressentiment que lés circonstances pourraient.'
lui faire désirer d ’acheter la paix au prix de quelques
sacrifices...... ? Quoi q u ’il en soit, il signala ces effets,
et en passa l ’ordre h Claudinc-Flavie.
Cette précaution du comte sera-t-elle aussi regardee
comme l’effet de la suggestion et de la violence ? Mais
quel avantage présentait-elle à Jouvainroux et à sa
fem m e.....? F ile n ’ajoutait rien à 1» force de la dis->
position faite par le com te, en faveur de Flavie; Îe
�( i6 )
testament était suffisant pour la rendre propriétaire
de la succession, et en exclure le chevalier*, le comte
n ’avait donc, en écrivant cet ordre, d’autre but que
celui d ’assurer la propriété de Flavie contre ses propres
parens, et d ’ôter u ces derniers la possibilité d ’abuser
du dépôt que la loi leur confiait. Les père et mère de
Flavie n ’ont pu désirer cet acte : il est évident q u ’ils
n ’ont point employé la suggestion et la violence contre
leurs propres intérêts; il est aussi certain que le testa
m ent, la vente et les ordres émanent de la même per
sonne, ne forment, pour ainsi dire, q u ’un seul acte, dont
l’objet est d ’assurer à F la v ie s e u le , et au détriment
de ses ascendans 3 la propriété des biens du c omte .
Comment d onc p our r ai t -o n diviser u n ensemble de
faits si propres à manifester une volonté libre et éclairée?
Ne prouve-t-il pas, au contraire, de la part du testa
te u r,
une
anéantit
à
persévérance dans
ses dispositions, qui
l ’avance les reproches de captation et de
violence que le chevalier a osé articuler?
A u mois d ’août, l’état du comte Legroing était
devenu
plus inquiétant; sa maladie avait
fait des
progrès rapides; il était livré à des souffrances cruelles;
il eut recours aux douces consolations de la religion.
MM. C aban e, curé des Carmes, et M o u lh o t, vicaire
de Notre-Dame-du-Port, étaient venus constamment
le voir pendant les 1 5 derniers jour de sa maladie ; il
s’entretenait avec l ’un d ’eux au moins deux fois par
jo u r; il remplit tous ses devoirs avec une respectueuse
soumission, çt mourut en chrétien résigné. Les mal
�heureux espérait peut-être que samémoire serait honorée,
ou q u ’au moins ses héritiers se respecteraient assez
eux-mêmes pour ne pas attaquer les dispositions d ’un
frère auquel, depuis long-tems, ils étaient devenus
étrangers.
Flavie ne pouvait apprécier combien était grande la
perte q u ’elle venait de faire ; cependant ses regrets
furent amers. Mais Jouvainroux et sa femme sentirent
ce q u ’ils devaient à la mémoire du comte. Ses obsèques
furent magnifiques ; sa dépouille mortelle repose dans
un terrain acquis par Jouvainroux, et consacré à con
server le souvenir du bienfaiteur de Flavie.
Les faits principaux qui ont entouré le testament
du comte Legroing étant connus, il convient de tracer
rapidement l ’esquisse de la p r o c é d u r e , d ’i n d i q u e r la
marche tenue par le chevalier, et de mettre sous les
yeux de la C ou r les dispositions du jugement qui a
rejeté ses prétentions.
On a dit que le comte était mort le i 3 août 1 8 1 7 ,
c’est-à-dire huit mois après la confection et le dépôt de
son testament.
L e 1 4 , M® Espinasse, notaire, assisté du
sieur
Julien
Jouvainroux, présenta ce testament à M. le président
du tribunal civil de C lerm on t, qui dressa procès-vcrbal
de son ouverture et de sa forme e x t é r i e u r e , e t rendit
une ordonnance qui en continua le dépôt chez le no
taire Espinasse.
Il a fallu parler de celte
circonstance
pour détruire
les allégations que le chevalier Legroing a osé se per-
3
�svp
(' 18 )
mettre clans son mémoire imprimé (pages 24?
et 2^)Suivant lu i, le testament a été déposé par Jouvainroux
seul; donc il est demeuré, contre la volonté du comte,
possesseur de cet acte important jusqu’au décès de ce
dernier. La signature de M. le président n’est pas suf
fisante pour le rassurer sur la sincérité d’un renvoi qui
indique Me Espinasse comme étant celui qui a présenté
le testament, « parce q u ’on n ’ignore pas ce qui se passe
« à l ’hotel, lorsqu’on vient demander des signatures.
« On présente ordinairement une foule d ’actes rédigés
«■la veille ou le jour même; le président, qui en a
« connaissance,
signe avec confiance , apostille les
« r e n v o i s sa n s a u t r e m e n t y
r e g a r d e r ............. »
Que répondre à une pareille imputation consignée
dans un Mémoire signifié, et que l ’on a osé faire ré
péter dans une consultation?......... E lle est fausse : le
magistrat respectable et éclairé auquel elle était adressée
a cru devoir la dédaigner; et l’héritière du comte ne
doit plus s’en occuper que pour manifester ses regrets
d’avoir été privée, par ce fait, de l ’autorité q u ’aurait
pu ajouter au jugement q u ’elle a obtenu, le suffrage
de M. le président, qui crut devoir
s’ abst eni r.
Le i 5 août, le sieur Jouvainroux, tuteur de Flavie,
lit apposer les scellés sur le mobilier du défunt.
Le 19 , le chevalier Legroing forma opposition à la
rémotion.
U ne ordonnance du
août 1817 avait envoyé le
sieur Jouvainroux en possession des biens ayant appar
tenu au comte Legroing, conformément aux art. 1006
«
�V
( *9 )
et 1008 du Code civil. L a rémotion dös scellés avait
eu lieu , et l'inventaire était même presqu’achevé ,
lorsque le chevalier crut pouvoir prétendre que le mo
bilier d evait'lui être remis, comme héritier naturel,
sauf à le représenter, et déclara q u ’il formait opposition
à l ’ordonnance du 2 3 août.
Une ordonnance rendue en référé, le 2 6 , donna
au chevalier acte de son opposition, et renvoya à l ’au
dience du 27 pour y être statué.
Le chevalier présenta alors une requête où , sans
préciser aucuns faits, il soutint que le testament était
n u l, comme étant l ’eifet de la captation, de la vio
lence,’ de l ’obsession, du d ol, et fait ab ircito. 11 de
manda en conséquence à être envoyé provisoirement en
possession 5 mais le j u g e m e n t d u 27 le déclare non
recevable dans son opposition à l ’ordonnance du a 3 5
maintient, en conséquence, l’envoi en possession pro
noncé en faveur de Jouvainroux, et ordonne q u ’au
fonds les parties procéderont en la manière ordinaire.
Bientôt le chevalier
fait signifier et publier un
mémoire.
Suivant lui ,
i°.L e testament est fait ob irato : il est l ’ouvrage de ■
la haine et de la colère \
20 II est l’ouvrage de la captation et de la suggestion
de la part d ’une concubine.
Pas un seul mot de la v i o l e n c e comme cause de
nullité du testament; ce moyen n ’a même jamais été
présenté au tribunal de Clerm ont, et ne l’est pas
f
�( 20 )
encore dans les consultations distribuées en la Cour.
Ce mémoire est suivi d ’une requête signifiée le 28
mars 1818.
Le chevalier y demande la nullité du testament de
son irère, sous un double point de v u e ,
1" Comme fait en faveur d ’ une f i l l e naturelle du
sieur comte Legroing et -de Françoise Boudon,
sa
gouvernante, laquelle f i l l e naturelle ne s t pas légalement reconnue, et ne p e u t, à ce titr e , espérer que
des alimens;
20 Com me fait ab irato,
co n tre
sa
fa m ille ,
et
comme étant l ’effet de l ’obsession, de la captation et
de
la
s u g g e s t i o n d e la . p a r t d e
JU LIEN
F ra n ço ise
boudon
e t de
JO U V A IN R O U X .
Passant ensuite à la preuve de ces propositions, il
soutient que C laudin a-F la vie Jouvainroux est née du
concubinage de la dame Jouvainroux avec le comte
Legroing.
Parce qu e, i° il est prouvé (suivant lui) que Fran
çoise Boudon est devenue enceinte une première fois,
en 18065 que son enfant, nommée Joséphine, a été re
connue par le comte Legroing, tant dans son acte de
naissance que dans celui de décès;
20 Que Françoise Boudon a continué de cohabiter
avec son m aître, et de vivre avec lu i, soit à Riom ,
soit à C le rm o n t, notoirement et publiquement en
concubinage 5
3 ° Que Françoise Boudon est devenue enceinte une
deuxième fois en 18115 que sa grossesse était de plus
�( 21 )
de trois mois, lorsque M . Legroing a p ig é à propos
de la marier avec Julien Jouvainroux. Q u e, conséquemment, Claudine-Flavie est le fruit du concubi
nage ; ce qui est, au surplus, confirmé par la présomption
de la loi, suivant la maxime : A n cilla m prœgnantem
in dubio vid eri prœgnantem à domino m axim e ;
4 ° Que ces faits se trouvent justifiés par les circons
tances de cohabitation du mari et de la femme avec le
comte,
Par la différence q u ’il mettait entre e u x, faisant
manger la femme avec lu i, et le mari à la cuisine-, par
les soins q u ’il avait pour Flavie : il l ’appelait habi
tuellement sa fille , et celle-ci lui répondait en lui
d o n n a n t le n om de papa.
Enfin, par la tendresse que le comte avait pour cette
enfant. « E lle était si grande, que lorsqu’il s’élevait
« des querelles entre lui et les Jouvainroux, ce qui
« arrivait souvent 3 on le menaçait de lui ôter la petite
« Flavie, pour l ’appaiser et obtenir dé lui tout ce q u ’on
« désirait. »
E n conséquence, le chevalier conclut à ce que C lau
dine-Flavie Jouvainroux soit déclarée enfant naturel
non reconnu du comte Legroing; à ce que l ’institution
contenue au testament du 24 décembre 1 81 6 , et te
donation indirecte faite par la vente du 17 mai 1817,
ainsi que la donation indirecte r é s u l t a n t des ordres
qui se trouvent au dos des lettres de change souscrites
par le chevalier, soient annullées; à ce que toute la
succession lui soient remise, s’en rapportant d’ailleurs
�• f(
22 )
à la prudence du tribunal sur la quotité de la pension
alimentaire qui doit être accordée à C laudin e-F lavie.
Il faut convenir que le chevalier ne pouvait créer
un système qui outrageât plus ouvertement les mœurs
et la dignité du mariage. Ainsi c’est vainement que
les rapports qui existent entre le père et l ’enfant sont
liés à l ’institution la plus sainte et consacrée par les
lois les plus positives : un étranger, mu par un vil
intérêt, peut, en invoquant les. mœurs, troubler le
repos des familles, tenter de détruire l ’état d ’un enfant
légitime, pour le classer parmi les enfans naturels non
reconnus; e t, se jouant de la religion et des lois, les
i n v o q u e r p o u r d ét ru ir e ce q u ’elles ont de pl us sacre,
à l’eiFet de se rendre maître de la succession d ’un frère
dont il ne craint point de flétrir la mémoire.
Tel était cependant le moyen principal employé par
le chevalier en première instance. Les faits de capta
tion et de suggestion, ceux même q u i, suivant l ui ,
tendaient à prouver que le testament du comte avait
été dicté par la colère, n ’étaient articulés que subsidiaireinent.
Les voici :
i u Françoise Boudon a vécu en concubinage avec le
sieur Lcgroing depuis q u ’elle est entrée à son service;
2° A compter de cette époque, elle a mis tous ses
soins pour séparer et éloigner son maître de toute sa
famille. F ile et son mari ont em pêché toute commu
nication avec son frère, ses parens et ses amis ;
3 " F ile avait inspiré à son maître une telle haine
�9*3
( ’3 )
contre ses proches, et notamment contre~le chevalier,
que lorsque le nommé Ghantelot emporta, dans le
mois de juillet 1 81 7 , 8000 francs, de la part du che
valier, à-compte de ce q u ’il lui devait, le comte refusa
de les recevoir, en désavouant le chevalier pour son
frère, et en tenant contre lui les propos les plus inju
rieux ;
4° Que le chevalier s’étant présenté chez le comte,
le 12 du même mois de ju ille t, pour régler ses comptes
avec lui et lui payer une partie de ce q u ’il lui devait,
il ne p ut pas parvenir ju s q u ’ à lu i; q u ’il fut en con
séquence obligé d ’avoir recours à des tiers, et spécia
lement à un jurisconsulte de C le rm o n t, qui se trans
le c o m t e , rédigea la quittance des sommes
q u ’il recevait, et du mo de de p a i e m e n t de ce q u i res
tait d û ; que ce jurisconsulte lui ayant fait lecture de
po rt a chez
cette quittance, dans laquelle il lui faisait dire q u ’il
avait reçu telle somme de son frère, il se mit en fu
reu r, se leva sur son séant, quoique dans un état qui
le privait, en quelque sorte, de tout mouvement; dit
que le chevalier n ’était pas son frère, vomit contre lui
toute espèce d’injure , et ne consentit à signer la
quittance, que lorsque le jurisconsulte présent, qui
l ’avait rédigée, «ut rayé ces mois : Mon frère ;
5 ° La dame Jouvainroux était toujours présente
toutes les Ibis q u ’il arrivait quelques personnes auprès
de son maître. Lorsqu’elle sortait, elle l ’enfermait sous
clef, pour q u ’il y eût impossibilité de sortir ou de
communiquer avec qui que ce fût;
�Fvo
( H )
6° E lle a souvent maltraité son m aître, qui a fait
entendre ses plaintes, et se mêttait à la fenêtre , en
criant au secours! à Vassassin! que ses cris ont attiré
les voisins, le p ub lic, et même la police;
7° Q u ’elle s’emparait des lettres qui venaient de la
fa m ille , et spécialement du chevalier, pour que son
maître n ’en eût aucune connaissance; et q u ’une de
ces lettres a été trouvée dans la commode de la dame
Jouvainroux, lors du proccs-verbal du juge de paix ;
8° Que le comte était absolument dans la dépenda nce de' sa domestique-gouvèrnante, qui s’était em
parée de tous ses biens et facultés, et que le comte
é ta i t t o m b é dans u n é t at de faiblesse et d ’ i mb éc il li tC
tel, q u ’il ne lui restait ni volonté, ni discernement.
L e vague et l ’insuffisance de ces faits se laissent
facilement apercevoir : aucune circonstance n ’y est
déterminée; ils sont d ’ailleurs anéantis par le rappro
chement que l ’on peut en faire des faits connus et
constans au procès.
Les premiers juges les ont appréciés; ils ont examiné
cette cause dans son ensemble et dans tous ses détails.
