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CONSULTATIONS
POUR
LES SIEURS DELSOL, FRERES;
CONTRE
LA
DAM E
*
VEUVE
LEUR
V IG IE R -D ’O R C E T ,
SOEUR C O N S A N G U I N E .
( V o ir , pour le fait et les questions élevées à ce sujet, la Sentence ci-jointe7 du 22
août 1808, intervenue depuis la première Consultation, et dont lesdits sieurs Delsol
sont appelants ; voir en outre (pour plus grand développement des principes consacrés
par l’Arrêt solennel du 17 février 1767, sur la transmissibilité du retour conventionnel)
la copie ci-jointe du Précis qui a été imprimé pour lors, et auquel renvoient les
Consultations. )
PARIS,
DE
L ’I M P R I M E R I E
DE
1809.
MAME
FRÈRES.
�PREMIÈRE CONSULTATION.
F A IT S E X P O SÉ S.
L
e
.
S O U S S I G N É , auquel il a été exposé,
Q ue, par le contrat de mariage passé entre le sieur GabrielBarthélemi de V igier et la demoiselle Delsol de Volpilhac, en
1760 , à A urillac, le sieur Delsol père a donné à la future sa
fille , ce acceptante , et par avancement d’hoirie , les domaine
et terre Duclaux , en qu o iq u ’ils puissent consister, aux mêmes
charges et conditions que le délaissement lui en seroit fait et
adjugé , conformément aux demandes par lui formées aux re
quêtes du Palais; et, à défaut d’adjudication de ladite demande
en délaissement, il a donné à ladite future toutes les créances
qu’il avoit à exercer sur lesdits biens en capitaux et accessoires ;
Que , par le même contrat , ledit sieur Delsol père a en
outre donné à ladite future sa fille la somme de 10,000 liv .,
qui a été délivrée audit sieur futur époux qu’à l’égard du surplus de ses autres biens qui se trouveroient lui rester lors de
son décès, il a promis de n’instituer d’autres héritiers que
ladite future sa fille , sous la réserve de l’usufruit de ces
mêmes biens , qu’il pourroit cependant vendre et engager tant
a la vie qu’à la mort, et sous la réserve en outre de pouvoir disposer d 'une somme de 10,000 liv. , qui resteroit a ladite future,
s’il n’en disposoit pas j comme aussi à la charge par sadite fille
de payer 600 liv. de peusion à la demoiselle Lagarde, sa belle-
�.
.
.
.
m ère, si celle-ci survivoit à lui donateur; qu’enfin le sieur
Delsol père s’est réservé expressément (pour le cas où ladite fu
ture épouse décèderoit sans enfants, ou ses enfants sans des
cendants et sans avoir disposé valablem ent), le droit de
réversion , tant des biens donnés que réservés , sans qu’il
put être dérogé par sadite fille audit droit de reversion, par
aucune d isposition / n i autres actes à ce contrairesj
•Qu’en conséquence, le sieur Delsol père a cru pouvoir dispo
ser du droit de réversion qu’il s’étoit réservé, comme d’un droit
qu’il avoit in bonis , et faisant partie de son patrimoine , ainsi
qu’il résulte de son testament fait en 1780, annulé pour vice
de forme seulement, par lequel il appeloit son fils aine', et
successivement ses autres enfants, parôrdre de primogeniture, '
à profiter de ce même droit;
Que ledit sieur Delsol père , décédé depuis, a transmis né
cessairement à ses héritiers tous les droits, même éventuels,
dont il étoit saisi, et, par conséquent, le droit de réversion
qu’il s’étoit réservé expressément pour le cas du décès de sadite
fille sans enfants , et de ses enfants sans enfants , et qu’ainsi ils
ont l’espérance , le cas arrivant, de recueillir, comme effets de
la succession de leur père , les biens dont il a stipulé le retour
à son profit, c’est-à-dire non seulement ceux qu’il avoit donnés
irrévocablement sous la seule réserve du retour, sans même en
retenir 1 usufruit, mais encoi'e ceux qu’il avoit compris dans
l’institution contractuelle de sa fille, avec réserve de pouvoir les
vendre ou engager (même d’en jouir en usufruit sa vie durant),
et que cependant il n’a ni vendus ni engagés ;
�( 3
A vis y relatif.
que les enfants et héritiers Delsol sont saisis de
tous les biens et droits dont leur père est décédé saisi, et qu’en
cette qualité ils ont droit, la condition du retour arrivant, à
tous les fonds et créances qu’il a pu donner à sa fille en la
m ariant, tant ceux par lui donnés irrévocablemeut que ceux
pour lesquels il l’a instituée son héritière contractuelle, c’est-àdire même à ceux desdits fonds et créances qu’il s’étoit réservé
de pouvoir vendre ou engager, et que cependant il n’a ni ven
dus ni engagés 5
Q u’en conséquence lesdits héritiers, comme propriétaires et
créanciers conditionnels, sont fondés dès h présent, non pas à
intenter aucune action pour revendiquer les fonds en question,
ou pour exiger le paiement des créances dont il s’a g it, mais h
faire tous actes conservatoires de leursdits droits éventuels ( art.
1 180 du Code civil ) , notamment à requérir toutes transcrip
tions et inscriptions nécessaires dudit contrat de mariage , aux
bureaux de la conservation des hypothèques , dans les arron
dissements desquels sont situés les fonds en question, ou ceux
affectés à l’hypothèque desdites créances ; le tout à l’effet d’em
pêcher que leur sœur et autres possesseurs desdits fojids, ou
les débiteurs desdites créances', puissent préjudicier aux droits
éventuels de propriété et d’hypothèque des requérants; comme
aussi à défendre à toute demande qui seroit formée contre eux
à fin de radiation desdites transcriptions et inscriptions.
E
st
d ’a v is
�(4 )
O B S E R V A T IO N S .
P rincip es sur la transm issibilité des stipulations
conditionnelles.
Il ne s’agit pas ici cl un retour lé g a l, qui sans doute ne seroit
pas transmissible aux héritiers du donateur décédé avant son
ouverture.
C ’estpar convention, par stipulation expresse que le donateur
s’est réservé ce droit pour l’exercer, comme tous ses autres droits,
par lui-meme ou par scs ayants-causc, quels qu’ils fussent, le
cas de la condition arrivant.
A la vérité, ce n’est qu’une espérance jusqu’à l’arrivée de la
condition, du moins tant qu’il est possible que la condition ar
rive ou n’arrive pas) , e x stipulatione conditionali tantum
spes est debitum i r i , In st., §. 4 ? D e verborum obligationibus ; mais cette espérance est transmissible, eamque ipsani
spem in hœredem transmittimus ,• s i, priusquàm conditio
c x s t e t , mors nobis contingat, ibidem. E t la raison en est que
dans le's contrats la condition'a effet rétroactif au temps de
l’acte , quasijam contracta in prœteritum em ptione, Leg. 8,
iï. D e periculo et comrnodo rei venditœ y Leg. 7 8 , if. D e
verborum obligationibus ; Leg. 16 , ff. D e solutionibus et
lïberationïbus.
Ainsi, la condition une fois arrivée , la stipulation a le même
effet que si elle avoitété faite sans condition : Ciim enim sem el
conditio e x t it it } perinde habetur ac si illo tempore r/uo 'sti
pula tio interposita est, sine conditione fa cta es set, Leg. 11,
§. 1, ff. Q u i potiores. Car dans les stipulations on ne considère
�( 5 .)
que le temps où le contrat est l'ait: Quia instipulationibus tem
pus speclatur quo conlrahimus. Leg. 18 , vers. , F iliu s f a
m ilias, fF. D e regulis jui'is.
’ Enfin, il n’est pas nécessaire que la condition arrive pendant
la vie du stipulant : C iirn quis sub aliqud. conditione stipulatus f a e n t , posteà eæistente conditione hœres ejus agere
jjp test. In st., p. 20 , D e inutilibus stipulationibus.
‘
I ls ne souffrent aucune exception.
'
Cette règle ne reçoit aucune exception , pas même pour les
faits stipulés sous condition , quoiqu’ils pussent paroitre person
nels de leur nature: Generciliter sancim us omnem stipulationem , sive in dando , sive in faciendo , sîve~lïïïæta e x
dando et f a c iendo ihveniatur, et ad hæredes et contra luc
re de s transm itti, sive specialis hœredum fiat_nientio , sive
non. Leg. i 3 , Cod. D e contrahendd et com m ittendd stipulationey ca r, comme le dit Pedius , Leg. 7 , §. 8 , ff. D e
p a ctis : Plerum què persona pacto inseritur , non ut persoîiale p a c tu m fia t, sed ut demonstretur cum quo pactum
factum est.
A in si, Tliériticr n’a point à prouver que son auteur a voulu
stipuler pour lui j c est à celui qui le prétend exclu par la stipu
lation à prouver sa prétendue exclusion : Quamvis veruni
est quod qui ex cip it probare debet quod ex cip itu r, attamen
de i p s o d u n ta x a t, at non de hœrede ejus convenisse p eti
tor, non qui e x c ip it probare-debet. Leg. 9, Si. D e probationibus etprcesiitnptionibus. E t l’on décidoit en conséquence
que, le fils de làmille qui a stipulé sous condition ayant été en- .
suite émancipé, l’action appartient au père, quoique la condition
�( 6 )
soit arrivée depuis l’émancipation. L eg . 7 8 , ff. D e verborum
obligationibus.
E n un m o t, comme le dit Jean-Jacques Schüts dans son
Compendium j u r i s , au titre D e pactis : Condiùo casualis
suspendit actûs p erfectio n en i, adeo ut ipsum ju s in sus
penso s i t , et tantum spes sit debitum iri, quæ tamen spes
in conventionibus hoc f a c i t , ut quis creditor d ica tu r} atque
res ipsius bonis annum eretur. . . . h inc apparet, pendente
conditioner aliquid subesse quod conventionem sustentât,
atque sic obligationem tanquam in utero materno latere ;
c’est un enfant dans le ventre de sa mère , q u i, une fois venu
au monde, est réputé né dès le moment de sa conception: Undè
com entiones çonditionales e x prœ senti vires accipiunt,
quod sechs est in legatis y ut itaque conventio conditionalis obligationem producat, conditio casualis omnino e x pectanda e s t . . . . conditione autem sem el e x is tente, perindè habetur ac s i ab initiopurè com entum esset, et statim venit ac cçdit dies.
P a s même pour les contrats bienfaisants. A rrêt solennel
¿1 ce sujet de 1767. '
Ces décisions s’appliquent non pas seulement aux conditions
s t i p u l é e s dans les contrats intéressés,
mais aussi £1 celles des
contrats bienfaisants.
•
Cependant La Rouvière a prétendu le contraire dans son
du droit de retour, liv. i c% chap. i 3 , où il veut que le
T
r a
i t e
retour stipulé par les donateurs, pour le cas du deces du dona
taire sans enfants, ne soit pas transmissible aux héritiers du do
nateur, décédé, avant) l’événement de la condition; et) il se fonde
�( 7 )
sur la loi Quod de pariter } ff. D e rebus dubiis , qui, dans le
fait, ne décide qu’une question de survie (comme le soussigné
l’a démontré dans la seconde partie de son précis , imprimé en
176 7, pour le sieur Réné Louis, l’héritier et consorts, contre
le marquis de Mesme, appelant de sentence rendue au parc
civil du Châtelet de Paris , le 29 juillet 1766, après cinq au
diences.)
«
Mais, comme l’a démontré pareillement le soussigné dans la
même partie de son précis, la loi C a ïu s , 45 , ff. Soluto matri
monio , et la loi Avia , 6 , au Code , D e ju re dolium , déci
dent au contraire que le retour conventionnel est transmissible
aux héritiers du donateur , quoique celui-ci soit décédé avant
l’événement de la condition sous laquelle il avoit stipule le re
tour à son profit. E t c’est aussi ce qui a été jugé en grande connoissance de cause, dans la première cause du rôle d’après la
Chandeleur, par arrêt solennel du parlement de Paris , c n j a
grand’chambre, le 17 février 1767, qui confirme ladite senteiice.
Cependant la cause de l’appelant avoit été plaidée, tant au
Châtelet qu’au parlement, par M. Tronchet, et e etoit bien le
cas de lui appliquer ce que Virgile avoit dit d’Hector : S i Pergama d extrd jd efejid i pojkï&te&t', etiam hâc defensa fu is
sent. Mais malgré les grands talents et les prodigieux efforts
du défenseur, qui passoit dès-lors à j uste litre pour un des plus
profonds jurisconsultes de ce temps, tous les magistrats,'ainsi
que l’avocat général Barentin , qui portoit la parole, reconnu
rent facilement, comme avoient fait les p r e m i e r s juges, que
pour cette fois M. Tronchet s’étoit trompé ; qu’en effet la pré
tention de son client, qu’il avoit défendu avec tant de zèle,
étoit évidemment subversive des principes généraux sur la trans
mission de toutes stipulations conditionnelles, quelle étoit con-
�.
(8 )
.
traire à toutes les décisions des docteurs et des lois sur la trans
mission du retour conventionnel en particulier, et qu’enfin
elle étoit également contraire a la jurisprudence établie par tous
les jugements rendus sur cette question, comme le Soussigné
l’avoit démontré dans les trois parties de son précis imprimé.
L e s lois nouvelles n’y ont point déro ë é'
On a cependant tenté encore dans ces derniers temps de re
nouveler la même prétention, en soutenant que le droit de re
tour , stipulé par le donateur , ne pouvoit avoir lieu qu’à son
profit personnellement, c’est-à-dire autant seulement qu’il survivroit à l’événement de la condition du retour qu’il se réservoit; mais il falloit pouvoir mettre en avant de nouveaux pré
textes, autres que ceux qui ont été proscrits si solennellement
par l’arrêt du 17 février 1767.
On a cru les trouver dans la loi des 1 5 octobre et 14 novem
bre 179 2 , qui abolit toutes les substitutions non encore ou
vertes, dans l’article 896 du Code c iv il, qui les prohibe pour
l’avenir , et dans l’article g 5 i du même Code, qui prohibe
toute stipulation conditionnelle du retour des choses don
nées , au profit d’autres que le donateur se u l, et survivant
à l’événement de la condition qui doit donner ouverture au
retour.
lin effet, a-t-on dit, nul doute que l’on doit regarder comme
une véritable substitution la stipulation expresse ou tacite du
droit de retour au profit.-d’autres que le donateur vivant lors de
son ouverture : or les substitutions non encore ouvertes lors de
la publication de la loi des 25 octobre et i/j novembre 1792
sont abolies par cette loi ; donc toutes les stipulations de retour
�(9 )
au profit d’autres que le donateur, qui n’étoieni pas encore ou«
vertes à cette époque , sont pareillement abolies; et c’cst par
cette raison, a-t-on ajouté, que l’article t)5 1 du Code civil dé-,
fend de stipuler le retour au profit d’autres que le donateur sur
vivant à son ouverture.
Tels sont du moins les nouveaux moyens qui ont été em
ployés au tribunal de cassation par M. M éjan, défenseur de
M. Larregoyen contre la dame de Navailles, pour faire casser,
s’il avoit été possible, le jugement de la Cour d’appel de Pau ,
du 19 thermidor an 12 , confirmatif de jugement du tribunal
de première instance de Saint-Palais j rendu au profit de la
dame de Navailles.
Mais, sans avoir égard à ces prétendus m oyens, par arrêt
rendu le 1 1 frimaire an id , en la section des requêtes, au rap
port de ÏVL Borel, sous la présidence de M. Muraire , et qui est
rapporté au commencement du troisième cahier du Journal des
audiences du Tribunal de cassation , pour l’an 14— 1806 : L a
C o u r, attendu qu’on ne peut appliquer a u x droits de retour
Vabolition prononcée par les lois des 25 octobre et 14 no
vembre 179 2, a rejeté la demande en pourvoi dont il s’agissoit.
On faisoit cependant beaucoup valoir pour M. Larregoyen
la circonstance particulière que, dans le fait, il s’étoit écoulé un
7siècle d’intervalle entre la stipulation de retour et l’ouverture
de ce droit au profit de la dame Navailles, l’eprésentant les
sieur et dame Martin, dotateurs , dont elle, dcscendoit ; que
pendant ce temps la d o t, par eux donnée à leur fille à charge
de retour , avoit passé successivement dans sa descendance par
plusieurs mains, sans pouvoir être aliénée au préjudice du droit
de retour qui pourroit s’ouvrir un jo u r, ce q u i, suivant le dé-
�( 10 )
fçnseur du sieur Larregoyen, présentait tous les caractère» d’une
'véritable substitution graduelle dans la descendance de la do
nataire , et ensuite , en cas d’extinction de cette descendance ,
*en faveur de ceux qui pour lors représenteroient les donateurs.
Mais (comme l’a observé M. Daniels, substitut du procureur
général, portant la parole ) de ce que les substitutions testa
mentaires et même celles établies par contrat de mariage ont
été abolies, il ne faut pas conclure qu’il en est de même du droit
de retour. L e s dispositions textuelles de la loi (celles du
17 nivose an 2, art. 74? £t du 23 ventôse suivant, art. 5 ,)
s ’élèveroient, ajoute-t-il, contre cette con séquence, p u is
qu’elles conservent le droit de retour (en faveur d’autres que
le donateur) lorsque les substitutions étoient déjà abolies.
D ’a illeu rs, disoit-il encore, le droit de retou rn e p e ut être
assim ilé à une véritable substitution , lorsque le donateur
<
ex erce lui-m ême ce droit ; ce n’est donc pas non plus une
substitution quand il est e x e r c é par ses héritiers qui ne re
présentent avec lui que la m ême personne ; et de là il eoncluoit que- les juges, tant de première instance que d’appel ,
avoient fait une juste application des lois de la matière (comme
l’a reconnu la Cour par son arrêt de rejet du iG frimaire an i/j..)
E lle s ne lepouvoient même p a s , quand les r édacteurs en
auroient eu ïintention.
'
E n vain insisteroit-on encore, malgré le préjugé de cet ar•r£t, sur ce que l’article 951 du Code civil a prohibé toute
stipulation de retour au profit d’autres que le donateur vivant;
•en vain voudroit-on en conclure que les rédacteurs de l’article
■oui considéré comme des substitutions véritables les stipula-
�f II )
lions de retour qui ne profileroient qu’aux représentants det
donateur après sa m o rt, et qu’ainsi ils ont entendu abolir tous
les retours conventionnels qui n’auroient été ouverts , posté
rieurement au décès des donateurs, que depuis l’abolition des
substitutions.
Quand même il seroit possible de supposer aux rédacteurs un
pareil m o tif, et que ce m otif prétendu est le seul qui ait dé
terminé la rédaction de l’artiçle, l’intention qu’on leur suppose
ne feroit pas loi toute seule et par elle-même, puisqu’elle n’a
pas été érigée en loi ; car autre chose est la loi, et autre chose est
le m otif qui a pu déterminer a la proposer , comme, en fait de
dispositions testamentaires, autre chose est la disposition et au
tre chose est le m otif ( causa dandï) qui a pu la dicter : Ratia
legandi legato nqn çoheeret, le m otif de la disposition n’en
fait pas partie. L eg . 72 , p. G, ff. D e conditionilms et demonslrationibus et causis quos in testamento scribimtur. E t
tout ce qui résulterait de cette supposition, o’est que l’article
951 seroit indubitablement un de ceux qu’il faudra rapporter
lorsqu’il sera question de la révision du Code civil; car com
ment pourroit-on laisser subsister une loi dont le seul m otif au
rait été de donner lieu (sans cependant l’ordonner ) à l’abolition
de droits acquis par des conventions qu’autoriçoient les lois et
la jurisprudence antérieures.
Ajoutez que la loi de 1792, qui abolit les substitutions non .
encore ouvertes , est odieuse par elle-même , comme contraire
au droit commun établi de temps immémorial par toutes les
lois antérieures rendues sur ce lait, et sur-tout à cette raison
écrite, qui depuis tant de siècle^ qst reconnue par tous les.peu
ples policés comme le Code universel du genre humain. Aussi
n’a-t-elle pu être provoquée que par des circonstances impérieuses,
�( 12 )
seules capables de la justifier ; mais au moins ne doit-on pas
l’appliquer à ce qui ne porte pas la de'nomination expresse de
substitution, quand mcme il en auroit d’ailleurs le caractère
et PefFet sous une dénomination différente ; à plus\ forte raison
ne doit-on pas l’étendre à des stipulations conditionnelles qui,
saisissant à l’instant même le stipulant, et ses ayants-cause con
sidérés comme la continuation de sa personne, ressemblent
• aussi peu à une substitution que le jour ressemble à la nuit. E t
il faudra toujours en revenir à dire avec la loi que ce qui* a
été établi contre la raison et les principes du droit ne doit pas
être tiré à conséquence : Q uod contra juris rationem receptum est non est p roducendum ad consequentias. Leg. 14 ?
i 5 et 16, ff. D e le gibus ; Leg. 1 4 1 ? f f D e regulis ju ris.
Il y a plus 5c’est que quand mcme la nouvelle loi auroit aboli en
termes textuels, et très expressément, tous les retours conven
tionnels qni n’auroient été ouverts que depuis celle de 1792, con
cernant les substitutions, etaprès le décès des donateurs, une pa
reille loi, attendu le vice radical de rétroactivité dont elle se trouveroit infectée, ne seroit pas susceptible d’exécution en cette par
tie. En vain voudroit-on l’assimiler à la loi qui abolit les substitu
tions établies par actes antérieurs à sa promulgation, mais qui
n’étoient pas encore ouvertes pour lofs. Il y a bien de la diffé
rence entre l'ime et l’autre, car les substitutions qui ne sont que
des dispositions en faveur de tiers non présents ni acceptants
ne peuvent saisir l’appelé qu’au moment de leur ouverture , et
même autant seulement que ? appelé l’acceptera pour lors • jus
que-là le substitué n a aucun droit acquis ; et par conséquent la
loi a pu , sans porter atteinte à un véritable droit de propriété ,
abolir toutes les substitutions qui viendraient à s’ouvrir par la
.suite, quoiqu’elles fussent établies par des actes antérieurs.
�C i3 )
Il n’en est pas de même des stipulations conditionnelles. En
effet, quoiqu’il n’en résulte qu’un droit éventuel, une simple
espérance, comme le disent les Institutes, elles saisissent de ce
droit, à l’instant m êm e, le stipulant, et dans sa personne ses
ayants-droit, c’est-à-dire ceux qui le représenteront, quant à l’ob
jet de la stipulation, lors de l’événement de la condition sous
laquelle la stipulation a été faite et conservée ; or il résulte né
cessairement de là que toute loi postérieure qui aboliroit ces.
droits éventuels enlèveroit de fait au stipulant, dans la per
sonne de ses ayants-cause , des droits acquis dont ils étoient sai
sis, ce qui seroit une atteinte formelle au droit de propriété,
E n fin la lettre même de la clause en question nécessite
rait :, en tant que de besoin, la transm issibilité du retour
qui y est stipulé.
1
A ces considérations générales, toutes péremptoires, nous
en joindrons une particulière, et qui toute seule suffiroit, en
tant que de besoin, pour trancher la question; c’est que les
propres termes dans lesquels est conçue la stipulation condi
tionnelle de retour dont il s’agit assurent textuellement et
littéralement ce droit aux ayants-cause du stipulant, quels qu’ils
soient, comme au stipulant lui-même, le cas de la condition
arrivant; et que, de plus, les mêmes ternies sont formellement
exclusifs de toute substitution.
E t d’abord, que dans l’espèce le droit de retour soit assuré,
en tant que de besoin, par les termes mêmes de la stipulation
du donateur, à ses ayants-cause, comme au donateur lui-même,
ou plutôt au donateur dans la personne de scs ayants-droit, au
cas d’événement de la condition, en quelque temps que ce soit;
�( 4 )
c’cst ce qui résulte évidemment de ce que ce retour est stipulé,
nommément, pour les biens formant l’objet de l’institution con
tractuelle de la donataire; car assurément il étoit impossible que
le retour de ces biens particuliers qui n’étoient donnés qu’à titre
d’institution, et par conséquent sous la condition de la siirvie
de la donataire au donateur, s’ouvrit jamais pendant la vie de
celui-ci. E t puisque cependant il s’éloit réservé pourlui-même,
ernôrTpour aucun tiers après lu i, ces mêmes biens à titre de
retour conventionnel, il falloit bien que sa réserve pùt profiter
à ceux de ses ayants-cause et transmissionnaircs à titre universel
ou particulier q u i, lorè de l’ouverture du retour par lui réservé,
le représenteroient pour cet objet, comme ne formant à cet
égard qu’une seule et même personne avec lui. Autrem ent, sa
réserve n’eût pu profiter à personne en aucun cas, et la clause
_
auroit été illusoire.
E lle sitffiroit aussi toute seule pour écarter toute idée
de substitution.
Mais il est également sensible que le donateur en stipulant le
retourp o u rlü i, qt non pour aucun autre que lui-même, a néces
sairement exclu toute substitution; car enfin, comme le disoit
M. Daniels, portant la parole pour le ministère public en la
Cour de cassation, il est impossible de se substituer soi-même à
son donataire pour la chose donnée.
Il est bien vrai que le donateur qui stipule le retour pour
lni-mcrnc seulement, et non pas pour des tiers après ltii, le sti
pule aussi nécessairement pour ses ayants-cause et transrmssionnairos, soit qu’il doive en profiter de son vivant, soit que par
l’événement, le droit qu’il s’est réservé ne s’ouvre qu’après s^
�C 15 )
mort, à moins qu?il n’ait formellement excepté ce dernier cas
par sa réserve, comme par exemple en stipulant le retour à sou
profit, pour le cas seulement du prédécès du donataire.
Mais ces transmissiopnaires et ayants-cause ne forment avec
lui qu’une s.eule et même personne, qui a toujours été saisie
ab ihitio, tant de son vivant que depuis son décès, du droit
éventuel qu’il s’étoit réservé, comme de tous ses autres Liens,
sans attendre l’événement de la condition.
Ainsi, il est impossible de les supposer substitués par le do
nateur au donataire, et tout ce qui résulte de la réserve de re
tour stipulée par le donateur pour lui-même seulement, et non
pour aucun tiers après lui, c’est que la condition du retour ar
riv a n t, le donataire cesse d’être propriétaire de la chose don
née, c’est que la donation qui lui avoit été faite est alors réso
lue ou révoquée j c’est enfin que le donateur en la personne de
ses ayants-droit, en conséquence de sa réserve, se trouve avoir
recouvré sa propriété dont il ne s’étoit dessaisi que sous une con
dition résolutive qui a eu lieu -, c’est en un mot que cette pro
priété s’est réunie de plein droit à son patrimoine aussitôt l’ar
rivée de la condition résolutive apposée à la donation : or cer
tainement il est bien permis aux donateurs , nonobstant l’abo
lition de toutes substitutions, de stipuler qu’en tel ou tel cas
leurs donations seront résolues de plein droit, ab initip, comme
si elles u’avoient jamais existé, ou pour la suite seulement,
comme dans le cas de la révocation des donations pour cause de
survenance d’enfants', le tout, soit que la condition résolutoire
arrive de leur vivant, soit qu’elle n’arrive qu’après leur mort :
car les conditions résolutives produisent leur effet, lors meine
qu’elles n’arrivent qu’après la mort du stipulant , ce qui n’em
pêche pas que l’acte résolu n’ait subsisté jusque-là, s’il n’a pas
�(■ G )
¿téautrement convenu. L eg . i 5 , in princ., ff. D e in diem addictione. ) V o y e z aussi la loi finale au Code, D e legatis.
L e s observations précédentes sont égalem ent applicables
„ a u x institutions contractuelles sous conditions résolu
toires.
Il en est de même incontestablement des donations par forme
d’institution contractuelle, qui, suivant Pothier ,'Laurière, et
tous nos autres auteurs, ne diffèrent des autres donations en
tre-vifs qu’en ce qu’elles sont faites sous la condition particu
lière de la survie du donataire, et en ce que le donateur peut
encore , nonobstant la donation, s’aider des choses qui y sont
comprises , par contrats intéressés , tels que la vente ou l’hy
pothèque , mais non pas en disposer à titre graÔuit par dona
tions entre-vifs , institutions ou legs.
En effet, l’instituant contractuel doit aussi pouvoir stipuler
que sa donation sera résiliée ou révoquée, si telle ou telle con
dition arrive par la suite, n’importe en quel temps, et que ce
pendant elle aura jusque-là tout son effet; mais en ce cas les
biens qui en sont l’objet, comme étant retournés à la masse de
l'hérédité, et réunis au patrimoine du donateur, appartiennent à
ceux qui lors de l’arrivée de la condition résolutoire se trouvent
représenter ledit donateur ou instituant; etassurément ceux-ci ne
reprennent pas les biens en question en qualité de substitués au
donataire ; c’est le donateur lui-même, toujours existant dans leur
personne, qui reprend sa chose, comme ayant cessé d’appartenir à .
l’institué, au moyen delà résolution de l’institution, qui a eu lieu
par l’événement, comme le donateur ou ses représentants re
prennent la chose donnée, lorsqu’il y a survenance d’enfants,
�C *7 )
même posthumes, quoique le posthume ne soit né que depuis
son décès. Autrement, il faudrait dire, ce qui est absurde, que
le vendeur ou scs héritiers, rentrant dans la propriété de la
chose vendue par l’effet de la résolution de la vente, ou de lu
rescision du contrat, reprennent la chose vendue comme substi
tués h l’acheteur. E t il faudrait conclure de la ( ce qui seroit
encore plus absurde, s’il est possible), qu’attendu l’abolition de
toute substitution, il n’est plus permis de vendre sous condition
résolutive , ni de faire résilier aucun contrai de vente, non
plus que de disposer par donation, institution ou legs, sous
condition résolutive. Mais il faudrait aussi, avant tout, effacer
du Gode civil les articles g 53 , 960 , 962, 963 et 966, relatifs
à la révocation des donations de toute espèce pour cause de
survenance d’enfants , même posthumes, qui ne seroient nés
que depuis le décès du donateur; il faudrait notamment sup
primer ledit article 963, en ce qu’il suppose qu’au cas de la sur
venance d’enfants du donateur (avant ou après son décès ) le
retour s’opère , non pas, à proprement parler, par voie de ré
version h sa personne, mais bien plutôt par voie de réunion à
son patrimoine de tous les objets qui en avoient été distraits à
titre lucratif, et par conséquent au profit de ses représentants ,
si la réunion ne s’opère qu’après son décès ( les biens compris
dans la donation révoquée de plein droit r e s t e r o n t d a n s
LE P A T R IM O I N E DU D O N A T E U R , LIBRES DE TOUTES CHARGES
E T HYPOTHÈQUES DU CHEF D U D O N A T A IR E
, etc. )
(
Conclusion.
Tout ceci posé, nul doute que les représentants du sieur
Delsol, donateur, sont fondés à requérir, dès à présent, toutes
3
�( i8 )
transcriptions et inscriptions nécessaires pour assurer la conser
vation de leur droit de retour, a l’effet de prévenir les atteintes
qui pourroient y être portées par la donataire et autres posses
seurs des biens sujets, à réversion , ou par les débiteurs des
créances qui tiennent lieu de ces mêmes fonds.
On peut d’autant moins leur contester ce droit, que le retour
•dont il s’agit doit nécessairement s’ouvrir un jour îx leur profit,
ou au profit de leurs trùnsmissionnaires et ayants-droit, par le
fait du décès de la donataire sans enfants , attendu qu’elle n’a
pas eu d’enfanls , et que son âge avaneé ne lui laisse plus d’es
pérance d’en avoir.
Délibéré à Paris par le soussigné ancien avocat, ce vingt-sept
juin dix-huit cent six.
LESPARAT.
�( *9 )
SECONDE CONSULTATION.
L e C O N S E I L S O U S S I G N É , q u ia vu copie (ci-jointe)
du jugement reudu en première instance par le tribunal civil
d’Aurillac , le 22 juillet 1808 , entre les sieurs Dclsol Frères, et
la dame veuve Y igier d’Orcet, leur sœur consanguine; ensemble
les mémoires imprimés qui ont été présentés au tribunal pour le
soutien de leurs prétentions respéctives ;
>
, par les raisons déjà exposées en sa Consultation
délibérée le 27 juin 1806, ainsi que dans les observations par
ticulières sur chacun des motifs dudit jugenient, qui lui ont
■été communiquées, et encore par les autres raisons qui seront
déduites ci-après ;
Que les sieurs Delsol frères sont bien fondés dans leur appel
dudit jugement, en ce que par icelui la stipulation de retour.
'réservé par le sieur D e lso lp ère , dans le contrat de mariage
de la dame d’ Orcet, sa f i l l e , a été déclarée personnelle au
dit sieur D e lso l , et caduque par son p réd écès. Qu’en effet,
(bien loin que le retour réservé soit devenu caduc par le prédé
cès du sieur Delsol père, qui l’a stip u lé), il ne peut manquer
de s’ouvrir un jour et d’opérer la réunion effective à son patri
moine, des choses sujettes audit droit, au moyen de ce que la
dame d O rc e t, sa fille, qui n’a pas d’enfants, et qui est actuelle
ment hors d’àge d’en avo ir, décédera néccssaii’emeiit sans en
fants.
•
E s t d ’a v is
�( 20
Les premiers juges avoient encore élevé deux autres ques
tions, l’une (qui est la première des trois posées dans leur ju
gement) étoit de savoir quels biens avoient é té et pouvoient
être compris dans la clause de retour réservé par le sieur
B a sile D e ls o l, dans le contrat de mariage de la dame d’ Orcet sa f ille y et l’autre de savoir si, dans le cas de transmissib ilité , ce droit de retour ne se seroit pa s confondu
dans la personne de la dame d’ O rcet avec sa qualité d’héri
tière contractuelle de son p ère ; mais leur jugement n’a dé
cidé que celle de savoir si la réserve du retour dont il s’agit
étoit limitée à la personne du sieur Delsol, ou si au contraire
elle avoit pu être transmise à ses héritiers ; et c’est aussi la seule
dont la solution doit nous occuper , comme étant la seule qui
soit à juger sur l’appel de leur sentence.
Ce n’est pas qu’ils n’aient émis dans les attendus de leur ju
gement leur opinion sur les deux questions qu’ils ont laissées
indécises ; mais cette opinion n’y est présentée que pour justi
fier leur jugement sur celle qu’ils ont décidée : or l’appel dont
il s’agit ne peut porter que sur ce qui a été jugé effectivement,
quelle qu’ait pu être d’ailleurs leur opinion sur d’autres ques
tions restées indécises.
I. L a stipulation du retour par le sieur D e lso l père étoit
in rem , et pourquoi ?
Q uoiqu’il en soit au surplus, nous observerons d’abord à
cet égard que, si la stipulation dont il s’agit a été jugée per
sonnelle au stipulant, et par conséquent non transmissible, c’est,
comme l’exposent les premiers juges dans leurs motifs, parceque le sieur Delsol n’a n a s stipulé nommément pour scs ayants-
�( 31 )
'Cause, et sur-tout parcequ’en stipulant le retour pour le cas pré
vu par sa stipulation, il ne l’a pas réservé aux siens en particu
lier, comme l’a fa it, dans le même contrat de mariage , la mère
<lu futur en dotant son fils.
Mais c’est précisément parceque le sieur Delsol entendoit ré
server un retour vraiment réel, in rem , à la masse de son pa
trimoine , en faveur de tous ceux auxquels il pourroit importer
que le retour eût lieu , qu’il l’a stipulé en termes g én éra u x,
non exclusifs d’aucune classe de ses ayants-cause, et non pas
seulement pour sa personne ou les siens. Taie pactum non in
personam dirigitur y sed chm general e s i t , locum inter hceredes habebit. Leg. 4 1 , ff- D e pactis.
II. Conséquences qui seroient résultées de la personnalité
de sa stipulation pour lu i et les siens seulement.
• Dans le fait, le sieur Delsol père n’avoit pas alors d’autre en
fant que la future sa fille. Peut-être même supposoit-il, attendu
son état de viduité , qu’il n’en auroit jamais d’autre : or dans
cette supposition , si par l’événement le retour stipulé ne
s’ouvroit qu’àprès son décès, soit par le décès de sa fille sans en
fants, soit par le décès des enfants de sadite fille , après leur
mère, sans descendants d’eux, il ne pouvoit pluS être représenté
par aucuns siens proprement dits , mais seulement par des col
latéraux très éloignés qu’il ne connoissoit même pas (comme l’a
dit et répété souvent la dame Dorcet elle-même), ou par d’au
tres successeurs qu’il se seroit créés à lui-même par titres uni
versels ou singuliers.
" •
'
• •
Si donc il n’avoit stipulé le retour que pour lui et les sien s,
comme avoitfaitla mère du fu tu r, alors le retour n’auroit eu
�( « )
e
lieu qu’en sa personne , ou celle des s ie n s , c’est-à-dire pour
le cas seulement de sa survie, ou de celle d’aucuns des siens
à l’ouverture dudit droit ; et ce droit n’auroit profité à son dé
faut qu’à celui ou ceux d’entre les siens qui auroient existé pour
lors. Eux seuls en effet se seraient trouvés composer la classe ou
espèce particulière et déterminée d’ayants-causc, à laquelle au
rait été réservé le retour : o r, comme le dit la loi 80, ÎT. D e regulis ju r is y In toto ju r e , generi p er speciem derogatur ;
et comme le dit aussi la loi 99, p. 5 , iF. "De legatis 3° , Sem
p er species generi derogat. E n un m o t, nuls autres ayantscause du sieur Delsol stipulant n’y auroient pu rien prétendre ,
à quelque titre que ce f û t , ni comme héritiers légitimes ou àb
in testa t, mais non s ie n s , ni comme héritiers irréguliers ,
ni comme héritiers institués , ou légataires, soit universels, soit
à titre universel (c’est-à-dire pour partie) , ni comme léga
taires particuliers, ni comme donataires entre-vifs ou à cause de
m ort, ni comme cessionnaires à titre onéreux, ni enfin comme
créanciers chirograpliaircs ou hypothécaires, quelqu’intérêt que
ces différentes classes d’ayants-cause pussent avoir à ce que la
réunion effective à son patrimoine des biens donnés et réservés
leur en eût assuré la conservation; alors en effet, au moyen du
prédécès de ceux dans la personne desquels seulement le retour
auroit pu s’opérer , toute réunion au patrimoine du stipulant
seroit devenue impossible.
Ainsi le sieur Delsol se serait interdit, pour ce cas particulier,
toute espèce de disposition, tant des biens donnés que des biens
réservés, et par conséquent de tous ceux q u i, lors de son dér
' ces, auroient pu composer son patrimoine , quoique tous fus
sent stipulés réversibles, si sa fille décédoit sans enfants, ou si
les enfants de sa fille (lécédoient eux-mêmes sans descendants :
�( ^3 )
or assurément, le cas arrivant que sa fille décédât après lui sans
enfants (comme il arrivera bien certainementJ, ou que les en
fants de sa fille décédassent après lui et leur mère sans enfants ,
comme il étoit alors très possible, il étoit bien plus naturel qu’en
ce cas tous ses biens stipulés réversibles retournassent et se réu
nissent à son patrimoine en faveur de ceux qui y auraient in
té rêt, et qu’à cet eifetle retour fût stipulé par une clause gé
nérale , c’est-à-dire à la masse de sou patrimoine , plutôt qu’à
lui-même et a u x siens personnellement, à l’exclusion de tous au
tres ayants-cause ; car n’y ayant encore alors personne qui pût
l’intéresser, au défaut de sa fille et des enfants de sa fille ou de
leurs descendants (puisqu’il n’avoit pas encore d’autres successibles que des collatéraux fort éloignes qu’il ne conuoissoit même
pas ) , il devoit préférer tous les autres ayants-cause qu’il pouxroit avoir, ou se créer à lui-même, à ceux de sa fille décédante
sans enfants, qui ne pouvoient que lui être étrangers, si lui^
m ê m e restoit en viduité. C’est même probablement par cette
raison qu’il a interdit très expressément à sa fille toute, disposi
tion préjudiciable au droit de retour qu’il stipuloit par une
.clause générale et sans aucune limitation ; et s’il n’a pas étendu
cette prohibition aux enfants de sa fille, lors même qu’ils dé
céderaient après lui et leur .mère sans descendants d’eux (quoi-,
qii’en te cas ils fussent pareillement grevés du retour à son pa
trimoine, tant pour les biens donnés que pour les biens réservés) ;
si même au contraire il leur a permis audit cas toute disposition
des biens on question ; si enfin il a stipulé à cet effet que ledit
.retour a sou patrimoine n’auroit lieu qu’autant qu’ils seraient
.décédés sans descendants d’eux, et sans avoir disposé, c’est
évidemment pareeque (à la différence de leur mère , sa fille ,
,qui dans le cas où elle survivrait à son père décédé en viduité.,
«
�( »4 )
_
ne pouvoit avoir pour succcssibles que des collatéranx fort éloi
gnés , et peut-être même inconnus) eux au contraire, décédant
ensuite après leur mère et sans descendants d’eux , avoicnt du
moins pour succcssibles , à défaut du sieur Delsol leur aïeul
maternel, d’autres parents très proches dans la personne de
leurs oncles paternels, frères de leur père; alors en effet le sieur
Delsol n’avoit aucune raison suffisante d’empêclier que les en
fants de sa fille, décédant sans enfants après lui et après leur
mère, pussent disposer des biens dont il stipuloit la réversion;, car
ces mêmes enfants ayant audit cas pour succcssibles des oncles
paternels, ou leurs enfants, le sieur Delsol pouvoit facilement
supposer que les enfants de sa fille ne seroient pas tentés de dis
poser au profit d’étrangers , au préjudice de parents aussi pro
ches , et que , s’ils usoient de la liberté qu’il leur laissoit de dis
poser , ce ne seroit qu’en faveur de ceux de ces parents dont la
position particulière exigerait qu’ils fussent plus avantagés que
les autres.
III. I l n’en étoit p a s du retour stipulé p a rla mère du fu tu r,
comme de celu i stipulé par le sieur D elsol.
Il n’en étoit pas de même du retour stipulé par la mère du
futur pour elle et les sien s> en cas de décès de son fils sans en
fants , ou des enfants de son fils sans enfants et sans avoir dis
posé ; en effet, la mère du futur ayant , lors du mariage de son
fils, plusieurs autres enfants, né pouvoit penser qu’h assurer à
ces autres enfants le retour des biens qu’elle donnoit au futur ,
son fils , si celui-ci decedoit sans enfants , ou si ces enfants décédoient eux-mêmes sans descendants : or il lui sufllsoit à cet
effet de stipuler le retour pour elle et les siens personnellement,
�( *5 )
c’est-à-dire à l’exclusion de tous autres ayants-cause; et cepen
dant de laisser non seulement aux enfants de son fils , mais à
son fils lui-même, la liberté de disposer ; n’étant pas à présumer
que celui-ci, s’il n’avoit pas d’enfants, voulût user de cette fa
culté au préjudice de sa propre mère , ou de ceux qu’elle appeloit les siens (frères, sœurs, neveux ou nièces de sonditfils),
si ce n’est en faveur de ceux d’entre eux d o n t, comme il vient
d’être d it , la position pourroit exiger qu’ils fussent plus avan
tagés que les autres. E t c’est aussi tout ce que le mandataire de
la dame veuve d’Orcet, porteur de sa procuration rédigée à Mau
riac , et comparant pour elle au contrat de m ariage, étoit
chargé de stipuler, sans pouvoir s’en écarter, ni y rien changer. ,
IV . Peut-être le sieur D e ls o l auroit-il stipulé le retour dans
la même form e que la mère du fu tu r, s 'il avoit é té dans le
m êm e cas.
Il en auroit peut-être été de même de la stipulation du sieur
Delsol père , s’il avoit été dans le même cas ; mais n’ayant pour
lors d’autre enfant que la future, s’il avoit restreint de même
à sa personne et a u x siens le retour qu’il stipuloit, cette res
triction auroit eu l’inconvénient d’annoncer des espérances d’a
voir d’autres enfants d’un second mariage ; et quoiqu’il ne pen
sât peut-être pas alors à se remarier , il auroit au moins donné
lieu par-là au futur et à la famille du futur d’exîgëFdè lui qu’a
vant tout il s’expliquât sur ce point. Q ui sait même s’il n’auroit
pas fallu leur donner des assurances positives que ce qu’ils pouvoient craindre n’arriveroit pas ?
D ailleurs il pouvoit très bien se faire que, le cas prévu du re
tour arrivant, il n’existât aucun parent successible du sieur
�( *6 )
Delsol père capable de le représenter, ou qu’il n’y en eût que
de très éloignés qu’il n’auroit jamais connus; et c’est même ce
qui serait nécessairement arrivé, s’il étoit resté veuf : or il étoit
bien naturel qu’il pû t, au moins pour ce cas particulier, se don
n e r par a c t e s entre-vifs ou de dernière volonté, à titre gratuit
ou onéreux , tel successeur universel ou singulier, qu’il jugeroit
«Hpropos, à l’eiTetde recueillir , emtout ou partie, le bénéfice
du retour en question.
Il devoit donc, comme il ¡l’a fait, se réserver le retour par une
stipulation générale , de manière que le cas prévu arrivant, en
quelque temps que ce f û t , de son vivant ou après sa m o rt, il
y eût lieu au retour in rem , ou k Son patrimoine, en faveur de
ses ayants-cause, ou de qui de droit, et non pas seulement à sa
personne ou a u x s ie n s , à l’exclusion de tous autres ayantscause, le tout sans que la donataire, sa fille, pût préjudicier
ou déroger à ce di’oit de retour par aucune disposition.
-
-
V . L e s prem iers ju g e s ont supposé que la personnalité d elà
stipulation du retour par le sieur D e ls o l résultoit de la dé
fe n se qu’il a fa ite à sa fille d’y déroger. Combien cette
supposition est absurde /
Cependant, s’il faut en croire les premiers juges, la défense
faite par le sieur Delsol père à la dame d’O rcet, sa fille, de dé
roger a u droit de retour qu’il stipuloit, prouveroit au contraire
qu’il ne l’a stipulé que pour lui personnellement, n’étant pas
présumable , disent-ils , qu’il mît sa f ille (lors unique) dans
un tel état dinterdiction (pour le cas où elle décèderoit sans
enfants; car c’cst de ce cas uniquement qu’il s’agit) , et ce en f a
veur de parents éloignés avec lesquels il n’avoit aucune re-
�( 27 )
lation , que les parties même ne connoissoient p a s , a in si
que la dame d ’ O rcetl'a plusieurs fo is dit et é c r it, sans que
c e fa it ait é té désavoué.
' Il auroit donc été bien plus convenable, suivant eux , que le
sieur Delsol père se mit lui-meme dans l’interdiction , et ce en
faveur des étrangers que sa fille, décédante sans enfants, jugeroit à propos de préférer h. tous les ayants-cause qu’il se seroit
créés à lui-même , ou à ceux qui (comme il pouvoit arriver, et
comme il est arrivé effectivement) lui seroient survenus : or
on sent combien est absurde une pareille supposition.
V I. L ’institution contractuelle de la dame d 'O rce t} q u i, sui
vant les prem iers ju g e s , prouverait la personnalité de la
Stipulation du retour p a r le sieur D e ls o l son p è r e ,
• en démontre au contraire la réalité.
Enfin , suivant les mêmes, ladimitation du retour dont il s’a
git à la personne du stipulant résulterait s u r - t o u t d e l a
circonstance que le sieur D e ls o l, après avoir fa it à sa
f il le une donation entre-vifs, l ’a instituée en même temps
son héritière universelle ; e n e jfe t , ajoutent-ils, il seroit ab
surde de supposer qu’il eût fa it et voulu fa ir e } contre cette
héritière , une réserve qui ne devoit et ne pouvoit p r o f i t e r
q u ’à elle-m êm e, puisqu’en admettant là t r a n s m i s s i b i l i t é d u
retour} cette transmission'ne pouvoit a v o i r lieu qu en fa v eu r
de cette m êm e héritière.
'
Mais ils supposent par-là que l’institution contractuelle de
la demoiselle Delsol par son père est- une institution pure et
simple , q u i, une fois ouverte au profit de l’instituee par le pré
décès de l’instituant, ne pouvoit cesser en aucun temps d’avoir
�'
( ,8 )
^
tout son effet, qu’en un mot cette institution n’étoit affectée
d’aucune condition résolutoire , tandis qu’au contraire cette
même institution ( qui à la vérité ne pouvoit être révoquée
par aucun acte postérieur ) devoit cependant se résoudre de
plein d ro it, comme la donation, par le seul fait du décès de
l’instituée sans enfants , ou de ses enfants sans descendants et
sans avoir disposé ; car c’est ce qui résulte textuellement de la
clause par laquelle le sieur Delsol ( après avoir promis de n’ins
tituer d’autre héritier que la future sa f ille dans les autres
biens ( non donnés ) qui se trouveront lui rester lors de son
d é c è s) s’est réservé , (pour le cas où ladite future saillie décèderoit sans enfants , ou ses enfants sans descendants, ou sans
avoir valablement disposé ) , le droit de réversion et retour,
tant des biens donnés que réservés , sans q u il puisse être
dérogé par sadite f i l le audit droit de réversion par aucune
disposition, n i autre acte à ce contraires. O r , bien loin que
cette clause puisse faire présumer la personnalité du retour sti
pulé par le sieur Delsol père , comme le prétendent les pre
miers juges , la vérité est au contraire qu’il en résulte une
nouvelle preuve de sa transmissibilité ; et cela , quand même on
voudrait ne comprendre dans la classe des biens réservés dont
la réversion est nommément stipulée , que ceux non donnés
qui existoient pour lors , et qui lui seraient restés lors de son
décès , à 1 exclusion de tous ceux qu’il aurait acquis depuis sa
stipulation \ car enfin il est bien évident que le droit de retour
(qui pouvoit s’ouvrir pendant la vie du stipulant pour les biens
qu’il donnoit) ne pouvoit s’ouvrir qu’après sa m o rt, pour les ,
biens réservés , soit que (comme on n’en peut douter) il ait
entendu désigner par biens réservés ce qu’il appelle dans lemême acte les biens institués (c’est-à-dire la totalité de ceux
�( *9 )
non donnés qui Iuiresteroient lors de son décès, et généralement
tous scs biens, à l’exception des biens donnés, èt de ceux qu’il
auroit depuis vendus ou engagés), soit même , qu’il n’eut en
tendu comprendre sous cette dénomination que ceux des biens
non donnés qu’il possédoit lors du contrat de mariage de sa
fille et qu’-il auroit conservés jusqu’il sa mort.
E t qu’on ne dise pas , comme l’ont fait les premiers juges ,
que les m ots, biens réservés, ont échappé à Tinadvertance
du réd a cteu r, qui (suivant eux) ti avoit que les notions les
plus obscures sur la nature et les effets des institutions
contractuelles y car ce sont bien plutôt les premiers juges
eux-mêmes q u i, comme on l’a pu voir déjà , et comme 011 le
verra encore plus particulièrement ci-après , sont dans le cas
qu’on leur fasse ce reproche 5 et au surplus , quoi qu’il en soit,
ils ont bien prouvé par-là qu’il étoit absolument impossible ,
malgré toutes leurs subtilités, et pour ainsi dire leurs tours de
force , de restreindre aux biens donnés un retour stipulé pour
les biens tant donnés que réservés. Il faudra donc toujours
en revenir à dire que le retour des biens réservés (q u i, dans
tous les cas , sont nécessairement des biens non donnés), ne
pouvant s’ouvrir avant la mort du stipulant,. étoit bien cer
tainement transmissible à ses héritiers ou autres ayants-cause
or, il devoit en être de même du retour des biens donnés, puis1
qu’il est stipulé par la même clause et dans les mêmes termes.
V II. Lorsque le retour s’ouvrira par le fa it du décès de la
dame d ’ O rcet sans enfants , son institution contractuelle
sera comm e non'tivenue.
Peu importe enfin que la dame d’O rccl, en sa qualité d’hé-
�( 3o )
îilère instituée contractuellement, soit quanta présent la seule
représentante de son père. Du moment que le retour s’ouvrira
par le fait de sou décès sans enfants, elle n’aura plus été héri
tière contractuelle , attendu la clause résolutoire apposée à son
institution. A lo rs, en effet, il sera vrai de dire qu’elle n’aura
été qu’héritière ah intestat de son père, concurremment avec
ses frères, c’est-à-dire pour partie seulement; et par consé
quent elle n’aura laissé dans sa succession , à ses ayants-cause,
quels qu’ils puissent ê tre , que sa part afférente dans tous les
objets dont la réversion.au patrimoine de son père aura eu lieu
par le fait de son décès sans enfants.
Il est vrai , comme l’observent les premiers juges , qu’en
droit romain une institution d’héritier par testament (autre
que celui fait ju r e militari) n’auroit été susceptible d’aucune
limitation ou résolubilité, quand même cet héritier testamen
taire n’auroit été institué que e x re certd, ou pour une certaine
quotité , telle que la moitié ou le tiers de l’hérédité, ou à
compter de tel temps , ou enfin: jusqu’à, tel temps; qu’en effet
l’héritier ainsi institué par testament valable , étant seul insti
tué , auroit é té, de droit,, héritier pour le to u t, pour tous
les cas et pour tous les temps , sauf seulement les droits des légitimaires ; mais c’est pareeque chez les Romains personne ne
pouvoit mourir parti/n te status, partim intestatus (à moins
qu’il n’eut teste ju re m ilitari) ; car , comme l’observe Pérez en
ses Institutes impériales, e x institutione hceredis ad certum v e l e x certo tempore fa cta sequeretur quod quis deced erep o sset, pro parte te sta tu s, et p ro p a rte intestatus.
�( 3i )
V III. L e s institutions contractuellesy inconnues ch ez les Ro
mains , n’ont rien de commun avec leurs institutions tes
tamentaires.
•
«
Il n’en est pas de même des institutions contractuelles abso
lument étrangères au droit romain, et qui cependant ont été
admises dans les ci-devant provinces dites de droitécrit, comme
dans tout le surplus de l’ancienne France \ en effet, suivant
tous nosauteurs (quoi que disent au contraire les premiers juges),
ces institutions d’héritier par contrats ne ressemblent aucune
ment aux institutions testamentaires des Romains , si ce n’est
à celles faites ju r e m ilitari, ou à leurs legs universels , soit aux
legs de toute l’hérédité ou de tous les biens, soit aux legs de
partie de l’hérédité ou de partie des biens, partis etpro p a rte,
(que notre Code civil qualifie legs à titre universel), avec cette
différence seulement qqe nos institutions contractuelles, d’ori
gine française et absolument inconnues clicz les Romains, sont
irrévocables comme tenant de la nature des contrats, tandis
que les legs et autres dispositions testamentaires de toute es
pèce peuvent toujours être révoquées par le testateur jusqu’à
son décès.
IX . A utrem ent elles ne pourroient ja m a is avoir lieu pour
partie , tandis q u e, suivant P o th ie r , elles ont lieu in
contestablement pour partie comme pour le tout.
S’il en pouvoit être autrem ent, il faudroit aller jusqu’à dire
que l’institution contractuelle pour partie des biens ou de 1 hé
rédité, ou même seulement pour quelques uns des corps certains
qui la composent, auroit l’effet d’une institution universelle
pour toute l’hérédité ; car c’est ce qui résulterait du principe
�( 3a )
posé par les premiers juges (dans le second attendu de leur troi
sième question), que Tinstitution contractuelle form e un v é
ritable héritier q u i N E DIFFÈRE QUE DE N O M DE £ HÉRITIER
t e s t a m e n t a i r e (des Rom ains), q u a n t a i ’ u n i v e r s a l i t é
*
9'
f
9 *
t
d u t i t r e : or personne jusqua présent navoit ose mettre en
avant une hérésie aussi monstrueuse, et il étoit réservé aux pre
miers juges d’en faire la base de leur jugement.
Il leurauroit cependant suffi, pour se garantir d’un pareil écart,
de consulter sur cette matière jios auteurs élémentaires, tels
que Polluer, dans son introduction au titre 17 de la coutume
d’Orléans. Ils y auroient vu , par exemple, à la fin du n° 17 de
l’appendice de cette introduction, que l’institution contractuelle
y est définie la donation que quelqu’un fa it de sa succession
en tout ou e n p a r t ie , p a r contrat de m ariage, à l’une des
'
parties contractantes} ou a u x enfants qui naîtront du fu tu r
mariage y au n° il\ du même appendice, que de m êm e que la
succession testamentaire dans les provinces oh elle est ad
m ise y fa it cesser la succession légitim e et a b i n t e s t a t ,
de m ême la succession contractuelle fa it cesser la su cces
sion légitime ou ab intestat pour le total, lorsque l ’héritier
contractuel a été institué héritier pour le total, ou po u r l a
p a r t ie p o u r l a q u e l l e il a é t é i n s t i t u é ; d’où il conclut, à la
fin dudit n° 24 > que, lorsque l’héritier contractuel étranger
a é té institué s e u l e m e n t po u r u n e p o r t i o n , p u t a p o u r
LA MOITIÉ , il succède a u x propres , de m êm e qu’a u x au
tres b ie n s, pour l a p o r t i o n p o u r l a q u e l l e i l a é t é i n s
t i t u é , et que l ’héritier l i g n a g e r ab intestat « y succède que
pour cette m oitié y et ensuite au n» 25 qui suit, que Tenfant
héritier contractuel de so n p e re , pour u n e c e r t a in e p o r
t io n , PUTA. POUR UN TIERS OU POUR UN QUART, n ’e ST PAS
�(33)
OBLIGÉ E N V E R S SES FRÈRES E T SOEURS, HÉRITIERS LÉGITIMES
E T AB
INTESTAT
POUR
LES A U TR E S P O R T IO N S , CM
rapport
de ce qui lu i a é té donné ou légué par son père.
X . D an s les pays de droit écrit elles ont lieu pour partie et
par conséquent ad tempus ou ex tempore, vu sur-tout
q u elles y sont considérées comme de véritables dona
tions entre-vifs.
.
Dira-t-on qu’il n’en étoit pas de même dans nos provinces cidevant régies par le droit écrit ? Mais s’il est vrai, comme le
dit Laurières (au sommaire du n° 23 du chapitre premier de
son Traité dès institutions et substitutions contractuelles), que
ces institutions ont pris leur origine des lois romaines q u i
perm ettaient a u x soldats i n p r o c i n c t u de s'instituer héri
tiers par des pactes réciproques de succéder, il en résultera
nécessairement que les institutions contractuelles, comme les
legs universels , ou à titre universel, peuvent avoir lieu, même
en pays de droit écrit, ou pour un temps seulement, ou à par
tir de tel temps, ou pour partie seulement de l’hérédité ou des
biens , ou même pour un tel corps héréditaire , etc. ; car as
surément 011 ne pouvoit pas appliquer à celui qui testoit ju re
m ilita ri, la règle : Nerno potest decedere partim testatus
partim intestatus.
C’est ce qui résultera pareillement de ce que dit et répète
souvent le même auteur , notamment au n° a3 de son chap. 3 ,
et au chap. /|, nos 8 et suivants , que les institutions contraç tuelles y en pays de droit écrit, sont réputées vraies dona
tions entre-vifs~de biens présents et à ven ir, par lesquelles
Finstituant s'interdit la fnnulté de disposer non seulement
�( 34 )
a titre gratuit, mais même à titre on éreu x, par ven te, hy
pothèque ou autrement s i ce n’est pour pressante et ur
gente n écessité y car on conviendra sans doute que les dona
tions peuvent se Hure pour n’avoir effet que jusqu’à tel temps,
ou ù compter de tel temps, etc. E t il faut bien que le sieur Delsol pèrç, reconnu pour procureur très instruit, ait eu connoissance de cette jurisprudence, puisqu’il a cru devoir se réserver
l’usufruit de ce qu’il appelle les ¿tiens institués (c’est-à-dire de
ceux pour lesquels il inslituoit sa fille son héritière contrac
tuelle) , ainsi que la faculté de pouvoir les vendre ou engager.
X.I. L ’héritier institué contractuellement ne pourroit être
a ssim ilé , suivant Laurières , même en pays de droit
écrit > qu’à lliéritier des Romains institué in castrensibus,
qu
jure militari.
Si donc ,on vouloit absolument assimiler l’héritier institué
contractuellement à l’héritier institué du droit romain, ce ne
pourroit être au moins qu’à l’héritier institué in castrensibus,
ou par testament fait ju re m ilitari, qu’il faudroit le comparer ;
et c’est aussi cc qu’a fait Laurières au n° i 56 dudit chap. 4 > où
il remarque que , quoiqu’il y eût accroissem ent de l ’institué
i n bo n is ÇyiSTKHNSiBUs a Théritier a b in t e s t a t du sold at,
i l n’y avoit p a s accroissem ent de l’héritier a b in t e s t a t ,
quand il répudioit, lï l ’héritier institué i n ca str en sibu s ;
après quoi il ajoute : E t , par la même raison, il n’y apas a c
croissement parm i nous de Théritier ab intestat à Théritier
contractuel, ou dùlégataire universeldiineportion de biens,
(qutiiqu’i l y ait accroissem ent du légataire universel, ou de
Fhéritier contractuel, d’une portion de biens ou de succès-
�( 35 )
s ion , à Théritier ab intestat) , parcec/ue, comme on Fa d it ,
l ’héritier ab intestat est héritier solidairement de tous les
biens du d é fu n t, au lieu que l’héritier contractuel, ou le lé
gataire universel, n’étant supposé successeur q u e d ’ u n e
p a r t i e s e u l e m e n t , il ne peu t rien prétendre a u -d e l a d e
l a p a r t i e q u i l u i e s t d o n n é e , l’usage étant certain par
mi nous que chacun peut mourir p a r t i m t e s t a t u s , p a r
t i m i n t e s t a t u s , com m e les soldats romains y car, comme
le remarque très bienLoisel (liv. 2, t. 5 , règle a i , de ses Ins
titutes coutumières), nos Français comme gens de guerre ont
reçu plusieurs patrim oines, et divers-héritiers, d’une même
personne : or il faut convenir que ces propositions sont toutes
précisément les contradictoires de celles que les premiers juges
ont cm nécessaire* de consigner dans les motifs de leur jugement,
pour le justifier autant qu’il étoit eh eux.
X II. I l résulte évidemment de tout ce que dessus que le
sieur D e lso l a stipulé un retour à son patrimoine in rem ,
et qu’au contraire celu i stipulé par la mère du fu tu r étoit
personnel à elle et aux siens.
Tout ceci posé , il doit maintenant demeurer pour constant
et suffisamment démontré, que si l’on voit, dans le même con
trat de mariage, d’un côté, le sieur Delsol père se réserver, par
une clause générale , le droit de réversion ou retour pour le
cas du décès de sa fille sans enfants , ou des enfants de sa fille
sans descendants , avec stipulation expresse que sadite fille ne
pourroit déroger h ce droit de retour par aucunes dispositions ,
ou autres actes à ce contraires, et cependant, que les enfants de
sadite fille , pareillement grevés dudit droit de retour pour le
�( 36 )
_
_■
_
cas de leur décès sans descendants, pourroient faire telles dis
positions qu’ils jugeroient à propos ; si en même temps on y
voit d’un autre côté la mère du fu tu r, qui stipuloit le retour
pour elle et les sie n s , en cas de décès de son fils sans enfants,
ou des enfants de son fils sans enfants, ne point défendre à son
fils de déroger audit droit de retour par aucunes dispositions ,
mais au contraire laisser aux enfants de son fils et k son fils luiijnême toute liberté à cet égard , ce n’est pas, comme l’ont sup
posé les premiers juges dans leurs motifs, que les contractants
aient entendu restreindre au sieur Delsol père personnellement
le retour qu’il stipuloit, et cependant assurer à tous les ayantscause de la mère du futur le retour qu’elle se réservoit. Leur in
tention au contraire étoit évidemment, à raison de la différence
des circonstances où chacun se trouvoit pour lors, que le retour
stipulé par le père de la future eût lieu généralement comme
retour ou réversion in rem h son patrimoine, en faveur de tous
ceux qui auroient intérêt à ce que son patrimoine fût conservé
dans son intégrité , mais que celui stipulé par la mère du futur
fût seulement personnel à elle et a u x siens.
X III. Princip es élém entaires sur la transmissibïlité de tou
tes stipulations conditionnelles, tant suivant le droit ro
main que suivant le Code N apoléon. L a présomption lé
gale de leur r é a lité ne peut être balancée que par des preu
ves écrites dans la clause même de leur p e r s o n n a l i t é .
Voilà ce que les premiers juges auroient vu dans les stipu
lations de retour dont il s’a g it, s i , au lieu de s’arrêter à de pré
tendues conjectures toutes insignifiantes qu’ils ont entassées
sans mesure, comme s a n s discernement, dans leurs motifs, ils,
�('37 )
avoient considéré , ainsi qu’ils le devoient, que la stipulation
de retour dont il s’agit est une de celles dont le vrai sens, dé
terminé par la loi même , n’a jamais été abandonné à l’interpré
tation arbitraire des juges, et qu’au surplus, comme ils en con
viennent eux-mêmes dans leurs motifs, toute stipulation de re
tour est, de droit, transmissible aux ayants-cause du stipulant,
lorsque celui-ci ne l’a pas limité à sa personne.
A la vérité , ils supposent en même temps que cette limita
tion est de droit, et qu’elle doit se suppléer lorsqu’il n’a rien été
dit de contraire; mais ils ignorent donc, ou feignent d’ignorer,
que tout au contraire les lois, tant anciennes que nouvelles,
ont érigé en présomption légale, à laquelle on ne pourroit op
poser aucune autre espèce de présomption ou conjecture, celle
résultante de ce que le stipulant n’a pas exclus, en termes ex
près, du bénéfice de sa stipulation conditionnelle, et de celle de
retour en particulier, ses héritiers ou ayants-cause.
? Cependant ils ne pouvoient méconnoitre cet adage si sou
vent rappelé dans les livres élémentaires, tels en particulier que
les Institutos, et aujourd’hui consacré en tant que de besoin par
le Code Napoléon, que le bénéfice des stipulations condition_nelles se transmet nécessairement.aux ayants-cause du stipulant
décédé avant l’événement de la condition : E x stipulalione
conditionali tetntum spes est dcbitum i r i , eanxquê ipsani
spem in hœredem transniittimus, sipriusquàm conditio e x
tet mors nobis contingat. Inst., p. 4, D e verb. oblig. Ciun
quis sub coiulitione stipulatus f u e r it , licet cuite conditionem decesserit, postea existente conditione hceres ejus
agerepotest. Inst. , p. a 5., D e inutil, stipul.
Ils auroient du savoir au moins que , suivant l’article 117Q.
du Code Napoléon , la condition accomplie a un effet ré-
�( 38 )
^
t.ro a c tif au jo u r auquel 1engagement a étécon tra cté, et que}
s i le créancier est mort avant Iaccom plissem ent de la con
dition y ses droits passent à son héritier. Qu'ainsi, comme
le décide l ’article i i a a dudit Code, on est ce n s é avoir stipulé
pour.ses héritiers et ayants-cause , à moins que le contraire
ne soit e x p r i m é , o u j n e r é s u l t e d e l a n a t u r e m ê m e d e l a
c o n v e n t i o n (comme, par exemple, parcequ’il s’agiroit d’un
droit d’usufruit ou d’usage, ou de tout autre droit personnel au
stipulant, mais non pas bien certainement, comme l’insinuent
les premiers juges, parceque quelques circonstances pourroient
donner lieu de le faire soupçonner.) Enfin, ils auroient dû con
clure de là que l’ayant-cause du stipulant, quel qu’il s o it, et en
quelque temps que la condition arrive, n’a point à prouver que
son auteur a voulu stipuler pour ceux qui le représenteroient
lors de l’arrivée de la condition -, qu’en un mot c’est à celui qui
je prétend exclus par la stipulation, à le prouver, c’est-à-dire,
suivant l’article 1 1 1% dudit C ode, à prouver que cette exclusion
est écrite dans la stipulation même. Quamvis verum est quod
qui excipitprobare debet quod excip itu r, attamen de ipso
d u n ta xa t, a tn o n d e hœrede ejus convertisse, p e tito r , non
qui e x c ip it , probare debet. Leg. 9 , ft'. D e prob. et prœs.
Q u’en e f f e t , il y a en ce cas présomption vraiment légale ,
ju r is et de ju r e , que la stipulation est in rem , et non pas
limitée à la personne du stipulant, comme le soussigné l’a déjà
d é m o n t r é dans sa Consultation précédente, délibérée le 27 juin
1806 , et comme il l’avoit démontré avec bien plus de déve
loppement encore dans son Précis (ci-joint), imprimé en 17G7,
pour les sieurs Lliéritier , Fourcroi et consors , contre le mar
quis de Mesme , et sur lequel est intervenu l’arrêt solennel du
17 lévrier même année : or une présomption de cette espèce ,
�^
( 3cj )
contre laquelle on ne doit admettre aucune présomption con
traire, ne pourrait être balancée ou détruite que par des
preuves positives et bien formelles, evidentissimis et in scriptis habitis , comme le dit la loi a 5 , p. 4 > in f in e , ff. D e
pvob. et prœs.
Il faudrait donc démontrer par écrit, c’est-à-dire, comme le
porte ledit article 112 2 , par les expressions mêmes de la stipu
lation, que celui qui a stipulé sous condition (quoiqu’il n’ait
pas parlé de ses ayants-cause ) a cependant témoigné vouloir les
exclure, ayant par exemple déclaré expressément ne vouloir
stipuler que pour le cas où il survivrait à l’événement de la con
dition.
Autrement, et a défaut de preuve écrite de cette espèce , il
sera toujours censé, comme Te dit V iunius, a d rem fam iliarem respexisse , c’est-à-dire avoir voulu acquérir, ou con
server, ou reprendre, et avoir en pleine propriété ( le cas de la
condition arrivant, en quelque temps que ce fût) , ce qui fait
l’ objet de sa stipulation conditionnelle, le tout a l’effet de'pou
voir disposer librement par actes entre-vifs ou à cause de mort
du droit éventuel qui en résulte, comme de tous ses autres
droits, soit ouverts, soit seulement éventuels : or tel est le cas
où s’est trouvé le.sieur Delsol père , qui, en stipulant un droit
de retour auquel sa fille ne pourrait déroger par aucunes dispo
sitions (quoique les enfants de sa fille le pussent) n’a exclus
aucun de ses ayants-cause du bénéfice de sa stipulation.
�( 4o )
X IV . Preuves par le testament du sieur D e lso i, et par les
consultations qu’il avoit p rises d'avance sur ce point, qu’il
étoit bien convaincude la r é a l i t é de sa stipulation.
Aussi voit-on que le sieur D elsol, toujours bien convaincu de
la réalité de son droit en a disposé par testament peu de_ jours
avant sa m ort, comme d’un droit vraiment reelTra rem , quoi
que ce droit purement eventuel ne dût s’ouvrir, suivant toutes
les apparences, qu’après sa mort et même bien long - temps
après.
Effectivement par ce testam ent, après avoir institué son fils
aîné et successivement ses autres enfants, par ordre de primogéniture, ses héritiers universels, il avoit déclaré -vouloir e x
pressém ent que, dans le cas ou la dame Jeanne-M arie D elsol,
épouse du sieur de V i g i e r , viendroit à décéder sans en
fa n ts ou descendants , son héritier recueille et profite du
droit de réversion , par lu i stipulé dans le contrat de ma
riage de sa f ille avec ledit sieur de V ig ie r , etc. E t si ses
dispositions à cet égard n’ont pu recevoir aucune exécution, c’est
uniquement pareeque le testament a été déclaré nul pour vice
de forme. Comment en effet auroit-il pu douter un instant de
son d ro it, lui qui savoit bien n’avoir pas limité sa stipulation
au cas de sa survie , et qu’il ne s’agissoit pas d’un droit d’usu
fruit ou d’usage, ni d’aucun autre droit personnel de sa nature ?
Il avoit bien présumé cependant que sa fille , en cas qu’elle
lui survécût, prétendrait le retour éteint par le seul fait de sa
survie, et qu’alors elle s’opposerait à l’exécution de toute espèce
de disposition qu’il aurait cru devoir en fairè, pour le cas où. il
s’ouvriroit en quelque temps que ce fut.
Eu conséquence il avoit pris dès l’année 1 7 7 1 , neufans avant
�'
( 4 0
sa mort, (un mois avant son second mariage) la précaution de con
sulter M. Chabrol, jurisconsulte de Riom, regarde pourlors à bien
juste titre comme l’oracle de la province*, et ce jurisconsulte, quoi
qu’il ne connût pas encore l’arrêt de 1767 quia fait cesser tous les
doutes sur ce point, avoit répondu par sa consultation du a/j. sep
tembre 17 71 ( conformément à laTdecîsîôn'IIeTIenrys sur sem
blable espèce) que M. Delsol ayant stipulé le retour, en cas de
décès, non seulement de sa fille, mais des enfants de sa fille sans
descendants (comme il n’étoit pas vraisemblable qu’il eût entendu
survivre aux enfants de sa fille et à leurs descendants, et qu’il eût
étendu si loin sa pensee; comme d’ailleurs il est de principe que
les stipulations son cemeèTTaTtës7tant pour les stipulants que
pour leurs héritiers ou ayants-causc), il devoit être supposé
avoir éntendu que cette réserve et convention slFt^iJdrdïérit
bien loin , et pouvaient durer encore après lui.
,
Il en a été de même de MM. A u d râ ^ e jeune , u jjytteeet
Ducrochet, jurisconsultes distingués de Riom , qu’il a encore
consultés les 1 5 décembre 1*778 et 2 janvier 1779, plus d’un an
avant sa m ort, et q u i, en lui faisant la même réponse, l’ont '
appuyée de nouvelles autorités notamment de celle de l’arrêt
solennel de 1767 , qu’ils présentent comme ayant levé tous les
doutes sur ce poin t, s’il pouvoit y en avoir encore.
X V . E n vain voudroit-on assim iler la stipulation du retour.
in rem a unJidéicom m is.
Mais, disent encore les premiers juges (dans le septieme at
tendu de leur première question), la clause par. laquelle le
sieur D e lso l a voulu fa ire rentrer dans sa fa m ille, après son
décès et celu i de sa f i l l e , les biens réservés ou institués, ne
(>
«
>
�.
.
(4 °
.
pourvoit être envisagée que comme une cliarge de fid éico m i
m is, comme une véritable substitution dont il aurait voulu
grever sa f ille , et laquelle seroit abrogée par lés lois du
i 4 novembre 1792. Ainsi ils supposent que le retour dont il
s’agit seroit un retour à la fa m ille du sieur Delsol en particu
lier , à l’exclusion de tous ses autres ayants-cause, tandis que
dans le fait c’est un retour indéfini et illimité à son patrimoine,
et par conséquent à ses ayants-cause, quels qu’ils puissent être,
c’est-k-dire un retour k lui-même, dans la personne de ceux qui
à son défaut le représenteront pour les choses sujettes à ce droit,
lors de son ouverture. O r , certainement on ne pourra jamais
concevoir que le retour a son patrimoine, ou à soi-même, soit
une véritable substitution fidéicommissaire. Il faudroit au moins,
pour constituer une telle substitution, que ce retour eût été
stipulé en faveur de tiers, autres que les représentants néces
saires du stipulant, pour venir en second ordre après celui qu’il
a gratifié directement; ou si l’on veut encore, au profit du
moins d’une classe particulière et déterminée de ses représen
tants et ayants-cause , à l’exclusion de toutes les autres classes ,
comme j par exemple , au profit des siens seulement.
Il ne peut pas en être de même du retour indéfini stipulé par
une clause générale, sans aucune espèce de limitation, tel que
celui stipulé par le sieur Delsol père, à raison des circonstances
• particulières où il se trouvoit, comme on l’a vu ci-dessus ; en
effet, il y a cette différence entre le retour conventionnel et la
substitution fidéicommissaire, que le retour général et indéfini,
apposé pour tel cas, à une convention quelconque, même à
celle de succéder , la résout, et fait rentrer , le cas arrivant,
tous les biens dont il avoit été disposé sous cette condition, par
donation ou institution , dans le patrimoine du stipulant, pour
/
�(43)
les remettre entre ses m ains, ou à son défaut dans celles de ses
représentants, qui ne sont à cet égard et pour ce qui concerne
cet objet que la continuation de sa personne. Aussi voit-on que
la loi du 17 nivose an 2 (quoique les substitutions fidéicommissaires fussent alors abrogées) a conservé les retours convention
nels dans leur intégrité, et qu’en conséquence la Cour de cas
sation, par son arrêt du 11 frimaire an 14 (dont le soussigné a
rendu compte dans sa Consultation de 1806) , a maintenu un
droit de retour indéfini et illimité, comme n’ayant rien de com
mun avec la substitution fidéicommîssaire, quoique son ouver
ture n’eût eu lieu que plus d’un siècle après le décès du donateur
qui l’avoit stipulé.
X V I. D e V exposé ci-dessus résulte la solution des trois
questions posées p a r les prem iers ju g es.
