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be2b0dab7e6427c106479f39efad3794
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CONSULTATIONS
P O U R
LES SIEURS DELSOL, FRERES;
CONTRE
LA
DAM E
VEUVE
LEUR
SOEUR
V IG IE R -D ’O R C E T ,
CONSANGUINE.
( V o i r , pour le fait et les questions élevées à ce sujet, la Sentence ci-join te, du 22
août 1808, intervenue depuis la première Consultation, et dont lesdits sieurs D e lsol
sont appelants ; voir en outre (pour plus grand développement des principes consacrés
par l’A rrêt solennel du 17 février 176 7, sur la transmissibilité du retour conventionnel)
la copie ci-jointe du Précis qui a étc imprimé pour lo rs, et auquel renvoient les
Consultations. )
PARIS,
D E L ’I M P R I M E R I E D E M AM E F R È R E S .
1809.
�PREMIÈRE CONSULTATION.
F A IT S E X P O SÉ S.
L
e
S O U S S I G N É , auquel il a été exposé,
Q ue, par le contrat de mariage passé entre le sieur GabrielBarthélemi de Yigier et la demoiselle Delsol de Volpilhac, en
1760 , à Aurillac, le sieur Delsol père a donné à la future sa
fille , ce acceptante , et par avancement d’hoirie , les domaine
et terre Duclaux , en quoiqu’ils puissent consister, aux mêmes
charges et conditions que le délaissement lui en seroit fait el
adjugé, conformément aux demandes par lui formées aux re
quêtes du Palais} et, a défaut d’adjudication de ladite demande
en délaissement, il a donné à ladite future toutes les créances
qu’il avoit à exercer sur lesdits biens en capitaux et accessoires;
Que , par le même contrat , ledit sieur D e l s o l père a en
outre donné à ladite future sa fille la somme de 10,000 liv.,
qui a été délivrée audit sieur futur époux; qu’à l’égard du sur
plus de ses autres biens qui se trouveraient lui rester lors de
son décès, il a promis de n’instituer d’autres héritiers que
ladite future sa fille , sous la réserve de l’usufruit de ces
mêmes biens , qu’il pourrait cependant vendre eL e n g a g e r tant
a la vie qu’à la mort, et sous la réserve en ou tre de pouvoir dis
poser d’une somme de 10,000 l iv ., qui resterait a ladite future,
s’il n’en disposoit [»as ; comme aussi à la charge par sadile fille
de payer Goo liv. de pension à la dem oiselle Lagarde, sa bellc1
�/
( 3 )
mère , si celle-ci survivoit à lui donateur; qu’enfin le sieur
Delsol père s’est réservé expressément (pour le cas où ladite fu
ture épouse décèdei’oit sans enfants, ou ses enfants sans des
cendants et sans avoir disposé valablem ent), le d r o i t d e
r é v e r s i o n , ta n t d e s b ie n s d o n n é s q u e r é s e r v é s , s a n s q u ’i l
p u t ê t r e d é r o g é p a r s a d i t e j i l l e a u d it d r o i t d e r e v e r s io n , p a r
a u c u n e d i s p o s i t i o n , n i a u tr e s a c t e s à c e c o n tr a ir e s ;
Q u’en conséquence, le sieur Delsol père a cru pouvoir dispo
ser du droit de réversion qu’il s’étoit réservé, comme d’un droit
qu’il avoit in b o n is , et faisant-partie de son patrimoine , ainsi
qu’il résulte de son testament fait en 1780, annulé poux vice
de forme seulement, par lequel il appeloit son fils ain e, et
successivement 6es autres enfants, par ordre de primogeniture,
à profiter de ce même droit;
Que ledit sieur Delsol père , décédé depuis, a transmis né
cessairement à ses héritiers tous les droits, même éventuels,
dont il étoit saisi, et, par conséquent, le droit de réversion
qu’il s’étoit réservé expressément pour le cas du décès de sadite
fille sans enfants , et de ses enfants sans enfants, et qu’ainsi ils
ont l’espérance , le cas arrivant, de recueillir, comme effets de
la succession de leur père , les biens dont il a stipulé le retour
à son profit, c’est-à-dirc non seulement ceux qu’il avoit donnés
irrévocablement sous la seule réserve du retour, sans même en
retenir l’usufruit, mais encore ceux qu’il avoit compris dans
rinstitution contractuelle de sa fille, avec réserve de pouvoir les
vendre ou engager (même d’eu jouir en usufruit sa vie durant),
et que cependant il n’a ni vendus ni engagés ;
�Mi
(
3
Avis y relatif.
E s t d ’ a v i s que les enfants et héritiers Delsol sont saisis de
tous les biens et droits dont leur père est décédé saisi, et qu’en
cette qualité ils ont droit, la condition du retour arrivant, à
tous les fonds et créances qu’il a pu donner à sa fille en la
m ariant, tant ceux par lui donnés irrévocablemeut que ceux
pour lesquels il l’a instituée s o n héritière contractuelle, c’est-àdire même à ceux desdits fonds et créances qu’il s’étoit réservé
de pouvoir vendre ou engager, et que cependant il n’a ni ven
dus ni engagés 5
Q u’en conséquence lesdits héritiers, comme propriétaires et
créanciers conditionnels, sont fondés dès à présent, non pas à
intenter aucune action pour revendiquer les fonds en question,
ou pour exiger le paiement des créances dont il s’a g it, mais à
faire tous actes conservatoires de leursdits droits éventuels {art.
i i 80 du Code civil) , notamïnent à requérir toutes transcrip
tions et inscriptions nécessaires dudit contrat de mariage , aux
bureaux de la conservation des hypothèques , dans les arron
dissements desquels sont situés les fonds en question, ou cent
affectés à l’hypothèque desdites créances ; le tout à reflet d'em
pêcher que leur sœur et autres possesseurs desdits fonds, ou
les débiteurs desdites créances, puissent préjudicier aux droits
éventuels de propriété et d’hypothèque des requérants; comme
aussi à défendre à toute demande qui seroit formée contre eux
à fin de radiation desdites transcriptions et inscriptions.
�O B S E R V A T IO N S .
Principes sur la transmissibihté des stipulations
conditionnelles.
Il ne s’agit pas ici d’un retour lé g a l, qui sans doute ne seroit
pas transmissible aux héritiers du donateur décédé avant son
ouverture.
C ’est par convention, par stipulation expresse que le donateur
s’est réservé ce droit pour l’exercer, comme tous ses autres droits,
par lui-mème ou par ses ayants-cause, quels qu’ils fussent, le
cas de la condition arrivant.
A la vérité, ce n’est qu’ une espérance jusqu’à l’arrivée de la
condition, du moins tant qu’il est possible que la condition ar
rive ou n’arrive pas) , e x stipulatione conditionali tantiim
spes est debitum ir i , In st., §.- 4 > D e verborum obligationibus ; mais cette espérance est transmissible, eamque ipsam
spem in hœredem transmittimus , s i, priusquàm conditio
e x s t e t , mors nobis contingat, ibidem. E t la raison en est que
dans les contrats la condition a effet rétroactif au temps de
l’acte , quasijam contracta in prœteritum em ptione , Leg. 8,
if. D e periculo et commodo rei venditœ ; Leg. 78 , lï’. D e
verborum obligationibus y Leg. iG , if. D e solutionibus et
libérât ionibus.
A in si, la condition une fois arrivée , la stipulation a le même
effet que si elle avoit été faite sans c o n d itio n : C iim en irn s e m e l
c o n d itio e x t i t i t , p e r i n d è h a b e tu r a c s i illo te m p o r e q u o s t i p u la tio i n t e r p o s i t a e s t , s in e c o n d itio n e f a c t a e s s e t , Leg. 11,
S* 1 j if- Q u i p o ti o r e s . Car dans les stipulations011 ne considère
�f4
'
■( 5 )
que le temps où le contrat est Fait: Quia in stipulationibus tem■ pus spectatur quo contrahimus. Leg. 18 , v e rs., F iliu sfa miliaSj ÎT. D e regulis juris.
E n fin , il n’est pas nécessaire que la condition arrive pendant
la vie du stipulant : Ciim quis sub aliqucî conditione stipulatus fu erit, posteà existente conditione hceres ejus agere
potest, In st., p. 25 , D e inutilibus stipulationibus.
Ils ne souffrent aucune exception.
Cette règle ne reçoit aucune exception , pas même pour les
faits stipulés sous condition , quoiqu’ils pussent paroître person
nels de leur nature : Generaliter sancimus omneni stipulationem , sive in dando, sive in faciendo , sive m ixta e x
dando et faciendo inveniatur , et ad liœredes et contra hceredes transniitti, sive specialis hceredum Jiat mentio , sive
non. Leg. i 3 , Cod. D e contrahendd et committendd stipu-
latione y c a r, comme le dit Pedius , Leg. 7 ,
8 , ff. D e
pactis : Plerumquè persona pacto inseritur , non ut personale pactum J ia t, sed ut demonstretur curn quo pactum
factuni est.
A in si, l'héritier n’a pointa prouver que son auteur a voulu
stipuler pour lui \ c’est à celui qui le prétend exclu par la stipu
lation à prouver sa prétendue exclusion : Quamvis verum
est quod qui excipit probare debet quod excipitur, attarnen
de ipso dun taxat, at non de hcerede ejus convenisse petitor, non qui excip it probare debet. Leg. 9 , if. D e probationibus etpraïsuniptionibus. E t l’on décidoit en conséquence
que, le fils de famille qui a stipulé sous condition ayant été en
suite émancipé, l’action appartient an père, quoique la condition
�( 6 )
soit arrivée depuis l'émancipation. Leg. 78 , ff. D e verborum
obliga tion ibus.
En un m o t, comme le dit Jean-Jacques Schüts dans son
Compendium ju r is , au titre D e pactis : Conditio casualis
suspendit actiîs perfectionem , adeo ut ipsum ju s in suspenso s it , et tantum spes sit debitum iri , fjuce tamen spes
in conventionibus hoc fa c it , ut quis creditor dicatur, atque
res ipsius bonis annumeretur . . . . h inc apparet, pendente
conditione y aliquid subesse quod conventionem sustentât >
atque sic obligationem tanquam in utero materno latere ;
c’est un enfant dans le ventre de sa mère , q u i , une fois venu
au monde, est réputé né dès le moment de sa conception: Undè
conventiones conditionales e x pressenti vires accipiunt,
quod seciis est in legatis ; ut itaque conventio conditionalis obligationem producat , conditio casualis omnino e x pectanda e s t . . . . conditione autem sem el existente, perin dè habetur ac s i ab initiopure conventumesset, et statim ve~
nit ac cedit dies.
s
Pas même pour les contrats bienfaisants. Arrêt solennel
¿1 ce sujet de 176']'.
Ces décisions s’appliquent non pas seulement aux conditions
stipulées dans les contrats intéressés , mais aussi h celles des
contrats bienfaisants.
Cependant La Rouvière a prétendu le contraire dans son
T r a i t é du droit de retour, liv. i cr, chap. i 3 , où il veut que le
retour stipulé par les donateurs , pour le cas du décès du dona
taire sans enfants, ne soit pas transmissible aux héritiers du do
nateur, décédé avant l’événement de la condition; et il se fonde
�(
7 )
sur la loi Quod de pariter , ff. D e rebus dubiis, qui, dans le
fait, ne décide qu’une question de survie (comme le soussigné
l’a démontré dans la seconde partie de* son précis , imprimé en
17675 pour le sieur Réné Louis, l’héritier et consorts, contre
le marquis de Mesme, appelant de sentence rendue au parc
civil du Châtelet de Paris , le 29 juillet 17G6, après cinq au
diences.)
M ais, comme l’a démontré pareillement le soussigné dans la
même partie de son précis, la loi Caïus , 45 , ff. Solato matrimonio , et la loi A via , 6 , au Code , D e jure dotium , déci
dent au contraire que le retour conventionnel est transmissible
aux héritiers du donateur , quoique celui-ci soit décédé avant
l’événement de la condition sous laquelle il avoit stipulé le re
tour à son profit. E t c’est aussi ce qui a été jugé en grande connoissance de cause, dans la première cause du rôle d’après la
Chandeleur, par arrêt solennel du parlement de P aris, en la
grand’chambre, le 17 février 1767, qui confirme ladite sentence.
Cependant la cause de l’appelant avoit été plaidée, tant au
Châtelet qu’au parlement, par M. Tronchet, et c’étoit bien le
cas de lui appliquer ce que Virgile avoit dit d’IIector : St Per~
gama dextrd defendi potuissent , etiam hac defensa fu is
sent. Mais malgré les grands talents et les prodigieux efforts
du défenseur, qui passoit dès-lors à juste titre pour un des plus
profonds jurisconsultes de ce temps, tous les magistrats, ainsi
que l’avocat général Barcntin , qui portoit la parole, reconnu
rent facilement, comme avpient fait les premier? juges, que
pour cette fois M. Tronchet s’étoit trompé ; qu’en effet la pré
tention de son client, qu’il avoit ilcfpudu avpc .tflnt de zèle,
étoit évidemment subversive des principes gén éra^ sui'lii trans
mission de toutes stipulations conditionnelles, q uçjle étoit con-
�(S)
traire à toutes les décisions des docteurs et des lois sur la trans
mission du retour conventionnel en particulier, et qu’enfin
elle étoit également contraire à la jurisprudence établie par tous
les jugements rendus sur cette question, comme le soussigné
l’avoit démontré dans les trois parties de son précis imprimé.
L es lois nouvelles n’y ont point dérogé.
On a cependant tenté encore dans ces derniers temps de re
nouveler la même prétention, en soutenant que le droit de re
tour , stipulé par le donateur , ne pouvoit avoir lieu qu’à son
profit personnellement, c’est-à-dire autant seulement qu’il survivroit à l’événement de la condition du retour qu’il se réservoit; mais il falloit pouvoir mettre en avant de nouveaux pré
textes, autres que ceux qui ont été proscrits si solennellement
par l’arrèt du 17 février 17O7.
O n a cru les trouver d ans la loi des 25 octobre et i/j novem
b r e 17 9 2 , qui abolit toutes les substitutions non encore ou
vertes, dans l’article 896 du Code c iv il, qui les prohibe pour
l’avenir, et dans l’article 9 5 i du même Code, qui prohibe
toute stipulation conditionnelle du retour des choses don
nées , au profit d’autres que le donateur se u l, et survivant
à l’événement de la condition qui doit donner ouverture au
retour.
E11 effet, a-t-011 dit, nul doute que l’on doit, regarder comme
une véritable substitution la stipulation expresse ou tacite du
droit de retour au profit d’autres que le donateur vivant lors de
son ouverture : or les substitutions non encore ouvertes lors de
la publication de la loi des ii> octobre et i/| novembre 1792
sont abolies par cette loi ; donc toutes les stipulations de retour
�,
( .9 )
au profit d’autres que le donateur, qui n’étoient pas encore ou
vertes à celte époque , sont pareillement abolies; et c’est par
cette raison, a-t-on ajouté , que l’article g 5 i du Code civil dé-,
fend de stipuler le retour au profit d’autres que le donateur sur
vivant à son ouverture.
Tels sont du moins les nouveaux moyens qui ont été em
ployés au tribunal de cassation par J\Î. M éjan, défenseur de
M. Larregoyen contre la dame de Navailles, pour faire casser,
s’il avoit été possible, le jugement de la Cour d’appel de Pau ,
du 19 thermidor an 1 2 , confirmatif de jugement du tribunal
de première instance de Saint-Palais., rendu au profit de la
dame de Navailles.
.
•
Mais, sans avoir égard h ces prétendus moyens , par arrêt •
rendu le 11 fi’imaire an i4> en la section des requêtes, au rap
port de M . Borel, sous la p'résidence de M . M u r a ir e , et qui est
rapporté au commencement du troisième cahier du Journal des
audiences du Tribunal de cassation ; pour l’an 14— 1806 : L a
C o u r, attendu qu’on ne peut appliquer au x droits de retour
labolition prononcée p a r le s lois des 25 octobre et 14 no
vembre 179 2, a rejeté la demande en pourvoi dont il s’agissoit.
On faisoit cependant beaucoup valoir pour M. Larregoyen
la. circonstance particulière que, dans le fait, il s’étoit écoulé un
siècle d’intervalle entre la stipulation de retour et l'ouverture
de ce droit au profit de la dame Navailles, représentant les
sieur et dame M artin, dotateurs , dont elle descendoit ; que
pendant ce temps la d o t, pnreux donnée à leur fille à charge
de retour , avoit passé successivement dan« sa descendancc^Kir
plusieurs mains, sans pouvoir être aliénée au préjudice du droit
de retour qui pourroil s’ouvrir un jour , ce q u i, suivant le de1
�fi*'
( 10 )
fenseur du sieur Larregoyen, présentoit tous les caractères d’une
véritable substitution graduelle dans la descendance de la do
nataire , et ensuite , en cas d’extinction de cette descendance ,
en faveur de ceux qui pour lors representeroient les donateurs.
Mais (comme l’a observé M. Daniels, substitut du procureur
général, portant la parole) de ce que les substitutions testa
mentaires et même celles établies par contrat dé mariage ont
été abolies , il ne faut pas conclure qu’il en est de même du droit
de retour. L es dispositions textuelles de la loi (celles du
17 nivose an 2, art. 74>
ventôse suivant, art. j , )
s'élèveraient, ajoute-t-il, contre celte conséquence, puis
qu'elles conservent le droit de retour (en faveur d autres que
le donateur) lorsque les substitutions étoient déjà abolies.
D 'a illeurs , disoit-il encore, le droit de retourne peut être
assimilé à une véritable substitution , lorsque le donateur
exerce lui-même ce droit y ce n'est donc pas non plus une
substitution quand il est ex e rcé par ses héritiers qui ne re
présentent avec lui que la même personne y et de la il coneluoit que les juges, tant de première instance que d’appel ,
avoient fait une juste application des lois de la matière (comme
l’a reconnu la Cour par son arrêt de rejet du iG frimaire an i/j.)
E lles ne le pouvoient même p a s , quand les rédacteurs en
auroient eu f intention .
En vain insisteroit-on encore, malgré le préjuge de cet airêt , sur ce que l’arlicle (j5i du ('ode civil a prohibé toute
stipulation de retour au profit d’autres que le donateur vivant;
en vain vondroit-on eu conclure que les rédacteurs de l’article
out considéré comme des substitutions véritables les stipula-
^
�2+>\
C 11 )
tions de retour qui ne profiteroient qu’aux représentants du
donaleur après sa m o it , et qu’ainsi ils ont entendu abolir tous
les retours conventionnels ' qui n’auroient été ouverts , posté
rieurement au décès des donateurs, que depuis l’abolition des
substitutions.
Quand même il s e r o it possible de supposer aux rédacteurs un
pareil m o tif, et que ce niotii prétendu est le seul qui ait dé
terminé la rédaction de l’article, l’intention qu’on leur suppose,
ne feroit pas loi toute seule et par elle-même, puisqu’elle n’a
pas été érigée en loi; car autre chose est la loi, et autre chose est
le m otif qui a pu déterminer à la proposer , comme, en fait de
dispositions testamentaires, autre chose est la disposition et au
tre chose est le m otif ( c a u s a d a n d i ) qui a pu la dicter : R a tio
le g a n d i l e g a to n o n c o h œ r e t , le m otif de la disposition n’en
lait pas partie. L e g . ^■3. , p . G, ÎT. D e c o n d itio n ib u s e t d e m o n s tr a tio n ib u s e t c a u s is q u œ in te s ta n ie n to s c r ïb u n tu r . E t
tout ce qui rés ulteroit de cette supposition, c’est que l’article
951 seroit indubitablement un de ceux qu’il faudra rapporter
lorsqu’il sera question de la révision du Code civil; car com
ment pourroit-on laisser subsister une loi dont le seul m otif auroit été de donner lÿuu (sans cependant l’ordonner) à l'abolition
de droits acquis par des conventions qu’autorisoient les lois et
la jurisprudence antérieures.
Ajoutez que la loi de 1792, qui abolit les substitutions"non
encore ouvertes , est odieuse par elle-même , .comme contraire
au droit commun établi de temps immémorial par tontes les
lois antérieures rendues sur ce lait, et sur-tout à cette raison
écrite qui depuis tant de siècles est r e co n n u e par tous les peu
ples polices comme le Code universel du genre humain. Aussi
n’a-t-elle pu être provoquée que par des circonstances impérieuses,
�A
»»
( 12 )
seules capables de la justifier ; mais au moins ne doit-on pas
l’appliquer à ce qui ne porte pas la dénomination expresse de
substitution, qnand même il en auroit d’ailleurs le caractère
et l’cflet sous une dénomination différente ; a plus forte raison
ne doit-on pas l’étendre à des stipulations conditionnelles qui,
saisissant à l’instant même le stipulant, et ses ayants-cause con
sidérés comme la continuation de sa personne,' ressemblent
aussi peu à une substitution que le jour ressemble à la nuit. E t
il faudra*toujours en revenir à dire avec la loi que ce qui a
été établi contre la raison et les principes du droit ne doit pas
être tiré à conséquence : Quod contra juris rationem receptu m est non est p r o d u c e n d u m ad consequentias . Leg. \[\ ,
i 5 et 16, il'. D e le gibus y Leg. i / j i , If. D e regulis juris.
Il y a plus; c’est que quand même la nouvelle loi auroit abolien
termes textuels, et très expressément, tous les retours conven
tionnels qnin’auroient été ouverts que depuis celle de 1792, con
cernant les substitutions, etaprès le décès des donateurs, une pa
reille loi, attendu le vice radical de rétroact ivité dont elle se trouveroit infectée, ne seroit pas susceptible d’exécution en cette par
tie. En vain voudroit-on l’assimiler à la loi qui abolit les substitu
tions établies par actes antérieurs à sa promulgation, mais qui
n’étoient pas encore ouvertes pour lors. Il y a bien de la diffé
rence entre l’une et l’autre, car les substitutions qui ne sont que
des dispositions en faveur de tiers non présents ni acceptants
ne peuvent saisir l'appelé qu’au moment de leur ouverture , et
même autant-seulement que l’appelé: l’acceptera pour lors ; jus
que-là le substitué n’a aucun droit acquis; et par conséquent la
loi a pu , sans porter atteinte à rm véritable droit de propriété 7
Abolir tonies les substitutions qui viendroient à s’ouvrir par la
suite, quoiqu'elles fussent établies par des actes antérieurs.
�-?3a
*
( 13 )
Il n’en est pas de même des’ stipulations conditionnelles. E n
effet, quoiqu’il n’en résulté qu’un droit éventuel, une simple
espérance, comme le disent les Institutes, elles saisissent de ce
droit, à l’instant m êm e, le stipulant, et dans sa personne ses
ayants-droit, c’est-à-dire ceux qui le représenteront, quant à l’ob
jet de la stipulation, lors de l’événement de la condition sous
laquelle la stipulation a été faite et conservée ; or il résulte'né
cessairement de là que toute loi postérieure qui aboliroit ces
droits éventuels enlèveroit de fait au stipulant, dan£ la per
sonne de ses ayants-cause , des droits acquis dont ils étoient sai
sis, ce qui seroit une atteinte formelle au droit de propriété.
E nfin la lettre même de la clause en question nécessite
rait, en tant que de besoin, la transmissibilité du retour
qui y est stipulé*
À ces considérations générales, toutes péremptoires, nous
en joindrons une particulière, et qui toute seule suffiroit, en
tant que de besoin, pour trancher la question ; c’est que les
propres termes dans lesquels est conçue la stipulation condi
tionnelle de retour dont il s’agit assurent textuellement et
littéralement ce droit aux ayants-cause tlu stipulant, quels qu’ils
soient, comme au stipulant lui-mêine, le cas de la condition
arrivant; et que, de plus, les mêmes termes sont formellement
exclusifs de toute substitution.
E t d’abord, que dans l’espèce le droit de retour soit assuré,
en tant que de besoin, par les termes mêmes de la stipulation
du donateur, à ses ayants-cause, comme au donateur lui-mènic,
ou plutôt au donateur dans la personne de ses ayants-droit, au
„cas d’événement de la condition, en quelque temps que ce soitj
j k
;
�*K.
( 4 )
c’est ce qui résulte évidemment de cc que ce retour.est stipulé,
nommément, pour les biens formant l’objet de l'institution con
tractuelle de la donataire; car assurément il étoit impossible que
le retour de ces biens particuliers qui n étoient donnés qu’à titre
d’institution, et par conséquent sous la.condition de la survie
de la donataire au donateur, s’ouvrit jamais pendant la vie de
celui-ci. E t puisque cependant il s’éloit réservé pour lui-même,
et non pour aucun tiers après lu i, ces mêmes biens à.titre de
retour conventionnel, il falloit bien que sa reserve put profiter
à ceux de ses ayants-cause et transmissionnaires à titre universel
ou particulier q u i, lors de l’ouverture du retour par lui réserve,
le représenteroient pour cet objet, comme ne formant à cet
égard qu’une seule et même personne avec lui. Autrem ent, sa
réserve n’eût pu profiter à personne en aucun cas, et la clause
auroit été illusoire.
E lle sujfiroit aussi toute seule pour écarter toute idée
d e s u b s titu tio n .
Mais il est également sensible que le donateur en stipulant le
t<
ï \.ouypour
lui, et non pour aucun autre que lui-même, a néces
sairement exclu toute substitution; car enfin, comme^lc disoit
M. Daniels, portant la parole pour le ministère public en lu
Cour de cassation, il est impossible de se substituer soi-même à
son donataire pour la chose donnée.
Il est bien vrai que le donateur qui stipule le’retour pour
lui-même seulement, et non pas pour des tiers après lui, le sti
pule aussi nécessairement pour ses ayants-cause et transmissionnaires, soit qu’il doive en profiter de son vivant, soit que par
l’événement, le droit qu’il s’est réservé ne s’ouvre qu’après sa
�-?
35"
( i5 )
m ort, à moins qu’il n’ait formellement excepté ce dernier cas
par sa réserve, comme par exemple en stipulant le retour a son
profit, pour le cas seulement du prédécès du donataire.
Mais ces transmissionnaires et ayants-cause ne forment avec
lui qu’une seule et même personne, qui a toujours été saisie
ah initio, tant de son vivant que depuis son décès, du droit
éventuel qu’il s’étoit réservé, comme de tous ses autres biens,
sans attendre l’événement de la condition.
Ainsi, il est impossible^de les supposer substitués par le do
nateur au donataire, et tout ce qui résulte de la réserve de re
tour stipulée par le donateur pour lui-même seulement, et non
pour aucun tiers après lui, c’est que la condition du retour ar
rivant , le donataire cesse d’être propriétaire de la chose don
née, c’est que la donation qui lui avoit été faite est alors réso
lue ou 1évoquée 5 c est enfin que le donateur en la personne de
ses ayants-droit, en conséquence de sa réserve, se trouve avoir
recouvré sa propriété dont il 11e s’étoit dessaisi que sous une con
dition résolutive qui a eu lieu *, c’est en un mot que cette pro
priété s’est réunie de plein droit à son patrimoine aussitôt l’ar
rivée de la condition résolutive apposée à la donation : or cer
tainement il est bien permis aux donateurs , nonobstant l’abo
lition de toutes substitutions, de stipuler qu’en tel ou tel cas
leurs donations seront résolues de plein droit, ab initia, comme
si elles n’avoient jamais existé, ou pour la suite seulement,
comme dans le cas de larévocalioiules donations pour cause de
snrvenance d’enlantsj le tout, soit que la condition résolutoire
arrive de leur vivant, soit qu’elle n’arrive qu’après leur mort :
car les conditions résolutives produisent leur cflei, lors même
qu’elles n’arrivent «ju’après la mort du stipulant , ce qui 11’em- '
pêche pas que l’acte résolu n’ait subsisté jusque-là, s’il n’a pas
J.l
�x
( i6 )
etc autrement convenu. Leg. i 5 , in princ., (T. D e indiem addictione.) V oyez aussi la loi finale au Code, D e legcitis.
L e s observations précédentes sont également applicables
aux institutions contractuelles sous conditions résolu
toires.
Il en est de même incontestablement des donations par forme
d’institution contractuelle, q ui, suivant Potliier, Laurière, et
tous nos autres auteurs, ne différent des autres donations en
tre-vifs qu’en ce qu’elles sont laites sous la condition particu
lière de la survie du donataii'C, et en ce que le donateur peut
encore , nonobstant la donation, s’aider des choses qui y sont
comprises , par contrats intéresses , tels que la vente ou l’hy
pothèque , mais non pas en disposer à titre graduit par dona
tions entre-vifs , institutions 011 le’gs.
En effet, l’instituant contractuel doit aussi pouvoir stipuler
que sa donation s e r a résiliée ou révoquée, si telle ou telle con
dition a r r i v e par la suite, n’importe en quel temps, et que ce
pendant elle aura jusque-là tout son eilet; mais en ce cas les
biens qui en sont l’objet, comme étant retournés à la masse de
l'hérédité, et réunis au patrimoine du donateur, appartiennent à
ceux qui lors de l’arrivée de la condition résolutoire se trouvent
représenter ledit donateurou instituant j eiassureincnt ceux-ci 11e
r e p r e n n e n t .pas les biens en question en qualité de substitués au
donataire ; c’est le donateur lui-inème, toujours existant dans leur
p e r s o n n e , qui reprend sa c h o s e , comme ayant cessé d’appartenir à
l’institué, au moyen delà résolution de l’institution, qui aeu lieu
]i:ir l Ï ! \ è n e m e n t , comme le donateur ou s^s représentants re"p rn n in u la chose donnée, lorsqu'il y a survenance d’eniants,
�22>ï
(
17 }.
même posthumes, quoique le posthume ne soit né que depuis
son décès. Autrem ent, il faudroit dire, ce qui est absurde, que
le vendeur ou ses héritiers, rentrant dans la propriété de la
chose vendue par l’eiTet de la résolution de la Vente, ou de la
rescision du contrat, reprennent la chose vendue comme substi
tués à l’acheteur. E t il faudroit conclure de là ( ce qui seroit
encore plus absurde, s’il est possible), qu*attendu l’abolition de
toute substitution, il n*est plus permis de vendre sous condition
résolutive, ni de faire résilier aucun contrat de vente, non
plus que de disposer par donation, institution ou legs, sous
condition résolutive. Mais il faudroit aussi, avant tout, effacer
du Code civil les articles 953, 960 , 962, 963 et 966, relatifs
a la révocation des donations de toute espèce pour cause de
survenance d’enfants , même posthumes, qui ne seroient néfc
que depuis le décès du donateur; il faudroit notamment sup
primer ledit article 963, en ce qu’il suppose qu’au cas de la sur
venance d’enfants du donateur ( avant ou après son décès ) le
retour s’opère , non pas, à proprement parler ; par voie de ré
version à sa personne, mais bien plutôt par voie de réunion à
son patrimoine de tous les objets qui en avoient été distraits à
titrp lucratif, et par conséquent au profit de ses représentants ,
si la réunion ne s’opère qu’après son décès (les biens çompris
dans la donation révoquée de plein droit r e s t e r o n t d a n s
LE PATRIMOINE DU DONATEUR , LIBRES DE TOUTES CHARGES
ET HYPOTHÈQUES DU CHEF DU DONATAIRE
, etc.)
m
Conclusion ,
Tout ceci posé, nul doute que les représentants du sieur
Delsol, donateur , sont fondés à requérir, dès à présent, toutes
3
�C' i s )
transcriptions et inscriptions nécessaires pour assurer la conser
vation (le leur droit de retour, à l’effet de prevenirles atteintes
qui pourroient y être portées par la donataire et autres posses
seurs des biens sujets à réversion , ou par les débiteurs des
créances qui tiennent lieu de ces mêmes fonds.
On peut d’autant moins leur contester ce droit, que le retour
dont il s’agit doit nécessairement s’ouvrir un jour à leur profit,
ou au profit de leurs transmissionnaires et ayailts-droit, par le
fait du décès de la donataire sans enfants , attendu qu’elle n a
pas eu d’enfants , et que son âge avancé ne loi laisse plus d’espérancc d’en avoir.
Délibéré UParis parle soussigné ancien avocat, ce vingt-sept
juin dix-liuit cent six.
LESPARAT.
�% 3cj
(
T9
)
KUJJWHMii fim ii tULM
SECONDE CONSULTATION
L e C O N S E I L S O U S S I G N É , qui a vu copie (ci-jointc)
(lu jugement l’endu en première instance par le tribunal civil
d’Aurillac , le 2 2 juillet 1808 , entre les sieurs Delsol frères, et
la dame veuve Vigier d’Orcet, leur sœur consanguine; ensemble
les mémoires imprimés qui ont étépré&ntés au tribunal pour le
soutien de leurs prétentions respéctives ;
E s t d ’ a v i s , par les raisons déjà exposées en sa Consultation
délibérée le 2 7 j u i n 1 8 0 6 , ainsi que da n s les o b se r v a tio n s par
ticulières sur chacun des motifs dudit jugement, qui lui ont
été communiquées, et encore par les autres raisons qui seront
déduites ci-après ;
Que les sieurs Delsol frères; sont bien fondés dans leur appel
dudit jugement, en ce que par icelui la stipulation de retour
réservé p a r le sieur D elsol père , dans le contrat de mariage
de la dame d'O rcet, sa f il le , a été déclarée personnelle au
dit sieur D e ls o l, et caduque par son prédécès. Q u ’en effet,
(bien loin que le retour réseryé soit devenu caduc par le prédé
cès du sieur Delsol père, qui l’a stipulé) * il ne peut manquer
de s’ouvrir un jour et d’opérer la réunion effective «1 son patri
moine, des choses sujettes audit droit, au moyen de ce que la
dame d’O rc e t, sa fille, qui n’a pas d’enfants, et qui est actuelle
ment hors d’àge d’en avo ir, décédera nécessairement sans en
fants.
1
�(
20
)
Les premiers juges avoient encore élevé deux autres questions, l’une (qui est la première des trois posées dans leur ju
gement) étoit de savoir quels biens avaient été et pouvoienl
être compris dans la clause de retour réservé par le sieur
Basile D e lso l, dans le contrat de mariage de la dame d’ Orpet sa fille $ et l’autre de savoir si, dans le cas de transmissïbilité, ce droit de retour ne se seroit pas confondu
dans la personne de lq dame d’ Orçet avec sa qualité d’héri
tière contractuelle de son père ; mais leur jugement n’a dé
cidé que cellç de savoir si là réserve du retour dont il s’agit
étoit limitée à la personne du sieur Delsol, ou si au contraire
elle avoit pu être tran sm ise a ses héritiers } et c’est aussi la seule
dont la solution doit nous occuper , comme étant la seule qui
soit à juger sur l’appel de leur sentence.
Ce n est pas qu’ils n’aient émis dans les attendus de leur ju
gement leur opinion sur les deux questions qu’ils ont laissées
indécises j mais cette opinion n’y est présentée que pour justi
fier leur jugement sur celle qu’ils ont décidée : or l’appel dont
il s’agit ne peut porter que sur ce qui a été jugé effectivement,
quelle qu’ait pu être d’ailleurs leur opinion sur d’autres ques
tions restées indécises.
J. L a stipulation du retour par le sieur D elsol père étoii
in rem , et pourquoi ?
Quoi qu il en soit au surplus , nous observerons d abord îi
cet égard que, si la stipulation dont il s’agit a été jugée per
sonnelle au stipulant, et par conséquçnt non transmissible, c’est,
comme l’exposent les premiers juges dans leurs inotils, parceque le sieur Delsol n’a pas stipulé nommément pour ses ayants-
�*4i
(
).
(¡cause, et sur-tout p a r c e qu’en stipulant le reto’ur pour le cas pré
vu par sa stipulation, il ne l’a pas réservé aux s ie n s en particu
lier, comme l’a fa it, dans le même contrat de mariage , la mère
du futur en dotant son fds.
Mais c’est précisément parceque le sieur Delsol entendoit ré
server un retour vraiment réel, in rem , à la masse de son par
triinoine , en faveur de t o u s ceux auxquels il pourroit importer
que le retour eût lieu qu’il l’a stipulé en termes généraux ,
non e x c lu s if s d’aucune classe de ses ayants-cause , et non pas
seulement pour sa personne ou les siens. Taie pactum non in
personam dirigitur, sed cùm generale s i t , locum inter hcèredes habebit. Leg. !±i, ff. D ep actis.
II. C o n s é q u e n c e s q u i s e r o ie n t r é s u l té e s d e la p e r s o n n a l i t é
d e s a s tip u la tio n p o u r l u i e t l e s siens s e u le m e n t.
Dans le fait, le sieur Delsol père n’avoit pas alors d’autre en
fant que la future sa fille. Peut-être même supposoil-il, attendu
son état de viduité , qu’il n en auroit jamais d’autre : or dans
cette supposition , si par l’événement le retour stipulé ne
s’ouvroit qu’après son décès, soit par le décès de sa fille sans en
fants, soit par le décès des enfants de sadite fille, après leur
mère, sans descendants d’eux, il ne poiivoit plus être représenté
par aucuns siens proprement dits , mais seulement par des col
latéraux très éloignés qu’il ne connoissoit même pas (comme l’a
dit et répété souvent la dame Dorcet elle-m êm e), ou par d’au
tres successeurs qu’il’ se seroit créés à lui-même par titres uni
versels ou singuliers.
Si donc il n’avoit stipulé le retour que pour lui et les siens t
comme avoitfuitlu mère du futu r, alors le retou r n’au roit eu
�*
T-
( 22 )
lieu qu’en sa personne , ou celle des sie n s, c’est-à-dire pour
le cas sexxlernent de sa survie, ou- de celle d’aucuns des siens
à l’ouverture dudit droit ; et ce droit n’auroit profité à son dé
faut qu’à celui ou ceux d’entre les siens qui auroient existé pour
lors. Eux seuls en effet se seroient trouvés composer la classe ou
espèce particulière et déterminée d’ayauts-cause, à laquelle auroit été réservé le retour : or, comme le dit la loi 80, il. D e regulis ju ris y In toto ju re y generi per speciem derogatur ;
et comme le dit aussi la loi 99, p. 5 , ÎT D e legatis 3° , Semper species generi derogat. E n un m o t, nuls autres ayantscause du sieur Delsol stipulant n’y auroient pu rien prétendre ,
à quelque titre que ce f û t , ni comme héritiers légitimes ou cib
i n t e s t a t mais non siens , ni comme héritiers irréguliers ,
ni comme héritiers institués , ou légataires, soit universels, soit
à titre universel (c’est-à-dire pour par lie ) , ni comme légataixes particuliers, ni comme donataires entre-vifs ou à cause de
m ort, ni comme cessionnaires à titre onéreux, ni pnfin comme
créanciers chirogniphaires ou hypothécaires, quoiqu’intérêt que
ces différentes classes d’ayants-cause pussent avoir à ce que la
réunion effective à son patrimoine des biens donnés et réservés
leur en eût assuré la conservation; alors en effet, au moyen du
prédécès de ceux dans la personne desquels seulement le retour
auroit pu s'opérer , toute réunion au patrimoine, du stipulant
seroit devenue impossible.
Ainsi le sieur Delsol se seroit interdit, pour ce cas particulier,
toute espèce «le disposition, tant d e s biens donnés (pic* des biens
réservés, et par conséquent de tous ceux.qui, lors île son dé
cès, a u r o i e n t pu composer son patrimoine , quoique tous fuss<“iu stipulés réversibles, si sa fille décédoit sans enfauts, ou si
les eulums de sa fille décédoieut eux-mêmes sans descendants :
�(
*3 )
or assurément, le cas arrivant que sa fille décédât après lui sans "
enfants (comme il arrivera bien certainement), ou que lés en- fants de sa fille décédassent après lui et leur mère sans enfants ,
comme il étoit alors très possible, il étoit bien plus naturel qu’en
ce cas tous ses biens stipulés réversibles retournassent et se réu
nissent à son patrimoine en faveur de ceux qui y auraient in
térêt , et qu’à cet effet le retour fût stipule par une clause gé
nérale , c’est-à-dire à la masse de son patrimoine , plutôt qu’à
lui-même et aux siens personnellement , à l’exclusion de tous au
tres ayants-cause 5 car n’y ayant encore alors personne qui pût
l’intéresser^ au défaut de sa fille et des enfants de sa fille ou de
leurs descendants (puisqu’il n’avoit pas encore d’autres successibles que des collatéraux fort éloignés qu’il ne connoissoit même
pas ) , il devoit préférer tous les autres ayants-cause qu’il pourroit avoir, ou se créer à.Iui-même, à ceux de sa fille décédante
sans enfants, qui ne pouvoient que lui être étrangers, si luimême restoit en viduité. C ’est même probablement par cette
raison qu’il a interdit très expressément à sa fille toute disposi
tion préjudiciable au droit de retour qu’il stipuloit par une
clause générale et sans aucune limitation ; et s’il n’a pas étendu
cette prohibition aux enfants de sa fille, lors même qu’ils décèderoient après lui et leur mère sans descendants d’eux (quoi
qu’en cç cas ils fussent pareillement grevés du retour à son pa
trimoine, tant pour les biens donnés que pour les biens réservés) ;
si même au contraire il leur a permis audit cas toute disposition
des biens en question *, si enfin il a stipulé à cet effet que ledit
retour à son patrimoine n’auroit lieu qu’autant qu’ils seroieiit
décédés sans descendants d’eux, et sans avoir disposé , c’est
évidemment pareeque (à la différence de leur mère , sa fille ,
qui dans le cas où elle survivroit à son père décédé en viduilé t
�( *4 )
ne pouvoit avoir pour successibles que des collatéranx fort éloi
gnés , et peut-être même inconnus) eux au contraire, décédant
ensuite après leur mère et sans descendants d’eux , avoient du
moins pour successibles, à défaut du sieur Delsol leur aïeul
maternel, d’autres parents très proches dans la personne de
leurs oncles paternels, frères de leur père; alors en effet le sieur
Delsol n’avoit aucune raison suffisante d’empecher que les en
fants de sa fille, décédant sans enfants après lui et après leur
mère, pussent disposer des biens dont il stipuloitla reversion ; car
ces mêmes enfants ayant audit cas pour successibles des oncles
paternels, ou leilrs enfants, le sieur Delsol pouvoit facilement
supposer que les enfants de sa fille ne seroîent pas tentés de dis
poser au profit d’étrangers , au préjudice de patents aussi pro
ches, et que , s’ils usoient de la liberté qu’il leur laissoit de dis
poser , ce ne seroit qu’en faveur de ceux de ces parents dont la
position particulière exigeroit qu’ils fussent plus avantagés qua
les autres*
«
III. I l n'en étoit pas du retour stipulé parla mère du fu tu r,
comme de celui stipulé par le sieur Delsol.
Il n’en étoit pas de même du retour stipulé par la mère dû
futur pour elle et les siens, en cas de décès de son fils sans en
fants , ou des enfants de son fils sans enfants et sans avoir dis
posé ; en effet, la mère du futur ayan t, lors du mariage de son
fils, plusieurs autres enfants, ne pouvoit penser qu’à assurer à
ces autres enfants le retour des biens qu’elle donnoit au futur ,
son fils , si celui-ci décédoit sans enfants , ou si ces enfants détédoient eux-mêmes sans descendants : or il lui suflîsoit à cet
filet de stipuler le retour pour elle et les siens personnellement,
�*<s
(
25 )
c’est-à-dire à l’exclusion de tous autres ayants-cause} el cepen
dant de laisser non seulement aux enfants de son lils , mais à
son fils lui-même, la liberté de disposer ; n’étant pas à présumer
que celui-ci, s’il n’avoit pas d’enfants, voulût user de cette fa
culté au préjudice de sa propre mère , ou de ceux qu’elle appeloit les siens (frères, sœurs, neveux ou nièces d eson ditfils),
si ce n’est en faveur de ceux d’entre eux d o n t, comme il vient
d’être d it , la position pourroit exiger qu’ils fussent plus avan
tagés que les autres. E t c’est aussi tout ce que le mandataire de
la dame veuve d’Orcet, porteur de sa procuration rédigée à Mau
riac , et comparant pour elle au contrat de m ariage, étoit
chargé de stipuler, sans pouvoir s’en écarter, ni y rien changer.
I V • Peut-être le sieur D elsol auroit-il stipulé le retour dans
la même form e que la mère du futur , s ’il avoit été dans le
même cas.
Il en auroit peut-être été de même de la stipulation du sieur
Delsol père , s’il avoit été dans le même cas ; mais n’ayant pour
lors d’autre enfant que la future, s’il avoit restreint de même
à sa personne et aucc siens le retour qu’il stipuloit, cette res
triction aiyroit eu rinconvénient d’annoncer des espérances d’a
voir d’autres enfants d’un second mariage; et quoiqu’il ne pen
sât peut-être pas alors à se remarier , il auroit au moins donné
lieu par-là au futur et à la famille du futur d’exiger de lui qu’a
vant tout il s’expliquât sur ce point. Q ui sait même s’il n’auroit
pas fallu leur donner des assurances positives que ce qu’ilspouvoient craindre n’arriveroit pas ?
L) ailleurs il pouvoit très bien se faire que, le cas prévu du re
tour arrivant, il n’existât aucun parent successible du sieur
�*
( 36 )
Delsol père capable de le représenter, ou qu’il n’y en eût que
de très éloignés qu’il n’auroit jamais connus; et c’est même ce
qui seroit nécessairement arrivé, s’il étoit resté veuf : or il étoit
bien naturel qu’il p û t, au moins pour ce cas particulier, se don
ner par actes entre-vifs ou de dernière volonté, à titre gratuit
ou onéreux , tel successeur universel ou singulier qu’il jugeroit
à propos, à l’eiïet de recueillir, en tout ou. partie, le bénéfice
du retour en question. ■
.
Il de voit donc, comme il l’a fait, se réserver le retour par une
stipulation générale , de manière que le cas prévu arrivant, en
quelque temps que ce f u t , de son vivant ou après sa m o rt, il
y eût lieu au retour in rem , ou a son patrimoine, en faveur de
ses ayants-cause, ou de qui de droit, et non pas seulement k sa
personne ou a u x sie n s, à l’exclusion de tous autres ayantscause, le tout sans que la donataire , sa fille , pût préjudicier
ou déroger à ce droit de retour par aucune disposition.
V . L es premiers juges ont supposé que la personnalité delà
stipulation du retour par le sieur D elsol résultoit de la dé
fense qu’il a faite à sa fille d ÿ déroger. Combien cette
supposition est absurde !
0
Cependant, s’il faut en croire les premiers juges, la défense
faite par le. sieur Delsol père k la dame d’O rcet, sa fdle, de dé
roger au droit de retour qu’il stîpuloit, prouverait au contraire
qu’il ne l’a stipulé (pic pour lui personnellement, n’étant pas
présumable , disent-ils , qu’il mit sa fille (lors unique) dans
un tel étal d'interdiction (pour le cas oii elle décéderait sans
<:<il'ants; car c’est de ce rasumquement qu’il s’agit) , et ce enf a
veur de parents éloignés avec lesquels il iiavoit aucune re-
�( 27 )
lation , que les parties même ne connoissoient p a s , ainsi
que la dame d ’Orcet Ta plusieurs fo is dit et écrit , sans que
ce fa it ait été désavoué.
Il auroit donc été bien plus convenable, suivant eux , que- le
sieur Delsol père se mit lui-mème dans l’interdiction , et ce en
faveur des étrangers que sa fille, décédante sans enfan'cs, jugeroit à propos.de préférer à tous les ayants-cause qu’il se seroit
créés à lui-même , ou à ceux qui (comme il pouvoit arriver, et
comme il est arrivé effectivement) lui seroient survenus : or
on sent combien est absurde une pareille supposition.
V I. L institution contractuelle de la dame d’ O rcet, qu i, sui
vant les premiers ju g e s , prouverait la personnalité de la.
s tip u la tio n du retour par le sieur D elso l s o n p è r e ,
e n d é m o n tr e a u c o n tr a ir e la r é a lité .
Enfin , suivant les mêmes, la limitation du retour dont il s’a
git à la personne du stipulant résulteroit Sün -
de la
circonstance que le sieur D elso l , après avoir fa it à sa
f ille une donation entre-vifs, Va instituée en même temps
son héritière universelle ; en effet, ajoutent-ils, il seroit ab
surde de supposer qu’il eût fa it et voulu faire , contre cette
héritière , une réserve qui ne devoit et ne pouvoit profiter
qu’à elle-m êm e , puisqiien admettant la transmis s ibilité du
retour, cette transmission ne pouvoit avoir lieu qu’en faveur
de cette même héritière.
Mais ils supposent par-là que l’institution contractuelle de
la demoiselle Delsol par son père est une institution pure et
simple , q u i, une fois ouverte au profit de l’instituée par le pré
décès de l’instituant, ne pouvoit cesser en aucun temps d’avoir
tout
�U <*
t'V '
( *8 )
IoîiL son effet, qu’en un mot cette institution n’étoit affectée
d’aucune condition résolutoire , tandis qu’au contraire cette
même institution ( qui à la vérité ne pouvoit être révoquée
par aucun acte postérieur ) devoit cependant se résoudre de
plein d ro it, comme la donation, par le seul fait, du décès de
l’instituée sans enfants , ou de ses enfants sans descendants et
sans avoir disposé ; car c’est ce qui résulte textuellement de la
clause par laquelle le sieur Delsol (après avoir promis de n’ins
tituer d'autre héritier que la future sa Jille dans les autres
biens ( non donnés ) qui se trouveront lui rester lors de son
d écès ) s’est réservé , (pour le cas où ladite future sa fille décèderoit sans enfants , ou ses enfants sans descendants, ou sans
avoir valablement disposé ) , le droit de réversion et retour ,
tant des biens donnés que réserv és , sans qu’il puisse être
dérogé par sadite Jille audit droit de réversion par aucune
disposition, n i autre acte à ce contraires. O r, bien loin que
cette clause puisse faire présumer la personnalité du retour-stipulé par le sieur Delsol père , comme le prétendent les pre
miers juges , la v é r it é e st au co n tr a ir e qu’il en résulte une
nouvelle preuve de sa transmissibilité ; et ce la , quand même on
voudroit ne comprendre dans la classe des biens réservés dont
la réversion est nommément stipulée , que ceux non donnés
qui existoient pour lors , et qui lui seroient restés lors de son
décès , à l’exclusion de tous ceux qu’il auroil acquis depuis sa
stipulation } car enfin il est bien évident que le. droit de retour
(qui pouvoit s’ouvrir pendant la vie du stipulant pour lesbicris
qu’il donnoit) ne pouvoit s’ouvrir qu’après sa m o rt, pour les
biens réservés , soit que (comme on n’en peut douter) il ait
entendu désigner par biens réservés ce qu’il appelle dans le
même acte les biens institués (c’est-à-dire la totalité de ccux
�(
)
non donnés qui luiresteroient lors de son décès, et généralement
tous ses biens, à l’exception des biens donnés, et de ceux qu’il
auroit depuis vendus ou engagés), soit même , qix’il n’eut en
tendu comprendre sous cette dénomination que ceux des biens
non donnés qu’il possédoit lors du contrat de mariage de sa
fille et qu’il auroit conservés jusqu’à sa mort.
E t qu’on ne dise pas , comme l’ont fait les premiers juges ,
que les mots, biens réserves, ont échappé à Vinadvertance
du rédacteur , qui (suivant eux) navoit que les notions les
plus obscures sur la nature et les effets des institutions
contractuelles ; car ce sont bien plutôC les premiers juges
eux-mêmes q u i, comme on l’a pu voir d éjà , et comme on le
verra encore plus particulièrement ci-après , sont dans le cas
qu’on lei^r fasse ce reproche \ et au surplus , quoi qu’il en soit,
ils ont bien prouvé par-là qu’il étoit absolument impossible ,
malgré toutes leurs subtilités, et pour ainsi dire leurs tours de
force j de restreindre aux biens donnés un retour stipulé pour
les biens tant donnés que réservés. Il faudra donc toujours
en revenir à dire que le retour des biens réservés (q u i, dans
tous les cas, sont nécessairement des biens non donnés) , ne
pouvant sîouvrir avant la mort du, stipulant, étoit bien cer
tainement transmissible à ses héritiers ou autres ayants-cause ;
or, il devoit en être de même du retour des biens donnés , puis
qu’il est stipulé par la même clause et dans les mêmes termes.
V II. Lorsque le retour s'ouvrira par le fa it du décès de la
dame d ’ Orcct sans enfants , son institution contractuelle
sera comme non avenue.
Peu importe enflu que la dame d’O rcct, en sa qualité d’hé-
�( 3o )
ritùrc instituée contractuellement, soit quant à présent la seule
représentante de son père. D u moment que le retour s’ouvrira
par le fait de son décès sans enfants , elle n’aura plus été héri
tière contractuelle , attendu la clause résolutoire apposée à son
institution. A lors, en effet, il sera vrai de dire qu’elle n’aura
été qu’héritière ab intestat de son père, concurremment avec
ses frères, c’est-à-dire pour partie seulement} et par consé
quent elle n’aura laissé dans sa succession , à ses ayants-cause,
quels qu’ils puissent ê tre , que sa part afférente dans tous les
objets dont la réversion au patrimoine de son père aura eu lieu
par le fait de son dticès sans enfants.
Il est vrai , comme l’observent les premiers juges , qu’en
droit romain une institution d’héritier par testament (autre
que celui fait ju re militari) n’auroit été susceptible d’aucune
limitation ou résolubilité, quand même cet héritier testamen
taire n’auroit été institué que e x re certd, ou pour une certaine
quotité , telle que la moitié ou le tiers de l’hérédité, ou à
compter de tel temps , ou enfin jusqu’à tel temps; qu’en effet
l’héritier ainsi institué par testament valable , éKint seul insti
tué , auroit é t é , de d ro it, héritier pour le to u t, pour tous
les cas et pour tous les temps , sauÇ seulement les droits des légitiniaires ; mais c’est pareeque chez les Romains personne ne
pouvoit mourir partitn testatus , partirn intestatus (à moins
qu’il n’eut testé jure militari) ; car , comme l’observe Pérez en
ses Institutes impériales , e x institutione hœredis ad certum v e l e x certo tempore facta sequeretur quod quis dece-
dere posset, pro parte testatus , et pro parte mtestatus.
�VIII. L es institutions contractuelles, inconnues chez les Ro
mains , n’ont rien de commun avec leurs institutions tes
tamentaires.
Il n’en est pas de même des institutions contractuelles abso
lument étrangères au droit romain, et qui cependant ont été
admises dans les ci-devant provinces dites de droit éci'it, comme
dans tout le surplus de l’ancienne France ; en effe t, suivant
tous nos auteurs ( q u o i q u e disent au contraire les premiers juges),
ces institutions d’héritier par contrats ne ressemblent aucune
ment aux institutions testamentaires des Romains , si ce n’est
à celles faites ju re militari, ou à leurs legs universels , soit aux
legs de toute l’hérédité ou de tous les biens, soit aux legs de •
partie de l’hérédité ou de partie des biens, partis etpro parte ,
(que notre Code civil qualifie legs à titre universel), avec cette
différence seulement que nos institutions contractuelles, d’ori
gine française et absolument inconnues chez les Romains, sont
irrévocables comme tenant de la nature des contrats, tandis
que les legs et autres dispositions testamentaires de toute es
pèce peuvent toujours être révoquées par le testateur jusqu’à
son décès.
IX . Autrement elles ne pourroient jam ais avoir lieu pour
partie , tandis que , suivant P o th ier, elles ont lieu in
contestablement pour partie comme pour le tout.
S’il en pouvoit être autrem ent, il faudroit aller ju s q u ’à dire
que l’institution contractuelle pour partie des biens ou de l’hé
rédité, ou même seulement pour quelques uns des corps certains
qui la composent, auroit l’effet d’une institution universelle
pour toute l’hérédité ; car c’est ce qui résulteroit du principe
�(
32 )
posé par les premiers juges (dans le second a tte n d u de leur troi
sième question), que l in s titu tio n c o n tr a c tu e lle f o r m e u n v é
r ita b le h é r iti e r
q u i n e d if f è r e q u e d e
n o m de i ?h é r it ie r
(des Rom ains), q u a n t a il u n iv e r s a l it é
d u t it r e : or personne jusqu’à présent n’avoit osé mettre en
avant une hérésie aussi monstrueuse, et il étoit réservé aux pre
miers juges d’en faire la base de leur jugement.
Il leurauroitcependant suffi, pour se garantir d’un pareil écart,
de consulter sur cette matière nos auteurs élémentaires, tels
que Pothier, dans son introduction au titre 17 de la coutume
d’Orléans. Us y auroient vu , par exemple, iila fin du n° 17 de
l’appendice de cette introduction, que l’institution contractuelle
y est définie la donation que quelqu'un f a i t de s a s u c c e s s io n
t e s t a m e n t a ir e
e n to u t o u e n p a r t i e , p a r c o n tr a t d e m a r i a g e , à T u n e d e s
p a r t i e s c o n tr a c t a n t e s , o u a u x e n f a n ts q u i n a îtr o n t d u f u t u r
m a r ia g e y au n° i l \ du même appendice, que d e m ê m e q u e la
s u c c e s s io n te s t a m e n ta i r e d a n s l e s p r o v in c e s ou e lle e s t a d
m i s e y fa it cesser la s u c c e s s io n l é g i t i m e e t ab i n t e s t a t ,
d e m ê m e la succession contractuelle f a i t cesser la s u c c e s
s io n lé g itim e o u ab intestat p o u r le t o t a l , lo r s q u e l'h é r itie r
c o n tr a c t u e l a é t é in s ti tu é h é r i t i e r p o u r le t o t a l , o u p o u r l a
p a r t ie p ou r l a q u e l l e i l a é t é i n s t i t u é ; d’où il conclut, à la
fin dudit n° 24 , que, lo r s q u e T h é r itie r c o n tr a c t u e l é t r a n g e r
a é t é i n s ti tu é s e u le m e n t p o u r u n e p o r t io n , puta p our
l a m o it ié , i l s u c c è d e a u x p r o p r e s ,
de m êm e q u a u x au
t r e s b ie n s , pour ¡.a p o r t io n p ou r l a q u e l l e i l a é t é in s
t i t u é , e t q u e l'h é r itie r li g n a g e r ab intestat « y s u c c è d e q u e
pour c e t t e m o i t i é ; et ensuite au 11"
25 qui suit,
q u e Tenf a u t
héritier c o n tr a c t u e l d e so n p è r e , pour u n e c e r t a i n e porTION y im:ta POUR UN TIERS OU POUR UN QUART, n ’eST PAS
�ZS3
(
33 )
OBLIGÉ E N V E R S SES FRÈRES E T SOEURS, H É R I T I E R S L É G I T I M E S
ET
AB
I NTESTAT
POUR
LES A U T R E S
P O R T I O N S , CM
rapport
de ce qui lui a été donné ou légué p a r son père.
X . D a n s les p ays de droit écrit elles ont lieu pour partie et
p a r conséquent ad tempus ou ex tcm porc , un sur-tout
qu'elles y
sont considérées comme de véritables dona
tions entre-vifs.
Dira-t-on qu’il n’en étoit pas de même dans nos provinces cidevant régies par le droit écrit ? Mais s’il est vra i, comme le
dit Laurières (au sommaire du n°
23 du chapitre premier de
son Traité des institutions et substitutions contractuelles), que
ces institutions ont pris leur origine des lois romaines qui
permettaient a u x soldats
iiv p r o c in c t u
de s'instituer héri
tiers p a r des pactes réciproques de su ccéd er , il en résultera
nécessairement que les institutions contractuelles, comme les
legs universels , ou à titre universel, peuvent avoir lieu, même
en pays de droit é crit, ou pour un temps seulement, ou à par
tir de tel temps, ou pour partie seulement de l’hérédité ou des
biens , ou même pour un tel corps héréditaire , etc. ; car as
surément 011 ne pouvoit pas appliquer à celui qui testoit ju re
militari , la règle : N em o potest decedere partim te status
partim intestatus.
C ’est ce qui résultera pareillement de ce que dit et répète
s o u v e n t le même auteur , notamment au n° 23 de son chap. 3 ,
et au chap. 4 , n°» 8 et suivants , que les institutions contrac tu elles, en pays de droit écrit> sont réputées vraies dona
tions entre-vifs d<; biens présents et à venir, par lesquelles
linstituant s’interdit la fa c u lté de disposer non seulement
5
V
�(
34 )
à titre g r a t u i t , ruais mêm e à titre onéreux, p a r ve n te, hy
pothèque ou autrem ent, s i ce n’est pour pressante et ur
gente nécessité y car on co n v ien d ra sans d o ute q u e les d o n a
tions p e u v en t se faire p o u r n ’av oir eiïet q u e j u s q u à tel te m p s ,
o u à co m p ter de tel te m p s , elc. E t il faut b ie n q u e le sieur Del
sol p è r e , re c o n n u p o u r p r o c u r e u r très i n s t r u i t , ait eu connoissance de cette j u ris p ru d e n c e , p u is q u ’il a cru d evoir se réserver
l’u su fru it de ce q u ’il appelle les biens institués (c e st-à -d ire de
ceux p o u r lesquels il in stitu o it sa fille son h éritière contrac
tuelle) , ainsi q u e la faculté de p o u v o ir les v e n d re o u engager.
X I . L ’héritier institué contractueîlement ne poun'oit être
a ss im ilé ,
suivant L,aurières , m ême en p ays de droit
é c r it, qu’à l'héritier des Romains institué in castrensibus,
ou ju re m ilitari.
Si donc o n v o u lo it a b so lu m e n t assimiler l’h é ritie r institu e
e o n tra ctu c lle m e n t a l’h é ritie r-in stitu é d u d ro it ro m a in , ce n e
p o u rr o it ê tre a u m oins q u ’à l’h é ritie r institu é in castrensibus ,
o u p a r testam en t fait ju r e m ilitari, q u ’il fa u d ro it le c o m p a re r 5
et c’est aussi ce q u ’a fait L a in iè re s au n° i 5 6 d u d it chap. 4 > ° ù
il re m a rq u e q u e , quoiqu’il y eut accroissem ent de l ’institué
i n b o n is castuf. n s ib u s
à r héritier
au i n t e s t a t
il n’y avoit pas accroissem ent de l ’héritier
quand il répudiait , à l'héritier institue
in
du soldat,
,
c a s t h e n s i nus y
a h in t e s t a t
après q u o i il ajoute : /¿ 7 , par la m êm e raison , il n y apas a c
croissement parm i nous de l'héritier al) intestat a l héritier
contractuel , ou aulégataire universel d ’une portion de biens,
(quoifju’i l y ait accroissem ent du légataire universel, ou de
Vhéritier contractuel , d'une portion de biens ou de succès-
�ZSs
1
/
(
35 )
s ion , ci l’héritier ab intestat), parceque , comme on Fa d it,
l ’héritier ab intestat est héritier solidairement de tous les
biens du défunt, au lieu que l’héritier contractuel, ou le lé
gataire universel, n’étant supposé successeur q u e d ’ u n e
p a r t i e s e u l e m e n t , il ne peut rien prétendre a u - d e l a d e
l a p a r t i e q u i l u i e s t d o n n é e , Fusage étant certain par
m i nous que chacun peut mourir p a r t i m t e s t a t u s , p a r
t i m i n t e s t a t u s , comme les soldats romains ; car , comme
le remarque très bien Loisel (liv. 2, t. 5 , règle 2 1, de ses Institutescoutumières), nos Français comme gens de guerre ont
reçu plusieurs patrimoines , et divers héritiers , d'une même
personne : or il faut convenir que ces propositions sont toutes
précisément les contradictoires de celles que les premiers juges
ont cru nécessaire de consigner dans les motifs de leur jugement,
pour le justifier autant qu’il étoit en eux.
X II. I l résulte évidemment de tout ce que dessus que le
sieur D e lso l a stipulé un retour à son patrimoine in rem ,
et qu au contraire celu i stipulé p a r la mère du fu tu r étoit
personnel à elle et aux siens.
Tout ceci posé , il doit maintenant demeurer pour constant
et suffisamment démontré, que si l’on voit, dans le même con
trat de mariage, d’1111 coté, le sieur Delsol père se réserver, par
une clause générale , le droit de réversion ou retour pour le
cas du décès de sa fille sans enfants , ou des enfants de sa fille
sans descendants , avec stipulation expresse que sadite fille ne
pourroit déroger à ce droit de retour par aucunes dispositions ,
ou autres actes à ce contraires, et cependant, que les enfants de
sadite fille , pareillement grevés dudit droit de retour, pour le
�Cas de leur décès sans descendants, pourroient faire telles dis
positions qu’ils jugeraient il propos ; si en même temps on y
voit d’un autre coté la mère du fu tu r, qui stipùloit le retour
pour elle et/é?.f sien s , en cas de décès de son fils sans enfants,
ou des enfants de son fils sans enfants, ne point défendre a son
fils de déroger audit droit de retour par aucunes dispositions ,
mais au contraire laisser aux enfants de son fils et a son fils luimême toute liberté a cet égard , ce n’est pas, comme l’ont sup
posé les premiers juges dans leurs motifs, que les contractants
aient entendu restreindre au sieur Delsol père personnellement
le retour qu’il stipùloit, et cependant assurer à tous'les ayantscause de la mère du futur le retour qu’elle se réservoit. Leur in
tention au contraire étoit évidemment, à raison de la différence
des circonstances ou chacun se trouvoit pour lors, que le retour
stipulé par le père de la future eût lieu généralement comme
retour ou réversion in rem à son patrimoine, en faveur de tous
ceux qui auroient intérêt à ce que son patrimoine fut conservé
dans son intégrité , mais que celui stipulé par la mère du futur
fut seulement personnel à elle et aux siens .
X III. Principes élémentaires sur la transmis s ibilité de tou
tes stipulations conditionnelles, tant suivant le droit ro
main que suivant le Code Napoléon. L a présomption lé
gale de leur h é a l i t é ne peut être balancée que par des preu
ves écrites dans la clause même de leur personnalité.
Voilà ce q u e les prem iers juges a u ro ie n t vu dans les stip u
lations de re to u r d o n t il s’a g i t , s i , au lieu de s’a rrê te r à de p ré
tendues conjectures toutes insignifiantes q u ’ils o n t entassées
sans uu-.m u c , co m m e sans d is c e rn e m e n t, dans leurs m o tifs, ils.'
�-Î/J
( 37 )
avoient considéré , ainsi qu’ils le devoient, que la stipulation
de retour dont il s’agit est une de celles dont le vrai sens, dé
terminé par la loi même , n’a jamais été abandonné à l’interpré
tation arbitraire des juges, et qu’au surplus, comme ils en con
viennent eux-mêmes dans leurs motifs, toute stipulation de re
tour est, de droit, transmissible aux ayants-cause du stipulant,
lorsque celui-ci ne l’a pas limite à sa personne.
A la vérité , ils supposent en meme temps que cette limita
tion est de droit, et qu’elle doit se suppléer lorsqu’il n’a rien été
dit de contraire ; mais ils ignorent donc, ou feignent d’ignorer ,
que tout au contraire les lois, tant anciennes que nouvelles ,
ont érigé en présomption légale, à laquelle on ne pourroit op
poser aucune autre espèce de présomption ou conjecture, celle
résultante de ce que le stipulant n’a pas exclus, en termes ex
près, du bénéfice de sa stipulation conditionnelle, et de celle de
retour en particulier, ses héritiers ou ayants-cause.
Cependant ils ne pouvoieut méconnoitre cct adage si sou
vent rappelé dans les livres élémentaires, tels en particulier que
les Institutos, et aujourd’hui consacré en tant que de besoin par
le Code Napoléon, que le bénéfice des stipulations condition
nelles se transmet nécessairement aux ayants-cause du stipulant
décédé avant l'événement de la condition : E x . stipulatione
condition ali tantimi spes est debitum i r i ,. eanupie ipsarn
spem in liœrcdem transnnttimus, si priusfjuàm conditio éxtet mors nobis contingat. Inst., p. 4, D e'vcrb. oblig. Ciun(pus s ub conditionc stipuJatus fu e r it , /¿cet ante conditio nern decesserit, posleh existente condilione heures ejus
agere potest. I n s t . , p.
D e inutil, stipul.
Ils auroient dû savoir au moins que, . s u i v a n t 1article 1179
du Code Napoléon , la condition accomplie a un effet ré-
�(
38 )
tr o a c tif a u jo u r a u q u e l le n g a g e m e n t a é té c o n tr a c té , e t q u e,
s i le c r é a n c i e r e s t m o r t a v a n t l a c c o m p l i s s e m e n t d e la c o n
d it io n y s e s d r o its p a s s e n t à s o n h é r itie r . Q u ’ainsi, com m e
le décide l’article 1 122 d ud it C o d e , o n e s t c e n s é a v o ir s tip u l é
p o u r s e s h é r iti e r s e t a y a n t s - c a u s e , à m o in s q u e le c o n tr a ir e
n e s o it e x p r i m é , o u n e r é s u l t e d e l a n a t u r e m ê m e d e l a
c o n v e n t io n
(co m m e , par exem p le, parcequ’il s’agiroit d’un
droit d’usufruit ou d’u sa g e , ou de to u t autre d roit personnel au
stip u la n t, mais non pas bien certa in em en t, com m e l’insinuent
les prem iers ju g e s, parceque quelques circonstances p ourraien t
donner lieu de le faire soupçonner.) E n fin , ils auraien t dù. con
clure de là que l’ayant-cause du stip u lan t, quel q u ’il s o i t , et en
q u elqu e tem ps que la condition a rriv e , n’a point à p rou ver que
son au teur a vou lu stipuler p our ceux q u i le représenteraient
lors de l’arrivée de la condition ; q u ’en un m ot c’est à celui qui
le prétend exclus par la stip u lation , à le p ro u ve r, c’est-à-dire,
suivant l’article 112 2 dud it C o d e , à prou ver que cette exclusion
est écrite dans la stipulation m êm e. Q u a m v is v e r u m e s t q u b d
q u i e x c i p i t p r o b a r e d e b e t q u o d e x c i p i t u r , a tt a m e n d e ip s o
d u n t a x a t , a t n o n d e h œ r e d e e ju s c o n v e n i s s e , p e t i t o r , n o n
q u i e x c i p i t , p r o b a r e d e b e t. L eg. 9 , fi. D e p r o b e t p r œ s .
Q u ’en elfet., il y a en ce cas présom ption vraim en t légale ,
j u r i s e t d e j u r e } que la stipulation est in r e m , et non pas
lim itée à la personne d u s tip u la n t, com m e le soussigné 1 a déjà
dém ontré dans sa Consultation p récéd en te, délibérée le 27 juiu
i8of>, et com m e il l’avoit dém ontré avec bien plus de d éve
loppem ent encore dans son Précis ( c i- jo in t ) , im prim é en 17G 7,
pour les sieurs L h éritier , F ourrroi et consors , contre le m ar
quis de IMesme , et sur lequel est interven u l’arrêt solennel du
>7 lé \ rit* i- même année : or une présom ption de cette esp èce,
�contre laquelle on ne doit adm ettre aucune présom ption con
traire, ne p ourroit être balancée ou détruite que par des
preuves positives et bien form elles, e v i d e n tis s im is e t in s c r ip tis h a b i t i s , com m e le d it la loi 2 5 , p. 4 , i n j i n e ,
if. D e
prob. e t p r œ s .
Il faudrait donc dém ontrer par écrit, c’est-à-dire, com m e le
porte ledit article 1 1 2 2 , par les expressions m êm es d e l à stip u
lation, que celui q u i a stipulé sous condition (qu oiqu ’il n’ait
pas parlé de scs ayants-cause) a cependant tém oigné vo u lo ir les
e x c lu re , ayan t par exem ple déclaré expressém ent ne vo u lo ir
stipuler que p our le cas où il su rvivrait à l’événem ent de la con
dition.
A u tre m en t, et à défaut de preuve écrite de cette espèce , il
sera toujours censé , com m e le d it V in n iu s, a d r e m f a m i l i a r e m r e s p e jc is s e } c’est-à-dire avoir vou lu a c q u é r ir , ou con
server, ou rep ren d re, et avoir en pleine propriété ( le cas de la
condition a r r iv a n t, en q uelqu e tem ps que ce fû t) , ce q u i fait
l’objet de sa stipulation con dition n elle, le to u t à reffet de pou
v o ir disposer librem ent par actes entre-vifs ou à cause de m ort
du droit éventuel q u i en résu lte, com m e de tous ses autres
d roits, soit ouverts-, soit seulem ent éventuels : or tel est le cas
où s’est trouvé le sieur D elsol père , q u i, en stipulan t un droit
de retour auquel sa fille 11e pourroit déroger par aucim es dispo
s i t io n s (q u o iq u e les enfants de sa fille le p u ssent) 11’a
aucun de scs ayauts-cause du bénéfice de sa stipulation-
exclus
�( 4o )
X IV - Preuves p a r le testament du sieur D e ls o l , et par les
consultations qu’il avoit prises d ’avance sur ce point, q u il
étoit bien convaincu de la r é a x i té de sa stipulation.
Aussi voit-on que le sieur D elso l, toujours bien convaincu de
la l'éalité de son droit en a disposé par testament peu de jours
avant sa m ort, comme d’un droit vraiment réel m rem , quoi
que ce droit purement éventuel ne dût s’ouvrir, suivant toutes
les apparences , qu’après sa mort et même bien long - temps
après.
Effectivement par ce testam ent, après avoir institué son fils
aîné et successivement ses autres enfants, par ordre de primogéniture, ses h éritiers u n iv e r s e ls , il avoit déclaré vouloir e x
pressément que, dans le cas où la dame Jeanne-Marie Delsol,
épouse du sieur de V ig ie r , viendroit à décéder sans en
fants ou descendants , son héritier recueille et profite du
droit de réversion , par lui stipulé dans le contrat de ma
riage de sa fille avec ledit sieur de V ig ier, etc. E t si ses
dispositions à cet égard n’ont pu recevoir aucune exécution, c’est
u n i q u e m e n t parceque le testamenta été déclaré nul pour vice
de forme. Comment en effet auroit-il pu douter un instant de
son d ro it, lui q u i savoit bien n’avoir pas limité sa stipulation
au cas de sa survie , et qu’il ne s’agissoit pas d’un droit d’usu
fruit ou d’usage, ni d’aucun autre droit personnel de sa nature?
Il avoit bien présumé cependant que sa fille , en cas qu’elle
lui survécût, prétendroit le retour éteint par le seul fait de sa
survie, et qu’alors elle s'opposerait à l’exécution de toute espèce
de disposition qu’il aurait cru devoir en faire, pour le cas oii il
«’ouvrirait en quelque temps que ce fût.
En conséquence il avoit pris dès l’année 1 7 7 1 , neuf ans avant.
�■Z
(4 0
sa mort, (un mois avant son second mariage) la précaution de con
sulter M. Chabrol, jurisconsulte deRiom, regardé pour lors a bien
juste titre comme l’oracle de la province; et ce jurisconsulte, quoi
qu’il ne connût pas encore l’arrêt de 1767 qui a fait cesser tous les
cloutes sur ce point, avoit répondu par sa consultation du 24 sep
tembre 1771 (conformément h. la décision de Henrys sûr sem
blable espèce) que M. Delsol ayant stipulé le. retour, en cas de
décès, non seulement de sa fille, mais des enfants de sa fille sans
d e sce n d a n ts (comme il n’étoitpas vraisemblable qu’il eût entendu
survivre aux enfants de sa fille et à leurs descendants, et qu’il eût
étendu si loin sa pensée; comme d’ailleurs il est de principe que
les stipulations son censées faites, tant pour les stipulants que
pour leurs héritiers ou ayants-cause), il devoit être supposé
avoir entendu que cette réserve et convention s’étendroient
bien loin } etpouvoient durer encore après lui.
Il en a été de même de MM. Audran le jeune, Ceuttes et
Ducrochet, jurisconsultes distingués de Riom , qu’il a encore
consultés les i 5 décembre 1778 et 2 janvier 17 7 9 , plus d’un an
avant sa m ort, et q u i, en lui faisant la même réponse, l’ont
appuyée de nouvelles autorités notamment de -celle de l’arrêt
solennel de 1767 , qu’ils présentent comme ayant levé tous les
doutes sur ce p o in t, s’il pouvoit y en avoir encore.
X V . E n v a i n v o iu lr o it- o n a s s i m i l e r là s tip u la tio n d u r e to u r
in rem à u n jid é i c o m m is .
Mais, disent encore les premiers juges (dans le septième a t
te n d u do leur première question), la c la u s e p a r la q u e lle le
s ie u r D e l s o l a v o u lu f a i r e r e n tr e r d a n s s a f a m i l l e , a p r è s s o n
d é c è s e t c e l u i d e s a f i l l e , le s b ie n s r é s e r v é s ou i n s ti tu é s , n e
G
�(4 0
p o u r r o i t ê t r e e n v is a g é e q u e c o m m e u n e c h a r g e d e f i d é i c o m i
m i s } c o m m e u n e v é r it a b le s u b s titu tio n d o n t i l a u r o it v o u lu
g r e v e r s a J i l l e , e t la q u e lle
s e r o i t a b r o g é e p a r le s lo is d u
i4 n o v e m b r e 1792. Ainsi ils supposent que le retour dont il
s’agit seroit un retour à la f a m i l l e du sieur Delsol en particu
lier, à l’exclusion de tous ses autres ayants-cause, tandis que
dans le fait c’est un retour indéfini et illimité à son patrimoine,
et par conséquent à ses ayants-cause, quels qu’ils puissent être,
c’est-à-dire un retour à lui-même, dans la personne de ceux qui
à son défaut le représenteront pour les choses sujettes à ce droit,
lors de son ouverture. O r , certainement ou ne pourra jamais
concevoir que le retour à son patrimoine, ou à soi-même, soit
une véritable substitution fidéicommissaire. Il faudrait au moins,
- pour constituer une telle substitution , que ce retour eut été
stipulé en faveur de tiers, autres que les représentants néces
saires du stipulant, pour venir en second ordre après celui qu’il
a gratifié directement; ou si l’on veut encore, au profit du
moins d’une classe p articu lièr e et déterminée de ses représen
tants et ayants-cause , à l’exclusion de toutes les autres classes ,
comme, par exemple , au profit des s ie n s seulement.
Il ne peut pas en être de même du retour indéfini stipulé par
une clause g é n é r a le , sans aucune espèce délim itation, tel que
celui stipulé par le sieur Delsol père, à raison des circonstances
particulières oii il se trouvoit, comme 011 l’a vu ci-dessus; eu
effet, il y « cette différence entre le retour conventionnel et la
substitution fidéicommissaire, que le retour général et indéfini,
a p p o s é pour tel cas, à une convention quelconque, même à
celle de succéder, la résout, et fait rentrer, le cas arrivant,
tous les biens dont il avoit été disposé sous cette condition, par
donation ou institution , dans le patrimoine du stipulant, pour
�les remettre entre ses mains, ou à son défaut dans celles de ses
représentants, qui ne sont à cet égard et pour ce qui concerne
cet objet que la continuation de sa personne. Aussi voit-on que
la loi du 17 nivose an 2 (quoique les substitutions fidéicommissaires fussent alors abrogées) a conservé les retours convention
nels dans leur intégrité, et qu’en conséquence la Cour de cas
sation, par son arrêt du 11 frimaire an 14 (dont le soussigné a
rendu compte dans sa Consultation de 1806) , a maintenu un
droit de retour indéfini et illimité, comme n’ayant rien de com
mun avec la substitution fidéicommissaire, quoique son ouver
ture n’eut eu lieu que plus d’un siècle après le décès du donateur
qui l’avoit stipulé.
1. D e V e x p o s é c i - d e s s u s r é s u lte la s o lu tio n d e s tr o is
q u e s tio n s p o s é e s p a r l e s p r e m i e r s j u g e s .
De tout ce qui vient d’être exposé résulte incontestablement
la solution de la seconde des trois questions posées par les pre
miers juges , qui étoit de savoir s i la r é s e r v e d e r e to u r s tip u
lé e p a r le s ie u r D e l s o l p è r e é t o it li m i t é e à s a p e r s o n n e , e t
p o u v o it ê t r e tr a n s m is e à s e s h é r iti e r s : or cette question est la
seule qu’ils aient jugée , et par conséquent la seule qui soit à
juger sur l’appel; mais il en résulte encore, en tantque de besoin,
la solution des deux autres questions qu’ils ont pareillement
posées (quoiqu’ils n’aient pas pris sur eux de les juger, s’étant
contenté à cet égard d’émettre leur opinion). En ciï’ct la pre
mière de ces deux questions étoit de savoir quels biens ont été
et pouvoient être compris dans la clause par laquelle le sieur
Delsol s’est réservé le retour, et l’autre de savoir si, dans le
cas de transmissibilité , ce droit tic retour 11c seroit pas confon
�( 44 )
du dans la personne de la dame d’Orcet avec sa qualité d’he'ritière contractuelle de son père : or on a vu ci-dessus, d’une part,
que la stipulation de retour par le sieur Delsol père comprenoit
en termes exprès les biens par lui donnés à sa iille, et en outre
la totalité des biens non donnés qu’il laisseroit au jour de son
décès ; et d’autre part, que le retour ne devant s’ouvrir que par
le fait du décès de la dame d’Orcet sans enfants (c’est-à-dire lors
de la révocation de son institution contractuelle ) , il étoit im
possible que ce droit de retour, en quelque temps qu’il s’ouv r it , se confondit un seul instant dans sa personne avec sa qua
lité d’héritière contractuelle de son père ; et l’on a vu de plus
que la dame d’O rcet, qui n’a pas d’enfants, étant actuellement
hors d’àge d’en avoir, le droit de retour dont elle est grevée ne
peut manquer de s’ouvrir un jour au profit de ceux qui se sont
trouvés être héritiers ab intestat du sieur Delsol père décédé
sans avoir testé valablem ent, c’est-à-dire au profit de la dame
d’Orcet elle-même pour sa part héréditaire, et pour le surplus
au profit des sieurs Delsol, ses frères} le tout attendu que l’é
vénement de la condition apposée au retour (comme toute es
pèce de condition apposée à une stipulation), a un effet rétroac
tif au jour même de la stipulation, comme on l’a vu ci-devant:
or il résulte de là, en dernière analyse, que les sieurs Delsol frères
ont été bien fondés à exercer les actes conservatoires de leur
droit, quoique ce droit ne soit qu’éventuel-, et ils doivent croire
que c’est aussi ce qui sera jugé sur leur appel par les magistrats
supérieurs qui en sont saisis.
Délibéré à Paris par le soussigné ancien avocat, ce 24
mars 1809.
LESPARAT.
�( 44
L
e
b is
)
C O N S E IL S O U S S IG N É , qui a pris lecture des deux
consultations délibérées et rédigées par M. Lesparat, les 27 juin
1806 et 24 mars 1809, ensemble du jugement rendu en pre
mière instance par le tribunal d’Aurillac, entre madame d’Orcet
et MM. Delsol, le 22 juillet 18085 vu d’ailleurs le précis imprimé
sur lequel est intervenu l’arrêt solennel du 17 février 1767,
adopte entièrement tous les principes déduits dans les deux con
sultations précitées, où la doctrine sur les clauses de retour est
établie avec un jugement exquis et une clarté parfaite. Il s’ho
nore sur-tout de professer, avec le respectable jurisconsulte qui
en est l’auteur, l’opinion que l’article 951 du Code Napoléon,
quelles qu’aient été les intentions de ses illustres rédacteurs (ce
qui est fort inutile à approfondir), n’a nulle influence sur une
question qui procède d’une convention faite avant le Code; et à
ce sujet il croit devoir observer que si (par application de ce
principe sur l’impossibilité de donner effet rétroactif aux lois )
on croit devoir contester à l’article 1179 du Code Napoléon
(quoique confirmatif d’un droit antérieur) toute influence sur
la question de présomption légale pourla réalitédu retour, celte
présomption légale se retrouve, quant à l’espèce, dans le droit
romain, qui, lors des conventions, éloit la loi coërcitivc des
parties domiciliées en pays de droit écrit. L e Conseil pense donc
�(
44 *<” ' )
que îe jugement du tribunal de première instance sera réformé
sans coup férir par la cour d’appel, et que la stipulation de re
tour sera réinvestie de tous les effets que lui a assignes la volonté
des parties.
D élibéré à P a ris, ce 17 mai 1809.
BELLART,
B O N N E T , D E L V IN C O U R T , L A C A L P R A D E .
�N
a p o i
. . É O N , PAR LA GRACE DE DlEU ET LES CONSTITUTIONS DE l ’ E m -
ï i r e , E m p e r e u r d e s F r a n ç a i s , R o i d’ I t a l i e , e t P r o t e c t e u r d e l à
C o n f é d é r a t i o n d u R k i n , à tou s p r é s e n ts et à v e n i r , S a l u t :
L e T r i b u n a l c i v i l d e p r e m iè r e in s ta n c e é t a b li à A u n l l n c , c h e f -lie u
..de p r é f e c t u r e d u d é p a r t e m e n t d u C a n t a l , a r e n d u le j u g e m e n t s u i v a n t :
E n t r e d a m e J e a n n e - M a r i c D e ls o l , v e u v e d e s ie u r G a b r i e l - B a r t b é l e m y
V i g i e r - d ’O r c e t , h a b i t a n t d e la v ille d e M a u r i a c , d e m a n d e r e s s e en e x e c u tio n d e j u g e m e n t d u six a o û t d e r n i e r , et d é fe n d e r e s s e en o p p o s i t i o n ,
c o m p a r a n t e p a r M e. L a b r o , son a v o u é , d ’ u n e p a r t ;
S i e u r P i e r r r - F r a n ç o i s D e l s o l , p r o p r i é t a i r e , h a b i t a n t d e la ville d ’A u r il l a c , d é f e n d e u r et o p p o s a n t , c o m p a r a n t p a r M ' . R a m p o n , son a v o u é ,
d ’a u t r e p a r t ;
S i e u r G a b r i e l - B a r t h é l e m y D e l s o l , p r o p r i é t a i r e , h a b i t a n t d e la ville
d e P a r i s , aussi d é f e n d e u r et o p p o s a n t , c o m p a r a n t p a r M e. B o n n e f o n s ,
son a v o u é , d ’a u tr e p a r t ;
E n p r é s e n c e d e s ie u r A n t o i n e D e s p r a t s , p r o p r i é t a i r e , h a b i t a n t d u d i t
A u r i l l a c , aussi d é f e n d e u r , c o m p a r a n t p a r M ' . M a n h e s , son a v o u é , d ’a u t r e
part :
O u ï le r a p p o r t d e l ’ in s la n c e d ’e n tr e les p a r t i e s , fa it p u b l i q u e m e n t à
l ’a u d i e n c e p a r M . D i l z o n s , p r é s i d e n t , m e m b r e d e la L é g i o n d ’I I o n n c u r ,
en e x é c u t io n du j u g e m e n t d u d i x - n e u f l é v r i e r d e r n i e r , à l’a u d i e n c e d u
v i n g t - u n j u i l l e t , et a p r è s q u ’il en a é l é d é li b é r é à la c h a m b r e d u co n s e il,
en e x é c u t io n d u j u g e m e n t d ’ h ie r v in g t-u n j u i l l e t ; v u le p r o c è s , les c o n
c lu s io n s d e sd its sieu rs P i e r r e - F r a n ç o i s et G a b r i e l - B a r t h é l e m y D e l s o l ,
t e n d a n t à ê t r e r e ç u s o p jio sa n s au j u g e m e n t r e n d u p a r d é fa u t fa u te d e
p l a i d e r , le six a o û t d e r n i e r , q u e fa isa n t d r o i t su r l e u r o p p o s i t i o n , le d it
j u g e m e n t lû t d é c h iré nul et de n u l cil’e t , a u p r i n c i p a l la d a m e d ’ü r c e t
fû t d é c la r é e pur< n ien t et s im p le m e n t non r e c e v a b l e d an s sa d e m a n d e , o u
en tous cas déboutée*, sous l.t r é s e r v e q u e font les s ie u r s D e l s o l , d e x e r
ce. c o n t r e tous d é t e n t e u r s des bi ens s o u mi s au d ro it d e r e t o u r les d ro its
e t a ctio n s r é s u l u n s d e le u r s q u a lité s d e t r a n s m is s io n u a ir e s , ainsi qu'il»
�#,*j v
(
46 )
a v i s e r o n t , et q u e la d ain e d ’O r c e t so it c o n d a m n é e a u x de'pens -, v u les
c o n c lu s io n s d e la d a m e d ’O r c e t , te n d a n t e s à c e q u e les sieu rs D e lso l fu s
se n t d é b o u t é s d e l ’o p p o s itio n p a r e u x forme'e p a r l e u r r e q u ê t e d u v i n g t trois a o û t d e r n ie r a u j u g e m e n t d u six d u m ê m e m o is , q u ’il fû t o r d o n n é
e n c o n s é q u e n c e q u e le s u s d it j u g e m e n t se ro it e x é c u t é s u i v a n t sa fo r m e
e t t e n e u r , e t q u e lesd its sieu rs D e ls o l fu s se n t c o n d a m n é s a u x d é p e n s •
v u aussi les c o n clu sio n s d u s ie u r D e s p r a t s , t e n d a n te s a ce q u ’il fu t d o n n é
a cte d es o ffres q u ’il a v o it to u jo u r s faites d e p a y e r le p r i x d e spn a c q u isi
t io n , en , p a r la d a m e d ’O r c e t , lu i d o n n a n t b o n n e et su ffisante c a u t i o n ,
o u e n fa isa n t j u g e r la v a l i d i t é d e son p a i e m e n t vis-à-vis des sieu rs D e ls o l
ses f r è r e s ; en c o n s é q u e n c e , et d an s le cas o ù elle p a r v i e n d r o i t à fa ire j u
g e r p a r j u g e m e n t en d e r n i e r r e s s o r t , q u e le d r o it d e r e t o u r d o n t s’a git
est i r r é v o c a b l e m e n t é t e i n t , q u e lesd its sieu rs D e ls o l fu ssen t c o n d a m n é s
a u x d é p e n s d e la c o n t e s t a t io n , m ê m e vis-à-vis d e lu i D e s p r a t s j et a u cas
c o n t r a i r e o ù le t r i b u n a l d é c i d e r o i t q u e le d ro it d e r e t o u r p e u t s o u v r i r
e n c o r e en f a v e u r des sie u r s D e l s o l , en ce c a s , q u e la d a m e d ’O r c e t fu t
d é c la r é e n o n r e c e v a b l e d a n s sa d e m a n d e en p a i e m e n t d u p r ix d u p r é
d e C a n c o u r , q u ’elle fû t c o n d a m n é e à r e s t itu e r les six ce n ts fr a n c s p a r
clic r e ç u s , a v e c les in térêts l é g i t i m e m e n t d u s , et en o u t r e en six m ille
fr a n c s de d o m m a g e s - i i i té r ê t s r é s u lla n s d e l ’é v i c t i o n , et en tous les d é
p en s.