Il convient de faire connaître leur jugement. }
P remière question : en la forme ;
L e testament du comte L egroin g est-il valable?
A tten d u q u e , conform ém ent à l ’article n eu f cent soixante-dix du
Code c iv il, il a <He écrit en entier, daté et signé de la main du testateur;
que la loi ne l ’assujétissait à aucune autre form alité ; qu ’il n’est môme
pas attaqué en ce point.
D euxièm e question : au fond ;
L e comte L egroing avait-il capacité pour disposer par tostament?
�(
25 )
A ttendu q û e , d'après l ’article n eu f cent deux du Code c iv il, toutes
personnes peuvent disposer, par testa m en t, excepté celles que la loi en
déclare incapables ;
A ttendu que le comte Legroing n’était dans aucun des cas de l'article
guatre cent quatre-vingt n eu f du Code civ il ; qu’il est m ort iiitegri
statds, et que son testament même prouve qu ’il était sain d’esprit.
Troisième question.
L e comte Legroing a-t-il pu disposer de l ’universalité de ses Liens?
A ttendu que le comte L egroing n’avait ni ascendans ni descendans ;
Q u ’a in si, et aux termes de l ’article n eu f cent seize du Code c iv il, ses
dispositions testamentaires ont pu épuiser la totalité de ses biens.
Q uatrièm e question.
L e comte Legroing a -t-il fait son testament par colère et en haine do
sa fam ille ?
A tten d u q u e , quoique le Code civil ne dise rien du cas où un testa
m ent serait attaqué pour cette cause, il faudrait examiner s’ il peut
encore y avoir lieu à l ’action en n u llité admise par l'ancienne jurispru
dence , dans q u e l q u e s - u n s de c e s c a s ;
Mais attendu q u e , quand les faits allégués par le dem andeur seraient
é ta b lis, il n’en résulterait aucune preuve que ce testament a été reflet
de la haine et de la colère du comte L egroing contre sa fum ille, ou ,
pour m ieux d ir e , contfe le dem andeur ; car la dame L e g ro in g , leur
sœ u r, a pensé qu’elle n’avait pas le droit de s’en plaindre.
Ces faits de haine et de colère seraient :
L e p rem ier, un rëfus de la part du comte L egroing de recevoir une
somme de huit m ille francs, que le dem andeur lui aurait envoyée par
le sieur C lia n telo t, le premier ju illet m il h u it cent d ix -sep t, et d’avoir
accompagné Ce refus d’injures contre le demandeur.
L e dem andeur ne dit pas quelles furent ces injures , ni le m otif dû
refus.
L e deuxièm e fait serait que le dem andeur s’étant
p ré s e n té
Iui-mômc,
le douze du mémo m ois, chez son frè re, pour r é g i« 'ses comptes et
payer une partie de ce q u ’ il lu i d e v a it, il ne put pas parvenir jusqu’il
!«»•
L e dem andeur ne dit pas non p lu s pourquoi et par qui il fut empêché
de parvenir jusqu’à son frère,
4
�L e troisième fait est que le dem andeur ayant alors invité un juris
consulte à porter pour lui la somme à. son frère, de rédiger la quittance,
et de régler le mode du paiement de ce qui resterait dû , et le jurisconsulte
ayant fait lecture de la quittance au comte L e g r o in g , celu i-ci se m it
en fu re u r, parce qu ’il y était dit que le chevalier Legroing était son
frère; il vom it contre lui toutes sortes d’in ju res, et ne signa la q u it
tance que lorsque le jurisconsulte eut rayé les mots : M on frère.
L e dem andeur a laissé également ignorer quelles furent ces injures ,
/
et cependant il serait possible que les expressions du comte L egroing ne
fussent pas reconnues injurieuses ; le dem andeur aurait pu regarder
comme injures quelques paroles seulem ent désobligeantes , qu ’un mo
ment d’hum eur ou le m écontentem ent aurait pu p ro d u ire, sans que le
coeur du comte L egroing y prît aucune part.
A u surplus, les frères L egroing auraient pu vivre en m ésintelligence r
ne pas s’aimer ; mais entre la haine et l ’amitié il y a tant d’autres sentim e n s q u i n e t r o u l i l c n t n i l'esprit n i la r a i s o n , q u i ne s o n t n i de la
haine ni de la colère !
E t s i , par de semblables motifs , il était possible d ’annuller les testamens faits au préjudice des collatérau x, il serait presque inu tile d’en
faire.
Enfin , et cette observation serait seule décisive sur ce point :
'A ttendu que le testament dont il s'agit est du vingt-quatre décembre
m il huit cent s e iz e , et que les fa its de colère et de haine allégués ne
seraient que du mois de ju ille t mil huit cent d ix - s e p t;
Q u ’a in s i, ils n ’auraient pas pu influer sur des dispositions testa
mentaires fa ite s sept mois avant leur existence.
Cinquièm e question.
Si ce testament n’a pas élé l ’effet de la haine et de .la co lerc, a-t-il
été celui de la captation et de la suggestion ?
il'
A tten d u que U\s moyens de captation et de suggestion sont comme
ceux de hnine et de coli-rc , méconnus par le Code c iv il; q u e, néanm oins,
s'il en existait, il faudrait encore examiner .aussi s’ils peuvent encore
fonder l’action en nullité, d’ un testament: olographe ;
Mais attendu qu’ il serait ridicule de prétendre qu'un enfant de cinq
ans a employé lu r u se , l'artifice, la mauvaise f o i , lés insinuations per
fides, pour tromper le comte L e g ro in g , lui rendre sa fam ille odieuse,
�V
)
le faire changer de volonté, et surprendre, en sa faveur, des dispositions
qu’il aurait eu l ’intention de faire en faveur du dem andeur;
A ttendu qu’il n'est pas vraisemblable que la force d’esp rit, la fierté
du caractère du comte Legroing aient jamais cédé aux volontés de Fran
çoise B o u d o n , au point sur-tout de faire ce q u ’il n’aurait pas voulu
faire ;
Q u ’il n’est pas presumable que la femme Jouvainroux eût tenté ce
triom phe; elle eût cra in t, sans d ou te, de déplaire à son m aître, et
m ême de l ’offenser ; s’il eût pensé qu ’elle vonlait le dom iner, elle eût
craint
d'achever de perdre une confiance déjà tant affaiblie par son
mariage ;
A ttendu , q u ’en supposant même que la femme Jouvainronx eût
quelque pouvoir sur l ’esprit de son maître , il n'est pas vraisemblable
qu’ elle Veût em ployé pour fa ir e exercer envers sa f i lle une libéralité
qu'elle eut désiré conserver en vertu du testament de m il huit cent sept >
ou fa ir e renouveler pour elle ;
,
A ttendu qu ’il e s t, au contraire , tout naturel de croire que c’ est par ses
caresses , par ses assiduités, par s e s s o in s , e x c i t a s peut-âtre par de petits
cadeaux que l ’âge mûr et la vieillesse ont coutum e de faire à l ’en fan ce,
que Claudine-Flavie a o b te n u , sans le savoir ni le d ésirer, cette marque
de sensibilité , d ’affection et de toute la bienveillance du comte L egro in g ;
q u e , ce dernier a pu penser qu’il ne devait aucun témoignage d’aflcction
ni de reconnaissance au chevalier Legroing , son frère , q u i , célibataire
comme l u i , ne transmettrait qu’à des étrangers ou à des collatéraux
éloignés les biens qu’ il lui laisserait ;
A ttendu q u e , comme le disent les auteurs, le testament olographe
est celui qui dépose avec plus de sûreté de la volonté du testateur;
A ttendu que les précautions surérogatoires que le comte Legroing a
prises pour assurer et conserver saine et entière l ’existence du sien, en le
cotant, et signant à chaque page , et en le mettant sous une enveloppe
cachetée au sceau de scs arm es, avec une inscription
sa main ;
Q ue la facilité qu’ il avait de révoquer d’un
é c r ite
m om ent
et signee de
à l’autre ces dis
positions, d’en faire de nouvelles, ou de n ’en pas laire du tout , et dç
c o n fie r
l’écrit de sa dernière volonté, soit à un des médecins qui lui
prodiguaient des soins pour prolonger ses jo u r s , soit ¿1 un des ministres
�c
( »8 )
q u i lu i portaient souvent les consolations de la religion, et le préparaient
à bien m o u rir, soit à toute autre personne qu ’il aurait choisie pour eu
être le dépositaire, fa cilité q u i, comme le dit R ica r d } a v a itfa it établir,
comme m a x im e indubitable au palais , que les fa its de suggestion n'é
taient pas recevables contre un testamen t olographe ;
Q u e , Vacquisition qui fu t faite au nom de C laudine-Flavic Jouv a in r o u x , le dix-sept mai m il h u it cent d ix -se p t, environ cinq mois
après le testam ent,
Q u e l ’ordre passé par le comte L e g r o in g , en sa faveur , sur lçs effets
de commerce à lu i consentis ;
Q ue le silence du comte L e g r o in g , ou p lu tôt sa persévérance pendant
les huit mois qui s’écoulèrent entre le testament et son d écès,
P ro u ve n t, d ’une m anière incontestable, que le comte L egroin g u ’a
été subjugué par personne ; qu’ il n’a cédé ni à l ’obsession ni aux solli
citations ; qu’ il n’ a été entraîné par aucune volonté étrangère ;
Q u il
h'u
a g i ( ju e p a r
l ’ im p u ls io n d e so n c œ u r d ’ a p r is
s e s s e f lt i m e n S
et ses affections personnelles.
L e dem andeur a lui-m êm e reconnu les affections du com te pour
F la v ie , en disant : « Q u e , quand le comte avait des momens de colère
« et d ’ im patience, elle allait se jeter dans ses b ras, et que ce petit
« manège calm ait sur-le-cham p le maître em porté. »
L e choix de F lavie pour son héritière a donc été l ’effet de sa volonté
lib r e , ferme et constante.
A ttendu que l’ acte qui le renferme , contient la preuve aussi que le
comte Legroing l ’a fait avec réflexion et tranquillité d ’esprit et de raison ;
Q ue l’ordre mis par le comte L egroin g sur les effets de com m erce,
n’a sans doute été imagine par lui , que pour conserver 1« valeur de ces
effets à C la u d in c-F la v ie , et em pêcher que son père et sa mère pussent
les lui soustraire, «t s’en approprier le montant.
l) ’où s’en suivrait une nouvelle preuve que rien n’a été fait ni suggéré
par la femme Jouvainroux , ni par son mari.
E t une observation qui ne laisse aucun doute à cet égard , c’est que
le dem andeur est lui-m ônic convenu que la mère de F lavie n’u v a it, h
l’époque du testam ent, aucune influence sur l’esprit de son m nître, en
disant : « Q u e , depuis quelque tems avant ce testam ent, le comte
t Legroing témoignait de l'hum eur et de la colère contre elle. »
�( =9 )
'A tte n d u q u e , quand il serait vrai que le comte Legroing se fût
procuré un modèle pour rem plir les formes d u testament qu ’il voulait
fa ire , cette circonstance serait absolum ent insignifiante, et ne pourrait
pas autoriser la critique des dispositions ;
Q ue d’officiers publics ont souvent recours aux formulaires !
Sixièm e question.
Claudine-Flavie Jouvainroux était-elle capable de rece v o ir, par testa
ment , le legs universel que lui a fait le comte Legroing ?
A ttendu q u e , d’après l ’article n e u f cent six du C o d e , il su ffit, pour
être capable de recevoir par testam en t, d ’être conçu au décès du tes
tateur ;
E t attendu qu’au décès du comte L e g r o in g , C laudine-Flavie Jou
vainroux était âgée de près de six ans ;
A tten d u que C laudine-Flavie Jo u va in ro u x, née le cent soixanteonzième jour du mariage de Françoise Boudon sa mère et de Julien
Jo u vain ro u x, ne peut pas être considérée comme enfant naturel du
c o m te L e g r o in g ;
Q ue le mariage fait présum er que Jouvainroux était l’nnteur de la
grossesse de Françoise B o u d o n , avec l ’intention réciproque de s’unir
par le mariage ;
Q ue le dem andeur n’a pas été exact dans sa citation de la maxime
suivie dans l ’ancienne ju risp ru d en ce, et justement abolie par nos lois
nouvelles ; en voici les termes : Crcditur virgini ju ra n ti se ah aliquo
cognitam et e x eo prœgnantcm.
E lle n’établissait, comme l ’a prétendu le dem andeur, aucune pré
somption , pas même les soupçons contre le m a ître , sur l ’état de la
grossesse de sa servante ; et le serment qu ’était obligée de faire la fille
en cein te, avait seulement l ’cflet de faire contraindre celui qu’elle avait
déclaré l ’auteur de sa grossesse, à lu i payer une somme modique pour
frais de gésine.
Q ue la présomption que Jouvainroux était l ’auteur de la grossesse de
Françoise Boudon , c'est q u ’au lieu de désavouer V evfun t, c’est Jou
vainroux lui-m êm e q u i l'a f a it inscrire
s u r
h registre de l ’état c iv il ,
comme étant son enfant d'avec Françoise B ou don, et qui en a signé
l'a cte ;
E t q u e , d’après les articles trois cent dix-neuf et trois cent vingt du
�( 3o )
Code c iv il, cet acte seul eût suffi pour constituer Claudine-Flavie ênfant
légitim e d u dit Jouvainroux ;
Q ue C laudine-Flavie a en outre obtenu la possession d’état d ’enfant
légitim e de Jouvainroux , par tous les faits que l ’article trois cent vingtun du Code désire ,
Puisqu’elle a toujours été regardée comme te lle , soit par sa fa m ille ,
soit par le public ;
Q u ’elle en a toujours porté le nom , et que Jouvainroux l’a toujours
traitée comme son enfant.
A ttendu q u e, d’après l’article trois cent v in g t, cette possession aurait
elle-m êm e suffi pour constituer cet état ;
A ttend u q u e , d’après l ’article trois cent vingt-deu x, nu l ne peut
contester l ’état de celui qui a une possession conforme à son titre de
naissance ;
Q u ’ainsi il n’est pas permis d’examiner com m ent Françoise Boudon a
v é c u a v a n t so n m a r ia g e ;
Q u ’ainsi il n’est pas permis d’alléguer que C laud in e-F lavie est le fruit
d ’un concubinage de sa mère avec le comte L egroing ;
Q ue la loi ne reconnaît même pas de concubinage après le mariage ;
Q ue le commerce illicite d’ une épouse avec tout autre que son ép oux,
est qualifié adultère ;
E t que le mari a seul droit de s’en plaindre.