De tout ce qui vient d’être exposé résulte incontestablement
la solution de la seconde des trois questions posées par les pre
miers juges , qui étoit de savoir si la réserve de retour stipu
lée par le sieur D e ls o l père étoit lim itée à sa person n e, et
pouvait être transmise à ses héritiers: or cette question est la
seule qu’ils aient jugée , et par conséquent la seule qui soit k
juger sur l’appel; mais il en résuite encore,, en tant que de besoin,
la solution des deux autres questions qu’ils ont pareillement posées (quoiqu’ils n’aient pas pris sur eux de les juger, s’étant
contenté à cet égard d’émettre leur opinion). En effet la pre
mière de ccs deux questions étoit de savoir quels biens ont été
et pouvoient être compris dans la clause par laquelle le sieur
Delsol s est réservé le retour, et l’autre de savoir si, dans le
cas de transmissibilité , ce droit de retour ne seroit pas confon-
�( 44 ) '
...
du dans la personne de la dame d’Orcet avec sa qualité d’hen
tière contractuelle de son père : or on a vu ci-dessus, d’une part,
que la stipulation de retour par le sieur Delsol père comprenoit
en termes exprès les biens par lui donnés à sa fille, et en outre
la totalité des biens non donnés qu’il laisseroit au jour de son
décès; et d’autre part, que le retour ne devant s’ouvrir que par
le fait du décès de la dame d’Orcet sans enfants (c’est-à-dire lors
de la révocation de son institution contractuelle), il étoit im
possible que ce droit de retour, en quelque temps qu’il s’ouv r it , se confondit un seul instant dans sa personne avec sa qua
lité d’héritière contractuelle de son père ; et l’on a vu de plus
que la dame d’O rcet, qui n’a pas d’enfants, étant actuellement
hors d’àge d’en avoir, le droit de retour dont elle est grevée ne
peut manquer de s’ouvrir un jour au profit de ceux qui se sont
trouvés être héritiers ab intestat du sieur Delsol père décédé
sans avoir testé valablem ent, c’est-à-dire au profit de la dame
d’Orcet elle-même pour sa part héréditaire, et pour le surplus
au profit des sieurs Delsol, ses frères j le tout attendu que l'é
vénement de la condition apposée au retour (comme toute es
pèce de condition apposée à une stipulation), a un effet rétroac
tif au jour même de la stipulation, comme on l’a vu ci-devant:
or il résulte de là, en dernière analyse, que les sieurs Delsol frères
ont été bien fondés à exercer les actes conservatoires de leur
droit, quoique ce droit ne soit qu’éventuel; et ils doivent croire
que c’est aussi ce qui sera jugé sur leur appel par les magistrats
supérieurs qui en sont saisis.
Délibéré à Paris par le soussigné ancien avocat, ce 24
mars 1809.
LESPARAT.
�L e
C O N S E IL S O U S S IG N É , qui a pris leclure des deux
consultations délibérées et rédigées par M. Lesparat, les 27 juin
1806 et 24 mars 1809, ensemble du jugement rendu en pre
mière instance par le tribunal d’Àurillac, entre madame d’Orcet
et MM. Delsol, le 22 juillet 18085 vu d’ailleurs le précis imprimé
sur lequel est intervenu l’arrêt solennel du 17 février 1767,
adopte entièrement tous les principes déduits dans les deux con
sultations précitées, où la doctrine sur les clauses de retour est
établie avec un jugement exquis et une cia* té parfaite. Il s’ho
nore
sur-tout de professer, avec le respectable jurisconsulte qui
en est l’auteur, l’opinion que l’article g 5 i du Code Napoléon,
quelles qu’aient été les intentions de ses illustres rédacteurs (ce
qui est fort inutile à approfondir), n’a nulle influence sur une
question qui procède d’une.convention faite ayant le Code; et à
ce sujet il croit devoir observer que si (par application de ce
principe sur l’impossibilité de donner effet rétroactif aux lois )
on croit devoir contester à l’article 1179 du Code Napoléon
(quoique confirmatif d’un droit antérieur) toute influence sur
la question de présomption légale pour la réalité du retour, celte
présomption légale se retrouve, quant à l’espèce, dans le droit
romain, qui, lors des conventions, étoil la loi coërcitive des
parties domiciliées en pays de droit écrit. Le Conseil pense donc
�<( 44 ter )
que le jugement du tribunal de première instance sera réformé
sans coup férir par la cour d’appel, et que la stipulation de re
tour sera réinvestie de tous les effets que lui a assignés la volonté
des parties.
Délibéré a Paris, ce 17 m a r i 809.
‘
BELLART,
B O N N E T, D E L V IN C O U R T , LA C A LPR A D E .
�IN a p o l e o n ,
PAR LA GRACE DE
DlEU
ET LES CONSTITUTIONS DE l ’E m -
f i r e , E m p e r e u r d e s ' F r a n ç a i s , R o i d ’I t a l i e , e t P r o t e c t e u r d e l a
, à tous présents et à venir, S a l u t :
Le T r i b u n a l civil de première instance établi à Aurillac, chef-lien ■
de préfecture du département du Cantal, a rendu le jugement suivant :
Entre dame Jeanne-Murie Delsol, veuve de sieur Gabriel-Barthélerny
V i gier-d’O rcet, habitant de la ville de Mauriac, demanderesse en exé
cution de jugement du six aoûl dernier, et défenderesse en opposition,
comparante par Me. Labro, son avoué, d’une part;
Sieur Pierrc-François Delsol, propriétaire, habitant de la ville d’AuC o n f é d é r a t io n du R h in
rillac, défendeur et opposant, comparant par M '.R am pon, son avoué,
d’autre part;
Sieur Gabriel-Barthélemy Delsol, proprie'taire, habitant de la ville
de Paris, aussi défendeur et opposant, comparant par Me. Bonnefons,
s o n avoué, d’autre part;
En présence de sieur Antoine Desprats, propriétaire, habitant dudit
Aurillac, aussi défendeur, comparant par Me.Manhes, son avoué, d’autre
part :
Ouï le rapport de l’instance d’entre les parties, fait publiquement à
l’audience par M. Delzons, président, membre de la Légion d Honneur,
en exécution du jugement du dix-neuf février dernier, à l’audience du
vingt-un juillet, et après qu’il en a été délibéré à la chambre du conseil,
en exécution du jugement d'hier vingt-un juillet; vu le procès, les con
clusions desdits sieurs Pierre-François et Gabriel-Barthélemy Delsol,
tendant à être reçus opposans au jugement rendu par défaut faute de
' plaider, le six août dernier, que faisant droit sur leur opposition, ledit
jugement fût déclaré nul et de nul effet, au principal la dame dO rcet
iut déclarée purement et simplement non reccvable dans sa demande, ou
en tous cas déboutée, sous^Ia réserve que font les sieurs Delsol, d exer
cer contre tous détenteurs des biens soumis au droit de retour les droits
et actions résullans de leurs qualités de transmissionnaires, ainsi qu’üa
�( 46 )
'
aviseront, et que la dame d’Orcet soit condamnée aux dépens ; vu les
conclusions de la dame d’O rcet, tendantes à ce que les sieurs Delsol fus
sent déboutés de l’opposition par eux formée par leur requête du vingt- ^
trois août dernier au jugement du six du même mois, qu’il fût ordonné
en conséquence que le susdit jugement seroit exécuté suivant sa forme
et teneur, et que lesdits sieurs Delsol fussent condamnés aux dépens ;
vu aussi les conclusions du sieur Desprats, tendantes à ce qu’il fût donné
acte des offres qu’il avoit toujours faites de payer le prix de son acquisi
tion, en , par la dame d’Orcet, lui donnant bonne et suffisante caution,
ou en faisant juger la validité de son paiement vis-à-vis des sieurs Delsol
ses frères ; en conséquence, et dans le cas où elle parviendroit à faire ju
ger par jugement en dernier ressort, que le droit de retour dont s’agit
e s t irrévocablement éteint, que lesdits sieurs Delsol fussent condamnés
aux dépens de la contestation, même vis-à-vis de lui Desprats; et au cas
contraire où le tribunal décideroit que le droit de retour peut s’ouvrir
encore en faveur des sieurs Delsol, en ce cas, que la dame d’Orcet fût
déclarée non recevable dans sa demande en paiement du prix du pré
de Cancour, qu’elle fût condamnée à restituer les six cents francs par
elle reçus, avec les intérêts légitimement dus, et en outre en six mille
francs de dommages-intérêts résultans de l’éviction, et en tous les dé
pens.
Dans le fait, en l’année i j 4° > 1° sieur Basile Delsol, procureur au
bailliage d’ A.uriüac, épousa la demoiselle Thomas; de ce mariage il
n’issut qu’une tille qui se maria avec le sieur de Vigier-d’Orcet -, dans leur
contrat de mariage, du deux juin 17G0, le sieur Delsol donna par dona
tion entre-vifs pure et simple, à la demoiselle Delsol, sa fille, par avan
cement d’hoirie, le domaine, terre et seigneurie du Claux, en quoi que
ladite terre'ct domaine du Claux puissent être et consister, aux mêmes
clauses, charges et conditions que le délaissement lui en sera fait, confor
mément à la demande qu’il en a formée aux requêtes du palais, et au
cas où ladite demande en délaissement desdits biens 11e lui seroit pas ad
jugée, ledit Delsol, pour dédommager sa fille dudit domaine et terre du
�( 47 )
Claux, lui donna et délaissa toutes les créances qui lui étaient dues par
lesdits biens en capital et accessoires; le sieur Delsol donna aussi par
même donation entre-vifs à ladite demoiselle Delsol sa fille la somme
de dix mille livres, qu’il paya comptant ; et à l’égard du surplus de ses
autres biens qui se trouveroient rester audit sieur Delsol lors de son dé
cès, il promit de n’instituer d’autre héritière que la demoiselle Delsol,
sa fille, sous la réserve de l’usufruit de tous les biens institués, et de pou
voir vendre et engagèr lesdits biens ainsi qu’il jugera à propos, tant en
la vie qu’à la m ort, et encore de disposer d’une somme de dix mille liv .,
et n’en disposant pas, la réserve tournera au profit de sadite fille; et au
cas où ladite demoiselle future épouse viendroit à décéder sans enfants,
ou ses enfants sans descendants, ou sans disposer valablement, ledit sieur
Delsol se réserva expressément le droit de réversion et retour, tant des
biens donnés que réservés, sans qu’il pût être dérogé par sa fille future
épouse audit droit de réversion par aucune disposition ni autres actes
à ce contraires. P ar le même contint, le sieur de Vigier oncle, pour et
au nom de la dame Moissier, usant du pouvoir donné à ladite dame par
le sieur de V ig ier, son mari, dans son contrat de mariage du onze
février 1722, nomma ledit sieur de Yigier futur c'poux, pour recueillir
l’efFet de ladonation de la moitié de tous ses biens par eux faite au profit
de celui de leurs enfans à naître qui seroit choisi par eux ou par le sur
vivant d’eux; et en vertu du pouvoir spécial porté en ladite procuration,
il donna à titre de donation entre-vifs audit sieur de Y igier, futur
époux, tout le surplus des biens, meubles et immeubles, présents et à
venir de ladite dame, et réserva à ladite dame Vigier la liberté de dispo
ser par acte entre-vifs ou à cause de mort d’ une somme de dix mille
livres à prendre sur les biens par elle donnés; se réserva pareillement,
ladite dame Yigier, (et pour elle ledit sieur procureur constitué), le retour
et réversion à elle et aux siens des biens par elle donnés audit sieur futur
époux, dans le cas où il viendroit à décéder sans enfants, ou ses enfants
sans descendants, ou sans avoir valablem ent dispose.
Ce ne fut que
plus de onze ans après le mariage <le sa fille que, le vingt octobre 1771,
le sieur Delsol en contracta un second avec la demoiselle Dubois. Dans
�( 48 )
ce secoud contrat de m ariage, les époux donnent la moitié de leurs biens à un des enfants à naître qui seroit choisi par eux ou par le survi
vant.— Le 11 juillet 1780, le sieur Delsol fit un testamentpar lequel,après
avoir légué mille livres à la dame d’Orcet, et soixante mille livres à cha
cun de ses trois enfants, il institua pour son héritier universel son fils
aîné du second lit, et, a son défaut, ses autres enfants par ordre dé primogéniture, voulant expressément que dans le cas où la dame d’Orcet
viendroit à mourir sans enfants, ouses enfants sans descendants, sonliéritier profitât du droit de retour par lui stipulé dans le contrat de mariage
de sa fille. — Ce testament fut déclaré nul pour vice de forme par sen
tence du bailliage d’Aurillac du vingt-neuf août 1782, laquelle ordonna
le partage de la succession du sieur Delsol, pour en être délaissé aux
enfants du second lit trois douzièmes pour leur,légitime de droit, et les
neuf autres douzièmes à la dame d’Orcet, en vertu de l’institution con
tractuelle. Ce partage fut ainsi exécuté. — Devenus majeurs, les sieurs
Delsol frères, tant eu leur nom que comme cohéritiers de Sophie, leur
sœur morte ab intestat, ont passé avec la dame d’O rcel, les dix ventôse
et vingt-trois germinal an neuf, deux actes séparés par lesquels les sieurs
Delsol, en approuvant le partage des immeubles de leur père, cédoient
à la dame d’Orcet le huitième revenant à chacun d’eux dans l’argent
comptant, le prix du mobilier, les créances perçues, et lçur part dans la
somme de dix mille livres portée par le contrat de mariage du deux juin
17G0, en quoi que le tout puisse êlre cl consister, sans autres réserves
que celles ci-après : (la dame d’Orcet demeure chargée des dettes de la
succession; au moyen de ce, les parties se tiennent respectivement quilles
du pas se jusqu ahuy, et promettent ne plus se rien demander l’une à
l’antre.)— Parmi les biens restés ¿1 la dame d’Orcel étoil une partie de
la montagne appelée de Broussette ; elle l’a vendue au sieur Delsol aîné,
par acle du vingt-huit fructidor an d ix, moyennant douze mille livres,
dont il a payé huit mille livres, et la dame d’Orcet l’a tcuu quitte des
quatre mille livres restantes, au moyen de ce qu’il a renoncé au quart
des créances à recouvrer. — Le sieur Delsol n’a vu aucun danger dans
cotte acquisition. — Le quinze avril 1806, la dame d’Orcet vendit au
�( 49 )
sieur Desprats un pré appelé de Cancour, lequel fait partie des biens
du sieu r Delsol. — Peu après a paru l'arrêt de la cour de cassation, du
onze frimaire an quatorze, qui a validé un droit de retour convention
nel et coutumier, auquel on \ouloit appliquer la loi suppressive .des
substitutions. Alors le sieur Desprats, craignant à tort d'être un jour
évincé de’ son acquisition, refusa d’en payer le prix; sur le commande
ment qui lui a été fait le onze juillet, il a répondu que le droit de retour
étant une stipulation conditionnelle qui passe aux héritiers, il avoit
juste sujet d’appréhender d’être troublé dans la propriété du pré de
Cancour, et de demander par conséquent à résoudre la vente, ou à re
tenir le prix, ou à payer sous caution. Ce refus obligea la dame d’Orcet
à se pourvoir en justice, et à demander contre le sieur Desprats la con
tinuation de ses poursuites, et contre les sieurs Delsol la nullité de la
clause. Cités au bureau de paix, l’aîné a répondu qu’il ne connoissoit
pas le contrat de mariage de sa sœ ur, qu’il ignoroit si son père avoit
stipulé un droit de retour, qu’en le supposant ainsi, il n’auroit qu’une
espérance. On a pre'tendu pour le cadet qu’il avoit changé son domi
cile à Paris, et sous ce prétexte on a éludé la clôture du procès-verbal
jusqu’au onze août. Assignés au tribun al, chacun d’eux a constitué
avoué, et après avoir tergiversé pendant plus de huit mois, ils ont de
mandé par des exceptions séparées à être mis hors de cause, s’agissant,
disoient-ils, d’un droit non ouvert. Dans cet état, la cause porlée à l’au
dience du cinq juin 1807, ^ intervint un jugement par défaut qui or
donna qu’ils défèndroient au fond. Ils ont fait signifier des défenses le
deux juillet, en protestant de se- pourvoir contre le jugement du cinq
juin. Quoiqu’ils eussent donné leurs moyens par écrit, les sieurs Delsol
n’ont pas voulu les plaider à l’audience. L e six août un second jugement
par défaut a déclaré nulle la clause du droit de retour, et a ordonné la
continuation des poursuites contre le sieur Desprats. Les sieurs Delsol
ont formé opposition à ce jugement, et ce n’est que le dix-neuf février
1808 qu’ils se sont enfin présentés à l’audience, où, sur plaidoiries res
pectives pendant quatre audiences, il a été ordonné une instruction par
écrit au rapport de M. Delzons., président.
n
�( 5o )
Dans le droit, la cause présente à ju ger,
i° Quels biens ont été, et pouvoient être compris dans la clause de re
tour réservée par le sieur Bazile Delsol dans le contrat de mariage de
la dame d’Orcet sa fille;
2° Si cette réserve étoit limitée à la personne du sieur Delsol, ou pouvoit êlre transmise à ses héritiers;
3 ° Si dans le cas de la transmissibilité, ce droit de retour ne se seroit
pas confondu dans la personne delà dame d’Orcet avec sa qualité d’héri
tière contractuelle de son père.
~
Sur la première question, attendu,
i° Q u e, conformément au Code civil, dans l’interprétation des con
ventions , on doit plutôt rechercher quelle a été la commune intention
des parties contractantes, que s’arrêter au sens littéral des termes j
que les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans celui qui
convient le plus à la matière du contrat ; que toutes les clauses des
conventions s’interprètent les unes par les autres, en donnant à cha
cune le sons qui résulte de l’acte entier; que, dans le doute, les con
ventions s*interprètent contre celui qui a stipulé, ou qui pouvoit faire
la loi ;
2° Que l’objet du droit de retour conventionnel est de faire rentrer
dans les cas prévus, dans le domaine du donateur, les choses par lui
données; que dès-lors, on ne peut le supposer ou l’admettre que dans
les conventions et cas où un donateur s’est dépouillé de sa propriété.
et peut ensuite la reprendre ;
• 3 ° Que le sieur Delsol ayant fait une donation entre-vifs à sa fille, et
l’ayant, par le mem^ o n tratv instituée son héritière universelle, il seroit
contradictoire et comrb la nMure d’une institution que la réserVe de re
tour par lui stipulée en même temps, s’appliquât, a u x biens quifaisoient
l’objet de cette institution, dont la propriété et toute disposition à titre
onéreux ne laissoient pas de rester en son p o uvoir, et dont il ne se dépouilloit pas ; qu’il seroit dès-lors ridicule de supposer qu’il songeoit à
faire rentrer dans scs mains cc qui n’en oorloit pas, cl ne pouvoit pas
en sortir'cie son vivan t;"
‘
!
"
’
�( 5 i )
i: 4 0lQ ue sens c^e t’actc entier , et l’intention' Lien connue des parties
étoit d’assurer , dès l’instant/à la dame d’Q rcct, à titre de donataire, et
tant en nue propriété' qu’ usufruit, une partie de la fortune de son père ,
et le surplus aprèsfsa m ort, sans cfue»la donataire pût cependant dispo
ser de rien, au préjudice de son père, clans les cas prévus par la clause
de rçUmr ; .
>
i
5 ° Qu’il s’ensuit» dès-lors que, quoiqu’on lise dans cette clause que le
sieur Delsol se réserve le droit de réversion et retou r, lailt des biens
donnés,que réservés, les principes ci-*dessus énoncés permettent d’au
tant moins de supposer que, par les mots de biens réservés, les parties
-avoient entendu les biens de l’institution, que peu de lignes aupàravant
elles les avoient désignés sous le nom de biens institués ; qu’il est plus
naturel do croire que les-mots biens r é s e r v é s ont échappé à l’inadver
tance du rédacteur; d’autant plus que toute la contexture de la partie
t du contrat de mariage, qui concerne les dispositions du sieur Delsol,
prouve que ce rédacteur avoit les notions les plus obscures sur la nature
et les effets des institutions contractuelles ;
6° Qu’il se peut encore (car toute conjecture est admissiblè dans l’in
terprétation d’une clause aussi extraordinaire) que, par retour des biens
• réservés ou institués, on ait voulu entendre la caducité de l’institution
en cas de prédécès de l’héritière instituée et de ses*enfants ;
70 Que s’il falloit donner quelque sens, quelques effets à la clause de
retour des biens réservés, y reconnoitre les biens de l'institution, et
supposer que le sieur Delsol vouloit les faire rentrer dans sa famille
après son décès et celui de sa fille ; cette clause contrariant évidem
ment la nature et les principes du droit de retour > ne'pouvoit être en
visagée que comme une charge de fidéicommis, comme une véritable
substitution dont il auroit voulu grever sa fille, et laquelle seroit abrogée
par les lois du quatorze novembre 1.792.
Sur la seconde question, attendu ,
• J'
■
■: ‘ ‘ 1
l ° Que quoique la majorité des auteurs, et plusieurs même très
estimables, aient lenu quVn général l'effet de la stipulation de retour
conventionnel, eu faveur du donateur, sans qu’il fût fait mention de se*
�...
( r' 2 )
.
.
héritiers, étoit transmissible à son héritier comme toute autre stipulation,
même conditionnelle, apposée dans les contrats ; quoiqu’il se trouve
même deux arrêts qui l’avoient ainsi jugé, tous s’accordent cependant à
dire, et la saine raison suffît pour prouver, que cette transmissibilité ne
peut avoir lieu lorsque la stipulation de retour a été limitee à la per
sonne du donateur ;
2o Que , dans l'espèce actuelle, cette limitation à la personne du sieur
Delsol rés'ulte évidemment, soit de la circonstance que la
V ig ie r^ mère du futur époux, lui faisant donation de tous biens, s’en
réserva le retour pour elle et le s s i e n s , tandis que le sieur Delsol ne le
re’serva que pour lui ; que cette différence remarquable dans les deux
clauses insérées dans le même a cte, d’ailleurs parfaitement semblables,
annonce clairement que les parties vouloient, quant à ce , leur donner
une étendue différente ;
3 ° Que celte différence dans la stipulation s’explique encore par la
.
circonstance importante que la dame de Vigier avoit plusieurs enfants,
pour lesquels sa sollicitude maternelle l’engageoit à conserver ses biens,
au lieu que le sieur Delsol n’avoit qu’une fille unique , et aucun proche
parent ;
/¡° Que la prohibition si entière, si absolue de disposer, que le sieur
Delsol imposoità sa fille, prouve encore qu’il ne stipuloit que pour lu i}
n’étant pas présumable qu’il mît sa fille dans un tel état d’interdiction
e n f a v e u r d e p a r e n t s é lo i g n é s , a v e c l e s q u e ls i l n ’a v o i t a u c u n e s r e la
ti o n s , q u e le s p a r t ie s m ê m e n e c o n n a i s s a ie n t p a s , a in s i q u e l a d a m e
d ’O r c e t l’a p l u s i e u r s j Ois d i t e t é c r i t , s a n s q u e le f a i t a i t é t é d é s a
voué ;
.
.
5 ° Que celte limitation résulte sur-tout de la circonstance que le sieur
Delsol, après avoir fait à sa fille une donation entre-vifs , l’instiluànt en
même temps son héritière universelle, il seroit absurde de supposer
qu’il eût fait et voulu faire contre cette heriliere une reserve qui ne devoit et ne pouvoit profiter qu’à elle-même , puisqu’en admettant le sys
tème de transmissibilité du droit de retou r, cette transmission n’auroit
pu avoir lieu qu’en faveur de celte même héritière.
)
�C 53 )
Sur la troisième question , attendu ,
i» Comme il vient d’être d it, que l’action résultante d’une réserve
de retour, même indéGnie, ne pouvoit profiter qu’aux héritiers comme
faisant partie des actions héréditaires ;
.
20 Q ue, dans l’espèce, la dame Dorcet, étant seule héritière univer
selle, forme un véritable héritier qui ne diffère que de nom de l’héritier
testamentaire, quant à l’universalité du titre; que cette institution met
l’institué à la place des héritiers du sang, et le cas avenant, le saisit de
tous les droits de l’hérédité ;
3 ° Que les autres enfants même de l’instituant, suivant les principes
univèrsellement reçus lors du décès du sieur Delsol, perdoient par FefFet
de cette institution la qualité d’héritiers et ne conscrvoient qu’uu simple
droit à une portion des biens à titre de légitime ;
4 ° Que dès-lors la réserve de retour transmissible, quoique dirigée
contre un héritier institué, (s’il étoit possible de la présum er), se seroit
confondue avec l'effet de l’institution par le concours de deux qualités
de donataire grevée de retour, et d’héritière seule appelée à en proGter.
L e T R IB U N A L déboute les sieurs Jean-François et Gabriel-Barthélemy Delsol de l’opposition par eux formée au jugement par défaut faute
do plaider, du six août 1807, ordonné que ce jugement sera exécuté
selon sa forme et teneur; en conséquence, déclare personnelle au sieur
Delsol père, et caduque par son prédécès, la stipulation de retour par
lui réservée dans le contrat de mariage de la dame d’Orcet sa fille, or
donne que les poursuites commencées contre le sieur Desprats seront
continuées, en cas de refus ultérieur de sa part dè payer les termes du
prix.de la vente du pré de Cancour à proportion de leur échéance,
ainsi que des intérêts, tous dépens compensés entre toutes les parties,attendu la proximité des sieurs Delsol et dAmc d’Orcet, que les premiers
n ont pas provoqué l’instance, cl attendu que le sieur Desprats a pu avoir
jusqu’à un certain point un juste sujet de crainte sur la validité de son
acquisition et la sûreté de ses fonds j et sera, le présent jugement comme
fondé en titre, exécuté vis-à-vis le sieur Desprats , nonobstant cl sans
�( 54)
préjudice de l’appel, à la charge néanmoins par la dame d’Orcet de don
ner, en cas d’appel, bonne et suffisante caution>à concurrence des ca
pitaux exigibles. Fait et jugé au tribunal civil de première instance,
établi à Aurillac, chef-lieu de préfecture du département du Cantal , le
vingt-deux juillet mil huit cent huit, séants, messieurs Delzons prési
dent, membre de,la légion d’honnqurjjDelzorts et L aval, juges. Man
dons et ordqrçnons à tous huissiers sur ce requis de mettre le présent
jugement à exécution, à nos procureurs près les tribunaux de première
instance d’y tenir la m ain, à tous commandants çt officiers de la force
publiquo de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis. En
foi de quoi le présent jugement a été signé par le président et par le
greffier. Sign é à la m inute, monsieur D e lz o n s , président j et BrunoH ,
greffier. Pour copie conforme à l’expédition, sig n éL abro , avoué. ”
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PO U R le sieur René-Louis L IIÉ R IT IE R et consbrs, intimés ; (de 17670
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C O N T R E messire J o s e p h . marquis de M E S M E S .
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sieur Louis Lhéritier, par l e contrat de mariage de demoiselle MarieAlberline Racine, sa belle-nièce, avec le sieur marquis.de,Ravignan, du
18 mars 1 7 1 2 , a promis donner à la demoiselle, lors future épouse, la
somme de 3o,ooo liv ., qu’il lui a effectivement payée peu après; mais il a
été stipulé en même temps q u e l a d i t e s o m m e r e t o u r n e r o i t a u d i t s ie u r
L h é r i t i e r , d o n a t e u r , e n c a s d e d é c è s d e l a d e m o is e lle f u t u r e é p o u s e
s a n s e n f a n t s , e t e n c o r e e n c a s q u ’i l y e û t d e s e n f a n t s , e t q u ’ils v i n s
s e n t à d é c é d e r a v a n t d ’ê tr e p o u r v u s , o u a v a n t d ' a v o i r a tte in t l ’â g e
d e m a jo r i t é .
,
t
,
L a donataire n’avoit alors que vingt-trois ans et dem i, le donateur étoit
dans la soixantième année de son âge, et il avoit deux enfants mâles âgés
l’un de dix-sept ans et l’autre de treize (1). C’est donc évidemment pour
ses enfants et héritiers, encore plutôt que pour lui-même, qu’il stipuloit
cette réserve, dont il ne pouvoit pas se flatter de profiter personnelle
ment.
Quoi qu il en soit, le donateur est decede en i " 3o. Long-temps après,
et le 3o novembre 17C4, la demoiselle Racine, donataire, est décédée sans
avoir laissé d’enfants, ni de son premier mariage avec le sieur marquis de
Ravignan, ni de son second mariage avec le sieur comte de Darnpus.
En conséquence, les intimés, comme représentant le sieur Louis L hé( 1) Laine’ , conseiller au parlement, a s u r v é c u au donateur son père, dont il aliérilé. Il estaujourd hui représenté par les intimas, scs héritiers bénéficiaires, <jui sont en müne temps héritier»'
substitués du donateur leur oucle.
Delà trans
mission de*
stipulation!
Condition-
neiies , et
de celles du
retour tu
particulier
�( 5 6 )'
ritier, donateur, ont formé contre le sieur marquis de Musinés, dona
taire universel de la demoiselle Racine, veuve Dampus, et chargé à ce
titre de ses dettes antérieures au premier avril 1749» leur demande en
restitution des 5o,ooo liy. données par leur auteur, conformément à la ré
serve stipulée p arle contrat de 1712.
L a cause portée à l’audience du parc civil du Châtelet de Paris, il y est
intervenu le 29 juillet dernier, sur les plaidoiries respectives des parties
pendant cinq audiences, sentence par laquelle, attendu le décès de la
dem oiselle R a cin e, veuve D a m p u s, sans enfants j le marquis de
Mesmes, son donataire universel, est condamné à restituer aux intimés
les 3o,ooo liv. dont la réversion avoit été stipulée par leur auteur. C ’est
de celte sentence que le marquis de Mesmes est appelant. Il ne sera pas
difficile d’en établir le bien jugé.
A. cet effet, nous examinerons les principes généraux sur la transmis
sion de toutes stipulations conditionnelles ; les décisions des docteurs et
des lois sur la transmission .du retour conventionnel en particulier, et
l’état actuel d elà jurisprudence sur cette question.
P R E M I È R E
P A R T I E .
P rin cip es généraux sur la transmission de toutes stipula
tions conditionnelles.
\
.
Un seul mot suffît pour justifier la sentence dont est appel, c’est que
la condition sous laquelle le retour a été réservé, se trouve aujourd’hui
purifiée par le décès de la demoiselle Racine, donataire,«ans enfans.
Inutile d’opposer que le donateur est décédé avant l’événement de la
condition. Celte circonstance est des plus indifférentes, parccquc le re
tour a été stipule pour avoir lieu, non en cas de p réd é cè s, mais simple
ment en cas de décès de la donataire sans enfants : o r , cette condition se
trouve purifiée par 1 evenement.
Il est vrai que les héritiers du donateur n’ont pas été appelés nommé
ment à recucillii le profit du retour; mais les héritiers n’ont pas besoin
de la vocation de l’homme pour profiter des droits dont leur auteur est
�( *7 )
,
décédé saisi ; ils n’ont besoin que de celle de la loi qui les saisit de lous les
droits du défunt, qui les subroge à sa saisine en la continuant en leur per
sonne. En conséquence, il leur suffit que celui auquel ils succèdent ail été
vraiment saisi du droit qu’ils réclament, que ce droit ail fait partie de ses
biens. Or les actes entre-vifs, même conditionnels, saisissent Loujours à
l’instant même, sans attendre l'événement de la condition. Les actions qui
en résultent, quoique non encore ouvertes, sont in bonis du stipulant :
conlractus, ctsi condilionalis, tamen e x prevsenti vires accipit, dit
Vinnius. I n contractibus id tempus spectatur quo contrahim us, dit la
loi 78 , ff. de verb. oblig.
D e là , celte règle générale rebattue dans tous les livres élémentaires,
et notamment dans les Institutes, que les stipulations conditionnelles se
transmettent à l’héritier, quoique le stipulant soit décédé avant l’évèncment de la condition. E x s t i p u l a lio n e c o n d ilio n a li ta n tin n s p e s e s t d e b itu m i r i , e a m q u c i p s a tn s p e m in h œ r e d e m tr a n s m ittim u s s i p r ii/s
q u à m c o n d i t io e x s t e t , m o r s n o b is c o n t i n g a t , liv. 3 . t. iG. p. 4 - C ù m
q u is s u b a l i q u â c o n d itio n e s ti p u la tu s f u e r i t , p o s t e à e x is te n te c o n d i î i o n e , h œ r e s e ju s a g e r e p o t e s t , même liv. t. 20. p. i 5 .
En vain voudroit-on apporter quelqu’exceplion à cette règle; les lois
décident qu’on n’en doit admettre aucune : O E N E R A L I T E R s a n c im u s
O M N E M s t i p u l a t i o n e m s iv e in d a n d o , s iv e i n f a c i e n d o , s iv e m i x l a e x
d a n d o e t fa c ie n d o in v e n ia tu r , e t a d h œ re d e s e t c o n lr a h œ re d e s Ira n sm i t t i , S I V E SPECIALIS' H ÆREDUM F I A T MENTIO, SIVE NON:
jiv. i 3 . cod. d e c o n tr a h . e t c o m m . s tip u l.
En vain opposeroit-on que le stipulant qui n’a parlé que de lui-même,
qui n’a pas nommé ses héritiers, a entendu restreindre la stipulation à sa
personne ; la loi répond qiiela stipulation n’en est pas moins r é e l l e : p leriu n q u sen im , ul Pedius a it, persona p a clo Inseritur, non ut p ersonalc pactum f i a t , sed ut dem onslretur cum quo paclum faclum est,
liv. 7. p. Ulrum. 11’. de pactis.
P ou r tout dire en un inol, l’héritier n’a point à prouver que son auteur
a voulu stipuler pour lui. Il lui suilil qu’il n’y ait pas eu d’intenlion de
l’exclure. O r celte intention n’est pas à supposer lorsqu’elle 11’cst pas ex
'
8
�_
Traité
n. 65o.
.
( 58)
primée. C’est ¡1 ceux qui le prétendent exclus à prouver son exclusion :
Quamvis verum est qu od qui ex cip it, probare debet q u o d excipitur ;
attam en de ipso dum taxat, a tn o n de hcerede ejus convertisse petitor,
non qu i e x c ip itp r o b a r e debet ; liv. 9. II'. de prob. et preef.
Il en est autrement des dispositions (1) conditionnelles de l'homme ou
de la loi. Elles 11e se transincltent pas à l’héritier de l’appelé décédé avant
l’événement de la condition , ( et voila pourquoi le retour légal n’est pas
transmissible ) mais c’est pareeque les héritiers ne recueillent du chef de
leur auteur> et comme transmissionnaires, que les droits dont il est dé
cédé saisi : or les dispositions conditionnelles 11c saisissent qu'au moment
de leur ouverture. Jusque-là elles ne sont point m bonis de l’appelé.
Inutilement le testateur en auroit-il ordonné la transmission ; elle n’auroit pas lieu pour cela, dit R icard, pareeque le testateur ne peut pas donner à ses dispositions un effet rétroactif, que les lois leur refusent, ni
opérer une transmission qui n’est l’ouvrage que de la loi, et qui ne dérive
Xoalis de
pas de l’inlention de l’homme. Il est vrai qiie dans ce cas l’bérilier viendroil de son chef et en son nom, comme appelé lui-mênje en vertu de la
vocation expresse du testateur; mais il ne viendroit pas comme transmissionnaire, ce qui est bien différent à tous égards. Æ iu d e n im est trans-
sione™su m issioy et aliud est vocatio.
‘
■omnicnceSi donc la transmission a lieu pour les stipulations conditionnelles , et
ment.
. . .
.
.
1
non pour les dispositions, cela ne vient pas, comme 011 vo it, de la diffé
rence d’intention,, puisque l’intention même expresse est incapable d’opé
rer la transmission dans les dispositions conditionnelles ; il est évident
que c’est la saisine seule qui transmet, pareeque la transmission n’est
elle-même qu’une continuation de saisine.
L e sieur marquis de Mcsmes , dont les prétentions ne s’accordent pas
avec ces principes, fait tout son possible pour en éliuli;r l'application;
(1) I.a disposition proprement dite, par opposition aux stipulations, est un acte pur de la voloutë
qui se passe hors la présence, et sans la participation de celui (pii eu est 1 objet. Telles sont les dispo
sitions testamentaires. Telles- sont aussi les substitutions contenues dans 1rs acles entre-viCs, aux«juuls le substitutn’interviciit pas; car sil iutervenoitpour accepter, il scrrçit donataire couditionn<l, et l’acte seroit à son égard un pacte, uue convention, uu contrat, une stipulation, et non pas
une dispusltion..
'
�C *9 )
forcé de convenir que tous actes entre-vifs, purs et simples ou condition
nels, saisissent actuellement et nécessairement, il ne veut cependant pas
rcconnoître que la transmission en doive être la suite ; il aime mieux la
faire dériver de la présomption générale, qu’en stipulant pour nous,
nous sommes censés avoir parlé pour nos héritiers; puis, restreignant
celte présomption aux seuls contrats intéressés, il en conclut que la trans
mission des stipulations conditionnelles n’a pas lieu lorsqu’elles se rencon
trent dans les contrats bienfaisants.
Mais i° il est faux que les contrats intéressés soient les seuls dans les
quels le stipulant est censé avoir parlé pour scs héritiers ; la règle est
générale pour toute espèce de contrats, puisque les lois n’ont fait aucune
exception, puisqu’au contraire elles ont exclu toute exception par la gé
néralité et l’universalité absolue de leurs expressions. G e n e r a l i t e r
s a n c im u s O M N E M s t i p u l a t i o n e m ........... tr c in s m itli, s iv e s p e c ia lis h œ ~
r e d u m / i a t m e n t i o , s iv e n o n .
a° Le sens do la règle n’est pas précisément quo nous sommes pré
sumes avoir pensé à nos héritiers et ayants-cause, et avoir positivement
voulu stipuler pour eux ; car il est bien rare que les contractants y pensent,
positivement, et on ne présume pas ce qui arrive rarement. Le vrai sens
de la règle est seulement que le stipulant, qui n’a pas formellement res
treint la stipulation à sa personne, ne peut pas être supposé avoir voulu
exclure scs héritiers. Or celle présomption, nécessairement applicable à
toute espèce de stipulation, suffît toute seule, non pour en opérer la
transmission, car c’est la saisine seule qui l’opère , mais pour écarter les
obstacles qui pourroient l’arrêter ou la rendre inefficace.
Que le contrat soit intéressé ou bienfaisant, il n’importe (i). Puisque
(i) En matière de contrats, dit Ricard, la stipulation qui en fait le principal commerce oblige
dès-lors réciproquement les parties de l’accomplir au cas de la condition qui, à proprement parler^
ne passe que pour une restriction, pour le cas prévu par. les parties seulement, ei laisse au surplus la
convention pure et simple, de sorte que lechéance arrivant, la condition est cense'e comme non
écrite. Pour ce qui concerne le legs au contraire, la couilitiou en affecte tellement la disposition ct
la substance, qu’il ne subsiste absolument qu’avec e l l e ct que par elle ; de sorte que comme ce n ’est
p a s le titre de g ra tu it ou d ’onéreux qui p r o d u i t cette différence, mais la qualité de l acte, s ’il
est testam entaire, c’e st-à -d ire , s a n s stip u la tio n , et un p u r acte de la volonté d'une personne ,
�( 6° )
dans l’un et dans l’aulre la saisine y a lieu de plein droit, comme l’appe~
Jant en convient lui-m êm e, il faut bien qu’elle soit continuée dans la per
sonne des transmissionnaires. On ne peut pas les supposer exclus par le „
Stipulant,, lorsque celui-ci n’a pas prononcé leur exclusion;, o r , s’ils ne
sont pas cxclus, il est dans l’ordre des choses que, comme successeurs
universels ou singuliers du transmettant, ils succèdent à la saisine com
mencée en sa personne, comme à tous scs,autres droits, quand même il
n’auroit point du tout pensé à eux.
D’ailleurs on peut dire que tous ceux qui contractent, sans même qu’ils
aient jamais pensé à la transmission, ont cependant, du moins im p l i c i t e
m e n t et éminemment, une véritable intention de transmettre. En ofl'et,
quiconque stipule veut a v o i r , posséder, acquérir, en un mot ajouter ou
r é u n ir & son patrimoine ce qui fait l’ol»jet de sa stipulation, a d r e m j ' a m i l i a r e m r e s p i c i t , comme dit Yinnius; s’il ne stipule que conditionnelle
ment, il ne veut a v o ir que pour le cas de la condition., mais il veut a v o ir
pour ce cas-là en quelque temps que la condition puisse arriver : or, a v o ir
une chose, c’est incontestablement être en droit d’en jouir, faire et dis
poser comme de tous ses autres biens, de la vendre, de l’engager, delà
léguer, etc., et par conséquent de la, transmettre à sesayants-cause, à
plus forte raison à ses héritiers.
Ainsi quand même la transmission ne dériveroit que de l’intention detransmettre, comme cette intention se rencontre, non à la vérité e x p l i c i t e m e n t , mais du moins i m p l i c i t e m e n t et é m i n e m m e n t , dans toute
espèce de stipulation apposée à toute espèce de contrats , sans même que
ou s’i l est conventionnel et f a i t entre deux personnes, i l n ’y a pas de doute que les donations
suivies d’acceptation, p a rticip a n t à la nature de ces derniers actes, les conditions qui s’jr ren
contrent ont un effet rétroactij au jo u r de la do n a tio n , ainsi <[uc dans les autres contrats. El ail
leurs : si une donation sous condition estfa ite entre-vifs, quoique la condition u arrive qu’après
la mort du donataire, ses héritiers ne laisseront ¡¡as de. jo u ir du bénéfice de la donation, comme
ayant clé p a r f a i t e tiu moyen de ¡[effet rétro a c tif q u iT s f d onné à j a donation, du fo u r b u ’elle a
été passée; car, ajoute-t-il, uTn'cstpa's seulement la qualité de donation entre-vifs qui f a i t la
transmission au profit des héritiers du donataire, mais l ’effet rétro a ctif du droit et de !* posses
sion au jo u r du contrat. Traité des dispositions conditionnelles, chap. 5, § i , n. ao4. Tiaitc des
substitutions, chap. 4, partie première, u.. l4a et i44..
�( 61 )
le stipulant ait jamais pensé à scs héritiers; il seroit toujours vrai de dire,
d’après les lois, que les stipulations conditionnelles sont toutes transmissibles de leur nature, soit qu’elles se trouvent dans des contrats intéres
sés , soit qu’elles sc rencontrent dans des conlràts bienfaisants. II seroit
toujours vrai de dire que le transmissionnaire n’a rien à prouver, et que
c’est à celui qui prétend l’exclure à prouver son exclusion.
Nous convenons avec le sieur marquis de Mesmes que si la stipulation
étoit personnelle, la transmission n’auroit pas lieu en faveur des héritiers
du stipulant ; mais là personnalité ne se présume jamais. Pour la supposer
il f a u t ( dit M. Potlner en son Traité des obligations, t. i. p. 75 ) que
cela soit exp liq u é clairement dans la convention; et ainsi, ajoute-t-il,
de ce que la personne envers laquelle j e contracte qiieh/u engagement
est nommée p ar la convention, iln e s’ ensuit p as que Yintention des
parties ait été de restreindre à sa personne le droit qui en résulte ; on
doit penser au contraire qu’elle n’est nom m ée que p o u r marquer avec
qui la convention estfaites
Nous convenons encore avec Fontanella, qu’en fait de stipulations con
ditionnelles, lorsque la condition est perso’nnelle, c’est-à-dire de nature
à 11c pouvoir s’accomplir que dans la personne du stipulant, Quandà
apponitur irt personâ stipulatoris, la transmission ne peut y avoir lieu
qu’autant que le stipulant auroit lui-même recueilli l’objet de la stipula
tion par l’existence de la condition purifiée de son vivant; mais c’est parceque, comme il l’ajoute fort bien , la condition n’étant pas arrivée pendant
la vie du stipulant, son décès la rend impossible, et qu’ainsi il ne reste
plus d’espérance à transmettre. Ce cas n’est donc pas une exception à la
règle*générale du paragraphe E x conditionali, qui n’en reçoit aucune;
c’est seulement une espèce dans laquelle la règle du paragraphe ne peut
pas recevoir son application, pareeque le paragraphe, parlant de la trans
mission des stipulations conditionnelles, suppose que la condition puisse
encore arriver, quoiqu’après le décès du stipulant : or elle ne peut plus ,
arriver après son décès? si elle ne tlcvoil s’accomplir
en sa personne.
Pour appliquer à notre espèce le principe de Fontanella, il faudroit
prouver que la condition sous laquelle le retour a été stipulé ne pouvoit
�( 62 )
s’accomplir qu’en la personne du donateur el de son vivant; mais il n’en
est pas ainsi. L e fait du de'cès de la donataire sans enfants, qui fait la seule
condition du retour, pouvoit s’accomplir indifféremment du vivant du
donateur ou après son décès. Celte condition étoit absolument extrin
sèque à sa personne, pour nous servir des expressions de cet auteur, cl
dès-lors il est constant qu’elle n’a pas pu rendre la stipulation person
nelle.
Il est vrai que, suivant Iîicard et le journaliste des Audiences, les clauses
de retour doivent s’interpréter strictement; mais ils n’ont jamais conclu de
là qu’il fallût en empêcher la transmission. La seule conséquence qu’ils
aienttirée de ce principe est qu’il ne faut pas étendre ces sortes de clauses,
et qu’ainsi le retour étant stipulé pour le cas du décès du donataire sans
enfants, il ne falloit pas l’étendre au cas du décès de ses enfants sans
enfants.
O r, ce n’est pas donner de l’extension à une stipulation que de la sup
poser transmissible aux héritiers du stipulant. Cette transmissibilité est
une suite nécessaire de la saisine attachée à toute stipulation, et de l’in
tention à'avoir et acquérir quise rencontre dans tous les stipulants, lors
même qu’ils n’ont pas pensé à leurs héritiers ; car nous n’avons véritable
ment que ce que'nous pouvons leur transmettre.
Aussi, quoique dans le droit romain les stipulations proprement dites,
Solem nes verborum con cep lion es, fussent de droit étroit cl très-étroit,
quoiqu’on leur donnât le nom propre de contrats strictijuris, par oppo
sition aux contrats de bonne foi, quoiqu'on conséquence on les interpré
tât toujours en cas de doute contre le stipulant, quia debilitlegem aperhiis dicere contractm , ]a règle étoit cependant sans aucune exception
de les declarer transmissibles aux héritiers du stipulant, Gcncrahlcr sancimus om nem stipulalionem , etc.
>
Au contraire, les dispositions conditionnelles, qui cependant sont sus
ceptibles de l’interprétation la plus large, ne profitoient pas aux héritiers
de l’institué ou légataire décédé avant leur ouverture, à moins qu’ils n’y
fussent compris expressément; mais c’est pareeque la transmission dans
ce cas est impossible, comme nous l’avons observé déjà , à défaut de sai
\
�(63 )
sine préexistante. Dès-lors l’héritier de l’appelé ne pouvoit être admis à le
remplacer que par voie de vocation, comme appelé lui-même. Or la vo
cation doit être expresse et ne se supplée pas (à la différence de la trans
mission , qui est toujours de droit en cas de saisine préexistante), ¿ tliu d
est transmissio, et aliud est vacatio.
En deux m ots, toute stipulation conditionnelle est nécessairement
transmissible à l’héritier du stipulant, si la condition peut encore recevoir
son accomplissement, parcequ’au moyen de la saisine attacliée aux actes
entre-vifs, le droit qui en résulte a fait partie des biens du transmettant,
dès le temps même de l’acte. II n’est pas nécessaire pour cela de donner
à la clause aucune extension, pareeque c’est la loi seule, la force'de la sai
sine, et non pas l'intention positive de transmettre, qui opère la trans
mission. Il est vrai que la saisine elle-même dépend en quelque sorte de
l’intention du stipulant; mais c’est seulement en ce sens qu’elle ne s’ap
plique qu’aux droits que les parties ont eus en vue, et pour les cas qu’elles
ont exprimes. Du reste, une fois que la condition prévue par les parties
est arrivée, il devient constant que la saisine h eu lieu ab ini/io, et que la
transmission s’en est suivie, sans que les stipulants y aient seulement pensé.
Il ne pourroit y avoir de question que sur le point de savoir sous quelle
condition les parties ont entendu contracter,, si c’est seulement sous la
condition exprimée dans l’acte, ou si c’est encore sous la condition de la
survie du stipulant; mais pour suppléer cette seconde condition, lors
qu’elle n’est pas exprimée, il fuudroit ajouter à la lettre de la clause : or
c’est ce que la plus grande rigueur ne peut pas autoriser.
S E C O N D E P A R T I E .
Décisions des docteurs et des lois sur la transmission du
retour conventionnel en particulier.
Aussi Fontanclla décide-t-il affirmativement que le retour convention Uc pactiü
nel passe aux héritiers de celui qui l’a stipulé, quoique la condition du nuptialibus
clausula 4,
^ retour ne s’ac complisse qu’après son décès. E t quainvis non esset dietmn glossa ¿4,
n. a3 .
nisi quod reverlcrentur bona donata ad donatorem , nihilominiis
�( 64 )
..
reverti debuissent a d ejus hœ redem , ilio ante donatarium defuncto,
si posteà acfimpleretur co n d itio , quia contractus conditionalis trans_
mittitur a d hœ redes ; ex vulgan paragraphe), E æ con dilion a li.
Il s’objecte la loi Q u o d de pariter, ff. de rebus dubiis, qui paroit sup
poser le contraire ( i ) ; mais il re'pond avec Barlliole et les glossaleurs, qui
depuis ont été suivis par M* Potliier en ses Pandecles Jusliniennes, que
cette loi ne décide pas la question de retour dont il ne s’agissoit pas, mais
seulement une question de survie, savoir, qui des deux de la mère ou de
la fille, péries par incme accident, e'toitcenséô avoir survécu : Q u o d de
pariter mortuis tractavimus in aliis agitatimi est ut ecce, etc. ; qu’à la
vérité, la décision sur la question de survie présuppose le retour dont il
s’agissoit non transmissible, mais qu’apparemment le stipulant avoit ex
prim é, comme seconde condition du retour, l’événement de sa survie, et
que le jurisconsulte aura négligé de rapporter cette circonstance, parcequ’elle n’étoitpas relative à la question principale, ainsi que cela se voit
fréquemment dans les lois du Digeste et du Code.
Cette interprétation lui paroît d’autant plus nécessaire, que sans cela la
loi Q u o d d e p a r i t e r contrediroit manifestement la disposition absolue et
impérative du paragraphe E x c o n d i t i o n a l i , sur la transmission de toute
espèce de stipulation conditionnelle, et les décisions des lois Caius et A v ia
( dont il sera parlé tout-à-l’heurc), sur la transmission du retour en par
ticulier.
”
Il est vrai que Paul de Castres, Covarruvias etMcnocliius ont pris la loi
Q u o d de pariter dans un sens tout différent. Ils en ont conclu que la sti
pulation du retour de la dot pour le cas du décès du mari ou de la femme
pendant le mariage renfermoit tacitement la condition de la survie du
stipulant: habet ista stipulatio tacitam conditionem , si stipulalor sup erv ixerit; mais ils sont obligés de convenir en iniine temps que cette
(i) Quod de pariter mortuis tractavimus in aliis agitatum est ut ecce: Si mater stipulata est dotem
à marito mortuà filid in m atrim onio sibi reddi, et simul cùm filia periit, an ad hærcdem malris
actio ex stipulata competeret ? et divus Pius rescripsit non esse commissam stipulationem , quia
mater filiæ non supervixit : itom quaeritur si extraueus qui dotem stipulatila est, simul cuin marito •
decesserit, vel cum eà propter <|iiam stipulatili esset, an adhæredera actio competerei?
�( <35 )
décision qu’ils supposent à la loi Q u o d de p a rile r est singulière et sans
exemple : Casus est singularis in istâ lege , d it Paul de Castres, nec recordor alibi h oc vid isse : encore du moins, ajoute-t-il, lorsque le retour
est poûrlivoir~Tieu dans le cas du décès du mari p en d a n t le m a ria g e, i^
semble que la faveur des mariages futurs peut faire préférer la donataire
survivante aux héritiers du donateur, afin qu’elle ait une dot pour se
rem arier, ce qui est de l’intérêt public. I n hoc m ajor ratio quant in
p r im o , scih cetfa vo re dolis u t e x ed m u lie rp o ssit iterinn nubere. Mais
lorsque le retour est stipulé pour le cas du d éc è s d eîaT e mine p en d a n t le
m a n a g e, il n’y a pas même raison de faveur (à moins que ce ne soit pour
favoriser le second mariage du mari survivant ) ; se d in p rim o casu
non sic.
Si nonobstant ces raisons pérem ptoires, Paul de Castres et ses secta
teurs ont persisté dans leur interprétation, il ne faut pas croire qu’ils aient
entendu pour cela se départir des décisions d u paragraphe E x condition a li et des lois Caius et A v ia . Ils conviennent qu’en général le retour
conventionnel est transmissible comme toute autre stipulation condition
nelle; seulement ils en exceptent le cas particulier qu’ils supposent dans
la loi Q uod de p a r ile r, c’est-à-dire, celui où le retour a été stipulé pour
avoir lieu, m ortu â f d lâ i n m A T R I MON 10 , ou m ortuo IN M A T R I
m o n i o m an to; de sorte que lorsque le retour est stipulé sous toute autre
condition que celle du décès du mari ou de la femme p en d a n t le ma~
n a g e , i n m a t r i m o n i o ; lorsque, par exemple, comme dans notre
espèce, il est réservé pour le cas du décès de la femme non précisém ent
p e n d a n t le m ariage, mais en général po u r le cas' de son décès sans en
fants, pendant le mariage ou en viduité, alors, suivant les mêmes doc
teurs, les principes reprennent leur em pire, la transmission du retour
s’opère de plein d ro it, on ne sous-entend plus la condition de la survie du
donateur, et l’on suit sans difficulté les règles générales sur la transmission
des stipulations conditionnelles, et notam m ent les décisions des lois Caius
et A v ia .
Celte doctrine se trouve fort bien explique'e p ar Pierre Barbosa, chan
celier de P ortugal, l’un des principaux sectateurs de Paul de Castres. C’est.
0
�( ^6 )
sur la loi C a i u s , if. s o lu lo m a l r i m o n i o , versiculo q u o d c ù m ita . Après
avoir conclu de celle loi et de la loi ¿ d v ia , codicc d e j u r e d o t i w n , que
le retour conventionnel est transmissible, il s’objecte la loi Q u o d d e p a r ite r , qu’il entend dans le même sens que Paul de Castres, Covnrruvias
et Menoehius ; mais il y répond en disant que celle loi n’a lieu que pour
le cas particulier dont il y est parlé, lorsque le retour doit avoir lieu m o r t u â i n M A T n i M O N i o J iltâ . N e g u e o b s t a t d ic t a l e x Quod de pariler,
q u ia l o q u ï t u r q u a n d o q u is s t i p u l a t u r d o te m s ib i r e d d i , m o r t u â
IN
M A X R I M O N I O f i l i d ; n a m tu n e t a c i t a s u b in te llig ilu r c o n d itio s u p e r v i v e n t i œ , u t ib l t r a d u n t d o c t o r e s ; s e d s i g e n e r a l i t e r c o n c e p t a s i t s t i p u
la tio n p r o c e d e r e t i d q u o d s e n t i t is t e x l u s c u m s im ilib u s .
Ainsi la loi Q u o d d e p a r i t e r , de quelque manière qu’on veuille l’en
tendre, est sans application a noire espece ; car il ne s’agit pas dans la
cause deTetour stipulé pour avoir lieu, m o r t u d i n m a t r i m o n i o f i l i â .
D’ailleurs le mari ne gagnant plus la dot par sa survie, comme dans l’an
cien droit, la faveur de son mariage Futur ne milite plus contre les héri
tiers du donateur, et l’intérêt public n’est plus compromis par la trans
mission. En vain diroit-on que le mari survivant profite encore aujour
d’hui, à cause delà communauté, de la moitié de la somme constituée en
dot à sa femme. Il faudroit au moins que la somme n’eût pas été stipulée •
propre de communauté : or, dans l’espèce de la cause, les 3o,ooo liv. don
nées par le sieur Lhérilier ont été stipulées propres.
Il n’en est pas des lois C a iu s et A v i a , comme de la loi Q u o d d e p a r i
le r . Elles sont toutes deux très précises pour la question qui nous divise.
Dans la première ( i ) , il s’agissoit d’une dot donnée au mari par l’aïeul
(i) Caius Se'i'iis avus maternus Sei® uepti <jusberat in patris potestate, certam pecunUe quantitàtem dotti nomine Lucio Tilio marito dedit, et instrumento dolali tjusinodi pacumi et stipulalio—
nem complexus est,si iuler Titium Luciuminaritum eiSeiam divortium sineculpù mulieris factum
esset, dos omnis uxori vel Caio Seì'o avo materno redderetur reslituereturque. Quaeio, cùm Seius
avus maternus statini vità defuncti!» sii, et Seia posteà sine culpà suà diverter.t, vivo patre suo
in cujus potestate est, an et cui actio ex hoc pacto et slipulalione compelat, et utrum ha=redi av
materni ex stipulatu, ali nepti? Respondí in persona quidem neptis viileri inutiliter sti}.ulationetn
esse couceptam, quoniain avus maternus ei stipulatila propomtur ; quod cùm ita est, hxredi stipulatoris, quandocunaque direrterit mulier, acùo competere videtur-
�( 67 )
nialerncl de la femme, et par celui-ci slipule'e re'versible au profit de la
femme, oy de lui donateur, en cas de divorce san? la faute de la femme.
L e divorce arriva, mais le donateur qui s’étoit réservé le retour (du moins
en icco n d ) étoit prédécédé!; nonobstant ce prédécès, le jurisconsulte
(supposant nulle la stipulation faite en premier au profit de la femme ,
quia nem o a lteri stipulavip o te s t) décide que les héritiers du donateur
doivent profiter du retour en qualité de tra:ismissio.inaires, comme auroit pu faire le donateur lui-menie. Q u o d c ù m ita e st, hœ redi stip u la to n s , quandocum que diverterit millier, actio com pelere videtu r.
La loi A v ia n’est pas moins expresse. La question étoit desavoir si le
retour de la dot, n’ayant été réservé que par un simple pacte, et non par
une stipulation en forme, il étoit transmissible aux héritiers du donateur.
L ’empereur répond qu’il faut distinguer si la dot, dont le retour a été
réservé par le pacte est une dot profeclicc, (c ’est-à-dire donnée par celui
qui a la puissance paternelle) ou si elle est adventice. Lorsqu’elle est profectice, c o m m e en ce cas le donateur est assuré du retour légal qui n’est
pas transmissible, on suppose qu'il s’en est contenté, et que c’est pour
cela qu’il n’a pas eu recours à une stipulation en forme; mais lorsque la
dot est adventice, telle que celle donnée par les étrangers ou les ascen
dants maternels qui ne peuvent pas prétendre le retour légal, alors le re
tour qui en a été réservé par un simple pacte est transmissible aux héri
tiers du donateur. A v ia tua eo n im quee p ro J iliâ tua in dotera d é d itt
etsiverb o ru m obligatio non intercessit, aclionem e x fid e convcntionis
a d te, s i hœres ex titisti, tran sm itiere p o tu it , nec enirrTëadem causa
est patris e t m a tn s paciscentium ; q u ippe m atris p a c tu m actionem
•prœscriptis verbis con stitu it; p a tr is , dotis actionem conventione simp lic i m inim e creditu r innovare.
Quelque claires que soient ces deux lois, il s’est cependant trouvé
un docteur (i) q u i, pour les concilier avec la décision attribuée par Paul
de Castres et autres à la loi Q u o d de p a r ite r , a essayé de leur donner une
autre interprétation. Par exemple, il suppose que dans 1espèce de la loi
(i) Barthélemi Socin, sur la loi Quod de pariter.
�( 68 )
A v ia , la donatrice avoit survécu à l’ouverture du retour qu’elle s’étoit
réservé, et par rapport à la loi Caius , il prétend que cVst la stipulation
expresse faite en premier au profit de la femme mariée qui a fait présu
mer de la part du dotateur (pour le retour stipulé ensuite à son profit )
une dérogation à la disposition prétendue de la loi Q u od de pariter ;
mais cette double solution se réfute d’ellc-même. En effet, pour ce qui
est de la première, il est sensible que si la donatrice avoit survécu, il n’y
.auroit pas eu de distinction a faire entre le pacte de l’ascendant maternel
et celui du père, pour déclarer le premier transmissible, et non pas l’autre :
tous les deux auroient été également transmissibles, puisque le retour
même légal se transmet, lorsqu’une fois il a été acquis au père par sa sur
vie. A l’égard do la loi C a ius, il n’est pas possible de concevoir que la
circonstance de la stipulation expresse de retour faite en premier au profit
de la femme ait pu influer aucunement sur la transmissibilité de celle
faite en second par le dotateur au profit de lui-même ; il est évident que
la décision de là loi auroit été la même, quand cette circonstance ne s’y
seroit pas trouvée.
Aussi cet auteur finit-il par reconnoîlre que ces solutions sont plus sub
tiles que solides, et qu’il faudroit bien se garder de les suivre dans la pra
tique, dans les jugements : cogita lam en quia pulchra est conclasio ,
N O N T A M E N F O R T E I N J U D I C A N D O ESSET A B A L I A O P I N I O N E
RECEDENDUM.
E t effectivement, comme il le dit fort bien au même endroit, si ce
n’étoit le double sens dont la loi Q uoil de pariter paroît susceptible , il
n’y auroit pas un seul docteur dans tout,le monde entier qui n’opinât pour
la transmission du-retour conventionnel dans tous les cas. N o n esset
doctor in Jiiundo quiconlrarium non consuleret, si non vidissct tslutn
textum .
T R O I S I È M E
P A R T I E .
E x a m e n de la Jurisprudence*
1° Suivant Papon, au titre des Donations, art. 38 , il a été jugé que
la rétention fa ite p a r un d o n a te u r q u e si le donataire meurt sans en-
�(
).
J a n ts , la chose donnée retournera au don ateu r sans fa ir e m ention
d ë fsie n s, est réelle'et non p e rso n n e lle , p a r ain si transm issible à l ’he- *
ritier du donateur, s’il se trouve m o r t, lorsque la con dition d 'ic d ltT
rétention a dvient.
2° M. Maynard, 1. 8. c. 33. rapporte que par sentence de la sénéehausse'e de Lauserre, le retour stipulé par un oncle donateur au pays de Querci,
pour le cas du décès de son neveu donataire sans enfants, ledit cas étant
arrivé, quoiqu'après le décès du donateur, fut ju^é transmissible aux
héritiers du donateur, n o n o bstan t le défau t de ce m o t sien ou a ulrs.
e’quipolent.
...»
3 ° Le même M. Maynard rapporte que sur l'appel du cette sentence
par arrêt rendu à son rapport, au mois de janvier 1574-j coniirmalil de
la sentence, le retour fut adjugé aux héritiers du donateur.
4° Fonlanella nous assure que la même chose a été jugée contre lui même, le 10 avril 1G09, par le consistoire de la principauté de Catalogne.
Conatus f u i defendere q u o d non p o tera n t ( dotem vindicare hærcdcs
donatoris præmorlui) fu n dans intentionem in dispositione legis Quod de
pariter, et eorum quee super ea dicunt superius allegati de subintelligen tid cotulilionis superviventiœ , se d non p o tu i oblinere; im o d ecla - _
ra tum fu it expresse sub die 10 y lp r d is anno 1G09, itifa vo rem hœ redum ; et cela pareequ’il n’y avoit pas de preuve que le donateur eût
limité le retour au cas de sa survie, su m en do expresse m otivum qu od
non con staret con ceptam fu isse stipulationem respectu reversionis a d
donatorem , siisJilice su pervixisset, ac p ro in d è regulando eum casum
ex dispositione p a ra g ra p h i E x conditionali sim pliciter conceden/i
transm issionem a d h œ redes, qu ando non aclest expressa conditio
superviventiœ.
*
5° La même chose a encore étédécide'e
présente par Mes
d a n s
l ’ e s p è c e
Blaru, Normand, L e Clerc de Yeaudonne et Guéaux deRevcrsoaux, com
missaires nommés par le conseil pour juger les contestations relatives a la
succession du sieur JLhéritier donateur. E11 effet, par leur arrêt de partage,
ils ont réservé aux parties, par un acte séparé, l’espérance du retour sti
pulé par le sieur Lhéritier en ces ternies : les parties on t encore l’espé
ran ce, le cas arrivant, de la réversion de la som m e de
3qqoo
livres
'
�( 7°*)
donnée en dot p a r le sieur Lhéritier père à m adam e la marquise de
R a vig na n , sa ( b e l l e ) nièce.
6° Enfin la sentence dont,eSt appel, rendue sur les plaidoiries solen
nelles des parties pendant cinq audiences, a jugé en faveur des héritiers
du donateur, sur le fondement que la condition exprimée p arle dona
teur pour donner lieu au retour s’étoit. vérifiée : attendu le décès de la.
dem oiselle R a c in e , veu ve D a m p u s, sans enfants.
L e marquis de Mesmes auroit bien voulu pouvoir opposer à cette suite
de décisions quelques décisions contraires capables de les balancer. Mais
quelques recherches qu’il ait pu faire, il ne lui a pas été possible d’en
produire une seule; en vain excipe-t-il de l’arrêt rapporté par Mornac ^
au titre de dote profectilia. Il y étoit question du retour d’une dot cons
tituée par mi père naturel a sa fille bâtarde, et par conséquent profeclice,
comme le dit Mornac lui-même et comme le prouve fort bien H cnrys,
]. G. c. 5 . part. 3o, où il e'tablit que le retour légal a lieu au profit du père
naturel pour la dot par lui constituée, comme étant censée prqfectice ,
à cause de l’obligation où il est de doter; or il ne s’agit point ici d’une
dot profeclice.
D’ailleurs, si l’on examine bien l’espèce de l’arrêt de Mornac, on verra
qu’il n’est pas même précis pour le cas de la dot profeclice. En effet, Moi'nac dit lui-même que le retour avoit été stipulé seulement pour le cas du
décès de la fille sans enfants. O r, la fille n’éloit pas décédée sans enfants,
puisque scs enfants lui avoient survécu. D ecesserat presbyter POST e a q u e s p v r i a A C L I BE RT . Il est vrai que les enfants étoient dé
cédés sans enfants, et c’est apparemment sous ce prétexte que les héri
tiers du jirêtre dotateur revendiquoient la d ot, en étendant la condition
du décès sans enfants , au cas du décès, et des enfants sans enfants.
M a i s c o m m e l’ont fort bien observé Ricard etle Journaliste des Audiences,
les stipulations en général et celles de retour en particulier étant de droit
étroit, ne doivent pas être étendues d’un cas à un autre. Dès-lors, on ne
pouvoit pas adjuger le retour aux héritiers du prêtre dotalcur. Lui-même
auroit été exclus à défaut d’événement de la condition prévue (i).
(i) Ageliatur de lVcsbytcro qui cùra donaret filiæ sjmriæ 3oo aureos iudotem, conditioner
�( 7/ )
Si des jugements nous passons au suffrage des auteurs français, nous
v e rro n s que la question y est toujours décidée uniforme'ment en faveur
des transmissionnaires, notamment lorsque la donation est faite par au
tres que les ascendants (comme par exemple par un bel-oncle), notam
ment lorsque le donateur, étant plus âgé que le donataire, a cependant
prévu non seulement le décès du donataire sans enfants, mais encore le
deces de ses enfants sans enfants ou avant leur majorité.
L a réversion conventionnelle, dit Le Brun, traité des Successions,
]. i. c . 5 . sect. 2, passe a nos héritiers si nous ne l’avons limitée, ce qui
se f a it quelquefois, en ne la stipulant qu’au cas du prédécès du do
nataire ; mais quand nous Vavons stipulée simplement au cas du dé
cès du d onataire sans enfants, alors nous avons parlé pour nos hé
ritiers ou ayants-cause.
Quant a la réversion co nventionnelle , dit Lacom be, au mol Réver
sion , elle ne concerne vas m oins les héritiers du d onateur qui l’a sti
p ulée , que sa personne m ême. N am plerum que ta/n hœredibus nostris quant nobismelipsis cavemus, 1. 9. de Prob. s lin s i si un ascendant
fa it donation à son fils ou à sa f i lle , « condition de réversion, si le
donateur meurt sans e n f a n t l e s choses données passent a u x héri
tiers du donateur p rédécédé, si elle n’a été limitée.
L e retour conventionnel, dit 1auteur de la nouvelle collection de Ju
risprudence, au mot Retour, n’a d ’autres règles que celles de la con
vention............. et com m e les conventions passent in hæredes et ad
hæredes, il s’ ensuit que si le donateur prédécède, la réversion doit
appartenir à ses héritiers qui le représentent, lorsque la condition
sous laquelle elle est stipulée est arrivée, à moins que la réversion
n’eût été stipulée personnelle, et qu’elle n’ ait étélim iléepar des clauses
qui l’em pêchent d’être transmise a u x héritiers.
Domat, en son traité des Lois Civiles sur le Retour, après a vo ir décidé,
illam tabuli3 n u p t i a l i b u s adjecerat (si sine l i b e r i s filia d e c e s s e r i t , dos a d se reverterctur) nullà factà
mentionc hæreduin. Suscepti crani liberi ex eo matrimonio q u i b u s superstilibus decesserai Presby
ter, pusteàque spuria ac i i i e r F i ^ î û n l liæredis PresbyterTdolem illam u tprofeciitiam ex clau»«14 reversionis.... à petitione sui suromoli sunt.
1
�( 72 )
conimc tous les auteurs ci-dessus cités, qu’en général le retour stipulé
par un ascendant ou tout aulre donateur doit se régler comme les autres
conventions, et non à l’inslar du retour lég a l, ajoute que cela est encore
p lu s ju s te p o u r les donateurs autres que les ascendants. La raison
qu’il en donne est que les donateurs étrangers (tel qu’éLoit le sieur Lhéritier par rapport à la demoiselle Racine, sa belle-nièce ), n’ayant pas la
même affection pour la famille de leurs donataires, on présume encore
plus aisément d’eux que des ascendants, qu’ils ont voulu préférer leurs
propres héritiers a la famille de celui contre lequel ils ont stipulé le re
tour.
Enfin, suivantIlem js, quoiqu’en général le donateur, même ascendant,
qui se réserve le retour soit censé le faire tant pour lui que pour ses
héritiers, cette présomption légale devient bien plus forte encore, lors
que, comme dans notre espèce, il a prévu non seulement le décès du do
nataire sans enfants, mais encore le décès de scs enfants avant leur ma
jorité. E n effet, dit-il, quoique le p ère su rv iv a n t, l’ordre de la nature
en so it tro u b lé, c’est p o u rta n t chose a ssez co m m u n e, m ais qiCun
père pen se .survivre a sa fille e t au x enfants qu’elle p e u t laisser, qu'il
étende si loin sa p e n sé e , c’est ce qu’on y,e p e u t p a s présum er. D o n c ,
ajoute-t-il, qu an d le p ère a stip u lé que la d o t sero it réversible, s i sa f ille
décédoit sans enfants ou scs enfants sans enfan ts, il ne s ’est p as
p ersu a d é que to u t cela p û t arriver lui' viva n t, et p a r con séqu en t il a
bien entendu q ue cette stipu lation f û t aussi bien profitable à ses héri
tiers qu’à lu i-m êm e, au trem ent il n’au roit p a s eu une visée s i longue,
et s’il n’avoît cru que de stipu ler le retour p o u r lu i, il en au roit res
treint la condition e lle s term es, l i s e sero ït contenté d é p o r te r dît p r é
décès de sa fille sans enfanU, et il n’auroit p a s ajo u té et de scs enfants
sans eiifail
L e marquis de Mcsmes oppose à ces autorités le sentiment de Bouclieuil, de Bretonnier sur Henrys, et de M°. L aR ouvière; mais Boucheuil
ne se décide que d’après l’arrêt de Mornac, qui, comme nous l’avons vu,
n’a pas de rapport à l’espèce. Bretonnier se décide sans donner aucune
raison de son avis; ainsi on ne peut pas deviner quel a été son motif:
�(
)
d’ailleurs, l’espèce sur laquelle il donne son avis, qui est celle de Henrys,
est bien différente de la nôtre, où le donateur est un bel-onclc, et par
conséquent un étranger; au lieu que dans l’espèce de H enrys, c’est un
père assuré du retour légal de la dot profeclice par lui donnée. Par rap
port à Me. La Rouvière, il ne c^evroit plus être nommé dans cette cause,
d’après les preuves qui ont été administrées au châtelet, que cet auteur
n’a pas connu les premiers principes ‘delâTm aüère, et qu’il n’a pas en
tendu les docteurs par lui cités.
*
CONCLUSION.
Nous ne croyons pas qu’il reste la moindre difficulté dans cette cause;
car il ne faut pas regarder comme telle l’opinion isolée de deux auteurs
induits en erreur par des autorités mal entendues. C ’est toujours aux
principes qu’il en faut revenir. O r, les principes élémentaires du d ro it,
ceux dont n o u s avons été rebattus dans les écoles, et qui retentissent
j o u r n e l l e m e n t dans les tribunaux, sont que les stipulations condition
nelles se transmettent à l’héritier du stipulant, nonobstant le prédécès de
celui-ci, que les actes entre-vifs, même conditionnels, opèrent la saisine
in instanti, que les conditions y ont un effet rétroactif, que, suivant la
règle le m ort saisit le v i f les héritiers succèdent à tous les droits dont
leur auteur est décédé saisi, qu’ils n’en pourroient être privés que par
une volonté expresse du stipulant qui auroit formellement restreint la
stipulation à sa personne, que c’est à celui qui les prétend exclus à prou
ver leur exclusion, que les conventions sont toujours censées réelles, que
la personnalité ne s’y suppose jam ais, qu’elle doit être prouvée par des
expressions qui la nécessitent, etc.
L e marquis de Mesmes ne doit pas se flatter que la cour déroge en sa
faveur à ces principes consacrés par l’antiquité la plus respectable, adop
tés par toutes les nations policées et qùi' font une partie essentielle de la
législation universelle et du droit des gens.
11
En vain voudroit-il en éluder l’application par des distinctions imagi
naires; l’esprit actuel de notre jurisprudence est de prévenir, autant qu’il
est possiblej toute incertitude dans les jugements, en n’admettant que
10
�C 74 )
des principes clairs, et en rejetant toutes les distinctions arbitraires que
ia subtilité des docteurs avoit multipliées à l’infini. Ce seroit aller directe
ment contre cet esprit, et nous rejeter dans le chaos affreux d’incertitude,
dont la bonté du prince et la sagesse de la cour travaillent tous les jours
à nous retirer, que d'admettre les distinctions imaginées par le marquis
de Mesmes pour le besoin de sa cause.
Les principes ne doivent être limités que par des exceptions aussi clai
rement établies et aussi notoires que le principe même. Telle est, par
exem ple, l’exception qu’ une jurisprudence constante, uniforme et ayant
force de loi a établie pour le cas précis de la stipulation de reprise de l’ap
port èn communauté p arla femme renonçante. L a personnalité de cette
stipulation (unique dans son espèce, comme l’observe M c. P otliier, en
son traité des Obligations , à l'endroit déjà cité) est aussi notoire que la
réalité de toutes les autres; et en conséquence, il n ’y a ja m a is de diffi
culté lorsque le cas de cette exception se présente. Il n’en est pas de
même de celle qu’imagine aujourd’hui le marquis de Mesmes. Elle n est
autorisée par aucune lo i, aucun usage. E n vain voudroit-on l’assimiler à
la première. L a différence est des plus frappantes.
En effet, la stipulation de reprise de l’apport en communauté est con
traire à toutes les règles de l’égalité, qui fait l’ame des sociétés. Elle change
la société des conjoints en une véritable société léonine, où la femme
est assurée des profits sans courir aucuns risques ; en conséquence une
stipulation pareille seroit proscrite dans une société ordinaire, comme
contraire au droit naturel. Si elle est tolérée dans la société conjugale,
c’est uniquement à cause de la grande faveur des contrats de mariage,
qui autorise toute espèce de clause, lorsqu’elle ne va pas jusqu’à offenser
les bonnes mœurs ; au contraire la stipulation de retour ne r e n f e r m e rien
que de très conforme aux premiers principes du droit d es gens, étant
permis à tout donateur. 4’imposer à sa libéralité telle charge qu’il juge.à
propos. Dès-lors on ne doit pas être surpris que la jurisprudence des
arrêts ait déclaré la première stipulation personnelle, et non pas l’autre.
,
Quod contra juris rationem introduction est non est producendum
ad consequentias
,
�( 75 )
Indépendamment de cette considération particulière aux clauses de
reprise, qui peut-être a paru suffisante pour les faire déclarer person
nelles, il y en a une générale tirée des principes du droit, qui a pu encore
conduire à la même décision. C’est que la condition sous laquelle est sti
pulée la reprise de l’apport de la femme en communauté, c’est-à-dire, sa
renonciation à la communauté, est purement potestative , étant au pou
voir de la femme stipulante de renoncer ou de ne pas renoncer. O r,
presque tous les anciens docteurs ont soutenu que ces sortes de condi
tions ( si p e tie r o , si renuntiavero, etc.) étoient personnelles et ne pouvoient s’accomplir que dans la personne du stipulant, quia viden tur
a p p on i in persond stipulatoris; et effectivement ces conditions paroissent se référer directement à la personne du stipulant pour leur exécu
tion. Il n’en est pas de même du cas de décès du donataire sans enfants,
qui fait la condition ordinaire du retour. Cette condition est casuelle} et
non potestative. Elle n’est au p o u v o i r d ’a u c u n e des p a r ties contractantes.
Elle est a b s o l u m e n t extrinsèque à la personne du donateur stipulant,non apponitur in p erson d stipulatoris, pour nous servir des expres
sions de Fontanella. 11 n’y a donc aucun prétexte de la faire déclarer per
sonnelle, et dès-lors c’est incontestablement le cas d’y appliquer les prin
cipes généraux qui ont été établis pour la transmission des stipulations
conditionnelles, et notamment la disposition du paragraphe E x con d itionali et des lois Caius et A v ia .
M. B À R E N T I N , a v o c a t - g é n é r a l .
Me. L E S P A R À T , avocat.
B u r e a u l’aîné, procureur.
�
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Factums Marie
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Description
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A name given to the resource
[Factum. Delsol, Jean-François. 1809]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bellart
Bonnet
Delvincourt
Lacalprade
Barentin
Lesparat
Hureau l'aîné
Subject
The topic of the resource
successions
avancement d'hoirie
contrats de mariage
substitution
droit de retour
nullité du testament
fideicommis
jurisprudence
dot
stipulation
Description
An account of the resource
Consultation pour les sieurs Delsol, frères ; contre la dame veuve Vigier-d'Orcet, leur sœur consanguine [suivi de] Arrêt du Tribunal civil de première instance d'Aurillac [suivi de] Précis pour le sieur René-Louis Lhéritier et consors, intimés ; contre messire Joseph, marquis de Mesmes, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Mame frères (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1809
1760-1809
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
75 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0629
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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fre
Relation
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BCU_Factums_M0531
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Aurillac (15014)
Rights
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Successions
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2f5bc7f79b97dee109d05a2f8d9982d9
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Text
CONSULTATION.