D a n s le fa it, en l ’a n n é e i / 4o , le s ie u r B a sile D e ls o l , p r o c u r e u r au
b a illia g e d ’ A u r i l l a c , é p o u s a la d e m o is e lle T h o m a s ; d e c e m a r ia g e il
n’issut q u ’ u ne fille q u i se m a r ia a v e c le s ie u r d e V i g i e r - d ’O r c e t ; d an s leu r
c o n t r a t d e m a r i a g e , d u d e u x j u i n 1 7 G 0 , le s ie u r D e ls o l d o n n a p a r d o n a
tio n e n tr e - v ifs p u r e et s i m p l e , à la d e m o is e lle D e l s o l , sa fille , p a r a v a n
c e m e n t d ’h o ir i e , le d o m a i n e , te r re et s e ig n e u r i e d u C l a u x , 011 q u o i q u e
l a d ite t e r r e et d o m a in e d u C l a u x p u iss e n t ê t r e et c o n s is t e r , a u x m ê m e s
c l a u s e s , c h a r g e s et c o n d itio n s q u e le d é la is s e m e n t lui en sera fa i t , c o n f o r
m é m e n t à la d e m a n d e q u ’ il en a fo r m é e a u x r e q u ê t e s d u p a la is, et au
cas où ladite d e m a n d e en d é la is s e m e n t d esd its bien s ne lui se ro it pas a d j u g é e , ledit D e ls o l , p o u r d é d o m m a g e r sa fille d u d i t d o m a in e et te r re du
4
�|f C
( 47 )
C l a u x , l u i d o n n a et délaissa toutes les c r é a n c e s q u i l u i éto ien t d u e s p a r
lesd its b ie n s en ca p ita l et a ccesso ires; le sieu r D e ls o l d o n n a aussi p a r
m ê m e d o n a tio n e n tr e - v ifs à la d ite d e m o ise lle D e ls o l sa fille la s o m m e
de d ix m ille l i v r e s , q u ’ il p a y a c o m p t a n t ; et à l ’é g a r d d u s u r p lu s de ses
a u tr e s b ie n s q u i se t r o u v e r o ie n t rester a u d i t s i e u r D e ls o l lors d e son d é
c è s , il p r o m i t d e n’in s tit u e r d ’a u t r e h é r itiè r e q u e la d e m o is e lle D e ls o l,
sa fille, sous la r é s e r v e d e l’u su fr u it d e tous les L iens in s tit u é s , e t d e p o u
v o i r v e n d r e e t e n g a g e r lesd its b ie n s ainsi q u ’il j u g e r a à p r o p o s , ta n t en
la v i e q u ’à la m o r t , et e n c o r e d e d isp o ser d u n e s o m m e d e d ix m ille l i v . ,
e t n ’en dispo sa n t p a s , la r é s e r v e to u r n e r a a u p r o fit d e sa d ite fille; et a u
cas o ù la d ite d e m o is e lle f u t u r e é p o u s e v i e n d r o i t à d é c é d e r sans e n fa n ts,
o u ses en fa n ts sans d e s c e n d a n ts , o u sans d is p o s e r v a l a b le m e n t , le d it s ie u r
D e ls o l se r é se r v a e x p r e s s é m e n t le d r o it d e r é v e r s io n e t r e t o u r , t a n t des
b ie n s d o n n é s q u e r é s e r v é s , sans q u ’il p û t ê t r e d é r o g é p a r sa fille f u t u r e
é p o u s e a u d i t d r o i t d e r é v e r s io n p a r a u c u n e d is p o sitio n n i a u tr e s actes
a c e c o n tr a ir e s. P a r le m ê m e c o n t r a t , le s ie u r d e V i g i e r o n c l e , p o u r et
a u n o m d e la d a m e M o i s s i e r , u s a n t d u p o u v o i r d o n n é à la d i t e d a m e p a r
le s ie u r de V i g i e r , son m a r i , d a n s son c o n t r a t d e m a r i a g e d u o n z e
fé v r ie r 1 7 2 2 , n o m m a led it sieu r d e V i g i e r f u t u r é p o u x , p o u r r e c u e illir
l'effet d e l a d o n a t i o n d e la 'm o itié d e tous ses b ie n s p a r e u x fa ite a u p r o fit
d e c e l u i d e le u r s e n fa n s à n a ître q u i se ro it ch oisi p a r e u x o u p a r le s u r
v i v a n t d ’e u x ; e t en v e r t u d u p o u v o i r sp écial p o rté en lad ite p r o c u r a t i o n ,
il d o n n a à l it r e d e d o n a t io n e n t r e - v i f s a u d i t s ie u r d e V i g i e r , fu t u r
é p o u x , t o u t le s u r p lu s des b i e n s , m e u b l e s et i m m e u b l e s , p r é se n ts et à
v e n i r d e la d ite d a m e , et r é se r v a à l a d ite d a m e V i g i e r la l ib e r t é d e d is p o
se r p a r a c te e n t r e - v i f s o u à ca u se d e m o r t d ’ u n e s o m m e d e d ix m ille
l i v r e s à p r e n d r e s u r les b ie n s p a r elle d o n n é s ; se r é se r v a p a r e i l l e m e n t ,
la d ite d a m e V i g i e r , ( e t p o u r elle led it s i e u r p r o c u r e u r c o n s tit u é ) , le r e to u r
et r é v e r s io n à elle et a u x siens des b ie n s p a r elle d o n n é s a u d i t sieu r fu tu r
é p o u x , d an s le cas o ù il v ie n d r o it à d é c é d e r sans e n fa n t s , ou ses en tants
sans d e s c e n d a n t s , o u sans a v o ir v a l a b l e m e n t d isposé. — C e ne fu t q u e
p lu s d e o n z e ans a p rè s le m a r ia g e d e sa fille q u e , le v in g t o c t o b r e 1 7 7 1 ,
le s ie u r D e ls o l en c o n t r a c t a u n s e c o n d a v e c la d em o ise lle D u b o i s . D a n s
I
a
�ce s e c o n d c o n t r a t d e m a r i a g e , les é p o u x d o n n e j i t la m o it ié d e le u rs
b ie n s à u n d e s en fants à n a ître q u i se ro it ch o isi p a r e u x ou p a r le s u r v i
v a n t. — L e 1 1 ju illet 17 8 0, le s ie u r D e ls o l fit u n t e s t a m e n t p a r le q u e l , a p rè s
a v o i r l é g u é m ille liv r e s à la d a m e d ’O r c e t , et so ix a n te m ille liv r e s à c h a
c u n d e ses trois e n f a n l s , il in s titu a p o u r son h é r itie r u n i v e r s e l son fils
a în é d u s e c o n d l i t , e t , à son d é f a u t , ses a u t r e s e n fa n ts p a r o r d r e d e p rim o g é n it u r e , v o u l a n t e x p r e s s é m e n t q u e d a n s le cas o u la d a m e d ’O r c e t
v ie n d r o it à m o u r i r sans e n fa n ts, o u ses en f a nt s sans d e s c e n d a n t s , son h é r i
t ie r p r o fitâ t d u d r o it d e r e t o u r p a r l u i s t i p u l é d an s le c o n t r a t d e m a r i a g e
de sa f i l l e . — C e t e s t a m e n t fu t d é c l a r é n u l p o u r v i c e d e f o r m e p a r se n
te n c e d u b a illia g e d ’A u r i l l a c d u v i n g t - n e u f a o û t 1 7 8 2 , l a q u e l l e o r d o n n a
le p a r t a g e d e la s u c c e s s io n d u s ie u r D e ls o l , p o u r eu ê t r e d éla issé a u x
en fa n ts d u s e c o n d l i t trois d o u z i è m e s p o u r l e u r lé g it im e de d r o i t , e t les
n e u f a u tr e s d o u z i è m e s
à la
d a m e d ’O r c e t , en v e r t u d e l ’in s titu tio n c o n
tr a c t u e lle . L e p a r t a g e fu t ainsi e x é c u t é . — D e v e n u s m a j e u r s , les sieurs
D e ls o l f r è r e s , tant en l e u r n o m q u e c o m m e co h é r itie r s d e S o p h i e , l e u r
sœ u r m o r t e a b i n t e s t a t , o n t p a ss é a v e c la d a m e d ’O r c e t , les d ix v e n t ô s e
et v i n g t - t r o i s g e r m i n a l a n n e u f , d e u x actes sé p a r é s p a r l e s q u e ls les sieu rs
D e l s o l , en a p p r o u v a n t le p a r t a g e d e s i m m e u b l e s d e l e u r p è r e , c é d o ie n t
à la d a m e d ’O r c c t le h u i t i è m e r e v e n a n t à c h a c u n d ’e u x d an s l ’a r g e n t
c o m p t a n t , le p r i x d u m o b i l i e r , les c r é a n c e s p e r ç u e s , e t l e u r p a rt d an s la
s o m m e d e d ix m ille liv r e s p o r t é e p a r le c o n t r a t d e m a r ia g e d u d e u x ju in
1 7 G 0 , en q u o i q u e le t o u t p u iss e ê t r e et c o n s i s t e r , sans a u tr e s réserv es
q u e celles c i - a p r è s : ( l a d a m e d ’O r c e t d e m e u r e c h a r g é e d es d e ttes d e la
su cc essio n ; au m o y e n d e ce , les p a r t ie s se t ie n n e n t r e s p e c t i v e m e n t q u itte s
d u passé jusqu'à hujr, e t p r o m e t t e n t n e p lu s se rie n d e m a n d e r l ’u n e à
l ’a u t r e . ) —
P a r m i les b ie n s restés k la d a m e d ’ O i c e t é t o it u n e p a r t ie de
la m o n t a g n e a p p e lé e d e B r o u s s e t t c -, e lle l ’a v e n d u e a u s ie u r D e ls o l a în é ,
p a r a c te d u v i n g t - h u i t f r u c t id o r an d i x , m o y e n n a n t d o u z e m ille l i v r e s ,
d o n t il a p a y é h u i t m ille l i v r e s , e t la d a m e d ' O r c c t l ’a te n u q u i tt e des
q u a t r e m i lle liv r e s r e s t a n t e s , au moyen d o c e q u ’il a r e n o n c é au q u a r t
des c r é a n c e s à r e c o u v r e r . — L e s i e u r D e ls o l n’a v u a u c u n d a n g e r d an s
t c ite a cq u isitio n . — L e q u i n z e a v r i l 1 8 0 G , la d a m e d ’O r c e t v e n d it au
�■¿71
(
49 )
s ie u r D e s p r a ts u n p r é a p p e l é d e C a n c o u r , l e q u e l fait p a rtie d es b ie n s
d u s ie u r D e ls o l. — P e u a p rè s a p a r u l ’a r r ê t d e la c o u r de c a s s a t i o n , d u
o n z e fr i m a i r e a n q u a t o r z e , q u i a v a l i d é u n d r o i t d e r e t o u r c o n v e n t i o n
n e l et c o u t u m i e r , a u q u e l o n v o u lo i t a p p l i q u e r la loi s u p p r e s s iv e d es
s u b s titu tio n s . A l o r s l e s ie u r D e s p r a t s , c r a ig n a n t à to r t d ’é tre u n jo u r
é v i n c é d e son a c q u i s i t i o n , r e fu sa d ’en p a y e r l e p r i x - s u r le c o m m a n d e
m e n t q u i lu i a é t é fait le o n z e j u i l l e t , il a r é p o n d u q u e le d ro it d e r e t o u r
é t a n t *une stip u la tio n c o n d itio n n e lle q u i passe a u x h é r i t i e r s , il a v o it
ju s t e s u je t d ? a p p r é h c n d e r d ’é tre t r o u b l é d a n s la p r o p r i é t é d u p r é de
C a n c o u r , e t d e d e m a n d e r p a r c o n s é q u e n t a r é s o u d r e la v e n t e , o u à r e
te n i r le p r i x , o u à p a y e r sous ca u tio n . C e r e fu s o b li g e a la d a m e d’ O r c e t
à se p o u r v o i r en j u s t ic e , et à d e m a n d e r c o n t r e le s ie u r D e s p r a t s la c o n
tin u a tio n d e ses p o u r s u i t e s , et c o n t r e les sieü rs D e ls o l la n u l l it é d e la
cla u s e . C ité s a u b u r e a u de p a i x , l ’aîn é a r é p o n d u q u ’il n e
p a s le c o n t r a t d e m a r i a g e d e sa s œ u r ,
4j u ’il
connoissoit
i g n o r o i t si son p è r e a v o it
s t ip u lé u n d r o it d e r e t o u r , q u ’e n le s u p p o s a n t a i n s i , il n’a u r o i t q u ’ u n e
e s p é r a n c e . O n a p r é t e n d u p o u r l e c a d e t q u ’ il a v o i t c h a n g é son d o m i
cile à P a r i s , e t sous c e p r é t e x t e o n a é l u d é la c l ô t u r e d u p r o c è s - v e r b a l .'
j u s q u ’ au o n z e a o û t. A s s ig n é s a u t r i b u n a l , c h a c u n d ’e u x a
constitué
a v o u é , et a p rè s a v o i r t e r g i v e r s é p e n d a n t p lu s d e h u i t m o i s , ils o n t d e
m a n d é p a r des e x c e p t i o n s sé p a r é e s à ê t r e m is h o r s d e c a u s e , s’a g i s s a n t ,
d is o ie n t - ils , d ’u n d r o it non o u v e r t . D a n s
cet
é t a t , la c a u s e p o r l é e à l’a u
d ie n c e d u c i n q ju in 1 8 0 7 , il i n t e r v i n t u n j u g e m e n t p a r d é fa u t q u i o r
d o n n a q u ’ils d é f e n d r o i e n t a u fo n d . Us o n t fa it sig n ifier d es d é fe n s e s le
d e u x j u i l l e t , en p r o t e s ta n t d e se p o u r v o i r c o n t r e le ju g e m e n t, d u c in q
ju i n . Q u o i q u ’ils e u ss e n t d o n n é le u r s m o y e n s p a r é c r i t , les s ie u r s D elsol
n ’o n t pas v o u l u les p l a i d e r à l ’a u d ie n c e . L e six a o û t u n s e c o n d j u g e m e n t
p a r d é f a u t a d é c la r é n u lle la cla u s e d u d r o it d e r e t o u r , e t a o r d o n n é la
co n t in u a tio n d es p o u r s u it e s c o n t r e le s ie u r D e s p r a t s . L e s sieurs Delsol
o n t f o r m é o p p o sitio n à c e j u g e m e n t , e t c e n’est q u e le d i x - n e u f fé v r ie r
180 8 q u ’ ils se so n t en lin p r é s e n té s à l’a u d i e n c e , o ù , su r plaid oiries res
p e c t i v e s p e n d a n t q u a t r e a u d i e n c e s , il a été o r d o n n é u n e in s tr u c tio n p a r
é c r it au r a p p o r t d e M. Del/.ons, p r é s i d e n t .
�D a n s le d r o i t , la ca u se pre'sente à j u g e r ,
Q u e l s b i e n s o n t é t é , e t p o u v o i e n t ê t r e c o m p r i s d an s la c la u s e d e r e
i°
t o u r r é s e r v e 'e p a r le s ie u r B a z i l e D e ls o l d a n s le c o n t r a t d e m a r ia g e d e
la d a m e d ’O r c e t sa fille ;
2° S i c ette r é s e r v e é t o it l im it é e à la p e r s o n n e d u s ie u r D e l s o l , o u p o u v o i t ê tre tra n s m is e à ses h é r i t i e r s ;
3°
S i d an s l e cas d e la t r a n s m is s i b i l i t é , c e d r o i t d e r e t o u r n e se seroit
p a s c o n f o n d u d a n s l a p e r s o n n e d e la d a m e d ’O r c e t a v e c sa q u a li t é d ’h é r i
tiè re c o n t r a c t u e l le d e son p è r e .
S u r la p r e m i è r e q u e s t i o n , a t t e n d u ,
i ° Q u e , c o n f o r m é m e n t a u C o d e c i v i l , d an s l ’i n t e r p r é ta t io n d es c o n
v e n t i o n s , o n d o i t p l u t ô t r e c h e r c h e r q u e l le a été la c o m m u n e in t e n tio n
d e s p a rties c o n t r a c t a n t e s , q u e s’a r r ê t e r a u sens littéral des t e r m e s ;
q u e les te r m e s s u s c e p t ib le s d e l i e u x sens d o i v e n t ê t r e p ris d a n s c e l u i q u i
c o n v i e n t l e p l u s à la m a t iè r e d u c o n t r a t ; q u e to u tes les cla u s es des
c o n v e n t i o n s s’i n t e r p r è t e n t les u n e s p a r les a u t r e s , en d o n n a n t à c h a
c u n e l e sons q u i r é s u lte d e l’a c te e n t i e r ; q u e , d an s le d o u t e , les c o n
v e n t io n s s’i n t e r p r è t e n t c o n t r e c e l u i q u i a s t i p u l é , o u q u i p o u v o i t faire
la loi ;
2 “ Q u e l’o b j e t d u d r o i t d e r e t o u r c o n v e n t i o n n e l est d e faire r e n t r e r
d an s les cas p r é v u s , d a n s le d o m a in e d u d o n a t e u r , les ch o ses p a r lu i
d o n n é e s ; q u e d è s - lo r s , o n n e p e u t le s u p p o s e r o u l'a d m e t t r e q u e d an s
les
c o n v e n t i o n s e t cas o ù un d o n a t e u r s’est d é p o u i l lé d e sa p r o p r i é t é ,
et p e u t en su ite la r e p r e n d r e ;
3°
Q u e le s ie u r D e ls o l a y a n t fait u n e d o n a tio n e n tr e - v ifs à sa fille, et
l’a y a n t , p a r le m ê m e c o n t r a t , in s titu é e son h é r itiè r e u n i v e r s e l l e , il se ro it
c o n t r a d i c t o i r e et c o n t r e la n a t u r e d ’ u n e in s titu tio n q u e la r é s e r v e d e r e
t o u r p a r lui stip u lé e en m ê m e t e m p s , »’ a p p l i q u a i a u x b i e n s q u i faisoient
l'o b je t d e c e t t e i n s tit u tio n , d o n t la p r o p r i é t é e t to u te d ispo sitio n à titre
o n é r e u x ne laisso ie n t pas d e reste r en son p o u v o i r , et d o n t ¡1 ne se d é p o u illo it p a s ; q u ’ il se ro it d ès-lo rs r id i c u le d e s u p p o s e r q u 'il so n g e o it à
faire r e n t r e r d an s ses m a in s ce q u i n'en so rto it p a s , et n e p o u v o it p a s
f'n sortir de son v iv a n t ;
�(
4°
)
Q u e l e sens d e l’a c t e e n t i e r , e t l ’i n te n tio n b i e n c o n n u e d es p a rties
é t o it d ’a s s u r e r , d ès l ’i n s l a n t , à la d a m e d ’O r c c t , à lit r e d e d o n a t a i r e , et
t a n t en n u e p r o p r i é t é q u ’ u s u f r u i t , u n e p a r t i e d e la f o r t u n e d e son p è r e ,
e t le s u r p lu s a p r è s sa m o r t , sans q u e la d o n a ta ire p û t c e p e n d a n t d is p o
ser d e r i e n , au p r é j u d i c e d e son p è r e , d an s les cas p r é v u s p a r la cla u s e
d e r e t o u r -,
5°
Q u ’il s’e n s u it d ès-lo rs q< e , q u o i q u ’on lise d a n s c e l t e c la u s e q u e le
s ie u r D e ls o l se r é s e r v e le d r o it d e r e v e r s io n et r e t o u r , t a n t d es L ie n s
d o n n é s q u e r é s e r v é s , les p r i n c i p e s c i - d e s s u s é n o n c é s p e r m e t t e n t d ’a u
t a n t m o in s d e s u p p o s e r q u e , p a r les m ots d e b ie n s réservés, les p a rtie s
a v o i e n t e n t e n d u les b ie n s d e l’i n s t i t u t i o n , q u e p e u d e lig n e s a u p a r a v a n t
elles les a v o i e n t d é sig n é s sous le n o m d e b ie n s in s titu és ; q u ’il est p lu s
n a t u r e l d e c r o i r e q u e les m o ts b ie n s réservés o n t é c h a p p é à l’i n a d v e r
t a n c e d u r é d a c t e u r ; d ’a u t a n t p lu s q u e t o u t e la c o n t e x t u r e d e la p a r t ie
d u c o n t r a t d e m a r i a g e , q u i c o n c e r n e les d is p o sitio n s d u s ie u r D e l s o l ,
p r o u v e q u e c e r é d a c t e u r a v o it les n o tio n s les p l u s o b s c u r e s s u r la n a t u r e
e t les effets des in s tit u tio n s c o n t r a c t u e lle s ;
G° Q u ’il se p e u t e n c o r e ( c a r t o u t e c o n j e c t u r e est a d m is s ib le d a n s l ’in
t e r p r é t a t i o n d ’ u n e c la u s e aussi e x t r a o r d i n a i r e ) q u e , p a r r e t o u r d es b ie n s
r é s e r v é s o u in s titu é s, o n a it v o u l u e n t e n d r e l a c a d u c i t é d e l’ in s titu tio n
e n cas d e p r é d é c è s d e l ’h é r itiè r e in s titu é e et d e ses e n fa n ts ;
7 ° Q u e s’il fallo it d o n n e r q u e l q u e s e n s , q u e l q u e s effets à la c la u s e d e
r e t o u r d es b ie n s réservés, y r e c o n n o i t r e les b i e n s d e l'in s titu tio n , e t
s u p p o s e r q u e le bieur D e ls o l v o u lo i t les fa ir e r e n t r e r d a n s sa fa m ille
a p r è s son d é c è s e t c e l u i d e sa fille -, c e t t e c la u s e c o n t r a r i a n t é v i d e m
m e n t la n a t u r e e t les p r i n c i p e s d u d r o i t d e r e to y ir, n e p o u v o i t ê t r e e n
v is a g é e q u e c o m m e u n e c h a r g e de f i d é i c o m m i s , c o m m e u n e v é r it a b le
s u b s t it u t io n d o n t i l a u r o i t v o u l u g r e v e r sa f i l l e , e t la q u e l l e s e ro i t a b r o g é e
p a r les lois d u q u a t o r z e n o v e m b r e 1 7 9 2 .
S u r la s e c o n d e q u e s t i o n , a t t e n d u ,
i°
Q u e q u o i q u e la m a j o r i t é d es a u t e u r s , c l p l u s i e u r s m ê m e
très
e s t i m a b l e s , a ie n t le m i q u ’en g é n é r a l r e li e t d e la stip u la tio n de r e t o u r
c o n v e n t i o n n e l , e u f a v e u r d u d o n a t e u r , sans q u ’il f û t la it m e n t i o n d e ses
�V
' *
( 5 2 }
h é r i t i e r s , éto it tra n s m is sib le à son h é r itie r c o m m e to u te a u t r e s t i p u la t i o n ,
m ê m e c o n d i t i o n n e l l e , a p p o s é e d a n s les c o n t r a t s ; q u o i q u ’il se t r o u v e
m ê m e d e u x a rrêts q u i l ’a v o i e n t ainsi j u g é , to u s s’a c c o r d e n t c e p e n d a n t à
d i r e , et la saine raison suffit p o u r p r o u v e r , q u e c e tte transm issibilité ne
p e u t a v o i r lieu l o r s q u e la st ip u la t io n d e r e t o u r a été lim it é e à la p e r
son ne du d on ateu r ;
2° Q u e , d a n s l'e s p è ce a c t u e lle , c e t t e l im it a t io n à la p e r s o n n e d u sieur
D i lsol r é s u lte é v i d e m m e n t , soit d e la c i r c o n s t a n c e q u e la d a m e de
V i g i e r , m è r e d u f u t u r é p o u x , l u i fa is a n t d o n a t io n d e to u s b i e n s , s’en
r é s e r v a l e r e t o u r p o u r elle et les sien s , t a n d is q u e le s i e u r D e ls o l n e le
r é s e r v a q u e p o u r lu i j q u e c e t t e d if fé r e n c e r e m a r q u a b l e d a n s les d e u x
cla u ses in sérées d a n s le m ê m e a c t e , d ’a illeu rs p a r f a i t e m e n t s e m b l a b l e s ,
a n n o n c e c l a ir e m e n t q u e les p a r t i e s v o u l o i e n t , q u a n t à c e , l e u r d o u n e r
u n e é t e n d u e d if fé r e n t e ;
3°
Q u e c e t t e d iffé r e n c e d an s la s t i p u la t i o n s’ e x p l i q u e e n c o r e p a r la
c i r c o n s t a n c e i m p o r t a n t e q u e la d a m e d e V i g i e r a v o it p lu s ie u r s e n f a n t s ,
p o u r le s q u e ls sa s o l li c i t u d e m a t ç r n e ll e l ’e n g a g e o it à c o n s e r v e r scs b i e n s ,
a u lie u q u e le s ie u r D e ls o l u ’a v o i t q u ’ u n e fille u n i q u e , e t a u c u n p r o c h e
parent ;
/|° Q u e la p r o h i b i t i o n si e n tiè r e , si a b s o l u e d e d i s p o s e r , q u e l e s ie u r
D e ls o l i m p o s o i t à sa fille , p r o u v e e n c o r q q u ’ il ne st ip u lo it q u e p o u r lu i
n ’ étant pas p r é s u m a b l e q u ’il m i l sa fille d an s u n tel é ta t d ’iu tc r d ic tio n
en fa v e u r de parents éloignés , avec lesquels il n ’a voit aucunes rela
tio n s, que les parties m êm e ne connoissoient p a s , ainsi que la dame
d'O rcel l’a plusieurs f o i s dit et écrit , sans que le f a i t ait été désa
voué,
5°
Q u e c e t t e lim itatio n r é s u lte s u r - t o u t d e la c i r c o n s t a n c e q u e l e s i e u r
D e l s o l , a p r è s a v o i r l’a it à sa fille u n e d o n a t io u e n i r e - v i i s , l’in s tit u a n t en
m ê m e t e m p s son h éritière u n i v e r s e l l e , il s e n tit a b s u r d e d e s u p p o s e r
q u ’il e u t fa it et v o u lu faire c o n t r e c e t t e h é r itiè r e m i e r é s e r v e q u i ne d e vo it <;t n e p o u v o it p r o fite r q u ’à e l l e - m ê m e , p u i s q u ’en «d.Tietlaut le s y s
t è m e de tra iism U s ib ilité d u d r o it d e r e t o u r , c e l l e tra n s m is sio n u ’a u r o it
p u a v o ir lieu q u ’e n f a v e u r d e c e t t e m ê m e héritière*.
�Z7S
(
53
)
S u r la tro isiè m e q u e s tio n , a t t e n d u ,
i ° C o m m e il v i e n t d ’ê t r e d i t , q u e l'a c tio n r é s u lta n t e d ’ u n e r é s e r v e
d e r e t o u r , m ê m e i n d é f i n ie , n e p o u v o i t p r o f it e r q u ’a u x h é r itie r s c o m m e
fa isa n t p a r t i e d es a ctio n s h é r é d it a ir e s ;
a 0 Q u e , d a n s l ’e s p è c e , la d a m e D o r c e t , é ta n t s e u le h é r itiè r e u n i v e r
s e lle , fo r m e u n v é r i t a b le h é r itie r q u i n e d ifféré q u e d e n o m d e l ’h é r itie r
t e s t a m e n t a i r e , q u a n t à l’ u n iv e rs a lité d u t i t r e ; q u e c e t t e i n s tit u tio n m e t 1
l ’i n s tit u é à la p l a c e d e s h é r itie r s d u s a n g , et l e cas a v e n a n t , l e saisit d e
to u s les d ro its d e l’h é r é d it é ;
3°
Q u e les a u t r e s e n fa n ts m ê m e d e l ’i n s t i t u a n t , s u i v a n t les p r i n c i p e s
u n i v e r s e l le m e n t r e ç u s lors d u d é c è s d u s i e u r D e ls o l , p e r d o i e n t p a r l’effet
d e c e tte in s tit u tio n la q u a li t é d ’h é r itie r s et n e c o n s e r v o ie n t q u ’u n s im p le
d r o i t à u n e p o r t io n d e s b i e n s à t it r e d e l é g i t i m e ;
4°
Q u e dès-lors la r é s e r v e d e r e t o u r t r a n s m is s i b l e , q u o i q u e d ir ig é e
c o n t r e u n h é r itie r i n s t i t u é , ( s ’il é to it p o s s ib le d e la p r é s u m e r ) , se se ro it
c o n f o n d u e a v e c l’eiTet d e l’i u s t itu t io n p a r le c o n c o u r s d e d e u x qu a lités
d e d o n a ta ire g r e v é e d e r e t o u r , e t d ’h é r itiè r e se u le a p p e l é e à en p r o fit e r .
L e T I U B U N A L d é b o u t e les sieu rs J e a n - F r a n ç o i s et G a b r i e l - B a r t h é l e m y D e ls o l d e l’o p p o s itio n p a r e u x fo r m é e a u j u g e m e n t p a r d é f a u t fa u te
de p laid er,
d u six a o û t 1 8 0 7 , o r d o n n e q u e c e j u g e m e n t se ra e x é c u t é
selo n sa fo r m e et t e n e u r ; en c o n s é q u e n c e , d é c l a r e p e r s o n n e lle a u s ie u r
D elsol p è r e , e t c a d u q u e p a r son p r é d é c è s , la s t i p u la t i o n d e r e t o u r p a r
lu i r é s e r v é e d a n s le c o n t r a t d e m a r ia g e d e la d a in e d ’O r c e t sa f i l l e , o r
d o n n e q u e les p o u r s u i t e s c o m m e n c é e s c o n t r e le s ie u r D e s p r a l s s e r o n t
c o n t i n u é e s , en cas d e r efu s u l t é r i e u r d e sa p a r t d e p a y e r les t e r m e s d u
p r i x d e la v e n t e d u p r é d e C a n c o u r à p r o p o r t i o n d e l e u r é c h é a n c e ,
ainsi q u e d es i n t é r ê t s , to u s d é p e n s c o m p e n s é s e n tr e toute.1« les p a r t i e s ;
a tt e n d u la p r o x i m i t é d es sieu rs D e ls o l et d a m e d ’O r c e t , q u e les p r e m ie rs
n ’oiit pas p r o v o q u é l’i n s t a n c e , et a t t e n d u q u e le s ie u r D e s p r a t s a p u a v o ir
j u s q u ’a un c e r t a in p o i n t un ju s te s u je t d e c r a in te su r la v a lid ité d e son
a cq u isitio n et la s û r e t é d e ses f o n d s ; e t s e r a , le p ré se n t j u g e m e n t c o m m e
fo n d é en t it r e , e x é c u t é v i s - à - v i s le s ie u r D e s p r a l s , n o n o b s t a n t e t sans'
�A
( 54 )
■
p r é j u d i c e d e l ’a p p e l , à la c h a r g e n é a n m o in s p a r la d a m e d ’O r c e t d e d o n
n e r , e n cas d ’a p p e l , b o n n e e t su ffisa n te c a u tio n a c o n c u r r e n c e d es ca
p i t a u x e x ig ib le s . F a i t e t juge' a u t r i b u n a l c iv il d e p r e m iè r e i n s t a n c e ,
é t a b li à A u r i l l a c , ch e f-lie u d e p r é f e c t u r e d u d é p a r t e m e n t d u C a n t a l , le
v i n g t - d e u x ju ille t m il h u i t c e n t h u i t , s é a n t s , m e s s ie u rs D e lz o n s présir
d e n t , m e m b r e d e la lé g i o n d ’h o n n e u r ; D e lz o r t s et L a v a l , ju g e s . M a n
d o n s et o r d o n n o n s à to u s hu issiers s u r c e r e q u i s d e m e t t r e le p r é s e n t
j u g e m e n t à e x é c u t i o n , à n o s p r o c u r e u r s p r è s les t r i b u n a u x d e p r e m ie r e
i n s ta n c e d ’y tenir la m a i n , à to u s c o m m a n d a n t s et o fficiers d e la fo rce
p u b l i q u e d e p r ê t e r m a in - f o r te l o r s q u ’ils e n s e r o n t l é g a l e m e n t r e q u is . E n
fo i d e q u o i l e p r é s e n t j u g e m e n t a e t e s ig n e p a r le p r é s i d e n t e t p a r le
greffier. Signé à l a m i n u t e , m o n s ie u r D e l z o n s , p r é s i d e n t ; e t B r u n o n ,
g reffier. P o u r c o p i e c o n f o r m e à l’e x p é d i t i o n , signé L i b r o , a v o u é .
�PRÉCIS
P O U R le sieur René-Louis L H É R IT IE R et consors, intimés ;
CO N TR E
m essire J
oseph
, marquis de M E S M E S ,
appelant.
L e s ieu r L o u i s L h é r i t i e r , p a r le c o n t r a t d e m a r ia g e d e d e m o is e lle M a r i e A l b e r t i n e R a c i n e , sa b e l l e - n i è c e , a v e c le s ie u r m a r q u i s d e R a v i g n a n , d u
i S m a r s 1 7 1 2 , a p r o m is d o n n e r à la d e m o i s e l l e , lors f u t u r e é p o u s e , la
som m e d e
3o,ooo
l i v . , q u ’il l u i a e f f e c t i v e m e n t p a y é e p e u a p r è s ; m a is il a
été stipule' en m ê m e tem p s que ladite som m e retonrneroit audit sieur
L h éritier, donateur , en cas de décès de la dem oiselle fu tu r e épouse
sans enfants, et encore e n cas qu’il y eût des e n f a n t s , et qu'ils v in s
sent à décéder avant d’ être p o u rv u s , ou avant d’ avoir atteint l’âge
de majorité.
L a d o n a t a ir e n ’a v o it alors q u e v i n g t - t r o i s ans e t d e m i , l e d o n a t e u r e'toit
d an s la s o ix a n t iè m e a n n é e d e son â g e , e t il a v o i t d e u x e n fa n ts m â le s âgés
l ’u n d e d i x - s e p t a n s e t l’a u t r e d e tre iz e ( 1 ) . C ’est d o n c é v i d e m m e n t p o u r
scs enf.ints et h é r i t i e r s , e n c o r e p l u t ô t q u e p o u r l u i - m ê m e , q u ’ il s tip u lo it
c e l l e r é s e r v e , d o n t il ne p o u v o i t p a s sc fla tter d e p r o f it e r p e r s o n n e l le
m ent.
Q u o i q u 'il en s o i t , le d o n a t e u r est d é c é d é en 178 0. L o n g - t e m p s a p r è s ,
et le
3o
n o v e m b r e 1 7 G 4 , la d em o ise lle R a c i n e , d o n a t a i r e , est d é c é d é e sans
a v o i r laissé d ’e n fa n t s , ni de son p r e m ie r m a r ia g e a v e c le sieu r m a r q u is de
IlavifFiinn, n i (]c son s e c o n d m a r ia g e a v e c le s ie u r c o m t e d e D a in p u s .
E n c o n s é q u e n c e , les in t im é s , c o m m e r e p r é s e n t a n t le sieu r L o u is L l i é -
( 1 ) L a i n e , conseiller au p a r l e m e n t , a s u rv é c u au don ate u r »011 p è re , dont
¡1 a lierite.
Il est a u -
jou rd hui rep rése nté p.ir les i u i m i é a , scs h éritier* b é néficiair es , nui t o u t en m ê m e te m ps h é rit is rs
su bstitués du d o n a t e u r leur oncle .
x
PREMIERE
CAUSE
«lu rôle d*
Paris
(de 1767.)
De la trans
mission des
stipulations
condition nelles , et
de celles de
retour en
particulier
�( 56 )
r i t i e r , d o n a t e u r , o n t f o r m é c o n t r e l e sieu r m a r q u i s d e M e s m e s , d o n a
t a ir e u n i v e r s e l d e l a d e m o is e lle R a c i n e , v e u v e D a m p u s , e t c h a r g é à ce
titre d e ses d ettes a n t é r ie u r e s a u p r e m i e r a v r i l I749> l e u r d e m a n d e e n
r e s t i t u t i o n des
5o,ooo
liv . d o n n é e s p a r l e u r a u t e u r , c o n f o r m é m e n t à la r é
s e r v e s tip u lé e p a r l e c o n t r a t d e 1 7 1 2 .
L a ca u se p o r t é e à l ’a u d i e n c e d u p a r c c i v i l d u C h â l e l e l d e Paris^ il y est
i n t e r v e n u le 29 ju i lle t d e r n i e r , s u r le s p la id o ir ie s r e s p e c ti v e s d es parties
p e n d a n t c i n q a u d i e n c e s , s e n t e n c e p a r l a q u e l l e , attendu le décès de la
dem oiselle R a cin e , veuve D a m p u s , sans enfants , le m a r q u i s de
M e s m e s , son d o n a t a ir e u n i v e r s e l , est c o n d a m n é a r e s t itu e r a u x in tim é s
les
3o,ooo
liv . d o n t la r é v e r s io n a v o i t été' s tip u lé e p a r l e u r a u t e u r . C ’est
d e c e t t e s e n t e n c e q u e le m a r q u i s d e M e s m e s est a p p e l a n t . I l n e se ra p a s
d ifficile d ’en é t a b li r le b i e n j u g é .
A c e t e f f e t , n o u s e x a m in e r o n s les p r i n c i p e s g é n é r a u x s u r la tr a n s m is
sion d e t o u t e s st ip u la t io n s c o n d itio n n e lle s ; les d écisio n s d es d o c t e u r s et
des lois s u r l a t ra n s m is s io n d u r e t o u r c o n v e n t i o n n e l en p a r t i c u l i e r , et
l ’é ta t a c t u e l d e l à j u r i s p r u d e n c e s u r c e l t e q u e s tio n .
P R E M I È R E
P A R T I E .
Principes généraux sur la transmission de toutes stipula
tions conditionnelles.
U n seul m o t su ffît p o u r ju s tifie r l a s e n t e n c e d o n t est a p p e l , c’est q u e
la c o n d itio n so u s la q u e lle le r e t o u r a é t é r é s e r v é , se t r o u v e a u j o u r d ’hui
p u riG ée p a r le d é c è s d e la d e m o is e lle R a c i n e , d o n a t a i r e , sans en fa n s.
I n u t i l e d ’o p p o s e r q u e le d o n a t e u r es t d é c é d é a v a n t l’é v e n e m e n t d e la
c o n d i t i o n . C e t t e c ir c o n s t a n c e est d es p lu s i n d i ffé r e n t e s , p a r c c q u e le r e
t o u r a é t é st ip u lé p o u r a v o i r l i e u , n o n en cas d e p réd e ce s , mais s im p le
m e n t en cas d e déco* d e la d o n a t a ir e sans en fa n ts : o r , c e l t e c o n d i t i o n se
t r o u v e p u r if ié e p a r l 'é v é n e m e n t .
Il est v r a i q u e les h éritiers d u d o n a t e u r n’o n t p a s été a p p e lé s n o m m é
m e n t à r e c u e illir le p r o fit d u r e t o u r ; m ais les h ér itier s n’o n t p a s bes o in
d e la vo ca tio n de l ’h o m m e p o u r p r o f il e r des d ro its d o n t l e u r a u t e u r est
�Zï<j
(
5 7
3
d é c é d é saisi ; ils n’ o n l besoin q u e d e c e lle d e la lo i q u i les saisit d e tous les
d ro its d u d é f u n t , q u i les s u b r o g e à sa saisine en la c o n t in u a n t en l e u r p e r
so n n e. E n c o n s é q u e n c e , il l e u r suffit q u e c e l u i a u q u e l ils s u c c è d e n t ait été
v r a i m e n t saisi du d r o it q u ’ ils r é c la m e n t, q u e cc d r o i t a it fa it p a rtie d e ses
bien s. O r les a ctes e n t r e - v i f s , m ê m e c o n d i t i o n n e l s , saisissent to u jo u r s à
l’in s ta n t m ê m e , sans a tt e n d r e l'é v é n e m e n t .d e la c o n d itio n . L e s a ctio n s q u i
en r é s u l t e n t , q u o iq u e non e n c o r e o u v e r t e s , so n t in b o n is d u s tip u la n t :
c o n t r a c t a s , c ts i c o n d i l i o n a l i s , t a in e n e x p r æ s e n t i v i r e s a c c i p i t , d it
V i n n i u s . I n c o n lr a c tib u s ici t e m p u s s p c c t a t u r f/no c o n lr a h u n u s , d it la
loi 7 8 , ÎT. d e v e r b . o b lig .
D e l à , cette r è g le g é n é r a le r e b a tt u e d an s tou s les liv r e s é l é m e n t a i r e s ,
e t n o t a m m e n t d an s les I n s t i l u t e s , q u e les stip u la tio n s c o n d itio n n e lle s se
tr a n s m e t te n t à l’h é r i li e r , q u o iq u e le st ip u la n t soit d é c é d é a v a n t l’é v é n e
m e n t de la co n d itio n . E x s t i p u l a t i o n e c o n d i t i o n a li t a n t u m s p e s e s t d é
b ita n t i r i , e a m q tie ip s a m s p e m in liœ r e d e m t r a n s i n i ll i n m s , s i p r iiis
q u a n t c o n d it io e x s t e t , m o r s n o b is c o n t i n g a t , liv .
3.
t. i(>. p. /(. C iitn
q u is suf> a l iq u d c o n d i l io n c s t ip u la lu s J i i e r i t , p o s t e à e x is t e n t e c o n d i t i o n e , h œ re s e ju s a g e r e p o t e s t , m ê m e liv . t. 20. p.
25 .
E n v a i n v o u d r o i t - o n a p p o r t e r q u e l q u ’e x c e p t i o n à c e tte rèijle ; les lois
d é c i d e n t q u ’o n n’en d o it a d m e t t r e a u c u n e : G E N E R A L I T E R s a n c im u s
om n e
ni s t i p u la t io n e m siv e in d a n d o , s iv c i n f a c i e n d o , s iv c m i x t a e x
d a t u lo e t f a c i e n d o in v e n ia t u r , e t a d h æ r e d e s e t c o n t r a h œ r e d e s I r o n s mittir S I V E S P E C I s / L I S I I Æ l l E D U M F I s iT M E N T I O , S I F E NO N:
j iv . i 3 . co d . d e c o n tr a li. et c o m m . s t ip n l.
E n va in o p p o s e r o i t - o n q u e le s t ip u la n t q u i n’ a p a r lé q u e d e l u i - m ê m e ,
q u i n’a pas n o m m é ses h é r i t i e r s , a e n t e n d u r e s t r e i n d r e la stip u la tio n à sa
p e r s o n n e ; la lo i r é p o n d q u e la s lip u la t io n n ’ en est p a s m o in s r éelle : p l e r in n q u o c n i m , u t P e d i u s a i t , p e r s o n a p a c t o i n s e r it u r , n o n u t p e r s o n a le p a c t u m J i a t , s e d u t d c n i o n s t r c t u r c u m q u o p a c l u m j a c t u u i e s t ,
liv . 7 . p. U tr u r n . II'. d e p a c t is .
P o u r to u t d ire en un m p t , l’h é r itie r n ’i ^ i o i n t à p r o u v e r q u e son a u t e u r
a v o u lu s t ip u le r p o u r lu i. U lui sufTit q u ’il n ’y ait pas eu d ’ in te n lio n de
l’e x c lu r e . O r c e tte inten tio n n ’est pas à s u p p o s e r lo r s q u 'e lle n’ est pas c x -
8
�i * /
( 58 )
primée. C ’est à ceux q ui le p ré te n d e n t exclus a prouver son e x c lu sio n :
Quamvis verum est qu od qui ex cip it, probare débet quod excipitur ;
at tamen de ipso dum taxat , at non de hcerede ejus convertisse petitor,
non qu i excip it, probare débet ; liv. 9. fi. de prob. et prœf.
Il en est autrem ent des dispositions (1) conditionnelles de 1homme ou
de la loi. Elles ne se transm ettent pas à l’héritier de l’appelé décédé a vant
l ’événem ent de la condition , ( et voilà p ourquoi le retour légal n’est pas
transm issible) mais c ’est p a re eq u e les héritiers ne recueillent du cliel de
leur a u t e u r , et com m e transm issionnaires, q ue les droits dont il est dé
cédé saisi : o r les dispositions conditionnelles n e Saisissent qu au m om ent
de leur ouverture. Ju sq u e-là elles ne sont point in bonis de l’appelé.
Inu tilem ent le testateur en auroit-il ordon né la transmission ; elle 11’a u -
Traité
tions^c^g. I’° ‘ l Pas
pour c e la , dit R i c a r d , p a reeq u e le testateur 11epeut pas donn. G5o.
ijer à ses dispositions un effet rétroactif, que les lois leur r e fu s e n t, ni
o p é re r une transmission qui n’est l’ou vrag e q ue de la lo i, et q ui ne d érive
pas de l’intention de rh om nie. Il est vrai que dans ce cas l'héritier v ie n droil de son c h e f et en son n o m , c o m m e appelé lui-m êm e en vertu de la
vocation expresse du testateur; mais il 11e viend roil pas com m e transmisNoalis <!e sionnaire, ce qui est bien différent à tous égards, s lliu d entm est transtransm is-
sione,
au
commence -
.
7-
»
uussio, et aima est vocalto.
Si d o n c la transmission a lieu p our les stipulations conditionnelles } et
non p o u r les dispositions, cela ne vien t p a s , com m e 011 v o i t , de la diffé
rence d'intention, p uisque l’intention m êm e expresse est incapable d’op é
rer la transmission dans les dispositions conditionnelles ; il est évide nt
q u e c’est la saisine seule q u i tra n s m et, pareeq u e la transmission n’est
elle-m êm e qu’une continuation de saisine.
L e sieur marquis de Mcsmcs , don t les prétentions ne s’accorden t pas
a vec ces p r in c ip e s , fait tout son possible p o u r en éluder l’application ;
(1) Ijx ditpniiüon proprement dite, par opposition aux Mipulations, c»t un acte pur de la volonté
qui te pastr hori la présence, et utuJa participation île celui qui tu est l'objet. 'I'* Iles sont lu dispotiliont UMaim-ulairt v Telle* »ont ¡uistt les substitutions contenues dam lit acte» entre-vif», nuxqml» le tub»tilu<! n'intervient pas; car tfl^mtcrvenoil pour acerpter, il »croit donataire comlitionni-1, '■
<l'acte s. roit ù »ou égard uu patte, mlc convention, uu contrat, une «tipulatiou, et non pat
une tliipotition.
�fo r c é d e c o n v e n i r q u e tous a clcs e n t r e - v i f s , p u r s e t sim ples ou c o n d i t i o n
n e ls , saisissent a c t u e ll e m e n t et n é c e s s a ir e m e n t, il ne v e u t c e p e n d a n t pas
r e c o n n o î lr e q u e la transm ission en d o iv e ê tre la s u itç ; il a im e m i e u x la
faire d é r i v e r d e la p r é s o m p t io n g é n é r a le , q u ’en s t i p u la n t p o u r n o u s ,
n o u s so m m e s cen sés a v o ir p a r lé p o u r nos h é r i t i e r s ; p u i s , r e str e ig n a n t
c e tte p r é s o m p t io n a u x seuls co n tr a ts in téressés, il en c o n c l u t q u e la tra n s
mission des stipu la tion s co n d itio n n e lle s n ’a p a s lie u l o r s q u ’elles se r e n c o n
t r e n t d an s les c o n tr a ts bienfaisants.
M ais i ° il est fa u x q u e les c o n tr a is intéressés so ien t les seuls d an s les
q u e ls le s t ip u la n t e s t. ce n sé a v o ir p a r l é p o u r ses h é r i t i e r s ; la r è g le est
g é n é r a le p o u r t o u te es p è ce de c o n t r a t s , p u i s q u e les lois n ’o n t fait a u c u n e
e x c e p t i o n , p u i s q u ’a u c o n t r a i r e elles o n t e x c l u to u te e x c e p tio n p a r la g é
n é ra lité e t l’ u n iv e rs a lité a b so lu e d e le u rs expression s. G e n e r a l i t e r
s a n c im u s O M N E M s t i p u la t i o n e m ...........t r a n s m it li, s iv e s p e c ia li s h c c r e d u m f i a t n i e n t i o , siu c n o n .
2° L e sens d e la r è g le n’est pas p r é c i s é m e n t q u e n o u s so m m e s p r é
su m é s a v o ir p e n se a nos h é r itie r s et a ya tils -ca u se , e t a v o i r p o s i t i v e m e n t
v o u l u st ip u le r p o u r e u x ; c a r il e s l b ie n r a re q u e les c o n t r a c t a n t s y p e n se n t
p o s i t i v e m e n t , et o n n e p r é s u m e pas ce q u i a r r i v e r a r e m e n t . L e v r a i sens
d e la r è g le est s e u le m e n t q u e l e s t i p u l a n t , q u i n ’a pas f o r m e lle m e n t res
tr e in t la stip u la tio n à ça p e r s o n n e , n e p e u t pas ê tre s u p p o s é a vo ir v o u lu
e x c l u r e ses h éritiers. O r cette p r é s o m p t i o n , n é c e s s a ir e m e n t a p p lic a b le à
to u te e s p è c e d e s t i p u la t i o n , suffit to u te s e u l e , n o n p o u r en o p é r e r la
transm ission , c a r c ’est la saisine se u le q u i l’o p è r e , m ais p o u r é c a r t e r les
ob sta cle s q u i p o u r r o i e n t l'a r rê te r ou la r e n d r e inefficace.
Q u e le c o n t r a t soit in téress é ou b i e n f a is a n t , il n ’i m p o r t e ( i ) . P u i s q u e
~
----
i
—
(i) En matière de contrats, dit Ricard, la siipulalion qui en fait le principal commerce oblige
dès-lors réciproquement les parties de 1 accomplir au cas de la condition qui, \ proprement parler
ne passe que pour une restriction, pour le cas prévu par les parties seulement, et laisse au surplus la
convention pure et simple, de sorte que l'échéance arrivant, la condition est censée comme non '
écrite. Pour ce qui concerne le legs au contraire,"la condition en affecte tellement la disposition C|
la substance, qu il ne subsiste absolument qu’avec elle et que par elle ; de sorte que comme ce n’est
pas le titre ¡legratuit ou d'onéreux </ui produit cette différence, mais la qualité de l'acte, s’il
esl testamentaire, c’est-à-dire, sans stipulation, et un pur acte de la l olonté d'une personne
�( G» )
d an s l'u n et d a n s l ’ a u l r c la saisine y a lieu d e p lein d r o i t , c o m m e l ’a p p e
lan t en c o n v i e n t l u i - m ê m e , il fau t b ie n q u ’ elle soit co n tin u é e d an s la p e r
so n n e des tra n sm issio n n aires. O n n e p e u t p a s les su p p o s e r e x c lu s p a r le
S t ip u la n t, l o r s q u e c e lu i-c i n ’a p a s p r o n o n c é l e u r e x c lu s io n ; o r , s’ils ne
so n t p a s e x c l u s , il est dans l ’o r d r e d e s ch o ses q u e , c o m m e su cc e ss e u rs
u n iv e r s e ls du sin g u lie r s d u t r a n s m e t t a n t , ils s u c c e d c n t a la saisine c o m
m e n c é e en sa p e r s o n n e , c o m m e à to u s ses a u t r e s d r o i t s , q u a n d m e m e il
n ’au ro it p o in t d u t o u t p e n s é à e u x .
D ’a illeu rs 011 p e u t d ir e q u e to u s c e u x q u i c o n t r a c t e n t , sans m e m e q u ’ils
a ient jam ais p e n sé fi la t r a n s m is s i o n , o n t c e p e n d a n t , d u m o in s implicite
ment et é m i n e m m e n t , u n e v é r i t a b le in te n tio n d e t r a n s m e t tr e . E11 e f f e t ,
q u i c o n q u e s t ip u le v e u t avoir, p o s s é d e r , a c q u é r i r , en u n m o t a jo u te r o u
réunir à son p a tr im o in e ce q u i l'ait l’o b je t de sa s t i p u l a t i o n , ad rem fa m iliarein respicit , c o m m e d it V i n n i u s ; s’il n e s t ip u le q u e c o n d itio n n e lle
m e n t , il n e v e u t avoir q u e p o u r le cas d e la c o n d i t i o n , m ais il v e u t avoir
p o u r ce cas-là en q u e l q u e t e m p s q u e la c o n d itio n p u iss e a r r i v e r : o r , avoir
u n e c h o s e , c ’est in c o n t e s t a b l e m e n t ê t r e en d r o it d’en j o u i r , faire e t d is
p o s e r c o m m e d e tou s ses a u tr e s b i e n s , d e la v e n d r e , d e l’e n g a g e r , d e la
l é g u e r , e t c . , et p a r c o n s é q u e n t d e la t r a n s m e t tr e à ses a y a n t s - c a u s e , àp lu s forte raison à scs h é r itie r s.
A in s i q u a n d m ê m e la tra n sm issio n ne d é r iv e r o it q u e d e l ’in ten tio n d e
t r a n s m e t t r e , c o m m e cette i n te n tio n se r e n c o n t r e , non à la v é r it é expli
citement , m ais d u m oins implicitement et éminemment , d an s t o u te
espèce d e s tip u la tio n a p p o sé e à to u te e s p è c e d e co n tr a ts , sans m ê m e q u e
oü s’il est conventionnel et fait entre-deux personnes, il n’y a pas dt doute que les donations
suivies d'acceptation , participant ù la nature de ces ilerniers actes, les conditions qui s'y rentfinirent ont un effet rétroactif au jour de ta donation , ainsi que dans les autres contrats. Et ailleur»: si une donation sous condition estfaite entre-vifs, quoique la condition n'arrive qu’après,
la mort du donataire, ses héritiers ne laisseront pas îlejouir du bénéfice de la donation, comme
ayant été parfaite, au moj en de Veffet rétroactif qui est donné à la donation, dujour qu'elle a
été passée; car, ajoute-t-il, ce n'est pas seulement la qualité de donation entre-vif» qui fait la
transmission au projit des héritiers du donataire, mais l'effet rétroactif du droit et de /- posses
sion au jour du contrat. Trait« île» ilisi>ovtions touditiounclU», chap.
•ui 'lUuuoa»( dr*i>. •*, partie ¡înroiire, U- l ia cl lit.
5, $
r, u. aol. Ti aile t\«i
�Z % 2 >
( 61 )
le s t ip u la n t ait ja m a is p en se à ses h é r i t i e r s ; il sero it to u jo u rs v r a i de d i r e ,
d ’a pres les lo is , q u e les stip u la tio n s c o n d itio n n e lle s so n t to u tes tra n s m is sibles d e l e u r n a t u r e , soit q u ’elles se t r o u v e n t d a n s d es c o n trats in té r e s
sés , soit q u ’elles se r e n c o n t r e n t d an s des co n tr a ts b ie n fa is a n ts. Il se ro it
to u jo u r s vrai d e d ir e q u e le transm issio nn aire n’a rien à p r o u v e r , e t q u e
c ’est à c e lu i q u i p r é t e n d l’e x c l u r e a p r o u v e r son e x c lu s io n .
N o u s c o n v e n o n s a v e c le sieu r m a r q u is d e M e s m e s q u e si la stip u la tio n
e'toit p e r s o n n e l l e , la transm ission n’au r o it pas lie u en f a v e u r d es h éritiers
d u s t i p u la n t ; mais la p er so n n a lité ne se p r é s u m e jam a is. P o u r la s u p p o s e r
i l f a u t ( d it M . P o t h i e r en son T r a i t é des o b l i g a t i o n s , t. 1. p . ^ 5 ) q Ue
c e la s o it e x p l i q u é c la ir e m e n t d a n s la c o n v e n t io n ; e t a in s i , ajoute-t-il
d e c e q u e la p e r s o n n e e n v e r s la q u e lle j e c o n t r a c t e q u e lq u ’ engagement
e s t n o m m é e p a r la c o n v e n t i o n , i l n e s 'e n s u it p a s q u e V intention d e s
p a r tie s a it é t é d e r e s tr e in d r e à s a p e r s o n n e le d r o it q u i e n r é s u lt e ; o n
d o i t p e n s e r a u c o n tr a ir e q u ’ e lle n’ e s t n o m m é e q u e p o u r m a r q u e r a v e c
q u i la c o n v e n t io n e s t f a i t e .
N o u s c o n v e n o n s e n c o r e a v e c F o n l a n e l l a , q u ’en fait d e s tip u la tio n s c o n
d itio n n e lles , lo r s q u e la c o n d itio n est p e r s o n n e lle , c’ e s t - à - d i r e d e n a t u r e
à n e p o u v o ir s’a c c o m p li r q u e d an s la p e r s o n n e d u s t i p u l a n t , Quandà
apponitur in personâ stipulatoris , la tra n sm issio n n e p e u t y a v o i r lieu
q u ’a u t a n t q u e le s t i p u la n t a u r o it lu i - m ê m e r e c u e illi l ’o b je t de la s t i p u l a - *
lion p a r 1 e x is te n c e de la co n d itio n p u r ifié e de son v i v a n t ; niais c ’est pa rc eq u e , c o m m e il 1 a jo u te fo rt b ie n , la c o n d itio n n’éta n t pas a r r iv é e p e n d a n t
la vie d u s t i p u l a n t , son décès la re n d i m p o s s i b l e , et q u ’ainsi il ne reste
p lu s d ’e s p é r a n c e à t r a n s m e ttr e . C e cas n’est d o n c pas 1111e e x c e p tio n à la
r è g le g é n é r a le d u p a r a g r a p h e
Ex
conditionali, q u i n ’en reço it a u c u n e ;
c’ est s e u l e m e n t u n e e s p è c e d an s la q u e lle la r è g le d u p a r a g r a p h e ne p e u t
p a s r e c e v o i r son a p p l ic a t i o n , p a r e e q u e le p a r a g r a p h e , pai lant d e la trans
m ission des s tip u la tio n s c o n d itio n n e lle s , s u p p o s e q u e la co n d itio n puisse
e n c o r e a r r i v e r , q u o i q u ’a p r è s le d écès d u s t i p u l a n t : or elle ne p e u t p lu s
a r r i v e r a p rè s so n d é c è s , si elle ne d e v o i t s’a c c o m p li r q u ’en sa p e r so n n e .
P o u r a p p l i q u e r a n o tre e s p è c e le p r i n c i p e de F o n l a n e l l a , il f a u d r o i t
p r o u v e r q u e la c o n d itio n sous la q u e lle le r e to u r a é lé stip u la ne p o u v o it
�s’ a c c o m p li r q u ’e a la p e r s o n n e d u d o n a t e u r e t d e son v i v a n t ; m ais il n’ en
est pas aiusi. L e fa it du d écès d e la d o n a t a ir e sans e n fa n t s , q u i fait la se u le
c o n d itio n d u r e t o u r , p o u v o it s’a c c o m p l i r in d i f f é r e m m e n t d u v i v a n t d u
d o n a t e u r ou a p rè s son d écès. C e l t e c o n d i t i o n é l o i t a b so lu m e n t extrin
sèque à sa p e r s o n n e , p o u r n o u s s e r v ir d e s e x p r e ss io n s d e c e t a u t e u r , et
d è s - lo r s il est co n s ta n t q u ’ elle n’a p a s p u r e n d r e la stip u la tio n p erso n
n elle.
I l est vra i q u e , s u i v a n t R i c a r d e t le j o u r n a li s te des A u d i e n c e s , les clauses
d e r e t o u r d o i v e n t s’i n t e r p r é t e r s t r i c t e m e n t ; m ais ils n ’o n t jam a is c o n c lu de
l à ^ u ’il fallût en e m p ê c h e r la transm ission. L a se u le c o n s é q u e n c e q u ’ils
a ie n t tirée de ce p r i n c i p e est q u ’il n e fa u t p a s é t e n d r e ces sortes d e c la u ses,
e t q u ’ainsi le r e t o u r é ta n t s tip u lé p o u r le cas d u d écès d u d o n a ta ire sans
e n f a n t s , il n e fa llo it pas l’é t e n d r e a u cas d u d écès d e ses en fa n ts sans
e n fa n ts.
O r , c e n’est pas d o n n e r d e l’ex ten s io n à u n e stip u la tio n q u e de la s u p
p o s e r t ra n s m is sib le a u x h éritiers d u stip u la n t. C e t t e tra u sm issibilité est
u n e su ite n é cessa ire de la saisine a tt a c h é e à t o u t e stipulation , et d e l ’in
ten tion A'avoir et a c q u é r i r q u i se r e n c o n t r e dans tous les s t i p u l a n t s , lors
m ê m e q u ’ils n ’o n t p a s p e n s é à le u r s h é r i t i e r s ; ca r n o u s n’avons v é r i t a b le
m e n t q u e c e q u e n o u s p o u v o n s l e u r tra n s m e t tr e .
A u s s i , q u o i q u e dans le d ro it ro m a in les s tip u la tio n s p r o p r e m e n t dites,
Solemnes verborum conceptiones , fussen t d e d r o it étro it et très-étroit,
q u o i q u ’on l e u r d o n n â t le n o m p r o p r e de c o n tr a ts striclijuris , p a r o p p o
sition a u x co n trats d e b o n n e f o i , q u o i q u 'e n c o n s é q u e n c e 011 les i n t e r p r é
tât to u jo u r s en cas d e d o u t e c o n t r e le s t i p u l a n t , quia debuit legan aper-
tiùs dteere rontraclui, la r è " l c é t o it c e p e n d a n t sans a u c u n e e x c e p tio n
d e les d é c la r e r t r a n s m i s i b l e s a u x h éritiers d u s t i p u l a n t , Gcncruhter san-
cimus otnneni slipulationem , etc.
A u c o n t r a i r e , les d ispositions c o n d i t i o n n e l l e s , q u i c e p e n d a n t sont su s
c e p t i b l e s d e l'in te r p r é ta tio n la p lu s la r ^ e , 11e p r o lito ie n t pas a u x héritiers
do l’ in stitu é o u lé g a ta ir e d é c é d é a v a n t l e u r o u v e r t u r e , à moins q u ’ ils n y
fussent c o n q u i s e x p r e s s é m e n t ; mais c’ est p a r e e q u e la transm ission d an s
ce cas est i m p o s s i b l e , c o m m e n o u s l’a v o n s o b s e r v é d éjà , à d é fa u t de sai-
�£%$
( 63 )
sine p r é e x ista n te . D è s - l o r s l’h éritier d e l’a p p e l é ne p o u v o i t ê t r e a d m is à le
r e m p la c e r q u e p a r v o ie d e v o c a t i o n , c o m m e a p p e l é l u i - m ê m c . O r la v o
catio n d o it ê tre e x p r e s s e et n e se s u p p lé e pas ( à la d iffé r e n c e de la tra n s
mission , q u i est t o u jo u r s d e d ro it en cas de saisine p r é e x i s t a n t e ) . A liu d
est Iransmissio , et aliud est voccitio.
En
d e u x m o t s , to u te stipu la tion c o n d itio n n e lle est n é c e ss a ir e m e n t
tra n sm issib le à l’h é r itie r d u s t i p u la n t , si la c o n d itio n p e u t e n c o r e r e c e v o i r
son a c c o m p li s s e m e n t , p a r e e q u ’au m o y e n de la saisin e a tt a c h é e a u x actes
e n t r e - v i f s , le d ro it q u i en résu lte a fait p a rtie des b ie n s d u t r a n s m e t t a n t ,
d è s le t e m p s m ê m e d e l’acte. Il n’ est pas n é cessa ire p o u r cela d e d o n n e r
à la cla u s e a u c u n e e x t e n s i o n , p a r e e q u e c ’est la loi s e u l e , la fo r c e d e la sai
s i n e , et non pas l ’in ten tio n p o sitive d e t r a n s m e t tr e , q u i o p è r e la t r a n s
m ission. Il est vra i q u e la saisine e l l e - m ê m e d é p e n d en q u e l q u e
sorte
de
l ’inten tio n d u s t i p u la n t ; m ais c’ est s e u le m e n t en c e sens q u ’ elle ne s’ a p
p l i q u e qu^aux d ro its q u e les p a rtie s o n t eus en v u e , et p o u r les cas q u ’ elles
o n t e x p r im é s . D u r e s t e , u n e fois q u e la c o n d itio n p r é v u e p a r les pa rties
est a r r i v é e , il d e v i e n t co n s ta n t q u e la saisine a eu lieu ab inilio,. et q u e la
transm issio n s’en est s u i v i e , sans q u e l e s s li p u l a n t s y a ie n t s e u le m e n t p en sé.
Il ne p o u r r o i t y a v o i r d e q u e s tio n q u e s u r le p o i n t d e sa v o ir sou s q u e l le
c o n d itio n les p a rtie s o n t e n t e n d u co n tra cter^ si c’ est s e u l e m e n t sous la
c o n d itio n e x p r i m é e d an s l’a c t e , o u si c ’ est e n c o r e sous la c o n d itio n d e la
s u r v i e d u s t i p u l a n t ; m ais p o u r s u p p l é e r c e l t e s e c o n d e c o n d i t i o n , lo r s
q u ’elle n ’est pas e x p r i m é e , il f a u d r o it a jo u te r à la le t tr e d e la c l a u s e : o r
c ’est ce q u e la p lu s g r a n d e r i g u e u r n e p e u t pas a u t o ris e r .
S E C O N D E
P A R T I E .
Décisions (les docteurs et des lois sur la transmission du
retour conventionnel en particulier.
A u ss i F o n t a n e lla d é c i d e - t - i l a f f i r m a t i v e m e n t (pie le r e t o u r c o n v e n t i o n -
n c pactis
n c l passe a u x h é r itie r s d e c e lu i q u i l’a s t i p u l é , q u o i q u e la co n d itio n d u
r e t o u r ne s 'a c c o m p lis se q u ’uprès son d écès. E t quann’is non esset dictum
nisi <juod rcverlcrentur bona douai a ad do/mtorem , nihilominùs
6lo9,a J*>
�( 64 )
reverli debuissent ad ejus hœredem , ilio ante donatarium defuncto ,
si pos tea adimpleretur conditio, quia conlractus conditionalis transmittitur ad hceredes; ex v u l g a r i p a r a g r a p h e ) , E x condilionali.
Il s’o b j e c t e la loi Q uod de pariter , ff. de rebus dubiis, q u i p a ro ît s u p
p o s e r le co n tr a ir e ( i ) ; niais il r é p o n d a v e c B a r t h o le et les g lo ssaleu rs , q u i
d e p u i s ont é té su ivis p a r M e P o t h i e r en ses P a n d e c t e s J u s l i n i e n n e s , q u e
c e l t e loi n e d é c i d e pas la q u e s tio n d e r e t o u r d o n t il 11e s’agissoit p a s , mais
s e u le m e n t u n e q u e s t i o n d e s u r v i e , s a v o i r , q u i des d e u x de la m è r e ou de
la fille , p é r ie s p a r m ê m e a c c i d e n t , é to it cen sée a v o ir s u r v é c u : Q uod de
pariter mortuis tradavimus in aliis agitatimi est ut ecce, etc. -, q u ’à la
v é r i t é , la d écisio n s u r la q u e s tio n d e s u r v i e p r é s u p p o s o le r e t o u r d o n t il
s’ agissoit non t r a u s m i s s i b le , m ais q u ’ a p p a r e m m e n t le s t i p u la n t a v o it e x
p r i m é , c o m m e se c o n d e c o n d itio n d u r e t o u r , l ’é v é n e m e n t d e sa s u r v i e , et
q u e l e ju risc o n su lte a u r a n é g lig é d e r a p p o r t e r c e l t e c i r c o n s t a n j p , p a r c e q u ’ elle n’éto it pas r e la tiv e à la q u e s tio n p r i n c i p a l e , ainsi q u e cela se vo it
f r é q u e m m e n t d an s les lois d u D ig e s t e et d u G o d e .
C e l t e i n t e r p r é ta t io n lu i p a ro ît d ’a u t a n t p lu s n é c e ss a ir e , q u e sans cela la
l o i Q uod de pariter c o n l r e d i r o i t m a n i fe s t e m e n t la d isp o sitio n a b s o lu e e t
i m p é r a t i v e d u p a r a g r a p h e E x condilionali , su r la transm issio n de t o u te
e s p è c e d e stip u la tio n c o n d itio n n e lle , et les d écisio ns d es lois Caius et ^ivia
( d o n t il sera p a rlé t o u t-à -l’ l i e u r e ) , su r la transm issio n d u r e t o u r en p a r
tic u lie r .
11 est
vrai q u e P a u l d e C a s t r e s , C o v a r r u v i a s et M e n o c h iu s o n t pris la loi
Q uod de pariter d an s u n sens to u t d iffé r e n t. Ils en o n t c e n c l u q o e la sti
p u la t io n d u r e t o u r d e la d o t p o u r le cas d u d é cè s d u m a r i o u d e la fe m m e
pendant le mariage r e n f e r m o it ta c it e m e n t la c o n d itio n d e la s u r v i e d u
s t i p u la n t : habet ista stipulatio tacitam conditionem , st stipulator su-
pen'ixcrit ; m ais ils sont o b lig és d e c o n v e n i r en m i m e t e m p s q u e c e t t e
(1) Quoil de parilcr mortui» tractavimus ¡11 aliis agitatimi e»t ut eccc: Si mater stipulata c»t dotem
k marito, morlui filiâ in matrimonio libi rrddi, et «imul cùm Filia periit, au ad liæredem malrit
aclio ex »tipulatu competerci ?et divu» Pin» rcicripjil non eue comtimiam stiptilalioncm , quia
maicr l'ilia 11011 »npervixil; itom quæritur »i extraneus qui dotem »(ipulatus c»t, »imnl cmn marito
decencril, vd cum eâ propter quam »tipulatu» e»»et, an ad hæredem actio competerei ?
�(
65
)
d é c isio n q u ’ ils s u p p o s e n t à la loi Q u od de pariler est sin g u lière et sans
e x e m p l e : Casus est singularis in istâ lege, d it P a u l d e C a s t r e s , nec re-
cordor alibi hoc vidisse: e n c o r e d u m o i n s , a j o u t e - t - i l , lo r s q u e le r e t o u r
est p o u r a v o i r lie u d an s le cas d u d é cè s d u m a r i pendant le mariage , i^
s e m b le q u e l a f a v e u r d e s m a r ia g e s fu tu rs p e u t fa ire p r é f é r e r la d o n a ta ire
s u r v i v a n t e a u x h é r itie r s d u d o n a t e u r , afin q u e l le a it u n e d o t p o u r se
r e m a r i e r , c e q u i es t d e l’in t é r ê t p u b l i c . I n hoc major ratio quant in
p r im o , scilicetfavore dotis ut e x eü millier possit iteruin nubere. M ais
l o r s q u e le r e t o u r est s tip u lé p o u r le cas d u d e c e s de la f e m m e pendant le
mariage, il n’y a pas m ê m e raison d e f a v e u r ( a m o in s q u e c e n e soit p o u r
fa v o r is e r le s e c o n d m a r i a g e d u m a ri s u r v i v a n t ) ;< sed in prim o casu
non sic.
S i n o n o b s t a n t ces raison s p é r e m p t o i r e s , P a u l d e C a s t r e s e t scs s e c t a
teu rs o n t p ersisté d an s l e u r i n t e r p r é t a t i o n , i l n e f a u t ’p a s c r o i r e q u ’ ils a ie n t
e n t e n d u p o u r cela se d é p a r t i r des d é cisio n s d u p a r a g r a p h e E x condition
nait e t d es lois Caius et A v ia . Ils c o n v i e n n e n t q u ’e n g é n é r a l le r e t o u r
c o n v e n t i o n n e l est t râ n s m is sib le c o m m e t o u te a u t r e s t i p u la t i o n c o n d i t i o n
n e lle ; s e u le m e n t ils e n e x c e p t e n t l e cas p a r t i c u l ie r q u ’ ils s u p p o s e n t d an s
la loi Q uod depariter, c’e s t - à - d i r e , c e l u i o ù le r e t o u r a été s t ip u lé p o u r
a v o i r l i e u , moriuâ fih â i n m a t r i m o n i o , o u mortuo i n
m a tr i-
m o n io marito; d e so rte q u e l o r s q u e le r e t o u r est s t i p u lé sous t o u te a u t r e
c o n d itio n q u e c e lle d u d écès d u m a r i o u d d la f e m m e ' pendant le m a
riage , /JV Mu4. t r i m o n i o ,* l o r s q u e , p a r e x e m p l e , c o m m e d a n s n o t r e
e s p è c e , il est r é s e r v é p o u r le cas d u d écès d e la f e m m e nort précisément
pendant le mariage, m ais en g é n é r a l p o u r le cas d e son d é c è s san s e n
fa n t s , p e n d a n t le m a r ia g e o u en v i d u i t é , a l o r s , s u i v a n t les m ê m e s d o c
t e u r s , les p r i n c i p e s r e p r e n n e n t l e u r e m p i r e , la t ra n s m is sio n d u r e t o u r
s’o p è r e de plein d r o i t , o n n e s o u s - e n te n d plits la c o n d i t i o n d e la su r v ie d u
d o n a t e u r , e t l’on s u it sntMrdiiTicullé les règlds gériérales stir la transm ission
des s tip u la tio n s c o n d i t i o n n e l le s , et n o t a m m e n t les d écisio ns des lois Caius
e t A via.
C e t t e 'd o c t r i n e se t r o u v e fo rt b ie n e x p l i q u é e pat- P i e r r e D à r b o s a , c h a n
ce lie r d e P o r t u g a l , l’un d es p r i n c i p a u x s e c ta te u rs d e P a u l d e C a str e s. C ’est
9
�sur la loi C a iu s, iF. soluto m atrim onio, versiculo quod ciim ila. A p res
avoir c o n clu de cette loi <Tt de la loi udvia, co d ice de ju r e dotiuin, q u e
le re to u r conventionnel est transm issible, il s’ob jecte la loi Q u o d d e p a -
riter, q u ’il entend dans le m êm e sens que P a u l de Castres, C ovarru vias
et M en o cliiu sj mais il y ré p o n d en disant q u e cette loi n ’a lieu que p our
le cas particulier dont-il y est p a rle, lorsq ue le reto u r doit a voir lieu m or-
tud IN M A T R I MO N I O Jiliâ. N equ e obstat dicta le x Q u o d de pariter,
quia ïoquitur quando quis stipulatur dotem sibi red d i, mortud i n
M A T R iM O N lo J ilid ; nam tune tacila subintelligitur conditio supervivenliœ , ut ibi tradunt doctores; sed si generaliter concepta sit stipu
lation procederet id q u o d sentit is textus cum sim ilibus.
A in si la loi Q u o d de p ariter, de q u e lq u e m an ière q u ’on veuille l ’en
t e n d r e , est sans application à notre e s p è c e ; car il ne s’agit pas dans la
cause de retour stipulé p o u r avoir l ie u , m ortud IN M A T R I m o n i o J iliâ.
D ’ailleurs le mari ne gagnant plus la dot par sa s u r v ie , com m e dans l’a n
cien d r o it, la faveur de son m ariage fu tu r ne milite plus contre les lie n tiers d u d o n a te u r , et l’intérêt p u b l ic n’est plus com prom is p ar la trans
mission. E n vain diroit-on q u e le mari su rviv an t profite encore a ujour
d’h u i , à cause de la c o m m u n a u té , de la moitié de la som m e constituée en
dot à sa fem m e. Il faudroit au moins q ue la som m e n’eût pas été stipulée
p r o p r e de co m m u n au té : or, dans l’espèce de la cause, les
3o,ooo
liv. don-
ue'es p a r le sieur L h éritier ont été stipulées propres.
Il n ’en est pas des lois Caius et A via, c o m m e de la loi Q uod de p ari-
ler. Elles sont toutes d e u x très précises p our la question qui nous divise.
Dans la prem ière ( i ) , il s’agissoit d ’une dot donnée au m ari p ar l’aïeul
(l) Caïii» Seïus avm maternui Seïæ ncpli quæ erat in palri» poleilate, certain pecuniæ (juantila1cm dolis iiominc Lucio Titio marito dédit, et instrumcnlo dotali ejiumodi paclmn et alipulationcm coinplexus csl, *i inter Titium Lucium marilum et Sciaiu divoçtuim«incculpa mulieris factum
e»»et, do» omni» uxori vel Cai'o Seïo avo tnalerno rcdderctur reslihienlurque. <^u*ro, ciim Seïu»
avm malermi» ttaliin vità diTunctu» »it, et Scïa
sine etilpu mà divertir t, \ivo pâtre ma
>» cujui potcslale est, a» et ciù aclio ex hoc pacto et slipulationc compelat, et utriim liturrdi av
inalttm ex itipulatu, au uepti? Ilc»]>ondi ni penona nmilim ncpli» videri iiiulililer ttipulatiourm
tu« loiicepuin , «piouiam avu» inalermis «i ttipul; tu» propomlur ; quod_ciim ila e»t, lnmdi $iipulatori», «jviaudocuiuquc direrterit muiicr, aclio competcrc videtur.
�(
67 )
m a t e r n e l de la f e m m e , et p a r c e l u i - c i s t i p u lé e re'versible a u p r o fit de la
f e m m e , o u de l u i d o n a t e u r , en cas d e d i v o r c e sans la fa u te d e la f e m m e .
L e d iv o r c e a r r i v a , m ais le d o n a t e u r q u i s’éto it r é s e r v é l e r e t o u r ( d u m oin s
en s e c o n d ) é t o it p r é d é c é d é , n o n o b s t a n t c e p r é d é c è s , le ju r is c o n s u lt e
( s u p p o s a n t n u lle la stip u la tio n faite en p r e m i e r a u p r o f it d e la fe m m e ,
quia nem o altcri stipularipotest) d é c id e q u e les h é r i t i e r s d u d o n a t e u r
d o i v e n t p r o f it e r d u r e t o u r en q u a lité d e t r a n s m is s io n n a ir e s , c o m m e a u r o i t p u faire le d o n a t e u r lu i- m ê m e . Quocl cùm ita est, hceredi stipulatoris, quandocum que divcrtcrit rnulicr, actio cornpelere videtur.
L a loi ¿Lvia n’ est pas m o in s ex p resse. L a q u e s tio n e to it d e s a v o ir si le
r e t o u r d e la d o t , n ’a y a n t été r é s e r v é q u e p a r u n s im p le p a c t e , et n o n p a r
u n e st ip u la t io n en f o r m e , il é to it t r a n s m is sib le a u x h é r itie r s d u d o n a t e u r .
L ’e m p e r e u r r é p o n d q u ’il fa u t d is t in g u e r si la d o t , d o n t le r e t o u r a été
r é s e r v é p a r le p a c t e est u n e d o t p r o f e c t i c e , ( c ’e s t - à - d i r e d o n n é e p a r c e l u i
q u i a la p u iss a n ce p a te rn e lle ) o u si elle est a d v e n t i c e . L o r s q u ’ elle est p r o
fe c t i c e , c o m m e en ce cas le d o n a t e u r est a ss u ré d u r e t o u r lé g a l q u i n ’es t
p a s t r a n s m is s ib le , on s u p p o s e q u ’il s’en est c o n t e n t é , e t q u e c’est p o u r
ce la q u ’il n ’a p a s eu r e c o u r s à u n e st ip u la t io n en f o r m e ; m ais l o r s q u e la
d o t est a d v e n t i c e , telle q u e ce lle d o n n é e p a r l e s é t r a n g e r s o u les a s c e n
d a n ts m a te r n e ls q u i n e p e u v e n t pas p r é t e n d r e l e r e t o u r l é g a l , a lo rs le r e
t o u r q u i en a été r é s e r v é p a r u n s im p le p a c t e est t r a n s m is s ib le a u x h é r i
tiers d u d o n a t e u r . A via tua corum q u c e p ro fd id tua in dotem d é d it ,
etsiverborum obligatio non interccssit , actioncm ex Jid e convcntionis
ad te , si hœres extitisti, transmittere p o tu it, nec cnim cadem causa
est patris et matris pacisccntium ; quippe matris p a ctu m actioncm
prœscriptis verbis constituit; p a tris , dolis actionem conventione sim p lici minim e creditur innovare.
Q u e l q u e cla ires q u e so ie n t ce s d e u x l o i s , il s’ est c e p e n d a n t t r o u v é
u n d o c t e u r ( i ) q u i , p o u r les c o n c i l i e r a v e c la d é c is io n a t t r ib u é e p a r P a u l
d e C a stres et a u tr e s à la loi Q uod de pariter , a essayé d e l e u r d o n n e r u n e
a u t r e i n t e r p r é t a t i o n . P a r e x e m p l e , il s u p p o s e q u e d a n s l ’e s p è c e d e l à loi
(ijlia r th c le m i S ocin, sur la loi Q u o d <U p a r ittr.
�( 68 )
A v i a , la d o n a t r i c e a v o i t s u r v é c u à l’o u v e r t u r e d u r e t o u r q u ’elle s’éto it
r é s e r v é , e t p a r r a p p o r t à la loi Caius , il p r é t e n d q u e c ’ est la st ip u la t io n
e x p r e s s e fa ite e n p r e m i e r a u p r o fit d e la f e m m e m a r ié e q u i a fait p r é s u
m e r d e la p a r t d u d o t a te u r ( p o u r l e r e t o u r s t ip u lé e n su ite à son p r o fit )
u n e d é ro g a tio n à la d isp o sitio n p r é t e n d u e d e la loi Q uod de paritçr ;
m a is c e t t e d o u b l e s o lu tio n se r é f u t e d ’e l le - m ê m e . E n e ffe t, p o u r ce q u i
e s t d e la p r e m i è r e , il est s e n s ib le q u e si la d o n a t r ic e a v o i t s u r v é c u , il n’y
a u r o it p a s e u d e d is tin ctio n à faire e n t r e le p a c t e d e l’a s c e n d a n t m a t e r n e l
e t celu i d u p è r e , p o u r d é c l a r e r le p r e m i e r t ra n s m is sib le , et n o n p a s l ’ a u t r e :
to u s les d e u x a u r o i e n t é t é é g a l e m e n t t r a n s m is s i b le s , p u i s q u e le r e t o u r
m ê m e lé g a l se t r a n s m e t , l o r s q u ’u n e fois il a é t é a c q u is a u p è r e p a r sa s u r
v i e . A l ’é g a r d d e la lo i Caius , il n ’est pas p o s s ib le de c o n c e v o i r q u e la
c ir c o n s t a n c e d e la s t i p u la t i o n e x p r e s s e d e r e t o u r faite e n p r e m i e r au p r o fit
d e la f e m m e a it p u in flu e r a u c u n e m e n t s u r la t r a n s m is sib ilité d e ce lle
fa ite e n s e c o n d p a r l e d o t a t e u r a u p r o f it d e lui-m êm e,* il est é v i d e n t q u e
la d é c is io n d e la loi a u r o i t é t é la m ê m e , q u a n d c e t t e c ir c o n s t a n c e n e s’y
sero it p a s t r o u v é e .
A u s s i cet a u t e u r finit-il p a r r e c o n n o î t r e q u e ces s o lu tio n s s o n t p lu s s u b
tiles q u e solides^ et q u ’il fa u d r o it b i e n se g a r d e r d e les s u i v r e d an s la p r a
t i q u e , d an s les j u g e m e n t s : cogita famen </uia pulc/ira est conclusio ,
NON T A M E N FORTE TN J U D I C A N D O ESSET A B A L I A O P IN IO N E
RECEDENDU3I.
E t e f f e c t i v e m e n t , com m e il le d it fo r t b i e n a u m ê m e e n d r o i t , si c e
n ’ étoit le d o u b l e sens d o n t la loi Q u od de panier p;iroît s u s c e p t i b l e , il
n ’y auro it p a s u n seul d o c t e u r d a n s t o u t le m o n d e e n li e r q u i n’o p iïia t p o u r
d u r e t o u r c o n v e n t i o n n e l d a n s tous les cas. N o n esset
la transm issio n
doctor in mutido qui contrarium non consuleret, si non vulisset istum
texlum .
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0 1
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E.
E xa m en de la Jurisprudence.
S u i v a n t P a p o n , a u l it r e d es D o n a t i o n s , a rt.
38 ,
il a é té j u g é </uc
la rétention Jaitc p a r un donateur, (juc si le donataire meurt sans en-
�{
69 )
Ja n ts , la chose donnée retournera au donateiu' sans faire mention
des s ie n s e s t réelle et non personnelle , pa r ainsi transmissible à l’hé
ritier du donateur} s’il se trouve m ort , lorsque la condition d’icelle
rétention advient.
a 0 M. M aynard,
1. 8. c. 33. r a p p o r t e
q u c ' p a r s e n t e n c e d o la s é n é c h a u s
sée d e L a u s e r r e , le r e t o u r s t i p u l é p a r u n o n c l e d o n a t e u r a u p a y s d e Q u e r c i ,
p o u r le cas d u d é c è s d e so n n e v e u d o n a ta ire sa n s e n f a n t s , l e d i t ca s é t a n t
a r r i v é , q u o i q u 'a p r è s le d é c è s d u d o n a t e u r , fu t j u g é t r a n s m is s ib le a u x
h é r itie r s d u d o n a t e u r , nonobstant le défaut de ce mot sien ou autre
équip oient.
3°
L e m ê m e M . M a y n a r d r a p p o r t e q u e s u r l 'a p p e l d e c e tte s e n t e n c e
p a r a r r ê t r e n d u à son r a p p o r t , a u m o is d e j a n v i e r i S 7 4 5 c o n f i r m a t i f d e
la s e n t e n c e , le r e t o u r f u t a d j u g é a u x h é r itie r s d u d o n a t e u r .
4°
F o n l a n e l l a n o u s a ss u r e q u e la m ê m e c h o se a été j u g é e c o n t r e l u i -
m e m e , le 10 a v r il 1 6 0 9 , p a r le c o n s isto ir e d e la p r i n c i p a u t é d e C a ta lo g n e .
Conatus f u i defendere quod non poterant ( d o t e m v i n d i c a r e h rere d es
d o n a to ris p r æ m o r t u i )fundans intentionem indispositione legis Q u o d de
p a r i t e r , et eorum quee super ea dicunt superiiis allegali de subinlelli-
gentid condilionis superviventiœ, sed non potui oblinere; irno décla
ration f u i t expresse sub die 10 A p rilis anno 1 6 0 9 , infavorem hœred u m ; e t cela p a r c e q u ’il n ’y a v o it p a s d e p r e u v e q u e le d o n a t e u r e û t
lim i t é le r e t o u r a u cas d e sa s u r v i e , sumendo expresse motivum quùd
non constaret canceptam fuisse stipulationein respectu’reversionis ad
donatorem, si isfiliœ supervixisset, ac proindè regulando emn casuni
e x dispositione paragraphi E x c o n d itio n a li sunpliciter conccdenii
transmissionem ad hcâredes} quando non adest expressa condilio
superviventiœ.
5» L a m ê m e ch o se a e n c o r e é t é d é c i d é e d an s l ’e s p è c e p r é s e n t e p a r M e*
13la r u , N o r m a n d , L e C l e r c d e V e a u d o n n o e t G u é a l i x d e l l e v e r s c a u x , c o m
m issaires n o m m é s p a r le co n seil p o u r j u g e r les co n tes ta tio n s rela tiv es à la
s u cc essio n d u sieu r L h é r i t i c r d o n a t e u r . E n c û b l, p a r l e u r a r r ê t de p a r t a g e ,
ils o n t r é s e r v é a u x p a r t i e s , p a r u n a c t e s é p a r é , l’e s p é r a n c e d u r e t o u r sti
p u l é p a r le s ie u r L h é r i t i c r en ces t e r m e s : les parties ont encore Vespé
rance , le cas arrivant, de la réversion de la somme de 3 oqoo livres
�(■ 7 °
)
donnée en dot p a r le sieur Lhéritier père à m adam e la m arquise de
R a v ig n a n , sa ( b e l le ) nièce.
6°
E nfin la sentence don t est a p p e l , re n d u e sur les plaidoiries solen
nelles des parties p e n d a n t c in q a u d ie n c e s , a juge' en faveur des héritiers
d u do n ate u r, sur le fon dem en t q ue la condition ex p rim é e p a r l e do n a
te u r p o u r donner lieu au .retour s’étoit vérifiée : attendu le décès de la
dem oiselle R a c in e , veuve D am p us, sans enfants.
L e marquis de M esmes auroit bien v o u lu p o u v o ir opposer à cette suite
de décisions q u e lq u es décisions contraires capables de les balancer. Mais
q uelqu es recherches q u ’il ait p u fa ir e , il ne lui a pas été possible d’en
p ro d u ire u ne s e u le ; en vain e x c ip e - t-il de l’arrêt rap p orté p a r M o r n a c ,
a u titre de dote profectitia. Il y étoit question d u retour d ’une dot cons
tituée par un p ère naturel à sa fdle b â t a r d e , et p ar conséq uen t profectice,
c om m e le dit M o r n a c lu i-m ê m e et com m e le p ro u v e fort bien H c n r y s ,
].
6 . c. 5 . part. 3o,
où il établit q u e le retour légal a lieu au profit d u père
naturel p o u r la dot p a r lui co nstituée, co m m e e'tant censée profectice ,
à cause de l’obligation où il est de d o t e r ; or il ne s’agit p o in t ici d ’une
dot profectice.
D ’ailleurs, si l’on exam ine bien l’espèce de l’arrêt d e M o r n a c , on verra
q u ’il n’est pas même précis p o u r le cas de la dot profectice. E n effet, M o r
n a c dit lui-m êm e q u e le retour avoit été stipulé seulem ent p o u r le cas du
de'cès de la fille sans enfants. O r , la fille n’e'toit pas décédée sans enfants,
p u is q u e ses enfants lui avoient su rvé c u . D ecesserat presbyter p o s -
TEAQUE S PU R I A AC LIBERT. Il est vrai q ue les enfants éloient d é
cédés sans enfants, et c ’est a p p a re m m en t sous ce p n itex te que les héri
tiers du prêtre dotnteur reven d iqu oien t la d o t , en éten da n t la condition
du décès sans e n fa n ts , au cas du d é c è s , et des enfants sans enfants.
M ais c o m m e l’ont fort bien ob servé R ic a r d et le Journaliste des A ud ien ce s,
les stipulations en général et celles de retou r en p articulier étant de droit
¿ tr o it, ne doiv e n t pas être étendues d’ un cas à un autre. D ès-lors , on ne
pouvoit pas a d ju g e r le retour a u x héritiers du prêtre dotatcur. L u i-m ê m e
auroit Cté exclus à défaut d ’é vén em en t de la condition p r é v u e ( i ) .
(0 AgiVtiu
Ov l’rcibylcro qui cùm dmurct filia- »purin: 3oo aur«o> in<lol«Ri, condilionn«
�( V
)
S i des j u g e m e n t s n o u s passon s a u su ffra g e d e s a u te u r s fr a n ç a is , n o u s
v e r r o n s q u e la q u e s tio n y est to u jo u r s d é c id é e u n i f o r m é m e n t en f a v e u r
des t r a n s m is s io n n a ir e s , n o t a m m e n t l o r s q u e la d o n a tio n est faite p a r a u
tres q u e les a s c e n d a n ts ( c o m m e p a r e x e m p l e p a r u n b e l - o n c l e ) , n o t a m
m e n t lo r s q u e le d o n a t e u r , éta n t p lu s â g é q u e le d o n a t a i r e , a c e p e n d a n t
p r é v u n o n s e u l e m e n t l e d écès d u d o n a ta ire sans e n f a n t s , m a is e n c o r e le
d écès d e scs en fants sans en fants ou a v a n t l e u r m a jo rité .
L a réversion conventionnelle , d it L e B r u n , t r a ité d e s S u c c e s s i o n s ,
1.
i . c . 5 . sect. 2 } passe a nos héritiers si nous ne l’avons limitée, ce qui
se f a it quelquefois, en ne la stipulant qu'au cas du prédécès du do
nataire ; mais quand nous l’avons stipulée simplement au cas du dé
cès du donataire sans enfants , alors nous avons parlé pour nos hé
ritiers ou ayants-cause.
Quant à la réversion conventionnelle, d i t L a c o m b e , au m o l R é v e r
sion , elle ne concerne pas moins les héritiers du donateur qui l’a sti
p u lé e, que sa personne même. N a m pleru m qu e ta/n hœredibus no'stris quant nobisine/ipsis cavemus, i. g . d e P r o b . s lin s is i un ascendant
fa it donation h son fils ou à sa fille , à condition de réversion, si le
donateur meurt sans enfants, les choses données passent a u x héri
tiers du donateur prédécédé, si elle n’a été limitée.
L e retour conventionnel, d it f a u t e u r d e la n o u v e l l e c o lle c tio n de J u
r i s p r u d e n c e , au m o t R e t o u r , n’a d ’autres règles que celles de la con
vention ................ et comme les conventions passent in liæ r e d e s et a d
h æ r c d e s , il s’ensuit que si le donateur prédecède , la réversion doit
appartenir à ses héritiers qui le représentent, lorsque la condition
sous laquelle elle est stipulée est arrivée, à moins que la réversion
n’eût été stipulée personnelle, et qu'elle n’ait été limitée p a r des clauses
qui l'empêchent d’être transmise a u x héritiers.