A ttendu que l ’article trois cent tren te-n eu f du C o d e , qui autorise
tous ceux qui auraient intérêt à contester toute reconnaissance de la
part du père et de la mère , ne s’applique qu’aux enfans nés hors
mariage ;
,
Q ue toutes les dispositions qui composent la section 2“ du chapitre
des enfans naturels, et particulièrem ent celles de l’article trois cent
trente-sept, sont positives à cet égard ;
Q u ’ainsi la disposition universelle eut pu être valablem ent faite en
faveur de la fem m e, après le mariage ;
Q u ’ainsi l’on ne peut considérer C laudin e-F lavie Jouvainroux comme
personne interposée pour faire passer la libéralité sur la tête de sa inere.
Eh ! pourquoi aurait-on conçu celte idée plulAt en faveur de la mère
qu ’en faveur du père ? et cependant l’on n’ allègue aucune iucopacitü
contre le père..
�( 3i )
Comment concevoir aussi qu ’un en fa n t, q u i, dans l ’ordre de la n a tu re,
¿Levait survivre à ses père et m è re , eût etc choisi pour leu r transmettre
une libéralité?
Q u ’ainsi, et quand on supposerait que le maître ne peut pas faire un
legs universel à son domestique , l ’état de domesticité de la mère n’ in
fluerait en rien sur les dispositions testamentaires faites en faveur de
Claudine-Flavic Jouvainroux ;
Q ue l ’article m ille vingt-trois du C ode permettant de disposer en
faveur d’un dom estique, et ne lim itant pas la disposition, elle peut
s’étendre pour l u i , comme en faveur de toute autre personne non
prohibée ;
Q u ’ainsi la raison, la m orale, l ’honnêteté p u b liq u e , la sainteté du
m ariage, l ’ordre s o c ia l, le repos et la tranquillité des familles sont ici
en harmonie avec la loi pour assurer à C laudin e-F lavie Jouvainroux son
état d’enfant légitim e et le legs qu’elle a reçu ;
A ttendu que les faits allégués par le dem andeur sont ou vagues ou
insignifians, et ne seraient pas suffisans pour fonder l ’ action en nullité
d u te s ta m e n t ;
Q u ’ainsi la preuve offerte est non recevable et inadmissible , d ’après
la maxime : Frustrà probatur quod probatum non relevât.
L e tr ib u n a l, sans s’arrêter
à
la preuve offerte par le dem andeur,
ni
avoir égard à la demande en nullité par lui fo rm ée, le déboule de
toutes
ses
demandes, et reçoit les parties de Bayle opposantes
à
l ’ordon
nance obtenue par le dem andeur, partie de Pages; fait m ain-levée de
la surseance, et ordonne qu’ elle demeurera sans effet; leur fait m ain
levée des saisies-arrêts faites à la requête du dem andeur ; met hors de
cause sur les autres demandes des parties de B ayle, et condamne celle
de Pagês aux dépens ; et attendu que la partie de Bayle est fondée en
titres, ordonne que le
présent
jugem ent sera exccule provisoirem ent,
nonobstant et sans préjudice de l ’ a p p el, et sans qu’ il soit besoin de
donner caution.
X
■ '
?
■
L ’appel interjeté par le chevalier Legroing a soumis
les questions que présente cette cause,.et le jugement
Je
Clerm ont, à l ’examen de la Cour.
�( 3= )
D ISC U SSIO N .
L ’exposition du fait a déjà donné tous les élémens
nécessaires pour apprécier les prétentions du sieur
chevalier Legroing.
Que demande-t-il ?
L a nullité de toutes les dispositions directes ou in
directes faites par le comte Legroing, son frère, en
faveur de Claudine-Flavie Jouvainroux. Le testament
du 24 décembre 1 81 6 , la vente du 17 mai 1 8 1 7 ,
et
les ordres passés en faveur de Flavie , des lettres de
change dues par le chevalier, sont à-la-fois et égale
ment attaqués par lui.
Il convient que le testament est régulier en sa forme;
que le comte pouvait disposer de l ’universalité de ses
biens.
Quels sont donc ses moyens ?
Il répond :
i ° Q u e Claudine-Flavie Jouvainroux était incapable
de recevoir une institution du comte Legroing, parce
q u ’elle est son enfant naturel non reconnu, et q u ’en
cette qualité elle n ’avait droit q u ’à des alimens ;
20 Que le comte Legroing lui-même était incapable
de donner, parce q u ’il était en état d ’imbécillité ;
3 ° Que le testament du comte a été fait ab irato,
et en haine do ses proches, notamment de lui chevalier,
et que cette haine a été inspirée au comte par les
manœuvres de Jouvainroux et de sa femme;
%
�( 33 )
4 ° E n fin , que ce testam ent, et les actes qui l ’ont
suivi, ont été arrachés à la faiblesse du comte, par
l ’obsession, la suggestion, la captation, et même la
violence, également pratiquées ou exercées^par les père
et mère de Claudine-Flavie Jouvainroux.
Les moyens employés par le sieur chevalier Legroing
tracent naturellement l ’ordre de la défense de l ’héiitière du comte; elle doit les examiner successivement,
mais elle ne fera q u ’indiquer sés m oyens, et tâchera
de les resserrer dans le cadre le plus étroit.
Claudine-Flavie Jouvainroux était-elle incapable
de recevoir ?
Pour faire admettre l ’affirmative, il faudrait que le
chevalier Legroing put prouver :
Q u ’il est reeevable à a t t a q u e r l ’état d ’enfant légi
time de Claudine-Flavie Jouvainroux, état cjui est
établi et lui est assuré, soit par son acte de naissance,
soit par sa possession ;
Il faudrait q u ’il eût la faculté de substituer un état
incertaiu à un état acquis;
Q u ’il pût faire descendre un enfant légitime dans
la classe des enfans naturels, et prouver même que
Claudine-Flavie est l’enfant naturel du comte ; car
sans cette condition elle aurait été également capable
de recevoir.
Il faudrait enfin que le chevalier put , pour servir
ses intérêts, faire tout ce que les lois défendent, tout
ce que la religion et les moeurs réprouvent; q u ’il pût
outrager la dignité du mariage, détruire les rapports
5
�( 34 )
qui existent entre les enfans et les pères, rompre enfin
les liens les plus sacrés de la société.
Il est inutile d’insister sur le premier m oyen; il ne
doit rester dans la cause que pour apprendre q u ’il n ’est
rien de respectable aux yeux de celui q u ’un vil intérêt
aveugle; que, quels que soient d’ailleurs son rang, ses
lumières et sa réputation, l ’ambition peut l ’égarer,
jusqu’au point de lui faire manquer aux devoirs les
plus saints, en l ’obligeant à soutenir un système scan
daleux , que tous les amis de l ’ordre doivent repousser,
et q u ’il rejetterait lui-même avec une noble indigna
tion , si les passions qui l ’égarent lui permettaient d ’en
calculer les conséquences.
L e C o m te e tcn t - i l i n c a p a b l e cle d o n n e r ?
L e chevalier déduit cette incapacité de l ’état d ’im
bécillité de son frère; il ne cote aucun fait propre à
prouver son assertion : il se contente d’alléguer que le
comte était tombé dans un état de faiblesse et d ’imbé
cillité, tel q u ’il ne lui restait ni volonté ni discernement.
Quels sont les principes?
L a première condition pour la validité d ’un testa
ment est que le testateur soit sain d ’esprit (Code c i v i l ,
art 901).
Ce principe général, commun à tons les actes, à
tous les contrats, e s t , pour les testamens et donations,
iine disposition spéciale qui les régit particulièrement,;
de manière que l’article 5o 4 du Code 11e leur est point
applicable;
q u ’ils sont spécialement régis par l ’ar
ticle 901; et q u ’en conséquence ceux qui veulent at-
«
�/ ô û / ï,
( 33 )
laquer
un testament peuvent articuler et être admis
à prouver tous les faits qui sont de nature à établir
que le testateur dont l ’interdiction n’avait pas été
prononcée de son vivant, n ’était pas sain d ’esprit à
l ’époque du testament. Cette preuve est même admise,
quoique les notaires aient inséré dans l ’acte la clause
inutile que le testateur était sain d ’esprit ( i).
Mais pour pouvoir user de cette faculté, il faut
alléguer et prouver des faits de démence positifs et
concluans, parce que la présomption est toujours en
fa'veur de l’acte, et que la démence ne se présume ja
mais. Ce principe est si certain, que la Cour de cas
sation, par arrêt du 18 octobre 1809,
a jugé que
l ’dge a va n cé d u d on a teu r, l ’o u b li de sa f a m ille ,
l ’im portance d u le g s , la q u a lité p e u élevée d u d o
nataire , ne suffisaient pas pour faire décider que le
donateur n’était pas sain d ’esprit. Il s’agissait du tes
tament du sieur Leguerney de Sourdeval, qui avait
été jugé valable par la Cour royale de C aen; le testa
teur était âgé de quatre-vingt-six ans : ses légataires
universels étaient ses dom estiques , et les biens légués
excédaient
i
, 5 o o , ooq francs ( a ) . U n arrêt de la Cour
royale de Paris, du 26 mai 1 8 1 5 , a consacré ces prin
cipes en termes même plus absolus, et a maintenu le
testament du sieur Debermont, quoique le testateur
\
(1) Arrêt de cassation, du 22 novembre 1 8 1 0 . — Conclusions de
M. Merlin.— S i r c y , 1 8 1 1 , pag. 7 3 .
(2) Sircy, 1810, page $7.— Denevers, 1809, page/J^-
�(36)
eut été pourvu d ’un conseil, et que l ’on alléguât des
faits qui tendaient à prouver qu e, depuis 1788 jus
q u ’au 21 février 1809, il était dans un état habituel
de démence, facile à reconnaître par l'affaiblissement
de ses organes, son défaut de mémoire, et la facilité
de lui suggérer des opinions qui auraient pu compro
mettre sa fortune et sa liberté (1).
Ces principes s’appliquent spécialement aux testamens rapportés par des notaires; mais si le testament
est olographe, la présomption de sagesse augmente;,
elle est toute entière en faveur du testateur*, qui prend
le soin d ’écrire ses dernières volontés : dans ce cas, il
faut que le testament fasse naître par lui-même des
soupçons de faiblesse et d ’égarement d ’esprit; autre
m ent, il doit être respecté.
Tels sont les principes : sont-ils favorables aux pré
tentions du chevalier...... ?
D ’abord , il n’allègue aucun fait dont la preuve puisse
être ordonnée. L ’état de faiblesse d ’esprit et d ’imbé
cillité de son frère, aurait du se manifester par des
signes propres à le caractériser et à le faire reconnaître;
le chevalier n’arlicule rien , et cependant ses recherches
oiit été faites avec trop de soin, trop d ’ardeur et de
passion peut-être, pour que l ’on puisse supposer que
tous les faits ne sont point parvenus à sa connaissance.
Mais que pourrait-il prouver? L a solidité d ’esprit
du testateur n ’est-elle pas connue?
( 1) S iro y, 1 8 1 G, 2 e p artie, page a 38.
'
�fO ù ï
( 37 )
Au retour de rém igration, il liquide les reprises
qu’il pouvait avoir sur les biens de la dame son
cpouse; il en conserve seul l ’administration, jusqu’à
l ’instant de son décès; surveille ses nombreux débiteurs,
et écrit lui-même aux gens d ’affaire chargés de ses in
térêts , pour stimuler leur zèle ou leur indiquer la
marche q u ’ils ont à tenir.
E n 1807, il veut disposer de ses biens : un testament
fait par acte public, les transmet à Françoise Boudon,
sa gouvernante; il persiste dans cette disposition jus
q u ’en 181 G; mais , à cette époque , ses affections
changent d ’objet; sa volonté se manifeste de nouveau;
un testament olographe indique Claudine-Flavie .Touvainroux pour l ’ héritière du comte : une vente vient
b i e n t ô t après a ppr end re q u ’il persiste d an s cette vo
lonté, et il donne une dernière preuve de sa p r é vo y an c e,
en passant , au profit de son héritière, l ’ordre d«
certains effets, dont il pouvait craindre le mauvais
emploi.
Ces faits rendent toute autre explication superflue;
le comte pouvait disposer; son testament émane d’une
volonté éclairée; ainsi, l’étrange allégation du chevalier
est dénuée de fondement, et les conséquences s’en
rétorquent contre lui.
L e testament d u co m te a - t - i l é t é f a i t a b i r a t o ,
et en haine de ses proches ^ notamment du chevalier
L eg ro in g ?— Cette haine a-t-elle é té inspirée au com te
^ b
”
par les manœuvres de Jouvainroux et “ e sa fem m e?
On sait que les coutumes reconnaissaient un moyen
�( 38 )
d ’attaquer les testamens lorsqu’ils étaient faits en Iiainc
des présomptifs héritiers; l ’aversion générale des cou
tumes pour
les donations, avait
fait imaginer
ce
m oye n , à l ’exemple de la querelle d ’inofficiosité inventée
par les préteurs ro m ains, en faveur des enfans oubliés
ou prétérits dans l e te sta m en t de
l e u r s ascendans,
ou même exhérédés injustement. On appelait disposi
tions ab ir a to , celles qui étaient faites entre-vifs ou
par te s t a m e n t , par une personne injustem ent irritée
contre u n ea u tre; et action ab ir a to , la demande formée
pour annuller cette disposition. Tous ceux q u i se livrent
à. l ’étude des lois savent aussi que cette action faisait
naître une foule de procès scandaleux, dont la décision,
par la nature même
de
la d e m a n d e , était presque
nécessairement arbitraire.
L e C o d e garde le silence sur cette ac tio n , et de ce
que l ’article du projet q ui portait que la loi n ’admet
point la p r e u v e , que la disposition n ’a été faite que
par haine, colère, suggestion et cap tatio n, a été omise,
en faudrait-il
conclure que l ’action ab ir a to , do'ive
continuer d ’être
admise ? Bien
évidemment non :
puisque d ’ un côté, le Code permet les testamens ,|sans
permettre aux juges de créer d ’autres nullités que
celles qui existent dans la l o i , et que de l ’a u t r e , la loi
du
3o
ventôse an 12 abroge les coutumes q ui a u t o
risaient l ’action ab irato.
Dirait-on que celui dont les dispositions sont déter
minées par la haine et la colère, n’est pas sain d*esprit^
et que l ’article 901 exige celle co n d iti o n , po u r que la
�/Û
( 39 )
donation ou le testament soit valable? Mais doit-on y
en jurisprudence, rechercher la moralité des actions?