L e CONSEIL S O U S S IG N E ,q
7 ui a lu un mémoire à consulter,
pour le sieur P u r a y , ex-notaire à la résidence de R io m ,
E s t d ’ a v i s que plusieurs des différentes questions que ren
ferme le mémoire rentrant les unes dans les autres , il est inutile
de répondre à toutes ; qu’en les classant comme elles doivent
l’étre, on peut les réduire à trois, et que c ’est à ces trois ques
tions qu’il s’agit de répondre successivement.
Et d’abord, sur la prem ière, qui est en même temps la plus
importante de toutes, celle de savoir si un homme qui n’est pas
commerçant, et entr’autres un notaire qui tombe dans l’insol
vabilité, peut être regardé comme en état de déconfiture, ou
s i, au contraire, on a la faculté de l’envisager comme f a i l li ,
et lui appliquer toutes les dispositions du Code de com m erce,
relatives aux faillites et aux banqueroutes, il ne faut que con
sulter les principes les plus ordinaires pour la décider.
Il y a même , sur cette question, un premier point de vue
d’ordre public, qui suffiroit seul, en quelque sorte, pour se
fixer sur l’opinion qu’on doit en prendre, et en déterminer le
résultat.
En général, en e f f e t , on ne peut pas confondre les juridic
tions ;
On ne peut pas déplacer les limites qui les séparent;
O n ne peut pas surtout confondre des législations différentes.
La législation du commerce est une législation d ’e x c e p t io n ,
une législation qui n’est faite que pour un seul état de la société,
et qui a ses principes déterminés et ses règles particulières.
La législation de la déconfiture, au contraire, embrasse, par
son étendue, tous les individus et tous les états ; elle tient à la
i
A
�( * ) _
législation civile générale; elle participe aux principes généraux
de cette législation, et ce sont ces principes même qui font ses
règles.
On ne peut donc pas amalgamer ces deux législations , qui
ne sont pas de la même nature, et qui n’ont pas eu pour but
de produire les mêmes effets.
L ’ordre public s’oppose à une association de ce genre.
IVIais il s’ y oppose même par une autre considération extrê
mement importante.
La législation du commerce est, sous beaucoup de rapports,
une législation pénale»
Le législateur a eu pour objet de conserver parmi les comm erçans, et dans l’intérêt même du com m erce, qui s’exerce
toujours avec une sorte d’abandon et sans la précaution des
sûretés ou des titres , les principes de l’honneur, l’habitude de
la bonne f o i , la sincérité des relations, la fidélité de la con
fiance; et, pour y parvenir avec plus de facilité et p'ius d’effi
cacité, il a prononcé des peines sévères contre tous les délits
relatifs à leur profession, que les commerçans pourroient se
permettre.
/
Mais ces peines, le législateur ne les a prononcées que contre’
les commerçans; il ne les a point étendues aux autres individus
de la société; il ne les a point appliquées aux autres étais : c ’est
le commerce seul qui en a été le motif, l’occasion et le but,
et c ’est dans les personnes qui y sont livrées exclusivement que
la loi elle-même les a concentrées.
O r , le premier de tous les principes, c’est que les peines en
général ne reçoivent pas d’extension; et quand il y en a en par
ticulier de déterminées par la loi comte les abus d’une telle
p r o f e s s i o n , il est encore moins permis d’appliquer ces peines
à des professions qui n’ont rien de commun avec elle.
Ce seroit sortir de 1ordre naturel des choses, et mêler ensem
ble des formes qui n’ont pas de cohérence entr’elles, et qui doi
vent toujours rester separees»
�(3 )
D e quel droit, en effet, poursuivroit-on par exemple, en
banqueroute frauduleuse, un notaire qui seroit devenu insol
va b le, com m e on poursnivroit un commerçant?
La loi n’a point assujetti les notaires, pas plus que tout autre
particulier, à ce genre de poursuites.
Elle n’a eu en vue que les commerçans.
Elle n’y a soumis qu’eux.
Toutes ses dispositions n’ont qu’eux pour objet.
Le notaire a lui-même ses peines à part.
Il a les abus de sa profession ; il a ses manquemens à la
discipline ; il a ses faits de charge.
Des peines sagement graduées ont été infligées par la loi,
contre tous ces délits; et si, par événement, le notaire a com
mis des fautes encore plus graves ; s’il a trompé ses créanciers ;
s’ il s’est permis envers eux des fraudes plus ou moins coupa
bles, il est frappé alors des mêmes peines que tous les autres
citoyens , et ces peines sont conformes au genre de fraudes
qu’il a pu commettre.
Mais , dans tous les cas , ce ne sont pas les peines prononcées
contre les commerçans , qui peuvent l’atteindre. Ces peines
n’ont pas été prononcées contre lu i; la loi ne l’a point prévenu
q u ’ i l les subirait, si dans l’exercice de sa profession il commettoit des délits qui se rapprochassent de la nature de ceux que
peuvent commettre les commerçans ; il ne peut donc pas en
être l’objet, même sous ce rapport, et l’application qu’on se
permettrait de lui en fa ire , blesserait toutes les idées reçues
en jurisprudence, et seroit absolument contraire à l’ordre public.
Nous avons donc eu tout à l’heure raison d’observer qu’il
6uffiroit de ce point de vue général, de la différence des légis• lations commerciale et civ ile , pour être autorisés à décider
qu un notaire peut bien tomber en déconfiture, quand il devient
insolvable ; mais qu’il n’ust pas constitué pour cela en état de
faillite , et qu on n’a pas le droit de lui appliquer les régies que
A a
�(
4
)
le Code de commerce a créées pour les faillites, et qu’il nfa;
créées que pour elles.
Mais , si nous voulons maintenant descendre dans l’examen
des principes ordinaires de la faillite et de la déconfiture , il est
bien facile de se convaincre que la déconfiture ne peut regarder
que le particulier, et que la faillite ne peut regarder elle-même
que le commerçant.
D ’abord il faut prendre garde que ce n’est en effet qu’au com
merçant, que le Code de commerce applique l’état de faillite.
« Tout com merçant, dit l’article 437 de ce C od e, qui cesse
« ses payemens, est en état de fa illite. »
Il fautdonc, pour tomber en état de faillite, d’après cetarticle,
deux choses principales et réunies : i°. être commerçant, c ’est-à-
dire, exercer la profession de commerçant; 20. être dans l’ha
bitude journalière de faire des payemens , suivant l’usage du
commerce , et cesser tout à coup ses payemens.
Tout individu qui n’est pas commerçant, tous ceux qui exer
cent dans la société une autre profession que celle-là , un magis
trat, un avocat, un notaire, un avoué, un particulier même
sans profession, ne peuvent donc pas tomber en état de faillite.
Ils peuvent b ie n , sans doute, devenir insolvables, mais ils
ne sont pas pour cela en faillite; ils tombent alors dans ce que
la loi appelle déconfiture.
On ne peut donc pas leur appliquer les régies que le Code
de commerce n’a établies que pour les faillis ; on ne peut leur
appliquer que celles qui ont déterminé les effets de la décon
fiture, et que le Code Napoléon lui-même a tracées.
Il est bien vrai (ju’il y a quelqu’analogie entre certains effets
de la déconfiture et certains effets de la faillite, et que sous
ce rapport le Code Napoléon les place quelquefois sur la même,
ligne, et les nomme ensemble.
Par e x e m p l e , la déconfiture dissouÇ une société, comme la
faillite; comme elle } elle ne permet pas au débiteur de pré-
�(
5
)
tendre au bénéfice du terme qui lui nvoit été accordé par son
créancier ; comme elle en core, elle rend exigible même lo
capital d’une rente perpétuelle; comme elle aussi, elle donne
aux créanciers la faculté d’exercer les droits de la femme com
mune , et quelques autres effets semblables , que le Code dé
clare en se servant des termes en cas de fa illite ou de décon
fiture (1).
Mais ces dispositions du Code ne doivent pas étonner.
Il auroit été difficile qu’il ne s’établit pas quelques ressem
blances entre la situation d'un commerçant qui a cessé ses
payemens, et celle d’un particulier qui est devenu insolvable.
Cette situation, au fond, étant la même, c ’est-à-dire, tenant
de la part de l’un et de l’autre à l’impossibilité de satisfaire ses
créanciers, elle doit nécessairement, à l'égard de tous deux,
entraîner certaines suites qui soient les mêmes aussi.
Ce sont les résultats d’une même cause.
Mais il n’y en a p a s m o i n s u n e g r a n d e différence entre les
mesures que le Code de commerce prescrit contre les faillis,
et celles que la loi civile détermine contre la déconfiture.
C ’est une remarque extrêmement juste, que fait M . Locré,
dans son Esprit du Code de commerce.
« La iaillite, dit-il, soumet celui qui l’encourt à la juridic« tion commerciale, et à toutes les mesures prescrites par le
« Code contre le failli.
« La déconfiture , au contraire , laisse le débiteur devenu
a insolvable sous l’empire du droit commun, quant à sa pér
it sonne et quant à ses biens , et sous la juridiction des tri« bunaux civils (2). »
Nous concevons bien , sans doute , qu’un particulier , un
notaire entr’autres, peut faire quelques actes de commerce,
tout en exerçant assidûment la profession à laquelle il est livré.
( 1) Voyez les articles i 8 G 5 , i g i 3 , n 8 8 , e t c . , etc,
.
(a) Tome 5 , P‘'gu 20
�Nous concevons même qu’il soit soum is, pour l’exécution
de ces actes, à la juridiction des tribunaux de commerce; il
ne peut pas y avoir à cet égard de difficulté.
Mais parce qu’un notaire fera des actes de co m m erce, il ne
sera pas pour cela commerçant.
La loi elle-méme ne déclare commerçans que ceux qui exer
cent des actes cle commerce, et eu fo n t leur profession habi
tuelle (1).
La profession de notaire excluant nécessairement celle de
commerçant, le notaire qui exerce sa profession, ne peut donc
p a s , malgré qu’il fasse même des actes de com m erce, être
regardé comme un comm erçant, puisque ces actes de com
merce ne sont pas sa profession habituelle.
Et si on ne peut pas le regarder comme un com m erçant,
on ne peut donc pas non plus , lorsqu’il devient insolvable,
l ’envisager comme tombé en faillite; car on a vu tout à l’heure
que la loi disoit qu’il ne pouvoit y avoir de faillis que les com-v
mercans.
Nous prions d’ailleurs qu’on observe que le Code de com
merce lui-méme a mis un grand soin à fixer la démarcation de
la juridiction des tribunaux qu’il établissoit.
Il a bien voulu que les tribunaux de commerce connussent
non-seulement de toutes les contestations relatives aux engagemens entre négocians ou banquiers, mais encore entre toutes
personnes, des contestations relatives a u x actes de commerce (2); ce qui suppose déjà que ceux qui ne sont pas commer
çans peuvent iaire cependant des actes de commerce, sans de
venir pour cela commerçans aux yeux de la loi ; mais en môme
temps il a voulu que les individus qui contracteroient par billets
à ordre, mais qui ne seroient pas négocions, et qui ne con-
( i ) C od e de c o m m e r c e , a rtic le i<?r,
(a) A rtic le G 3 i.
�(
7
)
îracteroient pas ces billets pour des opérations de commerce y
ne fussent pas soumis à la juridiction commerciale (1).
Il a également voulu que dans le cas même où des individu»
non négocians auroient signé avec des négocians des billets à
ordre, pour d’autres opérations que des opérations de commerce,
le tribunal de commerce n’eût pas le droit de-prononcer contre
eux la contrainte par co rp s, comme il l’avoit contre les indi
vidus négocians (2).
On voit par ces nuances, pour ainsi dire, délicates de la loi,
avec quelle exactitude elle veut qu’on observe les limites des
juridictions, et jusqu’à quel point elle respecte elle-même les
droits des citoyens qui y sont soumis.
Il résulte donc évidemment de ces précautions même de lac
l o i , que ce seroit aller absolument contre son intention , que
de dénaturer les principes relatifs à la juridiction commerciale,
et de confondre cette juridiction avec la juridiction civile.
A insi un notaire, par cela m êm e q u ’il est notaire, ne faisant
pas profession h abitu elle des actes de commerce , n’est pas
commerçant aux yeux de la loi. ,
S’il n’est pas commerçant, il ne peut pas tomber en faillite.
S’il ne peut pas tomber en faillite, il n’est pas justiciable du
tribunal de com m erce, sous ce rapport.
, Il est bien justiciable de ce tribunal, sous le rapport des
actes qu’il peut faire , et relativement à leur exécution ; mais
lors même qu’il devient insolvable , il n’est pas justiciable du
tribunal de commerce comme failli , puisqu’il 11e peut pas y
avoir de faillite pour lui, mais seulement déconfiture ; il est
alors justiciable des tribunaux ordinaires, comme déconfit.
C ’est aussi l’observation que fait M. Locté.
cc Que décider , d it-il, dans le cas où un particulier ayant
« fait des actes de commerce, ne peut pas payer les engage« mens qui en sont la suite ?
(1 ) Article
( 2) A rtic le 637-,
�(
8
)
« Il est certain que ce particulier devient justiciable des tri« bunaux de commerce, quant à l’exécution de ses engagemens;
« mais puisqu’il n’est pas commerçant, la disposition, de Var
ie. ticle 407 statue q u 'il se trouve en déconfiture , et non en
« fa illite (1). »
Telle est également la jurisprudence.
A la vérité, nous devons commencer par avouer qu’il existe
un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles, qui a jugé contre le
président d’un tribunal civil, devenu insolvable, qu’il pouvoit
être réputé en état de f a i l li t e , quoiqu’il n’eût même pas l'ait
d’actes de commeice; et qu’en conséquence il n’avoit pas pu,
à compter de la manifestation de son insolvabilité, donner sur
ses biens d’hypothèque valable , comme un négociant ne le
peut pas à compter de l’ouverture de sa faillite; mais ce sys
tème a été proscrit par la Cour de cassation, dans l’affaire du
sieur L o ch e, qui lui-même avoit été commerçant, mais qui
avoit cessé de l’être lorsque l’afiaire avoit pris naissance.
L e sieur Loche , retiré du co m m erce, étoit devenu insol
vable.
Une saisie réelle avoit été jetée sur ses biens, le 4 ’v endé
miaire an 6 , après refus de payement de sa part.
Ses créanciers, postérieurement à cette saisie, et sous l’em
pire de la loi du 11 brumaire an y , prirent une inscription
sur ses biens.
, La femme du sieur Loche prétendit, contre ses créanciers,
que leurs inscriptions étoient nulles, sous le prétexte, d’une
part, que le sieur Loche avoit été négociant, et de l’autre,
que la saisie réelle occasionnée par l'insolvabilité étoit nn obs-?
tacle légitime ù ces inscriptions.
Cette prétention de la femme Loche fut accueillie par un
prrêt de la. Cour _d appel de M ontpellier, du 21 thermidor an
an 9; mais sur le pourvoi en cassation, et cc attendu que Jean
(i) Tome 5 , pages 20 et ai.
cc Lochs
�( 9)
Loche n’cbant plus dans le commerce à l ’èpoquc du 4 ven
dèmiaire an 6 , la saisie réelle alors apposée sur ses biens
( et a n n u l l é e depuis au mois de frimaire an 8 ) , n étoit pas
capable de le constituer en état de fa illite , ‘et par là 'même
de rendre sans effet les inscriptions faites sur ses biens pos^
térieurement à cette date, « cet arrêt fut cassé.
La Cour de cassation a donc bien consacré ce principe ,
qu’il ne pouvoit pas y avoir de faillite pour celui qui n’étoit
pas commerçant, qu’il ne pouvoit y avoir que de la déconfiture,
et que la déconfiture n’étoit pas regardée par la loi comme la
faillite.
Ce même principe a été consacré aussi par la Cour d’appel
de Paris, par arrêt du 12 fructidor an xx, et même en faveur
d’un notaire.
On accusoit le sieur L eroi , qui étoit ce notaire , d’avoir
souscrit frauduleusement une obligation de 20,000 francs au
profit du sieur JRondoulct; et le s créanciers du sieur L ero i
demandoient la nullité de l’inscription qu’il avoit prise en vertu
de cette obligation, comme faite sur les biens d’un failli de
puis sa faillite.
Le tribunal civil de Versailles avoit, par jugement du 9 fr u c
tid o r an xo, adopté ce système des créanciers, et annullé l’ins
cription du sieur Rondoulet.
Mais par arrêt du 1 ‘¿ .fructidor an 1 1 , « attendu, entr’autres
« motifs, qu’ un notaire n’est ni un négociant, ni un banquier,
« dont la déconfiture puisse prendre le caractère de faillite,
« et être constatée par une cessation publique de payement ;
« A tten du que Leroi étoit en plein exercice de son état de
« notaire à l’époque de l’obligation souscrite en faveur de
« Hondoulet, qu’il n’a jamais été suspendu de ses fonctions, »
Je jugement du tribunal de Versailles fut infirmé, et l’inscrip
tion maintenue.
I l y a eu aussi un arrêt semblable r e l a t i v e m e n t à un receyeur.
£
cc
te
«
ce
«
«
�(;i°)
. II y en a tin également rendu par la Cour impériale de Bor
deaux, il n’y a que quelques mois, en faveur d’un ancien ma*
gistrat.
En, un mot, il existe aujourd’hui à cçt égard un© véritable
jurisprudence, et ce principe n’est plus équivoque.
Il faut donc répondre à la première question proposée dans
le mémoire, que le notaire P uray ne peut pas être regardé
comme un commerçant; qu’à ce titre, malgré l’état d’insolva
bilité ou dè déconfiture dans lequel il est tombé , on ne peut
pas supposer qu’il soit tombé en faillite ; et que par conséquent
les dispositions du Code de commerce relatives aux faillites,
ne peuvent pas lui être appliquées.
Sur la seconde question, celle de savoir si, d’après les cir
constances énoncées dans le mémoire, on peut dire que ce
notaire a fait des actes de comm erce, et s i, en supposant
qu’il ait fait des actes de commerce, on peut le regarder comme
im négociant, les principes que nous venons de développer sur
la première question contiennent d’avance la décision de celle-ci.
Par cela seul, en e f f e t , que le notaire dont s’agit n’a pas cessé
d’être notaire, qu’il ne s’est pas fait commerçant, qu’il n’a
jamais pris de patente, qu’il a toujours; continué l’exercice de
sa profession avec une grande assiduité , et qu’il y a même joui
de la confiance publique , il est bien évident que lors mêmeque, tout en exerçant sa profession , il auroit fait des actes de
commerce , il ne seroit pas pour cela devenu commerçant.
Nous avons observé tout à l’heure que la loi elle-même supposoit à l’article 6 5 i , que d’autres personnes que dos commerçans pouvoient faire des actes de commerce ; il résulte donc
de là qu’on n’est pas nécessairement commerçant, parce qu’on
a fait des actes de commerce ( 1 ) .
. ‘
( i ) « O n p e u t fa ire des actes de co m m e rc e , d it aussi M . h o crè , sans Æ trc
« c o m m e r ç a n t, e t o n d ev ién t p o u r ces a c t e s ,
ju sticia b le d e la ju r id ic tio n ’
« co m m e rcia le j ixiais Oü n ’est c o m m e rç a n t <juc iju a n d o n fa it du c o m m e r c e
�( 11 0
Dans tous les temps il s’est trouvé quelques individus qui
ont mêlé des actes de commerce à l’exercice de leur profes
sion , et qui, à l’occasion de ces actes de commerce, ont
souscrit des engagemens commerciaux.
II s’en trouve encore aujourd’hui, comme il s’en est trouvé
sous l’ancien régime.
1
'
<i.o!
Il a bien fallu sans doute, q u e , dans ce cas-ilà, la loi déci
dât que , malgré la nature de leur profession qui les rendoit
justiciables des tribunaux civils, ils devinssent, pour les enga
gemens commerciaux qu’ils auroient contractés, justiciables des
tribunaux de commerce , qui étoient les juges naturels des
engagemens de ce genre. •
Les principes conduisoient là.
Mais il ne pouvoit pas résulter de là que ces individus dus
sent être regardés comme commerçans ; caria loi elle-même rie
donnant, ainsi qu’on l’a v u , ce titre qu’à ceux qui faisoient
leur profession h a b i t u e l l e d e s actes d e commerce , i l est m ani
fe s te que ceu x qui , au lieu de faire leur profession habituelle
de ces actes , en. ont au contraire Une toute, différente qu’ils
exercent habituellem ent, ne peuvent pas être des commerçans
aux yeux de la loi.
A in s i, en admettant même que le notaire dont il est question
dans le mémoire , eût fait en effet des actes de com m erce, on
voitqu’il neseroitpas pour cela commerçant, et qu’on ne pourroit, ni lui en donner le n om , ni l’envisager comme commerçant.
Mais d’ailleurs , qu’est-ce que c ’est donc què ces actes de
commerce qu’on lui impute ?
On dit dans le mémoire, qu’il empruntoit à des particuliers
de sa connoissance, différentes sommes qu'il plaçoit ensuite
dans les mains d’autres particuliers, à un intérêt plus fo rt, et
qu il remettoit aux préteurs des rèconnoissanées en forme dd
« sn profession habituelle , et ce n’ est (ju’alors (ju’on e s t soumis nux obligations
« et aux lois particulières sur cette profession, comme celles sar lesfa illite s .»
13 2
�( Ï2 )
lettres 'de change, sur papier imprimé, revêtu de son chiffre 7
tirées de la ville voisine, mais tirées sur des particuliers de
celle qu’il habitoit, et qui n’entroient pas dans la confection
de ces lettres qu’ils ignoroient vraisemblablement, et qu’il recevoit à son tour des emprunteurs, ou des lettres de change dans
la même forme, ou de simples reconnoissances, ou des obli*
gâtions notariées.
On ajoute qu’il inscrivoit sur un registre qu’il avoit intitulé
Livre de banque, et qu’il tenoit avec exactitude, les emprunts
qui lui étoient faits, les prêts qu’il faisoit, les remboursemens
qu’il avoit occasion de recevoir, ceux dont il avoit lui-même
occasion de s’acquitter; en un mot, tout ce petit mouvement
d’opérations intérieures auxquelles il étoit livré ; mais que d’ail
leurs , ces opérations n’en entralnoient aucune de change;.-qu’il
n’y avoit de sa p art, ni négociation , ni circulation ; qu’il n’y
avoit pas de remise de place en place ; qu’il n’y avoit pas d’acceptation, point de correspondance dans d’autres villes, point
de fonds en dépôt nulle part, point de provision pour faire face
aux effets tirés; en un m ot, rien qui respirât le change,
ou qui en donnât seulement l’id é e , si ce n’est la forme même
des lettres.
Mais comment, d’après l’énoncé du mémoire, pourroit-on
regarder cîîs prêts qui étoient faits par ce notaire , et les em
prunts qu’on lui faisoit, comme de véritables actes de commerce?
Cette forme de lettres de change n’étoit qu’une forme.
C ’étoit un titre donné sans les effets attachés à ce titre.
Il n’en résultoit pas un véritable contrat de change.
Les trois personnes n’y étoient pas réellement ; il n’y avoit
pas de remise de place en place ; il n’y avoit pas d’acceptation •
il n’y avoit pas de provision : ce n’étoit d o n c , d’après la loi
elle-même , que de simples promesses (i) ; ce n’étoit pas des
lettres de change.
( i ) A rtic le H 2.,
�( i3 )
Le titre de Livre de banque, donné an registre , ne faisoit
pas non plus de ce notaire un banquier.
On n’est pas banquier par cela seul qu’on se regarderoit soiméme comme tel, et qu’on donneroit à de simples registres de
payem ens, ou à des livres de recette et de dépense , le nom
fastueux de Livre de banque.
Ce ne sont pas là des circonstances qu’on puisse , à propre
ment parler, envisager comme de véritables actes de commerce
bien caractérisés et bien importans.
Nous en dirons autant des liqueurs qu’on dit avoir trouvées
dans la maison de ce notaire, après sa retraite, en plus grande
quantité que ne l’auroit exigé sa consommation, et dont il auroit
cédé une partie à quelques personnes de sa connoissance.
Il seroit très-possible, en effet, que ce notaire eût fait venir
des liqueurs, soit de Paris, soit d’ailleurs, au delà de ses besoins,
et pour en céder à des amis, et trouver peut-être sa provision
personnelle sur celle q u ’il auroit faite ainsi pour autrui.
Mais ce ne seroit pas là non plus un véritable acte de com
merce.
On observe d’ailleurs, dans le m ém oire, qu’on n’a trouvé
dans les papiers de ce notaire aucune note ou lettre qui indiquât
q u ’il eût correspondu, pour l’achat ou la vente de ces liqueurs,
avec aucun marchand ou fabricant, ni aucune facture qui en
constatât l’envoi.
Cette circonstance particulière vient appuyer encore notre
opinion sur ce fait, et y ajoute un d<-gré de force.
Mais elle n’existeroit pas, et on auroit trouvé quelque facture
d’e n voi, ou quelque correspondance relative à l’achat et à la
vente de ces liqueurs, que cela ne feroit pas encore grand'chose.
On donneroit même à cette vente le nom d’acte de commerce,
que cela ne changeront rien aux principes.
On a vu que, dans les principes, ce n’étoit pas quelques actes
de commerce qui faisoient un commerçant aux yeux de la lo i,
que c ’étoit la profession habituelle de ces actes.
�( H Î
O r, ici il n’y avoit p a s , de la part de ce notaire, de pro
fession habituelle des actes de commerce ; il y avoit tout au
plus mélange de ces actes avec sa profession; e t, du reste,
c ’étoit sa profession de notaire qu’il exerçoit habituellement.
On ne peut donc pas absolument le regarder comme com
merçant ; et il auroit contracté ou reçu encore plus de lettres
de change, il auroit reçu ou vendu plus de liqueurs , qu’on ne
pourroit jamais lui donner ce titre, ni lui en appliquer les effets.
Sur la troisième et dernière question, il est difficile de com
prendre co m m en t, dans la situation où s’est trouvé le notaire
dont s’a g it , et au milieu des circonstances exposées dans le
m ém oire, il a pu être poursuivi devant un tribunal de com
merce , comme f a i l l i , et envisagé comme tel par ce tribunal.
Il est évident que ce n’étoit pas les formes que le Code de
commerce applique aux faillis, qu’on pouvoit lui appliquer à
lui-méme.
Il est évident que cette déclaration de faillite , cette ouver
ture de faillite, ces agens administrateurs, ces syndics provi
soires, ces syndics définitifs, cette accusation de banqueroute
frauduleuse, ces poursuites criminelles, rien de tout cela ne
pouvoit avoir lieu.
T out cela étoit, en effet, contre les principes.
Le notaire dont s’agit n’étoit pas commerçant; il étoit tombé
en déoonfiture, et non pas en faillite.
Il n’étoit pas justiciable des tribunaux de commerce ,• si ce
n’est pour les actes particuliers de commerce qu’il avoit pu faire;
il l’étoit des tribunaux civils.
Il pouvoit bien être accusé de fraude, s’il en avoit commis;
jnais il ne pouvoit pas être atcusé de banqueroute, puisqu’il ne
faisoit pas sa profession du commerce.
Toute cette procédure dont il a été l’objet péché donc par
sa base.
On ne peut pas même la laisser subsister ; il faut qu’elle soit
détruite,
�Et c ’est à ce notaire lui-méme qu’il appartiendroit de se pré
senter, pour attaquer aujourd’hui cette compétence que le tri
bunal de commerce s’est attribuée contre les principes.
Rien n’empécheroit, en effet, qu’il ri’y fût admis.
D ’abord sa réclamation seroit fondée.
Elle seroit fondée sur les grandes maximes de l’ordre public,
sur les dispositions du Code de co m m erce, sur celles du Code
Napoléon, sur la jurisprudence des Cours, sur celle de la Couf
de cassation; en un m ot, sur tout ce q u i , en matière de dé
cisions judiciaires, constitue les règles qu’on est naturellement
obligé de suivre.
Nous l’avons démontré dans le développement de la première
question : il n’y a pas à cet égard à y revenir.
Mais ensuite toute cette procédure qui a été instruite au tri
bunal de commerce, contre le notaire, à l’occasion de sa pré
tendue faillite , est une procédure par défaut.
Le notaire étoit absent, et il ne s’est pas présenté dans ce
tribunal.
Il n’y a pas été entendu ; il n’a pas constitué de défenseur
pour lui; il n’a lait aucune espèce d’acte d’adhésion ou d’ac
quiescement aux jugemens qui y ont été rendus, et dont il est
cependant l’objet.
11 a donc le droit d’attaquer ces jugemens par la voie de l’op
position.
Le Code de commerce lui-méme (1) applique aux tribunaux
de commerce, relativement à la forme de procéder, les dispo
sitions des articles i 5 6 , i 58 et i 5g du Code de- procédure, qui
permettent l’opposition envers les jugemens par défaut, jusqu’à
ce que ces jugemens aient reçu leur exécution, suivant le mode
que prescrivent ces mêmes articles, ou qu’il y a des actes qui
prouvent que la partie déJaillante a* connu cette exécution.
(i) Article 642.
�( 1 6 )
Ici on ne peut rien opposer de semblable au notaire dont
s’agit.
II est donc encore dans les délais de l’opposition.
Et on diroit en vain que si la procédure du tribunal de com
merce n’a pas été instruite avec ce notaire, elle l’a été avec
des syndics légalement nommés pour le représenter et paroître
pour lui en justice, puisque lui-méme ne le pouvoit pas.
Mais il faut prendre garde que c ’est précisément ce système
en vertu duquel on a établi des syndics pour le représenter,
lorsqu’il n’étoit pas dans le cas de l’étre , que ce notaire atta
quera.
Il se plaindra qu’on l’ait constitué failli , lorsqu’il ne l’étoit
pas ;
Il démontrera que la procédure qu’on a instruite contre lui
pèche par sa base ;
Il fera voir qu’elle viole tous les principes ;
I L demandera, en conséquence, la rétractation des jugemens
qui ont été rendus.
E t comme , au fond , c ’est l u i , et même lui seul qui est
l’objet de ces jugemens, comme c ’est lui qui en supporte les
dispositions, comme c ’est lui qui est intéressé à ce qu’ils soient
rapportés , c’est lui aussi qui a le droit de les attaquer par la
voie de l’opposition ; et il n’y a rien ni dans les lois , ni dans
les formes, ni dans les faits, qui puisse lui ôter ce droit, ni
le priver de son exercice.
D é l i b é r é à Paris, par les anciens avocats soussignés, ce
21 avril 1812.
D E S È Z E , B O N N E T , BELLART.
A R I O M , de l’im p . dé T H I B A U D , im prim . de la C o u r im périale, e t lib r a ir e t
r u e des T a u le s , m aiso n L ah d r i ot ., —- F é v r ie r 1 8 1 3.
�
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[Factum. Puray. 1813]
Creator
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Desèze
Bonnet
Bellart
Subject
The topic of the resource
notaires
banquiers
Description
An account of the resource
Consultation.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1813
An 4-1813
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0620
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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Relation
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Riom (63300)
Rights
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Domaine public
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notaires
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b69190212756503c68b6affc577bf79f
PDF Text
Text
MÉMOI RE
POUR
M. D U R A N D DE V A L L E Y ,
IN T IM É ,
S u r l ’A p p e l d e la S e n te n c e q u i re je tte la D e m a n d e en
S é p a ra tio n in ten tée a u n o m
DE LA DAME DURAND DE V A L L E Y ,
SON ÉPOUSE.
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�COUR
IM PÉRIALE
de PARIS.
MÉMOIRE
Audience
Solennelle d u
lundi 8-bmht
'
POUR
M. D U R A N D
DE V A L L E Y
U n arrêt de séparation est demandé à la première Cour souve
raine de l’Empire, au nom de la dame de Valley, contre M. de Valley.
Une sentence très-sagement m otivée des premiers juges a déjà
proscrit cette demande.
Comment était-elle appuyée devant e u x , et comment l’est-elle
encore devant la C ou r? sur une plainte qu’on abandonne presque
entièrement, et sur une circonstance postérieure à la plainte et que
les premiers juges ont également écartée. Quels sont les principes
de cette matière, où l’on peut dire que le pouvoir toujours si res
pectable des magistrats suprêmes prend un caractère plus saint en
core puisqu’ils voient soumis à leur sagesse, ce contrat, le premier,
le plus important de tous les actes civils, ce contrat déjà formé sous
les auspices de la loi et de la religion, qui avaient voulu qu’il fut
irrévocable, et qu’un arrêt souverain va cependant déclarer nul} ou
de nouveau et a jamais indissoluble?
l
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( o
On sent assez qu’aux ye u x de ces ministres impassibles de la lo i,
pour qui les personnes sont indifférentes et les principes seuls invo
qués de part et d’autre peuvent paraître plus ou moins favorables,
ce qui semble d’abord et désirable et juste, ce n’est pas sans doute
de rencontrer ces circonstances si rares qui arrachent une excep
tion à leur conscience, mais c’est de pouvoir confirmer la règle : tel
est leur premier v œ u , le premier vœ u de la loi ; comme tel est aussi •
-
le premier intérêt de la société; oui, tout défend au premier aspect
de séparer deux destinées qu’un arrêt fatal va laisser à jamais isolées,
inachevées, incomplètes; surtout quand les habitudes, les princi
pes sévères des familles entre lesquelles s’agitent ces tristes débats,
garantissent que ceux qu’on va désunir renferm eront eux-mêmes
la funeste et inutile liberté qui leur sera rendue dans des bornes
Volontaires mais inviolables.
N e faut-il pas pour qu’un arrêt de séparation soit prononcé con
tre l’avis des premiers ju g e s, que l’erreur de ceux-ci soit bien manifestement dém ontrée? JN’est-ce pas dans cette circonstance-qu’il
est d’un grand poids ce suffrage des premiers interprètes de la lo i,
lorsqu’il se trouve placé du même côté de la balance avec le
vœ u de la législation elle - même ? P our infirmer une telle sen
tence , pour prononcer une telle exception, une telle infraction
du droit com m un, ne faut-il pas que l’évidence incontestable d’une
grande infortune particulière puisse en quelque sorte consoler la
douleur de la société et de la lo i, qui voient briser ces nœuds que
le premier devoir des magistrats est de resserrer et de m aintenir?
Est-elle p ro u v é e , est-elle seulement vraisem blable, peut-elle pa
raître possible aux magistrats, cette infortune qui doitètre si grande,
si irrem ediable, si incontestablement établie, quand de la cause
toute entière, des faits d’une plainte abandonnée et non pas cou
v e rte , mais selon l’expression des premiers juges, détruite, par la
correspondance desdeiix ép o u x, quand-enfin de tout ce qui est
I
Note BCU
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'
�( 3 )
allégué clans le procès, il ne reste rien, absolument rie n , si ce n’est
le souvenir, gravé en caractères ineffaçables dans l’esprit des juges,
de ces témoignages touchans, continuels, irrécusables de la ten
dresse, de l’estime, de l’attachement des deux é p o u x , témoignages
sans cesse et partoijt déposés dans les lettres mêmes d’une jeune
fem m e, qui y traçait en les écrivant l’histoire véritable de ses sentimens et de sa vie toute entière; comme pour réfuter un jour l’ab
surde et calom nieux roman qu’on lui ferait signer à son insu, ou
certes du moins sans son a veu , puisqu’il n’est pas possible qu’une
conscience si pure se démente ainsi et se contredise elle-même ?
Quel est donc le secret de cet étrange procès? qui donc plaide ici
en séparation? qui donc a dicté cette plainte, détruite par la cor
respondance de celle au nom de qui elle est form ée, de celle qui
ne parlait que de son bonheur dans les années, dans les m ois, aux
jours pièmes où le rédacteur téméraire du libelle a placé les mau
vais procédés, les sévices, les injures et les outrages?
Ce triste secret ne sera que trop tôt révélé par tous les faits de
Ja cause , et M. de Y alley , fidèle à tous ses devoirs, fidèle surtout
à ceux qui sont si étroitement unis avec l’intérêt de son bonheur
futur, ne dira contre la dam edeSessevalle, contre la belle-m ère, qui
seule a séparé ceux qu’elle avait unis et dont l’union était si douce ,
que ce qu’il ne pourra pas taire : encore prendra-t-il d’avance l’en
gagement de l’oublier dès qu’il aura retrouvé l’épouse que les magis
trats ne peuvent refuser de lui fendre : oui, il aimera à croire qu’il
la doit une seconde'fois à sa mère et il reprendra les sentimens d’un
fils, comme ceux d’un épou^ ont toujours été dans son cœ ur et
n’ont jamais cessé de se m ontrer dans sa vie.
Certes il serait beau, mais il est difficile dans tous les temps et sur
tout au milieu des mœurs actuelles, qu’un mariage réunisse, non
¿seulement deux individus^ mais doux familles tout entièresj qu elles
Note BCU
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�( 4 )
sQienl pour ainsi dire mêlées, confondues comme les deux destinées
de ceux qui contractent cet engagement sacré. C ’est là ce qu’on
peut plutôt souhaiter qu’esp é re r, et nous savons trop combien
il est difficile et rare que tant d’hum eurs, de passions diverses se
trouvent assorties et d’accord ; mais aussi tant de soins ne sont pas
confiés aux magistrats ; il n’y a que deux destinées qui soient sou
mises à leur autorité et à leur paternité ; leur conscience est sans
scrupules quand ils imposent de nouveau un joug qui a toujours
paru d o u x , cher et léger à ceux-là seuls qui doivent le porter.
FAITS.
M. Durand de Y a lle y , fils d’un ancien magistrat, descend d’une
famille estimée et honorée en Champagne. Il a co n n u , en 1806 , la
demoiselle de Sessevalle, et bientôt après il désira l’épouaer : la
fortune de M. de Y alley est sans doute plus considérable; mais le
g o û t, l’estim e, l’attrait, l’inclination la plus v iv e e t, comme 011
le v e r r a , la plus tendrement partagée, les autres rapports de
toute espèce , la position sociale, l’éducation, tout était parfaite
ment convenable ; tout promettait l’union la plus heureuse et elle
n ’a jamais en effet cessé de l’être tant qu’il fut permis à la dame
de Yalley de vivre avec son mari.
Ce mariage de convenance et tout ensemble d’inclination ne fut
cependant pas conclu précipitamment. Madame de Sessevalle est une
m cre de famille respectable, sage, prudente ; personne, et son
gendre moins que tout autre , ne lui refuse l’hommage qu’elle mé
rite : il est certain que l’esprit d’o rd re, de conduite est comme la
base de son caractère : au reste , on l’a souv.ent remarqué ; les
femmes surtout distinguées par cette espèce de mérite qui tient à la
force ne prennent presque jamais les avantages d’une qualité qui n’est
'pas précisément celle de leur sexe, sans l’exagérer par quelques-uns
Note BCU
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�(5 )
de ses inconvéniens; et il n’est pas rare que l’habitude de n ’être pas
faibles ne les rende absolues, et que leurs vertus ne s’arrêtant pas
sur celte ligne précise où se trouve la v o lo n té , la suite, la déter
mination , enfin tout ce qu’on appelle le caractère, ne les conduisent
Jusqu’à quelque chose de tranchant, d’im périeux et d’exclusif!
Telle est peut-être madame de Sessevalle.
Sa fille est, de l’aveu gén éral, un modèle de grâces, de vertus ,
d’esprit ; ses sentimens religieux ne servent qu’à rendre sacrés pour
elle tous ses devoirs que la nature laplu sheureuseluirend d éjà doux
et faciles: son mari s’interdirait le plaisir de la louer s’il avait cessé
un seul jour de rendre hommage à l’ensemble de ces qualités rares
et charmantes qui sont aujourd’h u i, qui ont toujours été l’objet
de son estim e, de ses regrets, de son culte ; qui étaient et qui sont
encore destinées à faire le bonheur de sa vie.
M. de Valley se présente à ses juges sous d’honorables auspices j
il ose croire qu’il se montre cligne d’une famille considérée el d’un
père particulièrement estimé. Des personnes aussi distinguées clans
J’État que dans l’arm ée, ont donné à ses juges des preuves de l’in
térêt dont elles l’honorent : sa conduite , ses m œ urs...... Mais son
propre éloge convient moins dans sa bouche que celui de sa femme ;
la plume qui le tracerait pourrait être accusée de le flatter ; il est
juste de laisser à une autre main le soin de le peindre.
« Je voulais connaître M. de V alley d’une manière plus parti« culière. J’en fus extrêmement satisfaite , et reconnus en lui les
« qualités du cœ ur et de l’esprit, une bonne judiciaire, des prin« oipes honnêtes et délicats,infinitn eut d’ordre , de conduite et
«
«
«
<c
d’économ ie, point celte frivolité qui caractérise la plupart des
jeunes gens , de bonnes m œ urs, auxquelles j’attache le plus
grand prix. Après avoir reconnu à M. votre neveü des qualités
aussi précieuses , je fis venir ma fille, pour que les jeunes gena
Note BCU
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�(6 )
a se connussent d’une manière plus particulière : ils ont conçu
« l’un pour Tautre infiniment d’estime et d’inclination, par des
« rapprochemens(de caractère et de goût. »
Q ui e st- c e qui parle ainsi d e M . de V alley? C ’est sa,belle-m ère,
c’est madame de Sessevalle, c’est la personne qui n ’est vraisembla
blement pas étrangère à la plainte où il est peint sous des couleurs
un peu différentes : au reste, il ne sera loué dans cette cause que par
sa belle-m ère. Dans le tableau des faits que cette lettre commence
si bien , on verra une antre lettre de madame de Sessevalle, lettre
postérieure à la plupart des faits de la plainte , de manière que les
juges de M. de Valley ne le trouveront jamais absous que par celle
qui l’accuse • et cette vengeance se ra , avec le bonheur de sa fille ,
la seule que M. de Y alley puisse et veuille tirer de rriadame de
Sessevalle.
«
Cette connaissance p ré cise , approfondie du caractère de M. de
V a lle y , madame de Sessevalle ne l’avait point prise légèrem ent, ni
rapidement : observant bien tous les devoirs d’une mère , elle avait
long-temps étudié celui qu’elle destinait à sa fille; pendant six mois
entiers avant le m ariage, elle fit à M. de Valley l’honneur de le re
cevoir chez elle à Clerm ont, de voyager même avec l u i , sans sa
fille ; de loger chez lu i, à N a n c y , avec deux autres parens.
M . de V alley épousa mademoiselle de Sessevalle , à C lerm on t,
Je 24 septembre 1806.
Les six premières semaines se passèrent, tant à Clermont chez
madame de Sessevalle, qu’à Reims chez la mère de madame de
Sessevalle.
M. de V alley reconnut, dès cette première époque de son ma
riage et de son bonheur qui paraissait sincèrement partagé par les
deux familles ré u n ie s, que pour lu i, pour sa fem m e, pour sa.
Note BCU
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�( 7 )
belle-m ère e lle -môme , pour l’intérêt commun et le bien-être de
leur a v e n ir, il devait entretenir de fréquens rapports sans doute
avec madame de Sessevalle, lui faire des visites, ramener sa fille
chez elle tous les a n s, plusieurs fois par an , mais non pas y de
m eurer habituellement.
Il fut trop facile de vo ir bientôt que ftiadame de Sessevalle ne
permettrait ni à ce gendre qu’elle avait tant aimé , tant estim é,
si bien étudié , si favorablement ju g é , d’être plus à sa femme qu’à
sa belle mère , ni à sa fille elle-m êm e d’être moins à sa mère qu’à
son mari.
O n verra sans cesse dans celte cause les reproches plus ou moins
graves adressés à M. de Y a lley, tourner à son honneur et en sortir
ou la preuve de sa tendresse pour sa fem m e, ou l’éloge de sa
prévoyance et de sa sagesse. M. de V alley crut donc prudent
d’einmener bientôt sa femme chez lu i, et même, d ’arranger en
général sa vie pour que plusieurë séjours qu’il devait habiter suc
cessivement , rendissent plus simple ce plan de conduite, selon
lequel les nouveaux époux ne devaient pas habiter trop fréquem
ment avec leur mère.
C ’est là , ainsi que la circonstance de ses biens situés en diverses
p ro vin ces, ainsi que l’acquisition postérieure de la terre du Buis
son , près Montargis 5 c’est là ce qui explique ce qu’on a jugé à
propos d’appeler son hum eur ambulante. A u reste , ce n ’est jamais
sa femme qui remarque , qui critique , qui se p la in t, qui censure.
Ces v o y a g e s, elle les faisait avec lui ; ces divers séjours , elle les
partageait et paraissait les aimer également : sa correspondance en
fait foi. Elle ne se plaignait de l’absence de son mari, quand sa santé
( sut dix-huit mois qu’on a permis à sa femme de passer avec l u i ,
M . de Valley a été malade près d’un an) l’obligeait de voyager sans
Note BCU
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�( 3 )
e lle , que pour exprim er encore son bonheur par son regret de ne
plus le v o ir, par le plus v i f désir de son retour.
Il serait possible que ceux qui font parler la dame de V alley
eussent un autre m otif de blâmer et ces changemens de dem eure,
et ces v o y a g e s, et ces absences: ils auraient dû. l’avouer avec fran
chise , et dire que sans toutes ces courses , cette fatale correspon
dance entre la m cre, la fille , le mari , les on cles, les tantes, n’aurait
pu avoir lie u , et qu’alors le libelle de la plainte n ’aurait pu être
aussi victorieusem ent réfuté; on sent en effet que ce reproche ne
laisse pas d’être fondé : car c’est de là , c’est de ces lettres expres
sives que v ie n n e n t, pour les adversaires , presque tous les em
barras de la cause. Par exem ple, peuvent-ils dire avec raison à
M. de Valley , s i , peu de jours après votre m ariage, époque où
nous aurons déjà l’étourderie et la témérité de supposer une que
relle entre vous et votre femme , vous n’aviez pas eu besoin
d’aller à P a r is , votre femme n ’aurait pas eu l’occasion de voua
' écrire cette lettre si tendre (2 9 septembre 1806) qui commence
ainsi : E n t’ écrivant, mon bien aimé ¡ je calme un instant Vennui
que j ’éprouve..... quand j e pense que deux grands jo u rs........
Par exem ple encore, sans ce voyage de N a n cy , qui nous con
trarie bien davantage, votre femme n’aurait pas été à même d’écrire
lorsque vous avez été forcé de la quitter. — Qu’ il f a u t de raison,
ma chère tante, depuis cinq mois que nous sommes m ariés, nous
ne nous sommes quittés encore que très-peu, et j e ju g e p a r les ab
sences qu’ il a déjà fa ite s combien celle-ci va me coûter....
C ’est aussi pendantce séjour à Nancy qu’on voit dans les lettres de
madame de Sessevalle et de cette même tante de madame de Valley,
les premières tentatives pour l’éloigner de son époux; on lui insi
nue qu’il est sans doute bien d’aimer son m ari, mais qu’il y a des
lie n s, des engageniens antérieurs : on lui dit une autre fois : que ce
mari aurait bien dû lui faire, avant le mariage, les presens d’usage
Note BCU
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�/
( 9 )
qu’il n’a faits qu’après; on lui dit qu’il est intéressé; qu’il a eu tort
dans une misérable discussion où il s’agissait de 10 louis.
Mais cette jeune femme si aim able, si estimable, pleine de me
sure , dès qu’elle est seule avec sa conscience et sa délicatesse, con
cilie parfaitement, dans sa réponse, ce qu’elle doit à celui qu’elle
défend et à celle qui l’accuse. N a ncy, s 4 décembre ( et cette lettre,
que les adversaires jugent sans doute la plus incommode de toutes,
reparaîtra souvent dans la cause). Je suis ici parfaitem ent heu
reuse, ayant une habitation agréable. V ous me dites que mon
'mari est bien intéressé : j e trouve qu’ il ne Va p a s été comme il de
vait l’être le soir veille de notre départ de Reim s ; il devait au
moins mettre p lu s de ferm eté à soutenir nos intérêts.
M a résolution est d ’habiter N ancy quoique mon m ari aime
P aris....
RI. de Y alley vient rejoindre sa femme à Nancy, dans le mois
d’avril, et bientôt la mène dans sa propre famille en Bassigny,
chez ses pareils paternels et maternels ; partout elle reçoit le
même accueil; partout elle inspire le même g o û t, le même attrait,
la même estime ; partout on félicite les nouveaux époux de leur
bonheur mutuel. C ’est dans le cours de ces visites de mariage qu’ils
furent surtout paternellement reçus par M. Durand de V a lle y ,
oncle de i\l. de V a lley ; ce parent qui lui tient lieu de père, avait
contribué et assisté à son mariage : on verra que demeurant loin
de Paris, ayant perdu de vue son neveu et sa nièce depuis cette
même visite, dont il avait gardé de si doux souvenirs, et tant de
sécurité sur leur bonheur, n’étant en correspondance suivie qu’avec
madame de Sessevalle, il partagea un instant ses injustices ; mais 011
verra aussi avec quel éclat et quelle énergie il répara cette erreur
paternelle.
M. de V alley qui ne voulait ni que sa femme (et on a v u que tel
était aussi le voeu do celle-ci) vécût toujours avec sa m e rc , ni qu’elle
Note BCU
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I
�( 10 )
manquât à scs devoirs .envers elle, la mena à Clermont chez ma
dame de Sessevalle, passer cinq ou six jours dès le commencement
de juin 1807.
Il lui fut bien pénible, mais bien facile de voir pendant ce court
séjo u r, qu’il devait plus que jamais tenir à son plan : c’-est ce qui le
détermina surtout à acheter la terre du Buisson près Montargis.
M. de Yalley va habiter cette terre avec sa fem m e; il y tombe
malade au commencement d’août : l’officier de santé (M . V iallet,
chirurgien de l’hospice et maire de Château-Renard) appelé pour
lui donner des soins, déclare même que M. de Y alley était assez
dangereusement m aLde, pour qu’il ait été obligé de passer plusieurs
nuits auprès de lui.
Pendant toute sa m aladie, madame de V alley prodigue à son
mari les soins les plus tendres et les plus affectueux ; on voit par
tout des témoignages et de ses inquiétudes pendant qu’il était en
d;;nger, et de ses sollicitudes , de ses prévoyances pendant sa con
valescence : lorsqu’on lui conseilla de venir à Paris pour changer
d ’air et pour consulter , madame de V alley lui écrivait r
( Du Buisson, le 1 9 octobre 1808. ) Je suis dans l ’attente, mon
a m i, d’avoir une lettre de toi, qui m’ annonce ton arrivée à P a r is ,
et comment tu te trouves d’ un aussi long trajet p o u r un conva
lescent..... Je te prie , mon am i , de me donner de tes nouvelles le
p lu s souvent que tu p ou rra s; j e ne p u is trop te recommander
de bien prendre garde au j'roid.
C ’est au surplus à cette même époque (postérieure à 21 , des 28
faits de sa plainte ) , que madame de Sessevalle écrivit à sa fille :
37 novem bre 1807- K Te voila à présent, ma chère a m ie, une
x fem m e de mèncigc qui s’y livre entièrement...... C ’est p ou r toi>
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( «t )
« ma f ille , une vraie jouissance y continue. ma fille , tes soins p ou r
(C Zot2 m a r i, qui les mérite p a r son attachement p our toi. y»
Et c’est dans ce même tem ps, c’est pendant la première ab
sence qui suivit la maladie de M. de V a lle y , c’est pendant son
voyage à P a ris, conseillé pour sa convalescence , que madame
de Sessevalle commence des tentatives directes pour brouiller sa
fille avec son mari! — Ce qui ne peut échapper au x ye u x les moins
attentifs, c’est que si le moment n’était .pas choisi avec beaucoup de
délicatesse, il l’était avec assez d’adresse, ou du moins c’était le pre
mier moment où cette intrigue pût avoir quelqu’espoir de succès
( quel espoir et quel succès ! ). Mais enfin c’était la première fois
depuis six m ois, que madame de V alley n’était pas avec son m a ri,et
sa mère eu profite pour l’engager à ouvrir une correspondance se
crète avec elle. Elle- lui apprend , pour la première fois, à faire un
mystère à celui pour qui elle n’avait encore eu et croyait n’avoir ja
mais rien de caché ; et ce mystère devait couvrir des accusations
d’une belle-mère contre son gendre, adressées à l’épouse, jusque-là
la plus confiante , la plus tendre et aussi la plus heureuse ! Quels
conseils , quelle leçon dans la bouche d’une mère ! ruais cettem ère
s’expose ainsi à en recevoir une d’un autre genre de sa fille, de
celle qui semble ne pouvoir paraître dans ce procès que pour dire
et pour faire ce qu’il y a de m ieux.
v.
V oici ce qu’écrivait madame de V a lle y , pendant celte intri
gue: voilà sa seule faute. On en a vu l’excuse; le piège était tendu
par sa mère • mais on en verra la n o b le , éclatante et touchante
réparation.
Madame de V alley avait écrit à sa m ère:
« J ’ai reçu , il y aura demain h uit jo u rs ( 20 octobre, quel
ques jours iivant le départ de M. de Valley pour Paris), votre
lettre qui était restée à la poste p a r la négligence des fe r
miers , ce q u i, m'ayant causé beaucoup d ’inquiétudes, me dé-i
«I
Note BCU
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�termina à écrire à M . de Trèm ém ont, dont f a i reçu la réponse
m ardi dernier : j e ne p u is aujourd’hui vous répondre ni vous
mettre au courant ; il n ’est p a s sorti ( O n voit que madame
de V alley dut à sa mère la premiere pensée de désirer les absences
de son mari ). D a n s quelques jo u rs j e me dédommagerai , il
doit a ller aux environs. J e vous prie seulem ent, si vous m’ é
criviez avant ce tem p s, de ne p lu s adresser vos lettres à B e r
nardine, qui les a laissées.d la p o ste, ou les a remises à mon
m a r i} qui n’ a p u se douter de rien.........
Voilà le p re m ie r, voilà le seul tort de madame de V alley
( e t encore e s t - c e le sien? ). V oyons comme elle le
répare ,
ou plutôt comme elle l’efface.............. . . Son mari revient : elle
l’attendait avec ce papier écrit et signé de sa m ain , ce papier
qu’il 11’avait pas gardé pour le produire dans une cause en sé
paration, mais qu’il devait conserver toujours comme le gage le
plus aimable et le plus touchant d’un de ces repentirs qui font
bénir les fautes..
« Je me repens , mon m a r i, d’avoir été fausse à ton égard , j e
«t te jure que je ne le serai plus , et je t’en exprim e mon regret
« le plus sincère. »
Quelque
chose manquait encore au repos de cette cons
cience si aimable et si pure : madame de V alley écrit à sa mère :
« M on m a r i, à son retour, rn^a f a i t p a r t , m a chère m a
m an , d ’une infinité d ’expressions d’amitié qu 'il éprouve p ou r vous
( Quel langage conciliateur , et quel soin de conjurer l’orage qui
menaçait sa v ie !)- L es sentïmens d ’attachement qu’ il vous con
serve et qu’ il éprouve bien sincerernent,
me fo n t infiniment
de p la isir; en l’em brassant, j e lüai p u résister d lui fa ir e p a r t
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( i3 )
des lettres
que
j e vous ai écrites et que f a i reçues de vous à son
insu : il est si difficile à une épouse de rester muette en p a
reil cas !
On sent que c’était un brouillon de lettre : il était tout entier
de la inain de madame de V alley ; et si l’on demande com
ment M. de V alley a conservé ces deux chiffons de pap ier, il
répondra que s’il avait pu les perdre il serait moins digne de
celle qui les avait écrits.
M. et madame de V alley font encore différensvoyages ensemble;
on les voit à N a n c y , de nouveau à L am arche, chez leur o n cle, M.
Durand-de V alley ; quand le mari quitte sa femme pour quelques
jours , les lettres conservent le même ton d’estime , d’attachement,
de tendresse.
M. de V alley était toujours malade : il alla prendre les eaux de
Bourbon-l’Archam baud. Madame de Sessevalle mul tipliait les instan
ces, les invitations de venir à Clermont : M. de V alley ne croit pas
qu’après ce qui s’est passé depuis, madame de Sesse valle puisse dire
que ses défiances, ses répugnances, sessoupçons, étaient injurieux
et injustement offensans; mais il lui avait promis que sa fille pas
serait quelque temps chez elle chaque année. M. et madame de
V alley arrivèrent donc à Clermont en mai 180 8; il laissa pen
dant quelques jours sa femme seule chez sa mère , et il dut à cette
courte absence la dernière de ces lettres si amicales , si tendres
qu’il recevait avec tant de bonheur , et dont il ne croyait pas faire
un jour un si triste , mais si utile et si victorieux usage :
(Clerm ont, 16 mai 1808.) Je te remercie 3 mon mari , des em
plettes que tu as fa ites p our moi... Comme tu ne me parles p as de ta
santé, cela me f a it présum er que tu en es content... T u auras
eu bien chaud p ou r fa ir e ton voyage > mais ce temps-la est bien
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
'
�c 14 )
p lu s favorable pour un convalescent..... A d ieu > j e t’embrasse ; tu
nous annonceras sans doute ton arrivée ici ,
B u isson .....
d ton retour du
,
dame de V allay ne se doutait sûrement guère , en écrivant
cette le ttre , qu’elle n’écrirait plus à son m a r i, et qu’elle ne signe
rait désormais rien qui le concernât, si ce n’est une plainte , tissu
épouvantable des accusations les plus invraisemblables , assemblage
La
de 28 faits calomnieux , et dont 26 se trouvent placés par leur date
antérieurement à toutes les lettres qu’on vient de lire , et notam
ment à cette dernière du îfi mai-1808.
M. de Y a lley revint peu de jours après à Clertnont, où il resta
jusqu’au 23 ju in , jour bien funeste et toujours présent à sa m é
moire et à ses regrets , jour où il partit seul et malade pour Plom
bières , laissant à sa belle - mère sa femme , pour lui épargner les
fatigues de ce voyage; sa femme qu’il lui confiait, qu’il n’a cessé
depuis de lui redemander au nom de l’honneur r au nom de ses
droits, et qu’il était destiné à ne recevoir, quatre ans après, que de la
main des magistrats qui maintiennent les contrats, et ne les brisent
pas au gré du caprice , de l’injustice, de l’hum eur et de la ca
lomnie.
O n a v u , depuis le 24 septembre 18 0 6 , jour de son m ariage,
jusqu’au 16 mai 1808 , la dame de V alley ne jamais changera l’é
gard de son m a ri, ni de conduite , ni de to n , et ce ton était tou jours celui de l’estim e, de l’attachem ent, du bonheur : ce n’est
pas e lle , c’était trop impossible , qui quitte de son gré cette maison
c o n j u g a l e , où elle n’a cessé de dire qu’elle se plaisait, qu’elle était
'
heureuse. C ’est son mari qui l’a remise à sa m ère, et c’est sa mère
q u i, pour l’cloigner davantage de son m ari, l’emmène à R eim s,
au moment même où M. de V alley allait revenir à C lcn n o n t.—
Madame de Sessevalle, pour continuer l’illusion où il vivait, et pour
Note BCU
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�( «5 )
eriipêcher ses soupçons de n aître, lui avait écrit qu’elle allait au
contraire se rendre avec sa femme à Paris. Il apprend ce départ
im prévu
pour Reims ; il quitte aussitôt les e au x, il part de Plom
bières, il se hâte d’arriver à Clerm ont; il trouve que la dame de
Sessevalle est partie pour Reims depuis quelques jours avec sa
femme ; il court à Reims ; on savait trop que s’il voyait sa femme,
toutes les intrigues seraient déjouées, et qu’elle reviendrait avec
son mari. On place ici dans la plainte la plus invraisemblable et la
plus absurde des calomnies : mais dans la vérité , la famille toute
entière de madame de Sessevalle, liguée contre son gendre par ses
in trigu es, empêche sa femme de rester dans la chambre de son
m a r i, l’en fait sortir à onze heures du soir , sans qu’elle - même
s’exprim e autrement que par son tro u b le , son émotion et ses
larm es.....
Il est des à mes heureuses de qui le vice , le m a l, les erreurs, les
to rts, les fautes mêtne légères ne peuvent approcher ; elles sem
blent destinées par l'excellence de leur nature à ne pouvoir faillir
qu’en s’égarant entre les d evoirs: Madame de V a lle y , qui avait
été la plus respectueuse des filles, avant d’être la plus heureuse des
épouses, avait mêtne, comme on l’a v u , quand elle était seule ou
quand elle était avec son m ari, su concilier sa justice pour lui et sa
vénération pour sa mère ; mais après plusieurs mois de séparation
en présence de celle à qui seule pendant vingt-deux ans elle avait
dû être soumise, elle ne crut pouvoir résister à cette v o ix toujours
chère et long-temps toute puissante....Elle se trompoit sans doute ;
elle ignorait ses nouveaux devoirs; elle oubliait que selon l’honneur,
la nature, la m orale, selon toutes les lois hum aines, selon ce Code
plus saint encore , dont elle s’honore de suivre les préceptes et de
reconnaître l’empire , elle devait respectueusement résister à sa
mère qui la séparait, par l’abus de son influence, d’un mari qu’elle
aimait et dont elle savait qu’elle n’avait jamais eu a se plaindre.
M. de Valley part de Reims des le lendemain m atin, bien résolu
Note BCU
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�( 1« )
de tout tenter pour obtenir sa femme de sa belle-mère avant de la
redemander aux tribunaux. Il fait en moins d’un mois trois voyages
à Reims ; jamais on ne daigna seulement le recevoir dans cette
maison où l’on séquestrait pon épouse au mépris de ses droits et
par suite du plus coupable abus de confiance.
Enfin madame de Sessevalle amène secrètement sa fille à Paris ,
fait rédiger la plainte ou plutôt l’incroyable libelle que nous avons
déjà indiqué, plainte au nom et d’après le contenu de laquelle seul
on est co n ven u , même en l’abandonnant, qu’on avait prim itive
ment osé former une demande en séparation.Madame de Sessevalle
fait signer à sa fille cette plainte qu’il sera bien aisé de prouver
qu’elle n’a pas lue.
Rien ne rebute M. de V alley ; en vain on l’attaque devant les
tribunaux; c’est toujours par d’autres voies qu’il essaie de se dé
fendre et de reconquérir sa femme. Il multiplie les lettres, les dé
marches, les efforts et les tentatives de tout genre : on met sous les
y e u x de la co u r, à la date du 8 et du 11 mai 1809, deux lettres de
M. Rojare,interm édiaire connu, estimé de madame de Sessevalle et
choisi par M. de V alley pour des démarches conciliatoires : celle
du 8 mai dit : ...... Je n’ai p u p arler qu’à madame votre épouse
qui était seule : j ’ ai vu en elle toute la douceur et la bonté de ca
ractère dont vous m’ avez p arlé si souvent : elle m’ a rappelé toutes
les démarches fa ites tant p a r vous que p a r plusieurs de vos amis ;
mais j ’ai bien vu ou qu’ elle ne pouvait p a s , ou qu’ elle n’osait
p a s contrarier les sentimens de haine violente que sa mère vous
conserve.
Mais cette haine qui comprimait la tendresse dè madame de
V a lle y , l’ien ne pouvait en eilet l’apaiser. On ne répond jamais à
M. de V a lle y , ou on lui répond d u n e manière insultante et déri
soire j on l’inquiète, 011 le fatigue, on le tourmente de toutes ma-
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 17 )
m ères; on refuse toute entrevue même devant la famille de su
fem m e, même devant sa m ère; il conçoit alors*un projet bizarre
en apparence , et expliqué seulement par le trouble et le malheur
d’une situation si fatigante et si déplorable ; il sent qu’il ne pourra
plus voir sa femme que devant le juge ; il sait que ces démarches
préparatoires , prescrites par une législation paternelle comme de
vant précéder l’action en séparation ou en divorce , l’action,la plus
odieuse à la lo i, sont uniquement et exclusivem ent conciliatoires ;
il pense que le magistrat, qui n’est dans ce cas qu’un arbitre légal,
qu’un conciliateur judiciaire , pourra peut-être inspirer à sa femme
le courage dont il est évident que manque sa volonté d’ailleurs bien
présum ée, bien connue et pas du tout douteuse....
%
A u x termes de la lo i, la requête est remise écrite et signée de
la main de M. de V alley, sans l’intermédiaire de l’avo u é, tant on
a voulu que tout fût secret, confidentiel entre le juge et les par
ties : le magistrat rend une ordonnance qui porte, que selon le vœ u
de l’arlicle 876, les sieur et dame de Valley comparaîtront devant
lui. Ils y comparaissent en effet ; le procès-verbal indique suffi
samment et l’on verra toul-à-l’heure ce qui se dit devant le ju g ej
il rend (article 878) l’ordonnance qui permet de se pourvoir. M. de
V alley, au lieu de profiter de celle permission, relire la requête
du greffe, non pas comme on l’a plaidé, sur un reçu et une pro
messe de la représenter qu’aurait signés son avoué ; mais il la re
tire sans l’intervention du ministère d’un officier de justice qui ne
pouvait et ne devait pas y paraître officiellement; il la retire parce
que cette requête n’appartenait qu’à lui; parce qu’il 11e voulait et
11’avait jamais voulu y donner aucune suite; toute trace judiciaire
en disparaît et tout souvenir encore s’en efl’ ice, puisque t e sou
venir n’a jamais pu se placer, ou plutôt n’a jamais pu que se per
dre , disparaître et s’anéantir dans le secret religieusement impé
nétrable de la conscience du magistrat. Mais veut-on savoir ce
que ce JVL- de V alley a dit à sa femme devant le juge ? Oii le sait j
5
Note BCU
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�( i8 )
on en a la preuve acquise, écrite, incontestable; si les questions
ont disparu et ontrdû disparaître, les réponses les reproduisent et
]es réponses restent. M. de Valley a suivi devant le président du
tribunal de première instance, ce système de rapprochem ent, de
réunion avec son épouse, qui, depuis la perte de son bonheur,
était devenu le soin et l’unique travail de sa vie. M. de V alley a
pressé jnadam e de \ a lle y de revenir a^ec lui, puisque le procèsverbal extrait des minutes du greffe du tribunal c iv il, en date
du i j ja n v ier i 8n , porte : la dame de V a lley dit qu’ elle a été
autorisée p a r notre prédécesseur à résider provisoirement avec
la dame sa mère dans les lieux où elle est actuellem ent, suivant
.Vordonnance p a r lui rendue il y a environ deux ans, au p ied de
la demande en séparation de corps contre ledit sieur son mari.
A in si, M. de \ a lle y avait demande a sa femme de revenir de
m eurer avec lu i, et celle qui l’avait toujours remercié de l’avoir
rendue heureuse, ne veut pas y consentir parce qu’en sc rendant
chez le magistrat, elle venait de promettre à sa mère de ne pas
céder à son m ari, et parce que, sous celte funeste influence, elle
persiste dans la seule erreur où puisse tomber une conscience si
p u re , erreur non moins contraire à son bonheur qu’à son devoir.
F orcé de vaincre sa belle-m ère, puisque tant de respects, d e
soumissions et d’hommages n’avaient pu la désarm er, M. de Valley
se présenta devant les premiers juges avec autant de regret que de
confiance.
L a sente/ice pouvait-elle être douteuse? Et les seuls faits qu’il a
fallu énoncer avant de les reproduire dans la discussion , n’ont-ils
pas déjà prouvé que les premiers juges n’ont pu ajouter foi à une
plainte qui ne peut pas être l’ouvrage de madame de Valley, qu’ifo
n ’ont pas pu la fuire prévaloir contre son propre témoignage, c’està-dire contre la correspondance qui est l histoire entière de sa vie
terite avec des intentions et a des époques non suspectes-
Note BCU
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�( >9 )
L e tribunal a dit conformément aux conclusions du miuistèrc
p u blic:
oc A tte n d u ,'à l’égard des v in g t-six premiers faits articulés par
a la demanderesse, qu’ils sont détruits par la correspondance, dç
cc l’épouse, voisine de ces faits ;
;0[r, , , : , j .
^
•
-.il
« En ce qui touche les vingt-septièm e et vin gt-h u itièm e faits
<c de la cause, attendu qu’il résulte de la manière dont ils sont ex.« posés, que la preuve ne pouvait en être faite, et que d eux faits
« isolés et de cette nature nç suffisent pas pour faire re vivre les
ci vingt-six premiers faits ;
« En ce qui touche la diffamation dont se plaint la dame Durand
cc de V alley, résultante de la demande en divorce formée contre
cc elle par le sieur Durand de V alley, pour cause détenninée, atcc tendu qu’il n’existe aucune trace ju d icia ire de cette prétendue
<c diffamation j
« Le tribunal déclare la clame Durand de V alley non recevable
cc dans sa dem ande, et attendu la qualité des parties compense les
cc dépens. »
•
Dès le lendemain M. de Valley écrit à sa femme.
c
E xtra it de la lettre du 5 ju ille t /8t/, écrite p a r le sieur de V a lley
à son épouse.
•
« M a c iiin E
fem m e
Paris, cc 5 juillet x 8 n .
•i;
, d’après le jugem ent qui vien t d’ètre rendu,
j’écris du fond de mon cœ ur à yotre niainan pour lui renouvelçr
l’assurance dp mes sentimens qui ne peuvent ch^üHcr*
Note BCU
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�( 20 )
J’oublie le passé de tout mon cœ u r, et je ne conserve aucune
rancune contre personne.
Si votre màinan répond à nia sincérité, etc., e tc ., etc.; si elle
veu t être juste pour m o i, en consentant à ce qu’exigent les lois
civiles et religieuses, et l’honneur de nos familles, je serai bien at
ten tif et bien soigneux d’éviter tout ce qui pourrait lui déplaire,
etc* j etc.
Les liens qui m’unissent à vous sont tels, que je ne puis être heu
reu x que de votre bonheur, et en voyant votre maman heureuse
elle-même.
Depuis trois ans j’en ai le désir, depuis trois ans je n’ai cessé de
ïe témoigner par toutes.mes lettres, comme par toutes mes dé’marches ».
L e même jour il écrivait à madame de Sessevalle r
E xtra it de la lettre du sieur de V a lley , adressée en même temps
à madame de Sessevalle.
P a r i s , 5 juillet i 3 i r .
« Mad a m
e
1
;
J’étais encore allé à Clermont il y a deux m ois, vous le sa v ez,
désirant n’obtenir que de vous-même la justice que le tribunal vient
de me rendre : ce n’est pas de ce jugem ent, Madame , que je vou
drais me faire un titre ; mais mon cœ ur saisit cette occasion de vo u s
riioimnage des seritimens qu’il vous a toujours conser
• r e n
o u
v e l e r
vés. Je vous supplie d’oublier avec bonté toutes nos brouilleries,
et je ferai, je yous assure, tout ce qui sera en m o i, pour vous for-
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 21 )
cer, j’ose le d ire, d’avoir regret à ce qui s’est passé : vous retrou
verez dans nos rapports à venir des respects, des soins et des égards.
Je vais porter ma lettre moi - môme à M. B illecoq, et je le prierai
de vous rendre de v ive v o ix tous les senlimens que j’exprime trop
mal moi-même.
Je joins ici une lettre pour ma fem m e; je vous.supplie de la lui
remettre.
Je suis j avec un profond resp ect,
’
M adam e,
V otre dévoué et obéissant
serviteur ».
M. de V alley ne pouvait se lasser de multiplier ses efforts et ses
tentatives. Il écrivait, le 11 ju illet, à M.® Gicquel :
« M o n s i e u r , vous verrez aujourd’hui mon épouse : vous lui e x « primerez sans doute mon dévouem ent pour elle; mais vous lui
« direz aussi qu’après l’avoir toujours aimée , trois années d’une
« séparation malheureuse me la rendent aujourd’hui plus chère
« encore.
« Combien je dois l’apprécier, puisque partout où elle s’est trou« v é e , elle a laissé des souvenirs si flatteurs ! re sp e c t, admiration
« et attachem ent, tels sont les senlimens qu’elle a inspirés à toute
« ma famille , comme à tous ceux qui l’ont connue.
« T ous mes parens me la redemandent sans cesse ; et puisque ce
« sera pour eu x un jour de fête lorsqu’ils la re v e rro n t, quel doit
« donc être pour moi-même le bonheur de ma réunion avec elle ! ^
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
‘
�( 22 )
« O u i, M onsieur, vous lui direz que c’est elle-même qui a gagné
« son procès par le jugement qui l’ordonne : elle sera pour toujours
« une épouse chérie, et je me soumettrai de bon coeur à tout ce
« qu’elle désirera pour sa mère !
« M on bon h eu r, mon am our-propre même , seront intéressés
« à détromper ceux qui voulaient si ardemment notre séparation.
« Cette lettre, M onsieur, est une conversation franche sur tous
« les sentimens que je vous ai déjà si souvent exprimés ; je vous
<c abandonne , et à M. Billecoq, le soin d’exprim er à mon épouse
« tout ce que je sens pour elle, et je suis heureux de penser que
i< je dois de tels interprètes à votre commune bienveillance.
« J’ai l’honneur de vous saluer. »
L e surlendemain du ju g em en t, un ancien m agistrat, l’un des
hommes le plus considérés de la famille même de madame de
Sessevalle , M. de C astou l, écrivait à M. de V alley :
Clcrmont ( O i s e ) , 6 juillet 1 8 1 1 .
............., je désire bien sincèrement qne le gain de
votre procès contribue à votre bonheur ; j’apprendrai avec bien
de la joie, que la réunion se fasse de bonne grâce et de bon cœ ur;
M
o n sie u r
mais je ne vous dissimule pas que je crains le contraire : Quel
peut donc ê tr e , je ne dis pas l’a m i, mais l’honnête homme qui
puisse désirer la séparation de ce que le sacrement a u n i, et que la
loi a maintenu ? 11 peut y avoir des contrariétés en ménage , mais
chacun doit faire ce qui est en lui pour les éviter ou les adoucir;
l’à«c l’cxpcriencc et les circonstances doivent tout faire oublier :
c’Jst une nouvelle v ie , une nouvelle union que les liens de la pa
ternité rendent pour l’avenir indissolubles.
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 20 )
S i , m on-cher p aren t, ce que je souhaite pouvait avoir lie u ,
vous ne pouvez croire combien je serai reconnaissant d en être
prom plem ent instruit. Je regrette bien de ne pas avoir assez la
confiance
et l’amitié de la famille pour être médiateur ; le succès
serait le plus beau jou r de ma vie.
J’ai l’honneur d’être. Signé C astou jo .
Enfin , dès que l’oncle de M. de V alley, ce parent vraim ent paterntl pour lu i, un moment égaré sur son com pte, eut appris ce
même ju g em en t, il écrivit à son neveu :
L a Mar che, 28 juillet 1 8 1 1 .
Mon cher n e v e u , j’ai appris avec une grande joie que le tribunal
de première instance de Paris venait d’ordonner, par son juge
ment , la rentrée «le v o ire épouse a\cc vous. Cet événement
comble tous vos v œ u x et les nôtres 5 il rend à votre cœ ur loute
]a justice qui lui est due , puisque vous avez toujours aimé si
tendrement votre femme, et que je vous ai toujours v u vous mon
trer l’un l’autre près de moi tant d’affection.
Ce jugement m ’a rempli de joie et toute notre fam ille, car nous
voyons tous avec regret et avec la plus grande affliction , depuis
trois a n s, que madame de Sessevalle , votre b e lle -m è re , a fait tout
v ce qu’elle a pu pour vous ravir vo ire chèré femme ; cro yez-m o i,
mon n e v e u , et p re n e z -y g a rd e, tant que votre b elle-m ère ne
sera pas forcée à vous rendre votre ép o u se, elle continuera de
vous la soustraire et de vous la tenir cachée, puisque depuis trois
a n s, malgré les nombreuses démarches que vous avez faites près
d’elle , ainsi que vos arnis j malgré toutes les lettres de vos parons,
rien n a pu la decider à vous représenter votre l’e innie un seul
instant.
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�0 24 )
'
C royez-m oi, mou n evô u , ne vous cîccouvagez pas ; continuez vos
démarches pour fléchir votre belle-mère et obtenir la p aix; vous
savez toute l’influence qu’elle a sur votre bonne et tendre épouse,
qu’elle fait m ouvoir à son gré : c’est une raison de plus pour redou
bler de zèle, et votre belle-mère se rendra sans doute, puisqu’elle
sait que si l’uffaire se continue sur l’appel, la Cour rejettera la de
mande en séparation, qui n’a été formée que par son animosité
contre vous.
J’espère que bientôt le ciel couronnera tous nos v œ u x en vous
rendant votre bonne épouse, que nous chérissons tous.
Je vous souhaite, mon cher n e v e u , une bonne et parfaite santé.
Signé D U R A N D . »
T o u s ces nobles et touchans efforts de M. de V a lley , tous ces
v œ u x des deux familles, toutes ces tentatives de tant d’honorables
amis communs, tout a échoué contre la volouté opiniâtre de ma
dame de Sessevalle , et celui qui s’élait présenté au premier combat
en gémissant, celui qui n’aurait pas même voulu remporter une
première victo ire, est forcé d’en demander une seconde à la Cour
souveraine, qui ne peut pas la lui refuser.
La discussion courte et facile d’une cause qui, toutes les parties
le savent bien , ne peut pas être perdue par M. de V a lley, se divisera
jialurellem ent en deux paragraphes.
D IS C U S S IO N .
i.° Discussion des moyens de séparation, tirés de la plainte, pa
ragraphe premier.
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�a.° Discussion dès m oyens de séparation tirés des autres pièces
produites au procès , et des circonstances étrangères à la plainte.
’ 1,1
P A R A G R A P H E
i >■
v.
-il 'i; ’ !: ! •
P R E M I E R .
^
>■
!"