Ï J o m a l , crt son traité d es L o i s C iv ile s s u r le R e t o u r , a p rè s a v o ir d é c i d é ,
illam labulis nuptiaUbus adjcccrat(ii siile liberis filia decesaerit, do» ad *e reverlerelur) nullà faci«
mcntioue Increduli). Susceplì crani liberi ex co matrimonio quibii* mperatilibu» decesserat PresbyIcr, postfà^uc spuria ac liberi re dim i htcrcdn rrc»bylm dytem illam utjprofecliliamex clan*
«ulA revcrtioni»....à politiouc iiU «liminoli iuut.
�(
72 )
c o m m e l o u s les a u t e u r s c i- d e s s u s c i t e s , q u ’e n g én ér a l le r e t o u r stip u lé
p a r un a s c e n d a n t o u t o u t a u t r e d o n a t e u r d o i t se r é g le r c o m m e les a u tr e s
c o n v e n t i o n s , e t n o n à l ’in s ta r d u r e t o u r l é g a l , a jo u te q u e cela est encore
p lu s ju s te p o u r les donateurs autres que les ascendants. L a raison
q u ’il en d o n n e est q u e les d o n a t e u r s é t r a n g e r s ( t e l q u ’ éto it le sieu r L h é r it ie r p a r r a p p o r t à la d e m o is e lle R a c i n e , sa b e l l e - n i e c e ) , n’a y a n t p a s la
m ê m e a ffectio n p o u r la fam ille d e le u r s d o n a t a i r e s , on p r é s u m e encor.e
p l u s a is é m e n t d ’e u x q u e d es a s c e n d a n t s , q u ’ils o n t v o u l u p r e f é r e r le u rs
p r o p r e s h é r itie r s à la faniille de c e lu i c o n t r e l e q u e l ils o n t s t ip u lé le r e
to u r .
E n f i n , s u i v a n t l l e n r y s , q u o i q u ’on g é n é r a l le d o n a t e u r , m ê m e a s c e n d a n t,
q u i se r é s e r v e le r e t o u r soit ce n sé le faire tan t p o u r lu i q u e p o u r ses
h é r i t i e r s , c e l t e p r é s o m p t io n lég a le d e v i e n t b i e n p lu s fo rte e n c o r e , lo r s
q u e , c o m m e d an s n o tre e s p è c e , il a p r é v u n o n s e u l e m e n t le d é c è s d u d o
n a ta ir e sans e n f a n t s , m ais e n c o r e le d é c è s d e ses e n fa n ts a v a n t l e u r m a
jo r ité . E n effet , d it - il , quoique le père survivant , l’ordre de la nature
en soit troublé, c'est pourtant chose assez com m une , mais qu'un
père p ense survivre à sa fille et a u x enfants qu’elle p eu t laisser, qu 'il
étende si loin sa p e n sé e , c’est ce qu’ on ne peut pas présumer. D o n c ,
ajoute-t-il, quand le père a stip u lé que la dot serait réversible, s i sa f ille
décédoit sans enfants ou scs enfants sans enfants, il ne s ’est-pas
persuadé que tout cela prtt arriver lu i vivant, et p a r conséquent il a
bien entendu que cette stipulation f û t aussi bien profitable h ses héri
tiers qu'à lui-m êm e, autrem ent il n ’auroit pas eu une visée si longue,
et s’il n’avoit cru que de stipuler le t'Ctour p o u r lu i, il en auroit res
treint la condition et les termes. I l se scroit'contenté de parler du p ré
décès de sa fille sans enfants, et il n ’auroit p as ajouté.et de ses enfants
sans enfants.
L e m a r q u i s d e M e sm e s o p p o s e à ces a u t o r i t é s le s e n tim e n t d e B o u c h e u il, d e l î r c t o n n i e r s u r l l e n r y s , et d e M r . L a R o u v i è r e ; m ais C o u c h e u il
ne se d é c i d e q u e d a p r è s l ’a r r ê t d e M o r n a c , q u i , c o m m e n o u s l ’a v o n s v u ,
i»’a pa*. dq r a p p o r t à l ’c s p è c c . B r c t o n n i c r so d é c i d e sans d o n n e r aucun*raison de .son a v i s ; am.si o n 11« p e u t pns d e v i n e r q u e l a été son m o t i f :
�( 73 )
d ’a ille u r s , l’e s p è c e s u r l a q u e l l e il d o n n e s o n a v i s , q u i est ce lle d e H e n r y s ,
est b i e n d i f fé r e n t e d e la n ô t r e , o ù l e d o n a t e u r est u n b e l - o n c l e , et p a r
c o n s é q u e n t u n é t r a n g e r ; a u lie u q u e d a n s l ’e s p è c e d e I i e n r y s , c ’ est u n
p è r e a ss u r é d u r e t o u r lé g a l d e la d o t p r o f e c t i c e p a r l u i d o n n é e . P a r r a p
p o r t à M e. L a R o u v i è r e , il n e d e v r o i t p l u s ê t r e n o m m é d a n s c e t t e c a u s e ,
d ’a p r è s les p r e u v e s q u i o n t é té a d m in is tr é e s a u c h â t e l e t , q u e c e t a u t e u r
n ’a p a s c o n n u les p r e m i e r s p r i n c i p e s d e la m a l i e r e , et q u ’ il n ’a p a s e n
t e n d u les d o c t e u r s p a r l u i cités.
C O N C L U S I O N .
N o u s n e c r o y o n s p a s q u ’il reste la m o i n d r e d if fic u lt é d a n s c e t t e c a u s e ;
c a r il 11c f a u t p a s r e g a r d e r c o m m e telle l’o p i n i o n iso lée d e d e u x a u t e u r s
i n d u it s en e r r e u r p a r des a u t o r i t é s m a l e n t e n d u e s . C ’est t o u j o u r s a u x
p r i n c i p e s q u ’ il en f a u t r e v e n i r . O r , les p r i n c i p e s é lé m e n t a i r e s d u d r o i t ,
' c e u x d o n t n o u s a v o n s é t é r e b a tt u s d a n s les é c o l e s , e t q u i r e te n tis s e n t
j o u r n e l l e m e n t d an s les t r i b u n a u x , s o n t q u e les st ip u la t io n s c o n d i t i o n
n e lle s se t r a n s m e t t e n t à l’h é r i t i e r d u s t i p u l a n t , n o n o b s t a n t le p r é d é c è s d e
c e l u i - c i , q u e les a c te s e n t r e - v i f s , m ê m e c o n d i t i o n n e l s , o p è r e n t la sa isin e
in inslanli, q u e les c o n d itio n s y o n t u n effet r é t r o a c t i f , q u e , s u i v a n t la
r è g l e le mort saisit "le v i f \ les h é r itie r s s u c c è d e n t à t o u s les d ro its d o n t
l e u r a u t e u r est d é c é d é s a i s i , q u ’ ils n’ e n p o u r r o i e n t ê t r e p r i v é s q u e p a r
u n e v o l o n t é e x p r e s s e d u s t i p u la n t q u i a u r o i t f o r m e l l e m e n t r e s t r e i n t la
s t ip u la t io n à sa p e r s o n n e , q u e c ’est à c e lu i q u i les p r é t e n d e x c l u s à p r o u
v e r l e u r e x c l u s i o n , q u e les c o n v e n t i o n s s o n t t o u j o u r s ce n sé e s r é e l l e s , q u e
la p e r s o n n a lit é n e s y s u p p o s e ja m a is , q u ’ elle d o i t ê t r e p r o u v é e p a r des
e x p r e s s io n s q u i la n é c e s s i t e n t , etc.
L e m a r q u i s d e M e s ni es 11e d o it p a s se fla tter q u e la c o u r d é r o g e en sa
f a v e u r à ces p r i n c i p e s c o n s a c r é s p a r l’a n t i q u i t é la p lu s r e s p e c t a b l e , a d o p
tes p a r to u tes les n a tio n s p o lic é e s e t q u i fo n t u n e p a r t i e essen tielle d e la
législa tio n u n i v e r s e l le e t d u d ro it d e s g e n s .
K n vain v o u d r o i t - i l on é l u d e r l’a p p l ic a t i o n p a r des d is tin c tio n s i m a g i
n a i r e s ; I e s p r it a c t u e l de n o t r e j u r i s p r u d e n c e c s t . d e p r é v e n i r , a u t a n t q u ’ il
est possib le., t o u t e i n c e r t i t u d e d a n s les j u g e m e n t s , en
n’admettant
10
({ue
�C
74
)
d es p r i n c i p e s c l a i r s , et en r e j c l a n t t o u t e s les d is tin c tio n s a r b it r a i r e s q u e
la s u b t i l it é d e s - d o ç t e u r & a v o i l m u lt i p li é e s à l ’infin i. C e sero it a lle r d ir e c t e
m e n t c o n t r e c e t e s p r i t , e t n o u s r e je t e r d a n s le c h a o s a f f r e u x d ’i n c e r t i t u d e ,
d o n t la b o n t é du p r i n c e e t la sa g esse d e la c o u r t r a v a i l le n t to u s les j o u r s
à n o u s r e t i r e r , q u e d ’a d m e t t r e les d is tin c tio n s i m a g in é e s p a r le m a r q u i s
d e M e s m e s p o u r le b e s o in d e sa ca u se .
L e s p r i n c i p e s n e d o i v e n t ê t r e lim it é s q u e p a r d e s e x c e p t i o n s aussi c la i
r e m e n t éta b lie s et aussi n o to ir e s q u e le p r i n c i p e m ê m e . T e l l e e s t , p a r
e x e m p l e , l ’e x c e p t i o n q u ’ u n e j u r i s p r u d e n c e c o n s t a n t e , u n i f o r m e et a y a n t
f o r c e d e loi a é t a b li e p o u r le cas p r é c i s d e la st ip u la t io n d e r e p r is e d e l ’a p
p o r t en c o m m u n a u t é p a r l a f e m m e r e n o n ç a r tte . L a p e r s o n n a li t é d e c e tte
s t ip u la t io n ( i i n i q u e d a n s son e s p è c e , c o m m e l’o b s e r v e M®. P o t h i e r , en
son tra,i.lé<lc& O b l i g a t i o n s , à l ’e n d r o i t d é jà c i t é ) est a ussi n o to ir e q u e la
r é a l i t é de* t o u t e s ,le s a u t r e s ; e t en c o n s é q u e n c e , il n’y a ja m a is d e diffi
c u l t é l p r s q u c le cas d e c e t t e e x c e p t i o n sc p r é s e n t e . Il n ’en est p a s d e
m ê m e d e c e l l e q u ’i m a g i n e a u j o u r d ’h u i le m a r q u i s d e M e s m e s . E l l e n ’est
a u t o r is é e p a r a u c u n e l o i , a u c u n u s a g e , . E n v a in v o u d r o i l - o n l’ass im iler à
la p r e m i è r e . L a d i f l e r p n c e e s t d es p lu s fr a p p a n t e s .
E n e f f e t , la st ip u la t io n d e r e p r is e d e l’a p p o r i en c o m m u n a u t é est c o n
tra ire à to u te s les r è g le s d e l ’é g a l i l é , q u i fait l’a nie des so ciétés . I'-lle c h a n g e
la s o c ié t é d es c o n jo in ts en u n e v é r i t a b l e s o c ié t é léo/imc, o u la f e m m e
est a ssu rée d e s p ro fits sans c o u r i r a u c u n s r is q u e s ; en c o n s é q u e n c e u n e
s t ip u la t io n p a r e il l e se ro it p r o s c r i t e d a n s u n e so ciété o r d i n a i r e , c o m m e
c o n t r a i r e a u d r o i t n a t u r e l . S i e lle es t t o lé r é e d a n s la s o c ié té c o n j u g a l e ,
c ’es t u n i q u e m e n t à c a u s e d e la g r a n d e f a v e u r d e s c o n t r a i s île m a r i a g e ,
q u i a u t o r is e t o u te e s p è c e d e c l a u s e , l o r s q u ’ elle ne va pas j u s q u ’à o ffe n s e r
le s b o n n e s m œ u r s ; a u c o n t r a i r e la s t i p u la t i o n d e r e t o u r n e r e n f e r m e rjeu
q u e d e 1res c o n f o r m e a u x p r e m i e r s p r i n c i p e s d u d r o i t d e s g e n s , é t a n t
p e r m is à t o u t d o n a t e u r d ’im p o s e r à sa l ib é r a li té telle c h a r g e qu 'il j u g e à
p r o p o s . D è s - lo r s 011 n e d o it p a s ê t r e s u r p r is q u e la j y r i s p r u d e n c e d es
arrêta a it d é c l a r é la p r e m i è r e s t i p u la t i o n p e r s o n n e l le , et non pas l’an Ir e .
Q u od contra ju r is ralioncM introductum est , non est produccudm n
adcorucifucntias.
�(
75 )
I n d é p e n d a m m e n t d e c e tte c o n s i d é r a t i o n p a r t i c u l i è r e a u x c la u s e s d e
r e p r i s e , q u i p e u t - ê t r e a p a r u su ffisante p o u r les fa ire d é c la r e r p e r s o n
n elles, il y en a u n e g é n é r a l e tirée d es p r i n c i p e s d u d r o i t , q u i a p u e n c o r e
c o n d u i r e à la m ê m e d é c isio n . C ’es t q u e la c o n d i t i o n so u s l a q u e l l e est s t i
p u l é e la r e p r is e d e l’a p p o r t d e la f e m m e en c o m m u n a u t é , c ’ e s t- à -d ire , sa
r e n o n c ia t io n à la c o m m u n a u t é , est p u r e m e n t potestative é t a n t a u p o u
v o i r d e la f e m m e s t i p u la n t e d e r e n o n c e r o u d e n e p a s r e n o n c e r . O r ,
p r e s q u e to u s les a n c ie n s d o c t e u r s o n t s o u t e n u q u e ces so r te s d e c o n d i
tio n s ( s i petìero , si renuntiavero} e t c . ) é t o ie n t p e r s o n n e l le s et n e p o u
v a i e n t s’a c c o m p l i r q u e d a n s la p e r s o n n e d u s t i p u l a n t , quia videntur
apponi in persond stipulatoris ; et e f f e c t i v e m e n t ce s c o n d i t i o n s p a r o i s s e n t se r é f é r e r d i r e c t e m e n t à la p e r s o n n e d u s t i p u la n t p o u r l e u r e x é c u
t io n . Il n’en est p a s d e m ê m e d u ca s d e d écès d u d o n a t a i r e san s e n f a n t s ,
q u i fait la c o n d i t i o n o r d i n a i r e d u r e t o u r . C e t t e c o n d i t i o n est casuelle, et
n o n p o te s t a t iv e . E l l e n’ est a u p o u v o i r d ’a u c u n e d e s p a r t i e s c o n t r a c t a n t e s .
E l l e es t a b s o l u m e n t extrinsèque à la p e r s o n n e d u d o n a t e u r s t i p u l a n t ;
non apponitur in persond stipulatoris, p o u r n o u s s e r v i r d e s e x p r e s
sio ns d e F o n t a n e l l a . Il n ’y a d o n c a u c u n p r é t e x t e d e la fa ire d é c l a r e r p e r
s o n n e l le , et d ès-lors c’ e s l i n c o n t e s t a b l e m e n t le ca s d ’y a p p l i q u e r les p r i n
c i p e s g é n é r a u x q u i o n t é t é é t a b lis p o u r la t ra n s m is sio n d e s s t ip u la t io n s
c o n d i t i o n n e l l e s , e t n o t a m m e n t la d is p o sitio n d u p a r a g r a p h e E x condi
tionali et d es lois Caius e t A via.
M.
B A R E N T I N , avocat-général.
M e.
L E S P A R A T ,
avocat.
H U R E A U l’a în é , p ro cu re u r.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Delsol, Jean-François. 1809]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bellart
Bonnet
Delvincourt
Lacalprade
Barentin
Lesparat
Hureau l'aîné
Subject
The topic of the resource
successions
avancement d'hoirie
contrats de mariage
substitution
droit de retour
nullité de testaments
fideicommis
jurisprudence
dot
stipulation
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation pour les sieurs Delsol, frères ; contre la dame veuve Vigier-d'Orcet, leur sœur consanguine [suivi de] Arrêt du Tribunal civil de première instance d'Aurillac [suivi de] Précis pour le sieur René-Louis Lhéritier et consors, intimés ; contre messire Joseph, marquis de Mesmes, appelant.
Table Godemel : Retour : 3. peut-on stipuler, dans un contrat de mariage, un droit de retour tant pour une donation que pour une institution ? un droit de retour est-il transmissible aux héritiers du donateur, sans stipulation ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Mame frères (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1809
1760-1809
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
75 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1910
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0531
BCU_Factums_G1911
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53362/BCU_Factums_G1910.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Marmanhac (15118)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avancement d'hoirie
contrats de mariage
dot
droit de retour
fideicommis
jurisprudence
nullité de testaments
stipulation
substitution
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53375/BCU_Factums_G2005.pdf
c8504c038b85060a1dd37fa3fb56c959
PDF Text
Text
ÉLOGE
DE
M. F E R E Y ,
Prononcé, le lundi 5 février 18 10 , dans la Bibliothèque du
Lycée Charlemagne , après le service que M M . les Avocats
ont fa it célébrer en l'Eglise de Saint-Paul, en présence de
S . A. S. Monseigneur le Prince A rchi-Chancelier de l ’E m p ir e , etc.
P ar M . B E L L A R T , A vocat.
MONSEIGNEUR,
quelquefois est une oeuvre difficile. Il le devient sur-tout si
l’on veut louer les hommes qui prennent place dans l’histoire. Comme
ils sont exposés à tous les regards, chacun s’attribue le droit de les
juger, et leur demande compte de leurs actions les plus indifférentes.
L ’envie que tout fatigue, jusqu’à la vertu, essaie de se venger de leur
célébrité quand ils ont cessé de vivre. L es passions, qu’ils n’ont pas voulu
protéger, les punissent de leurs refus; les haines s’agitent, la calomnie
circule: et pour se soumettre tant d'ennemis conjurés contre, e lle , la
vérité elle-même éprouve le besoin d’appeler le talent à son secours.
Q u’ils paro issent alors, il le faut, ces puissans orateurs, étincelans de
verve et de mouvement , habiles à manier les esprits, et q u i , sachant
émouvoir et convaincre tour-à-tour, rem portent, pour leur héros, un
triomphe que la malignité se préparoit à lui disputer.
M ais, adresse inutile, talent superflu dans la circonstance qui nous
rassemble !
Pour M. F érey, mes chers Confrères, et ce fut un premier hommage
rendu par vous à sa mémoire, vous avez senti que le sujet se suffisoit à
lui-même ; que, sans art, le simple récit d’une vie, qui fut vide d’événemens, mais pleine de vertus, et dans laquelle la prévention rechercher oit en vain quelque sujet de blâme, sauroit bien intéresser et aller
1
L ’é l o g e
�i6 x .
( a )
'
. .
jusqu’au cœur. En me confiant le soin de ce récit, vos intentions ne
furent donc pas douteuses. J» les remplirai ; et ne sera-ce pas honorer
aussi M. Férey comme il auroit voulu être honoré ! Souvent j’eus l’avan
tage d’assister à ses leçons. Je l’entends me dire, que les morts n’ont plus
besoin d’éloges; que ce puéril orgueil, qui fait attacher, pendant la v ie ,
tant de prix à l’aveugle opinion des hommes, n’existe plus dans les tom
beaux ; que ceux qui cultivèrent la vertu , comblés alors d’autres ré
compenses que celles dont dispose le m o n d e , s’ils laissent tomber encore
leurs regards sur la terre , voient avec une sainte dérision ces honneurs
d’un jour décernés à une-corruptible poussière.
Ombre vénérable ! non : les leçons de ta sagesse ne seront point per
dues. Les morts n’ont plus besoin d’éloges :1mais les vivans ont besoin
d’exemples. Malgré la modestie qui ne t’abandonna jamais, souffre donc
ton éloge. T a vie doit être racontée pour être la règle de la nôtre. Que
cette jeunesse aimable et brillante, qui se presse à l’entrée de la carrière
où tu marchas avec tant d’honneur, trouve en toi son guide le plus
sur. Elle est ivre de gloire : viens lui montrer la gloire véritable. L ’es
time publique est son idole : tu lui diras ce qui te la conserva si pleine et
si constante. Ainsi tu nous auras rendus tous meilleurs. Fidèle à ta destinée
qui fut de faire le bien, tu le feras encore même du sein de la tombe. Et
nous, tes amis ou tes disciples, nous t’aurons offert un hommage selon
ton c œ u r, en rendant ta mort utile à la postérité, comme toute ta vie
le fut à tes contemporains.
M. François-Placide-Nicolas F é r e y , avocat et membre de la Légion
d’H o n n e u r, naquil au N eubourg, près d’Evreux , le a octobre 1735.
Il importe peu de savoir que son père possédoit une assez grande
fortune ; mais ce qui est digue de remarque, c’est que, long-temps
avant l'institution des juges-de-paix 4 M. l’ érey père é lo it, du gré de
ses voisins, l’arbitre de lous leurs procès. A u milieu des débats d’intérêt
les plus animés , ce cri : « Allons nous faire juger par M. Féréy , »
étoit comme une seconde clameur de H aro ( 1), à laquelle personne ne
résisloit, et que la conciliation suivoit toujours. L e ciel devoit une récom
pense à cet homme vertueûx: il la lui donna dans son fils.
L a frêle santé de cet enfant iit, d ’a b o rd , trembler, pour sa vie. On
craignit du moins qu’elle ne fût un obstacle au succès de son éducation.
Mais la nature scmbloit avoir mis en r é s e r v e p o u r son esprit, tout ce
qu’elle avoit. refusé de vigueur à son corps. Une volonté forte sur
monta la foi blesse physique. Parmi ses condisciples il lut presque tou
jours le premier.
■
( 1 ) L a cla m eur de H a r o («// R a ou l ! du n ain de cet ancien duc de N o r m a n d ie qui
in e iita d e t r e in v o q u é , après sa m o r t , par ses sujets, c o m m e le-plus juste des princes )
etoit un droit particulier aux N o r m a n d s do f o r c e r , en jetant c e c r i , toute personne
do c om paroîtro ù l ’instant m ê m e devant te juge.
�/ 6o
(5)
Des succès de collège, disent ceux qui ne les ont pas obtenus, rte
prouvent rien pour le reste de la vie. A c c o rd o n s, si l’on veut,, que la
langueur des prerhières études ne soit pas, sans exception, d’un fâcheux
présage; mais convenons que, presque toujours, un écolier qui sort de
la foule tient la promesse, qu’il fait, de n’être pas un homme vulgaire.
L e cours de Droit que M . Férey suivit dans l’Univcrsité de Caen, lui
fit autant d’honneur que ses exercices de collège. Ce cours étoit alors
une formalité plutôt qu’une étude; et il étoit trop commun de regarder
comme perdu le temps que les jeunes gens employoient à preudre ^purs
degrés. M. Férey ne perdit pas le sien. Les écoles de Caen se souvien
nent encore que le savoir et le jugement dont il fit preuve dans ses
thèses, arrachèrent à ses professeurs surpris l’aveu que leur élève pour
voit devenir leur maître.
Ces premiers avantages encouragèrent M. Férey sans l’énorgueillir. Son
ardeur pour le travail s’en accrut : et lorsqu’à vingt ans , libre de tous
ses cours, il revint à la maison paternelle, il se plongea dans une étude
approfondie du Droit. Cette étude lit toute son occupation : elle fit aussi
tous les plaisirs de sa jeunesse. D ’autres passions, so u v en t, sont l’écueil de
cet âge : M. Férey ne les connut pas. L a malignité, toutefois, ne put
expliquer, par la foiblesse de sa constitution, une pureté qui prenoit sa
source dans une imagination chaste. Celui qui veilloit pour l’étude auroit
pu veiller pour le plaisir. Q u’on impose à ces hommes si robustes, qui
ne connoissent qu’une définition pour les bonnes mœurs, seize heures de
travail par jo u r, comme se les imposa, dès sa jeunesse, et pendant toute
sa v ie , M. F ére y ; alors ils cesseront de prendre en pitié les hommes
assez courageux pour rem plir, de toutes les destinations, la plus véri
tablement virile , celle de se dévouer sans distraction à l’utilité publique.
M. Férey ne voulut pas être fort pour le vice : il le fut pour la vertu. lit
tel étoit le culle que lui rendoit cette ame virgin ale, que , dans le cours
d ’une longue vie, ses amis même ne l’entendirent jamais exprimer una
idée dont pût s’alarmer la pudeur la plus délicate.
Ce n’est pas que M .'F é re y fût sévère ni chagrin. Il avoit de la gra
vité saris tristesse. Son austérité n’étoit que pour lui : pour les autres ,
il étoit tout indulgence. Jamais il ne se permit de censurer avec âpreté
ni les choses ni les personnes : bien différent de ces moralistes de parade,
q u i , prodigues de m axim es, avares de bonnes œ u v re s , croient s’ac
quitter envers la vertu en belles paroles et en blâme d’autrui. A le
voir ag ir, on eût dit qu’il ignoroit jusqu’au nom des foiblesses humaines :■
à l’entendre excuser les a u tres, 011 eût cru qu’il avoit des fautes à sc
faire pardonner.
Ces dispositions natives avoient é té, de bonne heure, cultivées dans
son ca>ur. M. Dulong, son o n c le , jurisconsulte estimé , se complut à le
former dans la double science de la morale et des lois. Sous ce digne
m aître, l’élève Ht des progrès si rapides, que les cliens de M. D ulong,
malgré la routine de la confiance, s’adressoient indifféremment au neveu,presque honteux de cette innocente usurpation, ou bien à l’oncle, ravi
des succès d’un rival si cher.
;
-
�iÛA(
4
)
Deux années se passèrent ainsi, durant lesquelles M. Férey voulut
ajouter, à la connoissance du Droit , la pratique de la Procédure : étude
dont sa droite raison lui révéloit l’imporlance, et dont son courage lui
fit dévorer les dégoûts; persuade que ce n’est pas assez, pour devenir un
bon pilote, de bien connoître le b u tta i vo yag e, qu’il faut encore appren
dre le chemin, sans quoi l’on risqueroit de mal diriger le vaisseau. L e
droit est le but : mais le droit se développe par les actions, et les actions
par la procédure ; la procédure est le chetnin. Llle né peut donc être
ignorée de ceux qui prétendent à l’honneur de guider leurs concitoyens
à travers les périls des procès.
Cetle science étoit dans le chaos. Alors n’existoit pas encore cet excellent
O uvrage, simple de style comme il convient aux livres classiques , mais si
plein de méthode et de clarté , qu’il mérita depuis à son auteur (i) l’hon
neur insigne d’en voir adopter l’ordre lumineux par le Code de Procédure .
lui-même.
Un tel secours, pour M. F é r e y , n’éloit pas indispensable. Seul, et sans
guide, il sut parcourir le labyrinthe , en reconnoître les issues , tendre , enfin,
d ’une main sû re , le fil conducteur qui le mit en état de diriger le bon
droit , quand le bon droit s’y trou voit engagé.
Le temps étoit arrivé où M. Férey devoit paroître au Barreau. M. Dulong désira qu’il se fixât.a Beaumont-le-Roger, près du Bailliage qui siégeoit
dans celte ville.
, Dès les premières causes qu’il plaida , son rang lui fut assigné parmi les
Jurisconsultes distingués: triomphe d’autant plus flatteur, que M . Férey
n ’avoil pas même essayé d’en rien usurper par le prestige d’une action bril
lante , ni par les séductions de l’art oratoire.
Un bel ouvrage a paru dans .ces derniers temps, pour prouver la thèse
consolante des compensations dans les destinées humaines. C ’est aux talens
aussi, cl au talent du Barreau comme aux autres, que s’applique ce système.
T o u t , en ce genre , n’a été donné h personne. G r â c e , force ; richesse de
l'imagination , sûreté du jugement j sensibilité douce , mâle raison ; déli
catesse' de g o û t, véhémence entraînante, variété des tons , puissance de
logique ; charme du slyle , charme de Faction : toutes ces qualités , dont
chacune est précieuse, ne se sont peut-être pas trouvées une seule fois réu
nies. l^a bonne N ature, en mère équitable , les a réparties entre tous ses
enfans. Chacun a eu son lot. N ’en croyons donc pas cet orgueil exclusif, qui
fait qu’on se compare sans cesse aux autres par ce que l’on a. C ’est par ce
que l’on n’a pas qu’il faut aussi se comparer, si l’on veut être juste; et le plus fier
, ( i ) M . P i g e a u , professeur clans la F a c u l t é de D ro it de P a r i s , auteur du Traita do
la Procédure civile ; savant utile non m oins que modeste , qu’on vil préluder à l 'e n
seignem ent public par des cours p r i v é s , dans lesquels ses élèves n ’ont jam a is su
qu’a d m irer ([avantage de l'extrêm e lucidité de ses leçons ou de sou inépuisable c o m p la isa n r e . H o m m e vertueux 1 que je voudrais pouvoir louer c o m m e il le m é r i t e ; '
m a is . ipi’ ime aorie de pudeur m 'e m p ê c h e de louer à mon g r é , de peur (|u’on 'n’attribue
à m a vanité de lui appartenir pur tes liens du sang et par les soins paternels dont il h o
nora m a jeunesse , un h o m m a g e qui u’est pourtant que l ’éch o de l ’estime public.
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5
K
alors deviendra humble , peut-être , en découvrant dans ses rivaux tel genre
de supériorité qu’il ne dédaigne que parce qu’il lui est impossible d’y
atteindre. Sans mépriser aucune espèce de facultés , ce que doit faire un bon
e sprit, c’est d’apprendre à bien employer les siennes.
Ainsi se montra M. Férey;
Il avoit reçu de la nature tout ce qui subjugue les sages. M a i s , pour rendre
plus purs les succès qu’elle lui destinoit, elle lui avoit refusé ces dons trom
peurs et quelquefois funestes , qui flattent les sens et peuvent égarer la raison
elle -même.
Un maintien embarrassé , peu d’o rg an e, une médiocre facilité de p arole,
c’éloient autant de signes par lesquels M. Férey avoit été averti d’abandon
ner tout ce qui n ’avoil que de l’é c la t , pour cultiver le solide mérite dont il
étoit si abondamment pourvu. Lent à s’exprim er, mais fécoud en aperçus,
auxquels il ne donnoit jamais d’inuliles développemens ; doué d’une mémoire
dont les trésors ne s’épanchoient qu’à propos ; convaincant, parce qu’il étoit
persuadé ; simple sans trivialité ; toujours fort de la force de la raison ; ver
sant sur les matières qu’il traitoit le double intérêt d’une saine dialectique
et d’ une érudition bien digérée ; ennoblissant toute discussion , non par le
choix des mois , mais par la dignité des idées , mais par une doctrine pure
comme son cœur , mais par cette élégance dans les senlimens qui donne
une sorte de parure naturelle à: toutes les paroles , à toutes les actions de
l ’homme de bien : voilà comment il sut plaire aux juges devant lesquels il
plaidoit, et leur ôter jusqu’au regret des dons qu’il n’avoit pas ; voilà com
ment ,* pendant cinquante années , il se concilia le cœur et l’esprit de ses
confrères. ■■
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- -M. F ére y , vous le voyez , Messieurs , s’éloit préservé de la tentation de
quitterla réalité pour la chimère..C’est., en effet, une erreur trop commune
des hommes de talent, de négliger les parties dans lesquelles ils peuvent
exceller, pour courir après celles qui leur manqueront toujours. T e l est un
dialecticien habile, qui veut forcer nature pour devenir orateur : tel autre
ambitionne la profondeur, qui n’eut en partage que de la facilité. A in si,
l’on consume, en efforts malheureux,'pour acquérir tin .talent faux et man
qué, cent fois plus de forces et de temps qu’il n’en eût fallu pour donner la
perfection aux qualités éminentes dont on avoit le bonheur d’être doué.
M. Férey sentit qu’il étoit né pour le,raisonnement et la science : il s’en
tint à la science et au raisonnement. Ses succès justifièrent son choix.
. T o ut le monde, bientôt, donna sa confiance au jeune Jurisconsulte de
Beaumonl. Insensiblement il devint l’oracle de la province entière, et l’un
des .meilleurs interprètes de la coutume de.Normandie , dont il avoit fait
l’élude la plus sérieuse : on pourroit même.dire la plus passionnée , puisque
dans ses promenades, et dans ses trajets à cheval de Jienuinonl aux autres
bailliages uù le conduisoient ses affaires , on le rencontroit souvent lisant et
méditant la Coutume.
:
.
Si son instruction appeloit à lui les cliens , son esprit doux et conciliant
les lui attachent pour toujours. Ou vouloit l’avoir.pour conseil ; 011 vouloil,
du moins, l’obtenir pour médiateur ; cl , digue d’estime-sous l’un comme
*ous l’autre de ces rapports, on le vit appliqué constamment à.prévenir les
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*
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•
(6)
procès : plus heürcux mille fois , d’être obscurément béni par deux familles
qu’il avoit rapprochées, que de remporter une de ces victoires éclatantes
qui coûtent toujours des larmes aux vaincus !
M. Férey resta quatre ans à Beaumont. C’est alors qu’à propos d’un pro- *
ces dont il fut chargé , com m ença, entre le père du dernier duc de Bouillon
et M. F érey , cet échange de services et de gratitude qui dura quarante ans.
M. de Bouillon sentit bientôt tout le prix du nouveau conseil qu’il venoit
d’acquérir. Il le pressa de venir se fixer à Evreux. Après une longue résis
tance , M. Férey y consentit. Cet homme modeste croyoit que c’en étoil assez
pour lui du petit théâtre de Beaumont : il avoit la touchante simplicité de
craindre qu’Evreux ne lui opposât des coiicurrens trop redoutables.
Ses craintes durent se dissiper, en voyant son cabinet constamment rem
pli des plus grands propriétaires de la province, et de ses propres confrères,
tous empressés de lui demander des lumières. Bientôt m êm e, sa santé ne
suffisant plus au double travail de la Consultation et de la Plaidoirie, il cessa
de paroître à l’audience.
Son ambition étoit de vivre et de mourir à Evreux. Déjà ily avoit passé six
ans ; et peut-être n ’en fût-il jamais so rti, sans l’amour extrême qu’il portôit
à sa profession.
M. Férey , depuis long-temps, désiroit d’admirer de plus près les savans
hommes que renfermoit le barreau de Paris. Dans un voyage q u’il fit en
celte ville , il chercha et trouva les occasions de se lier avec les plus fameux.
A cetle même époque, s’agitoit, au conseil diuducdc Bouillon, la réclamation
du duché deChâleau-Thierry ; mais cette question étoit tellement compliquée
d’actes et de procédure, que l ’on étoit sur le point de l’abandonner, M .F é rey
le sut*Sans rien dire à personne de son dessein, il se fait apporter les im
p e n s e s monceaux de titres qu’il s’agissoit de* débrouiller. Il disparoîl. Un
mois après, tombe, inopinément, dans le conseil de M: de Bouillon, une ana
lyse si claire , si concluante , des titres mis clans le plus bel ordre , q u e , tout
d’une v o i x , l’affaire fut jugée bonne. L ’auteur de cet important ouvrage ne
put rester inconnu. INI. F é r e y fut sollicité d’achever ce qu’il avoit commencé.
Il le fil 5 et la famille de Bouillon se vit assurer l’une de ses plus importantes
propriétés. M. de Bouillon voulut célébrer cet événement par une fête, dans
laquelle, venant, au milieu de scs amis, complimenter son courageux patron
au bas du perron du château de Navarre, il le salua du nom de Duc de Château-Thierry : nom que, par une gaîté de reconnoissance,il lui conserva dans
son intimité , en perpétuel souvenir du service signalé rendu à sa maison.
Ces succès auroient pu enfler le cœur de tout autre , et lui donner le désir
de rester en des lieux pleins de l’estime qu’on lui portoit. M. Férey en
étoit d’ailleurs vivement pressé par ces confrères célèbres auxquels il s’éton- ,
noit d’inspirer l’admiration dont il étoit venu leur apporter l’hommage. Il 1
reçut leurs éloges comme des encouragemens, et persista dans la résolution
de retourner à Kvreux.
Il seroil en effet p a rti, si la violence, qu’on lui faisoit pour le retenir,
n’avoit été secondée par l’ingénieuse amitié d’un de ses cliens.
Ce client , M. de Champigny , prétexta de donner a M. Férey un dîner
d’adieu, dans un appartement qu’il venoit delouer récemment. IY1. Féh'y s’y
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7
)
rendit sans défiance. Tout naturellement on visita le nouvel appartement
de l’iiôle ; et M. Férey de se récrier sur la bonne distribution des pièces , sur
la belle vue que leur dorinoit la rivière qui couloit sous les fenêtres, sur
la tranquillité dont y jouiroit M . Champigny , sur la commodité des
meubles sim ples, mais d écens, que l’on y avoit placés ! « Ce loge» meut vous plaît d o n c , mon a m i , lui dit M. de Champigny ? Eli
» bien , il est le vôtre. Tout ce qui s’y trouve vous appartient. Je l’ai loué
» pour vous ; vous n’êtes plus libre d’en sortir. La reconnoissance et l’amitié
» vous enferment dans cette prison , pour vous forcer a devenir utile à un
» plus grand nombre de familles. Vous nous contraignez tous d’être ingrats :
» ne le soyez pas à votre tour , en rejetant des plans qui n’ont pour but que
» votre gloire et le bien de la société. » Ln achevant ces mots , 3VI. de Champigny se'jctte en pleurant dans les bras de son ami ; il le presse , le p r ie , le
conjure de ne pas se refusera sa destinée. Tous les assislans joignent leurs
prières aux siennes. M. Férey veut articuler encore quelques mois d’impos
sibilité : on ne lui permet pas de parler. Son émotion le trahit. 11 sent qu’il
faut sacrifier sa modestie même a cette touchante unanimité des vœux de ses
amis. Il voudroit faire ses conditions pourtant : il ne souffrira pas qu’une
amitié trop généreuse...... Celte généreuse amitié s’indigne , de son c ô té ,
qu’on veuille mêler de froids calculs à des sentimens si tendres. La victoire
de M . de Champigny est completle ; son ami nous reste : et le barreau de
Paris compte enfin une lumière éclatante de plus.
M. Férey avoit à peine eu le temps de se reconnoîtrc, que le Parlement
fut exilé.
On sait la part que, selon nos anciens usages, les Parlemens prenoient
à la puissance législative. Rendons grâces à la sagesse, qui, restituant
les magistrats à leurs vraies fonctions, ne leur laisse d’autre d e vo ir,
que le devoir si doux de maintenir la paix dans la société, en y faisant
régner les lois. •
Pendant cette crise momentanée, M . Férey rentra dans la retraite. L e
temps qu’il ne pouvoit plus consacrer aux affaires, il le donna encore à
l ’étude. Dix-sept volumes in-folio d ’extraits ( i ) , entièrement écrits de sa
m ain , attestent que cet hom m e, déjà- si avancé dans la science, croyoit
cependant avoir besoin d’apprendre encore.
A u s s i , lorsque le Parlement reprit scs fonctions, M. Férey ne tarda pas
à recueillir le fruit de ses longs travaux. Dès ce moment, la confiance
universelle alla le chercher pour ne le quitter jamais. Les plus grands
ijoms s’inscrivirent, à l’e n v i , sur la liste de ses cliens. Plus d’une fois il
lut consulté par ce qu’il y avoit en France de plus a u g u s t e : et toujours
on sortoit d’auprès de lu i, malgré la différence des r a n g s , pénétré d'admi
r a t i o n pour scs lumières et de respect pour ses vertus.
Mais ce que nous devons encore une fois rem arquer, mes chers Con
frères, puisque nous nous sommes promis de tirer du cet Lloge quelque
( i ) D e s diverses parties du D r o it R o m a i n , et des m eilleurs F ac tu ra s des Jurisconsultes
célèbres.
�( 8 ) ,
profit pour nous-mêmes, c'est le peu d’éclat des moyens qui conduisirent
M . Férey à une si liaute considération.
En e f f e t , l’inclination naturelle des jeunes "gens qui se destinent an
Barreau, est de se passionner pour ce qu i, dans leur profession , a le
plus d’eclat. C ’est au nom de Démosthènes et de Cicéron que s’enflamme
le génie de celte ardente jeunesse. Son cteur palpite pour la gloire. La
gloire lui paroît le seul but digne de ses efforts. L a simple et modeste
utilité est à peine aperçue, ou du moins elle vient bien loin après la
gloire. Noble enthousiasme ! mais méprise souvent funeste ! Les temps ,
les lieux ne sont pas les mêmes : et le Barreau, quoique appelé, dans
tous les«temps et dans tous les lie u x , à une sorte de destinée publique,
cloitsonger que celte destinée se modifie suivant les siècles et les pays.
Démosthènes et Cicéron attaquoient ou défendoient les rois. Us prolégeoient la liberté* publique et sauvoient la patrie. Pour de si grands
combats, ce n’étoit pas assez des forces humaines : il falloit être un Dieu ,
et tenir toujours la foudre h la main. A nous, des intérêts moindres
demandent des efforts moins audacieux. Nous devons souvent nous
contenter d’imiter dignement les jurisconsultes Sempronius et Scévola,
Pour une de ccs occasions si ra re s, où peuvent devenir nécessaires
toutes ces ressources de l’antique éloquence, que d’occasions où de tels
efforts seroient hors de proportion avec le sujet! La paix des familles
les droits des citoyens entr’e u x , le maintien de la propriété , voilà l’ali
ment ordinaire de nos discussions : et c’est à faire triompher la justice
bien plus que notre amour-propre, que nous devons tendre. Malheur à
celui qui s’embarrasseroit plus de phrases sonores, toutes puissantes sur
l ’aveugle multitude, que de la solide démonstration qui doit co n c ilie ra
sa cause les suffrages de ses juges !
Jeunes athlètes, qui voulez suivre l’exemple de M . F é re y , n’oubliez
pas qu’on peut être avocat sans être orateur, mais qu’au Barreau l’on n’est
jamais un véritable orateur sans être avocat.
L o i n , loin de moi pourtant le sa'crilége projet d’étouffer dans vos ames
le goût généreux de l’éloquence! A h , sans doute, si, porté par le sujet
votre génie vous entraîne vers ccs beaux mouvemens qui ne vont au
c œ u r qu’en plaisant à la raison, obéissez à votre génie.
Une verve impérieuse vous domine-t-elle ? Etes-vous doués de ce carac
tère grave .et comme consacré, qui donne du poids à vos maximes et de
l’autorité à vos paroles? Eloquens et didactiques à-la-fois, savez-vous, fran
chissant les limites d’une contestation obscure, convertir cette discussion
isolée en une sorte de cours d enseignement, où la doctrine se pare des
charmes d’une élocution animée?
Ou bien , moins graves , mais non moins énergiques, et tout brillans de
«races qui ne nuisent pas à la force , possédez-vous l’art heureux d’unir
la logique à la fine plaisanterie ; de cacher sous une apparente négligence,
qui n’est là que pour ménager des surprises , mie profondeur vraie ; de
frapper adroitement, des traits de l’ironie, un argument difficile à repousser?
C é d e z, cédez à ce puissant instinct. Orateurs véhémeus, orateur** pleins
�de g râ ce s, p a rle z , séduisez nos esprits, subjuguez nos âmes. Devant vo u s,
dans nos rangs , vous trouverez vos maîtres et vos exemples.
Mais gardez-vous de vous tromper sur vous-mêmes. Il se peut que la
nature, en vous comblant de ses dons, vous ait pourtant refusé, comme
à M. F é re y , quelques-uns de ceux qui n ’ont que de l’éclat. Peut-être un
accent rebelle détruit-il, pour les oreilles difficiles, l’harmonie de votre
diction; ou bien un extérieur peu favorisé, comme celui de M. F é re y ,
semble-t-il vous interdire ces effets par lesquels l’ame n’est remuée que
quand les yeu x ont d’abord été satisfaits. Ingrats, n’accusez pas la nature !
lit de quoi vous plaindriez-vous? Oubliez tout ce qui vous manque: les
autres l’oublieront bientôt, si vous savez employer ce qui vous appartient.
Vous! négligeant toutes ces molles séductions d’une éloquence drama
tique, visez droit au jugement. Soumettez-le par une logique entraînante,
par une heureuse précision, par une simplicité également éloignée de la
pompe et de la bassesse, et qui recèle en soi je ne sais quel charme secret,
dont le cœur peut d’autant moins s’empêcher d’être touché, que le plaisir
qu’il y trouve ne coûte nul regret h la raison.
V o u s ! sans vous embarrasser des formes ni des mois, pressez l ’argu
ment avec vigueur, déployez toutes les ressources d’une adroite dialectique ,
poursuivez ardemment votre adversaire; frappez, frappez c o u p sur coup;
ne le laissez point respirer. Orateurs purs et concis, orateurs convaincans
et n e rve u x, commandez à la raison, je vous promets des victoires. En doutezvous? Regardez dans nos rangs, l’estime publique vous montrera vos garans
et mes preuves.
A in si, dans noire profession, il est des places honorables marquées à
tous.les talens. Ils peuvent différer de formes et de moyens, pourvu qu’ils
tendent tous h l’ utilité. L ’utilité réunie à l’éclat, c’est la perfection de l’art.
Mais la première se suffit à elle-même : et tel est le sort des talens vraiment
utiles, que, s’ils se produisent d’abord avec moins de fracas, ils Unissent,
à la longue, par arriver au plus haut degré de l’estime qui leur est due.
Cette réflexion nous amène à la plus glorieuse époque de la vie
de M. Férey.
Renfermé dans le cercle de scs travaux, bien exempt de toute espèce
d’ambition, n’ayant pas même songé, une seule fois dans sa v ie , s’il éloiL
d’autre dignité que celle d’homme de b ie n , M. Férey étoit loin d’imaginer
que les distinctions viendroient chercher celui qui ne les cherchoit pas.
M ais, parmi les dépositaires de la confiance du Souverain, il en est un,
que l’on reconnoîtra sans que j’aie osé le nom m er, lorsque j’aurai dit
qu’il est honoré, moins encore à cause de sa haute fonction, que pour le
noble emploi qu’il sait faire de son crédit, pour la protection qu’il accorde
a tous les talens, pour sa rare fidélité à ses promesses , et pour cette
urbanité de manières que ne peut même fatiguer l’iniporlunilé des citoyens
de tonie classe empressés d’aller lui porter des hommages. C ’esl lui qui,
charge d’un ministère de bonté, pour lequel semble avoir été si bien
devinée son inclination naturelle, échange au pied du trône les béné
dictions des sujets contre les bienfaits du Prince. C ’est lui qui, par les
ordres du Monarque , lui révèle tous les genres de mérite, et sur-tout le
2
�>ï70-
( xo )
mérite modeste. 11 signala M. Férey. Et, successivement, M. Férey* fut
nommé au conseil des écoles de d r o it , et membre de celte Légion dont
le nom rappelle le devoir et le premier sentiment de ceux qu’elle reçoit
dans son sein: glorieuse et politique institution, par laquelle un grand Sou
verain, si bon juge en celle matière, voulut rendre une espèce d’hommage
au génie de sa nation, qu’il sait avant tout idolâtrer l’honneur.
Ainsi vint mettre le sceau à la réputation de ce savant jurisconsulte le
plus auguste des suffrages, qui, lout seul, est une grâce sans prix , parce
que, pour les belles ames, le dernier terme de l’ambition humaine, c’est
le suffrage d’un héros.
Jusqu’ici, Messieurs, nous avons considéré M. Férey dans ce que l’on
peut appeler sa vie publique : mais ce seroit faire tort à sa mémoire, si
nous ne jetions pas les yeux sur sa vie privée.
A m i sûr et fidèle, bon fils, bon fr è r e , et toujours le meilleur des paren9,
il porla le détachement de ses intérêts jusqu’à ne demander jamais de par
tage dans les successions qui lui échurent. Ses cohéritiers les adminislroient
à leur gré. A près la mort de son unique frère, le patrimoine commun
resta sous la direction de la veuve, qui en rendoit compte à son beaufrère quand elle le vouloit et comme elle le vouloit. Ce cjue d’une main
M. Férey recevoit de sa belle-sœur, de l’autre il le remettoit à ses neveux.
N e sonl-ils pas mes enfans, disoit-il?
O u i, dignes neveux, vous fûtes ses enfans; vous êtes son image; vous
avez son aine; et votre oreille, aussi bien que la sienne, ne fut jamais
fermée aux prières du malheur !
T elle éloit l ’habituelle inquiétude de bienfaisance de M. F é r e y , qu’elle
le lenoit comme aux aguets de tous les besoins. Il éloit le trésorier de sa
famille. Quelque embarras dans un com m erce, un enfant dont 011 ne pouvoit culliver les dispositions, faute de m oyens, une jeune fille sans d o t,
courant le risque d’être condamnée au cél ibat : M. F é r e y étoit instruit de
tout. La detle en retard étoit acquittée; l’enfant placé dans un collège; et
la jeune fille, conduite à l’aulel par l’homme de son c h o ix, bénissoit tout
bas le bienfaiteur délicat qui lui avoit permis d’accorder son amour avec
sa vertu.
Ce n’étoit pas seulement envers sa famille que M. Férey se monlroit
ainsi libéral : quiconque 6’oiTroit à sa bienfaisance , la trouvoit prêle. A lo rs,
ce j u r i s c o n s u l t e si occupé n’avoit plus d’affaires. On étoil écoulé et toujours
exaucé si l’on méritoit de l’être. Souvent même il accordoit plus qu’on
ü’osoit prétendre (le lui.
Ainsi l'éprouva un de nos confrères, qui nous a pressé de ne pas
laisser ignorer ce trail.
Maltraité par les circonstances, il seloit vainement adresse à quelques
amis pour emprunter une somme qui lui étoit nécessaire. Il songe, enfin,
à M. Férey. Il va le voir. Il lui veut expliquer qu’il ne vienl à lui qu’après
avoir échoué auprès de scs amis. « Vous avez eu to rt, mon cher confrère,
» lui dit un peu brusquement M. Férey, vous deviez commencer par moi; »
el il lui remet le double de la somme demandée. Depuis, il lui a légué
«Jctle somme par son testament.
�(
1 1
)
Si M. Férey suvpassoit quelquefois l’altentc de ceux qui s’adressoient
a lu i, ne croyons p a s , cependant, qu’il suivit en aveugle un instinct
irréfléchi de bonté. Cet homme d’un cœur si compatissant et d’une raison
si pure, s’allachoit, sur-tout, à faire le bien avec mesure et discernement.
II savoitque la vraie bienfaisance n’est pas prodigue. A voir certains riches,
dont il faut d’ailleurs louer les intentions, s’épuiser en bienfaits répandus
par torrens sur quelques individus, de manière a n’en pouvoir plus secourir
d’autres, on seroit tenté de croire qu’ils se laissent aller presque autant
à une certaine paresse de cœ ur, qu’aux inspirations de la vertu, et qu’ils
veulent, une bonne fois, se libérer de la bienfaisance, comme on se débarrasse
d ’un fardeau.
*
Faire du bien n ’éloit pour M . Férey ni un fard eau, ni un embarras.
11 y plaçoit son devoir ; il en faisoit aussi sa -jouissance. Il ne craighoit
donc pas d’être souvent occupé du détail des misères humaines. Ce qu’il
redoutait, c’éloit de s’ôter la puissance de soulager un plus grand nombre
de malheureux. 11 songeoit que tout ce qu’il donnoit de trop au premier
in d igen t, étoit un vol fait au second. A vare par générosité, il comptoit
exactement avec chaque besoin. Lors donc qu’il accordoit plus qu’on ne
lui demandoit, c’est qu'il avoit démêlé que le courdge de bien calculer
manquoit à celui qui l’imploroit.
M. Férey expliquoit volontiers son m otif de ne pas faire des dons e x
cessifs. « T o u t homme, disoit-il, doit son travail à la société, et nul ¿l’est
» heureux s’il ne travaille. » Même pour ses parens il n’eût rien fait qui
leur donnât la tentation de négliger ce devoir : il vouloit faire des heu
reu x, non des oisifs. C ’est ainsi qu’on l’a v u , jusques dans son testament,
ne laisser à ses meilleurs amis que des libéralités, qui ne leur permissent
pas de devenir inutiles aux autres, ou bien à .eux-mêmes.
Une preuve que tels étoient ses motifs pour ménager une fortune qui
n’éloit réellement pas la sienne, c'est qu’il négli^eoit les occasions de
l ’augmenter, et qu’il mettoit lui-même des bornes a la reconnoissance de
ses cliens. Plus d’une fois il renvoya tout ce qui excédoit la modération
de ses calculs. Ces traits sont en trop grand nombre pour être rappelés:
il en est un pourtant que je ne puis passer sous silence.
M . de Flexenville, gêné, comme tant d’autres, dans les mouvemens de
sa gratitude, voulut, en mourant, se venger de celte contrainte. Il fit don
à M. Férey du domaine de Primart : c’étoit un legs de cinquante mille
écus. Les hommes les plus probes se font rarement scrupule d’accepter
un legs : M. Férey refusa le sien. Toutes les fermes restèrent à la succession.
Par égard pour les intentions de son am i, il retint s e u l e m e n t la jouissanco
de la maison d’habitation : et ce fut là , peut-être, un raffinement de déli
catesse. Non content d’entretenir cette habitation dans le meilleur état ,
il y fit beaucoup d’embellissemens, dont il n ’ a i tendit pas, au resle, que
sa mort mît en possession l’héritier de M. de l'iexenville. Pour l’en faire
jouir plutôt, il prétexta que son âge ne lui permettoit plus guère d’aller
passer ses vacances à Prim art; cl il remit la maison à cet héritier, en
acceptant à peine une rente viagère de douze cents franco, qui u’étoit
pas l’indemnité de ses dépenses.
�Celte aclion donne de l’eslime pour M. Férey : en voici une qui le
fait a im e r , en prouvant q u e , sous des formes peu expansives, il cachoit
une sensibilité vraie.
M. Férey, comme tous les hommes occupés, redouloit beaucoup les
visites oiseuses. Dans ce cas, il avoit besoin de boni son courage pour
dissimuler la contrariété qu’il en éprouvoit : encore, malgré ses efforls,
perçoit-elle quelquefois dans ses traits. L ’un d’entre nous, qui lui connoissoit cette disposition d’esprit, conféroit un jour, avec l u i , d’affaires
très-sérieuses, lorsque survint un homme fort mal vêtu, bien qu’assez distingué
dans ses manières. Loin de se montrer mécontent de celte visite, M. Férey
accueillit le survenant avec des»égards ti*ès-marqués , s'instruisit avec un
v i f intérêt de sa famille, se plaignit de ce qu’il ne venoit pas le voir plus
souvent ; bref, le combla de tant d’amitiés et de prévenances, que le témoin
ne laissa pns d’en être un peu surpris. L ’étranger partit : quelques momens
de silence suivirent. M. Férey se remettoit , le mieux qu’il nouvoit, de
l ’attendrissement qui l’avoit saisi, sans qu’il pûl le dissimuler. « Voiià quelqu’un
» que vous aimez beaucoup, lui dit notre confrere. » « Pauvre homme!
» répartit M. Férey , finissant la pensée qui pesoit visiblement sur son cœur,
» il est bien malheureux! il avoit cinquante mille livres de renie : il a
» tout perdu ; et il craint de me venir v o i r , parce que je lui ai prêté
» quarante-deux mille francs, qu’il est dans l’impossibilité de me jamais
» rendre. » D’autres peuvent perdre quaranle-deux mille francs sans déses
poir ; mais il n’appartient qu’aux ames délicates de les perdre de celte
manière. Un pareil mouvement, presqu’inapperçu , vaut bien toutes les dé
monstrations d’éclat dont sont prodigues cerlaines sensibilités.
Pour achever le portrait de M. F érey, je dois parler encore de celle
bonhomie et de ce détachement de l’argent, qui, toute sa v i e , le. ren
dirent comme étranger au soin de ses a (fa ires personnelles.
M. Férey est mort sans savoir peut-être que l l e éloit la situation de sa
fortune. Cela ne le regardoit pas, clisoil-il naïvement. Mais qui donc
cela regardoil-il ? M. Férey étoit célibataire. Cet état d’isolement Pauroit
réduit à n’avoir personne sur qui se reposer de ces détails d’inlérêt, tou
jours pénibles pour les hommes qu’entraîne un goût exclusif, si le hàzard
ne l’eût, à cetégard , presqu’aussi bien servi que le mariage l’auroit pu faire
M. F é re y , tous les ans, alloit passer íes vacances dans sa province
L ’espérance de le voir faisoit la joie de sa famille. A force de l’y entendre
b é n ir, ses jeunes pareils, accoutumés à le considérer comme l’objel de
leur respect el de leur émulation, ne manquoient pas, au ternie de leurs
éludes, d’aller le consulter sur la carrière qu’ils dévoient choisir.
Une année, M. Férey distingua , dans ce concours, un jeune homme qui
montroit encore plus de plaisir à le voir que tous les antres. Il l’avoil exa
miné déjà sur scs éludes ; il en éloit satisfait. Ce jeune liomnie lui (Jjf réso
lument qu’il ne lui demandoit pas d’avis, que son parti éloit arrêté, qu’il
vouloit le suivre à Paris, et s’altacber à lui pour jamais. « Kli bien ! mon
m cher ami , viens donc; nous ferons de loi un jurisconsulte. » Ainsi le
pensoit et le vouloit M. F é r e y , q u i , dans les causeries ingénieuses de l’écolier
avoit démêlé da sens, de la réflexion et beaucoup de iluesse.
�(
1 3
)
Mais, celle fois, le discernement de M .'F é re y fui en défaut.
Vainement init-il enlrc les mains du jeune homme la coutume de N o r
m a n d ie , en lui vantant forl les beautés de celle étude : vainement lui
proposoit-il de se récréer avec la lecture des vieilles ordonnances, lecture ,
disoü-il, qui l’amnseroit beaucoup. L ’é lè v e , malgré sa bonne v o lo n té ,
badloit au milieu de toutes ces délices : il finit par prendre en haine les
ordonnances vieilles ou nouvelles; et M . I érey, qui le surpreuoit - sans
cesse, avec scandale, sur son Horace ou sur des calculs, s’aperçut qu’il ne
falloit pas espérer, de voir M. Toutin devenir son successeur.
••
A p rè s quelques années d’épreuve, il en fit du moins son secrétaire, son
ami et son -intendant. 11 lui remit une procuration générale pour tout
administrer selon sa volonté.
A dater de cet instant, M. Férey ne se mêla presque plus de scs affaires.
Il n’avoit à ce sujet d’entretien avec *son parent, que pour lui bien recom
mander de ne pas s’écarter des règles de la justice. Vouloit-il faire une
dépense , il ne manquoitpas de demander s’il y avoit de l'argent. La réponse
de M. Toutin éloit un arrêt sans appel, à moins qu’il ne s’agît de quelque
don à faire. Dans ce cas, M. Férey se montroit un peu plus curieux; et
rarement il avoit besoin de le devenir, parce que l’intendant,sur ce point,
étoil d’accord avec*le propriétaire, et que le plaisir de faire du bien éloit
l ’instinct commun des deux parens.
En d'autres mains un tel pouvoir n’auroit pas élé sans danger. Il
p o rta, dans celles-ci, une fortuue d’abord médiocre, au plus haut point
de prospérité» Certes, nous ne ferons pas, à un parent de M. Férey , l’in
jure do le louer d’avoir été probe et fidèle. Mais uous remercierons pu
bliquement.ce bon économe d’avoir délivré M. Férey des soins importuns
qui l’auroienl enlevé à ses uliles travaux , et d’avoir ainsi rendu sa vie plus
douce et plus heureuse.
En m ’appesantissant sur ces détails, j’ai voulu donner en quelque sorte
le change à notre d o u le u r, et prolonger encore , par le souvenir, une exis
tence qui nous fut si précieuse.
M a is , pourquoi'ces ruses de ma foiblesse ?
, Pourquoi ce vol que depuis trop longtem ps je fais à la gloire de M. Férey,
par un sentiment efféminé qu’il désavoueroit ?
Que tardé-je à vous parler de la fin qui couroiîna sa belle vie, et q u i,
pour sa vertu , fut un triomphe de plus?
Déjà, depuis plusieurs m o is, la mort avoit marqué celte victime. Une
liydropisie de poitrine se formoil insensiblement. Chaque jour la maladie
faisoit des progrès lents, mais trop sûrs. Les amis de M. Férey les observoient avec e*fi roi : il les appercevoit aussi, mais sans en etre troublé.
- Lh! pourquoi se seroit-il révolté contre les lois de cette Providence dont
il avoil si bien accompli les ordres sur la terre? Que lui faisoit la perte
de la vie? Sa vie ne. fut pas à lui. Etranger, pendant soixante et onze
animes, a toutes les jouissances qu’y recherche le commun des hommes, il
l ’avoil considérée seul crue ni comme un moyen que la céleste bonté luidonnoit
de se rendre utile à ses semblables. Ce fut encore d’eux seuls (ju’il s’occupa,
dans ces ruomcnsoùles plusmagnanimes oublient tout, excepte eux-mêmes.
�C '4 )
M . Férey «ne mourut pas ; il acheva de vivre. Debout tant qu’il le put ,
cet homme si fo ib le , maîtrisant la douleur par son courage, continua de
se livrer au travail. 11 recevoit, comme à l’ordinaire, tous ceux qui recouroieut à ses lumières.
En vain scs parens, ses amis lui remontroient qu’il se fatiguoit par ces
soins hors de saison. « Il est toujours temps, répondoit-il, de faire encore
« quelque bien »: e t , tout en se montrant louché de leurs tendres inquié
tudes , il les ramenoit à la discussion interrompue.
Blême lorsqu’il fut forcé de s’aliter, il ne voulut rien changera ses oc
cupations : et scs amis, convaincus , à la fin, que le sentiment de son inutilité
nigriroit le mal plus qu’un travail modéré , l'entretinrent d’affaires jusqu'au
dernier moment. La veille même de sa mort ( i ) , il signa plusieurs consul
tations qu’il avoit délibérées les jours précédons. Peu d’instans après, il lit
approcher ses parens de son lit de mort, les bénit, et les congédia en leur
adressant quelques paroles de consolation.
Lui-même, alor6, il finit de s’occuper des affaires temporelles, pour faire
à la religion l’hommage de ses dernières pensées. S’il n’en invoqua pas
les secours à son heure suprême, c’est qu^il n’avoit pas attendu si tard pour
remplir des devoirs sacrés. De plus, il avoit déposé, dans son testament
la profession solennelle d’une croyance, où l’auroient confirmé la droiture
de son jugement et la simplicité de son c œ u r, s’il n’y eût été fixé p a r le
besoin même que lui en donnoient sgs vertus.
Parler du testament de M . F é r e y , mes chers Confrères, c ’est réveiller
en nous la gratitude dont nous pénètre la disposition qu’il contient. Gardonsnous pourtant de supposer que notre respectable Confrère, en léguant à
l ’Ordre des Avocats non-seulement sa bibliothèque , mais la somme con
sacrée à son entretien annuel (2), ait exclusivement écouté la bienveillance
qu’il nous portoit. M. F é re y , sans doute, a i mo i l les compagnons de ses
travaux ; mais , telles éloient les affections de ce cœur p u r , qu’il n ’en resaentoit aucune où 11e se mêlât l’amour du bien public.
Jadis , sous le titre de Bibliothèque des Avocats, exislQÎt un établissement
dcdi.é au double culte de la science et de l’honneur.
C ’étoit là que, dans des réunions hebdomadaires , de jeunes émules
venoient apprendre à régler leur bouillante ardeur à la voix de ces vieux
chefs, qui expliquoient comment il falloit tempérer le zèle par la modé
ration , et ployer sa fierté au joug d’une discipline salutaire.
C ’étoil là que la gloire et la probité, les qualités brillantes et les mo
destes v e r t u s , confondues dans la fraternité la plus touchante, apporloient
l ’hommage de leurs succès divers , dont chacun étoit orgueilleux, dont
personne n’étoit jaloux, parce que c’éloit comme le bien de tous.
C ’ctoit là que le talent lui-même n’eût pas tenté de se faire absoudre
¿ ’avoir violé la loi du devoir : là, que la licence ou la cupidité redoutoient
de se laisser deviner par ces hommes vieillis dans les voies de la justice, et
( 1 ) L e !> juillet 1807.
(a ) S ix c en ts francs par an.
�que nous tfontraclions de bonne heure cette honte de mal a g i r , qui devenoil la règle du reste de la vie.
Dans ces réunions s’offroit le spectacle attendrissant de ces rivaux amis
suspendaut leurs querelles pour se prodiguer une mutuelle estime $ de ces
, champions illustrés par tant de victoires , traitant d’égal à égal avec la
médiocrité même, qu’ils élevbient jusqu’à eux par une familiarité consolante.
On y voyoit, spectacle plus doux encore aux bons cœurs! ces orateurs
charges des plus grands intérêts, ces jurisconsultes livrés aux travaux les
plus savans , oublier et leur grande clienlelle et leurs graves é tu d e s , pour
écouter avec sim plicité, pour débrouiller avec patience les récits diffus,
et souvent inintelligibles, de villageois , de femmes du peuple , de p a u v re s,
tous sortant d’auprès d’eux éclairés sur leurs droits , mieux disposés à la
p a i x , souvent même assistés dans leurs besoins.
Celte institution n’étoit pas particulière aux Avocats de Paris ; elle se
relrouvoit dans toutes les villes considérables. Elle avoit même été dé
corée de prérogatives par une loi du bon Stanislas, en faveur de ce bar
reau de Nancy , célèbre à toutes les époques par les talens qu’il a produits ;
plus heureux encore, en ces derniers te m p s, d’avoir élevé dans son sein
ce Ministre c h é r i , le chef et l’ornement de la magistrature , si savant dans
l’art peu connu d’êlre à-la-fois digne et sim p le , de commander par la
grâce autant que par l'autorité, et d’obtenir pour les lo is , dont il est le
premier organe , non-seulement le resp ect, mais cette obéissance de cœur,
qui naît toujours de l’ai lâchement qu’on porte à leurs interprètes.
M. Férey rcgrcttoit cet établissement délruil par la révolution. Sa passion
étoit de le relever. Par son testament il nous le rend autant que cela fut
en lui. Il a fait davantage: et soumettant, comme il le devoit, à l’appro
bation du Souverain, le legs dont il gratifient « l ’O r d r e des Avocats , sous
quelque nom , dit-il, dans son testament, qu’il plaise à Sa Majesté l ’Em » pereur et Roi de le rétablir », il a déposé ainsi aux pieds du Monarque
qui l’honora de ses bontés, le vœu d’en obten ir, à ses derniers momens
une de plus, dans le rétablissement de l’Ordre dont il conserva si soigneu
sement les maximes.
Dernières paroles d’un mourant, vous ne serez pas oubliées! Celui qui,
veillant avec sollicitude sur toutes les parties de l’harmonie sociale, a déjà
rétabli la discipline dans un si grand nombre de professions diverses, jettera,
quand le h:mps en sera ve n u , un coup-d’œil sur la nôtre. Elle n ’est pas
indigne des regards du l l é r o s , puisqu’elle aime la gloire ; ni des regards
du Législateur, puisqu’elle est consacrée au culte des lois. L e vœu de
M. F é r e y , auquel n’ous osons joindre le noire, sera exaucé. Permettez,,
Prince illustre, que votre présence même à celte solennité en soit l’heureux
présage, et que nous plaçions un peu de notre espoir aussi, dans cette bien
veillance pour laquelle nous vous dûm es, dans lo'us les temps, une reconnoissance dont je suis encore plus heureux que fier de devenir l’organe.
Cet honneur, sans doute , appartenoit à de plus dignes : et s’il me fut dé
cerne par des Confrères que mon devoir le plus doux fut toujours de chérir
et de respecter , je ne m’abuse pas -, c’est que leurs c œ u rs, daignant répondre
aux mouvernens du m ien, ont voulu me consoler du chagrin, p e u t-ê tre
�/rô.
( 16 )
immodérément senti, de ne pouvoir plus, comme autrefois, vivre habi
tuellement sous leurs yeux. Consolation pleine de charm e, en effet, et bien
propre à tromper mes regrets ! Eh ! pourquoi donc voudrois-je marcher
encore dans cette carrière, où j’aimois tant à recueillir leurs leçons! Assez,
assez de gloire et de bonheur l’aura fermée pour moi, puisque ma foiblesse
n’a pas t out- à-fait trahi mon zèle dans la tâche qu’ils m’avoient imposée; et
puisque les derniers accens d’une v o ix , dès long-temps presque éteinte, ont
encore p u , sous de si grands auspices, en cette journée mémorable, exprimer
nos sentimens d’amour et de vénération pour nos Magistrats, mon éternelle
r e connoissance pour les bontés de mes Confrères, mon respect et le leur
pour la mémoire d’un homme de bien , et les engagemens q ue nous prenons
tous sur sa to m be, de r e m p lir, à son exemple , les devoirs de notre pro
fession.
.
�
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Factums Godemel
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Description
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[Eloge de M. Férey. 1810]
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Bellart
Subject
The topic of the resource
diffusion du factum
Description
An account of the resource
Titre complet : Eloge de M. Férey, prononcé le lundi 5 février 1810, dans la Bibliothèque du Lycée Charlemagne, après le service de MM les avocats ont fait célébrer en l’Église de Saint-Paul, en présence de S.A.S. Monseigneur le Prince Archi-Chancelier de l'Empire, etc. Par M. Bellart, Avocat.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1810
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2005
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
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fre
Coverage
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Evreux (27229)
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891c0ffdcdffd0ea23f2fad9a33f0232
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7 o>
CONSULTATION
POUR
La dame BEAUFRANCHET-D’AYAT.
L e c o n s e i l s o u s s i g n é , qui a pris lecture
d’ un mémoire à consulter, pour madame d’A y a t , et de
la copie d’un jugement du tribunal de première instance
de R i o m , rendu le 21 février 18 12, entre M . et madame
d’A y a t , M. D ech amp p è r e , et madame Dechamp de B lo t,
veuve de M . Dechamp fils, agissant tant en son nom que
comme tutrice de ses enfans ; consulté sur les questions
suivantes :
1°. La première vente de la terre de B lo t, faite le 17
août 1807, n’est-elle pas pour madame d’A yat un juste
sujet de craindre le trouble prévu par l’art. 1653 d u C ode
Napoléon ?
2°. Dans le cas où elle seroit obligée, pour constater
l’existence de cette vente faite sous seing p r i v é , de faire
enregistrer un des doubles, qui devroit supporter les frais
d’enregistrement?
;
3°. L e sieur Dech a m p , pour faire cesser le trouble dont
madame d’ Ayat est menacée, ne doit-il pas faire déclarer
nulle la vente du 17 août 1807, par un jugement rendu
avec toutes les parties qui sont intéressées dans cet acte
de vente, et qui y ont paru ?
1
C
�co
4°. La veuve Decliamp peut-elle à la fois défendre ses
intérêts et représenter ses mineurs ?
5°. Ne doit-on pas consulter le conseil de famille sur
le mérite de la vente de 1807, et quelle est la marche
il suivre s’il ne veut pas s’expliquer?
6°. En réformant le jugement qui condamne madame
d’A y a t à payer, ne doit-on pas renvoyer le vendeur à se
p o u r v o ir , par action 'principale, contre toutes les parties
intéressées dans l’acte de vente de 1807?
7 0. Une reconnoissance judiciaire de la validité de la
seconde v en te, faite par toutes les parties, même par les
mineurs, mettroit-elle madame d’A y a t à l’abri de toute
éviction ?
8°. M . A r n a u d , partie contractante dans la vente de
18 0 7, et qui a aussi signé l’acte de vente de 1 8 1 1 , n’estil pas garant de la validité de cette seconde vente ?
E s t d’ a v i s ,
Que madame d’A y a t a juste sujet de craindre l’éviction ,
tant que la vente de 1807 n’a pas été déclarée nulle par
un jugement; que jusque-là elle ne doit pas payer; que
c’est au vendeur à se pourvoir par action principale
contre les mineurs Dechamp ;
Q u ’il doit appeler dans l'instance toutes les personnes
qui ont concouru à l’acte de 1807;
Que la veuve Dechamp ne peut point représenter ses
enfans dans l’instance, ayant des intérêts opposés aux leurs;
Que le conseil de famille peut n’être pas réuni pour
autoriser le tuteur à plaider, mais qu’il faudrait le réunir
pour consentir la nullité de la vente de 1807;
%
�C 3 )
Que ce ne seroit qu’avec son consentement, et celui
de toutes les parties intéressées dans cet a c t e , qu’une
recoiinoissance judiciaire mettroit madame d’Ayat à l’abri
de toutes recherches ;
Que le coût d’enregistrement de l’acte sous seing privé
entrera dans les frais du procès ;
E t enfin , que M . A rn au d ne peut être engagé par
la signature donnée dans l’acte de 1811.
Selon l’exposé :
L e 11 août 1 8 1 1 , et par acte notarié, M . Decliam p
a vendu la terre de Blot à madame d’A y a t , autorisée
par son mari.
L e prix eu fut porté à 168,960 francs ; 3,960 fr. furent
payés comptant. 11 fut convenu que madame d’A yat retien d ro it, i ° . 100,000 francs pour être employés au
payement de la dot de l’épouse du vendeur; 20. 24,000 fr.
pour le gain de survie de madame D e c lia m p , veuve
du fils du vendeur. Les 41,000 francs, restant du p r i x ,
devoient être payés deux mois et demi après le jour de
la vente.
L a vente fut consentie en présence de M . A r n a u d ,
gendre du vendeur : mention est faite dans l’acte de sa
signature. Cette signature est aujourd’hui biffée ; l’on
assure que M . A rnau d s’o ffre, en cas de besoin , à signer
de nouveau.
Madame d 'A ya t alloit payer les 41,000 francs exigi
bles , lorsqu’elle apprit que M . D echainp avoit déjà vendu
cette terre à son fils aîné.
L ’acte de vente avoit été fait sous seing privé , le 17
août 1807. L e ven d e u r, l’acquéreur, l’épouse du yen-.
�M
^
(
4)
d e u r , son fils puîné , le sieur Arnaud , son gen d re,
avoient tous concouru à cet acte.
L ’acquéreur s’y engageoit à payer 3,000 francs à son
p è re , au 1e1'. avril 1808, i 5,ooo fr. aü I er. août suivant.
Il s’engageoit également h payer, après le décès de
son père, diverses sommes à la dame sa m ère, à son frère,'
et au sieur Arnaud.
Il fut stipulé que si le sieur Decliamp fils n’exécutoit
pas toutes les conditions de l’acte, les conventions seraient
nulles, sans recourir à aucune formalité. V o ici les termes
de l’acte même : L e défaut d'exécution dans les term es,
et a u x échéances fix é e s , devant les anéantir de plein
d r o it , et par Veffet seul de notre volon té, sans qiioi
le présent acte iia u r o it pas eu lieu.
L ’acte énonce qu’il est fait quadruple, et signé de
toutes les parties.
O n ignore si cet acte a été enregistré.
Mais il a acquis une date certaine par la mort de l’ac
q u ére u r, arrivée au mois de juin 1809, ainsi que le
constate un acte de n o to riété, reçu à Saragosse, par
quatre notaires.
D ’après toutes ces circonstances, madame d’A yat re
fuse de payer. Commandement lui en est fait. Elle y
forme opposition, et donne pour m otif l’acte existant
entre le père et le fils.
L ’ instance s’engage.
M . Decliamp remet à madame d’A y a t , trois doubles
de l’acte de 1807; les signatures en sont binées : le qua
trième, qu’on avoit dit d’abord ne pas exister, est,
diUon ; rapporté aujourd’hui.
%
�C 5 )
Ces doubles ne sont pas enregistrés ; ils n’ont pas été
produits.
Mais M. Decliamp produit une lettre de son fils,
datée d’Espagne, et adressée à sa mère. Ce jeune homme
y rend compte des malheurs qui l’ont empeché de donner
de ses nouvelles au temps prescrit pour Paccomplisse
ment du traité que vous aviez bien v o u lu , a in si que
mon p ère) me consentir. Il ajoute quV/ voit avec regret
q u i l J'aut renoncer à Îespoir de conserver la terre de
B lo t dans la fa m ille ; que ce moment est p eu t-être
trop éloigne pour q u ’il puisse avoir la moindre pré
tention.
M . Dechamp fils a laissé trois enfans m in eurs, sous
la tutelle de leur m ère; deux ont été, à ce qu’on croit,
émancipés depuis peu.
M. Dechamp père a dénoncé à sa belle-fille l’oppo
sition de madame d’A y a t , et il l’a assignée, en sa qua
lité de tutrice, pour qu’elle la fît cesser en ce q u i la
concernoit.
Les deux enfans émancipés n’ont pas été mis en cause.
L a veuve du fils D ech am p , assignée comme tutrice,
est intervenue comme créancière personnelle du ven
deur; elle a signifié des conclusions en ces deux qua
lités. Comme tutrice, elle a dit que l ’instance ouverte
sur l’opposition de madame d’A y a t étoit parfaitement
étrangère à ses mineurs ; q u e , dans tous les cas , elle ne
pouiToit agir qu’en vertu d’un avis d’ un conseil de fa
m ille, et qu’elle ne peut le prendre, ne sachant sur quoi
le demander; et elle conclut à ce que le sieur Dechamp .
fût déclaré non recevable quant à ce. Comme créan3
�(
6
)
cîère, elle a déclaré accepter la délégation qui lui a été
faite par l’acte de vente de 1 8 1 1 , et elle a conclu au
payement, par madame d’A y a t , du montant de cette dé
légation.
M . Dechamp a soutenu qu’il n’y avoit eu entre son
fils et lui que des projets de vente ou d’arrangement sur
la terre de B l o t , et non une vente consommée ; que
la réalisation de ces projets dépendoit de certaines con
ditions que son fils n ’a point accomplies; que son iils
ou ses représentans étoient par conséquent sans aucun
droit à la terre de Blot ; il a conclu à ce que la dame
d’A yat fût déclarée non recevable dans son opposition.
L e 28 février 1 8 1 2 , jugement du tribunal de première
instance de R io m , qui fait droit à ces conclusions, en
adoptant textuellement leurs motifs.
Madame d’A yat a interjeté appel, en offrant de payer,
avec caution.
C ’est sur l’instance, liée en appel, qu’elle propose au
conseil les questions sus-énoncées.
. L a première question ne peut pas faire grande diffi
cu lté, et l’on doit s’étonner que les premiers magistrats
n’aient pas été frppés du péril d’éviction que couroil
madame d’Ayat. Il est vrai qu’en première instance, on
ne produisoit aucun double de l’acte sous se in g -p r iv é ,
fait quadruple,* il paroît que l’on n’nlléguoit que des
présomptions de l’existence d’ une première vente, et
ces présomptions pouvoient paroître suffisamment dé
truites par la lettre de M . Dechamp fils, datée d’Espagne. Mais maintenant que madame d’A yat présente à
la justice la preuve matérielle de cette première ven te;
�te ?
(7 )
maintenant qu’elle veut faire usage des doubles qu’elle
possède, il est impossible de révoquer en doute l’existence
de cette vente. On ne lui avoit remis que trois doubles du
premier acte fait quadruple, ainsi que l’attestent ceux qui
sont connus. Dans cette première position, personne ne
ne pouvoit lui répondre que le quatrième double n’existoit réellement pas; on ne pouvoit lui répondre que les
enfans du premier acquéreur, lors de leur majorité, ne
viendroient point, armés de cette pièce, la troubler dans
sa possession, et la sommer de leur restituer une pro
priété déjà transmise à leur auteur. Et alors quelle défense
opposer? se prévaloir d’un jugement qui auroit décidé
qu’il n’a jamais existé qu’un projet de vente, entre le sieur
Dechamp pere, et son fils aîné; projet qui ne s’est point
réalisé par le défaut d’accomplissement des conditions
stipulées? Les mineurs se plaindroient justement de n’a
v o ir pas été valablement défendus. E t, en effet, la repré
sentation de l’acte môme ne prouveroit que trop qu’on
auroit eu tort d’alléguer que la vente n’avoit été qu’en
projet; e t , aux termes de l’article 481 du Code de procé
du re , la voie de la requête civile leur seroit ouverte.
L e quatrième double, donc, tant même qu’il n’étoit
pas produit, mettoit madame d’A yat dans un véritable
péril d’éviction.
Mais aujourd’hui qu’il seroit produit, et quand même
on le remettroit à madame d’A y a t , est-il permis à celte
dam e, est-il permis au sieur Dechamp de supprimer la
preuve d’un tel acte ? e t , dans ce cas, les mineurs ne pourroient-ils pas également former leur action contre ma*dame d’ A y a t? L e conseil pense qu’elle doit le craindre*
�m
L ’opposition de madame d’Ayat est consignée dans les
archives du tribunal de Riorn. L ’existence de la première
vente a été en quelque sorte proclamée dans des pièces
de procédure. Si les preuves n’étoient pas entières, les
commencemens de preuves par écrit se présenteroient du
moins en foule aux mineurs Dechamp : les personnes qui
ont concouru à l’acte, ou d’autres qui en ont eu connoissance, pourroient encore exister; et qui sait le succès que
les mineurs pourroient obtenir avec de tels moyens?
L e péril de la dame d’A y a t seroit toujours le môme.
Il est vrai que madame d’A y a t appelleroit le sieur
Dechamp père en garantie. Celui-ci ne pourroit pré
tendre, comme l’a jugé le tribunal de première instance,
qu’il n’y a eu qu’un projet de vente; car l’acte de 1807
dit que les conventions seront anéanties dans certains
cas. On n’anéantit que ce qui existe. Les conventions
ont donc existé. Mais enfin il pourroit dire qu’aux termes
même de l ’acte qu’on in v o q u e , la vente de 1807 est
anéantie, puisque les conditions stipulées n’ont pas été
remplies ; alors s’élèveroit entre lui et les réclatnans la
question de savoir si ces conditions ont été remplies.
Peu importe à madame d’A yat de savoir qui succomberoit ; peu lui importe de savoir de quelle influence
seroit alors dans la cause la lettre de Dechamp iils,
écrite d’Espagne. Une première vente existe : le fait est
incontestable , et cela lui suflit. Cette première vente
n’a pas été déclarée n u lle, o u , si l’on v eu t, il n’a pas
encore été jugé que les conditions dont sa nullité dép e n d o it, n’ont pas été rem plies, et dès-lors il y a pour
elle péril déviction ; elle est dans le eus de l’article 1653
�( 9 )
du Code Napoléon ; et l’on ne peut la forcer de payer/
tant que Dechamp père n’a point fait cesser le p é r i l ,
tant qu’il n’a point fait disparoître tout moyen de con
testation à cet égard.
C ’est lui seul qui en est ten u , aux termes de l’article
1653. Il f a u t , avant to u t, qu’ il fasse disparoître ce qui
n’est, selon l u i , qu’ un fantôme de ven te; e t , sous ce
r a p p o r t, le jugement du tribunal de première instance
doit être reformé ; le sieur Dechamp père doit être
renvoyé à former une action principale contre ses petitsfils mineurs. L ’objet de cette action sera de faire déclarer
nulle la vente de 1807 , faute par le premier acquéreur
d’avoir rempli les conditions stipulées : et pour que cette
action soit formée légalem ent, pour qu’elle mette ma
dame d’Ayat à l’abri de toute éviction , il faut que le
sieur Dechamp appelle en cause tous ceux qui ont con
couru à l’acte de 1807 : madame d’A y a t a le droit de
l ’exiger.
En elfet, par cet acte il étoit stipulé qu’après la mort
du sieur Dechamp père, l’acquéreur (le sieur Dechamp
fils) payeroit diverses sommes à sa m è re , à son frè re ,
au sieur A r n a u d , son beau-frère. A u décès du sieur
Dechamp p è r e , ceux-ci auroient donc intérêt ù faire
revivre cet acte auquel ils ont concouru, et dans lequel ils
ont sans doute accepté les stipulations qui les concernent.
Il ne peut être déclaré anéanti sans eux. Eode/n m o
do dissolvuntur fa c ta quo colligantur. Ce qui a été
stipulé avec plusieurs, et ce qui intéresse plusieurs, ne
peut être résilié avec un seul. Il faut donc mettre en
caüsc tous ceux qui ont paru dans le premier acte, pour
�leur ôter tous moyens do troubler jamais la possession
de madame d’Ayat. Il faut que l’action soit dirigée con
tradictoirement, et contre e u x , et contre les mineurs.
Il n’y a pas de doute que la C o u r , en réformant le
jugement du tribunal de première instance, ne doive
renvoyer Dechainp à se pourvoir en nullité de la pre
mière ven te, par action principale. L a Cour ne peut
ordonner que les parties qui ont concouru à l’acte seront
mises en cause devant elle; elle ne peut e lle-m ê m e
décider la question , parce que c’est une action toute
nouvelle pour ces parties, qui n’ont.pas encore été ap
pelées, et môme toute nouvelle pour les mineurs, qui
jusqu’à présent n’ont pas été valablement représentés
dans l’instance. Il est évident qu’on ne peut les priver
les uns ni les autres d’un premier degré de juridiction.
O n vient de dire que les mineurs n’ont pas été vala
blement représentés, et cela est incontestable. Ils ont
été représentés par leur tutrice , par la dame veuve
D e c lia m p , à laquelle le second acte de vente fait une •
délégation d’ une partie du prix de la terre de B lot,
pour lui payer ses gains de survie dont le vendeur étoit
débiteur. L a veuve Dechamp est intervenue dans l’ins
tance, comme créancière personnelle du sieur Dechamp
père; elle a déclaré accepter la délégation, et a conclu
«nu maintien de la deuxième vente; elle y étoit, comme
on le v o it, intéressée. D e leur cô té , les mineurs pouvoient avoir intérêt à soutenir la validité do la première
vente. Toujours e s t - il vrai que cette vente subsiste
e n c o r e , et que c’est contre eux que tout le inonde veut
eu faire prononcer l ’annullation. D ès-lors, leur mère
�C h )
étoit incapable de les représenter, parce qu’elle pouvoit
dissimuler leur intérêt, qui se trouvoit en opposition
avec le sien. L e subrogé tu te u r, aux termes de l’ar
ticle 240 du Code N a p o lé o n , a seul le droit de les re
présenter, et il n’a point été appelé. Madame d’ Ayat
a donc intérêt à ce qu’on répare cette erreur, pour que
sa sûreté soit entière. Ce seroit, comme nous l ’avons
déjà d i t , laisser aux mineurs la voie de la requête ci
v ile , article 481 du Code de procédure. Madame d’A y a t
a droit d’exiger que le subrogé tuteur les représente
dans l’instance, parce qu’elle a droit d’exiger qu’on fasse
disparoître tout moyen de contestation dans l’avenir.
L ’on demande si l’on doit , dans ce c a s , requérir
l’autorisation du conseil de famille \ le conseil ne le pense
pas. A la vérité", c’est ici une action relative à des droits
immobiliers. L ’article 464 du Code Napoléon dit bien
que le tuteur ne p e u t, sans l’autorisation du conseil de
famille, acquiescer à une pareille action, ni Vintroduire
en justice; mais il ne dit pas que le tuteur ne pourra point
tout seul défendre à une pareille action , et cela seul
prouve qu’il en a le droit. O r , ici l’action doit être dirigée
contradictoirement contre les mineurs ; seulement, s’il y
en a d’émancipés, il faut, aux termes de l’article 482 du
Code N a p o lé o n , les mettre en cause, ainsi que leur
curateur.
E n fin , l ’on demande s i , pour éviter tant de forma
lités et tant de frais, toutes les parties intéressées dans la
première vente, même les mineurs, ne pourroient point
faire une reconnoissancc judiciaire de la validité de la
deuxième vente de 1811.
�( 12 )
L e conseil pense que cette reconnoissance suffiroit pour
rassurer madame d’A y a t , mais en y apportant des pré
cautions. Ce seroit reconnoître la nullité de la première
vente; ce seroit alors un acquiescement à une action im
mobilière , et l’autorisation du conseil de famille deviendroit dans ce cas indispensable.
L e coût de l’enregistrement de l’acte sous seing privé
entrera dans les dépens, et par conséquent la partie qui
succombera sur l’appel en sera chargée ; et comme le pre
mier jugement ne peut manquer d’être réform é, le sieur
D echam p, qui nioit la première vente, devra supporter
les frais faits pour en prouver l’existence.
L e sieur A r n a u d , au reste, par sa signature même ré
tablie dans l’acte de vente de 1 81 1 , n’a pu se lier que
comme témoin, si l’acte ne fait pas mention qu’il se soit
lié autrement. On pourroit tout au plus en conclure qu’il
a reconnu la nullité de la première ven te, mais jamais
qu’il a voulu se rendre garant de la seconde. D e pareils
engagemens ne se présument pas ; ils doivent être formelle ment exprimés.
D é l i b é r é à Paris le 1er. mai 1812.
B E L L A R T ,
DE
SÈZE.
A RI O M , de l ’imp. de T H I B A U D , imprim. de la C ou r impériale, et libraire,
ru e des T a u le s , maison L
a n d r iot.
— A o û t 1 8 1 2.
%
�
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A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Beaufranchet-d'Ayat. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bellart
De Sèze
Subject
The topic of the resource
ventes
nullité
éviction
conseils de famille
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation pour la dame Beaufranchet-d'Ayat.
Table Godemel : Eviction : 3. l’acquéreur par acte notarié éprouve-t-il juste sujet de craindre éviction, par l’existence d’une vente antérieure consentie par le vendeur à son fils, décédé, laissant des enfants mineurs ? est-il fondé à refuser le paiement du prix jusqu’à ce que la première vente aura été déclarée nulle par les tribunaux ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
1807-1812
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2130
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2207
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
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éviction
nullité
ventes
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Text
CONSULTATION.
L e c o n s e i l s o u s s i g n é , qui a pris, lecture
du contrat de mariage de M . Beaufranchet d’A y a t , avec
mademoiselle de Montgran , sa première fem m e, de son
contrat de mariage avec madame de W ittg e n ste in , qu’ il
a épousée en secondes noces, et d’un mémoire à con
sulter sur les questions suivantes :
P rem ièrem en t, madame veuve d’A y a t peut-elle ré
clam er, sur la succession de son m ari, en vertu de la
donation qu’il lui a fa ite, le quart des biens en toute
propriété , ou n’a-t-elle droit qu’à l’ usufruit seulement
de la moitié des biens ?
Secondement, madame Terreyre peut-elle prélever
le fonds du douaire de sa m è re , avant l’exercice des
droits de madame d’A y a t ?
E
s t im e
,
Q ue madame veuve d’A y a t a droit au quart en toute
propriété , des biens laissés par son mari ;
Que madame T erreyre ne peut prélever le fonds du
douaire de sa mère.
Selon l’ex p o sé,
Par les conventions matrimoniales de M . d’A yat avec
mademoiselle de M ontgran, passées en 1783, et soumises
à l’empire de la coutume de P aris, l’époux constitua à
son épouse un douaire préfix de 4,000 livres de re n te,
dont le fonds seroit propre à leurs-enfans.
1
�™ **
;
(o
L e divorce a dissous cette union , dont il ne reste
qu’une fille mariée à M . le baron Terreyre.
M . d’A y a t épousa en secondes noces mademoiselle
K e m p fe r , veuve de M . de W ittgenstein , dont elle avoit
trois enfans.
L e u r contrat de mariage, passé en l’an 4 , sous l’em
pire de la loi du 17 nivôse, contient, à la suite de divers
avantages faits par M . d’Ayat à madame de W ittgenstein , et dont le détail est actuellement inutile à connoître,
une clause dont voici les termes :
« Les futurs é p o u x , voulant se donner des preuves
« de leur amitié réciproque, se fo u t, par ces présentes,
« donation m utuelle, pure et simple et en tre-vifs, l’ un
« h l’au lre, et au survivant d’e u x , ce accepté respecti« vement pour ledit survivant, de tout ce dont la loi
« leur permet actuellement de disposer en faveur l’un de
«
«
«
«
«
l’autre, ayant enfans d’un premier mariage, ou tout
ce dont la loi leur permettra de disposer aussi en faveur
l’ un de l’autre , au jour du décès du premier mourant, dans le cas où la loi lors existante donneroit
plus de latitude à ces sortes de donations. »
E t pour le cas où il ne resteroit plus d’enfans à aucun
des é p o u x , quand arriveroit le décès du premier m ou
rant d'entr’e u x , ils donnoient au survivant la totalité des
biens de son époux décédé.