Le testament du célèbre lieutenant civil le Cam us,
fut annullé en 1712 , comme dicté par la haine et la
colère; qui aurait osé dire que ce magistrat, qui fu t ,
ju s q u ’à sa m o rt, l ’oracle le plus sûr de la justice, dans
la capitale du royaum e, n’était pas néanmoins sain
d ’esprit? On doit dire, avec M. Toullier, q u ’annuller
un testament, sous un prétexte aussi visiblement faux,
ce serait imiter les préteurs romains, q u i, dans l'im
puissance de faire des lois nouvelles, imaginèrent la
querelle d’inofiiciosité, sur le prétexte reconnu faux
par les jurisconsultes, que le testateur 11’était pas sain
d ’esprit.
pourrait-elle être
intentée? Appartiendrait-elle aux collatéraux, en fa
D ' a i l l e u r s , par q u i
c et t e ac t io n
veur de qui la loi ne fait point de réserve...? Faudraitil que les motifs de haine fussent écrits dans l ’acte ?
Quels caractères devraient avoir les faits, pour servir
de base à l ’action? De quelle manière la haine devraitelle être prouvéee— ?
Plus on réfléchira, plus on louera la sagesse du lé
gislateur, qui a écarté cette action de notre jurispru
dence (1).
Les arrêts des Cours sont conformes à ces idées. Trois
arrêts, l ’un du 3 i août 1810, de la Cour royale de
Limoges, l’autre du 16 janvier 1808, de la Cour royale
(1) Toullier, tome 5 , pages 7 1 4 et suiv.
�( 4o )
d ’A ix , et le troisième, du 2 5 juillet 18 16 , de la Cour
royale de L y o n , jugent uniformément que l ’action ah
irato n’est pas formellement conservée par le C o d e ,
q u ’elle ne peut être exercée que comme suite du prin
cipe q u ’il faut être sain d ’esprit pour disposer ; que la
disposition est valable, quoique faite par une personne
en c o l è r e si cet état ne lui a pas ôté la liberté d ’esprit
et atténué sa raison ; q u ’enfin , il faudrait que la haine
et la colère eussent été assez fortes pour occasionner
l ’aliénation des facultés intellectuelles du testateur (1).
Ces principes pourraient rendre inutile l ’examen
des faits. L e chevalier n ’avait autun droit à la succes
sion de son frère; e t , dans l ’ancienne jurisprudence,
1 action ab irato n ’ ét ai t admise cjii’cn f av eur des descendans en ligne directe (1).
D ’un autre côté,
le
testament ne laisse apercevoir aucun m otif de haine;
il est écrit avec sagesse; le chevalier Legroing n’y est
pas même nommé : comment
donc pourrait-il se
plaindre d ’un acte où le testateur ne s’est pas occupé
de lui ?
Mais le système d ’attaque, adopté par le chevalier
Legroing, repousse l’action q u ’il a intentée. Il a soutenu
que le comte avait une vive affection pour ClaudineFlavie Jouvainroux; c’est cette affection qui lui a fait
dire que Claudine-Flavie était la fille naturelle du
(i)Sir<*y, tome 10,
partie,page 5 a i ;torné i l , a* partie, page f\Qi ;
tome 17, a* partie, page i 3 .j.
(a)
Ricard, partie i r% cliap.
3,
section i 4 *
�comte; ce sont les preuves de cette affection, que le
chevalier voulait employer pour ôter à Claudine-Flavie
son état d ’enfant légitime. Les tribunaux ne peuvent*
point admettre ce genre de preuve, que la loi repousse;
mais les assertions du chevalier demeurent, pour ap-,
prendre que le comte avait pour Claudine-Flavie Une
préférence si marquée, q u ’il ne peut être permis de
s’étonner q u ’il ait voulu être son bienfaiteur.
Pourquoi donc chercher de la haine, là où il est
prouvé que l ’affection a dicté le testament ? Quelle est
la loi qui oblige de disposer en faveur d ’un parent in
différent, au préjudice de l ’étranger que l ’on préfère?
Comment serait-il perm is, sur-tout à un collatéral,
d ’outrager la mémoire d’un parent décédé, pour spo
lier l ’ héritière de son c h o i x ?
Mais encore il serait peu important que le testament
du comte eut été dicté par la haine, si elle avait été
conçue par le disposant lu i- m ê m e ,, et si elle était
fondée sur ses idées personnelles. Ce sentiment aurait
pu diriger sa volonté , sans que pour cela le chevalier
eût une action, parce q u ’en matière de testament, la
volonté assurée du disposant fait loi.
Si l'on supposait cette haine, qui oserait décider
qu ’elle fût injuste? qui oserait indiquer le caractère
q u ’elle devrait avoir, pour servir de base à.une action?
qui oserait enfin imposer à un testateur l ’obligation
de choisir, pour son héritier, celui q u ’il aurait sujet
de haïr?
Les faits ont appris que le
6
com te
et le chevalier son
�( 4a )
Irène devaient vivre dans une espèce d’éloignem etit;Le
niémoirè du chevalier donne les raisons qui pouvaient
légitimer la froideur du comte envers lu i; la différence
de lèivr conduite dans des tems difficiles; l ’entremise
du chevalier dans les affaires de la fam ille, pour de
venir le propriétaire des débris d ’une fortune, auxquels
lé comte croyait avoir des droits; une foule de nuances
q u ’ il ne peut être permis d ’indiquer : tout devait
l'aire désirer au comte de vivre éloigné de son frère.
Lorsque sa mémoire lui rappelait certaines circons
tances, il pouvait même se livrer U quelques emportemens:
1
.
,
s
^ Mills q u ’a de co m mu n cette haine avec Cl au d in e-
Flavie Jouvainroux? Ce n ’est point elle qui l ’a excitée;
on ne peut pas plus justement prétendre q u ’elle serait
** -
\f
'
l ’ouvrage de ses père et m ère, puisque le testament
qui institue Claudine-Flavie héritière du com te, ré
voque l ’institution fa ite , en 1807, en faveur de la
dame
Jouyainroux.
On
pourrait
donc
croire que
ce dernier testament a été fait non point en haine du
sieur chevalier"LegrQing, qui n ’avait pas un seul ins
tant été appelé à la sucqession de son frère, mais bien
en haine de celle que le comte
a v a it
honorée d ’une
institution, q u ’ uu changement d ’affection lui a ensuite
fait anéantir.
Q u e penser d ’ailleurs d ’une action ah ir a lo , intentée
contre un testament fait en 1 8 1 6 , et dont les causes
remonteraient à une époque antérieure à 1 8 0 7 ? ....
�( 43 )
JJi5Si l ’on examine les faits cotés par le chevalier,
quel eifet peuvent-ils produire?
Peut-on supposer que Françoise Boudon ait eu assea
d ’influence sur le, comte pour l ’éloigner de toute sa
fam ille?f
' •'
^ ■
Mais le chevalier convient, dans son mémoire, que
son frère avait eu des relations avec tous ses parens; il
convient q u ’il est accouru pour rendre ses devoirs à sa "
respectable mère , lorsqu’elle devint sérieusement ma
lade; q u ’il se montra’ pénétré, et donna des marques
de sensibilité dans ces dernières et touchantes en
trevues.
n ’est donc-point" contre sa famille q u ’il avait de
la haine : aussi la dame chanoinesse Legroing iie'se
plaint pas d ’avoir inspiré cet odieux sentiment à sou
frère.
•
L e décès de la dame Legroing mère est du 12 juillet
1 8 1 6 ; le testament est du 24 décembre suivant : il n ’a
donc eu lieu q u ’après une entrevufc assez touchante,
pour changer les intentions du com te, si sa volonté
n’eut été aussi ferme q u ’irrévocable.
Sous un autre point de v u e , de quelle importance
peuvent être les faits qui ont eu lieu en 1817 ? N ’est-il
pas insignifiant que le comte ait refusé *dé recevoir une
somme plus ou moins considérable des main s de Chantelot? q u ’il ait montré plus ou moins d ’impatience au
jurisconsulte qui lui présentait une quittance à signer?
tous ces faits seraient au moins personnels au testateur.
11 pouvait arriver que cette circonstance lui rappelât
�( 44 )
certains souvenirs peu favorables au chevalier; mais au
moins cette colère ne lui était inspirée par personne :
c ’était la
présence des intermédiaires
du
chevalier
qui l’excitait , et elle ne peut être regardée comme
suggérée par Jouvainroux ou son épouse. D ’ailleurs ces
faits étant postérieurs au testament et aux autres dis
positions du comte,
ne pourraient influer sur sa
validité.
Mais le chevalier n ’avait pu être admis auprès de
son frère! Une lettre écrite par lui n ’a point été-lue ;
elle n’a même pas été remise! Q u ’importerait à la
cause? Le sieur Legroing serait-il en état de prouver
que son frère désirait de le vo i r ; que les domestiques
s’étaient opposés à leur entrevue ; q u ’ils avaient sous
trait les lettres du chevalier, pour lui créer des torts
auprès de son frèré?
L e chevalier ne peut répondre affirmativement à
aucune de ces questions : tous ceux qui connaissaient
les deux frères savaient q u ’ils vivaient dans un éloi
gnement absolu, que le comte ne craignait point de
manifester. Les explications q u ’il a eues avec Chantelot
et le jurisconsulte chargé de la confiance du chevalier,
prouvent invinciblement que la présence de ce dernier
ne pouvait lui être agréable. Pourquoi donc rejeter
sur le compte de Jouvainroux et de sa femme la haine
dont il s’est plaint? Ces derniers devaient-ils faire vio
lence à la volonté de leur m aître, et le contraindre h
recevoir le chevalier, ou à lire ses lettres?...... Non; le
chevalier est réduit à se demander compte à lui-même
�( 45 )
d ’un sentiment dont les motifs lui sont connus. Il a
dédaigné l ’indifférence de son frère , tout le tems
q u ’elle n ’a pu lui être désavantageuse. Comment oset-il aujourd’ hui en faire reproche à sa mémoire, et
s’en créer un moyen pour arracher un bienfait q u i,
dans tous les cas, ne lui aurait été refusé, que parce
que le disposant l ’en aurait jugé indigne?
E n f a it , le testament du comte est une preuve de
son affection pour Claudine-Flavie ; il
ne montre
aucune haine contre le chevalier : son indifférence pour
lui a toujours été la même. Si le testament de 1816
est fait ab irato contre quelqu’un , c’est contre la
dame Jouvainroux.
du chevalier? Ce sentiment
est né des idées personnelles que le comte p o u v a i t avoir
sur son frère. Les faits qui peuvent l ’indiquer seraient
S e r a i t - i l fait on haine
postérieurs au testament. Ils ne peuvent donc influer
sur sa validité, ni être imputés à Jouvainroux et h
son épouse.
�I ( A V'
( 46 )
; . .
•
‘
L e testament et les actes r/ui l ’ ont suivi ont-ils été
arrachés p ar suggestion et captation ?—^L e chevalier
est-il recevable à proposer ces m oyens? — E xam en
des faits.
!
à
L a captation est l ’action de celui qui parvient II
s’emparer de la volonté d ’ un autre, à s’en rendre
m a ître , à la captiver ; elle s’opère par des démonstra
tions d ’attachement et d ’am itié, par des soins assidus*^
par des complaisances et des prévenances affectueuses,
des services, en un mot par tous les moyens qui peuvent
nous rendre agréables aux autres. L a captation . est
donc lcmaljle en cllc-meme j clic entretient l !umon
dans les familles et dans la société; elle ne peut être
vicieuse que par l ’intention, que par le but q u ’on sé
propose, et par l ’abus q u ’on en fait.
Aussi Furgole a-t-il remarqué que le mot captare ,
d ’où nous vient celui de captation , n ’était pas
toujours pris en mauvaise part ( i) . Dans le droit
romain, les institutions capta toires y étaient défendues;
mais cette prohibition ne concernait que les disposi
tions conditionnelles qui tendaient à s’attirer à soimême, ou ;i une autre personne, des libéralités de même
nature que celles que faisait le testateur; au reste, les
lois romaines permettaient des’atlirer des libéralités par
des caresses, des services, même par des prières (2).
(1) Fu rg o le , des T cs la mc n s , clxap. 5 , scct. 3 , n° 9.
(2) F ur gole , n° 19.
%
�/ û / b J è-j
( 47 )
L a suggestion suit la captation-, elle consiste en ce
que celui qui est parvenu à captiver la volonté d ’un
autr e, use de l ’ascendant q u ’il a pris sur son esprit, pour
lu i faire faire des dispositions q u ’il n ’aurait pas fa ite s,
s’il avait été abandonné à lui-même.
L e mot suggestion 3 qui vient du latin suggestio 3
et qui dérive du verbe suggerere 3 signifie proprement
avertir, inspirer, faire ressouvenir. Ainsi suggérer un
testament, c’est donc avertir, conseiller, persuader de
le faire (i).
L a suggestion par elle-même n’a rien de vicieux. Les
jurisconsultes romains, qui suivaient les austères prin
cipes d uP o rtique, n ’en tenaient pas moins pour maxime
q u ’il n ’est pas d é f e n d u de se
par des soins, des caresses, des
des prières (2).
des libéralités
c o mpl ai sanc es, et même
procurer
Cependant l ’on sait q u ’à Rome, plus que chez aucun
autre peuple, on abusait de la captation et de la sug
gestion; q u ’on en avait fait une sorte d’a r t, que culti
vaient avec fruit une foule d’ hommes méprisables ,
flétris du nom d ’ hére'dipètcs.
Mais comme la jurisprudence ne s’occupe que des
actions extérieures, et q u ’elle 11e doit ni rechercher,
ni juger rin tem ion des hommes, les viles pratiques des
(1) L a b b c , sur B cr r y, titre 18 , part. 8 , dit : « Suggerere cnim
est
« indicate, monerc. »
(2) F ur g ol c, ubi suprà, et n°
— Domat, 2e partie, Iiy. 3 , tit. 1 " ,
sect. 5 , u° a 5 , à la note ; et n° ^7.
�10** : ' ô .
1
( 48 )
hérédipètes n'étaient réprimées par aucune l o i , lors
q u ’on n ’avait à leur reprocher ni violence, ni dol, ni
surprise. On trouve même des lois formelles qui con
firment les dispositions provoquées par des soins, des
complaisances, et même des prières (i).
L e principe consacré par les lois romaines n ’est donc
pas douteux ; la suggestion et la captation simples
n ’entrainent point la nullité des dispositions testamen
taires, parce q u ’elles ne détruisent point la volonté du
testateur, à moins q u ’elles n ’aient le dol pour fon
dement.
Plusieurs coutumes de France proscrivaient les testamens faits par suggestion ; mais ce mot y était pris
par opposition à. l ’ a ct ion de dict er Çu) , c o m m e si 7 a u
moment de l ’acte, il y avait eu auprès du testateur
une personne qui lui suggérât les dispositions q u ’il
devait dicter; car ces coutumes exigeaient, comme le
Code civ il, que le testateur dictât son testament.
Bientôt quelques auteurs allèrent
plus loin , et
soutinrent que la captation et la suggestion, dégagées
de violences, de dol et de surprises, suffisaient pour
faire annuller les donations entre-vifsou testamentaires.