■
!; D iscussion des moyens de séparation tirés de la plainte.
Est-il possible qu’après avoir lu , d’une part cette plainte en sé
paration , qui contient vingt-huit articles de faits tous graves, d’in
jures , de sévices, de to u t ce qui scandalise enfin d’ordinaire les
oreilles des magistrats dans les procès de ce g en re, et qu’après
avoir lu de l’autre la correspondance que M. de V alley a eu l’hon
neur de mettre sous leurs ye u x , cette pensée ne s’olfre avant tout
à leurs esprits ?
'
En lisant la p lain te, ils diront :
ü
_( >
Voilà un de ces mariages contractés sous de funestes auspices, où
la vie de deux ép o u x, qui ne s’aiment ni ne s’estiment, est un long
enchaînement de querelles, de débats, de malheurs; où les pas
sions, toujours iûgriçs èt exaltées ramènent sans cesse les injures,
les mauvais procédés , et même les mauvais traitemens j où l’on ne
retrouve que les actio n s, la con d uite, les propos indéçens qui
trahissent même les moeurs de la classe la plus vile de la société ;
enfin , voilà un tyran , et voila une victim e.
!
On lit ensuite la correspondance, et on se dit d’abord : Il n’est
pas possible qu’il soit ici question des mêmes ép o u x; c’est d’une
autre cause qu’il s’agit; les mêmes noms se retrouvent sans doute
par erreur: quelle difiérence de ton, de langage! quelle suite de sentim e n sd o u x , d e so in s, d’égards, de procédés aimables ou touchans! Comme celte victime paraîl heureuse ! comme ce (y/*/« mérite
ci obtient son estime , sa tendresse ! Comme cette jeune femme
peint sans doute toujours avec décence et avec m odestie, mais
4
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( '«6 )
tfussi avec chaleur, avec charm e, avec fo rc e , le bonheur dont son
mari la fait jo u ir! Quels regrets , à. la suite (le la plus courte ab
sence ! Quel désir de son retour ! Comme ce retour est attendu !
Com m e il paraîtra un jour de fête ! S’il y a quelques nuages dans
cette famille , ils ne s’élèvent jamais entre les deux époux ; si une
m e r e , si rtne'tante paraissent jalouses de cet excès de bonheur qui
accompagne les premiers jours d’une union ch érie, et dont il semble
que la d urée, d’ordinaire si courte et si rapide , devrait ^consoler
l’envie ; si elles veulent cruellement troubler ce qu’elles appellent
l’illusion et l’erreur d’une jeune femme qui trouve son mari trop
parfait, c’est cette jeune femme elle-même qui le défend, avec me
sure pour celles qui l’attaquent, mais avec la vivacité du g o û t, de
l’estime et de la reconnaissance. Est-il malade ? elle est toute entière
à ses soins, à ses inquiétudes. Est-il absent? elle le presse, le re
mercie de lui écrire toutes les semaines , et ne s’étonne pas de rece
vo ir deux lettres datées du même jo u r; et ses sentim ens, ainsi que
les lettres qui les exprim ent, n ’éprouvent ni lacune, ni interrup
tion , ne Lussent aucun intervalle où la calomnie puisse supposer ni
des malheurs ni des torts. Ces lettres sont l’histoire de d ix -h u it
m ois, et ces époux n’ont vécu ensemble que dix-huit m ois! L ’on
est donc forcé de s’écrier, après avoir lu cette touchante corres
pondance : « Quel heureux ménage ! Comme cette union a été ce
qu’elle devait être , ayant élé formée sous de si favorables auspices !
Comme ces deux époux , si bien assortis pour l’à g e, l’éducation, la
naissance, les rapports et les convenances de tout g e n re, ont
justifié l’espérance et les sojns de ceux qui les avaient unis! »
Mais tout s’explique quand on se dit que la correspondance est
une histoire cl M plainte un roman ; aussi retentissent-elles encore
à lW i l l e des magistrats, ces paroles échappées inévitablement à
l’éloquent défenseur de la daine de Sessevalle ( nous ne dirons ja
mais de la dame de V a lley ) : « H faut convenir que les faits de ht
a plainte sont à peu près couverts par une correspondance con-
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 27 )
a temporaine ».i... N o n , ils ne sontipas couverts, ils sont détruits
selon l’énergique expression des premiers juges; ils ne sont pas c o u - 1
verts, ils sont effacés, anéantis, déclarés calom nieuxà toutes les épo- !
ques où on les place ; ils disparaissent enfin , eomme'la plus absurde
cliimère inventée par la haine en délire ; ils disparaissent au pointde ne rendre ni invraisemblable , ni tém éraire, l’hypotlièse que.
nous venons de tracer ; au point de laisser demander à tout lecteur
impartial s’il est possible qu’il soit question des mômes personnes
dans les lettres et dans la plaiate? Comment s’est-elle donc faite»
celte plainte ? 11 sera bientôt prouvé qu’ici tout cesse d’être hypo
thétique , et qu’il est iixipossible qu’on explique autrement un li
belle tissu tout ensemble avec tant dè m échanceté, tant d’invrai
semblance et de légèreté : oui, ceux qui voulaient absolument séparer
les deux époux ont chargé un rédacteur hannal de ces sortes d’é
crits, décom poser une plainte en séparation : les instructions, du,
rédacteur ont dû être à-peu-près celles-ci :
^
r ; ,|
■
i .
!••••; . !i»
Il nous faut une plainte d’après laquelle il soit impossible de ne
pas obtenir une séparation : vous savez ce qui est de l’essence de
ces compositions scandaleuses; il faut des injures, des outrages y
.
et quoique( cela tpût suffire entre, personnes honorables et biea
nées , il n’y a pas de mal à faire une dp ces. plaintes qui ne convien
nent en général qu’aux gens du peuple : ainsi, mettez en fait d’in
jures ce qu’il y a de plus g ra ve, dé plus v il, de plus dégoûtant, ces
mots qui ne souillent même pas toujours l’enceinte des tribunaux,
en pareille matière. Allez plus loin •: supposez-desiSévices , des
coups, des violences de tout genre. 11 faut bien voiis dire quelque
chose sur los datés et sur les lieux : quant au tempis que les deux
époux ont passé ensemble, c’est du a4 septembre 1806 au an juin
1808. Quant aux lie u x, Clerm ont,’ Nancy, Paris, la terré du Biiisson , R eim s, voilà*tout ce q u b !'nous pouvons vous dire. Q uant
aux dates, encore un cotip'j^vous^aurcz soin de les resserrer entre
ces d ix - h u it m ois, et nous vous dirons bien aussi à peu près
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 28 )
quand a com m ence et quand a fini chaque séjour dans chacun des
lieux désignés. P o u r la vraisem blance, pour l’ensem ble, pour é v i
ter l’alibi, c’est votre afl’a ire ; et si on pouvait vous rendre tout
cela facile , on n’aurait pas besoin de vous. Quant aux lettres, nous
en avons beaucoup, huit ou n eu f cents, peut-êlre du m ari, mais
aucune ne peut elre montrée : pour lu i, il a dû bien en re ce v o ir
aussi et de sa fem m e, et de sa belle-mère et de ses tantes ; elles
poui’roient nous gêner. Mais pourquoi ne les aurait-il pas perdues?
on ne garde pas toujours ses lettres.
On sent ce qu’un pareil mandat laissait de difficile et de hasar
d eux à l’écrivain qui se chargeait de l’exécuter.
Les pièges se rencontraient partout, il n’en a guère é vité; toutes
les erreurs étaient possibles , il les a toutes commises. Aussi faut-il
convenir que ce rédacteur était très-imprudent et Irès-inaladroit ;
par exem ple, pourquoi se presser ta n t, pourquoi celte supposition
si invraisemblable des in jures, des mauvais Iraitemens placés en
tête de la plainte clans le premier article, à la date vraim ent témé
raire de dix ou douze jours après le mariage? Il pouvait attendre
un peu plus tard, et il n’aurait pas rencontré les deux lettres si pré
cises: l’une du 29 septembre ( trois jours après le m ariage), où
madame de Valley dit à son mari :
■
cc
t’écrivant, mon bien aim é, je calme un instant l’ennni que
j ’éprouve de ton absence, quand je pense que deux grands jo u rs,
et peut-être trois«, doivent s’écouler encore jusqu’au moment de
ton retour: c’est en l’exprimant toute ma tendresse et mon attache
ment pour loi que je puis le faire paroître moins lo n g , etc. etc.
Adieu , cher bon am i, je t’embrasse mille et mille ibis, j ’attends
ton retour avec, l’nnpaticncc la plus vive ; adieu , je l’embrasse 5
bien bon ami de ta tendre et fidèle amie, j>.
(
Sigrlc rie- V A L L E Y , née de SE SSE V A L L E .
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�C a9 )
Et cetfe autre lettré du 1 " . octobre 1806 suivant (trente-cinq
jours après le mariage:)
cc Dans l’incertitude où je su is, mon bon am i, de ton re to u r, je
t’écris un mot ; j’esp ère, mon bien bon a m i, avoir demain la lettre
que tu m’as prom ise, et peut-être t’embrasser le soir ; que je désire
ce moment! qu’il me paraît long d’être éloigné de toi!
A d ie u , cher bon a m i, ta bonne amie t’embrasse et répète avec
un nouveau plaisir qu’elle t’aimera toute sa vie.
Signé de V A L L E Y , née de SE SSE V A L L E . »
L ’écrivain de la plainte est moins repréhensible , obligé , comme
il était, de changer le lieu de ses scènes, d’en supposer une atroce
chez madame de Trém ém ont en octobre 1806, parce qu’il ne pou
vait pas savoir que la dame de V alley choisirait, le i 4 fé v rie r, cette
même dame de Trém étnont pour lui écrire et pour la rendre
précisément confidente, non pas d ’un mouvement passager de ten
dresse pour son m a ri, mais des vifs sentiruens qu’il lui inspire con
tinuellement depuis leur mariage.
Nancy, i
4 février
1807.
« Mon mari part demain pour P aris, chère tante , je ne veu x
pas le laisser partir sans un mot pour to i, etc. etc.
Q u’il faut de raison, ma chère taillé ! depuis cinq mois que nous
sommes m ariés, nous ne nous sommes quittqs encore .q u etrèsp çu ,
et je songe par les absentes qu’il a déjà faites combien cgile-ci va
me coûter. Ma chère tante, quand on est parfaitement-heureuse,
pourquoi donc être séparée quelquefois? etc..... Que je voudrais
que tu puisses être témoin de mon bonheur! mon cher de V alley est
tout pour m o i, etc. Je ne suis pas encore ^grosse, ce qui nie con
trarie beaucoup; je ne perds cependant pas encore espoirj mon
mari désire une petite fille et moi un petit garçon.
Note BCU
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-
�(5o)
A d ie u , ma chère tante; je ne puis trop te répéter combien je
suis h eu reu se, et combien il me coûte do me séparer de mon m ari;
je le charge de t’embrasser pour moi.
,
T a nièce bien affectionnée , ' ' l r
>•
•
'
;
. . .
Signé de V A L L E Y de SE SSE V A L L E .
L e rédacteur place au 24 décem bre, à N a n c y , ce qu’on peut ap
peler le morceau d’effet de la plainte , celui dont il s’est sûrement
le plus applaudi :
.
« L e 24 d é ce m b re (article 7 de la p la in te), vers les trois
<c heures après m id i, le sieur de V alley frappa la dame de V alley et
« menaça de lui brûler la cervelle. »
. , r'
Quel sentiment l’emporte ici dans l’â m e , entre le mépris et l’in
dignation , quand après avoir lu cet article épouvantable, on lit
cette lettre datée de N a n cy , du même jo u r,
d u
a4
d é c e m b r e
180 6, et qu’il est cependant impossible de ne pas transcrire en
entier.
■
*
N a n c y , iæ
r>
M
a
,
c i i è r e
M
a m a k
a
4
f
f’k
d é c e m b r e 18 0 6.
,
a Je profite d’un moment de loisir que j’ai dans mon m énage,
pour vous écrire et vous souhaiter une bonne fête ; mon mari est
absent pour ses,affaires depuis quelques jours, je l’attends samedi
prochain. I l vous a écrit à Sedan depuis plus de quinze jours, çt
m o i'à Eugénie ; je viens d ’écrire à R ëim s, à ma tante Alexan«
d rin e , e t c ., etc.
>>>« ...
(c Je suis fi présent h la tète de mon ménage , extrêmement con
tente, satisfaite,, e t c ., etc.
Je ne puis vous dissimuler, maman,
que mon intention a toujours été de tout temps d’avoir mon
ménage à m oi; il rn’eùl été agréable d’habiter dans la même maison
Note BCU
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�( 3 0
que v o u s , mal1» cela n’élait pas possible , cela vous aurait fort dé
ran gée, e tc ., e tc .— J’aime beaucoup N an cy, c ’est une ville fort
jolie : je suis ici parfaitement h eu reu se, ayant une habitation
agréable. Je trouve’ dans madame de Lorency toutes les qualités
d’une bonne m ère, qui aime mon mari et moi comme ses dèujc
cnfans, e tc ., etc. '
«
« J ’ai maintenant un caraclère bien d écid é, ma résolution est
d’habiter N ancy ; quoique mon mari aime P a ris, j ’espère qu’il ne
me contrariera pas là-dessus. V ous m’avez dit que mon mari était
bien intéressé, je trouve qu’il ne l’a pas été comme il devait l’être:
le so ir, veille de notre départ de Reims , pour se raccomm oder
avec vous , il vous a offert d ix louis ; en vous les voyant com pter,
je croyais sincèrement que vous nous les rem ettriez après les avoir
reçus, e t c ., etc.
•
;
« M. de V a lle y , en ce c a s, devait au moins avoir plus dé
fermeté à soutenir n o s intérêts, e tc ., etc.
« Je vous prie de dire bien des choses à mon oncle et à ma tante
R o llin , et je suis,
I
V o tre affectionnée fille ,
V A L L E Y DE S E S S E V A L L E .
Est-ce parce qu’ils sont fa u x , que nous devons transcrire et ré
futer ces faits d’une si révoltante et d’une si calomnieuse absur
dité ? Non , sans doute , puisque les adversaires eu x - mêmes les
abandonnent ; mais c’est pour prouver aux magistrats que la dame
¿ e Valley est incontestablement étrangère à la plainte form ée.en:
soif nom ; c’est pour prouver encore une fo is, et jusqu’à l’évulence,
que ce n’est pas elle qui plaide en séparation , el que ce qu’elle
pourrait dire sousl’inilueuee fatale qui l’égaie , ne devrait pas être
cjru plus que ce qu’elle.a signe contre les dépositions irrécusables
de sa conscience , poutre les témoignages de sa vie toute en licie.
Note BCU
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�( 33 )
Et certes, les magistrats ne l’ignorent pas : Ces sages et involon
taires confidens de toutes les passions savent trop bien jusqu’où,
vo n t leurs erreu rs, leurs e x cè s, leurs inconséquences ; mais ils
.savent aussi où elles s’arrêtent ; ils savent par exem ple que quand
-lep femmes se trom pent, ce n’est pas si grossièrement; que quand
elles se plaignent, c’est avec plus d’art; que quand elles accusent,
c’est avec plus de vraisemblance : non jamais cette mémoire si
exacte, si sûre, si fidèle, cette mémoire toute intérieure, que ne trou
blent ni les événem ens, ni les a ctio n s, ni les affaires ; où se g ra v e ,
où v it toute seule et toute entière l’histoire de ces sentimens qui
fon t leur vie , ne se rend coupable de pareilles erreurs.
Jamais les femmes ne se trompent sur les époques, sur les dates
précises, sur les moindres circonstances de ces torts dont l’empreinte
est toujours si récente et si v ive ; jamais elles ne s’égarent sur ces
injures dont elles demandent vengeance; jamais la main d’une
femme n’a écrit dans sa plainte que son mari avait osé la maltraiter
le jou r où elle avait écrit qu’il était absent ; jamais la main qui
signe, après l’avoir lue, une accusation g ra v e , portant sur ces pre
miers joUraide son mariage , si présens à son souvenir, ne la place
par erreur à.un jour où cette même main avait écrit-àson époux...
« Q u’il était tout pour elle; qu’elle le regrettait vivem ent et qu’elle
« s’efforçait de remplir en lui écrivant l’intervalle insupportable
de deux grands jours. »
•' " V
'
.1
!)
Faut-il pousser plus loin cette démonstration , et fatiguer encore'
les y e u x des magistrats par quelques citations de p e dégoûtant li*-
O n a vu que le septième fait est détruit par Yalibi le plus victo
rieusement prouvé : le huitième l’est de la même manière.
Note BCU
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�(35)
On y dit que dans le mois de mars 1807, il avait m altraité sa
fem m e derrière une m asure, en se promenant avec elle.
Eli bien ! il est prouvé que M. de V alley n’a rejoint sa femme que
dans le mois d’avril. L a lettre de celle-ci, du 18 m ars, reçue à Paris
le 22 (le timbre l'indique ) , prouve que, quand même il se serait
mis en route le lendem ain, il ne pouvait être être moins de huit
à dix jours, puisqu’il est dit qu’ il venait très-lentement avec ses
chevaux et une voiture très-lourde.
t
Ainsi les huitièm e, neuvièm e et dixième faits parlent des mêmes
injures, des mêmes sévices, dans les mois de mars et de mai.
.
Et les trois lettres les plus tendres de la correspondance sont
peut-être celles que madame de Valley écrit à son m ari, le 1 . " , le
12 et le 18 de ce même mois de mars 1807. .
{N a n cy, dimanche prem ier mars') , elle lui écrit :
cc J’ai reçu , bien bon am i, tes deux dernières lettres : par celle
<c du 26, tu ne me parles pas du tout du moment où tu partiras de
« Paris, ce qui me Fait bien craindre qu’il ne soit différé; je t’adresse
« doijc encore celle-ci à Paris. Quelle satisfaction pour m o i, cher
cc bon am i, que cet espoir de devenir bientôt m ère! toi mou bien
cc aim é, qui connois le coeur de ta femme! etc. Mon am i, le désir
« que tu en as augmente encore le mien ! quelle sera donc la jouiscc sauce de ton amie? remettre entre tes bras cet objet de nos désirs,
cc qui apprendra de bonne heure à t’aim er, à te chérir toute la vie.
cc T o u t ce que ton cœ ur me d it, mon bien aim é, je le reçois
« avec toute la sensibilité et la v ive tendresse que le mien ressent
cc pour toi! O u i, mou cher H enri! je 11e puis l’exprim er combien
ce ce cœ ur t’aime ! O mon ami! qu’il y a long - temps qu’il n’a pu te le
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�(
34)
« dire ! Viens donc jouir du bonheur d’être aim é, toi qui remplis si
« bien mon cœ ur ! etc. »
L e m mars elle lu i écrivait :
« O h ! o u i, mon bon a m i, dorénavant aucunes circonstances ne
« m’empêcheront de voyager avec toi ! il est trop pénible d’être séa parés l’un de l’autre, e tc ... Cher bon ami! quelle fête pour m o i,
u. de te revo ir, après un mois d’absence et plus! etc. e tc .. . Que je
«. serai contente de t’embrasser et de t’exprim er toute ma tendresse!
« Adieu mon bon ami! adieu mon H enri! je t’embrasse mille et
a mille fois ! etc---- »
Si le rédacteur de la plainte, promenant pour ainsi dire la haine
qu’il est chargé d’exprim er sur des sujets divers; et, changeant de
calom nies, en restant toujours fidèle.au besoin de nuire, accuse
M. de V a ll e y d’èlre intéressé, avare, de tout refuser à sa fem m e, il
se trouve qu’elle-même dans plusieurs de ses lettres le remercie de
ses présens, de ses em plettes, et de ses attentions en ce g e n re , tou
jours aimables et multipliées.
Si le rédacteur l’accuse d’être mal pour ses domestiques, de dis
puter le salaire de ses o u vriers, il se trouve encore que sa femme
se vante d’avoir pu répéter à des ferm iers, à des habitans diwBuisson qui lui adressaient quelques demandes, combien ils avaient de
motifs de Complaire à un homme qui était continuellement pour
eu x si généreux et si bon.
y
Si le rédacteur a la méchanceté absurde de supposer que les ha•
bitans du B uisson (qu i n’ont vu AI. de Valley que trois semaines,
et m alade) attendaient son retour p our l’accabler d'injures et dem alédictions, il fournit seulement l’occasion de produire, émanant
de ce même p a y s, les témoignages les plus unanimes d’estime cl de
considération.
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�(55)
Si le rédacteur place au 28 juillet 1807, au 28 ou 2g août, de
nouvelles scènes d’injures et de violences, il se trouve prouvé par
des certificats authentiques, par des lettres, par mille circonstances
diverses, que pendant tout ce môme temps M. de V alley était ma
lade et même en danger pendant plusieurs des jours indiqués.
C'est même madame de Sessevallc qui se charge encore ici de l’a
pologie de son gendre , pour les vingt-un premiers faits de la plainte,
puisqu’elle lui écrit, le 27 novembre 1807:
•»llii r
1.
1
« N e croyez pas, m on n m i,que je cherche à me justifier ; ma
cc conduite est au-dessus de tous les propos qu’on vous a tenus , etc.
« etc. ; elle est sans reproche, et ce qu’on vous a dit de moi n’est
« qu’un tissu de faussetés et de mensonges , etc. etc. ; ainsi vivons
« avec l’affection qui doit exister entre une mère et ses enfans.
« Signé DE L A M O T T E DE S E S S E V A L L E . »
Puisque, le même jo u r, madame de Sessevalle écrit à sa fille :
« T u me fais grand plaisir de me parler de la réception d’am itié,
« ma chère amie, que j’ai faite à ton mari; tu sais que je ne garde
« pas de rancune , etc. etc.
« Continue, ma chère amie , les soins qu’il mérite par son atla« chement pour loi. Q uel bonheur pour deux époux d’avoir réci« proquemenl des alternions l’un pour l’autre , et que chacun rem« plisse scs devoirs : la femme dans son ménage et le mari occupé
« des affaires du dehors ! — Voilà , mes enfans , ce dont vous êtes
« occupés journellement; c’est une justice à vous rendre , etc. etc.
« S ig n é D E L A M O T T E D E S E S S E V A L L E . »
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�V
( 56 )
Enfin quand le rédacteur dit dans l’avantdernier et vingt-septième
fait de la plainte, que , le 22 juin 1807, M. de V a lley s e livra à
toutes so rtes d 'e x c è s contre la dam e d e V a l l e y , c’est encore
m a d a m e de Sessevalle qui répond, et ainsi qu’il était dans le caractère
et dans la position de madame de Sessevalle, ce n’est pas toujours
de ses éloges , c’est plus souvent encore de ses reproches et de ses
accusations moines , que résulte une apologie bieu victorieuse et
bien involontaire.
*
A -t-il pu outrager et maltraiter sa fille, le 22 juin , celui à qui elle
se
contente de dire, le 3o ( i ) d u même mois : V o u s mettez toujours
votre fo r tu n e a u -d essu s d e c e lle d e v o tre fe m m e ; (toute la
cause prouve «.«unbien ce reproche est fondé! ) •vous avez prive’
'votre fem m e, depuis Vinstant d e votre m a ria g e, d e d isp o ser
d ’un soit ; ( comme celte accusation est lu'-.- ¡.vec 1. précédente,
et coùime '*lle est aussi bien établie d.ms le procès ! ) v ou s avez
r e fu s é d e lu i don n er d e l'a r g e n t......... Toui ocla est absurde; et
nous ne fe transcrivons ici que pour montrer combien il est vraisem-
( 1)
11paraîWencore une autre et dernière lettre de madame de Sessevalle dans
la cause, et celle-lh est d’un ton l'ort radouci ; elle a cessé d’ ccrircle ab juillet
h M. de Va l ley , qui était il Plombières depuis le
juin. Madame de Sesse
valle qui dit d’ une manière obligeante qu’elle esp ète tju 'il éprouve des ea u x
tout le bien q u 'il en a tten d a it...... Ici point de reproches,d'aucun genre.
Mais en voici la raison :
-
Madame de Sessevalle n’ écrivait ainsi a son gendre que pour lui dire , dans
.Ja meiue lettre, quW/e a lla it incessam m en t se rendre « P a r is ; elle voulait
fassurer ce mari qui lui avait confié sa femme , détourner de ses craintes l’iJce
de l’enlèvement qu’elle projetait ; elle allait emmenei sa femme h Reims , au
près el dans la maison de cette même tante.qui , dès le
4 janvier,
comme on
l ’a v u , avait cherché à refrridir madame de Valley pour son mari, et dont Je
secours devait être si utile an moment oui on prévoyait qu’il faudrait rassembler
toutes scs forces pour empêcher madame de Valley de se réunir h son mari qui
viendrait là chercher h Kèiuis.
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 37 )
L L h l e q u e m a d a m e de S e s s e v a l l e s'attachât à r e p r o c h e r d e pareil l es
m i n u t i e s au m o n s t r e q u i , le 22 juin..., M a i s c ’est ans>i t m p r é p o n d r e .
A u reste o n a va i t d it , au n o m d e la d a m e d e S e s s e v a l l e , q u e
ee3
v i n g t - s e p t et v i n g t - h u i t i è m e finis n’étaient pas dét r u i ts c o m m e les
aut res , et q u ’ils s’a p p u y a i e n t en q u e l q u e s o r te , et se faisaient v a l o i r
p a r la r e s s e m b l a n c e ...... O u i c e r t e s il y a u n e g ra nd e l e s s e m b l a n c e ,
u n e f rappante a n a l o g i e ; mais c ’est u n e a na l o g i e d e m e n s o n g e et d e
c a l o m n i e ; niais nous r e po us so ns un tel r a i s o n n e m e n t , e n d e m a n da n t
si le r é d a c t e u r d e la pl tinte e s pè r e q u ’ on le croi ra s u r d e u x m e n
s o n g e s , ( e t n ou s a vo ns v u m ê m e q u ’il ne restait q u e c e l u i d e l’a rt i cl c
28
se t ro uv a nt par hasard sans loi 1res q u i les r é f n t e r o i e n t dans c e t t e
m ê m e c o r r e s p o n d a n c e , d est i né e à e f f ac e r , à d é t r u i r e , à a néant i r
t o u s les a ut r e s ? F.ncore faut-il q u e c e v i n g t - h u i t i è m e fait puisse ê t r e
r e t o u r n é a v e c b i en pl us d ’avantages par M . d e V a l l e y c o n t r e m a d a m e
d e S e s s e v a l l e , p u i s q u ’il est r e l a t i f à c e m ê m e j o u r o ù il a c c o u r u t à
R e i m s p o u r lui r e d e m a n d e r sa f e m m e , q u ’ il lui avait c onf iée , et o ù
e l l e eut p o u r l;i p r e m i è r e fois l ’i nj us t i c e d e la lui r e f u s e r ; mais ces
v i n g t - s e p t e t v i n gt - hu i t i ème s faits , si s.igcineni é c a i t é s pa r les p r e
m i e r s j u g e s , n ’avaient b e s o i n , p o u r n’être pus c r u s }q u e d e se t r o u v e r
après les vingt-six autres.
Aussi ne les a-t-on guère soutenus avec plus de confiance, et c’est
peut-être la première fuis qu’une Cour souveraine ait puteudu ce
langage :
' V o i l à u n e plainte g r a v e , t e r r i b l e , m o n s t r u e u s e ;
n o u s l ’avons
f o r m é e il y a pr è s d e q u a tr e ans. L ' e s t on ve r t u d e c e l t e p ' a i nt e ,
q u ’une m è r e a c r u p o u v o i r e n l e v e r
mi
mar i q u i ht lui avait c o n f i é e ,
u n e f e m m e d e vi ngt - qua t re ans ; cV.st en v e r t u d e c e t t e plainte q u e
d e p u i s q u a t r e ans c et t e m è r e et t o u t e sa f a mi l l e
fatiguent, tour
m e n t e n t , c a l o m n i e n t u n h o m m e d i g u e d ’ un m e i l l e u r soi f ; c est e n
v e r t u d e c et t e pl ai nte q u ’e l le s s u s p e n d e n t p o u r ainsi d ir e et i u l e r r o m p e u t s o n e x i s t e n c e tout e e n t i è r e , q u e l l e s l ’é ca rt e nt d e i’hono<
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 38 )
r a b l e c a r r i è r e q u i s’o u v r a i t d e v a nt lui ; c ’est eu v e r l u d e c e l l e pl ai nte
q u ’on se m o n t r e i n e x o r a b l e à c e q u ’il y a d e p l u s p e r sé vé r an t , de
p l u s t o u c h a n t e n n o b l e s et g é n é r e u x e ff or t s sans ces se r e n o u v e l é s
p o u r r a m e n e r la paix et é t e i nd r e la h a i n e ; c ’est e u v e r t u de c e l t e
pl ai ni e q u ’o n le c o n d u i t d e v a n t les p r e m i e r s j u g e s ; o n l u i fait aussi
u n c r i m e d e v a n t e u x d e cet t e c i r c on s t a n c e r et ra cée dans les f a i t s, d e
c e l t e c o m p a r u t i o n d e v a n t l e m ag i s t r at , p r o v o q u é e par M . d e V a l l e y ,
e t d o n t , p o u r la p r e m i è r e fois , dans les annal es des T r i b u u a u x , o u
a pu a v o i r la pen sée d e faire un m o y e n d e s é par at i on et u ne a c c u
sation de d if f a ma t ion . L e s c o n c l u s i o n s d u mi ni st è r e p u b l i c f o u d r o i e n t
la pl ai nt e p r i n c i p a le et la p l a i n i e a cces so i re : la s e n t e n c e en fait é g a
l e m e n t u ne s é v è r e j us t i c e.
C e l t e s e n t e n c e à la mai n , M . d e V a l l e y
r e d e m a n d e e n c o r e sa f e m m e à u n e m è r e t o u j o u r s i n f l e x i b l e ...... E t
c” o3t a v e c cet te p l a i n t e , e t
c ’est c o n t r e c e l t e s e n t e u c e
que
l ’o n
d e m a n d e u u arrêt de sépar ati on à la p r e m i è r e C o u r s o u v e r a i n e d e
l ’E m p i r e ! V o u s l ' a b a nd o n n e z , dites - v o u s , cet te pl ai nte j et v o u s ,
c r o y e z - v o u s q u e n ou s l’a b a n d o n n e r o n s aussi ? V o u s sera-t-il per mi s
d e dir e d e v a n t la C o u r , a pr è s l ’a vo i r dit d e v a nt les p r e m i e r s j u g e s :
n o u s v o u s a vons c a l o m n i é v i n g t - h u i t fois dans u n l i b e l l e a t r o c e ;
n o u s l ’a b a n d o n n o n s ,
et n o u s n’a ur io ns m ê m e
pl us u n
prétexte
p o u r v o u s r e f u s e r v o i r e f e m m e , si n o u s ne p o u v i o n s b i en h e u r e u
s e m e n t a p p e l e r u ne c i r c o n s t a nc e n o u v e l l e à l ’a p p u i et a u s e c o u r s
d e nos c a l o m n i e s d é t r u i t e s ? ......
L e s e c o n d pa r a gr a ph e m o n t r e r a q u e ce n o u v e a u s y s t è m e d ’attaque
n ’ i nsul t erai t pas m oi n s les lois q u e la pl ai nte ue fait o u t r a g e à la m o r a l e
c l à la v é r i t é : mais u ’ e s l - i l pas déjà p e r mi s d e d i r e q u ’ e l l e s e m b l e de
t ou s c ô t és s o r t i r d e la c a u s e , c e t t e r éf l ex io n à la fois e f f ra y an t e et c o n
so l a n te ? C e t é t r a n ge p r o c è s ne paraî t-i l pas d est i né à d é m o n t r e r q u e l a
v o l o n t é d e n u i re ue suffit pas p o u r en d o n n e r le t a l e n t , c l p o u r en as
s u r e r
le s u c c è s ? Sans d o u t e M . de V a l l e y pouvai t ne les avoir pas c o n
s e r v é e s ces let tres q u i o nt fait 1 a p o l o g i e de son h o n n e u r et le so ut i e n
d e sa c a u s e ; mais j ama is 1 h o m m e i r r é p r o c h a b l e ne s u c c o m b e : p r e s q u e
t o u j o u r s à c ô t é d e ces a cc u sa t i on s m e n s o n g è r e s , d e ces tort s c l a m é -
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 39 )
riques que la haine prétend découvrir, se rencontrent, toujours
prouvées par scs actions , toujours constatées , parce qu’il y a une
Providence , des venus véritables qu’ il cachait ou du moins qu’il ne
montrait pas; et c’est ainsi que la défense contre un procès injuste
se trouve d’avance toute prête dans la vie d’ un homme de bien,
I»A RA G HA r II E 1 I.
D is c u s sio n d e s m oyens de séparation tires d es autres p iè c e s
produites au p r o c è s , et d es circonsta nces étra ngères à la
P a r m i ces m o y e n s p r é s e nt é s h o r s d e la p l a i n t e , il en était u n de
n a t u r e , il faut l ' a v o u e r , à faire b e a u c o u p d e p e i n e à M . d e V a l
l e y ; o u a v o u l u é r i g e r d e v a n t l es t r i b u n a u x en a cc u sa t e u r d e so n
n e v e u , u n o n c l e , M . D u r a n d d e V a l l e y , q u ’il h o n o r e , q u i l c h é r i t ,
e t qu i s’est t o u j o u r s m o n t r é p o u r lui un s e c o n d p è r e : c e n’est p:is
l à , sans d o u t e , l e c o u p le m o i n s perfi de q u i soit part i d e la m a i u
d e ses e n n e m i s ; m a i s il n ’est p a s p l u s d a i i y e r c u x ' q u e les autres.
O n p r o d u i t au p r o c è s , o n a l u d e v a nt la C o u r d e u x l et tr es de
l ' o n c l e d e M . d e V a l l e y ; c l ces l c i l r e s ne p r o u v e r o n t r ie n a u t r e
c ho se q u e des t e nt at i ve s p e r f i d e m e n t i n g é n i e u s e s , des eff ort s , u n
m o m e n t h e u r e u x p o u r l ui t r o u v e r des e u n e m i s , m ê m e au sein d e
sa p r o p r e f a m i l l e , m ê m e pa r mi des ami s q u e l e s a ng et la n a t u re d e
vaient lui c o n s e r v e r au m i l i e u d e t ou s ses m a l h e u r s . S m s d o u t e
1 o n c l e de ¡VI. de V a l l e y parai t
1a c c u s e r
dans c e s d e u x l e t t r e s ; mais'
d o i t , q u a n d , a qui s o n t - e l l e s ecrites? Est*ce
un
témoin c h e r ,
i r r é p r o c h a b l e , ne p o u v a n t m a n q u e r d ' êt re c r u q u a n d il atteste ce
m a l q u i l a v u a v e c u n e d o u l e u r q u i le
r e n d t r o p d i g n e de f o i ?
P a r l e - t - i l d e faits qu i se soi ent passés sous ses y e u x ? E s t- c e lui eu fi n
q u i att este , o u L i e n e s l - c e lui q u i j u g e s ur l e t é m o i g n a g e d e « a u t r e s ?
A h ! sans d o u t e , c ’est lui q u i j u g e , et c ’est lui q u ’on é g ar e ; sans
d o u t e l ’e r r e u r d e c e t ami pa t e r n el d e
>1 .
de
Va)l<
y , e r r e u r par l u i '
m ê m e d é p l o r é e , r e c o n n u e , et r é p a r é e d ' u n e m a n i è r e si l o u c h a n t e ,
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 4»)
n’est pas le moins cruel succès des intrigues qui, depuis quatre ans,'
ne cessent de le poursuivre. Que dit en effet l’oncle de M . de V a l
ley dans ces deux lettres, malgré lui accusatrices, toutes deux d’uue
date bien importante à remarquer (elles sont du 17 septembre 1808,
quand déjà madame de Valley était enlevée à sou époux, et du 27
novembre suivant, époque de la p lain te).. . M ais eufiu que disentelles ?
J 'a i é t é outré d e la scèn e barbare qui s'est p a ssée à R e im s ,
écril l’oncle de M . de V a lley à la sœur de madame de V a lle y .. . . . . .
( C ’est-à-dire , d’ une scène racontée par les personues qui ont éclairé
le rédacteur de la plainte; d’une scène pruuvée comme tous les faits
de la plainte). Je dis à mon neveu que jé t a is bien instruit ( on sait
par qui) , q u i l rendait sa fem m e m alheureuse. O u i , continue
l'oncle de M . de V a lle y , j e sa is ( c ’est toujours vrai comme la
plainte, et partant de la même source) que vous avez m altraité
v otre f e m m e .. . . à quoi i l m'a répondu q n c c e ’t ait f a u x . . . .
(son oncle a su depuis, et a hautement reconnu de quel côté était
le mensonge, de quel côté était la vérité).
L e 3 7 novem bre ( C eux qui ont fait rédiger les plaintes le a 4 7
n’avaient pas manqué de l’instruire au fond de sa province , où rien
sur son neveune pouvaitlui parvenir par une autre v o ie ). L ’oncle
deM . de V alley écrivait encore.
J ’ai toujours cru , au contraire, qu'ayant le bonheur d ’être uni
à une fem m e telle que la sienne , il ne manquerait p a s de la ren
dre heureuse.
( O n vo it même ici que tout ce qui montre l’opinion p ro p re,
personnelle , antérieure de ce respectable parent est favorable à
M. de V alley ; et certes il était naturel que dans l'effusion de sa
douleur causée par
ce q u 0,1 lui écrivait, il s’accusât lui—
même du regret d’avoir contribué au mariage ; en dissimulant alors
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 49 )
mander* l’avoué n’a pas pu le donner; il n’y a point dans celte
circonstance lieu au ministère des avoués. La loi a voulu que
tout se passât entre le juge et les parties, parce que la lo i, qui
voulait secret et confidence , ne voulait ni publicité ni diffama
tion : enfin M. de V alley a parlé ou écrit au juge (ce qui est ici la
même chose ' , a v u sa femme chez le ju ge, a reçu du juge la per
mission d’inform er, n’en a ni usé ni pu vouloir u s e r , a re
tiré sa dem ande, dont il n ’est resté , aux termes de la sentence
du tribunal de première instance, aucune trace ju d icia ir e , et ce
n ’est pas assez dire; il n’en reste aucune trace quelconque ; ca r ,
encore un coup, elle ne reste pas cette trace, elle s’efface, se perd,
s’anéantit, dans l’esprit du magistrat qui s’imposerait le devoir d’ou
blier , s’il ne trouvait pas sa conscience assez rassurée par le devoir
de se taire !
Mais voyons ce que devant ce ju g e , où l’on ne peut jamais diffa
m er, M .d e V a lle y a dit à sa femme : nous le répétons, ce n’est pas
une hypothèse ; c’est a vo u é, c’est démontré , c’est constaté par le
procès-verbal de la comparution : entendre madame de Valley qui
répond à son m ari, c’est entendre les questions mêmes de M. de
V alley, que les réponses constatent et reproduisent : eh ! bien, M. de
Valley a dit à sa femme ce qu’il lui di t, ou plutôt ee qu’il dit à sa
belle - m é rc , ce qu’il dit aux tribunaux ; ce qu’il dit encore aujour
d’hui à la C o u r, ce qu’il répète dans toutes ses actions, comme dans
ses écrits et dans ses discours ; il lui a demandé de revenir avec
lui ; car madame de Valley , toujours sous l’invincible et funeste
influence qui égare et dénature sa volonté , lui a répondu qu'elle
était autorisée à résider provisoirement avec lui chez sa mère.
E st-c e à celui qui outrage, ou n’est-ce pas plutôt à celui qui prie,
qui conjure, et à qui 011 résiste, qu’il est possible de répondre
ainsi ?
Dans les causes de ce genre , après avoir éclairé la justice de ses
juges, on a coutume de s’adresser a leur indulgence. Lors même
que les débats ne produisent pas ces torts graves , ces faits cons
ta ts ces preuves enfin irrécusables et manifestes qu’exige toujours la
rigide équité des magistrats pour accueillir des demandes si défavo
rables; on en voit ordinairement sortir au moins quelques torts plus
lé g e is, quelques erreurs coupables mais passagères, quelquctftnouvem ensd humeur ou de passio 1, qui ne peuvent pas appeler 1 arrêt
sévère, mais qui doivent être, pour ainsi dire, effacés par l’expression
7
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 5o )
des regrets et par les promesses du repentir : tel ne peut pas être le
langage de M. de V alley; toutes les recherches de la haine et de la
calomnie n’ont pu le n o ircir, et n’ont trouvé partout que ses de
voirs constamment et fidèlement remplis. L ’arrêt de la Cour lui
rendra son existence, pour ainsi dire suspendue toute entière;
il retrouvera en même temps et ces fonctions, ces travaux qui
devaient honorer sa vie , et l’épouse si chère qui devait l’em
bellir ; il ne peut pas lui jurer de la rendre plus heureuse qu’ellçmême n ’a reconnu l’avoir toujours été auprès de lu i; mais il est
facile au bonheur d’ou b lier, et M. de V alley peut promettre à sa
femme , et à la mère de sa femme , que tout le temps qui se sera
écoulé entre le 25 juin 1808 et l’arrêt de la C o u r, disparaîtra de sa
mémoire; il sent au fond de son cœ ur qu’il peut encore promettre
à madame de Sessevalle d’aimer assez sa femme , pour parvenir ,
par la plus touchante illusion de la tendresse conjugale , à c ro ire ,
le jour où il se réunira à sa fem m e, qu’il ne la reçoit pas de la main
des magistrats souverains, mais de la main de celle à qui il l’avait
confiée.
Signé D U R A N D DE V A L L E Y .
M o n s ie u r
J O U B E R T , Avocat-général.
M.e R O UX -L A B O R IE , Avocat.
M .e B O N N E T , A v o c a t plaidant.
M .° P I C A R D , A v o u é .
De l’im prim erie d’A . É G R O N , Imprimeur du Tribunal de
Com m erce, rue des Noyers , n 1 9
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Title
A name given to the resource
[Factum. Durand de Valley. 1811?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Joubert
Roux-Laborie
Bonnet
Picard
Subject
The topic of the resource
divorces
Description
An account of the resource
Mémoire pour M. Durand de Valley, intimé, sur l'appel de la sentence qui rejette la demande en séparation intentée au nom de la dame Durand de Valley, son épouse.
Cour impériale de Paris. Audience solennelle du lundi 8 juin
pages 41 à 48 manquantes.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie d'A. Egron (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1811
1806-Circa 1811
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
50 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0611
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Nancy (54395)
Reims (51454)
Rights
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Domaine public
Relation
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divorces
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37bcf9e52774cffcac992e7f1aaf5206
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Text
L ’ANCIEN AVOCAT SOUSSIGNÉ,
V u le mémoire imprimé à Riom, pour le chevalier
Legroing, contre Julien Jouvainroux, Françoise Boudon, e t c .
V u aussi les pièces jointes, et notamment copie du
jugement rendu sur cette affaire, au tribunal civil de
C lermont-Ferrand, le 11 mai 1 8 1 8
E S T IM E , en droit, que le double moyen de capta
tion et de suggestion , contre les testamens, peut tou
jours être légalement opposé depuis la promulgation
du Code civil ;
t
E t en fa it, que les circonstances qui ont précédé,
accompagné et suivi le testament de Jean-Baptiste ,
comte Legroing, du 24 décembre 1816, sont denature
à être articulées et admises en preuve qu e, si elles
sont prouvées, elles devront faire prononcer la nullité
de la disposition testamentaire dont il s’agit.
Dans le droit, d’abord, on a tout lieu de s’étonner
que le tribunal de première instance ait mis en doute
que, dans les principes du Code civil, l’action en nul
lité des testamens en général, fondée sur la captation
et la suggestion, ait été conservée. La seule nature des
choses ne permettait pas de controverse sur ce point de
jurisprudence ; et les discussions au conseil d ’E tat ,
�( 2 )
dont il y a tradition, impriment à cet égard, au juge
ment attaqué, le caractère d ’un pyrronisme into
lérable.
Suivant la définition du droit romain, le testament
est un jugement réfléchi, conforme à la loi, que l’homme
prononce sur ce q u ’il entend être exécuté après lui ;
c’est une ordonnance de sa dernière volonté, exempte
de toute iniluen.ce étrangère.
T esta m en tu m est ju s ta v o lu n ta tis nostrœ sententia
de eo q u o d q u i p o st m ortem "suani f i e r i v e l i t .
On a dû dès-lors considérer comme nulle et non
.avenue, dans tous les teins, la disposition, à cause de
inort ,
f £ ui
était
le
fru it
é v i d e n t , t i e l a c a p t a t i o n , SOlt
des artifices frauduleusement employés pour dominer
les facultés morales des testateurs, soit des mauvaises
voies pratiquées par des tiers pour substituer leur
propre volonté à celle des disposans.
Aussi la loi- romaine s’en était-elle expliquée caté
goriquement en plusieurs endroits 5 elle avait statué
que tous ceux qui avait dissuadé l’auteur de la dispo
sition de tester comme il l’aurait v o u l u , (.levaient être
déchus des. avantages q u ’ils s’étaient fait concéder; elle
avait même réputé crime toute violence employée pour
faire écrire à un testateur rien de contraire à ses in
tentions.
Q ui j du/n copiât hœ reditatem lé g itim a n t, v e l e x
tostfïnientos p ro h ib u it teslam entarium introire3 volente
�(
3
)
eo fa c e r e testa m en tu m , v e l m u ta r e
,
e i denegaritur
acliones.
E t crim en a d ju n g itu r , s i testa to r, non su d sponte
testam entum f e c i t ,
se d
co m p u lsu s 3 (juos
,
n o tu e n t
s c r ip ù t hœ redes.
Ces principes, comme raison écrite, avaient été
universellement reçus parmi nous 5 ils ont été pi'ofessés
par tous nos auteurs, et consacrés par des monumens
nombreux de notre ancienne jurisprudence.
»
Lors de la rédaction du Code civil, on avait d ’abord
été tenté d ’abolir l ’action en nullité des test.amens,,
pour cause de captation et de suggestion, sous prétexte
que ces exceptions faisaient naître.une foule de procès
fâ c h e u x d o n t il importait de tarir la source. On avait,
dans c et t e v u e , inséré au projet du Code un article
ainsi conçu :
« L a loi n’admet pis la preuve que la disposition n’a
« été faite que par haine, colère, suggestion et cap:i :i
« tation. »
1
Mais de toutes parts on réclama contre rimmoralité
' i l
•J)
et le danger d’une semblable proposition.
)
#
Plusieurs
Cours souveraines observèrent sur-tout q u e lle livrerait
la fortune des personnes laibles au crim e, à la fraude:
« Que de m aux, que de brigandages, s’ écrièrent-elles,
« pour éviterdes procès et d e s poursuites dont la cramte
« arrêtait le crime! N e serait-il pas p l u s juste., plus
« digne de la sainteté de la loi, de laisser aux tribunaux
�( 4 )
« le jugement des faits, des circonstances qui pourront
« donner lieu à admettre la preuve que des gens cupides
« ont su , par leurs artifices, substituer leur volonté
« à celle du donateur ? »
Ces considérations prévalurent, et déterminèrent à
retrancher du projet l ’article qui abolissait les argumens de captation et de suggestion.
E n conséquence , l ’orateur du Gouvernement ,
j
s’adressant au Corps législatif, s’exprima ainsi : « La
« loi garde le silence sur le défaut de liberté qui peut
« résulter de la suggestion et de la captation, et sur
« le vice d’une volonté déterminée par la haine ou par
« la colè re................... E n d éc lar ant q u e ces causes de
« nullité ne seraient pas admises, la fraude et les
« passions auraient cru voir, dans la loi même, un
« titre d ’impunité.
Les circonstances peuvent être
« telles, que la volonté de celui qui a disposé n ’ait
« pas été lib r e , ou qu ’il ait été dominé par une passion
« injuste. C ’est la sagesse des tribunaux qui pourra.
« seule apprécier les faits et tenir la balance entre la
« foi due aux actes et l ’intérêt des familles-, ils empê« chcront q u ’elles ne soient dépouillées par les gens
« avides qui subjuguent lesmourans, ou par l’effet d ’une
« haine que la raison et la nature condamnent. »
D ’apres des déclarations aussi solennelles du légis
lateur, n ’est-il pas éirangcquele tribunal de Clermont
ait affecté des doutes sur le point de droit, et q u ’il
�(
5
)
a it , en quelque sorte, disputé aux tribunaux cette
puissance qui leur fut si positivement attribuée ?
Pour achever la réfutation de sa doctrine, on pour
rait invoquer le suffrage de tous ceux qui ont écrit sur
le Code civil ; tous s’accordent à maintenir que les
causes de captation et de suggestion sont toujours
admissibles en matière de testament. Il suffit d ’en
indiquer deux dont le nom fait plus particulièrement
autorité : M. Toullier, avocat de Rennes; M. Grenier,
en son T ra ité des D onations,
M. Toullier professe que tous les vices d’erreur, de
crainte, de violence, de dol et de fraude, que l ’on peut
opposer aux contrats, peuvent être objectés contre les
testamens. Il donne la définition dés mots captation
et suggestion, il rappelle, en j"KirtiG, le discours ¿m
Corps législatif, de l’orateur du Gouvernement, que
nous avons transcrit. Il relève, dans l’article 901 du
Code, la condition que le testateur doit être sain d 'es
p rit ; il pèse sur-tout, avec M. M alleville, sur les moyens
frauduleux, tels que les calomnies employées auprès
du testateur contre ses héritiers naturels.
:
M. Grenier, page 33 g , tome i er, dit à son tour :
«
«
«
«
L a crainte de voir triompher l’artifice et la fraude,
qui se montreraient avec d’autant plus d ’audace ,
que la loi ne leur opposerait plus de frein , empêche
de se* rendre Iv l ’idée de la suppression »le cette
« action : elle existe sans être é tay.ee d ’une disposition
�« positive de; la loi, On la ¡mise dans ces principes de
« justice, .que le silence de la loi ne peut détruire,
« que ce qui est l ’ouvrage du dol et de la fraude ne
-u"p eu t Subsister. Lors même que la^Ioi dispose, les
« cas de fraude, en général, sont exceptés. >>
1
A toutes ces autorités vient se joindre, sur le^ oint
de droit, pour le confirmer, l ’arrêt de la Cour royale
de Paris, du 3 i janvier i 8 i 4 > dont le chevalier, ¡Legroing s’était, aidé dans son mémoire.
. , . j » wn
■ 'y
Y w :». it‘:
Ayant tergiversé sur la doctrine, les premiers juges
se sont donné libre carrière sur les.faits; ils ¡n'en, ont
trouvé aucun pertinent ni admissible, .Jl faut convenir
q u e , sous ce d e ux iè me aspect de la c a u s e , leur tolerance a été loin-, Car, sans vouloir ni S’appesantir sur
les détails qui appartiennent plus spécialement à la
plaidoirie, il était difficile de rencontrer un cadre plus
repoussant que celui des dispositions prétendues du feu
comte Legroing.
TJn legs universel très-considérable, fait au profit
d ’un enfant de quatre ans et dem i, fille de sa domes
tiqu e, avec laquelle il avait vécu en c o n c u b i n a g e , et
d o n t il .avait eu lui-même une au tr e fille pai’j. lui
r e c o n n u e mais décédée le 11 janvier 1807 ! Quelle
affection légitime le comte Legroiïig jmuvait-il avoir
pour cette fille de quatre ans, qui,lui élait étrangère,
étant née du mariage de sa d o m o t iq u e , Françoise
Bûtidon > avec Julien Jmivainroux. ? Aucuns soins ,
�( ( 7 ;)
aucuns services encore ne pouvaient l'attacher à la
Claudine Jouvainroux, qui était évideriinïént
ici une personne interposée , pour parer à l ’inconVénient de tester au profit de la mère , Son ancienne
petite
concubine, et restée vis-à-vis de
la domesticité.
lui
dan& leS liens de
Cette tournure, imaginée dans la vue manifesté de
m asquer, de déguiser le véritable objet d’une telle
libéralité, n’est-elle pas la preuve que le testateur a
été dominé pas ses alentours ?
Un
fait non moins pertinent pour proclamer la
suggestion à laquelle le testateur était livré, est celui
de l’acquisition immobilière de 40,000 fr. au nom
de la petite Jouvainroux ; celui encore de lettres de
change pour fortes sommes , passées h son ordre.
Quoique ce soient dès- actes entre-vifs, leur' Singularité
est telle, que l ’état d’assujétissement du testateur aux
volontés de ceux qui l ’entouraient, en ressort avec la
plus grande évidence : rien de plus insolite, notam
ment, que cette négociation des lettres de change, dont
il est impossible que la petite Jouvainroux ait fourni
la valeur.
U n troisième fait déterminant est dans l ’articula
tion des calomnies journellement débitées par les
Jouvainroux, auprès du testateur, contre lé chevalier
TLegroing, son frère ; les odieuses suppositions, que
celui-ci voulait attenter à ses j ours, ou le faire inier-
�( 8 )
dire, etc. : toutes impostures, dont les suites sont
signalées par l’aversion que le testateur avait conçue
contre son frère , et dont il a donné une preuve si
frappante, en supprimant la qualité de frère qui lui
était donnée dans une quittance.
;
Une quatrième articulation , digne de toute la
sollicitude de la justice , est celle des violences , des
mauvais traitemens sous lesquels gémissait le comte
Legroin g, et dont la manifestation avait été te lle , que
plusieurs fois des officiers publics avaient été appelés
pour faire cesser l ’oppression des Jouvainroux.
*.,;U lie cinquième circonstance, quoiqu’extérieure au
testament , q u o i q u e su rv en u e s e u le m en t depuis , et
assez difficile à établir judiciairement, est sans con
tredit celle relative au dépôt du testament. La volonté
du testateur avait été q u ’il fut déposé entre les mains
du notaire Espinasse ; il l ’avait à cet effet renfermé
dans une enveloppe cachetée, et il avait couvert cette
enveloppe d ’une suscription indicative du dépôt, datée
du ït\ décembre, dix jours après la confection du titre,
et signée.
11 parait cependant que le d é p ô t, aussi rigoureuse
ment vouluj n’a jamais été effectué; que Julien Jouvainroux s’est emparé du testament, et que c’est lui
qu i, après la mort du testateur, l ’a présenté en justice.
Cette particularité est remarquable , en ce q u ’elle
donne la mesure de l’ascendant dç$ Jouvainroux sur
�( 9 )•
(
l ’esprit du testateur, et des abus de confiance q u ’ils se
permettaient. Qui dira que si le testament avait été
Jivré à la foi d ’un officier public dépositaire, le comte
Legroing , alors qu ’il s’est vu le jouet de la famille
Jouvainroux, n ’aurait pas donné l ’ordre de le sup
primer? au lieu que, la pièce étant au pouvoir des
domestiques du testateur, dans l ’état de paralysie et
d ’incapacité où il était tom bé, ils se sont mis à l ’abri
de toute révocation.
On regrette de ne trouver au jugement de première
instance, sur ces diverses articulations, que de vains
palliatifs ou pointilleries, comme quand les premiers
juges reprochent au chevalier Legroing de n ’avoir pas
précisé les injures débitées sur son compte , à son
frère, par les Jouvainroux. Y avait-il rien à préciser
au -d el a des supposit ions d ' e m p o i s o n n e m e n t ,
d ’assas-
sinat, de plan d’interdiction, etc. ?
Que signifient encore les réflexions glissées au juge
m ent, sur la fierté du caractère du comte Legroing,
pour en induire q u 'il n ’avait pu s’abaisser jusqu’à
condescendre aux désirs de Françoise B oudon , sa do
mestique? lorsqu’il est prouvé q u ’il avait vécu avec elle
en concubinage. Que signifie cette invraisemblance ,
que la domestique ait jamais songé à dominer son
maître ? lorsqu’il est si bien avéré, si notoire, q u ’elle
faisait de ce vieillard tout ce qu ’elle v o u l a i t ; q u ’elle
l’accompagnait par-tout; q u ’elle ne laissait approcher
de lui que qui bon lui semblait.
�E t ces huit mois de persévérance, écoulés depuis la
confection du testament ? lorsqu’il est de notoriété
p u b liq u e , que l ’état physique et moral du testateur,
k celle du période de Sa v i e , était celui d’une débilité
excessive , et de l ’aiFaissement extrême de toutes ses
facultés.
‘
t
Des juges qui avaient débuté par réduire en pro
blème toute pertinence , toute admissibilité des faits
de captation et de suggestion, ont dù naturellement
se donner libre carrière sur l ’appréciation de ces faits.
Il était difficile q u ’a leurs yeux aucun de ces faits
conservât la couleur qui lui était propre.
Il n ’ en peut pas être de même devant une C o u r
souveraine, impassible, mieux pénétrée de la vraie
doctrine, plus éminemment placée pour le maintien
des règles qui protègent la morale-publique, les pro
priétés des fam illes, et qui répriment les iniques
combinaisons de la domesticité, incessamment dirigées
vers la spoliation, dans les derniers momens de l ’exis
tence d ’un maître q u ’elle a su cerner et subjuguer.
Délibéré à Paris, le 4 avril 1819.
BERRYER.
�I - Æ S C O N S E IL S S O U SS IG N É S, qui ont pris lecture
d ’un jugement du tribunal de Clerm ont-Ferrand, du
i i
mai 1818, lequel, sans s’arrêter à la preuve offerte
par le chevalier Legroing, ni avoir égard à la nullité,
par lui demandée, du testament du comte Legroing ,
son frère, portant legs universel en faveur deClaudineFlavie Jouvainroux, fille de sa domestique, l ’a débouté
de toutes ses demandes ,
que M. le chevalier Legroing doit espérer
de faire annuller, sur l ’appel, ce jugement qui met en
doute si un testament peut être annullé pour des
E
stim ent
causes qui, quoique non exprimées dans le Code civil,
parmi celles qui emportent nullité des testamens ,
résultent évidemment de l ’esprit de ses dispositions,
et qui tippiecic, de la manicre la plus otriingGj des
faits articulés pour justifier que le testateur n ’avait
pas, disposé librement et par l ’effet de sa propre
volonté.
Le comte L egro in g, par testament olographe du
24 décembre 18 16 , a nommé légataire universelle de
ses biens, qui peuvent se monter de 3 à 400,000 fr.^
Claudine-FlavieJouvainroux, déclarée, à la naissance,
fille de Françoise Boudon, sa domestique, et de Julien
Jouvainroux, bedeau de la cathédrale de Clermont ,
son mari. Cette disposition compose tout le testament
avec celle du legs d ’ une rente viagère de 800 francs,
et d ’un
mobilier assez considérable, en faveur de
Françoise Boudon elle-même.
�( 12 )
Françoise Boudon, sous le nom de Claudine, était
fille de peine dans la maison de madame la comtesse
Legroing, mère; le comte Legroing, son fils, l ’avait
prise à son service, où elle était encore à son décès,
arrivé le i 3 août 1817.
v
Cette fille vivait en concubinage avec son maître.
De ce commerce est né %le 7 septembre 1806, un enfant
du sexe féminin, présenté à l ’officier de l ’état civil ,
par le comte Legroing lui-m êm e, qui lui a donné le
nom de J o sé p h in e , et q u ’il a déclaré avoir eue de
Françoise Boudon, s’en reconnaissant le père. C e t
enfant est décédée le 11 janvier 1807; l ’acte mortuaire
la dénomme Joséphine L egro in g, fille de J- B. Legroing
et de F ra nç oi s e B o u d o n .
Françoise Boudon , lorsqu’elle s’est mariée avec
Jouvainroux, était enceinte ; son mariage est du 16 sep
tembre i'811 j et la naissance de Claudine-Flavie, du
5 mars 1812.
O11 a prétendu que cet enfant provenait des œuvres
du comte L egro in g, et q u e , pour la rendre capable
d’une disposition universelle, que sa mère méditait
de lui faire faire par son maître, elle avait préféré lui
donner un père étranger.
La sainteté des nœuds du mariage et la foi due aux
actes qui constituent l ’état des familles, ne nous per
mettent pas d ’insister sur cette présomption, lorsque
sur-tout le concubinage est suffisamment prouvé par
l ’acte authentique de la naissance du premier enfant.
�( i3 )
Quoi qu ’il en soit, le chevalier Legroing a attaqué
le testament de son frère, comme une suite du con
cubinage, comme fait dans la démence, comme l’effet
de la haine et de la colère suggérées au testateur envers
sa fam ille, et comme le fruit de sa suggestion et de la
captation.
Il a articulé divers faits analogues à ces causes, et
il a demandé à en faire preuve.
,
Le jugement du tribunal de Clermont décide net
tement que le concubinage n’est point une cause de
nullité des testamens; il le décide aussi, mais avec
l ’expression du doute, pour la démence, la haine et
la colère, et la suggestion et la captation; et cepen
dant, en en supposant l ’efficacité possible, il discute
les faits articulés et les déclare insuffisans.
Il faut donc exa mi ne r d a b o rd si les causes sur les
quelles M. le chevalier Legroing fondait son attaque
contre le testament de son frère, sont admissibles,
sous l’empire de la législation du Code civil.
On fera ensuite quelques réflexions sur le mérite des
faits articulés, et des motifs sur lesquels le tribunal
les a écartés.
j
�\
( «4 )
EXAM EN DES CAU SES D E N U LLITÉ .
Une liaison illégitime entre un donateur ou un
testateur, et la personne en faveur de laquelle il a '
disposé; sa démence au tems de la disposition; la haine
et la colère q u ’il aurait manifestées envers son héritier,
et la suggestion et captation étaie n t, dans l ’ancienne
législation , considérées, comme autant de causes de
nullité des dispositions à titre gratuit; du concubinage
ressortait, dans l ’intérêt des mœurs, une incapacité
de donner et de recevoir; et l ’on jugeait que les autres
causes produisaient, sur l ’esprit d ’un disposant, une
in.ilu.ence cjui ne laissait pas à sa v o l o n t é le caractere
de liberté requis pour disposer.
Les auteurs du Code civil n ’étaient pas sans doute
moins zélés pour la cause des mœurs que les anciens
magistrats, mais ils ont cru les mieux servir en effaçant
une incapacité qui donnait toujours lieu à des discussions
scandaleuses, dont les mœurs étaient plus offensées que
de la chose même.
L e Code civil ne fait donc pas, du concubinage,
une cause de nullité des testainens.
Au
contraire ,
lorsque, par l ’article 9 0 2 , il est dit q u e toutes personnes
peuvent disposer et recevoir, soit par donation entre
vifs, soit par testament, excepté celles que la loi en
déclare incapables, et qu'immédiatement, signalantles
incapacités, il n ’exprime rien par rapport aux liaisons
illégitimes, il en faut
nécessairement conclure que
�(
>5
)
Ceux mêmes qui ont des rapports que les mœurs
improuvent, ne sont point dans une exception quant
au pouvoir de donner et de recevoir.
Cependant si, de ce fait seul, il n ’est pas permis de
tirer une nullité contre un testament, il faut convenir,
q u e , lorsque, justiiié par un acte public, il se joint à
d ’autres causes qui agissent sur la volonté du disposant,
il est un point de départ probab le, et favorise la
preuve de l ’influence étrangère qui a contraint cette
volonté.
Parmi ces causes qui agissent sur la volonté, se
rangent incontestablement la haine et la colère du
disposant envers les siens, la suggestion et la captation,
même la faiblesse d’esprit, et à plus forte raison la
démence.
L a c o l e re , prise i s o l e m e n t , serait, sans effet
sur un
testament; c’est un mouvement impétueux de l a m e ,
qui se calme comme il s’élève; mais uni avec la haine,
la colère en devient une conséquence; son mouvement
se répète toutes les fois que l ’objet haï se représente
à l ’imagination, et par là elle se constitue en passion
d urable, q u i , nécessairement détourne de la personne
qui en est l ’objet, tous les sentimens de bienveillance^
même de justice, et lui fait préférer, dans l ’esprit du
testateur, des individus auxquels, autrement, il n’eût,
pas pensé.
Il faut cependant convenir que cette cause de nul
lité dégénérerait en arbitraire, si elle était légèrement
adoptée; s’il suffisait à celui que la loi donnait pour
�( >6 )'
héritier à un testateur, d’articuler, de prouver même
q u ’il était pour lui un objet de haine et de colère ,
il faudrait encore établir que le testateur a ya n t, par
la loi, le pouvoir absolu de disposer, n’a pas été dé
terminé par un juste m otif, en faveur de la personne
q u ’il a préférée.
Mais où la haine et la colère peuvent devenir un
moyen puissant contre la disposition, c’est lorsque ce
sentiment ne s’est formé dans l ’ame du testateur que
par des rapports, des manœuvres, des suggestions in
téressées de la part de celui en faveur duquel la dis
position est faite.
Cette cause alors rentre dans le suggestion et la
c apt a ti on , et en forme un des moyens les plus efficaces.
Que la suggestion et la captation soient des causes
de nullité des dispositions à titre gratu it, point de
doute. Sans entrer dans la différence que les anciens
auteurs mettaient entre la suggestion et la captation ,
il faut les entendre dans le sens de manœuvres em
ployées pour captiver la volonté d ’autrui à son profit,
pour séduire et tromper le disposant, suivant l ’expres
sion de INI. Grenier, dans la vue d ’attirer ses biens au
préjudice de sa famille, et pour enfin substituer une
volonté étrangère à la sienne.
S i , dans les moyens pratiqués pour séduire la volonté
du disposant, est entré celui de lui donner de l ’éloignement, et de lui inspirer de la haine et de la colère
pour sa fam ille, alors la captation et la suggestion
prennent un caractère de dol et de fraude ? qui ne
�V *7 )
permet pas de laisser subsister la disposition; car,
outre que le dol et la fraude ne peuvent jamais
produire des effets légitimes, comme le testament doit
être l ’effet de la volonté libre du testateur, il s’en suit
q u e , quand il a cédé à des manœuvres frauduleuses,
il n’a pas suivi sa volonté; et par conséquent sa dis
position est viciée dans son essence.
Cette doctrine a été professée par tous les bous es
prits qui se sont occupés de cette matière ; elle est
disertement développée dans l ’excellent Traité des
Donations de M. Grenier; elle est partagée par M. Toullier, dans son ouvrage estimé sur le Code civil.
Des arrêts l ’ont consacrée; il en existe un du i 4
avril 1806, de la Cour de Grenoble; un du 14 juin
de la même année, de la Cour de Bruxelles; et un
dernier, de la même C o u r, du 21 avril 1808 , qui
tous ont reconnu que la cause de nu llité, résultant de
la suggestion et captation, n ’est point abrogée.
Le Code civil ne s’en explique pas. Mais il a été
remarqué que le premier projet de ce grand ouvrage
avait un article portant que la loi n’admet pas la
preuve que la disposition n ’a été faite que par haine,
colère , suggestion et captation , et que cet article ,
dans la discussion, a été supprimé.
L ’orateur chargé de présenter le Titre des Donations
et Testamens au corps législatif, s’est exprimé de
manière à faire connaître quel a été l ’objet de la sup
pression de l ’article.
« L a loi garde le silence, disait-il, sur le défaut de
3
�liberté qui peut résulter de la suggestion et de
la c a p ta tio n , et sur \e vice d’une volonté déterminée
p a r la colère ou p a r la haine. Ceux qui ont entre
pris de faire annuller des dispositions pour de
semblables motifs, n ’ont presque jamais réussi à
trouver des preuves suffisantes pour faire rejeter des
titres positifs; et peut-être vaudrait-il m ieux, pour
l’intérêt général, que cette source de procès ruineux
et scandaleux fut ta rie , en déclarant que ces causes
de nullité ne seraient pas admises; mais alors la
fraude et les passions auraient cru avoir, dans la
loi-même, un titre d’impunité. Les circonstances
peuvent être telles, que la volonté de celui qui a
disposé, n ’ait pas été libre, ou q u ’il ait été e n ti è
rement d o m in é par u ne passion injuste. C ’est la
sagesse des trib u n a u x , qui pourra seule apprécier ces
faits, et tenir la balance entre la foi due aux actes
et l’intérêt des familles. Ils empêcheront q u ’elles ne
soient dépouillées par les gens avides qui subjuguent
les mourans, et par l'effet d ’une haine que la nature
et la raison condamnent. »
Il faut s’en rapporter à l’orateur du gouvernement y
qui n’eût point pris sur lui de suppléer au silence
du projet q u ’il venait proposer au corps législatif de
convertir eu lo i, et qui n’a du dire que ce qui avait
été dans l ’esprit de la rédaction.
Il faut donc regarder comme certain, que l ’action
en nullité pour haine et colère, pour captation et
suggestion subsiste, mais que seulement le mérite de
�( ]9 )
cette action et l’appréciation des faits sur lesquels on
la fonde, sont abandonnés à la sagesse des tribunaux.
Quant à la démence du testateur, elle doit être
aussi une cause de nullité des testamens. L ’article g o i
du Code civil, d ’accord en cela avec le droit romain
et les coutumes qui régissaient la France avant lui ,
dispose « que pour faire une donation entre-vifs ou
« un testament, il faut être sain d ’esprit. » Il y aurait
contradiction entre cette disposition et son applica
tio n , si le testament cI’u r c personne en démence pou
vait avoir son effet.
L ’article 5 o/|. du même Code porte : « Q u ’après la
« mort d ’un in d ivid u , les actes par lui faits ne peu« vent être attaqués pour cause de démence, q u ’autant
■
« que feon interdiction aurait été prononcée ou pro« v o q u é e a v a n t son décès, à moins que la preuve de
« la démence ne résulte de l ’acte même qui est at« taqué; »
Cet article fera-t-il obstacle à l ’action en nullité
pour cause de démence, lorsque le testateur sera dé
cédé integri s ta tu s , lorsque l ’interdiction n’aura été
ni prononcée ni provoquée avant le décès?
Non : il est généralement reconnu aujourd’hui que
l ’article 5 o 4 ne s’applique point aux testamens.
« Q uoiqu’avant la disposition , dit M. Grenier ,
« T ra ité des D o n a tio n sy il n’y ait point eu , contre
« le disposant, une prononciation ou une provocation
« d’interdiction, il faut, pour juger de sa capacité
« morale, se reporter uniquement à l ’mstant de la
�( 20 )
« disposition, abstraction faite de toutes autres cir« constances. Il est aisé de comprendre les motifs de
« l ’article 901. Le législateur n ’a pas dù considérer
« les dispositions gratuites, du même œil que
les
« autres actes. L a loi redouble de prévoyance, pour
« prémunir l ’homme contre les pièges de la cupidité
« qui peut épier un instant de faiblesse, ou le pro« voquer, pour extorquer une libéralité5 or, ce mo« ment peut exister, quand il aurait même un usage
« habituel de la raison. »
L ’auteur étaye son sentiment du résultat qui eut
lieu au conseil d’É t a t , lors de la discussion de l ’ar
ticle 901 , dont le projet ajoutait à ce que l ’article
c o nt i ent aujourd’hui « que ces actes (les donations
« entre-vifs et les t es tame ns) ne p our r ai ent être atta« qués pour cause de démence, que dans les cas et de
« la même manière prescrite par l ’article 5 o 4 du
« Titre de la majorité et de l ’interdiction. »
Plusieurs conseillers d’É tat s’élevèrent contre la se
conde partie de l’article. Il fut reconnu que l ’art. 5 o 4
ne pouvait pas s’appliquer aux donations entre-vifs et
aux testamens 5 et l ’article 901 fut réduit à ce qui en
reste dans le Code.
Plusieurs arrêts l ’ont décidé ainsi , et notamment
un arrêt de la Cour de cassation, d u 22 novembre 181 o ,
qui a rejeté le pourvoi formé contre un arrêt de la
Cour de Poitiers, par un m otif ainsi conçu : « Con«
sidérant
que Particle 5 o 4 du Code civil n ’est point
,< applicable aux donations entre-vifs ni aux testamens
«
�«
«
«
«
«
régis par l ’article 901 du même C o d e , qui a été
définitivement adopté et promulgué en ces termes
(Pour faire une donation entre-vifs ou un testament,
il faut être sain d ’e s p r i t : q u ’il résulte de la généralité d’expression de cet article, que, nonobstant
« les articles 1 3 4 1 ? ^ 4 7 ? i 352 et 1 353 dudit Code,
« il est permis aux parties d ’articuler, et aux tribu•« naux de les admettre à prouver tous les faits qui
« sont de nature à établir que l ’auteur d’une dona« tion entre-vifs ou d’un testam ent, n ’était pas sain
« d ’esprit., à l’époque de la confection de ces actes ,
« sans distinguer si ces faits ont ou n ’ont pas constitué
« un état permanent de démence. »
L a jurisprudence est donc bien établie sur ce point.
Il est incontestable, en d roit, q u ’un testament peut
être a t t a q u é de n u l l i t é p our cause de démence du tes
tateur , quoi q u ’il soit mort integri s ta tu s , sans inter
diction prononcée ou provoquée, comme pour cause
de haine et de colère, de suggestion et captation; et
la décision du tribunal de Clermont et ses doutes en
droit, sont en opposition avec la doctrine générale
ment adoptée par les jurisconsultes et par les arrêts.
A la vérité, il ne suffit pas de la cause; il faut
q u ’elle soit soutenue par des faits qui la justifient,
qui prouvent que la disposition en a été l ’effet.
M. le chevalier Legroing attaquait le testament de
son frère par les causes réunies de la haine et de la
colère, de la suggestion et captation et de la démence ;
�( 22 )
il a rticu la it, sur. ch a cu n , des faits que le tribunal de
Clermont ne l ’a point admis, à prouver.
Il faut passer à l ’examen de ces faits, et des motifs
par lesquels ils ont été écartés.
E X A M E N D E S F A IT S E T D E S M OTIFS.
C om m e f a i t s p ro b a tifs de haine et de colère étaient
a rticu lés:
PREMIER
FAIT.
U n refus , de la part du comte L egroin g, de rece
voir une somme de 8000 f r . , que son frère lui avait
envoyée p a r le sieur C h an telot, le
avait a c c o m p a g n é l e r e f u s d ’ i n j u r e s
Legroing.
juillet 1 8 1 7 ; i l
c o n t r e le chevalier
I er
« L e demandeur , porte le jugement , ne dit pas
« quelles furent ces injures. »
In ju r e est un mot générique qui exprime un outrage ;
des injures proférées sont des paroles outrageantes contre
une personne. Quant à l ’espèce de ces paroles, c’est à
celui qui les a entendues à les déclarer. Il a suffi d ’arti
culer le fait, l ’occasion, l ’époque, et de dénommer le
tém oin, pour que l ’articulation soit pertinente et
complète.
SECOND
FAIT.
Le chevalier Legroing s’étant présenté lu i-m êm e,
le l2 du même mois , chez son frère, pour régler ses
1
�( ¿3 )
comptes, et lui payer une partie de ce q u ’il lui devait,
il ne put parvenir jusqu’à lui.
« Le demandeur, dit le jugement, ne dit pas non
« plus p o u rq u o i et p a r q u i il fut empêche de parvenir
« à son frère. »
L e p o u rq u o i est nécessairement connu, puisque le
fait est articulé pour établir l ’indisposition et l ’éloignement de son frère contre sa famille.
P a r q u i! l ’information le dira; d ’ailleurs le p a r
q u i il fut empêché de parvenir jusqu’à son frère est
assez indifférent, quand il ne s’agit que du fait de
l ’éloignement. Il suffira q u ’il soit prouve que le sieur
Legroing ne pouvait pas voir son frère ; que sa porte
lui était fermée. Le comte Legroing était infirme, ne
sortait pas : ce n’était donc pas une cause accidentelle
q u i p o u v a i t e m p ê ch e r son frère de le v oi r chez l ui .
TRO I S I ÈME
FAIT.
L e chevalier Legroing ayant invité un jurisconsulte
à porter pour lui la somme à son frère , de rédiger la
quittance, et de régler le mode de paiement de ce qui
restait d û ; et le jurisconsulte ayant fait la lecture de
la quittance au comte L egroin g, celui-ci se mit en
fu re u r, parce q u ’il y était dit que le chevalier Legroing
¿tait son fr è r e . Il vomit contre lui toutes sortes d ’in"
jures, et ne signa la quittance que lorsque le juris
consulte eut rayé cet mots : M o n fr è r e .
Le jugement répond : « Le demandeur a laissé
�(* 4 )
« également ignorer quelles furent ces injures ; et
« cependant il serait possible que les expressions du
« comte Legroingne fussent p a s reconnues injurieuses.
« L e demandeur aurait pu regarder comme injures
« quelques paroles seulem ent désobligeantes , q u ’un
« moment d ’humeur ou de mécontentement aurait pu
« produire , sans que le cœur du comte Legroing y
« prit aucune part. Au surplus , les frères Legroing
« auraient pu vivre en mésintelligence et ne pas
« s’aimer ; mais entre la haine et V a m itié il y a tant
« d 'a u tres sentim ens qui ne troublent ni l ’esprit ni la
« raison, qui ne sont ni de la haine ni de la colère I
« S i, par de semblables motifs, il était possible d ’an« nuller les testamens faits au préj udice des c ol l at ér aux ,
« il serait p re sq n’ i n u t i l e cl’ en faire. E n f i n le testament
« dont il s’agit est du i!\ décembre 1 8 1 6 , et les faits
« de colère et de haine allégués seraient du mois de
« juillet 1817. »
Quelles furent les injures? Ne sont-elles pas assez
caractérisées, quand elles viennent à la suite du fait
que le comte Legroing entra en fureur, quand il
s’e n t e n d i t
qualifié fr è r e du chevalier?
Les juges qui ont pénétré dans les replis du cœur
h u m ain ,'q u i ont creusé la m éthaphysique, pour dé
couvrir qu ’il y a tant d’autres sentimens entre la haine
et l ’am itié, que jusqu’ici on avait cru 11’avoir d ’in-termédiaire que l’indifférence, n ’ont pas pu calculer
les effets de la fureur; ils n ’ont pas senti ce q u ’a de
dénaturé le mouvement d ’un homme qui renie, qui
�( *5 )
méconnaît, qui repousse son frère, qui s’emporte sur
le titre de frère, que lui donne celüt qui l’est: en effet.