M . d’A y a t est mort en 1812. On a déjà dit que ma
dame T e r re y r e , sa fille , lui survivoit.
Des arrangemens pris avec mademoiselle de M ontgran,
depuis la prononciation du divo rce, mettent de ce côté
la succession de M . d’A y at à l’abri de toute réclamation.
�st€
(3)
Mais il s’élève entre madame veuve d’A y a t et madame
T e r r e y r e , les deux questions que l’on a posées, et que
l ’on va examiner.
C ’est au quart en toute propriété, des biens laissés
par son m ari, que s’étend la donation faite à madame
d’Ayat.
Elle survit à M . d’Ayat. E t les époux s’étoient réci
proquement d o n n é , en cas de survie, « tout ce dont
« la loi leur permettoit de disposer, ou tout ce dont elle
« leur permettroit de disposer en faveur l’un de l’autre,
« au jour du décès du premier m ourant, dans le cas où
« la loi alors existante laisseroit plus de latitude à ces
« sortes de donations. »
L a donation eut lieu pendant que la loi du 17 nivôse
an 2 conservoit sa force ; mais c’est sous l’empire du
Code Napoléon que M . d’A y at a cessé de vivre.
L a loi du 17 n ivô se, dans son article 1 4 , restreint
à l’usufruit de la moitié des biens , les avantages que les
époux stipuleroient entr’eux à l’a ven ir, dans le cas où il
y auroit des enfans; conform ém ent, ajoute la lo i, à l’ar
ticle 13 ci-dessus.
O r , l’article 13 réduit les avantages entre époux à
l ’ usufruit de la moitié des biens, lorsqu’il existe des enfiins, soit de leur union , soit d’ un précédent mariage.
M . et madame d’A y a t avoient des enfans de précédens
mariages; il en existe même encore : la loi du 17 nivôse
ne leur a donc permis de se donner que l’usufruit de la
moitié des biens.
L e Code N a p o lé o n , sous l’empire duquel est décédé
M . d’A yat , leur permettoit de se donner le quart des
2
»*:
�C 4 )
biens en propriété. C ’est la disposition formelle de son
article 1098, ainsi conçu:
« L ’homme ou la femme q u i, ayant des enfans d’un
a autre lit , contractera un second ou subséquent
« m a ria g e , ne pourra donner à son nouvel époux
« qu’ une part d’enfant légitim e, le moins prenant, et
« sans q u e , dans aucun cas, ces donations puissent
a excéder le quart des biens. »
Madam e Terreyre étant fille unique de M . d’Ayat
il n’y a point d’enfant qui prenne moins que le quart
des biens dans la succession de ce dernier. Il avoit donc
ta faculté de donner le quart de ses biens à madame'
d’A y a t , selon le Gode.
Mais le quart des biens eh toute propriété a plus de
valeur que l’ usufruit de là moitié des biens; il se ven
dront davantage.
Sans doute l’ usufruit de la moitié des biens peut finir
par valoir le quart en propriété. A u bout de vingt années,
il se trouve avoir produit une somme égale au prix du
fonds du quart des biens, et en outre, l’intérêt de cette
somme chaque année; s’il dure au delà, il produit encore
davantage; mais s’il dure moins aussi, il n’égale pas
le quart des biens. Cette valeur de l’ usufruiti est donc
aléatoire, au lieu que le quart en pleine propriété équi
vaut sur-le-champ et sans risque a un long usufruit de
la moitié de la succession; il y joint d’ailleurs les avan
tages d’une partie de cet usufruit, puisque la pleine pro
priété du quart des biens emporte l’ usufruit de ce quart.
Les avantages que le Code Napoléon permet de se faire
aux époux eu secondes noces, ont donc plus de latitude
�que ceux dont la loi du 17 nivôse leur conféroit la fa
culté de se gratifier.
Il s’ensuit que M . d’A y a t a fait à sa femme les avan
tages permis par le Code N apoléon; car il lui a donné
tout ce que la loi permettroit de lui donner, au jour du
décès du disposant, dans le cas où la loi alors existante
laisseroit plus de latitude que la loi du 17 nivôse à ces
sortes de donations.
Il lui a donc d o n n é, en définitif, la pleine propriété
du quart de ses biens, dans lequel madame d’A y a t doit
confondre tous ses autres avantages m atrimoniaux, parce
qu’aux termes de l’article 1098 du C ode, tous ensemble
ne doivent point excéder le quart.
O n soutient qu’il ne l’a pas pu. La donation est entre
v ifs , d it-o n ; d è s - lo r s elle n’a pu être valablement faite
que suivant la loi du temps de sa confection. On n’avoit
point la faculté de soumettre un acte irrévocable de sa
n a tu re , et dont tous les effets doivent être fixés au mo
ment où les parties le signent, à la fluctuation des lois
postérieures.
Mais d’abord il s’en faut beaucoup que la prévoyance
du Code c i v i l , et le renvoi à ses dispositions, fussent
contraires aux lois de ce temps-là. L e législateur luimême annonçoit souvent le C ode; lui-même il y renvoyoit souvent. T ém o in l’article 10 de la loi du 12 bru
maire an 2 , sur les enfans naturels, lequel porte :
« A l’égard des enfans nés liors du mariage, dont le
« père et la mère seront encore existans lors de la pro« mulgation du Code c i v i l , leur état et leurs droits se« ront en tout point réglés par les dispositions du Code. »
3
�(« )
On pourroit citer plusieurs autres exemples de cette
annonce légale d’ un Code prêt à paroître, auquel le lé
gislateur renvoyoit d ’avance la fixation des droits des
citoyens.
P o u r q u o i, lorsque deux époux se voyoient soumis à
des lois que leur auteur déclaroit être imparfaites et pro
visoires , et par lesquelles les volontés de ces époux
étoient gênées ; pourquoi leur refuser le droit de déclarer
eux-mêmes que si la loi actuelle se trou voit encore en
vigueu r au moment où la donation seroit recueillie, ils
conformoient respectueusement à ses règles leurs stipu
lations*, mais que si la loi promise, au co n tra ire,'éto it
promulguée avant que leur convention ne s’exécutât, et
si elle favorisoit le penchant qu’ ils avoient à ^’avantager
l ’un l’a u tre, ils entendoient profiter de ce perfectionne
ment de la législation, et de cette disponibilité plu&
grand e, qui seroit mieux d’accord avec leurs désirs?
Ils l’ont pu d’autant m ie u x , que les donations m u
tuelles, faites sous la condition de su rvie, bien qu’elles
soient qualifiées en tre-vifs, n’ont jamais été réputées
telles, mais seulement des donations ù cause de mort.
Elles en ont le caractère principal, en ce que le do
nateur se préfère au donataire, et ne se dépouille qu’en
m ourant; jusque-là il est lui-même aussi-bien donataire
que donateur. L e prédécès de l’un ou de l’autre déter
mine les qualités des parties : ce prédécès seul décide
qu’un tel est celui qui d on n e, un tel celui qui reçoit.
La C our de cassation, dans ses arrêts du ü5 ventôse an
1 1 , et du 8 vendémiaire
rapportés par M . Chabot,
en*son livre des Questions transitoires, au mot Donations
�entre ép o ux, a deux fois ainsi qualifié des donations sous
la condition de su rvie, faites dans l’intervalle de la loi
du 17 nivôse au Gode N apoléon; comme celle de M . et
de madame d’Ayat.
La C our de cassation a motivé ces arrêts, et particu
lièrement le prem ier, sur les anciennes ordonnances ; et
elle a décidé à plusieurs reprises que ces ordonnances
avoient conservé leur fo rce, même sous l’empire de la
loi du 17 n ivô se, dans tous les points que cette loi ne
décidoit pas, et que les ordonnances décidoient. O r , la
loi du 17 nivôse ne s’est point occupée de fixer les ca
ractères particuliers à chaque sorte de donation ( arrêts
de cassation, du 29 messidor et du a 5 fructidor an 113
Questions de d ro it, de M . M e r lin , tome 8 , p. 187 ).
Dès que la donation de M . et de madame d’A y a t est
une donation à cause de m o rt, il n’étoit nullement contre
sa nature qu’on s’y référât à la loi du temps du décès 5
il suffit que la quotité de la donation se trouve déter
minée dans le même temps que la personne du donateur
et celle du donataire. P a r cette clause elle l’étoit. Quand
des époux se donnent par contrat de m ariage, et dans
la forme entre-vifs, les biens qu’ils laisseront à leur décès,
clause dont la validité n’éprouve point de contestation \
ne rendent-ils pas également incertaine jusqu’à l’instant
de ce d è c è s, la quotité de la donation, que des aliéna
tions postérieures à l’acte peuvent réduire à rien ?
Les conventions matrimoniales sont irrévocables 9 il
est vrai ; mhis cela veut uniquement dire que l’on ne
peut rien changer ù la manière dont on les a constituées,
qu’il faut les exécuter telles q u ’on les a établies. L a do
�(8)
nation faite par M . et madame d’A yat étoit irrévocable
aussi : toutes les données nécessaires pour diriger dans
son exécution , la clause les contient; ce que Ton veut
y est nettement exprimé. Cherchez-vous quel est le do
nataire? voyez quel est le survivant. D é s ire z -v o u s de
connoître la quotité du don ? comparez la loi du temps
du décès du donateur à la loi du temps de la confection
de l’acte. D u moment que la donation fut signée, on
sut que les choses devroient s’y passer ainsi ; aucun des
époux n’y pouvoit changer dans la suite : leur conven
tion étoit donc irrévocable.
Enfin, le contrat existe; et ce n’est point par de vagues
argumentations que l’on renverse un contrat. Nulle loi
ne le prohibe ; il ne renferme rien de déshonnête ; il
doit être suivi ponctuellement.
Ce quart des biens , madame d’A y a t a droit de le
réclamer sur toute la succession, sans que madame T e r reyre puisse prélever le fonds du douaire propre aux
enfans du premier lit.
L e contrat de mariage par lequel M . d’A y a t créa ce
douaire, fut expressément soumis à la coutume de Paris.
O r , l’article a 5 r de cette coutume dit : « N ul ne peut
« être héritier et douairier ensemble pour le regard du
c< douaire coutumier ou préfix. »
E t madam eTerreyre s’est portée héritière de M . d’Ayat.
Elle prétendra que cet article n’a d’application que dans
le cas où il existe plusieurs héritiers. A lo rs ils se forcent
mutuellement au rapport; il ne leur est pas plus permis,
à l’égard les uns des autres, d’être à la fois héritiers et
douairieçs, que d’être héritiers et donataires; car le douaire
�(
9)
.
.
préfîx n’est autre chose qu’ une donation. Mais madame
Terreyre est fille unique; elle hérite seule : l’article s 5i
de la coutume de Paris ne la regarde donc pas.
Il suffîroit de répondre à madame T errey re, que la
coutume ne distingue en aucune façon l ’héritière uni
que de celle qui a des cohéritiers : « N u l ne peut être
« héritier et douairier, dit-elle, pour le regard du douaire
« coutumier ou préfix. »
Mais on peut entrer dans le détail des motifs de cette
décision , sans craindre que l’examen la rende moins sa
tisfaisante.
Pothier s’explique clairement à ce sujet. « L e douaire,
«
«
«
«
«
«
dit-il, est une dette de la succesion du père envers
ses enfans. L e fils, unique h éritier, étant en cette qualité seul tenu de toutes les dettes de la succession de
son père, il ne peut pas être débiteur du douaire envers lui-même ; il ne peut pas en être à la fois le débiteur et le créancier : ce sont deux qualités qui se dé-
« truisent nécessairement » (T ra ité du d ouaire, n°. 360).
L ebrun semble encore être entré plus avant dans l’es
prit de cette disposition de la coutume. V o ic i quelles
sont ses paroles :
« A l’égard de l ’incompatibilité des qualités d’héri« tier et de douairier, elle est un droit universel en
« ce royaum e, parce q u e , si l’on considère le douaire
« comme une créance , elle se confond dans la qualité
« d’héritier; et si on le regarde c o m m e un titre lucratif,
« il ne peut pas concourir avec la succession qui est de
« la même nature. Aussi l’on dit communément que le
« douaire tient lieu de la légitim e, et que celle-ci tient
/
�( 10
« lieu de la succession » (Success., liv. 3 , cliap. 7 , n°. 18).
L e b r u n , comme on le v o it, ne fait point dépendre
son avis de l’article z 5 i de la coutume de Paris; il le
tire du droit commun de la F ra n ce; et les raisons qu’il
donne sont d’une telle solidité , qu’elles s’appliqueroient
au contrat de mariage de M . d’A y a t avec mademoiselle
de Montgran , fût-il étranger aux dispositions de la cou
tume de Paris.
L e douaire, en effet, étoit une portion des biens du
père assurée aux enfans, pour le cas où il rendroit sa
succession mauvaise; c’étoit une précaution prise en fa
veu r des enfans contre les malheurs de l’administration
de leur père. Mais lorsque l’enfant accepte la succession
m ê m e , c’est qu’il y trouve plus d’avantage que dans le
douaire; il recueille alors tout ce dont le père n’a pas
valablement disposé d’ailleurs. V o tre père a vo u lu , pourroit-on lui d ire, que vous eussiez au moins le montant^
du douaire; mais il n’a pas vo u lu , quand vous recueillez
plus que le douaire, que vous mettiez à part, sans la
com pter, cette portion qu’il vous assuroit en cas de mal
heur ; il n’a pas entendu vous autoriser h contrarier par
là les autres dispositions qu’il a faites.
U ne autre raison de décider également, admise dans
la jurispi'udence, est celle-ci :
L a portion la plus forte que puisse recevoir une
épouse en secondes noces, quand son mari a des enfans
du premier l i t , c’est une part d’enfant le moins prenant.
A in si, madame d’A y a t est donataire d’une part d’enfant
le moins prenant. Mais comment la part d’enfant jdoiteile se régler? P o u r la bien connoître, il faut voir ce
�que pourroit faire un enfant à la place de la veu v e, et
ce à quoi il auroit droit; car voilà ce qui a été donné
à la veuve. Elle doit l’avoir si ce don n’excède pas la
quotité disponible relativement à elle. O r , un autre en
fant mis à la place de la veuve empêch eroit de prendre
le douaire; et comme rien ici n’a été donné à titre de
p récip u t, le second enfant auroit la moitié de tous les
biens : ce seroit là la part d’enfant. La loi ne veut pas
que lorsque cette part est donnée à l’épouse e n secondes
noces, elle excède le quart des biens. Elle ne l’excèdera
donc point; mais il n’y a nul prétexte raisonnable de la
réduire plus bas.
U n arrêt de la Cour d’appel de Paris, rendu le 20
février 1809, a notamment consacré cette doctrine dans
la cause de M M . Jonnery et Sirot.
D
é l i b é r é
à
Paris, ce 30 novembre 1 8 1 2 .
BELLART, DESÈZE.
A RIOM, de l’imp. de THIBAUD, impritn. de la Cour im périale, et libraire,
rue des T aules, maison L a n d r i o t , — Juillet 1813.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Beaufranchet d'Ayat. 1813]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bellart
De Sèze
Subject
The topic of the resource
successions
douaire
donations entre époux
coutume du Bourbonnais
conflit de lois
divorces
secondes noces
partage des enfants
contrats de mariage
séparation de biens
haras
scellées
arbitrages
bureau de paix
mobilier
coutume de Paris
usufruit
donations
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation.
Table Godemel : Don mutuel : 1. le don mutuel par contrat de mariage étant irrévocable par sa nature, doit se régir par la loi en vigueur au temps du contrat : conséquemment, la disposition en faveur du survivant de tout ce dont la loi actuelle permet de disposer, et même de tout ce qui sera disponible d’après la loi existante lors du décès du prémourant, ne peut d’étendre au-delà de la quotité disponible au moment de l’acte, bien que celle du moment du décès soit plus forte Douaire : 2. selon la coutume de paris, les qualités de Douairière et d’héritier ne sont pas incompatibles à l’égard des tiers donataires. l’enfant d’un premier mariage est créancier du douaire stipulé lors du contrat de ce premier mariage, et il n’en doit, ni le rapport à la masse de la succession, ni l’imputation sur la part héréditaire que la loi lui réserve. Licitation : 1. entre le donateur ou l’héritier, et le simple usufruitier, il ne peut y avoir lieu à la licitation des biens indivisibles ? Usufruitier : 2. entre le donataire ou l’héritier et le simple usufruitier, il ne peut y avoir lieu à la licitation des biens indivisibles.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1813
1783-1812
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
11 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2210
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2130
BCU_Factums_G2208
BCU_Factums_G2209
BCU_Factums_G2211
BCU_Factums_G2212
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53439/BCU_Factums_G2210.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ayat-sur-Sioule (63025)
Vichy (03310)
Paris (75056)
Blot (château de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbitrages
bureau de Paix
conflit de lois
contrats de mariage
coutume de Paris
coutume du Bourbonnais
divorces
donations
donations entre époux
douaire
haras
mobilier
partage des enfants
Scellées
secondes noces
séparation de biens
Successions
usufruit
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53823/BCU_Factums_M0512.pdf
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Text
L E C O N S E Î L SO U SS IG N É , qui a v u le testament
et les codiciles dé m ad am eR olet de-Chazerat, ensemble
un jugement du tribunal de première instance, séant à
R io m , du 22 juin 1808, 'et deux consultations délibé
rées à Clermont-Ferrand
et à Paris, l es 29 juillet e t.8
novem bre 1808, en faveur des légataires universels de
madame de Chazerat e t u n m ém oire à consulter:
Répondant à la question proposée dans le m é m o ire ,
et qui fait l’objet des deux consultations ci-dessus énon
cées, et qui est de savoir si;l' o n doit consid érer comme
v alable le legs universel, fait par m a d a m e de C h a zerat,
dans son testament olographe du 26 messidor an 9, au
p r ofit de ceux de ses parens qui s e r a i e n t en ordre de lui
succéder, suivant les règles de la rep résen tation a l' inf i n i telle qu’elle avait l i e u dans la ci-devant coutume
d A u vergn e; e t si l’on est bien fondé a-espérer que le
�jugement du tribunal civil de R io m , qui a déclaré nul
ce legs universel, sera confirmé sur l’appel qui a été
interjeté de ce jugem ent par les légataires universels;
.*
E
s t im e
*
, que le legs universel fait par madame de
C h azerat, ayant réellement pour objet de faire revivre
une distinction pro h ibée, sur la nature et l’origine des
bien s, et de créer un ordre de succéder, suivant les règles
d’une coutume abolie, sa disposition qui est contraire
aux lois et à l’ordre public est nulle; et que le jugement
du tribunal de R io m , qui en a prononcé la nullité, ayant
fait une juste application des véritables principes du
droit, ainsi que des règles particulières établies p a r le
code N apoléon,.le sieur Mirlavaud n’a rien à redouter
de l ’appel qui a été interjeté de ce jugement par les
légataires universels.
r
Celte décision est facile à justifier par les plus sures
maximes du droit, et par des principes qui n’ont jamais
souffert aucune atteinte. M ais, pour exposer ces prin
cipes avec plus d’ordre, la discussion sera divisée en
deux paragraphes.
On fera voir dans leiprem ier, que nul ne peut rap
peler l ’ancienne distinction sur la nature des biens
propres paternels ou maternels,, ou acquêts, ni créer
un ordre de succéder, autre que celui en vigueur lors
de l ’ouverture de lo succession. Il sera démontré dans
le second que le testament de madame de Chazerat est
en opposition avec ces principes, ou, en d’nuti es termes*
que madamç de Chazerat a ordonné la distinction do
�( 3
)
ses biens en propres, paternels ou m aternels, et eu
acquêts, et qu’elle a voulu cré e r, et qu’elle a créé en
effet un ordre de succéder, autre que celui qui était
en vigueur à l'époque de son décès.
§ . I - er
y
N u l ne peut créer un ordre de succéder, autre que celui
en vigueur Lors dz Couverture de La succession.
L e C o n s e i l , avant d’entrer en matière sur ce pre
mier paragraphe, croit devoir faire quelques réflexions
sur certains principes qui sont avancés dans la consul
tation de Clerm ont, avec une confiance apparente qui
pourrait en imposer.
>
■
»
Prem ièrem ent, de ce que l ’art. 916 du code N apo
léon dispose qu’à défaut d ’ascendans et de descendansj
les libéralités par actes entre-vifs ou testamentaires pour
ront épuiser la totalité des biens du' disposant, les au
teurs de la consultation de Clermont en ont' conclu
qu’on pouvait appliquer à la testatrice, dans toute sa
force, cette maxime du droit rom ain, dicat testator,
et erit Lex. E t selon e u x , c’est dans ces deux mois que
consiste toute la théorie ^de la législation, en matière
de successions collatérales.
Eu premier lieu, cette règle n’a jamais été admise
qu avec la condition que la volonté du testateur serait
conforme à la l o i , et qu’il n ’aurait voulu que ce que
la loi lui permettait. C ’est ce qu'on expliquera plus
particulièrement dans la suite.
2
�C4 )
En second lieu, cette rè g le , dicat testator, eterlt leocy
est plus propre au droit romain qu’à notre législation,
ainsi qu'à l’ancienne législation coutumière.
Dans le droit romain , on ne recourait à la succes
sion ab intestat, que lorsqu'il n’y avait pas de testa
ment , leg. i * f f . si labdL testament, null, ex tab. ; le
pouvoir du testateur y était sans bornes. C ’était un des
p rin c ip a u x chefs de la célèbre loi des douze tab les,
paterfatnilias u ti legassit super pecunia tutela ve suœ
reí, ita j u s estoi et Ju stin ien ., dans sa novelle 22, chap. 2 ,
n’a fait que ra p p e le r ce droit ancien, lorsqu’il a pro
clamé la m a x im e invoquée ddns ld consultation de
C le r m o n t , et dont le texte est disponat unusquiscjut
super su cs, et sit Leoc ejus voluntas. Cette puissance
du testateur tenait à des^réglemens politiques, et à des
usages qui nous, sont étrangers.
C ’était une règle incontestable du droit coutum ier,
qu’il n’y avait d’autres héritiers que les proches, que
la coutume appelait à la succession. L'héritier légitime
était fait héritier au moment de la mort de celui à
qui il succédait, quoique môme cette mort lui fût incon
nue. C ’est cette règle que les coutumes exprimaient
par ces termes : L e mort saisit le v i f son prochain,
lignager hübile
,
cl
lu i succéder.
E t c’est d’après cette 'différence que l’auteur du
nouveau traité des donations et testamens (M .Grenier),
dit avec justesse, tom. 3 , p. 240 ; «dansle droit romain,
« la volonté de l'homme faisait les héritiers; la liberté
-
* de disposer était sans bornes....... Dans les coutumes
�.
(
5
}
« de F railce, au contraire, c’était la loi qui faisait les
« héritiers, et non la volonté de l’homme. Les dispo« sitions testamentaires éfaient réduites à la nature de
« legSj'^arce que les testamens étaient assimilés aux
« codiciles. Les héritiers du sang étaient saisis par la l o i ,
«■et ceux qui a v a ie n t pour eux des libéralités testamen«■taires étaient obligés de leur en demander la déli« vrance
O r, tels sont les principes du code N apoléon, ainsi
que l ’observe le mêm e auteur. Cela résulte, i.° de ce
que le code commence par traiter des successions lé
gitimes avant de régler les successions testamentaires;
2.0 de ce que les héritiers légitimes ont la saisine légale
(code Nap. art. 7 2 4 ); 3 .° de ce q u e , lorsqu’il y a des
héritiers auxquels un droit de réserve est accordé, ces
héritiers ont la saisine légale^ et le légataire universel
est obligé de leur demander la délivrance des biens
compris dans le testament (art. 1004), et à défaut d’hé
ritiers h réserve, et de légataire universel, celui qui a
en sa faveur une disposition à titre universel, est obligé
de demander la délivrance des biens qui en sont l ’objet,
aux héritiers légitimes (art. 10 1 1).
Il s’en faut bien que ces observations soient oiseuses.
Elles conduisent ¿1 la conséquence certaine que lorsque,
sur un testament, il s’élève des difficultés, dans le doute
Tneme, la balance doit pencher en faveur de 1 héritier
du san g, contre l’héritier testamentaire ou légataire,
et il n y a rien de plus vrai que ce que disait le judi
cieux D o m a t , dans une dissertation, en s’expliquant
�.
(
6
}
même d ’après les principes du droit romain, L o is ci
viles, 2.e partie, lii>. i.'% préface, §• 3 , à LaJ in : «Dans
« les doutes où la faveur de l’ une ou l ’autre de ces
« deux sortes d’héritiers (testamentaires ou^du ¡sang)
«■peut être considérée, on doit décider pourjcelui du
« sang. »
Secondem ent, 011 a avancé dans la consultation de
Clerm ont, pag. 8, «qu’il est de principe incontestable
« que la loi qui est en vigueur au décès du testateur,
«• règle uniquement la quotité disponible, et que tout
« ce qui intéresse la confection du testam ent, ses
«• form es, ses expressions, et 1Q'mode de disposer, se
<r règle par les lois en vigueur au moment ou il a été
« fait
On accorde sans difficulté que tout ce qui concerne
les formalités extérieures du testam ent, est réglé par
la loi observée au moment où il est fait; mais pour les
conditions et le mode de la disposition, elles se rè
glent par les lois qui régissent la disposition elle-même,
c'est-à-dire, p arla loi en vigueur au moment du décès:
toute proposition contraire est une erreur.
L e mode de disposition, ainsi que les conditions im
posées à la disposition, n’ont aucun rapport avec les
formalités de l’a c t e , pour lesquelles on ne s u it , à la
vé rité ,
d ’autres
règles que celles observées lors du tes
tament. Les formalités n ’ont trait qu’à la forme exté
rieure de l’a c t e ;le mode et la condition font partie de
la disposition, et lui sont inhérentes. Il n’existe aucune
raison de soustraire le mode et la condition de la dis-
�position à l’empire de la loi qui régit la succession. C e
principe évident a au surplus été consacré par plusieurs
arrêts.
Quant à la condiiion, on peut citer un arrêt de la
Cour de cassation du 2,3 messidor an 9 , qui est rap
porté-par Fauteur qu’on ¿1 déjà c i t é , tom. 3 , n.° 534.
L a question était de savoir si le rapport d’ une dona
tion , lorsqu’il n’y en avait pas de dispense, devait avoir
lie u , ayant été faite à un successible'sous la loi de 1789,
dans la coutume de Nivernais, où le rapport n avait
point lieu dev droit entre les collatéraux, et la succes
sion du donateur s’étant ouverte sous l’empire de la
loi du 17 nivôse an 2.
On disait, pour affranchir le donataire de la néces
sité du rap p o rt, que la loi qui régissait la donation,
lorsqu elle avait été faite, ne la soumettait pas au rap->
port dans le cas ou le donataire viendrait à la succes
sion du donateur ; que c ’ était là une condition im
posée seulement par la loi qui gouvernait la succession.
. A quoi on répondait, de la part des héritiers, que
le droit de succéder était sans contredit su b o rd o n n é à
la loi qui règle la succession lors de son o u v e r t u r e ; et
qu’il en était de m êm e des conditions sous lesquelles
on succédait.
Sur celte question, le tribunal civil de la Nièvre avait
ordonné le rapport; mais sur l'a p p e l, le tribunal civil
de 1 Y on n e ayant jugé différemment, le pourvoi en
cassation fut admis contre son jugement.
L arrêt de la Cour de cassation fut fondé sur le prin-
�( 3 )
cipe que tout ce qui concerne, la succession,'n’existe'
qu’en vertu de la loi qui règle lorsqu’elle s’o u v r e , et;
sur ce que l ’article 8 de la loi du 17 nivôse ne permettait,
de succéder qu’à la charge du rapport des donations
anciennes. L ’auteur qui rapporte cet arrêt, remarqué'
avec raison qu’il es t indifférent que la succession s’ouvre
sous l’empire du code N apoléon, le principe étant le
mêm e que celui de la loi du 17 nivôse. On pourrait
citer plusieurs arrêts de différentes Cours souveraines/
qui ont consacré le même principe. Il faut donc tenir
pour une maxime in c o n te s ta b le , que la condition im
posée à une disposition testamentaire, se règle par là
loi du décès du testateur.
.
.
Quant au mode de la disposition, il est également
soumis à la loi existante à l’époque du décès ; c’est un
des points jugés par l'arrêt célèbre, rendu par la Cour
de cassation, le 18ja n v ier 180 7, dans l ’affaire des frères
Rayet. Dans l’espèce de cet arrêt, la charge imposée
par le testateur.à son héritier, de rendre l’entière héré
dité à l’aîné de.ses enfans milles, èt à défaut de milles,
à l’aînée de ses filles, était valable, et autorisée par les
lois au mois de j u in 17 8 7 , époque du testament ; mais
parce que le mode de la disposition était prohibé par
l ’art. 896 du code Napoléon, en vigueur lors du décès,
la disposition principale, indépendamment de la subs
titution, a été déclarée nulle par un arrêt de la Cour
d’appel d’A g e n , du 3 o avril 1806; et J e a n - P ie r r e
R ayet s’étant pourvu en cassation contre cet arrêt, son
pourvoi a été rejeté par la section c iv ile , conform é
ment
�( 9 )
ment aux conclusions de M.' le Procureur - général
Merlin.
>
1
Les explications dans lesquelles on vient d entrer,
ont pour objet de faire disparaître, sans îe to u r , les
sophismes dont les légataires se sont aidés dans la dis-’
cussion, et de fixer d’une manière positive les points
de législation qui tiennent a la question.
. On a opposé au consultant une fin de non-recevoir,
sur le mérite .d e laquelle le conseil doit s’expliquer
avant de passer à la discussion du fond. Cette fin de
non-recevoir est tirée d’un prétendu défaut d intérêt
et de qualité dans la personne du consultant.
L a disposition principale du testament de madame
de Chazerat, relative au legs universel fait à ses parens,
est valable en elle-m êm e, dit-on, et indépendamment
de l’énonciation, su rab o n d an te qui a pu la suivre. I<es
descendans de Philibert M arcelin, aïeul maternel de
madame de Chazerat ( l e sieur Mirlavaud est un de
ces descendans), se trouvent sans qualité et sansûntérêt
à constater la prétendue validité ou invalidité de cette
énonciation secondaire, puisqu’elle n ’a pour objet que
le mode du partage entre les individus des trois bran
ches , auquel les descendans de Philibert M arcelin ne
peuvent avoir aucune part ( i . re consultation, pag> I ^’)*
L e même raisonnement est reproduit, sous une autre
forme, dans la seconde consultation (pag* i 5 -)*
L a plus légère attention fait connaître 1 illusion de
cette fin de non-recevoir; la nullité reprochée a la dis
position de madame de Chazerat, est une nullité prin-
3
�( ÏO )
cipale et absolue qui vicie le legs universel dans son
essence ; pour être recevable à la proposer, il suffit
d’avoir un intérêt à la faire prononcer. O r, on ne peut
nier que le sieur Mirlavaud ait un véritable intérêt à
faire déclarer nul le legs universel fait par madame de
Chazerat; car si ce legs universel est annuité , la suc
cession de madame de Chazerat étant partagée suivant
les règles introduites par le code Napoléon, sera d ivisée -en deux parts égales; l ’une pour les païens de la
ligne paternelle, l’autre pour les parens de la ligne ma
ternelle (art. 7 3 3 ) ; et le sieur Mirlavaud sera appelé
à recueillir une portion dans la part attribuée aux pa
rens de la ligne maternelle de la testatrice. Il a donc
intérêt et qualité pour demander lai nullité des dispo
sitions faites par madame de Chazerat, et la fin de
n o n - recevoir jqu’on, l u i. oppose est évidemment mal
fondée. ;
,
.
* Ce que l’o n vient de dire par rapport au 'sieur M ir
lavaud, s’applique également h ceux des autres héri
tiers, à l’égard desquels le jugement n’est pas contra
dictoire. Qu’après rinfirmdtion de ce jugem en t, pour
en revenir aux .règles dii cbde: N apoléon, certains hé
ritiers ou légataires universels, veuillent superstitieuse
ment exécuter les dispositions de madame de C ha
zerat , et qu ’ils veuillent venir à la succession, selon les
principes de la coutume d’A u vergn e, on ne peut sans
doute leur contester cette faculté ; mais ils ne peuvent
l’exercer qu’en ce qui concerne leurs portions hérédi
taires , et ce c o n se n te m e n t ne peut lie r, en aucune
�( iO
manière, ceux des héritiers de droit, a qui la loi con
fère le pouvoir d ’attaquer, par voie de nullité, les dis
positions testamentaires de madame de Chazeiat.
Après avoir ainsi relevé les erreurs, que la moindre
attention fait rem arquer, dans les consultations qui
sont mises sous les yeu x du conseil, et après avoii dé
truit la fin de n o n - r e c e v o i r , opposée au sieur M irlava u d , le conseil v a passer à la démonstration du grand
principe de droit qu’il a annoncé, savoir , que nul ne
peut creçr un ordre.de succéder autre que celui en
vigueur lors du décès.
Cette vérité frappe d ’abord par sa seule évidence;
car l’ordre de succéder é ta n t de droit, public, il n est
pas au pouvoir des particuliers d’en établir un autre
qu e celui q u e les lois o n t institué. Il est bien permis,
dans le cas ou on n ’a ni ascendans, ni, descendansA de
tester de là totalité de ses b ien s>c’est-à-dire, d’en faire
des libéralités en faveur dë.personnes certaines et dé
terminées, au préjudice de stes héritiers légitimes; mais
il n’appartient qü’à la loi. d’établir un ordre de succes, sion ab intestat. Quelqu’étendue que soit, d a n s ce cas,
la puissance du testateur, on est obligé de re c o n n a ître
que celle de la lo ivlui est supérieure.
’ Si la volonté, du testateur est o b s e r v é e , c est parce
que la loi le veut ainsi; c’est parce qu’elle lui donne le
pouvoir qu’il exercé : par c o n sé q u e n t 1 empire qu a la
volonté du testateur, n’est' pas un empire absolu , puisqu il est dépendant de la loi, et qu*il releve d elle.
Pour confirmer cette décision par 1 autorité du droit
4
�( 12 )
romain lui-m êm e, dont on a invoqué les principes dans
la consultation de Clerm ont, on fera remarquer que
les lois ne permettent pas de déroger au droit public
par des conventions particulières. Privatorum p a ctis}
J u s publicum m utari non potest. Leg. 38
D e p a ct.j
que c’est par cette autorité que la loi s’est réservée,
que les sages empereurs Diocletian et M axim ian, dans
la loi 1 3 , cod. de testament. , décident qu’il est bien
permis à chacun de tester comme il veut de ses biens,
et d’imposer telles conditions que bon lui semble; mais
pourtant qu’il n ’est pas permis, ni de changer la forme
des testam en s, ni de déroger au droit public; que
c ’est par la mêm e raison qu’en la loi 5 , §.
ff. D e
adm inist. et pericul. tutor. , un testateur ayant ordonné
que les tuteurs qu’il avait donnés à ses enfans ne
seraient point com ptables, le .jurisconsulte Julien ré
sout qu’ils ne laissent pas d ’être obligés de rendre
compte de leur administration, parce( q u e , dit ce cé
lèbre jurisconsulte : Nemo J u s publicum remittere potest
fiujusm odi cautionibus, nec m utare form am antiqui
té s constitutam. On pourrait citer un grand nombre
d’autres lois qui renferment la même règle de droit:
P lu s potest /us publicum quanti privata conventio. V id .
C u ja s , a d quœst. papîn. , lib. a , a d leg. 38 }Jf. D e pact.
principalement sur les dispositions de ces lois
C
’ e s t
que se fondent ffen ry s, et les auieurs qu’il cite ( i) , pour
(i) Vasquins , de successionum creatione , lib. i , mimer.
5
3,
et sequent.
Crave.Ua., consil. 1 7 4 et consit. 9 7 5 . Cavaruvias, de testibus,
cap. 1. Surdus, decisio 3o.
�(i3)
décider que le testateur ne peut pas défendre à son
héritier d’accepter la succession par bénéfice d ’inven
taire ( H e n r y s , liv. 5 , chap. 4 , quest. 3 o.). E t il.rap
porte un arrêt du parlement de Paris, du 7ju ille t 1625,
qui l’a ainsi jugé sur les conclusions de l ’avocat-général
Bignon ; ces conclusions sont remarquables par leur
énergie : te Ouï Bignon, pour le procureur-général du
« ro i, qui a dit que la clause apposée au testament dudit
« d é fu n t étant contraire au, droit, est nulle».
Si la défense de'faire usage du bénéfice d’inventaire
est contraire au droit public, que doit-on décider d’une
disposition qui établit un ordre particulier de succession
ab intestat?
>
, D o m a t, en expliquant les règles qui veulent que le
testateur ne puisse empêcher par,son testament que
ses dispositions ne soient sujettes aux lois, ni rien or
donner qui y soit contraire, dit ; «Ainsi un testateur
* ne peut défendre à son héritier de se déclarer h é « ritier bénéficiaire (L ois civiles, liv. 3 , titre i. er, sec
tion 7 , n.° 24.).
Furgole, dans son traité des testamens (chap. 7, n.° 3),
s expliquant sur la question de savoir si le testateur
peut déroger à la lo i, et si sa puissance doit être con
sidérée com me plus forte que celle de la loi, après avoir
cité les textes des lois romaines qui traitent du pouvoir
des testateurs, ajoute : « Mais on ne peut pas induire
T 4 ? ces textes, ni d’aucun autre,.que la volonté du
" ^ t a t e u r doive prévaloir sur la puissance de la loi.
« La loi 2 3 , cod. D e légat., dit nettement le contraire,
�( H )
r en ce qu’elle exige que la volonté du testateur soif
* légitime , quœ légitima est, c'est-à-dire, conforme
« à l’esprit de la lo i, ou que du moins la loi ne rétc prouve p a s , afin qu’elle puisse dominer et être
« exécutée ».
L a n o v e lle , chap. 2, le dit encore d'une manière plus
expresse : «Siquodprœ cipitur legitimum s it, dut s i’non
« illu d aliqua lexprohibeat». Et la novelle 2 2 , cliap. 2,
qui veut qu’on considère com m e une loi la volonté
du testateur, y ajoute cette condition : «Pourvu qu’il
« dispose d ’une manière qui ne soit pas contraire aux
« lois; disponat ut dignum est -»: et cela est ordonné
de même par les lois 7 et
D e condit. instit. , et
par la loi 1 1 2 , §. 3 ¡J f. D e légat. , 1 °. C e dernier texte
dit : « S i quis scripserit fie r i testamento quod conlrà
«■j u s est vel borios mores, non valet; veluti si quis script
« serit contra legem, aliquid vel contra edictum prœ« toris, vel etiam turpe aliquid».
Ces sages dispositions des lois romaines ont été con
firmées par les lois générales et particulières dont ce
compose le code Napoléon ; l’article 6 pose le principe
général «qu’on ne peut déroger par des conventions
» particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public
a et les bonnes mœurs*. Cet article prononce implici
tement la nullité de toute disposilion testamentaire 'y
par laquelle le testateur aurait dérogé à des lois d’ordre
public ; c ’est par une conséquence du même prîncipë
que les conditions contraires aux lois sont réputées rioiï
écritesidans les testamens ( Cod. N ap ., art 900. ).
’ s
�( i5 )
Il ne reste plus pour faire une juste application de
ces principes généraux et particuliers, qu'à déterminer
ce qu’il faut entendre par une disposition testamentaire,
qui déroge à des lois d’ordre public, et par une condi
tion contraire aux lois.
O r , il est incontestable q u e , créer un ordre de
su ccéd er, différent de celui établi par la loi en vigueur
à l’époque du décès, c ’est non-seulement tout à la fois
déroger aux lois d’ordre public, qui prescrivent l’uni
formité dans le mode de distribution des successions
ab intestat - et imposer une condition contraire au
vœu d'uniformité de législation manifesté par le légis
la te u r, mais encore, que c ’est excéder le pouvoir du
testateur-; que c ’est vouloir faire dans un testament,
ce qui ne peut se faire que par une loi; que c ’est usur
per le pouvoir du législateur.
Ces considérations sont si puissantes, et il est si vrai
que l ’ordre légal des successions est de droit p u b lic,
qu il est formellement défendu de faire , m êm e dans
les contrats de mariage, aucune stipulation qui tende
à le changer; cependant il a loujours été de prin
cipe universel, dans la jurisprudence française , que
les-conirats de mariage sont susceptibles de toutes les
stipulations qu'il plaît aux parties de former, pourvu
que ces stipulations ne contiennent rien de contraire
aux lois et aux bonnes mœurs (co d e Napoléon, art.
1 ^®7 )î e t le code Napoléon donne pour exemple d’une
sti
pulation contraire aux lois, celle dont l’objél serait
de changer l’ordre légul des successions, soit par rap-
�C 16 )
port aux époux eux-m êm es, dans la succession de leurs
enfans ou descendans, soit par rapport à leurs enfans
entr’eux (art. 1889).
C ’est encore une stipulation contraire aux lois, et
par conséquent interdite mêm e aux époux, dans leur
contrat de mariage, que celle par laquelle il serait con
venu que leur association sera réglée par l ’une des cou
tum es, lois ou statuts locaux qui régissaient ci-devant
les diverses parties du territoire français, et qui sont
abrogés par le code Napoléon (art, 13 9 1).
-t
Celte p ro h ib itio n des stipulations qui auraient pour
objet de c h a n g e r l’ordre légal des successions, ou qui
te n d ra ie n t à faire revivre 1 une des coutumes abrogées,
résulte suffisamment du principe g< néral exprimé dans
l ’article 6 , et si le législateur a jugé nécessaire de décla
rer expressément, et en termes formels, la nullité de
pareilles stipulations, on ne peut attribuer cette mesure
qu’à sa volonté ferme que l’ordre légal des successions,
qui est de droit public, ne pût être changé p a r aucune
stipulation, et que les coutumes abrogées ne fussent plus
la règle des conventions matrimoniales, ou des succes
sions.
Les législateurs du code Napoléon furent frappés dé
cette id ée, que les contrais de mariage ayant constam
ment joui de la plus grande faveur dans notre juris
prudence, qui en protégeait toutes les stipulations qui
n’étaient pas contraires à 1 ordre p u b lic, quelques per
sonnes, trop prévenues en faveur des coutumes abro
gées, pourraient se faire illusion, au point de ne point
voir
�( I? )
voir une dérogation à l’ordre p u b lic, dans des stipu
lations entre é|50u x , j j u i Je.ndraient à perpétuer l’exis
tence d’une législation abolie. Les dispositions des art.
1389 et 1390 n’ont d’autre but que de prévenir ceux
que leur affection, pour les coutumes_abrpgées, entraî
nerait à eu faire la règle de leur succession, ou de leurs
conventions matrimoniales; qu’il n’ est pas en leur puis
sance de faire dominer leurs préjugés ou leurs habitudes
sur des lois qui sont d’ordre public, et qu’ils ne pourront
pas invoquer, pour faire maintenir de semblables stipu
lations, la faveur que nos lois accordent aux conven
tions matrimoniales.
L e conseil conclut donc, avec une entière confiance,
que les successions sont de droit public ; que s’il est per
mis , dans certains cas, de disposer de tout ou de partie
de ses biens, en faveur de personnes certaines, et selon
des quotités ou des portions d e .k _ succession, que le
testateur a fixées lui-m êm e; il n’appartient qu’à la loi
civile de faire des héritiers ab intestat, et parla même
raison qu’il est hors de la puissance du testateur de
créer un ordre de succéder, autre que celui que la loi
a institué, ou ce qui est la m êm e chose, de prendre,
pour régler l ’ordre de la succession, une des coutumes
abolies.
Ainsi le Conseil regarde comme vrai, comme fon
damental et élémentaire, le principe posé par l ’auteur
du nouveau traité des donations, dont il a été déjà
parlé, 3 .e vol. n .° 525 .
K II est bien permis de disposer à son gré de ses
5
�( i8 )
« biens, d’après la faculté qu’en donne la loi; mais il
* ne l’est pas de créer u n ordre de succéder, autre que
k celui qu’elle établit. Il n’y a pas de différence entre
* la disposition testamentaire, qui porterait que la sucif cession serait réglée suivant les lois d’Angleterre ou
« de Constantinople, et celle par laquelle il serait dit
« que la succession serait déférée djiprès une des anor ciennes coutumes de France. Les juges ne sont pas
« obligés d’étudier toutes ces législations étrangères ou
«■supprimées pour en faire 1 application, et c’est le cas
« d ’invoquer non-seulement l’art. 3 du code Napoléon,
« où il est dit, les immeubles, meme ceux possédés par
« des étrangers, sont régis par les lois françaises j mais
« encore 1 art. 6 ainsi conçu : On ne peut pas déroger
« par des conventions particulières a u x lois qui intéir ressent l’ ordre public et les bonnes mœurs. L ’ordre
K
«
cr
«
4t
de succéder est sans contredit de droit public, et l’on
a toujours appliqué à ce cas la règle consignée dans
la loi 38 , ff. de pact. dont l’art. 6 du code est l’expression , ju s publicum privatorum pactis m utari non
potest •».
C ’est avec raison que l ’auteur a invoqué, à l ’appui
de son o p in io n , la disposition de l’art. 7 de la loi du
3o ventôse an 12 , et les art. 1389 et 1390 du code
N a p o léo n , ces derniers articles sont autant de consé
quences, appliquées par formes d’exemples, du prin
cipe qui était nécessairement le résultat de l’ensemble
de la législation.
Il n’est pas inutile de reprendre successivement cha-
�( *9 )
cune des objections par lesquelles les auteurs de la
première consultation ont cru combattre victorieuse
ment le principe. Ils le font en répondant aux expres
sions dans lesquelles l’auteur, qu’ils ont cherché à réfu
ter, a expliqué son opinion, et quoique ces objections
soient présentées avec le ton d’une grande confiance,
on ne craint pas de dire qu’elles ne laissent pas d’être
autant d’erreurs.
« S’il est permis de disposer à son gre de ses biens
«■(disent les auteurs de cette consultation), ce ne peut
" être que pour changer l’ordre de succéder établi par
« la loi ».
Lorsque la loi permet à la personne , ’ qui n’a ni
ascendans ni descendans, de disposer à son gré de ses
b ie n s, bien loin que cette faculté ait pour objet de
changer 1 ordre de succéder, son effet est au contraire
de faire cesser cet ordre.
C est une erreur manifeste que d’assimiler les disposi
tions testamentaires a la création d’un ordre desuccéder,
différent de celui que la loi a établi; ces deux idées
sont contradictoires, il ne saurait y avoir disposition
testamentaire, là où on ne voit qu’ un ordre de succéder
d’après une loi abolie.
* Si la loi lui donne cette faculté de disposer à son
* g ré , ce ne peut être que pour faire cesser son empire-».
Sans doute, le tçstaieur à qui la loi permet de dis
poser de tout ou d’ une partie de ses biens, a la faculté
de faire cesser l’empire de la loi, qui établit l ’ordre de
succession entre les héritiers légitimes; mais il ne suit
8
�( 2° )
pas de là qu’il paisse se faire un code à lu i, comme
l ’ont très-bien remarqué les juges de Riom. L a loi qui
lui donne le pouvoir de disposer de ses b ie n s , y met
la condition nécessaire, que la disposition qu’il fera
n ’aura rien de contraire aux lois, ni à l’ordre public;
et il est contraire aux lois, de faire revivre une légis
lation abolie; il est contraire à 1 ordre public de créer
un ordre de succéder, autre que celui de la loi obser
vée lors du décès.
« Si on ne p e u t , en effet, créer en ligne collatérale un
« ordre de succéder, autre que celui que la loi établit,
« il faut retrancher du code, le titre entier des donair tions et des testamens , puisque les 'donations et les
«■testamens n’ont d’autre b u t tque d’intervertir l’ordre
« établi par la loi, pour la transmission des b ien s, et
« y substituer la volonté de l’homme
Les auteurs de la consultation n’ont cessé de con
fondre un donataire ou un légataire avec un héritier
ab intestat ; cependant il existe entre ces deux qualités
autant de différence, qn’i l y en a entre la donation ou
le testament , et un ordre de succéder ab intestat.
XI y a testam en t, lorsque la personne, qui fait la
libéralité, désigne elle-m êm e, par leurs noms, ou par
une indication précise, et sans équivoque, ceux en
faveur de qui elle fait des legs universels ou particu
liers, et qu’elle indique les biens 011 les quotités des
biens, que chacun viendra prendre dans sa succession.
L e testament,, suivant la définition que les juriscon
sultes donnent de cet a c te , est l ’expression exacte de
�( 21 )
la volonté du testateur, sur la distribution de ses bien s,
après sa m ort; testamentum est volantatis nostrœ ju sta
sententia, leg. i , ÿ . qui testament, facer. poss. Il suit
de cette définition du testam ent, que la volonté du
testateur doit être certaine et déterminée, tant à l'égard
des personnes, au profit desquelles il dispose, qu’à l’égard
des biens qui sont l’objet de ses dispositions. C ’est pour
cette raison qu’Ulpien décide , que nul ne peut être
institué héritier dans un testament , s’il n’est désigné
d ’une manière certaine, hœres in stitu i, n isi ut certe
démonstretur nemo potest; leg. g , §. 9, ff* de hered.
instit. et que le mêm e jurisconsulte déclare nulle, l’ins
titution d ’héritier d’une personne incertaine; comme
par e x em p le , si le testateur avait institué héritier, celui
qui se serait rendu le premier à ses funérailles, qidsquis primus a d fu n u s meum venerit hœres esto, et le
m o tif que le jurisconsulte donne de cette décision, est,
que la volonté du testateur doit être certaine, quoniam
certuni consiliutn debet esse testcintis. UIpian. fragm en.
tit. 22 y §. 4,* on sent que ces règles, établies pour la
désignation des héritiers, s’appliquent aux légataires,
par identité de raison. Ainsi, il n’y a pas de tesfamment dans un acte où on ne voit pas la désignation
certaine des personnes qui sont l’objet des libéralités
du testateur, et l ’indication précise de ce que chacune
d elles est appelée à recueillir dans la succession.
Il y a ordre de succéder, toutes lès fois que le testa
teur ne faisant aucune distribution particulière de ses
bien s, se réfère pour cette distribuiion, à des règles
�( 22 )
établies, ou par une coutum e, 011 par des statuts par
ticuliers. Car qu’est-ce que créer un ordre de succé
d e r a i ce n’est établir des règles générales, suivant les
quelles les parens, à tel ou tel degré du défunt, el d’après
tel ou tel mode de représentation,partageront entr’eux la
succession? Les lois qui règlent les successions a b inte stat
ont-elles un autre b u t?
Autre cliose est donc de faire une donation ou un
t e s t a m e n t , et autre chose est de créer en ligne colla
térale un ordre de su ccéd er, différent de celui que
la loi établit.
Quoique les donations et les testamens n’aient d’autre
objet que d’intervertir 1 ordre établi par la loi, pour la
transm ission des b ien s, on ne p e u t , ni par d o n a t i o n ,
ni par testament, créer un ordre particulier de succé
d e r , et il n’y a en cela rien de contradictoire; car
créer un ordre particulier de succession, suivant une
coutume ancienne, ce n’est pas substituer la volonté
de l’homme établie par la loi, pour la transmission des
biens, c ’est substituer une loi à une autre loi; c’est subs
tituer un ordre de succéder établi par une coutume
abolie, à l ’ordre de succéder institué par la loi nou
velle.
Ce que les auteurs de la première consultation ont
dit, page 19, contre l’application au lestamenl de ma
dame de C h azerat, des articles 1389 et 1390 du code
N apoléon, n’est pas mieux fondé, et leurs raisonnemens sont tellement faibles qu’on pourrait p eu t-ê tre
se dispenser de les réfuter.
�( 23 )
Il est dit d ’abord dans l’article 1389, que les époux
« ne peuvent faire aucune convention, ni renoncia«■tion, dont l’objet serait de changer l’ordre légal des
« successions, soit par rapport à leurs enfans entr’eux ■
>
■
.
L e législateur pouvait-il dire plus clairement qu'on
ne pourrait substituer un ordre de succéder émané de
toute loi quelconque qui était abolie, a celui qui est
établi par la loi actuelle? Et si le législateur a montré
cette sévérité, à l ’égard des contrats de m ariage, qui
sont les actes les plus favorables dans la société, n ’estce pas raisonner avec sûreté que de dire que cette même
sévérité s’appliqu e, à plus forte raison, au testament
qui est un acte pure/nent de droit civil, et qui doit être
jugé avec une rigueur toute particulière?
L e législateur ajoute ensuite dans le même article ,
« sans préjudice des donations entre-vifs ou testamen» taires qui pourront avoir lieu selon les formes , et
« dans les cas déterminés par le présent code ».
Par ces dernières expressions, le législateur fixe la
ligne de démarcation que les auteurs de la consulta
tion s efforcent de faire perdre de v u e , entre une dis
position q u i, en se référant ¿i une loi ancienne, crée
un ordre de succéder aboli comme celte loi, et une
disposition qui constitue un don direct et précis de la
part d’un testateur, une libéralité qui est l’eflet de sa
volonté bien déterminée. 11 n’y a de disposition tes
tamentaire que dans le second cas, il n’y en a point
dans le premier. C ’est alors la loi abolie qui défère les
biens, et non le testateur. Celui-ci a bien voulu oï don-
�( H )
ner cetle déférence prescrite par la loi abolie. Mais il a
voulu ce qu’il ne pouvait p a s , et il n’a pas voulu ce
qu’il pouvait; et c ’est le cas d’appliquer cette maxime
vulgaire, souvent citée au palais, volait quod non potu it, et quod p o tu it, non voluit.
S i , relativement aux dispositions pour lesquelles
madame de Chazerat s’en réfère sous un rapport gén é
ral, à la coutume d’A u vergn e, il faut opérer com me
si madame de Cliazerat fût décédée, sans avoir testé,
sous l’empire de la coutume d ’Auvergne ; quelle diffé
rence peut-on faire entre ce cas et celui de l’exécu
tion de ses dispositions? On n’apperçoit, en cette partie,
aucunes traces de la volonté personnelle de madame de
Chazerat ; mais pourquoi? c’est parce que dans la réa
lité , cette volonté personnelle n’existe pas. Elle n ’a eu
d’autre volonté que de donner vigueur à une loi éteinte,
et qu’il ne lui était pas permis de faire revivre. T oute
volonté personnelle à madame de C h a ze ra t, sur la
distribution de ses biens, à titre de legs, qui seule au
rait pu être la marque caractéristique d’un testament,
cette volonté , disons-nous, disparaît et so fond dans
la volonté de la coutume d’Auvergne ; elle est une
avec cette volonté. C ’est tester sans avoir testé, que
de ne pas connaître ceux qui doivent venir à la suc
cession; o r , on est autorise a croire que madame de
Chazerat ne connaissait pas ceux qu’elle appelait h lui
succéder ; elle s’en est rapportée, à cet é g a rd , à la
coutume d’Auvergne : dans une pareille position, où
peut-on reconnaître le caractère d’une véritable dona
tion testamentaire ?
Quant
�( 25 )
Quant à l’article 1390 du code N apoléon , il y est
dit: « les époux ne peuvent plus stipuler d’une m a
te nière générale que leur association sera reglée par
'« l’une des coutumes, lois ou statuts locaux qui régis« saient les diverses parties du territoire français , et
'« qui sont abrogés par le présent code ».
Ici on retrouve, et par forme d’exem ple, le même
esprit du législateur, qui s’est déjà manifesté, et dans
l’article 6 du code Napoléon, et dans l’article 7 de la
loi du 3 o ventôse an 12.
Vous pourrez, a dit le législateur aux époux, fixer
à votre gré les conventions qui devront faire la règle
de votre communauté. Mais ces conventions doivent
émaner d’une volonté précise que vous aurez mani
festée; et vous ne pourrez, par une relation générale
à une loi a b o lie , subordonner le règlement de votre
communauté à la disposition de cette loi. Vous vous
réserveriez le pouvoir de faire revivre ce qui est éteint;
et ce pouvoir vous est refusé, parce que l’intérêt général
serait blessé par la confusion de législation qui en serait
le résultat, et que l’intérêt général est supérieur aux
intérêts, et à plus forte raison aux caprices des parti■culiers.
Est-il possible de donner un autre sens à cet article
x 39 o , d’après les motifs de son admission exposés par
M. le président M alleville, dans les observations qu’il
y a faites? «On répondit que, permettre aux époux do
« se référer pour leurs conventions à telle loi ou a telle
*■coutum e, ce serait perpétuer l’existence de ce nom -
7
�(
*6
)
« bre infini de lois et de statuts qui se partageaient la
« F rance, et manquer le but qu’on s’était proposé en
a- promulganl le code civil; que les parties pout raient
« en détail modeler leurs conventions sur telles lois ou,
a coutumes qu ellesju g era ien t à propos ; qu’il y aurait
*• même un autre inconvénient à permettre cette re« lation générale à une coutume. C ’est qu'il pourrait
« arriver que ses dispositions ne pussent plus s'exécuter».
Mais si telle a été la pensée du législateur, par rap
port aux é p o u x , le législateur n a-t-il pas eu la même
pensée respectivement aux testateurs? ne leur a-t il
pas dit: disposez a votre gré de vos biens; donnez une
quotité à un tel, un corps de biens à un autre, une
somme à un autre., etc.; qu’il y ait de votre part une
volonté connue et fixe sur vos libéralités, et sous le
rapport de la fixation des dons, et sous le rapport des
individus qui doivent les recueillir. M odelez m ê m e , si
vous vo u lez, vos dispositions sur telle loi ou sur telles
coutumes que vous aviserez , et que vous aurez dans
la pensée; mais expliquez vous-même vos dispositions
sur ce plan qui peut être le vôtre , mais qui ne peut
jamais être celui des juges. Détaillez vos dispositions,
mettez-les à découvert; ayez une volonté propre, per
sonnelle; appropriez-vous le plan sur lequel vous dis
poserez, dessinez-le avec des lignes qui partent de votre
main; mais si vous abandonnez simplement votre v o
lonté d’une manière générale, à celle d’une loi abolie,
alors vous ne faites pas de dispositions, vous manifes
tez seulement le vœu de remettre en vigueur cette loi
�( n )
abolie; alors vous sortez du pouvoir que la loi vous
confère; vous mettez vainement en opposition la loi
éteinte et la loi vivante.
On sent aisément les inconvéniens graves qui résul
teraient de la liberté qui serait accordée a chaque F ran
çais de remettre en v ig u e u r, par des dispositions tes
tamentaires, la loi ou l ’ancienne coutume sous laquelle
il aurait vécu ; ce serait admettre le concours de légis
lations diverses dans le même empire; ce serait intro
duire un vrai désordre dans la société ; les contesta
tions jenaîtraient en foule au lieu de diminuer, et le
résultat le plus certain de cette confusion, serait le m é
pris pour la législation actuelle qu’on ne saurait envi
ronner de trop de respect. C ’est cette liberté contre
laquelle le législateur s'est é le vé, et une sage politique
lui en imposait le devoir.
E n fin , dans la vue d’écarter .l’application de l ’art. 7
de la loi du 3 o çentôse an 1 2 , qui abolit toutes les an
ciennes lois et coutum es, les auteurs de la première
consultation s’expliquent ainsi:
« Mais en prononçant que les lois romaines , les
a ordonnances et les coutumes cessent d’avoir force de
* l o i , on a si peu entendu proscrire la citation des anK ciennes lois, et frapper d ’anatliême tousles actes dans
^ « lesquels on a pu les rappeler, ou même, si 1 on veut
« les prendre pour règles de ses dispositions ou de ses
« conventions dans ce qui n ’est pas formellement pro“ llibé par le code , que le droit ro m ain est encore
« 1 objet principal des cours de législation; que le gou-
8
�( 2 8 }
« vernerhent a établis pour ren seign er, des écoles pu-« bliques dans toutes les parties de l’Empire, et que
a nul ne peut avoir entrée au barreau, ou être admis
« à une place de magistrature, qu’autant qu’il est muni
« de diplômes aulhentiques qui constatent qu’il en a
a- fait une longue étud e, et qu’il y a acquis de vastes
« connaissances».
L a réponse à ces raisonnemens nJest pas embarras
sante. Ce ne sont pas les actes dans lesquels on se serait
borné à citer ou à rappeler les anciennes lois, qu’on a
dit être entachés d’un vice principal qui en entamait
la nullité, mais bien ceux par lesquels on ferait renaître
une distinction défendue sur l’origine et la nature des
biens, ou q u i, ayant pour objet de faire revivre une
coutume abolie, ne présenteraient, dans leur résultat,
aucune disposition sur les personnes ou sur les biens,
personnellement indiquée par le testateur.
L e législateur a pu vouloir l’enseignement du droit
rom ain, parce qu’il est reconnu pour être l’origine
le plus sûr fondement de toute législation civile, et
que pris comme raison é c rite , il peut donner matière à
une extension de décisions sur des cas omis, et cepen
dant il n’est personne qui ne sente qu’il ne peut plus
être rigoureusement suivi comme loi.
Aussi r e m a rq u e -t-o n q u e,si les auteurs de la pre
mière consultation ont nié le principe, qu’ on ne peut
c ré e r, par un testament, un ordre de succéder autre
que celui établi par la loi en vigueur lors du décès,
-parce qu’ils n’ont pas cru pouvoir échapper aux con-
�( 29 )
séquences qui en découlaient contre leur décision, dans
la seconde consultation, on a reconnu la vérité du prin
cipe en même tems qu’on a cherché a en montrer le
défaut d’application à l’espèce.
Q’gsl; dans cette vue .que les auteurs de la seconde
consultation font observer que le. tribunal de Riom a
confondu la disposition de madame de Cliazerat^ avec
celle par laquelle «elle aurait purement et simplement
« subordonné sa succession à la coutume d’A u v erg n e ,
«■et elle aurait laissé aux dispositions de celte coutume
« à lui donner des héritiers ; par exemple , si madame
« de Chazerat eût dit qu’elle entendait que sa succes« sion fût gouvernée par cette coutum e, alorselle n eut
« par là désigné, aucun héritier ni légataire. Elle n’eût
« fuit par elle-même aucune disposition de ses biens;
« elle aurait attribué à cette coutum e, non-seulement
« la répartition, mais la disposition ; elle aurait établi
«■pour sa succession db intestat un autre ordre que
« celui déterminé par la loi; c’est en ce cas, tout au
* p lu s, qu’on pourrait dire q u e lle aurait violé la loi
* des successions en prétendant introduire un autre
* ordre de succéder que celui établi par elle-« (Seconde
« consultation, pag. i 3.).
Ainsi, on voit les auteurs de la seconde consultation 3
obligés de reconnaître la vérité du principe de droit,
que nul ne peut créer un ordre de succéder autre que
celui établi par la loi en vigueur lors du décès. A la
vérité, ils réunissent tous leurs efforts pour écarter les
conséquences qui en résultent dans l’esp è ce , en pré-
�T
( 3 0 ).
lendanf que madame de Chazerat n’a pas voulu in
troduire un ordl-é de succéder autre que celui établi
par le code Napoléon; mais outre que le contraire sera
démontré jusqu’à l'évidence dans le paragraphe sui
vant, il suffit, pour le m om ent, de tenir pour certain
que les auteurs de la seconde consultation, qui ont
déclaré partager l’opinion émise dans la première, ad
mettent formellement un principe que les auteurs de
celle-ci réprouvent, et qu’ils qualifient d’abus étranges
des mots et des choses (Consultation de C lerm on t,
pag. 19.).
Quelles peuvent donc être les raisons q u i, sur le
même exposé des faits, et pour en veïiir à une »décision
unique, déterminent les auteurs de la première conèultation à présenter comme faux et erroné un prin
cipe de droit, que les.auteurs de la seconde consulta-*
tion reconnaissent comme vrai et inébranlable : cette
contradiction sur un principe aussi important pour la
décision uniforme des deux consultations de Clermont
et de Paris, n’anhonce-t-elle pas l’erreur de cette dé
cision qu’on cherché à rendre vraisemblable? Et la v é
rité d’une proposition est-elle bien sûrement établie,
quand ceux qui s’efforcent de la démontrer, sont ré
duits à invoquer des principes directement contraires?
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.. . effet un ordre de succéder, autfg quei çelui établi par
La loi en vigueur à l’époque de. son décès ■elle a or
donné la distinctionLde ses biens en propres et en
,
acquêts ; et ses dispositions testamentaires ne peuvent
être exécutées sans fa ire revivre /e mode dé{succéder,
établi par une coutume abolie
sans,Remonter a
une origine de biens que la loi ne permet plus de
rechercher.
• ; -'iir
i;
j
I) Ic.i
, i
jiii-
! >jr
>
Cetl.e proposilion se prouve|cqm plé(em ent, et sans
réplique, par les observations suivantes :
. }
i.° En analysant les dispositions de maçlame de Çhazerat en elles-mêmes;
,2.° E n analysant mêm e les termes dont elle s’est
servie dans son second codicile;
' •
1
3 .° E n énonçant les demandes des héritiers, qui
tendent toutes a un partage de succession, c o n fo rm é
ment à la loi ancienne;'
l
4-° En établissant que, dans le fait comme dans le
droit, il y a , dans les dispositions de madame de Cliazerat, ordre de succession.
Développons ces qualre réflexions qui concourent
•également à la ruine du système formé par les léga
taires universels.
»■>0« dit en premier lieu, qu’en analysant les dispo-
�( 32 )
sifions de madame de Cliazerat en elles-mêmes, on y
trouve la preuve qu’elle a voulu établir un ordre de
succéder autre que celui déterminé par le code N apo
lé o n , et qu’ elle a ordonné une distinction de biens,
interdite par la loi observée tant à l’époque du testa
ment qu’au moment du décès.
Commençons par rapporter le texte de ces disposi
tions : «Quant a la propriété de mes biens, mon in « tention é ta n t, autant qu'il dépend de m oi, de les
«■faire retourner h ceux de mes parens qui descendent
<r des estocs desquels ils me sont parvenus, je donne
«• et lègue tout ce dont il m'est permis de disposer
k suivant la loi du 4 germinal an 8, à tous ceux de
tr de mes parens de la branche de mes aïeul et aïeule
« paternels, et dè celle de mon aïeule maternelle, qui
« seraient1 en ordre de me succéder suivant les réglés
tr
«
«
a
«
«
de la représentation à l'in fin i, telle quelle avait lieu.
dans' la ci-deva n t coutume d ’Auvergne, pour être
partagé , entre les trois branches, au marc la livre
de ce qui m ’est parvenu de chacune desdites branches, et être ensuite subdivisé dans chacune d’elles
suivant les règles de la représentation à l’infini
L a première idée qui domine madame de Chazerat,
est que ses biens retournent, autant qu’il est en sa puis
sance, à
c e u x
de ses parens qui descendent des estocs,
ou lignes desquelles ils lui sont provenus.
Ainsi, la testatrice veut faire revivre, dans le partage
de sa succession, cette antique et fameuse règle du droit
coutumier, qui affectait les biens propres aux parens
de
�¿ 3 3 N)
de la ligne .d’o.ù. ils élâieji^bvçmis .1
materna mater tiis.' t ^ W * < p o u r çlé,t;ernuner la proportion* suivant laquelle clia,qü^,branche
appelée à la succession viéndi’cijreGueillii'JjRÎiie! çle la dis
position', il sera inévitable de F^çQUiir*irl anc ienne Ju
risprudence, et aux> règles qui y iétaieni'suivies., pp.ur
décider si des biens devaient être réputés acquêts, 011
propres parternels ou maternels. Ces règles, il s en faut
bien , n’étaient ni certaines, ni uniformes dans tous les
pays coutumiers; on peut s'en convaincreipar ce qu en
disent de Pvenusson, dans son traité des propres ,-sec
tion 10 , et .Lebrun, des successions, liv. 2, cbap. i. er
sect. i . re
k
•Indépendamment des difficultés générales qui résul
taient de la distinction des biens en propres fit én ac
quêts , la coutume d’Auvérgne avait encore, sur cette
matière , des difficultés qui lui étaient propres. La dis
position de cette coutume est 'iiinsi ^¡ojq^ivgsI : «Audit
<* pays coulumier d 'A uvergne* ÿ a deüx manières d ’hé* ritiers*, l ’ un du côté paternel^.et l’autre du Cylé. m a « ternel, et retournent les biens ¿1 l’estoc dont ils sont
« provenus, tellement que les,;procliûins lignagers, du
,r côté paternel , succèdent ab intestates biens provenus
« dudit estoc, et non les pàrens du côté maternel '.et
« contra.» (Coutum e d’A u vergn e , cliap- 12 > ?ect. 2 ;
art. 4. ).
C h a bro ly sur cet article, observe que la coutume
établit la règle générale desiipaÿscoûtuiniers : Palerna
"paternis, materna ma ternis; niais que celle îegle ne
9
�( *4 )
s’y pratique pas comme dans les autres coulumes. Il
fallait toujours dans la coutume d'Auvergne remonter
à celui qui avait p orté-l’héritage dans la fam ille, et
voir qui lui aurait succédé', si, au lieu d ’avoir des desCeUidans pendant cinq et dix générations, il fût mort
sans postérité; ce qui dérivait de ce principe général,
fondement de l’ordre de la succession des propres en
A u vergn e, qu’on devait diviser et subdiviser à l’infini
les biens de chaque estoc. Toutes les coutumes admet
taient bien une première division entre les parens pa
ternels et les parens maternels, suivant la maxime gé n é
rale : Palerna paierais, materna materais; mais non
pas ces sous-divisions à 1 infini, qui constituaient l’es
prit de la coutum e d ’Auvergne dans cette matière: il
y avait fictivement autant de successions que le défunt
avait laissé de lignagers de toutes les familles qui
avaient pris alliance avec la sienne, et qui y avaient
apporté les biens qu’il laissait. Chacun reprenait, par
représentation , les biens venus de son côté^ comme
s’ils avaient appartenu , en dernier l ie u , à celui qui
les avait portés le premier dans cette famille, et qu’il
fû t question toujours de lui succéder immédiatement.
Mais com me dans cette multiplicité de branches ,
il n’était guère possible qu’il ne s’en trouvât quelqu’une
d’éteinte, ou par une défaillance effective, ou par L’im
possibilité de fournir des preuves d’une parenté qui
remontait trop loin, il se présentait souvent la question
de savoir quelle était la ligne qui succédait, en cas de
défaillance, de celle où les biens étaient provenus, si
�( 35 )
c’était la plus proche du défunt, au tems qu’il était
décédé, ou s’il fallait remonter plus haut.
Cette question importante ne trouvait pas sa solution
précise dans la coutum e, et on était réduit à s en ré
férer sur ce point «Via jurisprudence des arrêts. Chabrol,
sur l’article ci-dessus cité,rapporte trois arrêts célèbres,
rendus dans des espèces où des difficultés de cette ria
ture avaient été agitées ; ce sont les arrêts des R e n a u d ,
des Lescalopier et des Postoly. Ce n est pas tout . la
distinction des biens auxquels les collatéraux paternels
et maternels succédaient, selon les principes d e là cou
tume d’A u vergn e, donnaient lieu à un très-grand nom
bre de questions difficiles, pour la décision desquelles
on n’avait, le plus souvent, d'autre guide qu’une juris
prudence d’arrêts, flottante et obscure. Chabrol pro
pose, sur celte matière, quatorze questions principales
qu'il serait trop long d’énoncer; mais il suffira de re
marquer que les unes ou les autres de ces questions se
présentaient dans presque tous les partages de succession,
et que Chabrol ne les résout qu’en rapportant labo
rieusement des arrêts, ou en interrogeant les disposi
tions des coutumes qui avaient quelque conformité
avec celle d’Auvergne.
D ’après les idées que l’on vient de donner des em
barras inextricables de la législation despayscoutumiers,
en matière de distinction des biens en acquets ou en
propres, on doit reconnaître qu’il était sage d abolir
cette législation, comme le fit la loi du 17 nivose an 2.
L ’article 62 de cette loi porte que «■la loi 11e reconnaît
10
�( 36 )
« aucune'différence dans la nature des biens ou dans
k
leur origine, pour en régler la transmission ». L e
code N apoléon, art. 7 8 2 , renferme une disposition
con forme.
_ Lès expressions du législateur sont remarquables :
« L a loi ne reconnaît aucune différence dans la nature
«• des biens ou dans leur origine»; c’est-à-dire, que la
loi n’admet plus, qu’elle' n’autorise plus aucune diffé
rence' dans la nature des biens ou dans leur origine,
pour en régler la transmission. D evant la l o i , il n’est
plus permis de rappeler la différence dans la nature
des biens; elle ne le souffre plus.
Ainsi , a disparu pOur jamais cette distinction des
biens'qui devait sa première origine à la féodalité, et
qui éta it, pour les familles des pays coutumiers, la
source de mille difficultés interminables, pour la déci
sion desquelles on était liv ré , le plus souvent, à l’arbi
traire des juges, ou aux caprices de la jurisprudence.
Madame de Chazerat se met en opposition avec une
loi que la sagesse et l’intérêt public ont dictée. Elle
réunit tous ses efforts pour qu’une loi aussi utile de
meure sans exécution ; elle ne craint pas de fronder
hautement le précepte de la loi, en ordonnant qu’on
fasse dans la succession la distinction de plusieurs patri
m o in e s ; qu’on fasse une différence de la nature de ces
biens, et dans leur origine; qu’on y distingue, selon
les principes de la coutume d’A uvergn e, les acquêts,
les propres paternels et les propres maternels.
En un m o t, elle établit entre ses biens une diffé-
�( 37 )
rence que n on -seu lem en t la loi ne reconnaît plus,
mais encore qu’elle défend.
L a séparation des patrimoines paternels et mater
nels étant une fois o p é ré e , quelles sont les personnes
que madame de Chazerat appelle a recueillir la portion
de ses biens, dont la loi du 4 germinal an 8 lui laisse la
disposition? Ce sont ceux de ses parens de la bianche
de ses aïeul et aïeule paternels 3 et de celle de son aïeule
maternelle « qui seraient en ordre de lui succeder sui« vant les règles de la représentation à 1 in fin i, telle
«■qu’elle avait lieu dans la ci-devant coutume d A u « vergn e, pour être partagés entre les trois branches,
« au marc-la-livre de ce qui lui est parvenu de chacune
desdites branches, et être ensuite subdivisés dans
« chacune d’elles, suivant les mêmes règles de la re« présentation à l’infini».
E n d’autres term es, madame de Chazerat établit
entre ses parens l’ordre de succéder tel qu’il était pres
crit par la ci-devant coutume d’A uvergn e; elle n ’aura
pas d autres liéritieis que ceux de ses parens qui seraient
en étal de lui succéder, suivant les règles de celle cou,lume ; d’où il suit que relativement aux biens dont la
loi permet à madame de Cliazerat de disposer, el quant
a ceux de ses parens qu’elle appelle a recueillii ces
biens, la coutume d’Auvergne doit conserver tout son
empire , et régler la succession de la même manière
qu’elle l’aurait ré g lé e , si elle fût décédée ab in testa t,
avant 1 abolition de celle co u tu m e , ce-qui est bien
�( 38 )
évidemment établir mi ordre de succéder, suivant les
dispositions d’une coutume abolie.
En second lieu , en anatysant même les termes dont
madame de Chazerat s’est servie dans son second codic i l e , on demeure convaincu que sa volonté était de
partager sa succession entre les héritiers que lui don
nait la ci-devant coutume d’A u vergn e, et selon le modo
que celte coutume établissait.
On ne peut mieux interpréter ou concevoir l’esprit
des dispositions de madame de Chazerat, que par ce
qu’elle dit e l le - m ê m e , par la manière dont elle les
présente.
D ans son second codicile, madame de Chazerat
voulant désigner ceux de ses parens qu’elle a appelés
à recueillir la portion de ses b ien s, dont la loi lui donne
la facullé de disposer, n ’emploie pas d’autres expres
sions que celles de ses héritiers, c’est-à-dire d'héritiers
appel és à la succession par la coutume d’A u v e rg n e , et
non par son testament, autrement elle se serait servie
du terme de ses Légataires universels. Sa pensée n'est
pas équivoque dans le passage suivant de son second
codicile : «secondement, comme il pourrait se faire,
« qu’au moyen des dispositions par moi faites, en faveur
«■de mes parens de 1 estoc de mon aïeul et aïeule pa« ternels , et celui de mon aïeule m aternelle, il ne
« restât pas à quelqu’ un de mes cousins germains de
« l'estoc de mon aïeule maternelle, appelés par la loi
« à ma sucaession, une somme suffisante pour leur
�(
39 )
r subsistance, désirant venir à leur secours, et faire
« partager mes libéralités à ceux qui en auront besoin,
« je veux et entends que si quelques-uns de mes cou« sins ou cousines ne trouvaient pas dans leur portion
« héréditaire, jointe avec ce qu’eux 011 leurs enfans
« auront d’ailleurs, de quoi former un revenu de cent
« francs, tant pour eux que pour chacun de leurs en« fans qui existeront au jour de mon d e ce s, il soit
« distrait annuellement de monlegs universel la somme
« nécessaire pour compléter ledit revenu de cent francs
« h chacun de mes cousins et cousines, et chacun de
« leurs enfans, compris ce qu’eux ou leurs enfans pour« raient avoir d'ailleurs; et ce, pendant la vie de mesdits
« cousins ou cousines et de leurs enfans; h l’égard des
<
*■enfans de cousins germains qui pourraient être ap« pelés, de Leur c h e f, a ma succession, je veux éga<f lement que si Leur portion hereditaire, réunie à leurs
« autres facultés, 11e se porte pas à un revenu de cent
« francs, je veux que la leur soit com plétée aux dépens
« de mon legs universel pendant leur vie
11 est sensible que ces mots, mes héritiers, qu’em
ploie constamment madame de Chazerat, dans son tes
tament et dans son premier codicile, mais s u r - t o u t
dans le second, pour désigner ses légataires universels,
Veulent diie les héritiers du sang, suivant 1 ordre de
succéder prescrit par la coutume d’Auvergne. C etta
idée se confirme encore par ce que dit la testatrice,
dans son second codicile, de ses parens appelés par La
loi a sa succession (cette loi est la ci-devant coutume
�( 40 )
d'A uvergn e, autrement il faudrait convenir que la suc
cession de madame de Chazerat doit être partagée entre
lesliériliérsque lui donne le code Napoléon) de leuf por
tion héréditaire ; ort sent qu’il n’y a de portion hérédi
taire que dans le cas'où on succède ab intestat. Si ma
dame de Chazerat eût entendu parler d’une portion
ou d’une quotité déterminée de ses biens qu’elle d o n
nait, par testament , à ceux de ses parens désignés par
elle individuellement, o u , ce qui est la même chose, si
madàoie de Chazerat eût voulu faire un testamenl ,
elle n ’eût pas'appelé sa libéralité une portion hérédi
taire. Sa volonté de faire revivre la ci-d e v a n t cou
tume d’ A u vergn e, de la donner pour loi de l’ordre de
sa succession entre ses paren s, éclate donc de toutes
parts; et soit qu’on s’attache à la lettre de son testa
ment et de ses codiciles, soit qu’on considère leur es
prit, cette volonté, contraire aux lois et à l’ordre pu
blic, ne peut être équivoque. ' '
'
'
]
En troisième lie u , dans l’énonciation des demandes
des héritiers, et de leur but, tout y comporte un par
tage de succession, conformément à la coutume d’A u
vergne.
Par les conclusions prises par les héritiers devan't
le tribunal civil de llio m , les uns ont demandé acte
de ce qu’ils donnaient les mains au partage de ladite
succession, à faire conformément aux bases déterm i
nées par le testament , et par les codiciles qui l’ont
suivi; en conséquence qu’il fût ordonné, que par trois
experts convenus, ou pris et nommés d’oflice, il serait
procédé
�(4 0
procédé aux.opérations de ce piartage ; qu il serait formé/
par ces experts, la massé générale de la succession a
diviser, à laquelle masse chacune des parties ferait tous
rapports et prélèvemens de droit ; que les mêmes e x
perts seraient chargés de déterminer la nature et la
valeur de,tous les biens meubles et immeubles qu’a
vait reçus la dame de Chazerat des branches de son
aïeul et aïeule paternels, et de son aïeule maiernelle;
« soit que ces biens existent encore en nature dans la
«■succession, soit qu’ils ne s’y trouvent plus; qu ensuite
« il serait fait par les experts , distraction de la masse
« générale de la succession, comme ayant été attribuée
« aux héritiers des trois branches, exclusivement par le
« troisième codicile; que sur les trois quarts de ladite
«■masse, il serait fait distraction de tous les legs parti« culiers, soit en nature, soit en valeur; que sur le sur« plus desdits trois quarts, il serait attribué un sixième
« de ce surplus aux sieurs Farradesche de Gromond et
« Ducoraii, et que le legs de ce sixième et les autres legs
«• particuliers s e ro n t, autant que possible, payés en
*
«
*
”
"
acquêts de La succession; que le reste des trois quarts
f f
serait remis au quart de la masse générale, precedemment distrait, pour le tout former une masse particulière qui serait divisée et subdivisée entre les lien
tiers des trois branches ; c o n f o r m é m e n t aux bases
* fixées dans le testament ; ordonner en conséquence
« qu’il sera attribué a u x héritiers de chaque branche
* tes immeubles provenus de cette branche, et qui s&
» trouveraient en nature dans la succession ,* que pour
11
�C 4^ )
« remplacer les immeubles qui ne se trouveraient plus
if en nature, ou qui auraient été employés en paiement
« des legs particuliers, ilsera attribué a u x héritiers clela
a branche de Laquelle ces immeubles proviennent,.des im«■meubles d ’une valeur éga le , pris parmi les acquêts de la
«, succession ; qu’à l'égard des meubles qu’avait reçus la
« défun te, de chacune des mêmes branches, il en sera
«■payé la valeur a u x héritiers de chaque branche, soit
<r aux dépens des meubles de la succession, soit aux
<
*■dépens des acquêts-immeubles,■qu ensuiteles meubles
*
*
«
«•
«
et les acquêts restans seront divisés entre Les trois
branches d ’héritiers au marc le fr a n c , de la valeur
des biens propres, tant meubles qu’immeubles; qu’après la division générale entre les trois branches d’/zeritiers, il sera fait, d’après les mêmes bases, de la
« même m anière, une subdivision particulière entre
« les héritiers de chaque branche
D ’autres héritiers ont conclu à ce q u e , par experts
convenus, ou nom més d’office , « il fût procédé au par
te tage de La propriété des. biens demeurés du décès de
u ladite dame Rollet, épouse de Chazerat, pour d’iceux
« en être expédié à chacune des parties leur portion
<r- ajjf'érente, conformément auxdits testamens et codi* ciles; qu’à cet effet, lesdits experts seraient tenus de
« distinguer les biens provenans des estocs de M ichel
« R o lle t, François V ig o t, et Gilberte Gros, a ïeu x de
u Ladite défunte dame R o lle t, pour iceux être expédiés
« à chacune des parties, comme représentant Lesdits
« estocs j ordonner pareillement que le surplus des biens
�( 4.3 )
« serait partagé, conformé ment auxdits testament et
« codiciles, au marc le franc, entre les trois branches,
« R o lle t , Vigot et Gros ».
Il résulte clairement de ces demandes et conclusions,
que les parens, appelés à recueillir le legs universel fait
par madame de Chazerat, ont demandé un partage de
succession plutôt que la délivrance d’un legs fixé et dé
terminé ; qu’ils ont senti eux-mêmes que c ’était le cas
d’un partage de succession entre des héritiers du sang,
comme si >la testatrice fût décédée ab Intestat, et sous
l’empire de la coutume d’A u ve rgn e; il ne p.'ut s’éle
ver à cet égard, le moindre doute, lorsque les héritiers
énoncent dans leurs conclusions qu’il y a une masse
générale de la succession ; que les legs particuliers faits
par madame Rollet de Chazerat, doivent ê tre , autant
que possible, payés en acquêts de la succession; qu’ils
demandent qu’il soit attribué aux héritiers de chaque
branche, les immeubles provenus de cette bran ch e,
et qui se trouvaient en nature dans la succession; qu’il
soit procédé au partage de la propriété des biens demeurésdu décèsde la dame R o lle t, épouse de Chazerat;
que les experts soient chargés de déterminer la nature
de tous les biens meubles et immeubles qu’avait reçus
la dame de Chazerat des brandies de son aïeul et aïeule
paternels, et de son aïeule maternelle; c ’e s t - à - d ir e de
faire la distinction des acquêts et des propres, tant pa
ternels que maternels, suivant les estocs ou les lignes
d ou ils étaient1 provenus. Toutes ces demandes ne
peuvent convenir qu’à un partage de succession, selon
12
�( 44 )
l ’ordre de succéder de la c i-d e v a n t coutume d’A u
vergne, et c’est en vain qu’on y chercherait les carac
tères d’une demande en délivrance de legs.
Mais si les juges pouvaient faire droit à de sem
blables demandes, il n’est personne qui ne voie qu'ils
seraient obligés de faire une étude particulière des prin
cipes de l’ancienne coutume d’A uvergne; la distinction
seule des biens, qui n’ est qu’une opération prélimi
naire du partage, serait la matière d’une multitude de
contestations, pour la décision desquelles on n’aurait
d ’autres secours, que des arrêts, et l'opinion des com
mentateurs.
Si les demandes des héritiers de la dame de Chazerat
pouvaient être accueillies, les tribunaux retentiraient
encore pendant trente ans des procès qui s’élèveraient
sur la distinction des biens auxquels les héritiers pa
ternels et maternels succèdent, d ’après les règles de la
coutume d'Auvergne.
Comment concevoir que nos lois nouvelles se prê
tent à de pareils égaremens ? Comment soutenir ,
qu'ayant abrogé formellement toutes les anciennes
coutumes, elles ont cependant donné à un testateur la
puissance dangereuse d’en perpétuer l ’existence par
l ’effet seul de sa volonté? Il est impossible d’admettre
jamais de telles idées.
Après ce que Ton vient d’établir, on pourrait re
trancher la quatrième proposition que l’on a énoncée,
ou regarder cette proposition comme complètement
démontrée. Les réflexions précédentes ont suffisam-
�<
)
ment prouvé q u e , dons le fait comme dans le droit,
il y avait dans le legs universel de madame de C h azerat,
création d’un ordre de succéder ; si on ajoute de nouvelles
réflexions à ce qui a été dit, c e 'n ’est que pour achever
de mettre dans tout son jour la vérité d’une propo
sition qui est le point fondamental de la cause.
Commençons par rappeler les termes de la dispo
sition : « Je*donne et lègu e, etc. à tous ceux de mes
«■paren s, etc. qui seraient en ordre de m e succéder
* suivant les règles de la représentation à 1 in fin i, telle
«r qu’elle avait lieu dans la ci-devant coutume d A u
« vergn e, pour être partagé entre les trois branches,
« etc. et être ensuite subdivisé dans chacune d elles,
« suivant les mêmes règles de la représentation a
« l’infini».
Remarquons que , ni l’ordre de vocation entre les
h éritiers, ni la quotité qui est attribuée à chacun
d ’e u x , ne sont réglés par la testatrice. M adam e de
Chazerat ne sait pas quels seront ceux de ses parens
qui lui succéderont, et la portion de sa succession
qu’ils seront appelés à recueillir in d iv id u e lle m e n t ,
pour fixer l’ordre de ses héritiers entr’e u x , e t les droits
de chacun dans sa succession ; il faudra nécessaire
ment en venir à fixer les principes de la re p ré s e n ta tio n ,
selon la ci-devant coutume d ’A u v e rg n e . Ce sera cette
coutume et sa jurisprudence, en matière de représen
t a t i o n , en ligne collatérale, qui régleront 1 ordre de
succéder entre les héritiers; ce sera la ci-devant coutume
d Auvergne qui déterminera les droits des héritiers, qui
�( 46 )
fixera lu pari q u ’ils devront prendre dans la succes
sion; en un m ot, ce sera la coutum e d'A uvergne qui
fera les héritiers de madame de Chazerat.
Suivant l’article 9, chap. 12 de la ci-devant coutume
d ’Auvergne : «-Représentation a lieu, tant en droite ligne
«■que collatérale, usque in ¿rifinitum, audit pays coutumierj>.
Voilà la règle que madame de Chazerat adopte pour
déterminer l'ordre de vocation de ses héritiers; elle veut
que ses biens soient subdivisés entre ses héritiers, sui
vant les règles de la représentation à l’infini.
if
, Mais en matière de représentation,la coutume d’A u
vergne avait encore sa jurisprudence particulière; par
exem ple, il s’y agissait souvent de savoir si , lorsque
différens héritiers sont au m êm e d egré, et qu’ils n’ont
pas besoin de la représentation pour se rapprocher du
d éfu n t} ils doivent succéder par t ê t e , et par égale porlio n , ou par souches; d ’autres fois, il était question de
décider si l’un des cohéritiers venant à renoncer, son
fils ou son petit-fils, par représentation ou autrement,
pourrait venir à la succession. Ces difficultés et plusieurs
autres, dont on peut voir les détails dans Chabrol, sur
l’article 9 , cliap. 12 de la coutum e, se reproduisent
nécessairement dans le partage de la succession de m a
dame de C h azerat, et les juges se verraient contraints
à en chercher la solution dans la jurisprudence incer
taine d’une coutume abolie.
Si le partage demandé par les héritiers de madame
de C h azerat, pouvait être autorisé, il faudrait donc
�G 47 )
qu’on vît la Cour de cassation réduite à examiner si
•un jugement ou un arrêt aurait ou non violé les prin
cipes, o u , pour m ieux d ire, la jurisprudence admise
dans la coutume d’Auvergne.
E n fin , il y a vraisemblablement des héritiers de m a
dame de Chazerat, q u i, parce qu’ils descendent de filles
forcloses, aux termes de la coutume d’A u v e r g n e , pour
raient être exclus; la dame de Chazerat ne s’est point
expliquée à cet égard : elle s’est entièrement référée à
la coutume d’Auvergne ; en sorte qu’on aurait encore
à agiter des questions relatives à l’ancienne forclusion.
Ce serait inutilement que le législateur aurait mani
festé, de la manière la plus expresse, sa volonté d’abolir
les anciennes coutumes et leur jurisprudence incohé
rente. L e pouvoir d’un testateur qui n’aurait ni descendans, ni ascendans, s’élèverait au-dessus de la loi ; et
plus puissant q u e lle , il ferait rentrer la législation
civile dans le cahos et dans l’arbitraire dont elle a été
si heureusement tiree. On ne pense pas qu’un aussi
étrange système soit jamais accueilli par les tribunaux,
à qui la conservation des lois est confiée.
On a cru pouvoir justifier madame de Chazerat du
juste reproche d’avoir pris pour règle de vocation de
ses héritiers, ou pour l’ordre de sa succession, le mode
de représentation à l’infini, établi par la ci-devant cou
tume d’A u v e r g n e , en faisant observer qu’elle écrivait
son testament sous l’empire de la loi du 17 nivôse
an
qui admettait la représentation à l’infini (art. 82
et qu’il n’y a aucune différence assignable entre les divi-
�( 43 )
sioas et subdivisions à faire, conformément à la repré
sentation à l’infini, telle qu’elle avait lieu dans la cidevant coutume d’A u v e rg n e , et celles qui étaient or
données suivant le mode de représentation, introduit
par l’article 82 de la loi du 17 nivose.
« D e sorte que ces expressions de la ci-devant cou<r tume d’ Auvergne, ou de la loi du 17 nivôse, étaient
« absolument synonimes » ( i . re consultation, pag. ib .).
Cette objection est facile à détruire en peu de mots.