On
peut même dire que l ’ordonnance de i y 35 parut
favoriser cette opinion, q u a n d , après avoir ordonné,
sous peine de n u llité , l’observation des formes q u ’elle
prescrit, elle ajouta (article l\7) : « Sans préjudice des
( 3) Fnrgolc, ubi suprà, n° a 5 .
(1) Voyez Furgole cl le Nouveau Deni sai t, au mot Captation,
�C 49 )
IÛ
« autres moyens tirés de la suggestion ou de la capta^
« tion desdits actes ». Dès-lors il n ’y eut plus de règle
certaine;, ce moyen vague devint un prétexte pour at
taquer ^les testamens auxquels on n’avait à opposer
aucun yice réel ; et bientôt naquirent rune foule de
procès, scandaleux, dans lesquels des héritiers peu dé
licats
cherchaient
parens
i
* à flétrir la mémoire
1
I*de
/ leurs A
descendus dans la ]tombe, pour disputpij les dons q u ’ils
avaient faits à des.^légataires dont on ne manquait
jamais-def noircir , plus ou moins. gri^yement la répu
tation.
•
...•• i l; 1, {r jxr
.. . \j *%j ^ .il.
,
....
»
. Les .rédacteurs du projet du C od e-cjvil voulaient
prévenir ces abusjj;^ et .i}nr,article portait : « L a loi
« n’admet point la pr^uve^que la disposition n V é t ç
« fuite :<jue par , haine , ¡suggestion.! OU. captation. » ...
L e conseil d!Etat fut arrêté par la crainte d ’e n c o u
rager la cupidité. L ’article fut supprim é, mais avec
regret. i:«iLa ’ loi V 1 dit’ Forateur du Gouvernement ,
«' garde le silen ce'su r'lè défaut de 'liberté qui peut
« résulter de la suggestion et de la captation, et sur
« le vice d ’une volonté déterminée par là colère ou
« par la h a in e............. Peut-être vaudrait-il mieux ,
« pour Y intérêt g é n é r a l,r que cette source de procès
« ru in eu x et sca n d a leu x f û t ta rie, en déclarant que,
u ces causes de n u llité ne seraient pci s qçlm isesj mais
« alors la fr a u d e et les passions auraient cru »avoir
'
' ' -r '
•
a dans la loi même un titre d ’impunité. Les circons« tances peuvent être telles, que la v o lo n té de celui
disposé n 'a it, p a s é té libre ,, ou q u ’il ait
« qui a
7
�"
C
50 )
« été clolîiiné éntièrcnient par une passion injuste. »
L e m otif du silence de la loi prouve q u ’elle n 'au
torise point l ’action en nullité d ’un testament pour
cause de captation et de suggestion. L e Code exige
que lie tëstateui^ ait Tesprit sain , que sa volonté soit
lib r e , q u ’il n’ait pas été surpris où induit en errëUr:
cés principes sont fondés sur la raison^ Mais comment
la suggestion , qui rie consiste que dans la simple per
suasion tîégagée1 de fraude et de dol, pourrait-elle être
. un moyen ‘d'attaquer un acte? Détruit^élle la liberté,
lors même que les caresses et les prières seraient vive^,
pressantes et réitérées, et même importunés? Il n ’y a
que les moyens frauduleux: qui soient réprouvés par
la justice et lu morale j dans tous les attires V:as ‘ tbut
se réduit au point clé savoir si le testateur ¡n’était point
inibécille, ou si sa volonté tétait libre (r).
A in si, la captation et la suggestion nre pont pas, dans
notre d r o it , des ¡moyens différons du d o l, de la fraude
et de l ’erreur. La preuve n ’en peut être admise,, que
lorsque les faits tendent à prouver le dol* Ces1maximes sont célleâ de notre jurisprudence. Ôn
peut consulter lès arrêts rendus sur celle matière* on
y ven'a (pie la captation n’est cause de nullité d ’un
testament, qu'autan i q u ’elle est empreinte de d o l et
de fr a u d e / qu autant q u ’elle a tendu à tromper le
(r) Furgolc,'t<&i suprà, n° i S . — Mallevillc, torao a , p^go
�7èstctïeûr', et à 'anéànlir sa v o lo n té'( i j . j E lî s^écartant
rfe’ ces''principes-, ori retomberait nécessairement-dans
-l’arbitraire.
!
| e L
uJiipoùi’ être admis ti la'preuve d ’une suggestiou artb■ficieùsb, il faut encore poser des' faits précis j ’des faits
qui caractérisent des machinations, des artifices^ des
fourberies*, en un m ot, le dol et la fraude.
~ De simples présomptions, telles que celles que définit
l ’art. i 353 du C o d e , ne suffisent pas. On a déjà v u ,
"dans un arrêt de la'C o ur de cassation, du 18 novembre
1809^(2) , que l ’importance du. legs, l ’oubli de sa
"fam ille, la qualité1des légataires , qui les tenait perpé
tuellement attachés ‘à la personne du testateur1, en
qualité de domestiques, ne pouvaient être^une preuve
<que-le testateur ¡fût en c lémence, et que le .testament
lui eut-été artificieusement suggéré.
; ■
Mais la difficulté augmente , si l ’on veut prouver
la suggestion et la captation contre un testament
olographe. Tous les auteurs conviennent q^u’il çst, plus
difficile d’attaquer un testament olographe , q u ’un
testament notarié^ Dans /celui-ci on ne trouve, que la
s i g n a t u r e du testateur : c’est la.seule part, qiie l ’acte
prouve q u ’il y ait eue; le reste est une pr^spnrçtjlon. iy.e
. testament olographe, au co n tra ire ,.\est parUçuÎièvèWtiHt
et tout entier l ’ouvrage du testateur; iL pst ontit^ement
(1) Bruxelles, 21 ’avril 1808.— Si re y, 2* partie, pag. »46 el suiv.— •
Poitiers, 27 mai 1809. ■
— Si rey, , 1 81 0, a ” partie, pag. 23 et suiv.—
Agen , 18 juin 1812.— Si rey, tome
i rc partie, pag. 219.
�écrit’, -daté et . signé de sa main : ce f acte est consé»
quemment moins exposé aux surprises; et il est difficile
de supposer dans un homme faible d ’esp rit, ou qui
agit contre sa volonté, assez de patience, de docilité
et' de Soumission , pour écrire de sa main son testa
ment (i).
Aussi la forme olographe d ’un testament forme-t-elle
une fin de non-recevoir contre le reproche de sugges
tion et de captation.
Les auteurs les plus recommandables nous appren
nent q u ’il a passé comme maxime au palais, que les
faits de suggestion et de captation ne sont pas recevables contre les testamens olographes.
O n p e u t c onsult er le J o u rn a l d u P a l a i s d e P a r i s ,
itom. i er, pag. 907. — Ricard, part. 3 e, chap. i«r,
n° 49 * — B a rd e t, tom. 1 " , liv. 2 , chap. 67. —
Basnage, art. 7 3 , sur la coutume de Normandie. —
Soëfve, tom. i er, centurie 4 ? chap. 8 4 La jurisprudence nouvelle est aussi conforme h ces
maximes. L ’arrêt de la C our d ’A g e n , du 18 juillet
1812 , confirmé par arrêt de la C ou r de cassation,
du 6 janvier 1814 > a consacré, en principe, que la
fo r m e olographe d u testam ent, la survie du testateur
p en dan t un tems m o r a l, son éloignem ent et son in
d ifféren ce envers ses su cccssib le s , étaient autant de
présomptions exclusives de suggestion et de captation,
contre lesquelles elles élevaient une fin de non-recevoir.
[ ( 1 ) Œ u v re s de d’Agucsscau, lome 3 , page 3 6 8 .
�(
«3 )
Ces principe^ établis, le chevalier Legroing est-il
recevable à opposer (les moyens de suggestion et de
captation contre le testament de son frère?
Ce testament est olographe ; non seulement
il
est écrit en entier, daté et signé par le testateur, mais
encore toutes les pages en sont signées et numérotées -,
il est sous enveloppe et cacheté au sceau de armes du
comte : la suscription est écrite et signée par lui -, le
dépôt est aussi de son fait : tous ces caractères ne
sont-ils point autant de preuves de la liberté et de la
volonté du testateur ? ne détruisent-ils point à l ’avance
toutes les allégations du chevalier?
L e testateur a survécu pendant huit mois à son tes
tament. Cette survie n ’est-elle point encore une nou
velle p r e u v e de sa v ol onl d ? C h a q u e jo u r, chaque
moment n ’en sont-ils point une ratification s o le n n e lle ?
L e comte avait mille moyens pour changer ou dé
truire ses dispositions; il n ’en a employé aucun; il est
entouré de trois médecins et d ’une garde-malade; il
reçoit les consolations de la religion; pas un seul mot
de regret dans ses derniers instans; il ne manifeste
q u ’ u n e seule volonté, celle de
maintenir l'institution
d ’héritière faite en faveur de Claudine-Flavie Jouvainroux; q u ’un seul regret, celui de ne pouvoir lui
une fortune plus considérable.
Les avocats généraux les. plus célèbres, les oracles
de la justice et les docteurs, consacrent la survie du
tra n sm ettre
testateur pendant un teins moral, comme une fin de
non-reccvoir insurmontable : nu arrêt a même décidé
�q u ’ un espace de trois semaines était une présomption
qui devait faire rejeter la preuve ( i). :‘f
A insi, le simple silence du testateur*serait suffisant
pour faire rejeter les moyens de suggestion et de cap
tation; mais Claudine-Flavie peut encore prouver que
son bienfaiteur a persisté dans ses volontés d ’une ma
nière très-expresse. E n effet, la vente du 17 mai 1817
et les ordres des lettres de change sont autant d ’ap
probations du testament de 1816 : ces actes démontrent
aussi que la volonté et l ’intention du comte d ’exercer
ses libéralités envers tout autre qtie le chevalier, ont
été immuables; et il est impossible, depuis 18 0 7, de
t ro uve r
aient
un seul instant où les dispositions du comte
p a r u f a vor ab le s à sou frère.
Il importe peu que le testament olographe ne reçoive
de date que par le décès du te stateur, et que rien ne
prouve que le testament soit antérieur à la vente et
aux ordres: d ’abord ce moyen ne serait pas exact ,
puisque l ’acte de dépôt fait preuve de la date du tes
tam en t; mais le fut-il? il serait insignifiant. De quelque
manière q u ’on place ces actes, les conséquences sont
les mêmes; en effet, si la vente et les ordres sont an
térieurs au testa m en t, ils prouveront
que
l ’intention
du comte a toujours été d ’être libéral envers Claudine(1) Arrêts du parlement de Paris, du iG janvier 16G4; a 3 avril 1709.
Journal des Audiences, tome
, livre 3 , chapitre t\ . — To me 5 ,
partie a ” , livre 9 , chapitre 19.— Soëfvu, tome a , centurie a , clinp. 19.
Arrêts du parlement de Toulouse , 3 o août 1735 ; 11 septembre 1722 ;
ao aoûl 1726 , etc.
�(55)
'
fldvie Jouvainroux, et que son testament* n’est que
l ’accomplissement de sa volonté déjà manifestée; si,
au' contraire, ces actes sont postérieurs au testament,
ils en seront la ratification et l ’approbation la plus
complette.
xi Que l ’on se fixe actuellement sur la suggestion et
captation reprochées à Jouvainroux et à son épouse :
la plus légère ¡attention convaincra de la faiblesse et
de la nullité de ce moyen.
h
D ’abord , il était contre l ’intérêt de la mère de
suggérer ,un testament olographe qui anéantissait son
institution d ’héritier; si elle avait eu quelque influence
sur l ’esprit du. com te, elle s’en serait servie pour fixer
ses dispositions en sa faveur; si elle avait dicté le tes
t a m e n t olographe de 18 16 , il ne serait autre, chose
que la confirmation de celui du 18 avril 1807.
Le chevalier répond par un moyen d ’incapacité.
Suivant l u i, la mère de Claudine-Flavie Jouvainroux
vivait en concubinage ayçc le comte; depuis,.,qu’julle
était entrée k son service, elle ne( pouvait recevoir, de
lui : Claudine-Flavie Jouvainroux est donc la personne
interposée de sa mère incapable. .
j
.
M ais, d’une part, si l ’ancienne législation rejetait
les dispositions faites entre personnes qui avaient vécu
dans un commerce illicite; si on y tenait pour maxime
que don de concubin à concubine ne v a u t , il est cer
tain aujourd’hui que cette prohibition n’existe plus;
qu e, suivant l ’article 902 du Code, toutes ¡personnes
peuvent disposer et recevoir, excepté celles que la loi
�( S6 )
en déclare incapables. Gom m ent, avec un texte aussi
formel, les juges pourraient-ils, sans excéder leurs
pouvoirs, faire revivre une incapacité prononcée par
l ’ancienne loi? Plusieurs arrêts ont fixé la jurisprudence
sur ce point (i).
D ’un autre côté, comment proposer un pareil moyen
contre une épouse et une mère! La preuve d ’un pareil
fait blesserait à-la-fois la morale publique et la dignité
du mariage ; il est évident q u ’elle serait plus scanda
leuse que le fait lui-même.
Il n ’y a donc point d ’incapacité, conséquemment
point d ’interposition de personne; et l ’idée de concubi
comme celle de l ’illégitimité de la naissance de
Claudine-Flavie Jouvaiuroux ne restent « q u e pour
nage
« apprendre q u ’il ne faut pas confondre la captation
« qui inspire, par ruse ou par fraude, une volonté dif« férentedecellequ’auraiteueledisposant,quisubstitue
« une volonté étrangère à la sienne, avec le motif qui
« dirige une volonté qui lui est propre. Dans le pre« mier cas, la volonté est dirigée par le fait d ’autrui ;
« dans le second, il ne peut y avoir du fait d’autrui :
« c’est la volonté du disposant qui agit » (M. Grenier,
« Traité des donations).
Ainsi les moyens les plus puissans du chevalier se
( i ) Arrôt de la Cour île Tïlincs , du 29 tlicrinidor an i a . — Jurispru
dence du Code c i v i l , loinc S , page 198.
Arr6t de la Cour de T u r i n , du 9 juin 1 8 0 9 . — Voyez M. Grenier,
des D onation s, tome i ,T, p»g(,s 3q3 cl suiv.
�rétorquent contre lu i, et viennent l ’accabler. La loi
repousse la preuve des faits q u ’il allègue ; s’ils conservent
quelque vraisemblance, c’est pour manifester la vo
lonté' du testateur; prouver q u ’il n’a point agi par
le fait d ’autrui, mais bien par une détermination qui
lui était propre, et par des motifs dont la loi ne de
mande aucun compte.
Que reste-t-il donc au chevalier? Dira-t-il encore
que la dame Jouvainroux était toujours auprès de son
maître? que celui-ci était dans sa dépendance? q u ’elle
s’était emparée de tous ses biens et facultés?