E t ils veulent que, dans l ’état de fureur, il ait prononcé
des paroles seulem ent d éso b lig ea n tes, auxquelles le
cœur n?a point de part!' S’il est un fait révoltant qui
caractérise la haine et la colère, c’est celui-là ; et;
certes, pour l ’honneur de la nature, dans l ’intérêt des
moeui's et de l ’ordre social-, les tribunaux doivent s’em
presser d’anéantir un testament fait sous de tels aus
pices.
Q u ’importe que le fait articulé soit antérieur ou
postérieur au testament attaqué? D ’abord un- testament
olographe n’a point de date jusqu’au décès du testateur ;
mais ensuite, q u ’a-t-on à prouver? la passion furieuse
que l ’on avait suggérée au comte Legroing, sa haine
p o ur son frère. U n s e n t i m e n t , une passion, ne sont
pas des choses matérielles qui se distinguent ;Y la
vue ou au toucher; ils se manifestent par des effets
que des occasions produisent ; or , un effet aussi
marquant que la fureur qui' s’empare d ’un frère>
parce que son frère l ’appelle son- frère dans une q u it
tance, et qui ne veut recevoir l ’argent qui lui' est
offert, que quand cette qualification (q u i lui» est
odieuse) est effacée de l ’écrit; cet effet, qui:vient à la
suite de deux autres, ne peut être accidentel; il dé
montre nécessairement la disposition habituelle de
l ’ame et la passion, dont, elle est occupée. Il faUt donc
reconnaître que cette passion doit avoir une influence*
pour ainsi dire exclusive, sur des dispositions testa-
4
�méntaires, consacrées sur-tout à la bienveillance, et
dont l ’idée réveille les haines comme les affections.
De la haine et de la colère, le jugement passe à la
suggestion et captation.
L e chevalier Legroing articulait des faits : i 0 de
suggérée par Jouvainroux et sa femme, soit à
l’occasion du partage du mobilier de la succession de
liaine
la mère commune, soit lorsque le comte, se plaignant
de l ’obsession dans laquelle il était tenu, et menaçant
de son frère, le mari et la femme lui disaient : « A
« qui vous adresseriez-vous? A votre plus mortel en« n e m i, qui n’en veut q u ’à.vos biens, cherche à vous
« faire passer pour fou , et veut vous faire interdire? »
20 D e chartre privée : le comte, éloigné de tout ce qu i
n’est pas la cotterie des J o u va i n ro u x ; le chevalier, son
frère, qui ne peut pas parvenir jusqu’à lu i; l ’abbé
Legroing de la Romagère, son parent et son ami, et
la demoiselle Henriette Legroing, chanoinesse, sa cou
sine, qui ne sont point admis à le voir; 3 ° de Vob
session p erp étu ellem en t p ratiquée su r l u i , résultant
de l ’empire que donnent naturellement à une femme
jeune, sur un vieillard, une intimité avérée et des
familiarités habituelles; de ce que le comte ne voit
que les Jouvainroux , n’est entouré que de leur famille,
n’a de distraction que par l ’e n fa n t dressé à l ’appeller
p a p a 3 à le rechercher, à le caresser, et dont on lui a
persuadé q u ’il était le père; de ce q u ’on lui a fait re
tirer un testament où, ne suivant que sa volonté et son
penchant, il transmettait sa fortune à sa famille; et
�(< 27 )
enfin de ce q u e , non content d ’une disposition uni
verselle au profit de l ’enfant, on lui a fait acquérir,
sous le nom de celle-ci, une propriété de 40,000 f r . ,
et on lui a fait passer des lettres de change à son
3^5
ordre.
!
1
Le jugement ne discute pas ces divers faits articulés;
il les élude et s’attache à diverses considérations.
« Ainsi l ’enfant a été incapable, par son âge, d ’em« ployer la ruse', l ’artifice, la mauvaise foi^des insi« nuations perfides, pour tromper le comte Legroing,
« lui rendre sa famille odieuse, le* faire changer de
« volonté, et surprendre en sa faveur des dispositions. »
Comme si toutes ces manœuvres étaient imputées à cet
enfant; comme si elles n ’étaient pas visiblement l’œuvre
des Jouvainroux; comme si enfin il n ’y avait pas eu
plus d ’art et (le perfidie à diriger sur un enfant l ’effet
de toute l ’intrigue, que de l ’avoir applique aux père
et mère eux-mêmes !
« Il n’est pas vraisemblable, dit le jugem ent, q re
« la fo r c e d ’esprit , la f i e r t é d u caractère du'comte
« Legroing, aient jamais cédé aux volontés de Fran« çoise Boudon, au point sur-tout de faire ce q u ’il
« n’aurait pas voulu faire. Il n’est pas présumable que
« la femme Jouvainroux eût tenté ce triomphe; elle
« eût craint sans doute de déplaire à son maître , et
« même de l' offenser, s’il eût pensé
v oulait le
« dominer; elle eût craint d ’achever de perdre une
q
« confiance déjà lant affaiblie par
son
u
’ e l l e
mariage. »
C ’est une fort mauvaise manière de. raisonner et de
�( =8 )
conclure;, que cle tirer cjes inductions de laits contestés ,
et des conséquences de principes qui sont précisément
en question. On demande k prouver, d ’un côté, que
le comtç Legroing n’ayait ni force d ’esprit, ni -fierté
de caractère; et d ’autre côté, que la femme Jouvainroux le dominait m4 me tyranniquement. Où trouve-t-on
fie la forpe d ’.esprit et de la fierté de caractère dans un
homme d ’upe naissance distinguée, qui ne craint pas
de s'abandonner à une fille des derniers rangs de la dor
mesticité^ q u i, pour se consacrer à elle tout entier ,
quitte et abjure sa fam ille; qui ne craint pas d ’avouer
publiquement un enfant q u ’il a eu de son commerce
honteux avec elle y et q u i, frustrant ses propres parens *
m e t sa f or t une sur la tète
d ’ u n e n fa n t q u i
a p our
mère sa domestique, et pour père, le bedeau de la
pathédrale? Comment supposer à cette fille, sa con
cubine, la crainte de déplaire à son maître? lorsqu’elle
le tient en chartre privée; lorsqu’elle le dérobe à la
famille et à gps amis; lorsque, pour le dom iner, elle
le m altraite, et que les voisins et l’officier de police
peuvent attester que, las de sa position , il crie par la
croisée : au sçcQifrs / à l ’assassin !
. L e jugement continue ; « E n supposant même que
« Ja femme Jouvainroux eut q u e l q u e pouvoir sur l’es« prit de son inaiiro, il n ’est pas vraisemblable q u ’elle
<î l'eut employé pour faire exercer envers sa fille une
» libéralité qu'elle ei\t désiré conserver en vertu du
« testampnt de 1807; q u ’il est,
au contraire, plus
( naturel de crpjre que c’est par ses caresses? par ses
�(
«
assiduités,
29
)
par ses soins excitéé peu t-être par de
„ petits cadeaux, que l ’âge mûr et la vieillesse ont
« coutume de faire à l ’enfance, que Claudine-Flavie
« a obtenu, sans le savoir ni le désirer, cette marque
« ide sensibilité, d ’affection et de toute la bienveillance
« du comte Legroing; que ce dernier a pu penser q u ’il
« ne devait aucun témoignage d ’aiFec-tion ni de recon« naissance au chevalier L egro in g, son frère, q u i, cé« libataire comme lu i, ne transmettrait q u ’à des
« étrangers ou à des collatéraux éloignés, les biens
« qu ’il lui laisserait. »
Ici ce sont encore des inductions et des suppositions
morales ^ qui sont opposées à des faits dont la preuve
est offerte.
. On ne peut mettre en doute que la femme Jouvainroux ait eu un gra nd p o u v o i r sur l ’esprit de son
maître , q u ’autant que la preuve par témoins offerte
ne répondrait pas à la conséquence des faits articulés.
Pourquoi n ’est-il pas vraisemblable que cette femme
eût fait substituer un testament en faveur de sa iille, à
celui qui avait été fait en sa faveur en 1807? E lle y a vu
apparemment quelqu’intérêt. N ’a-t-elle pas pu penser
que la critique en serait moins facile? et 11e serait-elle
pas confirmée dans l ’utilité de cette prévoyance, par le
jugement de Clerm ont, qui se sert du nom de reniant,
pour écarter les justes reproches faits à la mère? N al-elle pas pu croire aussi lier davantage le comte
Legroing, par une disposition en faveur de l’enfant,
sur-tout si elle lui avait persuadé q u ’il en était le père?
�( 3° )
\ne
»
Déjà elle avait fait retirer le testament que le comte
avait fait pour sa famille : elle a pu craindre un retour
dans sa volonté. D ’ailleurs Jouvainroux , son m ari,
avait aussi ses vues; et il a pu espérer, pour son propre
compte, plus de chances de la disposition faite en
faveur de son en fan t, que de celle qui aurait donné
la fortune exclusivement à sa femme.
Il n ’y a , en cela , que des conjectures; mais elles
sont aussi
exprime.
probables que
celles que
le
jugement
N ’est -ce pas outrer toutes les vraisemblances, que
de prétendre que l ’enfant aura tout fait par ses ca
resses , par ses assiduités et par ses soins ? Des assiduités
et cles soins de la part d ’un enfant de cinq ans ! Ses
assiduités et ses soins ne peuvent convenir q u ’à ses
père et mère. Les caresses, à la bonne heure : encore
sont-elles l ’eifet de la direction donnée à son jeune
âge. Les caresses d ’un enfant étranger peuvent bien
porter l ’àge mûr et la vieillesse à de petits cadeaux ;
mais il n’y a que la démence qui peut payer ces caresses
du legs d ’une fortune de 3 à 400,000 francs, enlevée
à une famille.
s
« Le chevalier Legroing, dit le jugement, est céli« bataire comme le comte l ’était : il transmettrait lui« même à des étrangers ou à des collatéraux éloignés. »
L a morale 11e peut pas avouer une conjecture aussi
hasardée, pour justifier un fait déraisonnable.
Le chevalier est célibataire, mais il peut encore se
marier. Il a de proches parons, qui l’étaient aussi du
�( 3x )
comte, et qui portent leur nom. De tels collatéraux,
qui sont l ’espoir cl’une famille honorable, ne peuvent
point être assimilés à des étrangers. Si le comte eût
disposé pour eu x, toute la famille eût applaudi à son
choix , et eût béni sa mémoire ; mais prendre pour
héritière un enfant qui n ’avait aucun titre personnel
à une telle libéralité, la fille de sa domestique, de sa
concubine! c’est l’oubli de tous les devoirs de famille,
et de toutes les convenances sociales.
Il faut donc convenir que le jugement de Clermont
n ’a point détruit les faits de suggestion et de captation-,
il ne les a pas même appréciés , puisqu’il ne s’est
attaché à les combattre que par des considérations
fondées sur des suppositions.
Ce jugement n’est pas plus convaincant , lorsqu’il
s a t ta ch e a la forme d u t e s t a m e n t , au soin que le
comte Legroing a pris de le signer à. toutes les pages,
et de le mettre sous enveloppe cachetée au sceau de ses
armes, et à la facilité q u ’il aurait eue de révoquer
son testament et d’en faire un au tre, qu’il eût confié
à son médecin ou à son confesseur.
Ricard a bien prétendu que l’action en suggestion
n’était pas recevable contre les testamens olographes;
mais il est resté seul de son avis : des arrêts contraires
ont prouvé q u ’il s’était trompé. U n arrêt récent de la
Cour royale de Paris, du 3 i janvier i 8 i 4 > a annulle,
pour cause de suggestion et captation, 1« testament
olographe d’une demoiselle Lefèvre.
E t pourquoi le testament olographe serait-il excepté
�( 3a )•.
de la règle commune? Le testament olographe, écrit,
signé el mis sous envoloppe cachetée du sceau du tes
tateu r, n ’offre pas plus de garantie que le testament
p u b lic , qui porte au moins celle de la présence de
notaires et de témoins.
L ’influence qui fait écrire le testament en dirige
les autres circonstances; et l ’enveloppe et le sceau
peuvent être Touvrage d ’une autre main que celle du
testateur.
Cette même influence s’exerce sur les démarches
ultérieures^ et protège le testament contre la révoca
t io n , q u i , parce q u ’elle est possible, est exactement
surveillée; et il n’y a pas médecin ou confesseur qui
t i e n n e , lorsque le malade est subjugué, que sa raison1
est perd ue, que les parties intéressées ne le quittent
pas.
*
Le jugement enfin propose, comme preuve de la
volonté libre du testateur, l’acquisition q u ’il a faite,,
sous le nom de Flavie Jouvaiuroux, le 17 mai 181-7 >
cinq mois après le testament; l ’ordre q u ’il a passé plus
ta r d , à cet enfant de cinq a n s , d ’effets de commerce;
à lui consentis, et enfin sa persévérance dans son tes
tam ent, pendant les huit mois qui se
sont
écoulés
entre cet acte et son décès.
Il n’est pas bien certain que le testament soit de la
date q u ’il porto. Les deux actes cités comme subséq;liens
déposeraient que le testament n ’était pas encore fait;
car le legs universel fait à la jeune Flavie comprenant
tous les biens, il devenait inutile de faire une acqui
�(33
)
sition sous son nom , et de lui passer l ’ordre des billets.
L ’ordre était, suivant le jugem ent, une précaution du
testateur pour empêcher que les billets ne fussent
soustraits par les père et mère. Mais aurait-on pu sous
traire des billets à l ’ordre du comte, qui ne pouvaient
être touchés que par lui ou par son ayant-cause ?
Cet ordre, au contraire, ne porte-t-il pas l ’empreinte
de l ’absence de la raison ? Il est absurde d’avoir passé
un ordre au profit d ’un enfant de cinq ans, p o u r
v a le u r reçue com ptant. La démence seule peut donner
la raison d ’un'tel fa it, comme la démence seule a pu
porter le comte Legroing, q u i, dans les tems de sa
raison, avait, ainsi que le jugement le déclare, de la
force d’esprit et de la fierté de caractère, à mettre sur
la tête d’un enfant étranger, à qui il ne devait rie n ,
une fortune de 3 a 4ooj°o0 francs dont il prive sa
famille.
Une telle disposition sera sans doute reconnue par
la C ou r, saisie de 1 appel du jugement du tribunal de
C le rm o n t, comme 1 œuvre ténébreuse de la suggestion,
de la captation, du dol et de la fraude réunis, pour
abuser d ’un vieillard qui n ’avait plus sa raison.
L a société est intéressée au succès de la réclamation
du chevalier Legroing. Il importe à l ’ordre public,
au repos et à la prospérité des familles, q u ’il soit mis
un frein à la cupidité des gens qui spéculent sur les
successions. Les plus dangereux sont les domestiques,
les femmes sur-tout, q u i, par l'habitude de leur pré
sence et de leurs soins, plus encore par les familiarités
5
�q u ’elles perm ettent, ou q u ’elles exciten t, acquièrent
un ascendant sur l ’esprit de leur maître, que l’âge et
les infirmités ne font q u ’accroître. Devenues néces
saires, elles l ’indisposent contre ses parens q u ’elles
écartent de sa maison ; et quand l ’affaiblissement des
organes ne lui laisse plus de volonté, elles le font
disposer, et la fortune est envahie.
L e legs d ’une fortune opulente, en totalité, en
faveur d ’un domestique., porte en lui-même un ca
ractère de séduction de la part de celui-ci et d ’as
servissement de la part du maître. Il n'est pas naturel
q u ’un homme raisonnable se porte
à
laisser de grands
biens à un individu étranger, que ni son éducation,
ni ses habitudes n’ont préparé à la richesse, et dont
il peut récompenser les services l a r g e m e n t , sans man
quer aux convenances et aux devoirs que les biens de
famille imposent. Les tribunaux ne sauraient être
trop attentifs
à
de tels excès, qui sont toujours un
abus de la loi.
Délibéré par nous , anciens avocats, ce 18 avril 1819.
C H A M P IO N - V IL L E N E U V E .
BONNET.
D E L A C R O IX -F R A IN V I L L E .
T R IP IE R jeune.
RIOM, IMPRIMERIE
de
SALL E S , PRÈS LE P AL A I S DE J USTI C E .
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Legroing, Louis. 1819]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Berryer
Champion-Villeneuve
Bonnet
Delacroix-Frainville
Tripier jeune
Subject
The topic of the resource
testaments
abus de faiblesse
domestiques
servante-maîtresse
enfants naturels
créances
séquestration
mobilier
maltraitance
émigrés
ordre Saint-Jean de Jérusalem
fraudes
fisc
inventaires
lettres de change
doctrine
nullité du testament
captation d'héritage
testament olographe
jurisprudence
concubinage
legs universels
egyptologie
code civil
bedeau
Description
An account of the resource
Titre complet : [consultation]
Table Godemel : ab irato : 2. l’action ab irato contre les testaments est-elle admise par le code civil ? peut-elle appartenir à l’héritier collatéral ? Etat (question d') : 3. l’héritier du sang a-t-il le droit, pour prouver l’interposition de personne, de rechercher si le légataire, qui a dans une famille le titre et possession d’état d’enfant légitime, est, ou non, l’enfant naturel du disposant, surtout, lorsque cette recherche conduirait à la preuve d’un commerce adultère ? Sanité d'esprit : d’après quels principes se résout la question de savoir si le testateur était sain d’esprit ? Suggestion : La suggestion et captation sont-elles moyens de nullité pour la législation actuelle ? peuvent-elles être opposées contre un testament olographe ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1819
1807-1819
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2430
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2429
BCU_Factums_G2431
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Biozat (03030)
Fontnoble (terre de)
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abus de faiblesse
bedeau
captation d'héritage
Code civil
concubinage
Créances
doctrine
domestiques
egyptologie
émigrés
enfants naturels
fisc
fraudes
inventaires
jurisprudence
legs universels
lettres de change
maltraitance
mobilier
nullité du testament
ordre Saint-jean de Jérusalem
séquestration
servante-maîtresse
Testament olographe
testaments
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6* tZ/Jàfœ-O.
fyy
*4
CONSULTATIONS
t
POUR
Mme A n t o i n e t t e DE SAMPIGNY, et M. J e a n L o u i s DE SARRASIN, son mari et pour
M. I g n a c e - H y a c i n t h e DE SAMPIGNYD’ISONCOURT, Appelans;
CONTRE
M.M.
1H
D
om in iqu e-
yacin th e
DE
t
L ouis- F r a n ç o i s et I g n a c e
S A M P IG N Y , Intimés.
ç£t\ piahîÙKJ*.Jq
DE
A CLERMONT,
l ' IMPRIMERIE d e LANDRIOT, IMPRIMEUR DU ROI;
DE LA PR É FEC T U R E , ET LIBRAIRE.
1817
■4
�'ïch
v
L e s o u s s i g n é , qui a vu et examine le jugement rendu
au tribunal d’arrondissement de Riorn, le 3 o mai 1817, entre
M . Jean-Louis Sarrasin et Antoinette de Sampigny, son épouse,
d’une part*,
Et M M . Dominique-Louis-François et Ignace-Hyacintlie de
Sampigny, deux de ses frères, d’autre part;
M . et M raa de Sarrasin sont bien fondés à inter
jeter appel de ce jugement.
On voit dans le fait rapporté par cc jugement, et constaté
par les actes du pi’ocès, que M. François-Charles de Sampigny
et Louise-Eléonore de St-Belin, son épouse, ont eu quatre
enfans: Dominique-Louis-François, Ignace-Hyacintlie, autre
Ignace-Hyacinthe d’ Isoncourt, et Antoinette.
Tous ont été mariés du vivant de leurs père et mère.
Ignace-Hyacintlie, second du nom, a été marié le premier
avec M lla de Y e y n y le 18 floréal an 6.
Il a été institué héritier par ses père et mère, conjointe
ment et par égale portion avec leurs autres enfans.
Antoinette de Sampigny a été mariée avec M, de Sarrasin
au mois de thermidor suivant.
On lit dans son contrat de mariage du 6 du même mois,
art. 4, que « ses père et mère l’instituent leur héritière géné« raie et universelle de tous les biens dont ils mourront vêtus
# et saisis, conjointement et par égale portion avec leurs autres
« enfans ; le tout conformément aux clauses et conventions
« insérées au contrat de mariage d’Hyacinthe-Ignace de Sam» pigny avec A nne de Y e y n y , en date du 18 floréal dernier. »
Et il est dit dans l’article suivant, « qu’en avancement de
« leurs futures successions, ilp lui ont constitué solidaii’ement
« un trousseau, etc.; et, en outre, deux domaines situés dans
« la commune de Loubeyrat, l’un appelé les Trémailles, et
E
s t i me
que
À
�( a )
« l’autre appelé du Court, avec leurs circonstances et dépen« dances, et cheptels de bestiaux. »
M . Dominique-Louis-François de Sampigny aîné s’est marié
le G frimaire an 12 avec M lle Chardon.
On lit encore dans son contrat de mariage, art. 4 » que
les sieur et dame de Sampigny « l’ont institué leur héritier
« général et universel de tous les biens meubles et immeubles
« dont ils mourroient vêtus et saisis, conjointement et par
« égale portion avec leurs autres enfans, conformément au
« contrat de mariage de M . Ignace-IIyacinthe de Sampigny
« avec la dame de Y e y n y , et de la demoiselle de Sampigny
« avec M . de Sarrasin, etc. »
Enfin, M . Ignace-Hyacintlie de Sampigny-d’Isoncourt s’est
marié le 17 novembre 1806 avec M 1Ia d e.V iry; et, par son
contrat de mariage, il lé ga lem en t été institué par ses pore et
mère « leur héritier de tous les biens meubles et immeubles
« dont ils mourroient vêtus et saisis, conjointement et par
« égale portion avec leurs autres enfans, conformément aux
« contrats de mariage de M . lgnace-Hyacinthe de Sampigny
« avec la dame de Y e y n y , de M 11®de Sampigny avec M . de
« Sa rrasin, et de M. Dominique-Louis-François de Sampigny
»<avec la dame Chardon. »
M roe de Sampigny est décédée la première en 1810.
M . de Sampigny est décédé au mois de juillet 181 4 ? après
avoir faitun testament olographe contenant lepartage desesbiens.
Pour l’intelligence de ce partage, il faut savoir que M. de
Sarrasin , qui avoit reçu en avancement d’hoirie, pour sa femme,
les deux domaines de Trémailles et de Court, les avoit vendus
avantageusement, en détail, à différensparticuliers, tant en son
nom que comme fonde de pouvoir de la dame de Sampigny ;
son épouse, et que le prix de toutes ces ventes s’élevoit à
104,000 livres tournois.
�( 3 )
M . de Sampigny p ère, en faisant son testament contenant
partage, avoit estimé tous les biens dont il étoit en posses
sion beaucoup au-dessous de leur valeur réelle.
Il avoit porté, dans ce même testament, les deux domaines
de Trémailles et de Court pour io 4,ooo livres tournois, prix
de la vente qu’en avoit faite M . et M me de Sarrasin} et il
avoit formé le lot de M mo de Sarrasin, de cette somme de
104,000 fr., à laquelle il avoit joint une somme de 135,^50 fr.
en deniers, qui devoit lui être payée par son frère aîné} ce
qui portoit son lot à la somme de 239,750 fr.
M m0 de Sarrasin a cru éprouver une double perte par cette
opération.
La première, en ce que M . de Sampigny portoit à 10^,000 fr.
les deux domaines qui lui avoient été constitués en avance
ment d’hoirie, par son contrat de mariage; tandis qu’elle ne
devoit en rapporter la valeur que sur le pied de l’estimation
proportionnelle de tous les biens, à l’époque de l’ouverture
de la succession.
La seconde, en ce que le supplément de son lot n’étant
porté, par ce partage, qu’à 1 35,750 francs, elle étoit bien
loin d’être remplie de scs droits, à raison de l’égalité qui
lui avoit été promise par son contrat de mariage.
M . et M mo de Sarrasin ont donc cru devoir se refuser à
l’exécution de ce testament contenant partage, et demander
q u e , 6ans y avoir égard, il fût procédé à un nouveau par
tage dans les formes ordinaires.
^ Un premier jugement, du 18 avril 18 15 , a ordonné l’estimalion des biens par trois experts désignés dans ce jugement.
Ces experts se sont occupés de cette opération, mais il s?est
eleve un incident qui l’a suspendue.
M . et M me de Sarrasin ont exigé que les experts comprissent
dans leur estimation les deux domaines de Trémailles et cΣ
•Court.
'
�( 4 )
M . de Sampigny s’y est opposé.
Et cet incident a donné lieu à un jugement rendu le
i 5 mars 1816, qui a ordonné, sans préjudice aux droits des
parties, que ces deux domaines seroient estimés comme les
autres biens de la succession.
Les experts ont repris leur opération, et l’ont terminée
au mois de décembre dernier.
M . de Sampigny avoit évalué la totalité de ses biens à
855,ooo livres tournois, non compris les deux domaines de
Trémailles et de Court, qu’il avoit portés pour 104,000 fr. 5
ce qui donnoit, suivant son calcul, un total de 959,000 fr.
L ’évaluation des experts étoit fort au-dessus de. celle de
M . de Sampigny.
Ces experts avoient été divisés d’opinion •, deux étoient
d’accord, et ont rédigé un seul rapport;
L e troisième a rédigé le sien séparément.
Il résulte du rapport des deux premiers experts, que la
masse totale des biens est de i,i28,5oo fr., et que les deux
domaines de Trémailles et de Court entrent dans cette masse
pour 70,000 fr.
Et il résulte du rapport du troisième expert, que la masse
des biens à partager est de ^,208,667 fr. 75 c., et que les
deux domaines de Trémailles et de Court entrent dans cette
masse pour 58,45o fr.
La cause portée à l’audience en cet état le 3 o mai dernier,
il est intervenu jugement contradictoire, lequel, ayant égard
au rapport des deux premiers experts, et annulant le rap
port du troisième, déboute les sieur et dame de Sarrasin de
leur demande en nullité du testament de M . de Sampigny;
ordonne qu’il sera exécuté selon sa forme et teneur, en con
séquence envoie chacun des héritiers en possession du lot
qui lui est attribué.
�(
5
)
Ce même jugement ordonne que M . de ^nnipigny, fils
aîné, sera tenu de délivrer aux sieur et dame de Sarrasin
des biens immeubles dépendans de la succession de son père
pour la somme de 1 35^50 fr., suivant l’estimation du sieur
Charles de Sampigny par son testament*, laquelle délivrance
sera faite par des experts et d’après l’indication qu’en fera
M . de Sampigny.
Ce jugement ordonne en outre le rapport au partage d’une
somme de Go,ooo fr. d’une part, et 20,000 fr. d’autre, dont
M . de Sampigny père a voit disposé au profit de M M . de Sam
pigny aîné et puîné.
Et condamne les sieur et dame de Sarrasin aux dépens.
O11 a dit, en commençant, que M . et M me de Sarrasin
étoient bien fondés à interjeter appel de ce jugement.
Il s’agit de justifier cette décision.
Un premier mal jugé dans ce jugement, que rien ne peut
justifier, résulte de ce qu’on fait rapporter à M me de Sar
rasin les deux domaines qui lui ont été donnés en avance
ment d’hoirie, pour 104,000 fr., prix des aliénations qui
en ont été faites par elle et par son inari 5 au lieu de les
faire rapporter sur le pied de l’estimation des experts, dans
la proportion de celle de tous les autres biens soumis au
partage.
M . de Sampigny, en faisant cette erreur dans son testament,
a pu être excusable\ il n’avoit peut-être pas sous les yeux
le contrat de mariage de sa fille*, il croyoit n’avoir donné
ces deux domaines à son gendre r/i/en jouissance, et non
en propriété.
On voit en effet, dans son testament, qu’après avoir fait
l’état de sa fortune, il s’exprime en ces termes : « A quoi
« il peut ajouter la somme de 104,000 liv. tournois, prove« riante de la vente que M . de Sarrasin, .mon gendre, époux
�( G )
« de ma fille Emilie de Sampigny, a fait des domaines, l’un
« appelé le Court, commune de Loubeyrat, canton de Manzat,
« et l’autre appelé les Trémailles, commune de Cliarbonnières« les-Vieilles, canton de Manzat, dont je lui ai abandonné la
« jouissance par son contrat de mariage, et q u il doit rap
ts. porter à la masse de mes biens. »
M . de Sampigny étoit donc dans la persuasion qu’il n’avoit
abandonné ces deux domaines à sa fille et à son gendre qu’e/i
jouissance, tandis qu’il lui avoit constitué ces deux domaines
d’une manière absolue et avec toute tradition de propriété.
Il supposoit d’ailleurs que c’étoit son gendre seul qui avoit
consenti la vente de ces deux domaines, tandis qu’ils avoient
été aliénés par la dame de Sarrasin, comme par son mari.
Partant de cette double erreur de fait, il entendoit que ces
deux domaines fussent rapportés ¿\ la masse de sa succession pour
la somme de 104,000 fi\, prix des aliénations qu’il croyoit en
avoir été faites par son gendre, sans droit ni qualité pour cela.
Mais il y a lieu de croire qu’il eût agi différemment, s’il
avoit été instruit de la vérité des faits.
Quoi qu’il en soit, et en supposant qu’il ait fait cette disposi
tion en connoissance de cause, elle n’en seroit pas plus valable.
La loi est si formelle à cet égard, qu’il est difficile de conce
voir comment le tribunal de première instance a pu s’en écarter;
elle est textuellement écrite dans l’article 860 du Gode civil,
qui est conçu en ces termes :
a L e rapport n’a lieu qu’en moins prenant, quand le dona(t taire a aliéné l’immeuble, avant l’ouverture de la succession;
« il est dû de la valeur de l immeuble a l ejjofjue de Vouverture. »
Il suffiroit de dire que la loi est écrite, et qu’il faut s’y
conformer, le x scripta, le x servanda.
Mais si on veut se permettre de la juger, il est facile d’en
reconnoitre la sagesse.
�(
7
)
On ne peut exiger le rapport en nature de l’iimneùble aliéné,
sans exposer le cohéritier qui a fait l’aliénation à des dommagesintérêts ruineux envers son acquéreur.
Ce seroit d’ailleurs violer la foi des contrats, paralyser les
translations, et réduire la propriété la plus absolue en un simple „
usufruit et en une jouissance précaire.
Il ne seroit pas plus juste de prendre pour base du rapport
le prix de l’aliénation.
Si ce prix étoit inférieur à la valeur réelle de l’immeuble
aliéné, ce seroit rendre tous les cohéritiers victimes de l'impru
dence ou de l’inconduite du cohéritier qui a fait l’aliénation.
S’il étoit supérieur, ce seroit le frustrer d’un profit qui n’est
dû qu’à son industrie personnelle, à l’art de saisir les occasions
favorables, de multiplier les ventes en détail, de profiter des
convenances, et de se prêter, pour les facilités, à ce que peut
exiger la position de chaque acquéreur.
La loi est plus juste, sa marche est uniforme, le cohéri
tier qui a aliéné en est quitte, en rapportant la valeur de
sa propriété au moment de l’ouverture de la succession ; toutes
les propriétés qui la composent, sont évaluées sur le même pied,
et justice est rendue à tous les intéressés.
C ’est en vain que le tribunal de première instance a cru
devoir appuyer sa décision sur la disposition de l’art. 843 du
Code civil, qui dit que « tout héritier, même bénéficiaire',
« venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers
« tout ce qu’il a reçu du défunt par donation entre - vifs,
« directement ou indirectement. »
Ces expressions directement ou indirectement signifient
que l’héritier n’est pas seulement tenu de rapporter ce qui
lui a ele donné d’une manière directe et légale, mais encore
ce qui lui a etc donné par des voies indirectes et détour
nées; et c’est ainsi qu’il faut entendre cette loi.
�(
8)
Mais c’est étrangement en abuser que de l’appliquer à
l’aliénation faite par un cohéritier d’un immeuble dont la
propriété lui étoit assurée par son contrat de mariage.; car
la loi prévoit, quelques articles après, ce cas particulier, et
clip décide formellement que le cohéritier, dans ce cas, est
dispensé du rapport en nature, et qu’il ne doit rapporter que
la valeur de l’immeuble à l ’époque de Vouverture de la suc
cession.
A u surplus, ce texte du Gode civil n’est que le résultat
des anciens principes et de la jurisprudence uniforme de tous
les tribunaux.
Papon, qu’on peut considérer comme notre plus ancien
arrêtiste, rapporte, livre 21, titre 7, un arrêt de Paris du 27
février i 55 i , par lequel il fut jugé que « celui qui a vendu
« la chose donnée n’est tenu la l'acheter, et rapporter après,
« mais qu’il doit fournir l’estimation de ladite chose, ayant
« égard au temps qu’il faut faire le rapport. »
Coquille, qui écrivoit dans le siècle suivant, nous dit aussi
dans ses instituts, au titre des D onations, que « les enfans
« doivent rapporter les choses données, si elles sont existantes,
« en bonne valeur, et sont en leur puissance. ♦ ,,.. et si les
« choses données sont hors de leur puissance, lors de la suc« cession échue, doivent rapporter la valeur et estimation. »
On retrouve les mêmes principes dans Lebrun, Traité des
Successions, liv. 3 , cliap. G, sect. 3 , n° 28.
Après avoir dit que « si le donataire est encore en posses« sion de l’héritage, régulièrement il doit le rapporter eu
« espèces ; » il ajoute qu’il y a exception a ce principe « quand
« le donataire a aliéné les choses données., »
Il discute ensuite la question de savoir si « l’estimaliou
k doit être prise eu égard au temps de la donation ou du
<f partage, ou même de la succession échue, » mais il ne lui
est
�( 9 y
.
■.
est pas venu en idée de mettre en question si celui cfui a
aliéné doit rapporter le prix de l’aliénation, et on ne trouve
pas dans un seul auteur la plus légère trace d’une pareille
question.
Si on vient à des auteurs plus récens, tels que Denizart
dans son Dictionnaire de Jurisprudence, on y lit ce qui suit,
au mot Rapport, n° 97 :
« Si le donataire n’a plus l’immeuble donné, en sa posses« sion, comme il avoit un juste titre pour l’aliéner, il n’est
« obligé, dans ce cas, que de rapporter l ’estimation qui doit
« se faire eu égard au temps du partage, parce que si le dona« taire avoit encore l’héritage, l’estimation s’en feroiteu égard
« à sa valeur à cette époque ; ce doit être la même chose quand
« il a été aliéné, parce que le fuit du donataire ne sauroit nuire
« à ses cohéritiers. »
Cet auteur ne fait encore aucune mention du rapport du
prix de l’aliénation; la seule difficulté qui se soit élevée sur
cette matière, a été de savoir si l’estimation de la valeur de
l’immeuble aliéné devoit être faite à l’époque de la donation,
ou à celle de l’ouverture de la succession, ou à celle du par
tage ; et le Code civil a fait cesser l’incertitude de l’ancienne
jurisprudence à cet égard, en faisant l’estimation à l’ouver
ture de la succession.
Mais c’est la seule discussion qui se soit élevée enlre les
auteurs sur cette matière; il n’y en a jamais eu sur le rapport
du prix de l’aliénation à la masse de la succession; et si 011 n’a
pas même osé élever cette question lorsqu’il n’y avoit pas de
loi expresse à ce^ égard , on concevra difficilement qu’elle
ait été élevée ^jg^apUis difficilement encore, qu’elle ait pu
être accueillie dans un temps où l’art. 8G0 du Code civil
décide lu question d’une manière aussi tranchante et aussi
absolue.
B
�(
10)
Ce n’est pas ]e seul grief que M. et M mo de Sarrasin aient à
opposer contre le jugement du 3o mai, pour justifier leur
appel.
Ce jugement ordonne l’exécution pure et simple du testa
ment de M . de Sampigny, et rejette la demande de M. et
M me de Sarrasin en nouveau partage : « Attendu, y est-il dit,
« q u e , suivant l’article 1079 du Code civil, la lésion de plus
« du quart autorise seulement à attaquer le partage, ou à
« en demander la vérification. »'
Ce qui suppose, en principe, qu’un père de famille qui
a institué tous ses enfans ses héritiers par égalité, n’en con
serve pas moins la faculté d’avantager celui qu’il juge à propos,
de la quotité disponible.
O u , si l’on veut, en d’autres termes, que celui qui a fait
une semblable institution, est dans la même position que celui
qui n’a rien fait, rien promis, qui est resté libre de sa fortune,
et qui a conservé toute la latitude que donne la loi.
Paradoxe étrange, qui choque également toutes les idées
reçues en législation et en morale!
Nous lisons, dans l’article 1082 du Code civil, que « les
« pères et mères et autres ascendans, les pareils collatéraux des
« époux, et môme les étrangers, pourront, par contrat de ma
ie riage, disposer de tout ou partie des biens qu’ils laisseront au
« jour de leur décès , tant au profit desdits époux, qu’au profit
« des enfans h naître de leur mariage. »
Et dans l’article io 8 3 , que « la donation dans la forme
« portée au précédent article , sera irréestsgable en ce sens
« seulement que le donateur ne pourra plus disposer, à titre
« gratuit, des objets compris dans la donation , si ce n'est
« pour sommes m odiques, à titre de récompense ou aulre<» ment. »
�Et la loi et la morale nous apprennent qu’un père qui
a institué tous ses enfans ses héritiers par égalité, de tous
les biens dont il mourrait vêtu et saisi, est lié irrévocable
ment, non pas seulement envers ses enfans, niais plus sévère
ment encore envers les familles auxquelles ils se sont unis.
Les contrats de mariage sont en effet des pactes de famille
d’autant plus sacrés, que tout y est corrélatif dans les dispo
sitions qui y sont stipulées, et que chaque convention est
censée dictée, de part et d’autre , par celte maxime : D o ut
des , fa cio ut facias.
?
On ne peut donc altérer ces dispositions et en atténuer les
effets, sans manquer à la foi solennellement promise , non pas
seulement à l’enfant qui en a été l’ob jet, mais h la famille
qui l’a adopté, dans la confiance qu’elles seraient fidèlement
exécutées.
Il n’y a d’exception à la rigueur de ces principes que
pour les dispositions tolérées par l’art. io 83 du Gode civil,
pour sommes modiques à titre de récompense ou autrement.
A cette exception près, tout est soumis à la loi de l'égalité,
et il n’étoit pas permis à M. de Sampigny de s’en écarter.
On peut dire plus; M . de Sampigny ayant disposé de
l’universalité de ses biens en mariant ses quatre enfans, il
avoit, par cela seul, renoncé à la faculté que donne la loi
aux pères de famille de faire le partage de leurs biens entre
leurs enfans.
C ’est ce qui résulte de la disposition de l’art. 1079 du Code
civil, qui est conçu en ces termes :
« Le partage fait par l’ascendant pourra être attaqué pour
î< cause de lésion de plus du quart;
« Il pourra l’etre aussi dans le cas où il résulterait du
« partage et des dispositions faites par préciput, que l'un des
u copartagés aurait un avantage plus grand que la loi ne
« le permet, »
�(
12
)
Ce qui a fait dire aux rédacteurs de cette loi, comme on
le voit dans les conférences du conseil d’état sur cet article,
qu’on n’a pas entendu accorder cumulativement au père le
droit de disposer au profit de ses enfans, et le droit de leur
partager son bien.
« Quand la loi a posé la limite, dit encore un des juris« consultes qui ont rédigé cette loi, elle auroit fait une chose
« inutile, si elle admettoit en même temps des dispositions
« propres à l’éluder.
« Il faudroit donc, ajoute-t-il plus bas, en admettant le par« tage, décider qu’il pourroit être rescindé pour la plus petite
« lésion. Il est bien plus simple de l’interdire tout à fait dans
« le cas dont il s’agit, comme le décide Varticle en discussion. »>
Il faut donc distinguer le cas où un père fait le partage
de ses biens, rebus integi'is, et sans avoir fait de dispositions
antérieures, du cas où il a déjà disposé de ses biens, et où
les choses ne sont plus entières.
Dans le premier cas, le partage ne peut être attaqué qu’au
tant qu’il y a lésion de plus du quart, parce que la loi donne
au père la plus grande latitude, pourvu qu’il n’excède pas
la quotité disponible.
Dans le second cas, au contraire, il doit lui être interdit
de faire le partage de ses biens, ou il faut admettre que ce
partage peut être attaqué pour cause de la plus légère lésion}
puisque, s’il en étoit autrement, Vun des copartages auroit
un avantage plus grand que la loi ne le permet.
La loi, en effet, n’en permet aucun dès qu’il y a des pactes
de famille qui assurent légalité; et il y en auroit d’immenses
au préjudice de M . et M me de Sarrasin, si on laissoit subsister
le partage dont il s’agit.
C ’est un fait démontré par un simple calcul.
H a été fait un double rapport par les experts.
�( i 3 )
Celui de l’expert qui ne s’est pas réuni aux deux autres,, porte
la fortune totale de M . de Sampigny à 1,208,667 fr. 75 cent.
Cet expert comprend dans cette estimation les deux domaines
de Trémailles et de Court pour 58, 45o fr.
L e quart qui revenoit à M 1^0 de Sarrasin, d’après la pro
messe d’égalité portée par son contrat de mariage, s’élèveroit
donc à 3 o 2,i 66 fr. 94 c.
Et il ne lui reviendroit, d’après ce rapport, que ces 58, 45o fr.
d’une part, et les 1 35,750 fr. que lui offre M . de Sampigny aîné,
en tout 194,200
au lieu ¿le 3o2,i66 fr. 94 c. que lui donne
ce rapport.
La lésion scroit donc de 107,966 fr. 94 c., et par conséquent
de beaucoup plus du tiers de ce que M me de Sarrasin avoit rigou
reusement à prétendre.
Si, au lieu de calculer la lésion de M me de Sarrasin d’après
ce rapport, on s’en réfère au rapport des deux experts réunis,
on trouve les résultats suivans.
Ils ont évalué la masse de la succession à 1,128,600 fr., et
ils comprennent dans cette masse les deux domaines de T ré
mailles et de Court pour 70,000 fr.
L e quart de cette somme qui revenoit de droit à M mB de
Sarrasin, est de 282,126 fr.
Et il ne lui reviendroit que 70,000 fr. d’une part, et les
1 35, 75o f. que lui offre M. de Sampigny aîné} en tout 205,7 5of.
Ce qui donne un déficit de 76,376 fr.
Et comme le quart de 282,125 fr. n’est que de 70,63 r fr. 25 c.,
il en résulte que même, en admettant ce rapport, dont l'estima
tion est de près de 100,000 fr. inférieure à celle du troisième
expert, il y auroit encore lésion du tiers au quart dans le partage
fait par M . de Sampigny entre ses enfans.
D e sorte qu’en dernière analise, en supposant même que
M. de Sampigny ne se fût pas lié envers M rao de Sarrasin par
�( 14 )
une institution qui lui assuroit l’égalité, et en supposant encore
qu’il eût fait son testament portant partage, rebus integris,
et avec toute l’indépendance du père de famille qui n’a pas fait
la plus légère disposition, ce partage n’en seroit pas moins
nul, et le jugement qui en a ordonné l’exécution, ne pourroit
manquer d’etre infirmé.
JDélihéré à Clermont-Ferrand, le 7 juillet 1817.
B O I R O T , ancien Jurisconsulte.
�iE C O N S E IL S O U S S IG N É , vu la copie signifiée d’un juge
ment rendu par le tribunal civil de l’arrondissement de Riom ,
le 3o mai dernier, entre M. et M™ de Sarrasin, d’une part;
M M . Dominique-François de Sampigny, Ignace-Hyacinthe
de Sampigny, d’autre part; et encore M . Ignace-Hyacinthe
de Sampigny-d’Isoncourt ;
que M . et M me de Sarrasin, et aussi M . de Sam
pigny-d’Isoncourt, sont bien fondés dans l’appel qu’ils ont inter
jeté de ce jugement; et qu’il doit être infirmé.
Avant de développer les moyens qui doivent justifier cette
décision, il est nécessaire de rappeler sommairement les faits
qui ont donné lieu au procès.
M . le comte Charles de Sampigny et M lle de S t-B elin , son
épouse, ont eu quatre enfans: trois fils et une fille, aujourd’hui
M me de Sarrasin.
Ces quatre enfans ont tous été mariés du vivant de leurs
père et mère.
Chacun d’eux a été institué, par son contrat de mariage, héri
tier universel de ses père et mère, conjointement et par portion
égale avec scs frères et sœur.
Il est dit particulièrement dans l’article 4 du contrat de
mariage de M lle de Sampigny avec M . de Sarrasin, que ses
père et mère l’instituent leur héritière générale et universelle
dans tous les biens dont ils mourront vêtus et saisis, con
jointement et p a r é g a l e p o i i T i o N avec leurs autres enfans,
conformément aux clauses et conventions énoncées au contrat
de mariage d’ Ignace - Hyacinthe de Sampigny, l’ un de leurs
fils , marié quelques mois auparavant.
La même institution se retrouve, dans les mêmes termes,
dans les contrats de mariage de chacun des enfans de M. et de
M me de Sampigny.
E
st d ’ a v i s
�( 16 )
Il importe d’observer ici que, par une cîause du contrat de
mariage de M Ile de Sampigny avec M . de Sarrasin, il est dit
que « M . et M me de Sampigny, en avancement de leur future
« succession, lui ont constitué solidairement un trousseau, etc., »
et en outre, « deux domaines situés dans la commune de
« Loubejrat, l’un appelé les Trémailles* et l’autre appelé du
« Court, » avec leurs circonstances, dépendances et cheptels
de bestiaux.
Ces domaines ont été aliénés par M . et M ma de Sarrasin,
moyennant la somme de 104,000 fr.
M me de Sampigny a prédécédé son mari.
M . de Sampigny est mort au mois de juillet 181 4 , laissant
un testament contenant partage de ses biens entre ses enfans.
M . de Sampigny évalue tous ses biens par ce partage à la
somme de 959,000 fr., en y comprenant les domaines de
Trémailles et de Court, donnés à M me de Sarrasin, en avan
cement d’hoirie, pour la somme de io 4 ,oo ofr., prix des alié
nations qui en avoient été faites par M . et M me de Sarrasin.
Il compose le Jot de M me de Sarrasin de cette somme de
104,000 fr., et charge le sieur de Sampigny, son fils aîné,
de lui payer une autre somme de 135,^50 fr. \ ce qui porte
le lot de M mo de Sarrasin à 239,^5o fi\, formant le quart de
celle de 959,000 fr., montant total de la valeur des biens de
M . de Sampigny, d’après l’estimation portée en son testament.
M . et M mo de Sarrasin ont reconnu que ce testament portoit
atteinte aux droits héréditaires de ladite dame de Sarrasin,
à l’égalité qui lui avoit été assurée par son contrat de mariage;
ils ont reconnu, en deuxieme lieu, qu’ils ne dévoient le rapport
des domaines de Trémailles et de Court qu’ils avoient aliénésj
que suivant la valeur au jour du décès de M. de Sampigny, et
non le rapport du prix des ventes qu’ils en avoient laites: ils
ont eu conséquence refusé d’exécuter le testament de M. de
Sampigny,
�6 i>
( >7 ) '
Sampigny; ils ont demand^ que.}sans y avoir égard , , il fut
procédé à un-nouveau partage, suivant les formes ordinaires.,
Sur cette demande, un premier jugement a ordonné l’es’*1 ■ ' ‘ » •' ' ' ; i »' I* • :i:. ' ;•
timation des biens dépendans de la succession. de,M. de Sam
pigny; trois experts ont été ¡nommés par le même jugement
pour
procéder
à cette
estimation. r;i « -i)•.
, 1;f i r) . rr' .r- . , >«'b
i'
1
r
,
,
Un deuxième jugement a ordonné que( les domaines;de
Trémailles et de Court seroient compris dans cette estimation.
Les trois experts nommés pour procéder à. cette opération,
n’ont pu se concilier} deux ont été d’un avis uniforme, et
ont rédigé leur rapport conjointement; le troisième a donné
un rapport séparé.
Les deux experts réunis ont porté leur estimation à la somme
de i ,I28,5 oo fr., et compris dans cette masse les deux domaines
de Trémailles et de Court pour 70,000 fr.
L ’expert qui a donné son rapport séparément, a porté la
masse totale des biens de M . de Sampigny à 1,208,667 fr. 7$ c.,
et n’a compris dans cette masse les domaines de Trémailles
et de Court que pour une somme de 58,4 5 o frC ’est dans. cet état de la cause que le tribunal de R lom
a rendu son jugement définitif ; il est à remarquer que M . de
Sampigny-d’ Isoncourt s’en est rapporté ci droit sur les conclusions
respectivement prises par M. et M m0de Sarrazin, et parM . Dominique-François et M . Ignace-Hyacintlie de Sampigny, ses frères.
L e tribunal de lliom s’est proposé les questions suivantes:
i°. Si les sieur et dame de Sarrasin devoient le rapport de
la somme de 104,000 fr., prix des aliénations qu’ils avoient
faites des domaines de Court et de Trémailles, ou seulement
celle de 58,45o fr., montant de l’estimation de ces domaines
par 1 expert qui avoit donné son rapport séparément, ou celle
.de 70,000 fr., montant de la valeur donnée à ces mêmes do
maines de Court et de Trémailles par les deux experts réunis.
�W-
( ! 8 .}
2°. Si, dans le cas où il seroit jugé que les sieur et dame de
Sarrasin feroient le rapport de la somme de io/|,ooo fr., il y
auroit l é s i o n , aux termes de l’art. 107g du Code civil, dans le lot
qui leur étoit attribué par lè testament du sieur de Sampigny
père, et si, dans le cas contraire, le partage fait par ledit sieur
de Sampigny devoit être maintenu.
Sur ces questions, lë tribunal, à la suite de très-longs motifs,
à débouté les sieur et dame de Sarrasin de leur demande en
nullité du testament du feu sieur de Sampigny, a ordonné qu’il
seroit exécuté suivant sa forme et teneur, et condamné les sieur
et dame de Sarrasin aux dépens.
On va maintenant établir et justifier l’opinion qu’on a cidessus émise, et suivant laquelle ce jugement doit être infirmé.
La première réflexion qui se présente à l’esprit,.après avoir
pris connoissance du jugement qu’on vient d’analiser, c’est
que lè tribunal qui l’a rendu ne s’est nullement occupé de
la question qui dfevoit, avant tout, fixer son attention; de la
question de savoir si M . de Sampigny père ayant institué
chacun de sës enfans, par son contrat de mariage, son héri
tier général et universel de tous les biens dont il mourroit
vêtu et saisi, par portion égale avec ses autres enfans, il avoit
p u , par un testament postérieur, partager entre ses enfans les
biens qui devoient se trouver dans sa succession.
Cette question, on le répète, étoit la première qui devoit
fixer l’attention des juges; car s’il étoit reconnu et juge sur
cette question que M . de Sampigny, en instituant chacun de
ses enfans son héritier général et universel, par portion égale
avec scs autres enfans, avoit épuisé tous ses droits sur sa suc
cession, la nullité du partage porté en son testament en étoit
la conséquence nécessaire; parce qu’alors il auroit fait ce qu’il
ne p o u v o i t pas faire, ce qu’il n’avoit pas le droit de faire; et
par suite, il 11’y avoit plus à examiner s’il y avoit ou non, dans cë
�*
9
)
partage, ‘lésion suffisante pour en faire prononcer la nullité,
(
c’est-à-dire, une lésion de plus d’un quart.
Nous allons établir, sur cette première question, que M . de
Sampigny père avoit épuisé tous ses droits sur les biens qui
se trouvoient dans sa succession, par les institutions portées
aux contrats de mariage de chacun de ses cnfans, et que par
suite, le partage qu’il en a fait entre eux est un acte absolu
ment nul, puisqu’il a fait ce qu’il ne pouvoit pas faire.
Nous établirons, en second lieu, que M . et M me de Sarrasin
ne doivent rapporter à la succession de M . de Sampigny les
domaines de Trémailles et de Court que pour leur valeur
au moment de l’ouverture de sa succession, et non le prix
des ventes qu’ils en ont faites.
Nous établirons, en troisième lieu, qu’en réduisant le rap
port des domaines, donnés en avancement d’hoirie à M me de
Sarrasin par son contrat de mariage, à la valeur de ces do
maines au moment du décès de M. de Sampigny, il y a, dans
le partage fait par son testament, lésion de plus du quart au
préjudice de M me de Sarrasin.
PREMIÈRE PROPOSITION.
Pour reconnoitre et juger si M . de Sampigny a pu faire
entre ses enfans le partage des biens qui se trouveraient dans
sa succession, après avoir institué chacun d’eux sou héritier
universel par portion égale, par leur contrat de mariage,
il faut se iixer sur la nature et les effets de l’institution con
tractuelle.
L institution contractuelle est une disposition d’un genre
tout particulier, une disposition mixte, c’est-à-dire, qui par
ticipe tout à la fois de la nature de la donation entre-vifs, et de
la nature des dispositions à cause de mort.
�(20)
Elle participe de la donation entre-vifs, en ce qu’elle est
irrévocable.
Elle participé des dispositions à cause de morl , en ce qu’elle
n’a d’effet qu’après le décès de l’instituant.
Les institutions d’héritier par acle entre-vifs, ont toujours
été sévèrement proscrites par le droit romain; elles ont été
admises dans notre droit français, par suite de la grande faveur
accordée aux contrats de mariage; elles ne peuvent avoir lieu
que dans ces actes.
L ’irrévocabilité de l’institution contractuelle a toujours été
reconnue et professée par les jurisconsultes les plus recommandables; et ce caractère d’irrévocabilité lui a été expressé
ment attribué par une disposition très-précise de l’ordonnance
de 1747? nrt' 12 du titre i cr. Cette i r r é v o c a b i l i l é lui a été de
nouveau attribuée par l’art. i o 83 du Code civil, en ce sens,
y est-il dit, que l’instituant ne pourra plus disposer à titre
gratuit des biens compris en l’institution, si ce nest pour
somme modique à titré de récompense ou autrement.
L ’irrévocabilité de l’institution contractuelle porte tout A la
fois sur le titre d’héritier donné à l’institué, dont il n’est plus
au pouvoir de l’instituant de le p riv e r, et sur les biens de
l’instituant, en ce sens qu’il ne peut plus en disposer a titre
gratuit que pour somme modique, ni porter aucune atteinte,
soit directement, soit indirectement, aux droits qu’il a transmis
à l’institué sur tous les biens qu’il délaisseroit au jour de son
décès. « Il est constant, dit l’auteur du Répertoire universel de
« Jurisprudence , au mot Institution contractuelle} § 8 , n° 6 ,
« qu’une institution consignée dans un contrat de mariage ne
« peut plus etre détruite par quelque disposition universelle
« que ce soit; il n’importe même que ces dispositions tombent
« directement sur l’institution contractuelle, ou qu’elles ne la
« révoquent qii^indirectement; elles ne sont pas plus valables
« dans un cas que duhs l’autre. »
�(21
)
éu
Dans l’espèce dont il s’agit, le testament de M . de Sam*
pigny, contenant partage de ses biens entre ses enfans, est
bien évidemment une disposition universelle qui tombe au
moins indirectement sur l’institution portée au contrat de
mariage de M me de Sarrasin.
Cette institution lui assuroit l égalité avec ses frères; or, cette
égalité, même dans le système adopté par le tribunal de Iliom ,
seroit considérablement blessée par le partage porté au testa
ment de M. de Sampigny. Sous ce premier rapport, le partage
fait par M. de Sampigny seroit frappé d’une nullité radicale,
parce qu’il n’étoit pas au pouvoir de M . de Sampigny de porter
atteinte à l’égalité promise à M me de Sarrasin, par l’institution
portée en son contrat de mariage.
Ce qu’on vient de dire s’applique également à M . de Sampigny-d’Isoncourt ; l’institution portée en son contrat de ma
riage lui assuroit, et irrévocablement, une entière et parfaite
égalité avec ses cohéritiers; le partage porté au testament de
M . de Sampigny blesseroit grièvement cette égalité, puisque,
d’après l’exposé fait au Conseil, ce partage lui feroit éprouver
une perte d’environ 60,000 fr. ; il est donc bien fondé dans
l’appel qu’il a interjeté du jugement qui ordonne l’exécution
de ce partage.
Mais il y a plus ; dans le cas même où M . et M mo de
Sarrasin et M . de Sampigny-d’ Isoncourt se trouveroient rem
plis intégralement de la valeur de leurs droits héréditaires,
par les lots que leur attribue le testament de M . de Sampigny,
le partage porté en ce testament n’en seroit pas moins n u l,
parce que, dans ce cas même, il porteroit encore atteinte aux
droits héréditaires de M ms de Sari'asin et de M- de Sampignyd’Isoncourt.
En effet, M me de Sarrasin et M . d’Isoncourt, en vertu des
institutions portées en leur contrat de mariage, avoient, comme
�(
22
)
chacun de leurs cohéritiers, un droit indivis dans tous et chacun
des biens dépendans de la succession de M . de Sampigny.
Si parmi ces biens il s’en trouvoit qui fussent plus particulière
ment à leur convenance, ou pour lesquels ils eussent une
préférence quelconque, ils avoient au moins l’espérance de les
obtenir par l’événement du partage qui en aurait été fait suivant
les formes ordinaires : le partage fait par M . de Sampigny
les prive de cette espérance, inhérente à l’exercice de leurs
droits indivis: donc, sous ce rapport, ce partage porteroit atteinte
aux droits qui ont été irrévocablement acquis à M me de Sarrasin
et à M . de Sampigny-d’ Isoncourt, par les institutions portées
en leurs contrats de mariage \ et par suite il seroit encore frappé
de nullité.
Enfin , le partage porté au testament de M . de Sampigny
est nul sous un troisième rapport ; il est nul par défaut absolu
de pouvoir dans M. de Sampigny, pour disposer des biens
qu ’il délaisseroit au jour de son décès, après les institutions
portées aux contrats de mariage de ses quatre enfans.
Par l’effet de ces institutions, la succession de M . de Sam
pigny appartenoit à ses enfans \ ils en étoient saisis irrévocable
ment pour l’instant où elle s’ouvriroit : M . de Sampigny n’avoit
plus aucun droit sur les biens qui se trouveroient dans sa
succession ; il s’en étoit entièrement dessaisi : il ne pouvoit
donc plus en disposer de quelque manière que ce f û t , car
on ne peut pas disposer de ce qui a cessé de nous appartenir.
Si l’article 10^5 du Code civil autorise les pères et mères, et
■autres ascendans, à faire le partage de leurs biens entre leurs
enfans et descendans, c’est dans le cas seulement où ils en ont
la libre disposition.
A u x termes de l’article 1082, les pères, mères, et tous autres
peuvent, par contrats de mariage, disposer, en tout ou partie,
des biens qu’ils délaisseront au jour de leur décès, en faveur
�•
6 w>
C »3 )
des futurs époux et de leurs enfans à naître, et l’article i o 83
déclare ces dispositions irrévocables. I l est évident que les pères
et mères qui ont usé de la fa cu lté accordée par Varticle 1082,
pour la totalité des biens qui se trouveront dans leurs succes
sions, nont plus nen dont ils puissent ultérieurement disposer.
M . de Sampigny avoit institué ses quatre enfans ses héritiers
universels, et par égale portion, de tous les biens dont il mourroit vêtu et saisi ; il avoit donc épuisé tous ses droits sur sa
succession ; il ne pouvoit donc plus en disposer : le partage qu’il
en a fait postérieurement, est: donc, sous ce dernier rapport,
frappé de la nullité la plus radicale et la plus absolue ; car le
plus grand vice qui puisse se rencontrer dans un acte, c’est
le défaut de pouvoir dans son auteur.
Nous passons à notre seconde proposition.
SECONDE
PRO PO SITIO N .
Nous avons dit que M . et M m0 de Sarrasin ne devoient le
rapport des domaines de Trémailles et de Court, donnés à
M me de Sarrasin en avancement d’hoirie, que suivant leur
valeur à l’époque de l’ouverture de la succession de M i de
Sampigny, et non le rapport du prix des aliénations qu’ils en
ont faites, comme l’a décidé le tribunal de Riom.
L ’article 860 du Code civil a , à cet égard, une disposition
si expresse et si positive, qu’on a peine à concevoir que le
tribunal de Riom ait pu la inéconnoître. Cet article porte
textuellement :
« L e l'apport n’a lieu qu’en moins prenant, quand le dona« taire a aliéné l’immeuble avant l’ouverture de la succession :
« il est du de la valeur de l’immeuble à l’époque de l’ouver« ture. »
A
�-K
*
( s -4 )
I\ien de plus clair, rien de plus précis, rien de plus exprès
et de plus positif, et en même temps, rien de plus sage et de
plus juste que cette disposition.
En effet, si l’immeuble sujet à rapport n’eût pas été aliéné,
s’il eût été rapporté en nature, il n’auroit pu entrer dans la
niasse de la succession que pour sa valeur. La l o i , en or
donnant que s’il a été aliéné, le donataire en rapportera la
valeur au moment de l’ouvertuve de la succession , fait ren
trer dans la masse commune tout ce qui y seroit entré s’il
n’eût pas été aliéné.
L e donataire étoit propriétaire de l’immeuble qui lui avoit
été donné; il avoit le droit de l’aliéner; la perte ou le bé
néfice qui ont pu résulter de l’aliénation, lui sont personnels ;
ils sont absolument étrangers à ses cohéritiers, qui ne pour
raient pas être tenus de supporter la perte, et qui, par suite,
ne peuvent participer au bénéfice. Tout ce qu’ils ont droit de
prétendre, c’est de faire rentrer dans la masse de la succession ,
une valeur égale à celle qu’y auroit fait entrer le rapport de
l ’immeuble en nature, s’il n’eût pas été aliéné : l’article 860
ordonne le rapport de cette valeur; les cohéritiers du dona
taire sont donc pleinement désintéressés.
A u surplus, l’art. 8G0 du Gode civil n’a pas établi un droit
nouveau; il n’a fait que consacrer le droit préexistant.
Deni/.art, au mot Rapport, n° 9, s’exprime ainsi:
« Si le donataire n’a plus l’immeuble donné, en sa possession,
« comme il avoit un juste titre pour l’aliéner, il n’est obligé
« dans ce cas que de rapporter l’estimation qui doit se faire
« au t e m p s du partage, parce que si le donataire avoit encore
k l'héritage, l’estimation s’en feroit, eu égard à sa valeur à
« cette époque. »
« L e rapport ep uature cesse, dit Bourjon, Traité du droit
» pomwun de la F ra n ce, titre 1er, page f à i , si le fils a aliéné
« sans
�(
>5
)
« sans fraude l ’immeubleà lui donné en avancement d’hoirie;
« en ce cas, il fait le rapport suivant l’estimation ; cette esti« raation doit se faire eu égard au temps de l’ouverture de la
« succession ; c’étoit alors que le rapjDort à la masse devoit s’cn
« faire, c’est donc eu égard à ce temps qu’on doit l’estimer. »
Nous trouvons les mêmes principes dans Potliier, en sou
Introduction, au titre des Successions de la Coutume'd’Orléans,
n°92:
« Lorsque l’enfant a aliéné l’immeuble qui lui a été donné,
« si l’aliénation qu’il en a faite a été volontaire, il ne doit pas
« le l’apport du prix pour lequel il a été vendu*, mais il demeure
« toujours débiteur de l’héritage en nature, car il ne peut par
« son fait changer l’objet de son obligation. Mais comme il ne
« peut remplir cette obligation, n’ayant plus l’héritage, il doit
« rapporter le prix qu’il vaut au temps du partage, soit qu’il
« soit plus considérable, soit qu’il soit moindre que celui pour
« lequel il a été vendu. »
On n a pas besoin de remarquer que ces principes s’ap
pliquent, d’une manière bien directe, à l’espèce dont il s’agit;
nous les trouvons dans le Répertoire universel de Jurispru
dence, au mot Rapport à succession , § 8 , 1 1 * 7 .
« Si l’aliénation a été volontaire, y est-il dit, il ne suffit pas
« et on n’est pas obligé de rapporter le prix qu’ou en a tiré;
« on doit alors l’estimer dans l’état ou il se trouve au moment
« du partage, et obliger le donataire de le rapporter, non pas à la
« vérité en nature, puisqu’il ne l’a pas, mais sur le pied de cette
« estimation. »
‘
Il seroit inutile d’accumuler un plus grand nombre de
citations;les autorités que nous venons de rapporter, établissent
suffisamment que l’article 860 du Code civil n ’a fait que confir
mer le droit ancien; et il en résulte que le tribunal de Riom,
eq. oydonnaj.it que
de Sarrasin rapporteront à la masse de
�( 26 )
la succession de M . de Sampigny, son père', la! somme de
io 4,ooo fr., montant du prix des ventes des domaines de Court
et de Trémailles, au lieu d’ordonner le rapport de ces domaines,
suivant leur valeur, à l’époque de l’ouverture de sa succession,
a contrevenu tout ?i la fois au droit ancien et nu droit nouveau.
L e tribunal de Riom a principalement motivé sa décision
sur l’article 843 du Code c iv il, qui veut que tout héritier
venant à une succession , y rapporte tout ce qu’il a reçu du
défunt, directement ou indirectement ; le tribunal de Riom a
dit que ces mots directement ou indirectement s’appliquoient
évidemment aux sieur et dame de Sarrasin, qui avoient reçu
directement de M. de Sampigny les domaines de Court; et
de Trémailles, et qui avoient indirectement, à l’occasion de
la vente des mêmes domaines, reçu la somme de 104,000 francs,
qui en a été le prix; le tribunal de Riom a dit encore, à
l’appui de sa décision , qu’il falloit concilier l’article 860 du
Code civil avec l’article 84-3 , et cniin, expliquer l’article 860 par
le droit commun et la doctrine générale des auteurs, qui
ne permettent pas à un des cohéritiers de s’arroger exclusi
vement le bénéfice d’un traité relatif aux affaires d’une suc
cession indivise.
On ne peut s’empêcher de le d ire , tout est erreur dans
ces motifs.
Et d’abord, le tribunal de Riom a bien mal saisi le sens
de ces expressions directement ou indirectement, employées
dans l’article 843 , lorsqu’il a dit qu’elles s’appliquoient évi
demment a u x sieur et dame de Sarrasin, qui avoient reçu
directement de M. de Sampigny les domaines de \Court et de
Trémailles, et indirectement la somme do 104,000 fra n cs, qui
en a été le prix.
L e mot indirectement, employé dans l’article 843 , ne peut
être appliqué qu’aux libéralités qu’un cohéritier pourroit avoir
�6v
(
27
)
reçues du défunt par' des voies détournées , et non pas aux
bénéfices qu’un cohéritier donataire peut avoir obtenus par
la vente des objets qui lui avoient été donnés. L e cohéritier
donataire ne peut etre tenu qu’au rapport de ce qu’il a reçu
du défunt , et ce n’est pas de lui qu’il a reçu, ni directement-,
ni indirectement, le bénéfice qu’il a pu faire par la vente des
biens qui lui avoient été donnés. Dans l’espèce, M . et M mè de
Sarrasin n’ont reçu de M . de Sampigny que les domaines de
Court et de Trémailles ; ils n’ont pas reçu de lu i, directe
ment ni indirectement, l’excédant de valeur de ces domaines
qu’ils ont pu obtenir par les ventes qu’ils en ont faites : ce
bénéfice n’est nullement sorti de la masse des biens de M . de
Sampigny*, il ne peut donc être sujet à rapport.
L e tribunal de lliom a dit qu’il falloit concilier l’article
860 du Code avec l’article 843 , et expliquer l’article 860
par le droit commun et la doctrine des auteurs, qui ne per
mettent pas qu’un cohéritier s’arroge exclusivement le bénéfice
d’un traité relatif aux affaires d’une succession indivise.
Mais en premier lieu , les articles 843 et 860 du Code ne
présentent aucune contradiction , ni réelle, ni apparente, et
conséquemment, ils n’ont pas besoin d’être conciliés.
L ’art. 843 veut que tout héritier venant à une succession,
y rapporte tout ce qu’il a reçu du défunt, soit directement,
soit indirectement.
L ’art. 8G0 n’a rien de contraire à cette disposition, puis
qu’il règle uniquement le mode de rapport de l’immeuble
aliéné par le cohéritier donataire.
Lu second lieu, suivant le droit commun attesté par les
autorités qui ont été rapportées ci-dessus, le rapport de l’im
meuble aliéné par le cohéritier donataire, a toujours consisté
dans la valeur de cet immeuble, et l ’art. 8G0 n’a fait que
confirmer cet ancien droit.
�( 28 )
La seule innovation qu’on puisse remarquer clans l’art. 860,
c’est, que clans l’ancien droit, l’immeuble sujet à rapport, qui
avoit été aliéné, s’estimoit eu égard au temps du partage, et
qu’aux termes de l’art. 860, sa valeur doit être fixée eu égard
nu temps de l’ouverture de la succession.
Cette époque pour l’estimation de l’immeuble sujet à rap
port, qui a été aliéné, est beaucoup plus convenable, car c’est
au moment de l’ouverture de la succession que l’immeuble
sujet h rapport seroit entré clans la masse, s’il n’eût pas été
aliéné; c’est donc sa valeur à cette époque qui doit être
rapportée.
. En troisième lieu, la vente d’un immeuble sujet à rapport
par le donataire, n’est pas un traité relatif aux affaires d’une
succession indivise ; c’est un acte exclusivement personnel au
donataire qui ne fait qu’user de son droit de propriété, lorsqu’il
vend la chose qui lui a été donnée. L e rapport de cet im
meuble, auquel il peut être éventuellement assujetti, ne lui
en interdit pas l’aliénation; la loi elle-même l’autorise, puis
q u ’elle a pris soin de régler comment le rapport dans ce cas
en seroit effectué. E n fin , comment la vente par le donataire
d’un immeuble sujet à rapport, pourrait-elle être un traité
relatif aux affaires d’uue succession indivise, lorsqu’elle a lieu
avant l’ouverture de la succession ¿1 laquelle le rapport pourra
en être dû, puisqu’au moment de la vente cette succession
n’existe pas ?
11 seroit inutile de se livrer à une plus ample réfutation des
motifs exprimés au jugement dont il s’agit.
i
TROISIÈME PROPOSITION.
Nous avons dit qu’en réduisant le rapport des domaines
�(
29
)
de Court et de Trémailles î\ la valeur de ces domaines à
l’époque de l’ouverture de Ici succession de M . de Sampigny,
il y a, dans le partage contenu en son testament, lésion de
plus d’un quart au préjudice de M me de Sarrasin , d’où la
conséquence que ce partage devroit être déclaré nul dans
le cas môme où M . de Sampigny auroit eu, au moment de
son décès, la libre disposition des biens de sa succession.
Celte proposition s’établira par une simple opération do
calcul.
■
M . de Sampigny a composé le lot de M m8 de Sarrasin,
i°. du rapport des domaines de Court et de Trémailles, qu’il
porte à 104,000 fr., montant des aliénations qui en ont été
faites; 2°. d’une autre somme de i35,75o fr., qu’il charge son
fils aîné de lui payer. Ces deux sommes réunies montent à.
celle de 23g,750 fr., formant le quart de celle de 959,000 fr.,
à laquelle M . de Sampigny a évalué par son testament l’uni
versalité de ses biens.
Trois experts ont été nommés pour l’estimation de ces
mêmes biens; deux ont été d’un avis uniforme, et ont porté
la masse totale des biens dépeudans de la succession de M . de
Sampigny à 1,128,500 fr. ; ils n’ont compris les domaines de
Court et de Trémailles dans cette estimation que pour une
somme de 70,000 fr.
L e rapport du troisième expert porte la masse totale des
biens de M. de Sampigny à 1,208,667 fr- 7$ cent., et les
domaines de Court et de Trémailles ne sont compris dans
cette estimation que pour 58, 45o fr.
D ’après l’estimation des deux experts réunis, inférieure de
80,106 fr. 25 c. à celle de l’expert qui a donné son rapport
séparément, il y a lésion de plus d’un q u a r t , au préjudice
de M “ 8 de Sarrasin, dans le partage q u e c on t i e n t le testament
de M. de Sampigny, son père.
�{-
0
( 3o )
La masse totale des biens de M . de Sampigny étant portée par
le rapport des deux experts réunis à la somme de i, 128,600 fr.,
le quart de cette masse revenant à M me de Sarrasin est de
282.125
fr.
7
0
A u lieu de cette somme de 282,125 fr., M me de Sarrasin
ne recevroit, d’après le partage porté au testament de M . de
Sampigny, qu’une somme de 70,000 fr. dans les domaines de
Court et de Trémailles, et une autre somme de i39,5oo liv .;
ce qui, abstraction faite de la différence entre la valeur de
la livre tournois et celle du franc, ne formeroit qu’une
somme de 209,5 oo fr.
M roo de Sarrasin ne recevant que 209,500 fr., au lieu de
282.125 fr., elle éprouveroit une perte de 72,625 fr., et conséquemment une lésion de plus du q u a r t , puisque le quart
de 282,12.5 fr. n’est que de 70,531 fr. 25 c. Sous ce dernier
point de vue, en supposant que M . de Sampigny eût eu
la libre disposition de ses biens lors du partage qu’il en a
fait, ce partage devroit donc encore être déclaré nul.
En résumant tout ce qui vient d’être dit;
L e testament de M . de Sampigny, contenant partage de
ses biens entre ses enfans, est nul, parce qu’il porte atteinte
à l’égalité assurée à M me de Sarrasin et à M . de Sampignyd’Isoncourt, par les institutions portées en leur contrat de
mariage.
Il est encore n u l , par défaut absolu de pouvoirs dans
M . de Sampigny, qui avoit épuisé tous ses droits sur sa succes
sion , par les institutions portées aux contrats de m ariage de
chacun de ses enfans.
L e tribunal de R io m , en ordonnant que M me de Sarrasin
rapporteroit la somme de 104,000 francs, prix de l’aliéna
tion des domaines de Court et de Trémailles, qui lui a voient
été constitués en avancement d’h o irie , a , directement et
\
�(3 1 )
formellement, contrevenu au droit ancien et au droit nouveau,
c’est-à-dire, à l’article 860 du C ode civil, d’après lequel le
rapport de l'immeuble qui y est sujet, et qui a été aliéné,
n’est dû. que suivant sa valeur à l’époque de l’ouverture de
la succession.
L e rapport des domaines de Court et de Trémailles réduits
à la valeur qui leur est fixée par les deux experts réunis ,
il y a lésion de plus du quart, au préjudice de M me de
Sarrasin, dans le partage porté au testament de M. de Sampigny.
On persiste donc à penser que M . et M me de Sarrasin ,
ainsi que M. de Sampigny-d’ Isoncourt, sont bien fondés dans
l’appel qu’ils ont interjeté du jugement du tribunal de Riom ,
du 3 o mai dernier, et que ce jugement doit être infirmé.
Délibéré à Paris, ce 21 août 1817.
Signes, D U F R E S N E A U , L A C A L P R A D E S ,
B E R R Y E R , T R I P I E R et B O N N E T .
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Sampigny, Antoinette de. 1817]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Dufresneau
Lacalprades
Berryer
Tripier
Bonnet
Subject
The topic of the resource
successions
testament olographe
émigrés
avancement d'hoirie
égalité des héritiers
puissance paternelle
lésion
partage
démolition de châteaux
experts
châteaux
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An account of the resource
Titre complet : Consultations pour madame Antoinette de Sampigny, et Monsieur Jean-Louis de Sarrasin, son mari, et pour monsieur Ignace-Hyacinthe de Sampigny-d'Isoncourt, appelans ; contre MM. Dominique-Louis-François, et Ignace-Hyacinthe de Sampigny, intimés.
note manuscrite : « les parties se sont arrangées sur l'appel. »
Table Godemel : Donataire : l’enfant donataire qui a vendu avantageusement les immeubles reçus par lui en avancement d’hoirie, est-il fondé à n’en rapporter la valeur que sur le pied de l’estimation proportionnelle de tous les biens, à l’époque de l’ouverture de la succession, ou, au contraire, peut-il être tenu de rapporter intégralement le prix de vente ? Partage : 19. le père de famille qui, par diverses dispositions contractuelles, a institué tous ses enfants ses héritiers par égalité, a-t-il, comme s’il ne s’était point lié et fut resté libre de sa fortune, la faculté d’accroître indirectement, par un partage testamentaire, la part de l’un de ses enfants, jusqu’à concurrence du quart, ou même d’une moindre quotité ? les enfants lésés peuvent-ils se refuser à l’exécution de cette distribution des biens, et demander un nouveau partage pour maintenir l’égalité ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1817
An 2-1817
1789-1799 : Révolution
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
31 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2417
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
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Relation
A related resource
BCU_Factums_G2416
BCU_Factums_G2418
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Gerzat (63164)
Bussières-et-Pruns (63061)
Effiat (63143)
Riom (63300)
Loubeyrat (63198)
Denone (château de)
Manzat (63206)
Charbonnières-les-Vieilles (63093)
Le Court (domaine de)
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Domaine public
avancement d'hoirie
chateaux
démolition de châteaux
égalité des héritiers
émigrés
experts
lésion
partage
puissance paternelle
Successions
Testament olographe
-
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0ae68eb6a8cfe3c5cfbaa3b33982d699
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Text
C ONS ULT AT I ON.
L E C O N S E IL S O U S S I G N É , qui a lu un mémoire à consulter,
pour le sieur P u r a y , ex-notaire à la résidence de R io m ,
E st d ’ a v i s que plusieurs des différentes questions que ren
ferm e le mémoire rentrant les unes dans les autres , il est inutile
de répondre à toutes ; qu’ en les classant com m e elles doivent
l 'ê t r e , on peut les réduire à trois, et que c ’est à ces trois ques
tions qu’il s’agit de répondre successivement.