P re m iè re m e n t, on a démontré qu il est de principe in
contestable que le mode d une disposition ne peut etrçî
régi que par la loi en vigueur à l’époque du décès du tes
tateur; que si la confection du testament, c ’est-à-dire, la
formalité extérieure de l’a c t e , n ’est soumise à d’autres
règles qu’à celles en usage lors du testament, le mode
de disposer est essentiellement gouverné par la loi
existante lors du décès ; ainsi c ’est au code Napoléon
que la disposition de madame de Chazerat doit être
conform e, et non à la loi du 17 nivôse an 2.
Secondement, il n’est pas exact de dire que le mode
de représentation, ordonné par madame de Chazerat,
est le mêm e que celui qui était établi par la loi du
17 nivôse an 2 ; cette lo i, dans toutes les lignes, et
dans toutes les branches, établit la représentation sous
le rapport de la proxim ité du sa n g ; au contraire, la
coutume d’Auvergne , attachait la représentation h
l ’origine, et à la nature des biens ; ce mode de repré
sentation tirait son origine du régime féodal : il fallait,
pour être admis à la représentation, suivant les prin
cipes
�( (.49 - ) ,
cipes de celle coutume j avoir,pour auteur celui duquel
les biens provenaient.
:ui;
Ce système de représentation jusqu a l infini, en ligne
collatérale, est une source de difficultés, en faisant
m êm e abstraction de celles qui résultent de la dis
tinction des biens pour les afïecter ensuilô a chaque
ligne.
On connaît la c élèb re question qui s’était élevée sur
le véritable sens de l’art. 7 de la loi du 17 nivôse an 2 ,
et qui consistait à savoir si les descendans des ascendans
les plus proches devaient exclure ceux des ascendans
les plus éloignés dans chaque ligne paternelle ou mater
nelle ; ou bien si on devait admettre les descendans
des ascendans plus éloignés à concourir avec ceux des
ascendans les plus proches dans chacune de ces deux
lignes.
Cette question, connue dans la, jurisprudence sous le
nom de question de refente, avait divisé les juriscon
sultes, les .tribunaux et les législateurs e u x - m ê m e s j
elle fut, en l a n 6 , l’objet d’un référé du tribu n al de
cassation au corps législatif, sür lequel il fut statué par un
décret d’ordre du jour, du 8 nivôse an 7. Et la jurispru
dence , plusieurs années va cillan te, ne fut fixée que
par un arrêt de la Cour ¡de cassai ion, du 12 brumaire
ûn 9. Ce seul exemple fait voir la sagesse du code Na-r
poléon, qui a abrogé la représentation h 1 infini en ligne
collatérale.
'
•>De tout ce qui vient d’être dit,dansce second para-*
graphe, il résulte cette conséquence q u i, pour la déi3
�( 5° )
cision de la question soumise au conseil, est de la plus
liaule importance, que madame de Chazerat, en ce qui
concerne les dispositions de son testament, qui sont at
taquées par voie de nullité, n’a point fait, à propre
ment parler, de dispositions testamentaires; elle n’a
point légué à des particuliers indiqués et nom més, à
tels ou tels connus même par elle, telle som m e, tel
objet particulier, telle portion ou quotité de ses biens;
elle a simplement voulu une distribution réglée par la
coutume d'A uvergne : ce n est point elle qui don n e,
c ’est la coutume.
Pour q u e les vérités que l’on a déjà établies restent
dans toute leur force , et pour qu’elles ne puissent être
susceptibles d'aucun d o u t e , il ne s’agit plus que de
réfuter quelques objections auxquelles ont n ’a pas en
core répondu, et qu’on va extraire des deux consulta
tions délibérées pour les légataires universels.
PREMIÈRE
OBJECTION.
M adam e de Chazerat n’ayant ni ascendans, ni descendans, le code Nap. lui donnait la faculté de disposer
de la totalité de ses biens ( i . re consultation, pag. 5 ) ,
* soit sous le titre de l’institution, soit sous le titre de
<r le g s , soit sous toute autre dénomination propre à
« manifester sa vo lo n té * ( i . re consultation, pag. 8).
Elle n’avait à observer dans la répartition de ses biens
aucun ordre qui fut du domaine public; «elle avait
*■l’entière disposition de sa fortune. Il n 'y avait point
�( 5i )
« de barrière pour elle.... la lo i'n e'lu i en avait imposé
a d’aucune espèce (2.e consultation , pag. 3 ). Il n existe
« aucun article du code qui règle la manière dont un
« testateur, qui donne ce que la loi lui permet de
« donner à qui b on lui semble, le repartiia entre ses
a légataires, parens ou étrangers, qui determine, par
« exem ple, comme il divisera son bien dans les diffe« rentes lignes de la parenté, s il veut donner a des
« parens de diverses lignes (2.e consultation, pag. 5 ).
« L a coutume d’Auvergne n a pas été le guide de
«■madame de Chazerat; et pour le choix de ses héri« tiers, elle n’a cherché d’autre loi que sa volonté
« ( i . re consultation, pag. 14)? lorsqu’elle a pris pour
« règle de la répartition de ses b ie n s, la représentation
« telle qu’elle était établie p arla coutume d’A u vergn e;
«■cette coutume ne prend pas pour cela aucune force
« de loi :1a disposition reçoit toute son autorité d e là
« volonté de madame de C h a ze r a t, et du code qui
« laissait cette volonté entièrement libre (2 .e consul«■tation, pag. 9) ».
•
RÉPONSE.
O u i, sans doute, il y a une volonté, mais ce n est
pas la volonté que la loi permet d’émettre : on paile
de volonté permise à la testatrice ; voila précisément
ce qui est en question. On remarque, toujours deux
points essentiels dans la disposition de madame de Cha
zerat : qu elle ne donne' point personnellement ^mais
�( 52 )
qu’elle veut qu’ on distribue ce que la coutume d’A u
vergne déférait à titre de succession ; qu’elle ne désigne
pas personnellement l’ordre de vocation de ses héritiers
entr’eux , mais qu’elle veut qu’on règle leurs droits à
sa succession , d’après l’ordre établi par la coutume
elle-même. L ’on est sans cesse ramené au point de
savoir si une pareille volonté est admissible d’après la
loi. A in si, tout ce qui est dit dans les deux consultations
sur cette volonté, ne tranche point la difficulté, et ne
tend qu’à résoudre la difficulté par la difficulté même.
M adam e de Chazerat était libre de disposer de la
totalité de ses biens, sous toute dénomination propre à
manifester sa volonté : on le veut; mais cette volonté,
pour qu’elle pût être observée, ne devait rien contenir
de contraire aux lois ni à l ’ordre public.
L a loi de qui la testatrice tenait le pouvoir de faire
un testament, y avait mis cette condition nécessaire;
elle y avait mis, pour condition nécessaire, de ne pas
faire revivre une distinction de patrimoine qu’elle avait
proscrite : elle y avait mis, pour condition nécessaire,
de ne pas perpétuer l’existence d’une coutume abolie,
en rappelant un ordre de succéder qui ne devait plus
être toléré; elle y avait m is, pour condition nécessaire,
de ne pas apporter d obstacle a l’uniformité de la légis
lation, dont l’avantage inappréciable était depuis si
long-lems réclamé pour l'intérêt de tous.
Comment a-t-o n pu dire que la coutume d ’A u v e r
gne n ’a pas été le guide de madame de Chazerat? lors
que c’est cette coutume et sa jurisprudence qui doivent
�( 53 )
être suivies pour la distinction des biens propres et ac
quêts paternels et maternels j lorsque c est d après les
règles établies par la coutum e, que les héritiers seront
appelés à la succession, et que l’ordre de succéder sera
formé.
D ’ailleurs, ce serait abuser d u n e manière bien
étrange de ces termes de 1 art. 967 du code Napo^
lé o n , «soit sous le titre d institution d héritiers, soit
«• sous le titre de legs, soit sous-toute autre dénomma-'
«■tion propre ii manifester sa volonté
, que d en tirer
la conséquence absolue, que madame de Chazeiat a
pu au fond disposer sous tel mode que bon lui a semblé.
Personne n ’ignore q u e , par les expressions que I011
■vient de rapporter, le législateur a seulement voulu
faire cesser les différentes acceptions attachées dans 1 an
cienne jurisprudence, aux mots leg s 3 institution d 'h é
ritiers, donation à cause de m ort} et qu’il a entendu
écarter à jamais les conséquences qui en résultaient. H
ne s’agit , dans' cet article , que de la dénomination
donnée à la disposition, et non du mode de la v o lo n t é ,
ce qui est bien différent.
On a vainement o b je c té , dans la seconde consulta
tion, que la coutume ne reprenait pas pour cela foice
de loi ; que la disposition recevait toute son autorité
de la volonté de madame de Chazerat, et du code qui
laissait cette volonté entièrement libre.
Cette volonté de madame de Chazerat, ayant tou
jours 1 effet de remettre en vigueur une coutume cibrog é e , puisque la vérité force de c o n v e n ii, (Lins la se—-
�( 54 )
conde consultation (pag. 6 ) , quo madame de Cliazerat
«• a indiqué l'ancienne coutume , comme étant celle
«• qu’elle entendait donner pour règle à ses légataires ».
11 faut encore en revenir au point de savoir si madame
de Cliazerat a pu donner pour règle du partage entre
' ses héritiers ou légataires, l'ancienne coutume d’A u
vergne.
Mais c'est là un paradoxe qu’il n’est pas permis
d’avancer sérieusement, autrement il faut accorder aussi
qu’un testateur a la faculté, sans faire aucune disposi
tion personnelle de ses biens , d en ordonner simple
ment la distribution entre ceux qui devraient lui suc
céder, suivant telle ancienne coutum e, ou tel ancien
statut qui seraient abolis, ou selon les lois d’Angleterre,
ou de Constantinople ; ou , en d’autres term es, que l’on
peut créer un ordre de succéder autre que celui établi
par la loi; ce qui serait renverser les maximes les plus,
sures de la jurisprudence.
Faut-il le redire? c’est une erreur de prétendre que
la volonté de la testatrice était entièrement libre, qu’elle
n’avait aucune limite; elle avait pour limite les lois
d’ordre public auxquelles il était défendu à la testaIrice de porter atteinte; elle a exprimé sa volonté, il
est vrai, mais quel secours peut-on tirer d’une volonté
contraire aux lois?
C ’est donc inutilement qu’on a invoqué dans les deux
consultations, la volonté de la testatrice; on ne voit là
que des efforts iinpuissans, de la part de leurs auteurs,
pour se dérober à l’évidence qui les poursuit.
�( 55 )
SECONDE OBJECTION.
a L a seconde objection consiste à dire que la cou« tume d’Auvergne n’est rappelée dans le testament de
« madame de C h a ze ra t, que comme une indication
« surabondante ( i.ere consultation, page 1 4 ) ; pour dé« monstration plus ample de la volonté de la testatrice,
« qui aurait pu écrire dans son testament tout ce que
« la coutume diposait sur ce p o in t, et qui s’en est dis« pen sée, en déclarant qu’elle voulait faire comme
« faisait autrefois la coutume d’A uvergn e; ce qui est
« la mêm e chose que si elle en eût couché les dispo«• sitions dans ce testament ( 2.e consultation, p. 8.)».
RÉ P ONS E .
Il n y a dans cette seconde objection que sophisme
_et confusion d’idées.
Il faut bien distinguer la simple désignation d’une
coutum e, dont les dispositions auraient servi de m o
tifs et de base au règlement des libéralités contenues
dans le testament, lesquelles libéralités néanmoins se
raient explicitement et positivement développées avec
indication explicative des objets légués, et des indivi
dus appelés à les recueillir; d’ une disposition testamen
taire , par laquelle la testatrice appelle seulem ent, et
d une manière confuse , ceux qui lui auraient du suc
céd er, suivant une coutume abolie; d’une disposition
�( 136 )
par laquelle la testatrice veut faire revivre une origine
de biens, heureusement abolie par la loi actuelle; d’une
disposition dont le résultat est que des juges étudient,
et appliquent une jurisprudence de représentation rela
tive h celle coutum e; dans ce dernier cas, il n’y a pas
de volonté personnelle de la part du testateur ; il ne
reste que la volonté ou l’empire d’ une coutume abolie.
Ce n’est pas tout ; dans ce dernier cas en core, les juges
seraien t obligés de faire eux-m êm es, ou de faire faire
par des experts ce que la loi défend; c e s t-à - d ir e , de
distinguer une origine de biens,proscrite , et p a rla loi
du testament, et par la loi du décès.
M a is réplique-t-on, madame de Chazerat aurait pu
écrire dans son testament tout ce que la coutume dis
posait sur ce point,*et sa disposition aurait été valable.
Sans doute, la loi donnait à madame de Chazerat
la faculté de disposer elle -m ê m e de ses biens, entre
ses parens, dans l’ordre qu’elle aurait voulu adopter.
Sans doute que si elle eût fait elle-même le partage
de ses biens, entre tous ses parens , tel que la coutume
d’Auvergne l’aurait fait, en les appelant tous, non en
- Jermes généraux et en masse, mais individuellement,
'et en assignant nommément à chacun les biens ou la
quotité des biens qu’elle donnait, une semblable dis
position n’aurait pas été nulle, quoique par le fait là
testatrice eût réglé la distribution de ses biens, sur le
mode de succéder établi par une coutume abolie.
On va plus loin , et on accorde que madame de
Chazerat, après avoir fait elle-même la distribution des
biens
�( 57 0
biens paternels et maternels, qui lui étaient provenus
de chaque estoc, aurait été libre d appeler les parens
de chaque branche à les recueillir entr’eux, suivant les
règles de la (représentation a 1 infini, et a les partager
d'après un mode dont elle aurait pris les réglés dans
les dispositions de la ci-d e v a n t coutume d Auvergne.
Dans l’un et l’autre de ces deux cas, la disposition
deuPiadame de Chazerat aurait pu avoir son effet ;
car dans le p r e m ie r, il n’y aurait pas eu de partage
à faire selon les principes d’une coutume abrogee ;
chaque héritier trouvant dans le testament la désigna
tion des biens, ou de la quotité des biens qui lui étaient
assignés, la coutume d’Auvergne n’aurait pas repris son
empire.
Dans le second, madame de Chazerat ayant fait ellemême la distinction de ses biens paternels et maternels,
on n’eût pas été dans la nécessité, pour faire cette dis
tinction, de recourir à la grande règle du droit coutum ie r , paterna paierais , ' materna maternis , et aux
règles particulières qui étaientisuivies dans la coutume
d ’Auvergne.
L a disposition de madame de Chazerat n’eût pas été
eu opposition avec cette grande règle du code Napo
léon, et de la loi du 17 nivôse an 2 , suivant laquelle
a la loi ne considère ni la nature, ni 1 origine des
« biens pour en régler la succession (code Napoléon,
ait. 732.
règle qui est d’ordre public, et a laquelle
les particuliers n’ont pas la faculté de déroger par-leurs
testamens.
i5
�( 58 )
Q u’importe quels eussent été les motifs, la pensée
de madame de C lm zerat, s’il y avait de sa part des
dispositions personnelles qu’on pût regarder comme
produites par le seul mouvement de sa volonté; il ne
serait permis que de s’én tenir aux dispositions nettes
et précises qu’elle aurait faites.
Ce n’est pas parce qu’elle a rappelé le nom d’une
coutu m e, que sa disposition est contraire aux lois; mais
parce qu’elle a déclaré q u ’elle voulait faire, par forme
de disposition t e s ta m e n ta ire , ce que faisait autrefois la
coutum e d’A u vergn e , et que ce mode de disposer tend
à remettre en vigueur la coutume et sa jurisprudence
auxquelles elle se l’éfère. En un m ot, la coutume d’A u
vergne n’est pas seulement indiquée, elle devient l’uni
que règle de la disposition testamentaire.
TROISIÈME OBJECTION.
.
« Comment l’intérêt public serait-il compromis, par
« la manière quelconque d’appliquer une libéralité permise qui ne touche que celui qui la fait et celui qui la
« reçoit ?
« Quand la volonté du testateur est constante, en la
« forme exigée par la^loi pour rendre cette volonté
« certaine, l ’application de cette volonté ne présente
« plus qu’un intérêt privé (2.® consultation, page 3 ).
« Enfin, l’art. 1890 lu i-m ê m e ne prohibe que la
« stipulation faite d ’une manière générale de se régler
« dans les conventions matrimoniales par une des cou-
�( 5 9 }
« tûmes.abolies, mais non.point de stipuler nomina*■tivement telle ou telle disposition portée pur les
« cou lûmes......... O r, madame de Chazerat n ayant pas
« rappelé dans son testament la coutume d’Auvergne
« d'une m a n iè re générale, et comme règle unique de
« la succession, mais d’ une maniere particulieie , et
« seulement pour désigner avec clarté et précision, le
* mode dans lequel elle voulait que ses biens, une fois
« dévolus aux branches qu’elle appelait pour les re*■cu e illir, fussent divisés entre tous les individus qui
« les composaient, il s’ensuit que la disposition de l’article
« 1390 ne serait pas applicable à son testament ( i.recon« sulalion, p. 12; 2.* consultation, p. n)->.
«■La loi de la com m unauté, qui renferme l’art. 1890,
« est du 20 pluviôse an 1 2 , le testament de madame de
« Chazerat est du mois de messidor an 9......... On ne
* peut raisonnablement exiger que madame de Chazerat
« ait dû s’y conforrqer avant qu’elle existât. ( i.ere con-*
« sultation, page 8 )..v
'
•
'fri [
»
*
R É P ONS E .
On ne cesse de supposer que la libéralité de madame
de Chazerat est une libéralité p e r m i s e mais on a deja
établi qu elle ne l’était pas. Les au teu rs des deux con
sultations, mises sous les y e u x du conseil, ne cessent de
nietlre en proposition ce qui est en question; et on 11e
voit pas qu ils aient fait une seule réponse aux principes
qui sont établis par le jugement du tribunal de Piiom.
16
�( 6o )
Il ne suffît pas qu’une volonté soit constante; elle
doit encore se coordonner avec la loi.
D e la disposition testamentaire de madame de C h a
cera t à la coutume d ’A u vergn e, il y a une relation
générale. Elle n’a point
fait de dispositions parti
culières ou personnelles. Elle n ’a même pas pris la
peine de les modeler sur les principes de la coutume
d’A u v e r g n e , en les expliquant, les détaillant d’après
le type qu'elle aurait pu prendre dans celle coutume
ou ailleurs. Elle a simplement ordonné l’exécution de
la coutume d’A uvergne.E lle a renvoyé aux juges l’étude
et l’application de cette coutum e, et de sa jurispru
dence incertaine qui s’était efforcée d’en fixer le sens.
C'est ce qui a été déjà établi.
L e mode et les conditions, dont les dispositions tes
tamentaires peuvent être susceptibles, sont du ressort
de la législation existante lors du décès du disposant ; les
formes du testament appartiennent seules à la législa
tion qui est en vigueur à l’époque où il est fait.
Les articles 1389
1390 reçoivent donc leur appli
cation au testament de madame de C h a z e r a t, dès
qu'elle est décédée postérieurement à la promulgation
du code Napoléon.
A u surplus, on l’a déjà d it, ces articles ne sont que
des exem ples, des développemens fortuits du principe
qui sort de l'ensemble de notre législation, et sur-tout
des articles 6 et 900 du code Napoléon.
Les auteurs des consultations mettent en opposition
les intérêts privés avec l’intérêt public.
�( 6i )
•'Mais qu’importe au fond q u e la nullité du testament
de la dame de Chazerat tienne à l’ordre public ou!non?'
Cette nullité est-elle certaine? On a établi qu’elle l’est,
et la vérité est encore que l’ordre des successions étant
de droit p u b lic ,’ celui qui substitue à l’ordre des suc
cessions j établi par la loi en vigueur au moment de son 1
d é cè s, qui est la véritable époque de son testament,
un ordre de succéder établi par une loi abolie, tombe
dans une contravention à une loi d’ordre’ public.
Q UA T R I È M E
OBJECTION.
« P a r exem p le, y au ra it-il contravention à l’arti«
«
«
«
cle 13 9 0 ,.s’il était dit que le mari venant a prédéc&der, la femme aurait un douaire de La moitié des biens
de son mari en usufruit, tel qu’il était réglé p a rla
coutume de Paris (2.' consultation, page 6.)»? 1
R É P O N S E .
Si dans cette hypothèse l’exécution; de la disposi
tion était ordonnée, quelle*en serait la raison?
C est parce qu'elle présente un don net et précis,
qui est l’eflet de la volonté p ersonnelle du disposant.
C e don est de la moitié des biens en usufruit. Il n ’y
aurait alors qu’ une simple indication ou citation de la
coutume de Paris.
* Mais il n’y aurait pas une disposition qui se référât
uniquem ent, sous un rapport général, h' une coutume
�( 6* )
abolie q u o n dût étudier et appliquer. 11 y .aurait une
disposition personnelle et particulière; c’est cette dis
position dont l’exécution pourrait être ordonnée, abs
traction fuite de la loi ancienne qui serait citée : ^’in
dication de cette loi ne pourraitêtre qu’un motif; mais le
m o tif est indépendant de la disposition qui est claire
ment énoncée.
O n pourrait encore combattre cette comparaison
par d’autres m oyens; mais cela devient inutile : il faut
se renfermer dans la difficulté relative au testament de
madame de Cluizerat.
L ’ e x e m p l e présenté parles auteurs de la consultation,
prouve
cependant
qu’ils ne: se sont pas suffisamment
pénétrés de l’état de la question, et qu’il leur est im -,
possible de citer un exemple qui rentre dans les dispo- .
sitions de madame de Cliazerat, et d ’après lequel on
pût les justifier.
'
CINQUIÈME
■
'
i
■■
OBJECTION.
«■Madame de Çliazerat prend si peu la coutume d’Au«■vergne pour règle générale et unique de sa succès-.
<r sion, que, loin.de se conformer à cette coutum e, elle
a s’en éloigne en tout point.
« Xiü coutume d’Auvergne interdisait à madame de
« Chazeral la plus légère libéralité en faveur de son .
« mari, et elle lui lègue l’usufruit de tous ses, biens.
*
L a coutume d’Auvergne ne permettait de disposer,
« par testament, que du quart de ses b ien s, et elle dis-
�( 63 )
« pose des trois quarts, etc.» ( i . re consultai ion, pag. 12
et i 3 ; 2.c consultation, pag. 14.)-
r,‘ ::
i
•
,
X .¡i.M i;: j )i; ' R
O N SE.
.•
Il
• i,i 11 :>•
i >i ' ' . 1
1• •
ne résulte de tout c e l a 'd ’autre conséquence-,'si
ce n’est qu’il n’y a de nulles que les dispositions pour
lesquelles madame, defChazerat s en est rapportee sous
un mode général à l’empire de la coutume d’Auvergne.
On ne disconviendra pas qu’on ne.puiss^- scinder les
dispositions d’ un testam en t, annuller celles qui sont
proscrites par la lo i, et conserver celles qui lui sont
conformes. C ’est aussi ce .qu’a faitjleJribunaJ de R.iom;
a annullé les-dispoçitions qui.étaien^vicieqses, en ce
qu’on n’y voyait p(oint sa ^volonté, m^js, seulement celle
d e l à coutumç d’A u v e r g n e , dont elle voulait,l’appli
cation, en la laissant aux juges qui devaient n’ordonner
autre chose que^l’exécution de cette coutume y et il a
maintenu celles qui émanaient de la volonté.directe de
la testatrice.
•
...
■; . I • •
¿1 :
!-i
CONCLUSION.
D e tout ce qui a été dit, il résulte cette conséquence,
que les moyens proposés, tant dans la première que dans
la seconde consultation, ne détruisent pas la vérité des
deux propositions établies dans les deux paragraphes
précédens.
Dans le droit, nul ne peut créer un ordre de succé
der, autre que celui établi par la loi existante lors de
�( 64 )
son décès, ni prendre pour règle de la répartition ou
de la distinction de ses biens, les dispositions d’une cou
tume abolie.
Dans le fait, le legs universel fait par madame de
Chazerat, est en opposition avec ces maximes qui sont
d’ordre public ; car il a été démontré 1.° que madame
de Chazerat a voulu rétablir, entre ses héritiers, l’ordre
de succéder établi par la coutume d’A uvergne; qu’elle
avait pris cette coutume pour règle générale de la dis
tribution de ses biens;
2.° Q u’elle a voulu une distinction de ses biens e n
acquêts et en propres, suivant les principes et la juris
prudence de ce tte coutume ;
3 .° Q u’elle a voulu un mode de représentation à l ’in
fini, tel qu’il était suivi dans cette même coutume.
L e jugement du tribunal civil de R iom , du 22 juin
1808, q u i a prononcé la nullité de ce legs universel, a
donc fait, en décidant ainsi, une juste application des
principes; et le consultant est bien fondé à espérer
qu’ une décision aussi sage, et aussi conforme à l ’esprit
qu’à la le ttre de la l o i , sera confirmée par la Cour
d’appel de Biom.
D é l i b é r é par les anciens jurisconsultes soussignés, à
Paris, ce 24 janvier 1809.
D A R D , DESÈZE, L A C A L P R A D E , B E LLA R T.
A R IOM,
DE L ’IMPRIMERIE DU PALAIS, CHEZ J. C. SALLES.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chazerat. 1809]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Dard
Garron
Lacalprade
Bellart
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
Chazerat (Madame de)
Description
An account of the resource
Consultation [Chazerat]
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1809
1801-1809
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
64 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0512
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0513
BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0516
BCU_Factums_M0517
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Entraigues (63149)
Joze (63180)
Maringues (63210)
Ménétrol (63224)
Riom (63300)
Saint-Agoulin (63311)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Chazerat (Madame de)
Code napoléonien
conflit de lois
coutume d'Auvergne
legs universels
ordre de successions
Successions
testaments
-
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8f3257a26465dfda8660b7e405a60148
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Text
MEMOI RE
POUR
MM. TOURTON,R A V EL et C o m p a g n i e
;
' •,>. *- .■ ? » • .
C O N T R E
M . M O N T Z et ses P r ê t e - N o m s j
«
ou
H i s t o i r e g é n é r a l e des fraudes de M . M o n t z ;
servir a l'instruction des v i n g t - t r o i s Procès par
lui suscités à M M T our t o n R a v e l et Compagnie.
Pour
�MEMOIRE
?
Pour
MM. T O U RTON , R A V E L
et
C om pagnie;
C o n t r e M . M O N T Z et ses P
r ê t e - N oms
.
C h a q u e matière a son intérêt. L a procédure ellemême , qui le croiroit? peut offrir des détails piquans
et dignes d'attention. Il est quelquefois curieux de suivre,
dans tous ses détours , un plaideur astucieux qui veu t,
à toute force, échapper aux justes condamnations pro
noncées contre lui. En vain les tribunaux s’arment de
toute leur puissance pour le contraindre à payer. Il a
plus d’adresse que les tribunaux n’ont de force. Un moyen
lui est enlevé : mille autres jaillissent de sa féconde ima
gination. Les faux, les simulations, le s déguisemens, les
enlèvemens furtifs, et, quand la rage s’en m êle, les
destructions pleuvent de tous côtés. Les créanciers
A
�(
2
}
courent, cherchent; s’agitent. Le débiteur fuit, cache,
résiste. A qui des créanciers ou du débiteur rebelle res
tera la victoire ? Q u i, dans cette lutte scandaleuse , rem
portera, ou de la ruse, ou delà justice? 'Suffira-t-il, à
un banqueroutier, de le vouloir pour acquérir cette in
solente invulnérabilité, opprobre des lois dont elle
atteste l'impuissance, désespoir du commerce dont elle
anéantit la sécurité ?
Un tel problème, en effet, peut éveiller la curiosité
de l’observateur.
E t c’est ce problème que la conduite de M. Montz
produit aujourd’ hui aux dépens de MM. Tourton, Ravel
et compagnie.
Tout Paris sait quel est M. Montz, l’ opulence dont il
jouit, leclat qui l’environne , la dépense qu’il fait. V oi
ture brillante, mobilier somptueux, table délicate, su
perbe hôtel à la ville, maison de campagne jadis occupée
par un prince du sang royal , voluptés de toute espece,
M. Montz a tout quand il faut jouir : M. Montz n’arien
quand il faut payer.
Bien inutilement le poursuivent , depuis dix ans ,
MM. Tourton , llavel et compagnie , ses créanciers de
575,000 liv. en vertu d’arrêts souverains.
Depuis dix ans-, M. Montz se rit de leurs efforts ;
s’ amuse avec ses amis ; fait ses affaires } s’occupe de ses
plaisirs; et jette un procès à MM. Tourton, Ravel et
compagnie, à mesure que ceux-ci osent le troubler dans
sa douce vie et saisissent une de ses propriétés mobiliaires ou immobiliaires.
C ’est ainsi que sont écloses l ’ une après l’autre vingt-
�.( 3 )
trois instances de fraude, les unes déjà jugées, les autres
âguger.
> '■<
MM. Tourton, Ravel et compagnie fourniront-ils une
défense dans chaque instance? Que de redites ! E t d’ail
leurs que de frais d'impression?
Ils ont cru économique de temps pour les magistrats
et d’argent pour eux-mêmes de faire un mémoire circu
laire qui serve dé réponse à toutes.
Ge résumé des fraudes de M. Montz aura; d’ailleurs,
un double avantage1
i° . Il présentera la conduite entière de ce dernier
sous un seul aspect!
.¡xi
2°. E t peut-être en signalant un ensemble si révoltant
de machinations ourdies1 par un mauvais débiteur pour
insulter aux droits de ses créanciers, appellera-t-il l'at
tention du législateur sur les mesures qu*il conviendroit
d ’appliquer à de coupables manœuvres dont il n’y a taut
d. exemples que parce qu ’elles restent impunies.
ii 1
F A I T S .
Depuis long-temps M. Montz plaidoit avec MM. Tourton , Ravel et compagnie, sur la question de savoir s’il
devoitêtre condamné à leiir payer 675,000liv. pour le
montant de billets qu’il ûvoit souscrits solidairement
avec quelques autres'capitalistes.
iPlusieurs années furent consumées en procédures.
Production dos registres et de tous-les papiers de com
merce de la maison Tourton, comparution des parties
¿ri personne , interrogatoire^, audition de témoins, inÀ x
�( 4 )
tervention d’agens de change, il n’est pas une seule voie
d’instruction peut-être qui n’ait été requise et où n’ ait
été entraînée la maison Tourton. Elle est loin de s’en
plaindre. Elle s’en applaudit au contraire, puisque tant
d’éclaircissemens appelés et toujours obtenus d’elle n’ont
servi qu’à prouver la justice de ses demandes et la mau
vaise foi de ses débiteurs.
Mais tout a un terme, même les procès ; et malgré le
savoir faire deM .M ontz, celui-ci tiroit à sa fin dans le
mois de messidor an 7, qui ne s’écoula pas en effet tout
entier sans que la contestation ne fût jugée.
M. Montz étoit averti par sa conscience 5 il l’étoit aussi
par l’ opinion ; m ais, en habile général, et forcé de quit
ter le combat, il médita une retraite savante et songea
aux moyens de s’assurer ses dernières ressources.
La principale, celle qu’ offroit un portefeuille , riche
ment garni au su de tout Paris, ne lui donnoit aucune
inquiétude. Un portefeuille circule et s’évanouit. Il ne
faut que vouloir.
Il en étoit ainsi de l’ argent comptant.
Mais quelques parties de la fortune de M. Montz
éloient à découvert.
M. Montz avoit la nu-pi’opriété d’une maison magni
fique sise à Issy, et qui jadis avoit appartenu à M. le
prince de Conti, un très-bel hôtel à Paris, place V en
dôme, dans cet hôtel, un mobilier du plus grand prix,
une créance de a83 ,ooo liv. sur M. de Cazaux, avec qui
même il paroissoit être en procès , enfin de fort beaux
biens sis aux portes de Moulins.
Quant à cette dernière propriété y fort éloignée de
�( 5 )
Paris, et qu’on savoit moins généralement lui apparte
nir, il crut pouvoir ajourner les mesures de salut jus
qu’au moment ou il apprendroit que MM. T ou rlon ,
R.avel et compagnie l’auroient découverte.
Mais pour le reste il y avoit urgence.
Dans quelques jours, dont même M. Monlz n’avoit
obtenu le bienfaisant délai que par des promesses déceptrices d’accommodement, il alloitêtre condamné, et
sans doute saisi.
M. Montz se presse donc.
Il est intimement lié avec une espèce de complai
sant et de familier qui se fait appeler Gin d’üssery ,
et dont le surnom est peut-être la seule acquisition
qu’il ait faite de sa vie; homme à qui on ne connoissoit pour subsister ni terres, ni travail, ni place, ni
enfin nulle autre ressource que scs vénales complai
sances pour M. Montz, qui le nourrissoit à sa table et
le logeoit au quatrième dans une petite chambre de sa
maison.
L a mauvaise foi ne calcule pas toujours les vraisem
blances. M. Gin s’offrit à la pensée de M. Montz, parce
qu’il s’ofFroit sans cesse à ses yeux; parce que d’ailleurs
il falloit quelqu’un de bien dévoué; et parce qu’enfin la
tête se perd quelquefois quand il faut agir vile et sans
avoir le temps de délibérer.
Le quatorze messidor an sept , quatre jours avant le
jugement du procès , M. Montz et son ami Gin courent ire Fraude
tous deux chez un notaire, et là M . M ontz , demeurant B ail simulé
à P a ris } p l a c e V endôme , »°. 16 , loue à vil prix, pliccVcu-'
¡
�*
4
silôme. li en pour neuf a n s , h M . G in , rentier, demeurant a P a r is ,
derlSnuÎîîté. p l a c e V e n d ô m e ,
iG , la maison de la place F e n i " . Procès,
n», ï 6 , qui lui appartient.
*
Ce n’est pas tout.
C e même
jour M . Montz, en propriétaire intelli-
2 \iut7des g e n t , et en père de famille qui s’ entend bien à donner de
glaces de la .
v a l e u r A ses im m eubles, dépouille sa maison de la
iiuuson deU
.
• 1
* *
1
place Ven-^ piaCe Vend ôm e de toutes les glaces qui la garnissent de
jendemander |iaut en bas , en sorte qu après le bail fini, le locataire,
y. TroÎs.
Où 00™ M’
'***'
M . G i n , ne lui rendra que les quatre m urailles, et que la
maison sera, dans la v érité , hors de location, puisqu’ un
immeuble de cette importance ne peut être pris à loyer
par personne quand il est denue de glaces. E t ces glaces,
M>. Montz les vend à son commensal Gin , moyennant
1 5,000 fr. payés comptant,
Ce n’est pas tout.
3« F rau d e.
J S
t
Il falloit sauver le beau m obilier, c’ est encore Gin
qui l’aclietle ; car Gin a de l’argent pour tout. E l il est
Paris. Il faut to u ioul-s p r ê t à a c h e te r q u a n d son ami MontZ est prêt
p n dG iïisîid cr
«
w
à vendre. Ce mobilier lui est vendu moyennant i 5 ,ooo fr.
EnœTeîî. p a y é s com ptant. Pour sentir toute la dérision d’une pa-
la nullité,
Gin-
reille vente, à part la nullité de fortune de M .JG in , et sa
très-réelle impuissance de trouver toutes ces sommes, il
ne faut que jeter les yeux sur l’état du mobilier vendu.
11 contientQU a.ti\e r ô l e s entiers. U n e sculcligno de ces
quatre rôles vaut mieux que les quinze mille livres , prix
¡nominal de ce mobilier-, car ceLle ligne contient neuf
„ rands tableaux , dont quatre de V ern et, le peintre
de la n a tu re, et quatre, de cet excellent et ingénieux
Robert, éternellement regrettable pour les arts com m e
�( 7 )
pour Vamitié. L ’on peut, par cet échantillon , juger de
rimmense valeur de ce mobilier si ridiculement apprécié
à 1 5 ,ooo francs. Des lits d’acajou doré , des secrétaires
d’acajou , des commodes d’acajou , un billard d’acajon ,
des armoires d’acajou, des bibliothèques d’acajou, des
trictracs d’acajou, des tables de jeu d’acajou, un piano
d’ acajou fait à Londres , six tables à manger d’acajou,
des sièges d’acajou, des lustres, des candelabres, des
vases d’albâtre, de granit , de porcelaine, des statues
de bronze ou autres , tous les livres de la bibliothèque,
tous les couchers assortis au luxe général de la maison ;
voilà ce qui compose quelques-uns des gros articles.
Quant aux petits, il seroit fastidieux de les nombrer ;
on y trouve dans les plus minutieux détails tout ce ¿qui
compose un ménage bien monté ; trente douzaines de
serviettes, cinquante nappes , de la batterie de cuisine
en quantité, des porcelaines , même des cuillers de
vermeil pour se sei'vir des porcelaines, un coffrefort y etc. Enfin M. Montz pousse le philosophique
détachement de tout ce qu’ il possède au point de
céder à son ami Gin jusqu’aux torchons et aux ta
bliers de cuisine : ils sont aussi dans l’état. On sent
bien qu’un homme qui opéroit de si grandes »'éformes,
et qui, pour faire honneur à ses affaires sans doute,
vendoit jusqu’au nécessaire, n’uvoit garde de conser
ver le superflu. Aussi M. Montz vcud-il également
ses vins de toute espèce , et même jusqu’à sa bière, à
M. Gin*, l’état comprend deux mille bouteilles de vin de
Bourgogne, mille de vin de Bordeaux, deux cents de vin
de Sauterne , trois cents bouteilles de bière. On ne sait
�(8
)
qu’ admirer davantage ou de l’extraordinaire résignation
avec laquelle M. Montz renonce à tous les goûts qui
l’avoient dominé jusque-là , ou de la flexibilité parfaite
avec laquelle M. Gin se laisse saisir par tous ces goûtslà même à l’instant où son sage ami s’en guérit. M. Montz
ne veut plus pour lui d’un hôtel tout en entier : le simple
et modeste M. Gin qui, jusque-là, s’étoit trouvé suffi
samment logé dans une petite chambre au quatrième,
prend de plein saut l’hôtel pour son compte. M. Montz,
si somptueux par le passé-, conçoit tout à coup une
horreur invincible du luxe •, il ne veut plus ni glaces,
ni dorures, ni bois précieux, ni mobilier élégant, ni
porcelaines, ni vermeil : M. Gin éprouve une convul
sion pareille en sens contraire, et le jour même où son
ami; converti sur toutes ces mondanités, les apprécie ce
qu’ elles valent et y renonce, lu i, pour s’en engouer; il
abjure ses meeurs patriarchales , et troque son grabat
et ses chaises de paille contre le verm eil, les porce
laines; les bois précieux, les dorures et les glaces. Sobre
tant que M. Montz fut adonné aux voluptés de la table,
il veut à son tour connoitre ces voluptés quand M. Montz
devient sobre, et il succède aux vins de son a m i, aux
mêmes vins des difFérens crus de Bourgogne, de
JBordeaux et de Sauterne, et jusqu’à sa fantaisie pour
la bière. Quant aux fantaisies plus nobles que nourrissoit d’abord et..qu abdique entin celui-ci, il les recueille
aussi à son tour. Il prend ses tableaux , ses statues ,
même tous les livres de sa bibliothèque, et prouve
ainsi que, quoi qu’en aient pu dire quelques imbéciles
philosophes, q u i, de l’impossibilité de trouver deux
physionomies
�( 9 )
physionomies absolument pareilles , ont conclu l’impos
sibilité de trouver deux organisations morales absolu
ment semblables, il est des âmes tellement façonnées
dans le même moule et tellement identiques, qu’il n’y a
ni une pensée , ni une affection, ni une volonté , ni
une inclination dont l’une soit modifiée qui ne se i*éiléchisse dans l’autre , comme les objets dans un miroir
fidèle.
Ainsi du moins cet étonnant phénomène s'est produit
une fois ; et ce sont MM. Montz et Gin qui en ont donné
le touchant exemple.
Mais ce n’étoit pas assez de ce miracle de la nature,
il falloit encore un miracle du hasard ; il falloit que de
ces deux amis si bien faits l’un pour l’autre, les sentimens restassent les mêmes et les fortunes opposées.
L'un avoit été pauvre, tandis que l’autre étoit riche ;
il falloit que le pauvre devînt riche à son tour, quand
le riche dcvenoit pauvre : et c’est aussi ce qui arriva tout
à point par le plus grand bonheur du monde. En effet,
quelles que soient les voies secrètes dont s’est servi la
destinée pour opérer ce prodige , il est constant que
M. Gin , qui s'étoit couché le soir du i 3 messidor sans
avoir de créd it, ce dont il en auroit eu besoin pour
trouver un gros éeu à emprunter, s’est réveillé le i4
messidor tellement gorgé de trésors et de ressources,
que non-seulement il lui a fallu promptement; comme
on le voit dans l’état du mobilier actuel, un cojfre-fort ;
que non-seulement il a disposé à son gré de sommes
très-considérables ; que non-seulement il a payé 1 5 ,000 f.
comptant pour les glaces de M. Montz ; que nou^seuleli
�( 10 )
ment il a payé i 5 ,ooo fr. comptant pour le mobilier de
M. Montz; que non-seulement il a payé des sommes
bien plus énormes, comme on va le voir tout à l’heure,
pour d’autres objets : mais encore qu’il n’a pas pu se
passer plus long-temps ni de riches équipages, ni de
chevaux. M. Montz avoit deux voitures élégantes et du
meilleur ton deux jolis cabriolets plaqués d’argent,
de beaux harnois plaqués d’argent, des chevaux blancs,
des chevaux bais , une jument de selle. E t c’est tout
cela précisément qui devient nécessaire aussi à M . Gin.
Il lui faut , ni plus ni moins , les deux voitures , les
deux cabriolets j les beaux harnois, les beaux chevaux
blancs, les beaux chevaux b ais, la belle jument. Tout
cela lui est vendu, tout cela est dans l’état; tout cela est
donné comme par-dessus le marché , avec le superbe
mobilier dont il a payé en masse i 5,ooo fr.
Dieu soit loué ! la fortune ne reste pas toujours à la
même place. Dans son cours rapide, elle touche succes
sivement de sa verge d’ or loates les classes et tousles in
dividus. M. Gin a eu son lour ; il va donc aussi monter
en carrosse et jouir de l’opulence !
Erreur ! grossière pensée ! après tous les miracles
que nous venons de v o ir , un miracle plus grand va
s’ opérer. La tourbe vile et sensuelle, quand le sort la
favorise , ne sait rien autre chose que jouir brutalement
de ses dons. Mais il est des âmes stoïques qui , plus
grandes que la fortune , ne voient dans ses présens
qu’ une occasion de donner au monde d’ héroïques exem
ples du mépris qu’ ils en font.
Telle l’âme sublime de M. Gin.
�Tout a changé autour de lui : lui seul il ne changera
pas, et la tête, comme il arrive à tant d’autres parvenus,
ne lui tournera pas de sa subite métamorphose} il sera
dans l’opulence ce qu’il fut dans la misère.
M. Gin a des carrosses ; il n’y montera pas.
M. Gin a des chevaux$ il voyagera à pied , comme
par le passé.
M. Gin a le plus riche mobilier ; il continuera de se
contenter pour lui de la serge et de la bure.
M. Gin a un hôtel à sa disposition ; il restera conüné
dans cette petite chambre où il a savouré jusque-là les
charmes de l’obscurité.
M. Gin fera davantage.
Il poussera la délicatesse jusqu’à l’exaltation la plus
inouie.
S.on ami avoit été obligé de se dépouiller de tout.
M. Gin avoit tout acquis. Mais M. Gin n’a rien acquis
que pour en faire un pur hommage à l’amitié.
II est vrai qu’il est devenu le possesseur du bel hôtel,
l ’heureux propriétaire du beau m obilier, des carrosses,
des chevaux , de la cave. Il est vrai que c’est lui désor
mais qui fait la dépense dans la maison , qui paie les
gens , qui entretient la table. Peu importe. M. Montz
ne changera pas une seule de ses manières, et ne fera
pas le sacrilice d’une seule habitude. Toujours il occu
pera exclusivement l'hôtel qu’il a occupé , et M. Gin
ne se permettra pas d’occuper rien de plus que sa
chambre exiguë. Toujours M. Montz usera du mobilier
comme s’ il ne l’avoit pas vendu , et comme si M. Gin
,ne le lui avoit pas payé. C ’est M. Montz qui commauB 2
�( 12 )
liera clans la maison à tout le monde el à M. Gin luimême. C’est lui qui invitera à la table de M. Gin, qui y
fera servir et boire les lions vins de la cave de M. Gin ,
tandis que M. Gin se contentera humblement de la
petite place que jadis, et quand il n’ étoit que le parasite
de M. Montz, il occupoit au bout de la table , petite
place qu’il conserve pourtant avec une générosité sans
exemple , tandis qu’il laisse M. Montz , devenu son
hôte, continuer d’ occuper la place du maître. C’ est
M. Montz aussi quiemploiera les carrosses, les cabrio
lets , les chevaux , les cochers, les gens de l’écurie ,
sans que M. Gin se permette même d’en partager
l’usage.
Ainsi, dans le siècle passé on vit une grande prin
cesse acheter la bibliothèque d’un savant, uniquement
pour lui en assurer l’usage pendant tout le reste de sa
vie. Tel et plus noble encore M. Gin consumoit des
capitaux importans à conserver à son ami toutes les
jouissances dont d ’ impertinens créanciers menaçoient
de le priver. Plus noble , disons-nous 5 car , enfin , la
souveraine avoit bien d’autres livres à sa disposition
que ceux du savant ; et M. Gin n’avoit ni d’autre hôtel,
ni d’autre mobilier, ni d’autre carrosse.
Là ne finirent pas tous les actes de magnanimité de
M. Gin. Il rendit bien d’autres services à M. Montz.
C’ est le 14 messidor an 7 qu’avoient été passés et le
bail de l’hôtel el la vente de mobilier, de carrosses, de
chevaux, etc.
E t certes, il éloit temps, car, le 18 , le procès des
billets solidaires avoit été jugé, et une condamnation
�( >3 )
de 20,000 liv ., suivie bientôt dix jours après , c’est-àdire, le 28 messidor, d’une autre de 555 ,000 liv.,avoit
été prononcée contre M. Montz.
MM. Monlz et Gin n’étoient pas en si beau chemin
pour s’arrêter.
En conséquence , le lendemain même de ces grosses
condamnations , le généreux M. Gin qui n’avoit acheté ,
le 14 , un coffre-fort que parce qu’il avoit des trésors
qu’ il ne savoit pas où' renfermer , va chez un notaire
prêter à M. Montz 80,000liv. pour dix ans sans intérêts.
D ’autres auroient pu y regarder à deux fois avant de
prêter une pareille somme à un homme qui vcnoit de
subir de telles condamnations, et dont les affaires étoient
dans une si terrible confusion , qu’ il vendoit tout ce qu’il
avoit, jusqu’à son lit , ses carrosses et ses torchons de
cuisine. Mais le zèle de l’amitié ne se laisse pas aller à
de paniques terreurs. Quatre-vingt mille livres de plus
ou de moins dans la fortune miraculeuse que venoit de
faire M. Gin étoient une bagatelle. D’ailleurs M. Montz
qui veilloil aux intérêts de cet ami dévoué, eut grand soin
de stipuler à son proüt une spéciale hypothèque sur sa
nu-propriété d’Issy.
Ainsi et désormais MM. Tourton, Ravel et compa
gnie pouvoient venir quand ils voudroient. Le lit où
couchoit M. Montz, le mobilier dont il se servoit, les
carrosses et les chevaux qui le portoient, les tableaux
et objets d’arts qui le délecloient, les vins précieux qui
l’abreuvoient, tout étoitàM. Gin. C ’étoitparsa tolérance
que M. Montz en jouissoit. Les créanciers en auroient le
démenti.
4'. Fraude .
Obligation
simulée de
80,000 liv. Il
faut en de
mander la
nullité.
4 '. Procès .
Encore M ,
Gin.
�£,
FraU(ie.
A ff e c t a t i o n
FhôJuf« la
lônie iiHuit
¡endemander
Ja. îiullitc5«. V'orès.
^ncort •
i 'i 4 )
’ Voadroient-ils se venger sur la nu-proprlété d’ïssy ?
Une bonne hypothèque de 8o,ooo liv. la défendoit.
Mais il y avoit la propriété de l’hôtel de la place Yendôme. M. G in , supérieur à l’intérêt, ayoit négligé de
stipuler pour un prêt de 8o,ooo liv. une hypothèque sur
cet hôtel. Heureusement que M. Montz rivalisoit avec
noblesse d’âme. M. Montz avoit eu besoin de
_
_
^t
Bo;ooo liv. Gin les lui avoit pretees. L ’argent étoit re^
Montz l’avoit dans sa poche. L ’acte étoit signé.
Les stipulations éloient closes. M. Gin ne pouvoit plus
demander d’hypothèque nouvelle. Peu importe. Les
grandes âmes s’entendent et se répondent. S iM .G in n e
demandoitrien , ne pouvoit rien demander à M. M ontz,
M. Montz étoit libre d’ offrir et d’accorder à M. Gin.
E t en effet, il offre et accorde. Spontanément , donc
les parties paroissent revenir le 29 m essidor, c’est-àdire, le même jour que celui oiil’obligation de8o,ooo liv,
a été souscrite; chez le même notaire, et là, sans assigner
à leur convention nouvelle d’autre m otif, sinon qu’elles
le veulent ainsi, M. Montz , dans un second acte qu’on
assure même être inscrit au pied de l’acte de prêt de
80,000 1. , confère à M. Gin, pour le montant de ce p rêt,
hypothèque sur son hôtel de Paris, déjà couvert d’autres
hypothèques.
Nous disons que les parties paroissent. avoir sous
crit ce nouvel acte le 29 messidor. En effet , il est
difficile de croire que celte date soit véritable. L ’obli
gation du 29 messidor a été enregistrée le Ie*-. thermidor.
Cela étant, et si le i cr. thermidor, le second acte du
29 messidor existoii déjà, et surtout existoit au pied
�( ,S )
de l’autre et sur la même feuille de papier, on ne voit
pas du tout comment il se seroit fait que l’on n eut pas
présenté à la fois, le i er. thermidor, au meine enre
gistrement , ces deux actes frères , ces deux actes si
dependans l’un de l’autre. Toutefois le second acte n a
été enregistré que le 7 thermidor. L e 7 thermidor!
Or, il faut savoir que le 6 , MM. Tourton, Ravel et com
pagnie avoient, dans la simplicité de leur cœur, tente
une saisie sur ce riche mobilier qu’ils etoient loin de
penser avoir cessé d’appartenir à M. Montz. Le 6 ther
midor donc , cette sérieuse hostilité avoit mis 1 alarme
au camp. On s’étoit remué. On avoit bien visité toutes
les armes défensives pour Voir si elles étoient en état.
Alors , vraisemblablement, ou s’ apperçut de l’ omission
commise dans l’acte du 29 messidor; mais on craignit,
en la réparant par un acte du 6 thermidor , coïncidant
ainsi avec la fatale date de la saisie , de donner trop
de consistance aux soupçons de simulation. Il sembla au
conseil Montz bien préférable d avoir un acte qui con
tînt l ’addition d’hypothèque à une date antérieure. Mais
comment se la procurer ? le notaire fut-il trompé? un
subalterne acheté présenta-t-il dans la foule des actes
à signer celui-ci à la signature du notaire? Cela n est
pas prouvé. Mais cela est possible. E t quand .bientôt
on verra de qu oi, en pareille matière , s’avise M. Montz,
on verra aussi que nous ne violons pas les vraisem
blances , en craignant que le second acte n’ait été
enregistré le 7 thermidor que parce qu’en dépit de sa
date du 29 messidor il n’a existé que le 6 thermidor.
Quoi qu’il en soit, il restoit encore à sauver une
�( iG )
6'. Fraude. créance de 283,200 liv.'appartenant à M. Montz sur
Transport M. Cazaux. Si cette créance étoit éventée , elle pouvoit
simulé de la
créance C a- être perdue pour M. Montz. Heureusement pour lui,
zau\. Il faut
eiuleinander l’obligeant M. Gin étoit là avec sa corne d’abondance.
la nulliU;. La créance deM. Cazaux étoit échue dès long-temps. Elle
C)r. Procès.
Toujours M- n’étoit pas payée. Elle étoit même litigieuse. La solvabi
Cm .
lité du débiteur et les difficultés attachées au recouvre
ment de la créance pouvoient inspirer d’assez naturelles
inquiétudes à tous ceux à qui on auroit proposé de vendre
les billets. Une créance arrivée à terme sans être payée,
une créance pour laquelle on plaide n’allèche personne.
Nul homme de bon sens ne s’en charge volontiers, et
surtout u en traite à égalité absolue de valeur. Ainsi rai
sonne la prudence humaine ; mais l’héroïque amitié a
ses règles particulières. M. G in, le i er thermidor, va
f'
chez un notaire. Il est probable que les 3o,ooo 1. qu’il
avoit déjà données à M'. Montz seize jours auparavant
pour ses glaces et son mobilier , et les 80,000 liv. qu’il
venoit de lui remettre la surveille pour le montant de
l'obligation du 29 messidor , n’ avoient pas tout à fait
épuisé son coffre-fort ; car il trouve, deux jours après, les
283,200 liv. qu’il remet à M. Montz , et moyennant
lesquelles celui-ci lui transporte par acte notarié la
créance Cazaux, et les jugemens rendus contre ce dé
biteur. En sorte qu’en dix-sept jours M. Gin , à qui
encore une fois jusque-là 011 ne connoissoit ni propriété
ni ressource , donne pourtant à M. Montz tr o is cent
(¿UATRE-VINGB-TREï ZE MILLE DEUX CENTS LIVRES.
Deux observations sur tous ces actes.
i ° . Ni dans les Yeutes de glaces et de m obilier, ni dans
l ’ acte
�I *7 )
î ’actede prêt ¿Le 80,000 l i v ., ni dans le transport conte
nant quittance de 283,200 liv ., les notaires n’ont garde
d’attester une numération d ’espèces fa ite en leur pré
sence. On sent pourquoi.
2°. Bien que M. Montz eût loue, a partir du I e r . mes
sidor, son hôtel à M. Gin, bien que M. Gin eût acheté
tout ce qui y étoit, et que M. Montz n’y eût pas con
servé un chiffon, les actes de prêt et de cession at
testent que M. Montz demeuroittoujours dans ce même
hôtel : ce qui seroit très-bizarre , si on ne retrouvoit
dans cette occasion à M. Gin, logeant son ami chez lui
et dans ses meubles, la générosité habituelle de ses
procédésOn avoit; ainsi, paré au plus pressé. Les actes étoient
signés. M. G in, dès le 6 thermidor, avoil pris les ins
criptions. M. Gin avoit fait signifier son transport.
MM. Tourton et Ravel pouvoient venir.
Ils vinrent.
Leurs jugemens étoient enfin sortis du greffe ; et bien
sûrs que M. Montz, dont ils ne connoissoient pourtant
pas alors tous les talens , ne les paieroit pas sans y être
contraint, ils songèrent, à l’y contraindre.
Le premier aliment aux poursuites s’offroit de luimême ; c’étoit son brillant mobilier. Dans la pensée de
MM. Tourton, Ravel et compagnie , un mobilier si pré
cieux devoit inspirer à son propriétaire quelque désir de
le conserver ; et ils n’étoient pas sans espoir de voir
M. Montz s’exécuter pour n’en être pas dépouillé.
Ils ne rendoient pas au génie de M. Montz toute la
justice qu’il méritoit*
C
�7*. Frau d e.
Réclam a
tion de M .
Gin comme
locataire. Il
faut faire ju
ger qu’il n’a
pas droit de
réclamation.
7'. P rocès.
Toujours M .
Giu.
( >8 )
Le G thermidor, armés des jugemens du tribunal de
commerce , les huissiers se présentèrent dans l’hôtel
de la place Vendôme, qu’ ils croyoient être celui de
M. Montz , pour saisir le mobilier qui s’y trouvoit qu’ils
croyoient être le sien.
Le maître de l’hôtel et le propriétaire dumobilier parut.
Ce n’étoil pas M. Montz.
C’ étoit M. Gin.
]VI. Gin opposa ses actes.
Il requit un référé.
Il déclara que M. Montz ne demeuroit plus dans
cette maison j qu’il demeuroit à Meudon ; que lu i, G in ,
étoit le locataire de la maison de la place Vendôme *,
que lui, Gin, étoit le propriétaire du mobilier.
On examina ^ette réclamation.
Elle exlialoit la fraude.
Mais c’étoit la première qui étoit révélée à MM. Tourton , Ravel et compagnie.
Ils ne connoissoient pas encore toutes les autres. Ils
ne connoissoient ni le prêt G m , de 80,000 liv. , ni les
hypothèques Gin sur l’hôtel et sur la maison d’Is s y , ni
le transport Gin de la créance Cazaux, ni toutes les
mille et une fraudes pratiquées alors et depuis > qui se
prouvent et se trahissent les unes les autres.
Un procès de plus leur répugna pour le moment.
D ’ailleurs M. Montz avoit appelé des jugemens du
tribunal de com m erce. Il falloit instruire et faire juger
cet appel.
Pour le moment donc ils laissèrent là M. Gin et ses
menteuses réclamations , et donnèrent tout leur temps
et tous leurs soins à la suite du procès au fond.
�I I9 )
Lreur modération ne üt que donner plus d’audace à
M . Montz.
Pendant même que l’on plaidoit sur l’appel, de nou
velles fraudes furent ourdies. Sous peine de devenir ab
surde , M. Montz nepouvoit pas ne se servir jamais que
<le son ami Gin. Y a donc paroîlre sur la scène un autre
personnage, mais bien digne , comme le prem ier, par
son dévouement, par sa maladresse et par son mépris
de toutes les vraisemblances , de jouer un rôle aussi
-dans ce drame non moins révoltant que ridicule.
M. Montz a toujours ardemment désiré d’avoir à sa
pleine et entière disposition cette belle maison de plai
sance , dont nous avons déjà parlé , sise à Issy. Il la
convoitoit depuis long-temps. Depuis long-temps il en
avoit acquis la nu-propriété. Mais l'usufruit en appartenoit à M. de Besigny.
M. Montz avoit traité de cet usufruit et du mobilier
avec M. de Besigny. On ignore quels arrangemens furent
d’abord faits entre eux ; car il n'y eut aucun acte passé.
Tout ce qu’ on sait fort bien, c’est que M. Montz s’éta
b lit, en l’an 5 , à Issy, dans cette maison pour la
quelle il eut toujours une affection toute particulière, s’y
comporta en maître , y fit des dépenses et des embellissemens considérables.
Plus il y en faisoit, et plus il dut désirer de préserver
sa propriété des poursuites de MM. Tourton, Ravel et
compagnie.
Il est vrai qu’il avoit déjà donné à la nu-propriété
un abri dans l’hypothèque Gin.
Il est vrai que nul acte public ne le constituant enC 2
�( 20 )
core ni usufruitier de ¡’immeuble , ni possesseur du
m obilier, M. de Besigny , si on inquiétoit M. Montz,pourroit les reclamer,
r
Mais M. de Besigny le voudr oit-il ?
Il est très-probable qu’il ne le voulut pas , ou qu’ on
n’ osa pas même le lui proposer.
Il fallut chercher un autre prête-nom.
Il se trouva.
8«. Fraude.
Un M. la Jum elière, l’un des compagnons de plaisir de
Vente à un -jyj Montz , consentit à le devenir.
pTnfsuiVuit
En conséquence et par acte notarié en date du 18
Semandei p rairial, M. de Besigny vend son usufruit à M. la
la nullité.
-r
1•
8'. Procès. Jum elieie.
M. la Jume-
^
u n autre acte sous seing privé est souscrit le meme
‘ere'__
jour par les mêmes parties : et selon cet acte M. de
9Venîeïun Besigny vend moyennant a 5 ,ooo 1. qu’il reconnoît avoir
prête-nom du recu
lc mobilier étant dans la maison d lssy a M. la
mobilier
d’issy. IL faut
-
*
Jumelière.
"knulîiîé."
Mais quel étoit donc M. la Jumelière ?
Encore M^ia
M- la Jum elière s’est qualifié , dans ses différons
Jum elière.
actes , cultivateur.
Mais à quoi pensoit donc le cultivateur la Jumelière
en achetant une maison de plaisance occupée autrefois
par le prince de Conti ?
A la cultiver ? G’est une mauvaise plaisanterie.
A l’habiter ? Mais il en avoit une autre qui étoit son
séjour habituel dans le village de Yaudouleur , près
d’Elarnpes, comme le déclarent, les actes qu’il a signés.
Personne n’ a deux maisons de campagne. Un cultivateur
que son travail iixe davantage encore dans les lieux où il
�( 31 )
développe son industrie pour nourrir sa famille, conçoit
bien moins encore que tout autre celte absurde et dis
pendieuse fantaisie , et surtout n’acquiert pas comnie
double maison la maison d’un prince.
Aussi, M. la Jumelière , qui paroît être un homme
fort raisonnable, est-il resté dans sa maison d’exploita
tion du village de Vaudouleur, ou dans son pied à terre
à Paris de la rueBuffaut.
Rien n’a changé à Issy par son acquisition de l’usu
fruit et du mobilier.
M. Montz y demeuroit auparavant.
M. Montz y a toujours demeuré.
M. Montz jouissoit du mobilier auparavant.
M. Montz a joui du mobilier depuis.
E t M. PÆontz a si peu compris que cet événement
l’en chassât, et M. la Jumelière l’a si peu voulu , que
M. Montz à qui il convenoit en l’an 9 de ne plus avoir
1air de conserver à Paris ni domicile , ni mobilier,
puisque le domicile et le mobilier de P aris étoient sous le
nom de son bon ami Gin, a fait à la municipalité d’Issy
sa déclaration qu’il y fixoil son domicile.
Quel étoit donc le dessein de ce cultivateur de Vau
douleur, en achetant l’usufruit et le mobilier de M. de
Besigny ?
■
Dira-t-il qu’il faisoit une spéculation?
Elle étoit bizarre.
M. de Iîesigny avoit quatre-vingts et quelques an
nées. De la part de tout autre que M . Montz , nu-pro
p riétaire, n’eût-ce pas été une folie véritable d’acheter,
à quelque prix que ce fû t, cette possession fugitive que
�( 23 )
quelques mois pouvoîent dévorer, et qui, en expirant1,
laissoit son acquéreur insensé avec l’ embarras d ’un mo
bilier de ü 5 jOOO livres dont il ne sauroit que faire , et
qu’il ne sauroit où placer !
. Si pourtant la tête avoit tourné à M. la Junielière au point de conclure ce marché digne des PetitesMaisons , apparemment qu’il va se presser d’exprimer
de cette spéculation mourante tout le lucre dont elle
est susceptible , en louant à haut prix à M. Montz et
cette maison dont il ne veut pas sortir, et le mobilier
qui la garnit. Apparemment que M. la Jumelière
fera constater avec M. Montz cet important mobilier
dont il vient de traiter, et qu’il ne déplace pas !
En aucune manière.
Nul acte n’ est fait.
M. Montz reste dans la maison sans bail.
Il reste en possession du mobilier sans écrit.
M. la Jumelière abandonne tout à sa foi. Il livre
tout et la maison et les meubles avec une confiance en
tière àM . Montz , c’est-à-dire , à ce débiteur en faillite,
saisi à P aris, écrasé d’énormes condamnations, me
nacé d’une prochaine expropriation de ses biens , dé
pouillé par lui-même, si on l’en croit, de ce qu’ il y a
de plus liquide dans sa fortune, et dont tout Yactif
connu, en écartant même le passif frauduleux qu’il a
créé, est bien loin de suffire au paiement de ses légi
times créanciers.
Au reste , M. la Jumeliere fait très-bien d’écono-.
miser les frais des actes ; car , quand il en fa it, ce sont
(les absurdités de plus. Plus tard, enfin, un bail a été
�t »3 )
îait. E t , dans cet acte , comme dans tous les autres, les
vraisemblances sont si bien gardées, que ce mobilier de
25;ooo 1. M. la Jumeliere paroît le louer à M. Monlz
5 oo liv. par an. Cinq cents livres de revenu pour uue
mise dehors de 25,ooo liv ., pour une mise dehors en
mobilier qui dépérit tous les jours ! belle spéculation !
et bien vraisemblable !
.
Mais n’anticipons pas.
Pendant que tout ceci se passoit, M. Montz continuoit à plaider contre MM. Tour ton , Ravel et com
pagnie. Les années s’écoulèrent en chicanes et en pourparlexs. Enfin et en l’an i 3 , les droits de MM. Tourton,
Ravel et compagnie furent consacrés par des jugemens
souverains.
Ces jugemens étoient quelque chose. Ce n’étoit pas
tout : il falloit les exécuter.
Plusieurs débiteurs avoient été condamnés. 11 y en
avoit dans l’étranger. Il y en avoit en France. L ’exemple
de M. Montz avoit été contagieux. Plusieurs étoient
réellement insolvables. D ’autres avoient pris , comme
M. Montz, leurs précautions , et le paroissoient comme
lui.
Pendant que MM. Tourton , Ravel et compagnie délibéroient sur celui des débiteurs qu’ils poursuivroient
d’abord, et alloient aux informations pour découvrir
leurs divers biens , ou leurs fraudes variées, un créan
cier de M. Monlz perdoit patience et vint dispenser
MM. Tourton , Ravel et compagnie de commencer
contre lui des poursuites d’expropriation, en les corn-
�C 24 3
«nençant lul-même. C e créancier impatient êloit son.
propre beau-frère , M . S e l o n , qui lit saisir à la fin de
l’an i 3 , ou au commencement de l ’an i 4 , l ’hôtel de la
place Vendôm e.
D éjà , com m e on se le rappelle , M . Montz avoit dé
taché de cet immeuble toutes les glaces qu’il avoit ven
dues à Gin. Mais il craignit que ce n’ en fût pas assez pour
dégoûter ces enchérisseurs , et il imagina de recourir
encore à Gin pour lui faire un bail bien bizarre et qui
fût propre à effrayer quiconque seroit tenté de se rendre
adjudicataire , en lui laissant entrevoir pour premier
fruit de son adjudication, soit un procès , soit de grands
embarras dans sa jouissance. L e bail qu’ il avoit fait en
l ’an 7 à M . Gin n’ étoit pas e x p iré , mais peu importe.
Celui qu’ il va
faire ne
commencera
qu’à l ’expira
tion.
11 appelle
donc son fidèle Gin.
Gin court chez le notaire.
10 '. F rau d e.
B ail simulé
de l’hôtel de
la place V en
dôme. I l Cil
faut deman
der la nullité,
io '. P rocès.
Encore M*
•Gin.
li t le 29 frimaire de l’au i 4 , M . Moutz loue à G in ....
quoi ? T o u t l’hôtel com m e autrefois ? N o n , mais un
petit appartement de trois chambres dans les entresols,
outre t.a. chambre a u jo u r d 'h u i occupée par M . Gin.
C ’étoit bien déchoir du premier bail de la part de ce lo
cataire fastueux, qui alors, pour se loger, lui et son riche
mobilier , avoit eu besoin de l'hôtel tout entier.
Au
reste, s’ il se restreignoit pour sa personne , au point de
se contenter désormais de ce petit appartement, il clierclioit à s’en indemniser en espace sur les autres parties
¿de l’hôtel , car ce bail com prend t o u s les greniers ,
TOUTES
�( ’3 )
t o u t e s les écuries et t o u t e s les remises . Si l’ on songe
que l’Iiôtel cle la place Vendôme , à cause de la disposi
tion et de la magnificence de ses appartemens , ne peut
être occupé que par des propriétaires très-riches , on
sentira aisément comme , pour ces propriétaires , il y
auroit une grande tentation de l’acquérir , quand ils seroient bien assurés de n’y pouvoir loger de neuf ans , ni
une hotte de foin , ni un cheval, ni un cabriolet. L ’on
sentira encore combien il étoit vraisemblable queM. Gin,
avecsachambre, et même son appartement de trois pièces
dans l’ entresol, eût besoin de tous les greniers , de toutes
les remises et de toutes les écuries. Au reste, et pour
en ûnir sur ce point, il faut savoir que cette dernière si
mulation a manqué son but en partie. M. l’ambassa
deur de France près le roi de W irlem berg n’en a pas
moins acheté l’hôtel. Pais il a fait déclarer nul le bail de
l’ami Gin , qui non-seulement a eu la douleur de ne
pouvoir pas occuper à lui seul tous les greniers et toutes
les écuries de l’hôtel de Montz, mais qui va même cesser
d’habiter cette chambre unique si long-temps occupée
par lu i, et dans laquelle ont été méditées tant et de si
belles conceptions (i).
E t qu’au sujet de cette chambre unique il nous soit
(i) L a jugement qui auiuillo ce bail a été rendu le 2 janvier dernier
par le trlbuual de la Seine. Ce tribunal, au nombre de ses m otifs, a con
sidéré « que le bail étoit fait par Montz que poursuivoient scs créanv ciers, à un hom m e auquel, dans l’espace de sept an s,
a vendu l^j
* meubles , les gl:ices déooraut les appartemens de cette ma.sou au
>» profit duquel il a souscrit des obligations et îles cessions , de tous les*> quels laits résulte une fraude évidente, etc. ».
D
�(
)
permis de faire une observation qui prouve toute l'im
pudeur avec laquelle Montz et ses amis ne font pas difliculté «le se donner des démentis à eux-mêmes , pourvu
qu'ils parviennent à leurs fins.
M. G in, par le bail de l’an 7, étoit devenu le loca
taire de tout l’hôtel, le propriétaire de tout le mobilier,
c’est-à-dire, qu’ à partir de cette époque il a dû des
cendre de sa chambre ou de son grenier du quatrième ,
pour occuper, à lui tout seul, tous les riches apparte
nions qui composoient l’ hôtel. En effet, on a vu que
quand, quelques semaines après, on est venu pour saisir
sur M. Montz le mobilier qui garnissoit ces vastes ap
partenions, il s’est présenté pour déclarer que c’étoit
lui qui occupoit les appartenions , que c’étoit lui qui
étoit propriétaire du mobilier, et que , quant à M. Montz,
il demeuroit à Issy. Eh bien! malgré ces déclarations,
malgré cette conséquence très - naturelle du bail de
l’an 7 , s’il étoit vrai , veut-on savoir ce qui en étoit ?
Gela n’est pas diflicile-, car voilà M. Monlz et son com
père Gin , q u i, ne s’inquiétant guère de convenir qu’ils
ont m enti, quand leurs mensonges avoient réussi ( et
ceux-ci avoient très-bien réussi, puisque dès long-temps
les huissiers s’étoient retirés) , viennent naïvement se
proclamer eux-mêmes imposteurs en laissant écrire en
toutes lettres , dans le bail de l’an i/j., que le pauvre
M. Monlz est toujours demeurant dans son hôtel, place
Vendôme , et que le riche M. Gin occupe encore aujourd /tut une chatnl)ie , u^e seule chamime ! dans cc
grand hôtel qu’il avoit feint de louer. Il est diflicilc do
croire qu’ on puisse pousser l’effronterie aussi loin ! E t
�( 27 )
'pour en rester convaincu , il faut avoir les deux baux
sous les yeux.
Ainsi procédoit M. Montz pour ses biens de Paris. Sa
conduite est toute d’ une piece , et il procédoit delà même
manière pour tous ses autres biens.
On n’a pas oublié les biens de Moulins.
Ces biens valent certainement plus de 200,000 fr.
M. Montz, instruit que MM. Tourton, Ravel et com
pagnie se donnoient des mouvemens pour prendre sur
¿ces biens les renseignemens à l’aide desquels ils pourroient opérer une-saisie régulière , gagna de vitesse.
Tous ces biens étoient loués par baux particuliers. II*, i'rande’
Le 4 novembre 1806, il fit a un M. Tarteiron un bail Bail simulé
des biens do
général pour neuf ans , à commencer le u du même Moulins. 11
faut en de
mois , et moyennant 3 , 5 oo fr. , et le 22 de ce mois m ander la
même, il passa à un M. Sclierbe la vente de ces biens I I nullité.
e. P ro cès au prix de 70,000 fr.
12 '. F ra u d e.
Le seul rapprochement de ces deux ope'rations suffit V ente si
mulée et à vil
pour re'véler les intentions de M. Montz et de ses af- prix des mê
biens. I l
lidés. Un homme de bon sens ne fait p as, la veille mes
faut en de
m ander la
d ’une vente , un bail général.
nullité ou la
1.1 est très - évident que ce bail a eu deux buts dif rescision.
12«. Procès.
férons, mais tous deux pourtant imaginés pour léser
les droits des créanciers. L'un a été de tromper ,
par les apparences d’un produit médiocre , ceux qui
ne se seroient pas fait rendre compte de la valeur de
la propriété , et de les détourner par là de tout projet
de surenchère. L ’autre a été d'effrayer de surenchérir
ceux qui connoissoient la valeur de celte propriété en
plaçant à coté de leur surenchère l’alternative ou de
D 2
�(
}
subir le bail pendant neuf ans , ou de plaider pour le
faire annuler.
Surenchère
Cette alternative , au surplus , n’a pas effrayé
dont on a de
MM. Tourton, Ravel et compagnie, ni un autre créan
mandé la
nullité.
cier révolté comme eux de la vileté du prix de la vente.
13". Procès.
E t eux et ce créancier ont surenchéri. Le prête-nom
de M. Montz résiste de toutes ses forces à ces suren
chères. On plaide à ce sujet à Moulins.
Pour en iinir sur ces biens , il faut déranger ici, quel
que peu , l’ordre chronologique des manœuvres de
M. Montz, pour parler tout de suite d’une mesure qui
complète le système des vols qu’ il fait à ses créan
ciers.
Une portion cle fermages des biens de Moulins a été
l 3*. Franch.
Transport arrêtée dans les mains des fermiers par MM. Carrié
simulé des
fermages de et Bezard, créanciers de M. Montz. Tous les jours pouMoulins, il
faut en de voient arriver aussi sur ces fermages d’autres oppo
mander la
sitions : et M. Montz, qui semble avoir l’espoir d’ob
nullité.
i4”. Procès. tenir la mainlevée des oppositions Bezard , a voulll
Encore M.
Ciin.
avant tout s’assurer qu’il ne premlroit pas uue peine
inutile et qu’il recueilleroit ce fruit de son labeur , en
s’appliquant ces io,ooo fr. au préjudice de ses créan
ciers.
Il a fait un signe.
M. Gin est encore accouru chez un notaire.
11 y est accouru avec les poches pleines d’argent.
11 étoit dû 1 0,609 fr. par divers fermiers.
Ces fermiers étoient éloignés , et le recouvrement
par conséquent devoit donner beaucoup d’embarras.
Dailleurs étoient-ils solvables ?
�( 29 )
P u is, quand les oppositions Iiezard seroient-elles
levées ?
Si cette mainlevée éprouvoit des difficultés , ne perdroit-on pas bien long-temps les intérêts ?
Si elle n’arrivoit pas , le prix qu’il paieroit lui-même
pour la cession à M. Montz, criblé de dettes , ne seroit-il pas perdu ?
Qu’est-ce que tout cela fait à M . Gin?
Il a bien fait d’autres preuves de désintéressement.
Rien, en ce genre, ne doit surprendre de la part
de M. Gin. 11 est si riche! Qu’a besoin de ses revenus
ou même de ses fonds un homme si détaché de toutes
les vanités, qu’avec des carrosses il court à pied par les
boues et par les pluies , qu’avec un hôtel entier il occupe
un coin imperceptible au quatrième étage, qu’avec une
bonne table il laisse un autre en faire les honneurs et se
contente d’avoir l’air d’y être toléré? Un tel philosophe
que les richesses ne corrompent pas et auquel elles ne
donnent nul besoin , n’a rien de mieux à en faire que de
les répandre en largesses dans le sein de ses amis.
M. Gin répand donc les siennes dans le sein de
M . Montz , e t , par acte notarié du 9 juillet 18 0 7 ,
moyennant 10,509 francs ( ni plus, ni moins) qu’il paie
comptant (car remarquez bien qu'il est toujours pressé
de payer), il achète et se fait céder par M. Montz
celte véreuse, difficile et lointaine créance de 10,509 fr.
sur des fermiers saisis.
Mais pendant que tout ceci se passe à Moulins, voyons
ce qui se passe à Paris et à Issy. E t peut-être d’ailleurs
ne quitterons-nous pas M. Gin pour cela. 11 est pos-
�{ 3o )
sible que .nous ayions encore le plaisir <le l’y rea 4'- F ra u d e.
Billets
souscrits par
M . Montz à
sa mère pour
¿puiser sa
part hérédi
taire. Il fail
lir a faire an
nuler ces
billets.
,l 5'. P rocès.
v oir.
A Paris, Mme. Montz la mère venoit de mourir. Il
fuudroit n’avoir pas lu ce mémoire jusqu’ici pour ima
giner que, dans la succession de cette datne , les créan
ciers de son iils rétrouveroient sa portion héréditaire.
On trouva en eiîet après sa mort un paquet bien et
duement cacheté. On s’attendoit bien que ce ôeroit un
testament qui, sauf les arrangements secrets et de fa
mille , réduiroit M. Montz à sa légitime. Celle lé
gitime, du moins , pourroit payer quelques dettes, et
les créanciers auroieut pu prendre palience. Point du
tout. Le paquet cacheté éloit bien mieux qu’un testa
ment. C ’éloit une liasse de billets souscrits par
M. Montz au prolit de sa mère , qui, si l’on en croit les
billets, l’auroil fait hériter de son vivant de plus que
sa portion héréditaire. Ce point un jour sera examiné.
Pour le moment parlons d’aulre chose. Parions par
exemple de ce qui se passe à Issy.
A Issy , M. Moutz ne s’endormoit pas dans une
fausse sécurité. La crainte de Dieu et des huissiers lui
faisoit sûrement passer plus d’une mauvaise nuit.
Tout ce qu’il avoit fait pour sauver son avoir des pour
suites ne le rassuroit pas entièrement. Les glaces de
Paris étoient sauvées. Le mobilier de Paris étoit sauvé.
Les billets Cazaux étoient sauvés. Les fermages de
Moulins étoient sauvés. L ’ami Gin s’éloit chargé de
ces divers postes. La terre de Moulins éloit sauvée.
M. Sclierb et M. Tarteiron y veilleroient. La suc
cession maternelle étoit sauvée. De bons billets l’avoieut
�(3.
j
consommée d’avance. Sur la mars3n d’issy l’ami Gin
avoit une bonne hypothèque de 80,000 francs. Mais le
mobilier d’Issy n’avoil-il rien à redouter?
Il y avoit bien cette ancienne vente de l’usufruit faite
à M. Montz sous le nom de l’ami la Jum elière, vente
qui, tant que l’usufruit avoit duré, avoit pu servir de
prétexte pour faire réputerM. la Jumelière propriétaire
des meubles. On s’en étoit même servi avec assez
d’avantages contre les saisies du domaine. Mais cet acte
avoit vieilli. L ’usufruit avoit cessé avec la vie de M. de
Besigny. M. la Jum elière, qui 11’avoit d’autres droits
que ceux de M. de Besigny, n’avoit donc plus rien à pré
tendre ni dans le château d’Issy, ni par suite dans le
mobilier qui le garnissoit.
11 y avoit bien aussi cette vieille vente du mobilier
faite sous seing privé à M. Montz, sous le nom de l’ami
la Jum elière, par M. de Besigny. Mais si nul autre acte
n’intervenoit , quand celui-ci auroit été enregistré ( ca
qu’ il n’étoil pas), et auroit pu être produit, M. Montz
étoit resté si long-temps en possession de ce mobilisr ,
soit avant, soit depuis la cessation de l’usufruit, sans au
cune espèce de titre qui l’y autorisât, qu’on ne devineroit
même pas qu’il p6t en avoir d’autres que le meilleur de
tous , c’est-à-dire , la possession, et que les meubles
pussent appartenir à quelque autre que lui-même. Ajou
tez que , depuis ce temps , M. Montz avoit changé une
partie de ce mobilier contre des meubles plus frais et
plus riches, et y avoit beaucoup ajouté. Si donc quelque
jour M. la Jum elière venoit réclamer contre des saisies
avec son vieil acte , quand on voudroit faix’e le recolle-
�C3. )
i 5'. F ra u d e.
•du^uobiTieiT
d’Issy. Il
faut en demander la
Encore M. la
Jum elière.
?7*-> 18e. et
19 '. F r a u
des.
m ent, on ne.s’ y reconnoîtroit pins , Tien ne seroit ¿ a c
cord, et la saisie dévoreroit peu t-être la meilleure
partie des meubles.
J J n autre acte fut donc fait sous seing-privé , auquel
on donna pour date le I e r . avril 180 7 . Par cet acte , M. la
Jumelière donne à bail à M. Montz, pour trois années ,
. . . . . .
h commencer du i er. mai prochain , la jouissance de to us
les meubies qui sont dans le château d’Issy, détaillés
dans les procès-verbaux de saisie faits par le domaine
aux diverses époques qui y sont relatées, moyennant la
somme de cinq cents francs.
Ce bail a été enregistré le 29 du même mois d'avril/
11 a , depuis , et le 6 janvier 180 8, été déposé à un
notaire. Nous dirons plus bas pourquoi. C ’est un petit
tour de M. Montz qui mérite d’être noté , comme étant
vraiment un des plus curieux.
Les grands objets , au reste, ne faisoient pas négliger
à M. Montz les petits.
Par exemple , M. Montz , depuis le 1 er. avril, avoit
amené à Issy une jument
et
un tapecul.
Ils pou-»
Actes si- voient être saisis. Vile , M. la Jumelière et un acte.
cjûelques dé- M. la Jumelière vient, M. la Jumelière signe. V oici,
!n demander «n date du TO mai 1807 , un bail fait par M. Montz qui
lalIlSl
H«!11'«xV
II) •j demeure tout seul à Issy , qui
*" se sert tout seul de la bête
19'. et 20«. et de la voilure, à M. la Jumeliere qui demeure à
P rocès. Tou.
,
.
.
. 1
jours M. la Etam pes, qui ne s est jamais servi de 1 une ni de l’autre,
jumeliere.
et ^ peul-êlre ne les connoît pas même de vue, de ces
vTuilpti nmir
deux objets pour trois m ois, à raison d’un franc par
jour.
Et cet acte est enregistré. Un pareil acte ! E t en
cil e t ,
�seÎTet, on ne le faisoit que pour cela. Puis, viennent les
saisissans pendant ces trois mois ! On leur répondra.
Ils n’aui’ont pas même le tapecul ni la jument. Après
- ces trois mois, ou le tapecul et la jument n’y seront plus ,
ou Lien il y aura un autre bail»
Autre exemple. Quelques menus meubles ne sont pas
compris dans les procès-verbaux de saisie. On les éva
lue ; ils peuvent être du prix de 600 fr. V ite, M. la
Jumelière et un acte. M. la Jumelière vient*, on é c rit,
on signe. C’ est une quittance de 65 o fr. qu’a payés M, la
Jumelière pour des meubles, sans dire lesquels, qu’ôn
lui fournira. E t la quittance est enregistrée » Cet acte
en valoit en effet bien la peine comme l’autre ! Puis
tiennent les saisissans ! E t , si, outre les meubles com
pris dans les procès-verbaux, plus la jument, plus
ie tapecul, il se trouve quelques objets encore, eh
bien ! ce seront ces objets-là même qui auront été
vendus à. M. la Jum elière, et que celui-ci, la quittance
à la m ain, ne manquera pas de réclamer»
Autre exemple : et celui-ci est curieux. M. la Jum e
lière , dans tous, ses cbiil’ons d’actes, avoit bien pu
vendre ce qui existoit déjà. Mais ce qui n’existoit pas
encore, ce qui n’existe que de jour à autre , les récoltes
enün, M. la Jumelière à qui d’ailleurs elles n’appartcnoient pas, n’avoit pas pu les vendre. E t cela éloit
bien douloureux ; car en juin , et le foin qu’ on venoit
de couper, et le bois qui étoit dans le bûcher devieudroient nécessairement la proie des saisissans. Vite
M. la Jumelière et un acte. M. la Jumelière vient.
Ou écrit i et cette fois - ci ce n'est plus M. la .Tu-
�( 34 )
melière qui vend ou loue à M. Monlz; c’est M. Montz
qui vend à M. la Jumelière le bois qui est dans la
maison et le foin qu’ on vient de couper. Et l’acte est
enregistré. Puis viennent les saisissaus ! Ils n’auront ni
le foin ni le bois. C ’est dommage que MM. Tour ton ,
Ravel et compagnie n’aient pas continué à explorer ces
misérables et fastidieuses fraudes de détail. Il est pro
bable qu’ils auroient trouvé quelque acte enregistré pour
les allumettes et les tessons de bouteilles.
Cependant le moment arrivoit où allo.it éclater sur
M. Montz l’orage q u i, depuis si long- temps grondoit
dans le lointain. Mais c’est dans les grands dangers que
se développe un grand courage , et l’on jugera peutêtre que M. Montz ne fut pas abandonné par le sien.
MM. Tourton , Ravel et compagnie se résolurent
enfin, le 26 octobre 1807, a commencer les poursuites
d’expropriation de la maison dTssy , et ce jour fut fait
à M. Montz un commandement tendant à'ce but.
Les 29, 3 o et 3 i du même mois, ils firent procéder
dans la même maison à la saisie exécution du mobilier.
Il est fort inutile d’observer que M. Montz en avoit
soustrait tout ce qui avoit le plus de valeur. On sup
posera très - aisément que celui qui n’est occupé qu’à
combiner des actes pour voler à ses créanciers les
masses et les choses que leur volume ou leur nature ne
permet pas d’enlever ou de cacher, n’a garde de rester
en si beau chemin quand il s’agit d’objets faciles à dé
placer. Aussi remarque-t-011 avec beaucoup d’édifica- .
tion, soit dans les actes simulés souscritspar M. Monlz,
.soit dans les procès-verbaux de saisie qu'on n’y trouve
�( 33 )
ijamais, -malgré la somptuosité dont il fait profession
aucune des choses de prix dont il se sert habituellement
quand les huissiers n’y sont p as, comme de la vaisselle
ou des bijoux. Il n’a pas été saisi même une montre
d’argent.
M. Montz, au reste , n’entendoit pas borner ses pré
cautions à ces moyens bannaux d’enlèvemens clandes
tins , bons pour le vulgaire des banqueroutiers.
Ce que, dans le mobilier dTssy, il avoit laissé à dé
couvert, parce qu’il ne pouvoit se passer de meubles,
'venoit d!être saisi. M'. Montz étoit tranquille sur ce
¡point. Son ami la Jumelière réclameroit ce mobilier à
Taide du bail du i er. avril dernier.
Mais l’immeuble ! Déjà le commandement d’expro
priation-étoit fait. L ’hypothèque Gin existait bien.
Mais cette hypothèque bonne et suffisante pour le temps
¡où elle avoit été donnée , parce qu’alors M. Montz
n’avoit que la nu-proprieté, ne l'étoit plus aujourd’hui
que , l'usufruit s’y élant réuni , la maison dTssy av o it,
dans la fortune de M; Montz , sa valeur entière.
L ’ imagination de M. Montz ne reste jamais court.
•Une suite'de mesures fut inventée , toutes plus curieuses
l’une que l’autre. Le mois-dé novembre les vit'toutes
éclore;
Ce qui sembloit plus pressant , selon M. Montz,
cJétoit’ d’entraver la vente form ée, et de déshonorer la
propriété pour en dégoûter tout enchérisseur. O r, dans
ce dessein , il s’avisa d’un moyen qui ne pourroit être
sorti que de1 la- cervelle d’un fou-, s’il n’étoit évident
Çu il fut 'Suggéré3 et par* la rage et par la ; cupidité*,
E 2
�( 36 )
réunissant leurs efforts tant pour se venger d’-audacieuï '
créanciers pur la destruction de leur gage, que pour
mobiliser et convertir en argent, à son profit, jus
qu’aux élémens de l’immeuble lui-même, tout saisi
■qu’il éloit.
Un superbe parc faisoit le principal ornement et
une partie de la valeur de la maison d’Issy. On peut
même dire qu’il en faisoit partie en quelque sorte in
trinsèque et indispensable. Qui voudroit , en effet ,
acquérir à la campagne , et surtout sur une hauteur ,
une maison de quelque importance, dont le Yaste terrain
qui l’ environneroit seroit une lande absolument inculte ,
et privée de tout ombrage, au point de ne plus oiiYir
à l’ceil un seul arbre?
JEh bien! couper tous les arbres fut précisément ce
qu’imagina M. Montz.
Toutefois en même temps qu’il vouloit faire beau
coup de mal à MM. Tourlon , Ravel et compagnie , il
se vouloit à lui-même quelque bien. En abattant, il
assouvissoit sa colère. Mais les arbres abattus appartiendroient à ses créanciers, et c’est aussi ce qu’ il vou
loit empêcher : le pouvoit-il ? Pouvoil-il vendre une
haute futaie et tous les arbres d’un parc , au mépris
des poursuites d’expropriation commencées, et posté
rieurement au commandement, prédécesseur d’une saisie
immobiliaire ? Telles étoient les inquiétudes que rouloit, dans son esprit, M. Montz , sur l’eiïicacité de son
projet.
Plein de ces idées, il les épanche autour de lui. II
demande de tous côtés ce qu’il pourroit faire. 11 a
�(
3?
)
même l'indiscrétion de répandre des notes consultât h’es
d e c e p o in t , entièrement écrites de sa main : « On de» mande , disoil-il dans ses notes , si un propriétaire
» d’inimcubles peut vendre ( d i x jours (i) après un
» commandement en expropriation ) des superficies de
» bois : et en cas •qu’il fasse vente à term e, si l’acqué» reur peut jouir de son contrat, c’est-à-dire, ne couper
» qu’à fur et mesure des époques stipulées dans ce
» contrat, sans craindre de surenchère , ni d’opposi» lion de la part du créancier ou de tout autre». Tant
d’audace n’étoit propre qu’à soulever l’indignation doj
ceux même à qui M. Montz faisoit l’injure de les cou-i
sulter. Aussi produisit-elle cet cfTet. MM. Tourton,
llavel et compagnie furent avertis de tous côtés'des
iureurs déloyales de M. Montz. Une de ses notes mêmes
leur fut remise. Elle dut provoquer leur surveillance..
Ils se tinrent donc aux aguets.
E t ils eurent raison.
En effet, on vint les prévenir le i 3 novembre 1807,
de très-grand matin , qu’il y avoit dans le parc d’Issy
une armée de bûcherons qui, M. Montz à leur tète,
porloient la dévastation partout.
\
(1) Il est bien essentiel de remarquer celle date. L e commandement
fait par M M . T o u rton , R avel et compagnie dont il s’agit ici est du 26
octobre 1807. Et puisque dans la note M . Montz demande s i , après que
dix jours se sont écoulés depuis ce com m andem ent, il peut encore vendre
ses superficies do b o is, il suit de là que la note a été écrite au plutôt le 6
novembre 1807 ; c’est-à-dire que le six novem bre M . M ontz, qui éloit
inquiet de savoir s’il pouvoit alors vendre ses bois, ne les avoit p a s
encore vendus. Cette observation va trouver tout à l’heure son appli
cation.
i
�( 38 ).
.XJn huissier et ses témoins partirent en grande hâte
pour constater ces dégradations et pour en saisir les ré
sultats.
M. Monlz fut en effet trouvé sur le terrain.
Vingt - quatre ouvriers détruisoient tout sous ses
ordres.
Déjà une avenue entière de cent soixante - seize
beaux tilleuls, gissant encore sur la terre avec leurs
branches et leurs feuilles, n’existoit plus.
Ça et là étoient également étendus cinquante tilleuls
et maronniers que l ’onavoit coupés avec l ’aflectation ,
n o n - seulement d’avoir choisi les plus beaux, mais
<1’avoir choisi ceux dont l’abattis rompoit davantage
l ’ordre et l’harmonie des plantations.
A l’instant où l'huissier arrivoit, les vingl-quatre ou
vriers étoient tous rassemblés dans la grande allée fai
sant face au salon du château. Dix arbres étoient tombés
sous la coignce. L ’huissier s’efforça d’abord de leur
persuader’ de suspendre leurs travaux. Sous ses yeux
même ils continuèrent et déclarèrent qu’ils ne recevoient d’ordres que de M. Monlz.