Mais que signifient de pareilles imputations? Quels
sont les faits précis? les faits propres à caractériser les
machinations, les artifices, les fourberies, en un mot,
le tlol et la f raude <jue la loi a v o u l u réprimer? L e
chevalier ne cote pas un seul fait dont la preuve puisse
être ordonnée.
Toutes ces allégations seraient même insignifiantes,
si elles étaient prouvées. E n effet, le comte Legroing
était malade et infirme : il était naturel q u ’il désirât
la présence de ceux qui devaient lui accorder des soins;
et si le besoin de son service obligeait ses domestiques
à le laisser momentanément livré à lui-m êm e, il était
aussi convenable de fermer son appartement, pendant
ces courts instans, pour le soustraire à des visites que
son état de souffrance pouvait lui rendre importunes,
et lui éviter le désagrément d ’aller ouvrir aux étran
gers , ce que d ’ailleurs il était hors d’état de faire dans
J.a dernière année de sa vie.
�( 58 )
E n fin , la suggestion et la captation ne peuvent être
produites que par les prévenances et les conseils de la
personne que l ’on aime : elles ne sauraient être imputées
à celui qui n ’aurait ni la confiance, ni l ’amitié du
testateur au moment où il écrit ses dernières volontés.
O r , que l'on suive, dans le mémoire et les conclu
sions signifiées du chevalier, l ’état de l ’in térieu r; du
comte.
Jouvainroux nravait aucune influence sur l ’esprit de
son maître; le comte le tenait éloigné de lui : il man
geait à la cuisine.
L a femme, depuis son mariage, méconnaissait son
état; elle s’était fait des sociétés nouvelles; elle négli
geait son maî t re , le laissait dans u n é t a t d ’a b a n d o n ,
faisait des dettes, excitait enfin sa mauvaise h u m eu r,
qui se manifestaiti fréquemment par des imprécations
énergiques et souvent répétées.
Claudine-Flavie Jouvainroux, au contraire , était
l robjet de toutes les caresses du comte. Sa tendresse
pour cette enfant était si grande, q u ’une prière, une
prévenance de Flavie pouvaient appaiser sa colère, et
que le chevalier n’a pu la dépeindre, q u ’en la compa
rant aux effets de la tendresse paternelle.
Si la captation e f l a suggestion ont été pratiquées, il
serait dès-lors évident q u ’elles ne peuvent être imputées
à Jouvainroux et à son épouse. L 'u n avait toujours été
indifférent au comte; rautre s’était attiré sa haine. L e
comte lui donnait même des preuves de son ressenti
m e n t, en anéantissant le testament q u ’il avait fait en
�¡ ( ù 'k ?
(i 59 )'
¡¿a laveur.
L ’auteur dé ces manœuvres serait donc
Claudine-Flavie Jouvainroux!...... Son jeune âge inté
ressait le comte : les caresses, les tendres soins del ’enfant soulageaient les douleurs du vieillard. Les empressemens de Claudine-Flavie ne pouvaient ressembler
aux démonstrations d ’ une amitié feinte; ses complai
sances n’avaient point un sordide intérêt pour mobile
la récompense q u ’elle en a reçue doit donc être sacrée
pour les tribunaux. La religion, la morale et la loi se
réunissent pour approuver et faire respecter le testa
ment du comte Legroing.
* Il faut dire un mot de la violence prétendue exercée'
sur la personne du testateur.
Les principes sont simples. Des excès réels , de
mauvais traitemens , la soustraction des a l imens ou
*
des services au testateur malade, la menace même de
le laisser sans alimens ou sans service , ou d ’user
d ’excès réels sur sa personne , pourraient être des
raisons suffisantes pour annuller un testament.
Mais il faudrait que la violence fût intervenue
et que les faits propres
& la prouver fussent articulés; car elle ne doit pas être
avan t
la
faction
du t e st a m e n t
,
présumée (i).
E n fait : les reproches du chevalier sont dénués de
vraisemblance. On supposera difficilement que la fierte
de caractère du comte se fût abaissée jusqu’au point
de souffrir de mauvais traitemens de la part de ses
I
(1) F u rg o lc , l'e s t. , cliap. 6 , scct. i ” , n°* 4 > 5 , 6 , 8 çt io.
í-l¿}
�11^
1
( 6o
gens. Il n ’est pas plus possible de croire que Jouvainr o u x , que l ’on se plaît à peindre comme un homme
a d ro it, ru sé, dissim ulé, ne perdant ja m a is de vu e
son o b jet, ait essayé de l ’atteindre en employant la
violence.
E t où aurait-elle été pratiquée? A Clerm ont! dans
une ville populeuse, dans une maison où habitaient
d ’autres locataires!
Dans quel t e m s P A p R È s
du
te sta te u r
!
le
testam en t
, ju sq u ’a u décès
Ainsi Jouvainroux et sa femme auraient
cherché à anéantir, par la violence, une disposition
q u ’ils s’étaient attirée par la suggestion et la cap
tation !
T out ce système est inconcevable; il n ’y a point
eu de violence, puisque , d ’après le chevalier luiméme, loin d ’être une cause impulsive du testament,
elle aurait été exercée dans un tems où elle ne pou
vait avoir d ’autre objet que d ’en provoquer la révo
cation ; et si elle eût existé, elle prouverait plus
fortement
encore l ’attachement que le comte avait
pour Claudine-Flavie Jouvainroux, puisqu’il aurait
persisté dans ses dispositions bienfaisantes, malgré les
justes motifs de plainte q u ’il pouvait avoir contre les
père et mère de sa légataire.
Mais toutes ces imputations ne sont qu'un roman
monstrueux, odieux, enfant de l ’imagination du che
valier. Le comte a reçu, tous les secours et toutes les
consolations que son état pouvait exiger : les souilrànces
ont pu lui arracher quelques cris de douleur; des voi-
�( 61 )'
éîns, la police même ont bien pu s’introduire dans son
domicile : q u ’y a-t-on vu ? le m alade dans les bras
de ses dom estiques, q u i le caressent, le d ésh a b illen t,
et prennent les p lu s grandes précautions p o u r soulager
ses m a u x ........ I ( i )
Il faut terminer :
i
• i
Claudine-FlavieJouvainrouxaremplila tâche q u ’elle
s’était imposée.
■
>
Elle était capable de recevoir, et ne doit point être
regardée comme la personne interposée de ses père et
m ère, puisqu’on ne peut leur reprocher à eux-mêmes
aucune espèce d ’incapacité.
Le comte, de son côté, était capable de disposer;
s o n t e s t a m e n t a é t é d i c t é par 1’afïection ; aucune trace
de haine ne s’y fait remarquer ; lors même q ù ’il au
rait eu de l ’éloignement pour son frère, ce ne pourrait
être un m otif pour annuller ses dispositions.
Les faits de suggestion, de captation et de violence
sont dénués de vraisemblance; ils sont vagues et insignifians; ils sont même détruits par les aveux du che
valier : en point de d ro it, la preuve en est inadmis
sible.
Que peut donc espérer le chevalier Legroing?.........
Fallait-il outrager la mémoire de son
frère
? Essayer
d anéantir 1 état d u n j eu ne enfant? Se montrer si peu
difficile dans le choix de ses moyens, pour n’en obtenir
aucun résultat ? Convenait-il sur-tout de descendre
( i) Mémoire du chevalier, page 1 5 .
' v
1,1
�(6 2 )
jusqu’à la calomnie pour capter la fa v e u r ,e t inspirer
un intérêt qui devait si .promptement être remplacé
par la plus juste indignation:
...
L e chevalier s’est abusé; il s’est même exposé à de
justes représailles; mais la légataire d u co m te . doit.
oublier que le chevalier n’a respecté n i son âge, ni sa
faiblesse. Son devoir est. de consoler ses parens des
chagrins q u ’ils ont éprouvés, et dont elle est la cause
innocente.
E lle attendra d o n c , avec confiance et respect,
l ’arrêt qui doit statuer sur ses plus chers intérêts;
mais il peut lui être permis de désirer que le chevalier
n e sente jamais que les faiblesses, produites par l’ambi
tion et l ’avidité des richesses , peuvent quelquefois
avilir et dégrader un homme d ’honneur; et que les
excès auxquels peuvent entraîner c e s p assions ne
sauraient, en aucun tems, trouver d ’excuse auprès des
hommes qui ont quelques vertus ou quelque générosité
dans le caractère.
'
‘
J u lie n
J O U V A IN R O U X .
Jn - C h . B A Y L E ain é, ancien A vocat.
B R E S C H A R D , A vo u é.
RIOM, IMPRIMERIE DE SALLES, PRÈS LE PALAIS DE JUSTICE.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Jouvainroux, Julien. 1819?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayle
Breschard
Subject
The topic of the resource
testaments
abus de faiblesse
domestiques
servante-maîtresse
enfants naturels
créances
séquestration
mobilier
maltraitance
émigrés
ordre Saint-Jean de Jérusalem
fraudes
fisc
inventaires
lettres de change
doctrine
nullité du testament
captation d'héritage
testament olographe
jurisprudence
concubinage
legs universels
egyptologie
code civil
bedeau
vie intellectuelle
garde-malade
atteintes aux bonnes mœurs
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour le sieur Julien Jouvainroux, propriétaire, en qualité de père et légitime administrateur de Claudine Favie Jouvainroux, sa fille, intimé ; contre le sieur Louis Legroing, chevalier de justice de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis, appelant.
Table Godemel : ab irato : 2. l’action ab irato contre les testaments est-elle admise par le code civil ? peut-elle appartenir à l’héritier collatéral ? Etat (question d') : 3. l’héritier du sang a-t-il le droit, pour prouver l’interposition de personne, de rechercher si le légataire, qui a dans une famille le titre et possession d’état d’enfant légitime, est, ou non, l’enfant naturel du disposant, surtout, lorsque cette recherche conduirait à la preuve d’un commerce adultère ? Sanité d'esprit : d’après quels principes se résout la question de savoir si le testateur était sain d’esprit ? Suggestion : La suggestion et captation sont-elles moyens de nullité pour la législation actuelle ? peuvent-elles être opposées contre un testament olographe ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1819
1807-1819
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2431
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2429
BCU_Factums_G2430
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53485/BCU_Factums_G2431.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Biozat (03030)
Fontnoble (terre de)
La Roche-Blanche (63302)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
atteintes aux bonnes mœurs
bedeau
captation d'héritage
Code civil
concubinage
Créances
doctrine
domestiques
egyptologie
émigrés
enfants naturels
fisc
fraudes
garde-malade
inventaires
jurisprudence
legs universels
lettres de change
maltraitance
mobilier
nullité du testament
ordre Saint-jean de Jérusalem
séquestration
servante-maîtresse
Testament olographe
testaments
vie intellectuelle
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53409/BCU_Factums_G2113.pdf
dc9aa301f648293b61f9bfc2b57b631b
PDF Text
Text
W
PRÉCIS
POUR
S rs A n t o i n e - A n g e C H A S S A I G N E - D U B O S T ,
officier de cavalerie; Joseph C H A S S A I G N E ,
docteur en médecine; C l a u d e - J e a n - M a r i e
C H A S S A IG N E , propriétaire; M e. G i l b e r t A n t o i n e - G a b r i e l C H A S S A IG N E , avocat ;
D les C a t h e r i n e et A n n e C H A S S A I G N E , ma
jeures; dame B é n i g n e - A n t o i n e t t e - A u g u s t i n e C H A S S A I G N E , épouse de Sr François
G r i m a r d i a s , de lui autorisée, appelans d’un
jugement rendu au tribunal civil de Thiers,
le 27 août 18 13;
c o n t r e
Sieur G i l b e r t V I D A L D E R O N A T subs
titut du procureur du Roi au tribunal de
1
m
�C 2 )
Tkiersj S'A
n t o in e
dame B é n i g n e
V ID A L D E R O N A T ;
V ID A L
épouse du S r Barthélémy D
DE R O N A T ,
a r r o t - D ulac y
dame Ca t h e r i n e V I D A L D E R O N A T ,
épouse du sieur Joseph-Gilbert D
arrot;
dame M a r i e - A n n e V I D A L D E R O N A T ,
épouse du S rA
rnaud y
dame A
nne
V ID A L
D E R O N A T y épouse du sieur D am ien
M a l m e n a id e
j
intimés .
X-JES enfans Chassaigne, par représentation de feue
M arie-A n toin ette Vidal de Ronat, leur m ère, sont
héritiers de défunt Claude Vidal de R onat, leur aïeul
maternel, décédé en 1811.
L a dame de Ronat, leur m ère, avoit été mariée sous
l’empire de la coutume, père et mère vivans; elle devoit
être forclose; elle n’a point été dotée par ses père et
mère, mais elle a été instituée en certains biens par un
sieur Cottier, son grand-oncle; et cette institution devoit
lui tenir lieu de sa légitime de droit dans les successions
de ses père et m ère, auxquelles elle renonçoit.
L a succession du sieur Cottier étoit étrangère au sieur
V idal de Ronat père; le sieur Cottier étoit un grandoncle maternel de la dame Chassaigne.
L e sieur Vidal de Ronat est mort en 1811 : les enfans
Chassaigne ont incontestablement le droit de venir à la
�(
3)
Z(C4
succession de leur aïeul, dès que toute forclusion est
abolie.
L e sieur Vidal père a légué en préciput à ses deux
enfans mâles le quart de ses biens. Les enfans sont au
nombre de sept ; ils amendent un septième des trois
quarts.
Pour recueillir cette portion, les enfans Cliassaigne
seront-ils tenus de rapporter à la succession de leur aïeul
la portion que leur mère a reçue de son grand-oncle
maternel ?
Dans le cas où la Cour penseroit que cette dot aventive ( dos adventitia quœ à quovis aîio data f u i t ) fût
sujette à rapport, ne devroit-on pas établir une diffé
rence entre la légitime de droit à laquelle elle a renoncé,
q u i n’étoit alors que d’un quatorzième, et la légitime
d ’aujourd’h u i , qui est plus c o n si d é r a b l e ?
Telles sont les deux questions que la Cour aura à exa
miner. La seconde n’est que subsidiaire; la première est
fort importante, et demande une discussion approfondie.
Mais avant tout, il est nécessaire de rendre'compte des
faits de la cause, et d’analiser les règlemens de famille.
F A I T S .
L e sieur Cottier-Dubost, célibataire, avoit deux nièces;
l’ une avoit épousé le sieur Guillem ot, l’autre le sieur
Vidal de Ronat.
Par le contrat de cette dernière, qui est du 8 février
*7^7, le sieur Cottier lit donation à sa nièce de tous ses
biens de coutum e, sous la réserve du quart.