E t d’abo rd, sur la prem iere, qui est en même temps la plus
importante de to u te s , celle de savoir si un homm e qui n’est pas
co m m e rç a n t, et entr’autres un notaire qui tombe dans l’insol
v a b ilité , peut être regardé com m e en état de déconfiture, ou
s i , au contraire, on a la faculté de l’envisager comme f a i l l i ,
et lui appliquer toutes les dispositions du Code de c o m m e rc e ,
relatives aux faillites et aux banqueroutes, il ne faut que co n
sulter les principes les plus ordinaires pour la décider.
Il y a m ê m e , sur cette question, un premier point de vue
d ’ordre p u b lic , qui suffiroit s e u l, en quelque sorte, pour se
fixer sur l’opinion qu’on doit en prendre, et en déterminer le
résultat.
En g é n é r a l, en e f f e t , on ne peut pas confondre les juridic
tions ;
On ne peut pas déplacer les limites qui les séparent;
On ne peut pas surtout confondre des législations différentes.
L a législation du com m erce est une législation d ’exception ,
u ne législation qui n ’est faite que pour un seul état de la société,
e t qui a ses principes déterminés et ses règles particulières.
La législation de la déconfiture, au contraire, embrasse, par
son é te n d u e , tous les individus et tous les états ; elle tient à la
A
�législation civile générale ; elle participe aux principes généraux
de cette législation, et ce sont ces principes m êm e qui font ses
régies.
On ne peut donc pas amalgamer ces deux législations , qui
ne sont pas de la m ême n a tu r e , et qui n’ont pas eu pour but
de produire les mêmes effets.
L ’ordre public s’oppose à une association de ce genre.
Mais il s’y oppose m êm e par une autre considération extrê
mement importante.
L a législation du com m erce e st, sous beaucoup de rapports,
une législation pénale.
L e législateur a eu pour objet de conserver parmi les comi n e r ç a n s , et dans l’intérêt m êm e du c o m m e r c e , qui s’exerce
toujours avec une sorte d’abandon et sans la précaution des
sûretés ou des titres , les principes de l’h o n n e u r, l’habitude de
la bonne f o i , la sincérité des relations , la fidélité de la co n
fiance; e t, pour y parvenir avec plus de facilité et plus d ’effi
c a c ité , il a prononcé des peines sévères contre tous les délits
relatifs à leur profession, que les commerçans pourroient se
permettre.
Mais ces peines, le législateur ne les a prononcées que contre
les com m erçans; il ne les a point étendues aux autres individus
de la société; il ne les a point appliquées aux autres états : c ’est
le com m erce seul qui en a été le m otif, l’occasion et le b u t ,
et c ’est dans les personnes qui y sont livrées exclusivement que
la loi elle-même les a concentrées.
O r , le premier de tous les principes, c ’est que les peines en
général ne reçoivent pas d’extension; et quand il y en a en par
ticulier de déterminées par la loi contre les abus d ’une telle
profession, il est encore moins permis d appliquer ces peines
à des professions qui n’ont rien de commun avec elle.
C e seroit sortir de l’ordre naturel des choses, et mêler ensem
ble des formes qui n’ont pas de cohérence entr’e lle s, et qui doi
vent toujours rester séparées.,
�( 3 )
D e quel droit, en e f f e t , poursuivroit-on par e xem p le , en
banqueroute frauduleuse, un notaire qui seroit devenu insol
v a b le , comme on poursuivroit un commerçant?
La loi n’a point assujetti les notaires, pas plus que tout autre
particulier, à ce genre de poursuites.
Elle n’a ¡eu en v u e que les commerçans.
E lle n’ y a soumis q u ’eux.
T o u tes ses dispositions n’ont qu’eux pour objet.
L e notaire a lui-m êm e ses peines à part.
Il a les abus de sa profession ; il a ses manquemens à la
discipline ; il a ses faits de charge.
D es peines sagement graduées ont été infligées par la loi,
contre tous ces délits; et s i, par événem ent, le notaire a c o m
mis des fautes encore plus graves ; s’il a trompé ses créanciers ;
s’ il s’est permis envers eux des fraudes plus ou moins coupa
b le s, il est frappé alors des mêmes peines que tous les autres
c it o y e n s , et ces peines sont conformes au genre de fraudes
q u ’il a pu commettre.
Mais , dans tous les cas , ce ne sont pas les peines prononcées
contre les c o m m e rça n s, qui peuvent l’atteindre. Ces peines
n’ont pas été prononcées contre lu i; la loi ne l’a point prévenu
q u ’il les subiro it, si dans l’exercice de sa profession il com m ettoit des délits qui se rapprochassent de la nature de ce u x que
peuvent commettre les commerçans ; il ne peut donc pas eu
être l’objet, m êm e sous c e rapport, et l’application qu’on se
permettroit de lui en f a i r e , blesseroit toutes les idées reçues
en jurisprudence, et seroit absolument contraire à l’ordre public.
N ous avons donc eu to u t à l’h e u re raison d ’observer q u ’il
Suffiroit d e ce point d e vue g én é ra l, d e la différence des légis
lations com m erciale e t c i v i l e , pour être autorisés à décider
q u ’un notaire p eut bien to m ber en décon fiture, q u an d il devient
insolvable ; mais q u ’il n ’est pas constitué pour cela en état d e
faillite , et q u ’on n ’a pas le droit de lui appliquer les règles que
A2
�( 4 )
le Code de com m erce a créées pour les fa illite s, et qu’il nfa
créées que pour elles.
>
M a i s , si nous voulons maintenant descendre dans l ’examen
des principes ordinaires de la faillite et de la déconfiture , il est
bien facile de se convaincre que la déconfiture ne peut regarder
que le particu lier, et que la faillite ne peut regarder elle-même
que le commerçant.
D ’abord il faut prendre garde que ce n’est en effet qu’ au com
m e rç a n t, que le Code de com m erce applique l’état de faillite.
« T o u t com m erça nt, dit l’article 437 de ce C o d e , qui cesse
« ses p a y e m e n s, est en c ta t de fa illit e . r>
I lfa u td o n c , pour tomber en é ta td e faillite, d’après c e ta rtic le ,
deux choses principales et réunies : x°. être com m erçant, c ’est-àd ir e , exercer la profession de com m erçant; 2°. être dans l’ha
bitude journalière de faire des payemens , suivant l’usage du
com m erce , et cesser tout à coup ses payemens.
T o u t individu qui n’est pas com m erçant, tous ceux qui exer
’
cent dans la société une autre profession que celle-là , un magis
t r a t , un avo ca t, un notaire, un a v o u é , un particulier m ême
sans profession, ne peuvent donc pas tomber en état de faillite.
Ils peuvent b ie n , sans d o u te , devenir insolvables, mais ils
ne sont pas pour cela en faillite ; ils tombent alors dans ce que
la loi appelle déconfiture.
On ne peut donc pas leur appliquer les règles que le Code
de com m erce n’a établies que pour les faillis ; on ne peut leur
appliquer que celles qui ont déterminé les effets de la déconiiture , et q u e le Code Napoléon lui-m êm e a tracées.
Il est bien vrai q u ’il y a q u e l q u ’a n al o gi e en t r e certains effets
de la déconfiture et certains effets de la faillite, et que sous
c e rapport le Code Napoléon les place quelquefois sur la même
lig n e , et les nmnme ensemble.
Par exem ple, la déconfiture dissout une société, com m e la
faillite; com m e e lle , elle ne permet pas au débiteur de pré-
�( 5 ) _
tendre an bénéfice du terme qui lui avoit été accordé par sort
créancier ; comme elle e n c o r e , elle rend exigible m êm e le
capital d ’une rente perpétuelle; com m e elle aussi, elle donne
aux créanciers la faculté d’exercer les droits de la femme c o m
mune , et quelques autres effets semblables , que le Code dé
clare en se servant des termes en cas de f a illit e ou de décon
fitu r e (1).
Mais ces dispositions du Code ne doivent pas étonner.
Il auroit été difficile qu’il ne s’établît pas quelques ressem
blances entre la situation d’un commerçant qui a cessé ses
p a y e m e n s , et celle d ’un particulier qui est devenu insolvable.
Cette situation, au fo n d , étant la m ê m e , c ’est-à-dire, tenant
de la part de l’ un et de l’autre à l’impossibilité de satisfaire ses
créanciers, elle doit nécessairem ent,.à l’égard de tous d e u x,
entraîner certaines suites qui soient les mêmes aussi.
Ce sont les résultats d’une m êm e cause.
Mais il n ’y en a pas moins une grande différence entre les
mesures que le Code de com m erce prescrit contre les faillis,
e t celles que la loi civile détermine contre la déconfiture.
C ’est une remarque extrêmement juste, que fait M . L o c r é ,
dans son E sp rit du Code de commerce.
cc La Jaillite, dit-il , soumet celui qui l’encourt à la juridictc tion co m m erciale, et à toutes les mesures prescrites par le
c< Code contre le failli.
« La déconfiture , au contraire , laisse le débiteur devenu
« insolvable sous l’empire du droit c o m m u n , quant à sa per« sonne, et quant à ses b ie n s , et sous la juridiction des tri« bunaux civils (2). »
Nous concevons b ie n , sans d o u te , q u ’ u n particulier, un
notaire entr’autres, peut faire quelques actes de commerce',
tout en exerçant assidûment la profession à laquelle il est livré.
(1) V o yez les articles i 865 , 19^3, 1188, e tc ., etc.
(a) Tom e 5 , page 20.
�m
N ous concevons m êm e q u ’il soit s o u m is, pour l’exécution
d e ces a c te s , à la juridiction des tribunaux de c o m m e rc e ; il
n e peut pas y avoir à cet égard de difficulté.
Mais parce qu’un notaire fera des actes de c o m m e r c e , il ne
sera pas pour cela commerçant.
L a loi elle-même ne déclare commerçans que c e u x q u i ex er
cen t des actes de com m erce, e t en f o n t leur profession h a b i
tu e lle (1).
L a profession de notaire excluant nécessairement celle de
com m erçant, le notaire qui exerce sa profession, ne peut donc
p a s , malgré q u ’il fasse m êm e des actes de c o m m e r c e , être
regardé com m e un c o m m e r ç a n t, puisque ces actes de c o m
m erce ne sont pas sa profession habituelle.
E t si on ne peut pas le regarder com m e un c o m m e rç a n t,
on ne peut donc pas non p lu s, lorsqu’il devient insolvable,
l ’envisager com m e tombé en faillite ; car on a vu tout à l’ heure
que la loi disoit q u ’il ne pouvoit y avoir de faillis que les com mercans.
»
Nous prions d’ailleurs qu’on observe que le C o d e de c o m
m erce lui-méme a mis un grand soin à fixer la démarcation de
la juridiction des tribunaux qu’il établissoit.
Il a bien voulu que les tribunaux de com m erce connussent .
non-seulement de toutes les contestations relatives aux engagemens entre négocians ou banquiers, mais encore entre toutes
p erso n n es, des contestations relatives a u x actes de com m er
c e (2); ce qui suppose déjà que ce u x qui ne sont pas commercans peuvent faire cependant des actes de c o m m e r c e , sans de
venir pour cela commerçans aux y e u x de la loi ; mais en m ême
temps il a voulu que les individus qui contracteroient par billets
¿1 ord re, mais qui ne seroient pas négocians, et qui ne con-
( 1) Code de com m erce, article I er,
( 2 ) Article 6 3 i,
�17
)
tracteroient pas ce s billets pour des opérations de co m m erce,
ne fussent pas soumis à la juridiction commerciale (1).
Il a également voulu que dans le cas même où des individus
non négocians auroient signé avec des négocians des billets à
ordre, pour d ’autres opérations que des opérations de com m erce,
le tribunal de com m erce n’eût pas le droit de prononcer contre
eux la contrainte par c o r p s , com m e il l’avoit contre les indi
vidus négocians (2).
O n voit par ces nuances, pour ainsi dire, délicates de la lo i,
avec quelle exactitude elle veu t qu’on observe les limites des
juridictions, et jusqu’à quel point elle respecte elle-m êm e les
droits des citoyens qui y sont soumis.
Il résulte donc évidemment de ces précautions m êm e de la
l o i , que ce seroit aller absolument contre son intention , que
de dénaturer les principes relatifs à la juridiction com m erciale,
et de confondre cette juridiction avec la juridiction civile.
Ainsi un notaire, par cela m êm e qu’il est notaire, ne faisant
pas profession h ab ituelle des actes de com m erce , 11’est pas
com m eiçant aux y e u x de la loi.
S ’il n’est pas c o m m e rça n t, il ne peut pas tomber en faillite.
S'il ne peut pas tomber en faillite, il n’est pas justiciable du
tribunal de c o m m e r c e , sous ce rapport.
Il est bien justiciable de ce trib u n a l, sous le rapport des
actes qu’il peut faire , et relativement à leur exécution ; mais
lors même qu’il devient insolvable , il n ’est pas justiciable du
tribunal de com m erce comme failli , puisqu’il ne peut pas y
avoir de faillite pour l u i , mais seulement déconfiture ; il esc
alors justiciable des tribunaux ordinaires, com m e déconfit.
C est aussi l’observation q ue fait M. Locré.
1
cc Q ue d é cid e r, d it- il, dans le cas où un particulier ayant
« fait des actes de c o m m e rce , ne peut pas payer les engage« m<jns qui en sont la suite ?
( 1 ) Article
(a) Article 637 ..
�( 8 }
« Il est certain que ce particulier devient justiciable des tri
ée bunaux de co m m e rce , quant à l’exécution de ses engagemens;
et m ais p u isq u 'il ri est pas com m erçant, la disposition de l'a rcc ticle 437 statue q u ’i l se trouve en déconfiture , e t non en
ce f a illit e (1). »
T e lle est également la jurisprudence.
A la vérité, nous devons com m encer par avouer qu’il existe
un arrêt de la Cour d’appel de B ruxelles, qui a jugé contre le
président d’ un tribunal c iv il , devenu insolvable, q u ’ il pouvoit
être réputé e n état de f a i l l i t e , q u o i q u ’il n ’ e û t même pas fait
d’actes de co m m erce; et qu’en conséquence il n ’avoit pas p u ,
à compter de la manifestation de son insolvabilité, donner sur
ses biens d’hypothèque valable , comme un négociant ne le
peut pas à compter de l’ouverture de sa faillite ; mais ce sys
tèm e a été proscrit par la Cour de cassation, dans l’affaire du
sieur L o c h e , qui lu i-m ë m e avoit été c o m m e rça n t, mais qui
avoit cessé de l’étre lorsque l’affaire avoit pris naissance.
L e sieur L o ch e , retiré du c o m m e r c e , étoit devenu insol
vable.
U ne saisie réelle avoit été jetée sur ses biens, le 4 vendé
m iaire an 6 , après refus de payement de sa part.
Ses c ré a n c ie rs, postérieurement à cette saisie, et sous l’em
pire de la loi du xi brum aire an 7 , prirent une inscription
sur ses biens.
L a femme du sieur L och e p ré te n d it, contre ses créanciers,
que leurs inscriptions étoient n u lles, sous le prétexte, d’une
p a r t , que le sieur Loche avoit été négociant , et de l’autre ,
que la saisie réelle o c c a s i o n n é e par l’insolvabilité étoit un obs
tacle légitime à ces inscriptions,.
Cette prétention de la fem m e Loche fut accueillie par un
arrêt de la Cour d ’appel de M o n tp ellier, du 21 therm idor an
an g ; mais sur le pourvoi en cassation, et « attendu que Jean
(1) Tome 5 , pages 20 et 21.
« Loche
�( 9 )
Loche n ’étan t plus dans le commerce à l ’époque du 4 ven-'dem iaire an 6 , la saisie réelle alors apposée sur ses biens
( et aimullée depuis au mois de frimaire an 8 ) , n étoit pas
capable de le constituer en éta t de f a i l l i t e , et par là m êm e
de rendre sans effet les inscriptions faites sur ses biens postérieurement à cette d a te, » cet arrêt fut cassé.
L a Cour de cassation a donc bien consacré ce principe ,
qu’il ne pouvoit pas y avoir de faillite pour celui qui n’étoit
pas com m erçant, qu’il ne pouvoit y avoir que de la déconfiture,
<c
u
«
«
«
«
et que la déconfiture n’étoit pas regardée par la loi comme la
faillite.
C e même principe a été consacré aussi par la Cour d’appel
de Paris, par arrêt du 12 fru ctid o r an 1 1 , et même en faveur
d ’un notaire.
O n accusoit le sieur L e r o i , qui étoit ce notaire , d’avoir
souscrit frauduleusement une obligation de 20,000 francs au
profit du sieur R o n d o u let; et les créanciers du sieur L e r o i
deraandoient la nullité de l’inscription qu’il avoit prise en vertu
d e cette obligation, com m e faite sur les biens d ’un failli d e
puis sa faillite.
L e tribunal civil de Versailles avoit, par jugement du § f r u c
tid o r an 10, adopté ce système des créanciers, et annullé l’ins
cription du sieur Rondoulet.
Mais par arrêt du 12 fru ctid o r an xx, « attendu, entr’autres
« motifs, qu’un notaire n’est ni un négociant, ni un banquier,
« dont la déconfiture puisse prendre le caractère de fa illit e ,
cc et être constatée par une cessation publique de payem ent;
« A tte n d u que Leroi étoit en plein exercice de son état de
« notaire h l’époque de l’obligation souscrite en faveur de
« R o n d o u let, qu’il n ’a jamais été suspendu de ses fonctions, v>
le jugement du tribunal de Versailles fut infirmé, et l’inscrip
tion maintenue.
Il y a eu aussi un arrêt semblable relativement à un rece
veur.
B
�II y en a un également rendu par la Cour impériale de Bor*
d e a u x , il n’y a que quelques mois, en faveur d’un ancien m a
gistrat.
En un m o t, il existe aujourd’hui à cet égard une véritable
jurisprudence, et c e principe n’est plus équivoque.
Il faut donc répondre à la première question proposée dans
'le m ém oire, que le notaire P ura ï ne peut pas être regardé
com m e un com m erçant; qu’à ce titre, malgré l ’état d’insolva
bilité ou de déconfiture dans lequel il est tombé , on ne peut
pas supposer qu’il soit tombé en faillite ; et que par conséquent
les dispositions du Code de com m erce relatives aux faillites >
ne peuvent pas lui être appliquées.
Sur la seconde q u e s tio n , celle de savoir s i , d’après les cir
constances énoncées dans le m ém o ire, on peut dire que c e
notaire a fait des actes de com m erce , et si , en supposant
q u ’il ait fait des actes de co m m e rce , on peut le regarder comme
lin négociant, les principes que nous venons de développer sur
la prem ière question contiennent d’avance la décision de celle-ci.
P a r cela s e u l , en e f f e t , q u e le n o ta ire dont s’agit n’a pas cessé
d ’çtre n o ta ir e , q u ’il n e s’est pas fait c o m m e r ç a n t , q u ’il n ’a
jam ais pris de p a te n te , q u ’il a toujours co n tin u é l'exercice de
sa profession avec u n e grande assiduité , e t q u ’il y a m ê m e joui
de la confiance pu bliqu e , il est bien év id en t que lors m ê m e
q u e , to u t en e x e rç a n t sa profession , il au ro it fait des actes d e
c o m m e rc e , il n e seroit pas p o u r cela devenu co m m erçan t.
N o u s avons observé to u t à l’h e u re q u e la loi elle-m êm e sup*
posoit à 1 a rticle 6 3 i , q u e d ’a u tre s personnes que des c o m m e r
çons pou voien t faire des actes <le c o m m e r c e ; il résulte donc
de là q u ’on n ’est pas nécessairem ent c o m m e r ç a n t, parce q u ’on
a fait des actes d e c o m m e rc e ( 1 ).
( 1 ) « O n peut faire des actes de co m m erce, dit aussi M. Locrè, sans être
n coinm crçnnt, et o n devient po u r ces actes, justiciable de la juridiction
« com m erciale; mais Ofl n ’est com m erçant que cjuund on fait du com m erce
�C ii )
D ans tous les temps il s’est trouvé quelques individus qui
ont mélé des actes de com m erce à l’exercice de leur profes
sion , et q u i , à l’occasion de ces actes de c o m m e r c e , ont
souscrit des engagemens commerciaux.
Il s’en trouve encore aujourd’h u i , com m e il s’en est trouvé
sous l’ancien régime.
Il a bien fallu sans doute, q u e , dans ce c a s - là , la loi d éci
dât que , malgré la nature de leur profession qui les rendoit
justiciables des tribunaux c iv ils , ils devinssent, pour les enga
gemens com m erciaux qu’ils auroient contractés, justiciables des
tribunaux de com m erce , qui étoient les juges naturels des
engagemens de c e genre.
L es principes conduisoient là.
Mais il ne pouvoit pas résulter de là que ces individus d us
sent être regardés com m e commerçons ; c a r ia loi elle-m êm e ne
d onnant, ainsi qu’ on l’a v u , c e titre qu’à ce u x qui faisoient
leu r profession h a b itu elle clés actes de com m erce , i l est m ani
f e s t e que c e u x q u i , au lieu de fa ir e leur profession h ab ituelle
d e ces actes , en o n t au contraire une toute différente q u ’ils
exercen t h a b itu ellem e n t, ne peuvent pas être des commerçans
aux y e u x de la loi.
. A i n s i , en admettant m êm e que le notaire dont il est question
dans le mémoire , eût fait en effet des actes de co m m erce, on
voit qu’il neseroit pas pour cela com m erçant, et qu’on ne pourroit, ni lui en donner le n o m , ni l’envisager com m e commerçant.
Mais d’ailleurs T qu’est-ce que c ’est donc que ces actes de
com m erce qu’on lui impute ?
On dit dans le m é m o ire , qu’il empruntoit à des particuliers
de sa co nnoissance, différentes sommes qu’il plaçoit ensuite
dans les mains d ’autres p a rtic u lie rs ,^ un intérêt plus fo rt, et
q u ’il remettoit aux préteurs des reconnoissances en forme de
« sa profession habituelle , et ce n ’est qu’alors q u ’on est soumis nux obligations
et aux. lois particulières sur cette profession, comme celles 6ur les fa illite s , n
13 a
�C 12 )
lettres de change, sur papier im prim é, revêtu de son c h iffr e f
tirées de la ville v o is in e , mais tirées sur des particuliers de
celle qu’il habitoit, et qui n’entroient pas dans la confection
de ces lettres qu’ils ignoroient vraisemblablement, et qu’il receT o i t à son tour des emprunteurs, ou des lettres de change dans
la m êm e form e, ou de simples reconnoissances, ou des obli
gations notariées.
On ajoute qu’il inscrivoit sur un registre qu’il avoit intitule
L ivre de b a n q u e , et qu’il tenoit avec exactitude, les emprunts
qui lui étoient faits, les prêts qu’il faisoit, les remboursemena
qu ’il avoit occasion de r e c e v o ir , ceux dont il avoit lui-m êm e
occasion de s’acquitter; en un m o t, tout ce petit mouvement
d ’opérations intérieures auxquelles il étoit livré ; mais que d’ail
leurs , ces opérations n’en entrainoient aucune de change; qu’il
n ’y avoit de sa p a rt, ni négociation, ni circulation; qu’il n’y
avoit pas de remise de place en place ; qu’il n’y avoit pas d’a c
ceptatio n , point de correspondance dans d’autres villes, point
de fonds en dépôt nulle part, point de provision pour faire face
aux effets tirés; en un m o t, rien qui respirât le change»
ou qui en donnât seulement l’id é e , si ce n’est la forme m êm e
des lettres.
Mais co m m e n t, d’après l’énoncé du m ém o ire, pourroit-on
regarder ce s piéts qui étoient faits par ce notaire, et les em
prunts qu’on lui faisoit, comme de véritables act^s de com m erce?
Cette forme de lettres de change n’étoit qu’ une forme.
C ’étoit un titre donné sans les effets attachés à c e titre.
Il n’en résultoit pas un véritable contrat de change.
Les trois personnes n’y étoient pas réellement ; il n’y avoit
pas de remise de place en place ; il n’ y avoit pas d’acceptation j
il n’y avoit pas de provision : ce n’étoit d o n c , d’après la loi
elle-même , que de sim ples prom esses (1) ; ce n’étoit pas des
lettres de change.
( i ) Article H2>
�( 13 )
L e titre de Livre d e b a n q u e , donné au registre , ne faisoît
pas non plus de ce notaire un banquier.
On n’est pas banquier par cela seul qu’on se regarderoit soim êm e comme t e l , et qu’on donneroit à de simples registres d&
p a y e m e n s, ou à des livres de recette et de dépense , le nom
fastueux de Livre de banque.
C e ne sont pas là des circonstances qu’on puisse , à propre
m ent parler, envisager com m e de véritables actes de com m erce
bien caractérisés et bien importans.
Nous en dirons autant des liqueurs qu’on dit avoir trouvées
dans la maison de c e n otaire, après sa retraite, en plus grande
quantité que ne l’auroit exigé sa consommation, et dont il auroit
cédé une partie à quelques personnes de sa connoissance.
Il seroit très-possible, en e ffe t, que ce notaire eût fait venir
des liqueurs, soit de Paris, soit d’ailleurs, au delà de ses besoins,
et pour en céder à des amis, et trouver peut-être sa provision
personnelle sur celle qu’il auroit faite ainsi pour autrui.
Mais ce ne seroit pas là non plus un véritable acte de com
merce.
On observe d’ailleurs , dans le m é m o ir e , qu’on n ’a trouvé
dans les papiers de c e notaire aucune note ou lettre qui indiquât
q u ’il eût correspondu, pour l’achat ou la vente de ces liqueurs,
avec aucun marchand ou fa b ric a n t, ni aucune facture qui en
constatât l’envoi.
-i:
t
Cette circonstance particulière vient appuyer encore notre
opinion sur ce fa it, et y ajoute un d^gré de force.
Mais elle n’existeroit pas, et on auroit trouvé quelque facture
d ’en vo i, ou quelque correspondance relative à rachat et à la
vente de ces liqueurs, que cela ne ieroit pas encore grand’ehose.
On donneroit même à cette vente le nom d’acte de c o m m e rce ,
que cela ne charigeroit rien aux principes.
O n a vu que, dans les principes, ce n ’étoit pas quelques actes
de com m erce qui faisoient un commerçant aux y e u x de la l o i ,
que c ’étoit la profession h a b itu elle de ces actes.
�( h )
O r , ici il n’ y avoit pas , de la paît de c e notaire , de pro
fe ss io n h a b itu elle des actes de co m m erce ; il y avoit tout au
plus mélange de ces actes ave c sa profession; e t , du r e s t e ,
c ’étoit sa profession de notaire qu’il exerçoit habituellement.
O n ne peut donc pas absolument le regarder com m e c o m
m erçan t; et il auroit contracté ou reçu encore plus de lettres
de ch an ge, il auroit reçu ou vendu plus de liqueurs, qu’on ne
pourroit jamais lui donner c e titre, ni lui en appliquer les effets.
Sur la tro isièm e e t d ern ière q u e s tio n , il est difficile de co m
prendre c o m m e n t , dans la situation où s'est trouvé le notaire
dont s’a g it , et au milieu des circonstances exposées dans le
m é m o ire , il a pu être poursuivi devant un tribunal de co m
m erce , com m e f a i l l i , et envisagé c o m m e tel par ce tribunal.
Il est évident que c e n ’étoit pas les formes que le Code de
c o m m erce applique aux fa illis, qu’on pouvoit lui appliquer à
lui-méme.
Il est évident que cette déclaration de fa illit e , cette ouver
ture de fa illit e , ces agens adm inistrateurs, ces syndics provi
soires, ces syndics définitifs, cette accusation de banqueroute
fra u d u leu se, ces poursuites crim in e lle s, rien de tout cela ne
pouvoit avoir lieu.
T o u t cela é t o i t , en e f f e t , contre les principes.
L e notaire dont s’agit n’étoit pas com m erçant; il étoit tombé
en déconfiture, et non pas en faillite.
Il n’étoit pas justiciable des tribunaux de c o m m e r c e , si c e
n’est pour les actes particuliers de com m erce qu’il avoit pu faire;
il l’étoit des tribunaux civils.
Il pouvoit bien être accusé de fra u d e , s’ il en avoit com m is;
mais il ne pouvoit pas être accusé de banqueroute, puisqu’il ne
faisoit pas sa profession du com m erce.
T o u te cette procédure dont il a été l’objet pèche donc par
sa base.
On ne peut pas mémo la laisser subsister; il faut qu’elle soit
détruite.
�Et c ’est à ce notaire lui-méme qu’il appartiendroit de se p r é
senter, pour attaquer aujourd’hui cette compétence que le tri*
bunal de com m erce s’est attribuée contre les principes.
Rien n’e m p é c h e ro it, en e f f e t , qu’il n ’y fût admis.
»
D ’abord sa réclamation seroit fondée.
Elle seroit fondée sur les grandes maximes de l’ordre public y
sur les dispositions du Code de c o m m e r c e , sur celles du Code
N ap o lé o n , sur la jurisprudence des Cours, sur celle de la Cour
de cassation; en un m o t, sur tout c e q u i , en matière de dé
cisions ju d iciaires, constitue les règles qu’on est naturellement
obligé de suivre.
Nous l’avons démontré dans le développement de la première
question : il n’y a pas à cet égard à y revenir.
Mais ensuite toute cette procédure qui a été instruite au tri
bunal de c o m m e rce , contre le notaire, à l’occasion de sa pré
tendue fa illite, est une procédure par défaut.
L e notaire éioit ab sen t, et il ne s’est pas présenté dans c e
tribunal.
Il n’y a pas été entendu ; il n'a pas constitué de défenseur
pour lui ; il n’ a fait aucune espèce d’acte d’adhé3îon ou d’a c
quiescement aux jugemens qui y ont été rendus,' et dont il est
cependant l’objet.
*J';
■1 ■.! <
r
Il a donc le droit d’attaquer ces jugemens par la voie de l’op
position.
Le Code de com m erce lui-méme (i) appliqué a u * trib unaux
de c o m m e r c e , relativement à la forme de procéder, les dispo
sitions des articles i 5 6 , i 58 et i 5g du Code de procédure, qui
permettent l opposition envers les jugemens par défaut, jusqu’à
ce (pie ces jugemens aient reçu leur e xécu tio n , suivant le mode
que prescrivent ces mêmes articles, ou qu’il y a des actes qui
prouvent que la partie défaillante a connu cette exécution.
( i ) A i t i c l e G42.
�( 16
)
. Ici on ne peut rien opposer de semblable au notaire dont
s’agit.
- .......................
.
. . .
• Il est donc encore dans les délais de l’opposition.
E t on diroit en vain que si la procédure du tribunal de com
m erce n’a pas été instruite a v e c .c e no taire, elle l’a été avec
des syndics légalement nommés pour le. représenter et paroitre
pour lui en ju s tice , puisque lui-même n e le pouvoit pas.
Mais il faut prendre garde que c ’est précisément ce système
en vertu duquel on a établi des syndics pour le représenter,
lorsqu’il n’étoit pas dans le cas de l’être , que ce notaire atta
quera.
II se plaindra qu’on l’ait constitué f a i l l i , lorsqu’il ne l’étoit
pas ;
II démontrera que la procédure qu'on a instruite contre lui
p èch e par sa base ;
Il fera voir qu’elle viole tous les principes ;
-t.-
Il demandera, en Conséquence, la rétractation des jugemens
qui ont été rendus
E t co m m e , au fond , c ’est l u i , et m êm e lui seul qui est
l ’objet de ces ju g em en s, com m e c ’est lui qui en supporte les
dispositions, com m e c ’est lui qui est intéressé à ce qu’ils soient
rapportés , c ’est lui aussi qui a le droit de les attaquer par la
.voie de l’opposition ; et, il n’y a rien ni dans les lois , ni dans
les fo r m e s , ni dans les fa its , qui puisse lui ôter c e d r o it, ni
le priver de son exercice.
D
élibéré
•
à P a r is , par les anciens avocats soussignés, c e
21 avril 1812.
,
*
,
DESÈZE,
BONNET,
! •
BELLART.
A RIOM, de l’imp. île THIBAUD, im prim . de la C our im périale, et lib raire,
ru e des T au les, m aison L a n d r i o t. — F évrier 1813,
�
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Factums Godemel
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[Factum. Puray. 1813]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Desèze
Bonnet
Bellard
Subject
The topic of the resource
notaires
banqueroute
fraudes
spéculation
banquiers
usure
créanciers
exil
fuite à l'étranger
créances
livres de comptes
commerce
banques
commerce
vin
troubles publics
scellées
commerçants
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation.
Table Godemel : acte de commerce : quelles sont les circonstances suffisantes pour établir qu’un individu s’est livré habituellement à des opérations de commerce et de banque ? Faillite : 1. l’opposition au jugement qui déclare un individu en état de faillite doit être formé dans le délai prescrit par l’article 457 du code de commerce, et non dans ceux déterminés par les articles 156, 158 et 159 du code de procédure civile.
2. en matière de faillite, l’affiche et l’insertion de l’extrait du jugement dans le journal du département faites en conformité de l’article 683 du code de procédure, valent signification au failli.
3. la fin de non-recevoir, résultant de ce que l’opposition au jugement qui déclare la faillite n’a pas été formée dans le délai, s’applique à l’appel interjeté dans ce même jugement. Notaire : 3. l’individu qui exerce la profession de notaire peut être réputé commerçant.
Quelles sont les circonstances suffisantes pour établir qu’un individu s’est livré habituellement à des opérations de commerce et de banque ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1813
An 4-1813
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
60 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2222
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0620
BCU_Factums_M0619
BCU_Factums_G2221
BCU_Factums_G2223
BCU_Factums_G2224
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Lyon (69123)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
banqueroute
banques
banquiers
commerçants
commerce
Créances
créanciers
exil
fraudes
fuite à l'étranger
livres de comptes
notaires
Scellées
spéculation
troubles publics
Usure
vin
-
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CONSULTATIONS
P O U R
LES SIEURS DELSOL, FRERES;
CONTRE
LA
DAM E
VEUVE
LEUR
SOEUR
V IG IE R -D ’O R C E T ,
CONSANGUINE.
( V o i r , pour le fait et les questions élevées à ce sujet, la Sentence ci-join te, du 22
août 1808, intervenue depuis la première Consultation, et dont lesdits sieurs D e lsol
sont appelants ; voir en outre (pour plus grand développement des principes consacrés
par l’A rrêt solennel du 17 février 176 7, sur la transmissibilité du retour conventionnel)
la copie ci-jointe du Précis qui a étc imprimé pour lo rs, et auquel renvoient les
Consultations. )
PARIS,
D E L ’I M P R I M E R I E D E M AM E F R È R E S .
1809.
�PREMIÈRE CONSULTATION.
F A IT S E X P O SÉ S.
L
e
S O U S S I G N É , auquel il a été exposé,
Q ue, par le contrat de mariage passé entre le sieur GabrielBarthélemi de Yigier et la demoiselle Delsol de Volpilhac, en
1760 , à Aurillac, le sieur Delsol père a donné à la future sa
fille , ce acceptante , et par avancement d’hoirie , les domaine
et terre Duclaux , en quoiqu’ils puissent consister, aux mêmes
charges et conditions que le délaissement lui en seroit fait el
adjugé, conformément aux demandes par lui formées aux re
quêtes du Palais} et, a défaut d’adjudication de ladite demande
en délaissement, il a donné à ladite future toutes les créances
qu’il avoit à exercer sur lesdits biens en capitaux et accessoires;
Que , par le même contrat , ledit sieur D e l s o l père a en
outre donné à ladite future sa fille la somme de 10,000 liv.,
qui a été délivrée audit sieur futur époux; qu’à l’égard du sur
plus de ses autres biens qui se trouveraient lui rester lors de
son décès, il a promis de n’instituer d’autres héritiers que
ladite future sa fille , sous la réserve de l’usufruit de ces
mêmes biens , qu’il pourrait cependant vendre eL e n g a g e r tant
a la vie qu’à la mort, et sous la réserve en ou tre de pouvoir dis
poser d’une somme de 10,000 l iv ., qui resterait a ladite future,
s’il n’en disposoit [»as ; comme aussi à la charge par sadile fille
de payer Goo liv. de pension à la dem oiselle Lagarde, sa bellc1
�/
( 3 )
mère , si celle-ci survivoit à lui donateur; qu’enfin le sieur
Delsol père s’est réservé expressément (pour le cas où ladite fu
ture épouse décèdei’oit sans enfants, ou ses enfants sans des
cendants et sans avoir disposé valablem ent), le d r o i t d e
r é v e r s i o n , ta n t d e s b ie n s d o n n é s q u e r é s e r v é s , s a n s q u ’i l
p u t ê t r e d é r o g é p a r s a d i t e j i l l e a u d it d r o i t d e r e v e r s io n , p a r
a u c u n e d i s p o s i t i o n , n i a u tr e s a c t e s à c e c o n tr a ir e s ;
Q u’en conséquence, le sieur Delsol père a cru pouvoir dispo
ser du droit de réversion qu’il s’étoit réservé, comme d’un droit
qu’il avoit in b o n is , et faisant-partie de son patrimoine , ainsi
qu’il résulte de son testament fait en 1780, annulé poux vice
de forme seulement, par lequel il appeloit son fils ain e, et
successivement 6es autres enfants, par ordre de primogeniture,
à profiter de ce même droit;
Que ledit sieur Delsol père , décédé depuis, a transmis né
cessairement à ses héritiers tous les droits, même éventuels,
dont il étoit saisi, et, par conséquent, le droit de réversion
qu’il s’étoit réservé expressément pour le cas du décès de sadite
fille sans enfants , et de ses enfants sans enfants, et qu’ainsi ils
ont l’espérance , le cas arrivant, de recueillir, comme effets de
la succession de leur père , les biens dont il a stipulé le retour
à son profit, c’est-à-dirc non seulement ceux qu’il avoit donnés
irrévocablement sous la seule réserve du retour, sans même en
retenir l’usufruit, mais encore ceux qu’il avoit compris dans
rinstitution contractuelle de sa fille, avec réserve de pouvoir les
vendre ou engager (même d’eu jouir en usufruit sa vie durant),
et que cependant il n’a ni vendus ni engagés ;
�Mi
(
3
Avis y relatif.
E s t d ’ a v i s que les enfants et héritiers Delsol sont saisis de
tous les biens et droits dont leur père est décédé saisi, et qu’en
cette qualité ils ont droit, la condition du retour arrivant, à
tous les fonds et créances qu’il a pu donner à sa fille en la
m ariant, tant ceux par lui donnés irrévocablemeut que ceux
pour lesquels il l’a instituée s o n héritière contractuelle, c’est-àdire même à ceux desdits fonds et créances qu’il s’étoit réservé
de pouvoir vendre ou engager, et que cependant il n’a ni ven
dus ni engagés 5
Q u’en conséquence lesdits héritiers, comme propriétaires et
créanciers conditionnels, sont fondés dès à présent, non pas à
intenter aucune action pour revendiquer les fonds en question,
ou pour exiger le paiement des créances dont il s’a g it, mais à
faire tous actes conservatoires de leursdits droits éventuels {art.
i i 80 du Code civil) , notamïnent à requérir toutes transcrip
tions et inscriptions nécessaires dudit contrat de mariage , aux
bureaux de la conservation des hypothèques , dans les arron
dissements desquels sont situés les fonds en question, ou cent
affectés à l’hypothèque desdites créances ; le tout à reflet d'em
pêcher que leur sœur et autres possesseurs desdits fonds, ou
les débiteurs desdites créances, puissent préjudicier aux droits
éventuels de propriété et d’hypothèque des requérants; comme
aussi à défendre à toute demande qui seroit formée contre eux
à fin de radiation desdites transcriptions et inscriptions.
�O B S E R V A T IO N S .
Principes sur la transmissibihté des stipulations
conditionnelles.
Il ne s’agit pas ici d’un retour lé g a l, qui sans doute ne seroit
pas transmissible aux héritiers du donateur décédé avant son
ouverture.
C ’est par convention, par stipulation expresse que le donateur
s’est réservé ce droit pour l’exercer, comme tous ses autres droits,
par lui-mème ou par ses ayants-cause, quels qu’ils fussent, le
cas de la condition arrivant.
A la vérité, ce n’est qu’ une espérance jusqu’à l’arrivée de la
condition, du moins tant qu’il est possible que la condition ar
rive ou n’arrive pas) , e x stipulatione conditionali tantiim
spes est debitum ir i , In st., §.- 4 > D e verborum obligationibus ; mais cette espérance est transmissible, eamque ipsam
spem in hœredem transmittimus , s i, priusquàm conditio
e x s t e t , mors nobis contingat, ibidem. E t la raison en est que
dans les contrats la condition a effet rétroactif au temps de
l’acte , quasijam contracta in prœteritum em ptione , Leg. 8,
if. D e periculo et commodo rei venditœ ; Leg. 78 , lï’. D e
verborum obligationibus y Leg. iG , if. D e solutionibus et
libérât ionibus.
A in si, la condition une fois arrivée , la stipulation a le même
effet que si elle avoit été faite sans c o n d itio n : C iim en irn s e m e l
c o n d itio e x t i t i t , p e r i n d è h a b e tu r a c s i illo te m p o r e q u o s t i p u la tio i n t e r p o s i t a e s t , s in e c o n d itio n e f a c t a e s s e t , Leg. 11,
S* 1 j if- Q u i p o ti o r e s . Car dans les stipulations011 ne considère
�f4
'
■( 5 )
que le temps où le contrat est Fait: Quia in stipulationibus tem■ pus spectatur quo contrahimus. Leg. 18 , v e rs., F iliu sfa miliaSj ÎT. D e regulis juris.
E n fin , il n’est pas nécessaire que la condition arrive pendant
la vie du stipulant : Ciim quis sub aliqucî conditione stipulatus fu erit, posteà existente conditione hceres ejus agere
potest, In st., p. 25 , D e inutilibus stipulationibus.
Ils ne souffrent aucune exception.
Cette règle ne reçoit aucune exception , pas même pour les
faits stipulés sous condition , quoiqu’ils pussent paroître person
nels de leur nature : Generaliter sancimus omneni stipulationem , sive in dando, sive in faciendo , sive m ixta e x
dando et faciendo inveniatur , et ad liœredes et contra hceredes transniitti, sive specialis hceredum Jiat mentio , sive
non. Leg. i 3 , Cod. D e contrahendd et committendd stipu-
latione y c a r, comme le dit Pedius , Leg. 7 ,
8 , ff. D e
pactis : Plerumquè persona pacto inseritur , non ut personale pactum J ia t, sed ut demonstretur curn quo pactum
factuni est.
A in si, l'héritier n’a pointa prouver que son auteur a voulu
stipuler pour lui \ c’est à celui qui le prétend exclu par la stipu
lation à prouver sa prétendue exclusion : Quamvis verum
est quod qui excipit probare debet quod excipitur, attarnen
de ipso dun taxat, at non de hcerede ejus convenisse petitor, non qui excip it probare debet. Leg. 9 , if. D e probationibus etpraïsuniptionibus. E t l’on décidoit en conséquence
que, le fils de famille qui a stipulé sous condition ayant été en
suite émancipé, l’action appartient an père, quoique la condition
�( 6 )
soit arrivée depuis l'émancipation. Leg. 78 , ff. D e verborum
obliga tion ibus.
En un m o t, comme le dit Jean-Jacques Schüts dans son
Compendium ju r is , au titre D e pactis : Conditio casualis
suspendit actiîs perfectionem , adeo ut ipsum ju s in suspenso s it , et tantum spes sit debitum iri , fjuce tamen spes
in conventionibus hoc fa c it , ut quis creditor dicatur, atque
res ipsius bonis annumeretur . . . . h inc apparet, pendente
conditione y aliquid subesse quod conventionem sustentât >
atque sic obligationem tanquam in utero materno latere ;
c’est un enfant dans le ventre de sa mère , q u i , une fois venu
au monde, est réputé né dès le moment de sa conception: Undè
conventiones conditionales e x pressenti vires accipiunt,
quod seciis est in legatis ; ut itaque conventio conditionalis obligationem producat , conditio casualis omnino e x pectanda e s t . . . . conditione autem sem el existente, perin dè habetur ac s i ab initiopure conventumesset, et statim ve~
nit ac cedit dies.
s
Pas même pour les contrats bienfaisants. Arrêt solennel
¿1 ce sujet de 176']'.
Ces décisions s’appliquent non pas seulement aux conditions
stipulées dans les contrats intéressés , mais aussi h celles des
contrats bienfaisants.
Cependant La Rouvière a prétendu le contraire dans son
T r a i t é du droit de retour, liv. i cr, chap. i 3 , où il veut que le
retour stipulé par les donateurs , pour le cas du décès du dona
taire sans enfants, ne soit pas transmissible aux héritiers du do
nateur, décédé avant l’événement de la condition; et il se fonde
�(
7 )
sur la loi Quod de pariter , ff. D e rebus dubiis, qui, dans le
fait, ne décide qu’une question de survie (comme le soussigné
l’a démontré dans la seconde partie de* son précis , imprimé en
17675 pour le sieur Réné Louis, l’héritier et consorts, contre
le marquis de Mesme, appelant de sentence rendue au parc
civil du Châtelet de Paris , le 29 juillet 17G6, après cinq au
diences.)
M ais, comme l’a démontré pareillement le soussigné dans la
même partie de son précis, la loi Caïus , 45 , ff. Solato matrimonio , et la loi A via , 6 , au Code , D e jure dotium , déci
dent au contraire que le retour conventionnel est transmissible
aux héritiers du donateur , quoique celui-ci soit décédé avant
l’événement de la condition sous laquelle il avoit stipulé le re
tour à son profit. E t c’est aussi ce qui a été jugé en grande connoissance de cause, dans la première cause du rôle d’après la
Chandeleur, par arrêt solennel du parlement de P aris, en la
grand’chambre, le 17 février 1767, qui confirme ladite sentence.
Cependant la cause de l’appelant avoit été plaidée, tant au
Châtelet qu’au parlement, par M. Tronchet, et c’étoit bien le
cas de lui appliquer ce que Virgile avoit dit d’IIector : St Per~
gama dextrd defendi potuissent , etiam hac defensa fu is
sent. Mais malgré les grands talents et les prodigieux efforts
du défenseur, qui passoit dès-lors à juste titre pour un des plus
profonds jurisconsultes de ce temps, tous les magistrats, ainsi
que l’avocat général Barcntin , qui portoit la parole, reconnu
rent facilement, comme avpient fait les premier? juges, que
pour cette fois M. Tronchet s’étoit trompé ; qu’en effet la pré
tention de son client, qu’il avoit ilcfpudu avpc .tflnt de zèle,
étoit évidemment subversive des principes gén éra^ sui'lii trans
mission de toutes stipulations conditionnelles, q uçjle étoit con-
�(S)
traire à toutes les décisions des docteurs et des lois sur la trans
mission du retour conventionnel en particulier, et qu’enfin
elle étoit également contraire à la jurisprudence établie par tous
les jugements rendus sur cette question, comme le soussigné
l’avoit démontré dans les trois parties de son précis imprimé.
L es lois nouvelles n’y ont point dérogé.
On a cependant tenté encore dans ces derniers temps de re
nouveler la même prétention, en soutenant que le droit de re
tour , stipulé par le donateur , ne pouvoit avoir lieu qu’à son
profit personnellement, c’est-à-dire autant seulement qu’il survivroit à l’événement de la condition du retour qu’il se réservoit; mais il falloit pouvoir mettre en avant de nouveaux pré
textes, autres que ceux qui ont été proscrits si solennellement
par l’arrèt du 17 février 17O7.
O n a cru les trouver d ans la loi des 25 octobre et i/j novem
b r e 17 9 2 , qui abolit toutes les substitutions non encore ou
vertes, dans l’article 896 du Code c iv il, qui les prohibe pour
l’avenir, et dans l’article 9 5 i du même Code, qui prohibe
toute stipulation conditionnelle du retour des choses don
nées , au profit d’autres que le donateur se u l, et survivant
à l’événement de la condition qui doit donner ouverture au
retour.
E11 effet, a-t-011 dit, nul doute que l’on doit, regarder comme
une véritable substitution la stipulation expresse ou tacite du
droit de retour au profit d’autres que le donateur vivant lors de
son ouverture : or les substitutions non encore ouvertes lors de
la publication de la loi des ii> octobre et i/| novembre 1792
sont abolies par cette loi ; donc toutes les stipulations de retour
�,
( .9 )
au profit d’autres que le donateur, qui n’étoient pas encore ou
vertes à celte époque , sont pareillement abolies; et c’est par
cette raison, a-t-on ajouté , que l’article g 5 i du Code civil dé-,
fend de stipuler le retour au profit d’autres que le donateur sur
vivant à son ouverture.
Tels sont du moins les nouveaux moyens qui ont été em
ployés au tribunal de cassation par J\Î. M éjan, défenseur de
M. Larregoyen contre la dame de Navailles, pour faire casser,
s’il avoit été possible, le jugement de la Cour d’appel de Pau ,
du 19 thermidor an 1 2 , confirmatif de jugement du tribunal
de première instance de Saint-Palais., rendu au profit de la
dame de Navailles.
.
•
Mais, sans avoir égard h ces prétendus moyens , par arrêt •
rendu le 11 fi’imaire an i4> en la section des requêtes, au rap
port de M . Borel, sous la p'résidence de M . M u r a ir e , et qui est
rapporté au commencement du troisième cahier du Journal des
audiences du Tribunal de cassation ; pour l’an 14— 1806 : L a
C o u r, attendu qu’on ne peut appliquer au x droits de retour
labolition prononcée p a r le s lois des 25 octobre et 14 no
vembre 179 2, a rejeté la demande en pourvoi dont il s’agissoit.
On faisoit cependant beaucoup valoir pour M. Larregoyen
la. circonstance particulière que, dans le fait, il s’étoit écoulé un
siècle d’intervalle entre la stipulation de retour et l'ouverture
de ce droit au profit de la dame Navailles, représentant les
sieur et dame M artin, dotateurs , dont elle descendoit ; que
pendant ce temps la d o t, pnreux donnée à leur fille à charge
de retour , avoit passé successivement dan« sa descendancc^Kir
plusieurs mains, sans pouvoir être aliénée au préjudice du droit
de retour qui pourroil s’ouvrir un jour , ce q u i, suivant le de1
�fi*'
( 10 )
fenseur du sieur Larregoyen, présentoit tous les caractères d’une
véritable substitution graduelle dans la descendance de la do
nataire , et ensuite , en cas d’extinction de cette descendance ,
en faveur de ceux qui pour lors representeroient les donateurs.
Mais (comme l’a observé M. Daniels, substitut du procureur
général, portant la parole) de ce que les substitutions testa
mentaires et même celles établies par contrat dé mariage ont
été abolies , il ne faut pas conclure qu’il en est de même du droit
de retour. L es dispositions textuelles de la loi (celles du
17 nivose an 2, art. 74>
ventôse suivant, art. j , )
s'élèveraient, ajoute-t-il, contre celte conséquence, puis
qu'elles conservent le droit de retour (en faveur d autres que
le donateur) lorsque les substitutions étoient déjà abolies.
D 'a illeurs , disoit-il encore, le droit de retourne peut être
assimilé à une véritable substitution , lorsque le donateur
exerce lui-même ce droit y ce n'est donc pas non plus une
substitution quand il est ex e rcé par ses héritiers qui ne re
présentent avec lui que la même personne y et de la il coneluoit que les juges, tant de première instance que d’appel ,
avoient fait une juste application des lois de la matière (comme
l’a reconnu la Cour par son arrêt de rejet du iG frimaire an i/j.)
E lles ne le pouvoient même p a s , quand les rédacteurs en
auroient eu f intention .
En vain insisteroit-on encore, malgré le préjuge de cet airêt , sur ce que l’arlicle (j5i du ('ode civil a prohibé toute
stipulation de retour au profit d’autres que le donateur vivant;
en vain vondroit-on eu conclure que les rédacteurs de l’article
out considéré comme des substitutions véritables les stipula-
^
�2+>\
C 11 )
tions de retour qui ne profiteroient qu’aux représentants du
donaleur après sa m o it , et qu’ainsi ils ont entendu abolir tous
les retours conventionnels ' qui n’auroient été ouverts , posté
rieurement au décès des donateurs, que depuis l’abolition des
substitutions.
Quand même il s e r o it possible de supposer aux rédacteurs un
pareil m o tif, et que ce niotii prétendu est le seul qui ait dé
terminé la rédaction de l’article, l’intention qu’on leur suppose,
ne feroit pas loi toute seule et par elle-même, puisqu’elle n’a
pas été érigée en loi; car autre chose est la loi, et autre chose est
le m otif qui a pu déterminer à la proposer , comme, en fait de
dispositions testamentaires, autre chose est la disposition et au
tre chose est le m otif ( c a u s a d a n d i ) qui a pu la dicter : R a tio
le g a n d i l e g a to n o n c o h œ r e t , le m otif de la disposition n’en
lait pas partie. L e g . ^■3. , p . G, ÎT. D e c o n d itio n ib u s e t d e m o n s tr a tio n ib u s e t c a u s is q u œ in te s ta n ie n to s c r ïb u n tu r . E t
tout ce qui rés ulteroit de cette supposition, c’est que l’article
951 seroit indubitablement un de ceux qu’il faudra rapporter
lorsqu’il sera question de la révision du Code civil; car com
ment pourroit-on laisser subsister une loi dont le seul m otif auroit été de donner lÿuu (sans cependant l’ordonner) à l'abolition
de droits acquis par des conventions qu’autorisoient les lois et
la jurisprudence antérieures.
Ajoutez que la loi de 1792, qui abolit les substitutions"non
encore ouvertes , est odieuse par elle-même , .comme contraire
au droit commun établi de temps immémorial par tontes les
lois antérieures rendues sur ce lait, et sur-tout à cette raison
écrite qui depuis tant de siècles est r e co n n u e par tous les peu
ples polices comme le Code universel du genre humain. Aussi
n’a-t-elle pu être provoquée que par des circonstances impérieuses,
�A
»»
( 12 )
seules capables de la justifier ; mais au moins ne doit-on pas
l’appliquer à ce qui ne porte pas la dénomination expresse de
substitution, qnand même il en auroit d’ailleurs le caractère
et l’cflet sous une dénomination différente ; a plus forte raison
ne doit-on pas l’étendre à des stipulations conditionnelles qui,
saisissant à l’instant même le stipulant, et ses ayants-cause con
sidérés comme la continuation de sa personne,' ressemblent
aussi peu à une substitution que le jour ressemble à la nuit. E t
il faudra*toujours en revenir à dire avec la loi que ce qui a
été établi contre la raison et les principes du droit ne doit pas
être tiré à conséquence : Quod contra juris rationem receptu m est non est p r o d u c e n d u m ad consequentias . Leg. \[\ ,
i 5 et 16, il'. D e le gibus y Leg. i / j i , If. D e regulis juris.
Il y a plus; c’est que quand même la nouvelle loi auroit abolien
termes textuels, et très expressément, tous les retours conven
tionnels qnin’auroient été ouverts que depuis celle de 1792, con
cernant les substitutions, etaprès le décès des donateurs, une pa
reille loi, attendu le vice radical de rétroact ivité dont elle se trouveroit infectée, ne seroit pas susceptible d’exécution en cette par
tie. En vain voudroit-on l’assimiler à la loi qui abolit les substitu
tions établies par actes antérieurs à sa promulgation, mais qui
n’étoient pas encore ouvertes pour lors. Il y a bien de la diffé
rence entre l’une et l’autre, car les substitutions qui ne sont que
des dispositions en faveur de tiers non présents ni acceptants
ne peuvent saisir l'appelé qu’au moment de leur ouverture , et
même autant-seulement que l’appelé: l’acceptera pour lors ; jus
que-là le substitué n’a aucun droit acquis; et par conséquent la
loi a pu , sans porter atteinte à rm véritable droit de propriété 7
Abolir tonies les substitutions qui viendroient à s’ouvrir par la
suite, quoiqu'elles fussent établies par des actes antérieurs.
�-?3a
*
( 13 )
Il n’en est pas de même des’ stipulations conditionnelles. E n
effet, quoiqu’il n’en résulté qu’un droit éventuel, une simple
espérance, comme le disent les Institutes, elles saisissent de ce
droit, à l’instant m êm e, le stipulant, et dans sa personne ses
ayants-droit, c’est-à-dire ceux qui le représenteront, quant à l’ob
jet de la stipulation, lors de l’événement de la condition sous
laquelle la stipulation a été faite et conservée ; or il résulte'né
cessairement de là que toute loi postérieure qui aboliroit ces
droits éventuels enlèveroit de fait au stipulant, dan£ la per
sonne de ses ayants-cause , des droits acquis dont ils étoient sai
sis, ce qui seroit une atteinte formelle au droit de propriété.
E nfin la lettre même de la clause en question nécessite
rait, en tant que de besoin, la transmissibilité du retour
qui y est stipulé*
À ces considérations générales, toutes péremptoires, nous
en joindrons une particulière, et qui toute seule suffiroit, en
tant que de besoin, pour trancher la question ; c’est que les
propres termes dans lesquels est conçue la stipulation condi
tionnelle de retour dont il s’agit assurent textuellement et
littéralement ce droit aux ayants-cause tlu stipulant, quels qu’ils
soient, comme au stipulant lui-mêine, le cas de la condition
arrivant; et que, de plus, les mêmes termes sont formellement
exclusifs de toute substitution.
E t d’abord, que dans l’espèce le droit de retour soit assuré,
en tant que de besoin, par les termes mêmes de la stipulation
du donateur, à ses ayants-cause, comme au donateur lui-mènic,
ou plutôt au donateur dans la personne de ses ayants-droit, au
„cas d’événement de la condition, en quelque temps que ce soitj
j k
;
�*K.
( 4 )
c’est ce qui résulte évidemment de cc que ce retour.est stipulé,
nommément, pour les biens formant l’objet de l'institution con
tractuelle de la donataire; car assurément il étoit impossible que
le retour de ces biens particuliers qui n étoient donnés qu’à titre
d’institution, et par conséquent sous la.condition de la survie
de la donataire au donateur, s’ouvrit jamais pendant la vie de
celui-ci. E t puisque cependant il s’éloit réservé pour lui-même,
et non pour aucun tiers après lu i, ces mêmes biens à.titre de
retour conventionnel, il falloit bien que sa reserve put profiter
à ceux de ses ayants-cause et transmissionnaires à titre universel
ou particulier q u i, lors de l’ouverture du retour par lui réserve,
le représenteroient pour cet objet, comme ne formant à cet
égard qu’une seule et même personne avec lui. Autrem ent, sa
réserve n’eût pu profiter à personne en aucun cas, et la clause
auroit été illusoire.
E lle sujfiroit aussi toute seule pour écarter toute idée
d e s u b s titu tio n .
Mais il est également sensible que le donateur en stipulant le
t<
ï \.ouypour
lui, et non pour aucun autre que lui-même, a néces
sairement exclu toute substitution; car enfin, comme^lc disoit
M. Daniels, portant la parole pour le ministère public en lu
Cour de cassation, il est impossible de se substituer soi-même à
son donataire pour la chose donnée.
Il est bien vrai que le donateur qui stipule le’retour pour
lui-même seulement, et non pas pour des tiers après lui, le sti
pule aussi nécessairement pour ses ayants-cause et transmissionnaires, soit qu’il doive en profiter de son vivant, soit que par
l’événement, le droit qu’il s’est réservé ne s’ouvre qu’après sa
�-?
35"
( i5 )
m ort, à moins qu’il n’ait formellement excepté ce dernier cas
par sa réserve, comme par exemple en stipulant le retour a son
profit, pour le cas seulement du prédécès du donataire.
Mais ces transmissionnaires et ayants-cause ne forment avec
lui qu’une seule et même personne, qui a toujours été saisie
ah initio, tant de son vivant que depuis son décès, du droit
éventuel qu’il s’étoit réservé, comme de tous ses autres biens,
sans attendre l’événement de la condition.
Ainsi, il est impossible^de les supposer substitués par le do
nateur au donataire, et tout ce qui résulte de la réserve de re
tour stipulée par le donateur pour lui-même seulement, et non
pour aucun tiers après lui, c’est que la condition du retour ar
rivant , le donataire cesse d’être propriétaire de la chose don
née, c’est que la donation qui lui avoit été faite est alors réso
lue ou 1évoquée 5 c est enfin que le donateur en la personne de
ses ayants-droit, en conséquence de sa réserve, se trouve avoir
recouvré sa propriété dont il 11e s’étoit dessaisi que sous une con
dition résolutive qui a eu lieu *, c’est en un mot que cette pro
priété s’est réunie de plein droit à son patrimoine aussitôt l’ar
rivée de la condition résolutive apposée à la donation : or cer
tainement il est bien permis aux donateurs , nonobstant l’abo
lition de toutes substitutions, de stipuler qu’en tel ou tel cas
leurs donations seront résolues de plein droit, ab initia, comme
si elles n’avoient jamais existé, ou pour la suite seulement,
comme dans le cas de larévocalioiules donations pour cause de
snrvenance d’enlantsj le tout, soit que la condition résolutoire
arrive de leur vivant, soit qu’elle n’arrive qu’après leur mort :
car les conditions résolutives produisent leur cflei, lors même
qu’elles n’arrivent «ju’après la mort du stipulant , ce qui 11’em- '
pêche pas que l’acte résolu n’ait subsisté jusque-là, s’il n’a pas
J.l
�x
( i6 )
etc autrement convenu. Leg. i 5 , in princ., (T. D e indiem addictione.) V oyez aussi la loi finale au Code, D e legcitis.
L e s observations précédentes sont également applicables
aux institutions contractuelles sous conditions résolu
toires.
Il en est de même incontestablement des donations par forme
d’institution contractuelle, q ui, suivant Potliier, Laurière, et
tous nos autres auteurs, ne différent des autres donations en
tre-vifs qu’en ce qu’elles sont laites sous la condition particu
lière de la survie du donataii'C, et en ce que le donateur peut
encore , nonobstant la donation, s’aider des choses qui y sont
comprises , par contrats intéresses , tels que la vente ou l’hy
pothèque , mais non pas en disposer à titre graduit par dona
tions entre-vifs , institutions 011 le’gs.
En effet, l’instituant contractuel doit aussi pouvoir stipuler
que sa donation s e r a résiliée ou révoquée, si telle ou telle con
dition a r r i v e par la suite, n’importe en quel temps, et que ce
pendant elle aura jusque-là tout son eilet; mais en ce cas les
biens qui en sont l’objet, comme étant retournés à la masse de
l'hérédité, et réunis au patrimoine du donateur, appartiennent à
ceux qui lors de l’arrivée de la condition résolutoire se trouvent
représenter ledit donateurou instituant j eiassureincnt ceux-ci 11e
r e p r e n n e n t .pas les biens en question en qualité de substitués au
donataire ; c’est le donateur lui-inème, toujours existant dans leur
p e r s o n n e , qui reprend sa c h o s e , comme ayant cessé d’appartenir à
l’institué, au moyen delà résolution de l’institution, qui aeu lieu
]i:ir l Ï ! \ è n e m e n t , comme le donateur ou s^s représentants re"p rn n in u la chose donnée, lorsqu'il y a survenance d’eniants,
�22>ï
(
17 }.
même posthumes, quoique le posthume ne soit né que depuis
son décès. Autrem ent, il faudroit dire, ce qui est absurde, que
le vendeur ou ses héritiers, rentrant dans la propriété de la
chose vendue par l’eiTet de la résolution de la Vente, ou de la
rescision du contrat, reprennent la chose vendue comme substi
tués à l’acheteur. E t il faudroit conclure de là ( ce qui seroit
encore plus absurde, s’il est possible), qu*attendu l’abolition de
toute substitution, il n*est plus permis de vendre sous condition
résolutive, ni de faire résilier aucun contrat de vente, non
plus que de disposer par donation, institution ou legs, sous
condition résolutive. Mais il faudroit aussi, avant tout, effacer
du Code civil les articles 953, 960 , 962, 963 et 966, relatifs
a la révocation des donations de toute espèce pour cause de
survenance d’enfants , même posthumes, qui ne seroient néfc
que depuis le décès du donateur; il faudroit notamment sup
primer ledit article 963, en ce qu’il suppose qu’au cas de la sur
venance d’enfants du donateur ( avant ou après son décès ) le
retour s’opère , non pas, à proprement parler ; par voie de ré
version à sa personne, mais bien plutôt par voie de réunion à
son patrimoine de tous les objets qui en avoient été distraits à
titrp lucratif, et par conséquent au profit de ses représentants ,
si la réunion ne s’opère qu’après son décès (les biens çompris
dans la donation révoquée de plein droit r e s t e r o n t d a n s
LE PATRIMOINE DU DONATEUR , LIBRES DE TOUTES CHARGES
ET HYPOTHÈQUES DU CHEF DU DONATAIRE
, etc.)
m
Conclusion ,
Tout ceci posé, nul doute que les représentants du sieur
Delsol, donateur , sont fondés à requérir, dès à présent, toutes
3
�C' i s )
transcriptions et inscriptions nécessaires pour assurer la conser
vation (le leur droit de retour, à l’effet de prevenirles atteintes
qui pourroient y être portées par la donataire et autres posses
seurs des biens sujets à réversion , ou par les débiteurs des
créances qui tiennent lieu de ces mêmes fonds.
On peut d’autant moins leur contester ce droit, que le retour
dont il s’agit doit nécessairement s’ouvrir un jour à leur profit,
ou au profit de leurs transmissionnaires et ayailts-droit, par le
fait du décès de la donataire sans enfants , attendu qu’elle n a
pas eu d’enfants , et que son âge avancé ne loi laisse plus d’espérancc d’en avoir.
Délibéré UParis parle soussigné ancien avocat, ce vingt-sept
juin dix-liuit cent six.
LESPARAT.
�% 3cj
(
T9
)
KUJJWHMii fim ii tULM
SECONDE CONSULTATION
L e C O N S E I L S O U S S I G N É , qui a vu copie (ci-jointc)
(lu jugement l’endu en première instance par le tribunal civil
d’Aurillac , le 2 2 juillet 1808 , entre les sieurs Delsol frères, et
la dame veuve Vigier d’Orcet, leur sœur consanguine; ensemble
les mémoires imprimés qui ont étépré&ntés au tribunal pour le
soutien de leurs prétentions respéctives ;
E s t d ’ a v i s , par les raisons déjà exposées en sa Consultation
délibérée le 2 7 j u i n 1 8 0 6 , ainsi que da n s les o b se r v a tio n s par
ticulières sur chacun des motifs dudit jugement, qui lui ont
été communiquées, et encore par les autres raisons qui seront
déduites ci-après ;
Que les sieurs Delsol frères; sont bien fondés dans leur appel
dudit jugement, en ce que par icelui la stipulation de retour
réservé p a r le sieur D elsol père , dans le contrat de mariage
de la dame d'O rcet, sa f il le , a été déclarée personnelle au
dit sieur D e ls o l, et caduque par son prédécès. Q u ’en effet,
(bien loin que le retour réseryé soit devenu caduc par le prédé
cès du sieur Delsol père, qui l’a stipulé) * il ne peut manquer
de s’ouvrir un jour et d’opérer la réunion effective «1 son patri
moine, des choses sujettes audit droit, au moyen de ce que la
dame d’O rc e t, sa fille, qui n’a pas d’enfants, et qui est actuelle
ment hors d’àge d’en avo ir, décédera nécessairement sans en
fants.
1
�(
20
)
Les premiers juges avoient encore élevé deux autres questions, l’une (qui est la première des trois posées dans leur ju
gement) étoit de savoir quels biens avaient été et pouvoienl
être compris dans la clause de retour réservé par le sieur
Basile D e lso l, dans le contrat de mariage de la dame d’ Orpet sa fille $ et l’autre de savoir si, dans le cas de transmissïbilité, ce droit de retour ne se seroit pas confondu
dans la personne de lq dame d’ Orçet avec sa qualité d’héri
tière contractuelle de son père ; mais leur jugement n’a dé
cidé que cellç de savoir si là réserve du retour dont il s’agit
étoit limitée à la personne du sieur Delsol, ou si au contraire
elle avoit pu être tran sm ise a ses héritiers } et c’est aussi la seule
dont la solution doit nous occuper , comme étant la seule qui
soit à juger sur l’appel de leur sentence.
Ce n est pas qu’ils n’aient émis dans les attendus de leur ju
gement leur opinion sur les deux questions qu’ils ont laissées
indécises j mais cette opinion n’y est présentée que pour justi
fier leur jugement sur celle qu’ils ont décidée : or l’appel dont
il s’agit ne peut porter que sur ce qui a été jugé effectivement,
quelle qu’ait pu être d’ailleurs leur opinion sur d’autres ques
tions restées indécises.
J. L a stipulation du retour par le sieur D elsol père étoii
in rem , et pourquoi ?
Quoi qu il en soit au surplus , nous observerons d abord îi
cet égard que, si la stipulation dont il s’agit a été jugée per
sonnelle au stipulant, et par conséquçnt non transmissible, c’est,
comme l’exposent les premiers juges dans leurs inotils, parceque le sieur Delsol n’a pas stipulé nommément pour ses ayants-
�*4i
(
).
(¡cause, et sur-tout p a r c e qu’en stipulant le reto’ur pour le cas pré
vu par sa stipulation, il ne l’a pas réservé aux s ie n s en particu
lier, comme l’a fa it, dans le même contrat de mariage , la mère
du futur en dotant son fds.
Mais c’est précisément parceque le sieur Delsol entendoit ré
server un retour vraiment réel, in rem , à la masse de son par
triinoine , en faveur de t o u s ceux auxquels il pourroit importer
que le retour eût lieu qu’il l’a stipulé en termes généraux ,
non e x c lu s if s d’aucune classe de ses ayants-cause , et non pas
seulement pour sa personne ou les siens. Taie pactum non in
personam dirigitur, sed cùm generale s i t , locum inter hcèredes habebit. Leg. !±i, ff. D ep actis.
II. C o n s é q u e n c e s q u i s e r o ie n t r é s u l té e s d e la p e r s o n n a l i t é
d e s a s tip u la tio n p o u r l u i e t l e s siens s e u le m e n t.
Dans le fait, le sieur Delsol père n’avoit pas alors d’autre en
fant que la future sa fille. Peut-être même supposoil-il, attendu
son état de viduité , qu’il n en auroit jamais d’autre : or dans
cette supposition , si par l’événement le retour stipulé ne
s’ouvroit qu’après son décès, soit par le décès de sa fille sans en
fants, soit par le décès des enfants de sadite fille, après leur
mère, sans descendants d’eux, il ne poiivoit plus être représenté
par aucuns siens proprement dits , mais seulement par des col
latéraux très éloignés qu’il ne connoissoit même pas (comme l’a
dit et répété souvent la dame Dorcet elle-m êm e), ou par d’au
tres successeurs qu’il’ se seroit créés à lui-même par titres uni
versels ou singuliers.
Si donc il n’avoit stipulé le retour que pour lui et les siens t
comme avoitfuitlu mère du futu r, alors le retou r n’au roit eu
�*
T-
( 22 )
lieu qu’en sa personne , ou celle des sie n s, c’est-à-dire pour
le cas sexxlernent de sa survie, ou- de celle d’aucuns des siens
à l’ouverture dudit droit ; et ce droit n’auroit profité à son dé
faut qu’à celui ou ceux d’entre les siens qui auroient existé pour
lors. Eux seuls en effet se seroient trouvés composer la classe ou
espèce particulière et déterminée d’ayauts-cause, à laquelle auroit été réservé le retour : or, comme le dit la loi 80, il. D e regulis ju ris y In toto ju re y generi per speciem derogatur ;
et comme le dit aussi la loi 99, p. 5 , ÎT D e legatis 3° , Semper species generi derogat. E n un m o t, nuls autres ayantscause du sieur Delsol stipulant n’y auroient pu rien prétendre ,
à quelque titre que ce f û t , ni comme héritiers légitimes ou cib
i n t e s t a t mais non siens , ni comme héritiers irréguliers ,
ni comme héritiers institués , ou légataires, soit universels, soit
à titre universel (c’est-à-dire pour par lie ) , ni comme légataixes particuliers, ni comme donataires entre-vifs ou à cause de
m ort, ni comme cessionnaires à titre onéreux, ni pnfin comme
créanciers chirogniphaires ou hypothécaires, quoiqu’intérêt que
ces différentes classes d’ayants-cause pussent avoir à ce que la
réunion effective à son patrimoine des biens donnés et réservés
leur en eût assuré la conservation; alors en effet, au moyen du
prédécès de ceux dans la personne desquels seulement le retour
auroit pu s'opérer , toute réunion au patrimoine, du stipulant
seroit devenue impossible.
Ainsi le sieur Delsol se seroit interdit, pour ce cas particulier,
toute espèce «le disposition, tant d e s biens donnés (pic* des biens
réservés, et par conséquent de tous ceux.qui, lors île son dé
cès, a u r o i e n t pu composer son patrimoine , quoique tous fuss<“iu stipulés réversibles, si sa fille décédoit sans enfauts, ou si
les eulums de sa fille décédoieut eux-mêmes sans descendants :
�(
*3 )
or assurément, le cas arrivant que sa fille décédât après lui sans "
enfants (comme il arrivera bien certainement), ou que lés en- fants de sa fille décédassent après lui et leur mère sans enfants ,
comme il étoit alors très possible, il étoit bien plus naturel qu’en
ce cas tous ses biens stipulés réversibles retournassent et se réu
nissent à son patrimoine en faveur de ceux qui y auraient in
térêt , et qu’à cet effet le retour fût stipule par une clause gé
nérale , c’est-à-dire à la masse de son patrimoine , plutôt qu’à
lui-même et aux siens personnellement , à l’exclusion de tous au
tres ayants-cause 5 car n’y ayant encore alors personne qui pût
l’intéresser^ au défaut de sa fille et des enfants de sa fille ou de
leurs descendants (puisqu’il n’avoit pas encore d’autres successibles que des collatéraux fort éloignés qu’il ne connoissoit même
pas ) , il devoit préférer tous les autres ayants-cause qu’il pourroit avoir, ou se créer à.Iui-même, à ceux de sa fille décédante
sans enfants, qui ne pouvoient que lui être étrangers, si luimême restoit en viduité. C ’est même probablement par cette
raison qu’il a interdit très expressément à sa fille toute disposi
tion préjudiciable au droit de retour qu’il stipuloit par une
clause générale et sans aucune limitation ; et s’il n’a pas étendu
cette prohibition aux enfants de sa fille, lors même qu’ils décèderoient après lui et leur mère sans descendants d’eux (quoi
qu’en cç cas ils fussent pareillement grevés du retour à son pa
trimoine, tant pour les biens donnés que pour les biens réservés) ;
si même au contraire il leur a permis audit cas toute disposition
des biens en question *, si enfin il a stipulé à cet effet que ledit
retour à son patrimoine n’auroit lieu qu’autant qu’ils seroieiit
décédés sans descendants d’eux, et sans avoir disposé , c’est
évidemment pareeque (à la différence de leur mère , sa fille ,
qui dans le cas où elle survivroit à son père décédé en viduilé t
�( *4 )
ne pouvoit avoir pour successibles que des collatéranx fort éloi
gnés , et peut-être même inconnus) eux au contraire, décédant
ensuite après leur mère et sans descendants d’eux , avoient du
moins pour successibles, à défaut du sieur Delsol leur aïeul
maternel, d’autres parents très proches dans la personne de
leurs oncles paternels, frères de leur père; alors en effet le sieur
Delsol n’avoit aucune raison suffisante d’empecher que les en
fants de sa fille, décédant sans enfants après lui et après leur
mère, pussent disposer des biens dont il stipuloitla reversion ; car
ces mêmes enfants ayant audit cas pour successibles des oncles
paternels, ou leilrs enfants, le sieur Delsol pouvoit facilement
supposer que les enfants de sa fille ne seroîent pas tentés de dis
poser au profit d’étrangers , au préjudice de patents aussi pro
ches, et que , s’ils usoient de la liberté qu’il leur laissoit de dis
poser , ce ne seroit qu’en faveur de ceux de ces parents dont la
position particulière exigeroit qu’ils fussent plus avantagés qua
les autres*
«
III. I l n'en étoit pas du retour stipulé parla mère du fu tu r,
comme de celui stipulé par le sieur Delsol.
Il n’en étoit pas de même du retour stipulé par la mère dû
futur pour elle et les siens, en cas de décès de son fils sans en
fants , ou des enfants de son fils sans enfants et sans avoir dis
posé ; en effet, la mère du futur ayan t, lors du mariage de son
fils, plusieurs autres enfants, ne pouvoit penser qu’à assurer à
ces autres enfants le retour des biens qu’elle donnoit au futur ,
son fils , si celui-ci décédoit sans enfants , ou si ces enfants détédoient eux-mêmes sans descendants : or il lui suflîsoit à cet
filet de stipuler le retour pour elle et les siens personnellement,
�*<s
(
25 )
c’est-à-dire à l’exclusion de tous autres ayants-cause} el cepen
dant de laisser non seulement aux enfants de son lils , mais à
son fils lui-même, la liberté de disposer ; n’étant pas à présumer
que celui-ci, s’il n’avoit pas d’enfants, voulût user de cette fa
culté au préjudice de sa propre mère , ou de ceux qu’elle appeloit les siens (frères, sœurs, neveux ou nièces d eson ditfils),
si ce n’est en faveur de ceux d’entre eux d o n t, comme il vient
d’être d it , la position pourroit exiger qu’ils fussent plus avan
tagés que les autres. E t c’est aussi tout ce que le mandataire de
la dame veuve d’Orcet, porteur de sa procuration rédigée à Mau
riac , et comparant pour elle au contrat de m ariage, étoit
chargé de stipuler, sans pouvoir s’en écarter, ni y rien changer.
I V • Peut-être le sieur D elsol auroit-il stipulé le retour dans
la même form e que la mère du futur , s ’il avoit été dans le
même cas.
Il en auroit peut-être été de même de la stipulation du sieur
Delsol père , s’il avoit été dans le même cas ; mais n’ayant pour
lors d’autre enfant que la future, s’il avoit restreint de même
à sa personne et aucc siens le retour qu’il stipuloit, cette res
triction aiyroit eu rinconvénient d’annoncer des espérances d’a
voir d’autres enfants d’un second mariage; et quoiqu’il ne pen
sât peut-être pas alors à se remarier , il auroit au moins donné
lieu par-là au futur et à la famille du futur d’exiger de lui qu’a
vant tout il s’expliquât sur ce point. Q ui sait même s’il n’auroit
pas fallu leur donner des assurances positives que ce qu’ilspouvoient craindre n’arriveroit pas ?