L'huissier lit commandement à M. Montz d’arrêter
les travaux. M. Montz, loin de cela, commanda de re
doubler de célérité.
Après avoir constaté tous ces faits, l’huissier alla re
quérir le maire du lieu de venir interposer son au
torité.
Le maire crut qu’il ne pouvoit employer là force
sans y être préalablement autorisé par là justice. Mais
il ne refusa pas d’employer les représentations,.
�( 39)
Il vînt.
f
Il essaya de faire senlir à M. Montz tout ce que sa
conduite ofFroit de révoltant. Il multiplia ses efforts
pour le démouvoir de ses projets destructeurs.
’’ Tout fut vain.
Le maire se relira.
L ’huissierse retira aussi après avoir assigné M. Montz
pour le lendemain en référé.
M. Montz resta.
Les ouvriers restèrent.
La nuit même n’interrompit pas leurs travaux. Pour
la première fois , peut-être , des bûcherons abattirent
des arbres à la lueur des flambeaux , et M. Montz passa,
dit-on , la nuit près d’eux pour animer leur zèle et dé
signer les victimes.
!
Le lendemain s’ouvrit une scène nouvelle , et parut
un troisième acteur inconnu jusque-là.
En voyant M. Montz présider lui-même à la des
truction de son parc , et se souvenant que le 6 novem
bre , c’est-à-dire, six ou sept jours auparavant il avoit
consulté pour savoir s’il pouvoit, dix jours après un
commandement d’expropriation , vendre ses hautes fu
taies , il étoil fort permis de croire que , ni le G novem
bre , ni même depuis , il ne les avoit pas vendus ,
et que, puisqu’il les abaltoit en personne le i 4 , il les
exploitoit pour le compte de sa vengeance et de sa cu
pidité.
Néanmoins au référé intervint un M. Senet, qui n’est
ni marchand de bois , ni charpentier , ni charron , ni
tourneur, ni menuisier , ni ébéniste , ni d’aucune pro-
19 '. F ra u d e ,
V ente si
mulée des ar»
brea d’Issjr.
�[ho)
H Tauten de- fession ou l’ usage du Lois soit nécessaire. TT importe-, Oft
i'nufnu‘ la M- Se ne l n en montra pas moins un acte sous seing
20'. Procès. priVe 5 en dale du seize octobre 18 0 7 , mais enregistré
,Seuct. seu]ement ]e ç) novembre , par lequel M. Montz lui vendoit la totalité des arbres de son parc , abattus et non
abattus, moyennant d ix m ille francs p a y é s c o m p t a n t
( ce qui est très-vraisemblable , surtout dans les, cir
constances), en lui donnant trois ans pour achever de les
abattre et pour les enlever.
M. S e n e t , armé de ce bel acte, réclama les arbres ,
ainsi que la faculté de continuer d’abattre.
C’étoit devant M. le président du tribunal civil de la
Seine que se présentoit celte réclamation.
On pressent le succès que dut obtenir cette réclama
tion devant un tel magistrat , distingué par sa vertueuse
*
horreur pour la fraude, non moins que par le talent
qu’a su lui donner,, pour la reconnoitre et la dém as
q u er, une vie toute entière employée à protéger de son
expérience la bonne foi contre les ru S-CS de la procé-
•
dure.
Il sourit de mépris *, observa dans ses motifs que l’acte
n’étant enregistré que le 9 novembre, n’avoitpas de date
certaine avant ce jour , lequel étoit postérieur au com
mandement d’expropriation } ajouta qu’après ce com
mandement il n’étoit plus permis au saisi de dégrader
l’immeuble ; en conséquence , sans s’arrêter en aucune
à la réclamation du complaisant Senet, fit dé
fense à Montz de continuer la coupe*, perinitiM M .Tourton , Ravel et compagnie de faire vendre les arbres abat
tus j et leur permit aussi d’établir à Issy des gardiens
chargés
m
a
n
i è
r
e
�■chargés de veiller à la conservatiou de la propriété,
et de la défendre contre les entreprises de son propre
maître.
y
Avec cette ordonnance, on se pressa de retourner le 16
novembre à issy. Deuxjours seulement s etoient écoulés ;
maisdeux joursavoient suffi pour consommer desdévas
tations nouvelles. L ’intrépide M. Montz, sans s’ étonner
du danger, ni craindre l’ennemi, et sous le feu même
des poursuites, avoit bravement fait continuer l’ ahattis
jusqu’au moment où l’on vint chasser les ouvriers. Qua
tre-vingt-dix grosmaronniersde la plus grande beauté,
étoient, dans la grande allée , en face du salon, tombés
à côté des dix qu’avoit déjà frappés la hache lors du
premier procès-verbal. Quatre-vingts gros ormes dé
cimés dans toutes les places avoient subi le même
sort. De tous côtés avoient été également coupés beau
coup de petits arbres et des taillis. B r e f , quelques jours
de plus seulement, et le futur acquéreur d’Issy n’auroit
eu a la place d’un parc riche d’arbres, et planté dans le
meilleur go û t, qu’une cour nue et vide , où auroient
crû çà et lu quelques herbes sauvages, et o ù , pour
faire produire quoi que ce so it, il eût fallu commencer
pardefricher le terrain et par eu arracher les souches qui
l’eussent encombré.
* L ’ordonnance mit fin à ces ravages, niais non pas à
ï audace de Montz et Senet. Celui-ci osa bien appeler de
l'ordonnance, et continua de s’ opposer à la vente des
arbres. Cet appel a été rejeté. M. Senet ne se décourage
pas facilement. 11 a revendiqué de nouveau ses arbres.
E t ce qu’il y a de bizarre } c’est que , taudis qu’ il les réF
�( 4* )
clamoit comme lui appartenant, M. la Jumeliere s opposoit aussi, de son côté, à ce que MM. Tourton , Ravel
et compagnie les vendissent, parce que ces arbres , disoit-il, lui appartenoient aussi. M. la Jum elière, de plus,
réclamoit le mobilier qui avoit été saisi à Issy. E t il le
réclamoit en vertu de son bail du xer. avril (i).
r Cependant M. Montz avoit médité sur le texte offert
à ses réflexions par l’ ordonnance du référé qui refusoit
de tenir compte de la vente des bois faite à Senet, parce
quelle n’avoit pas de date certaine antérieurement au
commandement d expropriation.
Une très-heureuse idée lui vint pour donner à son
acte frauduleux cette précieuse antériorité.
E t cette idée fut tout bonnement de commettre un
faux.
11 faut beaucoup insister sur celte circonstance, parce
que toute seule elle est bien propre à donner la mesure
de la moralité de Montz et de celle des hommes qu’ il
s’est associés.
On se souvient de ce bail des meubles d’Issy fait le
i er. avril 1807 par M. la Jumelière àM . Montz.
Ce bail éloit une fraude sans doute. Personne ne peut
ne. pas l’appercevoir.
Mais c’éloit une fraude qui n’avoit alors d’autre objet
que celle de soustraire les meubles d’Issy aux créanciers.
I/ingénieuse idée de leur voler jusqu’ aux hautes futaies
u’étoit pas encore éclose dans la tête de Montz.
(1) Toutes ces réclamations ont été rejetées déjà par divers jugemens ,
jnotivés tous sur Vèvidenco de l a F r AVDe .
�( 43 )
! X e bail avoit donc ëtë fabrique et compose que dans
'Cet objet. E crit snr une demi-feuille de papier tim bre,
la demi-feuille elle-même avoit été plus que suffisante
pour l’acte assez simple qu’on y avoit couché, et qui coriisistoit uniquement dans la convention « queM . la Jume» lière louoit pour trois ans à M. Montz tous les meubles
» décrits dans les procès-verbauxde saisie faits àla requête
■» du domaine, moyennant 5oo fr. par an » . Dans l’état
matériel de la pièce, l'acte aclievé et signé, il restoit en
core assez de place pour que le receveur de l ’enregis
trement écrivît et signât la mention de l’enregistrement
•au bas du verso de la demi-feuille de papier. E t
en effet, il est hors de doute que ce receveur avoit
ainsi placé celte mention de l’enregistrement, par la
quelle les receveurs ont toujours soin de clore les actes
quand l’état matériel de la pièce s’y prêle, précisément
pour empêcher les additions frauduleuses dont il faut
convenir que M. Montz n’a pas l'invention, quoiqu’il en
ait l’habitude.
**
Cependant M. Montz , sûr q u il éloit de toutes les
bonnes dispositions de son ami la Jum elière, qu i, comme
on l’a bien assez vu , est toujours là prêt à signer tous les
actes qu’il veut, imagina de se servir habilement de cet
acte déjà enregistré, et enregistré plus de six mois avant
le commandement d’ expropriation, pour donner à la
vente d’arbres Senet, réalisée par le sons seing privé d’oc
tobre, enregistré seulement le 9 novembre, une espèce
d authenticité. « S i , se dit-il à lui-même , je pouvois re» présenter un acte enregistré en avril , où déjà je parle» rois , comme d’une affaire conclue, de la vente par moi
F 2
�( 44 )
» faite (le mes arbres à Senet, alors il n’y auroit plus
» moyen de dire que ma vente , bien qu’enregistrée
» seulement en novembre , n’a pas été faite avant le
» commandement d’expropriation » .
Le projet éloit bon. Mais l’acte d’une demi-feuille^
enregistré au - dessous des signatures des parties , ne
se prêtoit à aucune intercallation. Comment donc s’y
prendre ?
v
M. Montz n’est embarrassé de rien ; et il est toujours
admirable dans ses expédiens.
Pour le mieux admirer donc dans celui-ci, suivons-le
avec un peu d’ attention.
M. Montz commence par prendre une feuille entière
de papier timbré pour transcrire ce même acte déjà eiir
registre. Mais pourquoi une feuille entière pour cet
acle à qui une demi-feuille suiRsoit? Vous allez l’ap
prendre. Continuez de lire.
Sur cette feuille il écrit d’abord , avec une fidélité
vraiment religieuse, le bail ancien sans y changer une
seule virgule ; seulement il a soin de compasser tellement
la grosseur des caractères et les intervalles tant des mots
que des lignes , que tout le recto et tout le verso du pre
mier feuillet sont épuisés par la rédaction du bail ainsi
que par les signatures de cette partie, et que surtout il
ne reste pas assez d’espace au receveur pous mettre audessous des signatures sa mention de l’enregistrement.
M . M o u t z signe.
M. la Ju m elière signe.
Il n’y a plus de place au-dessous des signatures que
1
�( 45 )
pour une ligne. E t il faut au receveur plus (Tune ligne
pour enregistrer.
\
T o u t va Lien.
Les choses en cet é tat, on va porter cette copie au
receveur en le priant de l’enregistrer par duplicata , sous
le prétexte apparemment que l’ original s’est perdu.
Le receveur ne soupçonne pas la fraude. Il lit l'acte.
Il voit un bail de meubles à Issy fait par M. la Jumeüère
à M. Montz le i er. avril 1807, pour trois ans, moyen
nant cinq cents francs par an. On lui dit que ce bail a
été enregistré le 29 avril. Il cherche dans ses registres.
Il trouve en eilet à cette date 1111 bail de meubles à Issy
fait par M. la Junrelière à M. Montz pour trois ans et
moyennant 5oo francs. Le rapport est parfait. Pourquoi
donc le receveur n’ enregistreroit-il pas? Il enregistre.
E t il enregistre, ne pouvant pas faire autrement, en
marge. Seulement il annonce qu’il enregistre pav dupli
cata, et que, loi'S du premier enregistrement, il a été
perçu 9 francs 35 centimes pour les droits. Il faut 11e pas
oublier cette traître déclaration d e là quotité. Il y aura
peut-être quelque parti à en tirer.
L ’acte, ainsi enregistré , rentre dans les mains de
M. Montz. Voyons ce qu’il en va faire.
20*. Fraude.
Sur le verso , à la lira de la stipulation du prix du bail, Fausse
•1
, .
,
, .
vente de cin-
11 renvoie , par une astérisque, aune astérisque toute pa- chante arreille , placée au-dessous des signatures , dans l’espace d’ï/sy. î
où peut s’écrire une ligne encore. Cette ligne, il l’écrit. dra e,n ^
-,
11
*
.
y
.
ajoute aussi une feuille de papier sur l a q u e l l e il coutinue le sens de la ligne de la page précédente. Toute
cette addition énonce d’abord, etpour rattacher le reu-
m ander la
nullité.
2 1 e* I* rocès
Encore M . l'a
�{ 5C 3 '
<voï a l ’acle par aine espèce ¿’’ homogénéité de matière,,
que le hail comprend , oulre les meubles détaillés dans
les procès-verbaux de saisie , ceux énoncés dans un état
copié à la suite de l’acte. E t, après cette mention, arrive
la stipulation qui suit : «En considération de l’avantage
» résultant pour M. Montz du présent b a il, il promet à
m M. la Jumelière qu’il lui vendra cinquante des plus
beaux arbres de son p arcd ’Issy, desquels arbres M. la
» Jumelière fera choix àson gré , àlasaison convenable.
» M. Montz déclare eu oulre à M. la Jumelière que.,
» quoiqu’il eût d é j à arrêté avec M. Jean Senet la vente
» de la totalité des bois de sondit parc à Is s y , et qu’il
» ait reçu dudit Senet l e d e n i e r a D i e u , il s’engage
» à obtenir dudit M. Senet, pour M. la Jum elière, ce
» choix des cinquante plus beaux arbres, celte conven.» lion étant de rigueur, etc. ».
E t ce renvoi est très-convenablement signé de la Ju
melière et Montz.
Il est vrai qu’il n’ est pas signé du receveur de l’enre
gistrement.
11 est vrai que la fraude, le faux de l’addition , et
l’omission de la signature du receveur sauteront aux yeux,
si on produit celte pièce fabriquée.
Mais il y a remède à tout.
On ne la produira pas.
,
On ira la déposer chez un notaire. Un notaire qui n’a
ni le temps , ni l’intérêt de scruter et d’aualiser les actes
qu’on lui dépose, n’ira pas pâlir sur cet acte , pour voir
s’il y a des renvois, quel ordre ils occupent dans la pièce,
..s’ils sont en rapport avec l’acte, s’ils sont au-dessus ou
�( 47 )
Au-dessous de la signature du receveur. Ajoutez que le
notaire à qui on dépose une pièce ne s’avisera pas de soup
çonner que c’est un piège qu’on lui tend.
Ce dépôt fait, on demandera une expédition de la
pièce.
I^es notaires ne figurent pas les minutes dans les expé
ditions. Ainsirexpédition arrivera tout d’un contexte , et
avec le renvoi placé au lieu qu’ il doit occuper dans le
contexte même , et sans mention que c’est un renvoi.
E t quand on aura celte expédition; elle sera produite
dans le procès de réclamation des arbres de M. Senet ;
et on dira : « Vous voyez bien que le marché avec M. Se» net n’est pas une fraude ; que ce n’ est pas une mesure
» rêvée pour parer au commandement d’expropriation
» de novembre 1807} car voilà un acte authentique, un
» acte ayant date certaine et enregistré le 2/f avril, qui
» dit que M. Montz a vendu tous les arbres à M. Senet,
» et qu’il a reçu (voyez le scrupule de la mention ! ) le
» denier à Dieu. Or s’il est prouvé que, dès avril 1807 ,
» M. Montz s’étoit dévotement hé par la réception du
» denier a Dieu envers M. Senet, à lui vendre toutes
» les palissades , toutes les allées et toutes les prome» nades de son parc, il ne faut plus s’étonner du tout que,
» plutôt que de manquer de foi (lui qu’ on sait en avoir
« tant) et de violer ce traité si religieusement consacré
» dès avrilj8o7, il se soit mis en novembre 1807 à la tête
» des ouvriers de M. Senet dont il se faisoit le piqueur,
» pour abattre, jour et nuit, ces arbres sous l’ombrage
» desquels il n’auroit pas pu se promener plus long» temps sans offenser D ieu , la bonne foi et l’équité ».
�■I 4B :)
E t c’est tout ce qui a ¿té fait et tout ce qui a été
dit.
Le dépôt a eu lieu.
Il a été reçu sans que le notaire se doutât de
rien.
L'expédition a été demandée. Elle a été délivrée.
Elle la été comme elle devoit l’ être, sans renvoi.
Elle a été rapportée triomphalement dans le procès
S eue t.
On a dit : « Voyez , voyez ! En avril la vente étoit
*> constante. Voilà un acte enregistré alors qui le dit. La
vente n’a donc pas été rêvée en novembre. Qu’avez» vous à répondre » ?
Malheureusement il y a des esprits forts et des incré
dules, à qui la dévotion de M. Montz et sa fidélité aux
deniers a Dieu qu’il reçoit n'en imposent pas. Ces mécréans ont été assaillis, malgré eux, d une multitude de
soupçons.
E t d’abord pourquoi ce double du bail original, cette
mention de l'enregistrement par duplicata ? Pourquoi
surtout ce dépôt dans les minutes d’un notaire, lors
qu’ on représentoit tant d’autres bonnes ventes et tant
d’autres bons actes simplement enregistrés?
Que vouloit dire , d'ailleurs, la bizarre clause insérée
dans ce bail, et qui accordoit àM . la Jum elière les cin
quante plus beaux arbres du parc d’Issy ?
Quel besoin, M. la Jum elière, qui ne demeure pas
à I s s y , qui a même loué son prétendu mobilier à
M.
�( 49 )
M . Montz, avoît-il besoin de cinquante arbres dans ce
pays, et des cinquante plus beaux arbres du parc ?
M. la Jumelière n’est pas marchand de bois. Qu’en
feroit-il ?
Il demeure à Vaudouleur, près Etampes *, comment
les y feroit-il venir, et est-il bien commode d’acheter
-cinquante arbres à vingt ou trente lieues de son domi
cile ?
E t puis le bail dit que c’est à cause de l’avantage
que M. Montz tire du bail des meubles, qu’il donne à
M. la Jum elière les cinquante plus beaux arbres d’Issy ;
c’étoit donc un cadeau ? Nullement. La clause dit qu’il
les lui ven d , et comme elle ne dit pas à quel prix , il
faut en conclure que s’il y avoit e u , à cet égard } dif
ficulté entre de si bons amis et des hommes disposés
-à se traiter avec une si grande générosité , le prix
auroit été selon l'estimation et la valeur courante
<les bois. Or , quelle indemnité en faveur de M. la
Jumelière de Yavantage trouvé par M. Montz dans
le b a il, que cette convention en résultat de laquelle
M. la Jumelière paieroit les cinquante plus beaux arbres
d’Issy , tout ce qu’ils valoient? N ’étoit-il pas bien pres
sant de déranger le marché consacré en faveur de cet
autre am i, M. Sen et, par la délivrance du denier à
D ieu, pour le mécontenter seulement, pour le faire se
plaindre de ce qu’on écrémoit son propre traité en lui
prenant les cinquante plus beaux arbres , et tout cela
sans autre résultat en faveur de M. la Jum elière, que
l ’embarias pour lui de faire exploiter cinquante arbres
G
�( 5o )
loin (le sa maison et au milieu de l'exploitation d'un
autre , et de les faii'e voiturer à grands frais dans son
bûcher de Vaudouleur, après les avoir payés tout leur
prix à Issy ?
Ces mécréaus trouvèrent donc toute cette version
invraisemblable , ridicule , absurde. Ils y virent une
fable grossière , imaginée pour colorer l’acte de vente
de bois faite à Senet. Ils se doutèrent qu’il y avoit un
dessous de cartes quel qu’il fût. Et voulant vérifier
leurs soupçons, ils se transportèrent chez le notaire. Ils
demandèrent celte minute précieuse ensevelie dans les
cartons. E t ils virent tout ce qui a été dit plus haut.
Ils virent la petite manœuvre de renvoi.
Ils virent qu’il étoit dépouillé du paraphe du receveur
quoique cela eût été de rigueur s’ il eût existé lors de
l'enregistrement.
-
'
Ils virent plus. Ils virent que le droit qui avoit été
perçu éloit de 9 fr. 35 cent. Or , c’est bien là le droit
du pour l'acte prim itif, et calculé sans les conventions
du renvoi, d’après l’article 8 de la loi du 27 vendémaire an 9 , additionnelle à celle du 22 frimaire an 7.
Mais si ce même acte avoit exprimé alors les deux con
ventions contenues dans le renvoi ; s a v o ir , l'une qui
comprenoit de nouveaux meubles dans le bail, et l'autre
qui vendoit cinquante arbres ; le receveur eût dû per
cevoir 1111 droit de 1 fr. de plus par chaque convention ;
et le d ro it, au lieu de 9 fr. 35 cent, perçus selon la
déclaration, eût été de 1 1 fr. 35 cent.
�( 5 0
Les mécréans ne s’arrêtèrent donc plus au simple
doute. Ils furent convaincus qu’il y avoit faux et fraude.
Tous les magistrats, dans tous les tribunaux, en furent
convaincus aussi', car malgré toutes c e s . réclamations
croisées de plusieurs parties pour les memes objets ,
la vente, et des arbres coupés, et du mobilier d ïssy a
été ordonnée partout. Elle a été effectuée aussi. E t
pour en finir sur ces odieuses tracasseries , cette vente,
si on avoit besoin de preuves nouvelles de la criminelle
collusion qui règne entre tous ces hommes, de fraude ,
en auroit fourni une de plus. Ce marché <le M. Moutz
avec M. Sen et, malgré le denier à D ieu , étoit si peu
sérieux, le prix en étoit si peu ré e l, que bien que tout
le parc de M . Montz ait été par lu i, si on 1 en croit,
Tendu à Senet 10,000 f r . , les seuls arbres qui ont etc
abattus , et qui assurément sont fort loin de compléter
la coupe du p arc, grâces aux obstacles qu y ont ap
porté les créanciers, ont été vendus vingt - un mille
francs,
■ Puis croyez à la vente faite à M . Senet.
‘ Croyez surtout au paiement comptant qu’il a fait au
milieu de tant d’ em barras, d’ incertitudes sur l’exécution
de son marché, de craintes des créanciers, et encore
plus au milieu des embarras que doivent lui faire
éprouver ses propres finances j car qu’ est —ce donc
que ce M. Senet qui a ainsi des d ix m ille francs camptant à jeter par la fenêtre et à payer à des débiteurs
en faillite , pour des arbres qu’ il n’éloit assurément pas
sàr d’enlever , comme l’événement l’a fort bien prouvé ?
�'( 53 )
Qu est-ce que ce M. Senet, qui va acheler des coupes
de bois sur pied, lui qui n’est pas marchand de bois,
qui n’enleud rien à leur exploitation , qui ne sauroit
qu’en faire , et qui s’est ensuite si peu mêlé de les
abattre,-que quand on les coupe c’est M. Montz seul
qui préside à l’abattis , qui donne les ordres , qui
ameute les ouvriers, qui leur fait passer la nuit et les
fait tx’availler aux flambeaux : circonstance qui toute
seule suffiroit pour prouver qu’il s’ agissoit dans cette
coupe de l’ intérêt de M. Montz et non pas de celle de
M. Senet, toujours absent, si ce n’est dans les actes et
dans les réclamations? Ce M. Senet, quelle, que soit
d’ailleurs sa moralité , est un pauvre h ère, bien digne
compagnon de M. Montz sous certains rapports, puisqu’au mois de mars dernier, suivant extrait rapporte
en bonne forme , il a été constitué prisonnier pour deux
mille francs y et puisqu’encore présentement, suivant
certificat délivré par M. Hygnard, huissier, cet officier
est porteur contre lui de sentences pour mille francs ,
sur lesquels ce riche marchand de bois , qui trouve si
facilement dix mille francs dans sa bourse pour les payer
comptant dans des marchés aventureux, n’a pu encore, à
force d’à-coinpte, s’ acquitter que jusqu’ à concurrence
de 64 o fr. I Voilà les capitalistes qui secourent avec tant
de grandeur d’âme M. Montz, et qui ont toujours u
point de si grandes ressources pour acheter ses pro
priétés quand il veut les vendre ! Voilà celui qui vient
même de lui acheter tout à l’heure cette propriété même
d ’Issy 1 II est temps de parler de celte dernière fraude,
�( 53 )
par laquelle M. Montz a couronné toutes les autres.
Mais celle-ci elle-même a eu une pi'éface dans laquelle
nous allons encore voir agir M. la Jumelière.
Le commandement d’ expropriation étoit fait depuis
le mois d'octobre 1807.
Toutes ces petites fraudes pour les arbres, pour le
m obilier, pour les provisions, etc., avoient été com
mises.
Mais M. Montz voyoit bien qu'elles viendroient l’une
.après l'autre échouer contre la justice des tribunaux, et
qu’il ne sauveroit jamais sa propriété de la vente forcée.
C ’est alors qu'il tenta un dernier efl’ort pour amasser
d’avance, autour de la jouissance de l’adjudicataire, tant
d’embarras , que personne ne soit qui ne s’effraie de
le devenir.
~ Il loua à M. la Jum elière la maison d’Issy, moyen- 21e. et aa«.
nant 5 ,800 fr. par an , pour neuf an s, p ar acte du 1 9
novembre 1 8 0 7 , en le soumettant à souffrir la coupe vente simu-
de tout le parc : ce à quoi consent bénévolement ce lo- faudrÎ’Sdeî
cataire de nouvelle espèce , qui ne veut avoir de maison nulHuT/la
de campagne que pour n'avoir pas un arbre dans son
jardin.
Encore M . la
.
Au reste, et avant de parler de l'autre partie de la
manœuvre de M. Montz, qu’il soit permis de faire bien
remarquer la bizarrerie des traités passés à diverses
époques entre M. la Jum elière et M. Montz relative
ment à la maison d'Issy.
D ’abord M. Montz y demeure. Il en est même nu-
Jum elière.
Encore M .
�( 54 )
propriétaire. L ’usufruit et le mobilier sont à vendre. Ce
n’est pas M. Montz qui en a besoin qui les achète j c’est
M. la Jum elière. Ainsi la maison est à M. Montz, et
c’est M. la Jumelière qui a les meubles.
Ce contre-sens cesse enfin. On s’apperçoit qu’il n’est
pas naturel que la jouissance de la maison soit d’un côté
et les meubles de l’autre. M. la Jumelière alors fait enfin
un bail des meubles à M. Montz. Mais à peine ce bail
est-il fait, que voilà M. Montz qui garde les meubles ù
loyer et qui loue la maison à M. la Jum elière; en sorte
que les meubles et la maison ne sont jamais ensemble 5
et que, par un renversement de rôles qui seroit absurde,
si on ne voyoit très-distinctement que toutes ces va
riantes ne sont que des moyens diflerens d’une fraude
toujours la même , ayant pour but d’éluder les droits
des créanciers, M. Montz, propriétaire de la maison ,
ne garde pas la maison, mais prend les meubles à
loyer , sauf à opposer le bail à ses créanciers quand ils
viendront, et que M. la Jum elière, propriétaire dos
meubles , semble les louer tout exprès à M . Montz pour
n’en avoir plus et pour coucher entre les quatre mu
railles quand il aura loué la maison.
A présent, fera-t-on remarquer toutes les invrai
semblances qui se soulèvent contre celle supposition
que M. la Jumelière eût réellement loué Issy.
Il a une maison à Vaudouleur.
Il y est, d il-il, cultivateur.
Il y est fixé, du moins.
�( 55 )
On ne devine même pas quel rapport il pourvoit y
avoir entre sa fortune, dont il ne paroît rien , et une
seconde et inutile maison de campagne qu’il voudroit
acquérir, surtout quand elle est aussi magnifique que
celle d’Issy !
Tout le parc va être abattu-, et M. la Jumelière y
consenti et c’est dans cet état qu'il va louer la maison
d’Issy.
Comment croire de telles absurdités ?
On voit bien qu’ ici rien n’ est simple, ni naturel, ni
vrai.
Qu’a-t-on donc voulu faire par ce bail évidemment
fictif? Ce qu’on a voulu , c’est afî’oiblir le revenu appa
rent de rimmeuble ; c’ est éloigner les enchérisseurs;
puisqu’ on n’achète ordinairement une maison de cam
pagne que pour l’occuper ; et qu’un bail naissant de neuf
ans est sans contredit l’obstacle le plus insurmontable
pour la vente d’une maison de plaisance.
Voilà d’abord le moyen imaginé pour entraver la
vente.
Mais M. Montz a fait plus , et il a vendu lui-même
la maison.
E t à qui l’ a-t-il vendue ?
Il faudroit avoir bien peu profité de la lecture de tout
ce qui précède , si ou ne se tenoit pour assuré que ce
sera ou à M. G in, ou à M. la Jum elière, ou àM . Senet.
Aussi est-ce à M. Senet.
�( 50)
M. Senet, qui n’avoit pas en mars -2000 francs pour&e
sauver de l’emprisonnement 5 M. Senet, qui n’a pas au
jourd’hui encore 36 ofr. pour compléter des condamna
tions de 100Q.fr. qui peuvent Je remener demain en pri
son , a tout de suite tout l’argent q u il faut pour acheter
et habiter une maison de campagne occupée successi
vement par des princes ! Cela est en eflet fort croyable \
Il est vrai que M. Montz, qui ne veut pas qu’on tour
mente trop son cher ami Senet pour le paiement du
prix , a soin de le fixer avec assez de modération pour
que la condition ne devienne pas trop pénible : il l’a
porté à 77,000 francs. E t c’est ici que brille dans
tout son éclat la sagesse du vendeur. Il a donné sur ce
bien à son ami Gin une hypothèque de '80,000 francs;
il le vend 77,0,00 francs. Gin prendra les 77,000 francs,
ou s’en arrangera avec Montz et Senet , ce qui 11e sera
pas bien difficile ; et, de cette manière, voilà le pauvre
acquéreur préservé de la mauvaise humeur et des pour
suites de tous les créanciers. 11 est vrai que Gin ne trou
vera dans le prix de la vente que 77,000 fr. , au lieu de
80,000 fr. qui lui sont dus, et qu’ainsi il sera en dan
ger de perdre 3 ooo fr.j mais à cela ne tienne. Nous
savons tous que Gin est généreux , et il ne les regrettera
pas.
Toutefois , il ne faut pas se dissimuler que ce prix si
foible d’une si belle propriété pourra tenter les vrais
créanciers, et qu’ils ne manqueront pas de surenchérir.
Qu’ils viennent?
M. Montz y a mis ordre.
Le
�'( h 1
L e contrat de vente renferme des conditions si ex
traordinaires que peut-être , et la maison n’eut-elle été
vendue que 10,000 f r ., il ne se trouyeroit personne, qui
voulût surenchérir.
En e iïe t, M. Monts se réserve pour lui et pour toute
sa vie , des jouissances fort bizarres.
i° . lise , réserve d’abord labdlje. chanxbre à coucher
de la maison, en entrant par le grand, salon^ et les
pièces ensuite de cette belle chambre , et dans l'urne desquelles sont les lieux à l’anglaise qu’il se réserve poiiç
lui seul.
Ainsi le vendeur, dans l’appartement d’honneur, aura
la chambre à coucher et les pièces de service. Il n’aura
pas le salon ; mais il s’en servira comme d’un passage
pour sa chambre à coucher.
2°. Il se servira du vestibule en commun.
3°. Il se réserve un grand nombre de pièces çà et là
dans la maison , des remises, des écuries.
4°. H se réserve exclusivement la glacière,
5°. Il se réserve le droit de chasser dans le parc ,
quand il le voudra ,'avec trois ou quatre de ses amis.6°./ Il se réserve les passages à pied, en voiture , etc.
Bref, M. Senet ne sera pas chez l u i , ‘ n’aura rien ex
clusivement à lui, et vivra dans un indivis d’autant plus
fâcheux, qu’ il n’y aura nul remède pour s’en débar
rasser.
î
'
N ’est-il pas évident que toutes ces clauses hétéroclites
rçfi'Sont amassées dans le b^iil que pour empêcher per
sonne de se mettre à le place d’un esclave tel que le sera
II
�( 58 )
M. Senet dans sa propriété, c'est-à-dire, de suren
chérir ?
E t insulteroit-on à la raison humaine, au point de
croire avoir besoin de prouver à personne que tous ces
actes ne sont concertés entre M. Montz et ses affidés
que pour se jouer des droits de ses créanciers ?
E t comment ne croiroit-on pas à la fraude de cet
. homme qui emploie, même à découvert, la violence
pour résister aux dispositions de la justice, et q u i, si
on le laisse faire apparemment, finira par mettre le
feu à sa maison, plutôt que de souffrir que la puissance
publique l’emporte sur ses résistances ?
Sa maison a été saisie} il y a commis des dégradations
telles qu’au rapport des experts, dont l’un a été nommé
par lu i, il l’a diminuée de plus de 45 ,ooo fr. de valeur.
Ses meubles ont été saisis, ces meubles qu’ il prétend
appartenir à son ami la Jum elière. Donnant lui-même
par ses excès un démenti à ses fables , et oubliant qu’ il
dit que les meubles ne sont pas à lu i, il s’est occupé de
les dérober à ses créanciex-s , comme s’ils étoient bien à
lui. Chaque jour, depuis la saisie, a été marqué par
des enlèvemens furtifs ou par des destructions.
Il en a brisé.
Il en a vendu.
Il en a déplacé et caché de manière que les gardiens
qui pourtant veillent sans cesse, n’ont pas pu savoir ce
qu’ils étoient devenus.
Il y avoit des cygnes 5 il les a tués.
Des objets d’un très-haut prix ont disparu et n’ont
pas été retrouves.
�E 59 )
D’ordre de la justice , des cadeuats el des fermetures
ont été apposés à toutes les portes écartées pour mettre
un terme aux spoliations ; il a brisé fermetures et cadenats.
Il a arraché jusqu'aux plombs et les a soustraits.
Si les gardiens ont osé se plaindre, il les a me
n acé s, et ajoutant la dérision au v o l, il en est venu
jusqu'à avouer tous ces actes de rapine , en disant ironi
quement qu’il n’y avoit qu’à les estimer et qu’il les
paieroit.
B re f, il a tant fait que pour conserver la propriété,
il a fallu qu’un jugement ordonnât d’en expulser le pro
priétaire.
Encore, et ceci passe peut-être tout le reste soit par
la bizarrerie soit par l’audace de l’invention , les ma
gistrats ne l’ ont - ils pas emporté dans Cette occasion
sur le justiciable , et celui-ci a-t-il encore trouvé des
moyens de ravager sa propriété et de la frapper de
néant dans quelques parties, même sans qu’ il fût né
cessaire pour lui de l’habiter.
Il
existe des prés d’un très-grand produit, dépendant
de la maison. Personne en se mettant l’esprit à la tor
ture ne pourroit imaginer un moyen d’empêclier que
des prés n’ existent. E h bien ! M. Montz l'a trouvé. On
est venu avertir un matin les créanciers que sur ces
prés étoient répandus des ouvriers occupés à couper,
non pas la récolte, mais la superficie même du terrain.
On a couru avec mainforte ; el ce qu’on a trouvé,
c’est que M* Montz abusant de l’ignorance et de la sim
plicité -d’un jardinier voisin, lui avoit vendu, moyennant
H a
�( <3o )
200 fr. par arpent, la faculté de tourber ses pr:és.;à tin
pouce ou deux de profondeur pour en'faire des gazons
ailleurs , opération qui auroit détruit le prod.uM. d^s
prés pour plusieurs années , mais qui heureusement a.
été arrétée encore à temps y et ne s.’est effectuée que sur
un demi-arpent.
s- Tel est M. Montz. a-. ;
Tels sont MM: G ingia Jum elière, Senet, Schérbpet
Tarteiron.
. '
Tous ils se relaient pour fatiguer successivement les
créanciers de leur ami. *
M. Gin, tantôt réclame ou le mobilier de P a ris, où*
la jouissance de l'hôtel place Vendôme, ou les fermages
;des biens de Moulins.
*
l’hôtel de la place
Vendôme 1: il demande
■(.On vend
At
à être colloque sur le prix pour sa créance de 8o.,ooo fr.
, 0 u va vendre Issy. Il-a formé unq inscription, et de
mandera, aussi, à être coltaqué. r = ,r.
Dans ce moment on distribue devant le tribunal de
Versailles le prix de la verrorie de Sèvres qui jfulis
a appartenu à M. Montz , et dont le prix, lui est dû.
MM. Tourton , Uavel et compagnie y sont, inscrit^.
Armé de sa frauduleuse cession des bijlets'Gozaux, qu’il
prétend être une seule et même créance avec le prix de 1^
verrerie; M. Gin aie front de se présenter, de contesserà
MM. Tourton, Ravel et compagnie la validité de leu,r
inscription, et de domander qu’Qn luj abandonna lç
prix qu’il ne larderoit pas à remettre à M. Montz.
M. la Jumelière , quaut à lui ; réclame le . mobilier
■
�61
et les arbres d’Issy ; il réclame la jouissance des baux
que lui assure pour neuf ans un bail frauduleux.
M. Senet réclame aussi les arbres d’Issy, et de plus ,
il prétend être le propriétaire de le maison.
Quant à M. Tarteiron, il e s t, si on l’en croit, le fer
mier général des biens de Moulins ;
E t M. Scherbe en est le propriétaire.
Ainsi se sont successivement évanouies toutes les res
sources de M. Montz pour ses créanciers , mais non
pour lui.
La justice souffrira-t-elle cette révolte ouverte contre
ses arrêts ?
Tant de fraudes et d’excès en éluderont-ils la puis
sance ?
Non, sans doute.
Les magistrats sentiront q u 'il y va bien plus en
core de l’intérêt social que de celui de la maison Tourton, que cette véritable insulte aux lois soit réprimée ;
et chaque fois que quelqu’une de ces fraudes se produira
dans les nombreux procès dans lesquels M. Montz a eu
l’art d’entraîner MM. Tourton, Ravel et compagnie, ils
la couvriront du mépris et de la proscription qu’elles
méritent toutes.
S ig n é ,
T ourton, R avel
et
Compagnie.
M c. B E L L A R T , Avocat-Conseil.
De l'imprimerie de Xh r o u e t , rue des Moineaux, n°.
16.
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Tourton. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bellart
Subject
The topic of the resource
faux
simulations
fraudes
spéculation
inventaires
Description
An account of the resource
Mémoire pour MM. Tourton, Ravel et Compagnie ; contre M. Montz et ses prête-noms ; ou Histoire générale des fraudes de M. Montz ; pour servir à l'instruction des vingt-trois procès par lui suscités à MM. Tourton, Ravel et Compagnie.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Xhrouet (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 7-1808
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
61 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0601
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Issy-les-Moulineaux (92040)
Moulins (03190)
Paris (75056)
Rights
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Domaine public
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2f5bc7f79b97dee109d05a2f8d9982d9
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CONSULTATION.
L e CONSEIL S O U S S IG N E ,q
7 ui a lu un mémoire à consulter,
pour le sieur P u r a y , ex-notaire à la résidence de R io m ,
E s t d ’ a v i s que plusieurs des différentes questions que ren
ferme le mémoire rentrant les unes dans les autres , il est inutile
de répondre à toutes ; qu’en les classant comme elles doivent
l’étre, on peut les réduire à trois, et que c ’est à ces trois ques
tions qu’il s’agit de répondre successivement.
Et d’abord, sur la prem ière, qui est en même temps la plus
importante de toutes, celle de savoir si un homme qui n’est pas
commerçant, et entr’autres un notaire qui tombe dans l’insol
vabilité, peut être regardé comme en état de déconfiture, ou
s i, au contraire, on a la faculté de l’envisager comme f a i l li ,
et lui appliquer toutes les dispositions du Code de com m erce,
relatives aux faillites et aux banqueroutes, il ne faut que con
sulter les principes les plus ordinaires pour la décider.
Il y a même , sur cette question, un premier point de vue
d’ordre public, qui suffiroit seul, en quelque sorte, pour se
fixer sur l’opinion qu’on doit en prendre, et en déterminer le
résultat.
En général, en e f f e t , on ne peut pas confondre les juridic
tions ;
On ne peut pas déplacer les limites qui les séparent;
O n ne peut pas surtout confondre des législations différentes.
La législation du commerce est une législation d ’e x c e p t io n ,
une législation qui n’est faite que pour un seul état de la société,
et qui a ses principes déterminés et ses règles particulières.
La législation de la déconfiture, au contraire, embrasse, par
son étendue, tous les individus et tous les états ; elle tient à la
i
A
�( * ) _
législation civile générale; elle participe aux principes généraux
de cette législation, et ce sont ces principes même qui font ses
règles.
On ne peut donc pas amalgamer ces deux législations , qui
ne sont pas de la même nature, et qui n’ont pas eu pour but
de produire les mêmes effets.
L ’ordre public s’oppose à une association de ce genre.
IVIais il s’ y oppose même par une autre considération extrê
mement importante.
La législation du commerce est, sous beaucoup de rapports,
une législation pénale»
Le législateur a eu pour objet de conserver parmi les comm erçans, et dans l’intérêt même du com m erce, qui s’exerce
toujours avec une sorte d’abandon et sans la précaution des
sûretés ou des titres , les principes de l’honneur, l’habitude de
la bonne f o i , la sincérité des relations, la fidélité de la con
fiance; et, pour y parvenir avec plus de facilité et p'ius d’effi
cacité, il a prononcé des peines sévères contre tous les délits
relatifs à leur profession, que les commerçans pourroient se
permettre.
/
Mais ces peines, le législateur ne les a prononcées que contre’
les commerçans; il ne les a point étendues aux autres individus
de la société; il ne les a point appliquées aux autres étais : c ’est
le commerce seul qui en a été le motif, l’occasion et le but,
et c ’est dans les personnes qui y sont livrées exclusivement que
la loi elle-même les a concentrées.
O r , le premier de tous les principes, c’est que les peines en
général ne reçoivent pas d’extension; et quand il y en a en par
ticulier de déterminées par la loi comte les abus d’une telle
p r o f e s s i o n , il est encore moins permis d’appliquer ces peines
à des professions qui n’ont rien de commun avec elle.
Ce seroit sortir de 1ordre naturel des choses, et mêler ensem
ble des formes qui n’ont pas de cohérence entr’elles, et qui doi
vent toujours rester separees»
�(3 )
D e quel droit, en effet, poursuivroit-on par exemple, en
banqueroute frauduleuse, un notaire qui seroit devenu insol
va b le, com m e on poursnivroit un commerçant?
La loi n’a point assujetti les notaires, pas plus que tout autre
particulier, à ce genre de poursuites.
Elle n’a eu en vue que les commerçans.
Elle n’y a soumis qu’eux.
Toutes ses dispositions n’ont qu’eux pour objet.
Le notaire a lui-même ses peines à part.
Il a les abus de sa profession ; il a ses manquemens à la
discipline ; il a ses faits de charge.
Des peines sagement graduées ont été infligées par la loi,
contre tous ces délits; et si, par événement, le notaire a com
mis des fautes encore plus graves ; s’il a trompé ses créanciers ;
s’ il s’est permis envers eux des fraudes plus ou moins coupa
bles, il est frappé alors des mêmes peines que tous les autres
citoyens , et ces peines sont conformes au genre de fraudes
qu’il a pu commettre.
Mais , dans tous les cas , ce ne sont pas les peines prononcées
contre les commerçans , qui peuvent l’atteindre. Ces peines
n’ont pas été prononcées contre lu i; la loi ne l’a point prévenu
q u ’ i l les subirait, si dans l’exercice de sa profession il commettoit des délits qui se rapprochassent de la nature de ceux que
peuvent commettre les commerçans ; il ne peut donc pas en
être l’objet, même sous ce rapport, et l’application qu’on se
permettrait de lui en fa ire , blesserait toutes les idées reçues
en jurisprudence, et seroit absolument contraire à l’ordre public.
Nous avons donc eu tout à l’heure raison d’observer qu’il
6uffiroit de ce point de vue général, de la différence des légis• lations commerciale et civ ile , pour être autorisés à décider
qu un notaire peut bien tomber en déconfiture, quand il devient
insolvable ; mais qu’il n’ust pas constitué pour cela en état de
faillite , et qu on n’a pas le droit de lui appliquer les régies que
A a
�(
4
)
le Code de commerce a créées pour les faillites, et qu’il nfa;
créées que pour elles.
Mais , si nous voulons maintenant descendre dans l’examen
des principes ordinaires de la faillite et de la déconfiture , il est
bien facile de se convaincre que la déconfiture ne peut regarder
que le particulier, et que la faillite ne peut regarder elle-même
que le commerçant.
D ’abord il faut prendre garde que ce n’est en effet qu’au com
merçant, que le Code de commerce applique l’état de faillite.
« Tout com merçant, dit l’article 437 de ce C od e, qui cesse
« ses payemens, est en état de fa illite. »
Il fautdonc, pour tomber en état de faillite, d’après cetarticle,
deux choses principales et réunies : i°. être commerçant, c ’est-à-
dire, exercer la profession de commerçant; 20. être dans l’ha
bitude journalière de faire des payemens , suivant l’usage du
commerce , et cesser tout à coup ses payemens.
Tout individu qui n’est pas commerçant, tous ceux qui exer
cent dans la société une autre profession que celle-là , un magis
trat, un avocat, un notaire, un avoué, un particulier même
sans profession, ne peuvent donc pas tomber en état de faillite.
Ils peuvent b ie n , sans doute, devenir insolvables, mais ils
ne sont pas pour cela en faillite; ils tombent alors dans ce que
la loi appelle déconfiture.
On ne peut donc pas leur appliquer les régies que le Code
de commerce n’a établies que pour les faillis ; on ne peut leur
appliquer que celles qui ont déterminé les effets de la décon
fiture, et que le Code Napoléon lui-même a tracées.
Il est bien vrai (ju’il y a quelqu’analogie entre certains effets
de la déconfiture et certains effets de la faillite, et que sous
ce rapport le Code Napoléon les place quelquefois sur la même,
ligne, et les nomme ensemble.
Par e x e m p l e , la déconfiture dissouÇ une société, comme la
faillite; comme elle } elle ne permet pas au débiteur de pré-
�(
5
)
tendre au bénéfice du terme qui lui nvoit été accordé par son
créancier ; comme elle en core, elle rend exigible même lo
capital d’une rente perpétuelle; comme elle aussi, elle donne
aux créanciers la faculté d’exercer les droits de la femme com
mune , et quelques autres effets semblables , que le Code dé
clare en se servant des termes en cas de fa illite ou de décon
fiture (1).
Mais ces dispositions du Code ne doivent pas étonner.
Il auroit été difficile qu’il ne s’établit pas quelques ressem
blances entre la situation d'un commerçant qui a cessé ses
payemens, et celle d’un particulier qui est devenu insolvable.
Cette situation, au fond, étant la même, c ’est-à-dire, tenant
de la part de l’un et de l’autre à l’impossibilité de satisfaire ses
créanciers, elle doit nécessairement, à l'égard de tous deux,
entraîner certaines suites qui soient les mêmes aussi.
Ce sont les résultats d’une même cause.
Mais il n’y en a p a s m o i n s u n e g r a n d e différence entre les
mesures que le Code de commerce prescrit contre les faillis,
et celles que la loi civile détermine contre la déconfiture.
C ’est une remarque extrêmement juste, que fait M . Locré,
dans son Esprit du Code de commerce.
« La iaillite, dit-il, soumet celui qui l’encourt à la juridic« tion commerciale, et à toutes les mesures prescrites par le
« Code contre le failli.
« La déconfiture , au contraire , laisse le débiteur devenu
a insolvable sous l’empire du droit commun, quant à sa pér
it sonne et quant à ses biens , et sous la juridiction des tri« bunaux civils (2). »
Nous concevons bien , sans doute , qu’un particulier , un
notaire entr’autres, peut faire quelques actes de commerce,
tout en exerçant assidûment la profession à laquelle il est livré.
( 1) Voyez les articles i 8 G 5 , i g i 3 , n 8 8 , e t c . , etc,
.
(a) Tome 5 , P‘'gu 20
�Nous concevons même qu’il soit soum is, pour l’exécution
de ces actes, à la juridiction des tribunaux de commerce; il
ne peut pas y avoir à cet égard de difficulté.
Mais parce qu’un notaire fera des actes de co m m erce, il ne
sera pas pour cela commerçant.
La loi elle-méme ne déclare commerçans que ceux qui exer
cent des actes cle commerce, et eu fo n t leur profession habi
tuelle (1).
La profession de notaire excluant nécessairement celle de
commerçant, le notaire qui exerce sa profession, ne peut donc
p a s , malgré qu’il fasse même des actes de com m erce, être
regardé comme un comm erçant, puisque ces actes de com
merce ne sont pas sa profession habituelle.
Et si on ne peut pas le regarder comme un com m erçant,
on ne peut donc pas non plus , lorsqu’il devient insolvable,
l ’envisager comme tombé en faillite; car on a vu tout à l’heure
que la loi disoit qu’il ne pouvoit y avoir de faillis que les com-v
mercans.
Nous prions d’ailleurs qu’on observe que le Code de com
merce lui-méme a mis un grand soin à fixer la démarcation de
la juridiction des tribunaux qu’il établissoit.
Il a bien voulu que les tribunaux de commerce connussent
non-seulement de toutes les contestations relatives aux engagemens entre négocians ou banquiers, mais encore entre toutes
personnes, des contestations relatives a u x actes de commerce (2); ce qui suppose déjà que ceux qui ne sont pas commer
çans peuvent iaire cependant des actes de commerce, sans de
venir pour cela commerçans aux yeux de la loi ; mais en môme
temps il a voulu que les individus qui contracteroient par billets
à ordre, mais qui ne seroient pas négocions, et qui ne con-
( i ) C od e de c o m m e r c e , a rtic le i<?r,
(a) A rtic le G 3 i.
�(
7
)
îracteroient pas ces billets pour des opérations de commerce y
ne fussent pas soumis à la juridiction commerciale (1).
Il a également voulu que dans le cas même où des individu»
non négocians auroient signé avec des négocians des billets à
ordre, pour d’autres opérations que des opérations de commerce,
le tribunal de commerce n’eût pas le droit de-prononcer contre
eux la contrainte par co rp s, comme il l’avoit contre les indi
vidus négocians (2).
On voit par ces nuances, pour ainsi dire, délicates de la loi,
avec quelle exactitude elle veut qu’on observe les limites des
juridictions, et jusqu’à quel point elle respecte elle-même les
droits des citoyens qui y sont soumis.
Il résulte donc évidemment de ces précautions même de lac
l o i , que ce seroit aller absolument contre son intention , que
de dénaturer les principes relatifs à la juridiction commerciale,
et de confondre cette juridiction avec la juridiction civile.
A insi un notaire, par cela m êm e q u ’il est notaire, ne faisant
pas profession h abitu elle des actes de commerce , n’est pas
commerçant aux yeux de la loi. ,
S’il n’est pas commerçant, il ne peut pas tomber en faillite.
S’il ne peut pas tomber en faillite, il n’est pas justiciable du
tribunal de com m erce, sous ce rapport.
, Il est bien justiciable de ce tribunal, sous le rapport des
actes qu’il peut faire , et relativement à leur exécution ; mais
lors même qu’il devient insolvable , il n’est pas justiciable du
tribunal de commerce comme failli , puisqu’il 11e peut pas y
avoir de faillite pour lui, mais seulement déconfiture ; il est
alors justiciable des tribunaux ordinaires, comme déconfit.
C ’est aussi l’observation que fait M. Locté.
cc Que décider , d it-il, dans le cas où un particulier ayant
« fait des actes de commerce, ne peut pas payer les engage« mens qui en sont la suite ?
(1 ) Article
( 2) A rtic le 637-,
�(
8
)
« Il est certain que ce particulier devient justiciable des tri« bunaux de commerce, quant à l’exécution de ses engagemens;
« mais puisqu’il n’est pas commerçant, la disposition, de Var
ie. ticle 407 statue q u 'il se trouve en déconfiture , et non en
« fa illite (1). »
Telle est également la jurisprudence.
A la vérité, nous devons commencer par avouer qu’il existe
un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles, qui a jugé contre le
président d’un tribunal civil, devenu insolvable, qu’il pouvoit
être réputé en état de f a i l li t e , quoiqu’il n’eût même pas l'ait
d’actes de commeice; et qu’en conséquence il n’avoit pas pu,
à compter de la manifestation de son insolvabilité, donner sur
ses biens d’hypothèque valable , comme un négociant ne le
peut pas à compter de l’ouverture de sa faillite; mais ce sys
tème a été proscrit par la Cour de cassation, dans l’affaire du
sieur L o ch e, qui lui-même avoit été commerçant, mais qui
avoit cessé de l’être lorsque l’afiaire avoit pris naissance.
L e sieur Loche , retiré du co m m erce, étoit devenu insol
vable.
Une saisie réelle avoit été jetée sur ses biens, le 4 ’v endé
miaire an 6 , après refus de payement de sa part.
Ses créanciers, postérieurement à cette saisie, et sous l’em
pire de la loi du 11 brumaire an y , prirent une inscription
sur ses biens.
, La femme du sieur Loche prétendit, contre ses créanciers,
que leurs inscriptions étoient nulles, sous le prétexte, d’une
part, que le sieur Loche avoit été négociant, et de l’autre,
que la saisie réelle occasionnée par l'insolvabilité étoit nn obs-?
tacle légitime ù ces inscriptions.
Cette prétention de la femme Loche fut accueillie par un
prrêt de la. Cour _d appel de M ontpellier, du 21 thermidor an
an 9; mais sur le pourvoi en cassation, et cc attendu que Jean
(i) Tome 5 , pages 20 et ai.
cc Lochs
�( 9)
Loche n’cbant plus dans le commerce à l ’èpoquc du 4 ven
dèmiaire an 6 , la saisie réelle alors apposée sur ses biens
( et a n n u l l é e depuis au mois de frimaire an 8 ) , n étoit pas
capable de le constituer en état de fa illite , ‘et par là 'même
de rendre sans effet les inscriptions faites sur ses biens pos^
térieurement à cette date, « cet arrêt fut cassé.
La Cour de cassation a donc bien consacré ce principe ,
qu’il ne pouvoit pas y avoir de faillite pour celui qui n’étoit
pas commerçant, qu’il ne pouvoit y avoir que de la déconfiture,
et que la déconfiture n’étoit pas regardée par la loi comme la
faillite.
Ce même principe a été consacré aussi par la Cour d’appel
de Paris, par arrêt du 12 fructidor an xx, et même en faveur
d’un notaire.
On accusoit le sieur L eroi , qui étoit ce notaire , d’avoir
souscrit frauduleusement une obligation de 20,000 francs au
profit du sieur JRondoulct; et le s créanciers du sieur L ero i
demandoient la nullité de l’inscription qu’il avoit prise en vertu
de cette obligation, comme faite sur les biens d’un failli de
puis sa faillite.
Le tribunal civil de Versailles avoit, par jugement du 9 fr u c
tid o r an xo, adopté ce système des créanciers, et annullé l’ins
cription du sieur Rondoulet.
Mais par arrêt du 1 ‘¿ .fructidor an 1 1 , « attendu, entr’autres
« motifs, qu’ un notaire n’est ni un négociant, ni un banquier,
« dont la déconfiture puisse prendre le caractère de faillite,
« et être constatée par une cessation publique de payement ;
« A tten du que Leroi étoit en plein exercice de son état de
« notaire à l’époque de l’obligation souscrite en faveur de
« Hondoulet, qu’il n’a jamais été suspendu de ses fonctions, »
Je jugement du tribunal de Versailles fut infirmé, et l’inscrip
tion maintenue.
I l y a eu aussi un arrêt semblable r e l a t i v e m e n t à un receyeur.
£
cc
te
«
ce
«
«
�(;i°)
. II y en a tin également rendu par la Cour impériale de Bor
deaux, il n’y a que quelques mois, en faveur d’un ancien ma*
gistrat.
En, un mot, il existe aujourd’hui à cçt égard un© véritable
jurisprudence, et ce principe n’est plus équivoque.
Il faut donc répondre à la première question proposée dans
le mémoire, que le notaire P uray ne peut pas être regardé
comme un commerçant; qu’à ce titre, malgré l’état d’insolva
bilité ou dè déconfiture dans lequel il est tombé , on ne peut
pas supposer qu’il soit tombé en faillite ; et que par conséquent
les dispositions du Code de commerce relatives aux faillites,
ne peuvent pas lui être appliquées.
Sur la seconde question, celle de savoir si, d’après les cir
constances énoncées dans le mémoire, on peut dire que ce
notaire a fait des actes de comm erce, et s i, en supposant
qu’il ait fait des actes de commerce, on peut le regarder comme
im négociant, les principes que nous venons de développer sur
la première question contiennent d’avance la décision de celle-ci.
Par cela seul, en e f f e t , que le notaire dont s’agit n’a pas cessé
d’être notaire, qu’il ne s’est pas fait commerçant, qu’il n’a
jamais pris de patente, qu’il a toujours; continué l’exercice de
sa profession avec une grande assiduité , et qu’il y a même joui
de la confiance publique , il est bien évident que lors mêmeque, tout en exerçant sa profession , il auroit fait des actes de
commerce , il ne seroit pas pour cela devenu commerçant.
Nous avons observé tout à l’heure que la loi elle-même supposoit à l’article 6 5 i , que d’autres personnes que dos commerçans pouvoient faire des actes de commerce ; il résulte donc
de là qu’on n’est pas nécessairement commerçant, parce qu’on
a fait des actes de commerce ( 1 ) .
. ‘
( i ) « O n p e u t fa ire des actes de co m m e rc e , d it aussi M . h o crè , sans Æ trc
« c o m m e r ç a n t, e t o n d ev ién t p o u r ces a c t e s ,
ju sticia b le d e la ju r id ic tio n ’
« co m m e rcia le j ixiais Oü n ’est c o m m e rç a n t <juc iju a n d o n fa it du c o m m e r c e
�( 11 0
Dans tous les temps il s’est trouvé quelques individus qui
ont mêlé des actes de commerce à l’exercice de leur profes
sion , et qui, à l’occasion de ces actes de commerce, ont
souscrit des engagemens commerciaux.
II s’en trouve encore aujourd’hui, comme il s’en est trouvé
sous l’ancien régime.
1
'
<i.o!
Il a bien fallu sans doute, q u e , dans ce cas-ilà, la loi déci
dât que , malgré la nature de leur profession qui les rendoit
justiciables des tribunaux civils, ils devinssent, pour les enga
gemens commerciaux qu’ils auroient contractés, justiciables des
tribunaux de commerce , qui étoient les juges naturels des
engagemens de ce genre. •
Les principes conduisoient là.
Mais il ne pouvoit pas résulter de là que ces individus dus
sent être regardés comme commerçans ; caria loi elle-même rie
donnant, ainsi qu’on l’a v u , ce titre qu’à ceux qui faisoient
leur profession h a b i t u e l l e d e s actes d e commerce , i l est m ani
fe s te que ceu x qui , au lieu de faire leur profession habituelle
de ces actes , en. ont au contraire Une toute, différente qu’ils
exercent habituellem ent, ne peuvent pas être des commerçans
aux yeux de la loi.
A in s i, en admettant même que le notaire dont il est question
dans le mémoire , eût fait en effet des actes de com m erce, on
voitqu’il neseroitpas pour cela commerçant, et qu’on ne pourroit, ni lui en donner le n om , ni l’envisager comme commerçant.
Mais d’ailleurs , qu’est-ce que c ’est donc què ces actes de
commerce qu’on lui impute ?
On dit dans le mémoire, qu’il empruntoit à des particuliers
de sa connoissance, différentes sommes qu'il plaçoit ensuite
dans les mains d’autres particuliers, à un intérêt plus fo rt, et
qu il remettoit aux préteurs des rèconnoissanées en forme dd
« sn profession habituelle , et ce n’ est (ju’alors (ju’on e s t soumis nux obligations
« et aux lois particulières sur cette profession, comme celles sar lesfa illite s .»
13 2
�( Ï2 )
lettres 'de change, sur papier imprimé, revêtu de son chiffre 7
tirées de la ville voisine, mais tirées sur des particuliers de
celle qu’il habitoit, et qui n’entroient pas dans la confection
de ces lettres qu’ils ignoroient vraisemblablement, et qu’il recevoit à son tour des emprunteurs, ou des lettres de change dans
la même forme, ou de simples reconnoissances, ou des obli*
gâtions notariées.
On ajoute qu’il inscrivoit sur un registre qu’il avoit intitulé
Livre de banque, et qu’il tenoit avec exactitude, les emprunts
qui lui étoient faits, les prêts qu’il faisoit, les remboursemens
qu’il avoit occasion de recevoir, ceux dont il avoit lui-même
occasion de s’acquitter; en un mot, tout ce petit mouvement
d’opérations intérieures auxquelles il étoit livré ; mais que d’ail
leurs , ces opérations n’en entralnoient aucune de change;.-qu’il
n’y avoit de sa p art, ni négociation , ni circulation ; qu’il n’y
avoit pas de remise de place en place ; qu’il n’y avoit pas d’acceptation, point de correspondance dans d’autres villes, point
de fonds en dépôt nulle part, point de provision pour faire face
aux effets tirés; en un m ot, rien qui respirât le change,
ou qui en donnât seulement l’id é e , si ce n’est la forme même
des lettres.
Mais comment, d’après l’énoncé du mémoire, pourroit-on
regarder cîîs prêts qui étoient faits par ce notaire , et les em
prunts qu’on lui faisoit, comme de véritables actes de commerce?
Cette forme de lettres de change n’étoit qu’une forme.
C ’étoit un titre donné sans les effets attachés à ce titre.
Il n’en résultoit pas un véritable contrat de change.
Les trois personnes n’y étoient pas réellement ; il n’y avoit
pas de remise de place en place ; il n’y avoit pas d’acceptation •
il n’y avoit pas de provision : ce n’étoit d o n c , d’après la loi
elle-même , que de simples promesses (i) ; ce n’étoit pas des
lettres de change.
( i ) A rtic le H 2.,
�( i3 )
Le titre de Livre de banque, donné an registre , ne faisoit
pas non plus de ce notaire un banquier.
On n’est pas banquier par cela seul qu’on se regarderoit soiméme comme tel, et qu’on donneroit à de simples registres de
payem ens, ou à des livres de recette et de dépense , le nom
fastueux de Livre de banque.
Ce ne sont pas là des circonstances qu’on puisse , à propre
ment parler, envisager comme de véritables actes de commerce
bien caractérisés et bien importans.
Nous en dirons autant des liqueurs qu’on dit avoir trouvées
dans la maison de ce notaire, après sa retraite, en plus grande
quantité que ne l’auroit exigé sa consommation, et dont il auroit
cédé une partie à quelques personnes de sa connoissance.
Il seroit très-possible, en effet, que ce notaire eût fait venir
des liqueurs, soit de Paris, soit d’ailleurs, au delà de ses besoins,
et pour en céder à des amis, et trouver peut-être sa provision
personnelle sur celle q u ’il auroit faite ainsi pour autrui.
Mais ce ne seroit pas là non plus un véritable acte de com
merce.
On observe d’ailleurs, dans le m ém oire, qu’on n’a trouvé
dans les papiers de ce notaire aucune note ou lettre qui indiquât
q u ’il eût correspondu, pour l’achat ou la vente de ces liqueurs,
avec aucun marchand ou fabricant, ni aucune facture qui en
constatât l’envoi.
Cette circonstance particulière vient appuyer encore notre
opinion sur ce fait, et y ajoute un d<-gré de force.
Mais elle n’existeroit pas, et on auroit trouvé quelque facture
d’e n voi, ou quelque correspondance relative à l’achat et à la
vente de ces liqueurs, que cela ne feroit pas encore grand'chose.
On donneroit même à cette vente le nom d’acte de commerce,
que cela ne changeront rien aux principes.
On a vu que, dans les principes, ce n’étoit pas quelques actes
de commerce qui faisoient un commerçant aux yeux de la lo i,
que c ’étoit la profession habituelle de ces actes.
�( H Î
O r, ici il n’y avoit p a s , de la part de ce notaire, de pro
fession habituelle des actes de commerce ; il y avoit tout au
plus mélange de ces actes avec sa profession; e t, du reste,
c ’étoit sa profession de notaire qu’il exerçoit habituellement.
On ne peut donc pas absolument le regarder comme com
merçant ; et il auroit contracté ou reçu encore plus de lettres
de change, il auroit reçu ou vendu plus de liqueurs , qu’on ne
pourroit jamais lui donner ce titre, ni lui en appliquer les effets.
Sur la troisième et dernière question, il est difficile de com
prendre co m m en t, dans la situation où s’est trouvé le notaire
dont s’a g it , et au milieu des circonstances exposées dans le
m ém oire, il a pu être poursuivi devant un tribunal de com
merce , comme f a i l l i , et envisagé comme tel par ce tribunal.
Il est évident que ce n’étoit pas les formes que le Code de
commerce applique aux faillis, qu’on pouvoit lui appliquer à
lui-méme.
Il est évident que cette déclaration de faillite , cette ouver
ture de faillite, ces agens administrateurs, ces syndics provi
soires, ces syndics définitifs, cette accusation de banqueroute
frauduleuse, ces poursuites criminelles, rien de tout cela ne
pouvoit avoir lieu.
T out cela étoit, en effet, contre les principes.
Le notaire dont s’agit n’étoit pas commerçant; il étoit tombé
en déoonfiture, et non pas en faillite.
Il n’étoit pas justiciable des tribunaux de commerce ,• si ce
n’est pour les actes particuliers de commerce qu’il avoit pu faire;
il l’étoit des tribunaux civils.
Il pouvoit bien être accusé de fraude, s’il en avoit commis;
jnais il ne pouvoit pas être atcusé de banqueroute, puisqu’il ne
faisoit pas sa profession du commerce.
Toute cette procédure dont il a été l’objet péché donc par
sa base.
On ne peut pas même la laisser subsister ; il faut qu’elle soit
détruite,
�Et c ’est à ce notaire lui-méme qu’il appartiendroit de se pré
senter, pour attaquer aujourd’hui cette compétence que le tri
bunal de commerce s’est attribuée contre les principes.
Rien n’empécheroit, en effet, qu’il ri’y fût admis.
D ’abord sa réclamation seroit fondée.
Elle seroit fondée sur les grandes maximes de l’ordre public,
sur les dispositions du Code de co m m erce, sur celles du Code
Napoléon, sur la jurisprudence des Cours, sur celle de la Couf
de cassation; en un m ot, sur tout ce q u i , en matière de dé
cisions judiciaires, constitue les règles qu’on est naturellement
obligé de suivre.
Nous l’avons démontré dans le développement de la première
question : il n’y a pas à cet égard à y revenir.
Mais ensuite toute cette procédure qui a été instruite au tri
bunal de commerce, contre le notaire, à l’occasion de sa pré
tendue faillite , est une procédure par défaut.
Le notaire étoit absent, et il ne s’est pas présenté dans ce
tribunal.
Il n’y a pas été entendu ; il n’a pas constitué de défenseur
pour lui; il n’a lait aucune espèce d’acte d’adhésion ou d’ac
quiescement aux jugemens qui y ont été rendus, et dont il est
cependant l’objet.
11 a donc le droit d’attaquer ces jugemens par la voie de l’op
position.
Le Code de commerce lui-méme (1) applique aux tribunaux
de commerce, relativement à la forme de procéder, les dispo
sitions des articles i 5 6 , i 58 et i 5g du Code de- procédure, qui
permettent l’opposition envers les jugemens par défaut, jusqu’à
ce que ces jugemens aient reçu leur exécution, suivant le mode
que prescrivent ces mêmes articles, ou qu’il y a des actes qui
prouvent que la partie déJaillante a* connu cette exécution.
(i) Article 642.
�( 1 6 )
Ici on ne peut rien opposer de semblable au notaire dont
s’agit.
II est donc encore dans les délais de l’opposition.
Et on diroit en vain que si la procédure du tribunal de com
merce n’a pas été instruite avec ce notaire, elle l’a été avec
des syndics légalement nommés pour le représenter et paroître
pour lui en justice, puisque lui-méme ne le pouvoit pas.
Mais il faut prendre garde que c ’est précisément ce système
en vertu duquel on a établi des syndics pour le représenter,
lorsqu’il n’étoit pas dans le cas de l’étre , que ce notaire atta
quera.
Il se plaindra qu’on l’ait constitué failli , lorsqu’il ne l’étoit
pas ;
Il démontrera que la procédure qu’on a instruite contre lui
pèche par sa base ;
Il fera voir qu’elle viole tous les principes ;
I L demandera, en conséquence, la rétractation des jugemens
qui ont été rendus.
E t comme , au fond , c ’est l u i , et même lui seul qui est
l’objet de ces jugemens, comme c ’est lui qui en supporte les
dispositions, comme c ’est lui qui est intéressé à ce qu’ils soient
rapportés , c’est lui aussi qui a le droit de les attaquer par la
voie de l’opposition ; et il n’y a rien ni dans les lois , ni dans
les formes, ni dans les faits, qui puisse lui ôter ce droit, ni
le priver de son exercice.
D é l i b é r é à Paris, par les anciens avocats soussignés, ce
21 avril 1812.
D E S È Z E , B O N N E T , BELLART.
A R I O M , de l’im p . dé T H I B A U D , im prim . de la C o u r im périale, e t lib r a ir e t
r u e des T a u le s , m aiso n L ah d r i ot ., —- F é v r ie r 1 8 1 3.
�
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[Factum. Puray. 1813]
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Desèze
Bonnet
Bellart
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The topic of the resource
notaires
banquiers
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Consultation.
Annotations manuscrites.
Publisher
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de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
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1813
An 4-1813
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
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Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
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Identifier
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BCU_Factums_M0620
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Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
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CONSULTATIONS
POUR
LES SIEURS DELSOL, FRERES;
CONTRE
LA
DAM E
*
VEUVE
LEUR
V IG IE R -D ’O R C E T ,
SOEUR C O N S A N G U I N E .
( V o ir , pour le fait et les questions élevées à ce sujet, la Sentence ci-jointe7 du 22
août 1808, intervenue depuis la première Consultation, et dont lesdits sieurs Delsol
sont appelants ; voir en outre (pour plus grand développement des principes consacrés
par l’Arrêt solennel du 17 février 1767, sur la transmissibilité du retour conventionnel)
la copie ci-jointe du Précis qui a été imprimé pour lors, et auquel renvoient les
Consultations. )
PARIS,
DE
L ’I M P R I M E R I E
DE
1809.
MAME
FRÈRES.
�PREMIÈRE CONSULTATION.
F A IT S E X P O SÉ S.
L
e
.
S O U S S I G N É , auquel il a été exposé,
Q ue, par le contrat de mariage passé entre le sieur GabrielBarthélemi de V igier et la demoiselle Delsol de Volpilhac, en
1760 , à A urillac, le sieur Delsol père a donné à la future sa
fille , ce acceptante , et par avancement d’hoirie , les domaine
et terre Duclaux , en qu o iq u ’ils puissent consister, aux mêmes
charges et conditions que le délaissement lui en seroit fait et
adjugé , conformément aux demandes par lui formées aux re
quêtes du Palais; et, à défaut d’adjudication de ladite demande
en délaissement, il a donné à ladite future toutes les créances
qu’il avoit à exercer sur lesdits biens en capitaux et accessoires ;
Que , par le même contrat , ledit sieur Delsol père a en
outre donné à ladite future sa fille la somme de 10,000 liv .,
qui a été délivrée audit sieur futur époux qu’à l’égard du surplus de ses autres biens qui se trouveroient lui rester lors de
son décès, il a promis de n’instituer d’autres héritiers que
ladite future sa fille , sous la réserve de l’usufruit de ces
mêmes biens , qu’il pourroit cependant vendre et engager tant
a la vie qu’à la mort, et sous la réserve en outre de pouvoir disposer d 'une somme de 10,000 liv. , qui resteroit a ladite future,
s’il n’en disposoit pas j comme aussi à la charge par sadite fille
de payer 600 liv. de peusion à la demoiselle Lagarde, sa belle-
�.
.
.
.
m ère, si celle-ci survivoit à lui donateur; qu’enfin le sieur
Delsol père s’est réservé expressément (pour le cas où ladite fu
ture épouse décèderoit sans enfants, ou ses enfants sans des
cendants et sans avoir disposé valablem ent), le droit de
réversion , tant des biens donnés que réservés , sans qu’il
put être dérogé par sadite fille audit droit de reversion, par
aucune d isposition / n i autres actes à ce contrairesj
•Qu’en conséquence, le sieur Delsol père a cru pouvoir dispo
ser du droit de réversion qu’il s’étoit réservé, comme d’un droit
qu’il avoit in bonis , et faisant partie de son patrimoine , ainsi
qu’il résulte de son testament fait en 1780, annulé pour vice
de forme seulement, par lequel il appeloit son fils aine', et
successivement ses autres enfants, parôrdre de primogeniture, '
à profiter de ce même droit;
Que ledit sieur Delsol père , décédé depuis, a transmis né
cessairement à ses héritiers tous les droits, même éventuels,
dont il étoit saisi, et, par conséquent, le droit de réversion
qu’il s’étoit réservé expressément pour le cas du décès de sadite
fille sans enfants , et de ses enfants sans enfants , et qu’ainsi ils
ont l’espérance , le cas arrivant, de recueillir, comme effets de
la succession de leur père , les biens dont il a stipulé le retour
à son profit, c’est-à-dire non seulement ceux qu’il avoit donnés
irrévocablement sous la seule réserve du retour, sans même en
retenir 1 usufruit, mais encoi'e ceux qu’il avoit compris dans
l’institution contractuelle de sa fille, avec réserve de pouvoir les
vendre ou engager (même d’en jouir en usufruit sa vie durant),
et que cependant il n’a ni vendus ni engagés ;
�( 3
A vis y relatif.
que les enfants et héritiers Delsol sont saisis de
tous les biens et droits dont leur père est décédé saisi, et qu’en
cette qualité ils ont droit, la condition du retour arrivant, à
tous les fonds et créances qu’il a pu donner à sa fille en la
m ariant, tant ceux par lui donnés irrévocablemeut que ceux
pour lesquels il l’a instituée son héritière contractuelle, c’est-àdire même à ceux desdits fonds et créances qu’il s’étoit réservé
de pouvoir vendre ou engager, et que cependant il n’a ni ven
dus ni engagés 5
Q u’en conséquence lesdits héritiers, comme propriétaires et
créanciers conditionnels, sont fondés dès h présent, non pas à
intenter aucune action pour revendiquer les fonds en question,
ou pour exiger le paiement des créances dont il s’a g it, mais h
faire tous actes conservatoires de leursdits droits éventuels ( art.
1 180 du Code civil ) , notamment à requérir toutes transcrip
tions et inscriptions nécessaires dudit contrat de mariage , aux
bureaux de la conservation des hypothèques , dans les arron
dissements desquels sont situés les fonds en question, ou ceux
affectés à l’hypothèque desdites créances ; le tout à l’effet d’em
pêcher que leur sœur et autres possesseurs desdits fojids, ou
les débiteurs desdites créances', puissent préjudicier aux droits
éventuels de propriété et d’hypothèque des requérants; comme
aussi à défendre à toute demande qui seroit formée contre eux
à fin de radiation desdites transcriptions et inscriptions.
E
st
d ’a v is
�(4 )
O B S E R V A T IO N S .
P rincip es sur la transm issibilité des stipulations
conditionnelles.
Il ne s’agit pas ici cl un retour lé g a l, qui sans doute ne seroit
pas transmissible aux héritiers du donateur décédé avant son
ouverture.
C ’estpar convention, par stipulation expresse que le donateur
s’est réservé ce droit pour l’exercer, comme tous ses autres droits,
par lui-meme ou par scs ayants-causc, quels qu’ils fussent, le
cas de la condition arrivant.
A la vérité, ce n’est qu’une espérance jusqu’à l’arrivée de la
condition, du moins tant qu’il est possible que la condition ar
rive ou n’arrive pas) , e x stipulatione conditionali tantum
spes est debitum i r i , In st., §. 4 ? D e verborum obligationibus ; mais cette espérance est transmissible, eamque ipsani
spem in hœredem transmittimus ,• s i, priusquàm conditio
c x s t e t , mors nobis contingat, ibidem. E t la raison en est que
dans le's contrats la condition'a effet rétroactif au temps de
l’acte , quasijam contracta in prœteritum em ptione, Leg. 8,
iï. D e periculo et comrnodo rei venditœ y Leg. 7 8 , if. D e
verborum obligationibus ; Leg. 16 , ff. D e solutionibus et
lïberationïbus.
Ainsi, la condition une fois arrivée , la stipulation a le même
effet que si elle avoitété faite sans condition : Ciim enim sem el
conditio e x t it it } perinde habetur ac si illo tempore r/uo 'sti
pula tio interposita est, sine conditione fa cta es set, Leg. 11,
§. 1, ff. Q u i potiores. Car dans les stipulations on ne considère
�( 5 .)
que le temps où le contrat est l'ait: Quia instipulationibus tem
pus speclatur quo conlrahimus. Leg. 18 , vers. , F iliu s f a
m ilias, fF. D e regulis jui'is.
’ Enfin, il n’est pas nécessaire que la condition arrive pendant
la vie du stipulant : C iirn quis sub aliqud. conditione stipulatus f a e n t , posteà eæistente conditione hœres ejus agere
jjp test. In st., p. 20 , D e inutilibus stipulationibus.
‘
I ls ne souffrent aucune exception.
'
Cette règle ne reçoit aucune exception , pas même pour les
faits stipulés sous condition , quoiqu’ils pussent paroitre person
nels de leur nature: Generciliter sancim us omnem stipulationem , sive in dando , sive in faciendo , sîve~lïïïæta e x
dando et f a c iendo ihveniatur, et ad hæredes et contra luc
re de s transm itti, sive specialis hœredum fiat_nientio , sive
non. Leg. i 3 , Cod. D e contrahendd et com m ittendd stipulationey ca r, comme le dit Pedius , Leg. 7 , §. 8 , ff. D e
p a ctis : Plerum què persona pacto inseritur , non ut persoîiale p a c tu m fia t, sed ut demonstretur cum quo pactum
factum est.
A in si, Tliériticr n’a point à prouver que son auteur a voulu
stipuler pour lui j c est à celui qui le prétend exclu par la stipu
lation à prouver sa prétendue exclusion : Quamvis veruni
est quod qui ex cip it probare debet quod ex cip itu r, attamen
de i p s o d u n ta x a t, at non de hœrede ejus convenisse p eti
tor, non qui e x c ip it probare-debet. Leg. 9, Si. D e probationibus etprcesiitnptionibus. E t l’on décidoit en conséquence
que, le fils de làmille qui a stipulé sous condition ayant été en- .
suite émancipé, l’action appartient au père, quoique la condition
�( 6 )
soit arrivée depuis l’émancipation. L eg . 7 8 , ff. D e verborum
obligationibus.
E n un m o t, comme le dit Jean-Jacques Schüts dans son
Compendium j u r i s , au titre D e pactis : Condiùo casualis
suspendit actûs p erfectio n en i, adeo ut ipsum ju s in sus
penso s i t , et tantum spes sit debitum iri, quæ tamen spes
in conventionibus hoc f a c i t , ut quis creditor d ica tu r} atque
res ipsius bonis annum eretur. . . . h inc apparet, pendente
conditioner aliquid subesse quod conventionem sustentât,
atque sic obligationem tanquam in utero materno latere ;
c’est un enfant dans le ventre de sa mère , q u i, une fois venu
au monde, est réputé né dès le moment de sa conception: Undè
com entiones çonditionales e x prœ senti vires accipiunt,
quod sechs est in legatis y ut itaque conventio conditionalis obligationem producat, conditio casualis omnino e x pectanda e s t . . . . conditione autem sem el e x is tente, perindè habetur ac s i ab initiopurè com entum esset, et statim venit ac cçdit dies.
P a s même pour les contrats bienfaisants. A rrêt solennel
¿1 ce sujet de 1767. '
Ces décisions s’appliquent non pas seulement aux conditions
s t i p u l é e s dans les contrats intéressés,
mais aussi £1 celles des
contrats bienfaisants.
•
Cependant La Rouvière a prétendu le contraire dans son
du droit de retour, liv. i c% chap. i 3 , où il veut que le
T
r a
i t e
retour stipulé par les donateurs, pour le cas du deces du dona
taire sans enfants, ne soit pas transmissible aux héritiers du do
nateur, décédé, avant) l’événement de la condition; et) il se fonde
�( 7 )
sur la loi Quod de pariter } ff. D e rebus dubiis , qui, dans le
fait, ne décide qu’une question de survie (comme le soussigné
l’a démontré dans la seconde partie de son précis , imprimé en
176 7, pour le sieur Réné Louis, l’héritier et consorts, contre
le marquis de Mesme, appelant de sentence rendue au parc
civil du Châtelet de Paris , le 29 juillet 1766, après cinq au
diences.)
«
Mais, comme l’a démontré pareillement le soussigné dans la
même partie de son précis, la loi C a ïu s , 45 , ff. Soluto matri
monio , et la loi Avia , 6 , au Code , D e ju re dolium , déci
dent au contraire que le retour conventionnel est transmissible
aux héritiers du donateur , quoique celui-ci soit décédé avant
l’événement de la condition sous laquelle il avoit stipule le re
tour à son profit. E t c’est aussi ce qui a été jugé en grande connoissance de cause, dans la première cause du rôle d’après la
Chandeleur, par arrêt solennel du parlement de Paris , c n j a
grand’chambre, le 17 février 1767, qui confirme ladite senteiice.
Cependant la cause de l’appelant avoit été plaidée, tant au
Châtelet qu’au parlement, par M. Tronchet, et e etoit bien le
cas de lui appliquer ce que Virgile avoit dit d’Hector : S i Pergama d extrd jd efejid i pojkï&te&t', etiam hâc defensa fu is
sent. Mais malgré les grands talents et les prodigieux efforts
du défenseur, qui passoit dès-lors à j uste litre pour un des plus
profonds jurisconsultes de ce temps, tous les magistrats,'ainsi
que l’avocat général Barentin , qui portoit la parole, reconnu
rent facilement, comme avoient fait les p r e m i e r s juges, que
pour cette fois M. Tronchet s’étoit trompé ; qu’en effet la pré
tention de son client, qu’il avoit défendu avec tant de zèle,
étoit évidemment subversive des principes généraux sur la trans
mission de toutes stipulations conditionnelles, quelle étoit con-
�.
(8 )
.
traire à toutes les décisions des docteurs et des lois sur la trans
mission du retour conventionnel en particulier, et qu’enfin
elle étoit également contraire a la jurisprudence établie par tous
les jugements rendus sur cette question, comme le Soussigné
l’avoit démontré dans les trois parties de son précis imprimé.
L e s lois nouvelles n’y ont point déro ë é'
On a cependant tenté encore dans ces derniers temps de re
nouveler la même prétention, en soutenant que le droit de re
tour , stipulé par le donateur , ne pouvoit avoir lieu qu’à son
profit personnellement, c’est-à-dire autant seulement qu’il survivroit à l’événement de la condition du retour qu’il se réservoit; mais il falloit pouvoir mettre en avant de nouveaux pré
textes, autres que ceux qui ont été proscrits si solennellement
par l’arrêt du 17 février 1767.
On a cru les trouver dans la loi des 1 5 octobre et 14 novem
bre 179 2 , qui abolit toutes les substitutions non encore ou
vertes, dans l’article 896 du Code c iv il, qui les prohibe pour
l’avenir , et dans l’article g 5 i du même Code, qui prohibe
toute stipulation conditionnelle du retour des choses don
nées , au profit d’autres que le donateur se u l, et survivant
à l’événement de la condition qui doit donner ouverture au
retour.
lin effet, a-t-on dit, nul doute que l’on doit regarder comme
une véritable substitution la stipulation expresse ou tacite du
droit de retour au profit.-d’autres que le donateur vivant lors de
son ouverture : or les substitutions non encore ouvertes lors de
la publication de la loi des 25 octobre et i/j novembre 1792
sont abolies par cette loi ; donc toutes les stipulations de retour
�(9 )
au profit d’autres que le donateur, qui n’étoieni pas encore ou«
vertes à cette époque , sont pareillement abolies; et c’cst par
cette raison, a-t-on ajouté, que l’article t)5 1 du Code civil dé-,
fend de stipuler le retour au profit d’autres que le donateur sur
vivant à son ouverture.
Tels sont du moins les nouveaux moyens qui ont été em
ployés au tribunal de cassation par M. M éjan, défenseur de
M. Larregoyen contre la dame de Navailles, pour faire casser,
s’il avoit été possible, le jugement de la Cour d’appel de Pau ,
du 19 thermidor an 12 , confirmatif de jugement du tribunal
de première instance de Saint-Palais j rendu au profit de la
dame de Navailles.
Mais, sans avoir égard à ces prétendus m oyens, par arrêt
rendu le 1 1 frimaire an id , en la section des requêtes, au rap
port de ÏVL Borel, sous la présidence de M. Muraire , et qui est
rapporté au commencement du troisième cahier du Journal des
audiences du Tribunal de cassation , pour l’an 14— 1806 : L a
C o u r, attendu qu’on ne peut appliquer a u x droits de retour
Vabolition prononcée par les lois des 25 octobre et 14 no
vembre 179 2, a rejeté la demande en pourvoi dont il s’agissoit.
On faisoit cependant beaucoup valoir pour M. Larregoyen
la circonstance particulière que, dans le fait, il s’étoit écoulé un
7siècle d’intervalle entre la stipulation de retour et l’ouverture
de ce droit au profit de la dame Navailles, l’eprésentant les
sieur et dame Martin, dotateurs , dont elle, dcscendoit ; que
pendant ce temps la d o t, par eux donnée à leur fille à charge
de retour , avoit passé successivement dans sa descendance par
plusieurs mains, sans pouvoir être aliénée au préjudice du droit
de retour qui pourroit s’ouvrir un jo u r, ce q u i, suivant le dé-
�( 10 )
fçnseur du sieur Larregoyen, présentait tous les caractère» d’une
'véritable substitution graduelle dans la descendance de la do
nataire , et ensuite , en cas d’extinction de cette descendance ,
*en faveur de ceux qui pour lors représenteroient les donateurs.
Mais (comme l’a observé M. Daniels, substitut du procureur
général, portant la parole ) de ce que les substitutions testa
mentaires et même celles établies par contrat de mariage ont
été abolies, il ne faut pas conclure qu’il en est de même du droit
de retour. L e s dispositions textuelles de la loi (celles du
17 nivose an 2, art. 74? £t du 23 ventôse suivant, art. 5 ,)
s ’élèveroient, ajoute-t-il, contre cette con séquence, p u is
qu’elles conservent le droit de retour (en faveur d’autres que
le donateur) lorsque les substitutions étoient déjà abolies.
D ’a illeu rs, disoit-il encore, le droit de retou rn e p e ut être
assim ilé à une véritable substitution , lorsque le donateur
<
ex erce lui-m ême ce droit ; ce n’est donc pas non plus une
substitution quand il est e x e r c é par ses héritiers qui ne re
présentent avec lui que la m ême personne ; et de là il eoncluoit que- les juges, tant de première instance que d’appel ,
avoient fait une juste application des lois de la matière (comme
l’a reconnu la Cour par son arrêt de rejet du iG frimaire an i/j..)
E lle s ne lepouvoient même p a s , quand les r édacteurs en
auroient eu ïintention.
'
E n vain insisteroit-on encore, malgré le préjugé de cet ar•r£t, sur ce que l’article 951 du Code civil a prohibé toute
stipulation de retour au profit d’autres que le donateur vivant;
•en vain voudroit-on en conclure que les rédacteurs de l’article
■oui considéré comme des substitutions véritables les stipula-
�f II )
lions de retour qui ne profileroient qu’aux représentants det
donateur après sa m o rt, et qu’ainsi ils ont entendu abolir tous
les retours conventionnels qui n’auroient été ouverts , posté
rieurement au décès des donateurs, que depuis l’abolition des
substitutions.
Quand même il seroit possible de supposer aux rédacteurs un
pareil m o tif, et que ce m otif prétendu est le seul qui ait dé
terminé la rédaction de l’artiçle, l’intention qu’on leur suppose
ne feroit pas loi toute seule et par elle-même, puisqu’elle n’a
pas été érigée en loi ; car autre chose est la loi, et autre chose est
le m otif qui a pu déterminer a la proposer , comme, en fait de
dispositions testamentaires, autre chose est la disposition et au
tre chose est le m otif ( causa dandï) qui a pu la dicter : Ratia
legandi legato nqn çoheeret, le m otif de la disposition n’en
fait pas partie. L eg . 72 , p. G, ff. D e conditionilms et demonslrationibus et causis quos in testamento scribimtur. E t
tout ce qui résulterait de cette supposition, o’est que l’article
951 seroit indubitablement un de ceux qu’il faudra rapporter
lorsqu’il sera question de la révision du Code civil; car com
ment pourroit-on laisser subsister une loi dont le seul m otif au
rait été de donner lieu (sans cependant l’ordonner ) à l’abolition
de droits acquis par des conventions qu’autoriçoient les lois et
la jurisprudence antérieures.
Ajoutez que la loi de 1792, qui abolit les substitutions non .
encore ouvertes , est odieuse par elle-même , comme contraire
au droit commun établi de temps immémorial par toutes les
lois antérieures rendues sur ce lait, et sur-tout à cette raison
écrite, qui depuis tant de siècle^ qst reconnue par tous les.peu
ples policés comme le Code universel du genre humain. Aussi
n’a-t-elle pu être provoquée que par des circonstances impérieuses,
�( 12 )
seules capables de la justifier ; mais au moins ne doit-on pas
l’appliquer à ce qui ne porte pas la de'nomination expresse de
substitution, quand mcme il en auroit d’ailleurs le caractère
et PefFet sous une dénomination différente ; à plus\ forte raison
ne doit-on pas l’étendre à des stipulations conditionnelles qui,
saisissant à l’instant même le stipulant, et ses ayants-cause con
sidérés comme la continuation de sa personne, ressemblent
• aussi peu à une substitution que le jour ressemble à la nuit. E t
il faudra toujours en revenir à dire avec la loi que ce qui* a
été établi contre la raison et les principes du droit ne doit pas
être tiré à conséquence : Q uod contra juris rationem receptum est non est p roducendum ad consequentias. Leg. 14 ?
i 5 et 16, ff. D e le gibus ; Leg. 1 4 1 ? f f D e regulis ju ris.
Il y a plus 5c’est que quand mcme la nouvelle loi auroit aboli en
termes textuels, et très expressément, tous les retours conven
tionnels qni n’auroient été ouverts que depuis celle de 1792, con
cernant les substitutions, etaprès le décès des donateurs, une pa
reille loi, attendu le vice radical de rétroactivité dont elle se trouveroit infectée, ne seroit pas susceptible d’exécution en cette par
tie. En vain voudroit-on l’assimiler à la loi qui abolit les substitu
tions établies par actes antérieurs à sa promulgation, mais qui
n’étoient pas encore ouvertes pour lofs. Il y a bien de la diffé
rence entre l'ime et l’autre, car les substitutions qui ne sont que
des dispositions en faveur de tiers non présents ni acceptants
ne peuvent saisir l’appelé qu’au moment de leur ouverture , et
même autant seulement que ? appelé l’acceptera pour lors • jus
que-là le substitué n a aucun droit acquis ; et par conséquent la
loi a pu , sans porter atteinte à un véritable droit de propriété ,
abolir toutes les substitutions qui viendraient à s’ouvrir par la
.suite, quoiqu’elles fussent établies par des actes antérieurs.
�C i3 )
Il n’en est pas de même des stipulations conditionnelles. En
effet, quoiqu’il n’en résulte qu’un droit éventuel, une simple
espérance, comme le disent les Institutes, elles saisissent de ce
droit, à l’instant m êm e, le stipulant, et dans sa personne ses
ayants-droit, c’est-à-dire ceux qui le représenteront, quant à l’ob
jet de la stipulation, lors de l’événement de la condition sous
laquelle la stipulation a été faite et conservée ; or il résulte né
cessairement de là que toute loi postérieure qui aboliroit ces.
droits éventuels enlèveroit de fait au stipulant, dans la per
sonne de ses ayants-cause , des droits acquis dont ils étoient sai
sis, ce qui seroit une atteinte formelle au droit de propriété,
E n fin la lettre même de la clause en question nécessite
rait :, en tant que de besoin, la transm issibilité du retour
qui y est stipulé.