1 *
^
4 jfA
�C4 )
Sept enfans sont provenus du mariage de la dame de
Lots avec le sieur Vidal de Ronat.
Marie-Antoinette V id al, l’aînée de ces enfans, réunit
toutes les affections de son grand-oncle; il la maria dans
sa maison, avec le sieur Chassaigne, le 17 octobre 1776.
Ses père et mère ne comparoissent au contrat que pour
l ’autoriser, et lui constituer un trousseau consistant aux
habits, linge et dorures à l’usage de leur fille.
« Et en dot, il est dit, est intervenu aux présentes
« messire Antoine Cottier, écuyer, seigneur du Bost,
« chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis,
« mestre de camp de cavalerie, grand-oncle de la demoi« selle future épouse, lequel, de son g r é , a fait, créé,
« nommé et institué la demoiselle M arie-Antoinette
« Vidal de Ronat, pour son héritière universelle de tous
« et un chacun ses biens situés en droit écrit, consistant
« actuellement au fief et seigneurie du Bost, domaine en
« dépendant, directe, rentes et dîmes aussi en dépen« dant, situés en la paroisse de M ontvianeix, et domaine
« de la Boutière, situé en la paroisse de Saint-Victor,
« province du Forez ; de la comprise de laquelle ins« titution d’héritier seront tous les meubles meublans,
« ustensiles de maison, bestiaux et autres effets mobiliers
« qui sont et se trouveront au décès de l’instituant, dans
« lesdits lieux et domaines du Bost, de la Boutière, et
« le cliateau dudit lieu; sous la réserve que fait le sieur
« instituant d’une somme de 20,000 francs à prendre sur
« le domaine de lu Boutière, pour en disposer en faveur
« que bon lui semblera, et par tel acte qu’il jugera à
« propos et dans le cas où il n’eu auroit disposé à. son
’3
�X t\
(5)
«
«
«
«
’«
«
«
«
«
«
«
«
décès, la somme réservée sei’a et demeurera comprise
dans l’institution d’héritier ci-dessus, et fera partie
d’icelle ; et encore à.la charge que la 'présente institution d'héritier tiendra lieu de légitime de d ro it,
tant paternelle que m aternelle, à ladite demoiselle
future épouse, laquelle, en conséquence, renonce à.
tout ce qu’elle pourroit espérer et prétendre dans les
successions de ses dits père et m è re, tout ainsi et de
môme que si la donation eût été faite par ses père et
mère; à l’exception toutefois des successiojis collatéraies desdits estoc et ligne, que les père et mère de
la future lu i réservent expressément.
« Veut et entend que la demoiselle future épouse ne
« puisse disposer du bénéfice de l’institution d’héritier
« ci-dessus, et des biens qui en feront partie, qu’en
« faveur de ses enfans ; et que dans le cas où la demoi- te selle future épouse v iendroit à dé céde r sans enfans,
« ou iceux sans descendans, les biens compris dans la
« présente institution retournent à l ’estoc et ligne du
« sieur Cottier, et pour raison de ce , à la dame mère
« de la future, ou après elle à ses descendans et à ceux
«
«
«
«
«
«
«
de défunte dame Guillemot, et ce par égale portion
à chacune des deux branches, nonobstant la proximité
de degré plus ou moins éloigné ; à l’exception néanmoins d’une somme de 10,000 francs à prendre sur
les biens de l’institution , dont la demoiselle future
aura la pleine et entière disposition en faveur de qui
bon lui semblera, et par tel acte qu’elle avisera. »
Il n ’est peut-être pas inutile d’observer que deux ans
après, et par acte authentique du 10 janvier i77^> siciu^
�( 6 ) ,
Coitier fit donation dntre-vifs, à sa petite-nièce, et sans
aucune condition, du quart des biens de coutume qu’il
s’étoit réservé par le contrat de la dame de llonat mère,
du 8 février 1757.
L e sieur Cotlier-Dubost n’a survécu qu’un an à cette
dernière donation ; il est mort en 1779. La dame Chassaigne, sa petite-nièce, a elle-même prédécédé son père,
qui a vécu jusqu’en 18 11; il a laissé un testament olo
graphe, sous la date du 7 janvier 1806, par lequel il
lègue à Gilbert et à Antoine Vidal de llo n at, ses deux
fils, par préciput et avantage, le quart de ses biens, qui
est la quotité disponible, d’après l’article 913 du Gode
civil.
L e 14 février 18 12, les enfans Chassaigne ont formé
contre les héritiers de Rouât la demande en partage de
la succession de leur aïeul maternel, pour leur en être
attribuée leur portion afférente, avec restitution de jouis
sances ainsi que de droit.
Les héritiers de Rouât ont soutenu qu’au moyen de la
clause stipulée au contrat de mariage de la dame Chas
saigne, ses enfans étoient non recevables dans leur de
m a n de en partage ; qu’ils revenoient contre un pacte de
famille qui n’avoit rien d’illicite, et devoit être exécuté,
à moins que les enfans Chassaigne ne voulussent rapporter
à la succession de leur aïeul ce que leur mère avoit reçu
de son grand-oncle maternel.
La cause portée au tribunal de Thiers, le 27 août 1813,
les héritiers Chassaigne ont été déclarés purement et sim
plement non recevables dans leur demande, et condamnés
aux dépens.
�( 7 )
.. Les premiers juges ont exposé dans leurs motifs,
« I o. Que les contrats de mariage sont susceptibles
« de toute sorte de conventions, et que tout donateur
« peut rendre son bienfait conditionnel, ou le limiter
« à son gré.
« 2°. Pour juger de l’effet d’un engagement, on doit
« consulter la loi qui régissoit au moment où il fut cou-r
« senti : la condition de renoncer à une succession à
« échoir ne présente rien de contraire aux lois et aux
« mœurs, lorsque la renonciation est faite en présence
« de celui de la succession duquel il s’agit.
« 3°. Par le contrat du 17 octobre 1 7 7 6 , le sieur
« Cottier Dubost a institué sa petite-nièce son héritière,
« à la charge que l’institution lui tiendroit lieu de légi« time de d roit, tant paternelle que maternelle; et elle
« renonce en conséquence a tout ce q u ’elle p o ur r o i t
« espérer et prétendre dans la succession de ses père
« et m ère, tout ainsi et de même que si la donation
« eût été faite par les père et mère présens.
« 4°. La stipulation à la charge expresse de cette re
te nonciation étoit inséparable de l’institution ; le pacte
« étoit indivisible, et l’institué ne peut profiter du don
« irrévocable qui lui est acquis, et se dégager par sou
« fait personnel de l’accomplissement de la condition.
« °. Ce qui est donné par donation, contemplatione
« p a tris, est une dot profectice , et regardée comme
« provenue des père et mère, au nom de qui elle a été
« constituée ; et les héritiers Chassaigne se refusent à
« tout rapport de cette donation. »
Les héritiers Chassaigne ont interjeté appel de ce juge-
5
�h V.
( 8 \
ment, dont les motifs, loin d’être convaincans, ne ren
ferment que des erreurs, et prouvent que la question
n’a pas été approfondie.
Elle est cependant fort importante. L e contrat de ma
riage de la dame Chassaigne, passé dans une coutume
d’exclu sion , ne présente qu’ une forclusion ordinaire,
telle qu’elle étoit prononcée par l’article 2 du titre 12
de la coutume. La dame Chassaigne étoit mariée père
et -mère vivans, par conséquent forclose. L ’institution
que son grand-oncle faisoit en sa faveur ne la retenoit
pas dans la maison paternelle. L ’instituant ne pouvoit
que lui réserver sa propre succession, ainsi qu’il résulte
de l’article 28 du même titre; mais il n’avoit ni le droit
ni le pouvoir de lui réserver, une part dans les succes
sions directes ; elle en étoit exclue malgré lui par la
5
force de la loi.
Sa renonciation conventionnelle exprimée au contrat
n’étoit que surérogatoire, pour se servir des termes de
l ’article 9 de la loi du 18 pluviôse an , dès qu’il y
avoit exclusion coutum ière, et n’ajoutoit rien à la for
clusion. La renonciation, comme la forclusion, ne pou
voit profiter qu'aux m âles, conformément à l’article 29
du titre 12 de la coutume, pour la forclusion, et d’après
la doctrine des auteurs et la jurisprudence des arrêts,
pour la renonciation en pays de droit écrit.
Il est impossible de contester ce principe. C’étoit une
exception à la règle qui veut que toutes renonciations
à succession future soient prohibées, comme immorales
et illicites, votum exspectandcu rnortis • et cette excep
tion ne fut admise pour les filles en faveur des m aies,
que
5
�( 9 ) ..
que par des considérations politiques, pour conserver
le lustre et la fortune des familles, ainsi que l’honneur
du nom.
Ce n’est pas sans étonnement que l’on voit dans les
motifs du jugement, que ces renonciations aux succes
sions à échoir étoient permises dans tous les cas, lors
qu’elles étoient faites en présence et du consentement des
personnes de la succession desquelles il s’agissoit, d’après
la loi Quam çis , cod. 30 , D e pactis. O11 sait que la
modification de la loi n’avoit pas été adoptée en France,
comme on l’établira dans la suite, et que les pactes de
cette nature étoient toujours considérés comme illicites.
Mais si elles étoient autorisées pour les filles, les mâles
en proiitoient exclusivement : voilà un point incontes
table.
Lors du contrat de mariage de la dame Chassaigne,
ses père et mère, c o m m e l’instituant, ne p o u v a n t ignorer
la loi, n’avoient donc en v u e que l ’intérêt et la faveur
des mâles; tout annonce que l’intention des père et mère
étoit de doter leurs filles : tel étoit l’empire de l’usage,
la force de la lo i, qu’elle faisoit souvent taire les affec
tions de la nature.
La révolution a fait naître d’autres idées, et a failli
bouleverser l’ordre social par des innovations dange
reuses, et des opinions d’égalité également chimériques.
Mais ces te m p s intermédiaires, qui fuient loin de nous,
ne peuvent rien changer aux anciens principes; et en
se reportant à l’époque du contrat, la forclusion ou la
renonciation de la dame Chassaigne étoit tout en faveur
de ses frères, et De cliangeoit rien au sort de ses sœurs.
�0 10 )
O r , on supposera que la succession du père se fût
ouverte lorsque la forclusion étoit encore en vigueur,
il n’est pas douteux que les frères auroient pris exclu
sivement toute la portion qui seroit avenue à leur sœur,
et qu’il falloit compter, quoique forclose, pour former
la légitime.
La loi n’attribue exclusivement aux mâles la portion
des filles forcloses, qu’en conférant leurs dots; mais cette
collation ou ce rapport ne s’entend que de la dot cons
tituée par le père, et non de celle qui a été constituée
par un tiers. Les frères auroient été dispensés de tout
rapport, dans l’espèce, dès que le père n’avoit rien donné»
Cependant les frères n’auroient pris la portion héré
ditaire de leur sœur que comme la représentant et exer
çant ses droits ; et s’ils eussent été dispensés de conférer
la dot que le sieur Cottier avoit donnée h sa nièce, quelle
seroit donc la raison ou le motif de faire rapporter par
la sœur tout ce qu’elle a reçu de son oncle, aujourd’hui
qu’elle Tentre dans tous ses di*oits, qu’elle est rappelée
dans la maison paternelle par le bénéfice de la loi ?
D e quel droit ses autres sœurs viendroient- elles aussi
profiter de son exhérédation, ou la contraindre au rapport
de ce qu’elle a reçu d’un parent maternel, absolument
étranger au père commun?
Les objections qu’on propose n’ont pas même le mérite
d’être spécieuses. O n dit, en premier lieu, que la dame
Chassaigne n’a été instituée que sous la condition qu’elle
r e n o n c e r o it aux successions de ses père et mère ; et ou
ajoute qu’il dépend de celui qui donne d’imposer à ses
libéralités les conditions qu’il lui plaît.
�Mais d’abord il faudrait, avant tout, que ces condi
tions fussent licites ; et jamais une transaction sur une
succession future n’a été permise. La disposition de la loi
dernière, au code D e p a c tis , n’étoit pas suivie en vente
d’hérédité, o u , ce qui est la même chose, pour une re
nonciation aliquo dato. Prœm atura est hœc species colïationis cum adhuc viçatis de eu ju s bonis quarta de~
ie tu r : irnprobum esse Julianus existim at eum qu i
solîicitus est de vivi Jiœreditate. I/. 3 , §. Interdum de
vulg. et pupill. substit.; L . i re. , D e hœred. vel act. vend,
Louet, lettre H , somm. , rapporte un arrêt du mois
de janvier 1530, rendu dans la cause d’entre Antoine
Lacouture et Louis Blanchefort, qui a jugé que la vente
d’une hérédité, bien qu’elle fût faite du consentement de
celui de euju s Jiœreditate agebatur, étoit nulle, et les
letti’es de rescision furent entérinées. Louet cite tous les
textes de droit sur lesquels on s’étoit fondé ; il rappelle
l’autorité de Cujas, sur la loi 26, in fin e , D e verb. obi.,
qui appelle un marché de ce genre corvinam convenu
tionem , et en prononce la nullité, même avec le con
sentement de la personne. La modification de la loi 30
6
n’étoit adoptée que lorsqu’il s’agissoit d’une convention
qui n’annonçoit pas le désir de succéder; et, par exemple,
lorsque le fils de famille s’obligeoit de payer une dette
quand la succession de ses père et mère lui seroit échue,
si les père et mère n’étoient pas présens à la convention,
elle étoit nulle; mais s’ils y donnoient leur consentement,
elle étoit valable. C’est encore ce que nous dit Louet à
l’endroit cité. Et il est aisé de concevoir cette différence,
parce que toutes les fois qu’on s’oblige de payer, on ne
�désire pas de voir arriver le terme du payement, et
qu’alors il n’y a pas le votum exspectandœ morlis.
Ainsi , point de doute que les transactions sur les
successions futures étoient réprouvées par l’ancien droit
comme dans le nouveau , même avec le consentement
de celui de la succession duquel il s’agissoit, et qu’il
n ’y a voit d’exception que pour la renonciation des filles
en faveur des mâles.
Cela est si v r a i, qu’on n’a jamais mis en question la
nullité d’une renonciation faite par un mâle, même en
présence du père. L e second motif du jugement dont
est appel n’est donc qu’une erreur en point de droit.
En point de fa it, que voit-on dans le contrat de
mariage de la dame Chassaigne ? Il y est dit que la
présente institution d’héritier tiendra lieu de légitime
de d ro it, tant paternelle que maternelle; c’est ensuite
la dame Chassaigne q u i , de son propre mouvement,
renonce à tout ce qu’elle pourroit prétendre dans les
successions paternelle et maternelle , tout ainsi et de
même que si la donation eût été faite par les père et
m ère, qui lui réservent expressément les successions
collatérales.