L) ailleurs il pouvoit très bien se faire que, le cas prévu du re
tour arrivant, il n’existât aucun parent successible du sieur
�*
( 36 )
Delsol père capable de le représenter, ou qu’il n’y en eût que
de très éloignés qu’il n’auroit jamais connus; et c’est même ce
qui seroit nécessairement arrivé, s’il étoit resté veuf : or il étoit
bien naturel qu’il p û t, au moins pour ce cas particulier, se don
ner par actes entre-vifs ou de dernière volonté, à titre gratuit
ou onéreux , tel successeur universel ou singulier qu’il jugeroit
à propos, à l’eiïet de recueillir, en tout ou. partie, le bénéfice
du retour en question. ■
.
Il de voit donc, comme il l’a fait, se réserver le retour par une
stipulation générale , de manière que le cas prévu arrivant, en
quelque temps que ce f u t , de son vivant ou après sa m o rt, il
y eût lieu au retour in rem , ou a son patrimoine, en faveur de
ses ayants-cause, ou de qui de droit, et non pas seulement k sa
personne ou a u x sie n s, à l’exclusion de tous autres ayantscause, le tout sans que la donataire , sa fille , pût préjudicier
ou déroger à ce droit de retour par aucune disposition.
V . L es premiers juges ont supposé que la personnalité delà
stipulation du retour par le sieur D elsol résultoit de la dé
fense qu’il a faite à sa fille d ÿ déroger. Combien cette
supposition est absurde !
0
Cependant, s’il faut en croire les premiers juges, la défense
faite par le. sieur Delsol père k la dame d’O rcet, sa fdle, de dé
roger au droit de retour qu’il stîpuloit, prouverait au contraire
qu’il ne l’a stipulé (pic pour lui personnellement, n’étant pas
présumable , disent-ils , qu’il mit sa fille (lors unique) dans
un tel étal d'interdiction (pour le cas oii elle décéderait sans
<:<il'ants; car c’est de ce rasumquement qu’il s’agit) , et ce enf a
veur de parents éloignés avec lesquels il iiavoit aucune re-
�( 27 )
lation , que les parties même ne connoissoient p a s , ainsi
que la dame d ’Orcet Ta plusieurs fo is dit et écrit , sans que
ce fa it ait été désavoué.
Il auroit donc été bien plus convenable, suivant eux , que- le
sieur Delsol père se mit lui-mème dans l’interdiction , et ce en
faveur des étrangers que sa fille, décédante sans enfan'cs, jugeroit à propos.de préférer à tous les ayants-cause qu’il se seroit
créés à lui-même , ou à ceux qui (comme il pouvoit arriver, et
comme il est arrivé effectivement) lui seroient survenus : or
on sent combien est absurde une pareille supposition.
V I. L institution contractuelle de la dame d’ O rcet, qu i, sui
vant les premiers ju g e s , prouverait la personnalité de la.
s tip u la tio n du retour par le sieur D elso l s o n p è r e ,
e n d é m o n tr e a u c o n tr a ir e la r é a lité .
Enfin , suivant les mêmes, la limitation du retour dont il s’a
git à la personne du stipulant résulteroit Sün -
de la
circonstance que le sieur D elso l , après avoir fa it à sa
f ille une donation entre-vifs, Va instituée en même temps
son héritière universelle ; en effet, ajoutent-ils, il seroit ab
surde de supposer qu’il eût fa it et voulu faire , contre cette
héritière , une réserve qui ne devoit et ne pouvoit profiter
qu’à elle-m êm e , puisqiien admettant la transmis s ibilité du
retour, cette transmission ne pouvoit avoir lieu qu’en faveur
de cette même héritière.
Mais ils supposent par-là que l’institution contractuelle de
la demoiselle Delsol par son père est une institution pure et
simple , q u i, une fois ouverte au profit de l’instituée par le pré
décès de l’instituant, ne pouvoit cesser en aucun temps d’avoir
tout
�U <*
t'V '
( *8 )
IoîiL son effet, qu’en un mot cette institution n’étoit affectée
d’aucune condition résolutoire , tandis qu’au contraire cette
même institution ( qui à la vérité ne pouvoit être révoquée
par aucun acte postérieur ) devoit cependant se résoudre de
plein d ro it, comme la donation, par le seul fait, du décès de
l’instituée sans enfants , ou de ses enfants sans descendants et
sans avoir disposé ; car c’est ce qui résulte textuellement de la
clause par laquelle le sieur Delsol (après avoir promis de n’ins
tituer d'autre héritier que la future sa Jille dans les autres
biens ( non donnés ) qui se trouveront lui rester lors de son
d écès ) s’est réservé , (pour le cas où ladite future sa fille décèderoit sans enfants , ou ses enfants sans descendants, ou sans
avoir valablement disposé ) , le droit de réversion et retour ,
tant des biens donnés que réserv és , sans qu’il puisse être
dérogé par sadite Jille audit droit de réversion par aucune
disposition, n i autre acte à ce contraires. O r, bien loin que
cette clause puisse faire présumer la personnalité du retour-stipulé par le sieur Delsol père , comme le prétendent les pre
miers juges , la v é r it é e st au co n tr a ir e qu’il en résulte une
nouvelle preuve de sa transmissibilité ; et ce la , quand même on
voudroit ne comprendre dans la classe des biens réservés dont
la réversion est nommément stipulée , que ceux non donnés
qui existoient pour lors , et qui lui seroient restés lors de son
décès , à l’exclusion de tous ceux qu’il auroil acquis depuis sa
stipulation } car enfin il est bien évident que le. droit de retour
(qui pouvoit s’ouvrir pendant la vie du stipulant pour lesbicris
qu’il donnoit) ne pouvoit s’ouvrir qu’après sa m o rt, pour les
biens réservés , soit que (comme on n’en peut douter) il ait
entendu désigner par biens réservés ce qu’il appelle dans le
même acte les biens institués (c’est-à-dire la totalité de ccux
�(
)
non donnés qui luiresteroient lors de son décès, et généralement
tous ses biens, à l’exception des biens donnés, et de ceux qu’il
auroit depuis vendus ou engagés), soit même , qix’il n’eut en
tendu comprendre sous cette dénomination que ceux des biens
non donnés qu’il possédoit lors du contrat de mariage de sa
fille et qu’il auroit conservés jusqu’à sa mort.
E t qu’on ne dise pas , comme l’ont fait les premiers juges ,
que les mots, biens réserves, ont échappé à Vinadvertance
du rédacteur , qui (suivant eux) navoit que les notions les
plus obscures sur la nature et les effets des institutions
contractuelles ; car ce sont bien plutôC les premiers juges
eux-mêmes q u i, comme on l’a pu voir d éjà , et comme on le
verra encore plus particulièrement ci-après , sont dans le cas
qu’on lei^r fasse ce reproche \ et au surplus , quoi qu’il en soit,
ils ont bien prouvé par-là qu’il étoit absolument impossible ,
malgré toutes leurs subtilités, et pour ainsi dire leurs tours de
force j de restreindre aux biens donnés un retour stipulé pour
les biens tant donnés que réservés. Il faudra donc toujours
en revenir à dire que le retour des biens réservés (q u i, dans
tous les cas, sont nécessairement des biens non donnés) , ne
pouvant sîouvrir avant la mort du, stipulant, étoit bien cer
tainement transmissible à ses héritiers ou autres ayants-cause ;
or, il devoit en être de même du retour des biens donnés , puis
qu’il est stipulé par la même clause et dans les mêmes termes.
V II. Lorsque le retour s'ouvrira par le fa it du décès de la
dame d ’ Orcct sans enfants , son institution contractuelle
sera comme non avenue.
Peu importe enflu que la dame d’O rcct, en sa qualité d’hé-
�( 3o )
ritùrc instituée contractuellement, soit quant à présent la seule
représentante de son père. D u moment que le retour s’ouvrira
par le fait de son décès sans enfants , elle n’aura plus été héri
tière contractuelle , attendu la clause résolutoire apposée à son
institution. A lors, en effet, il sera vrai de dire qu’elle n’aura
été qu’héritière ab intestat de son père, concurremment avec
ses frères, c’est-à-dire pour partie seulement} et par consé
quent elle n’aura laissé dans sa succession , à ses ayants-cause,
quels qu’ils puissent ê tre , que sa part afférente dans tous les
objets dont la réversion au patrimoine de son père aura eu lieu
par le fait de son dticès sans enfants.
Il est vrai , comme l’observent les premiers juges , qu’en
droit romain une institution d’héritier par testament (autre
que celui fait ju re militari) n’auroit été susceptible d’aucune
limitation ou résolubilité, quand même cet héritier testamen
taire n’auroit été institué que e x re certd, ou pour une certaine
quotité , telle que la moitié ou le tiers de l’hérédité, ou à
compter de tel temps , ou enfin jusqu’à tel temps; qu’en effet
l’héritier ainsi institué par testament valable , éKint seul insti
tué , auroit é t é , de d ro it, héritier pour le to u t, pour tous
les cas et pour tous les temps , sauÇ seulement les droits des légitiniaires ; mais c’est pareeque chez les Romains personne ne
pouvoit mourir partitn testatus , partirn intestatus (à moins
qu’il n’eut testé jure militari) ; car , comme l’observe Pérez en
ses Institutes impériales , e x institutione hœredis ad certum v e l e x certo tempore facta sequeretur quod quis dece-
dere posset, pro parte testatus , et pro parte mtestatus.
�VIII. L es institutions contractuelles, inconnues chez les Ro
mains , n’ont rien de commun avec leurs institutions tes
tamentaires.
Il n’en est pas de même des institutions contractuelles abso
lument étrangères au droit romain, et qui cependant ont été
admises dans les ci-devant provinces dites de droit éci'it, comme
dans tout le surplus de l’ancienne France ; en effe t, suivant
tous nos auteurs ( q u o i q u e disent au contraire les premiers juges),
ces institutions d’héritier par contrats ne ressemblent aucune
ment aux institutions testamentaires des Romains , si ce n’est
à celles faites ju re militari, ou à leurs legs universels , soit aux
legs de toute l’hérédité ou de tous les biens, soit aux legs de •
partie de l’hérédité ou de partie des biens, partis etpro parte ,
(que notre Code civil qualifie legs à titre universel), avec cette
différence seulement que nos institutions contractuelles, d’ori
gine française et absolument inconnues chez les Romains, sont
irrévocables comme tenant de la nature des contrats, tandis
que les legs et autres dispositions testamentaires de toute es
pèce peuvent toujours être révoquées par le testateur jusqu’à
son décès.
IX . Autrement elles ne pourroient jam ais avoir lieu pour
partie , tandis que , suivant P o th ier, elles ont lieu in
contestablement pour partie comme pour le tout.
S’il en pouvoit être autrem ent, il faudroit aller ju s q u ’à dire
que l’institution contractuelle pour partie des biens ou de l’hé
rédité, ou même seulement pour quelques uns des corps certains
qui la composent, auroit l’effet d’une institution universelle
pour toute l’hérédité ; car c’est ce qui résulteroit du principe
�(
32 )
posé par les premiers juges (dans le second a tte n d u de leur troi
sième question), que l in s titu tio n c o n tr a c tu e lle f o r m e u n v é
r ita b le h é r iti e r
q u i n e d if f è r e q u e d e
n o m de i ?h é r it ie r
(des Rom ains), q u a n t a il u n iv e r s a l it é
d u t it r e : or personne jusqu’à présent n’avoit osé mettre en
avant une hérésie aussi monstrueuse, et il étoit réservé aux pre
miers juges d’en faire la base de leur jugement.
Il leurauroitcependant suffi, pour se garantir d’un pareil écart,
de consulter sur cette matière nos auteurs élémentaires, tels
que Pothier, dans son introduction au titre 17 de la coutume
d’Orléans. Us y auroient vu , par exemple, iila fin du n° 17 de
l’appendice de cette introduction, que l’institution contractuelle
y est définie la donation que quelqu'un f a i t de s a s u c c e s s io n
t e s t a m e n t a ir e
e n to u t o u e n p a r t i e , p a r c o n tr a t d e m a r i a g e , à T u n e d e s
p a r t i e s c o n tr a c t a n t e s , o u a u x e n f a n ts q u i n a îtr o n t d u f u t u r
m a r ia g e y au n° i l \ du même appendice, que d e m ê m e q u e la
s u c c e s s io n te s t a m e n ta i r e d a n s l e s p r o v in c e s ou e lle e s t a d
m i s e y fa it cesser la s u c c e s s io n l é g i t i m e e t ab i n t e s t a t ,
d e m ê m e la succession contractuelle f a i t cesser la s u c c e s
s io n lé g itim e o u ab intestat p o u r le t o t a l , lo r s q u e l'h é r itie r
c o n tr a c t u e l a é t é in s ti tu é h é r i t i e r p o u r le t o t a l , o u p o u r l a
p a r t ie p ou r l a q u e l l e i l a é t é i n s t i t u é ; d’où il conclut, à la
fin dudit n° 24 , que, lo r s q u e T h é r itie r c o n tr a c t u e l é t r a n g e r
a é t é i n s ti tu é s e u le m e n t p o u r u n e p o r t io n , puta p our
l a m o it ié , i l s u c c è d e a u x p r o p r e s ,
de m êm e q u a u x au
t r e s b ie n s , pour ¡.a p o r t io n p ou r l a q u e l l e i l a é t é in s
t i t u é , e t q u e l'h é r itie r li g n a g e r ab intestat « y s u c c è d e q u e
pour c e t t e m o i t i é ; et ensuite au 11"
25 qui suit,
q u e Tenf a u t
héritier c o n tr a c t u e l d e so n p è r e , pour u n e c e r t a i n e porTION y im:ta POUR UN TIERS OU POUR UN QUART, n ’eST PAS
�ZS3
(
33 )
OBLIGÉ E N V E R S SES FRÈRES E T SOEURS, H É R I T I E R S L É G I T I M E S
ET
AB
I NTESTAT
POUR
LES A U T R E S
P O R T I O N S , CM
rapport
de ce qui lui a été donné ou légué p a r son père.
X . D a n s les p ays de droit écrit elles ont lieu pour partie et
p a r conséquent ad tempus ou ex tcm porc , un sur-tout
qu'elles y
sont considérées comme de véritables dona
tions entre-vifs.
Dira-t-on qu’il n’en étoit pas de même dans nos provinces cidevant régies par le droit écrit ? Mais s’il est vra i, comme le
dit Laurières (au sommaire du n°
23 du chapitre premier de
son Traité des institutions et substitutions contractuelles), que
ces institutions ont pris leur origine des lois romaines qui
permettaient a u x soldats
iiv p r o c in c t u
de s'instituer héri
tiers p a r des pactes réciproques de su ccéd er , il en résultera
nécessairement que les institutions contractuelles, comme les
legs universels , ou à titre universel, peuvent avoir lieu, même
en pays de droit é crit, ou pour un temps seulement, ou à par
tir de tel temps, ou pour partie seulement de l’hérédité ou des
biens , ou même pour un tel corps héréditaire , etc. ; car as
surément 011 ne pouvoit pas appliquer à celui qui testoit ju re
militari , la règle : N em o potest decedere partim te status
partim intestatus.
C ’est ce qui résultera pareillement de ce que dit et répète
s o u v e n t le même auteur , notamment au n° 23 de son chap. 3 ,
et au chap. 4 , n°» 8 et suivants , que les institutions contrac tu elles, en pays de droit écrit> sont réputées vraies dona
tions entre-vifs d<; biens présents et à venir, par lesquelles
linstituant s’interdit la fa c u lté de disposer non seulement
5
V
�(
34 )
à titre g r a t u i t , ruais mêm e à titre onéreux, p a r ve n te, hy
pothèque ou autrem ent, s i ce n’est pour pressante et ur
gente nécessité y car on co n v ien d ra sans d o ute q u e les d o n a
tions p e u v en t se faire p o u r n ’av oir eiïet q u e j u s q u à tel te m p s ,
o u à co m p ter de tel te m p s , elc. E t il faut b ie n q u e le sieur Del
sol p è r e , re c o n n u p o u r p r o c u r e u r très i n s t r u i t , ait eu connoissance de cette j u ris p ru d e n c e , p u is q u ’il a cru d evoir se réserver
l’u su fru it de ce q u ’il appelle les biens institués (c e st-à -d ire de
ceux p o u r lesquels il in stitu o it sa fille son h éritière contrac
tuelle) , ainsi q u e la faculté de p o u v o ir les v e n d re o u engager.
X I . L ’héritier institué contractueîlement ne poun'oit être
a ss im ilé ,
suivant L,aurières , m ême en p ays de droit
é c r it, qu’à l'héritier des Romains institué in castrensibus,
ou ju re m ilitari.
Si donc o n v o u lo it a b so lu m e n t assimiler l’h é ritie r institu e
e o n tra ctu c lle m e n t a l’h é ritie r-in stitu é d u d ro it ro m a in , ce n e
p o u rr o it ê tre a u m oins q u ’à l’h é ritie r institu é in castrensibus ,
o u p a r testam en t fait ju r e m ilitari, q u ’il fa u d ro it le c o m p a re r 5
et c’est aussi ce q u ’a fait L a in iè re s au n° i 5 6 d u d it chap. 4 > ° ù
il re m a rq u e q u e , quoiqu’il y eut accroissem ent de l ’institué
i n b o n is castuf. n s ib u s
à r héritier
au i n t e s t a t
il n’y avoit pas accroissem ent de l ’héritier
quand il répudiait , à l'héritier institue
in
du soldat,
,
c a s t h e n s i nus y
a h in t e s t a t
après q u o i il ajoute : /¿ 7 , par la m êm e raison , il n y apas a c
croissement parm i nous de l'héritier al) intestat a l héritier
contractuel , ou aulégataire universel d ’une portion de biens,
(quoifju’i l y ait accroissem ent du légataire universel, ou de
Vhéritier contractuel , d'une portion de biens ou de succès-
�ZSs
1
/
(
35 )
s ion , ci l’héritier ab intestat), parceque , comme on Fa d it,
l ’héritier ab intestat est héritier solidairement de tous les
biens du défunt, au lieu que l’héritier contractuel, ou le lé
gataire universel, n’étant supposé successeur q u e d ’ u n e
p a r t i e s e u l e m e n t , il ne peut rien prétendre a u - d e l a d e
l a p a r t i e q u i l u i e s t d o n n é e , Fusage étant certain par
m i nous que chacun peut mourir p a r t i m t e s t a t u s , p a r
t i m i n t e s t a t u s , comme les soldats romains ; car , comme
le remarque très bien Loisel (liv. 2, t. 5 , règle 2 1, de ses Institutescoutumières), nos Français comme gens de guerre ont
reçu plusieurs patrimoines , et divers héritiers , d'une même
personne : or il faut convenir que ces propositions sont toutes
précisément les contradictoires de celles que les premiers juges
ont cru nécessaire de consigner dans les motifs de leur jugement,
pour le justifier autant qu’il étoit en eux.
X II. I l résulte évidemment de tout ce que dessus que le
sieur D e lso l a stipulé un retour à son patrimoine in rem ,
et qu au contraire celu i stipulé p a r la mère du fu tu r étoit
personnel à elle et aux siens.
Tout ceci posé , il doit maintenant demeurer pour constant
et suffisamment démontré, que si l’on voit, dans le même con
trat de mariage, d’1111 coté, le sieur Delsol père se réserver, par
une clause générale , le droit de réversion ou retour pour le
cas du décès de sa fille sans enfants , ou des enfants de sa fille
sans descendants , avec stipulation expresse que sadite fille ne
pourroit déroger à ce droit de retour par aucunes dispositions ,
ou autres actes à ce contraires, et cependant, que les enfants de
sadite fille , pareillement grevés dudit droit de retour, pour le
�Cas de leur décès sans descendants, pourroient faire telles dis
positions qu’ils jugeraient il propos ; si en même temps on y
voit d’un autre coté la mère du fu tu r, qui stipùloit le retour
pour elle et/é?.f sien s , en cas de décès de son fils sans enfants,
ou des enfants de son fils sans enfants, ne point défendre a son
fils de déroger audit droit de retour par aucunes dispositions ,
mais au contraire laisser aux enfants de son fils et a son fils luimême toute liberté a cet égard , ce n’est pas, comme l’ont sup
posé les premiers juges dans leurs motifs, que les contractants
aient entendu restreindre au sieur Delsol père personnellement
le retour qu’il stipùloit, et cependant assurer à tous'les ayantscause de la mère du futur le retour qu’elle se réservoit. Leur in
tention au contraire étoit évidemment, à raison de la différence
des circonstances ou chacun se trouvoit pour lors, que le retour
stipulé par le père de la future eût lieu généralement comme
retour ou réversion in rem à son patrimoine, en faveur de tous
ceux qui auroient intérêt à ce que son patrimoine fut conservé
dans son intégrité , mais que celui stipulé par la mère du futur
fut seulement personnel à elle et aux siens .
X III. Principes élémentaires sur la transmis s ibilité de tou
tes stipulations conditionnelles, tant suivant le droit ro
main que suivant le Code Napoléon. L a présomption lé
gale de leur h é a l i t é ne peut être balancée que par des preu
ves écrites dans la clause même de leur personnalité.
Voilà ce q u e les prem iers juges a u ro ie n t vu dans les stip u
lations de re to u r d o n t il s’a g i t , s i , au lieu de s’a rrê te r à de p ré
tendues conjectures toutes insignifiantes q u ’ils o n t entassées
sans uu-.m u c , co m m e sans d is c e rn e m e n t, dans leurs m o tifs, ils.'
�-Î/J
( 37 )
avoient considéré , ainsi qu’ils le devoient, que la stipulation
de retour dont il s’agit est une de celles dont le vrai sens, dé
terminé par la loi même , n’a jamais été abandonné à l’interpré
tation arbitraire des juges, et qu’au surplus, comme ils en con
viennent eux-mêmes dans leurs motifs, toute stipulation de re
tour est, de droit, transmissible aux ayants-cause du stipulant,
lorsque celui-ci ne l’a pas limite à sa personne.
A la vérité , ils supposent en meme temps que cette limita
tion est de droit, et qu’elle doit se suppléer lorsqu’il n’a rien été
dit de contraire ; mais ils ignorent donc, ou feignent d’ignorer ,
que tout au contraire les lois, tant anciennes que nouvelles ,
ont érigé en présomption légale, à laquelle on ne pourroit op
poser aucune autre espèce de présomption ou conjecture, celle
résultante de ce que le stipulant n’a pas exclus, en termes ex
près, du bénéfice de sa stipulation conditionnelle, et de celle de
retour en particulier, ses héritiers ou ayants-cause.
Cependant ils ne pouvoieut méconnoitre cct adage si sou
vent rappelé dans les livres élémentaires, tels en particulier que
les Institutos, et aujourd’hui consacré en tant que de besoin par
le Code Napoléon, que le bénéfice des stipulations condition
nelles se transmet nécessairement aux ayants-cause du stipulant
décédé avant l'événement de la condition : E x . stipulatione
condition ali tantimi spes est debitum i r i ,. eanupie ipsarn
spem in liœrcdem transnnttimus, si priusfjuàm conditio éxtet mors nobis contingat. Inst., p. 4, D e'vcrb. oblig. Ciun(pus s ub conditionc stipuJatus fu e r it , /¿cet ante conditio nern decesserit, posleh existente condilione heures ejus
agere potest. I n s t . , p.
D e inutil, stipul.
Ils auroient dû savoir au moins que, . s u i v a n t 1article 1179
du Code Napoléon , la condition accomplie a un effet ré-
�(
38 )
tr o a c tif a u jo u r a u q u e l le n g a g e m e n t a é té c o n tr a c té , e t q u e,
s i le c r é a n c i e r e s t m o r t a v a n t l a c c o m p l i s s e m e n t d e la c o n
d it io n y s e s d r o its p a s s e n t à s o n h é r itie r . Q u ’ainsi, com m e
le décide l’article 1 122 d ud it C o d e , o n e s t c e n s é a v o ir s tip u l é
p o u r s e s h é r iti e r s e t a y a n t s - c a u s e , à m o in s q u e le c o n tr a ir e
n e s o it e x p r i m é , o u n e r é s u l t e d e l a n a t u r e m ê m e d e l a
c o n v e n t io n
(co m m e , par exem p le, parcequ’il s’agiroit d’un
droit d’usufruit ou d’u sa g e , ou de to u t autre d roit personnel au
stip u la n t, mais non pas bien certa in em en t, com m e l’insinuent
les prem iers ju g e s, parceque quelques circonstances p ourraien t
donner lieu de le faire soupçonner.) E n fin , ils auraien t dù. con
clure de là que l’ayant-cause du stip u lan t, quel q u ’il s o i t , et en
q u elqu e tem ps que la condition a rriv e , n’a point à p rou ver que
son au teur a vou lu stipuler p our ceux q u i le représenteraient
lors de l’arrivée de la condition ; q u ’en un m ot c’est à celui qui
le prétend exclus par la stip u lation , à le p ro u ve r, c’est-à-dire,
suivant l’article 112 2 dud it C o d e , à prou ver que cette exclusion
est écrite dans la stipulation m êm e. Q u a m v is v e r u m e s t q u b d
q u i e x c i p i t p r o b a r e d e b e t q u o d e x c i p i t u r , a tt a m e n d e ip s o
d u n t a x a t , a t n o n d e h œ r e d e e ju s c o n v e n i s s e , p e t i t o r , n o n
q u i e x c i p i t , p r o b a r e d e b e t. L eg. 9 , fi. D e p r o b e t p r œ s .
Q u ’en elfet., il y a en ce cas présom ption vraim en t légale ,
j u r i s e t d e j u r e } que la stipulation est in r e m , et non pas
lim itée à la personne d u s tip u la n t, com m e le soussigné 1 a déjà
dém ontré dans sa Consultation p récéd en te, délibérée le 27 juiu
i8of>, et com m e il l’avoit dém ontré avec bien plus de d éve
loppem ent encore dans son Précis ( c i- jo in t ) , im prim é en 17G 7,
pour les sieurs L h éritier , F ourrroi et consors , contre le m ar
quis de IMesme , et sur lequel est interven u l’arrêt solennel du
>7 lé \ rit* i- même année : or une présom ption de cette esp èce,
�contre laquelle on ne doit adm ettre aucune présom ption con
traire, ne p ourroit être balancée ou détruite que par des
preuves positives et bien form elles, e v i d e n tis s im is e t in s c r ip tis h a b i t i s , com m e le d it la loi 2 5 , p. 4 , i n j i n e ,
if. D e
prob. e t p r œ s .
Il faudrait donc dém ontrer par écrit, c’est-à-dire, com m e le
porte ledit article 1 1 2 2 , par les expressions m êm es d e l à stip u
lation, que celui q u i a stipulé sous condition (qu oiqu ’il n’ait
pas parlé de scs ayants-cause) a cependant tém oigné vo u lo ir les
e x c lu re , ayan t par exem ple déclaré expressém ent ne vo u lo ir
stipuler que p our le cas où il su rvivrait à l’événem ent de la con
dition.
A u tre m en t, et à défaut de preuve écrite de cette espèce , il
sera toujours censé , com m e le d it V in n iu s, a d r e m f a m i l i a r e m r e s p e jc is s e } c’est-à-dire avoir vou lu a c q u é r ir , ou con
server, ou rep ren d re, et avoir en pleine propriété ( le cas de la
condition a r r iv a n t, en q uelqu e tem ps que ce fû t) , ce q u i fait
l’objet de sa stipulation con dition n elle, le to u t à reffet de pou
v o ir disposer librem ent par actes entre-vifs ou à cause de m ort
du droit éventuel q u i en résu lte, com m e de tous ses autres
d roits, soit ouverts-, soit seulem ent éventuels : or tel est le cas
où s’est trouvé le sieur D elsol père , q u i, en stipulan t un droit
de retour auquel sa fille 11e pourroit déroger par aucim es dispo
s i t io n s (q u o iq u e les enfants de sa fille le p u ssent) 11’a
aucun de scs ayauts-cause du bénéfice de sa stipulation-
exclus
�( 4o )
X IV - Preuves p a r le testament du sieur D e ls o l , et par les
consultations qu’il avoit prises d ’avance sur ce point, q u il
étoit bien convaincu de la r é a x i té de sa stipulation.
Aussi voit-on que le sieur D elso l, toujours bien convaincu de
la l'éalité de son droit en a disposé par testament peu de jours
avant sa m ort, comme d’un droit vraiment réel m rem , quoi
que ce droit purement éventuel ne dût s’ouvrir, suivant toutes
les apparences , qu’après sa mort et même bien long - temps
après.
Effectivement par ce testam ent, après avoir institué son fils
aîné et successivement ses autres enfants, par ordre de primogéniture, ses h éritiers u n iv e r s e ls , il avoit déclaré vouloir e x
pressément que, dans le cas où la dame Jeanne-Marie Delsol,
épouse du sieur de V ig ie r , viendroit à décéder sans en
fants ou descendants , son héritier recueille et profite du
droit de réversion , par lui stipulé dans le contrat de ma
riage de sa fille avec ledit sieur de V ig ier, etc. E t si ses
dispositions à cet égard n’ont pu recevoir aucune exécution, c’est
u n i q u e m e n t parceque le testamenta été déclaré nul pour vice
de forme. Comment en effet auroit-il pu douter un instant de
son d ro it, lui q u i savoit bien n’avoir pas limité sa stipulation
au cas de sa survie , et qu’il ne s’agissoit pas d’un droit d’usu
fruit ou d’usage, ni d’aucun autre droit personnel de sa nature?
Il avoit bien présumé cependant que sa fille , en cas qu’elle
lui survécût, prétendroit le retour éteint par le seul fait de sa
survie, et qu’alors elle s'opposerait à l’exécution de toute espèce
de disposition qu’il aurait cru devoir en faire, pour le cas oii il
«’ouvrirait en quelque temps que ce fût.
En conséquence il avoit pris dès l’année 1 7 7 1 , neuf ans avant.
�■Z
(4 0
sa mort, (un mois avant son second mariage) la précaution de con
sulter M. Chabrol, jurisconsulte deRiom, regardé pour lors a bien
juste titre comme l’oracle de la province; et ce jurisconsulte, quoi
qu’il ne connût pas encore l’arrêt de 1767 qui a fait cesser tous les
cloutes sur ce point, avoit répondu par sa consultation du 24 sep
tembre 1771 (conformément h. la décision de Henrys sûr sem
blable espèce) que M. Delsol ayant stipulé le. retour, en cas de
décès, non seulement de sa fille, mais des enfants de sa fille sans
d e sce n d a n ts (comme il n’étoitpas vraisemblable qu’il eût entendu
survivre aux enfants de sa fille et à leurs descendants, et qu’il eût
étendu si loin sa pensée; comme d’ailleurs il est de principe que
les stipulations son censées faites, tant pour les stipulants que
pour leurs héritiers ou ayants-cause), il devoit être supposé
avoir entendu que cette réserve et convention s’étendroient
bien loin } etpouvoient durer encore après lui.
Il en a été de même de MM. Audran le jeune, Ceuttes et
Ducrochet, jurisconsultes distingués de Riom , qu’il a encore
consultés les i 5 décembre 1778 et 2 janvier 17 7 9 , plus d’un an
avant sa m ort, et q u i, en lui faisant la même réponse, l’ont
appuyée de nouvelles autorités notamment de -celle de l’arrêt
solennel de 1767 , qu’ils présentent comme ayant levé tous les
doutes sur ce p o in t, s’il pouvoit y en avoir encore.
X V . E n v a i n v o iu lr o it- o n a s s i m i l e r là s tip u la tio n d u r e to u r
in rem à u n jid é i c o m m is .
Mais, disent encore les premiers juges (dans le septième a t
te n d u do leur première question), la c la u s e p a r la q u e lle le
s ie u r D e l s o l a v o u lu f a i r e r e n tr e r d a n s s a f a m i l l e , a p r è s s o n
d é c è s e t c e l u i d e s a f i l l e , le s b ie n s r é s e r v é s ou i n s ti tu é s , n e
G
�(4 0
p o u r r o i t ê t r e e n v is a g é e q u e c o m m e u n e c h a r g e d e f i d é i c o m i
m i s } c o m m e u n e v é r it a b le s u b s titu tio n d o n t i l a u r o it v o u lu
g r e v e r s a J i l l e , e t la q u e lle
s e r o i t a b r o g é e p a r le s lo is d u
i4 n o v e m b r e 1792. Ainsi ils supposent que le retour dont il
s’agit seroit un retour à la f a m i l l e du sieur Delsol en particu
lier, à l’exclusion de tous ses autres ayants-cause, tandis que
dans le fait c’est un retour indéfini et illimité à son patrimoine,
et par conséquent à ses ayants-cause, quels qu’ils puissent être,
c’est-à-dire un retour à lui-même, dans la personne de ceux qui
à son défaut le représenteront pour les choses sujettes à ce droit,
lors de son ouverture. O r , certainement ou ne pourra jamais
concevoir que le retour à son patrimoine, ou à soi-même, soit
une véritable substitution fidéicommissaire. Il faudrait au moins,
- pour constituer une telle substitution , que ce retour eut été
stipulé en faveur de tiers, autres que les représentants néces
saires du stipulant, pour venir en second ordre après celui qu’il
a gratifié directement; ou si l’on veut encore, au profit du
moins d’une classe p articu lièr e et déterminée de ses représen
tants et ayants-cause , à l’exclusion de toutes les autres classes ,
comme, par exemple , au profit des s ie n s seulement.
Il ne peut pas en être de même du retour indéfini stipulé par
une clause g é n é r a le , sans aucune espèce délim itation, tel que
celui stipulé par le sieur Delsol père, à raison des circonstances
particulières oii il se trouvoit, comme 011 l’a vu ci-dessus; eu
effet, il y « cette différence entre le retour conventionnel et la
substitution fidéicommissaire, que le retour général et indéfini,
a p p o s é pour tel cas, à une convention quelconque, même à
celle de succéder, la résout, et fait rentrer, le cas arrivant,
tous les biens dont il avoit été disposé sous cette condition, par
donation ou institution , dans le patrimoine du stipulant, pour
�les remettre entre ses mains, ou à son défaut dans celles de ses
représentants, qui ne sont à cet égard et pour ce qui concerne
cet objet que la continuation de sa personne. Aussi voit-on que
la loi du 17 nivose an 2 (quoique les substitutions fidéicommissaires fussent alors abrogées) a conservé les retours convention
nels dans leur intégrité, et qu’en conséquence la Cour de cas
sation, par son arrêt du 11 frimaire an 14 (dont le soussigné a
rendu compte dans sa Consultation de 1806) , a maintenu un
droit de retour indéfini et illimité, comme n’ayant rien de com
mun avec la substitution fidéicommissaire, quoique son ouver
ture n’eut eu lieu que plus d’un siècle après le décès du donateur
qui l’avoit stipulé.
1. D e V e x p o s é c i - d e s s u s r é s u lte la s o lu tio n d e s tr o is
q u e s tio n s p o s é e s p a r l e s p r e m i e r s j u g e s .
De tout ce qui vient d’être exposé résulte incontestablement
la solution de la seconde des trois questions posées par les pre
miers juges , qui étoit de savoir s i la r é s e r v e d e r e to u r s tip u
lé e p a r le s ie u r D e l s o l p è r e é t o it li m i t é e à s a p e r s o n n e , e t
p o u v o it ê t r e tr a n s m is e à s e s h é r iti e r s : or cette question est la
seule qu’ils aient jugée , et par conséquent la seule qui soit à
juger sur l’appel; mais il en résulte encore, en tantque de besoin,
la solution des deux autres questions qu’ils ont pareillement
posées (quoiqu’ils n’aient pas pris sur eux de les juger, s’étant
contenté à cet égard d’émettre leur opinion). En ciï’ct la pre
mière de ces deux questions étoit de savoir quels biens ont été
et pouvoient être compris dans la clause par laquelle le sieur
Delsol s’est réservé le retour, et l’autre de savoir si, dans le
cas de transmissibilité , ce droit tic retour 11c seroit pas confon
�( 44 )
du dans la personne de la dame d’Orcet avec sa qualité d’he'ritière contractuelle de son père : or on a vu ci-dessus, d’une part,
que la stipulation de retour par le sieur Delsol père comprenoit
en termes exprès les biens par lui donnés à sa iille, et en outre
la totalité des biens non donnés qu’il laisseroit au jour de son
décès ; et d’autre part, que le retour ne devant s’ouvrir que par
le fait du décès de la dame d’Orcet sans enfants (c’est-à-dire lors
de la révocation de son institution contractuelle ) , il étoit im
possible que ce droit de retour, en quelque temps qu’il s’ouv r it , se confondit un seul instant dans sa personne avec sa qua
lité d’héritière contractuelle de son père ; et l’on a vu de plus
que la dame d’O rcet, qui n’a pas d’enfants, étant actuellement
hors d’àge d’en avoir, le droit de retour dont elle est grevée ne
peut manquer de s’ouvrir un jour au profit de ceux qui se sont
trouvés être héritiers ab intestat du sieur Delsol père décédé
sans avoir testé valablem ent, c’est-à-dire au profit de la dame
d’Orcet elle-même pour sa part héréditaire, et pour le surplus
au profit des sieurs Delsol, ses frères} le tout attendu que l’é
vénement de la condition apposée au retour (comme toute es
pèce de condition apposée à une stipulation), a un effet rétroac
tif au jour même de la stipulation, comme on l’a vu ci-devant:
or il résulte de là, en dernière analyse, que les sieurs Delsol frères
ont été bien fondés à exercer les actes conservatoires de leur
droit, quoique ce droit ne soit qu’éventuel-, et ils doivent croire
que c’est aussi ce qui sera jugé sur leur appel par les magistrats
supérieurs qui en sont saisis.
Délibéré à Paris par le soussigné ancien avocat, ce 24
mars 1809.
LESPARAT.
�( 44
L
e
b is
)
C O N S E IL S O U S S IG N É , qui a pris lecture des deux
consultations délibérées et rédigées par M. Lesparat, les 27 juin
1806 et 24 mars 1809, ensemble du jugement rendu en pre
mière instance par le tribunal d’Aurillac, entre madame d’Orcet
et MM. Delsol, le 22 juillet 18085 vu d’ailleurs le précis imprimé
sur lequel est intervenu l’arrêt solennel du 17 février 1767,
adopte entièrement tous les principes déduits dans les deux con
sultations précitées, où la doctrine sur les clauses de retour est
établie avec un jugement exquis et une clarté parfaite. Il s’ho
nore sur-tout de professer, avec le respectable jurisconsulte qui
en est l’auteur, l’opinion que l’article 951 du Code Napoléon,
quelles qu’aient été les intentions de ses illustres rédacteurs (ce
qui est fort inutile à approfondir), n’a nulle influence sur une
question qui procède d’une convention faite avant le Code; et à
ce sujet il croit devoir observer que si (par application de ce
principe sur l’impossibilité de donner effet rétroactif aux lois )
on croit devoir contester à l’article 1179 du Code Napoléon
(quoique confirmatif d’un droit antérieur) toute influence sur
la question de présomption légale pourla réalitédu retour, celte
présomption légale se retrouve, quant à l’espèce, dans le droit
romain, qui, lors des conventions, éloit la loi coërcitivc des
parties domiciliées en pays de droit écrit. L e Conseil pense donc
�(
44 *<” ' )
que îe jugement du tribunal de première instance sera réformé
sans coup férir par la cour d’appel, et que la stipulation de re
tour sera réinvestie de tous les effets que lui a assignes la volonté
des parties.
D élibéré à P a ris, ce 17 mai 1809.
BELLART,
B O N N E T , D E L V IN C O U R T , L A C A L P R A D E .
�N
a p o i
. . É O N , PAR LA GRACE DE DlEU ET LES CONSTITUTIONS DE l ’ E m -
ï i r e , E m p e r e u r d e s F r a n ç a i s , R o i d’ I t a l i e , e t P r o t e c t e u r d e l à
C o n f é d é r a t i o n d u R k i n , à tou s p r é s e n ts et à v e n i r , S a l u t :
L e T r i b u n a l c i v i l d e p r e m iè r e in s ta n c e é t a b li à A u n l l n c , c h e f -lie u
..de p r é f e c t u r e d u d é p a r t e m e n t d u C a n t a l , a r e n d u le j u g e m e n t s u i v a n t :
E n t r e d a m e J e a n n e - M a r i c D e ls o l , v e u v e d e s ie u r G a b r i e l - B a r t b é l e m y
V i g i e r - d ’O r c e t , h a b i t a n t d e la v ille d e M a u r i a c , d e m a n d e r e s s e en e x e c u tio n d e j u g e m e n t d u six a o û t d e r n i e r , et d é fe n d e r e s s e en o p p o s i t i o n ,
c o m p a r a n t e p a r M e. L a b r o , son a v o u é , d ’ u n e p a r t ;
S i e u r P i e r r r - F r a n ç o i s D e l s o l , p r o p r i é t a i r e , h a b i t a n t d e la ville d ’A u r il l a c , d é f e n d e u r et o p p o s a n t , c o m p a r a n t p a r M ' . R a m p o n , son a v o u é ,
d ’a u t r e p a r t ;
S i e u r G a b r i e l - B a r t h é l e m y D e l s o l , p r o p r i é t a i r e , h a b i t a n t d e la ville
d e P a r i s , aussi d é f e n d e u r et o p p o s a n t , c o m p a r a n t p a r M e. B o n n e f o n s ,
son a v o u é , d ’a u tr e p a r t ;
E n p r é s e n c e d e s ie u r A n t o i n e D e s p r a t s , p r o p r i é t a i r e , h a b i t a n t d u d i t
A u r i l l a c , aussi d é f e n d e u r , c o m p a r a n t p a r M ' . M a n h e s , son a v o u é , d ’a u t r e
part :
O u ï le r a p p o r t d e l ’ in s la n c e d ’e n tr e les p a r t i e s , fa it p u b l i q u e m e n t à
l ’a u d i e n c e p a r M . D i l z o n s , p r é s i d e n t , m e m b r e d e la L é g i o n d ’I I o n n c u r ,
en e x é c u t io n du j u g e m e n t d u d i x - n e u f l é v r i e r d e r n i e r , à l’a u d i e n c e d u
v i n g t - u n j u i l l e t , et a p r è s q u ’il en a é l é d é li b é r é à la c h a m b r e d u co n s e il,
en e x é c u t io n d u j u g e m e n t d ’ h ie r v in g t-u n j u i l l e t ; v u le p r o c è s , les c o n
c lu s io n s d e sd its sieu rs P i e r r e - F r a n ç o i s et G a b r i e l - B a r t h é l e m y D e l s o l ,
t e n d a n t à ê t r e r e ç u s o p jio sa n s au j u g e m e n t r e n d u p a r d é fa u t fa u te d e
p l a i d e r , le six a o û t d e r n i e r , q u e fa isa n t d r o i t su r l e u r o p p o s i t i o n , le d it
j u g e m e n t lû t d é c h iré nul et de n u l cil’e t , a u p r i n c i p a l la d a m e d ’ü r c e t
fû t d é c la r é e pur< n ien t et s im p le m e n t non r e c e v a b l e d an s sa d e m a n d e , o u
en tous cas déboutée*, sous l.t r é s e r v e q u e font les s ie u r s D e l s o l , d e x e r
ce. c o n t r e tous d é t e n t e u r s des bi ens s o u mi s au d ro it d e r e t o u r les d ro its
e t a ctio n s r é s u l u n s d e le u r s q u a lité s d e t r a n s m is s io n u a ir e s , ainsi qu'il»
�#,*j v
(
46 )
a v i s e r o n t , et q u e la d ain e d ’O r c e t so it c o n d a m n é e a u x de'pens -, v u les
c o n c lu s io n s d e la d a m e d ’O r c e t , te n d a n t e s à c e q u e les sieu rs D e lso l fu s
se n t d é b o u t é s d e l ’o p p o s itio n p a r e u x forme'e p a r l e u r r e q u ê t e d u v i n g t trois a o û t d e r n ie r a u j u g e m e n t d u six d u m ê m e m o is , q u ’il fû t o r d o n n é
e n c o n s é q u e n c e q u e le s u s d it j u g e m e n t se ro it e x é c u t é s u i v a n t sa fo r m e
e t t e n e u r , e t q u e lesd its sieu rs D e ls o l fu s se n t c o n d a m n é s a u x d é p e n s •
v u aussi les c o n clu sio n s d u s ie u r D e s p r a t s , t e n d a n te s a ce q u ’il fu t d o n n é
a cte d es o ffres q u ’il a v o it to u jo u r s faites d e p a y e r le p r i x d e spn a c q u isi
t io n , en , p a r la d a m e d ’O r c e t , lu i d o n n a n t b o n n e et su ffisante c a u t i o n ,
o u e n fa isa n t j u g e r la v a l i d i t é d e son p a i e m e n t vis-à-vis des sieu rs D e ls o l
ses f r è r e s ; en c o n s é q u e n c e , et d an s le cas o ù elle p a r v i e n d r o i t à fa ire j u
g e r p a r j u g e m e n t en d e r n i e r r e s s o r t , q u e le d r o it d e r e t o u r d o n t s’a git
est i r r é v o c a b l e m e n t é t e i n t , q u e lesd its sieu rs D e ls o l fu ssen t c o n d a m n é s
a u x d é p e n s d e la c o n t e s t a t io n , m ê m e vis-à-vis d e lu i D e s p r a t s j et a u cas
c o n t r a i r e o ù le t r i b u n a l d é c i d e r o i t q u e le d ro it d e r e t o u r p e u t s o u v r i r
e n c o r e en f a v e u r des sie u r s D e l s o l , en ce c a s , q u e la d a m e d ’O r c e t fu t
d é c la r é e n o n r e c e v a b l e d a n s sa d e m a n d e en p a i e m e n t d u p r ix d u p r é
d e C a n c o u r , q u ’elle fû t c o n d a m n é e à r e s t itu e r les six ce n ts fr a n c s p a r
clic r e ç u s , a v e c les in térêts l é g i t i m e m e n t d u s , et en o u t r e en six m ille
fr a n c s de d o m m a g e s - i i i té r ê t s r é s u lla n s d e l ’é v i c t i o n , et en tous les d é
p en s.
D a n s le fa it, en l ’a n n é e i / 4o , le s ie u r B a sile D e ls o l , p r o c u r e u r au
b a illia g e d ’ A u r i l l a c , é p o u s a la d e m o is e lle T h o m a s ; d e c e m a r ia g e il
n’issut q u ’ u ne fille q u i se m a r ia a v e c le s ie u r d e V i g i e r - d ’O r c e t ; d an s leu r
c o n t r a t d e m a r i a g e , d u d e u x j u i n 1 7 G 0 , le s ie u r D e ls o l d o n n a p a r d o n a
tio n e n tr e - v ifs p u r e et s i m p l e , à la d e m o is e lle D e l s o l , sa fille , p a r a v a n
c e m e n t d ’h o ir i e , le d o m a i n e , te r re et s e ig n e u r i e d u C l a u x , 011 q u o i q u e
l a d ite t e r r e et d o m a in e d u C l a u x p u iss e n t ê t r e et c o n s is t e r , a u x m ê m e s
c l a u s e s , c h a r g e s et c o n d itio n s q u e le d é la is s e m e n t lui en sera fa i t , c o n f o r
m é m e n t à la d e m a n d e q u ’ il en a fo r m é e a u x r e q u ê t e s d u p a la is, et au
cas où ladite d e m a n d e en d é la is s e m e n t d esd its bien s ne lui se ro it pas a d j u g é e , ledit D e ls o l , p o u r d é d o m m a g e r sa fille d u d i t d o m a in e et te r re du
4
�|f C
( 47 )
C l a u x , l u i d o n n a et délaissa toutes les c r é a n c e s q u i l u i éto ien t d u e s p a r
lesd its b ie n s en ca p ita l et a ccesso ires; le sieu r D e ls o l d o n n a aussi p a r
m ê m e d o n a tio n e n tr e - v ifs à la d ite d e m o ise lle D e ls o l sa fille la s o m m e
de d ix m ille l i v r e s , q u ’ il p a y a c o m p t a n t ; et à l ’é g a r d d u s u r p lu s de ses
a u tr e s b ie n s q u i se t r o u v e r o ie n t rester a u d i t s i e u r D e ls o l lors d e son d é
c è s , il p r o m i t d e n’in s tit u e r d ’a u t r e h é r itiè r e q u e la d e m o is e lle D e ls o l,
sa fille, sous la r é s e r v e d e l’u su fr u it d e tous les L iens in s tit u é s , e t d e p o u
v o i r v e n d r e e t e n g a g e r lesd its b ie n s ainsi q u ’il j u g e r a à p r o p o s , ta n t en
la v i e q u ’à la m o r t , et e n c o r e d e d isp o ser d u n e s o m m e d e d ix m ille l i v . ,
e t n ’en dispo sa n t p a s , la r é s e r v e to u r n e r a a u p r o fit d e sa d ite fille; et a u
cas o ù la d ite d e m o is e lle f u t u r e é p o u s e v i e n d r o i t à d é c é d e r sans e n fa n ts,
o u ses en fa n ts sans d e s c e n d a n ts , o u sans d is p o s e r v a l a b le m e n t , le d it s ie u r
D e ls o l se r é se r v a e x p r e s s é m e n t le d r o it d e r é v e r s io n e t r e t o u r , t a n t des
b ie n s d o n n é s q u e r é s e r v é s , sans q u ’il p û t ê t r e d é r o g é p a r sa fille f u t u r e
é p o u s e a u d i t d r o i t d e r é v e r s io n p a r a u c u n e d is p o sitio n n i a u tr e s actes
a c e c o n tr a ir e s. P a r le m ê m e c o n t r a t , le s ie u r d e V i g i e r o n c l e , p o u r et
a u n o m d e la d a m e M o i s s i e r , u s a n t d u p o u v o i r d o n n é à la d i t e d a m e p a r
le s ie u r de V i g i e r , son m a r i , d a n s son c o n t r a t d e m a r i a g e d u o n z e
fé v r ie r 1 7 2 2 , n o m m a led it sieu r d e V i g i e r f u t u r é p o u x , p o u r r e c u e illir
l'effet d e l a d o n a t i o n d e la 'm o itié d e tous ses b ie n s p a r e u x fa ite a u p r o fit
d e c e l u i d e le u r s e n fa n s à n a ître q u i se ro it ch oisi p a r e u x o u p a r le s u r
v i v a n t d ’e u x ; e t en v e r t u d u p o u v o i r sp écial p o rté en lad ite p r o c u r a t i o n ,
il d o n n a à l it r e d e d o n a t io n e n t r e - v i f s a u d i t s ie u r d e V i g i e r , fu t u r
é p o u x , t o u t le s u r p lu s des b i e n s , m e u b l e s et i m m e u b l e s , p r é se n ts et à
v e n i r d e la d ite d a m e , et r é se r v a à l a d ite d a m e V i g i e r la l ib e r t é d e d is p o
se r p a r a c te e n t r e - v i f s o u à ca u se d e m o r t d ’ u n e s o m m e d e d ix m ille
l i v r e s à p r e n d r e s u r les b ie n s p a r elle d o n n é s ; se r é se r v a p a r e i l l e m e n t ,
la d ite d a m e V i g i e r , ( e t p o u r elle led it s i e u r p r o c u r e u r c o n s tit u é ) , le r e to u r
et r é v e r s io n à elle et a u x siens des b ie n s p a r elle d o n n é s a u d i t sieu r fu tu r
é p o u x , d an s le cas o ù il v ie n d r o it à d é c é d e r sans e n fa n t s , ou ses en tants
sans d e s c e n d a n t s , o u sans a v o ir v a l a b l e m e n t d isposé. — C e ne fu t q u e
p lu s d e o n z e ans a p rè s le m a r ia g e d e sa fille q u e , le v in g t o c t o b r e 1 7 7 1 ,
le s ie u r D e ls o l en c o n t r a c t a u n s e c o n d a v e c la d em o ise lle D u b o i s . D a n s
I
a
�ce s e c o n d c o n t r a t d e m a r i a g e , les é p o u x d o n n e j i t la m o it ié d e le u rs
b ie n s à u n d e s en fants à n a ître q u i se ro it ch o isi p a r e u x ou p a r le s u r v i
v a n t. — L e 1 1 ju illet 17 8 0, le s ie u r D e ls o l fit u n t e s t a m e n t p a r le q u e l , a p rè s
a v o i r l é g u é m ille liv r e s à la d a m e d ’O r c e t , et so ix a n te m ille liv r e s à c h a
c u n d e ses trois e n f a n l s , il in s titu a p o u r son h é r itie r u n i v e r s e l son fils
a în é d u s e c o n d l i t , e t , à son d é f a u t , ses a u t r e s e n fa n ts p a r o r d r e d e p rim o g é n it u r e , v o u l a n t e x p r e s s é m e n t q u e d a n s le cas o u la d a m e d ’O r c e t
v ie n d r o it à m o u r i r sans e n fa n ts, o u ses en f a nt s sans d e s c e n d a n t s , son h é r i
t ie r p r o fitâ t d u d r o it d e r e t o u r p a r l u i s t i p u l é d an s le c o n t r a t d e m a r i a g e
de sa f i l l e . — C e t e s t a m e n t fu t d é c l a r é n u l p o u r v i c e d e f o r m e p a r se n
te n c e d u b a illia g e d ’A u r i l l a c d u v i n g t - n e u f a o û t 1 7 8 2 , l a q u e l l e o r d o n n a
le p a r t a g e d e la s u c c e s s io n d u s ie u r D e ls o l , p o u r eu ê t r e d éla issé a u x
en fa n ts d u s e c o n d l i t trois d o u z i è m e s p o u r l e u r lé g it im e de d r o i t , e t les
n e u f a u tr e s d o u z i è m e s
à la
d a m e d ’O r c e t , en v e r t u d e l ’in s titu tio n c o n
tr a c t u e lle . L e p a r t a g e fu t ainsi e x é c u t é . — D e v e n u s m a j e u r s , les sieurs
D e ls o l f r è r e s , tant en l e u r n o m q u e c o m m e co h é r itie r s d e S o p h i e , l e u r
sœ u r m o r t e a b i n t e s t a t , o n t p a ss é a v e c la d a m e d ’O r c e t , les d ix v e n t ô s e
et v i n g t - t r o i s g e r m i n a l a n n e u f , d e u x actes sé p a r é s p a r l e s q u e ls les sieu rs
D e l s o l , en a p p r o u v a n t le p a r t a g e d e s i m m e u b l e s d e l e u r p è r e , c é d o ie n t
à la d a m e d ’O r c c t le h u i t i è m e r e v e n a n t à c h a c u n d ’e u x d an s l ’a r g e n t
c o m p t a n t , le p r i x d u m o b i l i e r , les c r é a n c e s p e r ç u e s , e t l e u r p a rt d an s la
s o m m e d e d ix m ille liv r e s p o r t é e p a r le c o n t r a t d e m a r ia g e d u d e u x ju in
1 7 G 0 , en q u o i q u e le t o u t p u iss e ê t r e et c o n s i s t e r , sans a u tr e s réserv es
q u e celles c i - a p r è s : ( l a d a m e d ’O r c e t d e m e u r e c h a r g é e d es d e ttes d e la
su cc essio n ; au m o y e n d e ce , les p a r t ie s se t ie n n e n t r e s p e c t i v e m e n t q u itte s
d u passé jusqu'à hujr, e t p r o m e t t e n t n e p lu s se rie n d e m a n d e r l ’u n e à
l ’a u t r e . ) —
P a r m i les b ie n s restés k la d a m e d ’ O i c e t é t o it u n e p a r t ie de
la m o n t a g n e a p p e lé e d e B r o u s s e t t c -, e lle l ’a v e n d u e a u s ie u r D e ls o l a în é ,
p a r a c te d u v i n g t - h u i t f r u c t id o r an d i x , m o y e n n a n t d o u z e m ille l i v r e s ,
d o n t il a p a y é h u i t m ille l i v r e s , e t la d a m e d ' O r c c t l ’a te n u q u i tt e des
q u a t r e m i lle liv r e s r e s t a n t e s , au moyen d o c e q u ’il a r e n o n c é au q u a r t
des c r é a n c e s à r e c o u v r e r . — L e s i e u r D e ls o l n’a v u a u c u n d a n g e r d an s
t c ite a cq u isitio n . — L e q u i n z e a v r i l 1 8 0 G , la d a m e d ’O r c e t v e n d it au
�■¿71
(
49 )
s ie u r D e s p r a ts u n p r é a p p e l é d e C a n c o u r , l e q u e l fait p a rtie d es b ie n s
d u s ie u r D e ls o l. — P e u a p rè s a p a r u l ’a r r ê t d e la c o u r de c a s s a t i o n , d u
o n z e fr i m a i r e a n q u a t o r z e , q u i a v a l i d é u n d r o i t d e r e t o u r c o n v e n t i o n
n e l et c o u t u m i e r , a u q u e l o n v o u lo i t a p p l i q u e r la loi s u p p r e s s iv e d es
s u b s titu tio n s . A l o r s l e s ie u r D e s p r a t s , c r a ig n a n t à to r t d ’é tre u n jo u r
é v i n c é d e son a c q u i s i t i o n , r e fu sa d ’en p a y e r l e p r i x - s u r le c o m m a n d e
m e n t q u i lu i a é t é fait le o n z e j u i l l e t , il a r é p o n d u q u e le d ro it d e r e t o u r
é t a n t *une stip u la tio n c o n d itio n n e lle q u i passe a u x h é r i t i e r s , il a v o it
ju s t e s u je t d ? a p p r é h c n d e r d ’é tre t r o u b l é d a n s la p r o p r i é t é d u p r é de
C a n c o u r , e t d e d e m a n d e r p a r c o n s é q u e n t a r é s o u d r e la v e n t e , o u à r e
te n i r le p r i x , o u à p a y e r sous ca u tio n . C e r e fu s o b li g e a la d a m e d’ O r c e t
à se p o u r v o i r en j u s t ic e , et à d e m a n d e r c o n t r e le s ie u r D e s p r a t s la c o n
tin u a tio n d e ses p o u r s u i t e s , et c o n t r e les sieü rs D e ls o l la n u l l it é d e la
cla u s e . C ité s a u b u r e a u de p a i x , l ’aîn é a r é p o n d u q u ’il n e
p a s le c o n t r a t d e m a r i a g e d e sa s œ u r ,
4j u ’il
connoissoit
i g n o r o i t si son p è r e a v o it
s t ip u lé u n d r o it d e r e t o u r , q u ’e n le s u p p o s a n t a i n s i , il n’a u r o i t q u ’ u n e
e s p é r a n c e . O n a p r é t e n d u p o u r l e c a d e t q u ’ il a v o i t c h a n g é son d o m i
cile à P a r i s , e t sous c e p r é t e x t e o n a é l u d é la c l ô t u r e d u p r o c è s - v e r b a l .'
j u s q u ’ au o n z e a o û t. A s s ig n é s a u t r i b u n a l , c h a c u n d ’e u x a
constitué
a v o u é , et a p rè s a v o i r t e r g i v e r s é p e n d a n t p lu s d e h u i t m o i s , ils o n t d e
m a n d é p a r des e x c e p t i o n s sé p a r é e s à ê t r e m is h o r s d e c a u s e , s’a g i s s a n t ,
d is o ie n t - ils , d ’u n d r o it non o u v e r t . D a n s
cet
é t a t , la c a u s e p o r l é e à l’a u
d ie n c e d u c i n q ju in 1 8 0 7 , il i n t e r v i n t u n j u g e m e n t p a r d é fa u t q u i o r
d o n n a q u ’ils d é f e n d r o i e n t a u fo n d . Us o n t fa it sig n ifier d es d é fe n s e s le
d e u x j u i l l e t , en p r o t e s ta n t d e se p o u r v o i r c o n t r e le ju g e m e n t, d u c in q
ju i n . Q u o i q u ’ils e u ss e n t d o n n é le u r s m o y e n s p a r é c r i t , les s ie u r s D elsol
n ’o n t pas v o u l u les p l a i d e r à l ’a u d ie n c e . L e six a o û t u n s e c o n d j u g e m e n t
p a r d é f a u t a d é c la r é n u lle la cla u s e d u d r o it d e r e t o u r , e t a o r d o n n é la
co n t in u a tio n d es p o u r s u it e s c o n t r e le s ie u r D e s p r a t s . L e s sieurs Delsol
o n t f o r m é o p p o sitio n à c e j u g e m e n t , e t c e n’est q u e le d i x - n e u f fé v r ie r
180 8 q u ’ ils se so n t en lin p r é s e n té s à l’a u d i e n c e , o ù , su r plaid oiries res
p e c t i v e s p e n d a n t q u a t r e a u d i e n c e s , il a été o r d o n n é u n e in s tr u c tio n p a r
é c r it au r a p p o r t d e M. Del/.ons, p r é s i d e n t .
�D a n s le d r o i t , la ca u se pre'sente à j u g e r ,
Q u e l s b i e n s o n t é t é , e t p o u v o i e n t ê t r e c o m p r i s d an s la c la u s e d e r e
i°
t o u r r é s e r v e 'e p a r le s ie u r B a z i l e D e ls o l d a n s le c o n t r a t d e m a r ia g e d e
la d a m e d ’O r c e t sa fille ;
2° S i c ette r é s e r v e é t o it l im it é e à la p e r s o n n e d u s ie u r D e l s o l , o u p o u v o i t ê tre tra n s m is e à ses h é r i t i e r s ;
3°
S i d an s l e cas d e la t r a n s m is s i b i l i t é , c e d r o i t d e r e t o u r n e se seroit
p a s c o n f o n d u d a n s l a p e r s o n n e d e la d a m e d ’O r c e t a v e c sa q u a li t é d ’h é r i
tiè re c o n t r a c t u e l le d e son p è r e .
S u r la p r e m i è r e q u e s t i o n , a t t e n d u ,
i ° Q u e , c o n f o r m é m e n t a u C o d e c i v i l , d an s l ’i n t e r p r é ta t io n d es c o n
v e n t i o n s , o n d o i t p l u t ô t r e c h e r c h e r q u e l le a été la c o m m u n e in t e n tio n
d e s p a rties c o n t r a c t a n t e s , q u e s’a r r ê t e r a u sens littéral des t e r m e s ;
q u e les te r m e s s u s c e p t ib le s d e l i e u x sens d o i v e n t ê t r e p ris d a n s c e l u i q u i
c o n v i e n t l e p l u s à la m a t iè r e d u c o n t r a t ; q u e to u tes les cla u s es des
c o n v e n t i o n s s’i n t e r p r è t e n t les u n e s p a r les a u t r e s , en d o n n a n t à c h a
c u n e l e sons q u i r é s u lte d e l’a c te e n t i e r ; q u e , d an s le d o u t e , les c o n
v e n t io n s s’i n t e r p r è t e n t c o n t r e c e l u i q u i a s t i p u l é , o u q u i p o u v o i t faire
la loi ;
2 “ Q u e l’o b j e t d u d r o i t d e r e t o u r c o n v e n t i o n n e l est d e faire r e n t r e r
d an s les cas p r é v u s , d a n s le d o m a in e d u d o n a t e u r , les ch o ses p a r lu i
d o n n é e s ; q u e d è s - lo r s , o n n e p e u t le s u p p o s e r o u l'a d m e t t r e q u e d an s
les
c o n v e n t i o n s e t cas o ù un d o n a t e u r s’est d é p o u i l lé d e sa p r o p r i é t é ,
et p e u t en su ite la r e p r e n d r e ;
3°
Q u e le s ie u r D e ls o l a y a n t fait u n e d o n a tio n e n tr e - v ifs à sa fille, et
l’a y a n t , p a r le m ê m e c o n t r a t , in s titu é e son h é r itiè r e u n i v e r s e l l e , il se ro it
c o n t r a d i c t o i r e et c o n t r e la n a t u r e d ’ u n e in s titu tio n q u e la r é s e r v e d e r e
t o u r p a r lui stip u lé e en m ê m e t e m p s , »’ a p p l i q u a i a u x b i e n s q u i faisoient
l'o b je t d e c e t t e i n s tit u tio n , d o n t la p r o p r i é t é e t to u te d ispo sitio n à titre
o n é r e u x ne laisso ie n t pas d e reste r en son p o u v o i r , et d o n t ¡1 ne se d é p o u illo it p a s ; q u ’ il se ro it d ès-lo rs r id i c u le d e s u p p o s e r q u 'il so n g e o it à
faire r e n t r e r d an s ses m a in s ce q u i n'en so rto it p a s , et n e p o u v o it p a s
f'n sortir de son v iv a n t ;
�(
4°
)
Q u e l e sens d e l’a c t e e n t i e r , e t l ’i n te n tio n b i e n c o n n u e d es p a rties
é t o it d ’a s s u r e r , d ès l ’i n s l a n t , à la d a m e d ’O r c c t , à lit r e d e d o n a t a i r e , et
t a n t en n u e p r o p r i é t é q u ’ u s u f r u i t , u n e p a r t i e d e la f o r t u n e d e son p è r e ,
e t le s u r p lu s a p r è s sa m o r t , sans q u e la d o n a ta ire p û t c e p e n d a n t d is p o
ser d e r i e n , au p r é j u d i c e d e son p è r e , d an s les cas p r é v u s p a r la cla u s e
d e r e t o u r -,
5°
Q u ’il s’e n s u it d ès-lo rs q< e , q u o i q u ’on lise d a n s c e l t e c la u s e q u e le
s ie u r D e ls o l se r é s e r v e le d r o it d e r e v e r s io n et r e t o u r , t a n t d es L ie n s
d o n n é s q u e r é s e r v é s , les p r i n c i p e s c i - d e s s u s é n o n c é s p e r m e t t e n t d ’a u
t a n t m o in s d e s u p p o s e r q u e , p a r les m ots d e b ie n s réservés, les p a rtie s
a v o i e n t e n t e n d u les b ie n s d e l’i n s t i t u t i o n , q u e p e u d e lig n e s a u p a r a v a n t
elles les a v o i e n t d é sig n é s sous le n o m d e b ie n s in s titu és ; q u ’il est p lu s
n a t u r e l d e c r o i r e q u e les m o ts b ie n s réservés o n t é c h a p p é à l’i n a d v e r
t a n c e d u r é d a c t e u r ; d ’a u t a n t p lu s q u e t o u t e la c o n t e x t u r e d e la p a r t ie
d u c o n t r a t d e m a r i a g e , q u i c o n c e r n e les d is p o sitio n s d u s ie u r D e l s o l ,
p r o u v e q u e c e r é d a c t e u r a v o it les n o tio n s les p l u s o b s c u r e s s u r la n a t u r e
e t les effets des in s tit u tio n s c o n t r a c t u e lle s ;
G° Q u ’il se p e u t e n c o r e ( c a r t o u t e c o n j e c t u r e est a d m is s ib le d a n s l ’in
t e r p r é t a t i o n d ’ u n e c la u s e aussi e x t r a o r d i n a i r e ) q u e , p a r r e t o u r d es b ie n s
r é s e r v é s o u in s titu é s, o n a it v o u l u e n t e n d r e l a c a d u c i t é d e l’ in s titu tio n
e n cas d e p r é d é c è s d e l ’h é r itiè r e in s titu é e et d e ses e n fa n ts ;
7 ° Q u e s’il fallo it d o n n e r q u e l q u e s e n s , q u e l q u e s effets à la c la u s e d e
r e t o u r d es b ie n s réservés, y r e c o n n o i t r e les b i e n s d e l'in s titu tio n , e t
s u p p o s e r q u e le bieur D e ls o l v o u lo i t les fa ir e r e n t r e r d a n s sa fa m ille
a p r è s son d é c è s e t c e l u i d e sa fille -, c e t t e c la u s e c o n t r a r i a n t é v i d e m
m e n t la n a t u r e e t les p r i n c i p e s d u d r o i t d e r e to y ir, n e p o u v o i t ê t r e e n
v is a g é e q u e c o m m e u n e c h a r g e de f i d é i c o m m i s , c o m m e u n e v é r it a b le
s u b s t it u t io n d o n t i l a u r o i t v o u l u g r e v e r sa f i l l e , e t la q u e l l e s e ro i t a b r o g é e
p a r les lois d u q u a t o r z e n o v e m b r e 1 7 9 2 .
S u r la s e c o n d e q u e s t i o n , a t t e n d u ,
i°
Q u e q u o i q u e la m a j o r i t é d es a u t e u r s , c l p l u s i e u r s m ê m e
très
e s t i m a b l e s , a ie n t le m i q u ’en g é n é r a l r e li e t d e la stip u la tio n de r e t o u r
c o n v e n t i o n n e l , e u f a v e u r d u d o n a t e u r , sans q u ’il f û t la it m e n t i o n d e ses
�V
' *
( 5 2 }
h é r i t i e r s , éto it tra n s m is sib le à son h é r itie r c o m m e to u te a u t r e s t i p u la t i o n ,
m ê m e c o n d i t i o n n e l l e , a p p o s é e d a n s les c o n t r a t s ; q u o i q u ’il se t r o u v e
m ê m e d e u x a rrêts q u i l ’a v o i e n t ainsi j u g é , to u s s’a c c o r d e n t c e p e n d a n t à
d i r e , et la saine raison suffit p o u r p r o u v e r , q u e c e tte transm issibilité ne
p e u t a v o i r lieu l o r s q u e la st ip u la t io n d e r e t o u r a été lim it é e à la p e r
son ne du d on ateu r ;
2° Q u e , d a n s l'e s p è ce a c t u e lle , c e t t e l im it a t io n à la p e r s o n n e d u sieur
D i lsol r é s u lte é v i d e m m e n t , soit d e la c i r c o n s t a n c e q u e la d a m e de
V i g i e r , m è r e d u f u t u r é p o u x , l u i fa is a n t d o n a t io n d e to u s b i e n s , s’en
r é s e r v a l e r e t o u r p o u r elle et les sien s , t a n d is q u e le s i e u r D e ls o l n e le
r é s e r v a q u e p o u r lu i j q u e c e t t e d if fé r e n c e r e m a r q u a b l e d a n s les d e u x
cla u ses in sérées d a n s le m ê m e a c t e , d ’a illeu rs p a r f a i t e m e n t s e m b l a b l e s ,
a n n o n c e c l a ir e m e n t q u e les p a r t i e s v o u l o i e n t , q u a n t à c e , l e u r d o u n e r
u n e é t e n d u e d if fé r e n t e ;
3°
Q u e c e t t e d iffé r e n c e d an s la s t i p u la t i o n s’ e x p l i q u e e n c o r e p a r la
c i r c o n s t a n c e i m p o r t a n t e q u e la d a m e d e V i g i e r a v o it p lu s ie u r s e n f a n t s ,
p o u r le s q u e ls sa s o l li c i t u d e m a t ç r n e ll e l ’e n g a g e o it à c o n s e r v e r scs b i e n s ,
a u lie u q u e le s ie u r D e ls o l u ’a v o i t q u ’ u n e fille u n i q u e , e t a u c u n p r o c h e
parent ;
/|° Q u e la p r o h i b i t i o n si e n tiè r e , si a b s o l u e d e d i s p o s e r , q u e l e s ie u r
D e ls o l i m p o s o i t à sa fille , p r o u v e e n c o r q q u ’ il ne st ip u lo it q u e p o u r lu i
n ’ étant pas p r é s u m a b l e q u ’il m i l sa fille d an s u n tel é ta t d ’iu tc r d ic tio n
en fa v e u r de parents éloignés , avec lesquels il n ’a voit aucunes rela
tio n s, que les parties m êm e ne connoissoient p a s , ainsi que la dame
d'O rcel l’a plusieurs f o i s dit et écrit , sans que le f a i t ait été désa
voué,
5°
Q u e c e t t e lim itatio n r é s u lte s u r - t o u t d e la c i r c o n s t a n c e q u e l e s i e u r
D e l s o l , a p r è s a v o i r l’a it à sa fille u n e d o n a t io u e n i r e - v i i s , l’in s tit u a n t en
m ê m e t e m p s son h éritière u n i v e r s e l l e , il s e n tit a b s u r d e d e s u p p o s e r
q u ’il e u t fa it et v o u lu faire c o n t r e c e t t e h é r itiè r e m i e r é s e r v e q u i ne d e vo it <;t n e p o u v o it p r o fite r q u ’à e l l e - m ê m e , p u i s q u ’en «d.Tietlaut le s y s
t è m e de tra iism U s ib ilité d u d r o it d e r e t o u r , c e l l e tra n s m is sio n u ’a u r o it
p u a v o ir lieu q u ’e n f a v e u r d e c e t t e m ê m e héritière*.
�Z7S
(
53
)
S u r la tro isiè m e q u e s tio n , a t t e n d u ,
i ° C o m m e il v i e n t d ’ê t r e d i t , q u e l'a c tio n r é s u lta n t e d ’ u n e r é s e r v e
d e r e t o u r , m ê m e i n d é f i n ie , n e p o u v o i t p r o f it e r q u ’a u x h é r itie r s c o m m e
fa isa n t p a r t i e d es a ctio n s h é r é d it a ir e s ;
a 0 Q u e , d a n s l ’e s p è c e , la d a m e D o r c e t , é ta n t s e u le h é r itiè r e u n i v e r
s e lle , fo r m e u n v é r i t a b le h é r itie r q u i n e d ifféré q u e d e n o m d e l ’h é r itie r
t e s t a m e n t a i r e , q u a n t à l’ u n iv e rs a lité d u t i t r e ; q u e c e t t e i n s tit u tio n m e t 1
l ’i n s tit u é à la p l a c e d e s h é r itie r s d u s a n g , et l e cas a v e n a n t , l e saisit d e
to u s les d ro its d e l’h é r é d it é ;
3°
Q u e les a u t r e s e n fa n ts m ê m e d e l ’i n s t i t u a n t , s u i v a n t les p r i n c i p e s
u n i v e r s e l le m e n t r e ç u s lors d u d é c è s d u s i e u r D e ls o l , p e r d o i e n t p a r l’effet
d e c e tte in s tit u tio n la q u a li t é d ’h é r itie r s et n e c o n s e r v o ie n t q u ’u n s im p le
d r o i t à u n e p o r t io n d e s b i e n s à t it r e d e l é g i t i m e ;
4°
Q u e dès-lors la r é s e r v e d e r e t o u r t r a n s m is s i b l e , q u o i q u e d ir ig é e
c o n t r e u n h é r itie r i n s t i t u é , ( s ’il é to it p o s s ib le d e la p r é s u m e r ) , se se ro it
c o n f o n d u e a v e c l’eiTet d e l’i u s t itu t io n p a r le c o n c o u r s d e d e u x qu a lités
d e d o n a ta ire g r e v é e d e r e t o u r , e t d ’h é r itiè r e se u le a p p e l é e à en p r o fit e r .
L e T I U B U N A L d é b o u t e les sieu rs J e a n - F r a n ç o i s et G a b r i e l - B a r t h é l e m y D e ls o l d e l’o p p o s itio n p a r e u x fo r m é e a u j u g e m e n t p a r d é f a u t fa u te
de p laid er,
d u six a o û t 1 8 0 7 , o r d o n n e q u e c e j u g e m e n t se ra e x é c u t é
selo n sa fo r m e et t e n e u r ; en c o n s é q u e n c e , d é c l a r e p e r s o n n e lle a u s ie u r
D elsol p è r e , e t c a d u q u e p a r son p r é d é c è s , la s t i p u la t i o n d e r e t o u r p a r
lu i r é s e r v é e d a n s le c o n t r a t d e m a r ia g e d e la d a in e d ’O r c e t sa f i l l e , o r
d o n n e q u e les p o u r s u i t e s c o m m e n c é e s c o n t r e le s ie u r D e s p r a l s s e r o n t
c o n t i n u é e s , en cas d e r efu s u l t é r i e u r d e sa p a r t d e p a y e r les t e r m e s d u
p r i x d e la v e n t e d u p r é d e C a n c o u r à p r o p o r t i o n d e l e u r é c h é a n c e ,
ainsi q u e d es i n t é r ê t s , to u s d é p e n s c o m p e n s é s e n tr e toute.1« les p a r t i e s ;
a tt e n d u la p r o x i m i t é d es sieu rs D e ls o l et d a m e d ’O r c e t , q u e les p r e m ie rs
n ’oiit pas p r o v o q u é l’i n s t a n c e , et a t t e n d u q u e le s ie u r D e s p r a t s a p u a v o ir
j u s q u ’a un c e r t a in p o i n t un ju s te s u je t d e c r a in te su r la v a lid ité d e son
a cq u isitio n et la s û r e t é d e ses f o n d s ; e t s e r a , le p ré se n t j u g e m e n t c o m m e
fo n d é en t it r e , e x é c u t é v i s - à - v i s le s ie u r D e s p r a l s , n o n o b s t a n t e t sans'
�A
( 54 )
■
p r é j u d i c e d e l ’a p p e l , à la c h a r g e n é a n m o in s p a r la d a m e d ’O r c e t d e d o n
n e r , e n cas d ’a p p e l , b o n n e e t su ffisa n te c a u tio n a c o n c u r r e n c e d es ca
p i t a u x e x ig ib le s . F a i t e t juge' a u t r i b u n a l c iv il d e p r e m iè r e i n s t a n c e ,
é t a b li à A u r i l l a c , ch e f-lie u d e p r é f e c t u r e d u d é p a r t e m e n t d u C a n t a l , le
v i n g t - d e u x ju ille t m il h u i t c e n t h u i t , s é a n t s , m e s s ie u rs D e lz o n s présir
d e n t , m e m b r e d e la lé g i o n d ’h o n n e u r ; D e lz o r t s et L a v a l , ju g e s . M a n
d o n s et o r d o n n o n s à to u s hu issiers s u r c e r e q u i s d e m e t t r e le p r é s e n t
j u g e m e n t à e x é c u t i o n , à n o s p r o c u r e u r s p r è s les t r i b u n a u x d e p r e m ie r e
i n s ta n c e d ’y tenir la m a i n , à to u s c o m m a n d a n t s et o fficiers d e la fo rce
p u b l i q u e d e p r ê t e r m a in - f o r te l o r s q u ’ils e n s e r o n t l é g a l e m e n t r e q u is . E n
fo i d e q u o i l e p r é s e n t j u g e m e n t a e t e s ig n e p a r le p r é s i d e n t e t p a r le
greffier. Signé à l a m i n u t e , m o n s ie u r D e l z o n s , p r é s i d e n t ; e t B r u n o n ,
g reffier. P o u r c o p i e c o n f o r m e à l’e x p é d i t i o n , signé L i b r o , a v o u é .