1
A ces considérations générales, toutes péremptoires, nous
en joindrons une particulière, et qui toute seule suffiroit, en
tant que de besoin, pour trancher la question; c’est que les
propres termes dans lesquels est conçue la stipulation condi
tionnelle de retour dont il s’agit assurent textuellement et
littéralement ce droit aux ayants-cause du stipulant, quels qu’ils
soient, comme au stipulant lui-même, le cas de la condition
arrivant; et que, de plus, les mêmes ternies sont formellement
exclusifs de toute substitution.
E t d’abord, que dans l’espèce le droit de retour soit assuré,
en tant que de besoin, par les termes mêmes de la stipulation
du donateur, à ses ayants-cause, comme au donateur lui-même,
ou plutôt au donateur dans la personne de scs ayants-droit, au
cas d’événement de la condition, en quelque temps que ce soit;
�( 4 )
c’cst ce qui résulte évidemment de ce que ce retour est stipulé,
nommément, pour les biens formant l’objet de l’institution con
tractuelle de la donataire; car assurément il étoit impossible que
le retour de ces biens particuliers qui n’étoient donnés qu’à titre
d’institution, et par conséquent sous la condition de la siirvie
de la donataire au donateur, s’ouvrit jamais pendant la vie de
celui-ci. E t puisque cependant il s’éloit réservé pourlui-même,
ernôrTpour aucun tiers après lu i, ces mêmes biens à titre de
retour conventionnel, il falloit bien que sa réserve pùt profiter
à ceux de ses ayants-cause et transmissionnaircs à titre universel
ou particulier q u i, lorè de l’ouverture du retour par lui réservé,
le représenteroient pour cet objet, comme ne formant à cet
égard qu’une seule et même personne avec lui. Autrem ent, sa
réserve n’eût pu profiter à personne en aucun cas, et la clause
_
auroit été illusoire.
E lle sitffiroit aussi toute seule pour écarter toute idée
de substitution.
Mais il est également sensible que le donateur en stipulant le
retourp o u rlü i, qt non pour aucun autre que lui-même, a néces
sairement exclu toute substitution; car enfin, comme le disoit
M. Daniels, portant la parole pour le ministère public en la
Cour de cassation, il est impossible de se substituer soi-même à
son donataire pour la chose donnée.
Il est bien vrai que le donateur qui stipule le retour pour
lni-mcrnc seulement, et non pas pour des tiers après ltii, le sti
pule aussi nécessairement pour ses ayants-cause et transrmssionnairos, soit qu’il doive en profiter de son vivant, soit que par
l’événement, le droit qu’il s’est réservé ne s’ouvre qu’après s^
�C 15 )
mort, à moins qu?il n’ait formellement excepté ce dernier cas
par sa réserve, comme par exemple en stipulant le retour à sou
profit, pour le cas seulement du prédécès du donataire.
Mais ces transmissiopnaires et ayants-cause ne forment avec
lui qu’une s.eule et même personne, qui a toujours été saisie
ab ihitio, tant de son vivant que depuis son décès, du droit
éventuel qu’il s’étoit réservé, comme de tous ses autres Liens,
sans attendre l’événement de la condition.
Ainsi, il est impossible de les supposer substitués par le do
nateur au donataire, et tout ce qui résulte de la réserve de re
tour stipulée par le donateur pour lui-même seulement, et non
pour aucun tiers après lui, c’est que la condition du retour ar
riv a n t, le donataire cesse d’être propriétaire de la chose don
née, c’est que la donation qui lui avoit été faite est alors réso
lue ou révoquée j c’est enfin que le donateur en la personne de
ses ayants-droit, en conséquence de sa réserve, se trouve avoir
recouvré sa propriété dont il ne s’étoit dessaisi que sous une con
dition résolutive qui a eu lieu -, c’est en un mot que cette pro
priété s’est réunie de plein droit à son patrimoine aussitôt l’ar
rivée de la condition résolutive apposée à la donation : or cer
tainement il est bien permis aux donateurs , nonobstant l’abo
lition de toutes substitutions, de stipuler qu’en tel ou tel cas
leurs donations seront résolues de plein droit, ab initip, comme
si elles u’avoient jamais existé, ou pour la suite seulement,
comme dans le cas de la révocation des donations pour cause de
survenance d’enfants', le tout, soit que la condition résolutoire
arrive de leur vivant, soit qu’elle n’arrive qu’après leur mort :
car les conditions résolutives produisent leur effet, lors meine
qu’elles n’arrivent qu’après la mort du stipulant , ce qui n’em
pêche pas que l’acte résolu n’ait subsisté jusque-là, s’il n’a pas
�(■ G )
¿téautrement convenu. L eg . i 5 , in princ., ff. D e in diem addictione. ) V o y e z aussi la loi finale au Code, D e legatis.
L e s observations précédentes sont égalem ent applicables
„ a u x institutions contractuelles sous conditions résolu
toires.
Il en est de même incontestablement des donations par forme
d’institution contractuelle, qui, suivant Pothier ,'Laurière, et
tous nos autres auteurs, ne diffèrent des autres donations en
tre-vifs qu’en ce qu’elles sont faites sous la condition particu
lière de la survie du donataire, et en ce que le donateur peut
encore , nonobstant la donation, s’aider des choses qui y sont
comprises , par contrats intéressés , tels que la vente ou l’hy
pothèque , mais non pas en disposer à titre graÔuit par dona
tions entre-vifs , institutions ou legs.
En effet, l’instituant contractuel doit aussi pouvoir stipuler
que sa donation sera résiliée ou révoquée, si telle ou telle con
dition arrive par la suite, n’importe en quel temps, et que ce
pendant elle aura jusque-là tout son effet; mais en ce cas les
biens qui en sont l’objet, comme étant retournés à la masse de
l'hérédité, et réunis au patrimoine du donateur, appartiennent à
ceux qui lors de l’arrivée de la condition résolutoire se trouvent
représenter ledit donateur ou instituant; etassurément ceux-ci ne
reprennent pas les biens en question en qualité de substitués au
donataire ; c’est le donateur lui-même, toujours existant dans leur
personne, qui reprend sa chose, comme ayant cessé d’appartenir à .
l’institué, au moyen delà résolution de l’institution, qui a eu lieu
par l’événement, comme le donateur ou ses représentants re
prennent la chose donnée, lorsqu’il y a survenance d’enfants,
�C *7 )
même posthumes, quoique le posthume ne soit né que depuis
son décès. Autrement, il faudrait dire, ce qui est absurde, que
le vendeur ou scs héritiers, rentrant dans la propriété de la
chose vendue par l’effet de la résolution de la vente, ou de lu
rescision du contrat, reprennent la chose vendue comme substi
tués h l’acheteur. E t il faudrait conclure de la ( ce qui seroit
encore plus absurde, s’il est possible), qu’attendu l’abolition de
toute substitution, il n’est plus permis de vendre sous condition
résolutive , ni de faire résilier aucun contrai de vente, non
plus que de disposer par donation, institution ou legs, sous
condition résolutive. Mais il faudrait aussi, avant tout, effacer
du Gode civil les articles g 53 , 960 , 962, 963 et 966, relatifs
à la révocation des donations de toute espèce pour cause de
survenance d’enfants , même posthumes, qui ne seroient nés
que depuis le décès du donateur; il faudrait notamment sup
primer ledit article 963, en ce qu’il suppose qu’au cas de la sur
venance d’enfants du donateur (avant ou après son décès ) le
retour s’opère , non pas, à proprement parler, par voie de ré
version h sa personne, mais bien plutôt par voie de réunion à
son patrimoine de tous les objets qui en avoient été distraits à
titre lucratif, et par conséquent au profit de ses représentants ,
si la réunion ne s’opère qu’après son décès ( les biens compris
dans la donation révoquée de plein droit r e s t e r o n t d a n s
LE P A T R IM O I N E DU D O N A T E U R , LIBRES DE TOUTES CHARGES
E T HYPOTHÈQUES DU CHEF D U D O N A T A IR E
, etc. )
(
Conclusion.
Tout ceci posé, nul doute que les représentants du sieur
Delsol, donateur, sont fondés à requérir, dès à présent, toutes
3
�( i8 )
transcriptions et inscriptions nécessaires pour assurer la conser
vation de leur droit de retour, a l’effet de prévenir les atteintes
qui pourroient y être portées par la donataire et autres posses
seurs des biens sujets, à réversion , ou par les débiteurs des
créances qui tiennent lieu de ces mêmes fonds.
On peut d’autant moins leur contester ce droit, que le retour
•dont il s’agit doit nécessairement s’ouvrir un jour îx leur profit,
ou au profit de leurs trùnsmissionnaires et ayants-droit, par le
fait du décès de la donataire sans enfants , attendu qu’elle n’a
pas eu d’enfanls , et que son âge avaneé ne lui laisse plus d’es
pérance d’en avoir.
Délibéré à Paris par le soussigné ancien avocat, ce vingt-sept
juin dix-huit cent six.
LESPARAT.
�( *9 )
SECONDE CONSULTATION.
L e C O N S E I L S O U S S I G N É , q u ia vu copie (ci-jointe)
du jugement reudu en première instance par le tribunal civil
d’Aurillac , le 22 juillet 1808 , entre les sieurs Dclsol Frères, et
la dame veuve Y igier d’Orcet, leur sœur consanguine; ensemble
les mémoires imprimés qui ont été présentés au tribunal pour le
soutien de leurs prétentions respéctives ;
>
, par les raisons déjà exposées en sa Consultation
délibérée le 27 juin 1806, ainsi que dans les observations par
ticulières sur chacun des motifs dudit jugenient, qui lui ont
■été communiquées, et encore par les autres raisons qui seront
déduites ci-après ;
Que les sieurs Delsol frères sont bien fondés dans leur appel
dudit jugement, en ce que par icelui la stipulation de retour.
'réservé par le sieur D e lso lp ère , dans le contrat de mariage
de la dame d’ Orcet, sa f i l l e , a été déclarée personnelle au
dit sieur D e lso l , et caduque par son p réd écès. Qu’en effet,
(bien loin que le retour réservé soit devenu caduc par le prédé
cès du sieur Delsol père, qui l’a stip u lé), il ne peut manquer
de s’ouvrir un jour et d’opérer la réunion effective à son patri
moine, des choses sujettes audit droit, au moyen de ce que la
dame d O rc e t, sa fille, qui n’a pas d’enfants, et qui est actuelle
ment hors d’àge d’en avo ir, décédera néccssaii’emeiit sans en
fants.
•
E s t d ’a v is
�( 20
Les premiers juges avoient encore élevé deux autres ques
tions, l’une (qui est la première des trois posées dans leur ju
gement) étoit de savoir quels biens avoient é té et pouvoient
être compris dans la clause de retour réservé par le sieur
B a sile D e ls o l, dans le contrat de mariage de la dame d’ Orcet sa f ille y et l’autre de savoir si, dans le cas de transmissib ilité , ce droit de retour ne se seroit pa s confondu
dans la personne de la dame d’ O rcet avec sa qualité d’héri
tière contractuelle de son p ère ; mais leur jugement n’a dé
cidé que celle de savoir si la réserve du retour dont il s’agit
étoit limitée à la personne du sieur Delsol, ou si au contraire
elle avoit pu être transmise à ses héritiers ; et c’est aussi la seule
dont la solution doit nous occuper , comme étant la seule qui
soit à juger sur l’appel de leur sentence.
Ce n’est pas qu’ils n’aient émis dans les attendus de leur ju
gement leur opinion sur les deux questions qu’ils ont laissées
indécises ; mais cette opinion n’y est présentée que pour justi
fier leur jugement sur celle qu’ils ont décidée : or l’appel dont
il s’agit ne peut porter que sur ce qui a été jugé effectivement,
quelle qu’ait pu être d’ailleurs leur opinion sur d’autres ques
tions restées indécises.
I. L a stipulation du retour par le sieur D e lso l père étoit
in rem , et pourquoi ?
Q uoiqu’il en soit au surplus, nous observerons d’abord à
cet égard que, si la stipulation dont il s’agit a été jugée per
sonnelle au stipulant, et par conséquent non transmissible, c’est,
comme l’exposent les premiers juges dans leurs motifs, parceque le sieur Delsol n’a n a s stipulé nommément pour scs ayants-
�( 31 )
'Cause, et sur-tout parcequ’en stipulant le retour pour le cas pré
vu par sa stipulation, il ne l’a pas réservé aux siens en particu
lier, comme l’a fa it, dans le même contrat de mariage , la mère
<lu futur en dotant son fils.
Mais c’est précisément parceque le sieur Delsol entendoit ré
server un retour vraiment réel, in rem , à la masse de son pa
trimoine , en faveur de tous ceux auxquels il pourroit importer
que le retour eût lieu , qu’il l’a stipulé en termes g én éra u x,
non exclusifs d’aucune classe de ses ayants-cause, et non pas
seulement pour sa personne ou les siens. Taie pactum non in
personam dirigitur y sed chm general e s i t , locum inter hceredes habebit. Leg. 4 1 , ff- D e pactis.
II. Conséquences qui seroient résultées de la personnalité
de sa stipulation pour lu i et les siens seulement.
• Dans le fait, le sieur Delsol père n’avoit pas alors d’autre en
fant que la future sa fille. Peut-être même supposoit-il, attendu
son état de viduité , qu’il n’en auroit jamais d’autre : or dans
cette supposition , si par l’événement le retour stipulé ne
s’ouvroit qu’àprès son décès, soit par le décès de sa fille sans en
fants, soit par le décès des enfants de sadite fille , après leur
mère, sans descendants d’eux, il ne pouvoit pluS être représenté
par aucuns siens proprement dits , mais seulement par des col
latéraux très éloignés qu’il ne connoissoit même pas (comme l’a
dit et répété souvent la dame Dorcet elle-même), ou par d’au
tres successeurs qu’il se seroit créés à lui-même par titres uni
versels ou singuliers.
" •
'
• •
Si donc il n’avoit stipulé le retour que pour lui et les sien s,
comme avoitfaitla mère du fu tu r, alors le retour n’auroit eu
�( « )
e
lieu qu’en sa personne , ou celle des s ie n s , c’est-à-dire pour
le cas seulement de sa survie, ou de celle d’aucuns des siens
à l’ouverture dudit droit ; et ce droit n’auroit profité à son dé
faut qu’à celui ou ceux d’entre les siens qui auroient existé pour
lors. Eux seuls en effet se seraient trouvés composer la classe ou
espèce particulière et déterminée d’ayants-causc, à laquelle au
rait été réservé le retour : o r, comme le dit la loi 80, ÎT. D e regulis ju r is y In toto ju r e , generi p er speciem derogatur ;
et comme le dit aussi la loi 99, p. 5 , iF. "De legatis 3° , Sem
p er species generi derogat. E n un m o t, nuls autres ayantscause du sieur Delsol stipulant n’y auroient pu rien prétendre ,
à quelque titre que ce f û t , ni comme héritiers légitimes ou àb
in testa t, mais non s ie n s , ni comme héritiers irréguliers ,
ni comme héritiers institués , ou légataires, soit universels, soit
à titre universel (c’est-à-dire pour partie) , ni comme léga
taires particuliers, ni comme donataires entre-vifs ou à cause de
m ort, ni comme cessionnaires à titre onéreux, ni enfin comme
créanciers chirograpliaircs ou hypothécaires, quelqu’intérêt que
ces différentes classes d’ayants-cause pussent avoir à ce que la
réunion effective à son patrimoine des biens donnés et réservés
leur en eût assuré la conservation; alors en effet, au moyen du
prédécès de ceux dans la personne desquels seulement le retour
auroit pu s’opérer , toute réunion au patrimoine du stipulant
seroit devenue impossible.
Ainsi le sieur Delsol se serait interdit, pour ce cas particulier,
toute espèce de disposition, tant des biens donnés que des biens
réservés, et par conséquent de tous ceux q u i, lors de son dér
' ces, auroient pu composer son patrimoine , quoique tous fus
sent stipulés réversibles, si sa fille décédoit sans enfants, ou si
les enfants de sa fille (lécédoient eux-mêmes sans descendants :
�( ^3 )
or assurément, le cas arrivant que sa fille décédât après lui sans
enfants (comme il arrivera bien certainementJ, ou que les en
fants de sa fille décédassent après lui et leur mère sans enfants ,
comme il étoit alors très possible, il étoit bien plus naturel qu’en
ce cas tous ses biens stipulés réversibles retournassent et se réu
nissent à son patrimoine en faveur de ceux qui y auraient in
té rêt, et qu’à cet eifetle retour fût stipulé par une clause gé
nérale , c’est-à-dire à la masse de sou patrimoine , plutôt qu’à
lui-même et a u x siens personnellement, à l’exclusion de tous au
tres ayants-cause ; car n’y ayant encore alors personne qui pût
l’intéresser, au défaut de sa fille et des enfants de sa fille ou de
leurs descendants (puisqu’il n’avoit pas encore d’autres successibles que des collatéraux fort éloignes qu’il ne conuoissoit même
pas ) , il devoit préférer tous les autres ayants-cause qu’il pouxroit avoir, ou se créer à lui-même, à ceux de sa fille décédante
sans enfants, qui ne pouvoient que lui être étrangers, si lui^
m ê m e restoit en viduité. C’est même probablement par cette
raison qu’il a interdit très expressément à sa fille toute, disposi
tion préjudiciable au droit de retour qu’il stipuloit par une
.clause générale et sans aucune limitation ; et s’il n’a pas étendu
cette prohibition aux enfants de sa fille, lors même qu’ils dé
céderaient après lui et leur .mère sans descendants d’eux (quoi-,
qii’en te cas ils fussent pareillement grevés du retour à son pa
trimoine, tant pour les biens donnés que pour les biens réservés) ;
si même au contraire il leur a permis audit cas toute disposition
des biens on question ; si enfin il a stipulé à cet effet que ledit
.retour a sou patrimoine n’auroit lieu qu’autant qu’ils seraient
.décédés sans descendants d’eux, et sans avoir disposé, c’est
évidemment pareeque (à la différence de leur mère , sa fille ,
,qui dans le cas où elle survivrait à son père décédé en viduité.,
«
�( »4 )
_
ne pouvoit avoir pour succcssibles que des collatéranx fort éloi
gnés , et peut-être même inconnus) eux au contraire, décédant
ensuite après leur mère et sans descendants d’eux , avoicnt du
moins pour succcssibles , à défaut du sieur Delsol leur aïeul
maternel, d’autres parents très proches dans la personne de
leurs oncles paternels, frères de leur père; alors en effet le sieur
Delsol n’avoit aucune raison suffisante d’empêclier que les en
fants de sa fille, décédant sans enfants après lui et après leur
mère, pussent disposer des biens dont il stipuloit la réversion;, car
ces mêmes enfants ayant audit cas pour succcssibles des oncles
paternels, ou leurs enfants, le sieur Delsol pouvoit facilement
supposer que les enfants de sa fille ne seroient pas tentés de dis
poser au profit d’étrangers , au préjudice de parents aussi pro
ches , et que , s’ils usoient de la liberté qu’il leur laissoit de dis
poser , ce ne seroit qu’en faveur de ceux de ces parents dont la
position particulière exigerait qu’ils fussent plus avantagés que
les autres.
III. I l n’en étoit p a s du retour stipulé p a rla mère du fu tu r,
comme de celu i stipulé par le sieur D elsol.
Il n’en étoit pas de même du retour stipulé par la mère du
futur pour elle et les sien s> en cas de décès de son fils sans en
fants , ou des enfants de son fils sans enfants et sans avoir dis
posé ; en effet, la mère du futur ayant , lors du mariage de son
fils, plusieurs autres enfants, né pouvoit penser qu’h assurer à
ces autres enfants le retour des biens qu’elle donnoit au futur ,
son fils , si celui-ci decedoit sans enfants , ou si ces enfants décédoient eux-mêmes sans descendants : or il lui sufllsoit à cet
effet de stipuler le retour pour elle et les siens personnellement,
�( *5 )
c’est-à-dire à l’exclusion de tous autres ayants-cause; et cepen
dant de laisser non seulement aux enfants de son fils , mais à
son fils lui-même, la liberté de disposer ; n’étant pas à présumer
que celui-ci, s’il n’avoit pas d’enfants, voulût user de cette fa
culté au préjudice de sa propre mère , ou de ceux qu’elle appeloit les siens (frères, sœurs, neveux ou nièces de sonditfils),
si ce n’est en faveur de ceux d’entre eux d o n t, comme il vient
d’être d it , la position pourroit exiger qu’ils fussent plus avan
tagés que les autres. E t c’est aussi tout ce que le mandataire de
la dame veuve d’Orcet, porteur de sa procuration rédigée à Mau
riac , et comparant pour elle au contrat de m ariage, étoit
chargé de stipuler, sans pouvoir s’en écarter, ni y rien changer. ,
IV . Peut-être le sieur D e ls o l auroit-il stipulé le retour dans
la même form e que la mère du fu tu r, s 'il avoit é té dans le
m êm e cas.
Il en auroit peut-être été de même de la stipulation du sieur
Delsol père , s’il avoit été dans le même cas ; mais n’ayant pour
lors d’autre enfant que la future, s’il avoit restreint de même
à sa personne et a u x siens le retour qu’il stipuloit, cette res
triction auroit eu l’inconvénient d’annoncer des espérances d’a
voir d’autres enfants d’un second mariage ; et quoiqu’il ne pen
sât peut-être pas alors à se remarier , il auroit au moins donné
lieu par-là au futur et à la famille du futur d’exîgëFdè lui qu’a
vant tout il s’expliquât sur ce point. Q ui sait même s’il n’auroit
pas fallu leur donner des assurances positives que ce qu’ils pouvoient craindre n’arriveroit pas ?
D ailleurs il pouvoit très bien se faire que, le cas prévu du re
tour arrivant, il n’existât aucun parent successible du sieur
�( *6 )
Delsol père capable de le représenter, ou qu’il n’y en eût que
de très éloignés qu’il n’auroit jamais connus; et c’est même ce
qui serait nécessairement arrivé, s’il étoit resté veuf : or il étoit
bien naturel qu’il pû t, au moins pour ce cas particulier, se don
n e r par a c t e s entre-vifs ou de dernière volonté, à titre gratuit
ou onéreux , tel successeur universel ou singulier, qu’il jugeroit
«Hpropos, à l’eiTetde recueillir , emtout ou partie, le bénéfice
du retour en question.
Il devoit donc, comme il ¡l’a fait, se réserver le retour par une
stipulation générale , de manière que le cas prévu arrivant, en
quelque temps que ce f û t , de son vivant ou après sa m o rt, il
y eût lieu au retour in rem , ou k Son patrimoine, en faveur de
ses ayants-cause, ou de qui de droit, et non pas seulement à sa
personne ou a u x s ie n s , à l’exclusion de tous autres ayantscause, le tout sans que la donataire, sa fille, pût préjudicier
ou déroger à ce di’oit de retour par aucune disposition.
-
-
V . L e s prem iers ju g e s ont supposé que la personnalité d elà
stipulation du retour par le sieur D e ls o l résultoit de la dé
fe n se qu’il a fa ite à sa fille d’y déroger. Combien cette
supposition est absurde /
Cependant, s’il faut en croire les premiers juges, la défense
faite par le sieur Delsol père à la dame d’O rcet, sa fille, de dé
roger a u droit de retour qu’il stipuloit, prouveroit au contraire
qu’il ne l’a stipulé que pour lui personnellement, n’étant pas
présumable , disent-ils , qu’il mît sa f ille (lors unique) dans
un tel état dinterdiction (pour le cas où elle décèderoit sans
enfants; car c’cst de ce cas uniquement qu’il s’agit) , et ce en f a
veur de parents éloignés avec lesquels il n’avoit aucune re-
�( 27 )
lation , que les parties même ne connoissoient p a s , a in si
que la dame d ’ O rcetl'a plusieurs fo is dit et é c r it, sans que
c e fa it ait é té désavoué.
' Il auroit donc été bien plus convenable, suivant eux , que le
sieur Delsol père se mit lui-meme dans l’interdiction , et ce en
faveur des étrangers que sa fille, décédante sans enfants, jugeroit à propos de préférer h. tous les ayants-cause qu’il se seroit
créés à lui-même , ou à ceux qui (comme il pouvoit arriver, et
comme il est arrivé effectivement) lui seroient survenus : or
on sent combien est absurde une pareille supposition.
V I. L ’institution contractuelle de la dame d 'O rce t} q u i, sui
vant les prem iers ju g e s , prouverait la personnalité de la
Stipulation du retour p a r le sieur D e ls o l son p è r e ,
• en démontre au contraire la réalité.
Enfin , suivant les mêmes, ladimitation du retour dont il s’a
git à la personne du stipulant résulterait s u r - t o u t d e l a
circonstance que le sieur D e ls o l, après avoir fa it à sa
f il le une donation entre-vifs, l ’a instituée en même temps
son héritière universelle ; e n e jfe t , ajoutent-ils, il seroit ab
surde de supposer qu’il eût fa it et voulu fa ir e } contre cette
héritière , une réserve qui ne devoit et ne pouvoit p r o f i t e r
q u ’à elle-m êm e, puisqu’en admettant là t r a n s m i s s i b i l i t é d u
retour} cette transmission'ne pouvoit a v o i r lieu qu en fa v eu r
de cette m êm e héritière.
'
Mais ils supposent par-là que l’institution contractuelle de
la demoiselle Delsol par son père est- une institution pure et
simple , q u i, une fois ouverte au profit de l’instituee par le pré
décès de l’instituant, ne pouvoit cesser en aucun temps d’avoir
�'
( ,8 )
^
tout son effet, qu’en un mot cette institution n’étoit affectée
d’aucune condition résolutoire , tandis qu’au contraire cette
même institution ( qui à la vérité ne pouvoit être révoquée
par aucun acte postérieur ) devoit cependant se résoudre de
plein d ro it, comme la donation, par le seul fait du décès de
l’instituée sans enfants , ou de ses enfants sans descendants et
sans avoir disposé ; car c’est ce qui résulte textuellement de la
clause par laquelle le sieur Delsol ( après avoir promis de n’ins
tituer d’autre héritier que la future sa f ille dans les autres
biens ( non donnés ) qui se trouveront lui rester lors de son
d é c è s) s’est réservé , (pour le cas où ladite future saillie décèderoit sans enfants , ou ses enfants sans descendants, ou sans
avoir valablement disposé ) , le droit de réversion et retour,
tant des biens donnés que réservés , sans q u il puisse être
dérogé par sadite f i l le audit droit de réversion par aucune
disposition, n i autre acte à ce contraires. O r , bien loin que
cette clause puisse faire présumer la personnalité du retour sti
pulé par le sieur Delsol père , comme le prétendent les pre
miers juges , la vérité est au contraire qu’il en résulte une
nouvelle preuve de sa transmissibilité ; et cela , quand même on
voudrait ne comprendre dans la classe des biens réservés dont
la réversion est nommément stipulée , que ceux non donnés
qui existoient pour lors , et qui lui seraient restés lors de son
décès , à 1 exclusion de tous ceux qu’il aurait acquis depuis sa
stipulation \ car enfin il est bien évident que le droit de retour
(qui pouvoit s’ouvrir pendant la vie du stipulant pour les biens
qu’il donnoit) ne pouvoit s’ouvrir qu’après sa m o rt, pour les ,
biens réservés , soit que (comme on n’en peut douter) il ait
entendu désigner par biens réservés ce qu’il appelle dans lemême acte les biens institués (c’est-à-dire la totalité de ceux
�( *9 )
non donnés qui Iuiresteroient lors de son décès, et généralement
tous scs biens, à l’exception des biens donnés, èt de ceux qu’il
auroit depuis vendus ou engagés), soit même , qu’il n’eut en
tendu comprendre sous cette dénomination que ceux des biens
non donnés qu’il possédoit lors du contrat de mariage de sa
fille et qu’-il auroit conservés jusqu’il sa mort.
E t qu’on ne dise pas , comme l’ont fait les premiers juges ,
que les m ots, biens réservés, ont échappé à Tinadvertance
du réd a cteu r, qui (suivant eux) ti avoit que les notions les
plus obscures sur la nature et les effets des institutions
contractuelles y car ce sont bien plutôt les premiers juges
eux-mêmes q u i, comme on l’a pu voir déjà , et comme 011 le
verra encore plus particulièrement ci-après , sont dans le cas
qu’on leur fasse ce reproche 5 et au surplus , quoi qu’il en soit,
ils ont bien prouvé par-là qu’il étoit absolument impossible ,
malgré toutes leurs subtilités, et pour ainsi dire leurs tours de
force , de restreindre aux biens donnés un retour stipulé pour
les biens tant donnés que réservés. Il faudra donc toujours
en revenir à dire que le retour des biens réservés (q u i, dans
tous les cas , sont nécessairement des biens non donnés), ne
pouvant s’ouvrir avant la mort du stipulant,. étoit bien cer
tainement transmissible à ses héritiers ou autres ayants-cause
or, il devoit en être de même du retour des biens donnés, puis1
qu’il est stipulé par la même clause et dans les mêmes termes.
V II. Lorsque le retour s’ouvrira par le fa it du décès de la
dame d ’ O rcet sans enfants , son institution contractuelle
sera comm e non'tivenue.
Peu importe enfin que la dame d’O rccl, en sa qualité d’hé-
�( 3o )
îilère instituée contractuellement, soit quanta présent la seule
représentante de son père. Du moment que le retour s’ouvrira
par le fait de sou décès sans enfants, elle n’aura plus été héri
tière contractuelle , attendu la clause résolutoire apposée à son
institution. A lo rs, en effet, il sera vrai de dire qu’elle n’aura
été qu’héritière ah intestat de son père, concurremment avec
ses frères, c’est-à-dire pour partie seulement; et par consé
quent elle n’aura laissé dans sa succession , à ses ayants-cause,
quels qu’ils puissent ê tre , que sa part afférente dans tous les
objets dont la réversion.au patrimoine de son père aura eu lieu
par le fait de son décès sans enfants.
Il est vrai , comme l’observent les premiers juges , qu’en
droit romain une institution d’héritier par testament (autre
que celui fait ju r e militari) n’auroit été susceptible d’aucune
limitation ou résolubilité, quand même cet héritier testamen
taire n’auroit été institué que e x re certd, ou pour une certaine
quotité , telle que la moitié ou le tiers de l’hérédité, ou à
compter de tel temps , ou enfin: jusqu’à, tel temps; qu’en effet
l’héritier ainsi institué par testament valable , étant seul insti
tué , auroit é té, de droit,, héritier pour le to u t, pour tous
les cas et pour tous les temps , sauf seulement les droits des légitimaires ; mais c’est pareeque chez les Romains personne ne
pouvoit mourir parti/n te status, partim intestatus (à moins
qu’il n’eut teste ju re m ilitari) ; car , comme l’observe Pérez en
ses Institutes impériales, e x institutione hceredis ad certum v e l e x certo tempore fa cta sequeretur quod quis deced erep o sset, pro parte te sta tu s, et p ro p a rte intestatus.
�( 3i )
V III. L e s institutions contractuellesy inconnues ch ez les Ro
mains , n’ont rien de commun avec leurs institutions tes
tamentaires.
•
«
Il n’en est pas de même des institutions contractuelles abso
lument étrangères au droit romain, et qui cependant ont été
admises dans les ci-devant provinces dites de droitécrit, comme
dans tout le surplus de l’ancienne France \ en effet, suivant
tous nosauteurs (quoi que disent au contraire les premiers juges),
ces institutions d’héritier par contrats ne ressemblent aucune
ment aux institutions testamentaires des Romains , si ce n’est
à celles faites ju r e m ilitari, ou à leurs legs universels , soit aux
legs de toute l’hérédité ou de tous les biens, soit aux legs de
partie de l’hérédité ou de partie des biens, partis etpro p a rte,
(que notre Code civil qualifie legs à titre universel), avec cette
différence seulement qqe nos institutions contractuelles, d’ori
gine française et absolument inconnues clicz les Romains, sont
irrévocables comme tenant de la nature des contrats, tandis
que les legs et autres dispositions testamentaires de toute es
pèce peuvent toujours être révoquées par le testateur jusqu’à
son décès.
IX . A utrem ent elles ne pourroient ja m a is avoir lieu pour
partie , tandis q u e, suivant P o th ie r , elles ont lieu in
contestablement pour partie comme pour le tout.
S’il en pouvoit être autrem ent, il faudroit aller jusqu’à dire
que l’institution contractuelle pour partie des biens ou de 1 hé
rédité, ou même seulement pour quelques uns des corps certains
qui la composent, auroit l’effet d’une institution universelle
pour toute l’hérédité ; car c’est ce qui résulterait du principe
�( 3a )
posé par les premiers juges (dans le second attendu de leur troi
sième question), que Tinstitution contractuelle form e un v é
ritable héritier q u i N E DIFFÈRE QUE DE N O M DE £ HÉRITIER
t e s t a m e n t a i r e (des Rom ains), q u a n t a i ’ u n i v e r s a l i t é
*
9'
f
9 *
t
d u t i t r e : or personne jusqua présent navoit ose mettre en
avant une hérésie aussi monstrueuse, et il étoit réservé aux pre
miers juges d’en faire la base de leur jugement.
Il leurauroit cependant suffi, pour se garantir d’un pareil écart,
de consulter sur cette matière jios auteurs élémentaires, tels
que Polluer, dans son introduction au titre 17 de la coutume
d’Orléans. Ils y auroient vu , par exemple, à la fin du n° 17 de
l’appendice de cette introduction, que l’institution contractuelle
y est définie la donation que quelqu’un fa it de sa succession
en tout ou e n p a r t ie , p a r contrat de m ariage, à l’une des
'
parties contractantes} ou a u x enfants qui naîtront du fu tu r
mariage y au n° il\ du même appendice, que de m êm e que la
succession testamentaire dans les provinces oh elle est ad
m ise y fa it cesser la succession légitim e et a b i n t e s t a t ,
de m ême la succession contractuelle fa it cesser la su cces
sion légitime ou ab intestat pour le total, lorsque l ’héritier
contractuel a été institué héritier pour le total, ou po u r l a
p a r t ie p o u r l a q u e l l e il a é t é i n s t i t u é ; d’où il conclut, à la
fin dudit n° 24 > que, lorsque l’héritier contractuel étranger
a é té institué s e u l e m e n t po u r u n e p o r t i o n , p u t a p o u r
LA MOITIÉ , il succède a u x propres , de m êm e qu’a u x au
tres b ie n s, pour l a p o r t i o n p o u r l a q u e l l e i l a é t é i n s
t i t u é , et que l ’héritier l i g n a g e r ab intestat « y succède que
pour cette m oitié y et ensuite au n» 25 qui suit, que Tenfant
héritier contractuel de so n p e re , pour u n e c e r t a in e p o r
t io n , PUTA. POUR UN TIERS OU POUR UN QUART, n ’e ST PAS
�(33)
OBLIGÉ E N V E R S SES FRÈRES E T SOEURS, HÉRITIERS LÉGITIMES
E T AB
INTESTAT
POUR
LES A U TR E S P O R T IO N S , CM
rapport
de ce qui lu i a é té donné ou légué par son père.
X . D an s les pays de droit écrit elles ont lieu pour partie et
par conséquent ad tempus ou ex tempore, vu sur-tout
q u elles y sont considérées comme de véritables dona
tions entre-vifs.
.
Dira-t-on qu’il n’en étoit pas de même dans nos provinces cidevant régies par le droit écrit ? Mais s’il est vrai, comme le
dit Laurières (au sommaire du n° 23 du chapitre premier de
son Traité dès institutions et substitutions contractuelles), que
ces institutions ont pris leur origine des lois romaines q u i
perm ettaient a u x soldats i n p r o c i n c t u de s'instituer héri
tiers par des pactes réciproques de succéder, il en résultera
nécessairement que les institutions contractuelles, comme les
legs universels , ou à titre universel, peuvent avoir lieu, même
en pays de droit écrit, ou pour un temps seulement, ou à par
tir de tel temps, ou pour partie seulement de l’hérédité ou des
biens , ou même pour un tel corps héréditaire , etc. ; car as
surément 011 ne pouvoit pas appliquer à celui qui testoit ju re
m ilita ri, la règle : Nerno potest decedere partim testatus
partim intestatus.
C’est ce qui résultera pareillement de ce que dit et répète
souvent le même auteur , notamment au n° a3 de son chap. 3 ,
et au chap. /|, nos 8 et suivants , que les institutions contraç tuelles y en pays de droit écrit, sont réputées vraies dona
tions entre-vifs~de biens présents et à ven ir, par lesquelles
Finstituant s'interdit la fnnulté de disposer non seulement
�( 34 )
a titre gratuit, mais même à titre on éreu x, par ven te, hy
pothèque ou autrement s i ce n’est pour pressante et ur
gente n écessité y car on conviendra sans doute que les dona
tions peuvent se Hure pour n’avoir effet que jusqu’à tel temps,
ou ù compter de tel temps, etc. E t il faut bien que le sieur Delsol pèrç, reconnu pour procureur très instruit, ait eu connoissance de cette jurisprudence, puisqu’il a cru devoir se réserver
l’usufruit de ce qu’il appelle les ¿tiens institués (c’est-à-dire de
ceux pour lesquels il inslituoit sa fille son héritière contrac
tuelle) , ainsi que la faculté de pouvoir les vendre ou engager.
X.I. L ’héritier institué contractuellement ne pourroit être
a ssim ilé , suivant Laurières , même en pays de droit
écrit > qu’à lliéritier des Romains institué in castrensibus,
qu
jure militari.
Si donc ,on vouloit absolument assimiler l’héritier institué
contractuellement à l’héritier institué du droit romain, ce ne
pourroit être au moins qu’à l’héritier institué in castrensibus,
ou par testament fait ju re m ilitari, qu’il faudroit le comparer ;
et c’est aussi cc qu’a fait Laurières au n° i 56 dudit chap. 4 > où
il remarque que , quoiqu’il y eût accroissem ent de l ’institué
i n bo n is ÇyiSTKHNSiBUs a Théritier a b in t e s t a t du sold at,
i l n’y avoit p a s accroissem ent de l’héritier a b in t e s t a t ,
quand il répudioit, lï l ’héritier institué i n ca str en sibu s ;
après quoi il ajoute : E t , par la même raison, il n’y apas a c
croissement parm i nous de Théritier ab intestat à Théritier
contractuel, ou dùlégataire universeldiineportion de biens,
(qutiiqu’i l y ait accroissem ent du légataire universel, ou de
Fhéritier contractuel, d’une portion de biens ou de succès-
�( 35 )
s ion , à Théritier ab intestat) , parcec/ue, comme on Fa d it ,
l ’héritier ab intestat est héritier solidairement de tous les
biens du d é fu n t, au lieu que l’héritier contractuel, ou le lé
gataire universel, n’étant supposé successeur q u e d ’ u n e
p a r t i e s e u l e m e n t , il ne peu t rien prétendre a u -d e l a d e
l a p a r t i e q u i l u i e s t d o n n é e , l’usage étant certain par
mi nous que chacun peut mourir p a r t i m t e s t a t u s , p a r
t i m i n t e s t a t u s , com m e les soldats romains y car, comme
le remarque très bienLoisel (liv. 2, t. 5 , règle a i , de ses Ins
titutes coutumières), nos Français comme gens de guerre ont
reçu plusieurs patrim oines, et divers-héritiers, d’une même
personne : or il faut convenir que ces propositions sont toutes
précisément les contradictoires de celles que les premiers juges
ont cm nécessaire* de consigner dans les motifs de leur jugement,
pour le justifier autant qu’il étoit eh eux.
X II. I l résulte évidemment de tout ce que dessus que le
sieur D e lso l a stipulé un retour à son patrimoine in rem ,
et qu’au contraire celu i stipulé par la mère du fu tu r étoit
personnel à elle et aux siens.
Tout ceci posé , il doit maintenant demeurer pour constant
et suffisamment démontré, que si l’on voit, dans le même con
trat de mariage, d’un côté, le sieur Delsol père se réserver, par
une clause générale , le droit de réversion ou retour pour le
cas du décès de sa fille sans enfants , ou des enfants de sa fille
sans descendants , avec stipulation expresse que sadite fille ne
pourroit déroger h ce droit de retour par aucunes dispositions ,
ou autres actes à ce contraires, et cependant, que les enfants de
sadite fille , pareillement grevés dudit droit de retour pour le
�( 36 )
_
_■
_
cas de leur décès sans descendants, pourroient faire telles dis
positions qu’ils jugeroient à propos ; si en même temps on y
voit d’un autre côté la mère du fu tu r, qui stipuloit le retour
pour elle et les sie n s , en cas de décès de son fils sans enfants,
ou des enfants de son fils sans enfants, ne point défendre à son
fils de déroger audit droit de retour par aucunes dispositions ,
mais au contraire laisser aux enfants de son fils et k son fils luiijnême toute liberté à cet égard , ce n’est pas, comme l’ont sup
posé les premiers juges dans leurs motifs, que les contractants
aient entendu restreindre au sieur Delsol père personnellement
le retour qu’il stipuloit, et cependant assurer à tous les ayantscause de la mère du futur le retour qu’elle se réservoit. Leur in
tention au contraire étoit évidemment, à raison de la différence
des circonstances où chacun se trouvoit pour lors, que le retour
stipulé par le père de la future eût lieu généralement comme
retour ou réversion in rem h son patrimoine, en faveur de tous
ceux qui auroient intérêt à ce que son patrimoine fût conservé
dans son intégrité , mais que celui stipulé par la mère du futur
fût seulement personnel à elle et a u x siens.
X III. Princip es élém entaires sur la transmissibïlité de tou
tes stipulations conditionnelles, tant suivant le droit ro
main que suivant le Code N apoléon. L a présomption lé
gale de leur r é a lité ne peut être balancée que par des preu
ves écrites dans la clause même de leur p e r s o n n a l i t é .
Voilà ce que les premiers juges auroient vu dans les stipu
lations de retour dont il s’a g it, s i , au lieu de s’arrêter à de pré
tendues conjectures toutes insignifiantes qu’ils ont entassées
sans mesure, comme s a n s discernement, dans leurs motifs, ils,
�('37 )
avoient considéré , ainsi qu’ils le devoient, que la stipulation
de retour dont il s’agit est une de celles dont le vrai sens, dé
terminé par la loi même , n’a jamais été abandonné à l’interpré
tation arbitraire des juges, et qu’au surplus, comme ils en con
viennent eux-mêmes dans leurs motifs, toute stipulation de re
tour est, de droit, transmissible aux ayants-cause du stipulant,
lorsque celui-ci ne l’a pas limité à sa personne.
A la vérité , ils supposent en même temps que cette limita
tion est de droit, et qu’elle doit se suppléer lorsqu’il n’a rien été
dit de contraire; mais ils ignorent donc, ou feignent d’ignorer,
que tout au contraire les lois, tant anciennes que nouvelles,
ont érigé en présomption légale, à laquelle on ne pourroit op
poser aucune autre espèce de présomption ou conjecture, celle
résultante de ce que le stipulant n’a pas exclus, en termes ex
près, du bénéfice de sa stipulation conditionnelle, et de celle de
retour en particulier, ses héritiers ou ayants-cause.
? Cependant ils ne pouvoient méconnoitre cet adage si sou
vent rappelé dans les livres élémentaires, tels en particulier que
les Institutos, et aujourd’hui consacré en tant que de besoin par
le Code Napoléon, que le bénéfice des stipulations condition_nelles se transmet nécessairement.aux ayants-cause du stipulant
décédé avant l’événement de la condition : E x stipulalione
conditionali tetntum spes est dcbitum i r i , eanxquê ipsani
spem in hœredem transniittimus, sipriusquàm conditio e x
tet mors nobis contingat. Inst., p. 4, D e verb. oblig. Ciun
quis sub coiulitione stipulatus f u e r it , licet cuite conditionem decesserit, postea existente conditione hceres ejus
agerepotest. Inst. , p. a 5., D e inutil, stipul.
Ils auroient du savoir au moins que , suivant l’article 117Q.
du Code Napoléon , la condition accomplie a un effet ré-
�( 38 )
^
t.ro a c tif au jo u r auquel 1engagement a étécon tra cté, et que}
s i le créancier est mort avant Iaccom plissem ent de la con
dition y ses droits passent à son héritier. Qu'ainsi, comme
le décide l ’article i i a a dudit Code, on est ce n s é avoir stipulé
pour.ses héritiers et ayants-cause , à moins que le contraire
ne soit e x p r i m é , o u j n e r é s u l t e d e l a n a t u r e m ê m e d e l a
c o n v e n t i o n (comme, par exemple, parcequ’il s’agiroit d’un
droit d’usufruit ou d’usage, ou de tout autre droit personnel au
stipulant, mais non pas bien certainement, comme l’insinuent
les premiers juges, parceque quelques circonstances pourroient
donner lieu de le faire soupçonner.) Enfin, ils auroient dû con
clure de là que l’ayant-cause du stipulant, quel qu’il s o it, et en
quelque temps que la condition arrive, n’a point à prouver que
son auteur a voulu stipuler pour ceux qui le représenteroient
lors de l’arrivée de la condition -, qu’en un mot c’est à celui qui
je prétend exclus par la stipulation, à le prouver, c’est-à-dire,
suivant l’article 1 1 1% dudit C ode, à prouver que cette exclusion
est écrite dans la stipulation même. Quamvis verum est quod
qui excipitprobare debet quod excip itu r, attamen de ipso
d u n ta xa t, a tn o n d e hœrede ejus convertisse, p e tito r , non
qui e x c ip it , probare debet. Leg. 9 , ft'. D e prob. et prœs.
Q u’en e f f e t , il y a en ce cas présomption vraiment légale ,
ju r is et de ju r e , que la stipulation est in rem , et non pas
limitée à la personne du stipulant, comme le soussigné l’a déjà
d é m o n t r é dans sa Consultation précédente, délibérée le 27 juin
1806 , et comme il l’avoit démontré avec bien plus de déve
loppement encore dans son Précis (ci-joint), imprimé en 17G7,
pour les sieurs Lliéritier , Fourcroi et consors , contre le mar
quis de Mesme , et sur lequel est intervenu l’arrêt solennel du
17 lévrier même année : or une présomption de cette espèce ,
�^
( 3cj )
contre laquelle on ne doit admettre aucune présomption con
traire, ne pourrait être balancée ou détruite que par des
preuves positives et bien formelles, evidentissimis et in scriptis habitis , comme le dit la loi a 5 , p. 4 > in f in e , ff. D e
pvob. et prœs.
Il faudrait donc démontrer par écrit, c’est-à-dire, comme le
porte ledit article 112 2 , par les expressions mêmes de la stipu
lation, que celui qui a stipulé sous condition (quoiqu’il n’ait
pas parlé de ses ayants-cause ) a cependant témoigné vouloir les
exclure, ayant par exemple déclaré expressément ne vouloir
stipuler que pour le cas où il survivrait à l’événement de la con
dition.
Autrement, et a défaut de preuve écrite de cette espèce , il
sera toujours censé, comme Te dit V iunius, a d rem fam iliarem respexisse , c’est-à-dire avoir voulu acquérir, ou con
server, ou reprendre, et avoir en pleine propriété ( le cas de la
condition arrivant, en quelque temps que ce fût) , ce qui fait
l’ objet de sa stipulation conditionnelle, le tout a l’effet de'pou
voir disposer librement par actes entre-vifs ou à cause de mort
du droit éventuel qui en résulte, comme de tous ses autres
droits, soit ouverts, soit seulement éventuels : or tel est le cas
où s’est trouvé le.sieur Delsol père , qui, en stipulant un droit
de retour auquel sa fille ne pourrait déroger par aucunes dispo
sitions (quoique les enfants de sa fille le pussent) n’a exclus
aucun de ses ayants-cause du bénéfice de sa stipulation.
�( 4o )
X IV . Preuves par le testament du sieur D e lso i, et par les
consultations qu’il avoit p rises d'avance sur ce point, qu’il
étoit bien convaincude la r é a l i t é de sa stipulation.
Aussi voit-on que le sieur D elsol, toujours bien convaincu de
la réalité de son droit en a disposé par testament peu de_ jours
avant sa m ort, comme d’un droit vraiment reelTra rem , quoi
que ce droit purement eventuel ne dût s’ouvrir, suivant toutes
les apparences, qu’après sa mort et même bien long - temps
après.
Effectivement par ce testam ent, après avoir institué son fils
aîné et successivement ses autres enfants, par ordre de primogéniture, ses héritiers universels, il avoit déclaré -vouloir e x
pressém ent que, dans le cas ou la dame Jeanne-M arie D elsol,
épouse du sieur de V i g i e r , viendroit à décéder sans en
fa n ts ou descendants , son héritier recueille et profite du
droit de réversion , par lu i stipulé dans le contrat de ma
riage de sa f ille avec ledit sieur de V ig ie r , etc. E t si ses
dispositions à cet égard n’ont pu recevoir aucune exécution, c’est
uniquement pareeque le testament a été déclaré nul pour vice
de forme. Comment en effet auroit-il pu douter un instant de
son d ro it, lui qui savoit bien n’avoir pas limité sa stipulation
au cas de sa survie , et qu’il ne s’agissoit pas d’un droit d’usu
fruit ou d’usage, ni d’aucun autre droit personnel de sa nature ?
Il avoit bien présumé cependant que sa fille , en cas qu’elle
lui survécût, prétendrait le retour éteint par le seul fait de sa
survie, et qu’alors elle s’opposerait à l’exécution de toute espèce
de disposition qu’il aurait cru devoir en fairè, pour le cas où. il
s’ouvriroit en quelque temps que ce fut.
Eu conséquence il avoit pris dès l’année 1 7 7 1 , neufans avant
�'
( 4 0
sa mort, (un mois avant son second mariage) la précaution de con
sulter M. Chabrol, jurisconsulte de Riom, regarde pourlors à bien
juste titre comme l’oracle de la province*, et ce jurisconsulte, quoi
qu’il ne connût pas encore l’arrêt de 1767 quia fait cesser tous les
doutes sur ce point, avoit répondu par sa consultation du a/j. sep
tembre 17 71 ( conformément à laTdecîsîôn'IIeTIenrys sur sem
blable espèce) que M. Delsol ayant stipulé le retour, en cas de
décès, non seulement de sa fille, mais des enfants de sa fille sans
descendants (comme il n’étoit pas vraisemblable qu’il eût entendu
survivre aux enfants de sa fille et à leurs descendants, et qu’il eût
étendu si loin sa pensee; comme d’ailleurs il est de principe que
les stipulations son cemeèTTaTtës7tant pour les stipulants que
pour leurs héritiers ou ayants-causc), il devoit être supposé
avoir éntendu que cette réserve et convention slFt^iJdrdïérit
bien loin , et pouvaient durer encore après lui.
,
Il en a été de même de MM. A u d râ ^ e jeune , u jjytteeet
Ducrochet, jurisconsultes distingués de Riom , qu’il a encore
consultés les 1 5 décembre 1*778 et 2 janvier 1779, plus d’un an
avant sa m ort, et q u i, en lui faisant la même réponse, l’ont '
appuyée de nouvelles autorités notamment de celle de l’arrêt
solennel de 1767 , qu’ils présentent comme ayant levé tous les
doutes sur ce poin t, s’il pouvoit y en avoir encore.
X V . E n vain voudroit-on assim iler la stipulation du retour.
in rem a unJidéicom m is.
Mais, disent encore les premiers juges (dans le septieme at
tendu de leur première question), la clause par. laquelle le
sieur D e lso l a voulu fa ire rentrer dans sa fa m ille, après son
décès et celu i de sa f i l l e , les biens réservés ou institués, ne
(>
«
>
�.
.
(4 °
.
pourvoit être envisagée que comme une cliarge de fid éico m i
m is, comme une véritable substitution dont il aurait voulu
grever sa f ille , et laquelle seroit abrogée par lés lois du
i 4 novembre 1792. Ainsi ils supposent que le retour dont il
s’agit seroit un retour à la fa m ille du sieur Delsol en particu
lier , à l’exclusion de tous ses autres ayants-cause, tandis que
dans le fait c’est un retour indéfini et illimité à son patrimoine,
et par conséquent à ses ayants-cause, quels qu’ils puissent être,
c’est-k-dire un retour k lui-même, dans la personne de ceux qui
à son défaut le représenteront pour les choses sujettes à ce droit,
lors de son ouverture. O r , certainement on ne pourra jamais
concevoir que le retour a son patrimoine, ou à soi-même, soit
une véritable substitution fidéicommissaire. Il faudroit au moins,
pour constituer une telle substitution, que ce retour eût été
stipulé en faveur de tiers, autres que les représentants néces
saires du stipulant, pour venir en second ordre après celui qu’il
a gratifié directement; ou si l’on veut encore, au profit du
moins d’une classe particulière et déterminée de ses représen
tants et ayants-cause , à l’exclusion de toutes les autres classes ,
comme j par exemple , au profit des siens seulement.
Il ne peut pas en être de même du retour indéfini stipulé par
une clause générale, sans aucune espèce de limitation, tel que
celui stipulé par le sieur Delsol père, à raison des circonstances
• particulières où il se trouvoit, comme on l’a vu ci-dessus ; en
effet, il y a cette différence entre le retour conventionnel et la
substitution fidéicommissaire, que le retour général et indéfini,
apposé pour tel cas, à une convention quelconque, même à
celle de succéder , la résout, et fait rentrer , le cas arrivant,
tous les biens dont il avoit été disposé sous cette condition, par
donation ou institution , dans le patrimoine du stipulant, pour
/
�(43)
les remettre entre ses m ains, ou à son défaut dans celles de ses
représentants, qui ne sont à cet égard et pour ce qui concerne
cet objet que la continuation de sa personne. Aussi voit-on que
la loi du 17 nivose an 2 (quoique les substitutions fidéicommissaires fussent alors abrogées) a conservé les retours convention
nels dans leur intégrité, et qu’en conséquence la Cour de cas
sation, par son arrêt du 11 frimaire an 14 (dont le soussigné a
rendu compte dans sa Consultation de 1806) , a maintenu un
droit de retour indéfini et illimité, comme n’ayant rien de com
mun avec la substitution fidéicommîssaire, quoique son ouver
ture n’eût eu lieu que plus d’un siècle après le décès du donateur
qui l’avoit stipulé.
X V I. D e V exposé ci-dessus résulte la solution des trois
questions posées p a r les prem iers ju g es.
De tout ce qui vient d’être exposé résulte incontestablement
la solution de la seconde des trois questions posées par les pre
miers juges , qui étoit de savoir si la réserve de retour stipu
lée par le sieur D e ls o l père étoit lim itée à sa person n e, et
pouvait être transmise à ses héritiers: or cette question est la
seule qu’ils aient jugée , et par conséquent la seule qui soit k
juger sur l’appel; mais il en résuite encore,, en tant que de besoin,
la solution des deux autres questions qu’ils ont pareillement posées (quoiqu’ils n’aient pas pris sur eux de les juger, s’étant
contenté à cet égard d’émettre leur opinion). En effet la pre
mière de ccs deux questions étoit de savoir quels biens ont été
et pouvoient être compris dans la clause par laquelle le sieur
Delsol s est réservé le retour, et l’autre de savoir si, dans le
cas de transmissibilité , ce droit de retour ne seroit pas confon-
�( 44 ) '
...
du dans la personne de la dame d’Orcet avec sa qualité d’hen
tière contractuelle de son père : or on a vu ci-dessus, d’une part,
que la stipulation de retour par le sieur Delsol père comprenoit
en termes exprès les biens par lui donnés à sa fille, et en outre
la totalité des biens non donnés qu’il laisseroit au jour de son
décès; et d’autre part, que le retour ne devant s’ouvrir que par
le fait du décès de la dame d’Orcet sans enfants (c’est-à-dire lors
de la révocation de son institution contractuelle), il étoit im
possible que ce droit de retour, en quelque temps qu’il s’ouv r it , se confondit un seul instant dans sa personne avec sa qua
lité d’héritière contractuelle de son père ; et l’on a vu de plus
que la dame d’O rcet, qui n’a pas d’enfants, étant actuellement
hors d’àge d’en avoir, le droit de retour dont elle est grevée ne
peut manquer de s’ouvrir un jour au profit de ceux qui se sont
trouvés être héritiers ab intestat du sieur Delsol père décédé
sans avoir testé valablem ent, c’est-à-dire au profit de la dame
d’Orcet elle-même pour sa part héréditaire, et pour le surplus
au profit des sieurs Delsol, ses frères j le tout attendu que l'é
vénement de la condition apposée au retour (comme toute es
pèce de condition apposée à une stipulation), a un effet rétroac
tif au jour même de la stipulation, comme on l’a vu ci-devant:
or il résulte de là, en dernière analyse, que les sieurs Delsol frères
ont été bien fondés à exercer les actes conservatoires de leur
droit, quoique ce droit ne soit qu’éventuel; et ils doivent croire
que c’est aussi ce qui sera jugé sur leur appel par les magistrats
supérieurs qui en sont saisis.
Délibéré à Paris par le soussigné ancien avocat, ce 24
mars 1809.
LESPARAT.
�L e
C O N S E IL S O U S S IG N É , qui a pris leclure des deux
consultations délibérées et rédigées par M. Lesparat, les 27 juin
1806 et 24 mars 1809, ensemble du jugement rendu en pre
mière instance par le tribunal d’Àurillac, entre madame d’Orcet
et MM. Delsol, le 22 juillet 18085 vu d’ailleurs le précis imprimé
sur lequel est intervenu l’arrêt solennel du 17 février 1767,
adopte entièrement tous les principes déduits dans les deux con
sultations précitées, où la doctrine sur les clauses de retour est
établie avec un jugement exquis et une cia* té parfaite. Il s’ho
nore
sur-tout de professer, avec le respectable jurisconsulte qui
en est l’auteur, l’opinion que l’article g 5 i du Code Napoléon,
quelles qu’aient été les intentions de ses illustres rédacteurs (ce
qui est fort inutile à approfondir), n’a nulle influence sur une
question qui procède d’une.convention faite ayant le Code; et à
ce sujet il croit devoir observer que si (par application de ce
principe sur l’impossibilité de donner effet rétroactif aux lois )
on croit devoir contester à l’article 1179 du Code Napoléon
(quoique confirmatif d’un droit antérieur) toute influence sur
la question de présomption légale pour la réalité du retour, celte
présomption légale se retrouve, quant à l’espèce, dans le droit
romain, qui, lors des conventions, étoil la loi coërcitive des
parties domiciliées en pays de droit écrit. Le Conseil pense donc
�<( 44 ter )
que le jugement du tribunal de première instance sera réformé
sans coup férir par la cour d’appel, et que la stipulation de re
tour sera réinvestie de tous les effets que lui a assignés la volonté
des parties.
Délibéré a Paris, ce 17 m a r i 809.
‘
BELLART,
B O N N E T, D E L V IN C O U R T , LA C A LPR A D E .
�IN a p o l e o n ,
PAR LA GRACE DE
DlEU
ET LES CONSTITUTIONS DE l ’E m -
f i r e , E m p e r e u r d e s ' F r a n ç a i s , R o i d ’I t a l i e , e t P r o t e c t e u r d e l a
, à tous présents et à venir, S a l u t :
Le T r i b u n a l civil de première instance établi à Aurillac, chef-lien ■
de préfecture du département du Cantal, a rendu le jugement suivant :
Entre dame Jeanne-Murie Delsol, veuve de sieur Gabriel-Barthélerny
V i gier-d’O rcet, habitant de la ville de Mauriac, demanderesse en exé
cution de jugement du six aoûl dernier, et défenderesse en opposition,
comparante par Me. Labro, son avoué, d’une part;
Sieur Pierrc-François Delsol, propriétaire, habitant de la ville d’AuC o n f é d é r a t io n du R h in
rillac, défendeur et opposant, comparant par M '.R am pon, son avoué,
d’autre part;
Sieur Gabriel-Barthélemy Delsol, proprie'taire, habitant de la ville
de Paris, aussi défendeur et opposant, comparant par Me. Bonnefons,
s o n avoué, d’autre part;
En présence de sieur Antoine Desprats, propriétaire, habitant dudit
Aurillac, aussi défendeur, comparant par Me.Manhes, son avoué, d’autre
part :
Ouï le rapport de l’instance d’entre les parties, fait publiquement à
l’audience par M. Delzons, président, membre de la Légion d Honneur,
en exécution du jugement du dix-neuf février dernier, à l’audience du
vingt-un juillet, et après qu’il en a été délibéré à la chambre du conseil,
en exécution du jugement d'hier vingt-un juillet; vu le procès, les con
clusions desdits sieurs Pierre-François et Gabriel-Barthélemy Delsol,
tendant à être reçus opposans au jugement rendu par défaut faute de
' plaider, le six août dernier, que faisant droit sur leur opposition, ledit
jugement fût déclaré nul et de nul effet, au principal la dame dO rcet
iut déclarée purement et simplement non reccvable dans sa demande, ou
en tous cas déboutée, sous^Ia réserve que font les sieurs Delsol, d exer
cer contre tous détenteurs des biens soumis au droit de retour les droits
et actions résullans de leurs qualités de transmissionnaires, ainsi qu’üa
�( 46 )
'
aviseront, et que la dame d’Orcet soit condamnée aux dépens ; vu les
conclusions de la dame d’O rcet, tendantes à ce que les sieurs Delsol fus
sent déboutés de l’opposition par eux formée par leur requête du vingt- ^
trois août dernier au jugement du six du même mois, qu’il fût ordonné
en conséquence que le susdit jugement seroit exécuté suivant sa forme
et teneur, et que lesdits sieurs Delsol fussent condamnés aux dépens ;
vu aussi les conclusions du sieur Desprats, tendantes à ce qu’il fût donné
acte des offres qu’il avoit toujours faites de payer le prix de son acquisi
tion, en , par la dame d’Orcet, lui donnant bonne et suffisante caution,
ou en faisant juger la validité de son paiement vis-à-vis des sieurs Delsol
ses frères ; en conséquence, et dans le cas où elle parviendroit à faire ju
ger par jugement en dernier ressort, que le droit de retour dont s’agit
e s t irrévocablement éteint, que lesdits sieurs Delsol fussent condamnés
aux dépens de la contestation, même vis-à-vis de lui Desprats; et au cas
contraire où le tribunal décideroit que le droit de retour peut s’ouvrir
encore en faveur des sieurs Delsol, en ce cas, que la dame d’Orcet fût
déclarée non recevable dans sa demande en paiement du prix du pré
de Cancour, qu’elle fût condamnée à restituer les six cents francs par
elle reçus, avec les intérêts légitimement dus, et en outre en six mille
francs de dommages-intérêts résultans de l’éviction, et en tous les dé
pens.
Dans le fait, en l’année i j 4° > 1° sieur Basile Delsol, procureur au
bailliage d’ A.uriüac, épousa la demoiselle Thomas; de ce mariage il
n’issut qu’une tille qui se maria avec le sieur de Vigier-d’Orcet -, dans leur
contrat de mariage, du deux juin 17G0, le sieur Delsol donna par dona
tion entre-vifs pure et simple, à la demoiselle Delsol, sa fille, par avan
cement d’hoirie, le domaine, terre et seigneurie du Claux, en quoi que
ladite terre'ct domaine du Claux puissent être et consister, aux mêmes
clauses, charges et conditions que le délaissement lui en sera fait, confor
mément à la demande qu’il en a formée aux requêtes du palais, et au
cas où ladite demande en délaissement desdits biens 11e lui seroit pas ad
jugée, ledit Delsol, pour dédommager sa fille dudit domaine et terre du
�( 47 )
Claux, lui donna et délaissa toutes les créances qui lui étaient dues par
lesdits biens en capital et accessoires; le sieur Delsol donna aussi par
même donation entre-vifs à ladite demoiselle Delsol sa fille la somme
de dix mille livres, qu’il paya comptant ; et à l’égard du surplus de ses
autres biens qui se trouveroient rester audit sieur Delsol lors de son dé
cès, il promit de n’instituer d’autre héritière que la demoiselle Delsol,
sa fille, sous la réserve de l’usufruit de tous les biens institués, et de pou
voir vendre et engagèr lesdits biens ainsi qu’il jugera à propos, tant en
la vie qu’à la m ort, et encore de disposer d’une somme de dix mille liv .,
et n’en disposant pas, la réserve tournera au profit de sadite fille; et au
cas où ladite demoiselle future épouse viendroit à décéder sans enfants,
ou ses enfants sans descendants, ou sans disposer valablement, ledit sieur
Delsol se réserva expressément le droit de réversion et retour, tant des
biens donnés que réservés, sans qu’il pût être dérogé par sa fille future
épouse audit droit de réversion par aucune disposition ni autres actes
à ce contraires. P ar le même contint, le sieur de Vigier oncle, pour et
au nom de la dame Moissier, usant du pouvoir donné à ladite dame par
le sieur de V ig ier, son mari, dans son contrat de mariage du onze
février 1722, nomma ledit sieur de Yigier futur c'poux, pour recueillir
l’efFet de ladonation de la moitié de tous ses biens par eux faite au profit
de celui de leurs enfans à naître qui seroit choisi par eux ou par le sur
vivant d’eux; et en vertu du pouvoir spécial porté en ladite procuration,
il donna à titre de donation entre-vifs audit sieur de Y igier, futur
époux, tout le surplus des biens, meubles et immeubles, présents et à
venir de ladite dame, et réserva à ladite dame Vigier la liberté de dispo
ser par acte entre-vifs ou à cause de mort d’ une somme de dix mille
livres à prendre sur les biens par elle donnés; se réserva pareillement,
ladite dame Yigier, (et pour elle ledit sieur procureur constitué), le retour
et réversion à elle et aux siens des biens par elle donnés audit sieur futur
époux, dans le cas où il viendroit à décéder sans enfants, ou ses enfants
sans descendants, ou sans avoir valablem ent dispose.
Ce ne fut que
plus de onze ans après le mariage <le sa fille que, le vingt octobre 1771,
le sieur Delsol en contracta un second avec la demoiselle Dubois. Dans
�( 48 )
ce secoud contrat de m ariage, les époux donnent la moitié de leurs biens à un des enfants à naître qui seroit choisi par eux ou par le survi
vant.— Le 11 juillet 1780, le sieur Delsol fit un testamentpar lequel,après
avoir légué mille livres à la dame d’Orcet, et soixante mille livres à cha
cun de ses trois enfants, il institua pour son héritier universel son fils
aîné du second lit, et, a son défaut, ses autres enfants par ordre dé primogéniture, voulant expressément que dans le cas où la dame d’Orcet
viendroit à mourir sans enfants, ouses enfants sans descendants, sonliéritier profitât du droit de retour par lui stipulé dans le contrat de mariage
de sa fille. — Ce testament fut déclaré nul pour vice de forme par sen
tence du bailliage d’Aurillac du vingt-neuf août 1782, laquelle ordonna
le partage de la succession du sieur Delsol, pour en être délaissé aux
enfants du second lit trois douzièmes pour leur,légitime de droit, et les
neuf autres douzièmes à la dame d’Orcet, en vertu de l’institution con
tractuelle. Ce partage fut ainsi exécuté. — Devenus majeurs, les sieurs
Delsol frères, tant eu leur nom que comme cohéritiers de Sophie, leur
sœur morte ab intestat, ont passé avec la dame d’O rcel, les dix ventôse
et vingt-trois germinal an neuf, deux actes séparés par lesquels les sieurs
Delsol, en approuvant le partage des immeubles de leur père, cédoient
à la dame d’Orcet le huitième revenant à chacun d’eux dans l’argent
comptant, le prix du mobilier, les créances perçues, et lçur part dans la
somme de dix mille livres portée par le contrat de mariage du deux juin
17G0, en quoi que le tout puisse êlre cl consister, sans autres réserves
que celles ci-après : (la dame d’Orcet demeure chargée des dettes de la
succession; au moyen de ce, les parties se tiennent respectivement quilles
du pas se jusqu ahuy, et promettent ne plus se rien demander l’une à
l’antre.)— Parmi les biens restés ¿1 la dame d’Orcel étoil une partie de
la montagne appelée de Broussette ; elle l’a vendue au sieur Delsol aîné,
par acle du vingt-huit fructidor an d ix, moyennant douze mille livres,
dont il a payé huit mille livres, et la dame d’Orcet l’a tcuu quitte des
quatre mille livres restantes, au moyen de ce qu’il a renoncé au quart
des créances à recouvrer. — Le sieur Delsol n’a vu aucun danger dans
cotte acquisition. — Le quinze avril 1806, la dame d’Orcet vendit au
�( 49 )
sieur Desprats un pré appelé de Cancour, lequel fait partie des biens
du sieu r Delsol. — Peu après a paru l'arrêt de la cour de cassation, du
onze frimaire an quatorze, qui a validé un droit de retour convention
nel et coutumier, auquel on \ouloit appliquer la loi suppressive .des
substitutions. Alors le sieur Desprats, craignant à tort d'être un jour
évincé de’ son acquisition, refusa d’en payer le prix; sur le commande
ment qui lui a été fait le onze juillet, il a répondu que le droit de retour
étant une stipulation conditionnelle qui passe aux héritiers, il avoit
juste sujet d’appréhender d’être troublé dans la propriété du pré de
Cancour, et de demander par conséquent à résoudre la vente, ou à re
tenir le prix, ou à payer sous caution. Ce refus obligea la dame d’Orcet
à se pourvoir en justice, et à demander contre le sieur Desprats la con
tinuation de ses poursuites, et contre les sieurs Delsol la nullité de la
clause. Cités au bureau de paix, l’aîné a répondu qu’il ne connoissoit
pas le contrat de mariage de sa sœ ur, qu’il ignoroit si son père avoit
stipulé un droit de retour, qu’en le supposant ainsi, il n’auroit qu’une
espérance. On a pre'tendu pour le cadet qu’il avoit changé son domi
cile à Paris, et sous ce prétexte on a éludé la clôture du procès-verbal
jusqu’au onze août. Assignés au tribun al, chacun d’eux a constitué
avoué, et après avoir tergiversé pendant plus de huit mois, ils ont de
mandé par des exceptions séparées à être mis hors de cause, s’agissant,
disoient-ils, d’un droit non ouvert. Dans cet état, la cause porlée à l’au
dience du cinq juin 1807, ^ intervint un jugement par défaut qui or
donna qu’ils défèndroient au fond. Ils ont fait signifier des défenses le
deux juillet, en protestant de se- pourvoir contre le jugement du cinq
juin. Quoiqu’ils eussent donné leurs moyens par écrit, les sieurs Delsol
n’ont pas voulu les plaider à l’audience. L e six août un second jugement
par défaut a déclaré nulle la clause du droit de retour, et a ordonné la
continuation des poursuites contre le sieur Desprats. Les sieurs Delsol
ont formé opposition à ce jugement, et ce n’est que le dix-neuf février
1808 qu’ils se sont enfin présentés à l’audience, où, sur plaidoiries res
pectives pendant quatre audiences, il a été ordonné une instruction par
écrit au rapport de M. Delzons., président.
n
�( 5o )
Dans le droit, la cause présente à ju ger,
i° Quels biens ont été, et pouvoient être compris dans la clause de re
tour réservée par le sieur Bazile Delsol dans le contrat de mariage de
la dame d’Orcet sa fille;
2° Si cette réserve étoit limitée à la personne du sieur Delsol, ou pouvoit êlre transmise à ses héritiers;
3 ° Si dans le cas de la transmissibilité, ce droit de retour ne se seroit
pas confondu dans la personne delà dame d’Orcet avec sa qualité d’héri
tière contractuelle de son père.
~
Sur la première question, attendu,
i° Q u e, conformément au Code civil, dans l’interprétation des con
ventions , on doit plutôt rechercher quelle a été la commune intention
des parties contractantes, que s’arrêter au sens littéral des termes j
que les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans celui qui
convient le plus à la matière du contrat ; que toutes les clauses des
conventions s’interprètent les unes par les autres, en donnant à cha
cune le sons qui résulte de l’acte entier; que, dans le doute, les con
ventions s*interprètent contre celui qui a stipulé, ou qui pouvoit faire
la loi ;
2° Que l’objet du droit de retour conventionnel est de faire rentrer
dans les cas prévus, dans le domaine du donateur, les choses par lui
données; que dès-lors, on ne peut le supposer ou l’admettre que dans
les conventions et cas où un donateur s’est dépouillé de sa propriété.
et peut ensuite la reprendre ;
• 3 ° Que le sieur Delsol ayant fait une donation entre-vifs à sa fille, et
l’ayant, par le mem^ o n tratv instituée son héritière universelle, il seroit
contradictoire et comrb la nMure d’une institution que la réserVe de re
tour par lui stipulée en même temps, s’appliquât, a u x biens quifaisoient
l’objet de cette institution, dont la propriété et toute disposition à titre
onéreux ne laissoient pas de rester en son p o uvoir, et dont il ne se dépouilloit pas ; qu’il seroit dès-lors ridicule de supposer qu’il songeoit à
faire rentrer dans scs mains cc qui n’en oorloit pas, cl ne pouvoit pas
en sortir'cie son vivan t;"
‘
!
"
’
�( 5 i )
i: 4 0lQ ue sens c^e t’actc entier , et l’intention' Lien connue des parties
étoit d’assurer , dès l’instant/à la dame d’Q rcct, à titre de donataire, et
tant en nue propriété' qu’ usufruit, une partie de la fortune de son père ,
et le surplus aprèsfsa m ort, sans cfue»la donataire pût cependant dispo
ser de rien, au préjudice de son père, clans les cas prévus par la clause
de rçUmr ; .
>
i
5 ° Qu’il s’ensuit» dès-lors que, quoiqu’on lise dans cette clause que le
sieur Delsol se réserve le droit de réversion et retou r, lailt des biens
donnés,que réservés, les principes ci-*dessus énoncés permettent d’au
tant moins de supposer que, par les mots de biens réservés, les parties
-avoient entendu les biens de l’institution, que peu de lignes aupàravant
elles les avoient désignés sous le nom de biens institués ; qu’il est plus
naturel do croire que les-mots biens r é s e r v é s ont échappé à l’inadver
tance du rédacteur; d’autant plus que toute la contexture de la partie
t du contrat de mariage, qui concerne les dispositions du sieur Delsol,
prouve que ce rédacteur avoit les notions les plus obscures sur la nature
et les effets des institutions contractuelles ;
6° Qu’il se peut encore (car toute conjecture est admissiblè dans l’in
terprétation d’une clause aussi extraordinaire) que, par retour des biens
• réservés ou institués, on ait voulu entendre la caducité de l’institution
en cas de prédécès de l’héritière instituée et de ses*enfants ;
70 Que s’il falloit donner quelque sens, quelques effets à la clause de
retour des biens réservés, y reconnoitre les biens de l'institution, et
supposer que le sieur Delsol vouloit les faire rentrer dans sa famille
après son décès et celui de sa fille ; cette clause contrariant évidem
ment la nature et les principes du droit de retour > ne'pouvoit être en
visagée que comme une charge de fidéicommis, comme une véritable
substitution dont il auroit voulu grever sa fille, et laquelle seroit abrogée
par les lois du quatorze novembre 1.792.
Sur la seconde question, attendu ,
• J'
■
■: ‘ ‘ 1
l ° Que quoique la majorité des auteurs, et plusieurs même très
estimables, aient lenu quVn général l'effet de la stipulation de retour
conventionnel, eu faveur du donateur, sans qu’il fût fait mention de se*
�...
( r' 2 )
.
.
héritiers, étoit transmissible à son héritier comme toute autre stipulation,
même conditionnelle, apposée dans les contrats ; quoiqu’il se trouve
même deux arrêts qui l’avoient ainsi jugé, tous s’accordent cependant à
dire, et la saine raison suffît pour prouver, que cette transmissibilité ne
peut avoir lieu lorsque la stipulation de retour a été limitee à la per
sonne du donateur ;
2o Que , dans l'espèce actuelle, cette limitation à la personne du sieur
Delsol rés'ulte évidemment, soit de la circonstance que la
V ig ie r^ mère du futur époux, lui faisant donation de tous biens, s’en
réserva le retour pour elle et le s s i e n s , tandis que le sieur Delsol ne le
re’serva que pour lui ; que cette différence remarquable dans les deux
clauses insérées dans le même a cte, d’ailleurs parfaitement semblables,
annonce clairement que les parties vouloient, quant à ce , leur donner
une étendue différente ;
3 ° Que celte différence dans la stipulation s’explique encore par la
.
circonstance importante que la dame de Vigier avoit plusieurs enfants,
pour lesquels sa sollicitude maternelle l’engageoit à conserver ses biens,
au lieu que le sieur Delsol n’avoit qu’une fille unique , et aucun proche
parent ;
/¡° Que la prohibition si entière, si absolue de disposer, que le sieur
Delsol imposoità sa fille, prouve encore qu’il ne stipuloit que pour lu i}
n’étant pas présumable qu’il mît sa fille dans un tel état d’interdiction
e n f a v e u r d e p a r e n t s é lo i g n é s , a v e c l e s q u e ls i l n ’a v o i t a u c u n e s r e la
ti o n s , q u e le s p a r t ie s m ê m e n e c o n n a i s s a ie n t p a s , a in s i q u e l a d a m e
d ’O r c e t l’a p l u s i e u r s j Ois d i t e t é c r i t , s a n s q u e le f a i t a i t é t é d é s a
voué ;
.
.
5 ° Que celte limitation résulte sur-tout de la circonstance que le sieur
Delsol, après avoir fait à sa fille une donation entre-vifs , l’instiluànt en
même temps son héritière universelle, il seroit absurde de supposer
qu’il eût fait et voulu faire contre cette heriliere une reserve qui ne devoit et ne pouvoit profiter qu’à elle-même , puisqu’en admettant le sys
tème de transmissibilité du droit de retou r, cette transmission n’auroit
pu avoir lieu qu’en faveur de celte même héritière.
)
�C 53 )
Sur la troisième question , attendu ,
i» Comme il vient d’être d it, que l’action résultante d’une réserve
de retour, même indéGnie, ne pouvoit profiter qu’aux héritiers comme
faisant partie des actions héréditaires ;
.
20 Q ue, dans l’espèce, la dame Dorcet, étant seule héritière univer
selle, forme un véritable héritier qui ne diffère que de nom de l’héritier
testamentaire, quant à l’universalité du titre; que cette institution met
l’institué à la place des héritiers du sang, et le cas avenant, le saisit de
tous les droits de l’hérédité ;
3 ° Que les autres enfants même de l’instituant, suivant les principes
univèrsellement reçus lors du décès du sieur Delsol, perdoient par FefFet
de cette institution la qualité d’héritiers et ne conscrvoient qu’uu simple
droit à une portion des biens à titre de légitime ;
4 ° Que dès-lors la réserve de retour transmissible, quoique dirigée
contre un héritier institué, (s’il étoit possible de la présum er), se seroit
confondue avec l'effet de l’institution par le concours de deux qualités
de donataire grevée de retour, et d’héritière seule appelée à en proGter.
L e T R IB U N A L déboute les sieurs Jean-François et Gabriel-Barthélemy Delsol de l’opposition par eux formée au jugement par défaut faute
do plaider, du six août 1807, ordonné que ce jugement sera exécuté
selon sa forme et teneur; en conséquence, déclare personnelle au sieur
Delsol père, et caduque par son prédécès, la stipulation de retour par
lui réservée dans le contrat de mariage de la dame d’Orcet sa fille, or
donne que les poursuites commencées contre le sieur Desprats seront
continuées, en cas de refus ultérieur de sa part dè payer les termes du
prix.de la vente du pré de Cancour à proportion de leur échéance,
ainsi que des intérêts, tous dépens compensés entre toutes les parties,attendu la proximité des sieurs Delsol et dAmc d’Orcet, que les premiers
n ont pas provoqué l’instance, cl attendu que le sieur Desprats a pu avoir
jusqu’à un certain point un juste sujet de crainte sur la validité de son
acquisition et la sûreté de ses fonds j et sera, le présent jugement comme
fondé en titre, exécuté vis-à-vis le sieur Desprats , nonobstant cl sans
�( 54)
préjudice de l’appel, à la charge néanmoins par la dame d’Orcet de don
ner, en cas d’appel, bonne et suffisante caution>à concurrence des ca
pitaux exigibles. Fait et jugé au tribunal civil de première instance,
établi à Aurillac, chef-lieu de préfecture du département du Cantal , le
vingt-deux juillet mil huit cent huit, séants, messieurs Delzons prési
dent, membre de,la légion d’honnqurjjDelzorts et L aval, juges. Man
dons et ordqrçnons à tous huissiers sur ce requis de mettre le présent
jugement à exécution, à nos procureurs près les tribunaux de première
instance d’y tenir la m ain, à tous commandants çt officiers de la force
publiquo de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis. En
foi de quoi le présent jugement a été signé par le président et par le
greffier. Sign é à la m inute, monsieur D e lz o n s , président j et BrunoH ,
greffier. Pour copie conforme à l’expédition, sig n éL abro , avoué. ”
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PO U R le sieur René-Louis L IIÉ R IT IE R et consbrs, intimés ; (de 17670
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C O N T R E messire J o s e p h . marquis de M E S M E S .
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sieur Louis Lhéritier, par l e contrat de mariage de demoiselle MarieAlberline Racine, sa belle-nièce, avec le sieur marquis.de,Ravignan, du
18 mars 1 7 1 2 , a promis donner à la demoiselle, lors future épouse, la
somme de 3o,ooo liv ., qu’il lui a effectivement payée peu après; mais il a
été stipulé en même temps q u e l a d i t e s o m m e r e t o u r n e r o i t a u d i t s ie u r
L h é r i t i e r , d o n a t e u r , e n c a s d e d é c è s d e l a d e m o is e lle f u t u r e é p o u s e
s a n s e n f a n t s , e t e n c o r e e n c a s q u ’i l y e û t d e s e n f a n t s , e t q u ’ils v i n s
s e n t à d é c é d e r a v a n t d ’ê tr e p o u r v u s , o u a v a n t d ' a v o i r a tte in t l ’â g e
d e m a jo r i t é .
,
t
,
L a donataire n’avoit alors que vingt-trois ans et dem i, le donateur étoit
dans la soixantième année de son âge, et il avoit deux enfants mâles âgés
l’un de dix-sept ans et l’autre de treize (1). C’est donc évidemment pour
ses enfants et héritiers, encore plutôt que pour lui-même, qu’il stipuloit
cette réserve, dont il ne pouvoit pas se flatter de profiter personnelle
ment.
Quoi qu il en soit, le donateur est decede en i " 3o. Long-temps après,
et le 3o novembre 17C4, la demoiselle Racine, donataire, est décédée sans
avoir laissé d’enfants, ni de son premier mariage avec le sieur marquis de
Ravignan, ni de son second mariage avec le sieur comte de Darnpus.
En conséquence, les intimés, comme représentant le sieur Louis L hé( 1) Laine’ , conseiller au parlement, a s u r v é c u au donateur son père, dont il aliérilé. Il estaujourd hui représenté par les intimas, scs héritiers bénéficiaires, <jui sont en müne temps héritier»'
substitués du donateur leur oucle.
Delà trans
mission de*
stipulation!
Condition-
neiies , et
de celles du
retour tu
particulier
�( 5 6 )'
ritier, donateur, ont formé contre le sieur marquis de Musinés, dona
taire universel de la demoiselle Racine, veuve Dampus, et chargé à ce
titre de ses dettes antérieures au premier avril 1749» leur demande en
restitution des 5o,ooo liy. données par leur auteur, conformément à la ré
serve stipulée p arle contrat de 1712.
L a cause portée à l’audience du parc civil du Châtelet de Paris, il y est
intervenu le 29 juillet dernier, sur les plaidoiries respectives des parties
pendant cinq audiences, sentence par laquelle, attendu le décès de la
dem oiselle R a cin e, veuve D a m p u s, sans enfants j le marquis de
Mesmes, son donataire universel, est condamné à restituer aux intimés
les 3o,ooo liv. dont la réversion avoit été stipulée par leur auteur. C ’est
de celte sentence que le marquis de Mesmes est appelant. Il ne sera pas
difficile d’en établir le bien jugé.
A. cet effet, nous examinerons les principes généraux sur la transmis
sion de toutes stipulations conditionnelles ; les décisions des docteurs et
des lois sur la transmission .du retour conventionnel en particulier, et
l’état actuel d elà jurisprudence sur cette question.
P R E M I È R E
P A R T I E .
P rin cip es généraux sur la transmission de toutes stipula
tions conditionnelles.
\
.
Un seul mot suffît pour justifier la sentence dont est appel, c’est que
la condition sous laquelle le retour a été réservé, se trouve aujourd’hui
purifiée par le décès de la demoiselle Racine, donataire,«ans enfans.
Inutile d’opposer que le donateur est décédé avant l’événement de la
condition. Celte circonstance est des plus indifférentes, parccquc le re
tour a été stipule pour avoir lieu, non en cas de p réd é cè s, mais simple
ment en cas de décès de la donataire sans enfants : o r , cette condition se
trouve purifiée par 1 evenement.
Il est vrai que les héritiers du donateur n’ont pas été appelés nommé
ment à recucillii le profit du retour; mais les héritiers n’ont pas besoin
de la vocation de l’homme pour profiter des droits dont leur auteur est
�( *7 )
,
décédé saisi ; ils n’ont besoin que de celle de la loi qui les saisit de lous les
droits du défunt, qui les subroge à sa saisine en la continuant en leur per
sonne. En conséquence, il leur suffit que celui auquel ils succèdent ail été
vraiment saisi du droit qu’ils réclament, que ce droit ail fait partie de ses
biens. Or les actes entre-vifs, même conditionnels, saisissent Loujours à
l’instant même, sans attendre l'événement de la condition. Les actions qui
en résultent, quoique non encore ouvertes, sont in bonis du stipulant :
conlractus, ctsi condilionalis, tamen e x prevsenti vires accipit, dit
Vinnius. I n contractibus id tempus spectatur quo contrahim us, dit la
loi 78 , ff. de verb. oblig.
D e là , celte règle générale rebattue dans tous les livres élémentaires,
et notamment dans les Institutes, que les stipulations conditionnelles se
transmettent à l’héritier, quoique le stipulant soit décédé avant l’évèncment de la condition. E x s t i p u l a lio n e c o n d ilio n a li ta n tin n s p e s e s t d e b itu m i r i , e a m q u c i p s a tn s p e m in h œ r e d e m tr a n s m ittim u s s i p r ii/s
q u à m c o n d i t io e x s t e t , m o r s n o b is c o n t i n g a t , liv. 3 . t. iG. p. 4 - C ù m
q u is s u b a l i q u â c o n d itio n e s ti p u la tu s f u e r i t , p o s t e à e x is te n te c o n d i î i o n e , h œ r e s e ju s a g e r e p o t e s t , même liv. t. 20. p. i 5 .
En vain voudroit-on apporter quelqu’exceplion à cette règle; les lois
décident qu’on n’en doit admettre aucune : O E N E R A L I T E R s a n c im u s
O M N E M s t i p u l a t i o n e m s iv e in d a n d o , s iv e i n f a c i e n d o , s iv e m i x l a e x
d a n d o e t fa c ie n d o in v e n ia tu r , e t a d h œ re d e s e t c o n lr a h œ re d e s Ira n sm i t t i , S I V E SPECIALIS' H ÆREDUM F I A T MENTIO, SIVE NON:
jiv. i 3 . cod. d e c o n tr a h . e t c o m m . s tip u l.
En vain opposeroit-on que le stipulant qui n’a parlé que de lui-même,
qui n’a pas nommé ses héritiers, a entendu restreindre la stipulation à sa
personne ; la loi répond qiiela stipulation n’en est pas moins r é e l l e : p leriu n q u sen im , ul Pedius a it, persona p a clo Inseritur, non ut p ersonalc pactum f i a t , sed ut dem onslretur cum quo paclum faclum est,
liv. 7. p. Ulrum. 11’. de pactis.
P ou r tout dire en un inol, l’héritier n’a point à prouver que son auteur
a voulu stipuler pour lui. Il lui suilil qu’il n’y ait pas eu d’intenlion de
l’exclure. O r celte intention n’est pas à supposer lorsqu’elle 11’cst pas ex
'
8
�_
Traité
n. 65o.
.
( 58)
primée. C’est ¡1 ceux qui le prétendent exclus à prouver son exclusion :
Quamvis verum est qu od qui ex cip it, probare debet q u o d excipitur ;
attam en de ipso dum taxat, a tn o n de hcerede ejus convertisse petitor,
non qu i e x c ip itp r o b a r e debet ; liv. 9. II'. de prob. et preef.
Il en est autrement des dispositions (1) conditionnelles de l'homme ou
de la loi. Elles 11e se transincltent pas à l’héritier de l’appelé décédé avant
l’événement de la condition , ( et voila pourquoi le retour légal n’est pas
transmissible ) mais c’est pareeque les héritiers ne recueillent du chef de
leur auteur> et comme transmissionnaires, que les droits dont il est dé
cédé saisi : or les dispositions conditionnelles 11c saisissent qu'au moment
de leur ouverture. Jusque-là elles ne sont point m bonis de l’appelé.
Inutilement le testateur en auroit-il ordonné la transmission ; elle n’auroit pas lieu pour cela, dit R icard, pareeque le testateur ne peut pas donner à ses dispositions un effet rétroactif, que les lois leur refusent, ni
opérer une transmission qui n’est l’ouvrage que de la loi, et qui ne dérive
Xoalis de
pas de l’inlention de l’homme. Il est vrai qiie dans ce cas l’bérilier viendroil de son chef et en son nom, comme appelé lui-mênje en vertu de la
vocation expresse du testateur; mais il ne viendroit pas comme transmissionnaire, ce qui est bien différent à tous égards. Æ iu d e n im est trans-
sione™su m issioy et aliud est vocatio.
‘
■omnicnceSi donc la transmission a lieu pour les stipulations conditionnelles , et
ment.
. . .
.
.
1
non pour les dispositions, cela ne vient pas, comme 011 vo it, de la diffé
rence d’intention,, puisque l’intention même expresse est incapable d’opé
rer la transmission dans les dispositions conditionnelles ; il est évident
que c’est la saisine seule qui transmet, pareeque la transmission n’est
elle-même qu’une continuation de saisine.
L e sieur marquis de Mcsmes , dont les prétentions ne s’accordent pas
avec ces principes, fait tout son possible pour en éliuli;r l'application;
(1) I.a disposition proprement dite, par opposition aux stipulations, est un acte pur de la voloutë
qui se passe hors la présence, et sans la participation de celui (pii eu est 1 objet. Telles sont les dispo
sitions testamentaires. Telles- sont aussi les substitutions contenues dans 1rs acles entre-viCs, aux«juuls le substitutn’interviciit pas; car sil iutervenoitpour accepter, il scrrçit donataire couditionn<l, et l’acte seroit à son égard un pacte, uue convention, uu contrat, une stipulation, et non pas
une dispusltion..
'
�C *9 )
forcé de convenir que tous actes entre-vifs, purs et simples ou condition
nels, saisissent actuellement et nécessairement, il ne veut cependant pas
rcconnoître que la transmission en doive être la suite ; il aime mieux la
faire dériver de la présomption générale, qu’en stipulant pour nous,
nous sommes censés avoir parlé pour nos héritiers; puis, restreignant
celte présomption aux seuls contrats intéressés, il en conclut que la trans
mission des stipulations conditionnelles n’a pas lieu lorsqu’elles se rencon
trent dans les contrats bienfaisants.