Cette renonciation est évidemment surérogatoirc, et
il n’y a ici qu’une forclusion coutumière \ la réserve
des successions collatérales en est la preuve , parce qu’en
effet, aux termes de la coutume, elle étoit même exclue
de ces successions, sans une réserve expresse.
Tout est en faveur des mâles, qui seuls pou voient
profiter de cette exclusion, et qui n’auroient été tenus
à aucun r a p p o r t d è s que le père n’avoit pas doté;
�Gomment concevoir alors que les sœurs puissent s’op
poser au retour de la dame Chassaigne ou de ses enfans
à la succession de leur a ïe u l, lorsque les sœurs sont
étrangères à la clause du contrat, lorsqu’il ne pouvoit
rien leur en revenir, qu’elles ne pouvoient en espérer
aucun bénéfice.
A l’égard des frères, et toujours dans l’hypollièse que
la succession se fût ouverte sous l’empire des anciennes
lo is , on convient qu’ils auroient profité de l’exclusion
de la dame Chassaigne.
Mais est-il bien certain que la dame Chassaigne, sous
les anciennes lois , n’eût pas eu le droit de requérir
d’être dotée par son p è r e , à raison de l’institution faite
à son profit par son grand-oncle maternel ? Les premiers
juges ont parlé, sans trop s’entendre, d’une dot proj fectice ; et qu’est-ce qu’une dot profècticc ? D ’après le
jurisconsulte U lpien, et après lui d ’après F u r g o l , ques
tion 4 2 , la dot profectice est celle qui est constituée
par le père. D o s à pâtre profecía. D o s profectitia ¿Li
citar , id est, quam pater mulieris dédit. D o s dicitur adventitia, id e s t , ea quœ à quovis alio data est. La dot
profectice est sujette au droit de retour en faveur du
père, d’après la loi Jure succursum , 6. ff. D e jur. dot.
D o s à pâtre profecía ad patrern revertitur, La dot
aventive, celle qui a été constituée par un tiers, n’a
pas la même faveur : adventilia aulem dos semper
pcmes mariturn renianet. Il n’y a donc pas, dans l’espèce-,,
de dot profectice, dès que le père n’a rien donné; et
l’institution du grand-oncle maternel ne peut être con
sidérée que comme une dot aventive..
�C 14 )
- D ’après l ’article 36 du titre 12 , la fille forclose
qui n’a pas été dotée par le p è r e , peut requérir être
dotée selon que les filles de la maison l’ont été ; et
s’il n’y en a pas qui aient été dotées, d’après l’avis de
parens , eu égard aux constitutions des mariages du
lie u , et voisins de semblable qualité.
La coutume s’arrête à ce p o in t, et ne prévoit pas
le cas où la fille auroit été dotée par un tiers. Basmaison,
sur cet article, dit seulement que si à ladite fille avoit
été constituée dot par un tiers, si c’est en faveur du
p è r e , et pour le relever, telle dot sera réputée profectice et comme provenant des biens du père.
L e dernier commentateur a embrassé cette opinion,
en distinguant cependant ; car il exige que la dot qui
a été constituée à la fille par un parent ou un étranger,
l ’ait été en contemplation du père , comme pour ac
quitter sa dette et l’aider, eu égard k la modicité de sa
fortune et au grand nombre d’enfans qu’il peut avoir. Il
est remarquable que ces deux auteurs ne citent aucuns
préjugés à l’appui de leur opinion; le dernier commen
tateur, au contraire, décide que la fille qui auroit suc
cédé à sa m è re , pourroit tout de même requérir être
dotée par le p è re , parce que son office est de doter.
P e u t - o n dire, dans l’espèce , que le sieur Coltier,
grand-oncle maternel, ait voulu doter sa petite-nièce
en contemplation du père qui lui étoit étranger ; qu’il
soit venu à son secours, eu égard à la modicité de sa
fortune, tandis que le sieur Vidal de Ronnt pouvoit passer
pour opulent? Et ne doit-on pas conclure au contraire
du silence de la loi, de l’avis même des commentateurs,
�( i5 )
que nonobstant l’institution du sieur Cottier , la dame
Chassaigne, sous les anciens principes , auroit pu re
quérir une dot, sauf ensuite aux frères à la conférer,
lorsqu’ils auroient profité de son exclusion.
Cette conséquence devient plus évidente, d’après les
inductions qu’on doit tirer des termes du contrat de
mariage.
y est dit que la dame Chassaigne ne pourra
disposer des biens compris en l’institution qu’au profit
de ses enfans; et dans le cas où elle viendroit à décéder
sans enfans, ou iceux sans descendans, les biens doivent
retourner à l’estoc et ligne de l’instituant, et pour raison
de ce, à la mère de la future, ou après elle à ses des
cendans et à ceux de feue dame Catherine de L ots, nièce
de l’instituant, femme Guillemot, et ce par égale por
tion à chacune des deux branches.
Si l’instituant ordonne impérieusement le retour des
biens à son estoc et lign e, il ne les a donc pas donnés
en contemplation du p ère, ni à sa décharge, puisque le
père étoit étranger au donateur; et cette clause posté
rieure est contradictoire avec la première.
Mais ici s’ouvre une nouvelle carrière, un droit nou
veau. La succession du père n’est ouverte qu’après le
11
Code civil; les forclusion, renonciation conventionelle,
tout ce qui résultoit de la différence des sexes ou du
droit de masculinité, est aboli ; tous les enfans sont
rappelés indistinctement aux successions de leurs ascendans; les libéralités sont limitées, en ligne directe, au
quart des biens, lorsqu’il y a plus de deux enfans.
Quels sont les rapports dont les enfans peuvent être
�Cl6 )
tenus en venant à la succession du père? Pour fixer nos
idées sur ce p o in t, il ne s’agit que d’ouvrir le Gode,
au titre des rapports.
Dans les articles 843 et suivans, on y voit que tout
héritier, même bénéficiaire, venant à une succession,
doit rapporter î\ ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du
défunt directement ou indirectement; qu’il ne peut retenir
les dons et legs à lui faits par le défunt, à moins,que les
dons et legs rie lui aient été faits expressément en préciput ; il ne peut même retenir les dons en préciput,
qu’autant qu’ils n’excéderoient pas la quotité disponible.
• Les dons et legs faits au fils du successible sont tou
jours réputés faits avec dispense de rapport; le rapport
ne se fait qu’à la succession du donateur ,• pas un seul
mot qui assujettisse au rapport les constitutions faites par
des tiers.
E t comment auroit-on pu assujettir au rapport une
constitution faite par un étranger, qui fut le prix d’une
forclusion-qui n’existe plus? comment soutenir que cette
forclusion fut la condition de l’institution , lorsque la
dame Chassaigne auroit été forclose par la seule force de
la l o i , indépendamment de la volonté de l’instituant,
qui n’avoit pas le droit de la retenir dans la maison du
père ?
Comment donner quelqu’eflet à une renonciation surerogatoire, dans les pays d’exclusion, qui d’ailleurs est
elle-même proscrite par les lois des 11 brumaire et 17
nivôse an 2 ?
11 semble que ce système bizarre répugne à tous les
principes
�7
( i )
principes de la nouvelle législation ; que la succession du ¿ 3 $
sieur c}e Ronat père doit être régie par le Code, et qu’au?
trement ce seroit vouloir confondre deux législations,
h
ce qui seroit absurde.
En un m ot, d’après le Gode, il n’existe ni forclusion,
ni i-enonciation; la fille qui revient à la succession de sort
père n’est tenue de rapporter que ce qu’elle a reçu de
lu i, de ce qui provient de sa substance, ex substantia
patris. II est impossible de forcer les enfans Chassaigne
de rapporter ù une succession directe une succession col
latérale qui ne vient pas du même estoc. Les sœurs ne
peuvent avoir aucune qualité pour demander ce rapport,
puisque, dans aucun temps, elles n’ont pu profiter de la
renonciation de la dame Chassaigne. A l’égard des mules,
tout droit d’accroissement est anéanti du moment que les
exclusions des filles ont été proscrites. Dès-lors les enfans
Chassaigne doivent être admis, o u , pour mieux dire,
rappelés à la succession de leur aïeul ; et les premiers
juges, en les repoussant, ont ouvertement violé les dis
positions du Code, et se sont écartés de tous les principes
de justice et d’équité.
Les appelans, devant les premiers juges comme en la
C our, ont cru, à toutes fins, devoir examiner une ques
tion subsidiaire.
S i , par impossible, on vouloit considérer la renon
ciation de la dame Chassaigne comme une condition li
cite; si on vouloit encore donner quelqu’efiet ù une for
clusion coutumière qui a disparu devant les nouvelles
lois, faudroit-il au moins reconnoitre que la condition
3
�( 18 )
du bienfait avoit ses bornes, et ne pourroit être étendue
à la portion entière de la dame Chassaigne dans la suc
cession paternelle.
Dans le contrat de mariage de 1776 , on n’y voit autre
chose , sinon que l’institution de son oncle lui tiendra
lieu de sa légitime de droit; c’est la seule privation qu’on
lui impose; et dans les actes entre-vifs, les expressions
dans lesquelles ils sont conçus doivent être prises dans
leur sens rigoureux, et sans extension : verba tantum
valent quantum sonant.
A l’époque du contrat de mariage de la dame Chas
saigne, la légitime de droit se régloit par l’authentique
tríente et semisse; c’étoit le tiers ou la moitié de ce qu’on
auroit eu dans la succession , si elle se fût ouverte ab
intestat, suivant le nombre des enfans. Il y avoit sept
enfans provenus du mariage du sieur Vidal de Ronatsuivant les règlemens de l’authentique, la légitime de
droit eût été d’un quatorzième.
Ce n’est donc qu’à ce quatorzième, en prenant la clause
dans toute sa rigueur, que la dame de Ronat, femme
Chassaigne, auroit renoncé.
Mais le sieur de Ronat n’ayant fait aucune institution
sous les anciennes lois, n’a pu, conformément à l’art. 913
du Code, disposer au préjudice des enfans que d’un quart
en préciput; ce qu’ il a fait par testament, en faveur de
ses deux enfans mâles. La réserve de la lo i, ou, ce qui
est la même chose, la légitime des enfans, est aujourd’hui
d’un septième dans les trois quarts des biens : dès-lors il
ne pourroit y avoir aucun prétexte de priver les enfans
�*9
(
)
. . . .
Q 'à S
Chassaigne de cet excédant ou de cette ampliation dé la
légitime; c’est-à-dire, qu’on devroit au moins leur faire
raison de la différence qui se trouve entre le quatorzième
et le septième des trois quarts, ce qui fait un tiers eu sus.
Ceci deviendra plus sensible par un thème. On sup
posera une masse de 14,000 fr. à partager.; dans l’ancien
ordre, la légitime de droit eût été de 1,000 fr. ; suivant
le nouveau m o d e , eu faisant distraction du quart, qui
e^t. de 3,5oo francs , il reste i o , oo fr. à partager entre
sêjîi ;Vce ^uMïîit i , t t r f r . «poui^-chacun. I)#irê' c e t t e v
pothèse , il reviendroit toujours aux .frufaos^Chassaigae f
la moitié de ce qu^ïïs auroient eu si leur mère n’avoit
pas renoncé.
Mais cette partie de la cause n’est que très-subsidiaire,
et pour ne rien négliger; car il paroît démontré que
les frères et sœurs de la dame Chassaigne ne peuvent
pas exiger de leurs n e v e u x le rapport du bénéfice de
l ’institution du sieur Cottier.
Dans le droit com m un, l’héritier n’est tenu de rap
porter que ce qu’il a reçu du défunt. La dame Chassaigne
n’a rien reçu du défunt; elle a reçu du sieur Cottier,
son grand-oncle : ce qui lui a été donné par son grand-
5
5
oncle n’a rien de commun avec la succession de son
p ère, qui n’étoit pas successible du sieur Cottier.
La condition imposée dans son contrat, ou qu’on veut
en faire résulter, disparoit avec la forclusion. Il ne faut
considérer cette condition que comme un pacte sur
une succession future, que les lois ont regardé c o m me
illicite et immoral , comme une convention inutile,
+ &
�(C V
( 20)
puisque, sans elle, la forclusion n’en auroit pas moins
eu lie u ; et, sous tous les rapports, les enfans Chasssaigne
sont appelés au partage de la succession de leur aïeul %
pour y prendre une portion égale dans les trois quarts»
M e. P A G E S ancien avocat,
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M e. B R E S C H A R D , avoué .
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A RIO M , de l’imp. de T H IB A U D , imprimeur de la Cour royale, et libraire,
rue des Taules, maison Landriot. — Août 1814,
«
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chassaigne-Dubost, Antoine-Ange. 1814]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Breschard
Subject
The topic of the resource
donations contractuelles
renonciation à succession
contrats de mariage
pays de droit écrit
forclusion
dot
successions
donations d'un collatéral
coutume du Bourbonnais
partage
conflit de lois
donations
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour Sieurs Antoine-Ange Chassaigne-Dubost, officier de cavalerie ; Joseph Chassaigne, docteur en médecine ; Claude-Jean-Marie Chassaigne, propriétaire ; Maître Gilberte-Antoine-Gabriel Chassaigne, avocat ; demoiselles Catherine et Anne Chassaigne, majeures ; dame Bénigne-Antoinette-Augustine Chassaigne, épouse de sieur François Grimardias, de lui autorisée, appelans d'un jugement rendu au tribunal civil de Thiers, le 27 août 1813 ; contre sieur Gilbert Vidal de Ronat, substitut du procureur du Roi au tribunal de Thiers ; sieur Antoine Vidal de Ronat ; dame Bénigne Vidal de Ronat, épouse du sieur Barthélemy Darrot-Dulac ; dame Catherine Vival de Ronat, épouse du sieur Joseph-Gilbert darrot ; dame Marie-Anne Vidal de Ronat, épouse du sieur Arnaud ; dame Anne Vidal de Ronat, épouse du sieur Damien Malmenaide, intimés.
note manuscrite « Le 20 août 1814, arrêt confirmatif, pour les motifs exprimés au jugement ».
Table Godemel : Institution d'héritier : 10. une institution contractuelle grevée d’une condition (celle de renoncer, pour l’institué, à tous droits dans les successions de ses père et mère), doit-elle être exécutée ? le donataire, après avoir accepté l’institution, peut-il refuser de remplir la condition, quoiqu’il prétende retenir tout l’effet de l’institution ? cette condition est-elle contraire aux lois et aux bonnes mœurs ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1814
1776-1814
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2113
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2112
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53409/BCU_Factums_G2113.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Victor-Montvianeix (63402)
La Boutière (domaine de)
Bost (seigneurie du)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conflit de lois
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
donations
donations contractuelles
donations d'un collatéral
dot
forclusion
partage
pays de droit écrit
renonciation à succession
Successions