�PRÉCIS
P O U R le sieur René-Louis L H É R IT IE R et consors, intimés ;
CO N TR E
m essire J
oseph
, marquis de M E S M E S ,
appelant.
L e s ieu r L o u i s L h é r i t i e r , p a r le c o n t r a t d e m a r ia g e d e d e m o is e lle M a r i e A l b e r t i n e R a c i n e , sa b e l l e - n i è c e , a v e c le s ie u r m a r q u i s d e R a v i g n a n , d u
i S m a r s 1 7 1 2 , a p r o m is d o n n e r à la d e m o i s e l l e , lors f u t u r e é p o u s e , la
som m e d e
3o,ooo
l i v . , q u ’il l u i a e f f e c t i v e m e n t p a y é e p e u a p r è s ; m a is il a
été stipule' en m ê m e tem p s que ladite som m e retonrneroit audit sieur
L h éritier, donateur , en cas de décès de la dem oiselle fu tu r e épouse
sans enfants, et encore e n cas qu’il y eût des e n f a n t s , et qu'ils v in s
sent à décéder avant d’ être p o u rv u s , ou avant d’ avoir atteint l’âge
de majorité.
L a d o n a t a ir e n ’a v o it alors q u e v i n g t - t r o i s ans e t d e m i , l e d o n a t e u r e'toit
d an s la s o ix a n t iè m e a n n é e d e son â g e , e t il a v o i t d e u x e n fa n ts m â le s âgés
l ’u n d e d i x - s e p t a n s e t l’a u t r e d e tre iz e ( 1 ) . C ’est d o n c é v i d e m m e n t p o u r
scs enf.ints et h é r i t i e r s , e n c o r e p l u t ô t q u e p o u r l u i - m ê m e , q u ’ il s tip u lo it
c e l l e r é s e r v e , d o n t il ne p o u v o i t p a s sc fla tter d e p r o f it e r p e r s o n n e l le
m ent.
Q u o i q u 'il en s o i t , le d o n a t e u r est d é c é d é en 178 0. L o n g - t e m p s a p r è s ,
et le
3o
n o v e m b r e 1 7 G 4 , la d em o ise lle R a c i n e , d o n a t a i r e , est d é c é d é e sans
a v o i r laissé d ’e n fa n t s , ni de son p r e m ie r m a r ia g e a v e c le sieu r m a r q u is de
IlavifFiinn, n i (]c son s e c o n d m a r ia g e a v e c le s ie u r c o m t e d e D a in p u s .
E n c o n s é q u e n c e , les in t im é s , c o m m e r e p r é s e n t a n t le sieu r L o u is L l i é -
( 1 ) L a i n e , conseiller au p a r l e m e n t , a s u rv é c u au don ate u r »011 p è re , dont
¡1 a lierite.
Il est a u -
jou rd hui rep rése nté p.ir les i u i m i é a , scs h éritier* b é néficiair es , nui t o u t en m ê m e te m ps h é rit is rs
su bstitués du d o n a t e u r leur oncle .
x
PREMIERE
CAUSE
«lu rôle d*
Paris
(de 1767.)
De la trans
mission des
stipulations
condition nelles , et
de celles de
retour en
particulier
�( 56 )
r i t i e r , d o n a t e u r , o n t f o r m é c o n t r e l e sieu r m a r q u i s d e M e s m e s , d o n a
t a ir e u n i v e r s e l d e l a d e m o is e lle R a c i n e , v e u v e D a m p u s , e t c h a r g é à ce
titre d e ses d ettes a n t é r ie u r e s a u p r e m i e r a v r i l I749> l e u r d e m a n d e e n
r e s t i t u t i o n des
5o,ooo
liv . d o n n é e s p a r l e u r a u t e u r , c o n f o r m é m e n t à la r é
s e r v e s tip u lé e p a r l e c o n t r a t d e 1 7 1 2 .
L a ca u se p o r t é e à l ’a u d i e n c e d u p a r c c i v i l d u C h â l e l e l d e Paris^ il y est
i n t e r v e n u le 29 ju i lle t d e r n i e r , s u r le s p la id o ir ie s r e s p e c ti v e s d es parties
p e n d a n t c i n q a u d i e n c e s , s e n t e n c e p a r l a q u e l l e , attendu le décès de la
dem oiselle R a cin e , veuve D a m p u s , sans enfants , le m a r q u i s de
M e s m e s , son d o n a t a ir e u n i v e r s e l , est c o n d a m n é a r e s t itu e r a u x in tim é s
les
3o,ooo
liv . d o n t la r é v e r s io n a v o i t été' s tip u lé e p a r l e u r a u t e u r . C ’est
d e c e t t e s e n t e n c e q u e le m a r q u i s d e M e s m e s est a p p e l a n t . I l n e se ra p a s
d ifficile d ’en é t a b li r le b i e n j u g é .
A c e t e f f e t , n o u s e x a m in e r o n s les p r i n c i p e s g é n é r a u x s u r la tr a n s m is
sion d e t o u t e s st ip u la t io n s c o n d itio n n e lle s ; les d écisio n s d es d o c t e u r s et
des lois s u r l a t ra n s m is s io n d u r e t o u r c o n v e n t i o n n e l en p a r t i c u l i e r , et
l ’é ta t a c t u e l d e l à j u r i s p r u d e n c e s u r c e l t e q u e s tio n .
P R E M I È R E
P A R T I E .
Principes généraux sur la transmission de toutes stipula
tions conditionnelles.
U n seul m o t su ffît p o u r ju s tifie r l a s e n t e n c e d o n t est a p p e l , c’est q u e
la c o n d itio n so u s la q u e lle le r e t o u r a é t é r é s e r v é , se t r o u v e a u j o u r d ’hui
p u riG ée p a r le d é c è s d e la d e m o is e lle R a c i n e , d o n a t a i r e , sans en fa n s.
I n u t i l e d ’o p p o s e r q u e le d o n a t e u r es t d é c é d é a v a n t l’é v e n e m e n t d e la
c o n d i t i o n . C e t t e c ir c o n s t a n c e est d es p lu s i n d i ffé r e n t e s , p a r c c q u e le r e
t o u r a é t é st ip u lé p o u r a v o i r l i e u , n o n en cas d e p réd e ce s , mais s im p le
m e n t en cas d e déco* d e la d o n a t a ir e sans en fa n ts : o r , c e l t e c o n d i t i o n se
t r o u v e p u r if ié e p a r l 'é v é n e m e n t .
Il est v r a i q u e les h éritiers d u d o n a t e u r n’o n t p a s été a p p e lé s n o m m é
m e n t à r e c u e illir le p r o fit d u r e t o u r ; m ais les h ér itier s n’o n t p a s bes o in
d e la vo ca tio n de l ’h o m m e p o u r p r o f il e r des d ro its d o n t l e u r a u t e u r est
�Zï<j
(
5 7
3
d é c é d é saisi ; ils n’ o n l besoin q u e d e c e lle d e la lo i q u i les saisit d e tous les
d ro its d u d é f u n t , q u i les s u b r o g e à sa saisine en la c o n t in u a n t en l e u r p e r
so n n e. E n c o n s é q u e n c e , il l e u r suffit q u e c e l u i a u q u e l ils s u c c è d e n t ait été
v r a i m e n t saisi du d r o it q u ’ ils r é c la m e n t, q u e cc d r o i t a it fa it p a rtie d e ses
bien s. O r les a ctes e n t r e - v i f s , m ê m e c o n d i t i o n n e l s , saisissent to u jo u r s à
l’in s ta n t m ê m e , sans a tt e n d r e l'é v é n e m e n t .d e la c o n d itio n . L e s a ctio n s q u i
en r é s u l t e n t , q u o iq u e non e n c o r e o u v e r t e s , so n t in b o n is d u s tip u la n t :
c o n t r a c t a s , c ts i c o n d i l i o n a l i s , t a in e n e x p r æ s e n t i v i r e s a c c i p i t , d it
V i n n i u s . I n c o n lr a c tib u s ici t e m p u s s p c c t a t u r f/no c o n lr a h u n u s , d it la
loi 7 8 , ÎT. d e v e r b . o b lig .
D e l à , cette r è g le g é n é r a le r e b a tt u e d an s tou s les liv r e s é l é m e n t a i r e s ,
e t n o t a m m e n t d an s les I n s t i l u t e s , q u e les stip u la tio n s c o n d itio n n e lle s se
tr a n s m e t te n t à l’h é r i li e r , q u o iq u e le st ip u la n t soit d é c é d é a v a n t l’é v é n e
m e n t de la co n d itio n . E x s t i p u l a t i o n e c o n d i t i o n a li t a n t u m s p e s e s t d é
b ita n t i r i , e a m q tie ip s a m s p e m in liœ r e d e m t r a n s i n i ll i n m s , s i p r iiis
q u a n t c o n d it io e x s t e t , m o r s n o b is c o n t i n g a t , liv .
3.
t. i(>. p. /(. C iitn
q u is suf> a l iq u d c o n d i l io n c s t ip u la lu s J i i e r i t , p o s t e à e x is t e n t e c o n d i t i o n e , h œ re s e ju s a g e r e p o t e s t , m ê m e liv . t. 20. p.
25 .
E n v a i n v o u d r o i t - o n a p p o r t e r q u e l q u ’e x c e p t i o n à c e tte rèijle ; les lois
d é c i d e n t q u ’o n n’en d o it a d m e t t r e a u c u n e : G E N E R A L I T E R s a n c im u s
om n e
ni s t i p u la t io n e m siv e in d a n d o , s iv c i n f a c i e n d o , s iv c m i x t a e x
d a t u lo e t f a c i e n d o in v e n ia t u r , e t a d h æ r e d e s e t c o n t r a h œ r e d e s I r o n s mittir S I V E S P E C I s / L I S I I Æ l l E D U M F I s iT M E N T I O , S I F E NO N:
j iv . i 3 . co d . d e c o n tr a li. et c o m m . s t ip n l.
E n va in o p p o s e r o i t - o n q u e le s t ip u la n t q u i n’ a p a r lé q u e d e l u i - m ê m e ,
q u i n’a pas n o m m é ses h é r i t i e r s , a e n t e n d u r e s t r e i n d r e la stip u la tio n à sa
p e r s o n n e ; la lo i r é p o n d q u e la s lip u la t io n n ’ en est p a s m o in s r éelle : p l e r in n q u o c n i m , u t P e d i u s a i t , p e r s o n a p a c t o i n s e r it u r , n o n u t p e r s o n a le p a c t u m J i a t , s e d u t d c n i o n s t r c t u r c u m q u o p a c l u m j a c t u u i e s t ,
liv . 7 . p. U tr u r n . II'. d e p a c t is .
P o u r to u t d ire en un m p t , l’h é r itie r n ’i ^ i o i n t à p r o u v e r q u e son a u t e u r
a v o u lu s t ip u le r p o u r lu i. U lui sufTit q u ’il n ’y ait pas eu d ’ in te n lio n de
l’e x c lu r e . O r c e tte inten tio n n ’est pas à s u p p o s e r lo r s q u 'e lle n’ est pas c x -
8
�i * /
( 58 )
primée. C ’est à ceux q ui le p ré te n d e n t exclus a prouver son e x c lu sio n :
Quamvis verum est qu od qui ex cip it, probare débet quod excipitur ;
at tamen de ipso dum taxat , at non de hcerede ejus convertisse petitor,
non qu i excip it, probare débet ; liv. 9. fi. de prob. et prœf.
Il en est autrem ent des dispositions (1) conditionnelles de 1homme ou
de la loi. Elles ne se transm ettent pas à l’héritier de l’appelé décédé a vant
l ’événem ent de la condition , ( et voilà p ourquoi le retour légal n’est pas
transm issible) mais c ’est p a re eq u e les héritiers ne recueillent du cliel de
leur a u t e u r , et com m e transm issionnaires, q ue les droits dont il est dé
cédé saisi : o r les dispositions conditionnelles n e Saisissent qu au m om ent
de leur ouverture. Ju sq u e-là elles ne sont point in bonis de l’appelé.
Inu tilem ent le testateur en auroit-il ordon né la transmission ; elle 11’a u -
Traité
tions^c^g. I’° ‘ l Pas
pour c e la , dit R i c a r d , p a reeq u e le testateur 11epeut pas donn. G5o.
ijer à ses dispositions un effet rétroactif, que les lois leur r e fu s e n t, ni
o p é re r une transmission qui n’est l’ou vrag e q ue de la lo i, et q ui ne d érive
pas de l’intention de rh om nie. Il est vrai que dans ce cas l'héritier v ie n droil de son c h e f et en son n o m , c o m m e appelé lui-m êm e en vertu de la
vocation expresse du testateur; mais il 11e viend roil pas com m e transmisNoalis <!e sionnaire, ce qui est bien différent à tous égards, s lliu d entm est transtransm is-
sione,
au
commence -
.
7-
»
uussio, et aima est vocalto.
Si d o n c la transmission a lieu p our les stipulations conditionnelles } et
non p o u r les dispositions, cela ne vien t p a s , com m e 011 v o i t , de la diffé
rence d'intention, p uisque l’intention m êm e expresse est incapable d’op é
rer la transmission dans les dispositions conditionnelles ; il est évide nt
q u e c’est la saisine seule q u i tra n s m et, pareeq u e la transmission n’est
elle-m êm e qu’une continuation de saisine.
L e sieur marquis de Mcsmcs , don t les prétentions ne s’accorden t pas
a vec ces p r in c ip e s , fait tout son possible p o u r en éluder l’application ;
(1) Ijx ditpniiüon proprement dite, par opposition aux Mipulations, c»t un acte pur de la volonté
qui te pastr hori la présence, et utuJa participation île celui qui tu est l'objet. 'I'* Iles sont lu dispotiliont UMaim-ulairt v Telle* »ont ¡uistt les substitutions contenues dam lit acte» entre-vif», nuxqml» le tub»tilu<! n'intervient pas; car tfl^mtcrvenoil pour acerpter, il »croit donataire comlitionni-1, '■
<l'acte s. roit ù »ou égard uu patte, mlc convention, uu contrat, une «tipulatiou, et non pat
une tliipotition.
�fo r c é d e c o n v e n i r q u e tous a clcs e n t r e - v i f s , p u r s e t sim ples ou c o n d i t i o n
n e ls , saisissent a c t u e ll e m e n t et n é c e s s a ir e m e n t, il ne v e u t c e p e n d a n t pas
r e c o n n o î lr e q u e la transm ission en d o iv e ê tre la s u itç ; il a im e m i e u x la
faire d é r i v e r d e la p r é s o m p t io n g é n é r a le , q u ’en s t i p u la n t p o u r n o u s ,
n o u s so m m e s cen sés a v o ir p a r lé p o u r nos h é r i t i e r s ; p u i s , r e str e ig n a n t
c e tte p r é s o m p t io n a u x seuls co n tr a ts in téressés, il en c o n c l u t q u e la tra n s
mission des stipu la tion s co n d itio n n e lle s n ’a p a s lie u l o r s q u ’elles se r e n c o n
t r e n t d an s les c o n tr a ts bienfaisants.
M ais i ° il est fa u x q u e les c o n tr a is intéressés so ien t les seuls d an s les
q u e ls le s t ip u la n t e s t. ce n sé a v o ir p a r l é p o u r ses h é r i t i e r s ; la r è g le est
g é n é r a le p o u r t o u te es p è ce de c o n t r a t s , p u i s q u e les lois n ’o n t fait a u c u n e
e x c e p t i o n , p u i s q u ’a u c o n t r a i r e elles o n t e x c l u to u te e x c e p tio n p a r la g é
n é ra lité e t l’ u n iv e rs a lité a b so lu e d e le u rs expression s. G e n e r a l i t e r
s a n c im u s O M N E M s t i p u la t i o n e m ...........t r a n s m it li, s iv e s p e c ia li s h c c r e d u m f i a t n i e n t i o , siu c n o n .
2° L e sens d e la r è g le n’est pas p r é c i s é m e n t q u e n o u s so m m e s p r é
su m é s a v o ir p e n se a nos h é r itie r s et a ya tils -ca u se , e t a v o i r p o s i t i v e m e n t
v o u l u st ip u le r p o u r e u x ; c a r il e s l b ie n r a re q u e les c o n t r a c t a n t s y p e n se n t
p o s i t i v e m e n t , et o n n e p r é s u m e pas ce q u i a r r i v e r a r e m e n t . L e v r a i sens
d e la r è g le est s e u le m e n t q u e l e s t i p u l a n t , q u i n ’a pas f o r m e lle m e n t res
tr e in t la stip u la tio n à ça p e r s o n n e , n e p e u t pas ê tre s u p p o s é a vo ir v o u lu
e x c l u r e ses h éritiers. O r cette p r é s o m p t i o n , n é c e s s a ir e m e n t a p p lic a b le à
to u te e s p è c e d e s t i p u la t i o n , suffit to u te s e u l e , n o n p o u r en o p é r e r la
transm ission , c a r c ’est la saisine se u le q u i l’o p è r e , m ais p o u r é c a r t e r les
ob sta cle s q u i p o u r r o i e n t l'a r rê te r ou la r e n d r e inefficace.
Q u e le c o n t r a t soit in téress é ou b i e n f a is a n t , il n ’i m p o r t e ( i ) . P u i s q u e
~
----
i
—
(i) En matière de contrats, dit Ricard, la siipulalion qui en fait le principal commerce oblige
dès-lors réciproquement les parties de 1 accomplir au cas de la condition qui, \ proprement parler
ne passe que pour une restriction, pour le cas prévu par les parties seulement, et laisse au surplus la
convention pure et simple, de sorte que l'échéance arrivant, la condition est censée comme non '
écrite. Pour ce qui concerne le legs au contraire,"la condition en affecte tellement la disposition C|
la substance, qu il ne subsiste absolument qu’avec elle et que par elle ; de sorte que comme ce n’est
pas le titre ¡legratuit ou d'onéreux </ui produit cette différence, mais la qualité de l'acte, s’il
esl testamentaire, c’est-à-dire, sans stipulation, et un pur acte de la l olonté d'une personne
�( G» )
d an s l'u n et d a n s l ’ a u l r c la saisine y a lieu d e p lein d r o i t , c o m m e l ’a p p e
lan t en c o n v i e n t l u i - m ê m e , il fau t b ie n q u ’ elle soit co n tin u é e d an s la p e r
so n n e des tra n sm issio n n aires. O n n e p e u t p a s les su p p o s e r e x c lu s p a r le
S t ip u la n t, l o r s q u e c e lu i-c i n ’a p a s p r o n o n c é l e u r e x c lu s io n ; o r , s’ils ne
so n t p a s e x c l u s , il est dans l ’o r d r e d e s ch o ses q u e , c o m m e su cc e ss e u rs
u n iv e r s e ls du sin g u lie r s d u t r a n s m e t t a n t , ils s u c c e d c n t a la saisine c o m
m e n c é e en sa p e r s o n n e , c o m m e à to u s ses a u t r e s d r o i t s , q u a n d m e m e il
n ’au ro it p o in t d u t o u t p e n s é à e u x .
D ’a illeu rs 011 p e u t d ir e q u e to u s c e u x q u i c o n t r a c t e n t , sans m e m e q u ’ils
a ient jam ais p e n sé fi la t r a n s m is s i o n , o n t c e p e n d a n t , d u m o in s implicite
ment et é m i n e m m e n t , u n e v é r i t a b le in te n tio n d e t r a n s m e t tr e . E11 e f f e t ,
q u i c o n q u e s t ip u le v e u t avoir, p o s s é d e r , a c q u é r i r , en u n m o t a jo u te r o u
réunir à son p a tr im o in e ce q u i l'ait l’o b je t de sa s t i p u l a t i o n , ad rem fa m iliarein respicit , c o m m e d it V i n n i u s ; s’il n e s t ip u le q u e c o n d itio n n e lle
m e n t , il n e v e u t avoir q u e p o u r le cas d e la c o n d i t i o n , m ais il v e u t avoir
p o u r ce cas-là en q u e l q u e t e m p s q u e la c o n d itio n p u iss e a r r i v e r : o r , avoir
u n e c h o s e , c ’est in c o n t e s t a b l e m e n t ê t r e en d r o it d’en j o u i r , faire e t d is
p o s e r c o m m e d e tou s ses a u tr e s b i e n s , d e la v e n d r e , d e l’e n g a g e r , d e la
l é g u e r , e t c . , et p a r c o n s é q u e n t d e la t r a n s m e t tr e à ses a y a n t s - c a u s e , àp lu s forte raison à scs h é r itie r s.
A in s i q u a n d m ê m e la tra n sm issio n ne d é r iv e r o it q u e d e l ’in ten tio n d e
t r a n s m e t t r e , c o m m e cette i n te n tio n se r e n c o n t r e , non à la v é r it é expli
citement , m ais d u m oins implicitement et éminemment , d an s t o u te
espèce d e s tip u la tio n a p p o sé e à to u te e s p è c e d e co n tr a ts , sans m ê m e q u e
oü s’il est conventionnel et fait entre-deux personnes, il n’y a pas dt doute que les donations
suivies d'acceptation , participant ù la nature de ces ilerniers actes, les conditions qui s'y rentfinirent ont un effet rétroactif au jour de ta donation , ainsi que dans les autres contrats. Et ailleur»: si une donation sous condition estfaite entre-vifs, quoique la condition n'arrive qu’après,
la mort du donataire, ses héritiers ne laisseront pas îlejouir du bénéfice de la donation, comme
ayant été parfaite, au moj en de Veffet rétroactif qui est donné à la donation, dujour qu'elle a
été passée; car, ajoute-t-il, ce n'est pas seulement la qualité de donation entre-vif» qui fait la
transmission au projit des héritiers du donataire, mais l'effet rétroactif du droit et de /- posses
sion au jour du contrat. Trait« île» ilisi>ovtions touditiounclU», chap.
•ui 'lUuuoa»( dr*i>. •*, partie ¡înroiire, U- l ia cl lit.
5, $
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( 61 )
le s t ip u la n t ait ja m a is p en se à ses h é r i t i e r s ; il sero it to u jo u rs v r a i de d i r e ,
d ’a pres les lo is , q u e les stip u la tio n s c o n d itio n n e lle s so n t to u tes tra n s m is sibles d e l e u r n a t u r e , soit q u ’elles se t r o u v e n t d a n s d es c o n trats in té r e s
sés , soit q u ’elles se r e n c o n t r e n t d an s des co n tr a ts b ie n fa is a n ts. Il se ro it
to u jo u r s vrai d e d ir e q u e le transm issio nn aire n’a rien à p r o u v e r , e t q u e
c ’est à c e lu i q u i p r é t e n d l’e x c l u r e a p r o u v e r son e x c lu s io n .
N o u s c o n v e n o n s a v e c le sieu r m a r q u is d e M e s m e s q u e si la stip u la tio n
e'toit p e r s o n n e l l e , la transm ission n’au r o it pas lie u en f a v e u r d es h éritiers
d u s t i p u la n t ; mais la p er so n n a lité ne se p r é s u m e jam a is. P o u r la s u p p o s e r
i l f a u t ( d it M . P o t h i e r en son T r a i t é des o b l i g a t i o n s , t. 1. p . ^ 5 ) q Ue
c e la s o it e x p l i q u é c la ir e m e n t d a n s la c o n v e n t io n ; e t a in s i , ajoute-t-il
d e c e q u e la p e r s o n n e e n v e r s la q u e lle j e c o n t r a c t e q u e lq u ’ engagement
e s t n o m m é e p a r la c o n v e n t i o n , i l n e s 'e n s u it p a s q u e V intention d e s
p a r tie s a it é t é d e r e s tr e in d r e à s a p e r s o n n e le d r o it q u i e n r é s u lt e ; o n
d o i t p e n s e r a u c o n tr a ir e q u ’ e lle n’ e s t n o m m é e q u e p o u r m a r q u e r a v e c
q u i la c o n v e n t io n e s t f a i t e .
N o u s c o n v e n o n s e n c o r e a v e c F o n l a n e l l a , q u ’en fait d e s tip u la tio n s c o n
d itio n n e lles , lo r s q u e la c o n d itio n est p e r s o n n e lle , c’ e s t - à - d i r e d e n a t u r e
à n e p o u v o ir s’a c c o m p li r q u e d an s la p e r s o n n e d u s t i p u l a n t , Quandà
apponitur in personâ stipulatoris , la tra n sm issio n n e p e u t y a v o i r lieu
q u ’a u t a n t q u e le s t i p u la n t a u r o it lu i - m ê m e r e c u e illi l ’o b je t de la s t i p u l a - *
lion p a r 1 e x is te n c e de la co n d itio n p u r ifié e de son v i v a n t ; niais c ’est pa rc eq u e , c o m m e il 1 a jo u te fo rt b ie n , la c o n d itio n n’éta n t pas a r r iv é e p e n d a n t
la vie d u s t i p u l a n t , son décès la re n d i m p o s s i b l e , et q u ’ainsi il ne reste
p lu s d ’e s p é r a n c e à t r a n s m e ttr e . C e cas n’est d o n c pas 1111e e x c e p tio n à la
r è g le g é n é r a le d u p a r a g r a p h e
Ex
conditionali, q u i n ’en reço it a u c u n e ;
c’ est s e u l e m e n t u n e e s p è c e d an s la q u e lle la r è g le d u p a r a g r a p h e ne p e u t
p a s r e c e v o i r son a p p l ic a t i o n , p a r e e q u e le p a r a g r a p h e , pai lant d e la trans
m ission des s tip u la tio n s c o n d itio n n e lle s , s u p p o s e q u e la co n d itio n puisse
e n c o r e a r r i v e r , q u o i q u ’a p r è s le d écès d u s t i p u l a n t : or elle ne p e u t p lu s
a r r i v e r a p rè s so n d é c è s , si elle ne d e v o i t s’a c c o m p li r q u ’en sa p e r so n n e .
P o u r a p p l i q u e r a n o tre e s p è c e le p r i n c i p e de F o n l a n e l l a , il f a u d r o i t
p r o u v e r q u e la c o n d itio n sous la q u e lle le r e to u r a é lé stip u la ne p o u v o it
�s’ a c c o m p li r q u ’e a la p e r s o n n e d u d o n a t e u r e t d e son v i v a n t ; m ais il n’ en
est pas aiusi. L e fa it du d écès d e la d o n a t a ir e sans e n fa n t s , q u i fait la se u le
c o n d itio n d u r e t o u r , p o u v o it s’a c c o m p l i r in d i f f é r e m m e n t d u v i v a n t d u
d o n a t e u r ou a p rè s son d écès. C e l t e c o n d i t i o n é l o i t a b so lu m e n t extrin
sèque à sa p e r s o n n e , p o u r n o u s s e r v ir d e s e x p r e ss io n s d e c e t a u t e u r , et
d è s - lo r s il est co n s ta n t q u ’ elle n’a p a s p u r e n d r e la stip u la tio n p erso n
n elle.
I l est vra i q u e , s u i v a n t R i c a r d e t le j o u r n a li s te des A u d i e n c e s , les clauses
d e r e t o u r d o i v e n t s’i n t e r p r é t e r s t r i c t e m e n t ; m ais ils n ’o n t jam a is c o n c lu de
l à ^ u ’il fallût en e m p ê c h e r la transm ission. L a se u le c o n s é q u e n c e q u ’ils
a ie n t tirée de ce p r i n c i p e est q u ’il n e fa u t p a s é t e n d r e ces sortes d e c la u ses,
e t q u ’ainsi le r e t o u r é ta n t s tip u lé p o u r le cas d u d écès d u d o n a ta ire sans
e n f a n t s , il n e fa llo it pas l’é t e n d r e a u cas d u d écès d e ses en fa n ts sans
e n fa n ts.
O r , c e n’est pas d o n n e r d e l’ex ten s io n à u n e stip u la tio n q u e de la s u p
p o s e r t ra n s m is sib le a u x h éritiers d u stip u la n t. C e t t e tra u sm issibilité est
u n e su ite n é cessa ire de la saisine a tt a c h é e à t o u t e stipulation , et d e l ’in
ten tion A'avoir et a c q u é r i r q u i se r e n c o n t r e dans tous les s t i p u l a n t s , lors
m ê m e q u ’ils n ’o n t p a s p e n s é à le u r s h é r i t i e r s ; ca r n o u s n’avons v é r i t a b le
m e n t q u e c e q u e n o u s p o u v o n s l e u r tra n s m e t tr e .
A u s s i , q u o i q u e dans le d ro it ro m a in les s tip u la tio n s p r o p r e m e n t dites,
Solemnes verborum conceptiones , fussen t d e d r o it étro it et très-étroit,
q u o i q u ’on l e u r d o n n â t le n o m p r o p r e de c o n tr a ts striclijuris , p a r o p p o
sition a u x co n trats d e b o n n e f o i , q u o i q u 'e n c o n s é q u e n c e 011 les i n t e r p r é
tât to u jo u r s en cas d e d o u t e c o n t r e le s t i p u l a n t , quia debuit legan aper-
tiùs dteere rontraclui, la r è " l c é t o it c e p e n d a n t sans a u c u n e e x c e p tio n
d e les d é c la r e r t r a n s m i s i b l e s a u x h éritiers d u s t i p u l a n t , Gcncruhter san-
cimus otnneni slipulationem , etc.
A u c o n t r a i r e , les d ispositions c o n d i t i o n n e l l e s , q u i c e p e n d a n t sont su s
c e p t i b l e s d e l'in te r p r é ta tio n la p lu s la r ^ e , 11e p r o lito ie n t pas a u x héritiers
do l’ in stitu é o u lé g a ta ir e d é c é d é a v a n t l e u r o u v e r t u r e , à moins q u ’ ils n y
fussent c o n q u i s e x p r e s s é m e n t ; mais c’ est p a r e e q u e la transm ission d an s
ce cas est i m p o s s i b l e , c o m m e n o u s l’a v o n s o b s e r v é d éjà , à d é fa u t de sai-
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( 63 )
sine p r é e x ista n te . D è s - l o r s l’h éritier d e l’a p p e l é ne p o u v o i t ê t r e a d m is à le
r e m p la c e r q u e p a r v o ie d e v o c a t i o n , c o m m e a p p e l é l u i - m ê m c . O r la v o
catio n d o it ê tre e x p r e s s e et n e se s u p p lé e pas ( à la d iffé r e n c e de la tra n s
mission , q u i est t o u jo u r s d e d ro it en cas de saisine p r é e x i s t a n t e ) . A liu d
est Iransmissio , et aliud est voccitio.
En
d e u x m o t s , to u te stipu la tion c o n d itio n n e lle est n é c e ss a ir e m e n t
tra n sm issib le à l’h é r itie r d u s t i p u la n t , si la c o n d itio n p e u t e n c o r e r e c e v o i r
son a c c o m p li s s e m e n t , p a r e e q u ’au m o y e n de la saisin e a tt a c h é e a u x actes
e n t r e - v i f s , le d ro it q u i en résu lte a fait p a rtie des b ie n s d u t r a n s m e t t a n t ,
d è s le t e m p s m ê m e d e l’acte. Il n’ est pas n é cessa ire p o u r cela d e d o n n e r
à la cla u s e a u c u n e e x t e n s i o n , p a r e e q u e c ’est la loi s e u l e , la fo r c e d e la sai
s i n e , et non pas l ’in ten tio n p o sitive d e t r a n s m e t tr e , q u i o p è r e la t r a n s
m ission. Il est vra i q u e la saisine e l l e - m ê m e d é p e n d en q u e l q u e
sorte
de
l ’inten tio n d u s t i p u la n t ; m ais c’ est s e u le m e n t en c e sens q u ’ elle ne s’ a p
p l i q u e qu^aux d ro its q u e les p a rtie s o n t eus en v u e , et p o u r les cas q u ’ elles
o n t e x p r im é s . D u r e s t e , u n e fois q u e la c o n d itio n p r é v u e p a r les pa rties
est a r r i v é e , il d e v i e n t co n s ta n t q u e la saisine a eu lieu ab inilio,. et q u e la
transm issio n s’en est s u i v i e , sans q u e l e s s li p u l a n t s y a ie n t s e u le m e n t p en sé.
Il ne p o u r r o i t y a v o i r d e q u e s tio n q u e s u r le p o i n t d e sa v o ir sou s q u e l le
c o n d itio n les p a rtie s o n t e n t e n d u co n tra cter^ si c’ est s e u l e m e n t sous la
c o n d itio n e x p r i m é e d an s l’a c t e , o u si c ’ est e n c o r e sous la c o n d itio n d e la
s u r v i e d u s t i p u l a n t ; m ais p o u r s u p p l é e r c e l t e s e c o n d e c o n d i t i o n , lo r s
q u ’elle n ’est pas e x p r i m é e , il f a u d r o it a jo u te r à la le t tr e d e la c l a u s e : o r
c ’est ce q u e la p lu s g r a n d e r i g u e u r n e p e u t pas a u t o ris e r .
S E C O N D E
P A R T I E .
Décisions (les docteurs et des lois sur la transmission du
retour conventionnel en particulier.
A u ss i F o n t a n e lla d é c i d e - t - i l a f f i r m a t i v e m e n t (pie le r e t o u r c o n v e n t i o n -
n c pactis
n c l passe a u x h é r itie r s d e c e lu i q u i l’a s t i p u l é , q u o i q u e la co n d itio n d u
r e t o u r ne s 'a c c o m p lis se q u ’uprès son d écès. E t quann’is non esset dictum
nisi <juod rcverlcrentur bona douai a ad do/mtorem , nihilominùs
6lo9,a J*>
�( 64 )
reverli debuissent ad ejus hœredem , ilio ante donatarium defuncto ,
si pos tea adimpleretur conditio, quia conlractus conditionalis transmittitur ad hceredes; ex v u l g a r i p a r a g r a p h e ) , E x condilionali.
Il s’o b j e c t e la loi Q uod de pariter , ff. de rebus dubiis, q u i p a ro ît s u p
p o s e r le co n tr a ir e ( i ) ; niais il r é p o n d a v e c B a r t h o le et les g lo ssaleu rs , q u i
d e p u i s ont é té su ivis p a r M e P o t h i e r en ses P a n d e c t e s J u s l i n i e n n e s , q u e
c e l t e loi n e d é c i d e pas la q u e s tio n d e r e t o u r d o n t il 11e s’agissoit p a s , mais
s e u le m e n t u n e q u e s t i o n d e s u r v i e , s a v o i r , q u i des d e u x de la m è r e ou de
la fille , p é r ie s p a r m ê m e a c c i d e n t , é to it cen sée a v o ir s u r v é c u : Q uod de
pariter mortuis tradavimus in aliis agitatimi est ut ecce, etc. -, q u ’à la
v é r i t é , la d écisio n s u r la q u e s tio n d e s u r v i e p r é s u p p o s o le r e t o u r d o n t il
s’ agissoit non t r a u s m i s s i b le , m ais q u ’ a p p a r e m m e n t le s t i p u la n t a v o it e x
p r i m é , c o m m e se c o n d e c o n d itio n d u r e t o u r , l ’é v é n e m e n t d e sa s u r v i e , et
q u e l e ju risc o n su lte a u r a n é g lig é d e r a p p o r t e r c e l t e c i r c o n s t a n j p , p a r c e q u ’ elle n’éto it pas r e la tiv e à la q u e s tio n p r i n c i p a l e , ainsi q u e cela se vo it
f r é q u e m m e n t d an s les lois d u D ig e s t e et d u G o d e .
C e l t e i n t e r p r é ta t io n lu i p a ro ît d ’a u t a n t p lu s n é c e ss a ir e , q u e sans cela la
l o i Q uod de pariter c o n l r e d i r o i t m a n i fe s t e m e n t la d isp o sitio n a b s o lu e e t
i m p é r a t i v e d u p a r a g r a p h e E x condilionali , su r la transm issio n de t o u te
e s p è c e d e stip u la tio n c o n d itio n n e lle , et les d écisio ns d es lois Caius et ^ivia
( d o n t il sera p a rlé t o u t-à -l’ l i e u r e ) , su r la transm issio n d u r e t o u r en p a r
tic u lie r .
11 est
vrai q u e P a u l d e C a s t r e s , C o v a r r u v i a s et M e n o c h iu s o n t pris la loi
Q uod de pariter d an s u n sens to u t d iffé r e n t. Ils en o n t c e n c l u q o e la sti
p u la t io n d u r e t o u r d e la d o t p o u r le cas d u d é cè s d u m a r i o u d e la fe m m e
pendant le mariage r e n f e r m o it ta c it e m e n t la c o n d itio n d e la s u r v i e d u
s t i p u la n t : habet ista stipulatio tacitam conditionem , st stipulator su-
pen'ixcrit ; m ais ils sont o b lig és d e c o n v e n i r en m i m e t e m p s q u e c e t t e
(1) Quoil de parilcr mortui» tractavimus ¡11 aliis agitatimi e»t ut eccc: Si mater stipulata c»t dotem
k marito, morlui filiâ in matrimonio libi rrddi, et «imul cùm Filia periit, au ad liæredem malrit
aclio ex »tipulatu competerci ?et divu» Pin» rcicripjil non eue comtimiam stiptilalioncm , quia
maicr l'ilia 11011 »npervixil; itom quæritur »i extraneus qui dotem »(ipulatus c»t, »imnl cmn marito
decencril, vd cum eâ propter quam »tipulatu» e»»et, an ad hæredem actio competerei ?
�(
65
)
d é c isio n q u ’ ils s u p p o s e n t à la loi Q u od de pariler est sin g u lière et sans
e x e m p l e : Casus est singularis in istâ lege, d it P a u l d e C a s t r e s , nec re-
cordor alibi hoc vidisse: e n c o r e d u m o i n s , a j o u t e - t - i l , lo r s q u e le r e t o u r
est p o u r a v o i r lie u d an s le cas d u d é cè s d u m a r i pendant le mariage , i^
s e m b le q u e l a f a v e u r d e s m a r ia g e s fu tu rs p e u t fa ire p r é f é r e r la d o n a ta ire
s u r v i v a n t e a u x h é r itie r s d u d o n a t e u r , afin q u e l le a it u n e d o t p o u r se
r e m a r i e r , c e q u i es t d e l’in t é r ê t p u b l i c . I n hoc major ratio quant in
p r im o , scilicetfavore dotis ut e x eü millier possit iteruin nubere. M ais
l o r s q u e le r e t o u r est s tip u lé p o u r le cas d u d e c e s de la f e m m e pendant le
mariage, il n’y a pas m ê m e raison d e f a v e u r ( a m o in s q u e c e n e soit p o u r
fa v o r is e r le s e c o n d m a r i a g e d u m a ri s u r v i v a n t ) ;< sed in prim o casu
non sic.
S i n o n o b s t a n t ces raison s p é r e m p t o i r e s , P a u l d e C a s t r e s e t scs s e c t a
teu rs o n t p ersisté d an s l e u r i n t e r p r é t a t i o n , i l n e f a u t ’p a s c r o i r e q u ’ ils a ie n t
e n t e n d u p o u r cela se d é p a r t i r des d é cisio n s d u p a r a g r a p h e E x condition
nait e t d es lois Caius et A v ia . Ils c o n v i e n n e n t q u ’e n g é n é r a l le r e t o u r
c o n v e n t i o n n e l est t râ n s m is sib le c o m m e t o u te a u t r e s t i p u la t i o n c o n d i t i o n
n e lle ; s e u le m e n t ils e n e x c e p t e n t l e cas p a r t i c u l ie r q u ’ ils s u p p o s e n t d an s
la loi Q uod depariter, c’e s t - à - d i r e , c e l u i o ù le r e t o u r a été s t ip u lé p o u r
a v o i r l i e u , moriuâ fih â i n m a t r i m o n i o , o u mortuo i n
m a tr i-
m o n io marito; d e so rte q u e l o r s q u e le r e t o u r est s t i p u lé sous t o u te a u t r e
c o n d itio n q u e c e lle d u d écès d u m a r i o u d d la f e m m e ' pendant le m a
riage , /JV Mu4. t r i m o n i o ,* l o r s q u e , p a r e x e m p l e , c o m m e d a n s n o t r e
e s p è c e , il est r é s e r v é p o u r le cas d u d écès d e la f e m m e nort précisément
pendant le mariage, m ais en g é n é r a l p o u r le cas d e son d é c è s san s e n
fa n t s , p e n d a n t le m a r ia g e o u en v i d u i t é , a l o r s , s u i v a n t les m ê m e s d o c
t e u r s , les p r i n c i p e s r e p r e n n e n t l e u r e m p i r e , la t ra n s m is sio n d u r e t o u r
s’o p è r e de plein d r o i t , o n n e s o u s - e n te n d plits la c o n d i t i o n d e la su r v ie d u
d o n a t e u r , e t l’on s u it sntMrdiiTicullé les règlds gériérales stir la transm ission
des s tip u la tio n s c o n d i t i o n n e l le s , et n o t a m m e n t les d écisio ns des lois Caius
e t A via.
C e t t e 'd o c t r i n e se t r o u v e fo rt b ie n e x p l i q u é e pat- P i e r r e D à r b o s a , c h a n
ce lie r d e P o r t u g a l , l’un d es p r i n c i p a u x s e c ta te u rs d e P a u l d e C a str e s. C ’est
9
�sur la loi C a iu s, iF. soluto m atrim onio, versiculo quod ciim ila. A p res
avoir c o n clu de cette loi <Tt de la loi udvia, co d ice de ju r e dotiuin, q u e
le re to u r conventionnel est transm issible, il s’ob jecte la loi Q u o d d e p a -
riter, q u ’il entend dans le m êm e sens que P a u l de Castres, C ovarru vias
et M en o cliiu sj mais il y ré p o n d en disant q u e cette loi n ’a lieu que p our
le cas particulier dont-il y est p a rle, lorsq ue le reto u r doit a voir lieu m or-
tud IN M A T R I MO N I O Jiliâ. N equ e obstat dicta le x Q u o d de pariter,
quia ïoquitur quando quis stipulatur dotem sibi red d i, mortud i n
M A T R iM O N lo J ilid ; nam tune tacila subintelligitur conditio supervivenliœ , ut ibi tradunt doctores; sed si generaliter concepta sit stipu
lation procederet id q u o d sentit is textus cum sim ilibus.
A in si la loi Q u o d de p ariter, de q u e lq u e m an ière q u ’on veuille l ’en
t e n d r e , est sans application à notre e s p è c e ; car il ne s’agit pas dans la
cause de retour stipulé p o u r avoir l ie u , m ortud IN M A T R I m o n i o J iliâ.
D ’ailleurs le mari ne gagnant plus la dot par sa s u r v ie , com m e dans l’a n
cien d r o it, la faveur de son m ariage fu tu r ne milite plus contre les lie n tiers d u d o n a te u r , et l’intérêt p u b l ic n’est plus com prom is p ar la trans
mission. E n vain diroit-on q u e le mari su rviv an t profite encore a ujour
d’h u i , à cause de la c o m m u n a u té , de la moitié de la som m e constituée en
dot à sa fem m e. Il faudroit au moins q ue la som m e n’eût pas été stipulée
p r o p r e de co m m u n au té : or, dans l’espèce de la cause, les
3o,ooo
liv. don-
ue'es p a r le sieur L h éritier ont été stipulées propres.
Il n ’en est pas des lois Caius et A via, c o m m e de la loi Q uod de p ari-
ler. Elles sont toutes d e u x très précises p our la question qui nous divise.
Dans la prem ière ( i ) , il s’agissoit d ’une dot donnée au m ari p ar l’aïeul
(l) Caïii» Seïus avm maternui Seïæ ncpli quæ erat in palri» poleilate, certain pecuniæ (juantila1cm dolis iiominc Lucio Titio marito dédit, et instrumcnlo dotali ejiumodi paclmn et alipulationcm coinplexus csl, *i inter Titium Lucium marilum et Sciaiu divoçtuim«incculpa mulieris factum
e»»et, do» omni» uxori vel Cai'o Seïo avo tnalerno rcdderctur reslihienlurque. <^u*ro, ciim Seïu»
avm malermi» ttaliin vità diTunctu» »it, et Scïa
sine etilpu mà divertir t, \ivo pâtre ma
>» cujui potcslale est, a» et ciù aclio ex hoc pacto et slipulationc compelat, et utriim liturrdi av
inalttm ex itipulatu, au uepti? Ilc»]>ondi ni penona nmilim ncpli» videri iiiulililer ttipulatiourm
tu« loiicepuin , «piouiam avu» inalermis «i ttipul; tu» propomlur ; quod_ciim ila e»t, lnmdi $iipulatori», «jviaudocuiuquc direrterit muiicr, aclio competcrc videtur.
�(
67 )
m a t e r n e l de la f e m m e , et p a r c e l u i - c i s t i p u lé e re'versible a u p r o fit de la
f e m m e , o u de l u i d o n a t e u r , en cas d e d i v o r c e sans la fa u te d e la f e m m e .
L e d iv o r c e a r r i v a , m ais le d o n a t e u r q u i s’éto it r é s e r v é l e r e t o u r ( d u m oin s
en s e c o n d ) é t o it p r é d é c é d é , n o n o b s t a n t c e p r é d é c è s , le ju r is c o n s u lt e
( s u p p o s a n t n u lle la stip u la tio n faite en p r e m i e r a u p r o f it d e la fe m m e ,
quia nem o altcri stipularipotest) d é c id e q u e les h é r i t i e r s d u d o n a t e u r
d o i v e n t p r o f it e r d u r e t o u r en q u a lité d e t r a n s m is s io n n a ir e s , c o m m e a u r o i t p u faire le d o n a t e u r lu i- m ê m e . Quocl cùm ita est, hceredi stipulatoris, quandocum que divcrtcrit rnulicr, actio cornpelere videtur.
L a loi ¿Lvia n’ est pas m o in s ex p resse. L a q u e s tio n e to it d e s a v o ir si le
r e t o u r d e la d o t , n ’a y a n t été r é s e r v é q u e p a r u n s im p le p a c t e , et n o n p a r
u n e st ip u la t io n en f o r m e , il é to it t r a n s m is sib le a u x h é r itie r s d u d o n a t e u r .
L ’e m p e r e u r r é p o n d q u ’il fa u t d is t in g u e r si la d o t , d o n t le r e t o u r a été
r é s e r v é p a r le p a c t e est u n e d o t p r o f e c t i c e , ( c ’e s t - à - d i r e d o n n é e p a r c e l u i
q u i a la p u iss a n ce p a te rn e lle ) o u si elle est a d v e n t i c e . L o r s q u ’ elle est p r o
fe c t i c e , c o m m e en ce cas le d o n a t e u r est a ss u ré d u r e t o u r lé g a l q u i n ’es t
p a s t r a n s m is s ib le , on s u p p o s e q u ’il s’en est c o n t e n t é , e t q u e c’est p o u r
ce la q u ’il n ’a p a s eu r e c o u r s à u n e st ip u la t io n en f o r m e ; m ais l o r s q u e la
d o t est a d v e n t i c e , telle q u e ce lle d o n n é e p a r l e s é t r a n g e r s o u les a s c e n
d a n ts m a te r n e ls q u i n e p e u v e n t pas p r é t e n d r e l e r e t o u r l é g a l , a lo rs le r e
t o u r q u i en a été r é s e r v é p a r u n s im p le p a c t e est t r a n s m is s ib le a u x h é r i
tiers d u d o n a t e u r . A via tua corum q u c e p ro fd id tua in dotem d é d it ,
etsiverborum obligatio non interccssit , actioncm ex Jid e convcntionis
ad te , si hœres extitisti, transmittere p o tu it, nec cnim cadem causa
est patris et matris pacisccntium ; quippe matris p a ctu m actioncm
prœscriptis verbis constituit; p a tris , dolis actionem conventione sim p lici minim e creditur innovare.
Q u e l q u e cla ires q u e so ie n t ce s d e u x l o i s , il s’ est c e p e n d a n t t r o u v é
u n d o c t e u r ( i ) q u i , p o u r les c o n c i l i e r a v e c la d é c is io n a t t r ib u é e p a r P a u l
d e C a stres et a u tr e s à la loi Q uod de pariter , a essayé d e l e u r d o n n e r u n e
a u t r e i n t e r p r é t a t i o n . P a r e x e m p l e , il s u p p o s e q u e d a n s l ’e s p è c e d e l à loi
(ijlia r th c le m i S ocin, sur la loi Q u o d <U p a r ittr.
�( 68 )
A v i a , la d o n a t r i c e a v o i t s u r v é c u à l’o u v e r t u r e d u r e t o u r q u ’elle s’éto it
r é s e r v é , e t p a r r a p p o r t à la loi Caius , il p r é t e n d q u e c ’ est la st ip u la t io n
e x p r e s s e fa ite e n p r e m i e r a u p r o fit d e la f e m m e m a r ié e q u i a fait p r é s u
m e r d e la p a r t d u d o t a te u r ( p o u r l e r e t o u r s t ip u lé e n su ite à son p r o fit )
u n e d é ro g a tio n à la d isp o sitio n p r é t e n d u e d e la loi Q uod de paritçr ;
m a is c e t t e d o u b l e s o lu tio n se r é f u t e d ’e l le - m ê m e . E n e ffe t, p o u r ce q u i
e s t d e la p r e m i è r e , il est s e n s ib le q u e si la d o n a t r ic e a v o i t s u r v é c u , il n’y
a u r o it p a s e u d e d is tin ctio n à faire e n t r e le p a c t e d e l’a s c e n d a n t m a t e r n e l
e t celu i d u p è r e , p o u r d é c l a r e r le p r e m i e r t ra n s m is sib le , et n o n p a s l ’ a u t r e :
to u s les d e u x a u r o i e n t é t é é g a l e m e n t t r a n s m is s i b le s , p u i s q u e le r e t o u r
m ê m e lé g a l se t r a n s m e t , l o r s q u ’u n e fois il a é t é a c q u is a u p è r e p a r sa s u r
v i e . A l ’é g a r d d e la lo i Caius , il n ’est pas p o s s ib le de c o n c e v o i r q u e la
c ir c o n s t a n c e d e la s t i p u la t i o n e x p r e s s e d e r e t o u r faite e n p r e m i e r au p r o fit
d e la f e m m e a it p u in flu e r a u c u n e m e n t s u r la t r a n s m is sib ilité d e ce lle
fa ite e n s e c o n d p a r l e d o t a t e u r a u p r o f it d e lui-m êm e,* il est é v i d e n t q u e
la d é c is io n d e la loi a u r o i t é t é la m ê m e , q u a n d c e t t e c ir c o n s t a n c e n e s’y
sero it p a s t r o u v é e .
A u s s i cet a u t e u r finit-il p a r r e c o n n o î t r e q u e ces s o lu tio n s s o n t p lu s s u b
tiles q u e solides^ et q u ’il fa u d r o it b i e n se g a r d e r d e les s u i v r e d an s la p r a
t i q u e , d an s les j u g e m e n t s : cogita famen </uia pulc/ira est conclusio ,
NON T A M E N FORTE TN J U D I C A N D O ESSET A B A L I A O P IN IO N E
RECEDENDU3I.
E t e f f e c t i v e m e n t , com m e il le d it fo r t b i e n a u m ê m e e n d r o i t , si c e
n ’ étoit le d o u b l e sens d o n t la loi Q u od de panier p;iroît s u s c e p t i b l e , il
n ’y auro it p a s u n seul d o c t e u r d a n s t o u t le m o n d e e n li e r q u i n’o p iïia t p o u r
d u r e t o u r c o n v e n t i o n n e l d a n s tous les cas. N o n esset
la transm issio n
doctor in mutido qui contrarium non consuleret, si non vulisset istum
texlum .
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0 1
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1
E.
E xa m en de la Jurisprudence.
S u i v a n t P a p o n , a u l it r e d es D o n a t i o n s , a rt.
38 ,
il a é té j u g é </uc
la rétention Jaitc p a r un donateur, (juc si le donataire meurt sans en-
�{
69 )
Ja n ts , la chose donnée retournera au donateiu' sans faire mention
des s ie n s e s t réelle et non personnelle , pa r ainsi transmissible à l’hé
ritier du donateur} s’il se trouve m ort , lorsque la condition d’icelle
rétention advient.
a 0 M. M aynard,
1. 8. c. 33. r a p p o r t e
q u c ' p a r s e n t e n c e d o la s é n é c h a u s
sée d e L a u s e r r e , le r e t o u r s t i p u l é p a r u n o n c l e d o n a t e u r a u p a y s d e Q u e r c i ,
p o u r le cas d u d é c è s d e so n n e v e u d o n a ta ire sa n s e n f a n t s , l e d i t ca s é t a n t
a r r i v é , q u o i q u 'a p r è s le d é c è s d u d o n a t e u r , fu t j u g é t r a n s m is s ib le a u x
h é r itie r s d u d o n a t e u r , nonobstant le défaut de ce mot sien ou autre
équip oient.
3°
L e m ê m e M . M a y n a r d r a p p o r t e q u e s u r l 'a p p e l d e c e tte s e n t e n c e
p a r a r r ê t r e n d u à son r a p p o r t , a u m o is d e j a n v i e r i S 7 4 5 c o n f i r m a t i f d e
la s e n t e n c e , le r e t o u r f u t a d j u g é a u x h é r itie r s d u d o n a t e u r .
4°
F o n l a n e l l a n o u s a ss u r e q u e la m ê m e c h o se a été j u g é e c o n t r e l u i -
m e m e , le 10 a v r il 1 6 0 9 , p a r le c o n s isto ir e d e la p r i n c i p a u t é d e C a ta lo g n e .
Conatus f u i defendere quod non poterant ( d o t e m v i n d i c a r e h rere d es
d o n a to ris p r æ m o r t u i )fundans intentionem indispositione legis Q u o d de
p a r i t e r , et eorum quee super ea dicunt superiiis allegali de subinlelli-
gentid condilionis superviventiœ, sed non potui oblinere; irno décla
ration f u i t expresse sub die 10 A p rilis anno 1 6 0 9 , infavorem hœred u m ; e t cela p a r c e q u ’il n ’y a v o it p a s d e p r e u v e q u e le d o n a t e u r e û t
lim i t é le r e t o u r a u cas d e sa s u r v i e , sumendo expresse motivum quùd
non constaret canceptam fuisse stipulationein respectu’reversionis ad
donatorem, si isfiliœ supervixisset, ac proindè regulando emn casuni
e x dispositione paragraphi E x c o n d itio n a li sunpliciter conccdenii
transmissionem ad hcâredes} quando non adest expressa condilio
superviventiœ.
5» L a m ê m e ch o se a e n c o r e é t é d é c i d é e d an s l ’e s p è c e p r é s e n t e p a r M e*
13la r u , N o r m a n d , L e C l e r c d e V e a u d o n n o e t G u é a l i x d e l l e v e r s c a u x , c o m
m issaires n o m m é s p a r le co n seil p o u r j u g e r les co n tes ta tio n s rela tiv es à la
s u cc essio n d u sieu r L h é r i t i c r d o n a t e u r . E n c û b l, p a r l e u r a r r ê t de p a r t a g e ,
ils o n t r é s e r v é a u x p a r t i e s , p a r u n a c t e s é p a r é , l’e s p é r a n c e d u r e t o u r sti
p u l é p a r le s ie u r L h é r i t i c r en ces t e r m e s : les parties ont encore Vespé
rance , le cas arrivant, de la réversion de la somme de 3 oqoo livres
�(■ 7 °
)
donnée en dot p a r le sieur Lhéritier père à m adam e la m arquise de
R a v ig n a n , sa ( b e l le ) nièce.
6°
E nfin la sentence don t est a p p e l , re n d u e sur les plaidoiries solen
nelles des parties p e n d a n t c in q a u d ie n c e s , a juge' en faveur des héritiers
d u do n ate u r, sur le fon dem en t q ue la condition ex p rim é e p a r l e do n a
te u r p o u r donner lieu au .retour s’étoit vérifiée : attendu le décès de la
dem oiselle R a c in e , veuve D am p us, sans enfants.
L e marquis de M esmes auroit bien v o u lu p o u v o ir opposer à cette suite
de décisions q u e lq u es décisions contraires capables de les balancer. Mais
q uelqu es recherches q u ’il ait p u fa ir e , il ne lui a pas été possible d’en
p ro d u ire u ne s e u le ; en vain e x c ip e - t-il de l’arrêt rap p orté p a r M o r n a c ,
a u titre de dote profectitia. Il y étoit question d u retour d ’une dot cons
tituée par un p ère naturel à sa fdle b â t a r d e , et p ar conséq uen t profectice,
c om m e le dit M o r n a c lu i-m ê m e et com m e le p ro u v e fort bien H c n r y s ,
].
6 . c. 5 . part. 3o,
où il établit q u e le retour légal a lieu au profit d u père
naturel p o u r la dot p a r lui co nstituée, co m m e e'tant censée profectice ,
à cause de l’obligation où il est de d o t e r ; or il ne s’agit p o in t ici d ’une
dot profectice.
D ’ailleurs, si l’on exam ine bien l’espèce de l’arrêt d e M o r n a c , on verra
q u ’il n’est pas même précis p o u r le cas de la dot profectice. E n effet, M o r
n a c dit lui-m êm e q u e le retour avoit été stipulé seulem ent p o u r le cas du
de'cès de la fille sans enfants. O r , la fille n’e'toit pas décédée sans enfants,
p u is q u e ses enfants lui avoient su rvé c u . D ecesserat presbyter p o s -
TEAQUE S PU R I A AC LIBERT. Il est vrai q ue les enfants éloient d é
cédés sans enfants, et c ’est a p p a re m m en t sous ce p n itex te que les héri
tiers du prêtre dotnteur reven d iqu oien t la d o t , en éten da n t la condition
du décès sans e n fa n ts , au cas du d é c è s , et des enfants sans enfants.
M ais c o m m e l’ont fort bien ob servé R ic a r d et le Journaliste des A ud ien ce s,
les stipulations en général et celles de retou r en p articulier étant de droit
¿ tr o it, ne doiv e n t pas être étendues d’ un cas à un autre. D ès-lors , on ne
pouvoit pas a d ju g e r le retour a u x héritiers du prêtre dotatcur. L u i-m ê m e
auroit Cté exclus à défaut d ’é vén em en t de la condition p r é v u e ( i ) .
(0 AgiVtiu
Ov l’rcibylcro qui cùm dmurct filia- »purin: 3oo aur«o> in<lol«Ri, condilionn«
�( V
)
S i des j u g e m e n t s n o u s passon s a u su ffra g e d e s a u te u r s fr a n ç a is , n o u s
v e r r o n s q u e la q u e s tio n y est to u jo u r s d é c id é e u n i f o r m é m e n t en f a v e u r
des t r a n s m is s io n n a ir e s , n o t a m m e n t l o r s q u e la d o n a tio n est faite p a r a u
tres q u e les a s c e n d a n ts ( c o m m e p a r e x e m p l e p a r u n b e l - o n c l e ) , n o t a m
m e n t lo r s q u e le d o n a t e u r , éta n t p lu s â g é q u e le d o n a t a i r e , a c e p e n d a n t
p r é v u n o n s e u l e m e n t l e d écès d u d o n a ta ire sans e n f a n t s , m a is e n c o r e le
d écès d e scs en fants sans en fants ou a v a n t l e u r m a jo rité .
L a réversion conventionnelle , d it L e B r u n , t r a ité d e s S u c c e s s i o n s ,
1.
i . c . 5 . sect. 2 } passe a nos héritiers si nous ne l’avons limitée, ce qui
se f a it quelquefois, en ne la stipulant qu'au cas du prédécès du do
nataire ; mais quand nous l’avons stipulée simplement au cas du dé
cès du donataire sans enfants , alors nous avons parlé pour nos hé
ritiers ou ayants-cause.
Quant à la réversion conventionnelle, d i t L a c o m b e , au m o l R é v e r
sion , elle ne concerne pas moins les héritiers du donateur qui l’a sti
p u lé e, que sa personne même. N a m pleru m qu e ta/n hœredibus no'stris quant nobisine/ipsis cavemus, i. g . d e P r o b . s lin s is i un ascendant
fa it donation h son fils ou à sa fille , à condition de réversion, si le
donateur meurt sans enfants, les choses données passent a u x héri
tiers du donateur prédécédé, si elle n’a été limitée.
L e retour conventionnel, d it f a u t e u r d e la n o u v e l l e c o lle c tio n de J u
r i s p r u d e n c e , au m o t R e t o u r , n’a d ’autres règles que celles de la con
vention ................ et comme les conventions passent in liæ r e d e s et a d
h æ r c d e s , il s’ensuit que si le donateur prédecède , la réversion doit
appartenir à ses héritiers qui le représentent, lorsque la condition
sous laquelle elle est stipulée est arrivée, à moins que la réversion
n’eût été stipulée personnelle, et qu'elle n’ait été limitée p a r des clauses
qui l'empêchent d’être transmise a u x héritiers.
Ï J o m a l , crt son traité d es L o i s C iv ile s s u r le R e t o u r , a p rè s a v o ir d é c i d é ,
illam labulis nuptiaUbus adjcccrat(ii siile liberis filia decesaerit, do» ad *e reverlerelur) nullà faci«
mcntioue Increduli). Susceplì crani liberi ex co matrimonio quibii* mperatilibu» decesserat PresbyIcr, postfà^uc spuria ac liberi re dim i htcrcdn rrc»bylm dytem illam utjprofecliliamex clan*
«ulA revcrtioni»....à politiouc iiU «liminoli iuut.
�(
72 )
c o m m e l o u s les a u t e u r s c i- d e s s u s c i t e s , q u ’e n g én ér a l le r e t o u r stip u lé
p a r un a s c e n d a n t o u t o u t a u t r e d o n a t e u r d o i t se r é g le r c o m m e les a u tr e s
c o n v e n t i o n s , e t n o n à l ’in s ta r d u r e t o u r l é g a l , a jo u te q u e cela est encore
p lu s ju s te p o u r les donateurs autres que les ascendants. L a raison
q u ’il en d o n n e est q u e les d o n a t e u r s é t r a n g e r s ( t e l q u ’ éto it le sieu r L h é r it ie r p a r r a p p o r t à la d e m o is e lle R a c i n e , sa b e l l e - n i e c e ) , n’a y a n t p a s la
m ê m e a ffectio n p o u r la fam ille d e le u r s d o n a t a i r e s , on p r é s u m e encor.e
p l u s a is é m e n t d ’e u x q u e d es a s c e n d a n t s , q u ’ils o n t v o u l u p r e f é r e r le u rs
p r o p r e s h é r itie r s à la faniille de c e lu i c o n t r e l e q u e l ils o n t s t ip u lé le r e
to u r .
E n f i n , s u i v a n t l l e n r y s , q u o i q u ’on g é n é r a l le d o n a t e u r , m ê m e a s c e n d a n t,
q u i se r é s e r v e le r e t o u r soit ce n sé le faire tan t p o u r lu i q u e p o u r ses
h é r i t i e r s , c e l t e p r é s o m p t io n lég a le d e v i e n t b i e n p lu s fo rte e n c o r e , lo r s
q u e , c o m m e d an s n o tre e s p è c e , il a p r é v u n o n s e u l e m e n t le d é c è s d u d o
n a ta ir e sans e n f a n t s , m ais e n c o r e le d é c è s d e ses e n fa n ts a v a n t l e u r m a
jo r ité . E n effet , d it - il , quoique le père survivant , l’ordre de la nature
en soit troublé, c'est pourtant chose assez com m une , mais qu'un
père p ense survivre à sa fille et a u x enfants qu’elle p eu t laisser, qu 'il
étende si loin sa p e n sé e , c’est ce qu’ on ne peut pas présumer. D o n c ,
ajoute-t-il, quand le père a stip u lé que la dot serait réversible, s i sa f ille
décédoit sans enfants ou scs enfants sans enfants, il ne s ’est-pas
persuadé que tout cela prtt arriver lu i vivant, et p a r conséquent il a
bien entendu que cette stipulation f û t aussi bien profitable h ses héri
tiers qu'à lui-m êm e, autrem ent il n ’auroit pas eu une visée si longue,
et s’il n’avoit cru que de stipuler le t'Ctour p o u r lu i, il en auroit res
treint la condition et les termes. I l se scroit'contenté de parler du p ré
décès de sa fille sans enfants, et il n ’auroit p as ajouté.et de ses enfants
sans enfants.
L e m a r q u i s d e M e sm e s o p p o s e à ces a u t o r i t é s le s e n tim e n t d e B o u c h e u il, d e l î r c t o n n i e r s u r l l e n r y s , et d e M r . L a R o u v i è r e ; m ais C o u c h e u il
ne se d é c i d e q u e d a p r è s l ’a r r ê t d e M o r n a c , q u i , c o m m e n o u s l ’a v o n s v u ,
i»’a pa*. dq r a p p o r t à l ’c s p è c c . B r c t o n n i c r so d é c i d e sans d o n n e r aucun*raison de .son a v i s ; am.si o n 11« p e u t pns d e v i n e r q u e l a été son m o t i f :
�( 73 )
d ’a ille u r s , l’e s p è c e s u r l a q u e l l e il d o n n e s o n a v i s , q u i est ce lle d e H e n r y s ,
est b i e n d i f fé r e n t e d e la n ô t r e , o ù l e d o n a t e u r est u n b e l - o n c l e , et p a r
c o n s é q u e n t u n é t r a n g e r ; a u lie u q u e d a n s l ’e s p è c e d e I i e n r y s , c ’ est u n
p è r e a ss u r é d u r e t o u r lé g a l d e la d o t p r o f e c t i c e p a r l u i d o n n é e . P a r r a p
p o r t à M e. L a R o u v i è r e , il n e d e v r o i t p l u s ê t r e n o m m é d a n s c e t t e c a u s e ,
d ’a p r è s les p r e u v e s q u i o n t é té a d m in is tr é e s a u c h â t e l e t , q u e c e t a u t e u r
n ’a p a s c o n n u les p r e m i e r s p r i n c i p e s d e la m a l i e r e , et q u ’ il n ’a p a s e n
t e n d u les d o c t e u r s p a r l u i cités.
C O N C L U S I O N .
N o u s n e c r o y o n s p a s q u ’il reste la m o i n d r e d if fic u lt é d a n s c e t t e c a u s e ;
c a r il 11c f a u t p a s r e g a r d e r c o m m e telle l’o p i n i o n iso lée d e d e u x a u t e u r s
i n d u it s en e r r e u r p a r des a u t o r i t é s m a l e n t e n d u e s . C ’est t o u j o u r s a u x
p r i n c i p e s q u ’ il en f a u t r e v e n i r . O r , les p r i n c i p e s é lé m e n t a i r e s d u d r o i t ,
' c e u x d o n t n o u s a v o n s é t é r e b a tt u s d a n s les é c o l e s , e t q u i r e te n tis s e n t
j o u r n e l l e m e n t d an s les t r i b u n a u x , s o n t q u e les st ip u la t io n s c o n d i t i o n
n e lle s se t r a n s m e t t e n t à l’h é r i t i e r d u s t i p u l a n t , n o n o b s t a n t le p r é d é c è s d e
c e l u i - c i , q u e les a c te s e n t r e - v i f s , m ê m e c o n d i t i o n n e l s , o p è r e n t la sa isin e
in inslanli, q u e les c o n d itio n s y o n t u n effet r é t r o a c t i f , q u e , s u i v a n t la
r è g l e le mort saisit "le v i f \ les h é r itie r s s u c c è d e n t à t o u s les d ro its d o n t
l e u r a u t e u r est d é c é d é s a i s i , q u ’ ils n’ e n p o u r r o i e n t ê t r e p r i v é s q u e p a r
u n e v o l o n t é e x p r e s s e d u s t i p u la n t q u i a u r o i t f o r m e l l e m e n t r e s t r e i n t la
s t ip u la t io n à sa p e r s o n n e , q u e c ’est à c e lu i q u i les p r é t e n d e x c l u s à p r o u
v e r l e u r e x c l u s i o n , q u e les c o n v e n t i o n s s o n t t o u j o u r s ce n sé e s r é e l l e s , q u e
la p e r s o n n a lit é n e s y s u p p o s e ja m a is , q u ’ elle d o i t ê t r e p r o u v é e p a r des
e x p r e s s io n s q u i la n é c e s s i t e n t , etc.
L e m a r q u i s d e M e s ni es 11e d o it p a s se fla tter q u e la c o u r d é r o g e en sa
f a v e u r à ces p r i n c i p e s c o n s a c r é s p a r l’a n t i q u i t é la p lu s r e s p e c t a b l e , a d o p
tes p a r to u tes les n a tio n s p o lic é e s e t q u i fo n t u n e p a r t i e essen tielle d e la
législa tio n u n i v e r s e l le e t d u d ro it d e s g e n s .
K n vain v o u d r o i t - i l on é l u d e r l’a p p l ic a t i o n p a r des d is tin c tio n s i m a g i
n a i r e s ; I e s p r it a c t u e l de n o t r e j u r i s p r u d e n c e c s t . d e p r é v e n i r , a u t a n t q u ’ il
est possib le., t o u t e i n c e r t i t u d e d a n s les j u g e m e n t s , en
n’admettant
10
({ue
�C
74
)
d es p r i n c i p e s c l a i r s , et en r e j c l a n t t o u t e s les d is tin c tio n s a r b it r a i r e s q u e
la s u b t i l it é d e s - d o ç t e u r & a v o i l m u lt i p li é e s à l ’infin i. C e sero it a lle r d ir e c t e
m e n t c o n t r e c e t e s p r i t , e t n o u s r e je t e r d a n s le c h a o s a f f r e u x d ’i n c e r t i t u d e ,
d o n t la b o n t é du p r i n c e e t la sa g esse d e la c o u r t r a v a i l le n t to u s les j o u r s
à n o u s r e t i r e r , q u e d ’a d m e t t r e les d is tin c tio n s i m a g in é e s p a r le m a r q u i s
d e M e s m e s p o u r le b e s o in d e sa ca u se .
L e s p r i n c i p e s n e d o i v e n t ê t r e lim it é s q u e p a r d e s e x c e p t i o n s aussi c la i
r e m e n t éta b lie s et aussi n o to ir e s q u e le p r i n c i p e m ê m e . T e l l e e s t , p a r
e x e m p l e , l ’e x c e p t i o n q u ’ u n e j u r i s p r u d e n c e c o n s t a n t e , u n i f o r m e et a y a n t
f o r c e d e loi a é t a b li e p o u r le cas p r é c i s d e la st ip u la t io n d e r e p r is e d e l ’a p
p o r t en c o m m u n a u t é p a r l a f e m m e r e n o n ç a r tte . L a p e r s o n n a li t é d e c e tte
s t ip u la t io n ( i i n i q u e d a n s son e s p è c e , c o m m e l’o b s e r v e M®. P o t h i e r , en
son tra,i.lé<lc& O b l i g a t i o n s , à l ’e n d r o i t d é jà c i t é ) est a ussi n o to ir e q u e la
r é a l i t é de* t o u t e s ,le s a u t r e s ; e t en c o n s é q u e n c e , il n’y a ja m a is d e diffi
c u l t é l p r s q u c le cas d e c e t t e e x c e p t i o n sc p r é s e n t e . Il n ’en est p a s d e
m ê m e d e c e l l e q u ’i m a g i n e a u j o u r d ’h u i le m a r q u i s d e M e s m e s . E l l e n ’est
a u t o r is é e p a r a u c u n e l o i , a u c u n u s a g e , . E n v a in v o u d r o i l - o n l’ass im iler à
la p r e m i è r e . L a d i f l e r p n c e e s t d es p lu s fr a p p a n t e s .
E n e f f e t , la st ip u la t io n d e r e p r is e d e l’a p p o r i en c o m m u n a u t é est c o n
tra ire à to u te s les r è g le s d e l ’é g a l i l é , q u i fait l’a nie des so ciétés . I'-lle c h a n g e
la s o c ié t é d es c o n jo in ts en u n e v é r i t a b l e s o c ié t é léo/imc, o u la f e m m e
est a ssu rée d e s p ro fits sans c o u r i r a u c u n s r is q u e s ; en c o n s é q u e n c e u n e
s t ip u la t io n p a r e il l e se ro it p r o s c r i t e d a n s u n e so ciété o r d i n a i r e , c o m m e
c o n t r a i r e a u d r o i t n a t u r e l . S i e lle es t t o lé r é e d a n s la s o c ié té c o n j u g a l e ,
c ’es t u n i q u e m e n t à c a u s e d e la g r a n d e f a v e u r d e s c o n t r a i s île m a r i a g e ,
q u i a u t o r is e t o u te e s p è c e d e c l a u s e , l o r s q u ’ elle ne va pas j u s q u ’à o ffe n s e r
le s b o n n e s m œ u r s ; a u c o n t r a i r e la s t i p u la t i o n d e r e t o u r n e r e n f e r m e rjeu
q u e d e 1res c o n f o r m e a u x p r e m i e r s p r i n c i p e s d u d r o i t d e s g e n s , é t a n t
p e r m is à t o u t d o n a t e u r d ’im p o s e r à sa l ib é r a li té telle c h a r g e qu 'il j u g e à
p r o p o s . D è s - lo r s 011 n e d o it p a s ê t r e s u r p r is q u e la j y r i s p r u d e n c e d es
arrêta a it d é c l a r é la p r e m i è r e s t i p u la t i o n p e r s o n n e l le , et non pas l’an Ir e .
Q u od contra ju r is ralioncM introductum est , non est produccudm n
adcorucifucntias.
�(
75 )
I n d é p e n d a m m e n t d e c e tte c o n s i d é r a t i o n p a r t i c u l i è r e a u x c la u s e s d e
r e p r i s e , q u i p e u t - ê t r e a p a r u su ffisante p o u r les fa ire d é c la r e r p e r s o n
n elles, il y en a u n e g é n é r a l e tirée d es p r i n c i p e s d u d r o i t , q u i a p u e n c o r e
c o n d u i r e à la m ê m e d é c isio n . C ’es t q u e la c o n d i t i o n so u s l a q u e l l e est s t i
p u l é e la r e p r is e d e l’a p p o r t d e la f e m m e en c o m m u n a u t é , c ’ e s t- à -d ire , sa
r e n o n c ia t io n à la c o m m u n a u t é , est p u r e m e n t potestative é t a n t a u p o u
v o i r d e la f e m m e s t i p u la n t e d e r e n o n c e r o u d e n e p a s r e n o n c e r . O r ,
p r e s q u e to u s les a n c ie n s d o c t e u r s o n t s o u t e n u q u e ces so r te s d e c o n d i
tio n s ( s i petìero , si renuntiavero} e t c . ) é t o ie n t p e r s o n n e l le s et n e p o u
v a i e n t s’a c c o m p l i r q u e d a n s la p e r s o n n e d u s t i p u l a n t , quia videntur
apponi in persond stipulatoris ; et e f f e c t i v e m e n t ce s c o n d i t i o n s p a r o i s s e n t se r é f é r e r d i r e c t e m e n t à la p e r s o n n e d u s t i p u la n t p o u r l e u r e x é c u
t io n . Il n’en est p a s d e m ê m e d u ca s d e d écès d u d o n a t a i r e san s e n f a n t s ,
q u i fait la c o n d i t i o n o r d i n a i r e d u r e t o u r . C e t t e c o n d i t i o n est casuelle, et
n o n p o te s t a t iv e . E l l e n’ est a u p o u v o i r d ’a u c u n e d e s p a r t i e s c o n t r a c t a n t e s .
E l l e es t a b s o l u m e n t extrinsèque à la p e r s o n n e d u d o n a t e u r s t i p u l a n t ;
non apponitur in persond stipulatoris, p o u r n o u s s e r v i r d e s e x p r e s
sio ns d e F o n t a n e l l a . Il n ’y a d o n c a u c u n p r é t e x t e d e la fa ire d é c l a r e r p e r
s o n n e l le , et d ès-lors c’ e s l i n c o n t e s t a b l e m e n t le ca s d ’y a p p l i q u e r les p r i n
c i p e s g é n é r a u x q u i o n t é t é é t a b lis p o u r la t ra n s m is sio n d e s s t ip u la t io n s
c o n d i t i o n n e l l e s , e t n o t a m m e n t la d is p o sitio n d u p a r a g r a p h e E x condi
tionali et d es lois Caius e t A via.
M.
B A R E N T I N , avocat-général.
M e.
L E S P A R A T ,
avocat.
H U R E A U l’a în é , p ro cu re u r.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Delsol, Jean-François. 1809]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bellart
Bonnet
Delvincourt
Lacalprade
Barentin
Lesparat
Hureau l'aîné
Subject
The topic of the resource
successions
avancement d'hoirie
contrats de mariage
substitution
droit de retour
nullité de testaments
fideicommis
jurisprudence
dot
stipulation
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation pour les sieurs Delsol, frères ; contre la dame veuve Vigier-d'Orcet, leur sœur consanguine [suivi de] Arrêt du Tribunal civil de première instance d'Aurillac [suivi de] Précis pour le sieur René-Louis Lhéritier et consors, intimés ; contre messire Joseph, marquis de Mesmes, appelant.
Table Godemel : Retour : 3. peut-on stipuler, dans un contrat de mariage, un droit de retour tant pour une donation que pour une institution ? un droit de retour est-il transmissible aux héritiers du donateur, sans stipulation ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Mame frères (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1809
1760-1809
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
75 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1910
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0531
BCU_Factums_G1911
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53362/BCU_Factums_G1910.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Marmanhac (15118)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avancement d'hoirie
contrats de mariage
dot
droit de retour
fideicommis
jurisprudence
nullité de testaments
stipulation
substitution
Successions