Mais i° il est faux que les contrats intéressés soient les seuls dans les
quels le stipulant est censé avoir parlé pour scs héritiers ; la règle est
générale pour toute espèce de contrats, puisque les lois n’ont fait aucune
exception, puisqu’au contraire elles ont exclu toute exception par la gé
néralité et l’universalité absolue de leurs expressions. G e n e r a l i t e r
s a n c im u s O M N E M s t i p u l a t i o n e m ........... tr c in s m itli, s iv e s p e c ia lis h œ ~
r e d u m / i a t m e n t i o , s iv e n o n .
a° Le sens do la règle n’est pas précisément quo nous sommes pré
sumes avoir pensé à nos héritiers et ayants-cause, et avoir positivement
voulu stipuler pour eux ; car il est bien rare que les contractants y pensent,
positivement, et on ne présume pas ce qui arrive rarement. Le vrai sens
de la règle est seulement que le stipulant, qui n’a pas formellement res
treint la stipulation à sa personne, ne peut pas être supposé avoir voulu
exclure scs héritiers. Or celle présomption, nécessairement applicable à
toute espèce de stipulation, suffît toute seule, non pour en opérer la
transmission, car c’est la saisine seule qui l’opère , mais pour écarter les
obstacles qui pourroient l’arrêter ou la rendre inefficace.
Que le contrat soit intéressé ou bienfaisant, il n’importe (i). Puisque
(i) En matière de contrats, dit Ricard, la stipulation qui en fait le principal commerce oblige
dès-lors réciproquement les parties de l’accomplir au cas de la condition qui, à proprement parler^
ne passe que pour une restriction, pour le cas prévu par. les parties seulement, ei laisse au surplus la
convention pure et simple, de sorte que lechéance arrivant, la condition est cense'e comme non
écrite. Pour ce qui concerne le legs au contraire, la couilitiou en affecte tellement la disposition ct
la substance, qu’il ne subsiste absolument qu’avec e l l e ct que par elle ; de sorte que comme ce n ’est
p a s le titre de g ra tu it ou d ’onéreux qui p r o d u i t cette différence, mais la qualité de l acte, s ’il
est testam entaire, c’e st-à -d ire , s a n s stip u la tio n , et un p u r acte de la volonté d'une personne ,
�( 6° )
dans l’un et dans l’aulre la saisine y a lieu de plein droit, comme l’appe~
Jant en convient lui-m êm e, il faut bien qu’elle soit continuée dans la per
sonne des transmissionnaires. On ne peut pas les supposer exclus par le „
Stipulant,, lorsque celui-ci n’a pas prononcé leur exclusion;, o r , s’ils ne
sont pas cxclus, il est dans l’ordre des choses que, comme successeurs
universels ou singuliers du transmettant, ils succèdent à la saisine com
mencée en sa personne, comme à tous scs,autres droits, quand même il
n’auroit point du tout pensé à eux.
D’ailleurs on peut dire que tous ceux qui contractent, sans même qu’ils
aient jamais pensé à la transmission, ont cependant, du moins im p l i c i t e
m e n t et éminemment, une véritable intention de transmettre. En ofl'et,
quiconque stipule veut a v o i r , posséder, acquérir, en un mot ajouter ou
r é u n ir & son patrimoine ce qui fait l’ol»jet de sa stipulation, a d r e m j ' a m i l i a r e m r e s p i c i t , comme dit Yinnius; s’il ne stipule que conditionnelle
ment, il ne veut a v o ir que pour le cas de la condition., mais il veut a v o ir
pour ce cas-là en quelque temps que la condition puisse arriver : or, a v o ir
une chose, c’est incontestablement être en droit d’en jouir, faire et dis
poser comme de tous ses autres biens, de la vendre, de l’engager, delà
léguer, etc., et par conséquent de la, transmettre à sesayants-cause, à
plus forte raison à ses héritiers.
Ainsi quand même la transmission ne dériveroit que de l’intention detransmettre, comme cette intention se rencontre, non à la vérité e x p l i c i t e m e n t , mais du moins i m p l i c i t e m e n t et é m i n e m m e n t , dans toute
espèce de stipulation apposée à toute espèce de contrats , sans même que
ou s’i l est conventionnel et f a i t entre deux personnes, i l n ’y a pas de doute que les donations
suivies d’acceptation, p a rticip a n t à la nature de ces derniers actes, les conditions qui s’jr ren
contrent ont un effet rétroactij au jo u r de la do n a tio n , ainsi <[uc dans les autres contrats. El ail
leurs : si une donation sous condition estfa ite entre-vifs, quoique la condition u arrive qu’après
la mort du donataire, ses héritiers ne laisseront ¡¡as de. jo u ir du bénéfice de la donation, comme
ayant clé p a r f a i t e tiu moyen de ¡[effet rétro a c tif q u iT s f d onné à j a donation, du fo u r b u ’elle a
été passée; car, ajoute-t-il, uTn'cstpa's seulement la qualité de donation entre-vifs qui f a i t la
transmission au profit des héritiers du donataire, mais l ’effet rétro a ctif du droit et de !* posses
sion au jo u r du contrat. Traité des dispositions conditionnelles, chap. 5, § i , n. ao4. Tiaitc des
substitutions, chap. 4, partie première, u.. l4a et i44..
�( 61 )
le stipulant ait jamais pensé à scs héritiers; il seroit toujours vrai de dire,
d’après les lois, que les stipulations conditionnelles sont toutes transmissibles de leur nature, soit qu’elles se trouvent dans des contrats intéres
sés , soit qu’elles sc rencontrent dans des conlràts bienfaisants. II seroit
toujours vrai de dire que le transmissionnaire n’a rien à prouver, et que
c’est à celui qui prétend l’exclure à prouver son exclusion.
Nous convenons avec le sieur marquis de Mesmes que si la stipulation
étoit personnelle, la transmission n’auroit pas lieu en faveur des héritiers
du stipulant ; mais là personnalité ne se présume jamais. Pour la supposer
il f a u t ( dit M. Potlner en son Traité des obligations, t. i. p. 75 ) que
cela soit exp liq u é clairement dans la convention; et ainsi, ajoute-t-il,
de ce que la personne envers laquelle j e contracte qiieh/u engagement
est nommée p ar la convention, iln e s’ ensuit p as que Yintention des
parties ait été de restreindre à sa personne le droit qui en résulte ; on
doit penser au contraire qu’elle n’est nom m ée que p o u r marquer avec
qui la convention estfaites
Nous convenons encore avec Fontanella, qu’en fait de stipulations con
ditionnelles, lorsque la condition est perso’nnelle, c’est-à-dire de nature
à 11c pouvoir s’accomplir que dans la personne du stipulant, Quandà
apponitur irt personâ stipulatoris, la transmission ne peut y avoir lieu
qu’autant que le stipulant auroit lui-même recueilli l’objet de la stipula
tion par l’existence de la condition purifiée de son vivant; mais c’est parceque, comme il l’ajoute fort bien , la condition n’étant pas arrivée pendant
la vie du stipulant, son décès la rend impossible, et qu’ainsi il ne reste
plus d’espérance à transmettre. Ce cas n’est donc pas une exception à la
règle*générale du paragraphe E x conditionali, qui n’en reçoit aucune;
c’est seulement une espèce dans laquelle la règle du paragraphe ne peut
pas recevoir son application, pareeque le paragraphe, parlant de la trans
mission des stipulations conditionnelles, suppose que la condition puisse
encore arriver, quoiqu’après le décès du stipulant : or elle ne peut plus ,
arriver après son décès? si elle ne tlcvoil s’accomplir
en sa personne.
Pour appliquer à notre espèce le principe de Fontanella, il faudroit
prouver que la condition sous laquelle le retour a été stipulé ne pouvoit
�( 62 )
s’accomplir qu’en la personne du donateur el de son vivant; mais il n’en
est pas ainsi. L e fait du de'cès de la donataire sans enfants, qui fait la seule
condition du retour, pouvoit s’accomplir indifféremment du vivant du
donateur ou après son décès. Celte condition étoit absolument extrin
sèque à sa personne, pour nous servir des expressions de cet auteur, cl
dès-lors il est constant qu’elle n’a pas pu rendre la stipulation person
nelle.
Il est vrai que, suivant Iîicard et le journaliste des Audiences, les clauses
de retour doivent s’interpréter strictement; mais ils n’ont jamais conclu de
là qu’il fallût en empêcher la transmission. La seule conséquence qu’ils
aienttirée de ce principe est qu’il ne faut pas étendre ces sortes de clauses,
et qu’ainsi le retour étant stipulé pour le cas du décès du donataire sans
enfants, il ne falloit pas l’étendre au cas du décès de ses enfants sans
enfants.
O r, ce n’est pas donner de l’extension à une stipulation que de la sup
poser transmissible aux héritiers du stipulant. Cette transmissibilité est
une suite nécessaire de la saisine attachée à toute stipulation, et de l’in
tention à'avoir et acquérir quise rencontre dans tous les stipulants, lors
même qu’ils n’ont pas pensé à leurs héritiers ; car nous n’avons véritable
ment que ce que'nous pouvons leur transmettre.
Aussi, quoique dans le droit romain les stipulations proprement dites,
Solem nes verborum con cep lion es, fussent de droit étroit cl très-étroit,
quoiqu’on leur donnât le nom propre de contrats strictijuris, par oppo
sition aux contrats de bonne foi, quoiqu'on conséquence on les interpré
tât toujours en cas de doute contre le stipulant, quia debilitlegem aperhiis dicere contractm , ]a règle étoit cependant sans aucune exception
de les declarer transmissibles aux héritiers du stipulant, Gcncrahlcr sancimus om nem stipulalionem , etc.
>
Au contraire, les dispositions conditionnelles, qui cependant sont sus
ceptibles de l’interprétation la plus large, ne profitoient pas aux héritiers
de l’institué ou légataire décédé avant leur ouverture, à moins qu’ils n’y
fussent compris expressément; mais c’est pareeque la transmission dans
ce cas est impossible, comme nous l’avons observé déjà , à défaut de sai
\
�(63 )
sine préexistante. Dès-lors l’héritier de l’appelé ne pouvoit être admis à le
remplacer que par voie de vocation, comme appelé lui-même. Or la vo
cation doit être expresse et ne se supplée pas (à la différence de la trans
mission , qui est toujours de droit en cas de saisine préexistante), ¿ tliu d
est transmissio, et aliud est vacatio.
En deux m ots, toute stipulation conditionnelle est nécessairement
transmissible à l’héritier du stipulant, si la condition peut encore recevoir
son accomplissement, parcequ’au moyen de la saisine attacliée aux actes
entre-vifs, le droit qui en résulte a fait partie des biens du transmettant,
dès le temps même de l’acte. II n’est pas nécessaire pour cela de donner
à la clause aucune extension, pareeque c’est la loi seule, la force'de la sai
sine, et non pas l'intention positive de transmettre, qui opère la trans
mission. Il est vrai que la saisine elle-même dépend en quelque sorte de
l’intention du stipulant; mais c’est seulement en ce sens qu’elle ne s’ap
plique qu’aux droits que les parties ont eus en vue, et pour les cas qu’elles
ont exprimes. Du reste, une fois que la condition prévue par les parties
est arrivée, il devient constant que la saisine h eu lieu ab ini/io, et que la
transmission s’en est suivie, sans que les stipulants y aient seulement pensé.
Il ne pourroit y avoir de question que sur le point de savoir sous quelle
condition les parties ont entendu contracter,, si c’est seulement sous la
condition exprimée dans l’acte, ou si c’est encore sous la condition de la
survie du stipulant; mais pour suppléer cette seconde condition, lors
qu’elle n’est pas exprimée, il fuudroit ajouter à la lettre de la clause : or
c’est ce que la plus grande rigueur ne peut pas autoriser.
S E C O N D E P A R T I E .
Décisions des docteurs et des lois sur la transmission du
retour conventionnel en particulier.
Aussi Fontanclla décide-t-il affirmativement que le retour convention Uc pactiü
nel passe aux héritiers de celui qui l’a stipulé, quoique la condition du nuptialibus
clausula 4,
^ retour ne s’ac complisse qu’après son décès. E t quainvis non esset dietmn glossa ¿4,
n. a3 .
nisi quod reverlcrentur bona donata ad donatorem , nihilominiis
�( 64 )
..
reverti debuissent a d ejus hœ redem , ilio ante donatarium defuncto,
si posteà acfimpleretur co n d itio , quia contractus conditionalis trans_
mittitur a d hœ redes ; ex vulgan paragraphe), E æ con dilion a li.
Il s’objecte la loi Q u o d de pariter, ff. de rebus dubiis, qui paroit sup
poser le contraire ( i ) ; mais il re'pond avec Barlliole et les glossaleurs, qui
depuis ont été suivis par M* Potliier en ses Pandecles Jusliniennes, que
cette loi ne décide pas la question de retour dont il ne s’agissoit pas, mais
seulement une question de survie, savoir, qui des deux de la mère ou de
la fille, péries par incme accident, e'toitcenséô avoir survécu : Q u o d de
pariter mortuis tractavimus in aliis agitatimi est ut ecce, etc. ; qu’à la
vérité, la décision sur la question de survie présuppose le retour dont il
s’agissoit non transmissible, mais qu’apparemment le stipulant avoit ex
prim é, comme seconde condition du retour, l’événement de sa survie, et
que le jurisconsulte aura négligé de rapporter cette circonstance, parcequ’elle n’étoitpas relative à la question principale, ainsi que cela se voit
fréquemment dans les lois du Digeste et du Code.
Cette interprétation lui paroît d’autant plus nécessaire, que sans cela la
loi Q u o d d e p a r i t e r contrediroit manifestement la disposition absolue et
impérative du paragraphe E x c o n d i t i o n a l i , sur la transmission de toute
espèce de stipulation conditionnelle, et les décisions des lois Caius et A v ia
( dont il sera parlé tout-à-l’heurc), sur la transmission du retour en par
ticulier.
”
Il est vrai que Paul de Castres, Covarruvias etMcnocliius ont pris la loi
Q u o d de pariter dans un sens tout différent. Ils en ont conclu que la sti
pulation du retour de la dot pour le cas du décès du mari ou de la femme
pendant le mariage renfermoit tacitement la condition de la survie du
stipulant: habet ista stipulatio tacitam conditionem , si stipulalor sup erv ixerit; mais ils sont obligés de convenir en iniine temps que cette
(i) Quod de pariter mortuis tractavimus in aliis agitatum est ut ecce: Si mater stipulata est dotem
à marito mortuà filid in m atrim onio sibi reddi, et simul cùm filia periit, an ad hærcdem malris
actio ex stipulata competeret ? et divus Pius rescripsit non esse commissam stipulationem , quia
mater filiæ non supervixit : itom quaeritur si extraueus qui dotem stipulatila est, simul cuin marito •
decesserit, vel cum eà propter <|iiam stipulatili esset, an adhæredera actio competerei?
�( <35 )
décision qu’ils supposent à la loi Q u o d de p a rile r est singulière et sans
exemple : Casus est singularis in istâ lege , d it Paul de Castres, nec recordor alibi h oc vid isse : encore du moins, ajoute-t-il, lorsque le retour
est poûrlivoir~Tieu dans le cas du décès du mari p en d a n t le m a ria g e, i^
semble que la faveur des mariages futurs peut faire préférer la donataire
survivante aux héritiers du donateur, afin qu’elle ait une dot pour se
rem arier, ce qui est de l’intérêt public. I n hoc m ajor ratio quant in
p r im o , scih cetfa vo re dolis u t e x ed m u lie rp o ssit iterinn nubere. Mais
lorsque le retour est stipulé pour le cas du d éc è s d eîaT e mine p en d a n t le
m a n a g e, il n’y a pas même raison de faveur (à moins que ce ne soit pour
favoriser le second mariage du mari survivant ) ; se d in p rim o casu
non sic.
Si nonobstant ces raisons pérem ptoires, Paul de Castres et ses secta
teurs ont persisté dans leur interprétation, il ne faut pas croire qu’ils aient
entendu pour cela se départir des décisions d u paragraphe E x condition a li et des lois Caius et A v ia . Ils conviennent qu’en général le retour
conventionnel est transmissible comme toute autre stipulation condition
nelle; seulement ils en exceptent le cas particulier qu’ils supposent dans
la loi Q uod de p a r ile r, c’est-à-dire, celui où le retour a été stipulé pour
avoir lieu, m ortu â f d lâ i n m A T R I MON 10 , ou m ortuo IN M A T R I
m o n i o m an to; de sorte que lorsque le retour est stipulé sous toute autre
condition que celle du décès du mari ou de la femme p en d a n t le ma~
n a g e , i n m a t r i m o n i o ; lorsque, par exemple, comme dans notre
espèce, il est réservé pour le cas du décès de la femme non précisém ent
p e n d a n t le m ariage, mais en général po u r le cas' de son décès sans en
fants, pendant le mariage ou en viduité, alors, suivant les mêmes doc
teurs, les principes reprennent leur em pire, la transmission du retour
s’opère de plein d ro it, on ne sous-entend plus la condition de la survie du
donateur, et l’on suit sans difficulté les règles générales sur la transmission
des stipulations conditionnelles, et notam m ent les décisions des lois Caius
et A v ia .
Celte doctrine se trouve fort bien explique'e p ar Pierre Barbosa, chan
celier de P ortugal, l’un des principaux sectateurs de Paul de Castres. C’est.
0
�( ^6 )
sur la loi C a i u s , if. s o lu lo m a l r i m o n i o , versiculo q u o d c ù m ita . Après
avoir conclu de celle loi et de la loi ¿ d v ia , codicc d e j u r e d o t i w n , que
le retour conventionnel est transmissible, il s’objecte la loi Q u o d d e p a r ite r , qu’il entend dans le même sens que Paul de Castres, Covnrruvias
et Menoehius ; mais il y répond en disant que celle loi n’a lieu que pour
le cas particulier dont il y est parlé, lorsque le retour doit avoir lieu m o r t u â i n M A T n i M O N i o J iltâ . N e g u e o b s t a t d ic t a l e x Quod de pariler,
q u ia l o q u ï t u r q u a n d o q u is s t i p u l a t u r d o te m s ib i r e d d i , m o r t u â
IN
M A X R I M O N I O f i l i d ; n a m tu n e t a c i t a s u b in te llig ilu r c o n d itio s u p e r v i v e n t i œ , u t ib l t r a d u n t d o c t o r e s ; s e d s i g e n e r a l i t e r c o n c e p t a s i t s t i p u
la tio n p r o c e d e r e t i d q u o d s e n t i t is t e x l u s c u m s im ilib u s .
Ainsi la loi Q u o d d e p a r i t e r , de quelque manière qu’on veuille l’en
tendre, est sans application a noire espece ; car il ne s’agit pas dans la
cause deTetour stipulé pour avoir lieu, m o r t u d i n m a t r i m o n i o f i l i â .
D’ailleurs le mari ne gagnant plus la dot par sa survie, comme dans l’an
cien droit, la faveur de son mariage Futur ne milite plus contre les héri
tiers du donateur, et l’intérêt public n’est plus compromis par la trans
mission. En vain diroit-on que le mari survivant profite encore aujour
d’hui, à cause delà communauté, de la moitié de la somme constituée en
dot à sa femme. Il faudroit au moins que la somme n’eût pas été stipulée •
propre de communauté : or, dans l’espèce de la cause, les 3o,ooo liv. don
nées par le sieur Lhérilier ont été stipulées propres.
Il n’en est pas des lois C a iu s et A v i a , comme de la loi Q u o d d e p a r i
le r . Elles sont toutes deux très précises pour la question qui nous divise.
Dans la première ( i ) , il s’agissoit d’une dot donnée au mari par l’aïeul
(i) Caius Se'i'iis avus maternus Sei® uepti <jusberat in patris potestate, certam pecunUe quantitàtem dotti nomine Lucio Tilio marito dedit, et instrumento dolali tjusinodi pacumi et stipulalio—
nem complexus est,si iuler Titium Luciuminaritum eiSeiam divortium sineculpù mulieris factum
esset, dos omnis uxori vel Caio Seì'o avo materno redderetur reslituereturque. Quaeio, cùm Seius
avus maternus statini vità defuncti!» sii, et Seia posteà sine culpà suà diverter.t, vivo patre suo
in cujus potestate est, an et cui actio ex hoc pacto et slipulalione compelat, et utrum ha=redi av
materni ex stipulatu, ali nepti? Respondí in persona quidem neptis viileri inutiliter sti}.ulationetn
esse couceptam, quoniain avus maternus ei stipulatila propomtur ; quod cùm ita est, hxredi stipulatoris, quandocunaque direrterit mulier, acùo competere videtur-
�( 67 )
nialerncl de la femme, et par celui-ci slipule'e re'versible au profit de la
femme, oy de lui donateur, en cas de divorce san? la faute de la femme.
L e divorce arriva, mais le donateur qui s’étoit réservé le retour (du moins
en icco n d ) étoit prédécédé!; nonobstant ce prédécès, le jurisconsulte
(supposant nulle la stipulation faite en premier au profit de la femme ,
quia nem o a lteri stipulavip o te s t) décide que les héritiers du donateur
doivent profiter du retour en qualité de tra:ismissio.inaires, comme auroit pu faire le donateur lui-menie. Q u o d c ù m ita e st, hœ redi stip u la to n s , quandocum que diverterit millier, actio com pelere videtu r.
La loi A v ia n’est pas moins expresse. La question étoit desavoir si le
retour de la dot, n’ayant été réservé que par un simple pacte, et non par
une stipulation en forme, il étoit transmissible aux héritiers du donateur.
L ’empereur répond qu’il faut distinguer si la dot, dont le retour a été
réservé par le pacte est une dot profeclicc, (c ’est-à-dire donnée par celui
qui a la puissance paternelle) ou si elle est adventice. Lorsqu’elle est profectice, c o m m e en ce cas le donateur est assuré du retour légal qui n’est
pas transmissible, on suppose qu'il s’en est contenté, et que c’est pour
cela qu’il n’a pas eu recours à une stipulation en forme; mais lorsque la
dot est adventice, telle que celle donnée par les étrangers ou les ascen
dants maternels qui ne peuvent pas prétendre le retour légal, alors le re
tour qui en a été réservé par un simple pacte est transmissible aux héri
tiers du donateur. A v ia tua eo n im quee p ro J iliâ tua in dotera d é d itt
etsiverb o ru m obligatio non intercessit, aclionem e x fid e convcntionis
a d te, s i hœres ex titisti, tran sm itiere p o tu it , nec enirrTëadem causa
est patris e t m a tn s paciscentium ; q u ippe m atris p a c tu m actionem
•prœscriptis verbis con stitu it; p a tr is , dotis actionem conventione simp lic i m inim e creditu r innovare.
Quelque claires que soient ces deux lois, il s’est cependant trouvé
un docteur (i) q u i, pour les concilier avec la décision attribuée par Paul
de Castres et autres à la loi Q u o d de p a r ite r , a essayé de leur donner une
autre interprétation. Par exemple, il suppose que dans 1espèce de la loi
(i) Barthélemi Socin, sur la loi Quod de pariter.
�( 68 )
A v ia , la donatrice avoit survécu à l’ouverture du retour qu’elle s’étoit
réservé, et par rapport à la loi Caius , il prétend que cVst la stipulation
expresse faite en premier au profit de la femme mariée qui a fait présu
mer de la part du dotateur (pour le retour stipulé ensuite à son profit )
une dérogation à la disposition prétendue de la loi Q u od de pariter ;
mais cette double solution se réfute d’ellc-même. En effet, pour ce qui
est de la première, il est sensible que si la donatrice avoit survécu, il n’y
.auroit pas eu de distinction a faire entre le pacte de l’ascendant maternel
et celui du père, pour déclarer le premier transmissible, et non pas l’autre :
tous les deux auroient été également transmissibles, puisque le retour
même légal se transmet, lorsqu’une fois il a été acquis au père par sa sur
vie. A l’égard do la loi C a ius, il n’est pas possible de concevoir que la
circonstance de la stipulation expresse de retour faite en premier au profit
de la femme ait pu influer aucunement sur la transmissibilité de celle
faite en second par le dotateur au profit de lui-même ; il est évident que
la décision de là loi auroit été la même, quand cette circonstance ne s’y
seroit pas trouvée.
Aussi cet auteur finit-il par reconnoîlre que ces solutions sont plus sub
tiles que solides, et qu’il faudroit bien se garder de les suivre dans la pra
tique, dans les jugements : cogita lam en quia pulchra est conclasio ,
N O N T A M E N F O R T E I N J U D I C A N D O ESSET A B A L I A O P I N I O N E
RECEDENDUM.
E t effectivement, comme il le dit fort bien au même endroit, si ce
n’étoit le double sens dont la loi Q uoil de pariter paroît susceptible , il
n’y auroit pas un seul docteur dans tout,le monde entier qui n’opinât pour
la transmission du-retour conventionnel dans tous les cas. N o n esset
doctor in Jiiundo quiconlrarium non consuleret, si non vidissct tslutn
textum .
T R O I S I È M E
P A R T I E .
E x a m e n de la Jurisprudence*
1° Suivant Papon, au titre des Donations, art. 38 , il a été jugé que
la rétention fa ite p a r un d o n a te u r q u e si le donataire meurt sans en-
�(
).
J a n ts , la chose donnée retournera au don ateu r sans fa ir e m ention
d ë fsie n s, est réelle'et non p e rso n n e lle , p a r ain si transm issible à l ’he- *
ritier du donateur, s’il se trouve m o r t, lorsque la con dition d 'ic d ltT
rétention a dvient.
2° M. Maynard, 1. 8. c. 33. rapporte que par sentence de la sénéehausse'e de Lauserre, le retour stipulé par un oncle donateur au pays de Querci,
pour le cas du décès de son neveu donataire sans enfants, ledit cas étant
arrivé, quoiqu'après le décès du donateur, fut ju^é transmissible aux
héritiers du donateur, n o n o bstan t le défau t de ce m o t sien ou a ulrs.
e’quipolent.
...»
3 ° Le même M. Maynard rapporte que sur l'appel du cette sentence
par arrêt rendu à son rapport, au mois de janvier 1574-j coniirmalil de
la sentence, le retour fut adjugé aux héritiers du donateur.
4° Fonlanella nous assure que la même chose a été jugée contre lui même, le 10 avril 1G09, par le consistoire de la principauté de Catalogne.
Conatus f u i defendere q u o d non p o tera n t ( dotem vindicare hærcdcs
donatoris præmorlui) fu n dans intentionem in dispositione legis Quod de
pariter, et eorum quee super ea dicunt superius allegati de subintelligen tid cotulilionis superviventiœ , se d non p o tu i oblinere; im o d ecla - _
ra tum fu it expresse sub die 10 y lp r d is anno 1G09, itifa vo rem hœ redum ; et cela pareequ’il n’y avoit pas de preuve que le donateur eût
limité le retour au cas de sa survie, su m en do expresse m otivum qu od
non con staret con ceptam fu isse stipulationem respectu reversionis a d
donatorem , siisJilice su pervixisset, ac p ro in d è regulando eum casum
ex dispositione p a ra g ra p h i E x conditionali sim pliciter conceden/i
transm issionem a d h œ redes, qu ando non aclest expressa conditio
superviventiœ.
*
5° La même chose a encore étédécide'e
présente par Mes
d a n s
l ’ e s p è c e
Blaru, Normand, L e Clerc de Yeaudonne et Guéaux deRevcrsoaux, com
missaires nommés par le conseil pour juger les contestations relatives a la
succession du sieur JLhéritier donateur. E11 effet, par leur arrêt de partage,
ils ont réservé aux parties, par un acte séparé, l’espérance du retour sti
pulé par le sieur Lhéritier en ces ternies : les parties on t encore l’espé
ran ce, le cas arrivant, de la réversion de la som m e de
3qqoo
livres
'
�( 7°*)
donnée en dot p a r le sieur Lhéritier père à m adam e la marquise de
R a vig na n , sa ( b e l l e ) nièce.
6° Enfin la sentence dont,eSt appel, rendue sur les plaidoiries solen
nelles des parties pendant cinq audiences, a jugé en faveur des héritiers
du donateur, sur le fondement que la condition exprimée p arle dona
teur pour donner lieu au retour s’étoit. vérifiée : attendu le décès de la.
dem oiselle R a c in e , veu ve D a m p u s, sans enfants.
L e marquis de Mesmes auroit bien voulu pouvoir opposer à cette suite
de décisions quelques décisions contraires capables de les balancer. Mais
quelques recherches qu’il ait pu faire, il ne lui a pas été possible d’en
produire une seule; en vain excipe-t-il de l’arrêt rapporté par Mornac ^
au titre de dote profectilia. Il y étoit question du retour d’une dot cons
tituée par mi père naturel a sa fille bâtarde, et par conséquent profeclice,
comme le dit Mornac lui-même et comme le prouve fort bien H cnrys,
]. G. c. 5 . part. 3o, où il e'tablit que le retour légal a lieu au profit du père
naturel pour la dot par lui constituée, comme étant censée prqfectice ,
à cause de l’obligation où il est de doter; or il ne s’agit point ici d’une
dot profeclice.
D’ailleurs, si l’on examine bien l’espèce de l’arrêt de Mornac, on verra
qu’il n’est pas même précis pour le cas de la dot profeclice. En effet, Moi'nac dit lui-même que le retour avoit été stipulé seulement pour le cas du
décès de la fille sans enfants. O r, la fille n’éloit pas décédée sans enfants,
puisque scs enfants lui avoient survécu. D ecesserat presbyter POST e a q u e s p v r i a A C L I BE RT . Il est vrai que les enfants étoient dé
cédés sans enfants, et c’est apparemment sous ce prétexte que les héri
tiers du jirêtre dotateur revendiquoient la d ot, en étendant la condition
du décès sans enfants , au cas du décès, et des enfants sans enfants.
M a i s c o m m e l’ont fort bien observé Ricard etle Journaliste des Audiences,
les stipulations en général et celles de retour en particulier étant de droit
étroit, ne doivent pas être étendues d’un cas à un autre. Dès-lors, on ne
pouvoit pas adjuger le retour aux héritiers du prêtre dotalcur. Lui-même
auroit été exclus à défaut d’événement de la condition prévue (i).
(i) Ageliatur de lVcsbytcro qui cùra donaret filiæ sjmriæ 3oo aureos iudotem, conditioner
�( 7/ )
Si des jugements nous passons au suffrage des auteurs français, nous
v e rro n s que la question y est toujours décidée uniforme'ment en faveur
des transmissionnaires, notamment lorsque la donation est faite par au
tres que les ascendants (comme par exemple par un bel-oncle), notam
ment lorsque le donateur, étant plus âgé que le donataire, a cependant
prévu non seulement le décès du donataire sans enfants, mais encore le
deces de ses enfants sans enfants ou avant leur majorité.
L a réversion conventionnelle, dit Le Brun, traité des Successions,
]. i. c . 5 . sect. 2, passe a nos héritiers si nous ne l’avons limitée, ce qui
se f a it quelquefois, en ne la stipulant qu’au cas du prédécès du do
nataire ; mais quand nous Vavons stipulée simplement au cas du dé
cès du d onataire sans enfants, alors nous avons parlé pour nos hé
ritiers ou ayants-cause.
Quant a la réversion co nventionnelle , dit Lacom be, au mol Réver
sion , elle ne concerne vas m oins les héritiers du d onateur qui l’a sti
p ulée , que sa personne m ême. N am plerum que ta/n hœredibus nostris quant nobismelipsis cavemus, 1. 9. de Prob. s lin s i si un ascendant
fa it donation à son fils ou à sa f i lle , « condition de réversion, si le
donateur meurt sans e n f a n t l e s choses données passent a u x héri
tiers du donateur p rédécédé, si elle n’a été limitée.
L e retour conventionnel, dit 1auteur de la nouvelle collection de Ju
risprudence, au mot Retour, n’a d ’autres règles que celles de la con
vention............. et com m e les conventions passent in hæredes et ad
hæredes, il s’ ensuit que si le donateur prédécède, la réversion doit
appartenir à ses héritiers qui le représentent, lorsque la condition
sous laquelle elle est stipulée est arrivée, à moins que la réversion
n’eût été stipulée personnelle, et qu’elle n’ ait étélim iléepar des clauses
qui l’em pêchent d’être transmise a u x héritiers.
Domat, en son traité des Lois Civiles sur le Retour, après a vo ir décidé,
illam tabuli3 n u p t i a l i b u s adjecerat (si sine l i b e r i s filia d e c e s s e r i t , dos a d se reverterctur) nullà factà
mentionc hæreduin. Suscepti crani liberi ex eo matrimonio q u i b u s superstilibus decesserai Presby
ter, pusteàque spuria ac i i i e r F i ^ î û n l liæredis PresbyterTdolem illam u tprofeciitiam ex clau»«14 reversionis.... à petitione sui suromoli sunt.
1
�( 72 )
conimc tous les auteurs ci-dessus cités, qu’en général le retour stipulé
par un ascendant ou tout aulre donateur doit se régler comme les autres
conventions, et non à l’inslar du retour lég a l, ajoute que cela est encore
p lu s ju s te p o u r les donateurs autres que les ascendants. La raison
qu’il en donne est que les donateurs étrangers (tel qu’éLoit le sieur Lhéritier par rapport à la demoiselle Racine, sa belle-nièce ), n’ayant pas la
même affection pour la famille de leurs donataires, on présume encore
plus aisément d’eux que des ascendants, qu’ils ont voulu préférer leurs
propres héritiers a la famille de celui contre lequel ils ont stipulé le re
tour.
Enfin, suivantIlem js, quoiqu’en général le donateur, même ascendant,
qui se réserve le retour soit censé le faire tant pour lui que pour ses
héritiers, cette présomption légale devient bien plus forte encore, lors
que, comme dans notre espèce, il a prévu non seulement le décès du do
nataire sans enfants, mais encore le décès de scs enfants avant leur ma
jorité. E n effet, dit-il, quoique le p ère su rv iv a n t, l’ordre de la nature
en so it tro u b lé, c’est p o u rta n t chose a ssez co m m u n e, m ais qiCun
père pen se .survivre a sa fille e t au x enfants qu’elle p e u t laisser, qu'il
étende si loin sa p e n sé e , c’est ce qu’on y,e p e u t p a s présum er. D o n c ,
ajoute-t-il, qu an d le p ère a stip u lé que la d o t sero it réversible, s i sa f ille
décédoit sans enfants ou scs enfants sans enfan ts, il ne s ’est p as
p ersu a d é que to u t cela p û t arriver lui' viva n t, et p a r con séqu en t il a
bien entendu q ue cette stipu lation f û t aussi bien profitable à ses héri
tiers qu’à lu i-m êm e, au trem ent il n’au roit p a s eu une visée s i longue,
et s’il n’avoît cru que de stipu ler le retour p o u r lu i, il en au roit res
treint la condition e lle s term es, l i s e sero ït contenté d é p o r te r dît p r é
décès de sa fille sans enfanU, et il n’auroit p a s ajo u té et de scs enfants
sans eiifail
L e marquis de Mcsmes oppose à ces autorités le sentiment de Bouclieuil, de Bretonnier sur Henrys, et de M°. L aR ouvière; mais Boucheuil
ne se décide que d’après l’arrêt de Mornac, qui, comme nous l’avons vu,
n’a pas de rapport à l’espèce. Bretonnier se décide sans donner aucune
raison de son avis; ainsi on ne peut pas deviner quel a été son motif:
�(
)
d’ailleurs, l’espèce sur laquelle il donne son avis, qui est celle de Henrys,
est bien différente de la nôtre, où le donateur est un bel-onclc, et par
conséquent un étranger; au lieu que dans l’espèce de H enrys, c’est un
père assuré du retour légal de la dot profeclice par lui donnée. Par rap
port à Me. La Rouvière, il ne c^evroit plus être nommé dans cette cause,
d’après les preuves qui ont été administrées au châtelet, que cet auteur
n’a pas connu les premiers principes ‘delâTm aüère, et qu’il n’a pas en
tendu les docteurs par lui cités.
*
CONCLUSION.
Nous ne croyons pas qu’il reste la moindre difficulté dans cette cause;
car il ne faut pas regarder comme telle l’opinion isolée de deux auteurs
induits en erreur par des autorités mal entendues. C ’est toujours aux
principes qu’il en faut revenir. O r, les principes élémentaires du d ro it,
ceux dont n o u s avons été rebattus dans les écoles, et qui retentissent
j o u r n e l l e m e n t dans les tribunaux, sont que les stipulations condition
nelles se transmettent à l’héritier du stipulant, nonobstant le prédécès de
celui-ci, que les actes entre-vifs, même conditionnels, opèrent la saisine
in instanti, que les conditions y ont un effet rétroactif, que, suivant la
règle le m ort saisit le v i f les héritiers succèdent à tous les droits dont
leur auteur est décédé saisi, qu’ils n’en pourroient être privés que par
une volonté expresse du stipulant qui auroit formellement restreint la
stipulation à sa personne, que c’est à celui qui les prétend exclus à prou
ver leur exclusion, que les conventions sont toujours censées réelles, que
la personnalité ne s’y suppose jam ais, qu’elle doit être prouvée par des
expressions qui la nécessitent, etc.
L e marquis de Mesmes ne doit pas se flatter que la cour déroge en sa
faveur à ces principes consacrés par l’antiquité la plus respectable, adop
tés par toutes les nations policées et qùi' font une partie essentielle de la
législation universelle et du droit des gens.
11
En vain voudroit-il en éluder l’application par des distinctions imagi
naires; l’esprit actuel de notre jurisprudence est de prévenir, autant qu’il
est possiblej toute incertitude dans les jugements, en n’admettant que
10
�C 74 )
des principes clairs, et en rejetant toutes les distinctions arbitraires que
ia subtilité des docteurs avoit multipliées à l’infini. Ce seroit aller directe
ment contre cet esprit, et nous rejeter dans le chaos affreux d’incertitude,
dont la bonté du prince et la sagesse de la cour travaillent tous les jours
à nous retirer, que d'admettre les distinctions imaginées par le marquis
de Mesmes pour le besoin de sa cause.
Les principes ne doivent être limités que par des exceptions aussi clai
rement établies et aussi notoires que le principe même. Telle est, par
exem ple, l’exception qu’ une jurisprudence constante, uniforme et ayant
force de loi a établie pour le cas précis de la stipulation de reprise de l’ap
port èn communauté p arla femme renonçante. L a personnalité de cette
stipulation (unique dans son espèce, comme l’observe M c. P otliier, en
son traité des Obligations , à l'endroit déjà cité) est aussi notoire que la
réalité de toutes les autres; et en conséquence, il n ’y a ja m a is de diffi
culté lorsque le cas de cette exception se présente. Il n’en est pas de
même de celle qu’imagine aujourd’hui le marquis de Mesmes. Elle n est
autorisée par aucune lo i, aucun usage. E n vain voudroit-on l’assimiler à
la première. L a différence est des plus frappantes.
En effet, la stipulation de reprise de l’apport en communauté est con
traire à toutes les règles de l’égalité, qui fait l’ame des sociétés. Elle change
la société des conjoints en une véritable société léonine, où la femme
est assurée des profits sans courir aucuns risques ; en conséquence une
stipulation pareille seroit proscrite dans une société ordinaire, comme
contraire au droit naturel. Si elle est tolérée dans la société conjugale,
c’est uniquement à cause de la grande faveur des contrats de mariage,
qui autorise toute espèce de clause, lorsqu’elle ne va pas jusqu’à offenser
les bonnes mœurs ; au contraire la stipulation de retour ne r e n f e r m e rien
que de très conforme aux premiers principes du droit d es gens, étant
permis à tout donateur. 4’imposer à sa libéralité telle charge qu’il juge.à
propos. Dès-lors on ne doit pas être surpris que la jurisprudence des
arrêts ait déclaré la première stipulation personnelle, et non pas l’autre.
,
Quod contra juris rationem introduction est non est producendum
ad consequentias
,
�( 75 )
Indépendamment de cette considération particulière aux clauses de
reprise, qui peut-être a paru suffisante pour les faire déclarer person
nelles, il y en a une générale tirée des principes du droit, qui a pu encore
conduire à la même décision. C’est que la condition sous laquelle est sti
pulée la reprise de l’apport de la femme en communauté, c’est-à-dire, sa
renonciation à la communauté, est purement potestative , étant au pou
voir de la femme stipulante de renoncer ou de ne pas renoncer. O r,
presque tous les anciens docteurs ont soutenu que ces sortes de condi
tions ( si p e tie r o , si renuntiavero, etc.) étoient personnelles et ne pouvoient s’accomplir que dans la personne du stipulant, quia viden tur
a p p on i in persond stipulatoris; et effectivement ces conditions paroissent se référer directement à la personne du stipulant pour leur exécu
tion. Il n’en est pas de même du cas de décès du donataire sans enfants,
qui fait la condition ordinaire du retour. Cette condition est casuelle} et
non potestative. Elle n’est au p o u v o i r d ’a u c u n e des p a r ties contractantes.
Elle est a b s o l u m e n t extrinsèque à la personne du donateur stipulant,non apponitur in p erson d stipulatoris, pour nous servir des expres
sions de Fontanella. 11 n’y a donc aucun prétexte de la faire déclarer per
sonnelle, et dès-lors c’est incontestablement le cas d’y appliquer les prin
cipes généraux qui ont été établis pour la transmission des stipulations
conditionnelles, et notamment la disposition du paragraphe E x con d itionali et des lois Caius et A v ia .
M. B À R E N T I N , a v o c a t - g é n é r a l .
Me. L E S P A R À T , avocat.
B u r e a u l’aîné, procureur.
�
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Factums Marie
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Description
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A name given to the resource
[Factum. Delsol, Jean-François. 1809]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bellart
Bonnet
Delvincourt
Lacalprade
Barentin
Lesparat
Hureau l'aîné
Subject
The topic of the resource
successions
avancement d'hoirie
contrats de mariage
substitution
droit de retour
nullité du testament
fideicommis
jurisprudence
dot
stipulation
Description
An account of the resource
Consultation pour les sieurs Delsol, frères ; contre la dame veuve Vigier-d'Orcet, leur sœur consanguine [suivi de] Arrêt du Tribunal civil de première instance d'Aurillac [suivi de] Précis pour le sieur René-Louis Lhéritier et consors, intimés ; contre messire Joseph, marquis de Mesmes, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Mame frères (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1809
1760-1809
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
75 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0629
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0531
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Rights
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dot
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fideicommis
jurisprudence
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substitution
Successions
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M É M O I R E
Caufe en la Grand’Chambre, qui fera
jugée le famedi 1 2
P O U R le Sr L a s f a r g u e s , Chaudronnier,
à Aurillac ;
CONTRE la Demoifelle G u y Sœur dévote
de la foi - dïfante Congrégation de Sainte
Agnès de la Chambre du Père Broquin
Jéjuite.
-,
,
Q u’iL y ait aujourd’hu i, dans les montagnes d ’ Au
vergne , cinquante ou foixante filles, qui pleurent encore
les p è r e s f pirituels, que la fuppreffion d’un e fociété trop
fameufe leur a .enlevé; cela n’importe à perfonne.
Que ces filles, parce qu’elles confervent la précieufe
doctrine de la grâce fuffifante & du pouvoir prochain ,
s' imaginent, dans leur dévot orgueil, être les derniers
A
mai 1787*
�2
eonfeilcurs de la foi expirante, c’eft cc qui auroit pu;
n’être pas indifférent le fiècle pafle ; perfonne ne s’en
inquiétera dans celui-ci.
Mais qu’héritière de l’efprit de Tes fondateurs, une
petite communauté dé petites dévotes, fans fupérieurs
autorifés, fans inflicuc canonique, fans exiftence légale,
ait pourtant bravé la révolution de plus de foixante
années, qu’elle brave encore les arrêts de la cour,, qui'
l’o n t, plus d*une fo is, enveloppée dans une jufte profcription ; cette révolte, contre les lo ix , intéreffe beau
c o u p les magiftrats. L ’exemple pourroic être dange
reux.
Mais que fïdelle aux principes attribués, avec ou fans
raifon , à la fociéré qui lui donna l’exiftence, cette
petite communauté croie, à en juger par fes a illo n s ,
la fraude permife lorfqu’elle eft utile, le menfonge in
différent lorfq.u’il n’en impofe qu’à tout le m ond e,
& qu’à l’aide de rejiriclions mentales , on fe dit du
moins la vérité tout bas dans fa confcience : les citoyens
doivent s’en allarmrr. Les apôtres de cette morale pourroient faiire des proiëlytes.
Mais qu’en conféquence, & de cet efprit 8c de cette
m o ra le , cette petite communauté,/ pour fe donner,
malgré les loix , une confiftance furtive , v e u i l l e , par
une fraude , enlever la fueccifion d’une de fes dévotes
à l’héritier du fang , p a u v r e 6c père de dix enfans : cette
conduite intéreiTe le iicur Lasfargues; elle doit intérefler
auflî tous les gens fenfibles.
�5
F
A
I T
I
S
.
Au commencement de ce fièclc, un P . Broquin *
jéfuite , raiTcmbla en congrégation quelques dévotes,
dont il étoir l.p dirc£Veur : il leur donna le nom de feeurs
de Sainte Agnès. Pluùeurs dévotes étoienc jeunes, le
P. Broquin très-aflidu, le public très - malin ; on les
appeüa , dans le monde, les iœurs Broquincs. Le
nom leur en relia : c’eft celui qu’ elles portent aujour
d’hui.
L ’enfance de cette congrégation ne fembloit pas lui
promettre la longue vie dont elle a joui. Le ridicule
l ’avo.t faifié à fa naiflance ; la pauvreté la dévora pen
dant fes premiers ans. Elle n’avoit pas même de maifont
à elle; & dans ces jours de tribulation, c’étoit dans une
chambre, dans un grenier, dans une gran ge, dans le
premier lieu enfin, qu’ on daignoit leur prêter, que les
iœ u rs, trifte c déiolé troupeau ., fc rc«niiTbient pour
gémir en comipun fur l’endurciiTement du fièclc, & iur
ieur difperllon prochaine.
Les entrailles paternelles du fondateur s*émurcnt ;
& à l’aide de fes efforts, l’infpirarion d’entrer dans cette
Congrégation, vint à Marie Lasfargucs, proprétaire de
quatre mai ions , à A u rilla c, de contrats Sc d’argent
5
comptant. Tant de vertus la fiient élire première fupérieure, ôc la rendirent chère aux jéfuites. On lit, dans
rcgiilres du collège d’Aurillac, ces mors, écrits en
1 7 1 0 : « Il faut ménager la demoifelle Lasfargucs; clic
45 deiîrc beaucoup le bien de la fociécé., & nos pères
A x
�4
n dóivent paraître en faire beaucoup de cas, Sc même.
n lui faire des vifites fréquentes ».
Les vijîtes fréquentes de fi pieux perfonnages, devaient
infpirer à la dcm'jifelle Lasfargues le déracKbment des
biens rerreilres. Auiîî firent elles; Si pour premier a&e
d’abnégation de foi - même, la d moilelle Lasfargues
donna, en deux fois, aux R R . P P . , une fomme de
450 0 livres, à cinq pour cent, en rente viagère. (V o y e z
les pièces jultificacives (a ) . )
L e P. Broquin, déformais tranquille fur le fort d’un
établiiïcment qu’il avait confié à de fi dignes m ains,
mourut vers 1 7 1 0 .
Cetre mort, en faifant faire à la demoifellc Lasfargues
des reflétions fur l’inilabilitè des choies humaines, lui.
infpira encore plus de tendrefïc pour íes filles, qui ve
naient de perdre leur p ère, &. plus d’inquiétude iur ce
qu’elles deviendraieat après elle..
Déjà les quatre maifons avaient été converties en
argent, pour fatisfaire aux befoins les plus prciiàns.Tout
allait donc bien pour le préfent; mais l’avenir! Mais
quand donc la congrégation aurait-elle une exiftence
moins ptécaire, &C fe verrait - elle du moins un afyle
qu’ elle pût dire à elle?. Voici comment la dcmoifelle
Lasfargues s’y prit pour lu i en a iïu r c r un.
Par contrat d.i 2.-$ oclobre 1 7 1 7 , elle & deux autres
filles dévotes de Sainte-Agnès, ablolumcnc dénuées de
fortune, de dont elle s ailocin les noms, pour mieux co
lorer la iaintc fraude quelle mcditait, déclarèrent ache-
�te r , du couvent de la Vifiration d’ ÂurilIac, pour elles
& de leurs deniers, une maifon, rue du Collège. (Voyez
les pièces juftificatives ( b ) ,}
P u is, par une contre-lettre du même jour, fous feingp riv é , Sc fait entr’elles trois feules, elles déclarèrent
qu e, malgré ce qui érait porté au contrat de vente, la
vérité était que la maifon était acquife pour la congré
g ation , &; des deniers de toutes les fœurs en commun;
de manière qu’elles trois n’y avaient pas une part plus
coniïdérable que les autres (i).
Malheureufement, la contre-lettre que fit la demoifelle Lasfargues , était'nulle.
Elle l’était, parce que c’eft une donation déguifée.
Elle l’était, parce qu’elle était faire au profit d’une
congrégation qui n’avair pas d’exiftence civile.
Elle l’était, parce que cette contrc-lcttre , faite entre
les trois lîgnataires du contrat, feules & triple feule
ment , ne pouvait pas attribuer de propriété à la con
grégation, qui n’ y étoit pas pa-rtitv
Quoi qu’il en fo it , comme perfonne n’avait le droit
de faire valoir cette nullité pendant la vie de la demoifclle Lasfargues, la congrégation fc mit paiiiblement
en poiTciïïon de la manon, 6c put enfin, (olidement
établie, fc livrer à Pobfervation des règles que lui avait
preferites le Père Broquin.
' A ce père avaient fuccédé , dans l’adminiitration fpi( 1 ) Cette contre-lettre n’ayant jamais été communiquée dans la caufe,"
Lasiaigues n’en peut donner que la fubilance.
�6
riruclle de la maifnn , d’abord quelques jéfuices, & enfuite des prêtres dévoues à la fociété. Le dernier que
vit la demoilellc Lasfargues, fut Pierre Combes , preînicr du nom , qui avait é té , pendant quelque temps,
jf'on c o n f e lle u r . C et eccléiiaftiquc avait un frère, appcilé
P i e r r e C o m b es, fécond du n o m , prêtre comme lui 9
&. de plus , confeileur actuel de la demoifclle Las
fargues.
Cependant, la demoifclle Lasfargues vieilli iToiç, 6c
ccs deux prêtres voyaient, avec douleur, que fa more
prochaine allait replonger les foears dévotes de SaintcAgnès dans l’indigence, &. dans la condition incertaine
d o n t elle k s avait tirées. Plus éclairés qu’elle, ils voyaient
que la contre-lettre n’était qu’un chiffon, fans valeur,
qui n’empêcherait pas des héritiers impies de renvoyer
ces dévotes' Sœurs de leur bercail.
Ils voyaient tout cela; 8c la demoifclle Lasfargues avait
•été la pénitente de l’un ; & elle lui était encore foumife comme au fupérieur fpirituel de fa congrégation ;
¿C elle était encore actuellement pénitente de l’autre ; &
clic avait foixanre-huit ans : elle fit, le 6 février 1 7 6 0 ,
un tcftamenr olographe, par lequel ellefc déclara pauvre,
légua cinq fols à fes héritiers du fang, 8c inftitua, pour
fon héritier teftamentaire., Pierre Combes, fécond du
nom , fon confeiTeur. L a demoifelle Lasfargues mourut
peu après j Combes fe mit en poffciCon de tout, ÔC les
fbeurs de Sai-ntc-Agnès gardèrent leur maifon.
Le iieur Lasfargues, petit-neveu de la demoifelle
£,asfargu,cs ¡> ttoit le ieul héritier du fa n g j mais .mineur.
�r
orphelin & pauvre : il n’avait ni la connaiiîance de fes
droits ni les moyens de les faire valoir. Cette ufurparion acquit un- nouveau degré de coniiftance, par la
mort de Pierre Combes fécond. Ce prêtre inftitua, pour
ion héritière, une demoifell'e Com bes, qui avoit iuccédé à la fœur Lasfargues dans la dignité de fupérieure.
Il fembla même, que déformais la congrégation n’avait
plus à craindre de voir fortir la n.aifon de fes mains j
car c’était, à en juger par le pafle, un parti pris: la
dévote, an nom de laquelle ferait actuellement la pro
priété de la m aifon, inilituerait une autre dévote pour
ion héritière de cette maifon. P ar-là, pailant ainfi pen
dant toute la durée des fiècles de dévote en dévote, la
maifon fe trouverait toujours appartenir à une perfonne,
q u i, éranc de la congrégation , aurait intérêt de lui en
laitier la jouiflancc. C ’était en conféquence de ce projet,
que la dévote Lasfargues avait inftitué le fieur Combes,
qui inilirua la dévote C o m b es, qui inftituera, comme
nous le verrons, la dévote G u y , qui aurait inftit-ué fans
doute, à fon tour, une autre dévote.
Pendant que la congrégation jouiflaitde la fucceifion
de la demoifelle Lasfargues, ion petit neveu n’en était
pas devenu plus riche. Les gains de ion état mènent
rarement à l’opulence; il cft chaudronnier : & ce qui
y mène encore moins, il eft père de di* enfans. Il avait
déjà anciennement follicité le fit ur Combes d ; lui rendre
juftice. Ce p: être lui avait donné des efpérances ; mais
étant mort fans avoir exécuté fes promeiTes, Lasfargues
ie détermina enfin à plaider.
En conféquence, au commencement de 1 7 8 1 , il a/figna
�8
la demoifellc Combes en délaiiTement de la maifon ruç
du Collège. Celle-ci lui oppofa le teftamcnt de la demoifelle Lasfargues, 6c prétendit que tant que ce teftament ne feraic pas détruit, Lasfargues était fans a&ion.
Lasfargues demanda donc la nullité du teftament. Son
moyen fut que le iîeur C o m b es, héritier inftitué, était
incapable de l'être, parce qu’il était le confcfleur de la
demoifelle Lasfargues. Il offrait la preuve du f a i t , fi on
le niait, & demandait la remife de la m aifon, la reftitution des fruits 6c la repréfentation de l’inventaire, s’il
y en avait u n , finon un inventaire à commune re
nommée.
Le fait ne fut pas nié. La caufe ayant été portée à
l’audience, fans que la demoifelle Combes eût défendu
par écrit, elle fît plaider par fon avocat, q u e , quand
le fieur Combes aurait été confeileur de la demoifelle
Lasfargues, cette incapacité ne pouvait lui être oppofée;
parce que la luccciTion n’était pas pour lu i, mais pour
la communauté de Sainte-Agnès, dont il n’était que le
fidéi-commilîaire. Pour prouver ce fait, elle produisit
la contre-lettre, &: conclut de la volonté qu’y manifes
tait la demoifelle Lasfargues , de laiiler la maifon en
queftion aux dévotes de Sainte-Agnès; que c’étoit pour
l ’exécuter qu’elle avait inftitué le prêtre Combes , afin
xju’il remît 6c la fuçccilion 6c la maifon a ces dé
votes.
C ’étoit pour la première fçis que lasfargues enten
dait parler .de cette contre-lettre. Son avocat Remanda
que la caufe fut remife, 6c qu’on fignifîât une copie de
cette .contre-lettre. D ’ailleurs, il demanda a&e de l'aveu
que
�1
9
•que c fieur Combes n’était qu’un fidéi-commiiTaire ;
& , au furplus , perfifta à de mander qu’on lui permît
de fa;re la preuve que C om bis était le confcfTeur de la
tclbirrice.
D Jun autre côté , le miniflère public, q u i, pour ne
pas exciter les clameurs du p e u p l e d?vot, avait bien
V o u l u fermer les y e u x f u r l’exiilcnce illégale de la convmunauté de Sainre-Agnès , ecila de croire cette Tolé
rance permife, lo fqu’on olair -réclamer une fucccilion,
pour cette petite communauté, qu i, loin d’avoir le droit
de recevoir des infUtutions , n’avait pas même celui
d’exifter. Le lubftitut de M. l’avocat-général fe leva d o n c,
& requit l’exécution du célèbre arrêt de la c o u r, du
18 avril 17 6 0 , qui fait des défenfes d’établir aucunes
congrégations, fans lertres-patentes.
Sentence des juges d’ Anrillac, du 8 avril 1 7 S 5 , qui t
ayant égard a ce qui réfuite de la déclaration de 1 .7 1 7 ,
(la contre-lettre ), déclare Lasfargues non-recevcible, le
condamne aux dépens, & ordonne q ù il fera délibéré fu r
les conclufions du miniflère public. Le délibéré n’eil pas
en coreju gé.
A in fi, cette fentence refufe d’abord de donner a£tc
â une partie, d’un aveu échappé à l’autre (1). Elle juge
( 1 ) La mauvaife foi des parties fe trahit fréquemment dans la plaidoyerie
devant les premiers juges. L à , quelquefois, la partie plaide elle-m ême.
Emportée par la paflion , die ne pèfe pas toujours les aveux qui lui échappent.
Si ce n’eft pas elle qui plaide, i’incertitude du fyftême de défenfe encore mai
fix é , la difficulté de nier des faits trop connus des habitans du lieu o ù 'l’on
plaide, d’autres raifons, au nombre defquJles nous)-ne voulons pas compter
,Ce que quelques gens appellent l'inhabileté d’un défenfeur, & ce que nous
B
�to
enfuite en conféquencc d’un a£te non contrôlé, non re
connu par l’autre partie , à qui on ne l’a. pas même
communiqué, & qui n’en a.jamais, oui parler : en con
féquencc d’ un aftê abfolument étranger à la partie qui
le produit3.cn conféquence d’un 'acte nul.
Lasfargues a donc interjette appel de cette fentence..
L a demoifelle Combes eft morte peu de temps après*
ÎiiiTant pour Ton héritière teftamentaire la dcmoilelle
G u y , dévote de Sainte-Agnès. Celle-ci a repris l’inftançc.-
M O Y E N S.
Lasfargues demande la nullité du teftament de la de
moifelle Lasfargues, comme fait au profit d& fo n confefleur.
L a demoifelle Guy convient qu’un conféiTcur eft in
capable , & que tout teftament fait à fon profit eft nuL
D ’après cela, on croirait qu’il n’y a plus entre nous
qu’ une queftion de fait. Le fieur Combes était-il confefleur de la demoifelle Lasfargues? Point du tout. D e
quoi s’agit-il donc? Nous n’én iavons rien. N i la demoi
felle G uy non plus.
Elle difait, en première inftance, qu’il était inutild
d’examiner l’incapacité du fieur Com bes, parce que l’infappellerions fa loyau té, peuvent faire commettre une foule d’indiferétions*
Il feroit bien à defirer que la co u r, en preferivant aux juges inférieurs de ne
jamais refufer afte de ces aveux, quand on. le leur demande, & aux g-effiers
dinterçr c.ans les qualités des fûntenceî, les conclufions que les défenfeurs pourraient prendre a ce fujet, fe procurât ainil à elle-méme ? un moyen de plu?
de découvrir la vérité, objet confiant de fe* recherches.
�II
tirufion notait pas à Ton profîr; mais fous fon n om ,
au profit des dévores de Sainte-Agnès. Les premiers juges
onc adopté ce fyflême.
Sur l ’appel., ce ne fur plus cela. Elle foutin" d’abord
qnv 11c était concefïionnaiie dos (œurs, Icfquell s étoient
propriétaires de la mai (on aux termes de la contrelettre.
C e n’rft plus cela à prêtent. Elle fourient aujourd’hui
qu’ incapable ou non ,
ijeur Combes ayant recueilli la
fucceflîon de la dem''i(elle Lasfargues , en vertu d\in
teilamenr , &. lui ou Tes hér t ers ayant joui plus de dijc
ans encre préfens, de cette fucceiïion, il y a prefeription.
1
M ais à quoi s’en tient définitivement la demoiselle
G u y ? car elle n’exige pas, fans doute , que noub débat
tions tous ces fyftêmes contradictoires.
Au refte, il paraîr quelle a abandonné aujourd’hui
celui du fidéi-commis. Elle fait plus;
i
* elle nie de s'en. être
jamais fervi Et j’ai déjà oblervé que cette hard elle avec
laquelle nie la demoifelle G u y , vient du refus des juges
d’Aurillac, de donner afte à Lasfargucs de l'aveu qu’a
vait fait la dcmoiielle C om bes, lors de la plaidoycric.
M a i s , malgré ce refus , il nous refte encore allez de
preuves.
Les juges d’Aurillac ont ju gé, attendu ce qui réfultc
de la contre-lettre. Mais pourquoi cette contre-lettre figu
rait-elle dans ia caufe, fi ce n’était pour prouver le fidéicommis? Il cil clair qu’alors, on ne parlait pas de la
conceffion ; car, fi on en eût parlé, les juges n’auraient
pas manqué de prononcer, attendu la conceffion. E t peu
B 2
�11
importait qu’ on ne la repréfentât pas. Quand ils jugeaient
en vertu d’un a£te non contrôlé ^ non reconnu, non
c o m m u n iq u é o ù était la difficulté de juger en vertu
d ’un autre non repréfenté ! Il cil clair encore qu’on leur
donnait cette contre-lettre comme preuve du fidéi-comm is; car, c’eft attendu cette contre-lettre qu’ ils déclarent
Lasfargucs, qui demandait la reftitution de route la fucceifion , non-recevable dans la,,totalité de fa demande.
O r , fi la contrè-Iettre ne leur avait éré répréfentée que
pour prouver que la maifon appartenait à la commu
nauté , qui l’avait tranfmifc par fa conceiîion à la dc
moifelle G u y , les juges d’Aurillac n’auraient pas pu juger
comme ils l’ont fiit.
D ’abord, cette contre lettre attribuait une part quel
conque à la dcmoifelle Lasfargucs , membre de cettc
communauté, & dès-là à ion héritier. Les juges ne pou
vaient donc, attendu une contre-lettre, qui prouvait que
la fucceffion de la dcmoifelle Lasfargues comprenait une
partie de cette maifon, l’enlever toute entière à ion 'hé
ritier.
E t enfuite, cette conrrc-lctrrc n'avait rien à démêler
avec le reflx* de la fucctifion. On ne pouvait, par conféq u en t, attendu une contre-lettre qui ne parlait que
de la maifon , déclarer l’héritier non-reccvablc dans fa
demande en rcfticution du furplüs de la fucccifion, donc
la contre-lettre ne p a rla ir pas.
Que la demoilellc G u y ne vienne pas répéter ce qu’elle
a déjà dit ; que la demande en nullité du teftament &C
en reftitution de la fucccflion, aurait dû être formée à
domicilej que, ne l’ayant pas été, elle était nulle.
�i5
Pour être convaincu cju’clle ne l'était pas, il ne faut
que fe rappeller la procédure. Le fieur Lasfargues a l i
gne la demoifellc Combes en déiiilcmenr de pofleffion
de la maifon rue du Collège. La demoifcüe Combes
prétend qu’elle en eft propriétaire , en conféquence du
teilam ent; elle prérend, en outre & avec raifon, que
tant que ce teilament n’eil pas déclaré nul, on ne peut
lui ôter la îïiaifon qui fait partie de la fucccilîon. Voici
donc le fieur Lasfargues forcé de demander incidemment
la nullité du reftamenc/ & , par conféquent, la rtilitution de la fucceffion. Cette nullité du teilament était
cohérente aux prétentions de Lastargues fur la m aiion,
& inféparable de ces prétentions qui devaient fe juger
par cette nullité ; il fallait donc les joindre enfemble :
c ’eil ce qu'il a fait.
Ta fa it , Sc la demoiielle Combes
î ï ’a pas demandé la nullité de cette demande devant les
pr emiers juges. Ces premiers jugts n’ont pas non plus
déclaré cette demande nulle. Voyez leur fcntence. Ils
o n t, attendu la.contre-lettre, déclaré Lasfargues non-rccevable dans toutes fes prétentions.
Si donc c’était, attendu cette contre-lettre , & non
point par d’autres moyens que les premiers juges décla
raient l’héritier non-recevable dans la totalité de ia de
mande , rc’eft parce qu’ils donnaient à la contre-lettre
une influence générale fur la demande en entier ; in
fluence générale qu’on ne pouvait lui donner qu’en la
confidérant comme preuve du fuléi-com m is, que les
juges d’Aurillac peniaient faire dilparaître le moyen
11
^incapacité.
Je fais bien que ceci ne rend pas la fentence moins
�14
incompréhenfible. J e fais bien qu’on n’en concevra pas
davantage comment les premiers juges ont pu, en ton«:
féquence d’une contre-lettre nulle, faite en faveur d’une
communauté illégale &c rebelle aux arrêts de la cour ,
d’une contre - lettre non contrôlée, non reconnue ni
communiquée , déclarer valable un fidéi-commis nul fait
à cette communauté. Mais je .fais bien aufli q u e, fans
cette fuppofuion , la fentence des juges d’ Aurillac ferait
ridicule, & qu’il n’y a que cetce manière de lui faire
fignifier quelque chofe.
O u i, fans doute, on a donc dit en première inftance
que c’étaic un fidéi-commis. On l’a die, &. on a ea ra.lon
de le dire. La contre-lettre prouve en effet i’int n ion
qu’eut toujours la teftatrice de donner fon bien aux dé
votes. Son teftament, fait en faveur de fun co. feileu r*
qui partageait avec fon frère le rég me de la c >mmun^uté de Sainte-Agnès, le prouve encore. Enfin , la
jou iîknce qu’ont eue depuis le teitament, & qu’ ont même
encore, ma'gré le procès, les dévotes, porte cette preuve
jufqu'à l’évidence. J ’ai dit que les dévotes jouiiTent
encore aujourd’hui de la maifon. Cela eft établi par
Pextra;t rapporté du regiitre de l’Afliette , de l’impoiiti'on de la ville d’Auriliac, pour 1 7 8 5 , où les dévotes
font employées, pour cette maifon, pour 80 liv.«( Voyez
les pieces juilificarivcs (c ).
Que ce fidéi-commis demeure donc confiant. Qu’il
demeure confiant que les véritables adveriàircs de Laifargues -font les dévores de Sainrc-Agnès , &C que la
.demoifelle Guy nYft qu’un prête-nom complaiiànt ; &
,-ccla la rend ellc-nicmc moins excufablej puifqu’au lieu
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de n’ être coupable que de l’injuftice de dépouiller un
Héritier légitime d’unç fucceiïïon qui lui appartient, elle
l’eft to u t - à - la - fo is 6c de cette injuftice , & de rébellion
à l ’autorité de "la cour , donc elle aide aind les dévotes
de Sainte-Agnès à éluder les arrêts.
Au refte,,qu’importe à Lasfargues qu’il y ait ou n’ y
ait pas de fidéi-commis. S’il y en a u n , il eft nul ; car
la communauté à qui la demoifelle Lasfargues a voulu
faire paiTer ia fucceflion , étoit incapable de la recevoir.
S’il n’ y en a p a s, l’inftitution eft toujours nulle, car elle
eft faite au profit d’ un confeiTeur.
L a demoiielle G uy ne convient-elle pas qu'une inftitution faite au profit d’un confefleur eft nulle Oui. Que
prétend-elle donc encore?
C e qu’elle prétend, le voici: elle prétend que l’inca
pacité du fieur Com bes, vraie ou fau ile, lui ou fes héri
tiers , ayant joui vingt-deux ans en vertu d’un titre ,< la
prefeription eft acquife.
2
D ’abord la demoifelle Lasfargues eft morte en 176 0.
Lasfargues, né en 1 7 3 8 , avait à cette époque vingt-deux
ans. Il était mineur. L a prefeription ne court pas contre
les mineurs. Elle n’aurait donc commencé de courir qu’en
17 6 3 »-temps où il accomplifla't ringt-cinq ans. En 1 7 8 1 ,
temps de la demande, on ne pouvait donc lui oppofec
que dix-neuf ans de jouiflance.
Peut-on les lui oppofer aujourdthui ?
Il y a long-temps qu’on a dit que la prefeription était
Un moyen odieux. Je ne répéterai pas toutes les décla
mations qu’on a faites à ce iujet. Odieufe ou n o n , clic
exifte dans les loix , fit il faut refpe&er les loix.
�Mais il exifte auili dans les l o i * , que quand on a
défendu au fo n d , on ne peut plus o'ppofer la prelcription.
Voyez l’ordonnance de 1 6 6 7 , tir. 5 , art. 5.
O r , la demoifelle G u y , ou la demoifelle Combes, Ton.
auteur, a défendu au fond ; donc il n’eft plus temps d’oppofer la prefeription.
«
Lors de la plaidoierie de la caufe en première inftance,
la demoifelle Combes , de meilleure foi que Ton héri
tière, ne penfa pas à cette prefeription, que c e lle - c i ,
depuis, a fait valoir en défefpoir de caufe. Elle difeuta
l’incapacité, ôc dit que ccttc incapacité ne pouvait être
oppofée, attendu que le ficur Combes ne recueillait
rîen de l’inftitution , & qu’elle était pour les dévotes.
A la vérité, les juges ont refufé de donner acle de
çette défenfe. Mais leur fentcnce , qui juge attendu. la
contre-lettre , parle alïez en notre faveur , puiiqu’cjle
prouve qu’on a fait valoir des moyens quelconques tirés
dç la contre- lettre.
•
O r , ces m oyens, tirés de la contre-lettre , n'ont pu
être que l’allégation du fidéi-commis, comme je l’ai fait
voir plus h a u t;
quels qu’ils foient, ce n’était pas
du moins la prefeription. La preuve en eft , qu’aujour
d’hui que la demoifelle Guy fait valoir la prefeription t
il n’eft plus queftion du tout de la contre-lettre , mais
feulement du teftament.
P o n c , puifqu’avant de parler de cette prefeription
fondée fur le teftament, on a fait valoir d’autres moyens
fondés fur la contre-lettre , & qu’on a ainii défendu au
fond , il eft trop tard de penfer à la fin de no.n-rcçc.yoir. l/ordonnancc de 1767 eft précife,
P eu
�«7
Peu impórre qu’on ait depuis abandonné & la contrelettre & les moyens qu’on en tirait. Cela prouve bien
que l«t dcmoifelle Guy per.fe elle m ’ me que fes moyens
du fond ne valent rien , mais non pas qu'elle ait le droit,
après les avoir propofés, de revenir à une fin de nonrecevoir.
Il faut donc déclarer la demoifelle G uy non-recevable à
oppofer la prefeription.
Au relie, que la dem oifdleGuy n'ait pas de regret âib n
moyen de prefeription ; il ne valait ren .
Tout le monde fait ce qu’eil la prefeription fuivant les
loix romaines, & comment elles Pétabliflerir,
Regie générale fuiv nt ces loix. Il faur trente ans pour
p p ferire quelque chofe qne ce (oit : Sicut in rem fpec'ales%
ita de un ve>Jîtate ac petfonale s aci ones ultra tnginta
anno'um fpatium minimi protendati'ur. Cod. liv. 7 , cit. 39.
Exempt.on. Quiconque |ouit d>x ans d’ un héritage av«.c
t i r e &. bonne foi , entre p ié f ns a preferir : Emptor bonâ
f i i , contri prœftntem dtctnnii prœfcriptione , adhibitâ p rer
bai, o-ie jujlce pojjejf.cnts , deferìJus , abfolvi reclè poflulat.
Cod. liv. 7 , t’ t. 33. Cetre c>c< ption a été ¿rendue à bien
d'autres qu’ à l’acheteur. V . fh liv. 4 1 . Les ticres prò legato 9
pro dote , pro Juo , Scc. C ’<il cette derniere prefeription
que les loix appellent finguliercment prœfcriptio longi
temporis.
Mais il efl clair que cette prefeription n’a lieu que
pour les chof-S qu’on acquiert à titre fingulier',
point
pour une hérédité. Car la prefeription de dix ans étant
une exception «\ celle de trente ; & nulle part les Joix,
quand elles parient de cette exception, ne l’appliquant
C
�aux hérédités, il eft évident qu'elles n’o i t pis eu *a vo
lonté de l’étendre aux hérédités ; Scelles.ont eu grande
ment raifon de ne le vouloir pas.
Elles ont confidéré l'importance de l'objet- On ne
doit pas transférer la propriété d’une fortune entière
auili légèrement que celle d’une chofe fingulière.
Elles ont confidéré l’ignorance des droits plus po(TibIe‘
dans un cas que dans un autre. Il n’eft guère poffible
qu’ un propriétaire ignore, pendant dix an s, qu’ un de
fes biens eft poiTédi par un tiers. Mais il eft très-pofiible qu’un héritier ign ore, p e n d a n t ce t e m p s , que l a 1
lucceflion d’un parent, quelquefois éloigné, lui eft échue *
& qu’ un tiers s’en eft emparé en vertu d’un reftimenc
nul. Il y aurait donc injuftice de la part des loix de ne
pas faire varier le temps de la prefeription > en raifon de
la variation des circonftances.
Elles ont confidéré que celui qui envahit une hérédité
ne peut pas avoir des chofes qui la co n p o fe tu , U poffefilon corporelle quelles exigent plus par îcuHèrement
pour la prefeription déccnnaire. PoJfcjffio nudo anima
acquiri nequit. Une hérédité eft compofée d’ une multi
tude d’objets ; quelques - uns peuvent être poilédés par
le tiers ; quelques autres lui échapper. Pour les premiers ,
à la bonne heure; peut-être pourrait-on à la rigueur, &
fi les autres confjdérations ne s’ y o p p o s a ie n t , admettre
la p r e fe r ip tio n d é c c n n a ir e , p u ifq u e p o u r ceux-là la poffciîion concourt avec la bonne foi & le titre. Mais
ceux qui n’auraient pas été poffédés par le tiers, à qui
appartiendraient-ils ?. C ertes, ce ne fera pas à l u i , car
il ne les a pas poilédés corporçllement ; 6t la poiTeifioa
�*9
corporelle éft eiTentielle & indifpeniable. Pofjejfio nudo
animo acquiri nequh. C e fera donc à J’h ricicr ; car le
tiers ne peut pas lui cppofer, pour ces objets , le jufte
titre auquel ne s’eft pas jointe la poiTeflîon , comme il
p-uc l’oppoler pour ceux qu’il a réellement poflédés. Il
faudra donc alors caffer l’inft'tucion à moirié, en ordon
nant que l’héritier inilitué gardera les objers qu ’il a pofiédes, parce qu’ il les a preferits, mais qu’il ne s’emparera
pas des au:rcs, parce que i’inftitution érant nulle, il n’a
d ’autres droits que la prefeription , qui ne peut s’acquérir
tàns ^oildliun. O r, on fent que ce partage qu’on ferait
dans l’htrédité ferait abfurde t puifquc le titre d’héritier
cil indivisible.
Il a donc fallu ne pas foumetrre l’hérédicé à la pres
cription decennaire, mais feulement à celle trentenaire.
C ’eil ce qu’a fait la loi. Hœred'tatem quidem petentibus
longï temporis prxfcriptio noctrc non potejî, Cod. livt 7.
tlt. 3 ?»
Ainiï le firur Combes & fis héritiers n*ont joui que
dix a >s de 1 hérédité mal dévolue; donc ils n’ont pas pres
crit.' .
Us n’auraient pas preferir, quand même une hérédité
fe prefcrirait p-ir dix ans.
Trois chofcs font requifes dans la prefeription décen
n a l e ; le juile t i t r e , la bonne fo i, la poiTeiiion.
Deux de ces trois chofcs , iàns la troilieme, ne peuvent
faire preferire. Voyez D om at, Porhier..
(-La bonne foifurtout cil cffenriellement recommandée. 1
O r , le.-fieur Combes était-il de bonne foi? Non , il ne
^¿taïc pas.
C i
�tô
L ’ordonnance de 1 5 3 9 déclare nuls tons dons 8c téftamens faits au profit d’adminiftrateurs, parce qu’elift
répute toutes ces libéralités fuggérées. Le plus redou-i
table de ces adminiftrateurs eft fans doute le confeflTeür,:
puifque c’cft celui qui a l’afeendant le plus irréfiftible ;
auilî eft-ce à lui principalement qu’on applique la loi.
U n e foule d’arrêts ont caiTé des reftamens faits en faveur
des confeileurs ou de leurs monaftères.
Je n’ai dono point befoin ic i, pour prouver la mauVaife foi du fiéur Combes , d e faits a v e c lefquels ofl
trompe fouvent les juges» Je n’ai befoin que de la loi
qui ne trompe Jamais, L e fieur Combes était de mau-'
vaife fo i, lorfqu’il fuggéra le teftament, e’eft la loi quî
le dit. Il l’était lorfqa’il en profira. S’il était de mauvaife f o i , il n’a pas pu preferire par dix ans.
Que vient-on dire enfuite que cette nullité n’eftque
relative aux héritiers, S i qu^ils font les maîtres d’ y re
noncer. Oui fans dou tr, ils le fonr. Mais il ne fuiHc
p as, pour que la nullité foit dérruite, qu’ils foient les
maîtres de la détruire. Tant qu’ils ne l’ont pas anéan
tie , la loi s’exécute, 6c la nullité fublifte. Pour qu’elle
ne fubfifte plus, il faut qu'ils y aient renoncé e x p r e ffémenr. Mais ce n’ift pas aflez -, pour défaire ce que les
loix font , d’un filence de q u e l q u e s a n n é e s , produit peutêtre par l’ignorance , la crainte ou la pauvreté.
11 eft inconteftablc que fi > pendant les dix ans, le
fieur Combes eut été pourfuivi par Lasfargues , les loffl:
auraient traité le premier comme un homme de mau
vaise foi & un fuggefteur. Pendant ces dix ans-1^, il a
donc été de mauvaife foi à leurs yeux. E h bien, cette
�II
mauvaife foi a-t-elle p u , le jour de l’expiration des dix
a n s , en devenir une bonne? Et ce jour-là , celui q u i,
pendant ces dix années, a été déclaré par elles de mau
vaife f o i ; donc elles o n t, pendant ces dix années , ré
prouvé le titre , comme procédant de mauvaife foi ;
peur-il venir dire qu’il a un jufte titre , ôc qu’il a joui
de bonne foi ?
Non certainement. Dire que le ficur Combes doic
être préiumé de bonne foi , parce qu’ il a joui d ixn n s,
c’efl: tomber dans un cercle vicieux. C ’eft lui faire dire
je fuis de bonne f o i , parce que j’ai preferit, 6c j’ai pres
crit, parce q te je fuis de bonne foi. C e n’efl pas ainii
qu’il eft poiïible de raifonner. Vous me parle2 d’ une
prefeription fondée fur votre bonne f o i , examinons donc
cccre bonne foi , abftra&ion faite de la prefeription.
Examinons cette bonne foi , & jugeons-la comme nous
l'aurions examinée &. jugée le jour même où votre jouitfance a commencée. O r , ce jour vous étiez incapable,
un incapable n’eft jamais de bonne fo i, que l’héritier ne
l’ait relevé de cette incapacité ; dès - là il ne peut pas
preferire par dix ans. Ecoutez Pothier :
» L ’inftitution d’héritier d’une perfonne qui en était
» incapable par les loix , dit cet auteur , traité de -la
» prefeription, partie premiere, chap. 3 , étant un titre
» n u l; fi cet incapable, dont l’incapacité pouvait n’êrre
*» pas connue , s*eft mis en pofleifion dos biens de la
** fucceflîon du défunt qui l’a inftitué héritirr, fon titre
» étant un titre nul , il ne peut rien acquérir par prefM cription des biens de cette fucceilion. Confiai cum de-
�XI
»> mîim qui tefiamenti faclionem habet pro hotrtdt ufu.
» capere po£e. L . 4. ff. 1. hczn
» Il en cifc de même d'un legs qui aurait été fait à cet
» incapable ; il ne pourra pas acquérir par prefeription
n la choie lig u é e , dont l’héritier,cjui ne connaiiTait pas
» Ton incapacité, lui a fait délivrance : car le legs,qui
» eft le titre d’où fa poiTefîion procède, cft un titre nu}»
» qui ne peut fubiîikr en fa perfonne, étant incapable
» du legs ».
En un m ot, la bonne foi requife pour la preferiptian
«de dix a n s, cft, comme la défit, iiïcnt tous les auteurs *
la jujle opinion qu’on peut acquérir la chofe qtion acquiert.
O r , un confeiTcur déçlaré incapable par les lo ix , &. p’.us
encore par fà confciencc ; un conf^iTur q u i, quand il
ferait vrai qu’il n’aurait pas fuggéré, doit croire que la
fuggeftion s’eft opérée toute feule ÔC fan§ |e concours de iâ
volonté ; un çonfeiTeur qui , par délicaceffe , par reli
gion , devrait refufer la fqcceiîion d’ une de les péni
tentes, quand la loi ne lui en ferait pas un devoir , at-il la juftç opinion qu’il peur acquérir la fucceffion d’une '
femme qui a 4«-*s parçns pauvres , à qui il fait généreufemenf léguer 5 f. ?
Qu’on et (Te cjonç doppofer cctçe ridicule prefeription,
& revenons au fair, Le fieur Combes éraic il confeiTcur
de la dcmoifclle Lasfargues ? La dcmoifelle Guy le niea
¿C foytient que le P. JJroquin 3. été le co.nfetleur de la
dcmoifelle Lasfargues &ç. le fiipéricur de Ja çommunauté
jufqu’çn 1 7 ^ 1 » époque de la, diiïojutfon de la fociéié,
diiTolution qui a entraîné celle de U communauté d
Sainte-Agri&s, Deux fauiletés.
<5
�2*
D ’abord , le P. Broquin eft mort avant 1 7 1 1 . ( V o y e z
les pièces j 11 ftifîcarives (cL, ). Donc en, 1 7 6 1 la demoi
selle JLasfargues avait un autre confelTeur &C. la commu
nauté un autre fupérieur.
Enfuire la communauté n’a pas été di(Toute avec la
fociété y en 1 7 6 1 , car nous arriculons que cette com
munauté exifte encore , qu’il y a dans ce moment - ci
plus de foixante dévotes de Sainte-Agnès : que les grandes
officieres demeurant dans la maifon en queftion , avec
la demoifelle G u y , fupérieure a&uelle: que les autres
s’y raiTemblent tous les jours. Nous faifons plus ; nous
le prouvons, i ° . par l’extrait du regiftre des impofitions
de 1785 , où les filles dévotes, dites Broquines, font impofées pour 80 liv. pour leur maifon. ( Voyez les pieces
juftifîcarives (c) ). La demoifelle Guy ne prétendra pas
apparemment que ce font les fœurs mortes en \~j6 z
qu’on -impofe en 1 7 8 5 ; z° par toute la procédure faite
devant les premiers juges depuis 1 7 8 1 jufqu’en 1 7 8 4 ,
où la demoifelle C om b es, que fon héritiere n’avait pas
prévenue de fon projet, prend maladroitement la qua
lité de fille dévote. La demoifelle Guy ne dira pas fans
doute qu’ il eft d’ufage à Aurillac de mettre fes vertus
dans fes titres. Il eit probable qu’une fille pieufe d'Aurillac ne s’y intitule pas plus fille dévote, que la demoifelle Guy ne pourrait s’intituler à Paris fille véridique.
3°* Par la fentence même dont Lasfargues eft appellanr.
On y voit que le miniftere public y prend des conclu
io n s contre les Broquines ; donc il en exifle encore.
L a demoifelle Guy & le fieur Lasfargues étant fi peu
�A4
d’ accord fur les faits , il efl: évident qu’il faut des té
moins. Je répondrai brièvement à quelques autres raifin s q u ’ e m p lo ie la demoifelle Guy pour empêcher qu’on
en écoute.
« Pas de témoins au -d e là de jo o Iiv. »?. Paiïbnt#
Ceci ne mérite pas de réponfe. On fait affez qu’on l’ad
met au-delà, quand il n’a pas été poffible de (e procu
rer d’autres preuves. O r , il n’éta t pas poflible que l’héri
tier de la demoifelle Lasfargues fit reconnaître au ficur
C o m b es, par un a£le devant notaires , qu’il confciïait la
demoifelle Lasfargues.
« Les |oix romaines défendent d’élever aucune quef»j tion fur l’étac des défunts cinq ans après k u r morr
Paflons encore. Cette loi n’a pas lieu parmi nous. D ’ail
leu rs, qu’un homme air été ou nen conft fle u r d’une
perfonne, cela n’ii.flue en aucune maniéré fur fon état
civil.
«i Effc-il temps de demander à prouver un fait, pat
» témoins, vingt-deux ans après qu’il s’eft paiTé » ? Sans
d o u t e , fi l’a£tion de Lasfargues n’efl: pas preferire, ÔC
j ’ai prouvé qu’elle ne l’était pas. La veille J e l’expiration
d’une prefeription on a tous les droits qu’on avait le pre
mier jour quelle a commencé de courir.
Point de difficulté donc d’admettre la preuve teftijnoniale,
D oisrje, en fîniffant,, parler dequelquesconfid^rations
que préiente cette cayfe ? Non, Car pour qui parleraisje ? Pouf k s magiftrats ?
Jfç jp'ai pas bçfoip de déduire leurs cceurs3 puifque j’ofe
�me flatter d’avoir convaincu leurs cfprîts. Pour la defnoifelle G u y ? fi la religion & la juilice , fî la mifère de
Lasfargues, fi celle de Tes enfans & leur nombre , fi la
confcience n’ont rien dit à la dcmoifelle G u y , je n ’ai ricit
Bon plus à lui dire.
•
M o n fitu r H Ê R A U L T , A v o c a t - G é n é ra l.
M c B E L L A R T , Avocat.
P r u d h o m m e , Proc.
CONSULTATION.
»
T iE
C O N S E IL S O U S S I G N É , qui a pris le&ure du
mémoire pour le iîeur Lasfargues, 2c des pieces juftificatives ;
que la jtèntence des juges d’Aurillac doit être
infirmée ; que la demoifelle Guy eft non-recevable à
oppofer la prescription , & qu’il n’eft pas poiïïble de ne
point admettre le fieur Lasfargues à la preuve teftimoniale que le fieur Combes était le confeiTeur de la demoi
E
s t im e
,
selle Lasfargues.
D élib éré h P a r is t c e -j m ai 1 7 8 7 .
P a n is.
D
�PIECES JUSTIFICATIVES.
(a) A p p e r t
du livre-jo u rn al des dettes paffives du collège
d’Aurillac, qu’en 1 7 1 6 , 1 7 1 7 & i 7 I 8 , l e s ci-devant jéfuites payaient
à Marie & Catherine Lasfargues, fœ ur & tante, de la ville d’A u
rilla c , & fille de Sainte-Agn^s, pour la fomme capitale de 1 }uo liv .,
à fonds perd u, la penfion de 75 liv ., par contrat de m ain"privée,
du 13 avril 1 7 1 1 .
Plus,
l’état des dettes paffives du co llège, du 13 avril 17 7 6 .
M arie L asfargu es, fille dévote de Sain te-A gn ès, plaça , à fonds
p erd u , la fomme de 3000 liv ., dont il lui fut créée une rente de
1 5 0 l i v ., qui lui fut payée jufqu’à fon décès, arrivé le 14 novembre
17 6 0 . 'e certifie lefdits extraits conformes à l ’original. Signé, Piganiol',
prêtre & principal du collège' d'A urillac. •.
(b) L ’an * 7 2 7 , le 1 3 o ftob re, pardevant, & c. furent préfentes, & c.
religieufes, compofant le monaftèie de laVifitation de N otre-D am e
d’Aurillac.
L efq u els, de gré , ont vendu à Marie Lasfargues, M arie Gazar &
Anne D elb o s, filles dévotes de Sainte - Agnès , de lVflTeinblée du
révérend père B ro q u in , une maifon , fife rue du C o llè g e , ■& ap
partenances, moyennant 1 3 0 0 liv ., en dêdu&ion de laquelle lefdits
de Lasfargues, G azar & D elbos, ont pavé 800 liv. pour les <¡00 liv.
reflan s, créé & conftîtué folidairement 25 liv. de rente. (Cette rente
a depuis été rembourfée par la dtm oifdlt Lasfargues).
( c ) Extrait de l’affiette de la paroiiïe & ville d ’ A urillac, année
17 8 0 . Les filles d évotes, dites Broquines , pour
une maifon. .
.
. . ...................................... .
C e n s .................................................................................... •
T aille................................................ .....
•
•
•
80 1.
.
9
Impôt......................................................................... .
4
Capitation. ............................................................................
Expédiée à Aurillac, ce 2 avril x7 8 7 . Signé ,
R e y t , pour le greffier.
.
..................................
8 f.
d.
I
1 J
10
2
y
p
�*7
• ( (I) Extrait des livres ,<de dépenfes., journaux & autres , qui fe
trouvent dans les archives du collège d’Aurillac , occupé par les
ci-devant jéfuites , jufqu’à la difïolution de cette i'ociété. D ans la
L iè v e générale dés jévenüs dudit collège, commencée en 1 6 9 2 , eft
écrit ce qui fuit, fol. 1 1 6 , v ° :
L e R . P.. Broquin a reçu , depuis quelques an nées, la iomm e’
de 36 0 liv. de certaines perfonnes, qui ont fouhaité fonder une retrare de huit jours à Saint-Chaman. C e fut en l’année 1 7 0 1 , que
le père Broquin fit paifer cette fondation par un a ft e , qu’il fit figner
par le père de M oiflïer, refteu r, & le-père D elm as, fyn d ic, qui
acceptaient & ' recevaient ladite fomme des mains d’une veuve. L e s
fufdites perfonnes quj ont donné pour cette bonne œ uvre , fupjpofent
que cette iomme a été prife & reçue par le collège, & qu’il en
reçoit le revenu; elle eft encore entre les mains du père Broquin:
& bien qu’ il paroiiTe par le fufdit afte paiTé au nom defdits pères
M o ilie r & D elm as, ladite fomme de 360 liv. n’a pas été livrée
auxdits pères , qui , par conféquent, ne l’ont pas mife dans le livre
du reçu. Cette remarque a été mite ici, afin qu’il confie que cette
fomme n’a pas été reçue , qu'elle n’eft pas p lacée, & qu’il n’eft que
le père Broquin qui fâche où elle eft ; & qui a dit que quand on
la placerait, il la trouverait marquée le 14 avril 17 6 4 . D e lm a s ,
féfuite.
Plus bas font écrit ces m ots:
Nota. Qu’à la mort du père Broquin, le père Senezargues ,
re&eur pour lo rs, s’em para de tous les papiers de ce père ; peut être
qu’il a trouvé dans ces papiers l’emploi de fufdites 360 liv.
Appert du livre de la dépenfe du collège d’A urillac, commencé
le premier janvier 1 7 0 7 , que , le 1 4 novembre 1 7 1 8 , le père de
Fertague s’eft démis du red o rât, & ledit révérend père de Ssne2ergue en prit pofleffion le même jo u r, dont il fe démit le 1 2 janvier
* 7 1 1 , jour auquel le père Bonnarme en prit pofleifion ( 1 ) .
( 1 ) Le pè e Senezergues, pendant /on redorai, s’empara des papiers du père
Bfoquin, à la mort de ce dernier. Le père Senezergues fe démit du reitorat en
�V
iS
Je fouff i g n é, G eraud P ig an io l, prêtre & principal du collège
à
A urillac, certifie à tous ceux qu’il appartiendra, que les extraits
ci-deff us ont été tirés, m ot-à-m ot, des journaux & livres de dépenfe
des ci-devant jéfuites, lefquels journaux font dans les archives dudit
collège. A A u rillac, ce 22 février 17 8 7 . Sign é, Pigan iol, prêtre &
principal du collège d Aurillac.
1 7 2 2 ; donc la mort du père Broquin, arrivée pendant le rectorat du père Sene*
zergues, qui f e de m i t 1 7 2 2 , eft arrivée, au plus tard, en 1 7 22 ; donc il n’a
pas été le dernier confeffeur de la demoifelle Lasfargues, en 1760.
De l'imprimerie de la V * H e r is sa n t , rue Neuve Notre-Dame, 1787#
�
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Factums Vernet
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lasfargues. 1787]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Hérault
Bellart
Prudhomme
Panis
Subject
The topic of the resource
congrégations féminines
jésuites
sœurs Broquines
contre-lettre
donations déguisées
successions
nullité du testament
abus de faiblesse
fideicommis
prescription
droit écrit
Description
An account of the resource
Mémoire pour le sieur Lasfargues, chaudronnier, à Aurillac ; Contre la demoiselle Guy, sœur dévote de la soi-disante congrégation de Sainte-Agnès, de la chambre du père Broquin, jésuite.
Consultation.
Pièces justificatives.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de la veuve Herissant (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1787
1720-1787
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0110
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Rights
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